Journée Rousseau

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Journée Rousseau 27 mars 2015 Présentation Dans les généalogies de la modernité, Rousseau occupe une place à part. D’abord parce qu’il n’en épouse jamais les traits sans en marquer en même temps les limites : poussant la logique artificialiste du contrat à son terme, il critique néanmoins la dénaturalisation sociale de l’homme ; condamnant sans appel les inégalités de son temps, il cherche aussi à conjurer la révolution qu’il sent venir. Ensuite, et surtout, parce que Rousseau nous permet de saisir mieux que n’importe quel autre auteur classique les ambivalences de la modernité dont nous sommes encore les témoins. Parce qu’il n’envisage jamais les progrès futurs à part de la perte qui les a rendus nécessaires, il n’est pas étranger à la mélancolie politique et historique dont nombre d’auteurs font l’un des principaux traits de notre époque. Cette position inconfortable (héraut de la modernité en même temps que de ses impasses) explique en partie pourquoi la place de Rousseau dans l’histoire de la philosophie demeure largement une question ouverte. Certes, de grands noms de la pensée contemporaine française se sont référés à lui (Lévi-Strauss, Derrida) ou ont lui ont consacré des études désormais classiques (Starobinski). Mais c’est presque toujours un Rousseau singulier, celui des Discours, du Contrat social ou des Confessions, qui émerge de ces coups de sonde, comme si l’unité de sa pensée demeurait encore à démontrer. Depuis quelques années pourtant, des chercheurs se sont consacrés à reconstruire cette unité dans le but explicite de mettre la pensée rousseauiste au travail et de montrer en quoi elle éclaire, par sa singularité même, des décisions théoriques qui continuent à nous engager. Autour de Bruno Bernardi, ils ont contribué à transformer l’image de Rousseau : d’auteur solitaire relativement éloigné des débats de son temps, celui-ci apparaît désormais comme un penseur qui se situe au carrefour de la philosophie moderne dont il n’ignore ni les percées, ni les contradictions. Rousseau a envisagé avec une grande lucidité les mutations modernes qui affectent des questions aussi décisives que l’obligation politique, le droit naturel, le rapport entre État et démocratie, le statut de la propriété privée et la justice. Au moment même où il hérite de ces mutations, il les subvertit jusqu’à transformer de fond en comble le paysage conceptuel du politique. La revue Esprit se propose de réunir quelques uns de ces chercheurs pour faire le point sur ce « moment Rousseau » (celui du XVIIIème siècle confronté au nôtre). L’abandon des alternatives d’hier (libéralisme versus communautarisme) et les limites des conceptions procédurales de la démocratie, pour ne rien dire des évolutions sociales contemporaines, font souvent conclure à un certain épuisement de la philosophie politique. Notre pari consiste à relire Rousseau dans sa cohérence, mais aussi à la lumière du présent. M.F. Informations pratiques La rencontre se déroulera dans les locaux de la revue Esprit, au 212, rue Saint-Martin, 75003 Paris, code 36A63, 2 ème étage. Pour vous inscrire, merci de bien vouloir envoyer un courriel à Alice Béja, [email protected]

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Philosophie politique - Philosophie du droit

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  • Journe Rousseau 27 mars 2015

    Prsentat ion

    Dans les gnalogies de la modernit, Rousseau occupe une place part. Dabord parce quil nen pouse jamais les traits sans en marquer en mme temps les limites : poussant la logique artificialiste du contrat son terme, il critique nanmoins la dnaturalisation sociale de lhomme ; condamnant sans appel les ingalits de son temps, il cherche aussi conjurer la rvolution quil sent venir. Ensuite, et surtout, parce que Rousseau nous permet de saisir mieux que nimporte quel autre auteur classique les ambivalences de la modernit dont nous sommes encore les tmoins. Parce quil nenvisage jamais les progrs futurs part de la perte qui les a rendus ncessaires, il nest pas tranger la mlancolie politique et historique dont nombre dauteurs font lun des principaux traits de notre poque.

    Cette position inconfortable (hraut de la modernit en mme temps que de ses impasses) explique en partie pourquoi la place de Rousseau dans lhistoire de la philosophie demeure largement une question ouverte. Certes, de grands noms de la pense contemporaine franaise se sont rfrs lui (Lvi-Strauss, Derrida) ou ont lui ont consacr des tudes dsormais classiques (Starobinski). Mais cest presque toujours un Rousseau singulier, celui des Discours, du Contrat social ou des Confessions, qui merge de ces coups de sonde, comme si lunit de sa pense demeurait encore dmontrer. Depuis quelques annes pourtant, des chercheurs se sont consacrs reconstruire cette unit dans le but explicite de mettre la pense rousseauiste au travail et de montrer en quoi elle claire, par sa singularit mme, des dcisions thoriques qui continuent nous engager. Autour de Bruno Bernardi, ils ont contribu transformer limage de Rousseau : dauteur solitaire relativement loign des dbats de son temps, celui-ci apparat dsormais comme un penseur qui se situe au carrefour de la philosophie moderne dont il nignore ni les perces, ni les contradictions. Rousseau a envisag avec une grande lucidit les mutations modernes qui affectent des questions aussi dcisives que lobligation politique, le droit naturel, le rapport entre tat et dmocratie, le statut de la proprit prive et la justice. Au moment mme o il hrite de ces mutations, il les subvertit jusqu transformer de fond en comble le paysage conceptuel du politique.

    La revue Esprit se propose de runir quelques uns de ces chercheurs pour faire le point sur ce moment Rousseau (celui du XVIIIme sicle confront au ntre). Labandon des alternatives dhier (libralisme versus communautarisme) et les limites des conceptions procdurales de la dmocratie, pour ne rien dire des volutions sociales contemporaines, font souvent conclure un certain puisement de la philosophie politique. Notre pari consiste relire Rousseau dans sa cohrence, mais aussi la lumire du prsent.

    M.F. Informations prat iques La rencontre se droulera dans les locaux de la revue Esprit, au 212, rue Saint-Martin, 75003 Paris, code 36A63, 2me tage. Pour vous inscrire, merci de bien vouloir envoyer un courriel Alice Bja, [email protected]

  • Programme 10h30-12h30

    Sance anime par Jol Roman

    Pourquoi Rousseau ? Introduction , Olivier Mongin (Esprit) Rousseau, notre contemporain ? , Florent Gunard (philosophe, Universit de Nantes). Rflchir partir de Rousseau sur nos socits nest pas chose facile. Car il faut pour cela carter deux dfauts. Nous ne pouvons pas considrer que Rousseau est notre contemporain, comme si ses crits ntaient pas lis un contexte historique prcis et comme si nous vivions encore au 18me sicle. Nous ne pouvons pas non plus considrer que nous ne pouvons rien apprendre de lui pour comprendre les crises que nous traversons, comme si les problmes politiques dont il a fait lanalyse ntaient pas encore les ntres. Pour saisir ce que le philosophe genevois a encore nous dire, il faut faire la part des choses : si Rousseau reste actuel, cest moins parce que nous pourrions encore nous inspirer dun programme politique quil aurait fix, que parce quil a montr quon ne pouvait sparer la politique et lconomie de lanthropologie et de la pdagogie de ce quil appelait la Thorie de lhomme . Et il y a fort parier que cette thorie est pour nous encore un dfi.

    14h-18h Sance anime par Michal Fssel

    Lecture de Rousseau , Bruno Bernardi (philosophe, membre de l'Institut d'Histoire de la Pense Classique) Sollicit de prsenter les principes, la mthode et les rsultats de ma lecture de Rousseau en revenant sur les travaux que je lui ai consacrs depuis plus de vingt ans, jai prfr le faire en voquant mes recherches les plus rcentes qui donneront lieu la publication prochaine dun ouvrage intitul : Rousseau et le droit politique : sur un chemin virtuel de la modernit. Je pourrai ainsi montrer comment mon travail sur Rousseau sinscrit dans une entreprise plus large dont le but est dclairer les problmatiques contemporaines par une dmarche dhistoire conceptuelle de la modernit politique. Ce que le peuple veut mais ne voit pas. Langle mort de la politique et de lhistoire , Cline Spector (philosophe, Universit Bordeaux Montaigne) L acte par lequel un peuple est un peuple suppose la cration dun sujet politique. Or ce moment de linstitution rvle une difficult qui a retenu lattention de nombreux exgtes de Rousseau, de Leo Strauss Bruno Karsenti en passant par Louis Althusser : si le peuple veut le bien quil ne voit pas , sil a besoin dun guide , il semble y avoir un dcalage inhrent lacte fondateur, o lesprit social doit tre prsuppos. Faut-il en conclure que le pacte cre moins la socit politique quil ne politise une socit relle ? L o Louis Althusser condamnait la fuite en avant dans lidologie , l o Leo Strauss considrait que le lgislateur obscurcit la souverainet du peuple et la figure rousseauiste de la loi, B. Karsenti dcle le travail de lhistoire dans la thorie. Le lgislateur apparat comme un doxologue , au sens o il analyse les prjugs du peuple pour en faire merger lesprit social. Tel Mose, le lgislateur laisserait alors le peuple au seuil de la Terre promise, sans mettre en pril sa souverainet vritable. Cette contribution entend discuter cette interprtation sociologique de Rousseau. A suivre Conclusion , Michal Fssel (philosophe, Ecole Polytechnique)