La santé de l'homme - n° 358 - Septembre-Octobre...

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Si la santé nous était contée... Le choix d’Ilona Kickbusch en cinq livres Julia Roberts regards d’ados P11 P5 P42 Mars-Avril 2002 – 6 358 DOSSIER 58 De l’alimentation à la santé

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Si la santénous était contée...

Le choixd’Ilona Kickbuschen cinq livres

Julia Robertsregards d’ados

P11

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Mars-Avril 2002 – 6 €358

DOSS

IER

58 De l’alimentationà la santé

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Médecins : les nouveauxoutils dudialogue

Femmes etcontraceptionen chiffres

P38

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Novembre-décembre 2001 – 6 €

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56 Éducation à la sexualité,de l’intime au social

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SOMMAIRE

3LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

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Dossier : P. 15 à 44 - De l’alimentation à la santé

4 ÉditorialL’éducation pour la santé, un enjeu citoyenAlain Douiller

5 Aide à l’actionSi l’éducation pour la santé nous était contéeAnne Degroux

11 InternationalLa carte n’est pas le territoire : cinq perspectives sur la manière d’interpréter le monde de la santéIlona Kickbusch

45 La santé en chiffresLa douleur vécue par les hommes et les femmesGeorges Menahem, Philippe Guilbert

46 CinésantéErin BrockovichMichel Condé

49 Éducation du patientContribution d’une association de lutte contre le sidaà l’éducation du patient atteint par le VIHMaryse Kerrer

52 Lectures – Outil Anne Gareau, Philippe Roppers

Alimentation :bien-être, plaisir et santéMichel Dépinoy . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Comportements, représentationset pratiquesLes Français, l’alimentation et la santéRésultats d’une étude qualitative auprèsdes 18-50 ans Stéphanie Pin, Jean-Pierre Loisiel, Agathe Couvreur . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Les apports des sciences humaines etsociales à la compréhension descomportements alimentairesJean-Louis Lambertet Jean-Pierre Poulain . . . . . . . . . . . . . 21

Richesse et diversité des actionsL’ogre du Nord–Pas-de-CalaisChristelle Duchêne . . . . . . . . . . . . . . . . 25

« Mon resto en l’an 2002 »Jean-Christophe Azorin, Danièle Alart,Hélène Sancho-Garnier, Bruno Housseau . . 27

Des rencontres-formationpour les collèges et lycéesde Languedoc-RoussillonAnne Brozzetti, Christelle Picca,Claude Terral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Une expérience de santé communautairecentrée sur l’alimentationdans des quartiers en difficultéJean-Louis Grenier, Fanny Bracq,Nathalie Duthieuw, Jacqueline Denis,Florence Urbain, Martine Bulle, Sabine Boidin,Sophie Terrier, Agnès Delepaut . . . . . . . 30

Un dispositif national :une cohérence pour plus d’efficacitéL’éducation pour la santédans le Programme nationalnutrition santéMichel Chauliac . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Mieux manger construit notre santéFlorence Condroyer . . . . . . . . . . . . . . . 35

Informer et mobiliser le grand publicCorinne Delamaire . . . . . . . . . . . . . . . 36

L’implication des professionnels desanté dans le dispositif nationalCorinne Delamaire . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Vivre le corps que je suis !Gourmandise en prosePhilippe Lecorps . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

École : éducation nutritionnelleet au goûtChristine Kerneur et Michel Massacret . . . 39

Des élèves plus soucieuxde leur alimentationEntretien avec Daniel Maslanka . . . . . . . 40

Un fonds documentaire et pédagogiqueminimum en éducation nutritionnelleAnne Sizaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Pour en savoir plusAnne Sizaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Au dossier du prochain numéro :la santé mentale

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4 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Lorsque vous lirez ce numéro de La Santé de l’homme, unprésident de la République française aura été élu pour unquinquennat pour la première fois dans l’histoire de laVe République. 2002 deviendra ainsi – quelle que soit l’issue du vote ! – une date politique particulière. Sera-t-elleégalement une année que retiendra l’histoire de l’éducationpour la santé ?Il y a en tout cas fort à parier que durant ces cinq prochai-nes années, des évolutions importantes surviendront dansnotre champ. Non que notre discipline soit devenue un enjeuélectoral majeur et subisse des évolutions radicales. La

santé et la prévention font mêmeplutôt partie des thèmes poli-tiques les plus consensuels... etil s’agit bien là d’une curiositéassez inexplicable. Si l’on consi-dère, en effet, les dimensionsidéologiques et humaines trèsengagées contenues dans laCharte d’Ottawa ou dans les tra-vaux de l’Organisation mondiale

de la santé, qui ont permis de rédiger la célèbre définitionde la santé en 1946*, cette unanimité peut en effet éton-ner : la Charte d’Ottawa définissait, en effet, la promotionde la santé selon cinq axes : orienter les services de santé,élaborer des politiques prenant en compte la santépublique, créer des milieux favorables, renforcer l’actioncommunautaire et acquérir des aptitudes individuelles. Etles travaux de l’OMS ne prétendent-ils pas que les condi-tions préalables à la santé des individus et des populationsdoivent être un revenu, un toit et la paix ?Ces visions de la santé, de la promotion de la santé et del’éducation pour la santé sont donc loin d’être idéologique-ment neutres. Elles font pourtant désormais référence pourla majorité des acteurs de prévention. Les mots perdraient-ils de leur sens ? Ou la signification de ces postulats n’au-rait-elle pas encore fait l’objet de véritables débats idéolo-giques et politiques ?Si la prévention et la place que l’éducation pour la santé peuty prendre, ne sont certes pas devenues des enjeux élec-toraux essentiels, elles ont tout de même fait leur appari-tion dans les programmes et les préoccupations politiques.Il semble même que l’on assiste depuis quelques années,en France, à une accélération de l’histoire de toute la santépublique et de son organisation publique. Les différentsscandales sanitaires : sang contaminé, farines animales,amiante, ont sans doute joué un rôle déclencheur pour quela prévention devienne un sujet politiquement digne d’inté-rêt. Il n’y a qu’à observer le développement considérabledes organismes publics d’observation et de contrôle de lasanté ces dernières années pour s’en convaincre. Certesplus tardivement, l’éducation pour la santé est, elle aussi,

rentrée à son tour dans les projets de structuration de la santépublique par les pouvoirs publics : la loi du 4 mars 2002 enfait, explicitement et pour la première fois, une mission deservice public.Ce numéro de La Santé de l’homme est ainsi l’un des der-niers publié par le Comité français d’éducation pour la santé.L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santéverra, en effet, bientôt le jour en lieu et place du CFES, avecdes missions plus étendues – vers la recherche et la for-mation notamment – et une reconnaissance officielle plusgrande du fait d’un statut d’agence publique et non plus d’as-sociation comme l’était le CFES. Sans doute doit-on seréjouir de cette évolution qui aidera un peu plus l’éduca-tion pour la santé à se structurer, à être plus exigeante surses fondements, sur ses valeurs et ses méthodes. Fautede moyens, de méthode et d’organisation, le bricolage etla précarité prévalent, en effet, encore trop souvent dansnotre discipline. Et ils ne sont pas toujours bons conseillerslorsque la santé, les comportements et l’éducation descitoyens sont en jeu. Mais l’éducation pour la santé ne doit-elle pas être précisément un enjeu citoyen bien avant unepréoccupation technocratique ? Comment donc structu-rer ce champ de la prévention et de l’éducation pour lasanté, professionnaliser les démarches, les méthodes etles structures, sans les vider de leur engagement humain,de leur indépendance citoyenne, voire de leur dimensionsubversive ? La gageure de ces prochaines années résidepeut-être bien dans ce fragile équilibre à trouver : entre ununivers d’initiatives, de méthodes, de professionnels et destructures à renforcer, et un ancrage dans les réalitéshumaines, sociales et citoyennes à ne pas perdre (« la vraievie des vrais gens » disent les Guignols).Il est alors sans doute l’heure de mettre en œuvre et à l’é-preuve nos principes et ceux de la Charte d’Ottawa. En nenous préoccupant pas seulement des comportements despublics auxquels sont destinés nos programmes, mais enétant aussi attentifs aux conditions de vie et d’environne-ment qui façonnent ces comportements. En nous adres-sant aussi aux décideurs économiques, administratifs etpolitiques qui décident de la santé bien autant que lescitoyens. En organisant, enfin, les conditions d’une partici-pation réelle des publics aux actions que nous mettons enœuvre. Et une participation qui n’instrumentalise pas et neserve pas surtout à se donner bonne conscience.Née en 1942 dans un environnement influencé autant pardes préoccupations humanistes que par des velléités decontrôle social de bien triste mémoire, La Santé del’homme, soixante ans plus tard, sera sans doute encoreun témoin et un observateur privilégié de l’éducation pourla santé française.

Alain Douiller

Rédacteur en chef.

* Pour plus de détails sur lespéripéties passionnantes decette définition, lire l’articlerédigé par Jean-Pierre Des-champs dans le n° 325« Peut-on promouvoir lasanté ? »de cette même revue.

L’éducation pour la santé,un enjeu citoyen

édito

La prévention et la place quel’éducation pour la santé peut yprendre, ont fait leur apparition

dans les programmes et lespréoccupations politiques.

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Si l’éducation pour la santénous était contée

Si la psychanalyse avec Bruno Bettelheim s’est déjà intéressée au senset à l’utilité des contes, l’éducation pour la santé pourrait elle aussi y trouverdes ressources pédagogiques pertinentes. Anne Degroux le démontre à partir d’une réflexion et d’exemples de contes africains sur la sexualité.

La construction des messages enéducation pour la santé fait de tempsen temps appel aux histoires. Mais leplus souvent, le discours construit faitpeu place à l’imaginaire. Il est pourtantdes pays qui, depuis tous temps, utili-sent le récit et le conte en particulierpour transmettre aux enfants unevision du monde, régler les conflits…En Afrique sub-saharienne, grands etpetits se rassemblent pour écouter ceshistoires qui mettent en scène des ani-maux pour mieux leur parler d’eux. Etsi ces histoires nous parlaient aussi denous ? Si le réalisme de certains mes-sages en éducation pour la santé lais-sait la place à l’imaginaire ? Et si l’édu-cation pour la santé nous était contée ?

Le conte, un récitaux multiples fonctions

Le conte est avant tout un proces-sus de communication : d’un côté, desparoles contées, de l’autre, des émo-tions suscitées voire exprimées (rires,

exclamations, commentaires, etc.).Outre et par son rôle de divertisse-ment, le conte joue un rôle éducatifgrâce à l’ensemble de ses caractéris-tiques :• il est une matière orale où tout n’estpas détaillé ; l’auditeur est renvoyé àun travail d’imagination et d’interpréta-tion. Chaque auditeur est actif dans leprocessus du conte : au-delà des mots,il leur donne un sens propre. Imaginerun conte est un jeu et un plaisir ;• le conte est un rite social : il valori-se les valeurs et les règles sociales dela communauté : la patience, lerespect des interdits, des aînés et desmodes de vies… Il fait le lien entre ledésir individuel et la coutume com-munautaire. La tradition orale liée auxcontes renvoie à la sociabilité de lacommunauté. Dans certains cas, elleremplit une fonction de régulation desconflits ;• il pose les questions universelles del’homme, les questions fondamentalesde partout et de toujours : les relations

de l’homme avec ses semblables, del’individu avec la société, de l’hommepar rapport à la femme, du cadet avecl’aîné, du vieillissement et de la mort,de la sexualité… Ces questions nesont pas toujours formulées directe-ment, mais plutôt suggérées dans unmonde irréel ;• les contes permettent d’accéder à lacomplexité du monde. Ils ne montrentpas uniquement le beau côté des cho-ses, mais présentent la vie telle qu’elleest : la vie n’est pas si simple ; leshommes ne sont pas forcement bons,etc. Ils donnent la possibilité à l’enfantde se délivrer de dilemmes, d’angois-ses. Il découvre la dualité bien/malprésente en chacun et la nécessité delutter pour faire face aux difficultés dela vie. Ressentir ces émotions permetà l’enfant d’apprendre à les gérer et àles dépasser (1) ;• les contes sont aussi une manièred’initier, d’éduquer de manière plusintuitive que par l’utilisation de faitsréels et d’enseignements rationnels.

5LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

aide à l’action

Un nouveau départ pour la rubrique « Aide à l’action »Échanger sur les outils, les méthodes, les actions

Prendre la charge d’une rubrique c’est rêver que les textes publiés soient utiles, vivants et permettent à chacun d’y puiser d’autres expériences,de nouvelles idées, questions ou réflexions. Ni livre de recettes ni foire aux outils, cette rubrique doit être avant tout un espace pour prendre durecul, mais aussi pour donner envie d’aller explorer de nouvelles pistes.Nous souhaitons qu’elle soit aussi un lieu permettant de partager ce qui fait notre quotidien dans la mise en œuvre d’actions et que nous gardonssouvent pour nous, faute de temps ou faute d’y déceler suffisamment d’intérêt pour faire l’objet d’un article. Mais pour que ces pages soientrégulièrement alimentées, les auteurs potentiels doivent sortir de leur réserve et cesser d’être trop modestes. Cette rubrique ne sera une vérita-ble aide l’action que si elle permet d’enrichir les pratiques de chacun. Et qui mieux que les acteurs eux-mêmes peuvent parler de ce qu’ils font ?

Anne Laurent-Beq

Si tu racontais cette histoire à un vieux bâton, il reprendrait feuilles et racines.Henri Michaux

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6 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Cette approche semble intéressanteen matière de santé, domaine où l’ir-rationnel et les représentations indivi-duelles influent fortement.

Le conte, un outilen éducation pour la santé

À travers ses multiples fonctions, leconte éclaire son auditeur sur lemonde qui l’entoure et sur lui-même.Par le développement de compétencespersonnelles et par la relation privilé-giée qui s’établit entre le conteur etson auditoire, les contes participent à

l’éducation pour la santé. Quel poten-tiel ont ces récits en éducation pour lasanté particulièrement dans le cadred’actions de proximité ?

Les contes d’Afriquesub-saharienne

La réserve de récits est inépuisable.C’est pourquoi nous nous limiterons àquelques exemples puisés dans la tra-dition d’Afrique sub-saharienne.

Pourquoi l’Afrique sub-saharienne ?Ses cultures ont une tradition orale

forte où le conte tient une placeimportante. Les récits sont racontés àtout âge, sans être simplifiés ni édul-corés. Se pencher sur ces contes estégalement une manière de s’ouvrir àces cultures.

Sur cette partie du continent afri-cain, la transmission de la tradition estl’affaire de tous : famille, griots,conteurs, et particulièrement lorsqu’ils’agit de l’éducation des enfants. Leconte est généralement dit aux jeunespar les anciens, à la tombée de la nuit.

Les héros des contes traditionnelsafricains font référence à un systèmede valeurs et incarnent, suivant lescas, les vertus qui les mènent à laréussite sociale ou les défauts qui lesconduisent à leur perte. Ils mettentsouvent en scène des animaux et desqualités récurrentes, comme la pru-dence, la générosité et la pudeur ; laruse, indispensable pour se défendrecontre les forces malfaisantes ; unebonne compréhension de la société,notamment les attitudes et comporte-ments de ses membres ; la dignité.

Ces contes africains1 sont racontésà tous, sans distinction d’âge et tout aulong de leur vie, alors qu’en occident,ils sont destinés principalement auxenfants et sont peu répétés, la répéti-tion étant souvent considérée commeune perte de temps.

À chaque âge, ce qui est compris,interprété et donc imaginé est diffé-rent, en fonction du vécu de chacun,de ses compétences et de ses besoinsà un moment précis de son existence.Ainsi, un même conte peut changerde signification au cours de la vie etapporter des choses très différentes.

Pourquoi les contesmerveilleux et animaliers ?

Le conte merveilleux se caractérisepar son côté fictif, surnaturel : il n’estni policé, ni moral, et il s’y passe sou-vent des choses qui seraient considé-rées comme atroces ou immoralesdans un autre contexte.

Bien que basé sur des repèresfamiliers, le conte merveilleux estcoupé de la réalité – espace, temps,personnages et créatures propres – etest « balisé » – il était une fois ; ilsvécurent heureux…

aide à l’action

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7LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Un pacte implicite est passé entre leconteur et l’auditeur : ce dernier feintde croire à l’univers merveilleux qui luiest conté et peut laisser libre cours àson imagination, tout en sachant qu’ilest à l’abri. Il est alors possible d’abor-der tous les sujets, notamment les plusdifficiles ou dérangeants : la mort, l’in-ceste, etc. Et si certains momentsparaissent trop effrayants, l’auditeurpeut décider de ne pas les entendre oules visualiser.

Le sujet central du conte mer-veilleux est le déséquilibre ; au départ,il existe une situation stable quequelque chose ou quelqu’un vientperturber. L’enjeu du conte est alors la résolution, le dépassement de cedéséquilibre par une action ou un actepour revenir à une situation stable (2).

Au final, une situation stable, parfoisdifférente de la situation initiale, estrétablie.

Les contes animaliers quant à euxconstituent une catégorie de récits àpart entière. Ils ne font pas partie des contes merveilleux : les person-nages y sont des animaux qui fontdes choses inhabituelles. De plus, lesanimaux sont des éléments et sym-boles clés des cultures d’Afrique sub-saharienne.

La préventioncomme pratique sociale

Il faut aborder les contes africainsen ayant à l’esprit que : « Dans denombreuses sociétés africaines, onpeut entendre par comportement deprévention toute volonté d’agir confor-

mément à la loi sociale, dans la me-sure où la maladie peut être conçuecomme une sanction infligée par unepuissance surnaturelle, la résultanted’un manquement à ses devoirs oud’une transgression d’interdit » (3).Ainsi, « la maladie est une chose danslaquelle les sujets ont une part deresponsabilité et que leurs conduitespeuvent contribuer à prévenir, mêmesi ces conduites ne sont pas orientéesvers l’entretien du corps. »

Quand la sexualité est racontéeParmi les contes africains, nom-

breux sont ceux qui abordent directe-ment ou indirectement la sexualité.Ces contes sexuels et d’éducation à lavie sont en général racontés devanttout le monde, enfants compris. Ils neleur sont pas censurés ; et même plusqu’un public toléré, les enfants ensont la cible principale. En effet, lescontes sexuels sont avant tout consi-dérés comme des récits pédagogiquessur l’anatomie – notamment la diffé-rence homme/femme –, l’accouple-ment et la procréation. Outre cetapport de connaissances, nombre deces contes sont utilisés pour dédrama-tiser les représentations que lesenfants ont à ce sujet.

Racontés soit par des conteursdevant un large public, soit à la mai-son (de la mère à la fille ou du pèreau fils), ces contes autorisent lerecours à des termes moqueurs, crus,grossiers voire obscènes en particulierrelatifs aux organes génitaux. Ce lan-gage, peu utilisé dans la vie socialecourante, est délibérément employépour provoquer des rires, afin derelancer la narration et soutenirl’attention de l’auditoire. L’ambiancejoyeuse et comique créée permetd’atténuer la charge émotionnelle duconte, de dédramatiser.

Mais derrière la crudité des mots,se dissimule un contenu pudique : lesorganes sexuels ne sont pas décrits etles détails concernant le coït ne sontpas directement mentionnés, justeparfois de manière symbolique. Lescontes sexuels ne constituent doncpas un ensemble de techniques, unmode d’emploi de la sexualité ; ilsretracent de manière symbolique lesorganes et leur fonctionnement dansle cadre des règles sociales commu-nautaires.

aide à l’action

Conte Hausa du Niger : La grenouille, la poule et le chat (4)

« Ces trois amis veulent faire ensemble une maison à trois ; la grenouille répond : « Moi, depuisma naissance, j’ai trouvé mes parents habitant dans l’eau, moi je ne peux pas vivre dans une mai-son ». On demande maintenant l’avis du chat, le chat répond : « Moi, depuis ma naissance jus-qu’à présent, je n’ai pas vu mes parents logés dans une maison et comment voulez-vous que moije loge dans une maison, nous sommes habitués à nous coucher sur des arbres même s’il pleut ».Alors la poule construit toute seule sa maison, c’était en hivernage. Alors ces trois amis vivaientcomme ça ensemble. Un jour, arrive une forte tornade avec du vent de sable, la grenouillecourt trouver la poule : « Mère poule, vous me permettez de rentrer chez vous ? ». La poulerépond : « Non, grenouille, quand je vous ai dit de construire ensemble, vous avez refusé, et moiaussi je ne permets à personne de rentrer dans ma maison ».Alors la grenouille voit bien que la poule ne veut pas la laisser entrer dans la maison, la grenouillecrie à toute voix : « Chat, chat, viens vite manger la poule » ; et la poule a beaucoup peur duchat. Elle dit tout doucement à la grenouille : « Entre vite, je veux fermer ». Et la grenouille entre.Au moment que la grenouille est rentrée dans la maison, elle demande à la poule : « Mèrepoule, je peux me coucher sur ton lit ? ». La poule répond : « Espèce d’imbécile, quand je vousai demandé à faire une maison ensemble, vous avez refusé, et je refuse à ce que tu te cou-ches sur mon lit ».Au moment que la grenouille voit bien que la poule ne veut pas la laisser monter sur le lit, la grenouillea crié : « Chat, chat, viens dévorer la poule ». La poule répond à la grenouille : « Monte sur le lit ».Après un instant, la grenouille demande à la poule : « Mère poule, je veux toucher tes poils ».La poule répond : « Espèce de sauvage, me toucher mes poils, tu n’es pas fou ? La grenouillecria : « Chat, chat, viens manger la poule ». La poule répond à la grenouille: « Touche mespoils et ferme ta bouche à appeler tout le temps le chat ».Au moment que la grenouille a touché les poils de la poule, la grenouille demande encore à lapoule : « Mère poule, je peux toucher ta matrice ? ». La poule répond : « Espèce de bâtard quetu es, toucher ma matrice, tu es gonflé toi, grenouille, merde ».Au moment que la grenouille voit bien que la poule n’aime pas lui laisser toucher sa matrice,elle commence à crier : « Chat, chat, viens manger la poule ». La poule répond : « Touche, jete laisse toucher, n’appelle plus le chat ».Au moment que la grenouille a touché la matrice de la poule, la grenouille demande à la poule :« Poule, je peux mettre mon bangala ? ». La poule répond : « Mettre ton bangala, tu n’es pasfou ? ». Alors la grenouille commence à crier fort : « Chat, chat » ; alors la poule dit : « Metston bangala ». La grenouille met son bangala. Après elle demande à la poule : « Je peux pom-per ? ». La poule répond : « Pompe, pompe, pompe, pompe, pompe, pompe ». Alors la poulecria tout : « C’est doux, c’est doux, pompe fort. Je suis très contente, pompe. Pompe fort,c’est sucré, c’est bien sucré ». »

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8 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Ils sont donc pragmatiques sur lescomportements et situations qu’ilsinduisent, mais elliptiques sur le plande la connaissance physiologique. Lesinformations transmises concernent :la maturation sexuelle, la différencedes sexes, le rôle respectif de chacundans l’accouplement et la vie sociale.

Une parole pour l’adulteNon considérés comme érotiques,

les contes sexuels africains sont plusque de simples divertissements pourles adultes. Ils reflètent les angoissesde chaque sexe (castration, stérilité,impuissance, etc.) par rapport à l’actesexuel. Le ton et les mots employéspermettent de dédramatiser leursinquiétudes et même parfois de dés-amorcer des conflits à ce sujet.

Une parole pour l’enfantComme « pour l’enfant, la grande

énigme est le mystère du sexe ; c’est lesecret d’adulte qu’il désire décou-vrir » (1), les contes sexuels africainspermettent de répondre à la préoccu-pation sexuelle enfantine.

« Le premier mérite des contes afri-cains mentionnant les noms des par-ties sexuelles, les animant et les éri-geant en acteurs, réside dans cettemention même. Rencontrant l’inves-tigation inquiète de l’enfant, elle luiconfère de ce seul fait un droit d’exis-tence, elle lui reconnaît une légiti-

mité, elle la rend honorable. Et mêmesi, à l’implicite questionnement dujeune individu ses réponses sont par-fois un peu courtes, si au « pourquoides sexes ?» le narrateur répond quec’est parce qu’un chasseur en a trou-vé en forêt, il ne faut pas déplorer tropvite le faible contenu informatif (…),car elle laisse entendre qu’il n’y apoint de honte à s’intéresser à soncorps et à celui d’autrui, à tenter decomprendre les liens charnels entreles sexes, à s’intéresser à la reproduc-tion humaine » (4).

Ainsi, à la différence des contesoccidentaux qui relèguent l’appren-tissage de ce savoir à plus tard, enparticulier au mariage – ils se mariè-rent et eurent beaucoup d’enfants –,les contes africains disent qu’il estnormal que « l’enfant, aux organespeu développés, s’intéresse (…) à saconformation, à celle d’autrui, àleurs usages » (4).

Toutes les informations n’étant pasdivulguées et les situations décritesétant irréelles, magnifiées et contradic-toires, l’enfant doit faire « un travail dedécodage des données symboliquesqui lui sont soumises » (4). C’est doncune sorte de puzzle qu’il doit recons-truire, en faisant ses choix. Ainsi, viales contes sexuels, l’enfant sait que« de même qu’il existe deux sexes, il ya aussi diverses conceptions relativesaux données biologiques et diversvécus affectifs relatifs aux actes qu’ilsentraînent » (4).

L’utilisation des organes génitauxcomme personnages à part entièrepermet à l’enfant d’imaginer l’actesexuel de manière décalée, distanciée,sans mettre en scène des êtres réels,donc, indirectement, ses propresparents. De plus, la réduction des per-sonnages à des organes génitaux per-met une mise à distance nécessaire àl’appropriation graduelle de la sexua-lité par les enfants.

Sur le plan du contenu, « sont abor-dés aussi bien le détail des organesreproducteurs que les données d’ana-tomies comparées, le rôle des sexesdans le coït et les mécanismes de laprocréation. Sont pris en compte aussibien les problèmes d’identité sexuellede l’enfant que ses rapports avec lesactivités charnelles parentales » (4).

Le conte pour renforcerles compétences psychosociales

Bien plus qu’une simple transmis-sion d’informations ou de conseils surla manière de se conduire, le conteincite chacun à trouver ses propresréponses et solutions en méditant ceque le conte lui donne à entendre surlui-même et ses conflits intérieurs à unmoment de sa vie.

L’objectif du conte n’est donc « pasde fournir des informations utiles surle monde extérieur, mais de rendrecompte des processus internes, à l’œu-vre dans l’individu » (1).

Dans l’enjeu central du conte, larésolution d’un déséquilibre, on retrou-ve les phases du vécu émotionneld’une situation de crise : état stable →désorganisation, perte des repères →insécurité, mal-être → espace transi-tionnel → tentatives pour rétablir unéquilibre → construction de nouveauxrepères → état stable.

Quand le conte et l’éducationpour la santé se rejoignent

Le même processus est mis enœuvre dans la relation éducative enmatière de santé. L’action en éduca-tion pour la santé peut venir désor-ganiser les représentations des parti-cipants. Dans l’état « stable » initial,incluant ces représentations, l’inter-vention vient introduire de nouvel-les représentations ou données quipeuvent déstabiliser. Afin de re-trouver un équilibre, chacun doitalors se construire de nouveauxrepères. On peut donc dire que l’ac-tion en éducation pour la santé estun itinéraire de déconstruction et dereconstruction d’un équilibre per-sonnel à un autre.

Bien que virtuel, le conte participeau développement des compétencesindividuelles permettant de surmon-ter et résoudre des situations decrise, et donc à l’organisation de l’i-dentité. « Le sujet découvre (…) qu’ilpeut ressortir d’une crise à la fois dif-férent et pourtant toujours identiqueà lui-même, dans un contexte « d’i-dentisation ». Son rapport à l’incon-nu et à la nouveauté est égalementtransformé, car la confiance dans sespropres capacités latentes, encoreinconnues et non développées, estrenforcée » (5).

aide à l’action

Conte Samo de Haute-Volta (4)

« Comme mon histoire vient…2 Il s’agit d’unpénis, des couilles et du vagin.Un jour, ils décidèrent d’aller manger desfruits de karité. Arrivés dans le verger deskarités, ils ramassèrent des fruits et semirent à manger ; et le pénis en offrait auvagin, tandis que les testicules, eux, ne luioffraient rien. Or, pendant qu’ils mangeaientleurs karités, voilà qu’un gros orage se levaet éclata violemment.Alors le pénis demanda au vagin de le lais-ser entrer se protéger de la pluie. Le vaginayant accepté, aussitôt le pénis vint en cou-rant et s’engouffra dans le vagin. Les testi-cules aussi voulurent venir, mais le vagin leursignifia qu’il n’y avait pas de place.C’est pour cela que le pénis peut rentrerdans le vagin, tandis que les couilles res-tent dehors. Ma grosse histoire s’arrête là. »

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9LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Ainsi, la narration des contes peutconstituer une activité éducative quirenforce les compétences psychoso-ciales et donc participe à la promo-tion de la santé3 notamment mentale.Par leur contribution au développe-ment des aptitudes essentielles à lavie (6), les contes peuvent avoir desconséquences favorables sur la santé.

Enfin, l’une des questions essen-tielles posée dans les contes est lasatisfaction immédiate des désirs :faut-il céder ou être gouverné par laraison ? Le conte propose un appren-tissage, une maturation de la gestionde son impulsivité. Ce conflit lié àl’opposition entre principe de plaisiret principe de réalité est une difficilebataille que chacun vit, en particulieren matière de santé ou dans desdomaines pouvant avoir des réper-cussions sur la santé.

Du bon usage des contesen éducation pour la santé

Pour toutes les raisons évoquéesplus haut, les contes d’Afrique sub-saharienne en particulier et les contesde manière générale semblent intéres-sants pour l’éducation pour la santé.

Une infinité de possibilités s’offre àl’éducateur pour la santé. Qu’il s’agissed’enfants ou d’adultes, il peut partir decontes existants, mais il peut aussichoisir de créer des contes sans ouavec le groupe ou chacun des memb-res du groupe. Ces contes peuventêtre contés ou mis en scène.

Le conte est donc un outil d’ex-pression directe (création, mise enscène) ou indirecte (émotions susci-tées, etc.). Comme outil d’expressiondirecte, le conte peut participer à laconstruction de la résilience. En

créant et en contant un conte, on peuttransformer sa souffrance en quelquechose de positif, d’avantageux. Deplus, cette transformation peut êtreutile aux autres.

Outre les compétences psychoso-ciales, le conte peut être une occasiond’ouverture culturelle : un enrichisse-ment grâce à la différence. Chaqueculture a un rapport différent au corps,à l’intime, à la mort, au groupe, etc. etdonc à la santé. Le conte peut doncêtre envisagé comme un outil d’édu-cation pour la santé stricto sensu, maisaussi de communication intercultu-relle, voire même pour aborder lesdroits de l’homme et de l’enfant.

Des idées pour des actionsà destination de populationsmigrantes

Une analyse de ces contes permetde mieux connaître les représentationsde la santé et de la prévention despopulations d’Afrique sub-saharienne.Il semble donc intéressant de menerdes actions d’éducation pour la santé àdestination des populations migrantes– enfants ou adultes – en utilisant leurscontes ou les protagonistes de cescontes, et mieux encore, en s’assurantla collaboration d’un conteur. Cescontes leur étant familiers, ils « leurparlent » de manière plus explicite qued’autres contes ou référentiels. Danscette optique, le conte est égalementun vecteur d’échanges entre des com-munautés de différentes origines.

Quelle que soit l’utilisation descontes en éducation pour la santé,certains écueils sont à éviter, en parti-culier la tentation de tout dire, de toutexpliquer ; le conte n’est pas totale-ment rationnel : il s’y passe des chosesétranges voire atroces. Préalablementà l’utilisation de contes, il faut donc,comme dans toute démarche d’éduca-tion pour la santé, s’interroger sur lesressorts sur lesquels ils s’appuient, lessentiments et réactions qu’ils peuventsusciter, et vérifier leur adéquationavec les objectifs éducatifs.

De la déstabilisation à la reconstruction d’un équilibre

Les contes participent à la construc-tion, la déconstruction et la reconstruc-tion de sens grâce aux émotions res-senties (doute, incertitude, peur, joie).Le temps du conte est un temps hors

aide à l’action

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aide à l’action

conte est aussi un véritable outil deconstruction du lien social. Il est unmoyen pour se retrouver entre géné-rations et découvrir ou redécouvrir leplaisir d’être ensemble pour se racon-ter des histoires.

Anne Degroux

Chargée des relations

avec les médias au CFES.

Cet article est une synthèse du mémoire

de la formation « Chargé de projet

en éducation pour la santé » du CFES.

1. Le terme « africain » sera entendu ici comme :« venant d’Afrique sub-saharienne ».2. Cela correspond à peu près à : Il était une fois.3. Quatrième axe d’intervention de la Charte d’Ottawa :« La promotion de la santé soutient le développementindividuel et social en offrant des informations, en assu-rant l’éducation pour la santé et en perfectionnant lesaptitudes indispensables à la vie. Ce faisant, elle per-met aux gens d’exercer un plus grand contrôle sur leurpropre santé et de faire des choix favorables à celle-ci. Il est crucial de permettre aux gens d’apprendre pen-dant toute leur vie et de se préparer à affronter les diver-ses étapes de cette dernière. (…) »

du temps, entre le passé et le futur.C’est à la fois un espace de déstabili-sation des repères connus et de remi-se en jeu des rôles. Afin de « retrouverun équilibre », il y a transformationmais en général dans la continuité :une réorganisation. Ce processus estassimilable à celui de la résolutiond’une situation de crise.

Parallèlement, une des questionsessentielles abordée est l’apprentissagede la gestion de ses impulsions, de sesdésirs. On peut donc dire qu’outre lescompétences sociales et de santé, lescontes permettent de développer lescompétences individuelles de « ges-tion de crise » et de « gestion de sescomportements » en matière santé.

◗ Référencesbibliographiques

(1) Le mal est aussi répandu que la vertu dansles contes, chacun d’eux matérialisé par despersonnages distincts. Pourtant, ce n’est pasl’aspect restrictif (le « méchant » est puni àla fin) qui a un effet « préventif », mais plu-tôt que « le mal ne paie pas ». Il ne s’agit doncpas tant de faire triompher le bien sur le malmais plutôt que l’enfant soit séduit par lehéros et s’y identifie. Ainsi l’enfant ne se posepas la question « Est-ce que j’ai envie d’êtrebon ? » mais « À qui ai-je envie de ressem-bler ? » , Bettelheim B. Psychanalyse descontes de fée, trad. de l’anglais. Paris : R. Laf-font, 1976 : 476 p.(2) Propp V. Morphologie du conte, trad. parClaude Ligny. Paris : Gallimard, 1970.(3) Fainzang S. La notion de prévention à par-tir de l’approche anthropologique. In : Com-portements et santé : questions pour la pré-vention. Colloque Inserm, Vandoeuvre-Lès-Nancy, 25-27 juin 1990. Paris : Inserm,1990.(4) Lallemand S. L’apprentissage de la sexua-lité dans les contes de l’Afrique de l’Ouest.Paris : L’Harmattan, 1985 : 294 p.(5) Marpeau J. Le processus éducatif. De laconstruction de la personne comme sujetresponsable de ses actes. Erès, 2000.(6) Liste des compétences psychosociales,ayant une valeur transculturelle, établie parl’OMS en 1993. Arwidson P. Le développe-ment des compétences psychosociales. In :Sandrin Berthon B. Apprendre la santé à l’é-cole. Paris : ESF éditeur, 1997 : 127 p.(7) Oberlé D. Des questions pour l’éthique enéducation pour la santé. La Santé del’homme, n° 345, janvier-février 2000.

On peut aller plus loin en disant queles contes « banalisent » la crise (c’estnormal, cela arrive à tout le monde) etparfois même démontrent l’utilité de lacrise (notamment lorsque la situationà la fin du conte est « meilleure » quecelle de départ). La crise est alors unpassage positif : elle « est constitutive duprocessus ordinaire du développementde l’humain (…) » (5).

Dans le domaine des contes et deleur utilisation en éducation pour lasanté, il reste beaucoup de choses àexplorer. Cependant, on peut déjàdire que les contes sont un moyend’atteindre certains objectifs de l’édu-cation pour la santé, notamment :- « susciter des processus d’appren-tissage pour faciliter des changementsde comportements (…) » ;- diffuser « dans la population uneculture de santé » ;- faire « un travail social visant à aiderles personnes et les groupes à trouverd’autres réponses » (7).

Ces objectifs très pragmatiques ne doivent pas faire oublier que le

Rubrique Aide à l’action coordonnée par A. Laurent-Beq : [email protected]

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La carte n’est pas le territoire :cinq perspectives sur la manièred’interpréter le monde de la santé

Reviews on Health Promotion &Education Online (RHP&EO) estune toute nouvelle revue officiellede l’Union internationale de pro-motion de la santé et d’éducationpour la santé sur Internet. Son butest de contribuer à améliorer lapromotion de la santé et l’éduca-tion pour la santé en publiant desséries thématiques de ressourcesutiles en promotion de la santé eten éducation pour la santé rédi-gées par des spécialistes de renom

mondial dans différents domai-nes. Les lecteurs peuvent eux-mêmes participer au débat et com-muniquer leurs commentaires enligne. La première série proposéepar le rédacteur en chef deRHP&EO avait pour titre : « pré-sentez et analysez quelles sont lescinq ressources qui ont le plusmarqué et influencé votre travailen promotion de la santé ». IlonaKickbusch est un des auteurs decette série. Elle a été pendant de

nombreuses années directrice dela Division de la promotion de lasanté à l’Organisation mondiale dela santé, à Genève. Elle est à l’ori-gine de la Charte d’Ottawa et de laDéclaration de Djakarta, deuxdocuments phares dans la cons-truction de la nouvelle santépublique. Elle est actuellementresponsable de la Division de lasanté mondiale à l’École de méde-cine de l’Université de Yale auxÉtats-Unis.

Les cinq ouvrages que j’ai choisisreprésentent chacun un univers théo-rique : cinq perspectives sur la manièred’interpréter le monde de la santé et dela maladie. Ces perspectives m’ont nonseulement influencée au tout début dema carrière, mais elles m’ont accom-pagnée depuis, ce qui révèle certaine-ment quelque chose soit sur leurvaleur, soit sur mon entêtement. Ellesont depuis été complétées par d’autres(et peut-être que dans quelques annéesme permettra-t-on d’écrire « Cinq per-spectives II »), mais je ne les nomme-rai pas maintenant. Chacune de cesperspectives continue à déterminer lediscours académique, social et poli-tique bien au-delà de la promotion dela santé. Je pense que nous n’avons pasexploré les racines théoriques de lapromotion de la santé de manière suf-fisamment systématique et critique. Parconséquent, nos débats manquent fré-quemment de perspective historiquede même que de fondements théo-riques, et sont constamment entravéspar le fait que nous utilisons le mêmelangage mais en voulant dire des cho-ses très différentes. Prenons par exem-ple la notion de risque ; elle a une si-gnification complètement différente

lorsqu’elle est perçue à travers la visiond’un épidémiologiste, d’une anthropo-logue comme Mary Douglas, ou desociologues tels Ulrich Beck etAnthony Giddens.

Les ouvrages que j’ai choisis sont :• A History of Public Health (Une his-toire de la santé publique) de GeorgeRosen (1958)• The Order of Things (L’ordre des cho-ses) de Michel Foucault (1966)• Steps towards an Ecology of Mind(Étapes vers une écologie de la pensée)de Gregory Bateson (1972)• Our Bodies, Ourselves du « BostonWomen’s Health Collective » (1973)(Notre Corps, Nous-mêmes, du Collec-tif pour la Santé des Femmes de Bos-ton)• New Rules of Sociological Method(Nouvelles règles de la méthode socio-logique) d’Anthony Giddens (1976).

Ces ouvrages ont été plusieurs foisréédités et publiés dans de nombreu-ses langues. J’ai indiqué entre pa-renthèses l’année de la publication originale et dans les références biblio-graphiques, la version que j’ai utiliséepour préparer cet article.

Que m’ont-ils appris ? Tout d’abordet par dessus tout, de constammentremettre en question « l’ordre des cho-ses » et ce que nous considérons « nor-mal ». Deuxièmement, d’essayer decomprendre les systèmes et modèlesimplicites qui structurent la vie de tousles jours et les comportements quo-tidiens. Troisièmement, de prendreextrêmement garde aux interprétationssimplistes des liens de cause à effet.Quatrièmement, de toujours se souve-nir que les gens sont des acteurssociaux et que la production de la vieau quotidien demande des habiletéscertaines. Cinquièmement, d’insister surle fait que la santé publique est toutautant une entreprise politique que pro-fessionnelle.

Alors que dans un contexte univer-sitaire, on explorerait la manière dontces perspectives diffèrent entre elles oumême pourraient s’exclure l’une l’autre,dans mon évolution professionnelle, cequi les représente le mieux, ce sont descercles qui se chevauchent, formantune sorte d’interaction dynamique, oupour parler comme Bateson « a patternthat connects » (un modèle qui relie). Jen’ai par conséquent pas non plus cher-

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Dédié à Eberhard Wenzel

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ché à créer une séquence logique entreles perspectives, mais j’indique là oùelles coïncident, là où elles se chevau-chent, du moins tel que moi je le perçois.

Michel Foucaultcontre l’ordre des choses

Je ne suis pas sûre du texte que j’ailu en premier ; je crois que c’était Fou-cault : Il n’y a rien de plus provisoire,rien de plus empirique (superficielle-ment du moins) que de procéder à l’éta-blissement d’un ordre des choses, disait-il. Je me suis toujours posé la questionfondamentale de savoir quel ordre dif-férent a-t-on lorsque le cadre de réfé-rence est la santé plutôt que la maladie,lorsque ce cadre est plutôt social quemédical ? Le travail de Foucault sur le« regard médical » et la colonisation ducorps par la perspective médicale (quia été renforcée par la pensée d’IvanIllich sur la médicalisation) a considé-rablement influencé la manière dont les

sociétés ont répondu au VIH et au sida(cette maladie dont Foucault lui-mêmeest mort). Foucault commence son par-cours intellectuel « à partir des rires quiébranlèrent... tous les repères familiersde [sa] pensée ». La source du rire est unpassage de l’ouvrage de Louis Borgesqui fait référence à une « certaine ency-clopédie chinoise » qui classifie les ani-maux très différemment de la biologieoccidentale. Je ne vais pas citer toutela liste mais cela commence par « lesanimaux sont classés en : a) apparte-nant à l’Empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes... », etc. Ce que Foucault sou-ligne n’est pas tant l’étrangeté de cettetaxonomie et de ce système de penséemais « les limites des nôtres, l’impossi-bilité totale de penser que cela puisse êtreainsi ». La promotion de la santé estentravée par le fait de travailler selon unordre des choses qui cadre le monde dela santé en catégories de maladies et

risques comportementaux. Une nou-velle catégorisation fondée sur unmodèle social de la santé reste à trou-ver (éventuellement en élaborant à par-tir du noyau que forment les domainesd’action de la Charte d’Ottawa).

Notre corps, nous-mêmesFoucault a consacré une part impor-

tante de son œuvre (par exemple dansLa naissance de la clinique) à analysercomment – à partir du XVIIIe siècle – leregard médical a commencé à élabo-rer de nouvelles règles de classification.Une nouvelle carte du corps a été créée,l’esprit et la nature ont été séparés, lamachine est devenue l’analogie et lanorme par excellence le mâle. Qu’est-ce qui change dans l’ordre des choseslorsque nous introduisons l’idée degenre ? Cela a pris presque deux centsans pour déclarer un nouvel ordre de lasanté par le mouvement de santé desfemmes et la publication de Our Bodies

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Ourselves (Notre Corps, Nous-mêmes).La préface de l’édition de 1976 racontele processus de découverte et d’ap-prentissage vécu lors de la productiondu livre en 1969 : « au début, nous noussommes appelées “le groupe des méde-cins”... le fait d’en discuter s’est avérétout aussi important que les faits eux-mêmes... cela se reflète dans l’évolutiondes titres du livre depuis Les Femmes etleur Corps, en passant par Les Femmeset notre Corps pour finalement choisirNotre Corps, Nous-mêmes ». Ce livre estdevenu à l’échelle mondiale l’expres-sion d’un mouvement qui a changé lamanière dont les femmes se voient,elles et leur corps, et a conduit à deschangements importants dans le sys-tème des soins, dans la recherche surla santé et dans le développement depolitiques. La préface de l’édition de1976 décrit également l’importance dusavoir dans le processus d’acquisitionde pouvoirs : « nous nous sommes sen-ties transportées et stimulées par nosconnaissances nouvelles... pour nous,l’éducation du corps est le coeur del’éducation... notre corps est la basephysique à partir de laquelle nous évo-luons dans le monde ». Comme le travailde Foucault, le mouvement de santédes femmes a mis en lumière la struc-ture de pouvoir qui est intrinsèque aumodèle médical : « l’expérience d’ap-prendre simplement à quel point nousavions peu de contrôle sur nos vies et noscorps ... s’est transformée en une expé-rience politique formatrice et nous apermis de sentir le pouvoir potentiel quenous avions en tant que force de chan-gement politique et social ». Ce potentielde la santé comme force de change-ment (idée que l’on retrouve dans les travaux de Paulo Freire) a été à laracine des approches d’« empower-ment » (d’acquisitions de pouvoirs) quifont partie intégrante de la promotionde la santé.

George Rosenvers la nouvelle santé publique

L’histoire de la santé publique deGeorge Rosen, publiée pour la pre-mière fois en 1958 et jamais supplan-tée à ce jour, a placé de manière nonéquivoque le développement de lasanté publique dans le contexte deréformes sociales, une tradition danslaquelle s’enracine aussi la « nouvellesanté publique ». Je ne peux pas mieuxrésumer son ouvrage qu’en reprenantles mots d’Elizabeth Fee dans l’intro-

duction qu’elle a rédigée pour la réédi-tion du livre en 1993 : « Rosen a offertune histoire sociale dans laquelle il atenté de démontrer la productionsociale de santé et de maladie, de placerles médecins et les professionnels de lasanté publique dans leur contexte socialet de montrer que leurs idées et pratiquesévoluaient par rapport au cadre pluslarge des conditions sociales et poli-tiques. Il a, en même temps, su garderune place héroïque dans l’histoire pourtous ceux qui se sont battus pour amé-liorer la santé et prévenir la maladie,que ce soit par le développement et l’ap-plication d’idées scientifiques, ou pardes réformes sociales pour promouvoirla santé publique. »

C’est pourquoi le sous-titre de laCharte d’Ottawa est si important pourmoi : vers une nouvelle santé publique.Cela signifie un engagement par rap-port à l’histoire et une vision de l’ac-tion de santé publique fermementancrée dans les réformes sociales.

Anthony Giddensmet en lumière la rechercheen sciences sociales

Avec la formulation de la Charted’Ottawa, la promotion de la santé s’estorganisée selon un modèle d’interven-tions sociales, soumis aux ambiguïtésdes notions d’acquisitions de pouvoirs(« empowerment ») et de contrôle, maisconsidérablement éloigné du cadrefondé sur les preuves d’un modèle cli-nique. Pourtant, elle ne s’est jamais plei-nement fondée sur les sciences sociales– ou sur ce que très pertinemmentAnthony Giddens en 1976 a appelé « lesnouvelles règles de la méthode sociolo-gique ». Giddens à l’époque était citécomme « le doyen des plus jeunes socio-logues britanniques » ; il est maintenantDoyen de la London School of Econo-mics, conseiller auprès du premierministre et un analyste éminent de lamondialisation. Je recommande lesneuf règles de la méthode sociologique– résumées à la fin de son livre – à tousceux qui font de la recherche en pro-motion de la santé et qui participent àl’incessant débat sur son efficacité, endépit du fait que ces règles ont main-tenant vingt-cinq ans. Elles mettent enlumière l’essence de la recherche ensciences sociales et par association, dela recherche en promotion de la santé.Je voudrais juste citer quatre de ces« nouvelles règles » (je suggère que le

lecteur ajoute santé et promotion de lasanté lorsque cela s’applique) :1. la sociologie ne traite pas d’un uni-vers convenu à l’avance d’objets, maisd’un constitué ou produit par les faits etgestes actifs de sujets ;2. la production et la reproduction de lasociété doivent être considérées de lapart de ses membres comme le résul-tat de leurs interventions et non commeune simple série mécanique de pro-cessus ;3. on ne doit pas conceptualiser lesstructures comme plaçant simplementdes contraintes sur l’action humaine,mais comme favorisant aussi son épa-nouissement ;4. les processus de structuration impli-quent l’interaction de significations, denormes et de pouvoirs... chaque ordremoral et cognitif est en même tempsun système de pouvoir, impliquant un« horizon de légitimité ».

Les histoiresde Gregory Bateson

L’ouvrage de Bateson traite égalementde l’interaction des significations, ducontexte et des limites de la prévisibilité; il conteste la séparation dans la cultureoccidentale entre esprit et nature et vaconstamment chercher les fondements etle modèle qui créent des liens. Ce qui m’aégalement attirée dans le travail de Bate-son, c’est sa capacité – en tant qu’an-thropologue – à faire ses remarques enracontant des histoires, par le biais d’uneapproche qu’il a appelée les « métalo-gues ». Il s’agit de dialogues de fictionentre une fille et son père. Elle lui poseles questions que nous avons arrêté deposer, parce qu’on nous a appris à accep-ter « l’ordre des choses ». Elle demandepar exemple : « Papa, pourquoi faut-ilqu’il y ait des plans ? Pourquoi les cho-ses deviennent pagaille ? Qu’est-ce quele mot “objectif” veut dire ? ».

Mon histoire préférée (en promotionde la santé) est celle de la mère, de l’en-fant, des épinards et de la crème glacée.Elle dit ceci :« Une mère récompense habituellementson petit garçon en lui donnant unecrème glacée lorsqu’il a fini de mangerses épinards. De quelle informationallez-vous avoir besoin pour pouvoirprédire si l’enfant va : a) finir par aimerou détester les épinards, b) aimer oudétester la crème glacée, ou c) aimer oudétester sa mère. »Bateson soutient que pour explorer les

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14 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

ramifications de cette question, tout cedont on a besoin comme informationcomplémentaire concerne deux fac-teurs : le contexte et la signification. Ilécrit qu’en fait, le phénomène decontexte et celui très étroitement lié designification a créé une division entreles sciences « dures » et la catégorie desciences qu’il a essayé de construire.

ConclusionJe voudrais dire à quel point j’ai

apprécié le retour aux sources de cestextes pour préparer cet article – ils ontconstitué la carte intellectuelle qui m’aguidée pour explorer le territoire quenous appelons promotion de la santé.Mais en terminant, je voudrais souli-gner un trait commun à tous ces textes :leur profond attachement à la capacitéet à la volonté des êtres d’agir, et leurcompréhension de cette capacité et decette volonté, de même que leur accep-tation de la liberté des personnes de

prendre des risques. J’ai commencéavec Foucault, je vais terminer avec lui :« J’essaye de comprendre les systèmesimplicites qui déterminent notre com-portement de tous les jours sans notreconnaissance. Je veux trouver leursource, montrer leur formation demême que le pouvoir qu’ils ont surnous. C’est pourquoi j’essaye de me dis-tancer d’eux, afin de montrer com-ment on peut leur échapper. »

Ilona Kickbusch,

Global Health, Yale University, États-Unis.

Ce texte a été originellement publié en anglais dansReviews of Health Promotion and Education Online(RHP&EO)http://www.rhpeo.org/reviews/2001/2/index.htm; saversion française a été réalisée par Marie-ClaudeLamarre de l’Union internationale de promotion dela santé et d’éducation pour la santé (UIPES) et estpubliée ici avec la permission de l’auteur et du rédac-teur en chef de RHP&EO.

international

◗ Bibliographie

• Bateson G. Steps to an Ecology of Mind.Chicago : The University of Chicago Press,1999.• Foucault M. The Order of Things. NewYork : Random House, 1994.• Giddens A. New Rules of SociologicalMethod. London, Hutchinson, 1982.• Rosen G. A history of Public Health. Balti-more : The Johns Hopkins University Press,1993.• The Boston Women’s Health Collective. TheNew Our Bodies, Ourselves. New York :Simon and Schuster, 1984.

sommairen˚ 3 – septembre 2001

Santé publique, BP 7, 2 avenue du Doyen J. Parisot – 54501 Vandœuvre-lès-Nancy Cedex – Tél. : 03 83 44 39 17

ÉditorialModerniser le système de santé ?J.P. Deschamps

ÉtudesEssai de réhabilitation nutritionnelle à domicile d’enfants sévèrementmalnutrisA.Tal-Dia, I. Diallo, S. Diouf, I. Diagne, C. Moreira,H. Signaté-Sy, M. Sarr, M. Fall

Le pharmacien d’officine face auproblème des buveurs excessifsE. Pouyet-Poulet, M.P. Sauvant, D. Pépin, R. Planche

La non-observance des patients infectés par le VIH, soutenus par une associationcommunautaireC. Andréo, A.D. Bouhnik, J. Soletti, D.R. Bertholon,J.P. Moatti, H. Rossert, B. Spire

PratiquesUn outil francophone d’évaluation dessoins palliatifs à domicile :adaptation du Support Team AssessmentSchedule (STAS)D. Lagabrielle et al.

Validation préliminaire d’une affiche sur l’hygiène buccale des personnes âgéesP. Pizem, N. Dedobbeleer

PolitiquesL’éducation pour la santé : un service au public, un enjeu de la modernisation du système de santé. Proposition duréseau des comités d’éducation pour lasantéF. Bonnin, A.-M. Palicot

OpinionLes sciences humaines,victimes de la trithérapieJ.-P. Deschamps

Et pendant ce temps-là,les sociologues travaillent…A. Laurent-Beq

Soutien au Professeur Moncef Marzouki

Lectures

Rubrique internationale coordonnée parM.C. Lamarre : [email protected] S. Tessier : [email protected]

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58

Alimentation :bien-être, plaisir et santéM. Dépinoy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Comportements, représentationset pratiquesLes Français, l’alimentation et la santéRésultats d’une étude qualitative auprèsdes 18-50 ans S. Pin, J.-P. Loisiel et A. Couvreur . . . . . 17

Les apports des sciences humaines etsociales à la compréhension descomportements alimentairesJ.-L. Lambert et J.-P. Poulain . . . . . . . . 21

Richesse et diversité des actionsL’ogre du Nord–Pas-de-CalaisC. Duchêne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

« Mon resto en l’an 2002 »J.-C. Azorin, D. Alart,H. Sancho-Garnier, B. Housseau . . . . . . . 27

Des rencontres-formationpour les collèges et lycéesde Languedoc-RoussillonA. Brozzetti, C. Picca, C. Terral . . . . . . . 29

Une expérience de santé communautairecentrée sur l'alimentationdans des quartiers en difficultéJ.-L. Grenier, F. Bracq, N. Duthieuw, J. Denis,F. Urbain, M. Bulle, S. Boidin, S. Terrier,A. Delepaut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Un dispositif national :une cohérence pour plus d’efficacitéL’éducation pour la santédans le Programme nationalnutrition santéM. Chauliac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

Mieux manger construit notre santéF. Condroyer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Informer et mobiliser le grand publicCorinne Delamaire . . . . . . . . . . . . . . . 36L’implication des professionnels desanté dans le dispositif nationalC. Delamaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Vivre le corps que je suis !Gourmandise en proseP. Lecorps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

École : éducation nutritionnelleet au goûtC. Kerneur et M. Massacret . . . . . . . . . . 39

Des élèves plus soucieuxde leur alimentationEntretien avec D. Maslanka . . . . . . . . . . 40

Un fonds documentaire et pédagogiqueminimum en éducation nutritionnelleA. Sizaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Pour en savoir plusA. Sizaret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Dossier coordonné par Corinne Delamaire,docteur en nutrition

service Politique éditoriale et diffusion du CFES.

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De l’alimentation à la santé

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16 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

L’alimentation est sans doute un des domai-nes les plus universels : elle concerne chaqueindividu, de sa naissance à sa mort et intéressetout groupe social, quelles que soient ses origi-nes. Et c’est probablement parce que l’alimen-tation intéresse tout le monde qu’elle suscite unnombre croissant de messages, sans qu’il soittoujours facile d’en décrypter l’origine : donnéesscientifiques, informations vulgarisées et publi-cités commerciales se côtoient, les unes inspirantles autres.

L’acte de manger apparaît comme une acti-vité indispensable pour vivre, mais il ne peut se

limiter à une simple réponse aux besoinsphysiologiques de chacun. Nos choix ali-

mentaires se révèlent dépendants deréalités pratiques, telles que le budgetdisponible, le temps que nous pou-vons consacrer à la préparation desrepas et aux repas eux-mêmes, ladisponibilité des aliments. Ces choixsont également liés à la représentation

que nous nous faisons de la « bonne ali-mentation », source de plaisir guidé par

nos goûts, expression d’une culture àlaquelle nous avons été initiés dès le plus jeune

âge, insertion au sein d’une communauté dontun des rites le plus fréquent est celui de la prisedu repas en groupe. C’est ainsi que, dans la pre-mière partie de ce dossier de La Santé del’homme, J.-P. Poulain et J.-L. Lambert, nous rap-pellent que l’alimentation ne se réduit pas à saseule dimension nutritionnelle ; évoquant lesdimensions culturelles, ils dressent un panoramade nos représentations et de nos pratiques quimêlent apprentissages et émotions. Leurs ana-lyses, mais aussi les résultats de l’enquête réali-sée par le Credoc également présentés ici, offrentdes pistes de réflexion pour des actions en édu-cation nutritionnelle.

Si l’éducation pour la santé a déjà largementinvesti le champ de la nutrition avec des actionsd’information en milieu scolaire notamment, oudans le cadre de programmes régionaux de

santé par exemple, les actions d’éducation nutri-tionnelle sont plus difficiles à mettre en œuvre :en témoigne l’expérience de santé communau-taire dans des quartiers en difficulté relatée parJ.-L. Grenier.

Face à la multitude d’actions de terrainmenées ici et là, et aux trop nombreux messages,il s’avère nécessaire aujourd’hui, d’asseoir unensemble enfin cohérent de messages validéspar des experts indépendants, d’inscrire cesactions dans le temps, d’instaurer une prise deconscience collective autour de quelques repè-res simples et de promouvoir une démarche édu-cative, en différents lieux et en différentes cir-constances (milieu scolaire, milieu familial,restauration collective, établissements desanté…). Dans cette optique, le Ministre déléguéà la santé a récemment mis en place un Pro-gramme national nutrition-santé. Ce programmecrée une situation inédite, car elle conduit les dif-férents acteurs, qu’ils soient producteurs, distri-buteurs, scientifiques, professionnels de la santéet de l’éducation, représentants des consomma-teurs, administrations et responsables politiques,à se rencontrer au niveau national, pour déci-der d’actions sur la base d’objectifs communs,malgré les différences de points de vue et d’in-térêts. Ce dossier témoigne de cette nouvelleréalité et fait connaître les principales actions dece programme déjà réalisées, ou à venir : choixdes axes de communication et présentation dequelques documents et outils à destination dugrand public et des professionnels de santé.

L’ensemble de ces actions repose sur un prin-cipe essentiel : ne plus imposer de normes ;d’ailleurs, nos habitudes alimentaires sont deséléments si importants de notre identité cultu-relle que toute proposition d’adaptation ne peutêtre acceptée que si elle est formulée avec pru-dence et modestie.

Michel Dépinoy

Médecin inspecteur de santé publique,

délégué général adjoint du CFES.

Alimentation :bien-être, plaisir et santé

intro

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17LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Les Français,l’alimentation et la santéRésultats d’une étude qualitative auprès des 18-50 ans

L’alimentation occupe une place importante dans l’esprit et lespréoccupations de la population, mais n’apparaît pas comme une prioritédans leur vie quotidienne. Si les Français sont conscients des bienfaits d’unealimentation saine, celle-ci semble difficile à mettre en œuvre au quotidien :dans les représentations, la santé s’oppose en effet au plaisir et à la rapiditéque les Français recherchent quand ils passent à table.

L’importance de l’alimentation dansle développement des maladies aujour-d’hui les plus répandues (maladies car-diovasculaires, cancer, ostéoporose,etc.) est bien établie. Les Français sonteux-mêmes sensibles aux liens existantentre alimentation et santé, et la majo-rité d’entre eux est convaincue que l’ali-mentation influence directement sonétat de santé. Les précédentes études– principalement quantitatives – por-tant sur les représentations, les connais-sances et les comportements des Fran-çais en matière d’alimentation ontcependant mis en évidence un déca-lage entre les perceptions et lesconnaissances, les représentations etles pratiques effectives.

Afin d’optimiser l’efficacité du pro-gramme d’éducation nutritionnelledans le cadre du Programme nationalnutrition santé (PNNS), le Comité fran-çais d’éducation pour la santé (CFES)a souhaité explorer les connaissances,les croyances et les attitudes des Fran-çais en matière d’alimentation et desanté. Grâce à un financement de laCaisse nationale de l’assurance mala-die des travailleurs salariés (Cnamts), le CFES a confié au département« Consommation » du Centre de recher-che pour l’étude et l’observation desconditions de vie (Credoc) la réalisa-tion d’une étude qualitative sur lethème « Les Français, l’alimentation et

la santé » auprès d’un échantillon depersonnes de 18 à 50 ans, à Paris et enprovince.

L’alimentation, au cœur des préoccupations des Français

Les Français déclarent accorder unegrande importance à l’alimentation, quiles touche dans leur quotidien et dansleur intimité. Pour la plupart d’entre eux,

« la qualité de l’alimentation fait la qua-lité de la vie ». Leur implication dans l’ali-mentation résulte d’un cheminementpersonnel. Certains événements précis,tels que la vie en couple ou la naissanced’un enfant pour certains, l’apparitionde problèmes de santé pour d’autres, ouencore une inquiétude face aux risquesalimentaires, ont fait évoluer leur rap-port à l’alimentation.

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18 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Des attentes contradictoiresMalgré cet investissement symbo-

lique dont l’alimentation fait l’objet, lasanté n’apparaît pas comme un objectifprioritaire de l’alimentation. Les repassont perçus surtout comme des sourcesde plaisir, autant gustatif – des repasriches en saveurs – que social – s’entou-rer de proches, passer un bon moment.

La recherche de plaisir entre encontradiction avec la préoccupation

santé qui, quoique secondaire, est bienréelle, notamment chez les femmes et lesadultes d’âge moyen. On constate ainsiune tendance à opposer le « bon repas »,plutôt copieux, composé d’alimentsriches – « pommes de terre, viandes ensauce, coquilles Saint-Jacques, langue debœuf » – au «manger sain » dont l’imageévoque souvent l’univers médical, la res-triction et la discipline. « Tout ce qui estbon au goût est mauvais pour la santé »,déplore un enquêté. « Ça me dérange,qu’on me dise quoi faire » est égalementun reproche fréquemment adressé auxdiscours nutritionnels.

De plus, alors que les « bonsrepas » procurent une satisfaction immé-diate, les bénéfices escomptés de l’ali-mentation sur la santé sont éloignésdans le temps et parfois perçus commehypothétiques. « Il vaut mieux une bellevie de soixante ans qu’une vie triste dequatre-vingts ans », affirme l’une despersonnes interrogées sur le sujet. Bienplus, pour certains hommes qui défen-dent une vision épicurienne de l’ali-mentation, l’argument santé n’a devaleur qu’en cas de maladie avérée,mais n’est pas prioritaire au quotidien :« Moi, je veux bien vivre, je ne fais pasattention, mais je sais que je vais payer :diabète, cholestérol. »

La préoccupation santé s’opposeégalement à la troisième attente desFrançais vis-à-vis de l’alimentation : larapidité/praticité. L’alimentation saineest perçue comme exigeante en tempset en coût, peu adaptée aux modes devie, et en particulier à la nouvellecondition des femmes : « pour bienbouffer, il faudrait que l’un des deux netravaille pas ».

Cette vision rejoint en outre une per-ception plus générale de l’alimentation,dont les différentes étapes – les cour-ses, la cuisine, les repas, la vaisselle –sont vécues comme des corvées àeffectuer le plus rapidement possible.Les Français se tournent alors versl’offre très développée de produitsindustriels tout prêts, vers la restau-ration rapide ou à domicile, qu’ilsopposent systématiquement à une ali-mentation équilibrée.

La représentationde l’alimentation saine

Pour les Français, l’alimentationsaine se définit autour de trois notions :la naturalité, l’équilibre alimentaire et lerythme alimentaire.

Repères alimentaires

Quels sont les repères utilisés par les Fran-çais pour évaluer leur alimentation au quoti-dien ? Sont-ils suffisants ? Une partie de l’é-tude « Les Français, l’alimentation et lasanté » était consacrée à ce thème.Premier constat : les Français ne disposentpas de repères précis pour évaluer leur ali-mentation au quotidien. Pour décider si lesquantités d’aliments ou de nutrimentsconsommés sont correctes, ils ne se fondentpas sur des données chiffrées mais fontconfiance à leurs expériences et à leurs sen-sations : le bien-être, la forme et la satiétésont ainsi les repères les plus fréquemmentcités. L’évolution pondérale peut égalementjouer un rôle important.Conscients de leurs lacunes dans cedomaine, ils sont plutôt demandeurs d’infor-mations sur l’alimentation et la nutrition. Ilsattendent, par exemple, un outil pédagogiqueleur fournissant des repères pratiques, sim-ples et faciles à mettre en œuvre au quotidien(idées de recettes, informations sur lesmodes de cuisson, etc.). En revanche, ilssont totalement opposés à toute démarchedirective et autoritaire qui leur imposerait unenorme alimentaire qu’ils ne pourraient suivre.

Déroulement de l’étude

L’étude s’est déroulée durant l’automne2001, en deux phases. Dans un premiertemps, 32 entretiens individuels ont été réali-sés auprès d’un échantillon d’adultes de 18à 50 ans. Ces derniers ont été sélectionnésen fonction de critères sociodémogra-phiques (sexe, situation familiale, catégoriesocioprofessionnelle et situation profes-sionnelle) et de leur lieu de résidence (Paris,Lyon, Lille, Toulouse et Strasbourg). Laseconde phase a consisté en quatre réu-nions de groupe animées par un psychoso-ciologue. Les groupes réunissaient, à Pariset en province (Angers et Lille), une dizainede personnes choisies selon les mêmes cri-tères que pour les entretiens individuels.

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19LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Le premier axe de l’alimentationsaine, la naturalité, est symbolisé parl’image du jardin potager ou des pro-duits de la ferme : « les légumes du jar-din, les œufs fermiers, la viande decampagne ». Les aliments issus de l’agriculture biologique sont fréquem-ment cités comme des produits refuge,porteurs de cette naturalité recherchée,quoique leur coût, et de façon plusgénérale le coût de produits de qualité,soit une contrainte majeure à leurconsommation : « un steak chez le bou-cher est deux fois plus cher qu’au super-marché ».

L’idéal de naturalité rejoint aussi unepréoccupation générale sur les risquesalimentaires et sur les dérives de l’ali-mentation de masse, qui conduit bonnombre de personnes à se soucier dela provenance et de la qualité des pro-duits. « Je n’ai rien changé pour le bœuf »,nous dit cet enquêté, « mais je fais atten-tion aux légumes issus de l’agricultureintensive et aux OGM qui altèrent laqualité de l’aliment ».

L’équilibre alimentaire est un idéalfortement présent dans les représenta-tions de la bonne alimentation, mais ilne recouvre pas une réalité homogène.Plusieurs registres sont en effet évoquéspar les enquêtés quand on leurdemande de définir ce concept.

Pour beaucoup, « manger équili-bré » c’est « manger de tout », afin d’ap-porter au corps les nutriments (vitami-nes, protéines etc.) dont il a besoin. Ils’agit d’abord de « bien associer les ali-ments entre eux pour avoir une bonnenutrition ». Mais l’équilibre alimentairese traduit également par une absenced’excès qui peut rejoindre, chez certai-nes femmes, un impératif de minceur :« dans la tête des gens, manger saine-ment ça veut dire perdre du poids ».

Ces deux premiers registres sontd’ailleurs intimement liés et l’idée selonlaquelle « on peut manger de tout enpetites quantités » est largement répan-due dans la population interrogée. Cetteperception n’empêche pas cependantun classement des aliments selon leurbonne ou mauvaise image nutrition-nelle : si les légumes, les fruits, les vian-des blanches, le poisson et l’huile d’olivesont considérés comme des alimentsprotecteurs, d’autres aliments ou pro-duits, comme les conserves ou les grais-ses, sont au contraire redoutés, voire stig-matisés. « Le fromage ça fait grossir etça donne du cholestérol », affirme unepersonne, tandis qu’une autre se « méfiedes conserves, il y a trop de sel ».

Au-delà des types d’aliments et dela quantité, les enquêtés soulignent éga-lement l’importance de la préparationdes aliments pour favoriser une ali-mentation saine : « cuisiner à la vapeur,c’est très sain » est une affirmation quirevient fréquemment. Enfin, pour une

minorité de personnes, l’équilibre ali-mentaire ne se définit pas dans l’absolu,mais « peut être différent en fonction despersonnes » selon les besoins de l’orga-nisme, l’âge, le sexe, le poids ou l’acti-vité physique.

Autre dimension d’une alimentationsaine, qui ressort de cette étude : le

Perception des recommandations du PNNS

Un des objectifs de l’étude « Les Français,l’alimentation et la santé » était de tester uncertain nombre de recommandations nutri-tionnelles du PNSS et d’apporter des élé-ments de réflexion sur leur formulation, leurcompréhension et leur appropriation possi-ble par les consommateurs.De manière générale, la population interro-gée a adhéré aux recommandations pré-sentées, d’autant plus fortement qu’elles rap-pelaient ou évoquaient des informations bienétablies dans leurs représentations. Pour-tant, dans certains cas, ces recommanda-tions suscitent une certaine résistance : lespersonnes imaginent difficilement ou refu-sent de changer leurs pratiques, surtoutquand il s’agit de réduire des consomma-tions où la dimension de plaisir est impor-tante : le sucre, les graisses, etc.

Représentations de l’acte de « manger »(pourcentage de Français)

Source : Baudier F., Rotily M., Le Bihan G., Janvrin M.-P., Michaud C. Baromètre santé nutrition 1996. Van-ves : CFES, coll. Baromètres, 1997 : 180 p.

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

30 %

0

Une choseindispensable

pour vivre

Un plaisir Un moyende conserver

sa santé

Un bonmoment

à partageravec

les autres

Rien departiculier

27,4 % 26 % 22 % 16,6 %

6,8 %

Les étudessur les comportementsalimentaires

Plusieurs études sur les représentations, lesconnaissances et les comportements ali-mentaires des Français ont été menées durantles dernières années, parmi lesquelles :• Étude Suvimax (1994-2002) : étude lon-gitudinale sur 13 535 personnes adultesrecrutées au niveau national (femmes de 35à 60 ans et hommes de 45 à 60 ans).• Étude Inca, individuelle et nationale sur lesconsommations alimentaires (1998-1999) :étude transversale sur un échantillon de1 985 adultes de 15 ans ou plus, représen-tatif de la population française. Une nouvelleétude, Inca-2, doit se dérouler en 2002.• Baromètre santé nutrition adultes (1996) :étude transversale auprès d’un échantillonde 1984 adultes de 18 à 75 ans vivant enFrance, représentatif de la population adulte.Une seconde vague d’enquête s’est dérou-lée en février et en mars 2002.

Source et références : Haut Comité de la santépublique. Pour une politique nutritionnelle desanté publique en France. Enjeux et propositions.Rennes : Éditions ENSP, juin 2000 : 23-4.

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20 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

rythme alimentaire exprime l’impor-tance accordée aux circonstancesentourant la prise des repas, ainsi qu’aunombre et à la fréquence des prises ali-mentaires. Tout d’abord, pour mangersainement, il faut « se poser, prendre unpeu le temps ». Le moment et la duréedes prises alimentaires apparaissentcomme des éléments indispensablesd’une alimentation saine : « manger àdes heures régulières » est posé commeune règle de conduite par une majoritéd’enquêtés. Mais l’alimentation saine secomprend plutôt à moyen terme : lesécarts peuvent être compensés sur lajournée, voire sur la semaine, avec l’idée que « l’organisme s’adapte dansle temps ».

Des représentationsà la pratique

Même si l’alimentation est unedimension importante de la vie desFrançais, elle n’occupe que rarement unpôle prioritaire dans l’organisation del’emploi du temps, surtout pour les per-sonnes actives qui doivent gérer defront vie professionnelle, vie familialeet vie sociale. Comme le résume cetenquêté, « on fait son emploi du tempspar rapport au travail et à ses activités,pas par rapport aux repas ». La diminu-tion du temps dévolu à l’alimentation,déjà relevée lors des enquêtes quanti-tatives, est également une réalité vécue

et ressentie par la population interro-gée. « Avant, regrette-t-on, beaucoupde choses se traitaient autour d’unetable, aujourd’hui il faut être productif,on nous speede ».

Le décalage existant entre les repré-sentations d’une alimentation saine etles pratiques réelles est flagrant lorsquel’on examine les repas pris la veille. LesFrançais décrivent ainsi le déjeuner idéalcomme un repas complet et pas tropgras, comprenant un légume vert, uneviande ou un poisson et un fromage ouun dessert ; dans les faits pourtant, pourla moitié des enquêtés, le repas du mididépend du temps à disposition et se rap-proche souvent du « snacking », avecune préférence pour les produits rapi-dement disponibles et vite avalés (sand-wichs, pizzas). Le décalage est d’ailleursclairement perçu par les personneselles-mêmes – « le midi, c’est impossiblede manger sain » –, les principales rai-sons invoquées étant le manque detemps et la restauration hors foyer.

On retrouve pourtant ce même hia-tus au dîner. Idéalement présentécomme un repas léger et complémen-taire au déjeuner, les dîners décrits parles enquêtés sont plutôt consistants(pâtes, gratins), riches (charcuterie, fro-mage, vin) et conviviaux. « On se pré-pare à manger, on mange plus copieu-

sement ». La dimension de plaisir est for-tement présente : plaisir de retrouverson conjoint, ses enfants, plaisir de sedétendre et de décompresser : « Le soiron mange plus longtemps, on parle, ondiscute ».

De manière générale, seule uneminorité pense donc qu’avoir unebonne alimentation est à la portée detous. La plupart des Français estimentau contraire qu’il est très difficile d’avoirau quotidien une alimentation bonnepour la santé. Plusieurs freins sont évo-qués et en premier lieu, comme nousl’avons vu, des contraintes collectives(rythme de vie, obligations profession-nelles). Quelques personnes mention-nent également des questions de coût,en expliquant que « les choses bonnespour la santé sont souvent plus chères ».

Réflexions pour l’actionÀ la suite d’autres études sur le rap-

port des Français à l’alimentation et àla santé, cette enquête qualitativeauprès des 18-50 ans confirme l’impor-tance accordée par la population à cethème. À travers l’exploration des ten-sions et des enjeux structurant les liensentre santé et alimentation, des ques-tions émergent, qui sont autant de pis-tes pour des actions futures :•Comment prendre en compte, dansles actions nutritionnelles, les diversesattentes des Français à l’égard de l’ali-mentation ?•Comment promouvoir l’idée que man-ger sainement n’est pas forcément syno-nyme de restriction ou de contrainte ?•Comment réconcilier une recherchede santé avec des modes de vie perçuscomme contraignants par une majoritéde Français ?

Certaines actions présentées dans cedossier (campagne de communication,guides alimentaires pour le grandpublic et les professionnels) prennenten compte et prolongent ces diversrésultats.

Stéphanie Pin

Sociologue,

service Études et évaluation, CFES,

Jean-Pierre Loisel

Directeur du département Consommation,

Credoc,

Agathe Couvreur

responsable adjointe

du département Consommmation,

Credoc, Paris.

Les diverses influences sur la composition des menus selon l’âge(pourcentage de Français)

Source : Baudier F., Rotily M., Le Bihan G., Janvrin M.-P., Michaud C. Baromètre santé nutrition 1996. Vanves : CFES, coll. Baromètres, 1997 : 180 p.

10 %

20 %

30 %

40 %

50 %

60 %

70 %

80 %

018-29 ans 30-39 ans 40-49 ans 50-59 ans 60-75 ans

Habitudesfamiliales

Santé Temps depréparation

Budget

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21LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Les apports des sciences humaineset sociales à la compréhension descomportements alimentaires

L’alimentation est un élément fondateur de nos cultures et de nos identités.Face à la tendance moderne de médicalisation de l’alimentation, les scienceshumaines peuvent ainsi aider à comprendre le sens des goûts et desdégoûts, des habitudes et des désirs. Elles peuvent ainsi redonner auxsciences de la nutrition leurs valeurs humanistes et de respect initiales.

Depuis les développements de l’épi-démiologie et de la pensée hygiénisteà la fin du XIXe siècle, l’idée de chan-ger les habitudes alimentaires pour queles hommes soient en meilleure santéest à la fois un horizon et une justifica-tion de la recherche scientifique enmatière de nutrition. Cependant, trèsvite, ces ambitions réformistes se sontheurtées à des difficultés majeures.Changer les habitudes alimentaires s’estrévélé beaucoup plus compliqué qu’onne pouvait le penser. La conceptionimplicite de ce que l’on peut appeler l’idéologie des régimes postule un man-geur « libre de ses choix » et rationneldans ses décisions. Or les décisionsalimentaires ne sont ni des décisionsindividuelles, ni des décisions ration-nellement simples. On sait de plus queni l’accumulation, ni même la compré-hension des connaissances nutrition-nelles ne sont suffisantes pour fairechanger les habitudes alimentaires desindividus. Les sciences humaines etsociales ont alors été convoquées pouraider à cet ambitieux projet.

La difficulté principale à l’étude desdimensions sociales de l’alimentationtient au fait qu’à l’intérieur d’un espacesocial particulier, elles relèvent de l’allant de soi. Les « goûts » sont peuappréhendés et leurs connotations cul-turelles hédoniques ne s’accordent pasbien avec l’idée largement répandueque les « exigences » de santé devraient« rationnellement » s’imposer.

Les conceptions les plus courantesdes comportements alimentaires sontcentrées :- sur les contraintes économiques liéesà l’offre (disponibilités, système de pro-duction-distribution et caractéristiquesdes produits) et aux mécanismes derépartition des revenus ;- ou bien sur les déterminants physio-logiques, notamment dans les analysesdes nutritionnistes.

La différentiation sociale des pra-tiques est quelquefois repérée, mais sonanalyse se réduit le plus souvent auconstat d’une influence de la culture.

Tant que le niveau de développe-ment économique est faible, les com-portements des mangeurs sont forte-ment contraints par les disponibilitésdes aliments, le plus souvent insuffi-sants, et par les faibles pouvoirs d’a-chats. Dans le contexte d’abondancedes pays riches, même si la précarité n’apas disparu, la majorité des mangeursont moins de contraintes et peuventdavantage effectuer leurs choix en fonc-tion de leurs préférences. Mais les pré-férences, les attitudes à l’égard des ali-ments sont très liées aux systèmes dereprésentations des mangeurs (1).Ainsi, par exemple, dans la culture desindividus néophytes en nutrition, cesont les aliments et non les nutrimentsqui sont porteurs de sens. La composi-tion nutritionnelle n’a pour eux guèreplus de sens que le poids des matériaux

composant une voiture. De même, lacroyance très répandue « ce qui est bonau goût est bon pour la santé » en estune illustration.

La culture et les représentationsLa culture est au sens général le sys-

tème de représentations qui permet auxindividus de décoder les éléments deleur environnement en donnant dusens aux stimuli liés à la nature, auxobjets et autres individus (2, 3). Les indi-vidus évoluent depuis leur plus jeuneâge dans des environnements naturels,techniques, économiques et sociauxqui constituent les bases de leurs sys-tèmes de représentations. Ces confron-tations des individus à leur environne-ment sont mémorisées et s’agrègentdans une sorte d’encyclopédie « d’i-mages mentales qui sont à la base denos pensées, stockées sous forme dereprésentations potentielles » (4).

Les modèles alimentaires qui sont unensemble de catégories imbriquées lesunes dans les autres, définissent pourun individu son ordre du mangeable(ce qu’il considère comme des alimentspour lui), les formes de prises alimen-taires (combinatoire des aliments pourformer un repas), les styles de cuisines,les formes de convivialité, la répartitiondes rôles familiaux dans les activités ali-mentaires, etc.

Les mangeurs construisent leurs caté-gorisations de leur environnement beau-

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coup plus de manière binaire selon unprocessus de pensée magique que parune approche « rationnelle » scientifiqueprenant en compte les différents élé-ments de manière hiérarchisée. Lesreprésentations de la nature détermi-nent, par exemple, la perception desnectarines et des OGM, l’attrait du« bio » et des produits de saison.

Ainsi, les aliments sont catégoriséscomme comestibles en fonction de cer-taines images : mangez-vous de la cer-velle, des tripes, du chat, du rat ? La caté-gorisation du comestible dépendégalement de l’association des alimentsselon des logiques culinaires et gastro-nomiques. Par exemple, auriez-vousenvie de goûter une recette de crevettesau chocolat ?

L’alimentation est ainsi un élémentessentiel de repérage identitaire : ellepermet la communication entre les indi-vidus de groupes proches et distingueles groupes selon leur système dereprésentations et de normes. Parexemple, « il a bu son verre comme lesautres » est un signe de reconnaissanced’appartenance au groupe.

Cette dimension de l’alimentation estessentielle car les individus considèrentde façon plus ou moins consciente qu’ilsdeviennent ce qu’ils mangent tant sur leplan physiologique que symbolique (2).

La culture de l’individu et de songroupe est généralement considéréecomme supérieure à celles des autresgroupes : c’est l’ethnocentrisme. Et dansles processus de confrontation culturellecomme les cas des populations immi-grées, le souci de maintien d’identité setraduit par un abandon des habitudesalimentaires d’origine seulement à laseconde voire la troisième génération etsouvent après l’abandon de la langue.Les conseils nutritionnels aux immigrésdoivent donc bien intégrer qu’ils peu-vent être interprétés comme une perted’identité et donc rejetés.

Les attitudes et les préférences alimentaires :le poids des émotions

Les représentations et leur ordreconditionnent ainsi les attitudes, en pré-férences pour ce qui leur correspond,et rejets de ce qui est différent (5). Ce quiest en dissonance par rapport aux repré-sentations provoque un trouble cognitif

et un rejet : accepteriez-vous de mangerdu rat ? C’est le cas le plus fréquent vis-à-vis des innovations et l’attitude peutêtre alors modifiée par effet d’imitation :vous acceptez de goûter un nouvel ali-ment si vous voyez quelqu’un en man-ger. Ce qui est contraire à l’ordre, c’est-à-dire le désordre, provoque l’aversion,le dégoût : une recette de crevettes auchocolat, remplacer le beurre par l’huiled’olive. La représentation de la contagion(6) entraîne le dégoût vis-à-vis de l’as-siette dans laquelle vous trouvez un che-veu ou du fruit si vous trouvez un verdedans. Ces exemples sont choisis parmiles extrêmes pour bien montrer que tou-tes les propositions de modification derépertoires et de recettes peuvent pro-voquer ces types de réticences commetoutes les nouveautés et les « désordres ».Et même pour ceux qui acceptent degoûter des nouveautés, il faut se rappe-ler qu’ils ne les trouvent généralementpas bonnes les premières fois et qu’il fautun temps d’accoutumance, de familiari-sation pour que les nouveaux profilssensoriels soient appréciés. En préconi-sant des changements de régimes, ilimporte donc de préciser que certainsefforts seront nécessaires avant de com-mencer à apprécier.

Les attitudes sont également déter-minées par les émotions liées à la régu-lation homéostatique (7). Le cerveauenregistre en mémoire les expériences(influence des comportements d’ap-prentissage sur les futures représenta-tions et émotions) selon leurs effetspositifs ou négatifs sur le corps. Les sti-muli source d’effets positifs provoquentl’attirance (l’exemple du chocolat et lapréférence innée pour le sucré) et à l’in-verse, ceux qui ont eu des effets néga-tifs provoquent l’aversion (la mémoired’un trouble digestif associé à un ali-ment peut entraîner le dégoût). Il peuten être de même pour les produits quiprovoquent des allergies ou des into-lérances mal décelées…

Mais ces effets sont complexes etpeuvent entraîner des attitudes inversesselon que les individus considèrent leplaisir ou la santé (« ce n’est pas bonpour mon cholestérol, mais je ne peuxpas résister », « j’aime bien le gras », « jene peux pas manger sans sauce ») etselon la prise en compte du court termecomme les effets post-ingestifs ou dulong terme. Ainsi, les femmes enceintessurveillent leur régime alimentaire pour

leur ligne future et pour les consé-quences qu’elles imaginent chez leurenfant.

La perception des effets sur le corpss’effectue ainsi à travers la culture (8).Par exemple, de nombreux Françaisrefusent les recettes sucrées-saléesparce qu’ils pensent que le mélange sedigère mal. Le régime pour ne pas gros-sir répond autant à une conformité auxnormes culturelles de l’esthétique ducorps, qu’à une préoccupation de santé.

La santé ne se réduit pas à un réflexede survie, mais est perçue par le filtredes représentations qui sont connotéesselon les cas au bien-être, à la durée devie et au non-vieillissement (9).

La culture joue un rôle aussi impor-tant sur les attitudes que les stimuli dusystème de régulation homéostatique,mais de nombreux exemples permet-traient de montrer que la culture et lesémotions ne sont pas indépendantes.Ainsi, la faim rappelle suffisamment àl’ordre pour que la plupart des indivi-dus ne puissent pas passer une journéesans manger, mais par acquis culturel,ils vont manger quand c’est l’heure.Face à ceux qui disent « j’aime bienmanger », « j’ai toujours faim » ou « jene résiste pas au grignotage », lesréflexions sur les repas structurés et legrignotage doivent donc être menéesavec beaucoup de précaution.

Les comportements sont ainsi déter-minés par cet ensemble complexe desattitudes, émotions et culture. La déter-mination culturelle peut être directecomme dans les interdits de type reli-gieux (le ramadan, la viande le ven-dredi saint) ou des normes comme l’in-terdiction de jeter de la nourriture etdonc l’obligation de finir son assiette.

L’importance des apprentissages

Les comportements ont égalementune influence sur les représentations etles attitudes par les apprentissages. Lacatégorisation se constitue en fonctionde l’environnement alimentaire parfamiliarisation (10). Les stimuli des ali-ments sont mémorisés en association àtous les éléments des contextes d’ap-provisionnement et de consommation(11, 12). Les produits et leurs contex-tes forment ainsi des couples indisso-ciables dans les cultures alimentaires.

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- les produits disponibles : quantitésselon lieux, saisons, etc. ;- et leurs caractéristiques : « qualités »,prix ;•de la répartition des résultats selon lesrelations sociales : distribution des reve-nus ;•de la répartition des rôles dans le sys-tème social global (femme « au foyer »ou salariée, restaurants, etc.), qui entraî-nent des contraintes spatio-temporellespour les préparations (15) et les savoir-faire culinaires.

De même, les prises alimentairesindividuelles ou collectives se réalisentdans le jeu de contraintes liées aux au-tres comportements :- les activités de production : lieux,temps, rôles sociaux (« je n’ai pas letemps de faire les courses » ;- les activités non productives : repos,loisirs (« je n’ai pas envie de cuisiner ») ;- les approvisionnements et pratiquesculinaires (« je mange souvent au res-taurant », « je mange un sandwich tousles midis »).

L’ensemble de ces contraintes et deces représentations détermine les

contenus des prises alimentaires, lesformes (espaces, temps, ustensiles,manières de table, etc.), et les contex-tes de consommation (prises indivi-duelles ou collectives). Autant d’élé-ments à prendre en compte dans lesconseils nutritionnels.

Les ambitions éducatives en matièrede nutrition doivent être resituées dansun mouvement plus large de médicali-sation de la société. L’éducation nutri-tionnelle s’inscrit en effet dans un pro-cessus de promotion globale de lasanté. Quels effets peut-on attendre oudoit-on craindre de ces interventions ?Sur quelles conceptions plus ou moinsimplicites des mangeurs reposent-elles ?Quelle est leur pertinence par rapportaux mangeurs français ? Enfin, en quoila sociologie de l’alimentation peut-elleêtre utile dans ce type de projet ?

La « médicalisation »de l’alimentation

La médicalisation de l’alimentationsubstitue aux raisons gastronomiquesou symboliques, sur lesquelles s’articu-lent les décisions alimentaires, des rai-sons d’ordre médical. Les risques que

Comme la langue et d’autres appren-tissages corporels (marche, nage, etc.),les apprentissages et la constitution desreprésentations alimentaires se font engrande partie au cours de l’enfance (11,13). Ainsi s’élabore la culture individuelleet sociale qui permet au cerveau d’in-terpréter les significations des stimuli, deréagir en conséquence selon des émo-tions primaires et/ou selon les normesdu groupe social d’appartenance.

L’apprentissage de l’enfant s’effectueaussi par observation des adultes (et enparticulier la mère à laquelle sont asso-ciées les perceptions de nombreux ali-ments), par imitation des pairs et par le respect des normes dans un souci d’identification sociale. L’imitation desparents lors de l’enfance et des copainsdu même âge lors de la pré-adoles-cence et l’adolescence est ainsi trèsimportante à intégrer dans les conseilsde modifications des comportementsalimentaires.

L’encyclopédie d’images mentalesainsi constituée sert ensuite à l’individude référentiel qui donne du sens auxstimuli de l’environnement commedans l’exemple réputé de la madeleinede Proust. Il est donc important de serappeler le contexte de l’enfance desindividus qui a contribué à formerleurs préférences. Il est ainsi plus facilede relancer la consommation de légu-mes et de pain chez des adultes quien ont beaucoup consommé lors deleur enfance que chez des jeunes demoins de 20 ans qui en ont générale-ment peu consommé. Il faut égalementnoter que les changements des habi-tudes et préférences alimentaires sontencore plus difficiles chez les adultesque chez les enfants.

Les comportementsalimentaires dans l’ensembledes comportements

Enfin, les comportements ont eux-mêmes des influences réciproques entreeux dans le système de contraintes liéesà la nature et temporelles. Les compor-tements dans un champ particuliercomme l’alimentaire sont ainsi condi-tionnés par les autres pratiques (14).

Les choix d’approvisionnements etde préparations culinaires dépendentà la fois des résultats :• de l’offre provenant du système deproduction-distribution :

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fait courir l’alimentation quotidiennepour la santé, mais aussi les bénéficesqu’une alimentation équilibrée (au sensnutritionnel) permet d’espérer, légiti-ment le discours médical. L’idée que l’alimentation puisse être un levier de lasanté n’est pas une idée neuve. Elle estprésente sous la forme de diététiquesprofanes dans toutes les cultures.Claude Lévi-Strauss a même montréque, loin de relever de l’irrationnel, ungrand nombre des connaissances dessociétés traditionnelles relatives auxplantes, aux minéraux et à leurs effetssanitaires, non seulement méritait notrerespect mais aussi pouvait être l’objetd’une approche scientifique moderne àtravers les ethnosciences. Cependant,dans les modèles alimentaires tradi-tionnels, le sanitaire n’est jamais le seulhorizon de sens. La « médicalisation » del’alimentation n’est donc ni nouvelle, niproblématique tant que le nutritionnelne devient pas dominant et n’éclipse pasles autres univers alimentaires (goût,identité et socialité).

Historiquement, la culture alimen-taire française, qui surdéveloppe lesdimensions gustatives et gastrono-miques, est peut-être sur ce point uneexception. Dans des travaux récents,Jean-Louis Flandrin avance l’hypothèseque la gastronomie a émergé aumoment où les diététiques profanes,fondées sur la catégorisation hippocra-tique des aliments (chaud/froid,sec/humide) et des tempéraments, ontété remises en cause par la sciencemoderne. « Cette invention (la culturedu goût) est survenue, en France, aumoment où les progrès de la chimie et dela physiologie expérimentale mettaientà mal l’ancienne diététique hippocra-tique. Longtemps vassalisée par la méde-cine, la cuisine s’en est donc libérée, len-tement et sans bruit, au cours des XVIIe

et XVIIIe siècles » (14). Le goût apparaîtalors comme le but principal de l’ali-mentation française. Mais il s’agit icid’un goût en rupture avec la conceptiond’Avicenne, dominante à l’époque,selon laquelle « si le corps de l’hommeest sain, toutes les choses qui lui ontmeilleure saveur à la bouche, mieux lenourrissent ». C’est un goût au servicedu plaisir et du processus de différen-ciation sociale. Dans la culture gastro-nomique française, les dimensionsnutritionnelles de l’alimentation passentà l’arrière-plan. C’est la raison pourlaquelle le processus de médicalisation

de l’alimentation s’est développé enFrance moins rapidement que dans lespays anglo-saxons.

Cependant, l’affaiblissement – réel ousupposé – des modèles alimentaires tra-ditionnels et le déplacement d’un certainnombre de décisions au niveau de l’in-dividu contribuent en France au déve-loppement d’une demande de conseilsen matière d’alimentation (16). Cettedemande s’exprime tant dans la relationentre le médecin généraliste et sonpatient que dans les résultats de nom-breuses enquêtes. En ce qui concerne lesmédecins généralistes, ils apparaissentcomme les interlocuteurs les mieux àmême de donner des conseils car lesmieux placés pour comprendre leurspatients dans leur globalité.

La pression du modèle d’esthétiquecorporelle participe également au pro-cessus de médicalisation. Il y a, enFrance, parmi les personnes qui sou-haitent perdre du poids presque autantde personnes « maigres » ou de poids« normal » (46 %) que de personnes « ensurpoids » ou «obèses » (54 %). Le désirde maigrir est ainsi pratiquementdéconnecté du besoin de maigrir pourraisons de santé, besoin qui est théori-quement fonction de l’indice de massecorporelle (8, 16-18).

Faire fi de la diversité des dimensionsculturelles de l’alimentation ne serait passeulement une erreur stratégique, maisaussi perdre de vue que dans l’alimen-tation, s’expriment les désirs les plusprofonds des individus et le sens de lavie d’une communauté humaine. Sortirde l’opposition sciences positives(issues de la biologie) et irrationalité des cultures, voilà l’enjeu auquel noussommes aujourd’hui confrontés. Lesconnaissances des sciences de la nutri-tion doivent se mettre au service de l’é-volution des pratiques dans le respectdes modèles alimentaires. Éviter deréduire l’alimentation à sa seule dimen-sion nutritionnelle permettra de renoueravec la grande tradition humaniste deJean Trémolières, le fondateur de lanutrition française.

Jean-Louis Lambert

Professeur de sociologie,

ENITIAA,

Jean-Pierre Poulain

Maître de conférence en sociologie,

Université Toulouse Le Mirail.

◗ Référencesbibliographiques

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L’ogre du Nord–Pas-de-Calais« Profigraicaosuglu » : c’est le nom de la formule magique qui vient en aide àun ogre désemparé par son régime alimentaire. Un spectacle pour amorcerjoyeusement avec des familles des réflexions sérieuses sur les pratiquesalimentaires dans une démarche globale de santé.

Le programme « Alimentation : pra-tiques et santé » est né d’une volontécommune du Comité régional d’édu-cation pour la santé (Cres) duNord–Pas-de-Calais et de profession-nels de structures amenées à faire del’accompagnement alimentaire – centred’hygiène alimentaire et d’alcoologie,centre de santé, centre hospitalier, etc.Tous souhaitaient réfléchir à un typed’action d’éducation nutritionnellenovateur dans la région. Fin 2001, leCres a lancé ce programme, financé parla Drass, la Cram et le Conseil généraldu Pas-de-Calais dans le cadre du Pro-gramme régional de santé « Santé car-diovasculaire », sur huit sites.

Ce programme a pour objectifs d’in-viter les familles à se questionner surleurs pratiques alimentaires (habitudeset choix, histoire familiale ou régio-nale), de façon ludique, en prenant durecul sur leur quotidien, sans jugementni culpabilisation, de trouver elles-mêmes des réponses, de partager leursavoir-faire avec d’autres et de propo-ser d’autres actions de santé.

Une approche, une méthode Le Cres a élaboré une démarche de

conseil et d’accompagnement métho-dologique pour toute équipe désireusede mettre en place des actions d’édu-cation pour la santé sur l’alimentation.Il s’agit avant tout d’aider, de favoriseret de compléter les initiatives d’acteurslocaux du secteur social, éducatif ousanitaire en construisant des actions àpartir de leurs expériences et des atten-tes ou demandes exprimées par lesfamilles. Le Cres et le Comité départe-mental d’éducation pour la santé duPas-de-Calais (CDES 62) apportent une

aide et un suivi allant de la conceptiond’un projet à sa mise en œuvre, en pas-sant par des soutiens techniques pourmener et évaluer des actions.

Trois outils complémentaires•Un spectacle « Profigraicaosuglu ».

Cette aventure musicale, écrite parJean-Jacques Commien, met en scèneun savant professeur de nutrition dis-courant devant des enfants sur les bien-faits d’une alimentation équilibrée, jus-qu’à l’arrivée tonitruante d’un ogredéboussolé par un régime alimentaireanarchique qui l’appelle au secours. Leprofesseur est ainsi amené à pronon-cer, puis expliquer sa formule ma-gique « Profigraicaosuglu » pour conju-guer en rythme et avec le sourireforme, santé, alimentation et plaisir…Le spectacle ne cherche pas à apporterles « bonnes réponses », mais à aiderle public à se poser des questions surl’alimentation et à favoriser le dialogueentre parents et enfants. En début deprogramme, c’est un moyen d’amorcerune réflexion par rapport à ses habitu-des alimentaires.

• Un CD audio du spectacle estremis à chaque famille ayant assisté àla représentation. Il comprend un li-vret, rédigé par les diététiciennes duCres, qui glisse entre les paroles deschansons, des conseils, informations,repères concrets et astuces à destina-tion des parents.Il aborde la question de l’adéquationdes apports alimentaires aux besoinsénergétiques, celle des sucreries, desgrignotages, du goûter, du surpoids etde l’image de soi, du rythme de vie etdes rythmes alimentaires, des goûts etdégoûts, des groupes d’aliments, des

sollicitations commerciales, du plaisirde cuisiner, de la convivialité. Sur un ton de déculpabilisation et demise en avant des savoir-faire, le CD etson livret permettent aux familles depoursuivre les réflexions amorcées lorsdu spectacle.

•Un cahier méthodologique pouraider à mettre en place des actions dansle cadre du programme. Ce document,en cours de finalisation, est élaboré enlien avec les acteurs de terrain et s’en-richit de ce qui émerge de l’expéri-mentation du programme. Il comporte des rappels sur l’éducationpour la santé, présente la démarche deprojet, des partenaires possibles, d’au-tres outils pédagogiques, une biblio-graphie, et invite les acteurs à travaillerà partir du spectacle en donnant diver-ses pistes d’activités, par exemple :- chanson de Gédéon (pour calmer l’o-gre, le professeur lui donne ce qu’ilaime) : choix de la facilité pour éviterd’avoir à gérer un conflit ;- chanson du grignotage : qu’est-ce quegrignoter, pourquoi le fait-on, dansquelles conditions, etc. ;- chanson « profigraicaosuglu » : lesgroupes d’aliments ;- jambon purée : stratégies pour inciterà goûter, valorisation de la variété ali-mentaire ;- chanson du caddy : influence deslieux de consommation, de la publicité,des médias et des pairs sur les choix etachats alimentaires ;- chanson « ma mère » : transmission dusavoir culinaire, implication de tousdans la préparation des repas, renfor-cement des échanges et des liens, alter-native au temps passé devant la télévi-sion ou les jeux vidéo.

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Exemple du sitede Berck-sur-Mer

Plusieurs professionnels mobiliséslocalement autour d’actions d’éducationnutritionnelle souhaitaient être accom-pagnés pour poursuivre leur travail surl’alimentation et la santé. La caisse pri-maire d’assurance maladie de Boulo-gne-sur-Mer, le Cres et le Codes ont ainsitravaillé à la mise en place du pro-gramme avec un groupe de profession-nels et de bénévoles comprenant lacoordonnatrice du Programme territo-rial de santé, des diététiciens hospita-liers, des infirmières scolaires, une élue,des salariés du conseil général, duCCAS, de crèches et haltes-garderies,d’instituts médico-éducatifs, de clubs etrésidences de personnes âgées, de cen-tres sociaux, etc. Ce comité de pilotagea décidé de lancer le programme parl’organisation de deux représentationshors du temps scolaire, devant un publiclarge, volontaire et familial, pour réunirparents et enfants autour des questionsrelatives à l’alimentation, sans pourautant exclure les adultes appartenant

à la sphère éducative de l’enfant (ensei-gnant, assistante maternelle, etc.). Danscette optique, ils ont opté pour un sys-tème d’entrée libre et une communica-tion large sur la tenue du spectacle paraffichage et par le biais de leurs réseauxrespectifs en diffusant l’information dansla ville mais aussi dans toutes les peti-tes communes des environs. Deuxreprésentations ont donc été organiséesen mars 2002 : un mercredi après-mididevant un public de quatre cents per-sonnes, constitué de familles, d’enfantsde centres de loisirs, de personnesâgées, d’assistantes maternelles, d’étu-diants, de personnes handicapées, et unmercredi soir devant un public de deuxcents personnes, exclusivement familial.

Au cours d’un buffet organisé aprèschaque représentation, les spectateursétaient invités à remplir un question-naire pour recueillir leur avis concer-nant le spectacle ainsi que leurs atten-tes, demandes et éventuelles envies depoursuivre une réflexion sur l’alimen-tation et la santé. Le dépouillement de

ces questionnaires, actuellement encours, permettra de préciser des prio-rités d’actions pour la suite du pro-gramme.

En interpellant parents et enfants ausujet de leurs habitudes alimentaires,puis en cherchant à travailler sur leursreprésentations, connaissances etsavoir-faire, ce programme constitue unmoyen d’accroître leurs aptitudes àadopter des comportements alimentai-res favorables à leur santé.

Christelle Duchêne

Chargée de mission,

service Appui au développement

de l’éducation pour la santé, CFES.

Contact :Florence TrouartComité régional d’éducation pour la santé duNord–Pas-de-CalaisMRPS, 13 rue Faidherbe59046 Lille Cedex

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27LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

« Mon restau en l’an 2002 »Un protocole d’essai d’intervention éducative en restauration scolairepour des enfants de 6 à 11 ans est entrepris depuis 2000. Présentation de l’expérimentation et premiers résultats.

« Mon restau en l’an 2002 » est unprogramme d’éducation nutritionnelle,initié par la ville de Montpellier en par-tenariat avec l’espace de préventionÉpidaure du Centre régional de luttecontre le cancer, centre ressources del’Inspection académique de l’Hérault.Destiné aux enfants fréquentant les éco-les élémentaires de la ville, il réunit lespersonnels techniques de la cuisinecentrale, les agents et équipes d’ani-mation des restaurants scolaires, ainsique les enseignants et représentants desparents des écoles concernées.

Ce protocole initié en 2000, estpiloté de manière collégiale par uneéquipe pluridisciplinaire qui s’estrépartie différentes fonctions et mis-sions. Un enseignant et une aide-édu-catrice du centre Épidaure proposent laconception et l’animation des activitéspédagogiques ainsi que l’informationen direction des enseignants. Le direc-teur des cuisines centrales de la ville deMontpellier assure la mobilisation desmoyens et des équipes techniquesimpliquées dans le projet au niveaucentral. La diététicienne des cuisinescentrales a en charge la programmationet la coordination des interventionsdans les restaurants ainsi que l’infor-mation des animateurs et agents tech-niques. À chaque étape, des validationssont assurées à la fois par l’inspecteurd’académie, le directeur scientifiqued’Épidaure (CRLC) ainsi que l’adjointau maire à l’enseignement de la ville deMontpellier.

Les objectifs poursuivis sont de deuxordres. Il s’agit, d’une part, de travailleravec les enfants afin d’améliorer leursconnaissances sur l’alimentation, la nutri-tion et les métiers de la restauration, etégalement de développer leurs aptitudes

sensorielles et gustatives. D’autre part, le programme se fixe comme objectifsde développer, chez les enfants, descompétences qui dépassent le cadre dela nutrition et de la restauration scolairepour s’inscrire dans une dynamique pluslarge de promotion de la santé. Ces com-pétences se déclinent autour de troisaxes : aiguiser l’esprit critique, favoriserl’expression et la créativité, et inscrire lesenfants dans une démarche citoyennede « bien vivre ensemble ».

Un dispositif d’actionspédagogiques diversifié

Le dispositif d’action s’appuie surune approche globale de l’élève, uneméthode active et une démarche parti-cipative et communautaire, associanttous les acteurs directs ou non, les per-sonnels techniques ou éducatifs.

Ainsi, des rencontres-débat avec lesprofessionnels de la cuisine (cuisiniers,chauffeurs, qualiticienne, diététicienne,etc.) sont organisées chaque semaine.Elles permettent aux enfants d’exprimer

leurs inquiétudes, de poser leurs ques-tions du style « les omelettes que l’onmange sont-elles faites avec des œufs ouavec de la poudre ? Pourquoi n’avons-nous jamais de glaces en dessert ? ». Larencontre avec les différents personnelsleur permet de mieux comprendre lepourquoi et le comment de leurs repasà l’école, et cet échange permet d’in-former et de dédramatiser les nouvellesqu’ils reçoivent en abondance dans lesmédias. Chaque semaine également,une animation ludo-éducative (chasseau trésor, etc.) permet de travailler surles familles d’aliments et leur fonctionnutritive.

Le lien entre les différents inter-venants de la communauté éducativepeut s’établir grâce à l’organisation derepas-événement. Les enseignants, lesreprésentants des parents, les élus sontinvités par les enfants à venir déjeunerau restaurant scolaire de leur établisse-ment. Lors de ce repas, le menu est clas-sique mais à cette occasion, les enfantssont amenés à exercer leur capacité à

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faire des choix par l’intermédiaire duplateau de fromages. De même, le des-sert est entièrement confectionné parles enfants. Un adulte invité s’assied àchaque table et un lien se crée avec lesenfants. Cela permet aux élèves de pré-senter leur lieu de restauration à desadultes qui n’ont pas fréquenté cetendroit depuis fort longtemps et quiconservent des représentations quidatent de leur propre enfance. De plus,cela peut permettre aux adultes de fairelien entre ce qui se passe en classe et àla cantine et inversement, comprendrecomment ce qui se passe à la cantinepeut influencer la vie en classe.

Afin de dépasser le seul cadre de larestauration scolaire et d’intégrer l’en-semble des enfants dans le programme(y compris ceux qui ne mangent pas àl’école), des activités socio-éducativessur le temps périscolaire et des activi-tés pédagogiques en classe sont égale-ment mises en œuvre. Des kits de jeuxsur l’alimentation et la nutrition sont misà disposition des animateurs munici-paux et des livrets comportant une séried’exercices et de jeux permettent defaire le point sur les connaissances etattitudes des enfants de manière trèstransversale aux différents enseigne-ments. Enfin, une exposition interactiveà la disposition des classes est installéedans l’école.

Toutes ces actions, outre servir lesobjectifs définis au début du program-me, tendent à créer un lien entre tous lesintervenants et avec les enfants afin demieux se connaître, mieux se compren-dre et donc « mieux vivre ensemble ».

Premières évaluationsLe programme en est à sa troisième

session ; il a concerné à ce jour près de3 500 enfants fréquentant une vingtained’écoles et leurs restaurants. À terme, ceprogramme devrait impliquer tous lesélèves des classes élémentaires etmaternelles des écoles de la ville, soitun total de 18 000 enfants.

L’évaluation en cours porte sur la per-tinence du programme par rapport auxpriorités de santé publique, de l’Éduca-tion nationale et des services socio-édu-catifs de la ville, mais également sur lesrésultats de ce protocole d’essai :- l’amélioration des connaissances desenfants en matière d’alimentation etnutrition ;- le développement par les enfants decompétences sensorielles, gustatives ;- l’affirmation chez les enfants d’aptitu-des instrumentales et psychologiquesà la communication, l’argumentation,l’esprit critique pour la prise de déci-sion ;- son impact sur l’évolution des repré-sentations des enfants par rapport auxattitudes et comportements en matièred’alimentation, nutrition et restaurationcollective ;- la mesure de l’indice de diffusion del’information auprès des familles.

La méthode d’évaluation consiste àproposer un questionnaire aux enfantsavant et après l’action, puis deux moisaprès la fin de l’action. Les enseignants,les équipes d’animation et les parentssont également consultés dans lasemaine qui suit l’intervention. Parallè-lement, cinq écoles non exposées au

programme servent de témoins et per-mettent de mesurer des écarts.

Les premiers résultats des évalua-tions en cours montrent un indice posi-tif de satisfaction des divers intervenantset partenaires. Du côté des enfantsayant participé à l’ensemble du pro-gramme, une augmentation significa-tive des connaissances est observée. La session en cours devrait permettred’affiner les observations sur l’évolutiondes attitudes et comportements desenfants. Les résultats de cette étude sou-tenue par la Drass et l’Urcam serontprochainement publiés.

Perspectives Sur la base de nos diverses évalua-

tions, les trois prochaines sessions duprogramme consisteront à la mise enplace d’un dispositif similaire en direc-tion des enfants des écoles maternelles.Pour ce public, si la finalité reste iden-tique, cela implique bien sûr de revoirla formulation des objectifs spécifiqueset opérationnels ainsi que l’adaptationdes outils à mettre à disposition desdiverses équipes éducatives.

Jean-Christophe Azorin

Professeur des écoles,

Responsable pédagogique

du centre ressources Épidaure,

Danièle Alart

Diététicienne des cuisines centrales

de la ville de Montpellier,

Pr Hélène Sancho-Garnier

Directrice scientifique d’Épidaure

CRLC supervision du programme

Bruno Housseau

Chargé de mission,

service Appui au développement

de l’Éducation pour la santé, CFES.

Épidaure est l’espace de prévention du Cen-tre régional de lutte contre le cancer. Dansle cadre d’une convention avec l’Inspectionacadémique de l’Hérault, il abrite un centreressources dédié à la promotion de la santéà l’usage des enseignants et des élèves dela région. Épidaure a une audience annuellemoyenne de 20 000 enfants et jeunes enga-gés dans des projets santé. L’équipe pluri-disciplinaire d’Épidaure travaille sur quatreaxes : information et communication, for-mation, recherche et production, évaluation.

Épidaure - 1, rue des Apothicaires34298 Montpellier cedex 5 - tél. 04 67 61 30 [email protected]/prevent.htm

Évolution des résultats au test de connaissancesavant et après animation. Session 2000-2001.

20 %

40 %

60 %

80 %

100 %

0

Juste

Avant Après

Faux

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29LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Des rencontres-formationpour les collèges et les lycéesde Languedoc-Roussillon

Pour accompagner et développer un programme régional santésur l’alimentation et la nutrition, des rencontres permettant l’échanged’expériences et l’apport d’informations nutritionnelleset méthodologiques ont été organisées dans cette région.

Le Comité régional d’éducationpour la santé (Cres) du Languedoc-Roussillon, l’Agence méditerranéennede l’environnement, un comité de pilo-tage composé d’experts de la nutrition,de l’éducation, de l’éducation pour lasanté, de parents d’élèves... et dix-huitétablissements scolaires volontaires dela région travaillent depuis deux ans surun projet intitulé « Alimentation et santédes lycéens et collégiens en Languedoc-Roussillon ».

Ce projet, dont l’objectif est de favo-riser et de soutenir, par une dynamiqued’échanges et de partenariats, la mise enplace d’actions incluant les principes del’éducation pour la santé sur le thème del’alimentation, s’inscrit dans le cadre duProgramme régional de santé (PRS) Ali-mentation et nutrition du Languedoc-Roussillon, qui existe depuis 1998. Il est,par ailleurs, un relais du Programmenational nutrition santé (PNNS).

Connaissance de la situationC’est par un questionnaire d’enquête

permettant d’identifier les établisse-ments scolaires de la région quimenaient des actions sur le thème del’alimentation qu’a débuté, en 1999, ceprojet. Cette première phase d’investi-gation complétée par une visite des dix-huit établissements scolaires (dixcollèges et huit lycées) acceptant deconstituer des « sites pilotes » a permis,d’une part, de connaître précisément lesactions menées dans les établissements

et de repérer les contraintes rencontréespar les porteurs de projet et, d’autrepart, de mieux connaître leurs attentesen terme d’accompagnement et de sou-tien méthodologique.Ces entretiens ont mis en évidence que : - les professionnels à l’origine d’unedynamique sur ce thème sont variés(enseignants, services de santé, inten-dants, professionnels de la restauration,etc.) ;- les actions en cours portent sur diffé-rents aspects de l’alimentation (équili-bre alimentaire, convivialité, etc.) ;- peu de projets sont évalués ;- peu de projets associent les élèves (etles parents) dans leur élaboration.

Outre leurs attentes en matièred’aide méthodologique et de connais-sances, les porteurs de projets ontexprimé principalement le besoin de serencontrer et d’échanger.

L’alimentation vecteur derencontres et d’échanges

Pour répondre à ces attentes, il a étéorganisé, entre mai 2001 et février 2002,quatre demi-journées de sensibilisationappelées « rencontres-formation ».

Basées sur l’échange et ouvertes àtous les établissements scolaires de larégion (toutes fonctions confondues,professionnels et associations concer-nés par l’alimentation), ces rencontresont mis en évidence l’importance,dans une démarche d’éducation pour

la santé, de faire participer l’ensem-ble des acteurs. Elles couplaient uneintervention d’expert, apportant unevision théorique du sujet, au témoi-gnage d’un professionnel des établis-sements scolaires donnant une visionplus pratique.

Les trois premières rencontres-formation portaient sur différentsaspects de l’alimentation. Elles ont per-mis de répondre à un certain nombred’interrogations telles que : commentaider les élèves qui fréquentent les res-taurants scolaires à gérer leurs choixalimentaires ? Une adaptation du cadredu restaurant scolaire peut-elle favo-riser la convivialité et le plaisir ? Com-ment la restauration scolaire peut-ellerépondre aux besoins particuliers decertains élèves (sportifs, élèves enfilière agricole, etc.) ? La quatrièmerencontre, beaucoup plus transversale,a, quant à elle, abordé la méthodolo-gie de projet éducatif et notammentsoulevé les aspects de la participationdes jeunes (réaliser un projet avec etpour eux) et de l’évaluation (évaluer :pourquoi ? comment ?).

En parallèle de ces rencontres, a étéorganisée entre les établissementspilotes et à leur demande, une journéed’échange sur les actions d’éducationpour la santé autour du petit déjeuner.Cette journée avait pour objectif d’ap-porter des réponses aux nombreusesquestions qu’ils se posaient ; par

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exemple, est-il indispensable de pren-dre un petit déjeuner ? Quelle alter-native proposer à la prise de petitdéjeuner ?...

PerspectivesSi cette stratégie d’action permet de

rassembler des personnes d’horizonsdifférents autour d’un projet commun,de susciter leurs questionnements et leur motivation à s’investir sur cettethématique dans une dynamique d’éducation pour la santé, elle ne donnepas de recettes. Aussi son intérêt résidedans sa poursuite, c’est-à-dire l’accom-pagnement des professionnels dans lamise en œuvre de leur projet.

Voilà pourquoi il est aujourd’huienvisagé d’élaborer, en étroite collabo-ration avec les établissements scolairesde la région, un « document res-source » destiné à l’ensemble de leursprofessionnels, leur apportant un sou-tien documentaire et méthodologique.Ce document devrait comporter desinformations d’ordre général (référencesd’ouvrages et d’outils pédagogiques,coordonnées de structures et de per-sonnes pouvant participer à la mise enplace d’actions, etc.), des fiches d’infor-mations pratiques d’aide à l’action et desanalyses thématiques d’actions déjàréalisées.

Ce projet qui mobilise diverses pro-fessions a permis d’enclencher deséchanges sur l’alimentation au sein desétablissements scolaires. Cherchant àimpliquer aussi bien les professionnelsde l’Éducation nationale que ceux dela restauration scolaire ou encore ceuxde la santé, et à soulever les possibili-tés et les contraintes de chacun dans la mise en place d’actions de promotionde la santé sur l’alimentation, il permetaux différentes populations d’identifierun réseau d’acteurs de proximité sus-ceptibles de favoriser l’acquisition parles élèves de comportements alimen-taires favorables à leur santé.

Anne Brozzetti

Chargée de projet,

Christelle Picca

Stagiaire,

Claude Terral

Président,

Comité régional d’éducation pour la santé

(Cres) du Languedoc-Roussillon, Montpellier.

C’est en 1991 que commence notreprojet, alors qu’une enquête réaliséedans notre agglomération de Roubaixauprès de 13 000 personnes montraitque l’obésité était extrêmement couranteet qu’environ 25 % de la population glo-balement présentaient une surchargepondérale avec une répartition quasiidentique entre les sexes. En fait, si onanalysait cette donnée en fonction del’âge, on s’apercevait que la surchargepondérale était plus importante chez lesjeunes filles (près de 10 %) que chez leshommes jeunes (moins de 3 %), maisque, progressivement, les courbes hom-mes et femmes se rejoignaient pouratteindre aux alentours de la quarantaineun pourcentage de 40 % d’obèses.

À la même époque, une étude étaitréalisée dans des quartiers de Roubaixsur « le reste à consommer ». Cinquantefamilles avaient été étudiées et parmicelles-ci, 42 % avaient moins de26 francs par jour et par personneadulte pour vivre, toutes les chargesobligatoires ayant été déduites. C’estdans ce contexte, alors que le déve-loppement de la réinsertion sociale enétait à ses débuts, qu’il nous paraissaitprimordial qu’une réinsertion nutri-tionnelle adaptée pour les personnesâgées, les adultes, les adolescents et lesenfants, soit mise en place. Ainsi est néce projet que nous avions intitulé à sondébut « Projet d’éducation nutrition-

nelle en milieu défavorisé dans le cadrede la réinsertion sociale ».

Cette action se divisait en deux gran-des parties : - une action de dépistage, de bilan et detraitement pour les personnes caren-cées du point de vue nutritionnel, plusparticulièrement pour les personnesbénéficiant du RMI. Cette action dedépistage devait se situer au niveau desquartiers en collaboration avec les asso-ciations et les médecins généralistes. Unbilan nutritionnel était réalisé au cen-tre hospitalier et un suivi médical, dié-tétique, psychologique et social étaitenvisagé dans un deuxième temps, ànouveau au niveau du quartier ;- une action d’information plus géné-rale, qui passerait par les différentsrelais de quartiers (centre social, asso-ciation caritative, lycée, école, méde-cin généraliste, pharmacie, PMI, etc.),était également prévue avec une for-mation des intervenants.

Ce projet fut un échec cuisantpuisque, d’une part, le dépistage devaitse résumer à une trentaine de person-nes qui, après moults palabres, ontaccepté de réaliser un bilan métabo-lique, effectivement perturbé, et que,d’autre part, dans le cadre du suivi dequartier, très peu de ces patients se pré-sentaient aux consultations que nousorganisions régulièrement.

Une expérience desanté communautairecentrée sur l’alimentationdans des quartiers en difficulté L’action relatée ici a dix ans d’histoire et de remisesen cause. Elle aboutit aujourd’hui à un programmeterritorial de santé. L’expérience et l’analyse que les auteurs nous font partager amènent à réfléchiraux préalables nécessaires à la mise en placede projets de santé communautaire.

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santé, nous répondant le plus souvent« Vous vous rendez compte, avec tous lesproblèmes que j’ai actuellement, si enplus je ne me sentais pas en bonnesanté... Où en serais-je ? ». La deuxièmequestion allait nous informer sur les élé-ments qui les empêchaient de s’inté-resser à leur santé. Le manque de tempset le manque d’argent venaient bien sûren priorité. Mais ce sont surtout les aut-res éléments qui retenaient notre atten-tion : la solitude, le désintéressement desoi, l’image négative de soi, la peur dela maladie et, dans ce contexte, il nousapparaissait alors très simple d’appré-hender pourquoi cette population n’en-visageait pas de prendre en charge sasanté même si elle était malade. La pro-blématique principale reposait sur l’ab-sence de projet de vie et, dans cecontexte, toute prise en charge person-nelle, toute option de prévention deve-naient effectivement superflues. L’en-fant était au cœur du problème, carc’était en fait la seule projection dansle futur que se donnaient ces popula-tions. C’est ainsi que, ces habitants ontproposé la création d’un centre de soinsde proximité destiné à les accueillir, lesaider et les informer, et ce, dans uncadre plus global d’aide à la prise encharge de leurs problèmes quotidiens

qu’ils soient bien sûr de santé, mais éga-lement de logement, de prise en chargesociale, d’accès aux soins, etc. Ce pro-jet n’a finalement jamais vu le jour maisil a permis de changer les mentalités etune politique de quartier nouvelle s’estinstaurée en matière de santé.

Vers une nouvelle politiquede quartier en matière de santé

Les habitants et les associations dequartiers se sont regroupés et ont envi-sagé de développer des actions collec-tives, communautaires qui, indirecte-ment, par l’information et la sensibilité,permettraient aux populations du quar-tier d’avoir une meilleure santé. Se sontalors développés l’atelier cuisine, la ran-donnée pédestre, les jardins familiaux,le congélateur communautaire... Et c’està partir de ces différentes actions qu’ungroupe de femmes a souhaité avoir uneaide plus appropriée dans le domainede l’aide à la gestion du poids. Nousétions maintenant en 1998, soit sept ansaprès l’initiation du projet.

L’action « Comment équilibrer sonalimentation et/ou perdre du poids » aété réalisée en partenariat avec quatrequartiers de la ville de Roubaix : Pile,Sainte-Elisabeth, Moulin, Potennerie.

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Il est évident que cet échec nous aamenés, à l’époque, à réfléchir, profes-sionnels de santé, responsables d’asso-ciations de quartiers et habitants surces causes, alors que nous partions surun constat de santé objectif et épidé-miologique évident, à savoir que l’étatnutritionnel des personnes en difficultéétait vraiment de très mauvaise qualité.

La remise en cause : « La santé dans nos quartiers,c’est la santé de nos quartiers »

Cette remise en cause est passée parla mise en place de groupes de paro-les auprès des habitants eux-mêmes surleurs besoins de santé.

Trois questions leur étaient posées :• « Êtes-vous satisfait de votre santé ? »• « Quels sont les éléments qui peuventvous empêcher de vous occuper de votresanté ? »• « Comment pensez-vous que cettesituation puisse s’améliorer ? ».L’analyse des résultats a commencé ànous éclairer de manière beaucoupplus nette sur les causes de notre échec.

Si la santé représentait une chose trèsimportante pour ces habitants (100 %),les deux tiers étaient satisfaits de leur

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Elle a été ouverte aux habitants de cesdifférents quartiers constitués en ma-jorité de personnes en difficulté.L’action s’est étalée sur plusieurs mois,à raison d’une séance par semaine dedeux heures, hormis les périodes devacances scolaires, animées en alter-nance par une diététicienne ou unepsychologue.

Ainsi, trois groupes ont été mis enplace. Le premier, constitué enmoyenne de 8 femmes (13 au total endébut d’action), a été ainsi suivi pen-dant 17 séances. À leur demande, desséances de rappel ont eu lieu pendantplus d’un an (à raison d’une fois parmois). Le second groupe a été constituéen moyenne de 6 femmes, mais n’a pasdonné de suite. Quand au troisièmegroupe, 8 femmes (12 au départ) y par-ticipent et suivent le même programme.Celles-ci ont également demandé quel’action se poursuive à l’issue de la pre-mière session.

Globalement, les personnes se di-sent satisfaites des séances. Elles ontpris conscience de l’importance d’équi-librer leurs repas et disent se sentirmieux moralement et en meilleureforme physique. Elles ont perdu dupoids tout en conservant le plaisir demanger et ce, sans frustration, sansrebond comme il est constaté dans lesméthodes usuellement proposées. Ellesont appliqué ces nouvelles habitudes

au sein de leur famille et s’en disent« fières », ce qui contribue à améliorerl’estime d’elles-mêmes. Elles ont tra-vaillé sur leur comportement alimen-taire et sont plus à l’écoute de leurcorps, de leurs sensations de faim et desatiété. Elles ont aussi pris consciencede l’importance de l’activité physique etmettent en pratique quelques conseils :marcher davantage, aller à la piscine, àla gymnastique, à des séances desophrologie (activités de quartier). Unehabitante nous cite pour le bilan de lapremière session : « J’ai pris conscienceque mon corps n’était pas une poubelleet que manger équilibré, c’était aussimon capital santé. Finalement, la santépasse par l’assiette et çà c’est à moi dela gérer ! ».

ConclusionCette expérience nous a incités à

beaucoup de prudence dans l’aide quenous – professionnels de santé, respon-sables institutionnels, responsablesd’associations de quartier – souhaitionsapporter à la population pour amélio-rer sa santé, ses conditions et sa qua-lité de vie. Il est bien certain que ce sontles habitants eux-mêmes qui nous ontpermis de faire ce constat et d’essayerde répondre effectivement à leursdemandes. On peut voir également tou-tes les difficultés qui ont pu être ren-contrées pour arriver à une aide à laprise en charge du point de vue nutri-tionnel d’une trentaine de personnes.

Ceci est pourtant, à notre avis, capitalcar plus de dix ans après le début dece projet, est en train de se mettre enplace au niveau de l’agglomération rou-baisienne un programme territorial desanté, initié par les institutionnels(villes, Conseil général, Ddass, hôpital)en association avec des professionnelsde santé, les associations de quartier,ainsi que les différents autres interve-nants auprès de la population.

Le programme est lui aussi centrésur l’alimentation, avec comme base : - se nourrir : c’est le minimum ;- bien se nourrir : c’est l’approche pré-ventive des problèmes nutritionnelsqui se posent auprès de la populationde notre agglomération, notammentchez l’enfant ; - mieux se nourrir : l’axe d’éducationthérapeutique nécessaire aux patientsporteurs de maladies nutritionnelles etqui ont besoin d’une aide dans cecadre.

Il est sûr qu’en 1991, en présentantnotre projet, nous touchions à des identités fortes liées à la population elle-même, mais également aux institutions,et ceci a été vraisemblablement la causede l’échec intermédiaire, car nous n’avions pas analysé les préalables à lamise en place d’une telle action. Dix ansaprès, la situation a changé, et leséchanges entre les différents parte-naires et la population sont vraisem-blablement la base de cette réussite.

Cette expérience doit avant tout faireréfléchir aux préalables nécessaires àla mise en place d’une stratégie de santécommunautaire que l’on souhaite pro-jeter sur un quartier ou une populationet ce, en dehors de tout constat d’or-dre épidémiologique.

Jean-Louis Grenier

Diabétologue, nutritionniste,

président de l’Irpeps,

Fanny Bracq, Nathalie Duthieuw,

Jacqueline Denis, Florence Urbain,

Institut de recherche pour la promotion

de l’éducation du patient et la formation

du soignant (Irpeps),

Martine Bulle, Sabine Boidin

Centre social « Maison des deux Quartiers »

Sophie Terrier

Centre social « Moulin Potennerie »

Agnès Delepaut

Comité de quartier « Moulin Potennerie »,

Roubaix.

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L’éducation pour la santé dans le Programme nationalnutrition santé

Le Programme national nutrition santé (PNNS) est en France la premièredémarche de santé publique d’une ampleur nationale. L’éducation pour lasanté y occupe une place importante comme le souligne le Dr Michel Chauliac,chef du projet nutrition-santé à la direction généale de la Santé.

Le Programme national nutritionsanté est maintenant en place depuisplus d’un an1. En agissant sur un déter-minant majeur de la santé, la nutrition,il vise à améliorer l’état de santé de l’en-semble de la population (voir encadré).Cette orientation claire, reposant sur desobjectifs précis, quantifiés, fixés sur uneéchéance de cinq ans est, en France,une innovation majeure. L’explosion dela fréquence d’obésité chez l’enfant aété un révélateur puissant aboutissant àce tournant. Au travers de ce pro-gramme, il ne s’agit pas de s’attaquer àune maladie particulière ou de fustigerdes comportements. Le programme estessentiellement tourné vers la préven-tion, surtout primaire, et inclut de nom-breuses actions de promotion de lasanté. Sa philosophie est positive : l’ali-mentation est un plaisir, c’est unmoment favorable à la détente, à laconvivialité, c’est un marqueur iden-titaire individuel, familial et social puis-sant. Valoriser les aspects positifs et limi-ter les tendances négatives descomportements est à la base du pro-gramme. Il prévoit une diversité de stra-tégies qui, ensemble, en synergie, doi-vent permettre l’atteinte des objectifsindissociables qui ont été fixés.

Des mots clés Indissociable, mot clef important du

programme : l’alimentation est un tout,il ne s’agit pas de valoriser tel ou telapport nutritionnel isolément du restedu régime alimentaire. Dans uncontexte de surabondance de l’offre,

l’accumulation de messages sur lesrisques de déficiences en fer, en telleou telle vitamine, en calcium, en pro-téines ou même en énergie au momentde l’effort (de celui qui, le dimanche,va faire trois kilomètres à pied) n’induit-elle pas un excès de consommation glo-bale par rapport aux besoins, causemajeure des problèmes nutritionnels lesplus fréquents ?

Cohérence autre mot clef fonda-mental du programme : ce fut l’une desdemandes fortes de la populationdurant les États généraux de l’alimen-tation en 2000 : elle a exprimé son dés-arroi devant la multitude de messagestrop souvent contradictoires, relatifs à lanutrition, qui lui parvenaient par diver-ses sources médiatiques ou profession-nelles ou familiales. Qui croire quandles mots ont été tant galvaudés, vidés deleur sens ?

Des référentiels pour mettre enœuvre des stratégies d’éducation

En deçà de toute réflexion sur lesstratégies d’éducation en matière denutrition, il était nécessaire de se mettred’accord sur le contenu : qu’est-ce quise révèle scientifiquement fondé dansles discours en matière de nutrition ?

Avec les apports nutritionnels par l’alimentation, il a fallu intégrer com-plètement, dans le sens du mot nutri-tion, la dimension relative à la dépenseénergétique. En se fondant sur lesconnaissances accumulées, cette dé-

pense énergétique est conçue non pascomme liée à une activité sportive maiscomme une activité physique de base,quotidienne. Sa promotion devrait dèslors être orientée sur la prise de cons-cience de l’absence de mouvementauquel notre société mécanisée conduit :robots et machines variées à domicile,ascenseurs, escaliers mécaniques, trans-ports en commun ou véhicules indivi-duels y compris voire surtout en milieurural ; au-delà de son influence sur l’étatnutritionnel, l’activité physique est essen-tielle à de multiples fonctions vitales.

Il a fallu se mettre d’accord sur lesrepères de consommation que l’onpouvait préconiser pour la populationen général : c’est tout le sens du travailmené par de multiples partenaires pluri-professionnels et pluridisciplinaires, dusecteur public exclusivement, durantplus d’un an. Les slogans trop facile-ment détournés par des intérêts parti-culiers « mangez varié et équilibré » ou« mangez de tout, un peu » ont été pro-gressivement vidés de leur sens. Par-venir à un accord des spécialistes pourproposer des repères, dans le cadre desobjectifs du PNNS, afin que chaque pro-fessionnel et chaque citoyen parle de lamême chose ne fut pas une entreprisesi aisée : comment suggérer des quan-tités, pour quels types d’aliments,regroupés comment, avec quelle justi-fication ? Comment présenter ces repè-res ? comment s’éloigner du « caté-chisme normatif » englouti comme unmauvais médicament par des publics

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qui, pour la plupart, le connaissent sansl’appliquer. Tout professionnel de l’é-ducation pour la santé a pu en faire lacritique ? C’était un autre défi. Le guidealimentaire va voir le jour prochaine-ment avec ses deux versions : grandpublic et professionnels (voir articles deC. Delamaire). Elles ont été travailléesensemble pour assurer la cohérence,pour que le citoyen puisse trouverauprès du professionnel de santé ou del’éducation pour la santé qu’il consul-tera les éléments complémentaires decompréhension qu’il recherche. Leguide alimentaire grand public seracomplété l’an prochain par des guidesspécifiques destinés aux enfants et ado-lescents, aux personnes âgées, ainsiqu’aux femmes, notamment enceintesou allaitantes.

La campagne fruits et légumesLa campagne médiatique sur les

fruits et légumes « au moins cinq fruits

et légumes par jour », « frais en conserveou surgelés, les fruits et légumes protè-gent votre santé » (voir article deF. Condroyer) fait partie de ces outilsde base dont l’impulsion par le niveaunational assure une visibilité et quitrouve de multiples déclinaisons locales.Elle a connu un retentissement impor-tant ; peu à peu, cette option fonda-mentale fait son chemin, malgré les dif-ficultés, malgré les variations de prix desproduits frais, malgré les confusions desmessages à vocation commerciale. L’éducateur est aussi là pour, trèsconcrètement, montrer, « faire avec »,afin que la forme de ces aliments la plusattrayante, la moins coûteuse, celle quiprocurera le plaisir des sens soit choisie.

Créativité et innovationSur cette base, des déclinaisons d’ou-

tils destinés à atteindre des publics plusspécifiques verront le jour. Des straté-gies d’éducation visant des évolutions

favorables des comportements, entenant compte de leur diversité, émer-geront. Ces dernières sont favorisées parles ressources mobilisées à niveau localsur le PNNS ou le Fonds national de pré-vention, d’éducation et d’informationsanitaires (FNPEIS), mais aussi le Pro-gramme régional d’accès à la préventionet aux soins (Praps) qui, en 2002, intè-gre la composante nutrition. Au niveaunational, c’est un appel à projet clos enmars 2002 mais qui sera probablementreconduit en 2003. L’appel est fait à lacréativité, dans un cadre assurant l’éva-luation des actions, évaluation non seu-lement des processus, mais aussi desrésultats. Ciblage étroit, aire géogra-phique large, lieu institutionnel précis,groupe social restreint, risque visé clai-rement identifié, partenariat multiple. Lavariété des suggestions est le reflet dela diversité des approches, des pra-tiques. Le PNNS dans sa phase actuellecherche à stimuler et favoriser les expé-rimentations précises.

En milieu scolaireEn milieu scolaire, une circulaire de

juin 2001 remplace diverses circulairesantérieures notamment celle de 1971dite « circulaire de l’écolier ». Au-delà dece qu’elle propose aux responsables desrepas scolaires, de ce qu’elle fournitcomme information aux représentantsde parents d’élèves, leur donnant lacapacité de contrôler sur des bases clai-res ce qui est proposé aux enfants, ellesuggère des modifications de l’environ-nement alimentaire au sein des écoles(voir article de C. Kerneur et M. Massa-cret, et entretien avec D. Maslanka).Susciter des dialogues, des échangesvéritables avec les responsables d’éta-blissements, avec les parents, avec lesélèves, avec les enseignants et les ani-mateurs sur le contenu des distributeursou sur la disponibilité de fontaines d’eaufraîche, est un champ d’interventionmajeur pour les professionnels de l’é-ducation pour la santé.

Améliorer les comportements ali-mentaires, au-delà d’une transmissionde savoir ou de savoir-faire, particuliè-rement dans un domaine qui touche à la nutrition doit aussi se porter vers l’amont, vers l’offre alimentaire. Uneréflexion partant d’exemples concrets,très précis, devrait permettre de démon-ter avec les acteurs de la vie scolaire lesmécanismes sociaux, psychologiques etéconomiques, pris en compte par les

Les objectifs prioritaires du PNNS

1. Augmenter la consommation de fruits et légumes, afin de réduire le nombre de petitsconsommateurs de fruits et légumes d’au moins 25 %1.2. Augmenter la consommation de calcium, afin de réduire de 25 % la population des sujetsayant des apports calciques en dessous des apports nutritionnels conseillés2, tout en réduisantde 25 % la prévalence des déficiences en vitamine D.3. Réduire la contribution moyenne des apports lipidiques totaux à moins de 35 % des apportsénergétiques journaliers, avec une réduction d’un quart de la consommation des acides gras satu-rés au niveau de la moyenne de la population (moins de 35 % des apports totaux de graisses).4. Augmenter la consommation de glucides afin qu’ils contribuent à plus de 50 % desapports énergétiques journaliers, en favorisant la consommation des aliments sources d’ami-don, en réduisant de 25 % la consommation actuelle de sucres simples et en augmentant de50 % la consommation de fibres.5. Réduire l’apport d’alcool chez ceux qui consomment des boissons alcoolisées. Cet apportne devrait pas dépasser l’équivalent de 20 g d’alcool pur par jour (soit deux verres de vin de10 cl ou deux verres de bière de 25 cl ou 6 cl d’alcool fort). Cet objectif vise la populationgénérale et se situe dans le contexte nutritionnel (contribution excessive à l’apport énergétique) ;il n’est pas orienté vers les sujets présentant un problème d’alcoolisme chronique, redevabled’une prise en charge spécifique.6. Réduire de 5 % la cholestérolémie moyenne dans la population des adultes.7. Réduire de 10 mm de Hg la pression artérielle systolique chez les adultes.8. Réduire de 20 % la prévalence du surpoids et de l’obésité (IMC supérieur 25 kg/m2)chez les adultes et interrompre l’augmentation (particulièrement élevée au cours de ces der-nières années) de la prévalence de l’obésité chez les enfants.9. Augmenter l’activité physique quotidienne par une amélioration de 25 % du pourcentagedes sujets faisant, par jour, l’équivalent d’au moins une demi-heure de marche rapide. La séden-tarité étant un facteur de risque de maladies chroniques, elle doit être combattue chez l’enfant.

1.Un petit consommateur de fruits et légumes est défini comme consommant quotidiennement moins d’uneportion et demie de fruits, et moins de deux portions de légumes (pomme de terre exclue). Les données dispo-nibles en France actuellement font état de 55 à 64 % de petits consommateurs de fruits chez les hommes etles femmes de 45-60 ans et de respectivement 72 et 64 % de petits consommateurs de légumes.2. On estime que 42 % des hommes et 59 % des femmes de 45-60 ans ont des apports en calcium inférieursaux Apports nutritionnels conseillés (ANC) de 1992.

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35LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

spécialistes du marketing pour influen-cer les choix alimentaires. Parvenir àfaire évoluer le type d’offre alimentaireà l’issue de réflexions est une occasionde mettre en œuvre une éducation oùle public est acteur et conscient de l’é-volution de son environnement, avecdes résultats mesurables, dans le cadred’une politique de santé publique. Ceprogramme offre ainsi l’opportunité dedévelopper des actions de promotionde santé, incitant les individus à se poser

en citoyens décideurs et responsables.

Le PNNS n’a qu’un an. L’éducationpour la santé, pour une nutrition adap-tée, est une stratégie phare du pro-gramme. Les outils cohérents, validéspar des instances indépendantes d’in-térêts économiques particuliers, sontprogressivement développés pour per-mettre aux professionnels de l’éduca-tion pour la santé de mettre en œuvreleur compétence spécifique en tenant

compte des contextes locaux qu’ilconnaissent bien.

Michel Chauliac

Médecin de santé publique, chef du projet

PNNS, Sous-direction pathologies et santé,

Bureau du développement des programmes

de santé, Direction générale de la Santé,

ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Paris.

1. Texte complet sur www.sante.fr, cliquer « minis-tere », puis « les dossiers », puis « N », puis « nutrition ».

Mieux manger construit notre santé

Inscrite dans le Programme nationalnutrition santé (PNNS), la première cam-pagne d’éducation nutritionnelle 2001-2003, menée par la Caisse nationale del’assurance maladie et le CFES, porte surla promotion de la consommation desfruits et légumes. Soixante pour cent desFrançais ne consommant pas assez defruits et légumes, l’un des neuf objectifsprioritaires du programme en terme desanté publique est de réduire ce nombrede petits consommateurs d’au moins 25%.

Le premier volet de cette campagnede communication sur les fruits et légu-mes s’est adressé à l’ensemble de lapopulation. Elle s’est déroulée ennovembre et décembre 2001 et avaittrois objectifs : mettre en valeur les béné-fices à long terme de la consommationdes fruits et légumes sur la santé, donnerdes repères précis de consommation et poser les bases d’un territoire de com-munication spécifique mettant en valeurle lien entre la santé et l’alimentation.

« Frais, en conserve ou surgelés,les fruits et légumes protègentvotre santé »

Il existe aujourd’hui un consensusdes experts de la nutrition sur les effetsfavorables des fruits et légumes sur lasanté. Plusieurs études montrent que lespersonnes qui en consomment suffi-samment sont moins souvent atteintesde maladies cardiovasculaires, de can-cers, d’obésité et de diabète. Cet effetprotecteur, qui s’explique par l’action deplusieurs composants des fruits et légu-

mes : fibres, vitamines et oligo-élémentsantioxydants, polyphénols, etc., consti-tue le message central de la campagne.

Le dispositif média s’est articuléautour d’une campagne d’affichage etd’une campagne presse :• la campagne presse, déclinée en cinqannonces, a permis de développer l’in-formation sur le rôle fondamental desfruits et légumes dans la prévention etde donner des repères de consomma-tion précis. Un large panel de titres a étéretenu afin de toucher une grandemajorité de la population, soit 85 % desindividus de plus de 15 ans exposés àla campagne en moyenne cinq fois : lapresse TV (par exemple TV mag, 4,6millions d’exemplaires diffusés), lapresse féminine (par exemple Femmeactuelle, 1,6 million d’exemplaires dif-fusés), la presse parentale, la pressesanté et la presse d’information ;• la campagne d’affichage, inspirée gra-phiquement et visuellement de la cam-pagne presse, interpellait sur le lienexistant entre fruits et légumes et pro-tection de la santé. Elle a été diffusée surl’ensemble du territoire, dans la rue (for-mat 4 x 3 m, Abribus), sur les vitrinesdes restaurants et sur lieux de vente, surles chariots de six cents hypermarchés.

« Au moins cinq fruits et légumesau cours de la journée »

L’information diffusée au sujet de lanutrition est souvent partielle et parfoispartiale. La population reçoit de nomb-reux messages émanant des produc-teurs, des marques de l’industrie agroa-

limentaire, des médias, des profession-nels de la santé, des associations deconsommateurs, etc. Des intérêts parfoiscontradictoires président à l’élaborationde ces messages : la sécurité alimentaire,l’équilibre alimentaire, des enjeux éco-nomiques ou encore la promotion d’unsecteur d’activité. Il en résulte, du pointde vue du consommateur, à la fois lesentiment d’être très bien informé etdans le même temps un brouillage desconnaissances et des représentations.

L’un des objectifs de la campagneétait donc de donner des repères pré-cis de consommation scientifiquement

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validés : il est conseillé de manger aumoins cinq fruits et légumes au cours dela journée qu’ils soient cuits ou crus,frais en conserve ou surgelés.

Les repères de consommation concer-nant les autres aliments (lait, produits lai-tiers, pains et autres aliments céréaliers,viandes, poissons, œufs, matières gras-ses, produits sucrés, boissons, sel, etc.)et l’activité physique seront publiés dansle guide alimentaire national qui paraî-tra en septembre 2002 (voir article deC. Delamaire).

Mieux manger construit notre santé

Le lien entre alimentation et santé estaujourd’hui clairement établi par lesétudes et reconnu par une grande par-tie de la population. Une alimentationsatisfaisante et une activité physique rai-sonnable constituent un facteur majeurde protection de la santé.

La signature générique des cam-pagnes d’éducation nutritionnelle,« Mieux manger construit notre santé »,traduit cette approche positive et évo-lutive de la nutrition. Sa conception graphique suggère visuellement l’idéed’équilibre.

Enfin, il s’agissait d’installer un terri-toire de communication propre, très dif-férent des communications des pro-ducteurs et de l’agroalimentaire. C’estainsi que la campagne presse se déclineen cinq annonces mettant en scène cinqvisuels de fruits et légumes illustrantchacun, directement ou non, l’idée deprotection. Le ton de la campagne estpositif et incitatif ; les fruits et légumesont une dimension symbolique maisrestent très appétissants. Inspirées gra-phiquement de la campagne presse, lestrois affiches interpellent sur le lien exis-tant entre fruits et légumes, sous toutesleurs formes, et protection de la santé.

La campagne presse a été identifiéecomme émanant des pouvoirs publicset été perçue comme claire, crédible,incitative et apportant des informationsnouvelles. Ce dispositif média a étécomplété et renforcé par des actions endirection de la presse et par la diffusionde dépliants et d’affiches d’informationen direction du grand public. Enfin, lesprofessionnels de santé ont fait l’objetd’une information spécifique visant àles informer et les associer aux actionsmenées dans le cadre du Programmenational nutrition santé, par l’intermé-diaire d’une lettre d’information intitu-lée Lettre Prévention, Éducation, Santé.

Florence Condroyer

Chargée de communication,

service Actions et techniques

de communication, CFES.

36 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Informer et mobiliser le grand public

La réalisation et la diffusion d’unguide alimentaire national destiné augrand public constitue une des actionspiliers du Programme national nutritionsanté (PNNS). L’objectif est de mettreà disposition un document pratique,donnant une information simple et desrepères concrets pour une alimentationquotidienne favorable à la santé.

Un document de référenceEn matière de nutrition, les messa-

ges sont nombreux, parfois contradic-toires, car émanant d’émetteurs divers :industriels, grande distribution, asso-ciations de consommateurs, journalis-tes, etc. Ainsi, les connaissances dupublic sont souvent approximatives etcertaines idées fausses perdurent. Deplus, les priorités et les recommanda-tions de santé publique ne sont pastoujours claires. Pour toutes ces rai-sons, il a paru nécessaire aux pouvoirspublics de diffuser un guide contenantdes messages cohérents et validés parde nombreux experts en nutrition ; il

proposera en particulier des repères deconsommation alimentaire sur la basedes objectifs du PNNS.

Une démarche originale, des conseils sur mesure

Le contenu du guide a été conçu etécrit dans le cadre d’un groupe de tra-vail coordonné par l’Agence françaisede sécurité sanitaire des aliments(Afssa). Sa démarche est originale : plu-tôt que de concevoir un énième traitéde nutrition ou un livre de recettes decuisine, les auteurs ont imaginé diffé-rentes « portes d’entrée » correspondantchacune à un profil de consommateuret un mode de consommation particu-lier. Ceci permet de proposer desconseils sur mesure adaptés à la per-sonnalité, au mode de vie et aux habi-tudes alimentaires de chacun. Pourréaliser un tel ouvrage et éviter toutrisque de stigmatisation, il a fallurespecter certains principes :- ne pas présenter un modèle idéal,normatif et moralisateur ;

- respecter la diversité de la popula-tion française (familiale, socio-écono-mique, culturelle, etc.) ;- relativiser et individualiser les conseilset les recommandations ;- relier les conseils à la vie quotidienne.

Le ton est donné…Dès le début du livre, les auteurs

soulignent le principe central de tou-tes les fiches/conseils : « Gardez àl’esprit qu’aucun aliment n’est en lui-même diabolique : si l’on recommanded’éviter la consommation excessive oude limiter la prise de certains aliments,il n’est pas question d’en interdire laconsommation. Un excès de temps entemps ne fait de tort à personne. »

Un guide qui en appelle d’autresCe premier guide alimentaire

s’adresse plutôt aux adultes et aux adolescents. Plusieurs livrets serontréalisés ultérieurement pour des popu-lations spécifiques (enfants, adoles-cents, personnes âgées et femmes

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37LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

enceintes ou en âge de procréer). Parailleurs, un guide destiné aux profes-sionnels de santé est édité parallèle-ment au guide grand public, afin d’ac-compagner la démarche d’information(voir article ci-dessous).

Le guide alimentaire grand public abénéficié de deux tests auprès de

consommateurs. Un test a permis derecueillir leur vision du guide alimen-taire idéal et de connaître leur avis sur ladémarche « portes d’entrée ». Le secondtest était davantage centré sur la formede l’ouvrage (principe de maquette inté-rieure et de couverture, visuels), ainsique sur le contenu de quelques fichesqui correspondaient au « profil de

L’implication des professionnelsde santé dans le dispositif national

Le Programme national nutritionsanté (PNSS) associe l’ensemble desacteurs publics et privés impliquésdans les champs de la recherche, de laformation, de la surveillance, desactions de terrain, des soins, de l’offreet de la distribution alimentaire.

C’est ainsi que plusieurs actions ontété et seront menées en partenariatavec le ministère de l’Éducation natio-nale, le ministère de la Jeunesse et desSports et le ministère de l’Agriculture etde la Pêche pour une amélioration dela restauration scolaire dans les canti-nes1 (voir entretien avec D. Maslanka),pour l’intégration de la dimensionnutrition dans les programmes sco-laires (voir article de C. Kerneur et M.Massacret).

D’autres programmes plus spécifi-quement destinés aux professionnelsde santé – diététiciens, établissementsde santé, réseaux de soins – seront pro-chainement développés visant à pré-venir, dépister et prendre en charge les troubles nutritionnels. De manièreplus générale, les professionnels desanté, interlocuteurs privilégiés de lapopulation, sont appelés à relayer uneinformation scientifiquement validepouvant éclairer un comportement ali-mentaire, à promouvoir les facteurs deprotection et réduire l’exposition auxfacteurs de risque vis-à-vis des ma-ladies chroniques et, au niveau desgroupes à risque, de diminuer l’expo-sition aux problèmes spécifiques.

consommation » des personnes enquê-tées. Édité à plus d’un million d’exem-plaires, ce guide alimentaire de 128pages sera diffusé auprès du grandpublic ENseptembre 2002.

Corinne Delamaire

Docteur en nutrition,

Service Politique éditoriale et diffusion, CFES.

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Enfin, les professionnels de l’agro-alimentaire, des filières alimentaires etles consommateurs sont sollicités pourmettre en œuvre la politique nutrition-nelle : information santé sur les produitset services, formation, surveillance desproduits, etc.

Un guide alimentaire en miroirdu guide grand public

Ce document, d’une centaine depages, est conçu pour accompagner ladiffusion du guide alimentaire grandpublic. Il s’adresse aux médecins etsera diffusé très largement, courantseptembre, auprès des généralistes,des nutritionnistes, des cardiologues,des endocrinologues, des médecinsdu travail, des médecins universitaireset scolaires, des pédiatres, des diété-ticiens, etc.

Les deux guides alimentaires ont étéélaborés de telle façon qu’ils sont com-plémentaires l’un de l’autre. Aucun desdeux ne se veut être un « précis » ouun « traité » de nutrition. Le guide grandpublic donne des recommandationsnutritionnelles déclinées en termesd’aliments et de régime alimentaire glo-bal ; le document professionnel four-nit des explications « mécanistiques »qui font appel aux nutriments et s’ap-puient sur des connaissances scienti-fiques récentes. Le guide grand publicpersonnalise ces recommandationsnutritionnelles en mettant à la disposi-tion des lecteurs vingt-cinq « portraits »où ils peuvent se reconnaître la versionprofessionnelle aide les professionnelsde santé à mieux cerner le « profil deconsommation » de leurs patients et àrépondre à leurs interrogations demanière personnalisée.

Un disque pour mesurerl’indice de masse corporelle

L’évaluation de l’état nutritionnel estun enjeu important de santé publique,aussi bien pour la prise en charge médi-cale individuelle que pour le suivi del’état de santé des populations.

L’indice de masse corporelle (IMC)est un élément essentiel de cette éva-luation. Cette mesure simple, basée surle poids et la taille2, est recommandéepar les nutritionnistes pour poser undiagnostic de surpoids, d’obésité ou dedénutrition. Des seuils fixes de cetindice permettent d’estimer chaquesituation individuelle.

L’objectif de la conception d’un disquede mesure de l’IMC est donc de mettreà la disposition des professionnels desanté un outil d’évaluation de l’état nutri-tionnel dont l’utilisation soit simple, enconsultation médicale par exemple. L’ou-til sous forme d’un disque comportantune double graduation (pour le poids etla taille), fournit la valeur d’IMC sans qu’ilsoit nécessaire d’en effectuer le calcul. Lanotice qui accompagne sa diffusion estdestinée à préciser son mode d’utilisa-tion : prise des mesures, mises en garde,etc. (voir encadré).

Corinne Delamaire

Docteur en nutrition,

Service Politique éditoriale et diffusion, CFES.

1.Voir à ce sujet la publication de la « circulaire rela-tive à la composition des repas servis en restaurationscolaire et à la sécurité des aliments ».2. L’IMC est le rapport du poids (kg) sur la taille aucarré (m2) soit : IMC = poids (kg)/taille2 (m2)Par exemple, un sujet de 70 kg mesurant 1,75 m aun IMC de 70 / (1,75)2 = 22,9

Vivre le corps que je suis1 !Gourmandise en prose

Oh l’Obèse ! tu te traînes, t’as mal aux genoux, t’as mal au dos,tu t’essouffles, t’es en sueur, tu encombres !T’es de trop dans l’ascenseur,il va pas démarrer.Tu t’rouves pas d’habits, des chaussures renforcées.Fais gaffe à ta chaise, tu débordes.T’appuie pas sur le dossier,il pourrait s’écrouler.C’est pas des poignées d’amour que t’as !Pauvre tache !Tu vas mourir graisseux !T’es pas normal ! T’as vu le regard à droite.Elle te soupèse,du mépris dans la prunelle.Tu te dégoûtes ?T’as raison, si t’étais un homme, un vrai,tu aurais de la volonté, non d’un petit bonhomme !Tu serais le grand ascète maigre de tesrêves.Et tes pensées seraient d’une telle intensité, qu’elles brûleraient les calories stockéespour toi depuis le début du monde,par les anciens de tes anciens, pour que tu ne manques de rien.Ils t’ont fait rond et chaud,pour qu’on te parle doucement,joyeusement,qu’on te caresseet jouisse du confort de ton ventre-oreiller.Pour qu’on t’habille de baisers.Pour le reste, les surplus, patience !Francis Blanche disait :« mourir gros,mourir maigre, la différence est pour le porteur ! ».

Philippe Lecorps

Enseignant à l’École nationale

de santé publique,

Président CRES de Bretagne,

Homme de poids !

1. Le titre vise à faire réfléchir les amaigrisseurssur cette vérité : « je suis mon corps » qui est plusjuste que « le corps que j’ai ». Si c'était un avoir, jepourrais le modeler plus facilement. Quand c’estmon être qui est en jeu, la modification nécessitebien autre chose qu'une discipline diététique.

38 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Mode d’utilisationdu disque IMC

• La validité de l’IMC dépend de celle desmesures. Donc seuls le poids et la taille mesu-rés lors de la consultation doivent être prisen compte.• Le calcul de l’IMC n’est qu’un élément del’évaluation nutritionnelle.• Un IMC « hors normes » doit être considérécomme un signal d’alerte incitant à une éva-luation nutritionnelle détaillée.• Un IMC normal n’implique pas nécessaire-ment un équilibre nutritionnel.• Il faut tenir compte de l’évolution de l’IMCdans le temps : une diminution rapide du poidsou de l’IMC est un élément majeur d’évaluationdu statut nutritionnel. Les mesures doiventdonc être répétées à chaque examen clinique.• L'interprétation de l'IMC doit tenir comptedu contexte clinique individuel.• L'utilisateur doit veiller à ce que cettemesure ne soit pas un élément de culpabili-sation ni de stigmatisation.• Les valeurs de références de l'IMC figurantsur le disque ne s'appliquent pas à la femmeenceinte, ni au sujet âgé, ni en cas d'œdème.• Chez l'enfant, l’IMC s’interprète selon lescourbes du carnet de santé.

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39LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

École : éducationnutritionnelle et au goût

Même si les repas pris dans le cadre scolaire sont moins nombreux que lesrepas familiaux, l’école, doit en matière de nutrition aussi, exercer samission éducative et d’éveil. Dans le respect des diversités et des cultures.

Les enfants ne prennent, en général,dans le cadre scolaire, qu’un nombrerestreint de leurs repas. L’école ne peutdonc, à elle seule, assurer l’équilibre ali-mentaire des enfants. En revanche, ellepeut assurer une éducation nutrition-nelle et une formation élémentaire augoût en multipliant les occasions dedécouverte, notamment chez les jeunesenfants quand les comportements et leshabitudes n’ont pas encore été établis.

L’éducation nutritionnelle à l’écoledoit être reliée à la vie sociale, en étroiterelation avec les familles et tenir comptede la diversité des modèles dans les dif-férentes cultures.

L’aspect éducatif du repas est peut-être trop souvent oublié ou négligé. Ilest bon d’en souligner l’intérêt chez lesjeunes enfants qui peuvent acquérir tôtdes notions simples sur les principauxaliments, en même temps qu’un boncomportement alimentaire et s’éduquerau goût.

En effet, le goût s’apprend, s’éduque,s’acquiert dans le temps. Il est égale-ment une possibilité de point d’ancrageou de départ pour toute une série d’ac-tivités selon des modalités variées.

L’alimentation : un thèmeéducatif vaste et riche

L’éducation nutritionnelle et l’éduca-tion au goût impliquent tous les per-sonnels de l’école et de l’établissementscolaire, les élèves et les familles. Ellespeuvent bénéficier du concours d’inter-venants extérieurs qualifiés. Elles peu-vent prendre place soit sur le temps d’in-terclasse du déjeuner par l’organisationd’ateliers de découverte, soit de façon

ponctuelle à d’autres occasions de la viescolaire lors d’activités ou d’animationsdiverses, soit dans le cadre duprojet d’école ou d’établisse-ment. Elles ont pour objec-tif essentiel de valoriser lepatrimoine culinaire,promouvoir des pro-duits de bonne qualité,faire découvrir lesodeurs, les saveurs, lesépices et les essences,expliquer les secrets defabrication, démontrer l’im-pact des tendances, des effets demode, de l’influence des médias.

Plusieurs expériences peuvent illus-trer ces initiatives : une semaine du goûtà La Réunion, organisée en 2001, sousle titre « Grains de café, grains desucre » ; les ateliers expérimentaux dugoût, dans le cadre du plan à cinq ansde développement de l’éducation artis-tique et culturelle (classes à PAC), lesprojets conduits au collège Anne-Franck, dans le 11e arrondissement deParis où des élèves d’une classe de troi-sième ont travaillé avec un diététiciensur le thème effort intellectuel, « effortphysique et alimentation » ; ceux d’uneclasse de quatrième sur le pain, ses for-mes, ses goûts selon les régions ; ceuxd’une classe de cinquième sur la routedu chocolat avec les professeurs de fran-çais, d’histoire et d’anglais.

Parmi ces exemples, celui des ateliersexpérimentaux a donné lieu à l’élabo-ration de fiches pédagogiques en col-laboration avec l’Institut national de larecherche agronomique (Inra), le labo-ratoire de chimie des interactions molé-culaires, le Collège de France et le Cen-

tre national de la documentation péda-gogique (CNDP). Cette pédagogie

concilie l’art, la culture, la tech-nique, la technologie et la

science. Les fiches produi-tes insistent sur le carac-tère actif des ateliersdont l’objectif principalà propos du goût est ledéveloppement dusens de l’observation et

du questionnement. Ilssont pour les élèves l’oc-

casion de verbalisation aucroisement de considérations

esthétiques, gustatives, culinaires. Lesfiches pédagogiques répondent à laquestion de la diversification de l’ali-mentation et abordent, pour chaque ali-ment considéré, sa composition, saconfection, l’analyse de ses composantset de leur transformation selon desmodes aussi divers que la macération,l’infusion, la décoction, la vinification, lapanification.

« À l’heure de la standardisation deshabitudes alimentaires, c’est faire com-prendre aux élèves que le fait de mangern’est pas que la simple satisfaction d’unbesoin physiologique, mais égalementle support de pratiques culturelles et dereprésentations sociales » (conférence depresse du ministre de l’Éducation natio-nale du 13 mars 2002).

Christine Kerneur

Infirmière, conseillère technique,

Michel Massacret

Adjoint au chef du bureau B4,

Bureau de l’action sanitaire et sociale

et de la prévention,

Direction de l’Enseignement scolaire,

ministère de l’Éducation nationale, Paris.

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Daniel Maslanka est gestionnaire au sein dela cité scolaire de Beaupré dans la régionlilloise et chargé de mission auprès du rec-teur de l’Académie de Lille pour les ques-tions de restauration scolaire. Il est l’initia-teur d’actions nutritionnelles innovantes.

Daniel Maslanka : Depuis plus de cinq ans,notre restaurant scolaire sert 1 000 repas parjour à 1 600 élèves de 15 ans à 21 ans en libreservice intégral, avec choix multiples pour lesentrées, les plats et les desserts. Deux parti-cularités : la première, la plus importante à mesyeux, concerne le plat du jour. Quatre plats dif-férents sont proposés avec deux constantes :une grillade/frites (nous avons un grill et desfriteuses qui produisent en direct devant les élè-ves), et un point de pizzas fabriquées à lademande des élèves. La seconde particularité :l’accès aux stations « grillade/frites » et « pizza »est limité à un passage par semaine par élève etpar station. Cette limitation a été mise en placepour des raisons évidentes de nutrition, puisquel’on veut éviter que l’élève puisse trois, quatrefois par semaine choisir l’option frites. Au boutde cinq ans, on s’aperçoit que la demande depizzas ou de frites a tendance à diminuer au pro-fit du plat du jour. J’ai le sentiment très net quele comportement est en train d’évoluer dans lebon sens. De plus en plus d’élèves sont soucieuxde leur alimentation et limitent notamment leurconsommation de produits gras.

SH : Comment se passe le reste du repas ?D. Maslanka : Nous avons un stand pour lesentrées de crudités en libre-service sans limi-tation de quantité. Trois fois par semaine, nousoffrons un assortiment de crudités et les élèvesse servent les quantités et les types de crudi-tés qu’ils souhaitent, qu’ils assaisonnent à leurgré (nous proposons, entre autres, des sau-ces à base de yaourts). Nous avions constatédans le passé que les assiettes composéesconduisaient à des gâchis. Or, lorsqu’on laisseles élèves se servir les crudités qu’ils préfèrent,on n’a quasiment plus de restes sur les pla-teaux. C’est un élément que l’on a encouragé etqui donne satisfaction. On a également misé surles fruits puisqu’on offre deux fois par semaineune variété de fruits et surtout des fruits de qua-

lité. Nous demandons aux fournisseurs une datede consommation donnée pour offrir des fruitsde saison et mûrs à point. Cela nécessite davan-tage d’attention dans le choix du producteur,mais aussi au niveau du contrôle à la réceptionet un respect du jour du service.

SH : Avez-vous tenté d’associer les élèvesd’autres manières ?D. Maslanka : Nous avions mené une enquêtede satisfaction sur ce qu’ils attendaient de larestauration, sur la manière dont ils vivaient larestauration. Cette enquête a nourri notreréflexion. En amont de cette enquête, nousavions mené une étude sur les restes qui étaientsur les plateaux. Pendant une semaine, tous lesjours, nous avons mis de côté un plateau surdix, pesé les restes de chaque plateau et rap-porté ces restes aux portions servies. Cela per-met de mesurer ce qui est réellementconsommé et on perçoit tout de suite des ano-malies dans le service : les quantités serviessont parfois trop importantes. J’ajoute aussique cette action s’effectue sans dotation bud-gétaire spécifique et que le coût d’un repas pourles élèves est d’environ 3 euros.

SH : Vous êtes également chargé de mis-sion auprès de l’Académie ?D. Maslanka : Pour aborder la nécessaire col-laboration des différentes catégories de per-sonnel, j’ai pris le pilotage d’un groupe chargéde favoriser, dans l’Académie, l’éclosion de pro-jets locaux en matière nutritionnelle, intégrésdans les projets d’établissement. Il y a encou-ragement de l’Académie de Lille à ce que sedéveloppent dans les différents lycées, collè-ges, voire municipalités, des projets à carac-tère nutritionnel, sur des aspects historiques,géographiques, culturels, littéraires. Ces pro-jets associent les personnels de restauration,mais aussi les enseignants, les personnels desanté, les élèves et parents d’élèves, et lesenseignants. On souhaiterait faire de l’alimen-tation un des thèmes majeurs des travaux plu-ridisciplinaires, par un travail sur la demandeet sur le comportement alimentaire des jeuneset se traduisant dans le restaurant scolaire,sous forme d’offre adaptée, conforme auxrecommandations du PNNS.

SH : Le PNNS et la circulaire de juin 2001sur la restauration scolaire constituent-ilsde véritables appuis ?D. Maslanka : Tout à fait. Le PNNS et sa tra-duction dans la circulaire interministérielle sontune incitation très forte à la mise en place d’ac-tions en matière nutritionnelle mais une circu-laire, à elle seule, n’a jamais modifié les com-portements. Le ministère de la Santé a engagéune campagne sur la consommation de fruits etlégumes, il y a aussi une brochure distribuéeactuellement dans les établissements sur lanutrition qui s’intitule « La restauration scolaireau menu - Equilibre, sécurité, plaisir ». Cesactions médiatiques sont intéressantes ; enrevanche, il faut qu’elles soient relayées afin d’a-boutir à un changement de comportement ali-mentaire durable. Nous allons vers la créationd’un groupe de terrain de cinq personnes dansun premier temps, dont l’objectif est d’aider lesétablissements dans la mise en place de pro-jets, dans l’accompagnement, le conseil, voiredes propositions d’outils d’animation.

SH : La circulaire sur la restauration scolairede juin 2001 a deux axes essentiels : l’un surla sécurité alimentaire et l’autre sur l’éduca-tion nutritionnelle. En tant que gestionnaire,que pensez-vous de ces deux pôles ?D. Maslanka : Le pôle « sécurité alimentaire »est incontournable aujourd’hui, c’est unedemande forte du consommateur. Les parentsd’élèves, partenaires permanents, sont présentsdans les conseils d’administration et veillent àcette sécurité alimentaire et à la traçabilité. Lasécurité n’est plus aujourd’hui le volet qui me pré-occupe le plus : une action de formation, de sen-sibilisation et d’accompagnement a été miseen place au niveau académique dès que l’arrêtéde 1997 est paru. Ont été formées pendantdeux jours et demi, dans l’année qui a suivi, 1200 personnes dans l’Académie ; l’action sepoursuit. L’effort doit maintenant être centré surla qualité nutritionnelle, ce qui demande davan-tage de temps, car cela vient bouleverser lesgrilles de menus, les habitudes, et parfois aussiles souhaits des élèves. On peut modifier uncomportement, mais il faut du temps.

Propos recueillis par Alain Douiller

40 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Des élèves plus soucieuxde leur alimentation

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Un fonds documentaire et pédagogique minimumen éducation nutritionnelle

Dans le cadre du Plan national nutri-tion santé (PNNS), le centre de docu-mentation du CFES a proposé de déve-lopper des centres ressources enconstituant un fonds documentaire etpédagogique minimum en éducationnutritionnelle. Ce travail est en cours definalisation et nous vous proposons iciun état des lieux de ce qui a déjà été fait.

150 documents et 15 expertsD’un point de vue méthodologique,

nous nous sommes largement inspirésdu fonctionnement de la Pédago-thèque, en faisant appel à quinze pro-fessionnels du réseau des comités d’é-ducation pour la santé pour l’analysecritique de documents spécifiques.

Nous avons présélectionné cent cin-quante documents environ : ouvrages,revues, outils pédagogiques, livres pourenfants, sites internet/organismes et for-mations. À chaque type de documentscorrespondait une grille d’analyse spé-cifique : une grille du centre de docu-mentation du CFES pour les ouvrages etles revues, celle de la Pédagothèque duCFES pour les outils pédagogiques,celle du projet « Mots, Maux et Mar-mots » d’Anne Laurent-Beq de la Sociétéfrançaise de santé publique pour les liv-res pour enfants et, enfin, la dernièreinspirée de la Banque de données ensanté publique pour les sites internet.

Cette première étape a été matéria-lisée sous forme d’un CD-rom, facilitantla diffusion et la consultation de la pré-sélection en la rendant plus interactive(lien avec les documents en texte inté-gral, les sites internet, etc.). Ce CD-roma été envoyé aux quinze experts afinque chacun puisse analyser et critiquerun certain nombre de documents envue de la constitution de ce fonds docu-mentaire et pédagogique.

En décembre 2001 et en mars 2002,deux séminaires de travail ont été orga-nisés au CFES, au cours desquels plusd’une centaine de documents (dontquelques-uns qui n’avaient pas été pré-sélectionnés) ont fait chacun l’objet dediscussion et d’analyse critique.

Un fonds documentaire minimumDeux cercles documentaires ont été

définis : l’un à proprement parler repré-sentant un fonds minimum, l’autre men-tionnant des documents complémen-taires et/ou produits par des industrielsde l’agroalimentaire (qui donnera lieu àquelques précautions d’emploi men-tionnées dans la Charte pour l’élabo-ration et la diffusion de matériels pé-dagogiques dans le domaine del’alimentation et de la nutrition de l’Ins-titut français pour la nutrition1). Un plande classement thématique des docu-ments, propre à ce fonds, a également

été mis au point (documents généraux,aliments/nutriments, approche popula-tionnelle, pathologies liées à la nutrition,restauration collective, sécurité alimen-taire, réglementation, éducation nutri-tionnelle, habitudes et comportementsalimentaires, lieux ressources). L’accenta été mis sur l’accessibilité et la fiabilitédes informations : documents récents,encore diffusés, francophones, etc.

Ce fonds documentaire et pédago-gique minimum en éducation nutri-tionnelle sera lui aussi diffusé aux dif-férents centres ressources sous formed’un CD-rom d’ici la fin du mois de juin2002, par le Centre de documentationdu CFES. Les références documentai-res seront répertoriées selon le plan declassement retenu et complétées parune fiche d’analyse mentionnant le sup-port du document, un résumé critique,le type de public visé (grand public,professionnels, acteurs de terrain, étu-diants, etc.), son appartenance au pre-mier ou au deuxième cercle documen-taire, son mode de diffusion ainsi queson prix.

La dernière étape de ce travailconsistera à promouvoir la diffusion del’information au sein des comités d’é-ducation pour la santé, des Directionsrégionales et départementales des affai-res sanitaires et sociales, et des caissesrégionales et primaires d’assurance ma-ladie et, à plus long terme, d’en assu-rer le suivi et la mise à jour.

Anne Sizaret

Documentaliste,

service Appui au développement

de l’éducation pour la santé, CFES.

1. Institut français pour la nutrition. Charte pour l’é-laboration et la diffusion de matériels pédagogiquesdans le domaine de l’alimentation et de la nutrition.Paris : IFN, 2000 : 4 p. http://www.ifn.asso.fr/

41LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

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Pour en savoir plus

• Agence française de sécurité sanitairedes aliments (Afssa)

23 avenue du Général de Gaulle, BP 19,94701 Maisons-Alfort - Tél. : 01 49 77 13 50Fax : 01 49 77 26 12Établissement public de l’État placé sous latutelle des ministères de la Santé, del’Agriculture et de la Consommation, l’Afssa a,entre autres, pour missions l’évaluation desrisques nutritionnels et sanitaires des alimentsdepuis la production des matières premièresjusqu’à la distribution au consommateur final,de mener des activités de recherche et d’ap-pui technique en matière de santé animale,hygiène des aliments et nutrition. L’Afssa adepuis sa création réalisé une analyse appro-fondie sur des thématiques particulières :encéphalopathie spongiforme bovine (ESB),listeria, dioxines, alimentation animale, restau-ration scolaire, consommations alimentaires,apports nutritionnels conseillés. Des docu-ments relatifs à ces thématiques sont consul-tables sur son site.http://www.afssa.fr

• Association française de nutrition (AFN)Secrétariat AFN-SNDLF, INRA, Domaine deVilvert, 78352 Jouy-en-Josas cedex - Tél. : 01 34 65 20 04 Fax : 01 34 65 27 77L’AFN a pour objectif de faciliter et de pro-mouvoir les liens entre les spécialistes de lanutrition humaine et animale. Son action prin-cipale est l’organisation de congrès scienti-fiques, notamment la co-organisation avec laSociété de nutrition et de diététique de languefrançaise et la Société francophone de nutri-tion entérale et parentérale des Journées fran-cophones de nutrition. Ce site est utile pourconnaître les congrès, les appels d’offres.http://www.inra.fr/Internet/Hebergement/AFN/

• Centre de recherche et d’informationnutritionnelles (Cerin)45 rue Saint-Lazare 75314 Paris cedex 09 -Tél. : 01 49 70 72 20 Fax : 01 42 80 64 13Le Cerin, association loi 1901, est un organis-me scientifique dont la mission est de favoriserle développement et la diffusion des connais-sances sur les relations entre alimentation et

santé. En partenariat avec les organismes desanté publique et les professionnels de santé, leCerin met en place des programmes de recher-che, de formation et d’information. Ces actionsont pour objectif de valoriser les bénéfices descomportements alimentaires équilibrés dansune perspective de prévention nutritionnelleadaptée aux différents groupes de population.Ce site propose, entre autres, des dossiers thé-matiques (articles, rapports, colloques, fichespratiques, brochures, bibliographies) sur l’équili-bre alimentaire, la sécurité des aliments, lesenfants et les adolescents, les personnesâgées, les nutriments et les micronutriments,les femmes enceintes et l’allaitement, les popu-lations précarisées, ou la prévention nutrition-nelle. Par ailleurs, les périodiques Cholé-Doc(pour les médecins), Alimentation et précarité(pour les professionnels du secteur sanitaire etsocial), Nutri-Doc (pour les diététiciens) sontconsultables en ligne.http://www.cerin.org/

• Centre informatique sur la qualité des ali-ments (Ciqual)

Le Ciqual est une unité d’appui scientifique ettechnique de l’Agence française de sécuritésanitaire des aliments. Il a pour mission decollecter, évaluer et rendre disponibles desdonnées sur la composition des aliments. EnFrance, les principales tables de compositiondes aliments sont publiées par le Ciqual. Cestables constituent un préalable indispensableà la réalisation des enquêtes santé-alimenta-tion et à leur crédibilité scientifique. Ellesreprésentent également un outil précieux pourles personnes travaillant dans le domaine dela diététique et de la nutrition.http://www.afssa.fr/ftp/basedoc/table-saliments/ciqual

• Conseil national de l’alimentationLe Conseil national de l’alimentation est insti-tué auprès des ministres chargés del’Agriculture et de la Pêche, de la Santé et dela Consommation, et est consulté sur la défini-tion de la politique de l’alimentation : adapta-tion de la consommation aux besoins nutrition-nels, sécurité des aliments pour les consom-mateurs, qualité des denrées alimentaires,

information des consommateurs sur les pro-duits. Il regroupe des représentants de la filiè-re agroalimentaire, des consommateurs, desscientifiques et des administrations. http://www.agriculture.gouv.fr/alim/part/cna.html

• European Food Information Council1 place des Pyramides, 75001 Paris - Tél. :01 40 20 44 40 Fax : 01 40 20 44 41Le Conseil européen de l’information alimen-taire est une association indépendante, à butnon lucratif. Il a été créé pour apporter desinformations scientifiques sur l’alimentationaux consommateurs, aux professionnels de lasanté, aux enseignants et éducateurs, auxleaders d’opinion et aux médias. Ce site inter-net, également en version francophone, pré-sente des dossiers thématiques sur la sécuri-té alimentaire, la nutrition et la santé, et lesbiotechnologies, avec des articles de revueset des brochures consultables en ligne.http://www.eufic.org

• Fondation britannique pour la nutrition -British Nutrition Foundation (BNF)High Holborn House, 52-54 High Holborn,UK/WC1V 6RQ Londres, Royaume-Uni - Tél. : 0171 404 65 04 Fax : 0171 404 6747La British Nutrition Foundation a été fondéeen 1967, afin de soutenir la recherche et l’é-ducation dans le domaine de la nutrition. Ellea un statut d’organisation caritative et reçoitdes fonds de l’industrie agroalimentaire, dugouvernement et d’autres sources variées.La BNF fait la promotion de la santé et de lanutrition à travers l’interprétation et la diffu-sion des connaissances scientifiques, et desrecommandations nutritionnelles. Elle tra-vaille en partenariat avec les universités etles instituts de recherche, l’industrie de l’a-groalimentaire, le monde de l’enseignementet le gouvernement. La BNF réalise de nom-breuses publications, organise des conféren-ces et des colloques, conduit des modulesde formation pour les enseignants, délivredes bourses de recherche et met à disposi-tion d’un large public un important serviced’information. Site en anglais. http://www.nutrition.org.uk/

◗ Organismes

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43LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

• Agence pour la rechercheet l’information en fruitset légumes (Aprifel)60 rue du Faubourg Poissonnière, 75010Paris – Tél. : 01 49 49 15 15 Fax : 01 4949 15 16http://www.aprifel.com/

• Centre d’étudeset de documentationsur le sucre (Cedus)30 rue de Lubeck, 75016 Paris - Tél. : 0144 05 39 99http://www.lesucre.com/

• Centre d’informationsur des viandes (CIV)64 rue Taitbout, 75009 Paris -Tél. : 01 42 80 04 72Fax : 01 42 80 67 45 http://www.centre-info-viande.asso.fr/

• Centre interprofessionnelde documentation etd’information laitières (Cidil)42, rue de Châteaudun,75314 Paris cedex 09Tél. : 01 49 70 71 71Fax : 01 42 80 63 52http://www.cidil.fr/

• Institut français pour la nutrition (IFN)71 avenue Victor Hugo, 75116 Paris – Tél. :01 45 00 92 50, Fax : 01 40 67 17 76L’Institut français pour la nutrition (IFN) est uneassociation à but non lucratif créée en 1974.Il se présente comme étant une interface entreles milieux scientifiques et ceux de la produc-tion agroalimentaire. Son objectif est de « favo-riser la concertation entre les milieux scienti-fiques et les professionnels de la chaîne agroa-limentaire à l’occasion des questions intéres-sant la nutrition et l’alimentation dans leurs dif-férentes dimensions, et leur promotion… ».Ses activités sont essentiellement d’ordrescientifique : conférences, colloques, publica-tions et soutien à la recherche par un Prix de larecherche en nutrition et des Prix « jeune cher-cheur ». Sur ce site internet sont présentéesdes bibliographies thématiques (comme parexemple sur des approches populationnellesde l’alimentation, sur le goût ou sur les allergiesalimentaires, etc.) dans lesquelles sont recen-sés des synthèses, ouvrages, brochures,dépliants, services spécialisés, etc.http://www.ifn.asso.fr/

◗ Études

• Étude Fleurbaix Laventie Ville SantéL’étude « Fleurbaix Laventie Ville Santé » estune étude prospective familiale unique enEurope. Elle a pour objectif de comprendreles relations pouvant exister entre alimenta-tion, activité physique, facteurs environne-mentaux , génétique et prise de poids surune population « normale » évoluant dansson milieu naturel. Ce site a pour objectif deprésenter l’étude « Fleurbaix Laventie VilleSanté », sa méthodologie, ses résultats.Des brochures pédagogiques (sur le petitdéjeuner, le pain, et les corps gras) sontégalement consultables en ligne.http://www.vilsante.com/

• SUpplémentation en VItamines et Minéraux AntioXydants (Suvimax)

L’étude Suvimax est un essai contrôlé, d’unedurée de huit ans, sur une cohorte de13 000 volontaires français, âgés de 35 à60 ans. Ses objectifs sont de mesurer l’effetd’un apport supplémentaire en vitamines etminéraux antioxydants, à dose nutritionnelle,sur la santé et particulièrement sur l’inciden-ce des cancers et des maladies cardiovas-culaires, et de recueillir une large base dedonnées pour l’étude des relations entrenutrition et santé.http://www.suvimax.org/fr/

◗ Outils pédagogiques

• Barthélémy L., Binsfeld C., Moissette A. Ali-mentation atout prix. Vanves, CFES, coll. LaSanté en action, 1997 : 107 p.Cet outil, réalisé sous forme de classeurcomprenant des fiches techniques scienti-fiques et pédagogiques, est construit autourde trois grands axes de l’acte alimentaire :acheter, préparer, manger. Ces trois axescorrespondent aux chapitres « acheter atoutprix », « préparer atout prix », « manger atoutprix ». Un chapitre préalable est consacré à ladéfinition, avec les utilisateurs, d’un cadreéthique de référence autour d’actions d’édu-cation nutritionnelle à réaliser avec les per-sonnes en situation de précarité.

• Léo et la terre. Vanves, CFES, coll. Coffrets péda-gogiques, 1996, 17 p. + 33 p., 28 livrets.Ce coffret pédagogique destiné aux classesde CE2, CM1 et CM2 est consacré à la terreet permet d’aborder avec les enfants plusieursthèmes de santé au travers de situations quo-tidiennes : de la terre à cultiver, de la terrepour vivre, pour se nourrir, pour apprendre àpartager. Il a pour objectif de développer le

respect de soi-même et l’autonomie, promou-voir le respect d’autrui et la solidarité, sensibi-liser au respect et à la protection de l’environ-nement. Il contient un guide pour l’enseignant,un livret pour chaque enfant, une frise, un jeucollectif, des documents d’évaluation.

• À l’école d’une alimentation saine.Bruxelles, Coordination Education/santé,2001.Cet outil belge équivaut à l’adhésion à unecharte pour améliorer l’alimentation à l’écoletout au long de la journée. Il s’inscrit dans laphilosophie d’un décret définissant les mis-sions prioritaires de l’enseignement : préparerles élèves à être des citoyens responsables etactifs, et donner à tous les enfants les moyensd’être égaux dans leur vie sociale tant présen-te que future. La prise de conscience collecti-ve des éléments qui influencent la santé et satraduction en actes dans l’école en font partie.Coordination Éducation/Santé, 19 rue de laRhétorique, 1060 Bruxelles, BelgiqueMél : [email protected]://www.atablecartable.be/

◗ Quelques organismesinter-professionnels del’industrie agroalimentaire

◗ Revues

• Cahiers de nutrition et de diététiqueCes cahiers mensuels publient des articlesfondamentaux, des éditoriaux, des articlesoriginaux, des revues de synthèse, des dos-siers d’enseignement de nutrition à traversdes rubriques régulières : biologie générale,médecine et nutrition, aliments, comporte-ments alimentaires, diététique pratique.

• Information diététiquePublication trimestrielle de l’Association desdiététiciens de langue française.

• Alimentation et précaritéBulletin de liaison trimestriel destiné aux pro-fessionnels et aux bénévoles impliqués dansla prise en charge et l’aide aux populationsdémunies. Les quatre derniers numéros sonten ligne sur le site du Cerin.

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44 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

• Institut national de la consommation,Commission européenne. Le plaisir dans l’as-siette, la sécurité en tête. Paris : Institut nationalde la consommation, 2001, 146 p. + vidéo.Ce coffret pédagogique contient un livre d’in-formation, une cassette vidéo (« le dîner deBastien ») et une fiche d’utilisation. La vidéopermet de susciter des réactions, des dis-

cussions, des questions qui trouvent leursréponses dans le livre de référence. Chacunpeut ainsi acquérir le geste, le réflexe, le com-portement d’un consommateur averti.

• La pédagothèque du CFES en ligne, dans larubrique Espace réseau du site internet duCFES : http://www.cfes.sante.fr

◗ Ouvrages

1. Documents généraux• Apfelbaum M., Forrat C., Nillus P. Diététique etnutrition. Paris : Masson, 2000 : 479 p.• Chiva M. Le doux et l’amer : sensation gus-tative, émotion et communication chez l’en-fant. Paris : Puf, 1985 : 256 p.• Dupin H., Cuq J.L., Malewiak M., LeynaudRouaud C., Berthier A.M. Alimentation et nutritionhumaines. Paris : ESF Editeur, 1992 : 1534 p.• Flandrin J.L., Montanari M. (sous la dir de).Histoire de l’alimentation. Paris : Fayard, 1996 :650 p.• Groupe de recherche en éducation nutrition-nelle. Aliments, alimentation et santé.Questions/Réponses. Vanves : CFES, Paris :Tec & Doc, 2000 : 496 p. • Haut Comité de la santé publique. Pour unepolitique nutritionnelle de santé publique enFrance : enjeux et propositions. Rennes :ENSP, 2000 : 288 p.[En ligne : http://hcsp.ensp.fr/hcspi/explore.cgi/hc000933.pdf]• Lahlou S. Penser manger. Paris : Puf,1998 : 240 p.• Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, minis-tère délégué à la Santé. Programme nationalnutrition-santé 2001-2005. Paris : ministère del’Emploi et de la Solidarité, 2001 : 30 p.[En ligne : http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/34_010131.htm]• Toussaint-Samat M. Histoire naturelle et moralede la nourriture. Paris : Bordas, 1987 : 915 p.

2. Aliments/Nutriments• Favier J.C., Ireland Ripert J., Toque C.,Feinberg M. Répertoire général des aliments :vol. 4 table de composition. Paris : Inra, Tec &Doc, 1996 : XIX-200 p.• Martin A. Apports nutritionnels conseilléspour la population française. Paris : Tec & doc,2000 : 606 p.

3. Approche populationnelle• Beaufrère B., Bresson J.L., Briend A. et alRecommandations sur l’âge de la diversifica-tion alimentaire chez les nourrissons français.Paris : Société française de pédiatrie, 2000.• Bélanger H., Charbonnier L. La santé desfemmes. Québec : Edisem ; Maloine :Fédération des médecins omnipraticiens duQuébec, 1995 : 1142 p.• Ferry M. Nutrition et alimentation de la per-sonne âgée : aspects fondamentaux. Paris :Berger-Levraux, 1996 : 128 p.• Fricker J., Dartois A.M., Du Frayssex M. Leguide de l’alimentation de l’enfant : de laconception à l’adolescence. Paris : OdileJacob, 1998 : 646 p.• Roca J.P., Thirion M.C., Tisserand E. Mangerpour vivre, pas pour survivre : des pratiquesinnovantes en matière d’aide alimentaire enFrance. Nogent-sur-Marne : Solagral coll.,1999 : 52 p.

4. Restauration collective• Agence française de sécurité sanitaire desaliments. Nutrition et restauration scolaire :état des lieux. Paris : Afssa, 2000 : 36 p.[En ligne : http://www.afssa.fr/ftp/basedoc/RapportRestoscolairejuillet2000.pdf]• Ministère de l’Éducation nationale, ministèrede la Recherche. Composition des repas ser-vis en restauration scolaire et sécurité des ali-ments. Bulletin officiel du ministère de l’Éduca-tion nationale et du ministère de la Recherche2001 ; 9 : 1-41.[En ligne : http://www.education.gouv.fr/bo/2001/special9/som.htm]

5. Sécurité alimentaire• Grosclaude J. Sécurité et risques alimentai-res. Paris : La Documentation française,2001 : 177 p.

6. Éducation nutritionnelle• Baudier F., Barthélémy L., Michaud C.,Legrand L. Éducation nutritionnelle : équilibresà la carte. Vanves : CFES, coll. La Santé enaction, 1997 : 334 p.• Conseil national de l’alimentation. La placede l’éducation alimentaire dans la constructiondes comportements alimentaires. Paris : CNA(avis n° 24), 1999 : 5 p.[En ligne : http://www.agriculture.gouv.fr/alim/part/AVIS_24.pdf]• Institut français pour la nutrition. Charte pourl’élaboration et la diffusion de matériels péda-gogiques dans le domaine de l’alimentation etde la nutrition. Paris : IFN, 2000 : 4 p.• Tuleu F., Michaud C. Nutrition en zone urbai-ne sensible : actions autour du petit déjeuner.Vanves : CFES, coll. Guides d’action, 1997 :98 p.

7. Habitudes et comportementsalimentaires• Baudier F., Rotily M., Le Bihan G., Janvrin M.P.,Michaud C. Baromètre santé nutrition 1996 -adultes. Vanves : CFES, coll. Baromètres,1997 : 180 p.• Corbeau J.P., Paul Levy F., Poulain J.P.Manger en France aujourd’hui. Vol. 2 : Penserl’alimentation : la nourriture entre imaginaire etrationalité. Paris : Privat, 2002 : 304 p.• Familles de France. Fédération nationale.Enquête auprès de 760 jeunes sur l’alimenta-tion des jeunes de 16 à 25 ans. Paris :Familles de France, 1997 : 42 p.• Fischler C. L’homnivore. Paris : Odile Jacob,1998 : 646 p.• Volatier J.L. (sous la dir. de). Enquête indivi-duelle et nationale sur les consommations ali-mentaires : enquête Inca. Paris : Tec & Doc,2000 : 158 p.

Anne sizaret,

Documentaliste, service Appui au développement

de l’éducation pour la santé, CFES

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45LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

la santé en chiffres

La douleur est devenue depuis plusieurs années un enjeu de santé identi-fié et reconnu. L’examen des différences de déclarations entre hommes etfemmes met également en évidence la subjectivité de cette notion de dou-leur, qui renvoie à des représentations et à des fonctions sexuellement etsocialement très discriminées. Ces différences de représentations neconstitueraient-elles typiquement un champ de démarche pédagogique etde réflexion en éducation pour la santé ?

Avoir souffert d’une douleur difficile à supporter dans une période récente est lelot d’une large partie de la population (32,3 % parmi les 12-75 ans). Les femmessont en proportion plus nombreuses à déclarer avoir vécu des douleurs difficilesà supporter : 2 fois plus pour la douleur morale, 1,2 fois plus pour la douleur phy-sique et même 2,8 fois plus pour une douleur à la fois physique et morale (Figure 1).La déclaration de douleur dépend également de l’âge : pour la douleur physique,elle est plus importante parmi les plus âgés ; pour la douleur morale, le différen-tiel par âge est inversé : elle est plus importante pour les plus jeunes.

La douleur physiqueSa prévalence accompagne d’abord le vieillissement : 18,7 % des garçons et 28,3 % des filles de 15-19 ans déclarent ce type de douleur au cours de l’année ver-sus respectivement 26,8 % et 36,9 % des 65-75 ans. Elle est fortement corréléeau nombre de maladies et à la situation de handicap. Mais la surdéclaration fémi-nine s’explique aussi par des facteurs d’ordre culturel – plus grande attention desfemmes à leur corps, image de vulnérabilité des femmes, « devoir » de force moraleet d’insensibilité à la souffrance chez les hommes – et par la plus grande « sensi-bilité » aux situations de solitude et d’insatisfaction dans le travail, ou peut-être àune plus grande facilité à les exprimer.

La douleur moraleLe principal différentiel est celui qui sépare les hommes des femmes. Cependant,d’autres variables sont également associées à une plus grande fréquence de dou-leur morale déclarée :- le manque de ressources financières, la précarité et le chômage (Figure 2) ;- la maladie chronique et le handicap ;- le souvenir de difficultés graves subies dans l’enfance et l’expérience de la violence.

Le rôle protecteur de la vie en famille et de la satisfaction dans l’exercice de saprofession se dégage très nettement. Il faut noter toutefois que ces situationsprotègent bien plus les hommes que les femmes : globalement cinq fois plus lespremiers que les secondes.

ConclusionOutre les facteurs culturels, trois dimensions essentielles sont corrélées aux dif-férences de déclaration de douleur entre les femmes et les hommes : la maladie,l’intégration dans un couple et l’insertion dans une profession. Être malade et vivreseul exposent davantage les femmes que les hommes à la douleur physique. Vivreen famille et être satisfait de sa profession préservent plus les hommes que les fem-mes de la douleur morale.

George Menahem

Maître de recherches, Credes-CNRS, Paris,

Philippe Guilbert

Coordonnateur du Baromètre santé au CFES.

La douleur vécue par les hommes et les femmes

Rubrique La santé en chiffres coordonnée par P. Guilbert : [email protected]

Figure 1 : La souffrance selon le sexe :la surdéclaration féminine de la douleur.

Figure 2 : Douleur selon le sexe et le cumul des dimen-sions de la précarité (chômage, revenu mensuelpar unité de consommation du ménage inférieur à 914 euros, isolement affectif ou rupture affective). Indi-ces à âges comparables.

25

50

75

100

125

150

175

200

225

0

Douleurmorale

Douleurphysique

Femmes

Hommes

120

3 1 aucun 3 1 aucun

102114

90103

89

140

206

150

72

105

48

éléments de précarité éléments de précarité

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

30 %

35 %

0Douleur physiqueet morale

Douleurmorale

Douleur physique

Femmes

Hommes

4,6 %1,7 %

8,2 %

31,4 %

25,6 %

4,2 %

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46 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

Erin Brockovich

Un film deSteven SoderberghÉtats-Unis, 2000, 2 h 11.avec Julia Roberts, Albert Finney, AaronEckhart

Résumé du filmInspiré d’événements réels (mais

sans doute pas mal romancés), l’his-toire d’Erin Brockovich est celle d’unejeune femme célibataire qui a trois gos-ses à charge et pas mal d’ennuis finan-ciers. Décidée à tout prix à trouver dutravail, elle déniche un boulot dans unbureau d’avocats où elle se retrouve encharge d’une sombre affaire de rachatde terrains par une compagnie d’eau.Menant sa propre enquête, Erin vadécouvrir que de terribles négligencesont entraîné une pollution de la nappephréatique, responsable à son tour del’empoisonnement de centaines depersonnes.

Réalisé par Steven Soderbergh (l’au-teur notamment de Sexe, mensonge etvidéo, Traffic et le récent Ocean’s Ele-ven), Erin Brockovich mêle habilementdistraction et réflexion écologique, met-tant notamment en cause la puissanced’industries qui sont prêtes à mettre endanger la vie de leurs concitoyens pourmaintenir leurs profits. Il brosse parailleurs un portrait savoureux d’Eringrâce à l’actrice Julia Roberts qui conju-gue vulgarité assumée et déterminationcourageuse dans un combat qu’ellecroit juste.

Le public auquel le film est destiné

Ce film peut être vu par un largepublic adolescent entre 12 et 18 ansenviron.

Rapport avec la problématiquesanté

Plusieurs aspects du film concernentl’éducation à la santé. Le thème desrisques des pollutions industrielles estévidemment d’actualité, et le film per-met d’en comprendre certains méca-

nismes : il montre notamment la com-plexité de l’administration de la preuveen ce domaine.

Un autre aspect du film retiendracependant ici notre attention : il s’agitdu personnage d’Erin Brockovichincarné par Julia Roberts qui composeun portrait de femme assez étonnant,démunie socialement mais extrême-ment débrouillarde et décidée, jouantde ses attraits physiques tout en affir-mant son autonomie sinon sa supério-rité sur son entourage.

Compte rendu d’une animationL’animation, dont nous proposons le

compte rendu, s’est déroulée dans uneécole technique avec des adolescentsâgés de 16 ans environ, quelques joursaprès la vision du film en salle, de façonà ce que les souvenirs des spectateurssoient encore frais. Toute la classe étaitréunie (environ vingt-cinq élèves) etc’est un animateur extérieur qui, enaccord avec l’enseignante, a mené l’en-semble de l’animation qui a duré deuxheures de cours.

Les élèves, qui avaient été prévenusde la présence de cet animateur, s’at-tendaient sans doute à ce qu’onaborde les thèmes « sérieux » du film,à savoir les pollutions industrielles etleurs conséquences, alors qu’il avaitété décidé, avec l’enseignante, dequestionner à travers le film la repré-sentation des rôles masculins et fémi-nins, ainsi que l’image de soi qui estliée à cette représentation. Le person-nage de Julia Roberts – l’actrice étantpratiquement indissociable du per-sonnage qu’elle incarne – nous parais-sait pouvoir fonctionner comme un« révélateur » efficace des valeurs et desreprésentations personnelles des dif-férents participants, dans la mesure oùla jeune femme apparaît porteuse detraits à la fois « saillants » (par exem-ple son sens de la répartie), suscepti-bles de frapper l’imagination, maisaussi relativement contradictoires :malgré ses handicaps de départ, elleréussira une brillante carrière dans uncabinet d’avocats. Tous ces traits noussemblaient pouvoir susciter les réac-tions des jeunes spectateurs.

cinésanté

D.R.

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47LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

L’objectif – modeste – de l’animationétait, d’une part, de favoriser l’expres-sion de valeurs et d’émotions person-nelles face au film et, d’autre part, defaire prendre conscience aux partici-pants des différences d’attitudes en cedomaine : de ce point de vue, il noussemblait intéressant de faire dialoguerles adolescents et adolescentes sur lesimages que les uns et les autres se fontdes « rôles » masculins et féminins ainsique des relations entre les sexes (ouplus exactement entre les genres, cesrelations dépassant évidemment lecadre « sexuel » ou même amoureux).

Un jeu de photosAprès avoir lancé la discussion en

demandant à l’ensemble de la classeson avis sur le film, nous avons distri-bué un jeu de cinq ou six photos du filmmontrant Julia Roberts dans des« accoutrements » divers : généralementune minijupe, un décolleté plus oumoins plongeant, une robe moulante,des hauts (sinon très hauts !) talons, unmélange parfois étonnant de vêtements« élégants » et « vulgaires ».

Ces photos suscitent rapidement desréactions de tolérance souriante : ErinBrockovich est sans doute provocante,mais pourquoi pas ? si ça lui plaît…puisqu’elle a un physique pour ça…Cependant, lorsque l’on demande auxgarçons (qui expriment diversementleur admiration) s’ils aimeraient queleur petite amie s’habille de cette façon,

une fracture très nette apparaît parmiles participants : quelques-uns ne recu-lent pas devant l’audace, mais la plupartse montrent beaucoup plus réservéssinon carrément hostiles.

Semblablement, les filles à qui l’ondemande si elles pourraient s’habillerainsi émettent aussitôt des réserves :quand ce n’est pas carrément « non »,ça dépend alors des « circonstances ».Peu, sinon aucune, s’imaginent se ren-dre au travail, comme le fait Erin, dansune telle tenue. Très rapidement, lesjeunes spectateurs font alors la diffé-rence entre le cinéma et la « vie », et affir-ment que le personnage de JuliaRoberts est un personnage de fictionmême s’il est porteur de traits qu’onpeut retrouver disséminés dans laréalité.

De façon plus fondamentale, les dis-cussions portent alors sur les relationsentre filles et garçons, et sur l’impor-tance différente que les uns et les aut-res accordent à l’apparence physique. Àce propos, on voit surgir un véritableressentiment de certaines jeunes fillesqui ne supportent pas le regard des gar-çons sur le physique féminin (le leur oucelui des femmes en général), regardqu’elles perçoivent comme constam-ment évaluateur et trop souvent dépré-ciatif. Dans la même perspective, plu-sieurs évoquent la jalousie qu’un telhabillement ne manquerait pas de pro-voquer dans un groupe de filles.

La tolérance apparente masque, onle voit, des crispations, des sentimentsparfois violents qui ont pu néanmoinss’exprimer assez facilement dans lecadre d’une discussion libre1.

George, un vrai mâle ?Des divergences similaires apparaî-

tront lorsqu’il s’agira de juger George,le compagnon d’Erin, qui apparaît d’a-bord sous les traits d’un motard portantcatogan et arborant une musculaturedéveloppée : malgré ses airs rudes, c’estlui qui se retrouvera en charge des jeu-nes enfants d’Erin essentiellement pré-occupée par l’affaire de pollutionqu’elle cherche à résoudre. Beaucoupde garçons trouvent alors une telle atti-tude irréaliste et suspectent volontiersle personnage de duplicité, l’amour desenfants n’étant à leurs yeux qu’un stra-tagème pour séduire leur mère, ce quin’est cependant pas conforme à l’his-toire, George s’occupant des enfantsbien après le début de son histoire d’a-mour avec Erin.

D’autres en revanche – plutôt les jeu-nes filles –, pensent que l’affection deGeorge pour les enfants, qui s’est déve-loppée petit à petit, est sans doute sin-cère et estiment que cette attitude n’estpas contradictoire avec son apparencefièrement « virile ». Si la paternité appa-raît donc pour beaucoup de garçonscomme une perspective lointaine danslaquelle ils ne se sentent pas impliqués,les jeunes filles (ou du moins certainesd’entre elles) « militent » (déjà ?) pourun partage plus équitable des rôlesparentaux, le père pouvant à leurs yeuxs’occuper des enfants dès leur plusjeune âge et leur « virilité » n’impliquantpas l’absence d’affection ou d’émotion.Bien sûr, la discussion sur ce point nepouvait suffire à rapprocher les pointsde vue.

Quelle carrièrepour une femme ?

George s’occupant des enfants et Erins’investissant dans sa carrière d’avocate,le film de Soderbergh présentait un inté-ressant renversement de rôles. Alors,entre le boulot et la famille, faut-il néces-sairement choisir ? Tout le monde tombesans doute rapidement d’accord endéclarant que l’idéal serait de pouvoirconcilier harmonieusement les deux, etpersonne ne semble vouloir sacrifier savie personnelle ni faire l’impasse totalesur le travail… Certains, et notamment

cinésanté

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48 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

certaines jeunes filles qui défendent lepersonnage d’Erin Brockovich à ce pro-pos, soulignent cependant l’importanced’un travail dans lequel on s’épanouit etaffirment en particulier que l’investisse-ment d’Erin dans son boulot peut se jus-tifier sans doute par l’argent qu’elle ygagne mais surtout par la reconnaissancequ’il lui apporte : elle est fière de cequ’elle fait, elle est heureuse qu’on larespecte, alors que, comme mère aufoyer, non seulement elle ne parvenaitpas à joindre les deux bouts mais elleétait déconsidérée aux yeux de tous.

Même si tout le monde est conscientque le film de Soderbergh est largementfictionnel et que la carrière d’Erin Broc-kovich (qu’il s’agisse du personnageréel ou de celui interprété par JuliaRoberts) est tout à fait exceptionnelle,c’est pour certain(e)s l’occasion d’affir-mer des valeurs – et notamment unesoif de reconnaissance individuelle –qui semblent déniées par ailleurs.

À ce propos, beaucoup admirent l’ai-sance verbale d’Erin Brockovich qui, audébut du film, est déconsidérée à cause

de ses écarts de langage (gros mots etautres vulgarités), mais qui se serviraprécisément de ces « faiblesses » pourclouer le bec à ses adversaires. On per-çoit facilement que, pour ces élèvessouvent stigmatisés par l’école, il y a làune forme de revanche sociale consis-tant à valoriser ce qui jusque-là étaitconsidéré comme un « défaut ».

Pas de conclusion ?D’autres thèmes ont été abordés au

cours de cette discussion qui a durédeux heures, par exemple le type decarrière professionnelle choisie par ErinBrockovich qui, du statut de salariée,passe à celui de membre d’une profes-sion libérale dont la rémunérationdépend de l’importance des affairesqu’elle traite. Ici aussi, on a pu releverdes différences de sensibilité, même sila question suscite des réactions moinspersonnelles dans la mesure où elle nese pose pas encore concrètement auxparticipants.

Il est clair que cette discussion nereprésentait qu’une étape dans unepossible réflexion à plus long terme surles rôles masculins et féminins. L’intérêtde cette démarche était notammentpour nous de montrer à l’enseignantequi y était associée comment utiliser unfilm de fiction pour permettre aux élè-ves d’exprimer des valeurs et des atti-tudes dont ils n’ont souvent qu’une fai-

ble conscience. Par ailleurs, commel’objectif d’une telle animation n’est évi-demment pas d’obtenir une « bonneréponse », le travail préparatoire consis-tant à élaborer un questionnaire portantsur une dizaine d’éléments précis dufilm (comme l’habillement d’Erin etdont on a présenté un résumé) a néan-moins guidé la discussion et évitéqu’elle ne s’éloigne trop de son thèmeprincipal.

L’ensemble de cette discussion ad’ailleurs fait l’objet d’un compte renduécrit qui a ensuite été remis aux parti-cipants.

Michel Condé

Centre Culturel Les Grignoux,

Liège, Belgique.

1. La « dynamique » générale du groupe était sansdoute suffisamment bonne pour permettre une telleexpression : dans d’autres groupes, il aurait peut-êtremieux valu séparer la classe en deux groupes unisexes(cf. Josette Morand et Claude Rozier. Éducation à lasexualité : une animation en classe de 4e. La Santéde l’homme, novembre-décembre 2001 : 23-4).

cinésanté

Rubrique Cinésanté coordonnée par M. Condé : [email protected] et A. Douiller : [email protected]

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Contribution d’une association delutte contre le sida à l’éducationdu patient atteint par le VIH

La survenue de l’infection par le VIH a suscité une mobilisation sansprécédent dans l’histoire de la médecine. Elle a participé au développementd’associations de patients sur un modèle de santé communautaire. Cesassociations ont rapidement pris une part importante dans la prise encharge et le soutien des personnes vivant ave le VIH, soutien qui s’estprogressivement organisé et professionnalisé. Aujourd’hui, elles ont investitous les domaines de la maladie et en particulier l’éducation thérapeutique.

Quelques mois après l’arrivée denouvelles combinaisons de traitementanti-VIH (multithérapies), en 1996, sontapparus de nouveaux effets secondai-res signes de l’infection appelés « lipo-dystrophies ». Il s’agit d’anomalies dela répartition du tissu graisseux sur lecorps : la graisse s’accumule sur le tronc(obésité tronculaire) et éventuellemententre les omoplates (bosse de bison),et/ou disparaît sous la peau, en parti-culier au niveau des membres et duvisage. Ces anomalies apparaissentchez environ 50 à 60 % des personnesséropositives en traitement, le plus sou-vent dans l’année qui suit la mise soustraitement (1-3). À ces signes visibles,s’ajoutent des élévations parfois spec-taculaires du taux de cholestérol et/oude triglycérides (graisses) dans le sang.Des intolérances au glucose sont éga-lement fréquentes. Ces anomalies bio-logiques sont des facteurs de risque demaladies cardiovasculaires (infarctus,angine de poitrine, etc.). Les mécanis-mes explicatifs de ces phénomènessont encore très mal connus et iln’existe pas de réponse médicale satis-faisante (hormis les interventionschirurgicales qui permettent le « rem-plissage » des joues creusées).

Si les lipodystrophies mettent enpéril la santé à long terme des person-nes vivant avec le VIH (maladies car-

diovasculaires), elles détériorent, enoutre, considérablement leur imagecorporelle, ainsi que leur équilibrepsychologique et leur vie sociale (pro-fessionnelle, familiale, affective etsexuelle) (4-6). De plus, elles altèrentla bonne adhésion des personnes à leurtraitement (7). Rappelons qu’aujourd’-hui beaucoup de personnes débutentun traitement alors qu’elles n’ont aucunsigne de l’infection par le VIH et se sen-tent bien. Comment dans ces condi-tions accepter un traitement dont onsait qu’il peut transformer aussi radi-calement le corps ? Pour les personnesqui ont vécu les années sans traitementefficace, il n’est pas plus facile de pas-ser d’une physionomie parfois déchar-née à celle d’un embonpoint. Ce pro-blème de l’image du corps, du regarddes autres, ces transformations bruta-les, font l’objet de nombreuses plaintesde la part de ces personnes, que lecorps médical a mis bien longtemps àprendre en considération.

La mobilisation des associationsCréant une « force sociale » face au

système médical, les associations delutte contre le sida ont, par un fort mou-vement militant, participé à l’évolutiondes rapports soignants/soignés et dusystème de santé (8-11). Concernant leslipodystrophies, elles ont alerté les pou-voirs publics dès l’apparition des pre-

miers signes comme en témoignent denombreux articles dans la presse spé-cialisée. Des réunions d’information ontété organisées et des brochures ont étéélaborées. Des programmes d’aide àl’observance ont vu le jour dans plu-sieurs associations mais aucun n’estspécifiquement conçu pour les per-sonnes présentant des lipodystrophies.

Parallèlement, Aides Paris met enplace depuis de nombreuses années desactions d’éducation du patient vivantavec le VIH : entretien de counseling(accompagnement, soutien) sur la prisedes médicaments, groupe de parole etd’autosupport sur les traitements, ate-liers nutrition sur « comment se nourriravec les traitements », information sousdiverses formes (réunions, brochures,etc.). C’est ainsi un observatoire privi-légié du vécu des personnes en traite-ment, qui se confient parfois plus faci-lement qu’en milieu médicalisé. Cetteassociation représente surtout un lieu oùchaque personne est soutenue dans unprojet plus global d’autodéterminationet de réinsertion sociale, dont l’objectifest de rendre chacun acteur de sa santé.

En 1999, alors que les lipodystro-phies sont clairement identifiées par lespatients et encore très peu prises encompte par les soignants, Aides Parismet en œuvre un programme spéci-

49LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

éducation du patient

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Parcours lipodystrophies : activités, intervenants et supports utilisés

50 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

fique appelé « parcours lipodystro-phies » dans ses locaux à Paris (10e arron-dissement). L’idée est de créer un espacede parole et d’information sur les lipo-dystrophies, afin d’améliorer la capacitédes personnes à faire des choix éclairéset à agir dans la limite de leurs possibi-lités. Il s’agit de proposer des solutionspratiques et variées aux personnes souf-frant de lipodystrophies afin d’amélio-rer leurs capacités à réduire leurs symp-tômes et/ou à mieux les accepter. Onpeut penser que ce programme a éga-lement un effet positif sur l’adhésion despersonnes à leur traitement.

Aides est donc d’initiateur d’un pro-gramme original et unique par sonapproche résolument centrée sur leslipodystrophies.

Un programme originalsur les lipodystrophies

Le « parcours lipodystrophies » apour objectif général de minimiser l’al-tération du bien-être et de la qualité devie des personnes souffrant de lipo-dystrophies.

Les objectifs intermédiaires de ceprogramme ont été définis de lamanière suivante :- améliorer le vécu des personnes etleur ressenti vis-à-vis des signes de lipo-dystrophies ;- les informer sur les stratégies existan-tes pour diminuer les symptômes etpréserver leur santé à long terme ;- les soutenir dans leurs choix et aug-menter leur éventuelle déterminationà agir.

Le « parcours » comprend : un atelierd’une journée entière (10 h 30-17 h),proposé aux personnes qui le souhai-tent, une fois par semaine pendant qua-tre semaines consécutives, suivies dedeux journées d’évaluation et d’ac-compagnement, une semaine, puisquatre semaines après. Les activités etles intervenants sont indiqués dans letableau ci-dessous.

Le groupe de parole permet, outre lacréation d’une dynamique de groupe,une confrontation des symptômes res-sentis, une verbalisation du mal-être,une expression des émotions et l’ap-

prentissage de la relation d’aide et del’autosupport dont les effets bénéfiquesont été montrés (12).

La relaxation, la sophrologie et le QiGong (prononcer « chi-kong ») apparte-nant à l’atelier « exercice physique »,per-mettent une meilleure gestion du stresset une visualisation mentale du corps.

L’atelier d’écriture se rapproche destechniques créatives d’éducation pourla santé comme la peinture. Il permetune valorisation du témoignage par lacréation d’une trace écrite, contribuantà l’amélioration de l’estime de soi.

éducation du patient

Nature matindes activités

a. m.

Intervenants

Supports utilisés

Atelier 1Semaine 1

Groupe deparole.

TLJ

Psychologue

Atelier 2Semaine 2

Activitésphysiques*

Exposé sur lanutrition

Kinési-thérapeute

EtDiététicien(ne)

Paper boardet documents

Atelier 3Semaine 3

Activitésphysiques*

Exposé sur lestraitements

Kinési-thérapeute

Et Formateur

Paper boardet documents

Atelier 4Semaine 4

Atelierd’écriture.

TLJ

Volontairesexpérimentés

Atelier 5Semaine 5

Auto-évaluationcollective

Évaluationindividuelle

PsychologueEt

coordinateursdu programme

Questionnaire

Atelier 6Semaine 9

Évaluationcollective

4 semainesaprès la findes ateliers

TLJ

Coordinateursdu programme

Questionnaire

* gymnastique, relaxation, sophrologie et/ou Qi-Gong (art martial interne chinois faisant partir intégrante de la médecine traditionnelle chinoise)

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L’information nutritionnelle et théra-peutique, ainsi que l’apprentissage detechniques de musculation, apportentdes connaissances et des savoir-faire quipeuvent contribuer à développer le sen-timent d’auto-efficacité et à déplacer lelieu de maîtrise de sa santé (13).

Le soutien psychologique, la relaxa-tion et les discussions de groupe per-mettent, en outre, aux personnes d’en-gager un « processus d’élaboration dece qui est vécu » pour parvenir à dépas-ser le traumatisme que représente laperte de son image corporelle (14).

Des résultats modestesmais encourageants

Lors de sa mise en place, une éva-luation de ce programme a été menéepar les volontaires (bénévoles) engagésdans la démarche1. Elle a combiné uneapproche quantitative et une approchequalitative, une évaluation de proces-sus et de résultats.

Une analyse rapide permet d’obser-ver que ce programme :• s’inscrit dans un modèle de santé glo-bale qui vise à l’autonomie et à l’auto-détermination des personnes ;• adopte une logique d’enseignementassociée à une logique d’apprentissage ;• correspond à (selon la typologie deGagnayre, 1996) :- un apprentissage de l’acceptation desa maladie ;- un apprentissage de l’autosoin (acqui-sition de compétences cognitives, tech-niques, psychoaffectives, pour résoudredes problèmes liés à la maladie) ;- un apprentissage de son corps(apprendre à regarder son proprecorps, à l’observer, à l’accepter).

Dans ce programme original, tant parses objectifs que par les outils pédago-giques utilisés, le processus éducatifapporte aux participants un gain deconnaissance et les mène à adopter uneattitude plus positive face à leurs symp-tômes. Si l’on se réfère au modèle trans-théorique de J. O. Proschaska (15), onconstate que l’ensemble de ce pro-gramme se situe dans la phase de prépa-ration au changement, en renforçant ladétermination à agir, et qu’il aboutit à unengagement personnel. Le parcoursapporte une matérialisation acceptableet réaliste aux intentions vagues des par-ticipants au début de l’action (« enviede faire quelque chose », « de se ren-

seigner », etc.). Quatre semaines après lafin du parcours, la plupart des partici-pants ont engagé une démarche posi-tive, même modeste, vis-à-vis de leur(s)symptôme(s). Bon nombre adoptentdes mesures diététiques qui semblentplus aisées à mettre en œuvre que lesmesures d’exercice physique.

Depuis quelques années, de nom-breux textes officiels soulignent lanécessité d’une démarche d’éducationdu patient dans la prise en charge desmaladies chroniques, soulignant l’intérêt« d’intégrer les milieux associatifs dansla prise en charge des maladies chro-niques » (10). Or curieusement, si lesassociations de lutte contre le sida sontreconnues pour leur impact importantsur le système de santé et les relationspatients/médecins, leurs actions éduca-tives, telle que celle décrite dans cet arti-cle, sont moins reconnues. Cette recon-naissance permettrait, d’une part, unemeilleure coordination avec le systèmede soins, ce qui répondrait à ses nou-

velles exigences d’organisation, et d’au-tre part, de nouvelles modalités de sub-ventionnement des associations. Unemeilleure complémentarité entre ces dif-férents partenaires améliorerait l’effica-cité du soutien apporté aux personnesséropositives et à leurs proches, dans unsouci constant d’amélioration de leurqualité de vie.

Maryse Karrer

Chargée de mission au service Éducation

du patient-Professionnels de santé, CFES.

1. Les résultats de cette évaluation peuvent être com-muniqués en s’adressant à l’auteur de cet article.

51LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

éducation du patient

(1) Carr A., Samaras K., Burton S., et al. A syn-drome of peripheral lipodystrophy, hyperlipi-daemia and insulin resistance in patients recei-ving HIV protease inhibitors. AIDS 1998 ; n° 12 : 51-8.(2) Leclercq P. Définition et physiopathologiedes lipodystrophies. La lettre de l’infectiolo-gie 1999 ; XIV, hors série juillet : 4-6.(3) Saint Marc Th. Anomalies cliniques et méta-boliques observées au cours des traitementsantirétroviraux. La lettre de l’infectiologie1999 ; XIV, hors série juillet : 3.(4) Lavaud S. Les modifications corporellessous traitement antirétroviral. Le journal dusida 1998 ; n° 111 : 11-3.(5) Marchand-Gonod N., Bungener C. Parolesde femmes. Le journal du sida 1998 ; n° 105-106 : 30-33.(6) Linard F. Impact psychologique des trans-formations corporelles. Allocution à la 3e jour-née annuelle « avancée VIH » des Laboratoi-res Glaxo-Wellcome, Paris, 6 mai 1999.(7) Saint Marc Th., Poizot Martin I., PartisniM., et al. A syndrome of lipodystrophy inpatients receiving a stable nucleoside-analo-gue therapy. 6th conference on retrovirus andopportunistic infections. Chicago, 1999(abstract 642).(8) Licht N. Jeu de rôle. De l’impact du sidasur les rapports soignants-soignés. Prévenir1993 ; n° 25 : 91-102.(9) Renard C., Deccache A., van Ballekom K.,

Heremans P. Prévention du sida et communi-cation dans la relation soignant-soigné : un pro-jet européen de formation 1991-1997. Bulle-tin d’éducation du patient 1997 ; 15, n° 4 :97-103.(10) Diabètes, prévention, dispositifs de soinset éducation du patient. Rapport du HautComité de la santé publique, coll. Rapports.Rennes : ENSP, 1998.(11) Kouchner B. Lutter contre l’épidémie. Allo-cution au colloque « Vie quotidienne et traite-ments de l’infection à VIH », organisé par Aidessous le haut patronage du secrétariat d’État àla Santé et à l’Action sociale, Paris, 2 avril1999.(12) Kohler C., Dolce J., Higgins D., et al. Useof Focus Group methodology to develop anasthma self-management program useful forcommunity-based medical practices. HealthEducation Quarterly 1993 ; 20 : 421-9.(13) Deccache A., Malice A., Libion F., RenardC. Évaluation préalable auprès des patients :synthèse des résultats. Bulletin Épidémiolo-gique du Patient 1995 ;13, n° 1 : 13-5.(14) Puchieu S. Le contrat thérapeutique avecles diabétiques, quand observance rime avecconfiance. Réseau Diabète 2000 ; n° 3 : 15-7.(15) Proschaska J.O., Di Clemente C.C. Stagesof changes in the modification of problembehaviour. In : Herso M., Eisler R.M., MollerP.M. (eds). Progress in behaviour. NewburyPark : sage, 1992 : 184-218.

◗ Références bibliographiques

Rubrique coordonnée par Isabelle Vincent :[email protected]

Pour toute information sur ce programme,vous pouvez contacter Gil Fraqueiro à AidesIle-de-France, tél. 01 53 24 90 63 ou par mélà l’adresse suivante :[email protected].

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52 LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 358 - MARS-AVRIL 2002

La sexualité pendant les « années collèges »

Revue L’École des parents

Ce dossier présente deux parties :l’une regroupant des articles se pla-çant du point de vue des jeunes, l’aut-re s’intéressant au rôle des différentsacteurs de l’éducation sexuelle desadolescents. La première partieregroupe une dizaine d’articles quiabordent chacun différents paramètresd’étude concernant le développementde la sexualité à l’adolescence :

conception de l’éveil sexuel à travers les époques, élabora-tion de la sexualité dans le développement de la relation àl’autre, relation entre violence et sexualité, etc. Plusieurs arti-cles valorisent des actions menées auprès des jeunes tellesque l’expérience réalisée dans un collège de l’Ain pour favori-ser l’expression des jeunes ou encore le travail d’écouteeffectué par les professionnels de la ligne Fil Santé Jeunes.Ils soulignent notamment la multiplicité des interrogations quesuscite le développement de la sexualité chez les jeunes. Ladeuxième partie s’intéresse aux rôles des médias, institutionsnationales et éducateurs auprès des jeunes. Le statut de l’é-ducation et des représentations de la sexualité sont évo-qués : représentation et acte sexuel, influence des pairs àl’adolescence, regard sociologique sur la sexualité des jeunesdans les cités, divergence entre la libéralisation des mœurset un système de protection des individus toujours accru.

Hors-série n° 1, mars 2002 : 66 p., 11 €.A.G.

Le phénomène techno : clubs, raves, free-partiesEtienne Racine

Résultat d’un travail de recherche ethnologique de plusieurs années, le phénomène techno nous invite à une immer-sion dans une pratique sociale qui interpelle les responsables politiques et les familles. L’auteur explore avec forcedétails le sens que les acteurs donnent à ces rassemblements festifs, légaux ou non, qu’on les nomme grands raves,raves, free-parties ou teknivals. L’analyse montre que ces événements permettent à la fois l’inscription dans une com-munauté tout en favorisant la libre expression d’une symbolique individuelle. Parallèlement au décodage des signifi-cations collectives où la parole cède la place à la puissance des sonorités musicales, où l’apprentissage d’un codeformalisé n’est pas nécessaire pour danser et où le DJ reste au service du collectif sans devenir une star, l’ethnolo-gue Etienne Racine met en lumière des trajectoires individuelles allant de l’initiation à la retraite, en passant par la pro-

fessionnalisation ou la prévention. La techno dispose désormais de sa propre histoire avec ses dates et périodes significatives.Cette étude intéressera tout particulièrement l’éducateur pour la santé à travers l’analyse portée sur la consommation des substancespsychoactives des participants. L’auteur présente la prise de conscience des risques des ravers ainsi que les stratégies mises en œuvrepour s’en prémunir le mieux possible. Mais il souligne également combien le testing peut favoriser la consommation.Voici donc un ouvrage qui contribuera à dépassionner et à éclairer le débat sur une jeunesse déroutante, mais toujours en quête de sens.

Paris : Imago, 2002 : 213 p., 16,77 €.Philippe Ropers

Éducation pour la santé des jeunes.Démarches et méthodes

Institut national de la santé et de larecherche scientifique (Inserm)

Ce rapport a été réalisé dans le but d’exa-miner la cohérence et l’efficacité desméthodes en matière d’éducation pour lasanté utilisées auprès des jeunes, avecune attention particulière pour celles desti-nées à prévenir les comportements àrisque liés à la toxicomanie et à l’usage desubstances psychoactives. L’analyse dugroupe d’experts a fait l’objet de septpoints d’études : statut de l’éducation pourla santé des jeunes ; concepts, modèles et

évolution de l’éducation pour la santé des jeunes ; mise en œuvrede l’éducation à la santé dans le système scolaire ; démarchesparticipatives en éducation pour la santé ; évaluation des pro-grammes d’éducation pour la santé ; prévention des comporte-ments sexuels à risque ; prévention des risques liés à la consom-mation de produits psychoactifs. Différentes recommandations ontété soulignées par le groupe d’experts. Elles portent sur quatrepoints : assurer la cohérence et la continuité des programmes édu-catifs tout au long de la scolarité des jeunes ; développer enFrance des compétences propres à l’éducation pour la santé ; faireévoluer les méthodes éducatives et définir de nouveaux critèresadaptés à leur évaluation ; valoriser les résultats de recherche enéducation pour la santé et accélérer leur diffusion auprès desacteurs de la prévention.

Paris : Inserm, coll. Expertise collective, 2001 : 247 p., 22,87 €.Anne Garreau

lectures - vidéos

Rubrique lectures coordonnée par le centre de documentation du CFES : [email protected]

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lectures - vidéos

Collection Petite enfanceAssociation Anthéa

Six séquences sont regroupées dans cette vidéoconsacrée à la petite enfance : les oppositions del’enfant, le sommeil de l’enfant, les peurs de l’enfant,les doudous, l’acquisition de la propreté, l’éveil del’enfant. Les séquences sont toutes de courte duréeet construites d’une manière identique, mettant enscène des enfants à la crèche ou avec leursparents. Après un premier temps consacré à la défi-nition du thème abordé, chaque séquence donne dif-férentes explications concernant l’attitude de l’en-

fant : comment évoluent les conduites d’opposition avec l’âge ? Quelleest la physiologie d’un sommeil normal chez l’enfant ? Pour quelles rai-sons un enfant a-t-il peur ? Qu’est-ce qu’un objet transitionnel ?Comment s’effectue l’acquisition de la propreté ? Comment se déroulel’éveil de l’enfant ? etc. Ces différentes informations permettent auxparents de mieux appréhender le comportement de leur enfant et d’être plus sereins. Certaines séquences proposent également desconseils pour mieux gérer les situations les plus délicates, telles quesavoir éviter les conflits et dépasser les oppositions, appréhender lespeurs nocturnes de l’enfant ou encore faciliter l’apprentissage de l’en-fant à la propreté. Chaque séquence s’accompagne de fiches repre-nant les informations développées au cours du film.

VHS Secam, 40 min., 2001.Association Anthéa : 46 €, frais de port inclus (7, place auxHerbes 83300 - Draguignan. Tél. 04 94 68 98 48).

A.G.

Guide d’éducation sexuelle à l’usage des professionnels.Tome 1 : l’adolescence.Réjean Tremblay (sous la dir. de), avec Jacqueline Beslot, Michel Dal Moro, Martine Guinard, Odile Lagacherie,Hubert Trombert Tome 2 : la personne handicapée mentale.Réjean Tremblay (sous la dir. de), avec Antoine Aragon, Ginette Paunero, Nicole Suret, Marie-Christine Vidotto

La collection Guide d’éducation sexuelle à l’usage des professionnels a été conçue comme un véritable programmeéducatif, proposant une approche humaine de la sexualité. Ce programme s’adresse à tous les professionnels ayantune fonction plus ou moins spécifique d’éducation sexuelle. L’introduction présente brièvement les principes direc-teurs du guide et justifie l’approche choisie, reposant sur les principes éducatifs de base qui consistent à écouter,informer, orienter, soutenir et témoigner. Chaque volume de la collection se présente en deux parties. La première partie expose les fondements de l’éduca-tion sexuelle. Quatre points sont développés : définition de la sexualité humaine, présentation du développement dela sexualité et des théories qui la définisse, objectifs de l’éducation sexuelle, présentation des différentes approchespédagogiques adaptées à l’éducation sexuelle. La deuxième partie propose une mise en pratique de l’éducationsexuelle. Le programme est organisé autour de différents points qui vont permettre de définir une action d’éducationsexuelle cohérente, telle que la position de l’éducateur vis-à-vis des élèves, la présentation du programme ou encoreles techniques d’apprentissage à mettre en œuvre. Un questionnaire est proposé en fin d’ouvrage, afin de valider lesacquis et de mesurer les effets de l’éducation sexuelle sur les individus. Des fiches pédagogiques sont proposéesdans le volume consacré à l’adolescent, concernant différents aspects de l’éducation à la sexualité : plaisir sexuel,découverte de la sexualité, langage du corps, etc. Dans le volume consacré à la personne handicapée mentale, unpoint est particulièrement consacré à la place des parents dans le projet d’éducation sexuelle en Institution.

Ramonville Saint-Agne : Éditions Erès, tome 1 : 162 p. et tome 2 : 152 p., 20 €.A.G.

Sitcom alcool (vidéo)Thomas Geser (scénario)Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autrestoxicomanies (Ispa)

Présentée sous la forme d’une sitcom, cette vidéo a été réaliséedans le but de développer un dialogue sur la thématique de l’alcoolavec un public d’adolescents. Le Mambor Bar est le lieu de ren-contre privilégié des copains et copines de Vanda, qui viennent tourà tour lui raconter leurs aventures amoureuses, professionnelles etrelationnelles, au sein desquelles l’alcool joue un rôle prédominant.La vidéo se compose de cinq petites scènes qui présentent cha-cune les raisons qui poussent à une trop grande consommationd’alcool : surmonter le stress, se remonter le moral, se donner ducourage... Elles mettent également en valeur sur un ton humoris-tique les désagréments qui en résultent. La première scène abor-de les dangers de l’alcool au volant. La deuxième démystifie le rôlede l’alcool dans la relation de séduction. La troisième scène mon-tre de quelle façon l’excès d’alcool peut amener un comportementviolent. La suivante expose les dangers de l’alcool dans la vie pro-fessionnelle, bien souvent utilisé pour pallier le stress du travail. Ladernière scène expose enfin les risques d’accidents et de chutesqu’entraîne toute consommation excessive d’alcool. Un livret d’ac-compagnement propose des pistes de discussion avec les ado-lescents, selon les thèmes que l’on souhaite aborder, ainsi que dif-férentes indications bibliographiques et pédagogiques.

Lausanne : Ispa, 2001, VHS Secam, 16 mn., un livret, 26 €.A.G.

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IL NE SAIT PAS ENCORE PARLER

MAIS IL TOUSSE DÉJÀ TRÈS BIEN

+72% DE BRONCHITES, +52% DE CRISES D’ASTHME,

+48% D’OTITES CHEZ LES ENFANTS EXPOSÉS AU TABAC.

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