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390 Juillet-Août 2007 – 6 numéro Gens du voyage : développer l’accès à la prévention Mucoviscidose : améliorer la qualité de vie des enfants Lecture : antimanuel de médecine Éducation pour la santé : les défis de l’évaluation

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390Juillet-Août 2007 – 6 €

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Gens du voyage :développer l’accèsà la prévention

Mucoviscidose : améliorer la qualitéde vie des enfants

Lecture :antimanuel de médecine

Éducation pour la santé : les défis de l’évaluation

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est éditée par :L’Institut national de préventionet d’éducation pour la santé (INPES)42, boulevard de la Libération93203 Saint-Denis CedexTél. : 01 49 33 22 22Fax : 01 49 33 23 90http://www.inpes.sante.fr

Directeur de la publication : Philippe Lamoureux

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COMITÉ DE RÉDACTION : Jean-Christophe Azorin (centre de ressour-ces prévention santé), Soraya Berichi (minis-tère de la Jeunesse, des Sports et de la Vieassociative), Dr Zinna Bessa (direction géné-rale de la Santé), Mohammed Boussouar(Codes de la Loire), Laure Carrère (Crésif), Dr Michel Dépinoy (InVS), Alain Douiller(Codes de Vaucluse), Annick Fayard (INPES),Christine Ferron (Fondation de France), Lau-rence Fond-Harmant (CRP-Santé, Luxem-bourg), Jacques Fortin (professeur), ChristelFouache (Codes de la Mayenne), MyriamFritz-Legendre (Ceméa), Sylvie Giraudo(Fédération nationale de la Mutualité française),Joëlle Kivits (SFSP), Laurence Kotobi (MCU-Université Bordeaux-3 ), Éric Le Grand(conseiller), Claire Méheust (INPES), ColetteMénard (INPES), Félicia Narboni (ministèrede l'Éducation nationale, de l'Enseignementsupérieur et de la Recherche), Élodie Stano-jevich (INPES), Dr Stéphane Tessier (Crésif/Fnes).

Fondateur : Pr Pierre Delore

FABRICATION Création graphique : Frédéric VionImpression : Mame Imprimeurs – ToursADMINISTRATIONDépartement logistique (Gestion des abonne-ments) : Manuela Teixeira (01 49 33 23 52)Commission paritaire : 0508 B 06495 – N° ISSN : 0151 1998. Dépôt légal : 3e trimestre 2007.Tirage : 9 000 exemplaires.

Les titres, intertitres et chapô sont de la respon-sabilité de la rédaction

389Mai-Juin 2007 - 6 €

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Une cliniquepour les jeunes au Liban

Infirmier scolaire :entre soins et écoute

Dépression :3 millions de Françaistouchés

Violences et santé :quelles actions éducatives ?

Tous les deux mois• l’actualité• l’expertise• les pratiques• les méthodes d’intervention

dans les domaines de la prévention et de l’éducation pour la santé

Une revue de référence et un outil documentaire pour :• les professionnels de la santé,

du social et de l’éducation• les relais d’information• les décideurs

Rédigée par des professionnels• experts et praticiens• acteurs de terrain• responsables d’associations et de réseaux• journalistes

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� Santé mentale, n° 359.� La promotion de la santé à l’hôpital,

n° 360.� Éducation pour la santé et petite

enfance, n° 361.� Soixante ans d’éducation pour

la santé, n° 362.� L’Europe à l’heure de la promotion

de la santé, n° 371.� Nutrition, ça bouge à l’école, n° 374.� Prévention des cancers, n° 375.� Médecins-pharmaciens :

les nouveaux éducateurs, n° 376.� Les ancrages théoriques

de l’éducation pour la santé, n° 377.� La santé à l’école, n° 380.

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La revue de la préventionet de l’éducation pour la santé

52 pages d’analyses et de témoignages

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé42, bd de la Libération – 93203 Saint-Denis Cedex – France

sommaire

Illustrations : Olivier Daumas

390Juillet-Août 2007

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◗ Aide à l’actionSanté des gens du voyage : des associationsse mobilisentMuriel Le Roux, Jean-Claude Guiraud, Didier Botton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

◗ Éducation du patientMucoviscidose : devenir compétent en grandissantJacqueline Iguenane, Sophie Ravilly, Valérie David . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Éducation pour la santé : les défis de l’évaluationÉditorialÉvaluation : « ni pensée unique ni bonnes oumauvaises méthodes ! »Chantal Vandoorne, Françoise Jabot, Laurence Fond-Harmant . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Définitions, enjeux et modèlesEnjeux et pratiques de l’évaluationFrançoise Jabot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Comment évaluer une action d’éducationpour la santé ?Chantal Vandoorne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Glossaire des mots-clés de l’évaluationMurielle Bauchet, Françoise Jabot . . . . . . . . . . . 22

Évaluation : réponses à des questions qui dérangentChantal Vandoorne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

L’évaluation : toute une histoireMichel Demarteau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Évaluer, pour soutenir l’innovationLouise Potvin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Évaluation mode d’emploiFrancis Nock . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

L’évaluation en pratique : parolesd’acteursRetour sur l’évaluation de vingt-deux « lycées non-fumeurs »Carine Mutatayi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Vingt-cinq collèges d’Aquitaine évaluent leuraction de prévention du tabagismeAurélie Alvarez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Aquitaine : les « ateliers santé » au bancd’essaiBernard Goudet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

« Préévaluer » les pôles régionaux decompétences en éducation pour la santéAudrey Sitbon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

À Bruxelles, quand l’expérience balaie des critères préconçus d’évaluationGaëtan Absil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

En région Paca, des formations et uncédérom pour évaluerZeina Mansour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

En Bretagne, les professionnels formés à l’évaluationSonia Vergniory . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

En Pays de la Loire, l’émergence d’une « culture commune » de l’évaluationAnne Le Gall, Véronique Devineau . . . . . . . . . . . 45

Évaluation d’actions innovantes : l’exemple de l’AquitaineMartine Valadié-Jeannel . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

Rhône : la protection maternelle et infantileévalue son efficacitéMuriel Pêtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

Financeurs et porteurs de projets : arrêtons nos jeux de rôle inutiles !François Baudier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

Pour en savoir plusOlivier Delmer, Ève Gazzola . . . . . . . . . . . . . . . 54

◗ LecturesOlivier Delmer, Philippe Moritz, Élisabeth Piquet,Stéphane Tessier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Dossier

Précision. Suite à la publication de l’article intitulé « 15 % des enfants de 3 ans auraient des troubles du sommeil »dans le n° 388, Agathe Billette de Villemeur, médecin au Conseil général de l’Isère et auteur de cet article, nousprécise que ce sont 35, 8 % des enfants qui présentent des troubles du sommeil réels au vu de l’enquêteréalisée. Les 15 % mentionnés dans le titre ne prennent en compte que les enfants ayant des troubles dusommeil à la fois réels et identifiés par leurs parents, comme indiqué dans l'article lui-même.

La rédaction

Les « gens du voyage » – quatre cent mille personnes en France – restent à l’écart de laprévention et des soins de santé. Leur espérance de vie est de quinze années inférieureà la moyenne de la population. La Fnasat développe des actions pour améliorer l’accèsà la prévention et aux soins au profit de cette population. À Rouen, un travail de proxi-mité a permis d’améliorer la couverture vaccinale des gens du voyage ; pour parvenirà ces résultats, les professionnels de santé eux-mêmes ont dû modifier les représenta-tions – souvent négatives – qu’ils avaient de ces populations. Récit d’expérience.

En France, les gens du voyage – lespersonnes vivant en caravane (voirencadré ci-dessous) – sont estimés àtrois ou quatre cent mille personnes ;ils sont, pour la plupart, de nationalitéfrançaise, francophones et résidant surle territoire français depuis plusieursgénérations. Depuis plusieurs années,ils sont touchés par les mutations éco-nomiques, sociales et territoriales quipeuvent les faire glisser vers la précarité.Les activités économiques traditionnel-lement pratiquées par les gens duvoyage ne permettent plus de subveniraux besoins de la famille. L’autonomieet la mobilité diminuent. À l’heureactuelle, la majorité des gens du voyageest bénéficiaire des minima sociaux.

Par ailleurs, l’organisation territoriali-sée de nombreuses politiques publiquesrend difficile la prise en compte despopulations non sédentaires. En effet,c’est l’adresse de domicile qui donne lestatut d’habitant d’un territoire et per-met l’activation des droits associés. Pardéfinition, les gens du voyage, mêmequand ils sont moins mobiles, ne sontpas reconnus comme habitants d’un ter-ritoire, ce qui freine l’accès aux droits etl’accès aux soins.

À ce premier obstacle s’ajoutent lesfacteurs de précarité et de fragilité : desconditions de vie difficiles, des diffi-cultés d’accès à la prévention, un chô-mage très élevé, un taux d’illettrismeimportant, une relégation sociale et spa-tiale et, probablement en corollaire, uneespérance de vie inférieure de quinzeans à la moyenne nationale1.

Des conditions de vie dégradéesLes gens du voyage accèdent aux

soins, notamment par la couverturemaladie universelle (CMU) mais l’utili-sation qu’ils font du système de santé neleur permet pas d’accéder à des soins dequalité. Des constats, effectués par desprofessionnels de la santé et ou dusocial2 travaillant auprès de ce public,mettent en évidence des problèmes desanté liés aux conditions de vie : dégra-dation de l’habitat et de l’environnementdes lieux de séjour, manque de confortet d’équipement, risques liés aux pra-tiques professionnelles (récupération etvente de divers matériaux dont certainsprésentent une dangerosité telle quel’intoxication au plomb, travaux en hau-

teur sans protection pour effectuer desravalements de façade ou pour l’élagaged’arbres, brûlage de matériel pour enrécupérer le métal sans port de vête-ments ignifugés et avec risque d’inha-lation de fumées toxiques, etc.), faiblefréquentation de structures de préven-tion et de dépistage précoce, stress desexpulsions et de la perte d’autonomieéconomique.

Ce public se caractérise par un plusmauvais état de santé que la populationen général. D’un point de vue descrip-tif, les professionnels intervenantauprès des familles du voyage peuventobserver des troubles dentaires, de lavue et de l’audition non dépistés – car

aide à l’action

4 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

Santé des gens du voyage :des associations se mobilisent

Qui sont les « gens du voyage » ?Ce terme désigne les personnes dont le statut, lié à l’habitat et/ou à l’activité économique, estrégi par la loi du 3 janvier 1969. Cette loi est relative à « l’exercice des activités ambulantes etaux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ».Le terme « gens du voyage » désigne globalement les Français vivant en caravane dont le sta-tut administratif entraîne l’obligation de posséder un carnet de circulation. Ce titre de circula-tion est à faire viser tous les trois mois par des autorités de police ou de gendarmerie pour lespersonnes sans domicile fixe et sans ressources stables.Il existe d’autres termes pour désigner les gens du voyage : Tsiganes, Roms, Manouches, Gitans,Sinte, etc., termes qui renvoient à l’appartenance culturelle, identitaire. Tous les gens du voyagene sont pas tsiganes, manouches ou roms. Tous les Tsiganes, Roms, Manouches ou Gitans nesont pas des gens du voyage.Les offres de stationnement pour les caravanes, en nombre très insuffisant, se situent plutôtdans les grandes agglomérations. Les aires d’accueil sont le plus souvent situées sur leszones industrielles ou d’activité, éloignées des services publics, rarement desservies par lestransports en commun. L’équipement sanitaire de ces aires est parfois vétuste, voire inexistant.Pour tous ceux qui ne peuvent pas accéder aux aires d’accueil saturées, des solutions de sta-tionnement ne peuvent être envisagées que sur des espaces improvisés, non équipés. La popu-lation est par conséquent sujette aux expulsions à répétition.

5LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

aide à l’action

les gens du voyage ne rencontrent nila médecine scolaire, ni la médecine dutravail –, une apparition de conduitesaddictives en général, etc. On observeégalement des phénomènes dépressifset de mal-être.

Il n’existe pas de pathologies spéci-fiques mais les problèmes de santé sontliés aux effets combinés de la précaritéet de l’habitat : zone de relégation, pol-lution, tristesse du cadre de vie, avenirprofessionnel difficile, etc.

Un recours très tardif aux soinsConcernant le rapport aux soins,

nous observons que la prise en chargede la maladie se fait tardivement. Lespersonnes attendent de vivre des situa-tions critiques pour se diriger vers desservices de soins. Leur rapport à la santépeut alors apparaître comme de la négli-gence et le non-souci de soi. En fait, ils’agit d’une rupture vis-à-vis de la méde-cine et des complications dues auxdéterminants socio-éducatifs et au vécude ces familles. Nous constatons un éloi-gnement des services de droit communà plusieurs niveaux de la vie sociale(école, logement, services sociaux, loi-sirs, etc.). Les personnes en situation deprécarité sont souvent peu écoutées etpeu entendues, elles ont donc tendance

à se taire. De plus, ce sont des popula-tions très vite stigmatisées par les repré-sentations dont sont porteurs les acteursde santé eux-mêmes.

Il est important de préciser que l’ap-partenance socioculturelle, le mode devie déterminent l’attention qui est por-tée à la santé (exemple : plus nous fai-sons usage de notre corps, plus la tolé-rance à la douleur et au désordrephysique est élevée). La manière deconsidérer la santé et les représenta-tions que nous en avons diffèrent selonles individus et leur appartenancesociale. Mais, au-delà de la culture etdes modes de vie, les conditions de viefaçonnent le rapport à la santé. Plus lesgens du voyage sont en situation deprécarité, plus leur rapport à la santé leséloigne de la définition de l’OMS : « Unétat de bien-être complet, physique,psychologique et social et pas seulementune absence de maladie ou d’infir-mité ». La santé chez les gens du voyagese résume actuellement au mieux àl’absence de maladie.

De même, la manière d’appréhenderle discours médical diffère selon lemilieu d’appartenance. Les gens duvoyage sont très éloignés des conceptsmédicaux et, par conséquent, ils peu-

vent être moins attentifs aux différentssymptômes, moins informés sur lesmaladies et les circuits de soins, etméfiants quant aux informations don-nées en matière de santé.

Leur situation n’est pas différente decelle d’autres minorités, les mêmes cau-ses (précarité, pauvreté, relégation, illet-trisme, racisme, etc.) produisent lesmêmes effets : mauvais accès à la pré-vention et aux soins, même avec laCMU.

Des facteurs culturels spécifiquesjouent probablement mais les méca-nismes généraux sont parfaitementconnus. L’ensemble des acteurs de santé– pour peu qu’ils dépassent l’idée queles problèmes de santé relèveraient del’ethnicité – sont donc tout à fait encapacité d’intervenir auprès de cepublic.

Agglomération rouennaise :des résultats indéniables

Au niveau local, des associationsmènent des actions santé diversifiées :mise en lien avec des professionnels dela santé pour pallier l’isolement desfamilles, actions d’éducation pour lasanté, sensibilisation aux dépistagesprécoces, etc.

Depuis 2002, l’association RelaisAccueil Gens du voyage, intervenantsur l’agglomération rouennaise, s’inscritdans le Programme régional d’accès àla prévention et aux soins (Praps) desplus démunis. En cinq ans, des actionssanté ont vu le jour, mises en placegrâce à un travail en partenariat avecMédecins du monde, une équipemobile psychiatrique et le comité régio-nal d’éducation pour la santé de Haute-Normandie. Elles ont contribué à l’amé-lioration des conditions de vie pourcertains usagers, après des rencontresavec les gestionnaires des terrains destationnement ; à l’accès à de l’infor-mation pour d’autres et à une possibi-lité nouvelle de bénéficier de soins de

qualité. Par exemple, en partenariatavec une équipe médicale du conseilgénéral de Seine-Maritime, des séancesde sensibilisation et de suivi de vacci-nations ont été proposées sur des airesd’accueil. Ces séances ont permis devacciner des adultes qui n’avaientjamais eu de vaccins ou de rappelsdepuis plusieurs années. Elles ont étél’occasion également, pour les parents,de mieux connaître le calendrier vac-cinal des enfants. Cette action a été effi-cace car elle s’est appuyée sur unedémarche de proximité en délocalisantponctuellement le service du conseilgénéral sur les lieux de vie des gens duvoyage. Grâce à notre fonction relais,les professionnels ont pu faire la démar-

che d’aller vers cette population pourlui permettre à terme de mieux connaî-tre et se déplacer vers les structures deprévention et de soins.

Au-delà de ces actions, il est néces-saire d’agir en amont sur les facteursayant un impact sur la santé. Les condi-tions préalables à la santé sont la pos-sibilité de se loger, de pouvoir station-ner en sécurité et dans des conditionsdécentes (le minimum étant l’accès àl’eau potable !), d’accéder à l’éducation,de se nourrir convenablement, etc. Leconcept de qualité de vie est à prendreen considération dans l’appréhensionglobale de la santé.

La promotion de la santé a à voiravec le traitement des inégalités et lalutte contre les exclusions. Par consé-quent, elle doit tenir compte de l’in-fluence de l’environnement, des condi-tions de vie et de travail, de l’ensembledes déterminants et pas seulement desdéterminants individuels, elle doit éga-lement tenir compte de l’accessibilitéaux services de santé.

Muriel Le Roux

Éducatrice spécialisée,

responsable du pôle social

de l’association Relais Accueil

Gens du voyage, Rouen.

Jean-Claude Guiraud

Médecin et président du comité

de coordination pour la promotion

et la solidarité des communautés en difficulté

– Migrants et Tsiganes, Toulouse.

Didier Botton

Directeur,

Commission santé, Fnasat, Paris.

1. Étude réalisée sur deux ans dans le cadre du pro-jet Romeurope, à l’initiative de Médecins du monde.Actes du colloque européen des 19 et 20 octobre 2000.2. Les associations et structures qui interviennentauprès des gens du voyage se situent dans le champ dela santé et/ou du social (associations ayant pour mis-sion l’accompagnement social des gens du voyage,associations œuvrant pour l’accès à la santé, telles queMédecins du monde, etc.). Dans ce cadre, les inter-venants sont des professionnels de la santé (infirmiers,médecins, etc.) ou du social (assistant social, éduca-teur spécialisé, etc.) agissant soit en tant que salariésoit en tant que bénévole. Ces professionnels, témoinsdes conditions de vie des gens du voyage, sont en capa-cité d’en dresser un état des lieux.

aide à l’action

6 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

Fnasat-Gens du voyage : un collectif d’associationsengagées sur le terrainLa Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens duvoyage (Fnasat-Gens du voyage) rassemble quatre-vingt-sept associations mobilisées dans desactions recouvrant différents secteurs tels que l’habitat, l’insertion par l’économie, l’accès auxdroits, l’appui à la scolarité ou la santé. Ces associations sont départementales et agissent majo-ritairement dans le cadre de conventions avec les conseils généraux. En fonction de leur his-toire et de leurs contextes locaux, elles ont développé des compétences propres pour tel outel domaine. Se fédérer, c’est mutualiser ces savoir-faire locaux. C’est aussi disposer d’unereprésentation nationale, force d’interpellation et de propositions en direction des pouvoirspublics pour faire évoluer favorablement la situation des familles du voyage. Enfin, c’est lapossibilité de mettre en œuvre des outils communs de communication, d’édition, de formationet de coordination de programmes.La commission santé de la Fnasat participe de cette démarche d’analyse, d’interpellation et deproposition. Composée de professionnels de santé, salariés des associations de son réseau, lacommission mène aujourd’hui une étude sur l’environnement des aires d’accueil (deux cent trentesites sont analysés). La question du saturnisme et sa nécessaire prise en considération par tousles acteurs de la santé sont aussi des préoccupations qui structurent l’action de la commission.

Pour en savoir plusFnasat-Gens du voyage : 59, rue de l’Ourcq – 75019 ParisTél. 01 40 35 00 04www.fnasat.asso.fr

7LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

Six mille personnes sont atteintes de mucoviscidose en France. L’éducation du patient per-met d’améliorer considérablement la qualité de vie de ces personnes. À l’initiative del’association « Vaincre la mucoviscidose », cent cinquante soignants des quarante-neufcentres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) implantés sur leterritoire ont été formés aux activités d’éducation thérapeutique depuis 2004. L’enjeuest crucial : développer la compréhension que l’enfant a de la maladie, et des compé-tences pour lui donner les moyens de mieux vivre avec sa maladie.

La mucoviscidose est la maladiegénétique grave qui touche un nou-veau-né sur quatre mille cinq cents, enFrance, où six mille patients dont 40 %d’adultes sont suivis. Elle affecte plu-sieurs organes : poumons, pancréas,tube digestif, foie et voies biliaires, orga-nes reproducteurs. Grâce aux progrèsrécents, l’espérance de la vie à la nais-sance dépasse 40 ans, même si l’âgemoyen des décès est encore d’à peineplus de 25 ans. Le dépistage néonatalsystématique a été mis en place, enFrance, en 2002 avec la création descentres de ressources et de compéten-ces de la mucoviscidose (CRCM). Lamission de ces CRCM est d’améliorer laprise en charge globale des patients, laqualité des soins, la qualité de vie, dedévelopper l’éducation thérapeutique.

Le traitement de la mucoviscidoseest à la fois complexe et contraignant :– kinésithérapie respiratoire de trois àsept jours par semaine dès l’annonce dudiagnostic, c’est-à-dire dès l’âge de unmois ;– prise à chaque repas de gélules d’en-zymes pancréatiques pour digérer lesgraisses contenues dans l’alimentation ;– prise quotidienne de vitamines lipo-solubles ;– antibiothérapies orales fréquentes encas d’encombrement ;– séances d’aérosol de fluidifiants etd’antibiotiques de une à trois fois parjour, chaque séance durant de dix àquinze minutes ;– cures antibiotiques intraveineuses dequatorze jours, de trois à quatre fois paran pour la plupart des patients adultes ;

– traitement par spray ou inhalateur depoudre en cas d’asthme, présent chezenviron 50% des patients.

Depuis quelques années, il est re-connu que l’éducation thérapeutiquefait partie de la prise en charge des pa-tients atteints de maladie chronique (1).À partir de l’approche développée parJ.-F. d’Ivernois et R. Gagnayre (voirencadré page suivante) et face auxbesoins ressentis d’améliorer la prise encharge du patient vivant avec la muco-viscidose, l’association Vaincre la muco-viscidose s’est impliquée pour déve-lopper l’éducation thérapeutique dupatient auprès des équipes des centresde ressources et de compétences de lamucoviscidose (CRCM)1. C’est grâce àla constitution d’un groupe de travailréunissant des professionnels des dif-férents CRCM que diverses activités ontété entreprises, notamment le dévelop-

pement d’outils « consensuels » visantà faciliter la mise en œuvre de l’éduca-tion thérapeutique du patient.

Un premier groupe de travail, consti-tué de onze professionnels de santé, unparent d’enfant ayant la mucoviscidoseet un patient adulte, s’est réuni quatrefois, en 2003, à l’association Vaincre lamucoviscidose pour construire desdocuments permettant d’aider les édu-cateurs-soignants à mieux structurerl’éducation. Ont été élaborés un guided’entretien pour le diagnostic éducatif,dans lequel sont précisés les aspects àexplorer dans les domaines cognitif,socio-éducatif, psychoaffectif et biolo-gique, et un référentiel de compétenceset d’objectifs spécifiques à la mucovis-cidose, (voir, à titre d’exemple, la par-tie sur l’alimentation dans le tableau 1page suivante)(2). Au-delà de ce réfé-rentiel, pour mieux s’adapter aux

Mucoviscidose : devenir compétent en grandissant

éducation du patient

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éducation du patient

8 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

besoins des patients, il est important detenir compte de leur évolution person-nelle, de leur projet de vie et de leursituation sociale et familiale.

Les compétences du patientIl existe de nombreuses propositions

visant à définir le concept de compé-tence mais la plupart des auteurs sem-blent d’accord pour penser que lescompétences sont composées d’unensemble de savoirs, savoir-faire etsavoir-être articulés et mobilisés dansl’action (3-6). Dans l’éducation théra-peutique, le patient s’approprie descompétences dites « d’autosoins », habi-tuellement maîtrisées par les soignants.Ces compétences se déclinent en ter-mes d’objectifs spécifiques (7). Celapermet, par la constitution d’un réfé-rentiel d’objectifs spécifiques (exemplesdans le tableau 1), d’objectiver lessavoirs, d’apporter cohérence et perti-nence dans l’organisation des appren-tissages à proposer (4). Cependant, l’ac-quisition par le patient de compétencesd’autosoins nécessite que les compé-tences psychoaffectives et psycho-sociales du patient soient prises encompte. Il s’agit, par exemple, de s’in-téresser à l’aptitude du patient à gérerson stress et à s’adapter à son environ-nement, à la façon dont le patient seperçoit (« l’image de soi ») et s’il s’estimeen capacité d’agir sur sa maladie (5).

Ainsi, pour apprendre, le patient vadevoir activer ses ressources (cogniti-ves, psychoaffectives et psychosociales)pour répondre de manière le plus adap-tée possible aux situations qu’il ren-contre. Par exemple, le patient, pourmettre en œuvre ses compétences d’au-tosoins en situation de « faire face », vadevoir osciller entre des activités routi-nières qu’il doit connaître (faire sesaérosols), la compréhension qu’il a sursa maladie (signes d’alerte d’une exa-cerbation2), l’analyse de la situation àlaquelle il est confronté (degré d’ur-gence, adaptation à la situation), sonaptitude à gérer le stress et les émotionset intégrer les contraintes liées à sonenvironnement (professionnel, matérieldisponible, présence d’un lieu de soins)pour prendre des décisions et trouverdes solutions adaptées aux problèmesimprévus qu’il rencontre. En d’autrestermes, il s’agit pour le patient d’ap-prendre à mobiliser un ensemble deressources pour faire face à des situa-tions diverses et complexes (6).

Apprendre en grandissantL’acquisition de compétences pour

l’enfant lorsque celui-ci est très jeuneconcerne aussi les parents. C’est pro-gressivement que l’enfant va bénéficierde temps d’apprentissage lui permet-tant d’acquérir des compétences d’au-tosoins en fonction de son développe-ment cognitif, psychoaffectif et de la viesociale. Pour favoriser la constructionde compétences chez l’enfant et quelque soit son âge, le soignant devra créerun environnement pédagogique moti-vant et adapté aux besoins psycho-affectifs de l’enfant en :– proposant des situations permettant àl’enfant de construire sa propre réponse ;– variant les activités, les contextes d’ap-plication des nouveaux acquis pour enfavoriser leur transfert dans sa pratiqued’autosoins ;– prenant appui sur les réalisations del’enfant et son évolution (activités spor-tives, musicales, manuelles) ;– développant chez l’enfant ses capa-cités d’autoévaluation (jugement sur sapropre action).

Il est fondamental de partager l’idée,tant chez les parents que chez les soi-gnants, qu’il faudra que l’enfant parti-cipe, au plus tôt, à la gestion de sa mala-die. En effet, il s’agit d’accompagner lesparents et les soignants à accepter ledésir d’autonomie de l’enfant, qui vaaller en augmentant.

Compétences des parents d’enfantsdépistés

Depuis la mise en place du dépistagenéonatal systématique, en France, en

2002, l’annonce du diagnostic est faiteaux parents alors que leur enfant est âgéde un mois environ. Dans les momentsqui suivent cette annonce, des infor-mations sur la maladie sont données.Après les informations d’ordre médical,il est proposé aux familles une aidepsychologique immédiate (ou différéeà 48 heures). Le médecin et l’infirmièrecoordinatrice sont disponibles pourtoute demande des familles dans lesheures et les jours qui suivent l’an-nonce (permanence téléphonique) ; ledeuxième rendez-vous à 48 heures per-met de répondre aux besoins spéci-fiques. Sur le plan médical, les nour-rissons bénéficient systématiquementde séances de kinésithérapie respira-toire, environ trois fois par semaine, etd’un traitement comportant la prise degranulés d’extraits pancréatiques àchaque prise alimentaire ainsi que despolyvitamines une fois par jour. Le suivide l’enfant et de sa famille est organisépar le CRCM au rythme d’une consul-tation mensuelle les six premiers mois.

À partir des compétences suivantes :exprimer ses besoins, comprendre,identifier, adapter, faire face, nousavons établi des objectifs d’apprentis-sage (spécifiques) permettant auxparents d’enfants dépistés de gérer lamaladie de leur enfant au quotidien.Parmi ces objectifs, certains sont pourles soignants des objectifs de sécurité,par exemple :– repérer les signes d’alerte d’une exa-cerbation pulmonaire ;– exprimer une demande d’antibiothé-rapie ;

9LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

éducation du patient

Comment pratiquer l'éducation thérapeutique du patientSelon l’approche développée par J.-F. d’Ivernois et R. Gagnayre1, l’éducation thérapeutique dupatient (ETP) s’organise selon les quatre étapes suivantes :• l’élaboration d’un diagnostic éducatif, permettant de faire connaissance avec le patient etd’identifier ses besoins, son vécu avec sa maladie, ses compétences tant d’autosoins et psycho-affectives que ses potentialités, son mode de vie, sa motivation à se prendre en charge et sonprojet2 ;• le contrat d’éducation, précisant les compétences à développer et qui seront négociéesavec le patient (ce qu’il sait, doit apprendre ou réapprendre) ;• la mise en œuvre de l’apprentissage, où les activités seront choisies en fonction des poten-tialités et des compétences d’autosoins du patient et déterminées avec lui ;• l’évaluation, prenant en compte les connaissances, le raisonnement, la prise de décision etla croyance que le patient a, par exemple, de son efficacité dans la gestion de sa maladie.

1. Ivernois (d’) J.-F., Gagnayre R. Apprendre à éduquer le patient. Approche pédagogique. Paris : Maloine, 2e édition, 2004 : 155 p.2. Iguenane J., Gagnayre R. L’éducation thérapeutique du patient : le diagnostic éducatif. Kinésithérapie :les cahiers 2004 (29-30) : 58-64.

éducation du patient

10 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

– repérer les aliments riches en grais-ses ;– adapter la posologie des extraits pan-créatiques ;– repérer les situations justifiant unesupplémentation en sel et en eau.

Ainsi, à partir de la connaissance quenous avons de la famille et de sespotentialités (diagnostic éducatif), nousdéterminons en équipe le contratd’éducation. Ce contrat, négocié avecles parents, donne la priorité aux com-pétences et objectifs spécifiques pourl’enfant. Cela nous permet de planifieret de développer des apprentissagesprogressifs. Dans ce temps de travailéducatif avec les parents, sont abordésles aspects concernant l’âge d’implica-tion de l’enfant dans une gestion de samaladie. Cela prépare ainsi les parentsà accepter l’idée que très tôt, dès l’âgede deux ans, l’enfant aura des appren-tissages à effectuer : citons, par exem-ple, « pratiquer un lavage des mains ».

Compétences de l’enfant C’est en continuité avec le parcours

scolaire établi par l’Éducation nationale(8) et en tenant compte des capacitésd’apprentissage des enfants qu’ont étéproposés (à partir des compétencestransversales) des objectifs d’éducationthérapeutique adaptés à l’âge de l’en-fant. Ces derniers ont été regroupés parthèmes (les mêmes que pour les adul-tes) et déclinés par cycles scolaires. Pourorganiser les compétences et objectifsspécifiques, les domaines suivants ontété retenus :

– alimentation – digestion ;– poumons – infection – aérosols –sport – kinésithérapie – hygiène – envi-ronnement ;– fertilité – désir d’enfant ;– diabète – métabolisme.– gérer et vivre avec sa maladie.

En grandissant, les enfants appren-nent, peu à peu, ce qui est importantdans leur maladie. Pour chaque objec-tif d’apprentissage, des outils sont ima-ginés et créés afin que les séances édu-catives soient ludiques, interactives etadaptées à l’âge de l’enfant.

Pour l’objectif « Repérer les alimentsriches en graisses », dès 5-6 ans, ondemandera à l’enfant de faire la diffé-rence entre ce qui est gras et ce qui nel’est pas. À 10 ans, on demandera à l’en-

fant de réfléchir à partir de photos d’ali-ments plastifiés, de les classer par grou-pes et déterminer ceux qui sont plus ou moins riches en graisses ; il sera possible d’aller ensuite aller vers undeuxième objectif : « Adapter la poso-logie des extraits pancréatiques », endemandant à l’enfant ce qui se passedans l’appareil digestif selon la teneuren graisses des aliments. À 12-15 ans, ilsera capable d’ajuster sa prise d’extraitspancréatiques dans diverses situations.

La formation des professionnelsPour favoriser l’acquisition par l’en-

fant de compétences d’autosoins etpsychosociales, il est fondamental queles activités d’éducation thérapeutiques’adressant aux enfants prennent appuidès le départ sur leurs capacités d’adap-tation, de créativité et d’innovation, leurpermettant d’entrevoir l’espace deliberté dont ils disposent pour vivre engérant leur maladie, cela dans une per-spective de maintenir au mieux leurpotentiel santé. Consciente de cesenjeux, et pour inscrire des pratiquesd’éducation thérapeutique du patientdans les activités des soignants, l’asso-ciation Vaincre la mucoviscidose orga-nise, depuis 2004, en partenariat avecun centre de formation continue spé-cialisé dans l’éducation du patient(Ipcem) (9) des sessions de formationpour les soignants (deux sessions decinq jours par an). Cette formation per-met de créer une dynamique réflexiveautour de la personne du patient, consi-déré alors comme acteur de sa santé.De plus, elle aide les soignants à orga-niser et planifier les activités d’éduca-tion thérapeutique dans les CRCM.Ainsi, sept sessions ont permis de for-mer plus de cent cinquante soignants,médecins, infirmiers, kinésithérapeutes,diététiciens et psychologues. Sur lesquarante-neuf CRCM français, qua-rante-cinq ont formé au moins un soi-gnant, et trente-huit ont formé deux soi-gnants ou plus. Les formations vont sepoursuivre en 2008 selon les demandes.Il est envisagé de proposer des forma-tions complémentaires pour maintenirles compétences éducatives des soi-gnants et répondre à des demandesd’approfondissement dans le domainede l’éducation thérapeutique du patientatteint de mucoviscidose.

Après avoir initié la promotion del’éducation du patient, Vaincre la muco-viscidose continue à participer au déve-

loppement de la culture éducative del’ensemble des soignants des CRCM encollaboration avec la Société française dela mucoviscidose (10, 11).

Jacqueline Iguenane

Laboratoire de pédagogie de la santé,

UPRES EA 3412, université Paris-XIII,

Bobigny,

Sophie Ravilly

Association Vaincre la mucoviscidose,

Paris,

Valérie David,

CRCM Pédiatrique,

Centre de référence de la mucoviscidose,

Nantes.

1. Les CRCM ont été créés en 2002 à la suite de la miseen place du dépistage néonatal systématique. Il enexiste quarante-neuf en France.2. Aggravation respiratoire.

◗ Référencesbibliographiques

(1) OMS, Bureau régional pour l’Europe. Édu-cation thérapeutique du patient. Program-mes de formation continue pour profes-sionnels de soins dans le domaine de laprévention des maladies chroniques.Recommandations d’un groupe de travail del’OMS. Copenhague : OMS, 1998 : 88 p.(2) David V., Iguenane J., Ravilly S. L’éduca-tion thérapeutique dans la mucoviscidose :quelles compétences pour le patient ? Rev.Mal. Respir. 2007 ; 24 (1) : 57-62.(3) Le Boterf G. Construire les compétencesindividuelles et collectives. Paris : Éditionsd’Organisation, 4e édition, 2006 : 272 p.(4) Perrenoud P. Enseigner : agir dans l’ur-gence, décider dans l’incertitude. Paris : ESF,coll. Pédagogies, 2e édition, 1999 : 200 p.(5) Bruchon-Schweitzer M. Un modèle inté-gratif en psychologie de la santé In : FischerG.-N. (sous la dir.) Traité de psychologie dela santé. Paris : Dunod, coll. Psycho. Sup.,2002 : 47-71.(6) Rey B. Les compétences transversalesen question. Paris : ESF, coll. Pédagogies,1999 : 224 p.(7) Ivernois (d’) J.-F., Gagnayre R. Appren-dre à éduquer le patient. Approche pédago-gique. Paris : Maloine, 2e édition, 2004 :155 p.(8) Livret scolaire d’évaluation. Apprentissa-ges fondamentaux. Éducation nationale.(9) IPCEM : www.ipcem.com(10) Réseau MucoOuest : www.reseau-muco-ouest.org(11) Vaincre la mucoviscidose : www.vain-crelamuco.org

390Juillet-Août 2007

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11LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

C’est une question à laquelle aucun professionnel de la santé, du social ou de l’éducation n’échappe : « Avez-vous évalué votre action ? » Que ce soit pour mobiliser des financements,des partenaires, pour vérifier la pertinence d’une action et son efficacité, pour améliorerses propres pratiques, l’évaluation est devenue une étape incontournable. Le problèmeest qu’il est particulièrement difficile d’évaluer une action ou un programme d’éducation pourla santé. Certains effets ne peuvent se concrétiser, et les effets visibles interviennent par-fois des décennies plus tard ; ils sont alors la résultante d’une multitude de facteurs…

La tâche est donc difficile mais tout à fait possible – c’est l’un des enseignements essen-tiels de ce dossier – à condition qu’elle soit assortie d’une rigueur dans l’approche et d’unrefus de la simplification. Ce dossier volumineux – quarante pages – a été piloté par desexperts francophones : Chantal Vandoorne (École de santé publique de l’université de Liège,Belgique), Laurence Fond-Harmant (Centre de recherche public-santé au Luxembourg) et Fran-çoise Jabot (École nationale de la santé publique à Rennes). Il rassemble analyses, modesd’emploi et cas pratiques. Il se veut un outil pour les professionnels.

Françoise Jabot analyse les grands enjeux et les pratiques d’évaluation ; avec Murielle Bau-chet, elle nous présente un précieux glossaire des mots-clés. Chantal Vandoorne décrit lesfondements de l’évaluation d’une action d’éducation pour la santé, elle répond aussi à desquestions qui dérangent et se posent immanquablement aux acteurs et décideurs. D’autresexperts ont été conviés : Michel Demarteau (Belgique) présente l’histoire de l’évaluation,des balbutiements aux États-Unis et en Europe aux progrès des connaissances et aux avan-cées les plus récentes. Louise Potvin (Canada, Québec) souligne que c’est l’évaluation quipermet de développer l’innovation et donc ensuite d’impulser le changement. Retour dansl’Hexagone avec Francis Nock, qui nous livre un mode d’emploi pratique de l’évaluation.

Dans la seconde partie de ce dossier, nous vous présentons une sélection d’évaluations d’ac-tions ou de programmes d’éducation pour la santé. Il n’est pas possible, dans cette pré-sentation, de citer tous les auteurs qui ont accepté d’y contribuer mais la variété des thèmes traités montre l’ampleur de la réflexion : la prévention du tabagisme dans des lycéesd’Aquitaine, les ateliers santé, un programme de santé communautaire à Bruxelles, les nou-veaux pôles régionaux de compétences en éducation pour la santé sur le territoire fran-çais, etc. Et puis, il y a ceux qui mutualisent les savoirs, travaillent en réseau : les régionsProvence – Alpes – Côte d’Azur, Bretagne, Pays de la Loire et Franche-Comté montrent icila voie à suivre, en formant les professionnels, en élaborant des protocoles concertés etdes outils comme des cédéroms. La même concertation prévaut en Aquitaine, où profes-sionnels, décideurs et porteurs de projets évaluent de concert un programme de repéragede la consommation d’alcool qui s’appuie sur les médecins généralistes. Bonne lecture !

Yves Géry

Éducation pour la santé : les défis de l’évaluation

Dossier coordonné par Chantal Vandoorne,directrice de l’APES-ULg, Liège, FrançoiseJabot, enseignant-chercheur, École nationale dela santé publique, Rennes, et Laurence Fond-Harmant, Responsable du développement desprogrammes de recherche en santé publique,Centre de recherche public-santé, Luxembourg.

12 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

édito

Évaluation : «ni pensée unique ni bonnes ou mauvaises méthodes !»

Les professionnels de la santé, de l’éducationet du social, tous les intervenants en éducationpour la santé sont confrontés régulièrement à laquestion de l’évaluation de leurs actions. Quece soit pour en apprécier l’efficacité, pour obte-nir des financements, pour améliorer la qualitéde leurs pratiques professionnelles. Ce faisant, ilsse posent de nombreuses questions sur le « com-ment faire » des évaluations valides, peu coûteu-ses en temps et en ressources, des évaluationsutiles, acceptables par les usagers et les parte-naires. L’évaluation est hautement stratégique.

Les intervenants doivent prendreen compte les priorités politiqueset institutionnelles, dans unchamp où se croisent des appro-ches et pratiques hétérogènes,des disciplines diverses, voiredes valeurs paradoxales.

La pression s’accentue pourque toute attribution de fondspublics donne lieu à une éva-luation. Au-delà de cette néces-sité de justifier de l’usage dessubventions reçues, nombred’acteurs de la promotion de lasanté souhaitent aussi que lesévaluations soient utilisables etutilisées pour améliorer la qua-lité de leurs interventions, ren-forcer les capacités profession-nelles, assurer la continuité desprogrammes. Bref, des évalua-tions qui soient utiles pour pilo-

ter les projets/les programmes et en améliorer laqualité. Des évaluations qui dynamisent le par-tenariat ; qui stimulent la réflexion, influencentles décisions politiques. Voilà le défi auquel noussommes confrontés.

Dans ce contexte, il importe de trouver denouveaux modèles de référence en matièred’évaluation. En effet, si elles restent d’actualité,les notions d’efficacité, d’effets ou d’impact, etc.,ne suffisent plus à rencontrer ces attentes. Lesparadigmes issus de la recherche expérimentaleet épidémiologique se révèlent peu adaptés enéducation pour la santé : ils sont orientés vers

la connaissance plus que vers l’action, ils cher-chent à neutraliser les sources de variation plu-tôt qu’à les intégrer, ils se développent sur unrythme propre lié au respect des critères métho-dologiques et s’adaptent difficilement à lalogique temporelle des programmes et projets.

Parler d’évaluation n’est donc pas choseaisée… faire reconnaître la légitimité de diffé-rentes formes d’évaluation est tout aussi difficile.Organiser le débat autour de ces questions néces-site non seulement une clarification méthodolo-gique mais aussi une réflexion épistémologique.

En effet, en éducation pour la santé, chaqueacteur (public, promoteur de projet, chercheur,commission d’avis, administration, ministre, etc.)dispose d’un cadre de référence qui lui est pro-pre : il agit en fonction de sa représentation dela réalité et du sens qu’il donne à ses interven-tions, de ses options personnelles et de sa posi-tion en tant que professionnel. Ces cadres deréférence sont parfois formalisés, ils constituentalors de véritables référentiels qui prennentvaleur de « normes » pour un groupe de profes-sionnels.

Dans ce dossier, nous avons souhaité :– faire émerger les fonctions, les enjeux et lesacteurs de l’évaluation ;– présenter les différents modèles de référenceen matière de conception et de planification del’éducation pour la santé.

Dans le monde de l’évaluation, plusieurstypes de compétences sont mis en jeu, cellesde l’expert, mais aussi celles des professionnelsde l’intervention. Évaluation externe, interne,autoévaluation accompagnée, la diversité despratiques évaluatives reflète la pluralité desattentes envers l’évaluation : apport de connais-sances, identification des conditions de succèsou d’échec des actions, accompagnement duchangement, démonstration des effets induitspar l’intervention, etc.

Ainsi, les méthodes et les compétences àmobiliser dépendent du contexte dans lequels’inscrit l’évaluation. Par ailleurs, la nature des

« Au terme de ce dossier,nous espérons queles professionnels

de l’intervention enéducation pour la santé

seront à la fois plusconfiants et plus prudents.

Plus confiants, car ils auront compris que

l’évaluation est un terrainindissociable de l’action.

Plus prudents, car ils aurontcompris que les choix

méthodologiques recouvrentde véritables enjeux. »

13LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

questions posées oriente des approches contras-tées, à l’origine de controverses troublantes pourles professionnels, notamment l’oppositionquantitatif/qualitatif et la production et/ou l’uti-lisation de données probantes. Il n’y a en éva-luation ni pensée unique ni bonnes ou mauvai-ses méthodes… ni manière unique de conduiredes évaluations. En revanche, quelques repè-res sont utiles pour parcourir le chemin de l’éva-luation, de la construction négociée, partenarialedes objectifs, du protocole d’évaluation à la dis-cussion des conclusions.

Et, en pratique, pourquoi évaluer et comment ?Les attentes des décideurs relèvent quelquefoisdu mythe de la toute puissance de l’évaluation,laquelle serait apte à faire des découvertes inat-tendues et à apporter des solutions correctricesà toutes sortes de dysfonctionnements. Or, l’éva-luation reconstitue une intervention dans toutesses dimensions, mais elle ne produit pas de révé-lation ; elle redonne du sens, sans nécessairementjustifier ; elle remet en question et parfoisdérange. Autant de retombées plus ou moinsconformes aux espérances des acteurs. Ces thè-mes sont explorés dans ce dossier à travers la pré-sentation de plusieurs exemples concrets français,belges et québécois. Enfin, nous relatons plu-sieurs expériences d’acteurs de l’éducation pourla santé qui ont engagé une réflexion collectivedans le souci de construire, promouvoir et diffu-ser une culture d’évaluation.

Au terme de ce dossier, nous espérons queles professionnels de l’intervention en éducationpour la santé seront à la fois plus confiants et plusprudents. Plus confiants, car ils auront comprisque l’évaluation est un terrain indissociable del’action. Ainsi rassurés, ils pourront aborder avecsérénité les inévitables questions méthodolo-giques et se sentir légitimes aux côtés des éva-luateurs. Plus confiants mais aussi plus prudents,car ils auront compris que les choix méthodolo-giques impliquent bien plus que la validité (lascientificité) des résultats ; ils recouvrent de véri-tables enjeux stratégiques. Si les professionnelsreferment ce dossier en étant convaincus de lanécessité de négocier les protocoles d’évaluationentre parties prenantes ; s’ils acceptent de s’im-pliquer dans des réseaux qui mutualisent desrésultats d’évaluation entre professionnels, s’ilsenvisagent de soustraire du temps à l’action pourse faire accompagner et construire leur propreévaluation, alors nous aurons réussi notre pari.

Chantal Vandoorne

Directrice,

APES-ULg Liège, Belgique.

Françoise Jabot

Médecin de santé publique, enseignant-chercheur,

École nationale de la santé publique, Rennes.

Laurence Fond-Harmant, Ph.D.

Responsable du développement

des programmes de recherche en santé publique,

Centre de recherche public-santé, Luxembourg.

Évaluer… De quoi parle-t-on ? À quoi sert l’évaluation ? Quels en sont les enjeux ? Françoise Jabot, responsable de la formation à l’évaluation à l’École nationale de la santépublique, expose ici quelques traits essentiels de la démarche : une construction collective et négociée, la prise en compte de multiples points de vue, une méthode rigou-reuse… Une remise en question salutaire des pratiques pour progresser !

Évaluation ! Depuis quelques années,le mot ponctue, comme un leitmotiv,textes et discours, sonnant tantôtcomme une injonction, tantôt commel’invocation d’une solution propre àrésoudre tous les problèmes, tantôtcomme une règle de bonne pratique.Cette évocation, omniprésente dans descontextes multiples, crée un bruit defond qui, tout en maintenant les cons-ciences en alerte sur « l’ardente néces-sité » de l’évaluation, finit par brouillerle sens du message. De quoi parle-t-on,finalement ? Les auteurs de ces discoursqui, tour à tour, convoquent, récusentou redoutent l’évaluation, lui accordent-ils la même signification ? De quellesreprésentations, de quelles attentes etde quels enjeux le mot est-il porteur ?Cet engouement récent est-il un effet demode, une pure rhétorique ou letémoin d’une transformation en coursdans la gestion des actions publiques ?

Pour tenter de répondre à ces ques-tions, la parole sera d’abord donnée auxacteurs impliqués dans le domaine del’évaluation. Les citations rapportéesdans le texte sont extraites d’entretiensconduits auprès de ces acteurs pour laréalisation d’un document multimédiasur l’évaluation (1).

L’évaluation : paroles d’acteurs

Comment définir l’évaluation ?Définir l’évaluation est une tâche

ardue car le mot, isolé, donne peu deprises à une traduction concrète. Lestentatives d’explicitation s’accompa-gnent le plus souvent d’une qualificationportant sur les objets (évaluation depolitiques, de programmes, de projets,de pratiques professionnelles, deréseaux…), sur les finalités (évaluationrécapitulative ou formative1), sur la dis-

cipline principalement mobilisée (éva-luation épidémiologique, évaluationéconomique, etc.), sur le mode opéra-toire (évaluation externe, interne, auto-évaluation) ou encore, selon une for-mule plus générique, sur la nature del’exercice (démarche, méthode, proces-sus d’évaluation). On recense autant dedéfinitions que de théoriciens qui, jon-glant avec quelques mots-clés, se sontconfrontés à l’exercice. Plus de cent défi-nitions de l’évaluation étaient déjà réper-toriées il y a une vingtaine d’années (2).

Posée aux acteurs, la question sus-cite une variété de réponses : regardsur soi, sur les autres, sur le système(opérateur), guide (opérateur), moyende progresser (opérateur), immensemiroir (opérateur), exigence techniqueet démocratique (fonctionnaire d’État),démarche d’amélioration de la qualité(décideur, responsable de programme),démarche participative (responsable deprogramme), aide à une meilleure gou-vernance (décideur), mesure de l’écartentre ce que l’on voulait faire et ce quel’on a fait (décideur), démarche qui viseà éclairer des choix publics (décideur),processus d’apprentissage collectif (déci-deur, expert), démarche à chaque foisnouvelle et créative (évaluateur), pos-ture plus qu’un métier (évaluateur),outil (évaluateur), processus d’interac-tion et de négociation (expert/évalua-teur). Plus qu’une définition, ce sont làleurs propres attentes que livrent lesacteurs. Avoir un regard sur son actionafin d’améliorer ses pratiques relèvebien d’une préoccupation d’animateurde projet. Mieux gérer, décider ration-nellement de l’utilisation des fondspublics en est une autre, tout aussi légi-time, de décideurs. Quant aux évalua-teurs2, ils insistent sur les dynamiquesinduites par la démarche.

À quoi sert l’évaluation ?Interrogés plus spécifiquement sur

les finalités de l’évaluation, ces mêmesacteurs déclarent : s’interroger sur leprojet (opérateur), valoriser ce qui a étéfait (opérateur), rendre explicite ce quiest implicite (formateur/accompagna-teur), rendre des comptes à son admi-nistration et aux citoyens (fonctionnaired’État), prendre des décisions (déci-deur), vérifier si la politique produit desrésultats ou va dans le sens fixé (élus),prendre conscience des succès et deséchecs (élu), réécrire les objectifs du pro-gramme (responsable de programme),communiquer avec les acteurs de ter-rain et témoigner de leurs inquiétudesauprès des décideurs (responsable deprogramme), piloter l’action (expert),produire de la connaissance en mêmetemps que des changements dans l’ac-tion (expert).

Ces propos inspirent trois commen-taires. Premièrement, on note que lesréponses diffèrent peu dans le contenu,quelle que soit la question posée : c’estprincipalement l’usage des résultats del’évaluation qui est évoqué. Deuxième-ment, ils illustrent les interactions entreles perceptions qu’ont les acteurs del’évaluation, leurs attentes et les respon-sabilités qu’ils occupent. Enfin, ils confir-ment l’intérêt de procéder, dès lors qu’untravail d’évaluation est engagé, à la miseà jour des représentations de l’ensem-ble des protagonistes. Méfions-nous desévidences ! Dans le milieu des évalua-teurs, la définition de l’évaluation estattachée à la notion de valeur, au sensde valeur ajoutée par l’action, confor-mément à son étymologie. « Évaluer,c’est émettre un jugement sur la valeur »,écrivait Patrick Viveret dans le rapportfondateur de l’évaluation des politiquespubliques en France (3). Pour la Société

14 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

Enjeux et pratiques de l’évaluation

15LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

française de l’évaluation, « l’évaluationvise à produire des connaissances surles actions publiques […] dans le doublebut de permettre aux citoyens d’enapprécier la valeur » (4). De jugementsur la valeur à jugement de valeur, leglissement sémantique qui a pu s’opé-rer parmi les acteurs de terrain expliqueleurs réticences à s’exposer dans cetype de démarche et les inquiétudes surla sanction supposée l’accompagner. Àl’opposé, une professionnelle insistaitsur l’opportunité, à travers l’évaluation,de « mettre en valeur » le travail réaliséavec et par les bénéficiaires de l’action.

À qui profite l’évaluation ?

• aux décideurs pour « décider »ou « améliorer la gestionpublique »

Avant d’opter pour la reconductiond’une intervention3, un décideur recher-chera principalement, pour éclairer sonchoix, des arguments sur son utilité etson efficacité. La démonstration de l’effi-cacité est la question d’évaluation la plusdifficile à résoudre car elle requiert lamise en évidence de la relation de cau-salité entre les effets observés (parexemple un recours plus précoce auxservices de soins) et l’intervention réali-sée (des ateliers de groupe pour la reva-lorisation de l’estime de soi) ; cela sup-pose de parvenir à isoler les effetspropres et attendus de l’intervention (lamodification de comportement), d’autreseffets qui ne lui seraient pas liés (aug-mentation des revenus, relation privilé-giée avec une personne facilitant l’ac-cès aux services, etc.). En l’absence d’uncadre de recherche approprié, fiable etvalide, le défi n’est pas relevé ; la prisede décision est rarement étayée sur labase de l’efficacité stricto sensu. Pourautant, l’évaluation est-elle inutile ? Cer-tainement pas, les analyses contextuel-les permettant de comprendre lesconditions de succès ou d’échec de l’in-tervention apportent des informationstrès utiles pour la décision. Par ailleurs,une description détaillée et argumentéede la mise en œuvre de l’intervention etdes réalisations peut satisfaire à l’exi-gence de rendre compte de l’utilisationdes fonds alloués.

• aux opérateurs pour « améliorerl’action »

Pour les opérateurs, l’évaluation estsurtout considérée comme une activitéintégrée à l’action dans le but de pro-

céder à des ajustements réguliers afind’améliorer l’action. Une intervention,projet ou programme, n’est pas unestructure figée ; elle évolue au gré desaléas de sa mise à l’épreuve du terrain,des acteurs en présence et du contextedans lequel elle s’inscrit. L’interrogationsur le sens de l’action est présente,nourrie de réflexions internes et desretours d’informations des bénéficiaires.Pratique réflexive en équipe, « regarddans le rétroviseur », procédure plus oumoins formalisée, les évaluations sontde facture variable, fonction des exi-gences et des ressources dévolues.

• avec des acquis partagésEn réalité – et la somme des discours

recueillis lors des entretiens le valide –,l’évaluation remplit une pluralité defonctions (5) au service de tous : accu-muler de la connaissance, estimer lavaleur de l’action accomplie, produiredu changement, susciter un débat avecl’ensemble des acteurs engagés, lesfaire progresser collectivement, mobi-liser et contribuer à l’appropriation del’intervention. En effet, l’apport deconnaissances quasiment toujoursrecherché dans les questionnementsévaluatifs, qu’il s’agisse d’accumulerdes indications sur l’intervention ou dedocumenter une expérimentation, estau profit de tous. De surcroît, l’évalua-tion donne l’opportunité de récapitulerl’histoire d’une politique, d’un pro-gramme ou d’un projet, avec le rapportd’évaluation comme support de cettemémoire reconstruite. En restituantla participation des acteurs impliqués,elle constitue une forme de reconnais-sance du travail accompli et favorisel’appropriation par les différents par-tenaires tant des conclusions de la pro-duction évaluative que de l’interven-tion évaluée.

L’évaluation : une démarcheaudacieuse et contestataire !

Réduire l’implicite…Exercice ponctuel ou continu, en

cours ou en fin d’intervention, externeou interne, tout travail évaluatif doit sesoumettre au rituel d’un questionne-ment préalable : évaluer, pourquoi ?Quoi ? Avec qui ? Pour qui ? Pour quoifaire ? Comment ? L’explicitation desobjectifs, la définition du champ del’évaluation, la clarification du ques-tionnement et la définition des moda-lités de travail sont des épreuves

incontournables de la première étapedu parcours évaluatif. Il s’agit là de« rendre explicite ce qui est implicite ».

Cette réflexion initiale doit permet-tre de s’entendre sur l’utilisation decette évaluation, les questions à poseret les critères de jugement. En effet, laspécificité de l’évaluation relève de lamise en perspective de l’analyse avecl’angle de vue collectivement choisi :le système de référence de l’évaluationdont les critères sont l’élément majeur.Sur quelle(s) base(s) apprécier l’inter-vention ? Par exemple, l’adhésion desacteurs à un projet sera-t-elle estiméesur leur présence aux réunions, surleur participation à un travail communou sur une transformation consé-quente de leurs pratiques au regarddes principes du projet ? Sur quels élé-ments décider qu’un projet est réussiet/ou en voie d’autonomisation ? Surquelle base affirmer qu’une action aamélioré la confiance en soi des élè-ves ? Le choix des critères n’est pasneutre. Il relève d’un acte collectif –et non pas de la seule responsabilité del’évaluateur – et engage l’ensemble dela démarche.

Enfin, le travail préliminaire contri-buera à mettre au jour les enjeux del’évaluation, à savoir, les conséquencesprévisibles pour l’intervention (la pour-suite de l’intervention est-elle dépen-dante des conclusions ?), les problèmesou conflits latents susceptibles d’émer-ger, les opportunités (la mise en valeurde l’action, des opérateurs), afin de dis-siper les malentendus, de minimiser lerisque de déception quant aux résul-tats de l’opération (l’obtention deréponses aux questions posées) et d’an-ticiper les difficultés au cours de l’exer-cice (notamment les résistances à par-ticiper à l’évaluation…).

Poser des questionsdérangeantes…

L’évaluation suscite des réticencesparce qu’elle est, par essence, un pro-cessus de contestation, en raison de la(re)mise en question(s) de l’interven-tion. L’intervention permet-elle de satis-faire les besoins des populationsvisées ? Sur quels fondements théo-riques a-t-elle été construite ? A-t-onconduit les actions avec professionna-lisme ? Aurait-on pu faire mieux ? Leseffets attendus se sont-ils produits ?Tout de l’intervention (structure, dérou-

16 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

lement, acteurs, résultats) peut être dis-séqué et soumis à l’analyse critique.Mais tout ne fera pas l’objet d’une étudeapprofondie ; des choix devront êtrenégociés en vue de l’usage présumé desrésultats de l’évaluation.

Ouvrir un espace de controverses…Les buts déclarés de l’évaluation

influencent le champ mais aussi lanature de la démarche, notamment ence qui concerne l’étendue des acteurs(des responsables aux partenaires etaux citoyens) à associer à la réflexionet la place à leur accorder. Lors du der-nier colloque de la Société françaisede l’évaluation (SFE), un panel decitoyens sollicités pour produire unavis sur la place des citoyens dansl’évaluation des politiques publiques,justifiait un telle orientation au nom detrois arguments : leur triple légitimitéd’usagers, d’habitants, de contribua-bles ; leur proximité directe avec lesrésultats de la politique ; leur intérêtpour leschangements à venir du faitdes conclusions de l’évaluation. Il sou-lignait également l’intérêt d’un autreregard précisément parce qu’il permetde relier toutes les finalités de l’éva-luation (6). Les influences s’exercentaussi de la part des acteurs sur le pro-cessus d’évaluation.

… et de (ré)conciliationOpter pour une évaluation partici-

pative suppose d’accepter le risque dela controverse et de s’engager à créerles conditions d’un dialogue équilibréentre les différents points de vue. Ainsiconçue, l’évaluation crée un espace de débat et une tribune à différentescatégories d’acteurs qui, à cette occa-sion, pourront exprimer des concep-tions, des préférences, des incompré-hensions, voire des revendications.Conduite sur un mode concerté, l’éva-luation favorise des échanges aptes àfaire converger des préoccupationsparticulières, et même contradictoires,à concevoir et partager des référencescommunes. Les évaluations des pro-grammes régionaux de santé du débutdes années 2000 témoignent de ce ras-semblement opéré, là où la dynamiquede concertation avait précisément per-mis la mise en place d’un processusparticipatif (7). L’évaluation est unespace favorable à la réconciliation decatégories à première vue opposées,experts et profanes, décideurs etacteurs de terrain.

L’évaluateur : un personnage à plusieurs facettes

L’évaluateur responsable de laconduite du processus peut être l’arti-san de ces rapprochements. Les situa-tions évaluatives lui confèrent unevariété de rôles. Dans le cadre d’uneévaluation interne, il se confond avecl’acteur de l’action. Dans une évaluationexterne, il est dégagé de tout lien avecl’intervention, avec, toutefois, des pos-tures variables en fonction des objectifsavoués de l’évaluation et de la proximitérecherchée avec les responsables del’intervention. Interpellé pour répondreà des questions sur l’impact de l’inter-vention, il adoptera une position dis-tanciée compatible avec la neutralitéattendue de l’expert. Sollicité pouraccompagner des acteurs de terraindans leur propre évaluation, il s’inté-grera au mieux dans l’environnementpour faire émerger les questions, être laressource propre à accompagner – plusque guider – le processus d’évaluation :reconstituer la logique d’action, clari-fier les objectifs, aider au choix ou à la construction des outils de recueil etd’analyse des données.

L’évaluation : une activitésociale au service de l’apprentissage collectif

L’évaluation reste difficile à définir,à cerner, à expliquer parce qu’elle ne serésume pas à une seule opération intel-lectuelle. Inscrite dans un système derelations dynamiques entre des acteurs,des pratiques, des intentions, uncontexte, elle est, avant tout, une acti-vité sociale et à chaque fois singulière.La pluralité de ses applications, com-binée à tous les autres paramètres quila façonnent, génère une variété deconfigurations incluant sur un largeregistre des formes d’évaluation parfoisbien contrastées : évaluation de laconformité, évaluation managériale,recherche évaluative, évaluation d’ex-pertise, évaluation compréhensive, éva-luation pluraliste, etc.

Ainsi que le rapportait Bernard Perret4, « quand on essaye de définirl’évaluation, on met toujours l’accentsur un aspect particulier, alors qu’en faitil faut avoir une vision équilibrée desdifférentes fonctions, de prise de déci-sion, de formation, de médiation, dediagnostic partagé. L’expression quiintègre le mieux les différentes fonctions,c’est celle d’apprentissage collectif ».

Progressivement, forte de l’accumu-lation des expériences et des acquisqu’elle génère, l’évaluation s’intègrepeu à peu dans les pratiques, laissantpenser que, derrière le bruit de fond, ily a bien plus qu’une simple rhétorique.

Françoise Jabot

Médecin de santé publique,

enseignant-chercheur,

École nationale de la santé publique (ENSP),

Rennes.

« Je remercie Chantal Vandoorne pour sa contri-bution. Ses commentaires et les échanges quenous avons eus m’ont permis d’améliorer la pre-mière version de ce texte. »

1. Voir le glossaire page 22.2. Le terme évaluateur s’applique ici aux praticiens dela méthode.3. Nous utiliserons le terme « intervention » comme unterme générique pour désigner diverses formes d’ac-tions, qu’il s’agisse d’actions isolées, de projets, de pro-grammes ou de politiques.4. Ancien membre du conseil scientifique de l’éva-luation, membre de la SFE, auteur d’un ouvrage surl’évaluation des politiques publiques (8).

◗ Référencesbibliographiques

(1) Jabot F. Regards croisés sur l’évaluation.Deux DVD. Rennes : ENSP, 2007.2) Patton M.Q. Creative evaluation. NexburyPark, CA : Sage Publications, 1986, 2e édi-tion.(3) Viveret P. L’évaluation des politiques etdes actions publiques. Paris : La documen-tation Française, coll. Rapports officiels,1989.(4) Charte de l’évaluation des politiquespubliques. Société française de l’évaluation,version révisée, juin 2006.(5) Conseil scientifique de l’évaluation. Petitguide de l’évaluation des politiquespubliques. Paris : La documentation Fran-çaise, 1996.(6) Avis du groupe de citoyens relatif à « Laplace des citoyens dans l’évaluation des poli-tiques publiques ». 7es Journées françaisesde l’évaluation, Lyon, 20-21 juin 2006.(7) Jabot F. L’évaluation des programmesrégionaux de santé. ADSP, la revue du HautComité de la santé publique, n° 46, mars2004.(8) Perret B. L’évaluation des politiquespubliques. Paris : La Découverte, coll. Repè-res, 2001 : 128 p.

17LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

Sur quels fondements et référents théoriques évaluer une action d’éducation pour lasanté ? Chantal Vandoorne analyse la spécificité de l’éducation pour la santé, impossi-ble à évaluer à partir d’indicateurs épidémiologiques, comme la mortalité. Elle souligneà quel point la modification d’une attitude, l’enrichissement d’une représentation, l’évo-lution d’un comportement sont le fruit de multiples facteurs. Autre difficulté à prendreen compte : il faut raisonner dans la durée, l’acte éducatif peut n’avoir aucune consé-quence à court terme mais être capitalisé pour produire un changement plus tard.

Le terme d’éducation recouvre unemultitude d’interprétations qu’il seraittrop long d’explorer ici. Dans cet arti-cle, nous l’emploierons au sensd’« action éducative », c’est-à-dire l’amé-nagement intentionnel de situationsd’actions, de communication et deréflexion qui permettent à un individuou à un groupe d’individus de se déve-lopper dans les domaines intellectuel,socioaffectif, moteur, sensoriel, etc. Cessituations sont parfois qualifiées desituations d’apprentissage. Le termeapprentissage renvoie plutôt au pro-cessus à l’œuvre chez une personnepour amener du changement dans sesacquis. Quand on parle d’éducation, onse place du point de vue de l’acteuréducatif ; quand on parle d’apprentis-sage, on se place du point de vue dupublic visé.

L’action éducative se déploie au seind’une culture, d’une société, de milieuxde vie qui ont leurs propres référencesen termes de valeurs, de normes, decomportements et de savoirs. Le tout estinscrit dans un contexte culturel etsocial. Ainsi l’éducation a une fonctiond’homogénéité sociale qui se déve-loppe en tension avec d’autres fonc-tions : l’émancipation des personnes, laformation progressive de leur capacitéà décider d’elles-mêmes, l’émergencedu sujet à partir de son inscription bio-logique, historique et sociale (1-3).

L’éducation vise donc à placer, defaçon intentionnelle, les individus dansun processus de changement. L’éva-luation de l’éducation va chercher à

identifier les changements produits(évaluation d’impacts et d’effets), elle vaaussi chercher à relever la trace des pro-cessus qui ont rendu ces changementspossibles. En éducation pour la santé,on souhaite en plus que ces change-ments soient reconnus comme produc-teurs de santé. C’est ici qu’interviennentles modèles et paradigmes auxquels seréfèrent les divers intervenants de l’édu-cation pour la santé.

La demande d’évaluation des effetset impacts de l’éducation pour la santéreste un objet d’intérêt prioritaire.Cependant, la plupart des programmeséducatifs évalués par des schémas detype expérimental ou quasi expérimen-tal1 ont échoué à démontrer leur effica-cité sur le moyen terme (4, 5) : certainseffets bénéfiques enregistrés au termedu programme ont disparu deux ansplus tard ; on ne parvient pas à mettre

Comment évaluer une actiond’éducation pour la santé ?

18 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

en évidence des différences significati-ves dans l’évolution du groupe soumisà l’intervention éducative et du groupecontrôle…, sauf dans la progression desconnaissances, etc. Dès lors, la tentationest grande pour les professionnels del’éducation pour la santé et de la pro-motion de la santé d’abandonner l’éva-luation des résultats des actions éduca-tives pour se centrer exclusivement surles processus.

Après avoir exploré quelques diffi-cultés inhérentes à l’évaluation de l’ac-tion éducative en santé, nous souhai-tons expliciter ici qu’il est possible defaire porter l’évaluation sur certainsrésultats de l’action éducative.

Rationnel, humaniste, social ou écologique

Comme mentionné dans d’autrescontributions de ce numéro, le juge-ment sur la valeur d’une action est cons-titutif de l’acte d’évaluation. La clarifi-cation des valeurs et modèles deréférence représente donc une étapeessentielle dans la construction ou lanégociation d’une évaluation. En effet,comme le dit clairement K. Tones (6),la manière d’interpréter la promotion de la santé tout comme le choix desméthodes et stratégies sont déterminéspar l’idéologie. Ces différences sontfondées sur une vision bien déterminéedu monde en général, de la naturehumaine et de l’action humaine.

Plusieurs paradigmes servent decadre de référence aux actions d’éduca-tion pour la santé. Dans une contributionrécente, J. Fortin (7) distingue quatreparadigmes d’organisation sociale quipermettent de questionner la dimensionéducationnelle – choix rationnel (le rap-port de soi aux normes bio-psycho-médicales), réalisation de soi (le rapportà soi), dialectique sociale (le rapport auxautres) et approche écologique (le rap-port au contexte). Nous reprenons ci-dessous quelques éléments seulementde cet article, propices à éclairer la ques-tion de l’évaluation.

Les acteurs intervenant en éducationpour la santé inscrivent leurs pratiques

1. Preceed-Proceed : une approche rationnelle avec l’approche éducative comme déterminant parmi d’autres1

Dans le modèle Preceed-Proceed, les dimensions éducatives occupent une place de choix ; elles sont organisées en facteurs prédisposants (valeurs,connaissances, croyances, habitudes, etc.) renforçants et facilitants (disponibilité des services et/ou des produits, etc.) ; elles doivent faire l’objetd’un diagnostic avant le programme et sont représentées comme une étape incontournable d’un changement de comportement ou de modes devie dans la réalisation d’un objectif de santé, aux côtés des modifications de la législation ou des dispositifs d’aménagement de l’environnementmatériel ou social. Ce modèle s’apparente au paradigme rationnel et au paradigme humaniste. Il présente l’intérêt de situer l’action éducativeparmi d’autres déterminants et de fournir un cadre logique qui lie les modifications de ces déterminants à diverses temporalités de l’évaluation.À la suite de Lise Renaud2, nous avons réalisé une adaptation des rubriques de l’axe évaluation, qui montre comment les dimensions éducativespeuvent être considérées comme processus ou comme résultats intermédiaires à court terme, prédicteurs d’une dynamique de changement.

1. Green L.W., Kreuter M. Modèle de planification Preceed/Proceed. Health Promotion Planning. Mountain View : Mayfield Publishing Co, 2nd edition, 1991.2. Renaud L., Gomez Zamudio M. Planifier pour mieux agir Québec : Réseau francophone international pour la promotion de la santé, 2e édition, 1999.

Composantes du programme de promotion

Étape 5Diagnosticsadministratifet politique

Étape 4Diagnosticséducationnel

et organisationnel

Étape 3Diagnostics

comportementalet environnemental

Étape 2Diagnostic

épidémiologique

Étape 6Mise en œuvre

Étape 7Évaluation du processus

Étape 8Évaluation des résultats

à cout terme et du processus de changement

Étape 9Évaluation des résultats

à moyen terme

Étape 10Évaluation des résultats

à long terme

Étape 1Diagnostic

social

Éléments d’éducation Facteurs

de renforcement

Facteurs facilitants

Comportements et modes de vie

Santé Qualité de vie

Environnement

Facteurs prédisposants

PolitiquesRéglementations

Organisations

19LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

dans l’un ou l’autre (l’un et l’autre) deces paradigmes, en fonction de leur iti-néraire personnel, de leur insertioninstitutionnelle, de leur positionnementstratégique. Selon le paradigme adopté,les changements attendus au terme del’action éducative sont différents.

– Le paradigme rationnel ou l’hommetel qu’il devrait être : on considère qu’unapport d’informations permet uneadaptation des connaissances ou descroyances des personnes et déterminel’adoption par celles-ci d’un comporte-ment favorable à la santé. L’issue del’action éducative sera donc évaluéesoit par une augmentation des connais-sances, soit par la modification de fac-

teurs de risques comportementaux misen évidence par les études épidémio-logiques en lien avec certains problè-mes de santé.

– Le paradigme humaniste ou le librebien-être : « la réalisation de soi estrevendiquée comme but éducatif et seconfond avec la définition de la santécomme état complet de bien-être phy-sique, mental et social » (Fortin, 2004).La démarche éducative s’attache àdévelopper des compétences diversi-fiées qui dépassent les savoirs : estimede soi, confiance en soi, maîtrise cor-porelle et développement sensoriel,affirmation de soi au travers de valeurs,etc. Ces compétences sont considérées

comme des facteurs motivationnels etdécisionnels dans les matières de santé.Ces paramètres fortement liés à l’inti-mité des personnes restent délicats àévaluer. La capacité de faire des choixlibres et responsables est peu souventobjet d’évaluation car elle reste soumiseà des débats éthiques sur les limites duchamp de la liberté individuelle enmatière de santé.

– Le paradigme de la dialectiquesociale : allant au-delà du développe-ment personnel, ce paradigme ques-tionne les rapports de l’homme à sonenvironnement et interroge son degréde liberté au sein du groupe social. Le concept complexe d’empowerment

2. Promotion Santé Suisse : un modèle innovant qui valorise les processus d’apprentissage au niveau de l’individu, des groupes etdes organisations1

Le modèle de catégorisation des résultats de la promotion de la santé, proposé, en 2005, par Promotion Santé Suisse, adopte une structuregraphique proche de celle de Proceed-Preceed mais il introduit des innovations de taille en matière d’éducation pour la santé. Examinons tout d’abord parmi les déterminants de la santé (colonne C), dont des liens ont été établis avec les indicateurs de santé (D) : ce modèle place sur lemême plan comportements, types de comportements et ressources personnelles. Ainsi, si, à la suite d’une intervention d’éducation pour lasanté, une personne a une meilleure perception de son état de santé, on considère que c’est un résultat positif en lien direct avec la qualité de vie(case C3) ; de même si elle est capable d’utiliser plus adéquatement les services de santé mis à sa disposition. Ensuite, en plaçant le dévelop-pement des compétences personnelles à plusieurs niveaux (colonne B facteurs influençant les déterminants et colonne C), ce modèle fait éclaterune vision trop linéaire de la place de l’éducation pour la santé dans la chaîne de causalité.Enfin, les cases B3 et C2 se rapprochent des paradigmes écologiques et de la dialectique sociale ; elles permettent de concrétiser des résultatsde l’éducation pour la santé en termes d’amélioration du potentiel social et de changements dans les organisations et les réseaux.

1. Ackermann, et al. Guide pour la catégorisation des résultats de projets de promotion de la santé et de prévention. 2e version revue et corrigée. Berne : PromotionSanté Suisse, juillet 2005.

A1Développement d’offresde promotion

A2Représentations d’intérêts, collaborationentre organisations

A3Mobilisation sociale

A4Développement de compétences personnelles

B1Offres en matière depromotion de la santé

B2Stratégies de promotion

de la santé dans la politique et les institutions

B3Potentiel social et enga-gement favorables à la

santé

B4Compétences

individuelles favorablesà la santé

C1Environnement

physique favorable à la santé

C2Environnement social favorable

à la santé

C3Ressources personnelleset comportement favo-

rables à la santé

DSanté

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représente l’aboutissement le plussophistiqué de ce paradigme : il visel’acquisition de pouvoir par le sujet etles groupes (maîtrise de son existenceet contrôle de son environnement) àtravers l’optimisation de leurs savoirs enparallèle avec l’exercice de ce pouvoir.Le concept d’empowerment a ceci departiculier qu’il mêle processus et résul-tats. Ainsi les évaluations porteront, parexemple, sur l’évolution de la quantitéet de la qualité des prises de paroledans un groupe qui se réunit autourd’une problématique de bien-être, desanté ou de qualité de vie ; l’évaluationenregistrera aussi les modificationsapportées par le groupe dans son envi-ronnement matériel et social, aména-gements qui généralement portent surdes déterminants de santé.

– Le paradigme écologique : « l’écologiede l’éducation prend pour cible l’êtrehumain et les interrelations entre celui-ci et les différents milieux (écosystèmes)dont le résultat est son développementet ses apprentissages » (Fortin, 2004). Ceprocessus systémique reprend des élé-ments de paradigmes précédents enleur apportant à la fois une dimension

dynamique et contextuelle. Il permetd’intégrer les « impondérables décision-nels », déclencheurs de l’action qui sur-gissent dans la vie quotidienne auxquelsl’individu donne sens à un momentdonné de son parcours personnel. Cefaisant, il offre une alternative de choixpar rapport aux modèles prédictifs ducomportement. Ce paradigme, encorepeu répandu dans le domaine de l’édu-cation pour la santé, est encore très peuexploité en matière d’évaluation.

Bien évidemment, l’émergence deces paradigmes s’inscrit dans une per-spective sociétale globale et historique.S’il est utile pour les praticiens en édu-cation pour la santé d’analyser à quelparadigme se réfèrent leurs interven-tions, ils auraient tort de céder à l’at-trait des mots et des formules, occultantainsi les métissages entre ces paradig-mes. Une illustration d’un tel métissageest fournie par l’analyse de la manièredont la déclaration de Sundsvall (8)situe l’éducation pour la santé : « L’édu-cation est un élément déterminant pourfavoriser les changements politiques,économiques et sociaux (paradigmeécologique) qui rendent possibles l’ins-

tauration de la santé. Les objectifs et lesstratégies de l’éducation pour la santédoivent traduire ces principes géné-raux. Ils doivent mettre en place un pro-cessus qui crée les conditions pour quedes personnes ou une communautéapprennent à développer leur bien-êtreet leur santé (paradigme humaniste). Ilsdoivent favoriser la prise d’autonomieet la responsabilité collective. La santépasse donc par le développement indi-viduel et collectif des aptitudes à exercerune action sur les facteurs de santé(paradigme de la dialectique sociale). »

Au-delà des discussions possibles surles objets pertinents de l’évaluation del’éducation pour la santé, se posent demultiples autres défis qui lui sont spéci-fiques. Deux de ceux-ci sont commen-tés ci-dessous.

Tout l’intérêt de la charted’Ottawa

En matière de prévention ou de pro-motion de la santé, l’efficacité est géné-ralement produite par des démarchesmultifactorielles qui combinent unevariété de stratégies. C’est tout le sensde la charte d’Ottawa, qui recommande

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d’impulser la santé par l’aménagementdes milieux de vie, le développementde politiques publiques, la réorientationde services de santé, le développementde compétences individuelles et socia-les et la participation des populationsconcernées. C’est toute la clairvoyancede la charte de Bangkok de vouloir inté-grer à ces composantes de l’interven-tion la dimension économique et le sec-teur privé comme un des facteurs etdonc un des partenaires incontourna-bles dans la production de la santé.

Ainsi située par rapport au problèmede santé sur lequel on souhaite inter-venir ou à la composante du bien-être/de la qualité de vie que l’on sou-haite renforcer, l’éducation pour lasanté n’intervient que comme une descomposantes de l’action parmi d’autres.Il est donc vain de vouloir évaluer uneaction d’éducation pour la santé enreliant celle-ci de manière directe etspécifique à des indicateurs de santé detype épidémiologique (mortalité, mor-bidité, facteurs de risques).

Les deux modèles présentés en encartdans les pages précédentes (Green etKreuter ; Promotion Santé Suisse), illus-trent bien la place relative des dimen-sions éducatives dans l’évaluation d’unprogramme de promotion de la santé.

Le développement descompétences individuelles etsociales… le parcours d’une vie…

À partir du moment où l’on prendpour référence non le producteur del’acte éducatif mais le sujet de l’éduca-tion (la personne éduquée), force est deconstater que les effets des actions édu-catives dépendront de la manière dontla proposition éducative s’intégreradans les schèmes cognitifs et socio-affectifs de cette personne, dans sonparcours de vie, etc. Par ailleurs, à côtédes actes éducatifs identifiés commetels, formalisés, produits dans diversmilieux de vie, les personnes sontexposées à de nombreuses influencesnon formalisées qui interfèrent avecl’acte éducatif ou le renforcent.

Ainsi, une multitude d’influencesinterviennent pour déterminer la modi-fication d’une habitude de vie ou d’uneattitude, l’enrichissement d’une repré-sentation ou l’acquisition d’une com-pétence. Ce système d’influences par-ticulièrement complexe rend encore

plus difficile l’objectivation des effets del’acte éducatif par rapport aux autresdéterminants de la santé.

Il est donc difficile de garantir avecun niveau de certitude satisfaisant quetelle ou telle modification « intermédiaire» observable à court terme (accroisse-ment de connaissances, modificationdes intentions ou des opinions, essaid’un comportement adéquat pendantune période définie, etc.) s’avère être lesprémices d’un changement durable ducomportement ou d’un bon équilibredans le mode de vie plus global d’unepersonne.

Par ailleurs, l’acte éducatif peut paraî-tre avoir eu peu de conséquences à courtterme puis manifester ses effets desannées plus tard : une conjonction favo-rable de déterminants, une expérienceou une information supplémentaire seravenue lui apporter du sens, le contextesocio-affectif aura changé. Cet « effetretard » des actions éducatives est sansdoute à prendre particulièrement encompte quand on s’adresse à des enfantset des adolescents, quoiqu’il conserveune certaine pertinence pour les adultes.

En éducation pour la santé, l’appari-tion de la plupart des bénéficesdemande du temps. Les effets immé-diats sont souvent temporaires. D’autreseffets, plus lents à s’établir, sont souventplus stables (9). D’autres difficultés exis-tent en matière d’évaluation de l’effica-cité de l’éducation pour la santé. Citonsnotamment la relativité de la parole desujets, incontournable pour identifiercertains effets. Citons aussi l’énormeinfluence des circonstances de l’acteéducatif sur les effets de celui-ci : la pré-diction d’un effet similaire dans un autrecontexte est souvent hasardeuse.

Malgré tout il ne faut pas renoncer àobjectiver les résultats des actions édu-catives. Des évaluations pertinentes sontpossibles si le but n’est pas de prouverles effets de l’éducation pour la santémais bien d’enregistrer des modifica-tions sur la base desquelles on adapteraune action, un programme ou une pra-tique professionnelle. Les deux modè-les évoqués précédemment ouvrentquelques pistes en ce sens.

Chantal Vandoorne

Directrice, APES-ULg,

Liège, Belgique.

◗ Référencesbibliographiques

(1) Jourdan D., Berger D. De l’utilité de cla-rifier les référents théoriques de l’éducationpour la santé. La Santé de l’homme n° 377,2005 : 17-20.(2) Lecorps P. L’éthique, l’engagement d’unsujet se libère ! In : Sandrin-Berthon B.,Aujoulat I., Ottenheim C., Martin F. L’éduca-tion pour la santé en médecine générale : dela fonction curative à la fonction éducative.Corrèze, 4-7 juillet 1996. Vanves : CFES,coll. Séminaires, 1997 : 77-85.(3) Meirieu P. Le choix d’éduquer. Éthique etpédagogie. Paris : ESF, 9e édition, coll. Péda-gogies, 2005 : 198 p.(4) Potvin L., Goldberg C. Deux rôles jouéspar l’évaluation dans la transformation dela pratique en promotion de la santé. In :O’Neill M., Dupéré S., Pederson A., Rootman I.Promotion de la santé au Canada et au Qué-bec, perspectives critiques. Presses de l’uni-versité de Laval, coll. Sociétés, cultures etsanté 2006 ; (20) : 457-73.(5) Liesse A., Vandoorne C. L’approche expé-rimentale est-elle adaptée à l’évaluation desactions d’éducation à la santé ? ÉducationSanté 1999 ; n° 143 : 5-8.(6) Tones K., Green J. Health promotion: Plan-ning and strategies. London: Sage, 2004.(7) Fortin J. Du profane au professionnel enéducation à la santé : modèles et valeursdans la formation en éducation à la santé.In : Jourdan D., Tubiana M. La formation desacteurs de l’éducation à la santé en milieuscolaire. Toulouse : Éditions universitairesdu Sud, coll. École & Santé, 2005 ; (2) : 51-65.(8) Haglund B.J.A., Pettersson B., Finer D.,Tillgren P. Créer des environnements favo-rables à la santé. Exemples donnés à la 3e conférence internationale sur la promotionde la santé, Sundsvall, juin 1991. Genève :OMS, 1997.(9) Green L.W. Evaluation and measurement:some dilemmas for health education. AJPH1977; 67(2):155-61.

1. L’adoption d’un schéma expérimental suppose quel’on exerce un contrôle strict sur les circonstancesdans lesquelles apparaissent les relations entre l’ac-tion éducative et ses effets : il s’agit de mesurer les effetsattendus d’un côté sur des sujets ayant bénéficié del’action éducative et de l’autre sur un groupe témoinqui n’a pas été soumis à cette action, la répartition dessujets dans l’un et l’autre groupe devant être réaliséede manière aléatoire. Le schéma quasi expérimen-tal est « plus souple » dans la mesure où il n’exige pasque la répartition des sujets entre groupe expérimen-tal et groupe témoin soit réalisée au hasard. Toutefois,dans les deux cas, le contexte d’application (ou denon-application) de l’action éducative doit être rigou-reusement contrôlé.

L’évaluation est une pratique encore récente et en voie de constitution. La pluralité desapproches, des modèles de référence, des acteurs, conjuguée à la diversification desmodes d’exercice se traduit par une profusion de termes tantôt précis et consensuels,tantôt ambigus et objets d’interprétations divergentes. Il est donc plus que jamais indispen-sable d’expliciter les concepts tapis derrière les mots dont l’évidence n’est qu’apparente,souvent trompeuse, et quelquefois à l’origine de malentendus !

BénéficiairesLes bénéficiaires sont les personnes

qui bénéficient de la mise en œuvred’une intervention, directement ou indi-rectement, intentionnellement ou non.Ainsi, on distingue différentes catégo-ries de bénéficiaires : ceux qui sontdirectement visés par l’intervention(bénéficiaires directs), ceux qui profi-tent des conséquences directes du pro-jet sans en être les cibles (bénéficiairesindirects), ceux qui profiteront desconséquences à long terme (bénéfici-aires ultimes), ceux qui bénéficient d’unappui dans le cadre du projet (bénéfi-ciaires intermédiaires).

Cadre logiqueC’est un outil qui permet de forma-

liser la logique d’intervention, à savoirles relations causales entre les différen-tes composantes de cette intervention(buts, objectifs, activités, effets atten-dus). C’est une aide pour la conception,la mise en œuvre et l’évaluation de l’in-tervention.

CohérenceC’est un critère de jugement qui

interroge l’adéquation entre plusieurstermes : les objectifs de l’intervention,les moyens alloués, les activités prévues(cohérence interne) ; la construction del’intervention et d’autres interventionsvisant les mêmes effets (cohérenceexterne).

CritèreC’est un angle de vue adopté pour

juger une intervention. Cohérence, per-tinence, efficacité, efficience, utilité sontles critères majeurs pour orienter lesquestions d’évaluation. Toutefois, pourchaque évaluation, des critères plus spé-cifiques seront construits et négociés

avec tous les acteurs concernés (finan-ceur, responsable de programme, opé-rateur, bénéficiaire), qui n’ont pas néces-sairement le même point de vue. Parexemple, l’évaluation d’un service peutêtre appréciée sur plusieurs critères, enfonction des intérêts des différentes per-sonnes, notamment l’accessibilité, lapermanence du fonctionnement, lacontinuité du service, la conformité auxnormes techniques, la compétence desprofessionnels, la qualité de l’accueil,la rentabilité, etc.

Effets (outcome)Ce sont les changements observés

du fait d’une intervention sur le milieuenvironnant ; ils peuvent être attendusou non, attribuables directement ouindirectement à une action, identifiablesà court ou à moyen terme.

EffectivitéCe critère apprécie ce qui a été fait

en réalité, au regard de ce que l’on vou-lait faire.

EfficacitéCe critère apprécie la réalisation des

objectifs d’une intervention en compa-rant les résultats (au sens d’effets) obte-nus aux résultats attendus, ces résultatsétant imputables à cette intervention(efficacité propre).

EfficienceL’efficience met en rapport les res-

sources mises en œuvre et les résultats(au sens d’effets) d’une intervention.Elle suppose donc d’avoir réglé la ques-tion de l’efficacité. Une intervention effi-ciente est une intervention efficace aumoindre coût.

Glossaire des mots-clés de l’évaluation

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23LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

ÉvaluationC’est un exercice particulier qui

consiste à répondre à un ensemble dequestions relatives à la raison d’être, àla mise en œuvre et aux effets d’uneintervention afin de construire un juge-ment sur la valeur de l’intervention à partir de plusieurs angles de vue (efficacité, efficience, pertinence, cohé-rence, etc.). L’évaluation peut être réa-lisée : avant (ex ante), pendant (conco-mitante ou in itinere), ou aprèsl’intervention (ex-post).

Évaluation formativeC’est une évaluation effectuée en

vue d’améliorer une intervention encours de mise en œuvre ; elle vise àéclairer les acteurs de l’intervention surle contexte et les conséquences de leurspratiques.

Évaluation récapitulative ou sommative

Cette évaluation, effectuée au termede l’intervention, vise à porter uneappréciation globale et distanciée prin-cipalement sur les effets d’une inter-vention ; elle est habituellement utiliséepour orienter la prise de décision quantau devenir de cette intervention.

Selon la formule de R.E. Stake, spé-cialiste de l’évaluation : « Quand le cui-sinier goûte la soupe, c’est formatif ;quand les invités goûtent la soupe, c’estsommatif. »

Évaluation participativeL’évaluation participative accorde

une place centrale à la participation detoutes les personnes concernées. Elleprend en considération leurs valeurs,leurs points de vue, leurs intérêts etleurs attentes, à toutes les étapes duprocessus d’évaluation.

ImpactEnsemble des effets sociaux, écono-

miques, environnementaux, qu’ils soientpositifs ou négatifs, souhaités ou non,immédiats ou différés, imputables à uneintervention. Exemples : améliorationde la qualité de vie, diminution de lamortalité, etc.

ImplantationL’évaluation d’implantation s’inté-

resse à la mise en œuvre d’une inter-vention et aux conditions dans les-quelles celle-ci s’est effectuée.

IndicateurUn indicateur est une information

qui va permettre d’objectiver uneréalité ; il n’a de sens que confronté àun critère (cf. critère, référentiel). Il peutêtre quantitatif ou qualitatif. On distin-gue différents types d’indicateurs : indi-cateurs de contexte qui qualifient lasituation ; indicateurs de réalisation quidécrivent ce qui a été fait (nombre depersonnes dépistées, nombre de joursde consultation, etc.) ; des indicateursde performance qui renseignent sur l’at-teinte des objectifs (délai d’attente deconsultation, etc.) ; des indicateursd’impact qui montrent les effets de l’in-tervention (nombre de décès évités,changement de comportement, adop-tion de pratiques nouvelles, etc.).

InterventionCe terme générique désigne une

action ou un ensemble organisé d’ac-tions (projet, programme, politique,etc.) dans le but de modifier une situa-tion jugée problématique.

Intrants (inputs)Ressources matérielles, humaines,

financières allouées pour la mise enœuvre d’une intervention.

Logique d’intervention (ou théorie d’action)

C’est la stratégie sur laquelle estconstruite l’intervention, notamment leshypothèses posées pour expliquer lafaçon dont celle-ci va produire deseffets et atteindre son objectif global ;elle explicite les relations de causalitéentre les réalisations, les effets et l’im-pact à plus long terme. Le cadre logiqueest l’outil utilisé pour l’explicitation dela logique d’intervention.

PertinenceC’est un critère qui interroge l’adé-

quation entre les objectifs de l’inter-vention et la nature du problème àrésoudre.

PerformanceCapacité à produire les résultats

conformément aux objectifs fixés et àun coût acceptable.

Réalisations (outputs)Ce sont les productions de l’inter-

vention : produits, biens et services(exemples : sessions de formation,consultations, conférences-débats, ren-

contres de parents, documents péda-gogiques, etc.).

RéférentielC’est le cadre d’interprétation des

données collectées aux fins de l’éva-luation, à partir duquel un jugementpeut être formulé. C’est un système deréférence qui permet de confronter lesindicateurs (éléments représentatifsd’une situation réelle) aux critères etaux normes ou valeurs de référencequand elles existent (éléments signifi-catifs d’une situation désirée) dans uncontexte donné.

RésultatLe terme en français évoque à la fois

les réalisations, les effets et l’impactd’une intervention. En situation d’éva-luation, il conviendra de préciser avecses partenaires ce que l’on entend par« résultat ».

SuiviProcessus continu de collecte de

données, selon des indicateurs préala-blement définis, pour fournir auxresponsables d’une intervention desinformations sur les réalisations encours, l’atteinte des objectifs et l’utili-sation des ressources allouées.

Tableau de bordDocument regroupant un ensemble

d’indicateurs recueillis régulièrementpour le suivi d’une intervention.

Murielle Bauchet

Chargée d’enseignement,

Françoise Jabot

Médecin de santé publique,

enseignant-chercheur,

École nationale de la santé publique, Rennes.

◗ Sources• Glossaire européen en santé publique.Banque de données en santé publique,ENSP.• Glossaire de l’évaluation des politiquespubliques, réalisé à partir du Petit guided’évaluation des politiques publiques. Paris :La Documentation française, 1996 : 124 p.• Glossaire des principaux termes relatifs àl’évaluation et à la gestion axée sur les résul-tats. Paris : OCDE, 2002 : 40 p.• Evaluation of the socio-economic deve-lopment. Resources for evaluation, theguide. European Union. www.evalsed.info

Est-il pertinent d’évaluer toutes les actions d’éducation pour la santé ? Doit-on systé-matiquement faire appel à un évaluateur professionnel extérieur ? L’évaluation ne risque-t-elle pas d’appauvrir, de normaliser une action ? La nouvelle loi de Finances change-t-ellela donne ? Autant de questions essentielles que se posent les acteurs de l’évaluation. Les réponses de Chantal Vandoorne, spécialiste du domaine.

Les ressources investies en évaluation lesont-elles au détriment de l’action ? Enparticulier, est-il pertinent d’investir dutemps et de l’argent dans l’évaluationd’une action faiblement subventionnée ?

Il est toujours utile pour un profes-sionnel, comme pour la population qu’ilsert, de remettre en question une inter-vention, de vérifier son bien-fondé, des’interroger sur les stratégies choisies etsur la qualité de ses pratiques. Aussi lesprofessionnels posent-ils très souventdes actes d’évaluation qui ne sont pasformalisés, qui restent partiellement outotalement implicites : ils observent com-ment le public a réagi à leurs interven-tions, ils s’interrogent sur ce qui a mar-ché ou non parmi leurs propositions, etils adaptent leurs interventions futures enconséquence. Une telle évaluation estsans conteste utile à la réorientation desactions, à la régulation des projets, maisil est souvent difficile d’en partager lesrésultats avec d’autres, notamment lespartenaires et les décideurs.

Pour rendre cet acte d’évaluationcommunicable – et par conséquent enfaire reconnaître la validité et la perti-nence –, il est nécessaire de définirexplicitement la partie de la réalité quel’on va observer, de préciser commenton va l’observer (comment on collectedes informations) et par rapport à quelréférentiel on va interpréter ces obser-vations.

Dans le cadre d’actions de modesteenvergure, cette explicitation demandesurtout un temps d’arrêt, une mise enordre (et une mise par écrit) desréflexions et des informations disponi-bles sur l’action ; puis éventuellement

l’adoption d’une procédure d’observa-tion systématique de l’action. Il n’est pastoujours nécessaire de faire appel à unévaluateur extérieur ni de mettre enplace des procédures et outils trèslourds, donc très coûteux. Cependant,la présence d’une personne extérieure,qui sert de révélateur par rapport àl’existant, peut faciliter un regard dis-tancé sur l’action. Cette prise de reculest toujours bénéfique à l’action. Maiselle doit être prévue dans le planningde l’action, tout comme le recours à uneaide extérieure doit l’être dans le bud-get. On considère généralement que levolume financier dévolu à une évalua-tion ne doit pas excéder 10 % du finan-cement de l’intervention.

À quoi sert l’évaluation ? À améliorer lespratiques des professionnels ou la santédes populations ?

Tout d’abord, il y a plusieurs catégo-ries d’évaluation (cf. glossaire page 22).Certaines évaluations (qualifiées de for-matives) sont plutôt réalisées en coursde programme et visent à aider les pro-fessionnels à mieux comprendre lesconditions de réalisation de leur actionet à améliorer leur projet. Elles permet-tent également aux professionnels defaire évoluer leurs pratiques bien au-delà du projet. En ce sens, les évalua-tions formatives sont un élément essen-tiel pour garantir la qualité sur le longterme du service rendu à la population.

Par ailleurs, dans certains domainesd’intervention, des études existent quipermettent de définir de manière géné-rale quels types de pratiques profession-nelles sont plus probablement reliés àdes actions pertinentes et efficaces pour

la population. L’évaluation permet alorsaux professionnels d’identifier en quoiils sont plus ou moins proches de cesstandards.

D’autres évaluations, qualifiées desommatives, sont plutôt conduites enfin de programme afin de déterminerles effets des interventions sur la popu-lation. Ces évaluations ne sont pas per-tinentes dans tous les cas : elles sontsurtout utiles lors de la première miseen place d’une action ou quand uneaction bien rodée touche une popula-tion dont les caractéristiques ont évoluépar rapport aux actions antérieures.

Peut-on faire des évaluations « sérieuses »sans être un spécialiste ? Faut-il choisir entredes évaluations « crédibles » (sur le planscientifique) et des évaluations « utiles » (surle plan pratique) ? Toute évaluation ne déna-ture-t-elle pas la richesse de l’action ?

Oui, toute évaluation dénature l’ac-tion si l’on considère que toute évalua-tion nécessite l’utilisation d’un référen-tiel et donc le choix d’un angle de vuepour observer/comprendre une action.L’article de G. Absil présenté ci-après(voir page 41) illustre combien ce sen-timent de non-reconnaissance de l’ac-tion à travers l’évaluation peut expliquerles réticences des professionnels faceaux évaluateurs.

Les exigences méthodologiquesd’une démarche scientifique de typeexpérimental, voire quasi expérimen-tale, que l’on associe souvent à une évaluation « sérieuse » ou « scientifique »,amènent d’office à sélectionner descomposantes précises, sensibles à l’observation, qui ne refléteront qu’une

24 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

Évaluation : réponses à des questionsqui dérangent

25LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

partie de la réalité ; elles imposent sou-vent aussi leurs propres contraintes audéroulement de l’action.

Cependant, l’acte d’évaluation n’estpas de la même essence que l’acte derecherche scientifique. En matière d’éva-luation, il est essentiel de choisir desindicateurs qui fourniront des informa-tions utiles à la décision. Seule cettecondition permet de produire des éva-luations porteuses de sens pour lesacteurs qui en sont partie prenante. Lechoix d’indicateurs utiles est tout à faitcompatible avec les exigences d’uneévaluation valide et crédible.

Si l’on admet que l’on peut trouverplusieurs sens à une même réalité enfonction du point de vue d’où on laregarde ; si l’on reconnaît que l’appro-che quantitative ne prévaut pas sur l’ap-proche qualitative, les résultats d’uneévaluation seront considérés commevalides s’ils donnent du sens à la réalitéque l’on souhaite observer, dans uncadre de référence défini, en limitant ouen contrôlant la déformation de sensque peuvent produire les instruments etles démarches de collecte d’information.

Autre exigence fondamentale :concevoir des démarches d’évaluationqui multiplient autant que possible lesangles de vue, c’est-à-dire :– qui explicitent les référentiels des dif-férentes catégories d’acteurs (en lienavec la décision et avec les critères dejugement) ;– qui veillent à rencontrer certains élé-ments de chacun des référentiels enprésence ;– qui identifient quels objets et quelsindicateurs il est possible d’utiliser ;– qui varient les démarches et modes decollecte des informations (triangula-tions).

L’évaluation ouvre-t-elle un espace dedémocratie ou de normalisation ?

Comme on l’a vu dans les articles deF. Jabot et M. Demarteau, dans ce dos-sier, la production d’un jugement sur lavaleur ou sur la plus-value d’une actionest un élément constitutif de l’évalua-tion. En conséquence, le danger estgrand d’utiliser l’évaluation comme unlevier de normalisation. Toutefois l’uti-lisation de modèles d’évaluation parti-cipative et/ou négociée permet de limi-ter ce risque, d’ouvrir des espaces de

dialogue et de démocratie entre partiesprenantes d’un même projet. Dans cecas, la négociation entre les partenai-res de l’action et de l’évaluation portesur les enjeux de l’évaluation projetéeet les valeurs qui la sous-tendent, sur lesquestions à approfondir pour préparerdes décisions, sur les informations à col-lecter et surtout sur les critères et indi-cateurs (ou référentiel) à utiliser pourtraiter ces informations. Il est impossi-ble de tout évaluer : des choix doiventêtre opérés en fonction des intérêtsrespectifs de chaque acteur et des res-sources disponibles.

Doit-on tenir compte de la loi organiquerelative aux lois de Finances pour mon-ter/réaliser des évaluations d’actions enéducation pour la santé ?

La réforme budgétaire introduite, enFrance, par la loi organique relative auxlois de Finances (Lolf) vise l’améliorationde la gestion des politiques publiques.Elle devrait permettre d’apprécier la per-formance de l’État, à savoir la capacité del’administration à transformer des créditsen réalisations pour produire des résul-tats. Désormais, l’action publique de l’État est traduite en programmes pré-sentés dans des documents, revusannuellement, précisant les objectifsfixés et les indicateurs de performance.

Ainsi, tout financement public de l’Étatest soumis à cette règle et les promoteursd’actions en éducation pour la santé ontaussi à rendre compte des résultats deleurs actions bénéficiant de finance-ments publics. Il est donc essentiel dedéfinir, de la façon la plus précise etréaliste possible, les objectifs sur lesquelss’engager et de s’assurer de la concor-dance entre la nature des objectifs etcelle des indicateurs (mettre en phasedes indicateurs de réalisation avec desobjectifs opérationnels, des indicateursd’impact avec des objectifs plus glo-baux). Enfin, il importe d’avoir à l’espritla distinction entre la démarche d’éva-luation et la démarche de performance.La mesure de l’atteinte des objectifs enrenseignant des indicateurs ne suffit pasà constituer une évaluation. L’évaluationva au-delà de la comparaison de deuxdonnées chiffrées ; l’interprétation desindicateurs doit s’accompagner de laprise en compte des facteurs contextuelsexplicatifs du succès ou non de cetteintervention.

Chantal Vandoorne

Directrice,

APES-ULg Liège, Belgique.

Je remercie Françoise Jabot pour sa contribu-tion, particulièrement aux questions concernantla Lolf.

Signalée dès l’époque de la dynastie des Han au IIe siècle, en lien avec la constitutiond’un corps de fonctionnaires, l’évaluation se généralise au XVIIIe siècle avec le dévelop-pement des États. Elle prend son essor au XIXe, principalement aux États-Unis, pour mesu-rer d’abord l’efficacité des étudiants puis du système éducatif. L’évaluation a fait l’objetdepuis deux siècles de multiples théories qui se confrontent, donnant lieu notamment àune bataille idéologique entre adeptes du quantitatif et ceux du qualitatif. Au cours destrente dernières années, les travaux se sont multipliés, formant un important corpus deconnaissances. Michel Demarteau conte cette évolution et plaide pour un appui ren-forcé à l’évaluation par les acteurs, y compris dans le cadre français des groupementsrégionaux de santé publique.

En 1997, dans son discours inauguralde l’assemblée annuelle de l’Associationaméricaine d’évaluation, William Sha-dish (1) proclame : « Tous les évalua-teurs devraient connaître les théories del’évaluation parce qu’elles sont au cen-tre de notre identité professionnelle. »Cette citation est intéressante à doubletitre pour les praticiens de la promotionde la santé et de l’éducation pour lasanté. D’une part, parce qu’elle suggèrede manière générale que l’identité pro-fessionnelle se construit sur la théori-sation des pratiques. D’autre part, parceque l’évaluation fait partie aussi de leurpratique et donc de leur identité pro-fessionnelle.

L’évaluation est donc d’abord unepratique professionnelle. Elle a fait l’ob-jet de nombreuses démarches deconceptualisation, de modélisation, derecherche empirique, avec aussi desdébuts d’explication à partir d’apportsthéoriques de diverses disciplines :sciences politiques et administratives,sociologie, épistémologie, etc. Il s’agitd’un effort de modélisation des pra-tiques plutôt qu’une théorie générale del’évaluation. Cet effort permet néan-moins d’identifier et de comparer lespratiques, de conduire à des consen-sus et des référentiels pour guider lespraticiens.

Pour mieux connaître, pour mieuxutiliser les modèles de référence enmatière d’évaluation dans le champ del’éducation pour la santé, nous propo-sons un survol historique de quelques

modèles de référence en prenantcomme fil conducteur ce qui composel’identité de la démarche évaluative.« Nous savons très bien, dit W. Shadish(1), que faire une expérience randomi-sée n’est pas du tout la marque d’unévaluateur. Ce qui nous différencied’un économiste, d’un sociologue, ou detoute autre profession, c’est la conjonc-tion entre la construction d’un savoir,la production d’un jugement de valeuret l’utilisation de l’évaluation pourprendre des décisions et modifier desactions. »

L’évaluation, un jugement de valeur ?

La littérature s’accorde en effet àidentifier trois composantes à une éva-luation : un processus qui vise à déli-miter et obtenir des informations sur lavaleur d’une action ; un produit qui estle jugement de valeur et un usage dece produit pour modifier l’action pardes décisions. L’évaluation de pro-gramme est un processus de produc-tion d’un jugement de valeur pourconduire une action par des décisions(2, 3).

J.-M. Barbier (4) considère les usagesdu jugement de valeur (la décision surl’action) comme l’indice de l’universa-lité du rôle de l’évaluation dans laconduite de l’action. « On peut penserque l’immense majorité des processussociaux d’évaluation s’effectue de cettefaçon et que le repérage des autres for-mes de manifestation de l’évaluationdoit se faire sur le fond de celle-ci. »

Les décisions d’action, plus facilementrepérables dans les discours ou lesécrits, sont fonction de jugements devaleur produits et d’informations récol-tées souvent non explicités et non for-malisés. Les décisions les plus fréquen-tes sont internes au programme, commedes actes de gestion quotidienne,directs, immédiats, ou des décisions« stratégiques » aux effets plus lointainset aux sources plus diverses. Maisl’énonciation et l’externalisation de cespratiques d’évaluation, parce que quo-tidiennes et sans « justification sociale »,sont peu fréquentes, ce qui ne les rendpas moins importantes pour la conduiteeffective de l’action.

Connaître, juger, déciderIl y a donc autour de chacune des

composantes de l’évaluation et de leurcombinaison des enjeux sociaux qui se reconnaissent par la mise en avantdans le discours d’une fonction parti-culière attachée à chaque composante :connaître, juger, décider. La connais-sance renvoie à ce qui est vrai. Lemodèle scientifique sera alors mis enavant. Le jugement renvoie à ce qui estjuste. C’est souvent la vérification(devoir rendre compte) qui sera miseen évidence. La décision renvoie à cequi est opportun. Référence sera faiteà la gestion ou à la politique. Chacunede ces fonctions renvoie à des pratiquesthéorisées qu’il est possible de situerdans le temps.

Avant de parcourir rapidement dif-férents modèles d’évaluation avec

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L’évaluation : toute une histoire

27LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

comme fil conducteur les trois fonctionsidentifiées, une remarque s’impose.L’approche historique centrée sur desmodèles revient à privilégier une visionde l’évaluation comme un processusprofessionnalisé. Or, l’évaluateur pro-fessionnel est le plus souvent extérieurà l’action décidée et conduite par d’au-tres acteurs. Sa position le conduitd’emblée à considérer l’évaluation, nonpas comme un phénomène continu,mais discontinu. La position des diffé-rents acteurs, leur « spécialisation » per-met de comprendre l’apparente dis-continuité de l’activité évaluative. Cetteséparation des fonctions sera d’ailleursd’autant plus grande que les program-mes seront de plus grande ampleur etmobiliseront plus de personnes. Nousproposons de considérer à chaque foisles pratiques d’évaluation en regard del’unité d’action que constitue le pro-gramme plus que par rapport à uneunité de temps, de lieu ou de personne.

Années 1960 : l’évaluation se professionnalise

L’évaluation commence à faire l’ob-jet de travaux scientifiques au XIXe siè-cle puis un tournant intervient dans lesannées 1930 (voir encadré ci-contre).Au début des années 1960, le lance-ment de la course vers l’espace à la suitedu succès soviétique va provoquer auxÉtats-Unis une remise en cause des pro-grammes éducatifs et une préoccupa-tion vis-à-vis de l’efficacité de l’inves-tissement public. L’évaluation devientun passage obligé de tout programmepublic. E. Monnier (5) analyse cetteinstitutionnalisation de l’évaluationcomme un double phénomène poli-tique : d’une part, la volonté du gou-vernement fédéral de contrôler lesmoyens financiers mis à la dispositiondes administrations locales et, d’autrepart, la nécessité de justifier sa propreactivité face au Congrès. L’évaluationdevient une pratique systématique,principalement dans les domaines del’éducation et de la santé. À cettedemande croissante répond une véri-table industrie de l’évaluation : socié-tés privées fournissant des servicescontractuels, multiplication des jour-naux, des réseaux professionnels, desformations et des centres d’études.

Les années 1970 voient la multiplica-tion des propositions de « modèles »d’évaluation. M. Scriven définit l’évalua-tion comme la détermination systéma-

De l’évaluation-inspection du XVIIIe siècle au tournantdes années 1930Aux XVIIIe et XIXe siècles, avec le développement de nos sociétés modernes, des systèmes d’éva-luation d’actions et de programmes se mettent en place, comme l’inspection administrativedans les secteurs scolaires, sociaux, sanitaires ou la mise en place de commissions parle-mentaires chargées de juger de la qualité de programmes ou de politiques. Ces modalités d’éva-luation mettent l’accent sur le jugement de valeur.

XIXe : l’évaluation des résultats par des outils méthodologiquesPour certains spécialistes de l’évaluation, le but principal de l’évaluation est de produire de laconnaissance. Cette importance accordée à l’information récoltée prend ses racines dans leXIXe siècle en partant de ce qu’E. Monnier1 appelle « le paradigme démographique ». La véritése conçoit à partir d’un examen macroscopique des phénomènes. C’est l’apport de la statis-tique, qu’elle concerne la santé, la sociologie, l’économie ou d’autres phénomènes. Même sil’évaluation n’est pas encore reconnue comme telle, les données descriptives sont utilisées pourexpliquer certains phénomènes, attribuer une valeur ou prendre des décisions.

Le tournant des années 1930L’évaluation dans le domaine de l’éducation prend son essor dans les années 1930, sous l’im-pulsion notamment de Ralph Tyler. Cet auteur est considéré aux États-Unis comme le père fon-dateur de l’évaluation de programme. L’approche de R. Tyler offre une coupure assez nette avecles pratiques précédentes. L’évaluation était alors centrée uniquement sur les étudiants et surla mesure de leur succès. R. Tyler propose de ne plus comparer les résultats des élèves entreeux ou par rapport à une norme, mais de les mettre en relation avec un curriculum, c’est-à-dire un programme éducatif, un ensemble cohérent d’objectifs et de contenus éducatifs asso-ciés à des moyens humains et matériels planifiés dans le temps.Après la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, les outils et les techniques de l’évaluationconnaissent un développement considérable : production de tests standardisés, conception denouveaux plans expérimentaux et de nouvelles procédures statistiques.Les scientifiques accumulent des données mais la réflexion sur le rôle de l’évaluation est pra-tiquement inexistante. L’évaluation reste peu mise en relation avec la qualité des services sociauxet leur amélioration.

1. Monnier E. Évaluations de l’action des pouvoirs publics : du projet au bilan. Paris : Economica, 1987 :169 p.

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tique et objective de la valeur ou dumérite d’un objet ou d’une action. L’éva-luation est dite objective car elle utilisedes instruments de collecte de données.C’est une activité méthodologique sys-tématique. Deux concepts sont particu-lièrement attachés au nom de Scriven,celui d’évaluation indépendante desbuts (Goal-Free Evaluation) et la dis-tinction entre évaluation formative etsommative.

Ce qui apparaît aussi, c’est le débattrès vif entre les positivistes/quantita-tifs et les phénoménologistes/qualita-tifs. Ce débat, très idéologique au débutdes années soixante, s’est ensuite trans-formé pour évoluer vers des positionsplus pragmatiques cherchant à combi-ner les avantages réciproques desméthodes. Cependant, aucun modèleunificateur ne semble pouvoir rallier lesdifférentes positions et approches. Au-delà des débats méthodologiques etépistémologiques, la fonction reconnuecomme principale de l’évaluation est lerecueil d’informations.

Années 1970 : évaluer pour décider

Bien que le meilleur de la commu-nauté des évaluateurs soit mobilisé avecdes moyens financiers importants ettoutes les techniques disponibles, lesrésultats s’avèrent décevants sur l’amé-lioration du système social, et des voixs’élèvent pour mettre en doute l’effica-cité de l’évaluation. L. Cronbach, en1963, est un des premiers à faire remar-quer le manque d’utilité des évaluationsconstruites de manière expérimentale,utilisant des tests normatifs et ne pro-posant de résultats qu’à la fin des pro-grammes. L. Cronbach conseille de neplus évaluer les programmes entre euxmais de guider leur développement. Ilouvre ainsi la voie à une série de théo-riciens de l’évaluation qui vont mettreen avant l’importance du jugement devaleur et de la décision. Elles condui-sent à d’autres modèles et en particulierà une attention accrue à l’évaluationorientée vers les décisions à prendrepuis sur les conditions qui font qu’uneévaluation est utilisée ou non.

Dans un modèle caractéristique,l’évaluateur délimite son travail avec ledécideur puis récolte et fournit les infor-mations. « L’évaluation en éducation estle processus par lequel on délimite,obtient et fournit des informations uti-

les permettant de choisir parmi les déci-sions possibles. » D.L. Stufflebeam iden-tifie différentes catégories de décisionqui correspondent à différents typesd’évaluation. C’est le modèle appeléCIPP (Context, Input, Process, Product),où quatre types d’évaluations (évalua-tions du contexte, des intrants, du pro-cessus et des résultats) sous-tendentquatre types de décisions (décisions deplanification, de structuration, de miseen application, de révision).

Années 1980 : évaluer pour changer

Que faire pour produire de bonnesévaluations qui soient utilisées ? Telleest la question que pose M. Patton. Il nesuffit pas de conseils tels que « travaillerétroitement avec les décideurs » ou« maintenir une distance pour garantirl’objectivité et la neutralité ». Il faut desprincipes pragmatiques pour concevoiret mener des évaluations spécifiques.

L’originalité de la démarche de M. Pat-ton tient à son approche empirique. En1975, il décide d’étudier des exemplespositifs d’utilisation. Il décrit vingt éva-luations fédérales dans le secteur de lasanté mentale, regarde comment elles ontété utilisées, identifie l’impact en termesde résultats, selon que l’évaluation a étéprise en compte ou non. Ses travaux vontdémentir l’hypothèse de l’absence d’im-pact significatif de l’évaluation. Il constateque l’évaluation a effectivement peu d’effets directs, immédiats, décisifs sur unprogramme. En revanche, l’évaluationexterne peut jouer un rôle important d’in-fluence, d’orientation, de consolidation sid’autres sources d’information confortentle diagnostic.

De cette étude, Patton va aussi reti-rer quelques principes pour menerautrement les évaluations et améliorerleur utilisation.

Ses recommandations sont les sui-vantes :– identifier les décideurs de manièrepersonnelle et pas comme un publicabstrait ;– identifier et préciser les questionsd’évaluation pertinentes ;– développer une attitude « active/réac-tive/adaptative » aussi flexible que pos-sible face aux changements dans lesbuts et priorités politiques d’un pro-gramme ;– ne pas se préoccuper de mesures

quantitatives et de schémas expéri-mentaux mais décrire les variations etles processus d’implantation au moyende méthodes qualitatives ou « natura-listes » ;– tenter de construire une théorie del’action du programme en termes derelation moyens-fins ;– stimuler la participation des décideurset praticiens dans les choix méthodo-logiques afin de les aider à comprendreet à croire dans les données ; les impli-quer dans la publication des conclu-sions.

Un autre modèle est développé àcette époque par le National Institute ofEducation (NIE). C’est celui d’évalua-tion « par ceux qui tiennent les enjeux »(Stakeholders). L’approche stakeholdersmet en avant l’implication des person-nes tenant différentes positions dans lastructure sociale des programmes, l’at-tention à leurs intérêts et besoins, unereprésentation de leurs priorités, unaccent sur le feedback et la dissémina-tion.

C.H. Weiss en fait une critiquesévère. Pour elle, cette approche peutélargir le type d’information, le rendreplus pertinent. Mais elle ne peut aug-menter la qualité des informations (desrésultats non valides et non fidèles sontinutiles, même si les participants en sontheureux), ni l’usage dans des décisionsspécifiques. Elle augmente la chargedes évaluateurs en temps, en ressour-ces et en attention. De plus, le pouvoirde décision n’est pas réparti de manièreégale. Pour elle, jouer la participationest une illusion.

On le voit, les écarts entre uneapproche professionnelle de l’évalua-tion orientée principalement sur l’in-formation et ceux d’une évaluation par-ticipante plus orientée vers la décisionet l’amélioration endogène des pro-grammes est considérable. Pourtant, lesmodèles d’évaluation basés sur la col-laboration et la participation entre éva-luateurs et acteurs vont se développerau cours des années 1990.

Années 1990 : un modèle adaptéà l’éducation pour la santé

En 1996, J.B. Cousins, J.J. Donohueet G.A. Bloom (6), à partir d’uneenquête menée aux États-Unis sur lesopinions et pratiques d’évaluationbasée sur la participation, comparent

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différents modèles d’évaluation selon leniveau de contrôle de l’évaluateur surles décisions techniques et le degré departicipation des acteurs. Le modèle quipropose le plus de participation desacteurs et le moins de contrôle de l’éva-luateur sur les décisions est celui de l’é-valuation renforçante (EmpowermentEvaluation) proposée, en 1993, parDavid Fetterman (7). Celui-ci la définitcomme « l’utilisation des concepts, destechniques et des découvertes de l’éva-luation pour nourrir le développementet l’autodétermination ». L’évaluateurest engagé aux côtés des acteurs. Cesrôles sont de former ; faciliter ; défen-dre ; éclairer ; libérer. Mais il faut réunircertaines conditions : un processusdémocratique, une communauté d’ap-prenants, du temps. Elle intéresse par-ticulièrement le secteur de la promotionde la santé et de l’éducation pour lasanté, qui a fait de l’empowerment pro-posé par la charte d’Ottawa un principefondateur de sa démarche. Ce modèlecomme d’autres centrés sur la partici-pation a maintenant droit de cité dansla communauté des évaluateurs. En1996, Santé Canada a fait de l’évaluationparticipative son modèle de référencepour l’évaluation de projet. En 2004, laconférence de Berlin de la Société euro-péenne d’évaluation proposait des ate-liers sur la participation et l’apprentis-sage des organisations.

Et si tous les modèles étaientutiles ?

Si historiquement les différentesfonctions, connaître, juger et décider,sont apparues de manière distincte etspécialisée, les pratiques actuelles vontvers l’intégration de celles-ci. Dans cetteperspective, tous les modèles peuventnous apporter des leçons en fonctiondes méthodologies qu’ils ont dévelop-pées. Mais le modèle social qui sous-tend la mise en place des programmesde promotion de la santé et d’éducationpour la santé est l’élément central quitranscende les techniques et les modè-les et qui va orienter le choix éthiquepour l’évaluateur comme acteur d’unprogramme (8).

L’évaluation commeapprentissage de l’action

La sociologie des organisations a faitprogresser la compréhension de la ges-tion des problèmes sociaux. Celle-ci estun processus pluraliste jamais achevé,fait de négociations, de compromis

entre protagonistes parfois peu com-plémentaires ou même franchementopposés. Ce processus progresse parphases « tourbillonnaires » comprenantdes ébauches de solution, des actionsqui sont reformulées en cours de routeet qui demandent une évolution desobjectifs et des moyens.

Un programme d’actions est un pro-cessus continu qui progresse s’il est sou-tenu par l’apprentissage de ses acteurs.L’évaluation peut se définir alors commeun processus d’apprentissage de l’actionet l’évaluateur un acteur du programmedont le rôle premier est de soutenir ceprocessus d’apprentissage. Commedans une situation éducative, l’évalua-tion et l’évaluateur ne sont utiles que s’ilsrenforcent cet apprentissage. L’appro-priation de l’évaluation par les acteursest l’élément fondamental de l’utilisationde celle-ci.

E. Monnier (5) le souligne. Le chargéd’évaluation ne peut plus être un éva-luateur traditionnel, expert en méthodeset examinateur de la valeur d’un pro-gramme. Le chargé d’évaluation devientun maïeuticien, un méthodologue et unmédiateur. Il est maïeuticien car il doitclarifier les questions des acteurs. Il doitdévoiler les enjeux sociaux et les valeurs,

préciser les critères utilisables. Il doitengager les acteurs dans une démarched’analyse et de compréhension de lasituation. Il est méthodologue parce queson intervention vis-à-vis des acteurs doitêtre accompagnée, supportée par desinformations les plus valides possible.L’évaluateur est souvent un garant de lacrédibilité externe d’une action aux yeuxde l’autorité publique. Il est, enfin, média-teur car l’évaluateur est engagé dans leprocessus politique. Il s’engage commemédiateur pour obtenir des compromissur la définition des objectifs de l’éva-luation, sur les informations prioritairesà recueillir. Il doit aussi découvrir et for-muler les conclusions, les propositionsqui permettent une approbation largeet qui sont des compromis aussi pour la poursuite de l’action. L’évaluateur estun acteur. Et cet acteur intervient sur lestrois composantes et les trois fonctionsde l’évaluation.

Avec l’évaluation comme appui àl’apprentissage de l’action, nous pou-vons progresser collectivement. Maisle développement de cette approche del’évaluation n’est pas une question dechoix individuel de l’évaluateur. Celadoit devenir un choix collectif partagépar tous les acteurs qu’ils bénéficient duprogramme, qu’ils le mènent ou qu’ils

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le financent. C’est une approche quifonctionne, qui est reconnue interna-tionalement, nous devons cependant yinvestir et la développer. Y investir, carl’appui à l’évaluation interne a un coût :le temps des personnes qui s’y enga-gent et le temps des évaluateurs quil’accompagnent et la facilitent. La déve-lopper car si des initiatives existent,nous pouvons faire plus et mieux. Pour-quoi ne pas en faire un enjeu pour ledéveloppement des programmes régio-naux de santé publique ? Il faut pourcela amplifier l’offre d’appui à l’évalua-tion par les acteurs en rassemblant lescompétences en évaluation partici-pative, négociée et accompagnée, en éducation pour la santé comme dansd’autres champs de l’action sociale.

Michel Demarteau

Docteur en santé publique,

responsable du secteur prévention

et promotion de la santé à l’Observatoire

de la santé du Hainaut, Belgique.

.

La notion d’évaluation comporte plu-sieurs sens. Dans son acception la plussimple, l’évaluation est l’appréciationdes actions humaines dans un contexte.C’est une rétroaction, fondée sur desvaleurs, par rapport à une action pré-cise. Dans son acception la plus sophis-tiquée, la recherche évaluative, l’éva-luation :– couvre plusieurs années, voire desdécennies ;– mobilise une quantité importante deressources humaines et matérielles pourconcevoir et mettre en application unsystème complexe d’activités visant àdéfinir, recueillir, analyser et interpréterun grand nombre de données concer-nant un système d’actions organisées ;– et génère des connaissances à proposde plusieurs aspects des interventions.La connaissance ainsi produite peutéventuellement influencer la pratiquede milliers de professionnels et, ultime-ment, la santé de centaines de milliersde personnes.

Selon M. Mark et ses collègues (1),l’évaluation est ce qui permet de com-prendre ce qui se passe dans un pro-gramme. Puisque les programmes sontun élément inhérent et intimement lié àla promotion de la santé (2), l’évalua-tion s’avère donc nécessaire à la trans-formation des pratiques dans cedomaine. Deux rôles peuvent être dévo-lus à l’évaluation au regard de la pro-motion de la santé. Le premier réfère àl’évaluation DE la promotion de la santéet vise à accroître l’efficacité des inter-ventions par la sélection des interven-tions qui démontrent des effets. Ce rôle

est largement défendu par les associa-tions professionnelles qui souhaitent quela promotion de la santé soit davantageutile aux concepteurs de politiquespubliques (3, 4). L’autre rôle réfère àl’évaluation DANS la promotion de lasanté. Il consiste à soutenir l’élaborationde pratiques novatrices dans uneoptique d’apprentissage collectif (5).C’est à ce second rôle que L.W. Green (6)associe le développement de « practicebased evidence », en opposition auconcept de pratiques fondées sur lesdonnées probantes, que nous exploronsdans cet article.

L’importance de soutenirl’innovation par l’évaluation

Trois raisons au moins justifient l’im-portance de soutenir l’innovation parl’évaluation. D’abord, les programmesbien définis ne constituent qu’uneinfime partie des pratiques en promo-tion de la santé, et ces programmes cor-respondent habituellement assez peuaux pratiques novatrices préconiséespar la charte d’Ottawa (7). Ensuite, pouradopter l’approche participative privilé-giée en promotion de la santé, les pra-ticiens doivent travailler à partir des pré-occupations et des capacités des milieuxlocaux (8). Dans ces cas, les program-mes bien testés ayant une efficacitédémontrée constituent, au mieux, unbon point de départ pour concevoir des interventions qui pourront ensuites’orienter différemment pour s’adapteraux circonstances locales. Malheureu-sement, très peu d’études documententle rôle et la contribution de ces allian-ces à l’efficacité des programmes. Enfin,

◗ Référencesbibliographiques

(1) Shadish W.R. Evaluation theory is who weare. American Journal of Evaluation 1998;19: 1-19.(2) Demarteau M. A Theoretical frameworkand grid for analysis of program-evaluationpractices. Evaluation 2002; 8(4): 454-73.(3) Demarteau M. Les pratiques d’action enéducation pour la santé et leurs modes d’éva-luation : réflexions critiques et questions pourla recherche. In : Évaluer l’éducation pour lasanté : concepts et méthodes. Paris : INPES,coll. Séminaires 2002 : 35-50.(4) Barbier J.-M. L’évaluation en formation.Paris : Puf, 1990 : p. 32.(5) Monnier E. L’évaluation de l’action despouvoirs publics : du projet au bilan. Paris :Economica, 1987 : 169 p.(6) Cousins J.B., Donohue J.J., Bloom G.A.Collaborative evaluation in North America:Evaluators’self-reported opinions, practicesand consequences. Evaluation Practice1996;17(3): 207-26.(7) Fetterman D.M. Foundations of empo-werment evaluation. Thousand Oaks, CA:Sage Publications, 2001 : 192 p.(8) Demarteau M. Évaluer : une question d’éthique. Saint-Denis : La Santé de l’homme 2000 ; n° 345 : 36-8.

Pour la Canadienne Louise Potvin, l’évaluation est l’élé-ment essentiel, « la science de l’action », qui va per-mettre de faire évoluer toute pratique de promotionde la santé. C’est la reconnaissance de l’innovation quisoutient le potentiel de changement. L’innovation nese mesure pas à l’aune d’indicateurs de santé, elle seconstruit sur l’environnement social et la remise enquestion permanente des pratiques1.

Évaluer, pour soutenir l’innovation

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le fait d’identifier un problème locale-ment, même lorsque ses causes sontscientifiquement connues, ne signifiepas que les interventions peuvent êtrefacilement disponibles ou mises enplace dans ce contexte. En effet, lescomposantes d’un programme sont tou-jours solidement imbriquées dans l’en-vironnement social, à travers un réseaudense d’alliances. Ainsi, pour nombrede personnes, le contexte social estconsidéré comme aussi important, sinonplus, que les aspects techniques de l’ap-plication du programme (5).

Par exemple, dans leur étude sur lesorigines d’un projet scolaire et commu-nautaire de prévention du diabète ausein d’une communauté autochtone,S.L. Bisset et ses collaborateurs (9) ontconstaté que les résultats d’études épi-démiologiques révélant une forte préva-lence des facteurs de risque du diabèteet de ses éventuelles complications,ainsi que les connaissances scientifiquesau sujet des facteurs de risque de dia-bète, n’ont contribué que partiellementà la planification et à la mise en œuvredu programme. C’est surtout grâce àl’excellente connaissance de la com-munauté qu’avaient les aînés et les lea-ders locaux des réseaux communautai-res existants et de l’histoire locale queles éléments spécifiques du programmeont pu être conçus et la population ciblebien identifiée. Tout au long de l’inter-vention, un comité consultatif de lacommunauté, considéré comme le prin-cipal responsable du projet (10), a jouéun rôle déterminant dans son orienta-tion afin que celui-ci corresponde bienaux valeurs locales et aux connaissan-ces traditionnelles en matière de santé.

Ajuster en permanence les pratiques

Dans la réalité quotidienne des pro-grammes de promotion de la santé, lechoix et la mise en œuvre des inter-ventions ne sont pas simplement lerésultat de choix raisonnés éclairés parla recherche scientifique. Ils sont for-tement influencés par un processuscontinu de négociations et d’ajuste-ments. Le but d’un tel processus estd’établir une convergence entre :– la connaissance scientifique théoriqueet empirique au sujet du problème iden-tifié et des interventions efficaces pourle solutionner ;– la connaissance subjective des indivi-dus à propos du problème, de ses cau-

ses et de ses conséquences sur leur vie,et à propos de leur communauté et deses forces ;– et les valeurs et normes locales concer-nant la situation. Le résultat d’un tel pro-cessus est une innovation socialementconstruite dans laquelle les pratiquessont continuellement modifiées par unréseau touffu d’interactions sociales quiconstruisent le programme. Cela exigede l’évaluation qu’elle ait une fonctionréflexive qui stimule la capacité desintervenants dans le programme d’assi-miler la connaissance qui leur est four-nie et d’agir en retour sur cette connais-sance (7). Un des rôles essentiels del’évaluation est donc de systématiser etde faciliter la fonction réflexive des pro-grammes afin d’éclairer le processus parlequel ils deviennent des innovationslocales et de soutenir leur potentiel dechangement.

Développer une « science de l’action »

Alors que l’évaluation de la promo-tion DE la santé commence à se déve-lopper, l’évaluation DANS la promo-tion de la santé tarde encore à pénétrerle champ. On a un peu l’impressionlorsque l’on côtoie la littérature évalua-tive en promotion de la santé, que la tra-duction du résultat d’études épidémio-logiques en action transformatrice desconditions associées à la santé s’opèrepresque magiquement. Que le seul rôlede la recherche est a posteriori, pourassurer que cette traduction porte fruit.Nous croyons au contraire qu’il fautdévelopper une « science de l’action »,que l’action sur les conditions quimènent à la santé se précise et s’affinepar approximations successives. Dansces circonstances, lorsque couplé à unsystème d’action qui se réfléchit en sefaisant, l’évaluation devient la science debase pour faire évoluer la promotion dela santé.

Louise Potvin

Chaire (IRSC-FCRSS) Approches

communautaires et inégalités de santé,

université de Montréal,

Montréal, Québec (Canada).

1. Ce texte reprend une partie des arguments déve-loppés dans : Potvin L., Golberg C. Deux rôles joués parl’évaluation dans la transformation des pratiques enpromotion de la santé. In : O’Neill M., Dupéré S.,Pederson A., Rootman I. Promotion de la santé auCanada et au Québec, perspectives critiques. Qué-bec : Presses de l’université Laval, 2006 : 457-73.

◗ Référencesbibliographiques

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Quand évaluer une action d’éducation pour la santé ? Pourquoi et comment ? FrancisNock, consultant et formateur, établit une feuille de route que le porteur de projet pourrautiliser pour toute évaluation. Il liste les étapes incontournables à respecter, rappelleles impératifs de rigueur et transparence. Et souligne un objectif majeur : l’évaluationmesure l’efficacité d’une action, elle permet donc de l’améliorer.

La première question qui se pose estcelle du calendrier : quand faut-il éva-luer ? Dès la conception du projet.Quand l’évaluation est partie prenantede la naissance du projet, tout en est faci-lité : le diagnostic de départ, la rédac-tion des objectifs, le choix de la méthodeet des outils d’évaluation, etc. C’estencore trop rarement le cas, et c’est par-ticulièrement vrai aujourd’hui pour lesprogrammes régionaux de santépublique. Mais si le projet est déjà sur lesrails, et même s’il est en voie d’achè-vement, l’évaluation est possible et sou-haitable. La seule contre-indication à lapratique de l’évaluation serait la situationde crise. Quand rien ne va plus dans l’équipe, ou entre les financeurs et lesopérateurs, une autre démarche d’ana-lyse, de type audit, serait préférable.

La deuxième question, tout aussiimportante, est : pourquoi voulons-nous évaluer ? On peut résumer lesmultiples raisons pour lesquelles uneéquipe se lance dans l’aventure del’évaluation en trois motivations : pourmieux rendre compte de ce que l’onfait, pour améliorer l’action ou le pro-gramme, pour connaître l’efficacité del’action ou du programme. Ces troismotivations entraînent des pratiquesd’évaluation différentes, même si lesétapes de l’évaluation restent les mêmes(voir tableau ci-contre).

Les trois motivations que nous avonsdistinguées entraînent bien des pratiquesévaluatives différentes, même si les éta-pes de l’évaluation sont les mêmes.

• Dans le premier cas : « évaluer pourrendre compte de ce que l’on fait », ils’agit de produire un système d’infor-mation fiable et adapté qui facilite lepilotage de l’action ou du programme.

• Pour la deuxième motivation : « éva-luer pour améliorer ce que l’on fait »,l’évaluation s’apparente à l’approchequalité, et insiste sur une analyse finedu processus, soumise au regard croisédes acteurs et des personnes bénéfi-ciaires de l’action.

• Dans le troisième cas : « évaluer poursavoir si l’action est efficace », il s’agit,sans chercher à établir scientifiquementla preuve que l’intervention a produitdes changements favorables à la santé,de révéler les modifications survenuesà l’issue de l’action ou du programme.

Il reste une dernière motivation pourévaluer : « savoir si le coût de l’actionétait justifié ». C’est l’évaluation de l’ef-ficience, c’est-à-dire de la relation entreles résultats produits et les crédits enga-

gés. Elle reste à l’appréciation des déci-deurs de santé publique. Mais, pourqu’ils puissent juger en toute connais-sance de cause, les acteurs doivent pou-voir leur dire :– ce qu’ils font (prestations offertes) ;– auprès de qui et où ;– si les activités menées correspondentaux besoins de la population ;– si la population en est satisfaite ;– si l’action se déroule en respectant lesréférentiels établis ;et/ou– si des changements favorables à lasanté peuvent être constatés.

Francis Nock

Consultant en santé publique,

Responsable pédagogique de l’Atelier

de l’évaluation en prévention et promotion

de la santé de Poitiers.

32 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

Évaluation mode d’emploi

33LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

Étape 1 Choix des motifsPourquoi évaluer ?

Étape 2 Choix de l’objetQue va-t-on évaluer ?Quel est l’objet de l’évaluation ?

Étape 3Choix des acteursQui va piloter et qui va réaliserl’évaluation ?

Étape 4 Choix des questions évaluativesQue veut-on savoir ?Que veut-on connaître ?

Étape 6Choix des méthodes et des outilsComment recueillir les données nécessaires à l’évaluation ?

Étape 8Test des outilsLes outils choisis sont-ils valides ?

Étape 10Traitement et analyse des données

Étape 11DiscussionQu’avons-nous appris ?Que pouvons-nous en déduire ?

Pour mieux rendre compte de ce que l’on fait

• l’activité et son évolution• la population rejointe• la couverture géographique

• acteurs internes :– pilotage politique– réalisation technique• expertise externe si nécessaire

• les caractéristiques de la populationtouchée

• la répartition sur le territoire• la définition précise de l’activité• l’évolution de l’activité• les adaptations à apporter• etc.

• définition d’indicateurs d’activité pertinents

• création d’outils de recueil intégrésaux outils de travail existants

• définition de tableaux de bord• élaboration de protocoles de recueil

de données• choix d’une périodicité pour le recueil

(continu ou sur un temps donné)

• expérimentation par l’équipe• analyse de la faisabilité (réticences,

contraintes, appropriation…)• analyse de la validité (les données

produites reflètent-elles l’activité ?• ajustements si nécessaire

• production de données en routine,sous la forme de tableaux et représentations graphiques

• analyse commentée des résultatspar période et de l’évolution dans letemps, par l’équipe et le comité depilotage

• apport d’un regard extérieur sinécessaire

• comparer le cas échéant plusieursexercices

Pour améliorer l’action ou le programme

• la satisfaction des besoins de la population

• les freins et les leviers• les facteurs de progrès

• acteurs internes• participation du public destinataire

essentielle• expertise externe si nécessaire

• le degré de satisfaction :– du public destinataire– des acteurs– des partenaires• la vérification du respect de normes

(participation, approche globale, réfé-rentiel connu…)

• les marges de progrès• etc.

• définition d’un groupe de travail associant acteurs et destinataires

• définition des modalités d’interrogationdes destinataires, des acteurs, des partenaires

• élaboration des outils de recueil(questionnaire, observation, guided’entretien individuel ou de groupe…)

• élaboration de protocoles pour lerecueil de données

• choix d’un calendrier

• présentation de la méthode et des outils à l’équipe et à des représentants du public destinataire

• analyse de l’acceptabilité (réticenceet adhésion)

• essai des outils par des « naïfs »• ajustements si nécessaire

• synthèse des données produites• analyse de contenu, données

chiffrées• établissement de listes :

freins, leviers, facteurs de progrès

• croiser les regards des acteurs etdes bénéficiaires

• produire des hypothèses d’amélioration

• discuter avec les décideurs desoptions possibles pour améliorerl’action

Pour savoir si l’action ou le programme est efficace

• les modifications survenues dans :– la situation des publics– les pratiques des acteurs– l’environnement

• acteurs/décideurs/destinataires• expertise externe conseillée

• le degré d’atteinte des objectifs• l’appropriation du projet par les

acteurs, la population…• l’évolution de la situation de départ• etc.

• choix des méthodes : quali ou quanti,modalités de recueil des données (pri-vilégier avant-après)

• définition des temps de recueil• élaboration des outils de recueil

(questionnaire, observation, guided’entretien individuel ou de groupe…)

• définition du mode de traitement desdonnées, choix d’un prestataire sinécessaire (saisie et production detableaux statistiques…)

• test des outils par des « naïfs »extérieurs au projet ou par unepetite partie du public

• analyse de la validité• ajustements si nécessaire

• saisie et analyse des donnéeschiffrées, commentaires, significativité…

• analyse de contenu pour les donnéesqualitatives

• analyse commentée des résultats• comparaison si possible avec

d’autres résultats (littérature, projets similaires)

• production d’un jugement sur l’efficacité

Étape 5

Étape 7

Étape 9Recueil des données

Étape 12Conclusions

Respect du calendrier et des protocoles établis. Si nécessaire, formation des personnes qui effectuent le recueil de données. Rigueur et neutralité

Validation des méthodes et des outils par l’instance adéquate

Validation des questions évaluatives par l’instance adéquateDéfinition d’un cahier des charges et lancement d’un appel d’offres si apport externeDéfinition des règles d’utilisation et de diffusion des résultats

Résumé des enseignements tirés de l’évaluationÉlaboration de recommandationsPrésentation aux instances de décision techniques ou politiques suivant le cas

Étape 13Diffusion des résultats

Rapport complet : aux financeurs et décideurs de santé publique, aux partenaires impliqués. Déposer un rapport dans les centres de formation concernés (universités, écoles, etc.)Restitution aux acteurs locaux susceptibles d’être intéressés, au public destinataire si possible Médiatisation plus large pour faire connaître l’actionCommunication (colloques, conférence de santé, etc.)

Les étapes de l’évaluation selon trois types de motivation

En 2003, soit quatre ans avant l’interdiction législative, vingt-deux lycées volontairessur le territoire français se sont engagés dans l’opération « Lycées non-fumeurs ». Une évaluation coordonnée par l’Observatoire français des drogues et des toxicoma-nies a été lancée dès le début de l’opération. Méthode et résultats.

À la rentrée 2003, les ministères char-gés de l’Éducation nationale et de laSanté ainsi que la Mission interministé-rielle de lutte contre la drogue et la toxi-comanie (Mildt) lancent l’opération« Lycées non-fumeurs » (LNF), avec l’ap-pui de l’Assurance Maladie, l’Institutnational de prévention et d’éducationpour la santé (INPES) et l’Action etdocumentation santé pour l’Éducationnationale (Adosen). Le but est de pro-mouvoir un modèle de lycée exempt detout tabagisme, tant pour les élèves quepour les personnels, dans un délai decinq ans, grâce à une modification durèglement intérieur et un renforcementintra muros de la prévention (débatsinteractifs, expositions, conférences,etc.) et de l’aide à l’arrêt du tabac (testde dépendance, substituts nicotiniques,orientation vers les centres de soin).Dès sa conception, et dans l’hypothèsede son extension, l’opération « LNF »s’accompagne d’une évaluation géné-rale dont la coordination est confiée àl’Observatoire français des drogues etdes toxicomanies (OFDT).

Deux enquêtes à trois ansd’intervalle

L’évaluation poursuit deux objectifs :– mesurer les effets de l’opération surles pratiques, connaissances et opinionsdes élèves et enseignants, donc enapprécier l’efficacité ;– cerner les facteurs de réussite et lesfreins, afin de nourrir la réflexion surla pertinence et les moyens d’étendrel’opération.

Cette évaluation s’appuie principale-ment sur une double enquête menée aulancement de l’opération (décembre

2003), puis au bout de deux ans (décem-bre 2005) afin de mesurer les éventuel-les évolutions. L’enquête a été conduitepar un cabinet indépendant (IOD) aumoyen d’un questionnaire autoadminis-tré, dans chaque lycée et auprès de tou-tes les personnes présentes le jour del’investigation. Environ quinze mille élè-ves, quatre mille membres du person-nel ainsi que les vingt-deux chefs d’éta-blissement ont été interrogés à chaquevague d’enquête.

Des résultats nuancés en dehors du lycée

Tout d’abord l’enquête montre quel’interdiction a été mise en œuvre diver-sement : ainsi, en 2005, sept établisse-ments sur vingt-deux interdisent à toutepersonne de fumer (conformément auxobjectifs nationaux) et sept autres l’in-terdisent aux seuls élèves. Dans ceslycées, contrairement à ce que l’on pou-vait craindre, l’interdiction n’a pas

conduit les élèves à fumer davantage« en cachette » ni à compenser pendantles jours sans lycée. Au final, les élèvessont bien moins nombreux à fumer dansl’enceinte des lycées (43 % en 2005 vs61 % en 2003) mais sont plus nombreuxà fumer aux abords. Les résultats sur letabagisme général des élèves sont enrevanche plus modestes. Parmi eux, de2003 à 2005, la part des fumeurs n’a quelégèrement baissé (33 % vs 31 %) ainsique les fréquences de consommation.Chez les personnels, la part des fumeursa aussi légèrement baissé (de 28 % à26 %) mais les niveaux de consommationsont stables du fait d’un report desconsommations hors des temps scolaires.

L’un des principaux facteurs de réus-site d’une telle opération est certaine-ment le climat favorable dû au volon-tarisme des chefs de ces établissementspilotes. Or, aujourd’hui, l’interdictionstricte du tabac posée par la loi semble

34 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

Retour sur l’évaluation de vingt-deux « lycées non-fumeurs »

35LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

davantage incitative. On relève aussientre autres points forts : l’intégrationd’experts externes et d’élèves dans l’équipe projet, la sensibilisation despersonnels, une politique de préven-tion ciblant le développement des com-pétences psychosociales.

Les garanties de l’évaluationL’évaluation a satisfait à certains prin-

cipes organisationnels pour répondreau mieux aux attentes dirigées vers elle,aux exigences de qualité et au respectdes personnes :• Distanciation. Le pilotage de l’éva-luation, tripartite, a rassemblé les com-manditaires nationaux, deux expertsexternes : l’évaluateur (IOD) et un coor-dinateur (OFDT), d’où son originalité.L’Observatoire a hiérarchisé et forma-lisé les questionnements des partiesprenantes puis validé en conséquencela méthode d’évaluation définitive.• Pluralité. Des temps d’échanges,notamment en comité de pilotage, ontpermis d’intégrer de façon raisonnée lesdifférents intérêts. De plus, l’organisa-tion précoce de l’évaluation a permis àl’OFDT d’assister au montage de l’opé-ration, donc de bien saisir les enjeuxrespectifs des acteurs nationaux et deterrain.• Intégrité. L’analyse a été menée defaçon anonyme afin de préserver l’in-tégrité des personnes physiques etmorales (des lycées). Au préalable, laméthode d’enquête avait obtenu unavis favorable de la Cnil.• Transparence. Les établissements ontété informés dès le lancement de l’o-pération « LNF » de la conduite et de lateneur de l’évaluation. Chacun a reçuses résultats propres et a pu les com-menter, en annexe du rapport d’éva-luation publié en septembre 2006.

Carine Mutatayi

Chargée d’études « Évaluation

des politiques publiques », Observatoire

français des drogues et des toxicomanies,

Saint-Denis-La Plaine.

Le projet régional « Vingt-cinq collè-ges d’Aquitaine se mobilisent pour laprévention du tabagisme » est mis enœuvre, depuis 2003, par le réseau descomités d’éducation pour la santéd’Aquitaine. Y participent en tant quepartenaires la direction régionale desAffaires sanitaires et sociales (Drass),le rectorat de l’académie de Bordeaux,les inspections académiques et l’Institutde santé publique Épidémiologie etDéveloppement (Isped). Le projet estfinancé par l’Institut national de pré-vention et d’éducation pour la santé(INPES) dans le cadre du Plan cancer.

L’objectif est de promouvoir la santédes jeunes par la mise en œuvre, danschacun des vingt-cinq collèges (cinq pardépartement), de projets de préventiondu tabagisme pendant trois ans selonune démarche participative. Au-delà de la seule prévention du tabagisme, ils’agit, par une approche globale, de lesaider à traverser l’adolescence et à avan-cer dans leur projet de vie. Ce projet s’ar-ticule autour des trois axes suivants :– une formation-action d’une équipepluridisciplinaire de trois à cinq per-sonnes par établissement a permis à88 adultes-relais d’être formés à laméthodologie de projet en éducationpour la santé ;– le soutien méthodologique à la miseen œuvre des projets assuré par leschargés de projet de chaque Codesveille à l’implication des jeunes. Les

équipes ont bénéficié d’un accompa-gnement continu sur site ainsi que dedeux rencontres départementales desuivi par an ;– le réseau des Codes assure la com-munication et la valorisation des actionsréalisées afin d’entraîner d’autres éta-blissements dans cette dynamique deprojet. Pour cela, une demi-journéed’échanges et de valorisation a étéréalisée en octobre 2006 et des infor-mations sur le projet de chaque collègesont disponibles sur le site Internet(www.educationsante-aquitaine.fr). De leur côté, les collèges ont été invi-tés à exposer leurs projets lors des dif-férentes réunions interétablissementsexistantes.

Deux évaluationsDes évaluations sur les processus et

les résultats ont été menées sur 2004-2006 avec la contribution de l’Isped. Lapremière évaluation – par question-naire individuel à destination des adul-tes et des élèves – a mesuré le degréd’implication des équipes éducatives etdes élèves dans les actions, ainsi queleur appréciation des actions mises enœuvre. Le questionnaire destiné auxadultes a permis de connaître le profildes personnes s’engageant dans desprojets d’éducation pour la santé, ainsique les actions qu’ils ont menées avecles jeunes. Le questionnaire destiné auxélèves a permis d’obtenir leur avis sur

Dans la région Aquitaine, les professionnels de vingt-cinq collèges ont été formés pour conduire des actionsde prévention du tabagisme et d’éducation pour lasanté. Trois cents actions ont été menées depuis 2005.Comment évaluer ce type de programme ? Voici laméthode retenue, les résultats de l’évaluation, ses for-ces et ses faiblesses.

Vingt-cinq collègesd’Aquitaine évaluentleur action de préventiondu tabagisme

◗ Bibliographie• Driard V., Branellec T. Évaluation de l’ex-périmentation « Lycées non-fumeurs ».Saint-Denis : OFDT, 2006 : 147 p.En ligne : http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/rapports/rap06/epfxvdm9.html

36 LA SANTÉ DE L’HOMME – N° 390 – JUILLET-AOÛT 2007

les actions réalisées, leur niveau deconnaissance sur le tabac, leurs modi-fications d’opinions et comportements,leur liberté d’expression.

La seconde évaluation, sous formed’entretiens collectifs avec les adultes,avait pour objectif d’amener les équi-pes éducatives à faire un bilan du pro-jet. Ont été évaluées : les capacités deséquipes à mener des projets sur lethème du tabagisme mais aussi surd’autres thèmes de santé, les actionsréalisées et, enfin, la perception desprincipes de l’éducation pour la santépar les équipes.

Bilan critiqueUn séminaire de travail regroupant

les Codes, l’Isped et les vingt-cinq col-lèges a ensuite dressé le bilan critiquede ces évaluations pour pouvoir validerle protocole d’action et d’évaluation parconsensus. Le niveau de participationdes diverses composantes des commu-nautés éducatives (santé/social, ensei-gnants, administration/encadrement) a été interrogé à plusieurs reprises afin d’apprécier son évolution dans letemps. En trois ans, les équipes se sontétoffées : quatre-vingt-huit personnesformées en année 1, cent trente-troispersonnes engagées dans des projetsen année 2 et cent cinquante-quatre enannée 3. La pluridisciplinarité imposéepour s’engager dans ce programme aété respectée tout au long des troisannées, et 83 % des équipes ont déclaréen année 2 que cette pluridisciplinaritéavait facilité l’action.

À l’issue de la formation, près de90 % des adultes investis dans le projets’estiment en capacité de mettre enœuvre leur projet de prévention dutabagisme. En année 3 (2005-2006), cechiffre est stable et 65 % s’estimentcapables de mettre en œuvre un pro-jet sur d’autres thèmes de santé. Entre-temps, les équipes ont élargi leur pro-jet de prévention à un travail plusgénéral de promotion de la santé. Rete-nons que l’engagement des personnesdans un tel programme requiert diffé-rentes ressources : un apport métho-dologique suivi dans le temps (la for-mation-action initiale a clairement lancéla mobilisation et les rencontres dépar-tementales l’ont entretenue), une aide à la construction du projet, l’identifica-tion de partenaires, de la documenta-tion, des outils d’intervention. Persiste

encore la demande de savoirs scienti-fiquement validés sur les thèmes desanté à développer.

Briser le tabou du tabacLe bilan des actions a été dressé sur

deux années scolaires (2004-2005 et2005-2006). Trois cent vingt et uneactions ont été menées : réalisationd’une pièce de théâtre, reportagesvidéo, journaux santé, intervention deprofessionnels extérieurs, etc. Elles onteu lieu pendant les cours, entre 12 h et14 h, lors de journées banalisées, en iti-néraires de découverte, en soirées. Desélèves se sont impliqués dans des comi-tés de pilotage et des clubs santé, ontformulé des propositions d’actions ouréalisé diverses productions. Le pro-gramme scolaire et l’âge d’entrée dansle tabagisme ont amené à privilégier leniveau 5e. Du point de vue qualitatif,62 % de ces actions sont jugées repro-ductibles1 par les adultes.

L’appréciation des actions – par lesadultes des établissements scolairesinvestis dans le projet comme par lesélèves – révèle qu’elles ont certesapporté des informations mais aussiinfluencé les opinions et les compor-tements ; notamment des non-fumeursqui disent avoir renforcé leur détermi-nation à ne pas fumer. Le tabac a pudevenir davantage un sujet de discus-sion avec l’entourage, et des élèves ontété valorisés par leur engagement dansdes actions. En année 2, 53,4 % des1 873 élèves interrogés disent s’êtreexprimés librement, ce qui peut êtreattribuable à la pédagogie active pro-posée dans la démarche d’éducationpour la santé. 34,7 % disent ne pas avoirpu s’exprimer librement. Leurs com-

mentaires témoignent de manque deconfiance, de crainte de parler enpublic et de docilité scolaire. Notonsque les établissements ont su concilierl’implication de quelques-uns en grou-pes restreints et la sensibilisation duplus grand nombre sous forme deforum santé, par exemple.

En conclusion, l’évaluation permetde pointer les conditions de réussite dece type de programme d’éducationpour la santé en milieu scolaire :– l’appui de la direction ;– l’inscription du projet de préventiondans le projet d’établissement ;– une équipe pluriprofessionnelle for-mée et motivée ;– le soutien des professionnels desCodes ;– la valorisation du travail effectué ;– une bonne communication et logis-tique ;– disposer de… temps !

Les débats au sein du comité de pilo-tage et le bilan évaluatif laissent penserque pour reproduire ce type de pro-gramme, il reste à définir avec l’Édu-cation nationale sa durée optimale et àimaginer une contractualisation. Unconventionnement entre le Codes et leComité d’éducation à la santé et à lacitoyenneté (Cesc) pourrait donner uneplus grande légitimité à ces projetsd’éducation pour la santé.

Aurélie Alvarez

Chargée de projet en éducation

pour la santé, coordinatrice du projet

« 25 collèges », Craes-Crips Aquitaine,

Bordeaux.

1. Possibilité d’avoir accès à la grille d’évaluation surdemande au Craes-Crips Aquitaine.

37LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

En région Aquitaine, des ateliers santé au bénéfice de personnes en difficulté ont étéorganisés à partir d’un cahier des charges précis incluant une dimension éthique. Cesateliers ont ensuite été évalués – positivement – à l’issue d’une longue démarche. En voicila méthode, qui pourrait être utile à d’autres porteurs de projets similaires.

En septembre 1998, la circulaired’application des programmes régio-naux d’accès à la prévention et auxsoins (Praps) proposait aux comitésd’éducation pour la santé de réaliseravec des populations « précaires » destravaux de groupe sous forme d’ateliersanté. Par « l’expression et l’exercice dela créativité », était visé « le retour à laconfiance en soi », « la recréation du liensocial », « la préservation du capitalsanté » et « l’accès au système de soins ».Le réseau des comités départementauxet du comité régional d’éducation pourla santé d’Aquitaine, s’appuyant sur uneexpérience de groupes de parole« santé » notamment en milieu carcéral,proposa, fin 1998, à la direction régio-nale des Affaires sanitaires et sociales(Drass) et aux cinq directions départe-mentales des Affaires sanitaires et socia-les (Ddass), la création d’un programmerégional d’ateliers santé.

Déroulement du programmeCe programme s’est déroulé en qua-

tre phases :• expérimentation (1999-2000) : défi-nition d’un premier projet, recrutementet formation de cinq éducateurs santéà mi-temps, mise en œuvre d’un pre-mier ensemble d’ateliers santé auprès de publics choisis par chacune desDdass, première évaluation descriptive ;• formalisation de la prestation et deson évaluation à l’échelon régional(2001-2002) : élaboration concertée, àl’instigation de la Drass et en collabo-ration avec les Ddass et les caisses pri-maires d’Assurance Maladie, d’un« cahier des charges » définissant l’ateliersanté et d’un « protocole d’évaluationrégionale », mise en œuvre du pro-gramme et évaluation d’une deuxièmegamme d’ateliers santé ;• remaniement de la prestation et de son

évaluation (2003-2004), dans le cadredu Praps 2e génération : reformulationdu cahier des charges et simplificationdu protocole d’évaluation, mise enœuvre d’une 3e série d’ateliers santé,évaluation régionale en mars 2004 ;• départementalisation du programme(à partir de 2004), les ateliers santé sesont déroulés dans les départements ;actuellement, ils se poursuivent dansdeux d’entre eux (Dordogne et Landes)sur les cinq que compte la région, fautede financement. Par ailleurs, il y a eu untransfert de la méthodologie de projet-évaluation de « groupe de parole-santé »dans d’autres programmes de formationet d’intervention.

Cahier des chargesLe « cahier des charges » de l’atelier

santé précise trois grands objectifs :1. aider les participants à prendre cons-cience de leur santé ;2. aider les participants à préserver età développer les ressources nécessairespour être acteurs de leur santé.Ces deux premiers objectifs – décom-posés chacun en trois sous-objectifs –sont concrétisés par la mise en place« des groupes de parole et d’action ras-semblant les destinataires en effectifsrestreints. Le travail éducatif mené dansce type de groupe permet un accompa-gnement “prévenant” des personnes,prenant réellement en compte les situa-tions qu’ils vivent, leurs façons d’y faireface, leurs modes de vie. L’appui sur unedynamique de groupe restreint permetde faire émerger, à partir des préoccu-pations des personnes, leurs questions,de mettre en tension les points de vuedes uns et des autres, de favoriser ainsiinterrogation personnelle et appropria-tion particulière des sujets abordés etdes informations données. » ;3. développer la dynamique de l’édu-

cation pour la santé auprès des profes-sionnels accompagnant les participantsaux ateliers santé. Ce troisième objec-tif – lui-même décomposé en quatresous-objectifs – se met en œuvre pardes procédures « associant ces profes-sionnels au pilotage et à l’évaluation desateliers santé, les impliquant dans lesactions collectives que pourront éven-tuellement réaliser les participants, leurapportant des éléments de formation àla promotion de la santé et à l’éducationpour la santé ou les mettant en situationde coanimation ».

ProtocoleLe « protocole d’évaluation » s’attache

à vérifier le degré d’atteinte des objec-tifs posés. Dans sa première version, ilfixait, pour chaque objectif intermé-diaire, des critères et des indicateurs,observables et mesurables, pour l’éva-luation. Pour chaque grand objectif, destableaux synoptiques détaillaient lesobjectifs intermédiaires, avec leurs cri-tères et leurs indicateurs et les objectifsopérationnels. Des outils de recueil desdonnées étaient ensuite présentés.Expérience faite, les ateliers santé duPraps 2e génération ont été soumis àune procédure d’évaluation simplifiée.Les critères et les indicateurs d’évalua-tion ont été intégrés directement dansles outils de recueil des données : unquestionnaire autoadministré, remplipar les bénéficiaires en dernièreséance ; une grille d’évaluation pour lesprofessionnels des structures d’accueildes ateliers ; une grille d’analyse éva-luative pour les chargés d’ateliers. Pourl’évaluation régionale, un tableausynoptique nouveau a été construit parle chargé d’évaluation.

L’évaluation de processus se fait àpartir des objectifs opérationnels, l’éva-

Aquitaine : les « ateliers santé » au banc d’essai

38 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

luation de résultats à partir des objec-tifs intermédiaires. Prenons, pour exem-ple, l’atteinte du premier objectif géné-ral, visant la prise de conscience del’importance de la santé par les bénéfi-ciaires et passant par la réalisation detrois objectifs intermédiaires : favoriserl’expression des représentations men-tales, questionner les attitudes et lesconduites, faire prendre conscienceque l’on peut agir sur sa santé. La moda-lité opérationnelle est la mise en œuvred’un travail en groupe restreint.

Évaluation du processusL’évaluation du processus a été faite

par la prise en compte de la tenue effec-tive des ateliers et par le degré de déve-loppement de leur dynamique internede groupes restreints. Le questionnairerempli par les bénéficiaires permettaitde vérifier leur intérêt vis-à-vis deséchanges tenus dans le groupe, leursatisfaction par rapport à la vie dugroupe, leur possibilité d’avoir pu s’yexprimer et d’être écouté. Il leur étaitdemandé de répondre à chaque ques-tion (correspondant à un critère) surune échelle graduée permettant d’ob-tenir un indicateur du degré d’effectivitédu critère. La grille d’évaluation rempliepar les professionnels permettait desavoir si les bénéficiaires leur avaientparlé des ateliers et quels degrés desatisfaction ils avaient manifestés. Lagrille d’analyse évaluative des chargésd’ateliers permettait, d’une part, de fixerle nombre de séances tenues pourchaque groupe, le nombre de partici-pants et leur degré de participation, et,d’autre part, de recueillir leurs avisappuyés sur des exemples concrets(indicateurs) sur cinq critères de dyna-mique du groupe : régularité de la par-ticipation, expression personnelle desparticipants, suggestions et proposi-tions, demandes d’information, qualitédes échanges.

Évaluation des résultatsL’évaluation des résultats a consisté

à mesurer le degré de développement,dans chaque atelier, du travail sur lesreprésentations, du questionnementdes attitudes et de conduites, et de laprise de conscience de la possibilitéd’agir sur sa santé. Les réponses –apportées dans les trois outils derecueil des données aux questions surle développement de la dynamique desgroupes et sur la possibilité d’y expri-mer ses idées et de développer un

échange sur les thèmes abordés – ontpermis l’évaluation du premier objec-tif intermédiaire. Pour le questionne-ment des attitudes et des conduites, sixcritères étaient posés : l’intéressementà sa santé, la mise en relation de sasanté avec le vécu personnel, avec lesconditions de vie, avec ses conduites,l’identification de ses difficultés desanté, l’interrogation sur sa santé per-sonnelle. Les indicateurs proposésdans les questionnaires étaient : lesquestions abordées dans les ateliers, lessollicitations adressées à des profes-sionnels de santé, les propos tenus lorsdes séances et notés par les chargésd’atelier, les réflexions sur les consom-mations (alcool, tabac, drogues), surla vie affective et sexuelle, sur l’ali-mentation, sur les activités physiquesou sportives. La prise de conscience dela possibilité d’agir sur sa santé étaitrenseignée par les critères du change-ment de discours, du changement decomportement et de l’évolution dansles soins du corps. Les indicateursétaient fournis par les réponses direc-

tes des bénéficiaires aux questions quileur étaient posées et par les observa-tions réalisées par les professionnelset par les chargés d’ateliers.

Vingt-huit ateliers santé sur cinq départements

L’évaluation régionale (mars 2004)concerne les ateliers menés en 2003.Tenus sur vingt-huit sites différents, avecun large éventail de publics allant desjeunes en difficulté d’insertion aux per-sonnes sans domicile stable, les atelierssanté ont concerné trois cent vingt-neufpersonnes ayant pris part à deux séan-ces au minimum et sept séances aumaximum, chacune d’entre elles durantune heure trente en général. Deux centtrente séances en tout ont été effectuées.

L’analyse des données fournies parles trois outils d’évaluation pour chaqueatelier montre que les objectifs opéra-tionnels sont en très grande partie réali-sés :– développement le plus souvent satis-faisant de la dynamique interne des

39LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

groupes restreints de bénéficiaires ;– association forte de la plupart des pro-fessionnels des structures d’accueil aupilotage et à l’évaluation ;– implication active de ces profession-nels dans les productions collectivesdes participants ;– sensibilisation de ces professionnels àla démarche éducative en promotion dela santé ;– coanimation entre professionnels desstructures et éducateurs des Codes là oùcela a été jugé pertinent.

Les effets obtenus, tels que permettentde les estimer les données recueillies parles trois types d’outils d’évaluation, sontles suivants :– l’expression effective des représenta-tions de la santé est très largement ren-seignée par les indicateurs proposés ;des indicateurs d’apparition des six cri-tères posés pour établir l’existence d’unquestionnement des attitudes et desconduites ont été donnés dans tous lesgroupes mais ils ne concernent qu’unepartie des participants ; les trois critè-res de la prise de conscience de la pos-sibilité d’agir sur sa santé ont été plusdifficiles à renseigner : les indicateursfournis par les intentions déclarées etles changements d’apparence repérésmontrent des résultats probants pourles ateliers fortement encadrés et réunis-sant des personnes inscrites dans un iti-néraire ascendant d’insertion sociale.On peut en conclure que l’objectifgénéral de prise de conscience de l’im-portance de la santé est atteint pour unegrande partie des participants ;– les données recueillies sur le déve-loppement des capacités à faire deschoix favorables à la santé, à recouriraux réseaux de santé et à s’approprierla santé comme une ressource d’inser-tion donnent à penser que l’objectif 2est à moitié atteint. En effet, l’identifica-tion des conduites à risques est rensei-gnée par de nombreux indicateurs, laformulation d’intentions de choix favo-rables à la santé est repérée chez unepartie des bénéficiaires par les obser-vateurs, et explicite dans les réponsesdes participants aux questions ouver-tes ; la formulation de messages desanté pertinents apparaît dans les septateliers qui ont réalisé une production,entre 20 % et 60 % des bénéficiaires –selon les ateliers – ont engagé desdémarches vers les professionnels desanté, plus de la moitié des participantssoulignent l’importance pour soi des

questions abordées lors des ateliers. Siles professionnels des structures d’ac-cueil et les chargés d’atelier soulignentl’apport de ressources d’insertion, seuleune minorité des réponses libres desparticipants donne cette indication ;– la sensibilisation des professionnelsaux démarches éducatives en santé est évidente, à une exception près, dansles réponses des professionnels ; laréflexion partagée entre les partenairesest attestée par les réponses des char-gés d’atelier ; l’augmentation des com-pétences des professionnels sociauxpour animer des ateliers est démontrée(à une exception près) par leur envie des’impliquer davantage dans l’éducationpour la santé, le succès des coanima-tions d’ateliers et des formations là oùcela a été tenté. Dernier critère pour l’at-teinte de l’objectif 3, le renouvellementdes ateliers est manifeste pour la plupartdes sites. Deux tiers des professionnelsconcernés semblent devenus des relaiseffectifs de santé.

Un véritable parcours de santéPar-delà les obstacles techniques,

organisationnels, logistiques et institu-tionnels, l’évaluation régionale de ceprogramme montre la pertinence réelled’une pratique de « groupe de parole-santé » auprès de personnes en gran-des difficultés professionnelles et socia-les, pour peu que le dispositifnécessaire puisse être mis en œuvre etaccueilli favorablement par les profes-sionnels du social et par les destinatai-res. Il leur permet de poser des jalonsprécieux pour un parcours de santé etde vie qui s’inscrit dans leurs conditionsd’existence et respecte les particularitésde leur situation et la singularité pro-pre de chacun. L’efficacité de cette pra-tique éducative varie beaucoup selon ledegré d’exclusion des bénéficiaires.Pour des personnes en difficulté maisengagées dans une démarche d’inser-tion sociale et professionnelle effective,l’apport est indiscutable. À l’autre extré-mité de l’éventail des bénéficiaires ren-contrés dans les ateliers santé, pour lespersonnes en errance, la démarche nepeut être réellement mise en œuvre etproduit peu d’effets. Un problèmeavant tout social ne peut être résolu parune prestation centrée sur la santé.

Bernard Goudet

Consultant en promotion de la santé,

membre du conseil scientifique

du Craes-Crips, Lyon.

Une lettre d’information

mensuelle pour tout

savoir sur l’actualité

de la prévention

et de l’éducation

pour la santé

COMMUNIQUÉ

AAbboonnnneezz--vvoouussggrraattuuiitteemmeenntt !!wwwwww..iinnppeess..ssaannttee..ffrr

40 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

L’Institut national de prévention etd’éducation pour la santé (INPES) sou-tient, depuis 2004, à travers un appelà projets, la création de « pôles de com-pétences » en éducation pour la santédans les régions. Ces plates-formes of-frent aux acteurs locaux qui mettent enplace des actions de proximité en édu-cation pour la santé les ressources com-munes suivantes : conseil méthodolo-gique, ingénierie de projet, formation,appui documentaire, et aussi évalua-tion. Ce dispositif est en cours d’instal-lation sur le territoire français, il inter-vient à la suite de la mise en œuvre desschémas régionaux d’éducation pour lasanté (Sreps).

L’INPES a réalisé, en 2006, une étudepréévaluative pour pouvoir ensuiteconstruire un protocole d’évaluationdes pôles de compétences. L’étudeavait pour objet d’identifier les percep-tions des décideurs et porteurs de pro-jets à l’égard des pôles ; elle a été réali-sée dans deux régions : Bourgogne etMidi-Pyrénées. L’objectif était de pou-voir ensuite centrer la future évaluationsur des thématiques correspondant auxpréoccupations des acteurs.

L’étude a été réalisée via des entre-tiens semi-directifs menés par troissociologues auprès d’une quarantained’acteurs issus des services centraux etdéconcentrés de l’État (Drass/Ddass,Éducation nationale, Jeunesse etSports), des collectivités territoriales, desassociations thématiques ou généralis-tes (Cres/Codes) du champ de l’édu-cation pour la santé, de mutuelles et del’Assurance Maladie. Les acteurs ont été

interrogés sur :– les conditions de mise en œuvre despôles ;– les facteurs favorisant leur mise enplace ;– les contraintes et difficultés rencon-trées ;– leurs attentes et les propositions d’amé-lioration ;-– l’impact de la mise en place des pôles(par exemple, ont-ils permis le déve-loppement de nouveaux partenariats ?).

Quels enseignements peut-on tirerde cette étude préévaluative, pour l’éla-boration d’un protocole d’évaluationdes pôles de compétences ? L’étude a,entre autres, permis de mettre au jourune diversité d’effets attendus du pôle.Il s’agissait : d’améliorer les pratiques oula qualité des actions en éducation pourla santé ; d’améliorer les compétencesdes acteurs en éducation pour la santé ;de créer une culture commune ; dedévelopper le partenariat, etc.

L’identification de ces objectifs esteffectivement déterminante pour l’éva-luation future. Par ce biais mais aussi àtravers toutes les réflexions des acteursinterrogés, l’étude préévaluative a faitémerger les thématiques essentiellessuivantes : la notoriété du pôle ; l’ani-mation et la mise en œuvre des activi-tés du pôle, leur pertinence ; l’impactdu pôle et enfin, l’implication et le rôledes structures nationales.

L’étude décline dans le détail chacunde ces thèmes. Prenons comme exem-ple l’animation et la mise en œuvre desactivités du pôle. On va y trouver des

Les « pôles régionaux de compétences » sont des plates-formes de ressources au service des professionnels de l’éducation pour la santé. Ils se mettent en place dans lesrégions françaises, les porteurs de projets y trouveront du soutien méthodologique, desressources en formation et documentation mais aussi un appui pour l’évaluation. L’INPES,qui finance ces pôles dans le cadre d’un appel à projets, vient de réaliser une étude « pré-évaluative » de ces pôles.

« Préévaluer » les pôles régionaux decompétences en éducation pour la santé

sous-questions concernant : l’animationdu pôle (réunions d’information,relance des partenaires) ; l’implicationdes structures dans le comité de pilo-tage et les activités du pôle ; le niveaude réalisation des activités ; les levierset freins dans son fonctionnement.

Les entretiens réalisés dans le cadrede cette étude ont permis de cerner lesdifficultés rencontrées dans la mise enplace de ces pôles de compétences.Voici les principales :– le manque de disponibilité desacteurs ;– l’éloignement géographique desacteurs ;– une compréhension et une connais-sance limitées de la notion de pôle ;– des désaccords sur le principe d’unpôle piloté au niveau régional ;– des désaccords sur la conception dupôle ;– des difficultés liées à la configurationdes relations entre acteurs de l’éduca-tion pour la santé.

Dans la mesure où nous avons inter-rogé les représentations des acteurs àpartir d’une étude qualitative, il est pos-sible de détailler encore davantage cesdifférents facteurs. Aussi, par la richessede ses résultats, ce type d’étude explo-ratoire constitue une base de discussionutile dans l’optique de construire uneévaluation.

Audrey Sitbon

Sociologue, chargée de mission, direction du

Développement de l’éducation pour la santé

et de l’éducation thérapeutique,

INPES.

41LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

Reconnaître que l’on s’est trompé pour repartir dans une autre direction : c’est la pos-ture courageuse prise par des évaluateurs à Bruxelles. Chargés de soutenir l’évalua-tion d’actions de santé communautaire, ils ont remis en cause leur propre grille pour par-tir du vécu des acteurs de terrain. Cela s’appelle « l’ethnométhodologie » et mérite quel’on s’y arrête.

L’association Les Pissenlits met enplace des actions en santé communau-taire avec les professionnels, les habi-tants et les pouvoirs publics dans lequartier de Cureghem, à Bruxelles ([email protected]). Les intervenants del’association sont des professionnelsexpérimentés dans l’approche commu-nautaire. Ils ont sollicité l’APES-ULg –équipe spécialisée dans l’évaluation –pour les soutenir dans la mise en placed’une évaluation de leurs actions.

Dans un premier temps, l’APES-ULgpensait tout naturellement partir desobjectifs définis auparavant avec l’équipe d’intervenants. Elle a donc pro-posé une grille d’évaluation organiséepar objectifs. Pour chaque objectif,étaient formulés des critères à la foisissus des rapports d’activités de l’asso-ciation et de la littérature sur la partici-pation, les réseaux, etc. Il est très viteapparu que cette grille ne convenait paspour mener une évaluation compré-hensive des actions (qui prend encompte la manière dont les actions sontvécues). Cette façon de travailler ne per-mettait pas aux membres de l’équipede s’approprier l’évaluation.

Des échanges avec les intervenantsde l’association ont alors permis d’iden-tifier le point de blocage. Les critèresd’évaluation étaient « imposés » : laréalité du terrain devait s’y plier, entrerdans les cases de la grille d’évaluation.Pour les intervenants, chaque élémentde la grille était sujet à discussion dansla mesure où elle opérait un découpageartificiel de leur pratique. De plus, lesobjectifs du projet avaient évolué,façonnés par les interactions avec lapopulation. La méthodologie était donc

inutilisable par les membres, aucun lienentre les objectifs réels de l’action et lescritères d’évaluation n’étaient reconnus.Il était nécessaire de revoir la métho-dologie utilisée pour concevoir cetteévaluation.

Nous avons alors opté pour une dé-marche de collaboration inductive inspi-rée de l’ethnométhodologie. D’après lefondateur, Harold Garfinkel, l’ethno-méthodologie est « orientée vers la tâched’apprendre de quelle façon les activi-tés ordinaires réelles des membresconsistent en des méthodes pour ren-dre les actions pratiques, les circons-tances pratiques, la connaissance desens commun des structures sociales etles raisonnements sociologiques pra-tiques, analysables ». Cette démarcheméthodologique a pour objectif de faireémerger les critères directement de l’ex-périence des acteurs.

Les six étapes de la définition des cri-tères ont respecté la nécessité d’un aller-retour entre l’analyse des expérienceset l’approbation de cette analyse par lesmembres de l’équipe. Les voici :1. Envoi par l’association Pissenlit d’unesynthèse dressant un état des lieux paraction. Les constatations étaient issuesd’une analyse, effectuée par l’équipe,des différentes activités.2. Analyse du contenu du document parl’APES-ULg et formalisation d’une pre-mière liste de critères.3. Discussion de la validité de la liste descritères avec les intervenants de l’asso-ciation. Constat que les objectifs initiauxdu projet tels que formulés étaient tropinclusifs et que plusieurs critèresvalaient pour plusieurs objectifs. Parexemple, le travail en réseau était pré-

sent dans chaque objectif et était lui-même un objectif.4. Formalisation d’une nouvelle liste decritères et approbation de la liste par l’équipe.5. Utilisation des critères par l’associa-tion pour analyser leurs actions.6. Vérification de la cohérence de critè-res avec les actions associées, afin d’éta-blir la validité de la grille d’évaluationpar l’APES-ULg. La position de l’APES-ULg a donc été de soutenir le montagede l’évaluation (le plan, la grille d’éva-luation). Il revenait aux intervenants del’association d’évaluer ses actions.

Par cette méthodologie inductive, lesintervenants de l’association ont cons-truit des critères d’évaluation pertinentspar rapport à leur action. Cette perti-nence naît de l’adéquation entre les cri-tères et les pratiques ainsi que de laconstruction en dialogue. Les critères decette grille établissent, en outre, unconsensus entre intervenants de l’asso-ciation, ce qui permet une utilisationoptimale, car partagée, de la grille. Laconstruction d’une grille d’évaluationpar une démarche inductive apporteune plus-value au sein de l’équipe dansla mesure où elle objective les pratiqueset permet donc ensuite leur évaluationpuis leur réorientation si cela s’avèrenécessaire.

L’ethnométhodologie, directementissue d’un courant de la sociologie amé-ricaine porté dans le monde franco-phone par des auteurs comme Coulon1,Paillé ou Muchielli, ouvre la réflexionsur l’évaluation. Premièrement, il s’agitde considérer le savoir des acteurs – lesavoir vécu – comme une source validede l’évaluation et ce, en dépit du sub-

À Bruxelles, quand l’expérience balaiedes critères préconçus d’évaluation

Depuis 2001, en région Paca, porteurs de projets et financeurs travaillent ensemble etsont formés pour acquérir une « culture commune » de l’évaluation des actions d’édu-cation pour la santé. Un cédérom, élaboré en commun, leur sert de guide pratique pourdiffuser le plus largement possible dans la région cette culture commune qui devrait per-mettre de passer de l’évaluation « contrôle » à l’évaluation « nécessaire ».

Depuis 2001, le comité régionald’éducation pour la santé Provence –Alpes – Côte d’Azur (Cres Paca) contri-bue, au sein de la région, au dévelop-pement d’une culture commune de l’é-valuation en éducation pour la santé,commune entre acteurs et financeurs dela région.

Dans ce cadre, ces six dernièresannées ont été marquées par quatretemps : formation, production, accom-pagnement, puis évolution.

Un temps de formationEn 2001, le Cres Paca a souhaité

démystifier l’évaluation en éducationpour la santé. Des formations (quatresessions de deux jours chacune) ontété organisées sur l’ensemble des sixdépartements de la région ; elles ontété proposées aux structures porteusesde projets, organismes instructeurs etfinanceurs et organismes associés auxprogrammes régionaux de santé et aux

programmes régionaux d’accès à la pré-vention et aux soins (Praps), soit qua-tre-vingt-dix participants caractériséspar l’hétérogénéité de leur positionne-ment face à l’évaluation.

Intégrées au dispositif des program-mes régionaux de santé, les formationsont été confiées à Chantal Vandoorne,responsable de l’APES-ULg, structure encharge du soutien méthodologique eten évaluation au sein de la Commu-nauté française de Belgique et interve-nant dans les enseignements en pro-motion de la santé à l’École de santépublique de l’université de Liège. L’en-semble des formations a été assuré enétroite collaboration avec le Cres Pacaet en référence aux travaux sur l’éva-luation produits au cours des annéesprécédentes par Michel Demarteau.

Souhaitant compléter leur forma-tion, les participants ont intégré, en2003, un deuxième module (de deux

fois deux jours) consacré à la structu-ration de l’intervention d’accompagne-ment à l’évaluation et à l’ébauche d’unplan d’évaluation.

À l’issue de ce deuxième module,l’objectif de développement d’une cultu-re commune de l’évaluation semblaitêtre atteint. La confrontation des pointsde vue, les contraintes des uns et desautres, les rapprochements entre princi-pes et réalités avaient dessiné lescontours d’une évaluation réaliste, accep-table et acceptée… La réflexion com-mune et les références partagées étaientautant de points de convergence qui per-mettaient aux participants d’abandonnerenfin l’évaluation « contrôle » au profit del’évaluation « nécessaire ». Nécessaireaux porteurs car garante d’unemeilleure méthodologie et nécessaireaux décideurs car assurant une pro-grammation pertinente. L’évaluationn’était pas une fin mais un outil de programmation éclairée, prenant en

En région Paca, des formations et un cédérom pour évaluer

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jectivisme. Deuxièmement, l’accompa-gnement méthodologique impliqueune posture particulière de la part duchercheur. Ce dernier est à la fois le« traducteur » de l’action de l’équipe etle garant de la validité des informationsproduites. Enfin, une évaluation peutêtre menée à partir d’un ancrage épis-témologique dans le subjectivisme sansque cela n’entache la validité des résul-

tats, garantie par la rigueur méthodo-logique maintenue lors des six étapesde la définition des critères.

Gaëtan Absil

Historien, anthropologue chercheur, APES-ULg

Service communautaire de promotion

de la santé en Communauté française

de Belgique, rattaché à l’École de santé

publique de l’université de Liège, Belgique.

◗ Bibliographie• Cicourel A. Le raisonnement médical. Uneapproche socio-cognitive, Paris : Seuil, coll.Liber, 2002 : 224 p.• Garfinkel H. Studies in ethnomethodology.Englewood Cliffs, NJ: Prentice- Hall, 1967.• Paille P., Mucchielli A. L’analyse qualitativeen sciences humaines et sociales. Paris :Armand Colin, coll. U, 2003 : 224 p.• Strauss A., Corbin J. Basics of qualitativeresearch: grounded theory procedures andtechniques. Sage Publications, 1990: 270 p.

1. Pour une présentation très claire et synthétique : Coulon A. L’ethnométhodologie. Paris : Puf, coll. Que sais-je ? 2002, n° 2393.

43LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

compte les besoins mais également larichesse et les limites des ressources.

Un temps de productionAu terme de ces trois années de for-

mation, de réflexion, de rencontres etd’échanges, le besoin de concrétiser unoutil commun et partagé s’est fait res-sentir. Il s’agissait de rassembler sur unsupport unique la grande diversité destravaux et des ressources disponibles,de les rendre accessibles aux interve-nants et surtout d’apporter une contri-bution régionale reflétant les orienta-tions prises par les acteurs et lesdécideurs locaux.

Le choix s’est rapidement porté versun support multimédia de type cédéromqui présente des atouts majeurs : facilitéd’accès à un document dense et com-plexe, souplesse de l’utilisation, prise enmain progressive et individualisée, inter-activité, didacticiel en ligne, etc.

Face à l’imminence de la mise enplace d’un Plan régional de santé

publique (2005-2009) débordant large-ment le champ de l’éducation pour lasanté, le Cres Paca et ses partenairessont convenus de réaliser un outilexhaustif et adapté qu’ils ont intitulé :« Méthodologie et évaluation d’actionsou de programmes de santé publique,un outil au service du plan régional desanté publique ». Les travaux desoixante-neuf auteurs y sont présentés,soit cent vingt-neuf références biblio-graphiques. L’ensemble est décliné ensuivant chaque étape de la méthodo-logie de projet, qui est elle-même ana-lysée en termes de méthodologie,d’évaluation mais également de com-munication, l’objectif étant égalementd’inciter à valoriser l’activité par l’écri-ture, la publication. Un didacticiel sertde fil conducteur ; réalisé sous forme decheck-list, il permet d’accompagner laréflexion d’un groupe et d’accéder à denombreux documents.

Un temps d’accompagnementConçu comme un outil d’accompa-

gnement à la démarche de projet et

d’évaluation, le cédérom fait aujourd’huipartie du paysage de l’éducation pour lasanté dans la région Paca. L’appel à pro-jets annuel, lancé par le Groupe régio-nal de santé publique (GRSP), y fait réfé-rence. Mille exemplaires réalisés en2005 ont été remis dans le cadre de for-mations ou adressés à des organismesassurant cette activité. Le Cres et lesCodes de la région assurent, chaqueannée, des formations à son utilisation(cent soixante-deux personnes forméesen 2006). Il sert également de supportau soutien et au conseil en méthodo-logie qu’ils assurent.

Il est prévu, en 2007, de faire unpoint sur son utilisation et sur ses éven-tuelles retombées.

Un temps d’évolutionL’évaluation est nécessaire mais elle

fait peur car, à court terme et isoléed’autres types d’interventions, l’éduca-tion pour la santé ne sera pas enmesure de démontrer, scientifique-ment, des modifications de l’état desanté de la population ni même de sescomportements. Elle y contribuera,avec le soutien d’autres modes d’inter-vention (communication, formation,information, législation, etc.) à moyenet long termes.

Il est donc nécessaire de prendre dela distance et d’observer de quelle façonchaque type d’intervention concourt àatteindre un objectif. L’outil de catégo-risation des résultats de PromotionSanté Suisse, promu par l’Institut natio-nal de prévention et d’éducation pourla santé (INPES), permet cette approcheglobale et contribue certainement àaméliorer les choix évaluatifs. Le Crescontribue à son appropriation en régionPaca et prévoit, aux côtés de ses parte-naires, Codes, GRSP et universités, d’as-surer localement des formations à sonutilisation.

L’ensemble de ces éléments devraitcontribuer à garantir des actions de qua-lité et permettre à la santé publique d’être assurée d’initiatives objectivesreconnues scientifiquement sans pourautant être complexes ou réservées àune élite de chercheurs.

Zeina Mansour

Directrice du comité régional d’éducation

pour la santé, Provence – Alpes –

Côte d’Azur (Cres Paca), Marseille.

En région Bretagne, les représentants de l’État, des collectivités et les porteurs de pro-jets travaillent de concert, depuis 2004, pour bâtir des règles communes d’évaluationdes actions d’éducation pour la santé. En 2006, ils ont été formés ensemble aux exi-gences de l’évaluation. Une démarche prometteuse… dont le cheminement est complexe.

En région Bretagne, les porteurs deprojets, les décideurs et les financeursprogressent ensemble, depuis 2004,pour développer et améliorer l’éva-luation des actions d’éducation pour lasanté. Dans le cadre d’un appel à pro-jets de l’Institut national de préventionet d’éducation pour la santé (INPES)portant sur l’appui à la mise en œuvredes schémas régionaux d’éducationpour la santé, le comité régional d’édu-cation pour la santé (Cres) de Bretagne,en lien avec plusieurs partenaires, adécidé d’organiser un séminaire régio-nal de travail pour développer l’éva-luation des programmes et des actions.Le comité de pilotage réunit la directionrégionale des Affaires sanitaires etsociales (Drass), l’union régionale descaisses d’Assurance Maladie (Urcam),l’École nationale de la santé publique(ENSP), l’Institut universitaire profes-sionnalisé de Lorient, les quatre comi-tés départementaux d’éducation pour lasanté de la région.

Fin 2004 et début 2005, les porteursde projets et les décideurs ont travailléensemble sur l’évaluation. Plusieurs tra-vaux ont été réalisés pour préparer lecontenu du séminaire :– une enquête sur les expériences,approches et connaissances, difficultéset questionnements des participants ;– une étude retraçant l’évolution del’évaluation en promotion de la santé enBretagne.

En 2005, le séminaire régional –piloté par le comité régional d’Éducationpour la santé, en collaboration avec lesinstitutions (Drass, Urcam) et les pro-fessionnels – a donc réuni porteurs deprojets et décideurs pour qu’ils confron-tent leurs points de vue et adoptent des

références communes. Ce séminaire arassemblé soixante-huit participants :seize décideurs, cinq formateurs, trente-neuf acteurs, huit étudiants en santépublique. Deux intervenants ont en par-ticulier présenté les apports conceptuelssur l’éducation et la promotion de lasanté1 et les principes d’évaluation2. Ceséminaire comportait des séances plé-nières et des travaux en ateliers. Il a per-mis de construire une réflexion fondéesur un langage commun à l’ensembledes acteurs présents. Les participants ontsélectionné et priorisé :– des préalables requis pour dévelop-per l’évaluation ;– des objets et méthodes de l’évaluationporteurs d’enjeux pour l’avenir ;– une stratégie globale pour dévelop-per l’évaluation en Bretagne.

Une analyse des résultats du sémi-naire a été publiée dans le bulletin« Horizon Pluriel » et un dépliant repre-nant les recommandations du séminairea été largement diffusé début 2007.

Deux formations sur l’évaluationTroisième étape de cette action

expérimentale : en 2006, deux sessionsde formation de deux jours ont étéorganisées au profit des professionnelsde la promotion de la santé (desréseaux Aides, Anpaa, Codes, Mutualitéfrançaise et réseau d’information jeu-nesse) et des décideurs (Drass, Urcam,Ddass, conseil général), soit au total dixpersonnes. Le module était animé parun formateur en éducation et promo-tion de la santé et en évaluation. Lesparticipants ont :– explicité et priorisé les recommanda-tions issues du séminaire ;– au regard des priorités retenues, iden-tifié les pratiques dans leurs institutions

et territoires puis les moyens à mettreen œuvre pour les améliorer ;– défini leurs savoir-faire et les connais-sances complémentaires qui leur sontnécessaires pour mettre en œuvre lespriorités retenues : la construction d’unoutil d’aide à l’élaboration d’une éva-luation et le repérage des ressourceslocales en évaluation.

À l’issue de cette formation, cegroupe de travail restreint est parvenuaux conclusions suivantes :

• En termes de collaborations infra-régionales, trois dimensions demandentà être renforcées :– travailler à un même vocabulaire, àdes concepts communs ;– clarifier les règles partagées dès ledépart ;– définir les responsabilités de chacun.

• En termes de connaissances, troispoints émergent, qu’il s’agit d’appro-fondir :– clarifier et approfondir les évaluationsde processus/de résultat/d’impact ;– préciser les notions de qualitatif/quantitatif ;– outiller la mesure des résultats.

• En termes d’activités à mettre enœuvre :– multiplier les contacts acteurs/déci-deurs, stimuler une pratique partena-riale ;– réaliser un état des lieux des person-nes ressources et services offerts ;– construire un cadre de référence :démarche et outils puis les expérimen-ter sur des projets divers afin de testerdes modèles, obtenir des données pro-bantes ;– organiser des groupes d’échanges

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En Bretagne, les professionnels formés à l’évaluation

45LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

d’expériences et des formations actions.Décideurs et acteurs de terrain ont

ainsi pu confronter leurs attentes et laplace qu’ils prendront dans le futur « pôlede compétences » en éducation et pro-motion de la santé, qui est en cours deconstruction. Ce pôle sera une plate-forme de ressources pour définir lecontenu de l’évaluation et les indicateursà prendre en compte selon le type deprojet, et également pour proposer desoutils de collecte de données et d’analyseadéquats (voir l’article d’Audrey Sitbon p. 40 sur la préévaluation de ces pôles decompétence). Le pôle devrait servir d’in-terface entre décideurs et acteurs de ter-rain pour que leurs attentes et contrain-tes respectives soient prises en compte.

En conclusion, trois ans après le lan-cement de cette démarche qui a per-

mis de créer une culture commune, lerésultat le plus tangible de cette expé-rience est que, pour construire une éva-luation, les décideurs et les porteurs deprojets consultent désormais plus lar-gement les partenaires d’un projet et lapopulation concernée. Toutefois, leplus difficile sans doute reste à faire :– intégrer l’ensemble de ces travauxdans la structuration en cours de cepôle de compétences ; – diffuser cette approche commune surl’évaluation (pour l’instant partagée parun groupe restreint) à l’ensemble desacteurs de la région pour qu’ils se l’ap-proprient et la mettent en œuvre.

En 2007, les travaux du groupe res-treint se poursuivent afin de construireun outil d’aide à l’élaboration d’une éva-luation pour que tous aient un mini-

mum de règles communes. Cet outildevra être largement diffusé au niveaurégional.

Sonia Vergniory

Chargée de mission au Cres de Bretagne,

Coordonnatrice du projet de pôle régional

de compétences, pilote de l’axe de travail

sur l’évaluation.

Pour en savoir plushttp://www.cresbretagne.frPour accéder aux résultats du séminaire et audépliant sur l’évaluation : http://www.cresbreta-gne.fr/pageD-1-Horizon.htm

1. Intervention de C. Vandoorne, « Éducation pour lasanté, promotion de la santé : parle-t-on de la mêmechose ? ». Séminaire sur l’évaluation, 2005.2. Intervention de F. Nock, « Les principes de l’éva-luation en promotion de la santé ». Séminaire surl’évaluation, 2005.

En région Pays de la Loire, financeurs et porteurs de projets d’éducation pour la santéont, sous la houlette de la Drass et de l’Urcam, créé et diffusé, en 2006, un protocoleconcerté d’évaluation des actions. Présentation.

En Pays de la Loire, l’émergence d’une« culture commune » de l’évaluation

Un paysage institutionnelcomplexe

L’élaboration, en Pays de la Loire, duschéma régional d’éducation pour lasanté (Sreps)1, au cours de l’année2003, a confirmé que ce champ reposaitsur une multitude d’acteurs, des respon-sabilités partagées, une diversité dessources de financement complexifiantles procédures, des objectifs, notam-ment d’évaluation, peu coordonnésentre eux…

Partant de ce constat, le Sreps Pays dela Loire s’est fixé pour objectifs non seu-lement de renforcer l’optimisation desressources, c’est-à-dire de poursuivre lamutualisation des moyens financiers etl’harmonisation des outils entre l’État,l’Assurance Maladie et les collectivitésterritoriales, mais aussi d’inscrire lesacteurs dans une démarche d’évaluation.

L’évaluation : une démarcheprimordiale mais redoutée

L’évaluation est une notion qui sus-cite souvent des craintes chez les por-teurs de projets. Elle est assimilée auxnotions de contrôle et de sanction.Parallèlement, les demandes des finan-ceurs, qui souhaitent vérifier la bonneutilisation des fonds publics, peuventêtre parfois trop ambitieuses en sou-haitant connaître les résultats desactions. Comme le soulignait le Dr Bri-gitte Sandrin Berthon, directrice ducomité régional d’éducation pour lasanté Languedoc-Roussillon, « Si unepersonne renonce à fumer, est-ce parceque l’un de ses amis est mort d’un can-cer du poumon, est-ce parce qu’elle abénéficié d’une éducation pour la santé,est-ce parce que le prix du tabac aug-mente, est-ce pour plaire à l’homme ouà la femme de sa vie ? Difficile à dire ! »2

S’il est vrai que l’évaluation est unetâche complexe, elle est cependant pri-mordiale non seulement pour le finan-ceur, mais aussi pour le porteur de pro-jet. Elle permet, en effet, de mesurer laqualité d’une action, de la valoriser, dela transmettre, ou de la réorienter sinécessaire. Il importe, en conséquence,de permettre à l’ensemble des acteursde s’inscrire dans cette démarche surla base de critères précis, discutés etdéfinis en commun.

Séminaires et formationPour la mise en œuvre de cet objec-

tif, la direction régionale des Affairessanitaires et sociales (Drass) et l’unionrégionale des caisses d’Assurance Mala-die (Urcam) ont élaboré une stratégieen quatre étapes (trois séminaires etune formation) qui a été accompagnéepar un consultant.

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• Étape 1 : organisation d’un séminairede réflexion des financeurs à Nantes, en2003, pour adopter un langage communet clarifier la procédure. Après un rappelthéorique sur l’évaluation et les diffi-cultés qui s’y rapportent, les participantsont travaillé autour de cinq questions :Quels sont nos objectifs d’évaluation ?Pourquoi évaluons-nous ? Actions à éva-luer : quels critères de choix posons-nous face à l’impossibilité d’évaluer tou-tes les actions financées ? Quel est le rôledes différentes instances administrati-ves ? Enfin, quels outils utilisons-nouspour mener cette évaluation ?

Suivant l’avis des acteurs, les objec-tifs de l’évaluation ne sont pas suffi-samment travaillés. Des problèmes, liésau temps – nécessaire au changementde comportement, au montage des pro-jets – ont également été soulevés. Parailleurs, l’impossibilité de lier une actionà une modification de comportement,en raison de la multiplicité des facteurssusceptibles de l’influencer, représenteune importante difficulté.

Ce séminaire a permis non seule-ment de dégager des principes d’orga-nisation mais aussi de développer undébut de culture commune en permet-tant à tous les acteurs de parler unmême langage.

• Étape 2 : organisation, en 2004, d’undeuxième séminaire, au cours duquelles financeurs, qui avaient souhaitéapprofondir la démarche par un travailplus concret à l’appui d’exemples, onttravaillé sur l’évaluation d’actions types.Ces travaux se sont poursuivis dans lecadre de groupes (un par type d’action)qui ont abouti aux mêmes conclusions,ce qui a facilité l’élaboration d’une grilleunique intégrant les objets de l’évalua-tion, ainsi que des propositions d’indi-cateurs et d’outils, à la fois pour le pro-cessus et les résultats des actions.

• Étape 3 : organisation, en 2005, d’untroisième séminaire, qui a réuni cettefois les porteurs de projets et les finan-ceurs. La grille a été présentée et sou-mise au débat. Elle a été validée sousréserve d’être accompagnée par desorganismes compétents et est désormaisintégrée dans l’appel à projets, depuis2006, à titre de référence. Parallèlement,les participants ont émis le souhait demultiplier les temps de rencontre entrefinanceurs et porteurs de projets car

ceux-ci permettent de clarifier les atten-tes des uns et des autres et de les fédé-rer autour d’un même objectif.

• Étape 4 : mise en place de formationsd’aide à l’évaluation pour les porteursde projets sur la base de ce protocole.Cette étape reste à mettre en œuvre.

Une démarche à conforterCette stratégie a permis de construire

une grille d’évaluation régionale dont lesretours du terrain, dans le cadre desréunions territoriales, montrent les effetspédagogiques qui restent néanmoins àapprofondir par l’organisation de vérita-bles formations à l’évaluation à destina-tion des porteurs de projets. Les évalua-tions des projets apparaissent largementplus solides, même si parfois trop cal-

quées à la grille. En outre, dans un pay-sage institutionnel complexe, cettedémarche a jeté les bases d’une actionconcertée et cohérente entre les acteurs.

Anne Le Gall

Inspectrice,

Drass des Pays de la Loire,

Véronique Devineau

Chargée de mission,

Urcam des Pays de la Loire, Nantes.

1. Selon le Plan national d’éducation pour la santé,présenté en Conseil des ministres le 28 février 2001,le Sreps a pour ambition d’aider les compétences etles dynamiques locales à s’inscrire dans les politiquesrégionales de santé, de leur permettre de se coordon-ner entre elles et de leur donner les moyens institu-tionnels, organisationnels et financiers nécessaires audéveloppement de leurs actions.2. Intervention lors du congrès national des observa-toires régionaux de la santé. Nantes, les 28 et 29 sep-tembre 2000.

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Comment les financeurs voient-ils l’évaluation des actions et des programmes de santépublique ? Qu’en attendent-ils ? Comment eux-mêmes évaluent-ils les projets qui leur sontsoumis ? Témoignage de la Drass d’Aquitaine, à partir d’une évaluation concertée du pro-gramme de repérage précoce et interventions brèves en alcoologie en Aquitaine.

La santé publique est un domaineinvesti par une multiplicité d’acteurs etde modes d’intervention (1). La loi desanté publique du 9 août 2004 a reconnul’échelon régional comme le niveau ter-ritorial le plus pertinent pour fédérerl’action de ces multiples acteurs autourdes plans régionaux de santé publique(PRSP). L’enjeu du PRSP en Aquitainea donc porté sur la définition d’un cadrede référence clair et cohérent permet-tant d’articuler les programmes natio-naux, régionaux et locaux en conju-guant les efforts des multiples acteursde santé publique. Le groupementrégional de santé publique (GRSP),chargé de la mise en œuvre, doit trans-former les objectifs des programmes enactions concrètes.

Comment choisir les projets àsubventionner dans le cadre duPRSP ?

Ne disposant pas ou peu en son seind’opérateurs directs de santé publique,plusieurs outils vont contribuer à lamise en œuvre du PRSP : des appels àprojets et des conventions auprès desopérateurs de santé publique qui tra-vaillent au plus près de la population.Les appels à projets s’adressent à unpanel diversifié d’opérateurs. Desconventions peuvent être passées entreservices publics (par exemple entre ladirection régionale des Affaires sanitai-res et sociales (Drass) et le rectorat pourdes actions en milieu scolaire), avec lescollectivités territoriales (dans le cadredes contrats de plan) et, enfin, avec lesassociations (conventions pluriannuel-les d’objectifs). « Cheville ouvrière » dela mise en œuvre du plan régional desanté publique, la Drass gère les appelsà projets et les conventions » en lienavec l’union régionale des caisses d’As-

surance Maladie (Urcam) et le conseilrégional.

Appels à projets orchestrés par la Drass

Des plans régionaux de santé desannées 1990 aux plans régionaux desanté publique des années 2000, l’appelà projets est resté la pratique la plusemployée (2). S’inscrivant dans lesobjectifs des programmes du PRSP, ilpermet de formaliser le partenariatentre les décideurs État, AssuranceMaladie, collectivités territoriales autourd’un guichet unique avec une instruc-tion commune des projets (facilitée parune procédure dématérialisée, mutua-lisée et sécurisée mise en œuvre en2007) et avec une démarche d’évalua-tion partagée.

Le montant des financements alloués,le nombre important de promoteurs etde projets en Aquitaine ont nécessitéla mise en place de dispositifs pouraméliorer les procédures de décisiond’éligibilité des dossiers. Des critèrescommuns d’instruction ont été arrêtés :1. inscription du projet dans les priori-tés régionales ;2. pertinence du projet : analyse préala-ble des besoins et justification desactions programmées ;3. cohérence du projet : concordanceentre les actions programmées et lesobjectifs affichés ; 4. crédibilité du projet : modalités opé-rationnelles de réalisation des actions,bénéficiaires concernés, compétencesmobilisées, budget de l’action ou duprogramme d’actions, compétence dupromoteur ;5. plus-value apportée : partenariat misen œuvre, complémentarité ou syner-gie, effets attendus ;

6. critères d’ordre éthique, participationdes bénéficiaires aux actions qui leursont destinées, acceptabilité ;7. évaluation : moyens envisagés, cri-tères et indicateurs retenus, faisabilité.

Quatre-vingt-sept personnesformées

En 2002, la Drass et l’Urcam ont sou-haité former les opérateurs et les déci-deurs à l’évaluation : des formationsactions ont été mises en œuvre en lienavec l’université de Liège, l’Institut desanté publique, d’épidémiologie et dedéveloppement (Isped) et le comitérégional d’éducation pour la santé(Craes). Ces formations se sont dérou-lées sur les cinq départements d’Aqui-taine sur des séquences de deux joursavec à chaque formation dans chaquedépartement la constitution d’un groupede quinze personnes composé pour untiers des principaux financeurs : Ddass,CPAM, MSA, Éducation nationale,conseil général, et pour deux tiers desprincipaux promoteurs d’actions dontle comité départemental d’éducationpour la santé, un participant du niveaurégional Urcam/Drass ainsi qu’unreprésentant du Craes qui a assisté àchaque session.

Au niveau régional, selon le mêmeschéma, une session de formation a étéréalisée avec les acteurs régionaux(Drass, Urcam, Craes, rectorat, etc.). Cesformations ont concerné quatre-vingt-sept personnes. Elles ont porté sur lesbases de la méthodologie d’un projet,les démarches qui favorisent l’utilisationde l’évaluation et la participation, avecà la fois un cadrage théorique et uneapplication à des projets locaux. Lesobjets et méthodes d’évaluation ont étéabordés (évaluer : pourquoi, pour qui,

Évaluation d’actions innovantes :l’exemple de l’Aquitaine

48 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

quoi, comment ?) ainsi que les élémentsd’un cahier des charges (structure etcontenu, critères d’appréciation desdevis d’évaluation). Le choix d’une for-mation à une démarche participatived’évaluation a permis un échange entreopérateurs et décideurs quant à leursattentes respectives vis-à-vis de l’éva-luation et une meilleure compréhen-sion des enjeux et des points de vue dechacun.

Un comité de pilotage pour l’évaluation

Envisager la mise en œuvre d’uneévaluation concertée entre les différentsacteurs concernés par les résultats sup-pose une instance de pilotage de l’éva-luation. Ce type d’instance a été mis enplace sur un certain nombre de projetsrégionaux ayant un aspect « fédérateur »interdépartemental en Aquitaine sur lathématique des addictions par exem-ple : « Vingt-cinq collèges contre letabac », programme de réduction desmésusages de buprénorphine, projetrégional de développement des forma-tions d’acteurs-relais en alcoologie, pro-gramme de repérage précoce et inter-ventions brèves par les médecinsgénéralistes. La Drass est généralementlégitimée pour assurer le pilotage de cesinstances, ce qui a pour premier effet dela placer comme garant du processusd’évaluation, de sa logistique et de sonsuivi (calendriers, convocations, ani-mation de l’instance, relevés de déci-sion, formalisation des procédures,etc.). Tous les projets ne bénéficient paset ne justifient pas d’une instance régio-nale d’animation. Parfois ce rôle est

dévolu à l’opérateur, parfois à un inter-venant extérieur et pour beaucoup deprojets l’évaluation se limite à uneenquête de satisfaction ou un simplebilan. L’appel à projets 2007 a recueillicinq cents projets et les modalitésd’évaluation envisagées pour ces pro-jets sont très diversifiées. Le GRSP envi-sage d’impulser de nouvelles actionsd’appui méthodologique à l’évaluationpour favoriser le développement d’uneculture partagée de l’évaluation.

Les médecins généralistess’engagent dans le repérage et la prévention

Un exemple : le programme régionalaquitain de formation au repérage pré-coce et interventions brèves des méde-cins généralistes en alcoologie (RPIB).

En Aquitaine, la construction de lastratégie de formation des médecinsgénéralistes au RPIB s’inscrit dans unedynamique régionale inscrite désormaisdans le PRSP (2005-2008). L’objectifgénéral est de réduire les dommagesdus à une consommation à risque et/oudangereuse et ainsi de diminuer la mor-bidité et la mortalité liées à l’alcool.

Une enquête réalisée auprès desmédecins généralistes en Aquitainemontre que 15 % à 20 % environ de leurclientèle de plus de 15 ans sont en dif-ficulté avec l’alcool. Près de sept méde-cins sur dix s’estiment peu ou pas effi-caces en matière d’alcool (Baromètresanté 2000) alors que les travaux scien-tifiques ont validé l’impact positif àmoyen terme d’une intervention de leurpart sur les consommations à risquedans une clientèle de médecine géné-rale. À la suite de ce constat, un groupede travail régional piloté par la Drasss’est formé, dès 2002, pour bâtir unestratégie régionale de mobilisation desmédecins généralistes. À la fois pluri-professionnel et pluri-institutionnel, cegroupe a réuni l’Union régionale desmédecins libéraux, l’Urcam, l’Unafor-mec, les réseaux d’addictologie :Agir 33 Gironde, Résapsad pour le Paysbasque, réseau alcool Médoc, Anpaa,Craes, université de Bordeaux-2. Sesobjectifs : organiser des formations auRPIB pour les médecins généralistes,rédiger un kit de formation destiné auxmédecins, publier un support quatre-pages pour les médecins sur l’efficacitéde la démarche et la présentation desoutils de repérage, définir les outils dont

ils ont besoin pour eux, pour lespatients, pour leur salle d’attente, orga-niser des relais de prise en charge pourles patients qui posent problème et faci-liter la connaissance des structures d’al-coologie, élaborer une campagne demédiatisation à destination de la popu-lation, évaluer les stratégies mises enœuvre.

Dans le cadre de ce projet ambitieuxsur un champ d’action prioritaire de lasanté publique, les objectifs étaientnombreux et importants. La mise enœuvre d’une instance de pilotage del’évaluation dès la conception du projeta permis de clarifier les objectifs dontles principaux retenus ont été : amélio-rer la stratégie et éventuellement lesoutils utilisés pour le RPIB en fonctiondes avis des médecins généralistesimpliqués, démontrer aux médecinsgénéralistes qu’ils peuvent être effica-ces dans la prise en charge des patientsconsommateurs à risque d’alcool et quecette efficacité est possible en y consa-crant peu de temps et grâce à un outilde repérage simple et une interventionbrève, évaluer les changements d’opi-nion sur la prise en charge des consom-mateurs à risque d’alcool, avant et aprèsla campagne d’action, modifier la pra-tique des médecins généralistes enintroduisant l’outil de repérage et d’in-tervention brève dans les actions sys-tématiques qu’ils entreprennent habi-tuellement. Le comité de pilotage a faitle choix de développer cette démarched’abord sur deux territoires (voir enca-dré ci-contre).

Quelle évaluation ?L’évaluation a porté sur la mesure de

six indicateurs de résultat :1 : proportion de médecins généralistesappliquant le RPIB de façon régulière ;2 : proportion de patients de plus de 15ans ayant fait l’objet d’un repérage de laconsommation à risque d’alcool, parmiles patients rencontrés durant l’annéedu projet ;3 : proportion de patients de plus de 15ans repérés comme consommateurs àrisque d’alcool ayant bénéficié d’uneintervention brève durant l’année duprojet ;4 : proportion de patients consomma-teurs à risque d’alcool étant redescendusen dessous des seuils limites fixés parl’Organisation mondiale de la santé ;5 : nombre de patients repérés par lescent médecins généralistes volontaires ;

Gironde et Pays basque,territoires pilotes

Le repérage et l’intervention des médecinsgénéralistes ont été mis en œuvre enGironde (Médoc et une partie de la commu-nauté urbaine de Bordeaux) et au Paysbasque et selon deux stratégies de forma-tion différentes. En Gironde, le projet a étépiloté par le réseau Agir 33 auprès de centmédecins généralistes engagés par contratrémunéré à suivre une formation présen-tielle, à répondre à deux enquêtes d’opinion,à participer à des soirées « échanges et par-tage » en cours de projet, et à travailler surl’amélioration de la stratégie en fin de projet.Le suivi a été largement développé avec for-malisation d’indicateurs de suivi.

49LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

6 : nombre de patients ayant bénéficiéd’une intervention brève auprès descent médecins volontaires.

Les conditions de mesure de ces indi-cateurs ont été largement développéesdans le projet et dans le respect de l’ano-nymat du patient et du médecin. Cesindicateurs ont fait l’objet d’une mesuretrimestrielle chez les cent médecins,permettant une évaluation en quatreétapes du projet.

Cette étude a bénéficié d’un finan-cement (Fonds d’aide à la qualité dessoins de ville) et une convention a étésignée entre le Réseau Agir 33 et l’éva-luateur externe retenu Cemka-Eval,bureau spécialisé en évaluation épidé-miologie et économie de la santé.

Au Pays basque, la mise en œuvredu RPIB a combiné deux types de for-mations : formations en soirées et « visi-tes confraternelles » par un médecingénéraliste pour ses confrères partici-pant peu ou jamais aux opérations deformation continue. Les moyens allouésà ce projet n’ont pas permis de compa-rer les deux types de stratégies mais ila été possible de réaliser à distance uneenquête d’opinion auprès des médecinsgénéralistes formés.

Mobiliser les médecinsgénéralistes

Pour l’ensemble de l’Aquitaine, lamobilisation des professionnels a dé-buté, fin 2002, par l’envoi par la Drassd’un document de sensibilisation auxtrois mille sept cents médecins généra-listes d’Aquitaine ainsi que des ques-tionnaires : Face et Audit.

La sensibilisation des leaders d’opi-nion (associations de formation conti-nue, syndicats, réseaux) s’est faite parcourrier et réunions d’information.Médias, radio, télévision, journauxlocaux et régionaux ont été sollicitéspour informer le public sur la démar-che. Les assurés sociaux ont été aussiinformés par l’intermédiaire des rem-boursements d’Assurance Maladie. Uneformation de formateurs a été mise enplace en s’appuyant sur le moduleBMCM développé par le Dr Michaud.

Les formations des médecins ontdébuté, en 2003, selon deux modalités :formations en soirées par un binômemédecin généraliste et alcoologue, avec

diaporama, jeux de rôle et formationspar entretiens confraternels. Les repé-rages par les médecins ont débuté enjuin 2003 et l’évaluation finale a étécommuniquée en 2005.

Résultats prometteursLes attentes en matière d’évaluation

étaient diversifiées au sein du comité depilotage :– les spécialistes en addictologie avaientplus un souci de validation d’une stra-tégie d’intervention (RPIB) sur un terri-toire donné à la suite des travaux del’Organisation mondiale de la santé (3) ;– les médecins généralistes avaient desattentes quant à la possibilité d’inclurecette technique dans leur pratique ;– les institutionnels, la Drass et l’Urcamvoulaient vérifier l’efficacité du proces-sus en vue de sa généralisation.

Les résultats prometteurs au niveaude la cohorte de médecins girondinsont conforté la décision d’extension dela démarche à l’ensemble du territoireaquitain.

Dans le Médoc, un an après les for-mations, 93 médecins ont rempli 14 919fiches de repérage, soit en moyenne160 patients repérés par médecin (min.1, max. 535).

Parmi les 13 712 patients repérés,3 040 patients ont un mésusage :– 14,6 % en usage à risque ;– 3,8 % en usage nocif ;– 3,8 % de dépendance.Dans 41 % des cas, le mésusage n’avait pas été repéré par le médecinauparavant. Pour les patients diagnos-tiqués ayant bénéficié d’au moins deuxrepérages (n=920), 22 % usagers « àrisque » et 23 % usagers « nocifs » lors du1er repérage sont passés à une consom-mation normale au dernier repérage ;– 73 % des médecins généralistes s’es-timent plus à l’aise pour parler d’alcoolà leurs patients.

Des journées d’échanges ont étéorganisées par la Drass entre les pro-moteurs entrés dans la démarche et lespromoteurs potentiels des autres dépar-tements ; ces journées ont porté sur lesrésultats de l’évaluation, elles ont per-mis d’envisager l’élargissement du pro-gramme à d’autres professionnels,médecins du travail, urgentistes, infir-miers, personnels de la périnatalité etsurtout l’extension de la démarche auxcinq départements d’Aquitaine.

Cinq régions pilotes en FranceCes résultats ont aussi fait l’objet

d’une restitution aux médecins généra-

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listes et à la demande de la Directiongénérale de la santé, ils ont été exploi-tés par l’Observatoire français des dro-gues et des toxicomanis (OFDT) (4)dans un rapport de synthèse concernantcinq régions impliquées dans le RPIB.Une diffusion nationale a été décidée.

Dans cette démarche, trois tempsforts apparaissent :– le premier porte sur la construction duprojet d’évaluation, c’est un temps deréflexion collective sur les enjeux et lesobjectifs de l’évaluation. Il permet àl’ensemble des acteurs de débattre, departager une culture commune, de s’ap-proprier le projet d’évaluation, de luidonner du sens et une finalité ;– le deuxième porte sur la réalisation dela procédure d’évaluation ;– le troisième porte sur la communica-tion des résultats : rencontres « échan-ges et partage » avec les médecinsgénéralistes, publications, séminairesrégional et interrégional ont facilité

l’appropriation du programme et sonextension.

Une aide à la décisionAu-delà de la restitution des résul-

tats obtenus, l’évaluation est une aide àla décision, une démarche génératricede transformation au sein des pro-grammes (5). Elle renvoie à l’analyse dela pertinence des projets proposés. Aucarrefour de trois logiques (6), elle està la fois une activité scientifique, unepratique professionnelle spécifique, unensemble de mécanismes institution-nels. Elle convoque une pluralité d’ac-teurs et de points de vue, elle se diffé-rencie en cela de l’expertise et ducontrôle, son degré d’appropriation parl’ensemble des partenaires peut en faireun vecteur d’évolution.

Martine Valadié-Jeannel

Médecin inspecteur de santé publique,

Chef de projet Lutte contre les addictions,

Drass Aquitaine, Bordeaux.

◗ Référencesbibliographiques

(1) Valadié-Jeannel M. De nouvelles actions versles publics fragiles : accès à la prévention et auxsoins pour les publics fragiles et territorialisa-tion des actions de santé. In : Villes-Régions-Uni-versités. MSHA (France), PUL (Québec), 2005.(2) Demeulemeester R. Évaluation et bilan. In :Politiques et programmes régionaux de santé.ADSP-documentation Française, 2004.(3) Heather N. WHO phase IV collaborative pro-ject on implementing country-wilde early identi-fication and brief intervention strategies in pri-mary health care, 1998.(4) Diaz Gomez C., Milhet M. RPIB Stratégies depromotion du repérage précoce et de l’inter-vention brève en matière d’alcool auprès desmédecins généralistes. Paris : OFDT, 2005 :220 p. http://www.drogues.gouv.fr voir dans(études et rapports).(5) Jabot F. L’évaluation des programmes régio-naux. In : Politiques et programmes régionauxde santé. ADSP-documentation Française,2004.(6) Perret B. L’évaluation des politiquespubliques. Paris : Éditions La découverte,coll. Repères, 2001 : 128 p.

Dans le département du Rhône, le conseil général a créé des « Maisons du Rhône »,guichet unique de santé qui accueille les services de Protection maternelle et infantile.Ces services ont intégré la promotion de l’équilibre nutritionnel dans leurs activités debase. Les services procurés par les PMI sont réajustés en fonction de l’évaluation dutravail effectué.

Rhône : la protection maternelle et infantile évalue son efficacité

À partir de 2004, les départementsse sont vu attribuer des compétencesnouvelles par les lois de décentralisa-tion1, en particulier sur l’action médico-sociale, la promotion de la santé et plusparticulièrement celle de la mère et del’enfant. Dans le département duRhône, la territorialisation a permis lamise en place dans chaque canton d’unguichet unique (Maison du Rhône)pour toutes les compétences départe-mentales, afin d’assurer à chaquecitoyen la proximité de ses services.Véritable maillage territorial, cette ter-

ritorialisation permet une réponseadaptée aux besoins locaux. Dans l’en-semble des Maisons du Rhône (MdR),des équipes de Protection maternelleet infantile (PMI), composées de méde-cins, sages-femmes, puéricultrices,psychologues, proposent des actionsde promotion de la santé auprès desmères, des futurs parents, des enfants(de 0 à 6 ans) et de leur famille, et desjeunes. Une équipe centrale (servicesanté publique et PMI) assure le lienentre la direction générale des services,l’ensemble des MdR, les autres services

du département et les autres institu-tions concourant à la santé, en com-plémentarité notamment avec les mis-sions de l’Aide sociale à l’enfance.

L’équilibre nutritionnel est une pro-blématique départementale en phaseavec le niveau national. Grâce à leurobservation de terrain, les équipes dePMI ont fait remonter des constats com-parables à ceux faits au plan national,et le service a souhaité intégrer la pro-motion de l’équilibre nutritionnel dansles activités de base de PMI. Le dépar-

51LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 390 - JUILLET-AOÛT 2007

tement du Rhône s’est donc doté d’unplan départemental de promotion del’équilibre nutritionnel voté par l’As-semblée départementale en 20052, ens’appuyant sur le Programme nationalnutrition santé (PNNS) tout en prenanten compte les réalités locales. Ce plancomprend des objectifs, des stratégieset des évaluations, construits dans lesouci d’une démarche participative desfamilles, des enfants et des jeunes.

Plan départemental pour les PMILe plan départemental prévoit la réali-

sation du dépistage systématique du sur-poids ou de l’obésité des enfants vus lorsdes bilans de santé à l’école maternelleà 3-4 ans (94 % d’enfants vus dans leRhône) et des jeunes (15-25 ans) vus lorsdes consultations dans les centres de planification et d’éducation familiale(CPEF). Cet état des lieux est un préala-ble indispensable à la mise en place d’ac-tions locales de promotion de la santé.Pour que ces actions se développent,des formations à la conduite de projetsont proposées par le service aux équi-pes PMI : repérage de la problématiquelocale, formulation des objectifs, mise enplace du plan d’action, construction del’évaluation. Une évaluation à ce niveaulocal permet de réadapter très rapide-ment les objectifs et stratégies locales.Cette réactivité est un véritable atoutpour des actions au plus près desbesoins et des demandes des usagers.

Actions à dimension départemen-tale, des études plus approfondies sontréalisées par le service santé du conseilgénéral sur l’obésité et la santé. Desexemples :– recherche de facteurs associés au sur-poids (troubles du langage, caries den-taires, troubles du comportement,niveau de ressources, rythmes de vie,etc.) auprès de trois cent cinquanteenfants du Rhône ;– pour les jeunes fréquentant les CPEFdu Rhône : une étude prospective surun mois portant sur les comportementsalimentaires. Et un recueil systématiquesur un an des bilans glucido-lipidiquescouplés à l’IMC chez les jeunes filles demoins de 25 ans venant pour une pre-mière prescription de contraception.

À partir de ces études, des actionscommunes à toutes les équipes pour-ront se mettre en place. Leur évaluationpermettra le réajustement des objectifsdu service.

Accompagner projets et évaluation

Pour accompagner cette action, plu-sieurs outils et dispositifs ont été misen place : des journées de formationdes professionnels, l’utilisation desoutils d’éducation à la santé réalisés parl’INPES, la création de supports d’in-formation spécifiques qui seront éva-lués auprès des usagers : plaquette d’in-formation « Bien manger et bouger pourêtre en forme : petits conseils pourtous », jeu interactif multimédia « Tes-tez votre équilibre alimentaire »3.

L’existence de liens avec les parte-naires locaux et départementaux estune véritable richesse. La mise enœuvre opérationnelle du plan dépar-temental nutritionnel se fait naturelle-ment en lien avec le réseau des par-tenaires locaux et départementaux,comme, par exemple :– le réseau de prise en charge et de pré-vention de l’obésité en pédiatrie (RepopGL), avec une convention cadre ;– les médecins libéraux pour les enfants

dépistés en prise de poids excessive ouen surpoids, avec un suivi et un accom-pagnement conjoint des enfants et desfamilles ;– l’Ades 69 en tant que structure dépar-tementale d’éducation à la santé.

Plusieurs niveaux d’évaluation co-existent : locale dans le cadre d’unedémarche participative, une évaluationen lien avec un projet de service, uneautre conjointe avec les partenaires etenfin une évaluation départementaleglobale. Sur la base de ces évaluations,l’assemblée départementale pourra déci-der de nouvelles orientations ou actions.

Pour les équipes du service

Santé publique et PMI,

Dr Muriel Pêtre

Directrice,

conseil général du Rhône.

1. Loi n° 2004-503 DC du 12 août 2004 relative auxlibertés et responsabilités locales.2. www.rhone.fr3. www.erasme.org/libre

Halte à l’évaluation-sanction, à l’évaluation-routine dont on ne tire pas profit pour amé-liorer la santé des populations, souligne le Dr François Baudier. Le directeur de l’UrcamFranche-Comté en appelle à une « révolution culturelle », une démarche partagée où toutle monde – financeurs et acteurs – y trouve son intérêt. Depuis dix ans, la région Franche-Comté essaie de travailler dans ce sens lorsqu’elle évalue des actions d’éducation pourla santé.

D’un côté, les institutions exigentsystématiquement une évaluation pourtoute action financée. De l’autre, lesporteurs de projets vont, le plus sou-vent, satisfaire à cette demande sansgrande conviction. Pour rompre ce jeu« stérile », acceptons de dialoguer, enétablissant ensemble des règles transpa-rentes, applicables à tous !

L’évaluation ? Mais pour quoifaire ?

Il y a un peu moins de trente ans, ladémarche évaluative était totalementabsente des préoccupations des acteursde santé publique en général et de l’é-ducation pour la santé en particulier.Développer des actions de préventionétait avant tout un acte généreux ; yintroduire un processus de mesurerelevait d’une démarche perçuecomme suspicieuse. Pourtant, progres-sivement, l’accent a été mis sur lanotion d’efficience des dispositifs d’in-tervention.

Depuis maintenant une quinzained’années, cette notion est mise en avantpar tous sans être véritablement inté-grée dans la pratique de chacun. Tropsouvent, l’évaluation reste totalementconceptuelle. La multiplication desouvrages, des guides, des enseigne-ments initiaux ou continus semble mal-heureusement avoir renforcé une cer-taine externalisation du processusd’évaluation : il y a, d’un côté, le pro-gramme, l’action dans laquelle on s’en-gage avec toutes ses forces, ses moyens,sa compétence, et, de l’autre, l’évalua-tion, qui reste extérieure, à part, commesi elle était étrangère.

De la méthode, mais passeulement !

Cette situation qui fige l’évaluationdans un jeu de rôle peu satisfaisant entrefinanceurs et porteurs de projets doitévoluer si nous souhaitons avoir, les unset les autres, un minimum de crédibilité.Ce changement est d’autant plus urgentque nous avons perdu beaucoup detemps (sans doute plusieurs décennies).Combien d’expériences exemplaires ontété totalement oubliées car jamaismodélisées et reproduites ? Que d’éner-gie et d’argent ainsi perdus !

Pourtant des solutions existent. Ellesnécessitent simplement un peu demodestie, d’attention et de respect del’autre. Contrairement à ce que l’on peutimaginer, ce n’est pas uniquement par lasophistication des techniques évaluati-ves que l’on réussira à provoquer unedynamique fertile dans ce domaine. Sil’acquisition de connaissances sur laméthodologie de programme, la fixa-tion d’objectifs précis et mesurables, ladéfinition de protocoles de mesuressont de vraies nécessités, elles sont trèsloin d’assurer la qualité, la pertinenceet surtout l’utilité de l’évaluation.

Brisons la glace !Il faut donc tous nous mettre autour

d’une table. Financeurs et porteurs deprojets, notre objectif est le même :améliorer la santé de la population. Entant que promoteur porteur de projet,l’évaluation n’a pas vocation à rester unexercice imposé, un mot magique libé-rant les budgets. Pour les financeurs,l’évaluation ne doit pas être unique-ment un rapport que l’on parcourt par-

fois distraitement, classé ensuite (sanssuite) dans un dossier d’où il ne sortiraqu’exceptionnellement, par exemplelors d’un contrôle du type de ceux réali-sés par la Cour des comptes, l’Inspec-tion générale des affaires sociales ou lesdiverses missions d’audit.

L’évaluation doit se construire dansune véritable démarche partagée oùtout le monde trouve son intérêt. Lepromoteur/porteur de projet car, dans leprocessus engagé, l’évaluation lui per-met de conduire son programme avecintelligence ; il sera alors en capacité de mieux ajuster ses actions, d’être à l’écoute des populations concernées, demesurer les acquis… Les financeurs carle processus évaluatif permettra de fixerdes temps de rencontres et d’échanges,de suggérer des évolutions, d’encoura-ger certaines initiatives… En clair, c’estune véritable révolution culturelle quiest demandée afin de rompre des moda-lités relationnelles qui font avant tout del’évaluation un support visant le juge-ment ou la sanction.

Explorer des nouvelles voies :c’est possible !

En Franche-Comté, nous avons tentéde nous engager, depuis quelquesannées, dans de nouvelles perspectives.Ce fut d’abord le cas pour les appels àprojets État/Assurance Maladie concer-nant la prévention. Plutôt que d’impo-ser un énième guide sur l’évaluation desactions de santé, un groupe de travailcommun associant financeurs et pro-moteurs a été constitué dans le butd’élaborer – avec l’aide d’un spécialistede l’évaluation – une grille commune

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Financeurs et porteurs de projets :arrêtons nos jeux de rôle inutiles !

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de recueil et d’analyse. Ce processus de réalisation, d’une méthodologie etd’un outil, a permis de promouvoir uneculture commune et d’identifier les obli-gations et limites de chacune des par-ties en présence.

La même approche a été engagéepour les réseaux de santé. En effet, plu-sieurs documents nationaux de recom-mandations existaient mais peu étaientutilisés. Un travail approfondi a donc étémené sur plusieurs mois par le secréta-riat technique des réseaux (AssuranceMaladie et État) et la fédération desréseaux de Franche-Comté. Il a permisde proposer une méthode et un outilélaborés avec la participation de tous,au cours de deux journées entières, enprésence et avec la contribution activede l’ensemble des représentants desréseaux, des institutions et des expertsen évaluation. Le Dossier minimal com-mun d’évaluation (DMCE) est doncaujourd’hui une réalité. C’est un outilconsensuel, pragmatique et cohérentavec ceux élaborés nationalement. Ilreprend les quatre grands domaines

d’évaluation des réseaux : intégrationdes usagers et des professionnels dansle réseau, fonctionnement de celui-ci,qualité de la prise en charge et évalua-tion économique. La grande majoritédes réseaux de la région l’utilise trèsrégulièrement, notamment pour leurautoévaluation intermédiaire. Pourl’évaluation finale, le DMCE est obliga-toirement complété par un seconddocument très court, mais véritableoutil de synthèse, d’analyse et de pro-positions pour l’avenir du réseau1.

Prenons des engagementsréciproques !

L’acceptation et l’appropriation partous du processus d’évaluation ne pour-ront réussir qu’à trois conditions :– il faut sortir l’évaluation des enjeux depouvoir, de domination ou de sanction.Au contraire, elle doit devenir un outilpartagé, où chaque partie sait ce quel’autre attend. Elle est d’abord au servicede la qualité des interventions et doncde la santé des populations ;– ensuite, l’évaluation doit être un pro-cessus parfaitement intégré à la démar-

che de programmation pour qu’elle soit,à toutes les étapes de sa réalisation, enmesure de fournir des indications uti-les en vue d’ajuster et d’améliorer l’ac-tion ou le programme entrepris ;– enfin, lorsque les évaluations démon-trent la pertinence et l’efficacité d’uneaction, les institutions devront être plussouvent qu’aujourd’hui en capacité deprendre en compte, et éventuellementde développer sur tout un territoire, ces programmes qui marchent (et ils sontnombreux !). Ils ne doivent plus resteréternellement expérimentaux mais en-trer dans un processus de reconnais-sance afin de permettre un éventuel pas-sage dans le droit commun en matièred’offre de santé publique, de préventionou d’éducation pour la santé.

Dr François Baudier

Directeur de l’Union régionale des caisses

d’Assurance Maladie Franche-Comté,

Besançon.

1. Voir sur le site de l’Urcam de Franche-Comté ladémarche et les documents :http://www.urcam.org/Reseaux-de-sante.8566.0.html

Cette rubrique s’articule autour de trois parties : les fondements et les principes de l’évaluation, qui comprennent desdocuments généraux et théoriques sur l’évaluation, ses concepts et ses modèles ; les démarches et les méthodes de l’éva-luation, en particulier dans le domaine de la promotion et de l’éducation pour la santé. Enfin, la troisième partie estconsacrée aux modèles, grilles et outils d’évaluation.Nous proposons, en outre, quelques liens vers des sites Internet français et francophones dédiés au développement, à l’accompagnement et à la promotion de l’évaluation. Les adresses des sites ont été consultées et vérifiées le 11 juin 2007.

Évaluation : fondements et principes• Barberger-Gateau P. (coor.), Salmi L. R. (coor.)Dossier « L’évaluation en santé ». Revue d’épi-démiologie et de santé publique 2000 ; 48(6) :513-71.• Bonniol J.-J., Vial M. Les modèles de l’éva-luation. Textes fondateurs avec commentaires.Bruxelles : De Boeck Université, coll. Porte-feuille, 1997 : 368 p.• Demarteau M. Analyse des pratiques d’éva-luation de programmes d’éducation pour lasanté : les demandes de financement à la Com-munauté française de Belgique en 1992 et1993 [thèse]. Liège : École de santé publiquede l’université de Liège, 1998 : 195+209 p.• Institut Théophraste-Renaudot. Évaluer, évo-luer : les actes des 2es rencontres « Croisementdes pratiques communautaires en santé » del’Institut Renaudot. Évry, 27-28 septembre2002. Paris : Institut Théophraste-Renaudot,• Legros M., Poquet G. Évaluer ou l’esprit desméthodes. Paris : Crédoc, coll. Cahier derecherche n° 96, 1996 : 91 p.• Lièvre P. Évaluer une action sociale. Rennes :ENSP, 2002 :128 p.• Santé Canada. Efficacité des mesures de pro-motion de la santé. Bulletin de recherche sur lespolitiques de santé 2002 ; 1(3) : 39 p.En ligne : http://www.hc-sc.gc.ca/sr-sr/pubs/hpr-rpms/bull/2002-3-promotion/ index_f.html • Sitbon A. L’évaluation de la communicationpublique : l’exemple de la prévention du sida.

Paris : Crédoc, coll. Cahier de recherchen° 172, 2002 : 113 p.• Vial M. Se former pour évaluer. Se donner uneproblématique et élaborer des concepts.Bruxelles : De Boeck Université, coll. Pédago-gies en développement, 2001 : 280 p.• World Health Organization. Evaluation in healthpromotion. Principles and perspectives. Copen-hague: WHO Regional Publications, coll. Euro-pean series, 2001: 533 p.

Comment évaluer : démarches et méthodes• Arwidson P., Bury J., Choquet M., et al. Éva-luation des programmes d’éducation pour lasanté. In : Éducation pour la santé des jeunes.Démarches et méthodes. Paris : Inserm, coll.Expertise collective, 2001 : 99-133.• Arwidson P., Ramon A. L’évaluation des pro-grammes nationaux de communication. Pro-positions méthodologiques. Vanves : CFES,coll. Dossiers techniques, 1999 : 29 p.• Bantuelle M., Morel J., Dargent D. L’évalua-tion, un outil au service du processus. Bruxel-les : Santé, communauté, participation ASBL,coll. Santé communautaire et promotion de lasanté, 2001 : 54 p.En ligne : http://www.sacopar.be/site/publica-tions/pdf/santecom5.pdf• Berrewaerts J., Libion F., Deccache A. Quelscritères et indicateurs d’évaluation sont à privi-légier en éducation pour la santé en milieu desoins ? Louvain : UCL, coll. Série de dossierstechniques n° 23, 2003 : 46 p.En ligne : http://www.reso.ucl.ac.be/dos-siers/dos23.pdf• Bontemps R., Cherbonnier A., Mouchet P.,Trefois P. Évaluation d’une campagne publici-taire. In : Communication et promotion de lasanté : aspects théoriques, méthodologiqueset pratiques. Bruxelles : Question santé ASBL,2e édition, 2004 : 179-206.• Chabaud F., Blum-Boisgard C., Gaillot-Mangin J. Évaluation d’une action de santépublique : recommandations. Paris : Andem,1995 : 39 p.

En ligne : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/santpubl.pdf• Cherbonnier A. Agir en promotion de la santé :un peu de méthode… Bruxelles Santé 2005 ;numéro spécial : 55 p.En ligne : http://www.questionsante.org/03publications/charger/agirpromosante.pdf• Christiansen G. Évaluation : un instrumentd’assurance qualité dans la promotion de lasanté. Cologne : BZGA, coll. Research and prac-tice of health promotion, 2000 : 82 p.En ligne [version disponible en anglais] :http://www.bzga.de/bzga_stat/pdf/60806070.pdf• Comité français d’éducation pour la santé.Évaluer l’éducation pour la santé : concepts etméthodes. Saint-Denis : INPES, coll. Séminai-res, 2002 : 188 p.• Couralet D., Olivo C. Éducation pour la santé.Actions : découvrez la méthode ! Montpellier :Cres Languedoc-Roussillon, 2005 : 97 p.En ligne : http://perso.orange.fr/cres.lr/pdf/SREPS.pdf• D’Amours G., Deschesnes M., Jomphe Hill A.,Olivier C. Guide d’évaluation des interventions –Projet « Écoles-Milieux en santé de l’Outaouais. »Hull : Direction de la santé publique de l’Outaouais,RRSSSO, 2000 : 60 p.En ligne : http://www.santepublique-outaouais.qc.ca/app/DocRepository/12/GuideEvalua-tion.pdf• Deccache A. Pour mieux choisir son évalua-tion : définitions et rôles des évaluations en édu-cation pour la santé. Liège : APES-ULg, coll.Méthodes au service de l’éducation pour lasanté, 1989 : 9 p.En ligne : http://www.apes.be/documentstele-chargeables/pdf/n5.pdf• Fontaine D., Beyragued L., Miachon C. Leréférentiel commun en évaluation des actionset programmes santé et social. Lyon : ERSP,2004 : 101 p.En ligne : http://www.ersp.org/esp_ress/eval/index.html• Gaudreau L., Lacelle N. Manuel d’évaluationparticipative et négociée. Montréal : Université

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Pour en savoir plus

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du Québec, 1999, 29 p. + 42 p.+ 14 p.En ligne (3 cahiers) :http://www.er.uqam.ca/nobel/arpeoc/site%20arpeoc/Comprendre_evaluation/com-prendre_evaluation.htm• Noce T., Paradowski P Élaborer un projet.Guide stratégique. Lyon : Chronique sociale,2e édition, 2005 : 427 p.• Nock F. Petit guide de l’évaluation en promo-tion de la santé. Paris : Mutualité française,2006 : 119 p.• Office fédéral de la santé publique. Guide pourla planification de l’évaluation de projets ou pro-grammes de santé. Berne : OFSP, 1997 : 78 p.En ligne : http://www.bag.admin.ch/evalua-tion/02357/02362/index.html ?lang=fr• Roussille B., Arwidson P. L’éducation pour lasanté est-elle efficace ? Vanves : CFES, coll.Dossiers techniques, 1998 : 45 p.• Sizaret A., Fournier C. Dossier documentaire« Évaluation, mode d’emploi ». Saint-Denis :INPES, 2005 : 96 p.En ligne : http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/885.pdf• The Health Communication Unit. Évaluationdes programmes de promotion de la santé.Toronto : Centre for Health Promotion, univer-sité de Toronto, 2002 : 97 p.En ligne : http://www.thcu.ca/infoandresour-ces/publications/EVAL_French_Master_Wkbk_v2_content_feb.02_format_aug.03.pdf

Modèles, grilles et outilsd’évaluation• Cloetta B., Spörri-Fahrni A., Spencer B., Acker-mann G., Broesskamp-Stone U., Ruckstuhl B.Guide pour la catégorisation des résultats : Outilde catégorisation des résultats de projets depromotion de la santé et de prévention. Berne :Promotion Santé Suisse 2005 : 27 p.En ligne : http://www.promotionsante.ch/com-mon/files/knowhow/tools/N107713_Ergeb-nismodell_fr.pdf• Comité régional d’éducation pour la santé Lan-guedoc-Roussillon. Comment rédiger des cri-tères et indicateurs d’évaluation ? et mesurerles effets de nos actions de prévention ou

d’éducation pour la santé... Montpellier : CresLanguedoc-Roussillon, 2004 : 12 p.En ligne : http://perso.wanadoo.fr/cres.lr/pdf/CRITERES.pdf• Comité régional d’éducation pour la santéNord – Pas-de-Calais. Abrégé du guide pratiquede l’évaluation des actions PRS à l’usage desacteurs. Lille : Cres Nord – Pas-de-Calais,2004 : 28 p.En ligne : http://www.santenpdc.org/portail-site/_upload/CRES/1-Fichiers_Site_Public/Fichiers_Mediatheque/Abrege_Guide_Eval.pdf• Fontaine D., Beyragued L., Miachon C. L’éva-luation en neuf étapes : fiches pratiques pourl’évaluation des actions et programmes santéet social. Lyon : ERSP, 2004 : 24 p.En ligne : http://www.ersp.org/esp_ress/eval/index.html• Molleman G.R.M., Peters L.W.H., HommelsL. M., Ploeg M. A. Outil de pilotage et d’ana-lyse de l’efficacité attendue des interventionsen promotion de la santé Preffi 2.0. Woerden :NIGZ, 2003.En ligne : http://www.inpes.sante.fr/index.asp?page=preffi/preffi2.htm• Mansour Z., Prodhon H., Coruble G., et al.Méthodologie et évaluation d’actions ou de pro-grammes de santé publique. Marseille : CresPaca, 2005, cd., win., Mac.En ligne : http://www.cres-paca.org/methodo/methodo.swf• Widmer T., Landert C., Bachmann N. Standardsd’évaluation de la Société suisse d’évaluation(standards Seval). Berne : Seval, 2000 : 20 p.En ligne : http://www.seval.ch/fr/documents/SEVAL_Standards_2001_fr.pdf

Sites Internet

• Office fédéral de la santé publique(OFSP)L’OFSP suisse pratique l’évaluation depuis1987. Le Centre de compétences en évaluation(CCE) est rattaché à la section Politique derecherche, évaluation et rapports de l’OFSP. Ilaccompagne les activités d’évaluation au seinde l’office et joue à cet égard le rôle de char-nière entre praticiens et monde scientifiquepour la définition des objectifs et le point focalde l’étude.Le site propose de nombreux rapports et étu-des sur l’évaluation dans divers domaines,disponibles en ligne, ainsi que des outils : gui-des, glossaires et une base de données éva-luateurs.http://www.bag.admin.ch/evaluation/index.html ?lang=fr

• Quint-essenzCe site est celui de l’organisation gouvernemen-tale Promotion Santé Suisse. Il s’adresse à tou-tes les personnes impliquées dans la planification

et la réalisation de projets en promotion de lasanté et en prévention. Il contient des informationssur la gestion de projet, la gestion de la qualitéet la promotion de la santé. En outre, il proposedes outils concrets de planification et de miseen œuvre de projets. Le site offre de nombreuxoutils et documents pouvant être utilisés pourgérer des projets, expérimenter et développerdes méthodes et pratiques, avec à toute étapeune évaluation et des critères de qualité.Un glossaire offre, par ordre alphabétique, lesdéfinitions des principaux termes utilisés dans lestextes des rubriques méthodologiques.http://www.quint-essenz.ch/

• Société française de l’évaluation (SFE)La Société française de l’évaluation (SFE) a étéfondée en juin 1999. Elle a pour vocation géné-rale de contribuer au développement de l’éva-luation et de promouvoir son utilisation dans lesorganisations publiques et privées, ainsi quedans les collectivités en charge de l’élaborationet de la mise en œuvre des politiques publiques.Elle s’efforce notamment de faire progresserles techniques et les méthodes et de favoriserle respect de règles éthiques et procédurales.La charte de l’évaluation des politiques publiqueset des programmes publics adoptée par l’as-semblée générale de la SFE, le 28 octobre2003, se trouve sur ce site.La visite de ce site permet de repérer les acti-vités des groupes de travail sectoriels ou trans-versaux, de trouver des informations d’ordreévénementiel et des liens vers des sites simi-laires. Enfin, une base de données sur les for-mations à l’évaluation est disponible.http://www.sfe.asso.fr/

Olivier DelmerÈve Gazzola

Documentalistes à l’INPES.

Retrouvez cette rubrique en ligne surwww.inpes.sante.fr

lectures

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Antimanuel de médecine. IRM du monde médicalJean-Paul Escande

Dans cet antimanuel, conçu comme une tournée de cirque dans un monde mystérieux, envoûtant et périlleux,Jean-Paul Escande, médecin-chef de service à Cochin, brosse un tableau onirique et très bien illustré de l’état de lamédecine et du système de soins, qu’il aurait pu titrer « Ulysse au pays des toubibs ». Un état des lieux sur l’em-ballement du dispositif de santé et les risques d’une marchandisation accrue du système. L’auteur cite souvent Knockou le Triomphe de la médecine, la fameuse pièce de Jules Romains dans laquelle le célèbre docteur invente desmaladies à ses patients pour se créer une clientèle. Cette exploration des pays qui composent l’univers de lasanté (surtout sous l’angle médical) de la France du XXIe siècle a de quoi séduire, avec des mots simples et des méta-phores justes, même si le lecteur pourra être agacé par le côté « Monsieur Loyal » insistant de l’auteur. Car le pay-sage dépeint apparaît soudain évident. Comment n’y avoir pas pensé plus tôt ? Ou aussi précisément ? Se côtoientainsi la chasse aux idées reçues, des démonstrations convaincantes avec la réaffirmation de principes pourtanttrès simples, comme la nécessité de l’étanchéité entre les logiques de profits et celles de bien collectif, à l’heureoù insidieusement, pour être encore plus efficaces, les premières se parent des atours des secondes.Certes, le lecteur de La Santé de l’homme ne le suivra pas trop dans sa description des impasses de la biologieactuelle ou dans sa dernière partie, consacrée à l’hôpital tarifé à l’heure (sauf que ce lecteur est aussi un usager),

mais l’ultime détour tient en haleine comme un roman policier. Ce « médico-tour » de fiction n’est ni une liste de recommandations, ni un pro-gramme politique, c’est un pamphlet, forme d’écriture prisée par l’auteur, qui, malgré certaines maladresses, donne à penser et surtout àvraiment espérer qu’enfin un souffle de renouveau positif pourrait traverser notre système de santé au-delà de la seule course de dupesentre dépenses et performances. L’ensemble de cette excursion est en effet placé sous la bannière de « Oui à la vie ! » qui marque l’em-preinte de la conclusion et qu’aucun éducateur pour la santé ne pourrait renier. À consommer sans modération les soirs de grand doute.

Stéphane TessierRosny-sous-Bois : Éditions Bréal, coll. Antimanuel, novembre 2006, 408 p., 21 €.

Promotion de la santé au Canadaet au Québec, perspectivescritiquesMichel O’Neil, Sophie Dupere, Ann Pederson, IrvingRootman

Plus de quatre-vingts contribu-teurs du Canada et d’ailleursanalysent la place de la promo-tion de la santé au Canada et auQuébec, et son influence inter-nationale. Les six sections del’ouvrage traitent tour à tour desconcepts en promotion de lasanté, des approches nationaleset provinciales (Canada – Qué-bec), et proposent des per-spectives.Dans la partie consacrée à l’in-fluence de la promotion de la

santé canadienne et québécoise à l’international (section4), on trouve des contributions relatives à la promotionde la santé dans vingt-deux pays ou régions : Afghanis-tan, Amérique latine, Australie, Brésil, Chili, Iran, Israël,Japon, Koweït, Nouvelle-Zélande, pays nordiques, paysdu Pacifique Sud, Porto Rico, Roumanie, Royaume-Uni,Sénégal, Suisse, Tunisie, Ukraine, etc.

Élisabeth Piquet

Sainte-Foy (Québec) : Presses de l’Université Laval,2006, 510 p., 49 $.

Pour une approche interculturelle despopulations migrantes vieillissantesoriginaires du Maghreb. Études et pistes pour l’action sanitaire et sociale en foyerHamid Brohmi

Rédigé à la demande de la Cram Bourgogneet Franche-Comté et du Cores Bourgogne, cerapport présente les résultats d’une étude qua-litative non ethnocentrique des représenta-tions, croyances et concepts religieux propresaux migrants vieillissants originaires du Magh-reb, vivant en foyer, en régions Bourgogne etFranche-Comté. Les entretiens semi-directifsmenés auprès de quarante-neuf personnesvivant dans onze foyers des départements deCôte-d’Or, de Saône-et-Loire et du Doubs ontporté sur leurs relations émotionnelles avecle pays d’accueil, la peur du retour, les diffi-

cultés d’accès aux droits et aux soins, la maladie, la mort et leurs repré-sentations, leurs attentes quant à leurs conditions de vie, ou encoresur leurs relations sociales et les rapports entre résidents. À la lumièredes résultats, l’auteur formule quelques recommandations pour l’ac-tion dans les domaines sanitaire et social, illustrées par des expérien-ces locales : adaptation des logements, amélioration du lien social, maisaussi modalités d’intervention en promotion de la santé ou encore for-mation et information des professionnels.

Olivier Delmer

Dijon : Centre académique pour la scolarisation des nouveauxarrivants et des enfants du voyage, 2006, 100 p. Disponible surdemande au centre académique.

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lectures

La sexualité de l'enfantexpliquée aux parentsFrédérique Saint-Pierre, Marie-France Viau

Tout ce que vous avez toujoursvoulu savoir, sans oser ledemander... sur la sexualité desenfants. Après un point sur lesgrandes étapes du développe-ment psychosexuel de l'enfantde 0 à 12 ans, ce petit livre pro-pose deux chapitres qui répon-dent à des questions pratiques.Le premier présente les typesde comportements et jeuxsexualisés, et donne des repè-res pour permettre d'identifierleur fonction dans le dévelop-

pement et le cheminement de l'enfant. Le second abordeles situations particulières : homosexualité, comporte-ments sexuels problématiques, troubles de l'identité degenre, développement de l'enfant handicapé.La dernière partie est consacrée à l'éducation sexuelle.On y trouve quelques repères pour parler sexualité avecles enfants et pour prévenir les agressions sexuelles.Au détour des pages, des encadrés proposent des répon-ses concrètes aux questions courantes des parents etdes enfants.

Élisabeth Piquet

Montréal : Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, coll.Pour les parents, 2006 : 197 p., 14,95 $, 9 €.

Éducation thérapeutique.Prévention et maladies chroniques.Dominique Simon, Pierre-Yves Traynard, François Bourdillon, André Grimaldi

En préface de cet ouvrage, le professeurJoël Ménard décrit l'éducation thérapeu-tique comme l'art de pratiquer « le trans-fert des connaissances d'un donneur d'in-formations à un receveur d'informations ».Rédigé par des cliniciens et non-cliniciens,ce livre fait le tour de cette pratique qui viseà développer les compétences despatients atteints de maladies chroniques(le diabète est souvent donné en illustra-tion), pour les aider à mieux vivre au quo-tidien.Les progrès de la médecine permettent devivre plus longtemps avec une maladie, etle nombre des patients porteurs d'uneaffection chronique augmente. Dans cecontexte, l'éducation du patient apparaît

comme une nouvelle approche dans la prise en charge globale du malade.Elle est ici décrite au travers d’articles courts qui permettent d’avoirune vision concrète de ses applications à différentes étapes de la mala-die (annonce du diagnostic, observance des prescriptions médicales),des modalités de sa mise en oeuvre dans les équipes soignantes, et del’évaluation qui peut en être faite.

Élisabeth Piquet

Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson SAS, 2007 : 269 p., 30 €.

Activités physiques et santéPatrick Laure

« Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » : ce conseil bienveillant fait partie des quatre mes-sages sanitaires que les annonceurs doivent désormais introduire obligatoirement en France dans leurs publicitéset outils d’information (spots TV et radio, affichage, encarts presse, Internet...). Mais quels sont précisément lesliens entre activités physiques et santé ? Quels risques de maladies sont diminués ? S'il est bien établi que la pra-tique régulière d'une activité physique engendre des effets bénéfiques pour la santé au regard d'une populationglobale, il faut admettre que les résultats sont très différents d'un individu à l'autre en fonction d'une multitude decritères. Par ailleurs, il convient aussi de ne pas négliger les dangers potentiels de certaines pratiques. Et puis, unconstat s'impose : en dépit d'un rapport bénéfices/risques globalement positif, et d'une image volontiers favora-ble des personnes physiquement dynamiques, une proportion importante de la population ne pratique aucune acti-vité physique de loisir ou le fait à un niveau inférieur au minimum requis pour engendrer des effets probants.

On le voit, l'intégration de la pratique physique dans les programmes de promotion de la santé pose de nombreu-ses questions. En prenant appui sur la littérature scientifique et médicale internationale, le Dr Patrick Laure pro-pose aux professionnels de la santé et du sport des pistes de réponses dans son livre Activités physiques et santé.

À partir des résultats de plusieurs dizaines d'enquêtes, il fournit de nombreux éléments de réflexion sur l'évaluation de l'activité physique despersonnes mais aussi des recommandations concrètes en fonction de l'âge et de la situation de chacun. Patrick Laure est médecin conseillerauprès de la direction régionale Jeunesse et Sports de Lorraine, et a contribué à la conférence de consensus sur l’activité physique et lasanté (Nancy, 2005).

Philippe Moritz

Paris : Éditions Ellipses, coll. l’essentiel en sciences du sport, 2007, 320 p., 19,50 €.

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