Karajan, le dernier fils de Prométhée

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HERBERT VON KARAJAN PREMIER MUSICIEN CLASSIOUE A NVOIN FAIT UN PACTE AVEC LE MARKETING, IL FUT [ULTIME GRANDE FIGURE DE CES CHEFS-SURHoMMES SEULS IvRiTRTs DU FEU SNCNT. NPNES IrS Rrururrs ANNIVERSAIRES 2OO8 ET 2009, PRENONS UN PEU DE RECUL POUR UN BILAN. www qobuz com/classica Classica mai ZOIO g7

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PREMIER MUSICIEN CLASSIOUE A AVOIR FAIT UN PACTE AVEC LE MARKETING, IL FUT L'ULTIME GRANDE FIGURE DE CES CHEFS-SURHOMMES SEULS MAITRES DU FEU SACRÉ. APRES LES ANNIVERSAIRES 2OO8 ET 2009, PRENONS UN PEU DE RECUL POUR UN BILAN.

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Page 1: Karajan, le dernier fils de Prométhée

HERBERT VON KARAJAN

PREMIER MUSICIEN CLASSIOUE A NVOIN FAIT UN PACTEAVEC LE MARKETING, IL FUT [ULTIME GRANDE FIGUREDE CES CHEFS-SURHoMMES SEULS IvRiTRTs DU FEUSNCNT. NPNES IrS Rrururrs ANNIVERSAIRES 2OO8 ET2009, PRENONS UN PEU DE RECUL POUR UN BILAN.

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Ci-dessus :Karajan et sonepouse Elietteen octobre 1963sur le chantierde la nouvelle sallede la philharmoniede Berlin, peuavant l'inauguration.Lanctenne salle avait6t6 d6truite d6but1944. l_emplacementchoisi se situait entrele Tiergarten etla Potsdamer platz,un quartier de Berlinrasel par les bombes.

Ci-dessous :En studio avec destechn iciens. Karaianvoulait la maitrisetotale de ses enre_gistrements dansles moindres ddtails.

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( LE FALEUX SON IilRAIAI{ RESUXTAIT DE

TRENTEQUATRE AIIS DE COIIÄBORAIION lpouvaient la suivre. En fait, les musiciens devaientse döbrouiller pour ötre ensemble. Rattle arrive surle podium atteclapartition dans lat\te et iI se montrebeaucoup plus pröcis dans ses mouvements et ses de-mandes. > D'un cötd une ondulation continue su-pdrieurement dlögante et suggestive des mains, del'autre des gestes mieux ddfinis, plus directifs. Lecadre se resserre, Ie point se fait, les lignes se des-sinent plus fermement et, in€vitablement, le sonchange. Il n'a certes plus la densitd et la rondeur

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des anndes 1960 et 1970 mais, en revanche, il dclairedavantage la polyphonie et ne dissimule plus ies

vents derriöre un 6pais rideau de cordes. Et il varieau grd des dpoques et des compositeurs.I1 n'en reste pas moins que le u son Karajan > a in-contestablement marqud les esprits des auditeursmais aussi des orchestres qui tendent, aujourd'huiencore, ä gommer les attaques. < II manque Ie legato.

Tout doit \tre embrumör, röclamait Karajan lorsd'une r€pdtition dela Symphonie n"9 de Beetho-ven, regrettant d'entendre chaque note < comme auclavecinr. Ne sous-estimons pas, en outre, Ies in-gdnieurs du son, Günter Hermans notamment, et

I'acoustique rdverbdrde de la Jesus-Christus Kirchede Berlin, siöge de nombrer;,x enregistrements :tousont participd ä l'6laboration d'une conception so-

nore öminemment discutable. Les enregistrementsEMI des anndes 1970 fiisent ainsi la caricature.

La puissance de I'orchestreFlüte solo ä Berlin depuis 1993, Emmanuel Pahudpröcise ä raison que la nature du son d'un orchestre,de Berlin ou d'ailleurs, r'arie au 916 des chefs. Etd'ajouter : ,, Ce famewc sort rösultait de trente-quatreans de collaboration. L'orclrcstre s'ötait entiörementcoulö dans Ie motile Knraian , I1 transmettait doncl'idöal de beautö sonore du chel signald par unlegato perpdtuel, de superbes reflets ambrds et unesonoritd opulente. " Quand Karajan dirigeait les

symphonies de Beethoven, il employait un gros or-chestre symphonicpre corrrptant seize premiers vio-Ions. Abbado n'en cortservait que douze. Cela sur'prit naturellement Ie public habituö d dattantage de

puissance>, se souvient Rüdiger Liebermann. Laquestion ne date donc pas d'aujourd'hui.Pour €tre objectif, on est surpris de certaines approxi-mations dans les enregistrements des anndes 1980

de Karajan et du Philharmonique de Berlin qui cor-respondent bien mal ä l'idde que vöhiculent ces deuxnoms. <II sufisait que Karajan se sente inspirö pourqu'aussitöt on branche les micros et enregistre en uneseule priser, prdcise Rüdiger Liebermann. Mömes'il n'dtait pas encore dans I'orchestre, EmmanuelPahud sait qu ä Ia fin de son < rögne >, les rapportsentre le chef et ses musiciens n'dtaient plus au beaufixe. Aussi les enregistrements pouvaient-ils se rda-liser sans röelle connivence ni dialogue.On se saurait donc trop conseiller ä certains grin-cheux d'6couter avec leurs oreilles et non leurs pr6-jugös avant de considörer une dventuelle baisse de

niveau de l'orchestre ou un changement radical desa couleur. Sans se concerter, Rüdiger Liebermannet Emmanuel Pahud parviennent tous deux ä lam€me conclusion : < Le son est de toute fagon assurö

par I'orchestre qui choisit lui-möme les musiciens r,avance le premier. < C'est notre travail de faire le

son>, ajotte le second. A bon entendeur. . . aPhilippe Venturini

En 16p6titionavec I'Orchestrephilharmonique deVienne dans la salledu Musikverein.

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n camöIöon musicalr. Quelques anndes plus tard,on peut lire dans un magazine fianqais que ulorsque

la Philharmonie de Berlin aura perdu son identitödans Ie cosmopolitisme de la world nusic, il sera

temps de faire appel ä [Christian Thielemann] ,.Simon Rattle a-t-il vraiment dönaturd Ie son de l'or-chestre ? Les deux concerts des 26 et27 f€vrier der-niers ä la Salle Plevel ont d€finitivement prouvdla consternante stupidit6 d'une telle assertion.On peut möme dire que jamais l'orchestre n'a at-teint un tel niveau de perfection instrumentale in-dividuelle. Le finale dela Symphonie n" 2 de Stbe-lius a rappeld que la puisance unique des contrebasses

de I'orchestre n'appartenait pas au pass6.

Violoniste au sein de I'orchestre depuis octobre1980, Rüdiger Liebermann explique simplementla diffdrence de son entre Karajan et Rattle: <Iagestuelle de Knra.ian ötait vös particuliöre. Seuls les

orchestres de Berlin et de Vienne, familiers du chef,

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claireus lesYarle

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endantsA lR otspRRtTtoN DU MAITRE, LA ouESTroN sE posA TRES VtrE : out ALLAIT LUt succEDER,

ET D'ABORD ffRtf-Cf POSSIBLE? L'HISTOIRE A DONNE LA REPONSE: EN FAIT, KARAJAN N'A PAS

VRAIMENT EU DE DAUPHIN. D'AUTRES SONT VENUS, OUI ONT FAIT LEUR THERITAGE DU PERE.

CIAUDIO ABBADO1a1 uccession ä I' de

\Berlin, etape f älJvie r, les mus dopour lui succdder en octobre I 989. Rdvolution oucontinuitd ? Un peu les deux. Le caractöre du pla-cide Italien, musicien ambitieux et mediatique,choyd, comme son prddöcesseur, par l'industrie dudisque, tranche cependant avec celui de I'autocrateKarajan. C'est une star, mais ä hauteur d'homme.Avec lui,les musiciens appröcient de < ne phrs nvoirpeur r, comme nous le confiera l'un des pr-emiersviolons. Durant son mandat.Abbado tante de chan-

ger les habitudes de programmation en proposantdes thömes transversaux, et prös d'un tiers de l'ef-fectif de l'orchestre est renouveld. Du coup, si sespremiöres rdalisations (symphonies de Brahms

titre, mais ndanmoins inaboutis. Le mariageAbbado/Berlin ne fut jamais vraiment consomm€et passerait aujourd'hui comme une phase de tran-sition entre Karajan et Rattle. On ne succöde pas

noritd de l'orchestre. Ddsormais capabled'aborder tous lesil aborde certains(EMI), qu'on a d'ritage soit ressenti

SIMON RATTLE6 uccession au Philharmonique de

\Berlin,6tape no2. Depuis 2002, unLJiconoclaste a pris les rönes : ddmo-crate et 6clectique, pödagogue et philo-logue, et pour la premiöre fois depuis lacrdation de I'orchestre, dtranger ä la tra-dition allemande, Simon Rattle est unmusicien bien diffdrent de Karajan. Ilveut ddsormais tout iouer, de Rameauä Adams. Il est trop töt pour faire le bi-lan de son mandat, qui vient d'€tre pro-longd jusqu'en 2018. Tiavaillant le ddtailplus que la ligne,la couleur au d€trimentde la forme, Rattle aura boulevers€ Ia so-

Preuve que nous vivons bien dans un autre monde. I

NIKOTAUSHARNONCOURTT 'anti-Karajan, c'est lui! Tout semble

I opposer les deux hommes. D'unLI cöte la star mddiatique adepre d'unpostromantisme crdpusculaire. De l'autreun musicien de rang devenu professeur etchei balayant la tradition en reddcouwantI'dloquence baroque. . . Et pourtant. C'estKarajan qui a recrutd Harnoncourt auSymphonique deVienne en1952. <Je nepartageais pas ses conceptions, mais ses

crescendo s me fascinaient >, concöde l'an-cien violoncelliste. Avec le temps, le suc-cös de son ensemble Concentus Musicus

B.D

comme ga au maestro du siöcle... I B. D.

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VAIERY GERGIEV

MARISS ]ANSONS

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< de, Jean-Pierre ponnelle),

il confiera un jour com-bien les conseils du vieuxchef furent pröcieux aumoment d'accepter- leposte de directeur musicaldu Metropolitan Oper.a deNewYork. <Dites oui s'ilsyous yeulent pour atL ntoinsdix ans,lui avait gliss6 Ka-rajan, c'est la duröe mini-male potu'ötablir un bilansur le long terme.> Le conseilfut entendu, car Levine addpassd aujourd'hui lesdeux mille cinq centsconcerts au Metropolitan,soit plus de mille de plusque Karajan avec Berlin.Mais les comparaisonss'ar:r-ötent lä. o J. R.

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Les secrets de

SES VENTES DE DISOUES, A TAIRE PAIIR LES VEDETTES DE U VNN TT, SE COMPTENTAUJOURD'HUI ENCORE EN MILLIONS... C'EST DIRE LES SOMMES COLOSSALES EN JEU.MAIS LA GESTION OE TUER RGE COMPORTE DES ZONES D'OMBRE INACCESSIBLES.

eux.cent trente-cinq millions de. dlsques vendus. Un tiers du

chiffre d'affaires de DeutscheGrammophon (DG). plus d'al_bums 6coulds que les Beatles.

Un empire estime ä plus de266 millions d'euros. euänd Ka_

jan s'6teint, le l6 juillet 1989, lesra;an s.etelnt, le l6 juillerqui fleurissent aussitöt dans lar uLurrJrcrrr dussrtot oans la presse rn_

ternationa_le ne se contentent pus d. ,upp.i., ,, ."._

(EN 2008, tAI{NiE DU lUntrr nerele-lu, PLUS DE8 MIIIIONS DE CD ET DVD ONT fTE GTVDUSU

nous auons fidölisö enyiron 20 000 ache_

aussi ses deKarajan fairde disques?difficile de 16

aprös sa mo

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rge fi-min€.6den-:d'in-s par-e,DG,te desrre, enndre>I, sonentierrnfon-Salz-

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A Ia grande 6poque, l'argent a donc could ä flotsdans l'escarcelie du chef. Quelques mois aprös samort, Paris-March se livre ä une estimation de sonpatrimoine:ses actifs, placds dans diverses banqueseuropdennes et internationale, se chiffreraient ä907 millions de francs, auxquels viennent s'ajou-ter Ie chiffre d'affaires de sa sociötd de productionTelemondial, basde ä Monaco (105 nillions defrancs) et quatre propridtds : Ie chalet Blondinetteä Saint-Moritz (sa rdsidence principale, qui lui per-

ccordös parune grandet-Tropez etSalzbourg.

Sans compter levorlier HöIisar4 le jet prir.d et autresvoitures de luxe, dont une Porsche et une Ferrari< Testarossa >.

De quoi subvenir largement aux besoins de ses troishdritiöres, d'autant que les royalties ndgocides deson vivant avec un redoutable talent de financiercourent jusqu'ä 2059. En homme d'affaires avis6,Karajan veillait ä tout, jusqu'ä faire prdvoir sur ses

contrats I'exploitation de sa musique sur <les moyenstechniques non encore inyentös >.Les astuces imagi-ndes par le musicien pour multiplier ses royaltiesn'ont pas de limites : en l97l,les parlementaires deBnxelles lui confient la mission d'orchestrer l'hyrnneeuropden ä partir de mdlodies de Beethoven. Le chefaccepte aussitöt mais refuse catdgoriquement d'aban-donner ses droits d'auteur sur cet ( arrangement ).Un mdmorandum < confidentiel > de mars 1972 rö-

digd ä l'intention du Secrdtaire gdndral du Conseil del'Europe tdmoigne du n-ralaise des par'lementaireset de leurs multiples tentatives pour ndgocier avec l'im-presario du maestro, Emil fucker. Peine perdue :

aujourd'hui encore, les roralties gdndrdes par I'inter-prdtation de I'hyrnne sont perques par sa succession.

59,5 millions d'euros dilapid6sTelle une bombe ä retatdement, c'est seulementquinze ans aprös sa molt que la succession du mu-sicien va rdvdler toute sa complexitd auprös des prin-cipaux intdressds. En 2004, Eliette von Karajan porteen effet devant le tribunal de Chur, capitale du can-ton des Grisons,le litige qui l'oppose äWer.ner Kup-per, I'exdcuteur testamentaire de son mari. Elleaccuse cet avocat zurichois de gestion hasardeusesur l'hdritage de son mari, ä hauteur de 85 millionsde francs suisses (prös de 59,5 millions d'euros)dilapidds entre 2000 et2002.Le journaliste Werner Pellinghausen, qui renditcompte du procös pour une rel,ue dconomique suisse,a pu avoir accös aux nombreux documents versdsau dossier. Il y ddcouvre entre autres que le maestroavait placd sa fortune dans toutes sortes de paradisfiscaux, de Panama aux Antilles nöerlandaises er-t

passant par Monaco. Mais surtout, les principaux ac-tiß rassemblös de son vivant par Karajan transitent parune fondation basde au Liechtenstein, baptisde H6-libelle et dchappant totalement au contröle de la fa-mille du musicien. Ladministrateur en est WernerKupper, et ce jusqu ä sa mort. Lautre membre ...

Photo de familledevant la maisond'Anif, ä cöt6 deSalzbourg.A gauche, les deuxfilles, Arabel (sur lev6lo) et lsabel.Uune est filleule duPhilharmonique deBerlin, I'autre decelui de Vienne.Aujourd'hui lsabel,I'ain6e, passionn6ed'6quitation, estdevenue actrice.Bas6e en Suisse,elle est apparuedans divers t6l6-films ainsi que dansdes piöces deth6ätre. Le 26 avrildernier, elle assuraitle 16le de danseuse,r6citante et actricedans L'Histoire duSoldat de Stravinsky,sur les planchesd'un 6tablissementde Vienne.Ouant ä Arabel,c'est du cöt6 durock alternatifbulgare qu'elle atrouvd sa voie.

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ner Kupper dans la baisse des revenus gdndrds parle patrimoine du chef d'orchestre est ai,erde.

^

Seul problöme pour Eliette von Karaian :la sentencesuisse n'a pas de valeur e\ecutive au Liechtenstein.\Verner Kuppel reste donc seul maitre ä bord d,H6li-belle, conrme le confirme aujourd'hui Ervald Markl,ancien proche de Karajan devenu I'homme deconfiance d'Eliette : u )vlonsietrr KtLpper est actuel-lernert le setl president de la fondÄiiort Hölibelle.Cette _fbrrdttiort Ltccorde des strbyentiotls d des boursespo_Ltr de .1eutrcs nrtistes ott des projets scientifiques.C'est ltti tyLi est assis sur I'argent et attriittte les

des traces postales ä Berlin et ä

Cologne, canalise donc encore unepartie de l'hdritage.Tout avait pourtant bien com-mencd. En 1993, l'h€ritage effec-tif du maestro est rdparti entreEliette et ses filles sous la houlettede I'homme de loi zurichois. Lesdeux filles reqoivent chacune7,5 millions de francs suisses, re-nonfant au reste de l'hdritagepour fäire de leur möre l'hdritiöreunique. A sa mort, elles hdrite-ront aussi des propridtös d'Anifet de Saint-Iloritz. A cette dpoque,Eliette accorde möme une pro-curation ä \\'erner Kupper pourses besoins personnels, qu'elle luiretire en iuillet 2001, toujoursd'aprös le tribunal suisse. Ques'est-il pn55s sntre-temps ? < Toutes11-i q1i;..ti,'71.s relatives ä MonsieurÄrippir';t n Eliette von Karajan re-/,rt'rrt, iri dot tnine privä et d ce titrent pctn'etlt ötre discutöse en pu-1'lii . de.lare I'lnstitut Karajan.L n connaisseur du dossier rdsumeainsi la situation ; < Eliette yon Ka-

Gunther Breest, ancien produc-teur chez DG et collaborateur del'epoque de Karajan, a suivi deprös la eenöse de ce projet pha-raonique : nKarajan ötait arrivöti trtt poirtt de sa vie oü iI voulaitntnitriser hLi-tttöme toute la chaine

Eliette von Karajan äSalzbourg, en juillet

1965. La Rolls-Roycefamiliale appartient

ä la collectionde voitures (de luxe

ou de sport) dumusicien, passionn6par la vitesse et par

la m6canique.

Kupper est deverttre ,1t pltts cn pllß ouverte>.C'est ici qu'interr ient un troisiöme personnage-cldde ce dossier complere : Uli Mäikle. tn ISSZ,Karajan recrute cet a en responsable du servicede presse de DG ä H boure pour f installer ä la

UN IOURNATISTE DfCOTIVRE OUE I{ARAIAN API.ACE SA FORTUNE DANS DES PARADIS FISCAUX

tute "jungle" de fonda-pour ddtailler les acti-Kupper ni Peter Ritteros questions. Il semble

que cette mystdrieuse organisation, dont on trouve

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d-e productiorr. Il nvnit ddiä fait la plttpart de ces

fameuses vidöos at'ec Lititel'llafirme fbnä6e dans lesanndes 1970 avec le magnat allemand Leo Kirch- Ndlr], mais il ayait son idöe trds pröcise sur Ia fa-qon dont il vottlnit les re.faire portr son "hörirage,'.

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DG i occupait en qtrelque sorte de Ia bande originalede ces filnts, dont elle vendait excltLsiyenrent les CD.C'ötait un btrsiness complexe, ntais phtöt malin : DGpayait pour totLs les enregistrenrcnts, nu-Iesquels Ka-rajan recevait une avance, ptris 10 o/o de royalties, Nottsavons aussi fotLrni toutes les infrastructures atrdio, btiapportait seulement l'öquipentent yidöo. Enstrite il atout revendu ä Sony pour önornüntent d'at'gent ! Il afait venir Sony car il ne croyait pbLs ä la cassette vi-döo nnis au Laserdisc, d'ttne qualitö bien sLLpörietn'e. >

Ce que ni Karajan, ni Sorry n'avaient prdr,'u, c'est quele Laserdisc serait trös lapidement ddpass6, notam-ment par le DVD. En septembr:e 1989, le PDG deSony, Akio Morita, qui avait pratiquement recueillile derniel soupir du chef sur son lit de mor.t, annoncefiörement au monde que la marque japonaise de-vient le ddpositaire officiel de cet hdritage de l6gende,oü figurent notamment le concert du Nouvel Ar-r

1987 ä Vier-rne etla Messe du courontrctnent de Mo-zart ä Saint-Pierre de Rome. Sony ne t,endra que250 000 Laseldisc, un öchec commercial cuisant.

D'autres tr6sors cach6sAvec l'argent de Telemondial, Uii Märlde, restd ad-ministrateur de la sociötd aux cötds de \\Ierner- Kup-per aprös la n.rort de Karajan, se lance dans laconstruction d'un monument ä la mdn-roire dumaestro : le Karajan Zentrum, inaugurd ä \'ier-rr-reen 1995. II'Opdra etjets chersjeunepubmddecine et musique. (Llli Miirkle en n t,ruünentötö Ia cheville ouvriöre, confirme Wilhelm Sinko-vicz, critique musical pou:' Die Presse,\e principalquotidien autrichien. Quand il est ntort, le centre L1

fermö six mois aprös. Maintenant, ort tre rettlise ntänteplus qu'il y a un centre Karajan, alors tltiti ln grnndeöpoclue c'ötait vraintent un lietr-pl.tare de ln yie rrnt-sicale viermoise. > Rapatrid ä Salzbourg, le centres'est transformd en Institut Eliette et Hirbert vor.r

Y::l?: < Eliette n'ötait pas trös excitöe pnr

:::i: t',;,cpiil ai projet äTelenro tot jotLrseu une au nomde Karajan. Quand il est nrort, elle a tottt arrötö, elleconsidörait cela comnte tme döpense intrtile. >

re une autre version, toujoursl'Institut Kar-aj an < Le centreä Salzbourg en noventbre 2007

dans le cadre de Ia pröparntion dtr centenaire de Ka-rajan en 2008. C'ötait le verr personnel d'Eliettevon Karajan de rapprocher ainsi cette instittLtion desraci . > Savocation prtncipale? nEta-blir "marque" Herbert von Karajan.Pou la reputatiorr de cene *nrqui dr-meLo'e un signe de qualitö dans le futur,Ie nom en a

ötö enregiströ comnrc rnle nlarque ä I'internatiotnl,protögeant ainsi sott exploitatiotl öconomiqtte.,Llnstitut ddveloppe ainsi des pr-ogrammes ä desti-nation du jeune public ainsi que des formationsdans le domaine du management cultr-uel. Il spon-sor:ise aussi le prix Karaian de Baden-Baden, le prlrEliette poul de jeunes peintles et sor-rtient active-ment le Festival de Piiques de Salzbourg.Quant ä ces fameuses archives audiovisuelles aux-quelles Karajan tenaient tant, que sont-elles deve-r.rues? Le 3 septembre 2004, Telemondial est miseen dissolution anticipde par Werner Kupper et UliMärkle, qui se sait condamnd par un cancer. Avantde mourir, celui-ci a pris soin de confier I'exploi-tation et la diffusion des archives de Telemondialpour la tdldvisior-r ä l'ORF, la Tdldvision autrichienne.Sony reste propri6taire du catalogue, dont < iI a sortitm choix d'extt'aits sors forme de sörie sur Laserdisc,plus tard enVHS et ertfin dans les annöes 90 strr DVD,prdcise I'lnstitut Eliette et Herbert von Karajan.Dnrts Ie cadre dtt jttbile 2008, l'errcemble du pro-granlnle est pat'tt en DVD stLr tm cofft'et exclusif, ntaisseulement potu'Ie rrnrchö japonais. L'Europe doit en-core patienter encore pour ayoir droit ä tm cofftetcomplet >. Ou pour profiter d'autres trdsors cachds :

nt ötö conclus aprdsI'avenir, expliqLleMaestro a ötö in-

croyablententactif pendant**r\riiTrrUr":;;rr*

da nt de rendre ptr_bli in d'avoir fini detransformer la mr.rsique en disques d'or... o

Le maestro surle plateau d'une6mission det6l6vision allemandeen 1971. Karajancroyait beaucoupä la t6l6visionet aux techniquesde < home cin6ma lpour diffuser lamusique classiqueauprös du plusgrand nombre.

Pauline Sommelet

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ENTRETIEN

JEAN-YVES THIBAUDET

((Ouvrir\

ä un autrlL Y A UN VvSEne JEAN-YVES THIBAUDET: PIANISTE STAR AUX rrRrS-UtltS, lL FAIT UNE GRANDE

cRRRtEnr DANS LE MoNDE ENTTER ET vrENT DE puBlrER soN oUARANTE-cINeure vr otsour. MArs rL

rST TNES RARE EN FRANCE. RENCONTRE AVEC UN ARTISTE TONIQUE QUI IGNORE LA LANGUE DE BOIS

ean-Yves Thibaudet 16-side ä Los Angeles et pos-söde un loft ä Paris oü ilvient se reposer quelquesjours par an dös que sonplanning chargd (centvingt concerts par an) leIui permet. C'est l'un desrares pianistes franqais ä

mener une grande carriöresur les cinq continents tout en

6tant une staf aux Etats-Unis. Ilparle ä toute allure avec un en-thousiasme con-rmunicatif. Toutl'arnuse, le ravit et I'intdresse. Ur-r

Steir-rrvav tröne farce ar.r soleil cou-chant, les livres d'art, les revuesde mode et un home cinena se

partagent l'espace restant.Qu'est+e qu'un adiste pour vous ?

Quelqu un qui a un don pour of-frir des dmotions au public etI'ouvrir ä nn autre monde. Sanspublic, un artiste n'existe pas.lavion a changd la vie du pia-niste concertiste. Autrefois, Ru-binstein passait trois mois enAmdrique du Sud avant de re-prendle le bateau. Aujourd'hui,nous sommes un jour ä Tokyo,le lendemain ä Berlin. Ce qui achangd dgalemer.rt, c'est la m6-diatisation. Michelangeli pouvait

fu il les journalistes. Aujourd'hui,on ne peut plus se cacher. Le pu-blic, surtout le public jeune, a be-soin de connaitre I'dtre humainderriöre l'artiste. Le bon cötd deschoses, c'est que la musique clas-sique est plus accessible. Pour cer-tains musiciens, c'est diffrcile etie peux le comprendre, mais ga

n'enlöve pas le cötd magique. Ondescend de notre pi6destal touten gardant nos secrets.Vous souvenez-vous de votrepremier contact avec le piano?Non. On me l'a racont6. Il paraitqu'ä trois ans et demi, je restalsdes heures devant 1e piano droitde la maison.Au lieu de taper des-sus comme font les enfants. jecher chais ä dmettre de jolis sons,je chantais. Papa a invitö ä dd-jeuner l'un de ses amis qui dtaitle directeur du conservatoire pourqu'il m'entende, et ä cinq ans, jesuis entrd dans une classe ä Lyonqui s'appelait < Ldveil de la mu-sique >, tenue par une femme ex-traordinaire. l'ai toujours adorömes professeurs. C'est peut- ötreennuyeux, mon histoire... fRlres. jA six ans, j'ai commenc ö ä tra-vailler chez Geneviöve Coingt,qui dtait merveilleuse. f 'attendais

le mardi aprös-midi avec impir-tience. Ensuite, j'ai connu Suz-,

Bossard, qui a ötd Ie professeu:de Pierre-LaurentAimard, de Flo-rent Boffard, de Roger Muraroet qui etait plus sdvöre. Quanci'ai eu di,r ans, elle a estimd qu'r,tä11ait que je voie un professeu:ä Paris et elle m'a envoyd chez Lu-cette Descaves. Ma märe m'ac-compaenait donc chaque moi.dans sa maison ä Boulogne. Or.prer.rait le u Mistral >, le voyage er,

trair.r durait cinq heures ä l'6po-que. Lucette Descaves dtait unrvraie ldgende. Elle avait travailleavec Ra'r'el dtant jeune et fut dga-lemer.rt trös proche de Prokot'ieret lolivet. Beaucoup la craignaien:car elle avait ses tötes. Moi, ellern'adorait. C'6tait comme un.grand-möre pour moi.Quand elle a pris sa retraite au

Conservatoire, vous 6tes entrddans la classe de Reine Gianoli?Oui, elle m'a ouvert au grand ri-pertoire allemand. Comme m:möre est allemande, j'avais I'im-pression de retrouver mes racine.Eiie jouait Schumann, Brahr.r.rs.

Mendelssohn avec un son ma-gnifique. Elle m a fait adorer Bach.que je detestais enfant. A ...

48 Glassica mai 2010 www qobuz com/c assica

Page 12: Karajan, le dernier fils de Prométhée

ENTRETIEN

Lyon, ses fugues me semblaientrdbarbatives. Avec el1e, je ddcou-vrais un compositeur romanti-que ! Quand elle est tonböe ma-Iade, elle a ddcidd de me confierä Aldo Ciccolini. < A4nis tu t,asbientöt revenit; Reine,, lui a ditNdo. "Non, je rte revien,lrni pns",a-t-elle lepondu. Elle se savaitcondamnöe. Je suis entrd dans laclasse d'Aldo Ciccolini ä seize ans.J'avais une admiration folle pourlui, il prenait le temps de me don-ner des leqons. Il m'a demandöde l'appelerAldo et de le tutoyer. Audebut, j'ai eu du mal. Il me trai-tait toujours en collögue, jamaisen dlöve. Quand il partait en tour-nde, il me demandait avec qui jevoulais travailler. |'allais voir San-can, Rouvier,Yankofi Loriod, toutle rnonde ! I'ai adorö les cours avecfean Hubeau qui m'a fait aimerla musique de chambre. I'ai aussijoud pour Pierre Barbizet ä Mar-seille et pour Gaby Casadesus,qui me recevait chez elle rue Va-neau ä Paris. C'€tait la fin d'unegrande dpoque que j'ai eu lachance de connaitre.Avez-vous eu une enfanceheureuse ?

Tiös heureuse. Ma möre me don-nait beaucoup de son temps.J'6tais petit et rond, avec de gros-ses lunettes, comme un tötard ähublots, avec un 6nome neud pa-pillon. J'ai grandi d'un coup äquinze ans. Tout m'a sembld trösnaturel. I'ai gagne mes premiersconcours ä seize ou di,x-sept ans etje n'ai pas 6td une star ä douze ansavec derx cents concerts ä la cldcomme Kissin. J'ai attendu plus dedix ans pour signer un contiat avecune grande maison de disques,möme si j'6tais impatient et queje voulais avoir tout trös vite.Gomment avez-vous vdcu lamort de votre pöre ?

J'avais dix-neuf ans, je venais deremporter le concours de Tokyo.Maman 6tait lä. C'6tait un 2 d€-cembre et nous avons appeld papapour lui annoncer la bonne nou-velle. Le 5. il est mort d'une crisecardiaque. Il 6tait agr6g6 d'his-toire et gdographie, puis fut di-

plomate en Roumanie pendantla guerre et a eu une longue car-ridre politique ä Lyon oü il dtaitadjoint au maire. Il dtait ägd etavait presque soixante ans quandje suis ne. Ma möre est rentrdeaussitöt ä Lyon, mais je suis restdau Japon parce que Lili Kraus ve-nait d'annuler son concert avecI'Orchestre de la NHK et I'on m'aproposd dejouerle Concerto n" 5de Beethoven ä sa place. On s'estdemandd si je devais accepter ounon, mais ma möre m'a dit quemon pöre aurait souhaitd que je

ä Sydney. Gustavo Dudamel esten train de faire des miracles lä-bas. Avec ses idees, son dnergie, soncharisme, il change les mentalitdsen profondeur. Et il y a PlacidoDomingo ä l'Opdra. Les Amdri-cains m'ont toujours lait sentirqu'ils dtaient fiers que j'aie choiside vivre chez eux. Le HollywodBowl, qui accueille de grandsconcerts en plein air entrejuin etseptembre, vient de me nommerdans son < Hall of Fame r. C'estun trös grand honneur, rarementoffert ä un musicien classique.

ACTUATITfS

I Le Concerto en fa,la Rhapsody in blue,les Variations surn l Got Rhythm l deGershwin sont auprogramme du nouveaudisque de Jean-YvesThibaudet, avecI'Orchestre symphoniquede Baltimore dirigd parMarin Alsop (Decca).C'est l'un de nosrr Chocs l du mois -lire nos pages disques.

(ICI, tE PUBLIC A TOUIOUNS fTE CHATEUREUXMAIS UNE PARTIE DE IJ, CRITIOUE MA BATTUFROID ET ON NE MA GUERE INVITE A IOUTNU

reste. ]e suis rentrd pour l'enter-rement et je me suis toujours senticoupable de cela. J'ai mis du tempsä comprendre qu'il 6tait mort.longtemps, en travaillant au pianodu salon, je me suis retoumd brus-quement vers le fauteuil oü il avaitl'habitude de se reposer, m'at-tendant ä le voir lä, ä m'dcouter.Pourquoi vous Ctes-vousinstal16 aux Etats-Unis ?

J'ai remportd un concours ä NewYork ä dix-neuf ans et je m'y suissenti trös ä I'aise. Petit ä petit, macarriöre s'est ddveloppde aux Etas-Unis. l'y jouais sept mois par analors queje n avais aucun concerten France. Avingt-quatre ans, j'aidonc ddm€nagd ä NewYork. Laville me fascinait. Plus tard, je suisall6 donner un rdcital ä Los An-geles et je m'y suis senti chez moi.Mon pöre m'avait souvent parldde cette impression de ddjä-vu.Los Angeles, ce n'est pas seule-ment Hollpvood. C'est Ia ville oüont vdcu Stravinsky, Rachmani-nov, Korngold, Heifetz, Piati-gorski, Rubinstein... Aujour-d'hui, möme Ie New York Timesreconnait que la musique s'est d6-placde de la cöte Est ä la cöte Ouest.Previn, Giulini et Salonen y ontproduit un travail formidable. LeWalt Disney Hall est devenu l'em-blöme de la ville, comme l'Op€ra

Gharles Aznavour dit que laFrance est le seul pays au mondequi se fiche que ses adistes r6ussissent ä l'6tranger. Avez-voussenti un d6samour ici et en avez-vous souffert ?

Au ddbut, je ne voulais pas le re-connaitre mais j'en ai souffert. Lepublic m'a toujours rdserv€ unaccueil trös chaleurerx, mais unepartie de la critique m'a battufroid et l'on ne m'a guöre invitö äjouer, ä part quelques endroits fi-döles comme I'Orchestre natio-nal de Lyon ou I'Orchestre na-tional de France, gräce ä CharlesDutoit. J'dtais all6 entendre l'Or-chestre de Lyon ä NewYork alorsqu'il effectuait une tourn€e auxEtats-Unis. J'6tais fi er d'applaudirI'orchestre de ma ville natale. Ala fin du concert,je suis all6 fdli-citer Emmanuel Krivine, que je neconnaissais pas et qui rn a deman-dd l'adrese de mon tailleur. fRlres.JII m'a invitd ä venir jouer la saisonsuivante et la fiddlitö de l'orchestrene s'est jamais rompue.En France, ron vous pardonneparfois d'avoir 16ussi, jamaisd'avoir I'air heureux D, chantaitYvonne Printemps.Oui. Aux Etats-Unis, les gensvous admirent si vous avez r6ussien 6tant parti de rien. Il n'y a au-cune mesquinerie. En France, .".

5O Glassica mai 2010 www qobuz comlc assica

Page 13: Karajan, le dernier fils de Prométhée

ENTRETIEN

on se dit que vous avez forcdmenttrich6. Je n'ai jamais joud en rd-cital ä La Roque-d'Anthdron, parexemple. Juste quelques minutesil y a vingt-cinq ans avec d'autreslaurdats de concours, et avec unorchestre australien en tourndeily a deux ans. J'ai eu un plaisir fouä faire la connaissance de RendMartin pour qui j'ai une grandeadmiration, mais le milieu dupiano en France me semble sou-Yent ( petit D et dtrange. Les seulspianistes avec qui j'ai gardd uncontact sont Jean-Marc Luisadaet Philippe Cassard. Aux Etats-Unis, avec Emanuel Ax, YefimBronfinan, Andr€ Watts ou Mur-ray Perahia, on va s'dcouter les unsles autres et on se r6jouit de nossuccös mutuels. Peut-ötre que monsuccös agaqait. On croyait que jefaisais ma diva. Je ne sais pas. Ducötd du public, je ressens plutötdu respect et de la tristesse dene pas m'entendre assez souvent.Oü vous entendre en France?[a saison prochaine, avec ]'Orches-tre national de France, je joueraile Concerto n'5 de Saint-Saöns,qu Aldo Ciccolini m'a fait ddcou-wir et que je n ai jamais joud ä Pa-ris. LOrchestre de Paris m'a öga-lement invitd et j'ai proposö leConcerto de Khatchaturian, uneauwe que j'aime depuis que Char-les Dutoit me l'a fait connaitre.Elle a sa place ä cötd des conceftosde Rachmaninov, on ne 1'entendjamais alors que Ie public 1'adore.

Je rörerais de I'eruegistrer car ä partle disque historique de \\'illiamKapell et celui d'Nicia de Larro-cha qu on ne trouie plus, il est trösrare.J'at aussi des engagementsä Lyon, Monte-Carlo, Toulouse,Dijon et Strasbourg. Et je suis trösheureux de jouer en 201 I avecGautier Capuqon au Thöätre desChamps-Elysdes. La musique dechambre et l'accompagnementde chanteurs font partie de ce quej'aime le plus au monde.Vous publiez un disqueGershwin. Enfin !

Oui, c'est un projet auquel jepense depuis quinze ans. fe suistoujours touchd et fier quand on

rJ'ai h6rit6 de monpöre une attitudepositive, Je vois lebon cöt6 des choses.Et puis j'aime lesgens, j'essaietoujours de voirce qu'il y a de bonen chacun. t

me propose de jouer le Concertoerr .fa or la Rhapsody in blue, ämoi qui suis franqais, lors de cd-remonies officielles aux Etats-Unis. Je suis heureux d'avoir pule faire avec l'Orchestre de Bal-timore dans la version jazz dcritepar Gershwin (et Ferde Grofö)poul Paul Whiteman et son bigband. Les partitions du concerton'existaient plus, il a fallu se pro-curer les manuscrits originauxauprös de la famille. Cela ajoutequelque chose de diffdrent, unrythme plus anguleux. On se senttransport€ dans l'entre-deux-guerres, quand la vie dtait belle, etcela donne un sourire aux lövres.D'oü vous vient cette ( starquality ll dont parlent lesAm6ricains ?

C'est au-delä du talent. Certainsartistes entrent sur scöne et il se

passe ddjä quelque chose. Avecd'autres, on ne ressent rien. Jepense que celavient de mon pöre,qui serait devenu acteur sans I'op-

position de sa famille. Il avait faitle conservatoire avec EdwigeFeuillere, qui dtait ma marraine.Dös qu il entrait dans une salle, onne r orait plus que lui. II faisait riretout le monde. f'ai h6ritd de lui uneattitude positive. Je suis heureurde fäire ce que j'aime le plus aumonde et d'ötre pay6 pour cela.

Je vois toujours lebon cötd des cho-ses : une salle ä moitiö pleine etpas ä moitid vide. fRires. / Et pui:i'aime les gens. |e n'aime pas cri-tiquer et j'essaie toujours de voirce qu'il y a de bon en chacun.Vous arrivet-il d'6tre d6prim6 ?

Comme tout le monde. Dans ces

momentsJä, je reste seul et je gardemes problömes pour moi. La plu-part du temps, je suis trös sociable.mais certaines fois, je prdfererai.commander un roont service de-vant la tdldvision plutöt que d'ötreinvitd ä diner. Bien que je penseque je finirais par descendre au barpour parler avec quelqu un. o

Entretien : Olivier Bellamy

52 Glassica mai 2010 www qobuz.com/classica

Page 14: Karajan, le dernier fils de Prométhée

CHAPITRE IV

ParisSUIVRE ITS OTCRTS DE LA VIE

DE CHOPIN, LES CHEMINS DE SON

APPRENTISSAGE, SES RENCONTRES,

CE OUI A FAIT IHOMME ET TARTISTE...vorlA coMMENT r cLASStcA r rilr teCOMPOSITEUR TOUT AU LONG DE CETTE

nrururr ANN|VERSA|RT. ounrRrrvrTPISOOT DE NOTRE FEUILLETON,

ruRNNE PAR ALAIN DUAULT.

so la sonor.itd qui ont abouti auPS Sclrcr.tt eu si mineur, ä ses der_pe niers -\-ocfrrrnes et surtout auxsa

trese

5cde

pd

parisesteneffetäceneepoqueune äville en pleine ebullition artisti_ dgue. Hernnni de Victor Hugo y adte cree l,annde p rdcödenIe, Marion

lniste de tout premier ordre; sa Mais ces recherches ne sont ia_rit6, elle est dans sa musique, mais vaines, ne sont jamäisde l'6poque' vant; l'ann6e suivante, elle signera dans ses recherches novatrices sur conduites sans que la volontö qui

54 Glassica mai 2OlO www qobuz com/classica

Page 15: Karajan, le dernier fils de Prométhée

les sons-tend en soit autre chose

qdun d6veloppement d'exp,..e:-sivitd, d'dr.notior.r. Et avec cetteparticularitö singulidre qLre cettedmotion jaillit ir.rtrinsöquementde Ia musique et r-ron d'un qtiel-conqrLc ,.plogramlne . Chopinploduit des errrotions pures f, pär-tir de n.nsique pure. Disciprle de

Bach (au contlaire d'un Berlioz,qui I'cxdcrait), il croit ä la facultdde la r-r-rusique d'exprinrer des sen-

tinrents, angoissc, douleur', ntai.ar-rssi joie ou tendresse, sarls pourautant se rattacher ä I'anecdotequi restreint la portöe du message

mr.rsical. Chopir-r s'exprime pour

une vaste fresque podtique deMickiewicz, va ä I'encor-rtre de lir

conception de Chopin : lir ;rrr.tsique est son propre rdcit, elle n'est

pr\ autre chose que I'exprer.iottintense de ce qu'est Chopin irlors

- ce qlre Liszt tracluit juster-nent

en qualifiar.rt Ia Bollnde d' u od1's-

söe tJe l'fune de Chopirr,.Encore un cycle de tr'lnzurkas,lesquatre de l'Oprr-s 2./, un Noctrn'rrc,

urre \irlse, quelqtres apparitionten concert, nlais c'est snrtont son

nolrvealu cahier d'Etrrdss op. 25qui occr"rpe Chopin durant les

deux annöes 1 834- 1 8-j5. Il y pour-suit les recherches errtarnöes dans

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ARRIVE A PARIS, CHOP]N SAIT OUE SA

VERITE N'EST PAS SEULEMENT

son temps et pour tous les temps :

c'e't poLrrqrroi iJ csl errcole si plo-fonddrner-rt actuel.C'est pröcisdnrent ce qu'il s'at-tacl-re ä faire passer dans cettecornpositior.r qtiil a esquissde ä

Vienne et qu'il repler-rd pour lanrener i\ bien en 1835, sa Bnlladeen sol nirretu'op 23.

S'il n'est pas f inventeur du r-roc-

tulne, Chopin est l'ir-rventeru cie

la ballade. Il est le pler-r-rier'ä dor-r-rer le titre de ballade ä L1r1e composition r-nr-rsicale, r,aste piöce sans

r.r.roule prdcis, ä la fbrme n.ral d6-finie et dont l'6tvnrologte (ballarc: dar-rser) devrait la lattacherä la clar.rse. En fait, cette preuriöreBallnde correspond ä la recherchepal Chopir-r d'une forme dvolu-tive et dranratique qr.ri, ä la rna-niär'e de la poesie - el err parti-culier des ballades du grar.rd poötelon-rantique polor-rais Adan-r Mic-kiervicz, qrr'il adrnirait i Var:ovieet qtiil tr enfin pu rencor.rtrer i\Paris , pnisse convenir darvan-

t,rge a l'explession lo:nantiqueque, par exer-nple, la sonate. PourilLrtart, la suggestion de Schu-nriulr colrrre quoi cette Ballade.rrrliril dle inspilee a Chopin par'

lrr lecture de Cottrnd Wnllenrod,

le plc'r.nier cahier (Opr-s l0) er-r

s'aLccordant r-rne libeltö plusgrande dans I'explessivitd dechacluc' piöce, qui poultar-rt de-rreure chacur.re attachde ä la rd-solution d'ur-r problörne tech-niclue specifi qr.re, de I'ir.rddpen -dince des r-nains an staccato oude l'enrploi du pouce sul lestonches noires r\ la succession dupoLrce et dr-r cinquiör-r-re doigt sur'

Itr nrönre tonche.Itlais ä partir de ces exigences,Chopilr l.rit appalaitre des tensiorrs

expressives, qui culr-ninent dansles trois denriöres Elrdes avec unepuissrrnce extraordinaire. Avecce second cycle, Chopin a dd-flni ses an-rbitions crdatrices : ilrre Ibr'.r quc lcs .rpplulcrndil toutau lor-rg des euvles de plus en

plus denses qriil con-rposera. Avec

touiouls cette for-nriclable volor-rtd

de tr:aduire les pirssions ir-rtd-rieures ir lraltil dcs sculs pouvoirsde la r-r-rusique. Liszt est autanter-nballd par ce nouveau cahierqu'il l'avlit ete prr le prenricr'.C'est sans doute por-rrquoi Cl-ro-pin dcdic ces E/r/dci op. 25 a

Marie cl'Agoult, la r.naitresse de

Alain Duault(A vtivra.)

par Vanessa Wagner

lnterpröte r6putde de Debussy ouRachmaninov, Vanessa Wagner a

pris le temps n6cessaire pour re-d6couvrir Chopin.

Fr6d6ric Chopin ? ll est vrai que j'ai assez peujoud sa musique jusqu'ä maintenant, du moins

depuis que je suis sortie du Conservatoire.Elle 6tait trop Ii6e pour moi aux ann6es d'6tudes,aux concours, ä l'image qu'on se fait du "vrai"pianiste qui se doit de jouer ce type de rdpertoire,ä quelque chose d'un romantisme un peu tropstdr6otyp6, qui plus est pour une jeune fille,le cceur en bandouliöre...(Je crois aussi que ma nature me donnait envie

d'aller vers une musique molns "facile" d'accös,moins imm6diate. Et j'ai souvent aim6 prendre

le public ä rebrousse-poil, ou en tout cas

I'emmener vers un unlvers plus ardu, moins"rebattu" que celui de Chopin.n Tout comme la musique de Mozart, Chopina pu d'ailleurs souffrir d'une interprdtationet d'une image trompeuses ! Car il y a bien sürune mdlancolie, une profondeur, une gräce toutä fait exceptionnelles dans sa musique. Maisle fait de simplement en rejouer - et de r66coutercertaines interpr6tations d'Arthur Rubinstein ! -a progressivement modifi6 mon jugement.Curieusement, j'ai trouvd 6normdmentde plaisir dans cette musique ä l'6criture infinimentpianistique, dans son mdlange d'extr6me d6licatesseet de grande puissance qui me convientparfaitement. Möme dans ses Valses, que je ne

m'6tais jamais imagind jouer un jour ! rr IPropos recueillis par Xavier Lacavalerie

ACTUATITE

Pascale Fautrier vient de signer un Chopin inödiI chez

Gallimard (collection Folio, 460 pages), tandis que

le pianiste Abdel Rahman El Bacha et la musicologue

Addlaide de Place ont dcrit ä quatre mains un Frödöric

Chopin aux dditions Bleu Nuit enrichi d'annexesproposant un tableau synoptique, un entretien autourde l'interprdtation de Chopin, etc. (176 p,). Signalons

enfin la parution, chez SaphirProductions, de

Chopin/GeorgeSand, une rencontreflanboyante, unepiöce de et avec

Alain Duaultmais aussi Marie-

Christine Barrault

et Yves Henry. o

www qobuu con/classlca Classica mal 2010 55

Liszt. .

Page 16: Karajan, le dernier fils de Prométhée

COMPOSITEUR

J m -*sa pTE$Tffi .:* * =i+* tffis il

soN ( sTABAT MATER r A FAtr LA GLotRE DE cE coMpostTEUR DIsPARU A vtncr-stx ANS. PoURTANT

prncolrsr, NE tL y A TouT JUSTE TRots cENTS ANS, NE sE LtMITE pns A cE SEUL CHEF-D'CEUVRE.

pr_orucrr DANS LA NApLES DU xvntE srrclE A lR necrrRcHE DE sES NoMBREUSES prptTEs.

omme tous ses

contemPoralns,c'est par l'6g1ise que Pergolöse

vient ä la musique. Il nait en 1710

ä Iesi, petite cite nredidvale ceinte

de remparts, ä trente kilomötresdu port d'An-cöne, capitale

des lvlarches, surl'Ädriatique. Gio-

vanni Battista est le seul des quatre

enfants du couple Francesco An-drea et Anna Vittoria ä survivre.Comme si un nrauvais sort avaitfrappö la fratrie, cet unique sur-vivant aura une santd trös fragilepuisqu'il mourra tuberculeux ä

vint-si-r ans et sen-rble avoir souf-fert d'une cor-rstitution imPar-faite. A en croire la caricature de

Pier Leone Ghezzi,cdlöbre Pourses portraits de Vivaldi, il prd-sente un visage dpais et disgra-cieux et doit s'accommoder d'unejambe gauche plus courte et Plusmaigre que Ia droite.Boiteux ou pas, Ie jeune fean-Baptiste apprend le violon et lamusique d'dglise dans sa ville na-

tale avant d'aller se perfection-ner ä Naples. Pourquoi NaPles,

ä plus de quatre cents kilomötres,plutöt que Rome, Florence, Bo-

logr-re, Modöne, Ferrare ou en-cor:eVenise? Il semble que ie mar-quis Cardolo Maria Pianetti'mernbre d'une famille de Jesi dontla richesse resplendit encore dans

les stucs et les plafonds peints de

sor-r palais rococo (aujourd'huipinacothöque), I'y ait encouragd.

C'est en tout cas un des trös nom-breux points d'interrogation quibalisent la biographie du musi-cien. Quand le jeune Pergolöse Y

pan'ient, vraisemblablement vers

1723-I724,Naples a quittd Ie gi-ron des Habsbourg d'Espagnepour celui des Habsbourg d'Au-tliche (empereur Charles VI).

l-ir: *pdra tsdluveft{äLa ville compte alors quelquetrois cents mille habitants, ce quila place au deuxiöme rang d'Eu-rope continentale aprös Paris.Dans cette citd grouillante, quatreconservatoires dispensent un en-

seignement musical aux gargons

comme les osPedale de Venise le

proposent aux fiiles. D'abord 16-

serv€s aux orphelins, ces dtablis-sements ouvelts durant un xvt"siöcle particuliörement meurtrier(famines, peste, tremblementsde terre) deviennent accessibles,

mais pa,vants, aux enfants nonr.rapolitains. Pergolöse intögre le

Consen atorio dei Poveri di Gesü

Clisto et dtudie sous la tutelle de

Domenico de Matteis Pour Ieviolon, Gaetano Greco, Leonardo

Vinci et Francesco Durante Pour1a con.rposition.Ä la fin de ses dtudes, il fait en-

tendre une cantate Pour alto et

coldes Qriesto i il Piano, questo iil rio et surtout des euvres sa-

crdes : un oratorio intitule Ii Pro-

digi della divina grazia nelln

coit,ersione e morte di S. Gugliel-nto DrLca d'Aquitania, combatddifiant entre le bien (l'Ange' so-

plano) et le mal (le ddmon,basse I

oü interviennent des dl€mentscomiques inattendus (Cuosemo.

capitaine de la garde, basse : com-ment alors ne Pas Penser ä ItiColomba ferita de Provenzale.pöre de i'€cole napolitaine?) dans

un langage proche de I'oPdra(trois actes, alternance de rdci-tatifs et airs da caPo).

Il compose aus sinrt Salve Regiluenla mineurpour soprano dontles premiöres mesures annon-cent le ddbut dr Stabat MaterPatIe mouvement ascendant des

cordes graves. Cette trös belle ...

58 Classica mai 2010 www qobul corc/c ass'ca

Page 17: Karajan, le dernier fils de Prométhée

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Page 18: Karajan, le dernier fils de Prométhée

COMPOSITEUR

page qui compte ddsormais plu-sieurs enregistrements rdvöle 6ga-lement le goüt du compositeurpour des lignes mdlodiques sim-ples mais varides (ce qui n'inter-dit pas une virtuositd quasi op6-ratique : < Ad te clamamus >),respectueuses de la prosodie etde la couleur du texte, et une basse

continue trös mobile.Ces premiers essais ont manifes-tement I'heur de sdduire le princeFerdinando Colonna Stigliano,dcuyer du vice-roi de Naples, quinomme Pergolöse maitre de cha-pelle. Gräce ä son soutien, il peutreprdsenter son premrer opera se-ria, La Salustia. f opöra ä Naples,en ces anndes 1730 connait unessor sans pr6c€dent. Caractdris€par la disparition des dpisodescomiques dans des histoires sd-rieuses, des chceurs et des en-sembles, la rdduction de I'or-chestre aux cordes seules, l'opdranapolitain participe ä I'inventiondu chanteur vedette, le castrat,qu'il soit soprano ou alto (1es Fa-rinelli, Caffarelli et autres Sene-sino), celui dont Ie nom apparaiten plus grosses lettres que celuidu compositeur ou du librettistesur l'affiche.Toute I'Europe, de Lisbonne ä

Saint-Pdtersbourg, de Londres(Haendel) ä Vienne, va se mettreau diapason de l'opdra napoli-tain. Les compositeurs vont doncchercher la reconnaissance surscöne (rien n'a changd depuis).Pergolöse ne fait dvidemment pas

Le peintre ClaudeJoseph Vernet ( 1714-1789) sdjourna prösde vingt ans enItalie. C'est aucours d'un de sesnombreux s6joursnapolitains qu'ilpeignit cette Yue deNaples avec let/6suve (vers 1748).Paris, Mus6e duLouvre.

exception et compose Lo Frate'ru1an1o rato (Naples, 17 32), II Pri-gionier superbo (Naples, 1733),Adriano in Siria (avec le castratCaffarelli, Naples, 17 34), I) Olim -piade (Rome,l 735 ) et ll Flaminio(Naples,1735).Le premier et le dernier de cetteliste appartiennent au genre de laconutredia per musicaet connais-sent immödiatement le succös.Comme le fait Ie thdätre de CarloGoldoni ou Carlo Gozzi, ilscon\.oquent des personnagesquotidiens, et non plus les dieuxde la mythologie, et s'exprimenten dialecte napolitain.Cette intrusion du comique surIa scöne n'a certes rien de nouveau(l'opdra vdnitien y faisait sou-vent appel) mais elle va donnernaissance ä un genre nouveau,f intermezzo, qui, comme sonnom I'indique, a pour vocationde jouer les intermödes, de se glis-ser entre les trois actes d'un opdrasdrieux pour distraire le public.

el Lit'itttn e Tracollo sont arnsrprdr.us comme divertissementsrespectits du Prigionier superboet d'.\driano in Siria.La Senn Padrona sera reprdsent6eä Paris en 1752 : on sait quel ef[etelle aura dans la querelle desBoulfbns (les comddiens italiens)oü s'opposent styles italien etl'ran.ai>. Partisan du premier,Rousseau cite Pergolöse dans sonD ii t ii t t t t nire de musique parmiIes nraitres u du bon goüt et de l' ex-pre,i-iion ". Le Siöcle des lumiöresvoulait en effet une musique plusclaire. plus simple, plus ration-nelle, dibarrassde du fatras my-tholoeique et d'une sophistica-tion d'un autre temps. Lopdrafianqais, la tragddie lyrique nour-rie de rdttrences historiques, de-vait en soufftir. <<Mafoi, ces mau-dits bouffons ayec leur Servantemaitresse, leurTracallo, nous enott dortrrc rudement dansle culr,rdsume sobrement Diderot dansLe Neyeu de Rameau.

(MA FOI, CES MAUDITS BOUFFONS, AVEC LEUR,SERVANTE MAITRESSE" NÜUS äFJ IINT DONNHRUDEMENT EAIüS LE CUt )) (DrDERor)

Il compte donc deux parties, doitadopter un ton ldger et inviterdes personnages (trois au maxi-mum) volontiers caricaturaux :

un vieux barbon, une soubrettemaligne, etc. La Serva Padrona

Cet intermezzo, il estwai piquant,malicieux, plein d'esprit, faitconnaitre le nom de Pergolöse ä

travers l'Europe. Malheureuse-ment le compositeur ne peut pro-fiter longtemps de sa cdl6britö et

6O Glassica mai 2010 www.qobuz.com/classica