José Garcia dans le taxi de Jérôme Colin : L’interview...

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Les interviews d’Hep Taxi ! Jérôme Colin au volant, le portrait en mouvement de José Garcia José Garcia dans le taxi de Jérôme Colin : L’interview intégrale JOSÉ GARCIA : Vous êtes libre ? JÉRÔME : Oui, tout à fait. JOSÉ GARCIA : Bon, parce que je suis un petit peu à la bourre, j’arrive de Nantes… JÉRÔME : De Nantes ? JOSÉ GARCIA : Oui. JÉRÔME : Vous êtes bien en retard, mais avec moi vous ne serez pas en retard. Avec votre jet privé vous êtes en retard, avec ma voiture vous allez être à l’heure. JOSÉ GARCIA : Ben oui. JÉRÔME : Comme quoi le luxe ce n’est pas toujours ce qu’il faut. JOSÉ GARCIA : Est-ce que vous connaissez l’avenue Louise ? JÉRÔME : Oui. JOSÉ GARCIA : Alors on va au Barsey, hôtel Barsey.

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Les interviews d’Hep Taxi ! Jérôme Colin au volant, le portrait en mouvement de José Garcia

José Garcia dans le taxi de Jérôme Colin : L’interview intégrale

JOSÉ GARCIA : Vous êtes libre ?

JÉRÔME : Oui, tout à fait.

JOSÉ GARCIA : Bon, parce que je suis un petit peu à la bourre, j’arrive de Nantes…

JÉRÔME : De Nantes ?

JOSÉ GARCIA : Oui.

JÉRÔME : Vous êtes bien en retard, mais avec moi vous ne serez pas en retard. Avec votre jet privé vous

êtes en retard, avec ma voiture vous allez être à l’heure.

JOSÉ GARCIA : Ben oui.

JÉRÔME : Comme quoi le luxe ce n’est pas toujours ce qu’il faut.

JOSÉ GARCIA : Est-ce que vous connaissez l’avenue Louise ?

JÉRÔME : Oui.

JOSÉ GARCIA : Alors on va au Barsey, hôtel Barsey.

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JÉRÔME : Très bien. Jet privé, hôtel Barsey, tout va bien…

JOSÉ GARCIA : Heu… c’est très rare hein, jusqu’à maintenant on était dans un petit combi Volkswagen, et

aujourd’hui on a eu un avion parce qu’il n’y avait pas de vol direct Nantes-Bruxelles. Ce qui est un tort

parce que ce sont deux très jolies villes. Surtout Bruxelles.

JÉRÔME : Si vous avez chaud ou froid vous me le dites.

JOSÉ GARCIA : Oh ben un petit peu chaud. Et bien dites donc, il fait un petit temps pas degueu.

Vous connaissez un peu la Belgique ?

JÉRÔME : Oui ben il fait tropical de plus en plus à Bruxelles. Il faut savoir ça.

JOSÉ GARCIA : C’est cool. Vous allez avoir de plus en plus de Français, c’est moche pour vous.

JÉRÔME : C’est ça oui.

JOSÉ GARCIA : Parce que les impôts et la chaleur, ça va devenir un petit Eldorado d’Europe.

JÉRÔME : Tout à fait. Et maintenant qu’on a un gouvernement c’est encore plus attractif pour les

investisseurs…

JOSÉ GARCIA : Ce n’est pas vrai ?! Ça y est ?

JÉRÔME : Oui.

JOSÉ GARCIA : Vous avez un gouvernement ?

JÉRÔME : C’est fait.

JOSÉ GARCIA : Oh la vache ! Ben alors Benoît va pouvoir se raser.

JÉRÔME : Il s’était rasé.

JOSÉ GARCIA : Comment ça se fait que vous n’êtes pas rasé vous alors ? Vous n’avez pas fêté ça ? Vous

êtes wallon ?

JÉRÔME : Non mais il faudrait voir la gueule du gouvernement.

JOSÉ GARCIA : Ah oui bon d’accord. Vous êtes clairvoyant.

JÉRÔME : C’est pas un gouvernement qui donne envie de faire la fête.

JOSÉ GARCIA : Ah, d’accord. Vous êtes aussi dans la rigueur comme nous tous ?

JÉRÔME : Oui monsieur.

JOSÉ GARCIA : Ben oui, forcément, vous n’alliez pas échapper à la règle.

JÉRÔME : Non.

JOSÉ GARCIA : En tout cas vous avez la bière, c’est déjà ça. Dans la rigueur il y a quand même des bulles.

JÉRÔME : Oui.

JÉRÔME : Vous connaissez un peu la Belgique ?

JOSÉ GARCIA : Oui, super bien. En long, en large et en travers. Oui parce que j’ai tourné plusieurs films…

En fait, j’ai commencé ici avec un garçon qui s’appelle Olivier Van Hoofstadt, avec Gilbert Melki d’ailleurs,

qui est dans « La vérité si je mens », et on a fait nos deux premiers super courts-métrages ici, c’était deux

courts-métrages de fous furieux, et il y a à peu près 13 ou 14 ans, et à partir de là je suis revenu tourner ici

« Chez Gino », qu’on a tourné à Bruxelles et dans les alentours de Bruxelles. J’ai tourné « Le couperet » à

Liège. On a tourné « Le vélo de Ghislain Lambert » avec Benoît Poelvoorde… Ah non là j’ai eu le temps…

J’adore venir travailler en Belgique. J’adore les équipes belges.

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La Galice.

JÉRÔME : Vous êtes galicien. Vous êtes français mais d’origine galicienne, espagnole.

JOSÉ GARCIA : D’origine galicienne. C’est un coin à part. Tout le monde croit que je suis du bassin

méditerranéen mais en fait je suis celte.

JÉRÔME : Tout à fait.

JOSÉ GARCIA : On joue de la cornemuse.

JÉRÔME : Vous jouez du biniou ?

JOSÉ GARCIA : Non mais j’adore ça. On mange du poulpe… Nous c’est vraiment… c’est très gaélique

l’ambiance. Il fait froid, malheureusement, mais c’est très beau. Un peu comme la Bretagne en France.

JÉRÔME : J’y suis allé.

JOSÉ GARCIA : C’est vrai ?

JÉRÔME : Oui, j’y suis allé.

JOSÉ GARCIA : Où ça ?

JÉRÔME : Je suis allé sur une petite île au Nord de la Galice, je suis allé là avec le parrain de mon fils qui est

galicien…

JOSÉ GARCIA : Qui s’appelle La Cies, en face de Vigo. Non ?

JÉRÔME : Pas loin oui.

JOSÉ GARCIA : C’est une île avec…

JÉRÔME : Un pont.

JOSÉ GARCIA : Ah oui…

JÉRÔME : Maintenant ils ont construit un pont, il y a une dizaine d’années je pense.

JOSÉ GARCIA : Ah non.

JÉRÔME : On est allé là avec le parrain de mon fils quand Le Prestige s’est planté, on est allé nettoyer les

plages de Galice.

JOSÉ GARCIA : C’est vrai que ça a été assez moche.

JÉRÔME : Voilà. Mais c’est beau hein.

JOSÉ GARCIA : Oui c’est beau, quand c’est propre.

JÉRÔME : Vous y allez ?

JOSÉ GARCIA : Ah chaque année.

JÉRÔME : Carrément.

JOSÉ GARCIA : Oui j’y vais chaque année.

JÉRÔME : Parce que vous n’y êtes pas né.

JOSÉ GARCIA : Je ne suis pas né en Galice mais j’y retourne depuis des années. Maintenant, j’ai pendant

quelques années travaillé avec le gouvernement pour voir ce qu’on pouvait faire vis-à-vis du… parce que

c’est des gouvernements autonomes, pour travailler avec eux pour voir ce qu’on pouvait faire vis-à-vis du

cinéma, par rapport aux décors et tout ça, parce que la Galice commence à avoir une grosse côte en

Espagne, étant donné que le reste de l’Espagne est sous le soleil et presque d’une manière aride, parce que

s’il fait chaud là-bas c’est une fournaise, et donc la Galice est devenue un peu le côté un peu, je dirais hype

de l’Espagne, parce que les gens se réfugient là-bas parce qu’il fait frais le soir et quand même très beau

dans la journée. Donc voilà, tout est venu à cause du climat.

JÉRÔME : Donc vous avez quelque chose quand même d’espagnol.

JOSÉ GARCIA : Ah ben j’ai tout d’espagnol.

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JÉRÔME : En tout cas de galicien.

JOSÉ GARCIA : Ah non j’ai tout d’espagnol. Toute ma famille est espagnole. Mon sang est espagnol et

toute ma culture est française. Ça donne quelque chose d’un peu particulier. C’est-à-dire un gars un peu

réservé mais de temps en temps un peu excité aussi.

« La vérité si je mens 3 ».

JÉRÔME : C’est bien « La vérité si je mens 3 » ?

JOSÉ GARCIA : Ecoutez, je ne peux pas m’avancer parce que c’est toujours…très présomptueux…

JÉRÔME : Avancez-vous…

JOSÉ GARCIA : Et bien je m’avance, là franchement je crois que c’est le plus réussi des 3. Parce que… c’est

pas moi qui le dit mais les gens… après il y aura des gens qui vont dire qu’ils préfèrent le 1, le 2, mais là je

dois dire que les gens sont super contents, parce qu’on fait une présentation du film au départ, alors

évidemment les gens sont dans l’attente, c’est toujours très bienveillant parce que c’est une vraie

communion avec le public, mais ce qu’il y a de formidable, c’est qu’on arrive à la fin et qu’à la fin on voit

que les gens sont vraiment super enthousiastes. Vraiment, on a reçu un accueil assez impressionnant. Ce

qui est différent, c’est que si vous voulez que les gens connaissent un peu l’univers et donc ici peut-être en

Belgique, ça va être différent parce qu’ils ont moins l’habitude de connaître cet univers du Sentier, qui a un

peu disparu d’ailleurs. Mais l’avantage du film, c’est que c’est un film vraiment moderne, présent, et en

même temps qui va dans l’avenir, donc c’est… on a évité un peu… ce qu’on craignait peut-être c’est la

ringardise, de faire un truc réchauffé. Les auteurs ont écrit un truc d’enfer, très bien, et où les gens

retrouvent un peu toutes les conneries qu’on dit au départ, qu’on a fait dans le 1 et le 2, et s’amusent, et

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en même temps ils ont réussi un tour de force, ils ont réussi à créer une surprise à l’intérieur, de mettre

une trame dedans qui saisit le spectateur. Donc pour l’instant…

JÉRÔME : Vous avez eu des problèmes avec votre quéquette hein dans ce film.

JOSÉ GARCIA : Avec ma quéquette ?

JÉRÔME : Oui.

JOSÉ GARCIA : Ce n’est pas vraiment avec ma quéquette en fait…

JÉRÔME : Avec vos coucougnettes ?

JOSÉ GARCIA : Voilà. En fait c’est comme le terreau. Vous savez il faut toujours quelques fois retourner la

terre pour que la sève revienne, et voilà, c’est ce qui m’arrive un peu au départ, mais en même temps avec

toutes les emmerdes que je me tape… forcément avec les soucis ce n’est pas très productif. Et je tiens à

dire que…

JÉRÔME : Que dans la vie privée tout fonctionne bien.

JOSÉ GARCIA : Ça va. Grâce à Dieu tout s’est bien passé jusqu’à maintenant.

JÉRÔME : Vous avez quel âge ?

JOSÉ GARCIA : 45.

JÉRÔME : 1 homme sur 3 souffre d’impuissance à partir de 40 ans. J’ai lu ça récemment.

JOSÉ GARCIA : Ecoutez… je le prendrai comme ça vient.

JÉRÔME : Vous n’êtes pas celui-là.

JOSÉ GARCIA : Non pour l’instant ça va. Mais il faut dire que je ne suis pas non plus entouré de soucis donc

voilà. Si jamais tout d’un coup ça tourne mal, par exemple si le film ne marchait pas, il se pourrait que

pendant 1 an ou 2 je sois complètement anesthésié. D’ailleurs ça se verrait dans mon regard, je ne serais

pas forcément folichon.

On ne peut pas demander aux gens de vous suivre.

JÉRÔME : C’est ce qui s’est passé après « Chez Gino » par exemple ?

JOSÉ GARCIA : Non parce que « Gino » c’était un tout petit film et franchement on s’est bien éclaté.

JÉRÔME : J’ai bien aimé moi.

JOSÉ GARCIA : Et puis franchement c’est un film à part. De toute façon vous savez ce qui serait bizarre

c’est de faire tout le temps que des trucs vous savez que commercialement, techniquement parlant, ça va

être impec et tout, ce qui est important c’est de faire aussi des comédies, mais les parties de comédie de

«Gino», moi je me suis régalé parce que c’était vraiment décalé, tordu… Puis, en plus, on est très contents

parce qu’on a tourné vraiment en Belgique, c’était un film qui était un peu une espèce de caresse à la

Belgique, et en même temps il ne pouvait se faire qu’ici, et en même temps au cinéma italien quoi.

JÉRÔME : Ah oui.

JÉRÔME : Parce que quand on porte un film sur ses épaules, même si on sait que ce n’est pas le

blockbuster de l’été, que la prod n’est pas là etc…, est-ce que quand même on est déçu, voire blessé, voilà

que les gens merde quoi, n’aient pas suivi alors qu’on a osé faire quand même quelque chose ?

JOSÉ GARCIA : Le problème c’est qu’on ne peut pas demander aux gens de suivre… de vous suivre, voilà.

Ça serait très présomptueux de croire que parce que les gens vous aiment bien tout d’un coup ils vont vous

suivre partout. Moi je trouve que c’est ça la vraie amitié. C’est-à-dire que quand on a quelqu’un qu’on

aime bien on peut le suivre dans certains cas et pas dans d’autres mais ce qu’il y a d’intéressant c’est que

les gens qui viennent me voir par exemple dans certains films beaucoup plus sérieux ou dans des comédies

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différentes ou d’auteurs, ne sont pas forcément les mêmes que les autres, et ce qu’il y a de bien aussi c’est

que le vrai passage ou la vraie richesse du truc c’est que quand ils me voient par exemple à la télévision

parce qu’ils ne se sont pas déplacés, ou en DVD, ils ne changent pas de chaîne. Ça c’est le vrai truc parce

que moi j’ai eu des retours par exemple, c’est tout bête, mais « Le couperet » de Costa Gavras, ça a été un

film qui a bien marché par rapport à ce que ça a coûté, mais il y a eu…

JÉRÔME : C’est un film dur.

JOSÉ GARCIA : C’est un film dur mais les gens… il a eu un passage sur une chaîne française et ça a battu un

record absolument dément d’audience et les gens ont redécouvert le film à ce moment-là. Donc c’est bien

ça. Parce que le pire c’est quand tout d’un coup on vous dit non je ne veux pas le voir là-dedans, je ne veux

pas le voir dans un truc sérieux, je switch.

JÉRÔME : Ça a été votre crainte ? Parce qu’on vous a connu d’abord… enfin l’explosion c’est « La vérité si

je mens », je pense…

JOSÉ GARCIA : Oui. Ah ben oui.

JÉRÔME : Au cinoche, 1996, est-ce qu’à un moment vous avez eu peur en disant merde il ne faut pas que je

ne fasse que ça, parce que mon cœur est aussi ailleurs et…

JOSÉ GARCIA : Non c’est pas ça. Le problème c’est qu’il faut… il y a un moment, vous savez le fait qu’on

fasse des tournées comme ça partout en France, en Belgique et tout ça, vous parlez avec les gens et ils

vous disent exactement ce qu’ils pensent de vous, ce qu’ils aiment en vous, ce qu’ils détestent en vous, ou

les films qu’ils ont aimés, les films qu’ils ont détestés. Et à un moment donné, quand j’ai fait plusieurs

comédies à la suite, c’est vrai que j’étais très présent, il y a eu « La vérité », il y a eu « Jet Set », il y a eu

plein de choses qui ont bien cartonné, les gens me disaient, de plus en plus, moi je suis très à l’écoute de

ce qu’on me dit, j’aime bien parce que c’est comme ça qu’on évolue, de la critique aussi, et d’ailleurs des

gens qui écrivent parce que c’est important quand ça devient… quand il y a quelque chose qui revient en

permanence, vous vous rendez compte des erreurs que vous faites ou de ce que vous pouvez faire aussi et

en l’occurrence là les gens me demandaient à chaque fois mais quand est-ce que vous faites un rôle

sérieux ? Et là je me suis rendu compte que là ça y est, tout le monde en avait eu bien sa claque des

comédies, que je pouvais passer à quelque chose qui fait que ça a été pas quelque chose que j’ai arraché

mais quelque chose qu’on m’a autorisé à faire voilà.

Et le premier film audacieux alors que vous ayez fait, c’est lequel ?

JOSÉ GARCIA : Le premier qui était vraiment, en plus qui a évolué avec le temps, et dont on me parle

maintenant avec du tremolo dans la voix alors qu’en fait au départ ça a été vraiment un échec, c’est

«Extension du domaine de la lutte » de Philippe Harel. Et ça tout d’un coup, ça m’a donné, vous savez en

France on dit la carte, c’est-à-dire qu’il y avait vraiment un auteur qui était vraiment dans la profondeur du

travail d’auteur qui m’a demandé de venir jouer un rôle qui était un rôle d’un type qui avait justement

encore des problèmes avec les filles, qui était très abimé par la vie, et à partir de là ça s’est enchaîné. Il y a

eu plein de choses. Et ça tombait bien parce que vous savez la comédie au bout d’un moment quand vous

ne faites que ça, si vous voulez vous vous mettez dans un monde parallèle, c’est-à-dire que vous n’avez

plus vraiment de choses qui vous font rire dans la vie parce que vous ne faites que travailler, et donc c’est

difficile de retrouver des nouveaux trucs, et donc au bout d’un moment on passe le cap, et on commence à

fabriquer des choses dont on croit que ça va faire rire les gens et là on devient un gros ringard qui ne fait

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que des trucs super attendus et moi je m’en méfie parce que ce que j’aime c’est le plaisir et je n’aime pas

refaire deux fois les mêmes rôles.

Il faut garder le plaisir parce que cette jubilation-là n’est pas écrite.

JÉRÔME : C’est dingue ce que vous dites quand même. Vous dites à un moment vous ne riez plus

beaucoup dans la vie parce que vous ne faites plus que travailler.

JOSÉ GARCIA : C’est-à-dire qu’on s’amuse mais on est dans un monde parallèle. C’est-à-dire que la vraie

vie de tous les jours, avec les problèmes du quotidien, comme vous ne faites que tourner vous êtes dans

un microcosme avec des gens, c’est vrai que vous êtes au quotidien dans toutes les villes de France ou à

des endroits, voilà, donc vous avez un contact mais c’est vrai que vous arrivez, vous allez travailler comme

quelqu’un qui va au travail, donc vous êtes dans un monde ou dans une époque qui est peut-être

différente de celle dans laquelle vous vivez parce qu’un film vous transporte à tel ou tel endroit, vous vivez

avec un personnage, d’une certaine manière, qui a un certain rythme, qui… si par exemple vous relevez des

cadavres tous les jours, vous êtes entouré aussi de gens qui viennent vous voir, qui sont des gens de la

police, qui viennent en tant qu’intervenants et tout ça, vous êtes plongé dans cet univers pendant 3 mois,

donc ce n’est pas la réalité. Et c’est vrai qu’au bout d’un moment, voilà, même si vous sortez des vannes

parce qu’on a le droit de s’amuser sur le plateau, vous n’avez plus assez d’expérience qui vous nourrisse et

moi j’ai passé quand même, il ne faut pas l’oublier, 7 ans à la télé à tous les jours, à vider quand même mes

années de vie que j’ai eues avant mais à 300 ou 400 personnages par an, au bout d’un moment vous vous

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rattrapez à toutes les branches toutes les 2 secondes, donc vous avez quand même épuisé devant les gens

énormément de ressort comique et il faut du plaisir pour jouer des comédies, il faut vraiment être sur le

coup, il faut garder le plaisir parce que cette jubilation-là elle n’est pas écrite.

JÉRÔME : Il y a des fois où vous vous êtes levé et vous vous êtes dit : là t’as fait le ringard ! Ça vous est

arrivé ?

JOSÉ GARCIA : Non je n’ai jamais fait le ringard. Je me suis raté sur des choses, à mon sens qui étaient… sur

des choix que j’ai mal fait, ou des choix que souvent on fait avec des metteurs en scène, où tout d’un coup

on prend un axe et puis là ça ne marche pas, ou alors c’est trop haut, ou alors ce n’est pas assez, voilà, mais

si on pouvait tout refaire on referait tout, tout le temps de toute façon. C’est l’avantage du théâtre, c’est

que tous les soirs vous pouvez réparer quelque chose et en fait vous ne réparez rien. Ce que vous

réussissez un soir vous le ratez le lendemain, et vous réussissez autre chose que vous aurez perdu le

surlendemain.

« Nulle part ailleurs ».

JÉRÔME : La télé, vous en gardez un bon souvenir, de Canal +, « Nulle part ailleurs », De Caunes, ça reste

bien.

JOSÉ GARCIA : Ah ben ça reste bien parce que ça a été des années incroyables. Vous savez c’est des

instants de grâce qui arrivent comme ça. C’est-à-dire que tout se configure, si vous voulez pour que, et

l’époque et les gens avec qui vous travaillez soient uniques. C’est un moment unique qu’il ne faut surtout

pas essayer de retrouver d’ailleurs.

JÉRÔME : Non. Mais c’est envahissant non, parce que ça fait combien de temps que c’est fini ?

JOSÉ GARCIA : Oh ça fait une quinzaine d’années.

JÉRÔME : Et le connard que je suis vous en parle encore.

JOSÉ GARCIA : Oui mais c’est bien ! Moi je trouve que c’est formidable de marquer les gens. Ce qui a de

pire c’est de ne pas les marquer.

JÉRÔME : C’est sûr.

JOSÉ GARCIA : C’est terrible ! Moi quand on m’appelle Robert le Miraud ou qu’on m’appelle Simone

Claude, ou des trucs comme ça, ça m’éclate parce que je vois le regard des gens, je vois que ça leur a fait

du bien pendant 1 h ou 2 de regarder les DVD, de revoir des choses comme ça. Les gens ont besoin de

s’éclater. Donc le pire, c’est de dire : oh je n’ai plus envie qu’on m’appelle comme ça. Moi je m’en fous

qu’on m’appelle, l’important c’est qu’on m’appelle. C’est tout. Tant qu’on ne me siffle pas !

JÉRÔME : Sauf si c’est une fille.

JOSÉ GARCIA : Ah, ça y est, on rentre dans Bruxelles !

JÉRÔME : On rentre dans Bruxelles. Oui.

JOSÉ GARCIA : On n’est plus très loin là en fait. Non ? De l’avenue Louise.

JÉRÔME : Encore 1h30.

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L’enfance.

JÉRÔME : Vous habitiez où à Paris quand vous étiez gamin ?

JOSÉ GARCIA : J’habite dans un quartier de Paris qui est le XVIème arrondissement. J’ai toujours habité là.

En fait j’ai changé une fois pour le XVIIème parce que mes parents étaient gens de maison, et évidemment

ils allaient travailler là où…

JÉRÔME : Là où il y avait des gens qui pouvaient avoir des gens de maison.

JOSÉ GARCIA : Voilà, qui avaient les moyens pour avoir des gens de maison.

JÉRÔME : Quand ils sont venus de Galice, ils sont devenus gens de maison dans le XVIème.

JOSÉ GARCIA : Dans le XVIème oui.

JÉRÔME : Et vous, vous êtes né là.

JOSÉ GARCIA : Je suis né là.

JÉRÔME : D’accord. Bons souvenirs ?

JOSÉ GARCIA : Très bons souvenirs oui, par rapport à l’univers et à tout ce qui se passait, c’est vrai que c’est

très… c’est difficile d’être enfant unique parce que vous ne pouvez pas avoir… mes parents ne pouvaient

pas avoir deux enfants parce que c’était compliqué, on vivait quand même chez les gens donc c’était

difficile, mais j’ai été dans un monde d’adultes en fait, pendant toute une première partie de ma vie qui

était quand même chiante à mourir. Qui était un cauchemar. C’est pour ça que maintenant je ne supporte

plus de m’emmerder.

JÉRÔME : C’est vrai ?

JOSÉ GARCIA : Ah oui.

JÉRÔME : Vous pensez qu’il y a une connexion directe ?

JOSÉ GARCIA : Ah oui.

JÉRÔME : Trop fait chier petit.

JOSÉ GARCIA : Trop fait chier petit. En même temps ça a développé un truc qui est bien, c’est qu’à force de

m’emmerder, je restais des heures dans une chambre comme ça j’ai développé un imaginaire, mais voilà…

il ne faut pas non plus… mais c’est vrai que c’était très chiant. Très chiant. Même les samedis et les

dimanches étaient très chiants.

JÉRÔME : Quoi ? Solitude ?

JOSÉ GARCIA : Grande solitude oui. Mais bon c’est ça peut-être qui a développé…

JÉRÔME : Il vaut mieux dire ça sinon ça n’a servi à rien.

JOSÉ GARCIA : Ben de toute façon tout sert, les bonnes et les mauvaises expériences servent. C’est comme

ça. Quand on est acteur on utilise tout ça pour travailler donc voilà, il faut… c’est peut-être aussi une

manière de survivre.

JÉRÔME : Mais comment un gamin qui vit dans un milieu qui est plus ou moins précaire, qui s’emmerde,

qui visiblement ne doit pas se marrer tous les jours, dit : je veux être comédien ? Ça pourrait paraître…

JOSÉ GARCIA : Ça c’est un concours de circonstances. Vous savez je suis un miraculé moi. Je suis un

miraculé. D’abord c’est parce que j’ai eu la chance unique, à l’âge de 11 ans, d’arriver dans une famille où

mes parents, voilà il a fallu changer de patron, et j’ai rencontré les enfants de la famille. Et le fils ainé a été

pour moi mon Pygmalion. Ça a été vraiment quelqu’un qui m’a extrait du truc et qui m’a donné un espoir

et qui m’a dit : toi tu ne finiras pas comme ça. Et à partir de là ça a été la rigolade, ça a été l’éclate pendant

des années, pour les études ça a été une catastrophe…

JÉRÔME : Avec le fils de la famille.

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JOSÉ GARCIA : Avec tous les enfants de la famille, mais avec le fils ainé qui avait 4 ans de plus que moi.

Donc ça c’est vraiment un ange qui est tombé du ciel. Et à partir de là…

Les débuts.

JÉRÔME : Mais il a dit quoi ? Il a fait quoi ?

JOSÉ GARCIA : Rien, il m’a pris avec lui. Il m’a pris avec lui pour tout. J’ai découvert… avant je n’allais pas

au cinéma parce que mes parents n’allaient pas au cinéma, et voilà, il m’a emmené au cinéma, pour

manger mon premier hamburger, enfin je veux dire je commençais à découvrir ce qu’était l’adolescence

avec quelqu’un qui lui avait l’habitude de vivre. Comme c’était quelqu’un d’extrêmement attentionné et

gentil, on partageait tout, c’était fantastique. Je me suis rendu compte qu’il y avait aussi d’autres axes

dans la vie. Et puis après ça a été de fracas en fracas, et puis comme je faisais rire tout le temps les gens,

depuis tout petit c’était ma seule arme pour survivre au milieu de groupes, et bien je me suis retrouvé à

rater mes études et puis une amie est venue me voir et m’a dit : José tu ne peux pas rester comme ça, va

au cours Florent, voilà le numéro de téléphone, appelle-les et va là-bas. Et pour moi c’était un truc… je me

disais mais le théâtre ce n’est pas pour moi, en plus les pièces de théâtre, je n’y suis pas allé beaucoup, je

ne vois pas comment je vais me démerder, et en fait je suis parti à l’armée et pendant que j’étais à l’armée

je me suis dit là je vais pouvoir réfléchir. Parce que comme on vous donne des ordres, vous avez le temps

de réfléchir. Et donc je suis allé me présenter en fait, pendant que j’étais à l’armée, avec mon camion

parce que j’étais chauffeur poids lourds, et je suis allé me présenter pour un stage au cours Florent. Il y a

des trucs dans la vie quelques fois c’est assez étrange, mais j’ai ouvert la porte de ce cours, je suis arrivé

avec mon 12 tonnes, je l’ai garé juste devant l’école et je suis arrivé en paramilitaire dans la classe, là j’ai vu

la moitié des gens qui se sont mis sur le côté, il n’y a qu’un type qui m’a parlé, qui est un acteur que vous

connaissez, qui a joué dans beaucoup de films, qui s’appelle Lionel Abelanski qui est resté avec moi, et là je

me suis dit ça y est, c’est là.

JÉRÔME : C’est vrai ?

JOSÉ GARCIA : Oui. Je ne changerai pas, c’est là, c’est ça, c’est ça que je veux faire. Voilà.

JÉRÔME : Quoi ? Les petites classes…

JOSÉ GARCIA : Ben les petites classes, ça a été très dur, très dur pendant 10 ans, ça a été une galère parce

que je passais des petites pièces de machin, pas de travail, je ne réussissais aucun casting, aucun truc, ça a

été vraiment la noyade et je me suis dit bon, j’ai pensé vraiment au pire, et puis voilà, vous savez quand

vous êtes un peu ouvert aux gens comme ça, ben vous prenez un peu tout ce qu’on vous dit… voilà… et j’ai

une amie, encore une fois, qui est venue, une autre amie, qui m’a dit mais José pourquoi tu ne viens pas

faire la clape, vu que tu n’as plus un rond, viens, tu gagneras un petit peu d’argent, ça ne dure que le soir,

comme ça tu peux continuer à répéter…

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JÉRÔME : C’est quoi la clape ?

JOSÉ GARCIA : La clape c’est applaudir, vous savez dans les émissions en direct, pour ne pas qu’il y ait de

temps morts et comme les gens ne sont pas habitués, on prend une personne qui applaudit, là en

l’occurrence il y en avait plusieurs, pour « Nulle part ailleurs » voilà, c’était les débuts de « Nulle part

ailleurs », et j’ai tenu comme ça pendant 1 an, tout d’un coup ma vie a changé parce que je gagnais un

petit peu d’argent, ça permettait de travailler, de faire des stages, de continuer à l’Ecole du cirque, et tout

ça, de payer, parce que les études de théâtre c’est toujours super cher, et là et bien tout à coup, j’avais une

grosse barbe avec des cheveux super longs, Antoine De Caunes me regardait comme une espèce de truc, il

se disait c’est qui ? Pavarotti ? Avec sa gueule de con ? J’ai laissé un ami à moi pendant une semaine où je

suis venu jouer une pièce à Lille, et en fait à ce moment-là il a commencé des personnages, il a commencé

avec cet ami, qui s’appelle Alain Fromager, qui est un super acteur très connu, et puis moi j’ai pris le relais.

JÉRÔME : Et boum.

JOSÉ GARCIA : Et boum d’une certaine manière c’était super angoissant pour moi parce que moi je viens de

la tradition vraiment théâtrale, moi je suis vraiment noyé dans ce que j’aimais le plus au monde, c’était le

théâtre, tout ça, donc quand je suis arrivé à la télé ça m’a fait peur parce que je me suis dit je vais me

griller pour le théâtre, je vais me griller pour tout ce que je voulais faire moi.

JÉRÔME : Ça va me dévaloriser.

JOSÉ GARCIA : A l’époque oui, c’était… les gens… il y avait des castes, il y avait les gens de cinéma, les gens

de théâtre et les gens de télévision. Les gens de télévision on les regardait mal.

JÉRÔME : Vous avez hésité ? A accepter ?

JOSÉ GARCIA : Je n’avais pas le choix.

JÉRÔME : Parce que vous imaginez, vous refusez, vous passez à côté de votre vie.

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JOSÉ GARCIA : Mais non on peut passer… vous savez il peut vous arriver d’autres choses. Ce n’est pas parce

qu’on refuse certaines choses…

JÉRÔME : Oui mais celle-là vous la vouliez, celle de maintenant.

Quand vous êtes un miraculé, vous êtes content de l’être.

JOSÉ GARCIA : Oh oui putain ! Celle-là, celle-là je n’y croyais pas mais je suis un miraculé.

JÉRÔME : C’est dingue parce que vous dites à partir de 14 ans ça va de fracas en fracas, et puis il y a le

service militaire et puis je toque dans cette classe du cours Florent je me dis c’est ici, et puis il y a 10

années de galère. Donc de fracas en fracas, 10 années de galère, il y a 15 ans de votre vie où c’est la

mierda.

JOSÉ GARCIA : Oui, c’est la merdia et la puta mierda.

JÉRÔME : Et pourtant vous les traversez. C’est quoi la force qui est là pour traverser ça ?

JOSÉ GARCIA : Ecoutez, je vais vous dire un truc…

JÉRÔME : Parce que 15 ans c’est quand même 15 nouvel an.

JOSÉ GARCIA : C’est vrai.

JÉRÔME : C’est long.

JOSÉ GARCIA : C’est très long. C’est pour ça que je déteste cette période-là. Je me casse toujours au soleil

à ce moment-là, je ne supporte pas la période des fêtes, mais écoutez, je vais vous dire un truc, moi mes

parents ils sont partis d’un petit village en Espagne, qui est entièrement fait en pierres, il n’y a rien, il n’y

avait même pas l’électricité quand ils sont partis, ils ne savaient pas parler une autre langue que l’espagnol,

ils parlaient galicien, et ils sont partis tous les deux, main dans la main, et ils sont partis dans un pays qui

était la France, sans carte de crédit, sans sécurité sociale, sans assurance, sans quoi que ce soit, et ils ont

quand même réussi à faire leur vie. Donc moi je garde cet espoir permanent, je me dis que si eux ont

réussi à faire un truc aussi extraordinaire que ça, je serais vraiment le dernier des couillons voilà, de

m’angoisser tout d’un coup. Evidemment que j’ai eu des tonnes d’angoisses, des tonnes de craintes, de

peurs, de trucs terribles, parce que quand vous êtes tout le temps dans le fracas vous vous dites je suis un

bon à rien, et puis en fait voilà il y a eu cet instant de grâce. Cet instant de grâce, qui continue. Moi y a des

gens qui ne comprennent pas, ils me disent on a l’impression que t’es un caniche, t’es tout le temps

content d’être là, tout le temps content de faire ci, tout le temps content de faire ça. Je dis mais putain, si

moi je ne suis pas content, qui peut l’être ? Quand vous êtes un miraculé, vous êtes content de l’être.

Voilà, vous passez à côté d’un infarctus… votre façon de voir la vie change complètement. Voilà je suis

passé à côté d’un gros infarctus de 15 ans et maintenant… (Il fait signe à quelqu’un qui klaxonne). C’est ça

que j’adore en Belgique, c’est que les gens ont la patate. Salut ! Donc voilà. Il y a cette énergie de vie qui

est importante.

JOSÉ GARCIA : Je l’ai soûlé. Le mec n’en peut plus.

JÉRÔME : Non, j’aime bien.

JOSÉ GARCIA : Pffff putain ça va être épuisant.

JÉRÔME : Pas du tout.

JOSÉ GARCIA : On n’est pas encore arrivé, je vais prendre un raccourci…

JÉRÔME : Non…

JOSÉ GARCIA : Là par contre je sais qu’on arrive.

JÉRÔME : Non.

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JOSÉ GARCIA : J’ai fait tous les matins cette petite route, oui.

JÉRÔME : 50 minutes encore. Vous êtes venu en jet privé, je ne vais pas vous louper non plus.

JOSÉ GARCIA : Ça c’est sûr.

JÉRÔME : Faut pas être con.

JOSÉ GARCIA : Ceci dit on ne serait pas arrivés en jet privé et ne serait peut-être pas venus aujourd’hui.

Vivre et jouir de la vie.

JÉRÔME : C’est marrant de se dire que c’est parce qu’on en a bavé qu’on profite vraiment.

JOSÉ GARCIA : Et bien ce n’est pas vrai parce que moi je me rends compte qu’il y a beaucoup de gens qui

en ont bavé qui une fois qu’ils arrivent à quelque chose n’en profitent pas.

JÉRÔME : C’est vrai ?

JOSÉ GARCIA : Ça me rend fou ça.

JÉRÔME : Vous en voyez ?

JOSÉ GARCIA : Beaucoup. Ou des gens qui continuent à amasser des craintes de ne plus avoir, alors qu’en

fait ils devraient vivre leur vie. C’est terrible ça. Vous savez cette espèce d’avidité de tenir plutôt que de

vivre, que d’être. Moi c’est pour ça, moi j’adore mon métier, c’est ma passion, c’est la chose la plus belle

au monde, mais la chose la plus importante quand même et ça le restera toujours, ma vie, ma vie doit être

toujours beaucoup plus forte et beaucoup plus extraordinaire que ce que je fais au cinéma.

JÉRÔME : Vous y arrivez ?

JOSÉ GARCIA : Ah oui.

JÉRÔME : C’est vrai ?

JOSÉ GARCIA : Je suis très doué pour ça. Moi je n’ai jamais une tune. Tout ce que je gagne, je le dépense

allégrement.

JÉRÔME : C’est vrai ?

JOSÉ GARCIA : Ah oui.

JÉRÔME : Vous savez faire ça !

JOSÉ GARCIA : Moi ? Je sais vraiment bien le faire ça. Vivre et jouir de la vie, c’est ma spécialité. Je dirais

que jouer c’est accessoire.

JÉRÔME : Mais vous avez dû accepter ça ou c’est venu facilement ?

JOSÉ GARCIA : C’est venu super facilement.

JÉRÔME : Ça pourrait être difficile quand on a vécu dans la merde.

JOSÉ GARCIA : Je l’ai en moi ! Mais même je veux dire…

JÉRÔME : Elle ne vous dit pas votre femme : fais gaffe un jour ça ne va plus marcher !

JOSÉ GARCIA : Ah non mais que ça ne marche plus, ça j’en suis conscient. Il y a plein de moments… et puis

il y a plein de moments où on croyait que ça marchait pour moi et ça ne marchait pas. Donc, ce n’est pas

parce que… souvent on peut donner l’image, quand on est acteur, parce qu’il y a plein de films qui

marchent ou qui avancent et puis vous pouvez être dans la dèche la plus totale parce que tout d’un coup

vous avez dû payer des impôts ou n’importe quoi. Tout d’un coup, il s’est passé quelque chose dans votre

famille, vous avez dû sortir des sommes hallucinantes, et vous bouffez des pâtes à la maison quoi, donc…

Mais ça ce n’est pas important, ce qui est important c’est que bon sang c’est de se réjouir quand même

tous les jours de se lever et d’être en vie putain !

JÉRÔME : Mais c’est bien hein ! Il y a beaucoup de gens qui oublient de se dire ça.

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JOSÉ GARCIA : Mais c’est quand même la base. Déjà vous respirez, vous avez des gens qui vont plus ou

moins bien autour de vous, vous êtes en pleine santé, putain c’est…

JÉRÔME : Vous bandez plus ou moins correctement.

JOSÉ GARCIA : Oui mais enfin bon… Maintenant on a plein de nouveaux trucs.

JÉRÔME : C’est vrai.

J’ai pu toucher un peu à toutes les générations de cinéastes d’auteur.

JÉRÔME : C’était important pour vous qu’à un moment un mec comme Costa Gavras fasse « bonjour

monsieur Garcia… ».

JOSÉ GARCIA : Ah oui !

JÉRÔME : «J’ai envie de vous engager pour faire un film ». Qu’un réalisateur de cette trempe, avec des

sujets comme il traite, plus difficiles, est-ce que c’était intéressant qu’un auteur comme celui-là vous

appelle ?

JOSÉ GARCIA : Ben c’est-à-dire que ça a commencé, avant Costa Gavras j’ai eu des trucs, c’est-à-dire que ça

se passe comme ça par blocs mais j’ai senti à un moment… j’ai eu d’abord Carlos Saura qui m’a appelé. Je

suis allé tourner en Espagne avec Carlos Saura, qui pour moi, évidemment en tant qu’Espagnol, est

quelqu’un qui avait fait quand même beaucoup, qui était vraiment une légende dans le cinéma espagnol,

après Costa, après Jean-Jacques Annaud, après Régis Wargnier, c’est-à-dire que j’ai eu la chance d’être

aussi avec Pierre Salvadori, Christian Vincent, de toucher un peu à toutes les générations de cinéastes

d’auteur. Et moi qui venait quand même de «Tirelipimpon sur le chihuahua », j’ai mesuré après ça

vraiment la chance que j’avais, parce que j’en avais besoin, j’avais besoin aussi d’avoir des gens qui avaient

une exigence, enfin ils ont tous des exigences, mais c’est vrai d’avoir des gens qui pouvaient me pousser

plus loin dans le travail. Et le dernier en date c’était Jean-Jacques Annaud, qui m’a poussé le plus possible

et là je me suis régalé à faire … (il refait signe à quelqu’un)… donc voilà. Donc non, très heureux.

JÉRÔME : Le film d’Annaud c’est là où vous étiez…

« Sa majesté Minor ».

JOSÉ GARCIA : Oui avec Vincent Cassel. « Sa majesté Minor », qui a été une aventure exceptionnelle.

Exceptionnelle, dans tous les sens du terme d’ailleurs, dans le fracas qu’il a eu et dans le… mais je ne

regretterai jamais ce film, je me suis tellement éclaté, c’était au-delà de mon imagination. Au-delà de mon

imagination.

JÉRÔME : C’est quoi l’histoire ?

JOSÉ GARCIA : Oh l’histoire, c’est un type, un homme qui vit avec les cochons, parce qu’on l’a jeté avec les

cochons pour qu’il vive, à l’époque pré-homérique, une époque très particulière, et qui devient roi de l’île

dans laquelle il vit. En fait, c’est une métaphore sur le pouvoir et comment on accède au pouvoir. Et c’est

très élaboré, donc j’espère peut-être qu’un jour ça deviendra un film culte, en tout cas pour l’instant…

JÉRÔME : En tout cas il ne lui reste plus que ça.

JOSÉ GARCIA : Il ne reste plus que ça.

JÉRÔME : Vous pouvez prendre ça.

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« Faisons l’amour avant de nous dire adieu ».

JOSÉ GARCIA : Ah, qu’est-ce que c’est ? Un petit Kinder ou une petite question ?

JÉRÔME : Ce n’est pas une question, les questions je les pose moi-même.

JOSÉ GARCIA : Ah c’est une question. Je croyais que c’était un petit Kinder. Ah c’est des gens qui envoient

des petites questions. « Faisons l’amour avant de nous dire adieu ». D’accord.

JÉRÔME : Vous connaissez cette chanson ?

JOSÉ GARCIA : Ben oui évidemment. Je la chante dans « La vérité si je mens ». Ivre mort. En fait, c’est

vraiment une chanson qui se prête au karaoké et à un moment on part à Shanghai et la dernière phrase

que je dis avant de partir à Shanghai, c’est dire maintenant on va aller diner avec le responsable de l’usine

dans laquelle on doit faire un certain nombre de choses et on me dit surtout vous faites attention les gars,

c’est Cyril Hanouna qui me dit ça, qui me dit : faites attention parce qu’il y a un protocole très stricte, pas

de conneries pendant le repas. Je lui dis : qu’est-ce que tu veux qu’il nous arrive ? Cut. Et voilà tu me vois

chanter ça, ivre mort avec le patron chinois.

JÉRÔME : Vous l’aimez la chanson ?

JOSÉ GARCIA : Oh non, je ne suis pas trop fou. Mais c’est exactement le genre de chanson qu’on pourrait

chanter quand on est vraiment éclaté, vraiment qu’on a pris une belle rince.

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Vous êtes bosseur ?

JOSÉ GARCIA : « L’art du comique c’est donner l’impression qu’on fait n’importe quoi quand on a travaillé

10 heures sur une mimique ou une phrase ». Ah c’est intéressant.

JÉRÔME : Qui a dit ça ?

JOSÉ GARCIA : Coluche.

JÉRÔME : Vrai ou faux ?

JOSÉ GARCIA : C’est vrai. De toute façon le génie ça n’existe pas, c’est 18 heures de travail par jour.

JÉRÔME : Il y a quand même des gens où il y a des évidences.

JOSÉ GARCIA : Non mais il y a des évidences mais si vous voulez les évidences elles n’ont qu’un temps.

C’est encore ce que je vous disais. C’est-à-dire que si vous n’exploitez que le même filon, vous pouvez avoir

trouvé quelque chose qui était vraiment exploitable de manière… mais ça s’essouffle toujours à un

moment. Et si vous ne donnez pas d’autres impulsions et vous ne vous renouvelez pas, vous n’évoluez pas,

que vous restez toujours un peu ancré dans ce que vous faites, au bout d’un moment je pense que ça lasse.

JÉRÔME : Vous êtes bosseur ?

JOSÉ GARCIA : Oui !

JÉRÔME : Genre ? C’est quoi ? Quand on est acteur c’est quoi être bosseur ?

JOSÉ GARCIA : Ben quand on est acteur c’est d’abord et avant tout avoir le temps de se ressourcer et d’être

disponible et ouvert aux autres, d’avoir le temps de vivre aussi pour pouvoir s’imprégner de plein de

choses, d’être ouvert, parce que vous pouvez aussi le faire… tout est une question de sensibilité en fait. Si

vous travaillez sur votre sensibilité, que vous êtes ouvert et que vous vivez 10 milliards de choses, ben

forcément vous serez beaucoup plus chargé d’émotions, d’expériences, et à ce moment-là vous pourrez les

retranscrire mais il y a aussi des acteurs qui sont des grands lecteurs et qui arrivent à développer un

imaginaire à travers toutes leurs lectures. Ce sont des voyageurs statiques mais qui arrivent à se remplir

d’une manière extraordinaire parce que les livres aussi…

JÉRÔME : Vous faites ça ?

Je lis beaucoup de choses techniques.

JOSÉ GARCIA : Non moi je ne suis pas du tout lecteur. Benoît Poelvoorde est quelqu’un qui lit

énormément, c’est un passionné de lecture et sa richesse, c’est un homme très cultivé, bien qu’il n’en ait

pas forcément l’air, mais sa richesse vient aussi de ses lectures.

JÉRÔME : Ici je lui ai fait un quizz des premières phrases de bouquins…

JOSÉ GARCIA : Ah oui…

JÉRÔME : Mais des trucs serrés hein !

JOSÉ GARCIA : Il est imbattable. Mais de toute façon un jour, je sais que c’est un de ses rêves, mais je crois

qu’il aimerait ouvrir une librairie et je crois que ce serait un type… moi je rêve de vieillir avec Benoît et

que… parce que moi je ne suis pas un grand lecteur, moi je lis beaucoup de choses techniques, beaucoup

de trucs parce ce que dans ma vie j’ai besoin de lire des choses techniques pour faire plein de choses parce

que moi je suis dans l’action, et je sais qu’il y a quelque chose qui me plait énormément, c’est que je me dis

que si on arrive à vieillir ensemble, un jour je lui demanderais de me donner des livres, voilà, je n’irais pas

les acheter, je lui demanderais simplement qu’il me dise tiens, lis ça, et qu’il m’amène des livres. Voilà.

Pour la deuxième partie de vie où je serais peut-être un peu moins mobile.

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JÉRÔME : C’est quoi les bouquins techniques que vous lisez ?

JOSÉ GARCIA : Je suis passionné par plein de choses.

JÉRÔME : Des modes d’emploi de votre DVD ?

JOSÉ GARCIA : Comment ?

JÉRÔME : Pas par des modes d’emploi quand même.

JOSÉ GARCIA : Non, moi je suis quelqu’un qui adore l’action, depuis quelques années j’ai eu la chance de

me jeter dans les sports extrêmes, dans l’aviation, dans plein de choses et donc je lis tout le temps

beaucoup de choses, l’aviation ça demande beaucoup de trucs techniques. Je me suis rendu compte aussi

que quand j’étais sur les plateaux c’était difficile, en tout cas moi je n’y arrive pas, de prendre un roman et

quand vous attendez, de lire, parce que c’est difficile de sortir d’une histoire et de me remettre dans la

mienne, donc la meilleure façon de vivre c’est voilà, de s’intéresser à plein de choses…

JÉRÔME : Vous n’avez pas un roman marquant dans votre vie ? Par exemple, déjà ?

JOSÉ GARCIA : Non.

JÉRÔME : C’est pas quelque chose qui est en vous.

JOSÉ GARCIA : Non parce que moi j’adore les histoires des autres mais dès que je lis 3, 4 phrases, je pars

dans les miennes. Je pars dans des trucs que je m’invente.

JÉRÔME : C’est pas grave, c’est peut-être fait pour ça.

JOSÉ GARCIA : Oui mais je mets beaucoup de temps à lire forcément un roman, j’adore, de temps en temps

j’en lis, là par exemple je m’éclate parce que j’ai demandé à un ami qui est très calé en philosophie, je

voulais pouvoir mettre des mots sur le raisonnement, parce que j’ai fait beaucoup, j’ai bougé énormément,

j’ai pu vivre beaucoup d’expériences, mais ce qui me manque c’est de mettre maintenant des mots et

arriver à synthétiser des réflexions ou des sensations.

JÉRÔME : Pourquoi ? Pour savoir à quoi ça a servi ?

JOSÉ GARCIA : Non, pour pouvoir me les formuler. Une fois qu’on arrive à formuler les choses on les sort

de soi, on les pose, et ça c’est réglé, et en fait on a plus d’espace dans…

La crainte de la mort.

JÉRÔME : Vous, vous êtes allé chez le psy ?

JOSÉ GARCIA : Ah pas du tout.

JÉRÔME : C’est vrai ?

JOSÉ GARCIA : Non, non.

JÉRÔME : Parce que c’est une réflexion complètement psychologique, à partir du moment où on formule la

chose on s’en débarrasse.

JOSÉ GARCIA : Oui, mais c’est le contact avec des gens justement qui sont dans cette réflexion-là, c’est un

échange. Et voilà, il y a des périodes comme ça, il y a des périodes où j’ai besoin d’être dans l’action et

maintenant je sens que j’ai besoin, comme j’ai extrêmement peur de la mort, que ça s’arrête et qu’il n’y ait

plus rien derrière, j’essaie de me soigner de cette manière-là.

JÉRÔME : Vous avez ça vous ?

JOSÉ GARCIA : Ah oui.

JÉRÔME : Bienvenu, vous êtes au bon endroit.

JOSÉ GARCIA : Et bien tant mieux. Dans le bois en plus. Vous avez une pelle ?

JÉRÔME : C’est terrible.

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JOSÉ GARCIA : Non mais c’est une crainte et c’est peut-être aussi cette crainte de la mort que je vis à

1000%. Sans doute. Mais il faut que j’arrive à temporiser ça. A le régler un peu.

Il y a un truc en Belgique.

JÉRÔME : Regardez comme c’est beau Bruxelles, sans déconner.

JOSÉ GARCIA : C’est magnifique. Et vous avez une petite boîte là, j’ai déjà fait le chemin à pied, ivre mort.

Une petite boîte dans le coin.

JÉRÔME : Tout à fait.

JOSÉ GARCIA : A une époque.

JÉRÔME : Une petite boîte de péteux.

JOSÉ GARCIA : De péteux mais bien achalandée hein ! Des boissons comme s’il en pleuvait.

JÉRÔME : Tout à fait.

JOSÉ GARCIA : Et oui, c’est votre force hein. Ça ici, il y a un truc en Belgique, ça m’a toujours fait rire,

c’est…

JÉRÔME : La cadence.

JOSÉ GARCIA : C’est la cadence, c’est-à-dire qu’on ne vous laisse pas finir votre bière parce qu’elle est

chaude et on vous la rend tout de suite propre.

JÉRÔME : Ce serait honteux.

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JOSÉ GARCIA : Je me souviens de mon ami Renaud Rutten qui m’a dit « c’est fou, t’as un corps de tabouret

mais putain, qu’est-ce que tu bois ! T’es super impressionnant ». Ça m’a touché de la part d’un gars

comme Renaud. Tout d’un coup il y avait une espèce de respect. D’ailleurs ça aussi, j’ai obtenu le respect

grâce à la bière ici.

JÉRÔME : Non, c’est sûr. On doit y passer tous un jour ou l’autre.

JOSÉ GARCIA : Ah oui.

JOSÉ GARCIA : Encore une autre ?

JÉRÔME : Oui. On y va.

JOSÉ GARCIA : Y’a un moment je boufferais bien un petit Kinder quand même.

JÉRÔME : Allez-y, regardez y’a plein de trucs.

Une revanche sur la vie.

JOSÉ GARCIA : Alors, « Les grandes œuvres sont toutes des vengeances, les chefs-d’œuvre sont tous des

revanches », Paul Morand.

JÉRÔME : D’accord ou pas d’accord ?

JOSÉ GARCIA : Les grandes œuvres sont toutes des vengeances. Ben de toute façon je pense que l’un des

moteurs pour bien faire, je dis bien l’un des moteurs, c’est surtout peut-être une revanche sur la vie, une

revanche sur l’humiliation, c’est une énergie folle, quand on arrive à la transformer et qu’elle ne vous tue

pas. Souffrir du manque d’amour, c’est quelque chose qui vous tue. Se dire que grâce à l’effort et au

travail vous allez peut-être pouvoir reconquérir quelqu’un ou plusieurs personnes, je pense que c’est un

moteur assez exceptionnel d’abord parce que c’est un travail que vous devez faire sur vous, et que

deuxièmement la remise en question, puisque ça parle quand d’une remise en question à chaque fois

avant de démarrer, c’est la meilleure chose au monde, sans remise en question encore une fois on est

statique, on n’avance pas.

JÉRÔME : Vous, il y a un esprit revanchard dans tout ça, les 15 ans traversés.

JOSÉ GARCIA : Je n’ai pas d’esprit de revanche, j’ai une envie… je n’ai pas d’envie de revanche, moi j’avais

envie de me sortir de là, de me sortir et de réussir enfin à vivre et moi, comme tout se transmet toujours

par rapport à l’amour, ma mère est cuisinière, elle m’a toujours donné à manger et je t’aime, je te nourris,

donc j’ai toujours eu ce truc-là, j’ai toujours une manière de recevoir l’amour de manière très douce, c’est

pour ça que j’adore le sucre, et j’ai fait ce métier pour deux raisons. La première d’abord pour être aimé,

franchement, parce que je trouvais que c’était extraordinaire d’être aimé et vraiment la toute première,

c’est parce que je voyais des films quand j’étais avec mes parents, on était dans une petite chambre de

bonne, on avait que la télé, et je voyais des films de Louis De Funès et pendant 2 heures de ma vie ou 1h40,

1h45, on était heureux. Rien qu’au générique déjà, on s’extrayait de la chambre, on s’extrayait de tout, on

allait vivre au soleil, vivre quelque chose, une aventure. Il y avait un bonheur, il y avait une espèce de

plaisir, on allait se coucher heureux. Et c’est quelque chose qui m’émeut énormément parce que là,

pendant les projections de « La vérité si je mens », à la fin quand on revient, on a des gens qui ont cette

sensation-là. J’ai fait ce métier pour ça. Et le fait d’avoir un film qui a eu vraiment la grâce et d’en avoir

fait 1, 2 et 3 et d’avoir toujours cette communion avec le public, c’est le plus beau cadeau au monde.

Vraiment. Hormis des statuettes, des machins, tout ce que vous voulez, parce que ça c’est une

reconnaissance de vos pères, ce qui est formidable, mais alors la joie des gens, et quand ils sortent heureux

d’un film, putain, ce que c’est bon !

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Vous n’avez pas de prostitution vous ici ? Dans le bois ?

JÉRÔME : Il est midi.

JOSÉ GARCIA : Il est midi. Nous, à Paris on l’a quand même, à partir de 9h.

JÉRÔME : On prend l’apéro nous à midi. Il y a un peu de prostitution dans ce bois je pense.

JOSÉ GARCIA : Dans le bois ?

JÉRÔME : Dans la forêt.

JOSÉ GARCIA : Je ne viens pas assez.

JÉRÔME : Vous venez à potron minet.

JOSÉ GARCIA : Voilà ce soir je vais venir en roller, l’air de rien…

JÉRÔME : C’est marrant, vous traversez une forêt, vous pensez à des putes.

JOSÉ GARCIA : Ben je peux penser aux champignons mais c’est pas l’époque. Comment ?

JÉRÔME : C’est quand même étrange comme association.

JOSÉ GARCIA : Ben oui, parce que les arbres, c’est fatigant, les prostituées ça donne une petite couleur,

moi je trouve ça toujours très sympa. Et puis j’ai beaucoup d’admiration pour les prostituées. Vraiment.

JÉRÔME : C’est pas la question, mais…

JOSÉ GARCIA : J’ai fait un film vous savez qui s’appelle « Le mac », maintenant je suis un peu dans la

combine hein.

JÉRÔME : Tout à fait.

JOSÉ GARCIA : Maintenant si j’arrive devant un claque je suis sûr qu’il doit y avoir au moins une petite

affichette au mur des toilettes ou quelque chose. C’est rare de parler de… Moi je suis toujours dans les

minorités visibles. Donc j’ai fait les homosexuels, les Juifs, les gitans, les proxénètes, vous savez je travaille

beaucoup avec l’artisanat. La prostitution ça va avec les macs, on n’en a pas 50.000, y’a une époque où ça

pullulait, et voilà, il faudrait que je fasse un peu le tour des claques. D’ailleurs si vous avez 5 minutes, et

que vous connaissez un endroit, faisons un petit peu le tour des bordels pour voir un peu le taux de

notoriété.

JÉRÔME : Vous devriez tout de même réfléchir au fait que quand vous voyez une forêt vous pensez à des

prostituées. Je pense que ça mérite quand même réflexion.

JOSÉ GARCIA : Ecoutez en même temps j’aurais pu penser à la chasse mais ça aurait été beaucoup plus

douteux.

JÉRÔME : C’est vrai.

JOSÉ GARCIA : Ah, Bruxelles !

L’évolution.

JÉRÔME : Le fait d’être devenu célèbre et de pouvoir vivre de ce qui vous plait, votre passion surtout

d’ailleurs, c’est un miracle ou c’est une récompense, maintenant que vous savez que vous avez fait le

trajet.

JOSÉ GARCIA : C’est toujours un miracle. Toujours. C’est toujours un miracle parce qu’il faut aussi, je

pense qu’une vie d’acteur ça se pense sur la longueur et d’être toujours là, de continuer à pouvoir faire

mon métier comme je l’aime, c’est vraiment un miracle, c’est fantastique. C’est difficile parce que vous

savez on vit quand même toujours dans le désir des autres. C’est pour ça que je dis…

JÉRÔME : Vous vieillissez bien, vous avez du pot hein.

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Les interviews d’Hep Taxi ! Jérôme Colin au volant, le portrait en mouvement de José Garcia

JOSÉ GARCIA : Ben je fais attention quand même. Je ne me laisse pas non plus couler dans le bronze.

JÉRÔME : Non mais vous êtes plus beau à 45 ans qu’à 20.

JOSÉ GARCIA : Ça c’est un coup de chance. Ça aussi ça fait partie du truc, le physique. Il faut regarder ses

parents, il faut voir comment ils évoluent, il faut voir comment vous évoluez vous, et puis il faut voir aussi

la vie que vous avez. La vie que j’avais à 18 ans, si j’avais continué comme ça… à l’heure qu’il est vous

auriez juste une bonbonne, une bonbonne de gaz peinte en rouge. Mais après il faut, justement, ça fait

encore partie de la remise en question et de l’évolution, des étapes dans la vie. Si vous êtes

complètement, comment dire, arrêté, plein de convictions et que vous restez toujours dans la même

manière de vivre, dans le même truc, je pense que vous ne vieillissez pas de la même manière que si vous

êtes toujours en permanente évolution et que vous vous adaptez toujours à la modernité, à ce qui arrive.

Je ne suis pas quelqu’un qui… je déteste les habitudes, je n’ai pas d’habitudes et j’ai surtout l’envie de me

renouveler tout le temps. Donc je suis profondément dans le présent et dans le futur, jamais dans le

passé. Je ne suis jamais ancré dans des choses scellées comme ça en me disant ça c’est comme ça que ça

doit être… Ça ne m’intéresse pas. Je suis versatile, comme le C4, un explosif très puissant.

C’est votre ami Poelvoorde ?

JOSÉ GARCIA : Oui !

JÉRÔME : Un vrai ?

JOSÉ GARCIA : Ben oui un vrai. Quelqu’un en tout cas que j’aime profondément parce que je crois que je

n’ai jamais ri autant avec un acteur qu’avec lui.

JÉRÔME : Vous en avez beaucoup des amis dans ce métier ? Ou finalement votre vie est aussi ailleurs ? Ou

finalement tout est là.

JOSÉ GARCIA : Non ma vie elle est… j’ai une garde prétorienne d’amis qui n’ont rien à voir avec le métier,

que je connais depuis plus de 35 ans, 40 ans. Non, 35 ans à peu près. Ça, c’est mon noyau dur. D’ailleurs,

ça jalouse toujours un peu mes camarades de cinéma. Ils disent merde, José il a quand même toute une

bande de potes, on ne les connaît pas trop, et puis j’ai beaucoup de camarades, et puis après des amis-

amis. Voilà, après c’est des affinités. Mais vous savez c’est difficile, l’amitié c’est quelque chose qui

s’entretient. C’est quelque chose où on doit… Et notre complexité c’est qu’on se croise, on a la chance

parfois de passer quelques fois 2, 3 mois ensemble, là c’est formidable. Avec Benoît, on a passé plein de

moments ensemble. Et c’est là que les amitiés se tissent. Mais c’est vrai qu’on n’arrive pas à se voir

énormément parce qu’on est toujours sur les routes, on est toujours en déplacement, on est toujours dans

des avions, on se voit dans des promotions, donc ben quelques fois on perd les contacts, et puis voilà, la

vie fait qu’on est à droite, à gauche, on a aussi des familles, donc c’est difficile d’avoir des vrais amis avec

qui on a tout un parcours. Mais je suis très ami avec d’autres acteurs qui sont moins connus évidemment

que… voilà, qui sont des vrais, des camarades.

JÉRÔME : Et bien vous voilà arrivé !

JOSÉ GARCIA : Et bien c’était très agréable cette petite balade.

JÉRÔME : J’espère bien pour vous, quand je vois ce que vous allez payer.

JOSÉ GARCIA : Ah, on est à combien ?

JÉRÔME : 92.

JOSÉ GARCIA : Ah quand même ! Evidemment c’est un taxi de luxe, les étoiles, un foisonnement, des

questions comme s’il en pleuvait ! Et oui.

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Les interviews d’Hep Taxi ! Jérôme Colin au volant, le portrait en mouvement de José Garcia

JÉRÔME : Tout se paie.

JOSÉ GARCIA : Je comprends. En même temps je suis venu en avion, je n’avais qu’à pas faire ma crâneuse !

JÉRÔME : Carrément.

JOSÉ GARCIA : Ah, y a du photographe dans l’air.

JÉRÔME : Voilà.

JOSÉ GARCIA : Et bien merci ! Merci pour cette course.

JÉRÔME : Avec plaisir.

JOSÉ GARCIA : Ciao. Merci.

JÉRÔME : Un grand merci.