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    DOSSIER SPCIAL :

    LE JURISTE DENTREPRISE FACE AUX CONTENTIEUX

    Interview de Christian de Baecque, Prsident du Tribunal de Commerce de Paris Le juriste dentreprise, un acteur cl de la justice commerciale

    ENTRETIENDavid Zeitoun, Directeur juridique Unibail-Rodamco SE

    HommageRaymond Si, fondateur de lAFJE disparait

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    Chez Accuracy, nous savons que pour prendre les bonnes dcisions, il faut y voir clair. Cest pourquoi, nous mettons votre disposition notre expertise, notre rigueur et notre honntet intellectuelle pour vous donner une lecture pertinente et clairante des enjeux financiers de la situation. Ainsi vous tes en mesure de prendre la bonne dcision.

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    Figures for decision

  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

    O n entend souvent voquer la formidable volution qua connue la mission du Juriste dentreprise au fil de ces dernires annes, volution quillustrent et corroborent les multiples enqutes sur nos missions et responsabilits, notre positionnement hirarchique, notre formation, ou encore nos rmunrations.

    Ce nest pas le lieu ici de sengager dans ce dbat, dautant que nul aujourdhui ne cherche srieusement contester la ralit de cette volution. Mais la triste disparition, en juillet dernier, de Raymond Si, fondateur de lAFJE, nous donne loccasion dun coup de chapeau ceux qui, visionnaires de notre profession, ont su voici plus de quarante annes, anticiper toute limportance que celle-ci, alors rduite quelques praticiens recruts essentiellement pour la gestion des dossiers contentieux, allait progressivement prendre dans les entreprises.

    Le premier numro du Bulletin de lAFJE, dit en 1970, souvrait sur un avant-propos de Raymond Si dans lequel celui-ci en dfinissait ainsi le cahier des charges : dmontrer que les juristes dentreprise sont des tmoins attentifs et des crateurs . A cet avant-propos, succdait un formidable article dun Universitaire de la Facult de Lige, dans lequel on lit notamment ceci : Etre juriste dentreprise, cest avant tout une aptitude rencontrer dautres hommes, cest croire aux alliances ncessaires entre le juriste et lconomiste, le juriste et lingnieur, le juriste et le comptable (1) . Dirait-on aujourdhui les choses dune autre ou de meilleure faon ? Ces phrases, et bien dautres encore que lon pourrait extraire de ce document darchives, mais que lespace rduit de cet ditorial ne permettent pas de reproduire ici, tmoignent de la solidit du socle sur lequel sest btie lAFJE voici presque un demi-sicle, poque o la mission du Juriste interne se cantonnait peu ou prou au suivi des contentieux de lentreprise.

    Par une intressante concidence, cest prcisment lactivit contentieuse, quasiment fondatrice de notre profession, quest consacr le dossier spcial de ce numro de Juriste dEntreprise Magazine. Pour ancienne quelle soit, cette mission a connu sa propre volution. Dans la complexit du monde des affaires, le contentieux se caractrise et se valorise aujourdhui au sein des entreprises par sa composante stratgique, quil sagisse de la dcision de lengager ou de le laisser venir ou de la manire de grer les diverses et souvent complexes tapes de la procdure. A ceux dentre nous qui voluent dans ces arcanes, il tait important de donner la parole, en particulier dans le contexte actuel dun possible rapprochement avec la profession davocat. Traiter de contentieux, cest en effet se positionner dans un lien de partenariat ncessaire et troit avec lavocat, qui nous fournissons la matire de son dossier et avec qui, forts de notre connaissance de lentreprise et de son secteur dactivits, nous cooprons pour que le litige soit trait au mieux des intrts de lentreprise et en cohrence avec sa stratgie.

    (1) Charley del Marmol : Rle du Juriste dentreprise. Larticle peut tre consult dans son intgralit sur le site de lAFJE.

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    DITORIAL

    Jean-Charles SavourPrsident de lAFJE

  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    SOMMAIRE

    N 11 Novembre 2011

    3e Anne

    Publication trimestrielle

    Numro tir 5 000 exemplaires

    Editeur :Association Franaise des Juristes dEntrepriseAssociation Loi 19019, rue du Faubourg Poissonnire75009 ParisTl. : 01 42 61 53 59fax : 01 42 61 01 61www.afje.org

    Directeur de la publication :Jean-Charles Savour

    Rdactrice en chef :Anne Laure Paulet

    Secrtaire de rdaction :Galle Touffette

    Journaliste :lose Rigenbach

    Responsable technique :Sophie Rigal

    Ont collabor ce numro :Philippe CoenRmy Sainte Fare GarnotHerv DelannoyAnne-Marie GuillermeVincent Dufi efSarah Lynch

    Maquette :Laetitia Langlois

    Photographie :Gettyimages

    Edition et Rgie Publicitaire :FFE18 av. Parmentier75011 ParisIsabelle De La RedondaTl. : 01 53 36 20 [email protected]

    Imprimeur :Chirat-42

    P. 3 DITORIALJean-Charles Savour

    P. 6 HOMMAGEHommage Raymond SI Fondateur de lAFJE

    P. 10 ENTRETIEN Une organisation de la fonction juridique qui diffre selon les pays mais toujours guide par leffi cacit Entretien avec David Zeitoun

    P. 14 LE JURISTE DENTREPRISE FACE AUX CONTENTIEUX

    P. 44 POINT DE VUELa dnonciation : droit ou devoir ? Valrie Hazout, Lamy Droit pnal des affaires

    P. 46 INITIATIVE AFJELthique en entreprise : mythe ou ralit ? Sarah Lynch, responsable de la dlgation Languedoc-Roussillon

    P. 48 CULTURE JURIDIQUEQuestions Philippe CoenRubrique suivie par Christophe Roquilly, professeur EDHEC Business School et Rmy Sainte Fare Garnot

    P. 50 LA PAROLE EST DONNE LAFEC : Association Franaise dtude de la Concurrence

    P. 52 LACTUALIT EN RGION : BRETAGNE PAYS-DE-LOIREtendre son rseauEntretien avec Olivier Koch, dlgu rgional de lAFJE pour la rgion Bretagne Pays-de-Loire et juriste en droit social lUnion des Entreprises MEDEF 35

    P. 55 ART & DROITLe commissaire-priseur : un partenaire privilgi de lentrepriseEntretien avec Patrick Deburaux, commissaire-priseur chez Aponem

    P. 56 CULTURELivresExposition

    P. 58 VIE DES COMMISSIONS AFJELAFJE et la Commission Internationale : Why you should get involved ?Iodie Pouet et Erwan Tomasi-Carpentier, co-animateurs de la commission Internationale

    P. 59 ACTUALITS DE LAFJE

    P. 62 AGENDAPanorama des actions AFJE

  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    HOMMAGE

    Raymond Si, fondateur de lAFJE : un pionnier visionnaire disparait

    Message de Jill Jacq en mmoire de Raymond Si, Prsident fondateur de lAFJE

    L AFJE a dj une longue his-toire et celle-ci ne serait pas la mme sans lintuition gniale et linitiative prise par Raymond Si et quelques amis ds 1969. Les cho-ses se construisent, se transmettent et prennent tout leur sens dans la dure. Initiateur, organisateur, homme de conviction, il a aussi trs tt dot lAFJE dune dontologie.

    Cest aussi pour cela que lAFJE a tenu honorer la mmoire de Raymond Si en tant reprsente ses obs-ques par Jill Jacq et trois de ses pr-sidents honoraires : Hubert Guigou, Pierre Charreton et Sabine Lochmann,

    cette dernire ayant prononc cette occasion un discours saluant lhomme quelle a bien connu, ses qualits humaines et la contribution qui fut la sienne au rayonnement de notre mtier de juriste dentreprise.

    Nous avons rassembl votre inten-tion divers tmoignages de person-nalits qui lont ctoy et apprci et qui nous ont livr leurs souvenirs et leurs sentiments :

    Jill Jacq, qui a accompagn de nom-breux Prsidents de notre Association dont Raymond Si,

    Francis Hoppenot, Prsident hono-raire de lassociation qui, pendant de longues annes, a poursuivi luvre de Raymond Si,

    le professeur Jean Paillusseau, lun des co-fondateurs de la FNDE, qui tait aux cts de ceux de nos coll-gues qui, la mme anne, ont conu et dpos les statuts de lAFJE.

    Rmy Sainte Fare Garnot administrateur AFJE

    J ai fait la connaissance de Raymond Si alors quil tait directeur juri-dique de Pchiney Saint-Gobain.

    Je travaillais alors au sein de la direc-tion juridique avec Hubert Guigou et jai appris dcouvrir un profession-nel hors pair et un patron exigeant et visionnaire. Avec quelques autres directeurs juridiques, ils ont eu lide de fonder lAssociation des juristes dentreprise que tous les profession-nels du droit aujourdhui connaissent et respectent presque 40 ans plus tard.

    Cest aussi Raymond Si qui ma demand de venir laider pour que les travaux, runions et sminaires de lAssociation se droulent de la meilleure faon.

    Cest enfin lui qui ma confie la rela-tion quotidienne avec les adhrents et partenaires de lAFJE. Sa confiance et son esprit dquipe en font une personne chre mon cur et ma mmoire, puisque hlas il nest plus avec nous maintenant.

    Avec mon ineffable reconnaissance pour son ouverture desprit et son amical soutien dans les moments professionnels et plus privs ; il avait notamment accueilli mon compagnon, Franois Gard dans la famille des amis et soutiens de lAFJE.

    Jill Jacq

    Raymond Si et Jill Jacq

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    HOMMAGE

    Hommage Raymond SI, Fondateur de lAFJE, de lun de ses successeurs

    C her Raymond, disparu de notre vue il y a peu, soyez assur que votre prsence demeure parmi nous. Soyez assur aussi que votre action au sein de lAFJE sera perptre chez ceux qui vous ont connu, mais aussi chez les plus jeu-nes, car vous tes un peu notre pre tous, juristes dentreprise.

    En 1971, et pour la premire fois, par votre action et celle dun certain nom-bre de vos amis, vous avez permis que le lgislateur nous donne un nom, celui de juriste dentreprise.

    Nous existions bien sr, sans en tre trop conscients, enfants naturels du droit qui nous avait forms et de len-treprise o nous vivions. Nous nous sentions cartels entre un milieu qui nous regardait quelque peu de haut, et les entreprises pour lesquelles nous tions de simples techniciens dune discipline austre et formaliste.

    En fondant avec quelques autres lAssociation Franaise des Juristes dEntreprise, vous nous avez donn alors une famille spirituelle o nous pouvions nous situer, nous retrou-ver entre collgues, comme frres et surs, nous dvelopper, nous fortifier. Vous avez lutt pour nous permet-tre, de par la loi, denjamber quand nous le voudrions, les obstacles qui nous sparaient du mtier davocat. Ainsi vous nous avez sorti dun cer-tain isolement.

    Quelque temps, vous navez pas hsit, franchir le pas, rejoindre le corps de ceux dont vous aviez contest quils puissent se prvaloir dun monopole. Mais ce ne fut quune

    simple fugue et vous tes revenu rapi-dement parmi nous, attentif nos proccupations, disponibles dans nos rflexions, concourant efficacement aux actions entreprises par vos suc-cesseurs lAFJE.

    Cest vous qui avez contribu la formation des futurs juristes dentre-prise en participant la cration des Diplmes de Juriste Conseil dEn-treprise avec les Facults de Droit de Montpellier et de Rennes, sous lgide des Professeurs Mousseron et Paillusseau, montrant l votre ouver-ture vers les futurs juristes dentre-prise, avant que ces DJCE nes-saiment notamment Strasbourg, Toulouse, Poitiers, Lyon, Rouen

    Le juriste dentreprise, pensiez-vous, devait rester proche des rflexions menes par les entreprises elles-m-mes et vous avez tiss des liens troits avec lInstitut de lEntreprise, ce qui a permis, ceux dentre nous qui ont suivi votre exemple, de faire connatre davantage lAFJE aux chefs dentre-prises et den assurer auprs deux un rayonnement souhaitable.

    Par votre exprience de directeur juri-dique dun grand groupe franais, et par vos judicieux conseils, vous avez permis vos successeurs, lAFJE de btir et renforcer chaque jour laction et laffirmation de celle-ci.

    Pour ma part, jai retenu un de vos conseils qui ma permis de faire valoir sur le plan lgislatif en 1991 la recon-naissance de lactivit du juriste den-treprise et la simplification de la passe-relle : celui de ne pas se contenter de manifester de bonnes intentions, mais

    lorsque lon a un projet, de prparer des textes qui pourront tre repris sous forme damendements soute-nus au Parlement, comme cela fut le cas en 1971 et en 1991.Ce conseil conserve aujourdhui toute sa valeur et mrite dtre suivi.

    Cher Raymond, par-del vos qualits de juriste, de mari et de pre aimant et attentif, il y avait parmi toutes vos qua-lits humaines, celle qui ma paru la plus vidente : la modestie dont vous faisiez toujours preuve. Je me souviens que vous aviez en 1991 reu la lgion dhonneur et que vous aviez souhait une crmonie toute simple au milieu de votre famille et de quelques amis, illustrant par l mme votre got de la simplicit et de lauthenticit.

    Que votre exemple soit et demeure un modle pour tous les juristes dentreprise !

    Francis HOPPENOT Prsident dhonneur AFJE

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    HOMMAGE

    Monsieur Raymond Si par lun des co-fondateurs de la FNDE

    J ai eu la grande chance de faire la connaissance de Raymond Si Lige, la fin des annes

    soixante, loccasion des sminai-res de la Commission Droit et Vie des Affaires.

    Ctait une poque o la place du juriste dans lentreprise tait gnra-lement incomprise et sous-estime. Ntait-il pas simplement lhomme du contentieux ? Or, cest prcis-ment ce moment que se dvelop-pait la crativit du juriste dans len-treprise, quil inventait de multiples contrats nouveaux, dont personne navait entendu parler, et quil deve-nait un crateur de droit.

    Ctait une poque o le simple concept de droit de lentreprise laissait la grande majorit des juristes perplexes. Or, cest ce moment que lessor des entreprises et laccentua-tion de leur mondialisation allaient les plonger dans la complexit des rela-tions juridiques.

    Ctait une poque o lenseigne-ment du droit tait totalement loi-gn des ralits conomiques et ne permettait pas dapprhender conve-nablement les problmes des entre-

    prises. Pourtant, le droit des activits conomiques naissait, se diversifiait, envahissait de multiples secteurs : contrats nationaux et internationaux, concurrence, concentration, groupes, relations sociales, etc.

    Conscient de ces contradictions et visionnaire, Raymond Si a t lhomme qui a parfaitement compris la ncessit de faire voluer la fonction des juristes dans lentreprise, dappro-fondir les nouveaux domaines du droit de lentreprise, dadapter lenseigne-ment du droit la ralit de lentreprise et de construire lavenir.

    Lige tait le lieu de la rencontre de juristes dentreprise, davocats daf-faires et de quelques universitaires franais. Le droit de lentreprise et les fonctions des juristes de lentreprise taient au centre des rflexions. Tous souhaitaient faire voluer le droit de lentreprise en France. Les sminaires duraient trois jours et cest dans les soi-res que schafaudaient les projets, dans lenthousiasme et leffervescence. Raymond Si en tait lun des princi-paux acteurs. Avec un dynamisme, une volont et une conviction qui sexpri-maient dans la parfaite discrtion qui

    le caractrisait, il rapprochait les points de vue et les synthtisait.

    Cest sous limpulsion de Raymond Si, et de certains amis juristes den-treprise, que LAFJE a t cofondatrice de la Fdration Nationale pour le Droit de lEntreprise (FNDE) et quelle a pris une part importante la conception et aux enseignements du DJCE. Ce fut la premire collaboration entre les juristes dentreprise et lUniversit.

    Cest aussi, ensemble, avec le Centre de Droit des Affaires de Rennes que nous avons organis en 1971 et 1973 deux colloques internationaux. Lun sur Laccord industriel internatio-nal (1), lautre sur Les groupes de socits (2). Leurs travaux ont t publis dans deux ouvrages avec une prface deux plumes, dont celle de Raymond Si.

    Raymond Si a t lun des princi-paux instigateurs de ces aventures passionnantes. Lui rendre hommage est un honneur.

    Jean Paillusseau, Professeur mrite lUniversit de Rennes

    (1) Droit des groupes de socits : analyse et propositions AFJE Centre de Droit des Affaires de Rennes ditions FNDE et Librairies Techniques, III 1972,(2) Laccord industriel international AFJE Centre de Droit des Affaires de Rennes ditions FNDE et Librairies Techniques, IV 1975.

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    ENTRETIEN

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    Arriv dans le Groupe Unibail-Rodamco en 2000, David Zeitoun en est aujourdhui le directeur juridique. Il nous explique les activits dune entreprise implique au niveau international et environnemental ainsi que son organisation interne afi n de prvenir les contentieux.

    Une organisation de la fonction juridique qui diffre selon les pays mais toujours guide par leffi cacit Entretien avec David Zeitoun, Directeur Juridique Groupe dUnibail-Rodamco SE

    Pourriez-vous nous prsenter la fonction juridique dans votre entreprise et votre parcours au sein dUnibail-Rodamco SE ?

    Avec un effectif denviron 50 collabo-rateurs, la fonction juridique couvre des degrs variant dun pays lautre en fonction de limportance de la direction juridique locale len-semble des activits du groupe (cen-tres commerciaux, bureaux et cen-tres de congrs-exposition) tant sur les mtiers de la gestion/valorisa-tion dactifs que linvestissement et le dveloppement. Cette diversit de domaines, la richesse des sujets et le dynamisme du Groupe en font un formidable terrain de jeu pour tout juriste passionn, impliqu et busi-ness oriented dautant que de par sa culture, le Groupe attache une relle importance la chose juridi-que . Jai pour ma part eu loppor-

    David Zeitoun

    tunit dintgrer le Groupe en 2000 loccasion du rachat du portefeuille dactifs de la CGIS, ple immobilier de la Cie Gnrale des Eaux. Jtais alors responsable juridique du CNIT La Dfense. Chez Unibail, jai assum les postes de Responsable Droit des Socits, de Directeur Juridique Adjoint et ds 2002 de Directeur Juridique. En 2007, loccasion de la cration dUnibail-Rodamco n du rapprochement dUnibail et de Rodamco N.V., jai pris les fonctions de Directeur Juridique Groupe int-grant une relle dimension internatio-nale puisque nous oprons dans 12 pays de lUnion Europenne.

    Lactivit du Groupe semble comporter deux activits bien diffrencies : celle des projets, et celle de la gestion des actifs ; comment sorganisent vos quipes au regard de ces deux activits ?

    Tout dpend de la taille de lquipe juridique du pays concern. Lorsque leffectif de lquipe le permet, les juristes sont spcialiss par activit (baux commerciaux, coproprit, dveloppement, contentieux).

    A dfaut, les juristes interviennent indiffremment sur lensemble des sujets.

    Pour laspect international de vos activits comment vos quipes sorganisent-elles ?

    Les juristes sont rpartis dans les diffrents pays o nous oprons en fonction de limportance du porte-feuille dactifs. La fonction juridique sinscrit dans une organisation matri-cielle, les quipes juridiques locales ayant la fois un lien hirarchique (solid line) avec le Directeur Gnral Rgional en charge du pays et un lien fonctionnel (doted line) avec le Directeur Juridique Groupe.

    Unibail-Rodamco SE est lune des socits pionnires des socits europennes, quel est votre retour sur cette exprience ?

    Unibail-Rodamco SE est devenue en 2009 la premire Socit Europenne de lindice CAC 40. Notre principale ambition tait de se doter dun instru-ment juridique permettant de renfor-cer lidentit europenne du Groupe

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    ENTRETIEN

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    et dafficher le label europen comme signe de modernit. Outre quelques avantages en termes de flexibilit attachs cette forme juri-dique, ce projet tait aussi loccasion de dvelopper en interne une vrita-ble notion dappartenance dans la foule du rapprochement dUnibail et de Rodamco NV intervenu en 2007. En effet, ce rapprochement intervenait entre des quipes avec des exprien-ces et des cultures diffrentes. Cette transformation a t gre comme un vritable projet interne et a permis daboutir trs rapidement un accord sur les modalits de limplication des salaris avec le Groupe Spcial de Ngociation regroupant les reprsen-tants des salaris de lensemble des pays o le groupe opre. Le retour dexprience porte principalement sur les limites relles lharmonisa-tion des rglementations au sein des pays de lUnion Europenne ds quil sagit dentrer dans la mise en uvre concrte. En effet, nous avons par-

    fois d faire face des incohrences entre le rglement europen et les dispositions nationales applicables ou des diffrences dapprciation ou de transposition dun pays lautre. Au final, cela cre de linscurit juri-dique, renchrit les projets et ralentit les dlais dexcution.

    Le rapport sur lenvironnement de votre entreprise est trs riche, vous voquez notamment la mise en place des baux verts ; pouvez-vous nous en dire plus ?

    Notre Groupe a trs vite pris la mesure des enjeux environnementaux et du dveloppement durable. Son engagement en tant quentreprise responsable et citoyenne la ame-ne se fixer des objectifs ambitieux et simpliquer sur ces questions notamment en matire de rduction significative et continue de limpact environnemental des centres com-merciaux. Le bail vert consiste

    formaliser dans une annexe au bail les obligations respectives du bailleur et du locataire en matire environne-mentale afin dintensifier la coopra-tion et la sensibilisation des parties : partage des donnes de consom-mations, utilisation raisonne de la climatisation et du chauffage, limita-tion et optimisation des puissances dclairage dans les surfaces com-merciales, utilisation de matriaux co-certifis En 2010, 79 % des baux signs ou renouvels sur le por-tefeuille du Groupe intgraient des clauses environnementales.

    Dans le cadre de notre dossier contentieux, nous souhaiterions savoir comment le suivi de ces dossiers est gr au sein de votre Direction Juridique

    Les dossiers contentieux sont grs par les juristes spcialiss de lactivit ou du domaine concern. Pour les contentieux les plus significatifs, ces

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    ENTRETIEN

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    juristes interviennent en mode pro-jet aux cts des autres directions impliques et des conseils externes. Pour maintenir une gestion conten-tieuse dynamique et ne pas perdre de vue ni les enjeux ni la stratgie adop-te, les contentieux font lobjet de revues critiques et points dtape rgu-liers y compris au niveau du Comit Excutif. Pour les contentieux longs et techniquement compliqus, afin dviter une routine bureaucratique, il est en effet fondamental dadapter en permanence la stratgie mise en uvre et de la remettre en question. Au-del de leurs contributions tech-niques, cette gestion du temps judi-ciaire est une des missions alloues au juriste pour les contentieux.

    Avez-vous une direction ou des juristes, uniquement ddis au contentieux ? Si oui, quelle est leur nombre, leur profi l ?

    Notre organisation en la matire est en fonction de la taille et de la struc-turation des directions juridiques qui diffrent selon les pays o nous op-rons. Lorsque la direction juridique locale est importante, le dpartement juridique spcialis (ex : baux, dve-loppement, coproprit,) demeure en charge et assure la gestion de ses

    propres contentieux qui requirent souvent une forte technicit juridique. A ct de ces dpartements juridiques spcialiss, il existe parfois un dpar-tement en charge du contentieux dit gnral dont les facettes sont multi-ples et le volume variable. Au final, les contentieux sont pris en charge par une trentaine des juristes du groupe. Dans la majorit des cas, ces juris-tes qui ont au minimum un 3me cycle voire une exprience en cabinet assument galement une activit de conseil de sorte que les activits de conseil et contentieux se nourrissent respectivement.

    Comment le juriste communique-t-il au sein de votre entreprise et en externe, notamment en cas de crise ?

    Le juriste na pas vocation intervenir dans la communication de crise, cel-le-ci restant centralise au niveau de la direction gnrale et de la direction de la communication afin de garantir sa cohrence et son contrle.

    Quelle est votre organisation pour prvenir les litiges ?

    Lorganisation mise en place pour scuriser notre activit repose sur

    trois principes : la crativit, le sens critique et la prvention.

    Crativit : tre anim par un souci permanent damlioration de la scu-rit juridique de nos contrats et des engagements du Groupe notamment au gr de lvolution de la jurispru-dence et en sachant tirer parti pour le futur des contentieux actuels du Groupe.

    Sens critique : ne jamais rien pren-dre pour acquis, analyser les pour et les contre dune situation et apprhender une disposition ou une clause sous lil du contentieux (le fameux comment cela marche-t-il si les choses tournent mal ? ).

    Prvention : admettre quil est plus simple dviter un problme plutt que davoir le grer. Au-del des contrats-type et autres garde-fous, la formation et la sensibilisation des collaborateurs du Groupe la chose juridique ( avoir le bon rflexe au bon moment ) est considr comme un axe de prvention.

  • Les associs Chaque associ intervient sur des domaines privilgis. 2 associs travaillent en binme sur les dossiers importants.Jean-Michel CALVAR intervient plus particulirement dans le domaine de la fusion acquisition mais galement dans le contentieux commercial et arbitral. Ses connais-sances en droit des transports ont attir dimportantes socits du secteur ou de sect-eurs apparents.Laurent LE BRUN intervient dans tous les domaines du droit du travail pour dbattre DYHFGHQRPEUHX['5+GHWRXWHVOHVGLIFXOWpVDX[TXHOVLOVVRQWFRQIURQWpVPDLVpJDOH-ment devant les conseils des Prudhommes ou les chambres sociales des Cours dAppel.Julien VIVES est lintervenant privilgi dans les questions de responsabilit commer-ciale et industrielle. Il connait galement une exprience particulire dans lurbanisme, la promotion immobilire, la construction.Franck MARCAULT DEROUARD intervient principalement devant les juridictions de lordre administratif (marchs publics, environnement). Il intervient galement devant les juridictions de lordre judiciaire, en proprit intellectuelle et dans des affaires o la responsabilit pnale des dirigeants ou collaborateurs est recherche.Le cabinet est install dans un immeuble de style haussmannien dans le centre de NANTES, 20 rue Mercoeur, quelques mtres de lancien Palais de Justice transform en htel par le groupe RADISSON.

    Les coordonnes exactessont les suivantes :

    SCP CALVAR & ASSOCIES20 rue Mercoeur44000 NANTES

    Tlphone : 02 40 89 02 02Tlcopie : 02 40 35 49 22

    Courriel : [email protected]

    Le cabinetForme : Socit civile professionnelle davocatsDnomination : CALVAR & ASSOCIESLe cabinet a t cr en 1985 et comporte actuellement 4 associs et des collaborateurs :Jean-Michel CALVAR, avocat associ, a prt serment en 1980 aprs avoir obtenu une PDLWULVHGHGURLWSULYpOHFHUWLFDWpWXGHVMXGLFLDLUHVHWXQ'($GHGURLWPDULWLPHHWDp-rien.Laurent LE BRUN, avocat associ, a prt serment en 1990 et est titulaire dun DEA de droit social.Julien VIVES, avocat associ, titulaire dun DEA en droit des affaires, a prt serment en dcembre 2001.Franck MARCAULT-DEROUARD, avocat associ, a prt serment en 2003. Il est titulaire dun DESS de droit et pratique du commerce lectronique.Lactivit du cabinet est oriente principalement vers les entreprises auprs desquelles le cabinet intervient tant en matire de conseil que de contentieux.Les clients appartiennent des secteurs divers tels le transport exceptionnel, laronautique, lagro alimentaire, la mtallurgie, la manutention levage, lautomobile, limmobilier. Le cabinet est intervenu dans plusieurs importantes oprations de fusion acquisition rela-tives ces secteurs. Il a pris en charge galement des contentieux importants et dtermi-nants pour ses clients rgionaux et nationaux.

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    CONTENTIEUX |

    LE JURISTE DENTREPRISE FACE AUX

    INTRODUCTIONP.15 Le zro contentieux nexiste pasAnne-Marie Guillerme, Directrice juridique Grands Contentieux TOTAL

    RLE DU JURISTE DANS LA GESTION DU CONTENTIEUXP. 16 La gestion du contentieux : une prise en compte propre chaque situation et chaque entrepriseChristine Guerrier, Directrice juridique la rsolution des diffrends et contentieux Thals et Carole Dupessey, PDG Transports Dupessey

    QUELQUES CONTENTIEUX PARTICULIERS P. 19 Larbitrage de la Chambre de Commerce Internationale : les raisons dun succs durableEntretien avec Jean-Paul Beraudo, ancien vice-Prsident de la Cour darbitrage de la CCI, conseiller honoraire la Cour de Cassation

    P. 23 Lart de communiquer : une facette souvent sous-estime du rle du juriste contentieux Florence Saint Hilaire, Litigation Counsel IBM France

    P. 26 Contentieux international : une stratgie dfi nir en amontFabrice Marchisio, avocat associ du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral

    P. 30 Juriste dentreprise et pnaliste : une complicit requise pour grer le risque pnalLudovic Malgrain, Salans, Associ en charge de lactivit de droit pnal des affaires

    P. 34 Contentieux mode demploi : comment grer un contentieux de masse ?Yoan Afriat, Juriste Conseil et Contentieux

    LAUBE DES NTICP. 36 Contentieux et e-discoveryIsabelle Hautot France Tlcom-Orange, Directeur juridique Expertise Internationale & Litiges Groupe, Contentieux gnral, Immobilier & Environnement CCIAG Corporate Counsel Arbitration Group, Vice-Chair Avocat au Barreau de Paris, honoraire

    P. 38 Investigations internes : comment viter leffet boomerang ?Anne-Marie Guillerme, Directrice juridique Grands Contentieux TOTAL Administratrice AFJE et Vincent Dufi ef, juriste TOTAL

    FOCUS SUR LENTREPRISE ET LES MTIERS DU CONTENTIEUXP. 40 Le rle de lhuissier, la prvention des litigesEntretien avec Matre Denis Calippe, Prsident de la Chambre des Huissiers de Justice de Paris

    P. 41 Le juriste dentreprise, un acteur cl de la justice commercialeEntretien avec Christian de Baecque, Prsident du Tribunal de Commerce de Paris

    CONTENTIEUX

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    Introduction | CONTENTIEUX

    Le zro contentieux nexiste pasAnne-Marie Guillerme, Directrice juridique Grands Contentieux TOTAL

    L e risque judiciaire est un risque quotidien li aux activits de lentreprise. Scurit, environ-nement, concurrence, informatique, consommation, travail : tous ces droits sont sources de contentieux.

    Cest aussi lun des risques les plus redouts, signe de rupture de relations commerciales tablies de longue date ou de mise en cause de la responsa-bilit civile ou pnale.

    Entrer en contentieux nest pas une n en soi. Le rle des juristes dentreprise est tout dabord dviter les conten-tieux. Cependant le contentieux peut savrer une arme redoutable pour dfendre les intrts de lentreprise.

    Le retour dexprience des juristes contentieux auprs de leurs collgues permet danticiper les risques judiciaires. Le choix des mots a son importance quand on sait quun contrat sera peut-tre un jour lu par un juge qui ignore notre jargon industriel ou commercial ; le choix de la loi applicable, du mode de rglement du litige et de la com-ptence de la juridiction le sont aussi. Lensemble des juristes y veille.

    Avantag par sa connaissance de lor-ganisation, des mtiers, des valeurs et des projets de son entreprise, le juriste doit, lorsque la plante judi-ciaire est en vue, runir lensemble des faits, des lments de preuve, et des arguments capables de fonder une action en justice, de sen dfendre ou de lviter. Il ne pourra connatre et grer le dossier quavec son client en interne, lequel nen est pas pour autant dpossd.

    Prvenir les litiges pour les viter, les prparer pour mieux les porter et les rsoudre pour les gagner sont des objectifs que le juriste dentreprise natteint pas seul. Il est aussi le relais entre loprationnel et lavocat. Son rle pdagogique est double : faire connatre les exigences du droit loprationnel, faire connatre lentre-prise aux avocats avec lesquels ils tablissent un vritable partenariat.

    Parfois la bataille sengage ; elle demande du temps et de la dispo-nibilit. La prparation du dossier est essentielle. Aucun ne ressemble un autre et les juristes sont souvent confronts des situations indites

    sans pouvoir se rfrer la jurispru-dence. Ils doivent alors faire preuve daudace pour construire des dmons-trations juridiques innovantes.

    La recherche des preuves, doit se faire dans le respect des rgles et les limi-tes de son rle, et les investigations internationales dans le respect des rgles territoriales.

    Lorsque le dossier le permet, la mdia-tion constitue une alternative de rso-lution amiable dun diffrend dans le but de poursuivre sereinement les rela-tions commerciales.

    Pour rsoudre un litige en dehors des juridictions dtat, larbitrage, appr-ci voire recommand pour les litiges internationaux ou dans le cadre de joint venture, peut savrer tre une arme redoutable.

    Le risque de contentieux peut parfois donner lieu des mthodes de rgle-ment atypiques. Il en est ainsi lorsque la gestion de milliers de rclamations est impose par la rgle de droit.

    Dans tous les cas il convient dtre rigoureux, de poser, au regard des faits, le problme de droit de manire prcise et de rpondre, pied pied, aux arguments de ladversaire sans en omettre aucun. La mthode est la mme en position de demandeur comme de dfendeur.

    Entrer en contentieux, cest mettre en uvre une stratgie qui doit prendre en considration des aspects cono-miques, culturels et sociaux qui seront pris en compte par le juge. Le grand art, cest de les prvenir.

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    CONTENTIEUX | Rle du juriste dans la gestion du contentieux

    La gestion du contentieuxUne prise en compte propre chaque situation et chaque entrepriseChristine Guerrier, Directrice juridique la rsolution des diffrends et contentieux Thals et Carole Dupessey, PDG Transports Dupessey

    Comment le suivi des dossiers contentieux est-il gr au sein de votre Direction Juridique ?

    Christine Guerrier : Il existe depuis longtemps au sein de la Direction Juridique Groupe, un dpartement Rsolution des diffrends et conten-tieux qui est en charge de lensemble des dossiers contentieux du Groupe. Le directeur juridique Rsolution des diffrends et contentieux rapporte au directeur juridique et contrats du groupe Thales.

    Carole Dupessey : Ma formation dorigine est une formation davocate. Jai exerc de 1987 1992 au Barreau de Lyon avant dintgrer en janvier 1993 la socit familiale Dupessey.

    Christine Guerrier Thales Carole Dupessey

    La pratique du contentieux recouvre des ralits diffrentes dans un grand groupe ou une PME. Explications de Christine Guerrier, VP Directeur Juridique Rsolution des diffrends et contentieux du Groupe Thales, et de Carole Dupessey, Prsident Directeur Gnral de la socit de transports Dupessey.

    Jai tout de suite occup la fonction juridique. Cette socit est une entre-prise de transports o les dossiers tournent autour de lassurance, des vhicules sinistrs, de la gestion du personnel et ventuellement des pro-blmes avec les clients mais qui sont presque inexistants. Lorsque jai pris la direction effective de lentreprise Dupessey en 2008, jai recrut, au mois de mai un responsable juridique. Cest un jeune, titulaire dun DEA de droit des transports. En parallle, jai form la gestion des litiges et des assurances notre assistante.

    Avez-vous une direction, ou des juristes, uniquement ddis au contentieux ? Si oui, quel est leur nombre, leur profi l ?

    C.G. : Le dpartement est compos de quatre juristes et dun ingnieur bas au sige du Groupe et de deux juristes bass au Royaume-Uni. Ce sont tous des juristes expriments

    qui ont eu pour la majorit dentre eux une exprience de juristes opration-nels au sein des filiales du Groupe. Un juriste ddi au contentieux doit pouvoir comprendre les enjeux juri-diques bien sr, mais galement les enjeux stratgiques de lentreprise ainsi que les aspects techniques et financiers dun dossier. Compte tenu de lactivit de haute technologie de notre entreprise, la plupart des dos-siers que nous traitons ont une forte composante technique et nos inter-locuteurs internes sont en gnral des ingnieurs de grandes coles peu habitus changer avec des juristes, des avocats ou des arbitres. Cest la raison pour laquelle notre quipe com-prend un ingnieur qui se charge de la traduction en langage profane des explications techniques fournies par nos oprationnels et sassure de la comprhension par les opration-nels des questions poses par les juristes.

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    Rle du juriste dans la gestion du contentieux | CONTENTIEUX

    Comment le juriste communique-t-il au sein de votre entreprise et en externe, notamment en cas de crise ?

    C.G. : La cellule de crise dfinit la communication propre chaque crise. Il ny a pas de rgle gnrale tablie et la raction doit tre fonction de la

    nature de la crise. La direction juridi-que fera des recommandations, et participera la rdaction des com-muniqus de presse en liaison avec la direction de la communication et les diffrentes parties prenantes.

    C.D. : En cas de crise, je moccupe de la communication avec Monsieur Guillot, Directeur des Oprations, RH, Juridique et Qualit.

    Quelle est votre organisation pour prvenir les litiges ?

    C.G. : Depuis quelques annes, nous avons tabli des rgles de rdaction

    des clauses de rglement des litiges dans les contrats commerciaux qui comportent le recours des mtho-des de rglement alternatif des diff-rends telle que la mdiation. De cette faon, nombre de litiges se rsolvent amiablement. Par ailleurs, le dpar-tement Rsolution des diffrends et contentieux intervient en cas de

    difficults rencontres dans lexcution des contrats en lien avec les juristes et les contracts managers des units oprationnelles afin de rsoudre ces difficults le plus en amont possible et dviter ainsi les contentieux.

    C.D. : Le mot dordre de la socit est ractivit. Traiter les problmes lorigine vite les drives. Si le litige concerne le personnel, nous essayons davoir un suivi rigoureux. Les conduc-teurs (qui reprsentent 85 % du per-sonnel) sont sur la route, lorsquil y a un souci, ils appellent le service du personnel et nous devons leur appor-ter des rponses rapides. Au niveau

    C.D. : Non. Je nai que deux salaris forms aux questions juridiques, le res-ponsable juridique et la standardiste devenue assistante de direction.

    Lors dune crise, comment sopre lintervention de la Direction Juridique ? Les juristes prennent-ils part aux cellules de crise ?

    C.G. : Lintervention et le rle de la direction juridique sont variables selon la nature de la crise et de son ampleur. Elle analysera les consquences attendre des faits lorigine de la crise et anticiper les dveloppements et apportera son clairage pour les actions de nature juridique qui pour-raient tre entreprises, puis intervien-dra pour mettre en uvre les actions dcides par la cellule de crise. Sur certains sujets particuliers, une quipe multidisciplinaire sera mise en place et se runira de faon rgulire.

    C.D. : Jinterviens directement en soupape de Romain Guillot, respon-sable juridique qui est galement res-ponsable des ressources humaines. Il fait partie du comit de direction et, lors dune crise, nous intervenons en binme.

    Un juriste ddi au contentieux doit pouvoir comprendre les enjeux juridiques bien sr, mais galement les

    enjeux stratgiques de lentreprise ainsi que les aspects techniques et fi nanciers dun dossier.

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    CONTENTIEUX | Rle du juriste dans la gestion du contentieux

    travaillons en lien trs troit avec les conseils extrieurs. Dans la mesure du possible, nous nous efforons de constituer le dossier et den faire une analyse avant de le transfrer au conseil externe.

    C.D. : Lorsquil y un problme com-mercial, nous saisissons nous-mmes le Tribunal de Commerce puisque lin-tervention dun avocat nest pas obli-gatoire. Lorsquil sagit dun problme avec un salari, cela dpend de la rela-tion entretenue avec lui. Nous faisons de temps autre intervenir un cabinet davocats pour qui nous prparons le dossier. En matire pnale, jinterviens directement devant le Tribunal.

    Vos juristes vont-ils jusqu plaider eux-mmes certains dossiers, dans les cas o la loi le leur permet ?

    C.G. : Nous ne plaidons pas en gn-ral les dossiers, mme quand il nest pas indispensable au regard des

    des clients, nous rpondons gale-ment rigoureusement.

    Disposez-vous dun code de bonne conduite ?

    C.G. : Le Groupe a un code dthique et des guides de bonnes pratiques.

    C.D. : Pas vraiment. Il faut faire preuve de bon sens. Au niveau des conduc-teurs, il existe un manuel remis jour chaque anne, qui rappelle les rgles respecter (rglementation sociale, scurit).

    Quelles oprations de sensibilisation et actions pdagogiques menez-vous dans votre entreprise pour prvenir les contentieux ?

    C.G. : Nous intervenons trs rguli-rement dans les actions de formation interne, tant vis--vis de populations particulires telles que les acheteurs, les contracts managers par exem-ples, que vers des comits de direc-tion sur des thmes spcifiques dans le cadre du programme de conformit mis en place par le groupe Thales.

    C.D. : Nous misons plutt sur la for-mation. Au niveau du personnel, je demande au service RH dtre ractif afin de rpondre rapidement aux pro-blmes. Lorsquil y a un souci avec un salari, nous essayons de le rgler en amont. Nous faisons de mme pour les clients. Cette proximit nous per-met dviter les contentieux, qui sont donc trs peu nombreux au sein de lentreprise.

    A partir de quel moment faites-vous appel des conseils extrieurs (avocats) ? Leur laissez-vous une marge de manuvre importante dans la gestion du contentieux, ou tes-vous au contraire trs interventionnistes dans la gestion du contentieux ?

    C.G. : Nous demeurons trs prsents dans la gestion du contentieux et nous

    rgles procdurales de recourir un avocat. Nous nen avons simplement pas le temps et les mtiers sont lg-rement diffrents. Certains dentre nous ont t inscrits au Barreau, et donc dans ce cadre ont rgulirement plaid des dossiers, aussi nous pou-vons convenir avec lavocat de lorien-tation que doit prendre le dossier de plaidoirie sans pour autant assister systmatiquement laudience. Nous sommes par contre toujours prsents dans les arbitrages o les parties ont la possibilit de contrler les rgles de procdure.

    C.D. : Oui, devant le Conseil de prudhomme et le Tribunal De Commerce. Pour les autres juridic-tions, nous navons pas le droit.

    Propos recueillis par lose Rigenbach

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    Quelques contentieux particuliers | CONTENTIEUX

    Larbitrage de la Chambre de Commerce Internationale : les raisons dun succs durableEntretien avec Jean-Paul Beraudo, ancien vice-Prsident de la Cour darbitrage de la CCI, conseiller honoraire la Cour de Cassation

    Pouvez-vous faire un bref historique de la CCI ?

    La CCI a t cre aprs la pre-mire guerre mondiale, en 1919, par Etienne Clementel, ancien Ministre du Commerce et de lindustrie de Clmenceau, qui en devint le pre-mier Prsident. Elle se voulait lin-carnation du principe : la paix par le commerce.

    A vrai dire, la CCI est surtout connue travers ses uvres dont les op-rateurs du commerce international font un usage quotidien, parfois sans savoir que la CCI en est lorigine : les Incoterms, crs en 1936, dont la dernire mise jour date de 2010 ; les rgles et usances uniformes (en der-nier lieu RUU 600 ou, en anglais, UCP 600) qui rglementent le crdit docu-mentaire et qui taient trs novatrices lors de la premire version en 1933, ou encore les garanties premire

    demande, en cours de rvision. Tous ces textes ont t approuvs par la Commission des Nations Unies sp-cialise dans le droit du commerce international (CNUDCI ou, en anglais, UNCITRAL).

    Quelle est la place de la CCI dans larbitrage international ?

    La Cour internationale darbitrage est le fleuron des activits de la Chambre. Elle a t cre en 1923 pour tre en quelque sorte le pendant au niveau du droit des affaires internationales du principe la paix par le droit que la Socit des Nations stait donn pour mission de faire prvaloir tra-vers la Cour internationale de justice pour les relations entre les Etats.

    Le succs de larbitrage CCI a t grandissant : il concerne prsent toutes les rgions du monde. Le nom-bre daffaires introduites ces derni-res annes tourne autour de 800. Ces chiffres sont des multiples du nombre des affaires portes devant les autres institutions darbitrage (en 2010, 793 demandes darbitrage ont t reues par la Cour. Elles concer-naient 2145 parties, originaires de 140 pays diffrents).

    Quel est lintrt pour une entreprise de faire appel larbitrage CCI ?

    Outre les avantages inhrents toute procdure darbitrage tels que la confi-dentialit, la comptence des arbitres,

    la rapidit, et une meilleure possibi-lit pour les parties de faire valoir leur point de vue, larbitrage CCI procure une scurit juridique renforce. A chaque tape essentielle de la pro-cdure, le Secrtariat et la Cour, en plnire ou en comit restreint, veillent la rgularit de celle-ci. Lors de lin-troduction de linstance, lexistence et la rgularit de la clause darbi-trage sont examines : la comp-tence et lindpendance des arbitres sont apprcies avant leur nomination dfinitive. En cours de procdure, les dlais sont prorogs par la Cour qui ventuellement rappelle plus de dili-gence certains arbitres. Enfin, la sen-tence est examine avant quelle ne soit officiellement rendue. Tous ces contrles, raliss selon la mthode du chemin critique, vitent lannulation aprs coup de la sentence avec les consquences financires et les pertes de temps qui en dcoulent.

    Que pensez-vous du contrle des projets de sentences par la Cour darbitrage de la CCI ?

    Beaucoup de causes dannulation se trouvent dans la sentence autant que dans la procdure qui la prc-de (tribunal qui sest dclar tort comptent ; tribunal irrgulirement constitu ; arbitre de parti pris).

    Le contrle de la sentence elle-mme vise vrifier que le tribunal arbitral sest conform la mission qui lui a t confie par les parties. La confronta-tion de lacte de mission et des autres

    Jean-Paul Beraudo

  • Quand avez-vous cr votre institut de formation la mdiation ?Lorsque la loi 95 et le dcret 96 concernant la mise en uvre de la mdiation judiciaire ont t promulgus, il y a eu une demande forte notamment de la part des avocats pour la cration de centres de Mdiation. La mthode tait dj trs pratique dans les pays anglo-saxons. Pour rpondre aux attentes de la profession, nous avons cr un institut de formation au dbut de lanne 1999. Auparavant c'tait une structure associative dont le but tait non seulement de former des mdiateurs mais galement daider le barreau dvelopper des services de mdiation. La France avait du retard dans le domaine. Il a fallu le combler, structurer la dmarche, dvelopper une mthodologie inspire du savoir-faire anglo-saxon mais adapte la culture franaise. En un mot, il fallait pouvoir passer dune dmarche base sur la ngociation une approche axe sur la mdiation, neutre et impartiale.

    Depuis sa cration, linstitut a contribu la naissance de plus de cent centres de mdiation en France et a permis daider les entreprises qui le souhaitaient mettre en place un service de mdiation en interne. Notre institut de formation la mdiation sadresse en priorit aux professions rglementes (avocats, notaires, huissiers de justice, experts judiciaire), mais depuis

    peu nous nous sommes ouverts dautres prols D+5, juristes dentreprise, dirigeants - fonctions rgulirement confrontes des situations conictuelles.Pourquoi choisir la mdiation plutt quun rglement en contentieux ? Avec la mdiation, les deux parties en conit sont dans une approche diffrente. On parle de droit ngoci et non de droit impos comme cest le cas lors dun rglement en contentieux. Lide est de sen remettre le moins possible une autorit suprieure et de rgler le diffrend l o il se trouve : entreprise, institution, etc.Deuximement, dans le cadre dune mdiation, les parties ont le libre choix des solutions prendre et de leur mise en uvre. Cela vite toutes incertitudes judiciaires. Les parties matrisent les dlais, et galement le cot de la dmarche. La mdiation permet par ailleurs aux parties de grer des situations trs complexes, ce que malheureusement le droit ne peut pas faire. Elle a le souci de rparer le conit, alors que la justice est plutt dans une logique procdurire gagnant-perdant. On a coutume de dire que le systme judiciaire tranche alors que la mdiation cicatrise. Cette dimension est particulirement importante. *rer un conit, cest entrer dans une relation motionnelle. Du tribunal, on ressort toujours accabl,

    stress, fatigu. Alors que la mdiation permet au contraire un rglement apais du diffrend. Ce sont deux mondes qui fonctionnent de manire oppose.Enn, la mdiation est un outil extrrmement conomique, car les parties la matrisent totalement. Si on pouvait rsumer, on dirait que la justice travaille dans lefcacit elle dfend une dcision sans en matriser le cot alors que mdiation est efciente. Quel est justement le cot et la dure dune mdiation ?Plus laffaire est prise tt, plus elle a des chances daboutir favorablement. Certains conits peuvent ainsi se rgler en une session de deux heures, dautres prendront un peu plus de temps, deux trois jours. Dans le cas, dun conit social, la mdiation peut durer une petite semaine.

    En matire de cot, le rapport entre un rglement en contentieux et une mdiation est de 1 10. Et ce pour taux de russite lev : 80% selon une moyenne internationale. Plus encore, 10% des affaires au minimum trouvent des solutions en mdiation au bout dune sance.

    Quel est lintrt pour un juriste dentreprise de se former la mdiation ?Que ce soit avec les clients ou les managers, les juristes dentreprise doivent travailler

    DEPUIS PLUS DE 12 ANS, ARMEDIS FORME LA MDIATION LES PROFESSIONNELS DU LITIGE. LES AVOCATS, NOTAIRES, EXPERTS JUDICIAIRES NE SONT PAS SES SEULS CLIENTS. AVEC LA MONTE CROISSANTE DES CONFLITS EN ENTREPRISE, LINSTITUT DE FORMATION LA MDIATION SEST OUVERT DAUTRES PROFESSIONS PARMI LESQUELLES LES DIRECTEURS DES RESSOURCES HUMAINES ET LES JURISTES DENTREPRISE.LE POINT AVEC SON FONDATEUR, ERIC GURIN.

    Quand le systme judiciaire tranche, la mdiation cicatrise

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  • lanticipation des litiges. Le risque de conits quelle que soit sa nature - doit rtre intgrer dans une dmarche globale de prvention. La mdiation peut les aider car cest une dmarche prventive et non curative. Cela permet de faire dnormes conomies nancires, mais galement de gagner du temps tout en prservant un bon climat relationnel.

    Le juriste dentreprise devra se poser plusieurs questions. Quels dossiers peuvent aller en mdiation ? Comment puis-je accompagner mon entreprise dans ce processus ? Faut-il prvoir une clause de mdiation dans les contrats ? Comment dvelopper un esprit de mdiation en interne, en faire un outil de management ?Enn, faut-il crer un service de mdiation interne ou externalis ? Autant de questions qui sont abordes dans notre institut de formation.

    Quel type de cursus leur proposez-vous ? Nous proposons deux types de formation, sur 1 ou 6 jours. La premire est une formation de sensibilisation la dmarche de mdiation. On en explique les rouages, pourquoi elle va se dvelopper lavenir et comment lintgrer dans sa pratique professionnelle.Ensuite, si on veut acqurir les techniques de la mdiation, on choisira alors le cursus complet de 6 jours. A lissue de cette formation, le juriste sera capable de mettre en place un systme de mdiation dans sa socit, et dy appliquer une mthode axe sur 4 points : premirement convaincre les parties de choisir la mdiation, faire ressortir leurs points de dsaccord, envisager ensemble des solutions de rglement du conit, enn rdiger et faire signer un protocole daccord.Cette formation se solde par un diplme pris et reconnu par les institutions des professions rglementes. Nous sommes dailleurs

    agrs CNB (Conseil National des Barreaux). Depuis 1999, nous avons form 1600 personnes : 900 avocats, 500 issues des professions rglementes et 200 venues du monde de lentreprise. Nous avons pass un partenariat avec l8N+- (8nion Nationale des +uissiers de -ustice) pour dvelopper la mdiation auprs des huissiers.

    Contactez-nous au 01 43 43 14 83ou par mail ladresse :

    [email protected]

    Tmoignage de Philippe Moisson, conseiller social la Direction gnrale des ressources humaines dAir France

    Quand il y a conit dans une entreprise, soit on passe par le voie contentieuse, soit on choisit un mode alternatif de rsolution du diffrend, la mdiation. Cette dernire dmarche est la meilleure car elle facilite la circulation de linformation pour que les parties puissent renouer le dialogue entre elles. On passe alors dune logique de rivalit une logique de comprhension.

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    CONTENTIEUX | Quelques contentieux particuliers

    critures avec la sentence permet de sassurer que le tribunal a statu sur toutes les demandes et ne sest pas prononc sur chose non demande, par exemple en accordant la capitali-sation des intrts alors quelle ntait pas sollicite. A cet gard, il faut avoir lesprit que dans certaines rgions linfra petita ou lultra petita entrane lannulation de la sentence dans son ensemble (Amrique latine). La Cour sassure aussi que chaque chef de la sentence qui rejette ou fait droit une demande est motiv.

    La motivation est le terrain privilgi o sapplique la distinction, parfois dli-cate, entre la forme et le fond, faite par larticle 27 du rglement CCI (article 33 dans le futur rglement). La Cour peut prescrire des modifications de forme : cest le cas lorsquelle demande que soit introduite une motivation, absente dans le projet de sentence (par exem-ple, la motivation du taux de lintrt lgal). La Cour peut appeler lattention du tribunal arbitral sur des points int-ressant le fond : cest le cas lorsquelle suggre que les arbitres examinent sil est ou non appropri de faire rf-rence aux usages du commerce ou aux principes dUNIDROIT, en plus dune motivation qui serait fonde sur la seule application des rgles de conflit de lois.

    Quel est le profi l des arbitres CCI ?

    Il ny a pas proprement parler dar-bitres ayant un label CCI. Ce sont, en effet, les parties qui dsignent chacune un arbitre : les deux arbitres dsigns choisissent ensuite le prsident du tribunal arbitral. Ce nest quen lab-sence daccord sur le nom dun prsi-dent ou lorsquil sagit de nommer un arbitre unique que la cour darbitrage choisit la personne sur proposition dun comit national.

    Quant au profil, traditionnellement les parties font plutt confiance des juristes dexprience, avocats du haut du tableau, anciens magistrats ou juristes dentreprise. Une nouvelle

    gnration, pourvue de masters sp-cialiss en droit du commerce interna-tional ou en droit de larbitrage, tente de se faire une place

    Quels sont les apports du dcret 2011-48 du 13 janvier 2011 modifi ant le droit de larbitrage ?

    La Chancellerie sest donne pour but de rendre le droit de larbitrage plus efficace : elle y a russi. Je citerais trois exemples : au stade de linstruc-tion de laffaire, larticle 1469 du CPC permet une partie, sur linvitation du tribunal arbitral, de saisir le juge ta-tique afin quil ordonne un tiers la procdure de produire un crit sous seing priv ou un acte authentique quil dtient.

    Concernant les recours possibles, larticle 1522 autorise les parties renoncer tout moment au recours en annulation ; elles font alors valoir des griefs contre la sentence dans le cadre de la procdure dappel lencontre de la dcision dexequatur de celle-ci. La possibilit de renoncer est justifie par lidentit des causes dannulation et de refus dexequatur.

    Mais lannulation prsente lavantage quelle empche lexequatur dans la plupart des Etats du monde.

    Au niveau final de lexcution force de la sentence, elle peut avoir lieu mme en cas de recours en annulation de la sentence ou dappel contre lordon-nance dexequatur (article 1526).

    Pouvez-vous nous parler de lactualit des modifi cations du rglement darbitrage de la CCI ?

    Le nouveau rglement a t adopt par le Conseil mondial de la CCI lors de sa runion tenue Mexico le 11 juin 2011. Il doit entrer en vigueur le 1er janvier 2012.

    Sa nouveaut rside essentiellement en ce quil permet dunifier la proc-dure arbitrale en prsence de contrats multiples contenant une clause iden-tique comme cela se rencontre dans les chanes de contrats ou dans la sous-traitance.

    Quelles sont les volutions possibles de la CCI ?

    Sous limpulsion de son nouveau Prsident, M. Grard Worms, ga-lement prsident du Comit National franais, donc une personnalit qui connat bien linstitution, la CCI se montre active sur les fronts les plus importants au niveau mondial. Elle expose le point de vue des entreprises loccasion des runions du G8 et du G20. A cette fin, un groupe homolo-gue du G20 regroupant les entreprises de la CCI a t cr. Au plan juridique, elle a le statut dobservateur lors des travaux des Nations Unies dans le cadre de la CNUDCED, de la CNUDCI ou de la Commission Economique pour lEurope (CEE-ONU).

    Concernant les procdures au sein de la Cour internationale darbitrage,

    je crois quil faudra introduire plus de transparence dans la composition des panels, souvrir un minimum de contradictoire et motiver les dci-sions qui font grief. De cette faon, la procdure se mettrait en confor-mit avec les exigences sur le pro-cs quitable dfendues par la Cour europenne des droits de lhomme et le Comit des droits de lhomme des Nations Unies.

    La CCI se montre active sur les fronts les plus importants au niveau mondial.

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    Quelques contentieux particuliers | CONTENTIEUX

    Le responsable contentieux doit tre un excellent communicant, que ce soit vis--vis des collaborateurs et dirigeants de lentreprise ou lgard de ses auditeurs et conseils externes

    Lart de communiquer : une facette souvent sous-estime du rle du juriste contentieux Florence Saint Hilaire, Litigation Counsel IBM France

    T oute activit conomique est potentiellement gnratrice de contentieux de natures varies.

    Cependant, quelle que soit lorigine du diffrend, de nombreuses fonctions de lentreprise vont tre immdiatement affectes.

    Lun des premiers challenges du responsable contentieux est de trs rapidement identifier ses points de contacts internes et de communiquer avec eux dune manire pertinente, adapte leurs qualits, exprience et fonctions. Eu gard lobjet du dif-frend, il sagira aussi bien des op-rationnels disposant de lhistorique de laffaire et de la documentation sy rfrant, que de tout autre homme

    Florence Saint Hilaire

    de lart disposant dexpertise perti-nente (technique, scientifique, etc) Ainsi il tabli la relation de confiance indispensable sa mission et la dfense des intrts de lentreprise, et peut rapidement faire valoir ses recommandations lorsque des dci-sions aux enjeux financiers souvent importants simposent.

    Sensibiliser les Directions Opration-nelles aux enjeux de la procdure, en termes de risques financiers, de cot et dimage, permet de mobiliser les quipes ncessaires et de dfinir dun commun accord tant les ressources dgager que la stratgie (judiciaire ou amiable) mettre en uvre au fil de la procdure.

    Communiquer aux Directions Finan-cire et Comptable une analyse des risques aussi prcise et fiable que possible eu gard lala judicaire permet par ailleurs un traitement comptable irrprochable. Si le juriste laisse lhomme de lart la respon-sabilit des critures (passage de provision, impact sur la prise de revenu..), il lui apporte les prcisions permettant dviter une remise en cause ultrieure de ses dcisions par les instances de contrle. A cet gard, le juriste est rgulirement

    sollicit directement par les audi-teurs externes ou commissaires aux comptes, notamment lors de leur mission de certification des comp-tes, ou par le service fiscal interne loccasion de contrles fiscaux (lors de remise en cause de passages pertes ou assujettissement la TVA dune indemnit transactionnelle par exemple).

    Informer immdiatement la Direction de la Communication de lexistence de tout litige sensible permet dan-ticiper dventuels communiqus dans les mdias et de prparer les rpon-ses adquates. La pertinence de la communication, tant au regard du dossier lui-mme que de la politique de communication de lentreprise est alors assure.

    On comprend ainsi pourquoi, au-del de ses qualits de juriste, le respon-sable contentieux doit tre un excel-lent communicant, que ce soit vis--vis des collaborateurs et dirigeants de lentreprise ou lgard de ses conseils et auditeurs externes (avo-cats, experts conseils ).

  • La Chambre de Commerce Internationale qui, heureusement, reste Paris, aprs quelques perturbations en ce dbut danne, a supervis depuis sa cration le prononc de plus de 15.000 sentences. Supervis car : La Cour [Internationale dArbitrage de la CCI, organe majeur de la Chambre] ne rsout pas elle-mme les diffrends. Elle en administre la rsolution par les tribunaux arbitraux, conformment au Rglement darbitrage de la CCI (le Rglement ) . Cette disposition du Nouveau Rglement qui entrera en vigueur le 1er janvier 2012 (le NR ) est identique au Rglement actuel de 1998 (article 1.2 NR).

    En effet, aucune sentence ne peut tre signe par un arbitre sans que le projet en ait t soumis la Cour, laquelle peut prescrire des PRGLFDWLRQV GH IRUPH HW HQ UHVSHFWDQW ODlibert de dcision du Tribunal arbitral, attirer son attention sur les points intressant le fond du litige (article 33 NR).

    Il est trange que le monde franais des affaires nait pas pris totalement conscience de limportance de cette activit qui ne cesse de se dvelopper (prs de 800 dossiers sont arrivs lanne dernire la Cour Internationale dArbitrage de la CCI), faisant de Paris la premire place darbitrage dans le monde. Ces statistiques permettent dapprcier limportance de la rforme du Rglement.

    Cest un fait que larbitrage a ceci de comparable avec laronautique quon ne parle que des avions qui scrasent, non de la masse des arbitrages qui tranchent de faon satisfaisante les diffrends. En France, larbitrage est victime dune image ngative, en raison de litiges ayant dfray la chronique politique plus que daffaires, malgr son importance internationale.

    Rforme du rglement CCI : introduction de trois innovationsLe nouveau Rglement CCI, approuv sous la prsidence de la Chambre de Commerce Internationale par Grard Worms, entrera HQYLJXHXU OHHU MDQYLHU ,O QHPRGLHen rien les rgles essentielles qui ont fait de la Chambre de Commerce Internationale lorganisme de rfrence dans le domaine de larbitrage. Il garde galement les deux VSpFLFLWpVHVVHQWLHOOHVGHODSURFpGXUH&&, savoir lacte de mission, cest--dire le document qui encadre la mission de larbitre (article 23 NR), et lexamen pralable de la sentence par la Cour (article 33 NR). Mais il introduit trois nouveauts importantes. Les deux premires rvlent un tat desprit. La troisime est procdurale.

    Tout au long des travaux prparatoires qui ont runi prs de 200 personnes pendant plusieurs mois, sest fait sentir la pression bienfaisante du Prsident de la Cour.

    En effet, que reproche-t-on en ralit ODUELWUDJH " 1L VD TXDOLWp QL VRQ HIFDFLWpni son professionnalisme. On lui reproche sa longueur et son cot.

    Sur le cot, la rponse est simple : les cots dun arbitrage CCI sont totalement prvisibles, LO VXIW GH UHJDUGHU OH WDEOHDX TXL JXUHpages 54, 55 et 56 du nouveau Rglement et les parties ont une ide claire du cot de larbitrage.

    Ce qui est intressant, cest quil y a quelques annes, la CCI a tudi chaque dossier ayant fait lobjet dune sentence au cours de deux annes. Il en est ressorti que le cot des conseils tait dans un arbitrage international de 84%, les honoraires des arbitres tant de 12% et les frais de linstitution de 2%, les 2% restants constituant les dpenses lies larbitrage (voyages, etc.).

    Il en ressort que sur ces 84%, ce sont les

    LARBITRAGE EST DEVENU, AU FIL DES ANS, LE MODE NORMAL DE RGLEMENT DES LITIGES DU COMMERCE INTERNATIONAL. IL EST GALEMENT FAIT RECOURS LARBITRAGE DANS LES LITIGES INTERNES, MAIS SEMBLE T-IL, AVEC UNE FRQUENCE MOINDRE.

    Le nouveau rglement darbitrage de la Chambre de Commerce Internationale : un outil au Vervice de leIcacitp deV contentieu[ daIIaireV internationau[

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    " AVEC PRS DE 800 DOSSIERS ARRIVS DEVANT LA CCI EN 2010, PARIS EST LA PREMIRE PLACE D'ARBITRAGE DANS LE MONDE"

  • parties qui ont le contrle des dpenses puisquil sagit de leurs conseils. Si lon ajoute quil ny a pas dappel en matire arbitrale mais uniquement des recours en annulation, on constate facilement que le cot dun arbitrage ne saurait tre suprieur celui dune procdure judiciaire complte.

    En revanche, la longueur de la procdure est un des dfauts contre lesquels les praticiens se battent depuis des annes. Les raisons en sont multiples : surcharges de certains grands arbitres, judiciarisation des procdures, c'est--dire cration constante GLQFLGHQWV SDU OHV FRQVHLOV GLIFXOWpV GHtrouver des dates communes, soit pour des audiences, soit pour des dlibrations

    Le nouveau Rglement, en de nombreuses dispositions, contraint larbitre agir avec clrit tout en respectant pleinement les droits des parties. Cest ainsi que larticle 25.1 NR prcise : Le tribunal arbitral instruit la cause dans les plus brefs dlais par tous moyens appropris.

    Ces pouvoirs donns au Tribunal arbitral (nous parlons indiffremment de larbitre ou du Tribunal arbitral) montrent bien ltat desprit. Larticle 27 NR fait obligation larbitre, ds la clture des dbats, dinformer le Secrtariat de la Cour et les parties de la date laquelle il entend soumettre son projet de sentence la Cour pour approbation. Dans la note quil envoie aux arbitres en mme temps que le dossier, le secrtariat de la Cour prcise que ORUVGHOD[DWLRQGHVKRQRUDLUHVODGXUpHGHlarbitrage sera prise en considration.

    $LQVLWRXWDXORQJGX5qJOHPHQWJXUHQWGHVGLVSRVLWLRQV GRQW OREMHW HVW GH PHWWUH Q jFHWWH DFFXVDWLRQ KpODV SDUIRLV MXVWLpH TXHlarbitrage est trop long et que les arbitres devraient agir avec plus de clrit.

    /RIFLDOLVDWLRQGHOLPSDUWLDOLWpGHODUELWUHLa seconde innovation importante est ORIFLDOLVDWLRQ OD FRQWUDFWXDOLVDWLRQ SRXUUDLWon mme dire, de limpartialit de larbitre. Dans le cas de la CCI, lorsquun arbitre est pressenti, il doit signer une dclaration

    dindpendance faisant tat de tous les rapports quil a pu avoir avec lun des cabinets ou lune des parties directement ou indirectement lis son arbitrage. Ainsi, simpose lobligation de lindpendance QDQFLqUHHWDXWUHGHODUELWUH&HUWHVODUWLFOH15.2 du Rglement actuel faisait obligation au Tribunal arbitral de conduire la procdure de manire quitable et impartiale. Mais il ny avait pas de disposition particulire sur limpartialit. Lindpendance est une notion REMHFWLYH TXL SHXW rWUH GpQLH j SDUWLU GHcritres prtablis ; limpartialit est purement subjective et apparat au fur et mesure du dveloppement du processus arbitral.

    On ne peut donc que fliciter trs vivement le nouveau Rglement davoir plusieurs reprises impos larbitre dtre non seulement indpendant mais impartial, par exemple larticle 13.2 NR, qui nonce les conditions de nomination dun arbitre.

    &UpDWLRQGHODUELWUHGXUJHQFHMais le nouveau Rglement ne se contente pas dacclrer le rythme ; troisime nouveaut,

    il cre dans son appendice V larbitre durgence .

    /XQH GHV GLIFXOWpV pSURXYpHV ORUVTXXQHpartie se lance dans un arbitrage CCI est dobtenir que soient prises des mesures provisoires urgentes, le cas chant, ds avant que soit prsente la demande darbitrage (lacte qui dmarre la procdure).

    Larbitre durgence est donc habilit prononcer toutes mesures durgence ds lorigine du litige. Est ainsi cre, lintention des parties larbitrage CCI, une institution qui permettra de sauvegarder des preuves, saisir des montants et, dune faon plus gnrale, faire face toute mesure durgence.

    Constatons donc que ce nouveau Rglement qui, nous le rptons, entrera en vigueur le 1er janvier 2012, stimule la fois larbitrage CCI qui est dans le monde, larbitrage international de rfrence, et met la disposition des utilisateurs un outil moderne et adapt aux besoins du commerce international.

    Serge Lazareff et Benoit Le Bars, associs, Lazareff Le Bars

    Nouveau rglement CCI : les SRLQWVFOpV

    - Entre en vigueur du texte : 1er janvier 2012- Dure de la procdure : larbitre doit agir avec clrit (article 25.1)- Contractualisation de lindpendance et impartialit de larbitre (article 13.2)- Cration de larbitre durgence (appendice V)

    " LE NOUVEAU RGLEMENT STIMULE L'ARBITRAGE CCI QUI RESTE LA PROCDURE D'ARBITRAGE INTERNATIONAL DE RFRENCE"

  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    CONTENTIEUX | Quelques contentieux particuliers

    Contentieux international : une stratgie dfi nir en amontFabrice Marchisio, avocat associ du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral

    La pratique du contentieux international sorganise autour de deux lments essentiels : le droit applicable et la juridiction comptente. Les combinaisons possibles sont nombreuses et le rle de lavocat ou du juriste est de trouver la meilleure. En matire contractuelle, cela suppose que ces questions soient abordes trs en amont, ds le stade de la ngociation et de la rdaction des contrats internationaux.

    1. Le droit applicable

    Les parties disposent dune libert qua-si-totale pour choisir le droit applicable un contrat international, sous rserve que ses stipulations soient conformes lordre public international des Etats concerns.

    Le rdacteur du contrat peut natu-rellement tre tent dopter pour le droit dans lequel il a t form. Mais ce choix nest pas ncessairement le plus opportun, et en pratique il lui sera parfois prfr : un droit neutre : dans un souci dquilibre de la relation contractuelle, ou lorsque les parties ne parviennent pas saccorder sur lapplication de lun ou lautre de leurs droits respectifs, le choix dun droit tiers, dit neutre peut tre judicieux (par ex : le droit suisse) ; un droit cohrent avec le choix de la juridiction tatique comptente : en thorie, les parties peuvent dcider quun droit diffrent de celui habituelle-ment appliqu par la juridiction tatique choisie sera applicable au contrat. Mais

    en pratique, une telle combinaison dont lissue est totalement imprvisible devrait tre vite. Seul le droit de lEtat de la juridiction comptente ou un droit trs proche devrait ainsi tre choisi. Cette problmatique ne se pose pas en matire darbitrage.

    Quel que soit le droit choisi in fine, le rdacteur du contrat ne devrait jamais cder lapplication dun droit dans lequel il ne dispose daucune comp-tence, tout le moins sans avoir au pralable consult un juriste local.

    2. La juridiction comptente

    La comptence pour connatre des litiges susceptibles de slever du contrat international peut tre attri-bue un tribunal arbitral ou une juridiction tatique. L encore, le choix est essentiel.

    2.1. Le choix de larbitrage

    Les avantages de larbitrage sont bien connus : confidentialit, rapidit, sou-plesse dans linterprtation des rgles juridiques applicables, possibilit de confier aux arbitres une mission damia-ble composition Le recours un arbi-

    trage institutionnel permet en outre de bnficier dune procdure soigneuse-ment encadre par lapplication dun rglement prtabli (par ex : Rglement ICC) ou encore de la particulire clart des sentences prononces.

    La circulation et lexcution des sen-tences arbitrales dans un contexte international sont, de plus, largement facilites par la convention de New-York du 10 juin 1958 pour la recon-naissance et lexcution des senten-ces arbitrales trangres (dont plus dune centaine de pays sont signatai-res), et la Convention de Genve du 21

    Fabrice Marchisio

    Le rdacteur du contrat ne devrait jamais cder lapplication dun droit dans lequel

    il ne dispose daucune comptence.

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  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    CONTENTIEUX | Quelques contentieux particuliers

    ses et trs alatoires, il est parfois prfrable de dsigner directement les juridictions de lEtat dans lequel lexcution de la dcision pourrait tre recherche.

    Garanties procdurales offertes : avant dattribuer la comptence une juridiction trangre, le rdacteur du contrat devrait encore senqurir au pralable de son fonctionnement et des garanties procdurales offer-tes par cette dernire. Une attention toute particulire devrait ce titre tre porte : la qualit des juges et des tribunaux, leur impartialit, le niveau de corruption de lEtat concern, la prvisibilit des dcisions, la rapidit des procdures, la langue utilise, les cots gnrs par la procdure, la qualit des avocats locaux

    En matire contractuelle, la prati-que des contentieux internationaux dpend ainsi largement de la strat-gie adopte en amont dans le choix du droit applicable et de la juridiction comptente, trop souvent nglig en pratique.

    avril 1961 sur larbitrage commercial international.

    Larbitrage est donc particulirement adapt au contentieux international. Il gnre cependant un cot important (honoraires des arbitres, frais admi-nistratifs en cas darbitrage institution-nel). Les enjeux du contrat sont donc en pratique dterminants dans le choix de larbitrage.

    2.2. Le choix des juridictions tatiques

    Si les enjeux du contrat ne justifient pas un recours larbitrage, les parties peuvent encore choisir la juridiction tatique qui sera comptente pour connatre le contrat. Le choix des juridictions de lEtat du rdacteur du contrat ne sera, l encore, pas tou-jours le meilleur. Deux lments essen-tiels devraient en revanche guider ce choix : les modalits dexcution de la dcision intervenir et les garanties procdurales offertes par les juridic-tions concernes.

    Modalit dexcution de la dci-sion : lexcution dune dcision dans un Etat diffrent de celui qui la pro-nonce suppose son exequatur dans cet Etat.

    Au sein de lUnion Europenne (UE), la procdure dexequatur est largement simplifie (Rglement CE n44/2001, art. 33-1). En revanche, en dehors de lUE, les conditions et la prvisibilit

    de lobtention de lexequatur dune dcision varient largement dun Etat lautre. Et contrairement larbi-trage, il nexiste pas de convention internationale multilatrale qui facili-terait la circulation et lexcution des dcisions rendues par des juridictions tatiques.

    Aussi, sauf ce quune convention bilatrale relative lexcution des dcisions ait t conclue entre lEtat dans lequel lexcution est recherche et lEtat dont la juridiction a rendu la dcision, et afin dviter des proc-dures dexequatur longues, coteu-

    Larbitrage est donc particulirement adapt au contentieux international.

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  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    CONTENTIEUX | Quelques contentieux particuliers

    Ludovic Malgrain

    Juriste dentreprise et pnaliste : une complicit requise pour grer le risque pnalLudovic Malgrain, du cabinet Salans, Associ en charge de lactivit de droit pnal des affaires

    Q ui prtendrait encore que le juriste dentreprise grerait au mieux le risque pnal en limitant ses actions au traitement des conten-tieux, ou bien telle ou telle consulta-tion exige par les circonstances ?

    En effet, le seul traitement des conten-tieux est dj particulirement chro-nophage ; quil couvre lenqute, lins-truction ou la phase de jugement, quil sagisse dune affaire mdiatise ou non, de dimension locale, nationale ou internationale, surveille ou non par les syndicats, relaye ou non par les associations de victimes, entoure de conseils eux-mmes plus ou moins mdiatiques, sans compter la probl-matique juridique en question.

    Tout peut commencer par les ter-giversations portant sur le choix du reprsentant de la personne morale dans le cadre de la procdure : doit-on choisir le mandataire pour justifier de limplication au plus haut niveau, un juriste pour davantage matriser

    la porte des dclarations, un tech-nicien pour rpondre au mieux aux diffrents experts, ou encore lop-rationnel qui a t impliqu dans la relation des faits ?

    Il en est de mme du traitement des conclusions des audits commands ou des consultations exiges loc-casion dun changement du mana-gement, ce qui peut conduire une refonte des organigrammes, des notes de fonction et, partant, la revue du schma de dlgation de pouvoirs existant.

    Dautres circonstances appellent ces mmes interrogations : notamment lactualisation du Document Unique Sant Scurit qui permet de mieux cerner les risques pnaux, le dve-loppement de lentreprise sur un nou-veau march, au travers de nouveaux outils de production lorigine alors de nouvelles procdures.

    En clair, le traitement des contentieux et des consultations exiges par les circonstances occupe dores et dj une part importante de lactivit du juriste dentreprise pour grer au mieux le risque pnal.

    Cependant, afin de mieux assurer la dfense des dlgataires de pouvoirs ou de la personne morale dont on sait que la responsabilit pnale peut dsormais tre recherche pour tout type dinfraction ceux qui dirigent le procs pnal ont t conduits intervenir davantage en amont et insister sur le contenu de la formation des salaris. En effet, la responsabilit de tel ou tel peut tre recherche raison dune imprudence, dune ngli-gence, de la violation dune obligation de scurit particulire impose par la loi ou le rglement. Cest ainsi que le pnaliste a gagn sa place en amont

    du traitement contentieux en stigmati-sant le caractre plus ou moins com-plet des programmes de formation des entreprises.

    Il ne faudrait dailleurs pas limiter exclusivement ces programmes de formation la prvention des acci-dents industriels ou au domaine de lhygine et de la scurit du travail en proposant seulement des formations la scurit du poste de travail. Le devoir de scurit du chef dentreprise justifie toute une srie de diligences particulires, comme par exemple loccasion de la cration dune filiale ltranger, de lexpatriation dun

    Le traitement des contentieux et des consultations exiges par les circonstances occupe dores et dj une part importante de lactivit du juriste

    dentreprise pour grer au mieux le risque pnal.

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  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    CONTENTIEUX | Quelques contentieux particuliers

    employ dans un pays risques. La varit des risques politiques, climati-ques, sanitaires et/ou terroristes, dans le contexte fragile et instable qui est le ntre, impose lemployeur de for-mer ses employs lenvironnement quils rejoignent , aux pratiques admi-ses et interdites du pays daccueil, et recueillir des informations afin que des rgles de comportement soient poses et respectes, et que leur vio-lation puisse tre sanctionne.

    Au-del du domaine de la scurit, les programmes de formation doivent toucher toute une srie dautres sujets afin de sensibiliser les oprationnels divers domaines, par exemple aux pratiques pouvant porter atteinte la libre concurrence et pnalement rprhensibles sous la qualification dentente, la prvention des ris-ques psycho-sociaux dans lentreprise (comme les faits de harclement), ou encore aux pratiques admises afin de respecter la rglementation relative la corruption et la lutte contre le blanchiment de capitaux.

    On touche l une formidable inga-lit entre la PME et la multinationale dans la mesure o la rglementation et le devoir de lemployeur sont les mmes alors que les moyens dont dispose lune ou lautre de ces entre-prises ne le sont pas.

    Cest ainsi que le pnaliste est dsor-mais associ toutes les problmati-ques de compliance , de conformit et dthique dans lentreprise.

    Ainsi, on voit aisment quau-del de lassistance judiciaire et de la consulta-tion juridique, le pnaliste est devenu, au ct du juriste dentreprise, celui qui permet de grer le risque judi-ciaire en amont et partant, dviter une mise en cause, ou de construire dores et dj un dossier solide propre convaincre le parquet et le juge.

    Les juristes dentreprise ont alors rapi-dement compris que, si le recours lavocat pnaliste, au-del de la nces-sit produite par telle ou telle perspec-

    tive, constituait un cot supplmen-taire, celui-ci apparaissait justifi.

    Le rle du pnaliste doit manifeste-ment aller encore plus loin puisque de sa complicit avec le juriste dentre-prise natra une plus ou moins grande proximit qui permettra ce dernier

    dtre alert sur telle ou telle volution rglementaire, lgislative ou jurispru-dentielle. En effet, tous les sujets ne sont pas aussi mdiatiss que la t la rforme de la garde vue et, par-fois, lvolution dune rglementation particulire, notamment en matire de blanchiment, ne bnficie pas dune telle publicit.

    Des affaires rcentes ont galement mis en vidence quel point lavocat devait tre immdiatement consult, et cela ds la dcouverte des faits et avant mme toute qualification ven-tuellement pnale. A ce stade, il peut en effet conseiller son client soit de saisir immdiatement les autorits judiciaires (avec le risque inhrent de poursuites du chef de dnonciation

    calomnieuse), soit de tarder un peu le temps de coordonner la recherche de preuves de la commission de lin-fraction dont son client serait la vic-time, quitte alors apparatre comme le complice dune instrumentalisation de la justice pnale.

    Cette nouvelle proximit permettra au juriste dentreprise dtre trs troite-ment sensibilis toutes les probl-matiques rencontres par le pnaliste au gr de ses dossiers, comme par exemple le problme de conservation de preuves au moment du dpart des employs, la rponse apporter une rquisition judiciaire qui peut porter en elle-mme les prmices dune mise en cause.

    Cest au prix de cette nouvelle compli-cit que le pnaliste et le juriste den-treprise pourront au mieux grer le risque pnal dans lentreprise.

    PARCOURSCr en 1978 par des avocats franais et amricains Paris, Salans est aujourdhui lun des principaux cabinets davocats internationaux. Il rassemble plus de 750 avocats et juristes dans 24 bureaux situs Almaty, Bakou, Barcelone, Berlin, Bratislava, Bruxelles, Bucarest, Budapest, Francfort, Hong Kong, Istanbul, Kiev, Londres, Madrid, Moscou, Nouma, New York, Papeete, Paris, Pkin, Prague, Shanghai, Saint-Ptersbourg et Varsovie.

    Ludovic Malgrain a rejoint Salans en tant quassoci pour dvelopper et prendre en charge lactivit de droit pnal des affaires du bureau de Paris, en lien avec tous les groupes de pratique du cabinet et les 23 autres bureaux Salans. Il a dvelopp une comptence reconnue en matire de droit pnal des affaires et accompagne ses clients lors de tou-tes les phases prcontentieuses et contentieuses notamment en matire de droit pnal fi nancier et de droit pnal industriel.

    Ludovic Malgrain est notamment en charge dimportants dossiers tels que le crash du Concorde dAir France et conseille au quotidien de grandes institutions fi nancires dans leurs problmatiques en droit pnal des affaires. Il dispense des formations et participe rgulirement des confrences sur des points dactualit tels que les projets de rformes en cours (garde vue, abus de biens sociaux, volution de la jurisprudence en matire de dlgation de pouvoir, responsabilit des personnes morales).

    Cest au prix de cette nouvelle complicit que le pnaliste et le juriste dentreprise pourront au mieux grer le risque pnal dans lentreprise.

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  • Juriste dEntreprise Magazine N11 Novembre 2011

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    CONTENTIEUX | Quelques contentieux particuliers

    Contentieux mode demploi : comment grer un contentieux de masse ?Yoan Afriat, Juriste Conseil et Contentieux

    Yoan Afriat

    C est un sentiment que les pra-ticiens du droit ne sont pro-bablement pas les seuls partager : les relations sociales se judi-ciarisent. Les statistiques annuelles du Ministre de la Justice dvoilent dan-ne en anne un recours croissant des justiciables au juge. Autre signe, le fort succs des protections juridi-ques auprs des particuliers rvle une monte importante de la demande de droit de notre socit. Pour cer-taines entreprises, cette augmentation du contentieux nest pas conjonctu-relle mais chronique, au point dtre face un contentieux de masse. Le contentieux de masse peut se dfinir comme le fait pour un sujet de droit dtre confront des litiges nom-breux, sur des questions de fait et de droit identiques ou peu diffrencies. Les entreprises exposes sont en par-ticulier celles ayant un nombre trs lev de cocontractants (ex : entrepri-ses du secteur locatif, des tlcoms, de la distribution au grand public, du crdit la consommation).

    Cette situation nest satisfaisante pour personne : ni pour lentreprise car ces

    contentieux mobilisent des ressour-ces humaines et matrielles impor-tantes, nuisent sa rputation et peu-vent peser significativement sur ses rsultats ; ni pour les justiciables car le recours la justice est une source de stress et de perte de temps ; ni pour la justice dont chacun sait quelle manque en permanence des moyens ncessaires pour traiter convenable-ment des procs importants sans avoir en plus se consacrer des contentieux de faibles montants (mais tout est relatif) o une jurispru-dence bien ancre existe dj.

    Aussi, quelles solutions pour lentre-pri