Journal de L'APPEL n°152

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PUBLICATION TRIMESTRIELLE • N° 152 • MARS 2014 ARTISAN DE L’AVENIR D’UN ENFANT

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Journal de l'association de solidarité internationale L'APPEL

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PUBLICATION TRIMESTRIELLE • N° 152 • MARS 2014

ARTISAN DE L’AVENIR D’UN ENFANT

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2 Mars 2014 www.lappel.org

SommaireJ Éditorial............................................. 2

J Rwanda : A Byumba une coopération prometteuse ...................................... 3

J Pérou témoignage :Enfants et adolescents des rues ....4-5Les jeunes des ateliers de Cusco ..... 6

J Burkina Faso : Dunia La Vie-Burkina & MJCA : un bon bilan ...................................... 7

J Haïti :Quatre ans après le terrible séisme du 12 janvier 2010 ............................ 8

J El Salvador :Visite à La Campanera ..................... 9Le médecin et l’ingénieur agronome, alliés naturels de villages isolés ... 10

J Madagascar :Renutrition : vers un partenariat de valeur ....................................10-11

J Tchad : Une nouvelle construction à l’école de Koumogo ..................... 12

J Burkina Faso : Que devient le village de Karma ? ...................................... 12

ÉDITORIAL L’année 2014 est déjà bien avancée mais, puisque c’est le premier journal de L’APPEL cette année, permettez-moi de jouer les prolongations et de vous souhaiter, chers lecteurs, fidèles donateurs, bénévoles engagés et efficaces, une année heureuse dans l’accomplissement de notre tâche associative. Que notre effort, tourné vers les enfants les plus démunis des pays du Sud, ne se relâche pas, tant les besoins sont importants !

Nos dix pays d’intervention comptent parmi les plus pauvres du monde. Même si au Rwanda, au Pérou, au Salvador et au Vietnam, des progrès sont constatés vers un avenir plus prometteur, les populations auxquelles nous apportons notre aide sont parmi les laissés pour compte de ces régions…

Malgré la crise, votre soutien reste intact !

Si la baisse constatée de nos finances, chez nous comme ailleurs, impacte, même modérément, nos projets, nous avons fait preuve d’imagination et d’initiatives pour nous adapter à ce nouveau contexte. Nos structures se modernisent en vue d’une meilleure efficacité. L’APPEL peut ainsi revendiquer le statut d’ONG fiable et lisible, ouverte à son environnement ! Car nous restons persuadés que c’est en étroite liaison avec les autres acteurs de notre engagement dans le Sud que nous relèverons le défi de la grande pauvreté.

Bonne route à tous là où nous sommes présents !

Brigitte AudrasPrésidente de L’APPEL

Photo de couverture Béatrice Moriot :

« A Madagascar, bébé au dos de la grande sœur »

89, avenue de FlandreBoîte n° 9001 75019 Paris

Tél : 01 42 02 77 78Site : www.lappel.org

E-mail : [email protected]

Directeur de la publicationPatrick Larmoyer

avec la collaboration de Madeleine Le Moullec

Réalisation INTERCOM1bis rue Charles de Gaulle,

ZI de la Marinière, 91070 BONDOUFLE

Commission paritaire

N° 0912 H 84899ISSN 0398 6039

© H

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Vin

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L’APPEL recrute ! Pourquoi pas VOUS ? Actuellement L’APPEL mène une trentaine de projets dans dix pays.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Des « porteurs de projets », en retraite ou actifs, issus de métiers et de domaines divers, tous bénévoles, conçoivent des projets de développement et les mettent en application sur le terrain, à la demande des populations locales et avec leur support actif.

Ils montent le projet en France, en s’appuyant sur la demande locale, ils suivent son exécution, contrôlent son budget, recherchent des financements, rédigent des documents… Et, une à deux fois par an, se rendent sur place pour rencontrer les correspondants locaux et les bénéficiaires, voir les réalisations, infléchir le projet, étudier ses prolongements.

Notre souhait : Constituer des binômes avec un responsable de projet (souvent senior) et un « nouveau », un bénévole plus jeune.

Pourquoi ? Pour que les projets gagnent en efficacité et puissent durer. Pour assurer le passage de relais entre les générations.

Et vous ? Vous avez envie de vous engager, mais vous vous demandez par où commencer ? Profitez de l’opportunité du « binôme » : une expérience et un travail partagés…et davantage si affinités !

Vous êtes intéressés ? Contactez Bruno Cazals ou Marie-Bernard Couture au siège.

Donateurs : votre reçu fi scalL’APPEL innove : cette année les donateurs nous ayant communiqué leur

adresse E-mail vont recevoir (ou ont déjà reçu à la date de parution de ce numéro) par cette voie leur reçu fiscal, correspondant à leurs dons versés en 2013.

Les autres le recevront par courrier.

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Anciens filleuls en formation de plomberie sur un réseau d’eau

Concert au bénéfice de L’APPEL

A noter dans vos calendriers !

Le quatuor à cordes Matisse* donnera un concert le vendredi 23 mai à 20h30, au CENTRE 72 de Bois Colombes, 72 rue Victor Hugo, au bénéfice de L’APPEL.

Au programme, notamment, le quatuor en Fa majeur de Ravel et le 8e quatuor en Do mineur de Chostakovitch.

* http://quatuormatisse.fr/quatuor.phpPascal Meley, Gaëlle Bisson (violons) ; Florian Voisin (alto) ; Alexandre Bernon (violoncelle), Membres de l’Orchestre de Paris

Des programmes solides

Les trois membres du Bureau du groupe isérois de L’APPEL se sont rendus au Rwanda début février, à

Byumba dans le District de Gicumbi. Nous avons eu la satisfaction de constater que les choses avançaient bien.

• A la bibliothèque-ludothèque, l’accueil est assuré par un animateur et un jeune biblio-thécaire dynamique. Les frais de fonctionne-ment sont maintenant entièrement pris en charge par la Mairie. • En ce qui concerne la formation professionnelle de ceux de nos filleuls qui n’ont pas pu entrer à l’université, L’APPEL Rwanda met en place une formation à la plomberie grâce à l’ingénieur rwandais qui réalise les adductions d’eau. D’autres formations sont à l’étude.• Nos parrainages d’enfants « vulnérables » permettent de leur assurer logement, nourriture, habillement et scolarisation. Ils sont au nombre de 64. Et parallèlement, nous continuons à financer des repas complets les jours d’école pour 67 enfants. Ce sont des membres de l’association Wikwiheba qui chaque jour confectionnent bénévolement ces repas.• La réhabilitation ou la construction de maisons pour les familles les plus pauvres va être relancée. Deux fondations françaises en assureront en partie le financement. Et à partir de cette année la Mairie du District participera pour 30 % aux travaux. Nous avions déjà consolidé ou reconstruit 111 maisons, nous pouvons maintenant en réaliser environ 15 de plus. Si elles étaient rassemblées en un même lieu, ces 126 maisons constitueraient un gros village de 400 à 500 personnes !

RWANDA

A Byumba une coopération prometteuse

Maison consolidée avec crépis, gouttières et margelle

• Quant aux adductions d’eau nous allons inaugurer au mois de juin le dixième réseau d’eau, celui de Miriku, et nous lancerons cette année la réhabilitation de trois réseaux supplémentaires. Ce sont bientôt 35.000 personnes auxquelles nous aurons apporté de l’eau « propre » (cuisine, lavage, arrosage). Là aussi la Mairie du District, soutenue par le Gouvernement rwandais, accepte de participer pour un tiers aux financements.

La population et les autorités locales s’engagentNos rapports avec nos correspondants de « L’APPEL pour l’avenir des enfants du Rwanda » ont toujours été excellents. Nous avons affaire à une équipe dévouée et efficace. Quant aux autorités rwandaises elles sont confrontées à de nombreuses O.N.G. étrangères qui vont, viennent et bien souvent ne donnent pas suite à quelques réalisations ponctuelles. Notre présence, notre persévérance sont maintenant reconnues et c’est pourquoi les autorités acceptent de participer financièrement aux opérations de L’APPEL Rwanda.

Ces actions sont menées avec les bénévoles locaux, la participation active des Eglises presbytérienne et anglicane, le concours de la mairie et du gouvernement rwandais, ceux de l’ambassade de France et de l’Institut Français du Rwanda et l’engagement des populations locales. Cela nous permet d’apporter à de nombreux enfants vulnérables l’ensemble des moyens indispensables à leur développement.

Dix ans de présenceAu mois de juin prochain, une délégation de dix membres de L’APPEL se rendra au Rwanda. À cette occasion seront fêtés en même temps l’inauguration de notre 10e réseau d’eau et l’anniversaire de notre 10e année de présence au Rwanda. Nos amis de L’APPEL Rwanda et la Mairie du District de Gicumbi nous ont promis une très belle fête. Ceux qui participeront à ce voyage verront les réalisations de L’APPEL et découvriront ce pays qui a beaucoup souffert, dont une immense majorité de la population est extrêmement pauvre, mais qui demeure dans ses mille collines l’un des plus beaux et des plus intéressants pays d’Afrique.

François Lalande

Isère

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4 Mars 2014 www.lappel.org

L’organisation Internationale du Travail (OIT) vise l’abolition du travail des enfants. La réalité, on le

sait, est souvent bien différente. Au Pérou il n’est pas rare d’avoir une activité salariée à 14 ans, voire moins. Orphelins, enfants maltraités ayant fui leur foyer ou tout simplement envoyés en ville pour subvenir aux besoins de la famille, comment peuvent- ils y arriver sans passer par la case travail ? Depuis 2004, L’APPEL intervient au Pérou aux côtés de deux associations qui ont su s’adapter à ces réalités et ont pour objet d’offrir un foyer et des formations à ces jeunes enfants et adolescents des rues.

Qosko Maki, les mains de CuzcoCuzco, la capitale de l’Empire Inca. Nous sommes au printemps 2012, la Plaza de Armas, au centre, rassemble vendeurs en tous genres et son lot de touristes. Quelques enfants cirent des chaussures ou vendent des bonbons. Il n’est d’ailleurs pas rare de les voir pourchassés par la police… A quelques rues de là, se dégage une odeur de bon pain et de croissants. Surprise !

PÉROU

La boulangerie Qosko Maki attire les petits écoliers en uniforme, c’est l’heure du goûter. C’est en 1987 qu’Isabel a été approchée par des adolescents en difficulté voulant apprendre un métier pour sortir de leur condition. Si la menuiserie et le dortoir ont été les premiers programmes de Qosko Maki, la boulangerie a suivi en 2006. Je visite tour à tour les trois sites et me rends compte à quel point chaque contributeur est exceptionnel et je pèse mes mots. Depuis six mois, Isabel passe la main à Sebastián, un ancien du dortoir. La vision de Qosko Maki est à la fois extraordinairement audacieuse et pleinement adaptée aux besoins de ces enfants. Les piliers de sa philosophie : l’éducation en liberté, la cogestion et l’éducation non formelle.

Le foyer-dortoir, une autre maisonIls ne sont pas arrivés dans la rue par hasard ni par plaisir : ils ont entre 10 et 18 ans, certains ont été maltraités, violés, ont fui leur foyer, d’autres en ont été chassés, d’autres sont tout simplement orphelins. Leur relation avec le monde des adultes a été brisée. Même s’ils ne dorment pas tous les soirs au dortoir, pas de doute ils s’y sentent chez eux, c’est leur territoire, leur maison, enfin un lieu qui ne leur est pas hostile. Ils arrivent entre 20 et 23h, un verre de lait et des biscuits leur sont proposés, ils versent un sol à la caisse commune (l’équivalent de trente centimes d’euros), une manière de se responsabiliser, de s’approprier le lieu, de le respecter et de savoir que l’on participe un peu. Comme dirait Josean, un éducateur, « le dortoir ce n’est pas un cadeau ». Cet argent sera évidemment largement complété par les dons et quelques aides officielles qui, dit-on, sont en train de disparaître*. Les « chiburos »,comme aime les appeler Josean, cogèrent le dortoir et le mardi se réunissent pour décider des plannings, tâches et activités exceptionnelles. L’encadrement n’est jamais loin : trois éducateurs, un psychologue, une personne en charge de l’administratif (pièces d’identité, inscription à l’école) et des volontaires bien sûr… Parfois certains de ces adolescents arrivent drogués ou

Enfants et adolescents des rues : deux réponses fortes à Cuzco et Arequipa

alcoolisés au dortoir. Les animateurs sont là pour en discuter, les soutenir et les aider à trouver des solutions. Le dortoir n’est pas un monde clos : il est complètement intégré dans son quartier et abrite une bibliothèque-ludothèque partagée par tous et animée par des volontaires.Même si ces jeunes travaillent de jour, ils vont pour la plupart à l’école mais au « tour » du soir (18-21h). Ce n’est que plus tard qu’ils arriveront au dortoir, pourront s’y détendre et retrouver leur âme d’enfant. Le dortoir de Qosko Maki va bien au-delà d’un simple abri, on y apprend à vivre en communauté, à définir et respecter des règles, à développer des valeurs telles que celles de l’amitié et de la solidarité tout en favorisant la nécessaire autonomie de ces enfants.

Des ateliers pour trouver leur voieLa menuiserie et la boulangerie sont en quelque sorte des prolongements de l’activité du dortoir, une option pour qui souhaite se former à un métier. L’atelier de la menuiserie se situe dans le parc industriel en proche banlieue de Cuzco. Un chef menuisier et deux assistants (qui vivent d’ailleurs au dortoir) s’attèlent à leur tâche du jour : une série de portes et de fenêtres. Dans le bureau, on se penche sur le design de nouvelles commandes élaborées sur un logiciel 3D pendant que Sebastián me montre les jouets produits il y a quelques années pour l’Institut Montessori, du travail d’orfèvre (la niche de production que sont les jouets éducatifs est relancée depuis

Le Pérou, terre des Incas, reconnue comme celle de l’une des plus grandes civilisations, attire : Machu Picchu, les énigmatiques lignes de Nazca, des paysages variés de jungle amazonienne, le Pérou offre un formidable terrain de jeu aux milliers de touristes en provenance des quatre coins de la planète. Mais le rêve s’arrête ici, la réalité économique et politique du pays a de lourdes conséquences sur les conditions de vie des familles péruviennes et, par là-même, des enfants, population vulnérable.

INTERVIEWLe quotidien des jeunes péruviens semble bien éloigné de celui des enfants que nous croisons en France…

« Ici, les enfants participent à l’économie des familles, ce qui est honteux ce n’est pas qu’ils travaillent, - c’est leur réalité -, ce qui est surtout honteux c’est que rien ne soit fait pour les protéger. »

On ne considère pas vraiment ces enfants comme des enfants à Qosko Maki, plutôt comme des adultes en devenir ?

« Ces enfants ont pour la plupart perdu confiance dans les adultes, ils ont besoin d’un soutien fort pour se sentir utiles et surtout d’être les acteurs de leur propre histoire. »

JOSEAN, animateur du dortoir L’atelier de menuiserie offre un service de qualité

aux entreprises et particuliers.

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2013). L’atelier est une vraie entreprise, pas de doute : professionnalisme, qualité et ponctualité sont les maîtres-mots.

La nuit est tombée, j’arrive à 22h à la boulangerie et l’équipe est déjà sur les chapeaux de roues : Wilfred et Oliver (que j’ai croisés au dortoir) et la jeune responsable des commandes. Sur le tableau de gauche, les proportions à respecter pour chaque type de pain, sur celui de droite, les 400 commandes du jour. La jeune femme respecte scrupuleusement le cahier des charges et motive sa troupe. Aucune erreur n’est possible, il en va de la réputation de la boulangerie et par là-même de la survie de cette entreprise-centre de formation. Après avoir photographié toutes ces pâtes malaxées, levées, transformées, cuites, je quitte le bateau à 4h alors que les jeunes restent en poste jusqu’à l’arrivée des serveurs qui ouvriront à 7h. Depuis l’achat de la machine expresso, les clients affluent, peut- être aussi en lien avec la présence de Qosko Maki dans le Guide du Routard ? Et puis les commandes auprès des professionnels progressent : c’est bon signe.

L’APPEL apporte son soutien depuis plusieurs années au dortoir et surtout aux ateliers ( achat de machines) avec l’aide de la Guilde Européenne du Raid et de Pernod Ricard.

Prévention, éducation et formation à Arequipa : le Hogar de CristoNous sommes en août 2012 à Arequipa, ville coloniale du Sud-Pérou. Une chaleur de plomb règne sur cette merveilleuse Plaza de Armas. Non loin de là, j’ai rendez-vous avec Rosa et Inès, pour découvrir ce qui se cache derrière le Hogar de Cristo.

Certaines fondatrices de l’association sont justement présentes aujourd’hui. Elles se relaient régulièrement à l’économat où elles rangent vêtements et matériel scolaire. Elles s’assoient doucement à mes côtés, silence, elles vont me raconter l’Histoire, leur histoire… Tout commence dans les années 90 lorsque ce petit groupe de femmes constate avec désespoir qu’un nombre grandissant d’enfants travaille dans les

rues d’Arequipa, avec ou sans leurs parents. Convaincues de pouvoir faire quelque chose, elles partiront de rien pour monter de beaux projets et s’en donneront les moyens. Débutera une série de rencontres avec des associations religieuses chiliennes et boliviennes, et, de retour en terre Inca, elles créeront le Hogar de Cristo Arequipa et s’affilieront au MIAMSI (Mouvement Inter-national d’Apostolat des Milieux Sociaux Indépendants) qui mène des programmes d’action pour les enfants travailleurs en Amérique latine.

Les enfants peuvent légalement travailler à partir de 12 ans au Pérou, sans contrôle, sans protection… Exploitation et maltraitance sont alors monnaie courante. Dans certaines familles, la réalité est telle que si les enfants ne travaillent pas, il n’y a pas à manger. L’Etat péruvien verse parfois quelques faibles subventions aux familles, sans combler leurs besoins vitaux qui restent insuffisantes puisque les enfants continuent de travailler. Les orphelins ou enfants vivant dans des familles à faible revenu sont, dans certains cas, envoyés dans des « centres pour mineurs », gérés par la police, qui s’apparentent à de petites prisons tant il est difficile de les en faire sortir avant leurs 18 ans. Le Hogar de Cristo a vocation d’accueillir ces jeunes et de leur offrir les meilleures conditions possibles pour qu’ils poursuivent leurs études. Repas et accompagnement scolaire leur sont pro-posés de même que de nombreuses activités préprofessionnelles et artistiques telles que le groupe de musique traditionnelle.

A 14h, c’est l’heure du déjeuner et tous les enfants sont réunis dans le réfectoire à ciel ouvert du Hogar de Cristo. L’ambiance est bon enfant et la bonne humeur au rendez-vous. Non loin, la Casa de la Niña Maria, ouverte il y a trois ans** : un semi-internat pour jeunes filles de 7 à 16 ans qui ont subi des violences sexuelles. Vulnérables, elles s’y sentent en sécurité. Elles ont aussi accès à un soutien scolaire et à des ateliers de couture financés par L’APPEL.

TÉMOIGNAGE

Les mamans s’impliquent aussi au Hogar de Cristo, elles viennent cuisiner deux fois par semaine.

La Panaderia Qosko Maki.

Protection et prévention dans les famillesL’action du Hogar de Cristo va au-delà : l’éducation et la prévention sanitaire des familles permettent d’avoir une efficacité globale. Tous les ans sont proposés des dépistages et traitements aux enfants et aux parents, si nécessaire. Sur les deux dernières années, huit cas de cancers ont été dépistés et soignés en coordination avec la Ligue locale contre le cancer. Les mamans s’impliquent aussi au Hogar : chaque semaine deux d’entre elles viennent préparer les repas des jeunes, réduisant ainsi les frais liés à l’alimentation qui restent pour l’association une véritable préoccupation.

Les soutiens financiers sont difficiles à obtenir et l’Etat péruvien ne regarde pas toujours d’un bon œil le travail de l’institution qui, quelque part, rend flagrant son échec. Le Hogar de Cristo a néanmoins souhaité organiser des retrouvailles rassemblant les « anciens », quelques semaines avant ma visite [cf. L’APPEL n°149]. La plupart sont sortis de la rue. Comme ils l’ont si bien dit aux fondatrices et responsables de l’association « Ahora, somos buenas personas »***.

Nadine Amorim en reportage au Pérou en 2012

Ile-de-France

* Le dortoir a vécu quelques remous ces derniers temps suite au passage d’une loi péruvienne exigeant que le lieu devienne un foyer et prenne en charge les enfants, ce qui s’éloigne de toute évidence de la philosophie de Qosqo Maki. L’équipe a donc mené de nombreuses actions permettant un sursis jusqu’à la fin d’année 2013. Et ensuite ?...

** Depuis l’écriture de ce reportage, la Casa de la Nina Maria a fermé en lien avec la loi mentionnée révisant l’existence des foyers privés.

*** « Maintenant, nous sommes de bonnes personnes »

Le groupe de musique traditionnelle en répétition.

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Un jeune peut acquérir dans ces ateliers une formation qualifiante (en 2 ans en príncipe, en fait cela se fait

au rythme de l’apprenti), ou bien pour ceux qui iront vers d’autres emplois, une initiation à la vie d’entreprise – ô combien différente par ses exigences de ponctualité et régularité par rapport au travail informel des rues – au cours un séjour bref d’un à trois mois. Mais en tant qu’entreprise, les ateliers QM doivent par leur production assurer un salaire à tous les responsables et employés de l’atelier, renouveler le matériel fongible (achat de bois, petits outils).

La très lente montée en puissance des ateliers1987 : une première menuiserie est ouverte et, en 2006, une boulangerie. La production d’alors : jouets ou du matériel éducatif, ce sont toujours de petites pièces ; la production de pains est modeste. Les ateliers ont alors fait un pari : avoir accès progressivement à des machines de professionnels pour assurer une formation complète. L’APPEL et d’autres associations faisant confiance aux options de QM ont alors fait des dons à l’association qui a pu acheter progressivement les machines désirées.

Un management à géométrie variableEn 8 ans, 66 jeunes ont été formés à la menuiserie et 76 à la boulangerie (en comptant les vendeuses). Tous ont été des salariés payés au salaire minimum (soit 230 €/ mois en 2014 pour un plein temps). Ces jeunes sans moyens ont pu ainsi devenir autonomes tout en acquérant une formation qu’ils n’auraient pu obtenir que dans une école professionnelle à scolarité payante, donc inaccessible. Ce bilan signifie que les ateliers ont réussi à maintenir une production de qualité malgré l’irrégularité de la demande bien entendu,

PÉROU

mais aussi celle du nombre d’ouvriers. Ainsi, à la menuiserie, leur nombre a varié de 2 à 20 par an ! Imaginez, dans ces conditions, transfert de pratiques et formation tout en assurant une production de qualité…

Les coups durs, les heures de gloire

Il y a eu des bas : pas de commande ou au contraire quand celle-ci arrivait, l’absence de stock de bois sec prêt à être travaillé ; une fournée brûlée, voire absente car le jeune chef d’atelier n’avait pas repris son tour… et on perd le client ! Et tant d’autres problèmes résolus au fur et à mesure. Mais citons aussi quelques hauts faits : à la menuiserie, le prix Expomeuble 2009 est décerné à Angel Flores, alors chef d’atelier, et le prix du meilleur design de meubles est obtenu par l’atelier à la foire de Cusco de 2012. Gloire pour tout QM en 2008 : Wilfredo Mamani est classé l’un des 50 meilleurs boulangers du monde et en 2011, chef boulanger à QM, il remporte le prix de la boulangerie à Mistura, la foire gastronomique de Lima et depuis la panaderia QM figure au bestofcusco.com de la touristique Cusco.

Les jeunes des ateliers de Cusco accèdent à la reconnaissance de leur formation professionnelle

2013, la validation des acquis de l’expérienceAvoir un bon diplôme en main facilite l’embauche et, au-delà, permet d’envisager de s’installer à son compte avec un ouvrier. Il s’agissait donc de faire reconnaître la qualité de la formation donnée par QM par un diplôme similaire à la VAE française (la validation des acquis de l’expérience). Après des années de fin de non-recevoir, la difficile mise au point de cette étape administrative est en train d’aboutir et les premiers diplômes ont été remis à quatre des menuisiers et à trois des boulangers. Et la menuiserie est au nombre des trois centres accrédités pour les épreuves de validation !

Anne Feltz

Ile-de-France

Nous fêtons aujourd’hui avec l’association Qosqo Maki (QM) une étape majeure dans la vie des ateliers qu’elle a créés pour les jeunes issus de la rue : les formations données par la menuiserie et la boulangerie QM viennent d’être validées par un diplôme officiel.

L’atelier de menuiserie offre un service de qualité aux entreprises et particuliers.

La Panaderia Qosko Maki est à la recherche de boulangers français volontaires pour partager leur savoir-faire quelques mois dans l’année.

Mano a manoL’APPEL soutient pour la seconde année le centre aéré qu’a mis en place Mano a mano pour les enfants du bidonville de la Ensañada, au nord de Lima.

MarionVerdière, une jeune architecte bénéficiant du statut du Service civique international, les a rejoints pour un an.

Anne Feltz

Du cours de maths à la vie pratique…et réciproquement !

Le trophée

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BURKINA-FASO

la construction de l’espace d’études et d’activités (165 m²) sur le terrain de 2,3 ha mis à disposition de l’association par la Mairie de l’arrondissement de Boulmiougou. Un grand moment après plus de 6 ans de travail pour y parvenir ! Et une étape importante dans le développement de la MJCA selon son programme initial.

Une reconnaissance locale et internationale Enfin, la MJCA a été reconnue sur la scène internationale : Yasmina El Alaoui Badolo, fondatrice du projet, est lauréate du prix Harubuntu 2013, en reconnaissance de son implication pour sa communauté et pour le développement de l’Afrique. C’est à Bruxelles qu’elle a reçu son prix le 6 décembre dernier. Si ce prix est un gage de confiance pour l’avenir, le ressenti des habitants est tout aussi important. Ainsi, des parents témoignent : « Nous savons que Dunia la Vie par ses œuvres ira très, très loin. C’est nos plus grands souhaits quand on regarde sur tous les plans l’action de Dunia, du scolaire pour l’éducation de nos enfants, en passant du social à la culture, vraiment il faut reconnaître que Dunia fait quelque chose pour nous ici. La MJCA fait partie de la plus grande part de notre vie ».

Yasmina Badolo

http://dunialavie.burkina.free.fr/2013/rapportactivites2013.pdf

Ainsi, sur l’année écoulée, ce sont 35 000 présences enregistrées dans l’ensemble des activités, plus de

1 000 enfants et adultes inscrits, dont bon nombre participent à plusieurs activités, près de 400 familles qui ont bénéficié d’un soutien de la MJCA et plus de 5 000 personnes qui ont pris part aux activités. Par ailleurs, l’arrivée de Sarah, coordinatrice adjointe aux activités et volontaire pour deux ans, tend à engager la structure vers une autonomisation de son fonctionnement par une délégation des responsabilités.

A la MJCA, pas d’assistanat ! La MJCA a accueilli près de 300 familles à ses permanences sociales. Si la plupart viennent dans le cadre d’une demande de parrainage scolaire, l’équipe échange avec elles afin de déterminer les principales difficultés à résoudre (santé, isolement, manque de qualifications, etc.). Aucune action n’est entreprise sans réaliser une visite à domicile. Par la suite, l’équipe décide sur quel point elle va agir en collaboration avec la famille.

Bing-beoog-yinga ou « garder pour demain »La MJCA parraine près de 200 élèves du CP à la terminale. Les familles attendent trop souvent la rentrée pour faire face aux dépenses scolaires. Angoisses nocturnes et impossibilité de scolariser certains des enfants en sont les conséquences directes. En même temps, l’association Dunia La Vie-Burkina ne désire pas se substituer aux responsabilités des parents. Il fallait donc réfléchir à une autre voie possible

qui ne fasse pas dépendre les parents de l’aide extérieure. La MJCA a ainsi proposé une épargne hebdomadaire. Les parents épargnent 100 ou 250 F.cfa par jour, chacun selon ses moyens, pour anticiper la rentrée prochaine. Ainsi, en économisant 100 Fcfa (0,15 €) par jour, une maman peut scolariser son enfant dans une école primaire privée pour un montant de 50 €. L’association a ouvert un compte spécial où sont déposées les épargnes chaque mois. Une vingtaine de familles participe déjà à cette démarche. La MJCA se donne trois ans pour l’évaluer. Un travail important de sensibilisation sera effectuée au fil des mois.

2013, les avancées - la MJCA innove Pour permettre par ailleurs aux mamans d’améliorer leurs revenus et augmenter leurs capacités à prendre en charge la scolarité des enfants, l’association a démarré officiellement un Centre d’éducation de base non formelle (CEBNF). Ce programme qui vise l’alphabétisation et la formation humaine et préprofessionnelle est destiné aux enfants, aux jeunes non scolarisés et déscolarisés et à leurs parents, notamment des mamans. Son originalité réside dans la définition d’un projet personnel et des ressources à mobiliser par l’apprenant au cours de sa formation.

Signe du développement de la MJCA, les premières constructionsAu regard de l’évolution des activités et de l’augmentation des usagers, les membres de l’équipe sont heureux d’avoir achevé

Dunia La Vie-Burkina & MJCA : un bon bilan

La Maison des Jeunes, des Cultures et des Associations (MJCA) poursuit sa progression, confirmant l’enracinement du projet dans le secteur 19 de la ville de Ouagadougou. Toutes les couches de la population sont concernées par les activités menées, créant ainsi une dynamique de quartier qui permet à chacun de progresser.

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8 Mars 2014 www.lappel.org

trop modestement par la communauté internationale au regard de l’ampleur de la catastrophe.*Il faut saluer la résilience des haïtiens mais les problèmes demeurent. Les prochaines élections prévues en 2014 pourraient donner lieu à des manifestations violentes.

Hubert Chegaray

HAÏTI

En dépit des efforts réalisés, le constat reste accablantAu-delà de la catastrophe humaine, les dégâts ont été considérables dans la capitale et ses environs : un immeuble sur trois écroulé (la raison en est la mauvaise qualité du béton due à un sable trop poussiéreux des carrières entourant Port-au-Prince), 130.000 logements entièrement détruits et 915.000 très endommagés.Après la catastrophe 1.500 camps héber-geaient 1.400.000 personnes soit la moitié de la population de l’aire métropolitaine. Dans un récent recensement il y avait encore 280.000 personnes déplacées dans 350 camps. Cette diminution spectaculaire de 80% ne signifie pas pour autant qu’une solution durable de logement ait été trouvée. D’après une enquête auprès des ménages en 2012, les scientifiques ont pu comparer, par rapport aux chiffres de 2007, les conditions de vie pré et post séisme. Les revenus ont baissé de 50%, c’est-à-dire que dans une économie informelle le vendeur à la sauvette doit travailler deux fois plus d’heures pour un même revenu. La précarité de certains ménages s’est aggravée et les inégalités sociales ont explosé.Après le séisme, la plupart des programmes se sont déployés rapidement et se sont repliés après quelques mois pour se concentrer sur des populations ciblées. C’est le cas de l’aide alimentaire et de l’aide matérielle de première urgence. L’aide sanitaire a été plus échelonnée et s’est même étendue à la lutte contre le choléra, qui reste endémique.La catastrophe sanitaire annoncée a été évitée, le peuple haïtien a fait preuve de

La réponse à une telle question est complexe.

Quatre ans après le terrible séisme du 12 janvier 2010, que devient Haïti ?

Ile-de-France

courage et de solidarité. Il y a eu temporai-rement un net accroissement des transferts d’argent venant de la diaspora soulignant le rôle des réseaux sociaux dans la gestion individuelle du choc du séisme.Malgré l’intervention immédiate de la communauté internationale à travers l’envoi d’équipes de secours sur place, la situation d’urgence a tardé à se normaliser : les déblaiements sont aujourd’hui pratiquement terminés. La reconstruction va-t-elle enfin pouvoir commencer ?

Il reste beaucoup à faireD’après Pierre Duquesne (ambassadeur chargé des questions économiques et du dé ve lop pement au MAE) trois ans après le séisme, sur une promesse de la Communauté internationale de 6,4 milliards d’euros, 3 milliards avaient été versés…Si le PNB d’Haïti est d’environ 9 milliards, 1 milliard par an représente une aide équivalente à 10 à 15% du PNB. Ce pourcentage peut paraître modeste au regard de l’ampleur de la catastrophe, dans un pays où des investissements massifs étaient et sont encore plus nécessaires que jamais dans tous les domaines : système éducatif, prise en charge sanitaire, routes, énergie… Seul un haïtien sur cinq a accès à l’électricité et un sur deux à une eau améliorée. Au moment de la reconstruction l’aide s’essouffle alors que les besoins sont immenses. Sans doute une meilleure coordination de l’aide aurait été nécessaire, mais force est de constater les moyens limités des institutions publiques, appuyées

* Une aide à double tranchant…

L’aide internationale n’est pas à sens unique, en voici deux exemples :

• Les nombreux experts occidentaux envoyés sur les lieux de la catastrophe contribuent à la baisse du chômage dans leur pays… alors que les compétences haïtiennes sont sous-employées.

• L’aide alimentaire massive post catastrophe a généré l’importation de surplus des riziculteurs américains… aux dépens de la production locale.

2010 2013

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Mars 2014 9www.lappel.org

EL SALVADOR

Unis, un tué, le troisième en prison. Eva, notre filleule, nous montre la photo de la famille à l’époque où ils vivaient tous là, elle est maintenant seule avec sa grand-mère, très digne.

Et cependant, aller de l’avant…Dans l’ensemble le métier le plus répandu est celui de vendeuse ambulante : la dame part avec un grand panier sur la tête, avec du pain ou des légumes ou des gâteaux, son tablier plein de poches où se rangent les monnaies, souvent un enfant à la main, et va faire sa tournée.Quand elles ont su que nous venions, les mamans ont décidé d’organiser un déjeuner : elles ont cuisiné à l’école, nous avons tous mangé ensemble et les enfants nous ont donné un spectacle de danse folklorique et de poésie. Je ne veux pas faire de misérabilisme : la vie continue à la Campanera, on se bat pour survivre et salir adelante, on rit, on joue. Pour ce jour un peu spécial les enfants ont bien soigné leur uniforme, fabriqué sur place avec l’aide de l’Etat. Ils nous montrent dessins et pages d’écriture et hurlent en chœur buenos dias dès qu’on arrive. Avec les parents ce sont de chaleureux abrazos. Question santé : ils n’ont rien sur place mais en cas de besoin ils vont à l’Unité de Santé ou à l’hôpital de Soyapango.Si les « mareros » sont sensibles à quelque chose c’est à leurs enfants et tant qu’on prend soin des enfants de leur zone on pourra y pénétrer et tenter de les aider...Merci à tous les parrains !

Violaine Duflo Accompagnée de Anne Feltz

& Carmen Diaz (Alfalit)

La Campanera vue d’en haut. Elle se termine au fond par un barranco, ravin rendant les fuites faciles. C’est souvent dans ces zones que se sont installés les pandilleros.

D e sinistre mémoire à cause de l’assassinat par des « mareros » du journaliste franco-espagnol

Christian Poveda, ce quartier du très peuplé Soyapango abrite, si l’on peut dire, une population très jeune d’environ 8 à 10.000 personnes (tous les chiffres sont approximatifs car la plupart des résidents ne se déclarent pas)

Au départ c’est un lotissement, fait pour 2000 famillesIl ressemble à d’autres « communautés » construites après les accords de paix dans beaucoup de banlieues de San Salvador, avec des habitations toutes semblables, minuscules, mais qui représentaient un réel progrès par rapport aux parois de plastique et toits de tôle sous lesquels les familles étaient entassées. Elles ont été contentes de s’y installer. Malheureusement, peut-être à cause de la géographie des lieux, aux ruelles en pente vers le ravin et impraticables aux voitures, une « mara » s’est vite installée, imposant sa loi. De nombreuses familles se sont enfuies, des maisons sont en ruine, d’autres sont squattées. Quand nous deman-dons aux habitants : vous êtes locataires ? « Non, la maison est « prêtée ». Dans ce cas ils n’ont pas de contrat pour l’installation de l’électricité et se branchent où ils peuvent. Pas plus pour l’eau : ils vont la chercher chez un des voisins lui-même locataire. De toute façon qui viendra voir ? C’est une zone non pas de « non droit » mais de « droit de la bande » (dans ce cas la mara 18).Nous sommes accompagnées d’une dame qui habite la Campanera, d’une institutrice de l’école, de l’animatrice du Centro de alcance. Ces présences amies tiennent lieu de gardes du corps. Les jeunes « gardiens », tout ce qu’il y a de plus visibles aux carrefours, ont forcément signalé notre présence et nous sommes admises. Sauf quelques exceptions, ci-jointes, nous ne prenons pas de photos et rangeons les appareils.Il y a quelques détails : les graffitis étaient tels qu’un généreux donateur, qui aide à la

pacification par le sport, a convaincu les jeunes de nettoyer les murs et de remplacer les dessins et inscriptions par des formules tout à fait pacifiques et solidaires. (photo)

Nous avons vingt filleuls dans ce quartierIl existe une école publique où l’atmosphère est très violente, les parents ont peur, surtout pour les plus petits et le parrainage les aide à aller en classe tout à côté de leur communauté, dans la petite école Jean Calvin qui les protège et de surcroît leur permet d’apprendre l’anglais, l’informatique et de jouer.Nous sommes allées les voir chez eux et bavarder avec les parents (surtout des mères). Ce n’était pas la première fois et, sans doute plus en confiance, elles ont pu mieux nous parler de leur vie. Pas des maras -c’est bien le seul endroit où l’on ne nous en parle pas- mais d’elles-mêmes.Maria et Patricia (je change les prénoms) s’entraident pour nous raconter l’histoire : Maria avait réussi deux fois à entrer aux Etats Unis dans l’espoir d’y travailler, deux fois elle avait été rapidement refoulée et était rentrée chez elle. La troisième fois elle est partie avec Patricia, laissant l’une ses quatre enfants, l’autre ses deux enfants, qui au mari , qui à sa mère. Là ce fut pis encore : prises par un réseau de traite humaine elles ont été violées, prostituées et se sont enfuies toutes les deux à travers de gros dangers. Maria était enceinte, produit du viol. Elle ne voulait pas de cet enfant et désirait le donner en adoption, mais le mari a repris tout le monde disant que ce n’était pas de sa faute ni encore moins de celle du bébé et elle nous montre sa petite d’un an, à laquelle elle s’est attachée. Malgré quelques entretiens psychologiques dont elles ont pu bénéficier les deux amies sont très choquées.Dans une autre maisonnette c’est une grand-mère qui a la charge de son petit fils de 11 ans, il s’éloigne pour pleurer quand elle nous raconte que sa fille est en prison. Une autre grand-mère a un fils illégal aux Etats

Visite à La Campanera

Ile-de-France

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10 Mars 2014 www.lappel.org

MADAGASCAR

A Rosario de Mora, où l’on n’accède qu’à pied par un chemin escarpé, et Nuevo Calvario, comment s’en sortir quand on est isolé en pleine campagne et qu’il est hors de question d’aller au marché régulièrement ni de fréquenter le dispensaire s’il n’y a pas urgence ?

L’éducation à un meilleur équilibre alimentaire est faite par le médecin. L’alimentation de base est composée de maïs et haricots secs, les frijoles, essentiellement produits sur place, sauf problèmes de « soudure » ou catastrophe climatique (fréquente). S’y ajoutent le riz, transporté à dos d’homme en grands sacs et de nombreux produits sucrés. La doctora Yazika est aidée et relayée par les promoteurs de santé qui habitent sur place et qu’elle forme régulièrement. Bien sûr, si un médecin vient, personne ne comprendrait qu’elle ne fasse que parler de nutrition, elle y consacre un moment, ainsi qu’à d’autres sujets de médecine préventive, puis s’occupe des patients.

L’ingénieur agronome, Leonel, qui connait très bien le sujet de l’alimentation, va aider les villageois à mettre en pratique les indications du médecin, pour produire sur place les produits qui manquent, réduisant ainsi les difficultés de transport mais aussi le coût qui serait un obstacle infranchissable. Pour les protides, outre les protéines végétales des haricots, il les aide à élever des chèvres gardées par les enfants, à créer et gérer des poulaillers et à installer des bassins de pisciculture où grandissent des tilapias. Tout cela demande du temps et de la patience dans ces zones à risque. Il faut souvent recommencer tout le travail. A Rosario de Mora, lors d’un ouragan les chèvres ont été noyées et même les poissons inondés ! A Nuevo Calvario les dames des poulaillers se sont querellées et chacune a repris ses poules ! … Lorsque toute l’agitation s’est calmée, le programme a été patiemment remonté. Les fruits tropicaux poussent tout seuls mais sont paradoxalement peu utilisés et on doit enseigner leur utilité et en faire connaitre les bienfaits.

De fait, malgré les barrières culturelles toujours très fortes en matière de nutrition, nous voyons des progrès au cours des années. Moins de malnutrition sévère, moins de carences protidiques…et pas d’obésité pourtant fréquente dans ce pays.

Récemment le président de la République, Mauricio Funes, a rappelé l’importance de l’autonomie alimentaire et des microagricultures familiales : les communautés rurales pauvres de Rosario de Mora et Nuevo Calvario ont devancé ses paroles.

Violaine Duflo Anne Feltz

EL SALVADOR

Le médecin et l’ingénieur agronome, alliés naturels de villages isolés

Au cours de notre mission de novembre 2013* dans les douze Centres de Récupération Nutritionnelle Ambulatoire (CRENAM) que L’APPEL a créés avec notre partenaire malgache

l’association Miray du Dr Voahangy, plusieurs évolutions sensibles ont été mises en œuvre :• Sous l’impulsion du Dr Paul Sanyas, nous avons décidé de concentrer l’apport de compléments alimentaires (farine enrichie) sur les « 1 000 premiers jours de l’enfant », selon la recommandation OMS, c’est-à-dire : 6 mois de grossesse (mère) + 6 mois d’allaitement (mère) + deux années pour l’enfant. En effet la sous-alimentation sévère de la mère entraine presque toujours un retard de croissance du bébé à naître. En aidant la mère avant la naissance et durant la période d’allaitement on favorise la naissance d’un bébé de poids normal et son bon démarrage dans la vie. A contrario, après les deux ans de l’enfant, sa croissance se ralentit et les compléments alimentaires sont moins justifiés. Dans le protocole antérieur, les apports de farine enrichie pouvaient être distribués aux enfants jusqu’à l’âge de 5 ans. Nous essayons donc de mieux cibler notre aide, là où elle est le plus efficace. • Dans le même temps, nous avons fait plusieurs tests de diminution des quantités de farine enrichie en essayant de lui substituer partiellement des produits du marché : c’est non seulement plus économique mais aussi plus naturel. Il faut que les mères apprennent à prendre en charge la croissance de leur bébé en se libérant de la tutelle de notre aide alimentaire. En cela nous cherchons à promouvoir l’autonomisation des familles. Ces deux actions conjointes ont permis de réduire de 20% notre budget de fourniture de farine enrichie sans constater pour le moment de dégradation de notre taux de guérison. A vérifier dans la durée.• Mesurer plus scientifiquement la cohérence de nos initiatives ! Aussi avons-nous demandé à une équipe de l’Université de Genève une évaluation de notre programme nutritionnel afin de mieux comprendre ce qui marche et pourquoi. Margot Magnin, sous la conduite du professeur Beat Stoll, en est chargée.

Renutrition : vers un partenariat de valeur

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Mars 2014 11www.lappel.org

MADAGASCAR

qui aide les agriculteurs malgaches, en s’appuyant sur une association locale, la FIFATA. FERT travaille avec l’aide de conseillers agricoles malgaches dans quatre régions de Madagascar et anime deux collèges agricoles. Cette association essaie de montrer aux agriculteurs qu’il est possible d’avoir des cultures pendant la soudure annuelle entre deux récoltes de riz. Ils ont inventé un jeu de type Monopoly avec des petits sacs de produits (riz, légumes verts..) et des billets fictifs pour faire cette éducation auprès des agriculteurs. Mais ceux-ci ont encore peu conscience de l’intérêt d’avoir une nutrition équilibrée pour être en bonne santé. FERT est donc intéressée par notre méthode d’éducation nutritionnelle avec les Nutricartes®, si proches de leur propre jeu pédagogique.Ainsi l’innovation dont nous avons fait preuve rencontre-t’elle d’autres initiatives qui se complètent et se valorisent mutuellement.

Michel Audras

Cette mère était sévèrement dénutrie pendant sa grossesse, laissant présager de graves déficiences chez l’enfant à naître. Prise en charge dans un des 12 Crénam du Dr Voahangy, elle a mis au monde un enfant en parfaite santé ! La suite s’annonce... plutôt bien !

Cette évolution n’aurait pas pu se faire sans une maîtrise méticuleuse de la surveillance de la croissance des enfants par des pesées régulières au-delà de leur sortie des Crénam ni sans la formation des mères aux bonnes pratiques alimentaires à l’aide des jeux pédagogiques que l’Appel a développés : les « Nutricartes® » (cf. L’APPEL n° 151)**.Avec les Nutricartes®, nous avons fait un véritable « saut pédagogique » dans notre éducation des mères. Cet outil est parfaite-ment adapté à une bonne compréhension par celles-ci des besoins alimentaires : en composant des repas équilibrés à l’aide de cartes-photos des aliments du marché, elles assimilent et mémorisent de manière ludique et interactive (en petits groupes) les bonnes pratiques culinaires.Les Nutricartes® ont franchi les frontières de notre action dans les Crénam : elles sont désormais utilisées dans plusieurs autres programmes d’éducation nutritionnelle de l’APPEL au Tchad, à Haïti et au Burkina Faso. Et nous sommes maintenant sollicités par d’autres ONG qui veulent les intégrer dans leurs programmes : ainsi, à Madagascar, FERT (Formation pour l’Epanouissement et la Rénovation de la Terre), ONG française

Renutrition : vers un partenariat de valeur

Ile-de-France

Encore ! ...

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Nos soutiensFondation Bel-fondation Insolites Bâtisseurs- Hunger.

Group OCDE - Fondation de France (Fonds Aujourd’hui pour demain)

Fondation Dora

et les nombreux soutiens de nos donateurs privés que nous remercions de leur fidélité !

*Mission de Novembre 2013 : Brigitte et Michel Audras, Paul Sanyas, Edith Launay, Guillemette Sergent, Margot Magnin

**« Nutricartes® » est un nom et un protocole déposés par L’APPEL à l’INPI

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TCHAD

BURKINA FASO

Ile-de-France

Ile-de-France

de mouches. Elles ont aussi été approuvées par les services d’assainissement de la ville de Sarh.

Elles permettront aux élèves d’avoir des conditions d’hygiène supérieures -hélas- à celles de la grande majorité de la popu-lation du village. Les latrines manquent cruellement non seulement dans le village mais dans le tout le pays. Même les latrines publiques sont quasi inexistantes. La satis-faction des besoins à l’air libre est un facteur de propagation des maladies, telles que le choléra, la dysenterie, les parasites, le trachome, la diarrhée (deuxième cause de mortalité infantile en dessous de 5 ans).

Avec l’espoir que cela incitera, à terme, les familles de ces enfants à construire leurs propres latrines…

Marcelle & Bob Brown-Scheidig

les collégiens partis à Barga, la Préfecture. Le directeur, Kassoum, nous commente régulièrement les bons résultats des 34 élèves boursiers. Ils représentent une part importante de l’avenir du village.

• Mais maintenant c’est le grand projet hydraulique qui tient tout le monde en haleine : en 2014 un forage avec pompage solaire va permettre aux élèves d’avoir enfin de l’eau, pour eux, pour les latrines, pour le futur jardin scolaire. Ce sera une grande victoire, obtenue grâce à L’APPEL. Une des conséquences c’est que davantage de parents enverront leurs enfants à l’école.

Alors ça bouge toujours à Karma et il y a encore des chantiers en perspective. Nous en reparlerons.

Jean & Annie Loireau

Préserver l’environnement est le septième des huit Objectifs du Millénaire pour le Développement

(OMD), soit réduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentage de la population qui n’a pas accès à un approvisionnement en eau potable ni à des services d’assainissement de base. Deux ans avant la fin de ce compte à rebours, si la cible concernant l’eau potable peut être atteinte, l’OMS affirme que la situation est préoccupante en ce qui concerne l’accès à des installations d’assainissement.

Un des objectifs-clés du projet de construc-tions pour l’école de Koumogo, outre celui de fournir des bâtiments pérennes pour les sept classes (cf. L’APPEL n° 147 & 150), a été la construction de latrines pour les élèves et leurs enseignants.

La photo, prise en janvier, montre ces nouvelles latrines en fin de chantier. On y a installé depuis des portes métalliques et

L’accompagnement d’un village très pauvre et perdu dans la brousse comme Karma (cf. L’APPEL n°

149) demande du temps, beaucoup d’écoute et le respect des priorités indiquées par les villageois même lorsqu’ elles ne coïncident pas toujours avec les vues des ONG. C’est ce que nous nous efforçons de faire.

Trois aspects de l’évolution, parmi d’autres :

• En 2013 la vie s’est améliorée à Karma : pas de famine, de plus en plus de production au jardin potager qui s’est agrandi et diversifié, davantage d’eau grâce à un puits...

Les femmes du village continuent à se former. Elles sont allées en groupe avec leur responsable, Boureima, visiter à 50 km un jardin pilote où elles ont été notamment très intéressées par l’arrosage au « goutte à goutte ». Les jeunes femmes ont reçu une formation contre la malnutrition qu’elles peinent à mettre en pratique

nettoyé le terrain. Il y en a 3 pour les filles, autant pour les garçons et une pour les enseignants.

Ces latrines sèches à fosse simple (il n’y a pas d’eau courante à Koumogo), sont saines. Elles ont été construites selon les guidelines du « Global Water Initiative » en respectant, entre autres, une distance suffisante par rapport au puits, dont l’eau servira à leur entretien et au lavage des mains. Elles sont aérées, il y a une dalle au sol et un couvercle amovible pour éviter la présence

pour la préparation des bouillies pour les petits. Nous allons chercher à comprendre pourquoi lors de notre prochaine visite en février.

• Nous continuons à soutenir l’école primaire de différentes façons, ainsi d’ailleurs que

Une nouvelle construction à l’école de Koumogo : des latrines…

Que devient le village de Karma ?