JEAN DE CRAON

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LE TESTAMENT DE JEAN DE CRAON SEIGNEUR DE LA SUZE ET DE CHANTOCÉ (AVANT 1432) Jean de Craon, seigneur de la Suze et de Chantocé (4), était fils de Pierre de Craon, seigneur de Craon, et de Catherine de Machecoul. Il fut fait chevalier banne- ret en 1411 (2). Le 20 avril 4412, Audry d'pernon (3) confesse avoir reçu de ce seigneur 4,000 livres tournois que (1) Il portait aussi le nom de seigneur d'Ingrandes. Le château-fort d'lngrandes appartenait au seigneur de Chantocé et d'Ancenis. Tiphaine de Chantocé l'apporta par mariage en 1100 à Maurice de Craon et Marie de Craon à Guy de Laval. (2) G. Ménage, Histoire de Sablé, p. M. (3) Audry d'Épernon est alors qualifié de s commis de par le roy, nostre sire, à recevoir les deniers des amandes, forfaitures, confiscations, etc. » - Par lettres du 22juin 1428, datées de Paris, Audry d'Épernon, trésorier des guerres, est institué receveur-général et chargé de recevoir les deniers provenant de l'aide levè au pays de Champagne. (Bibi. nat. ms , fr. 4484 fb 211). -. Document 0000005525706

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LE TESTAMENTDE

JEAN DE CRAONSEIGNEUR DE LA SUZE ET DE CHANTOCÉ

(AVANT 1432)

Jean de Craon, seigneur de la Suze et de Chantocé (4),était fils de Pierre de Craon, seigneur de Craon, etde Catherine de Machecoul. Il fut fait chevalier banne-ret en 1411 (2). Le 20 avril 4412, Audry d'pernon (3)confesse avoir reçu de ce seigneur 4,000 livres tournois que

(1) Il portait aussi le nom de seigneur d'Ingrandes. Le château-fortd'lngrandes appartenait au seigneur de Chantocé et d'Ancenis. Tiphainede Chantocé l'apporta par mariage en 1100 à Maurice de Craon et Mariede Craon à Guy de Laval.

(2) G. Ménage, Histoire de Sablé, p. M.(3) Audry d'Épernon est alors qualifié de s commis de par le roy, nostre

sire, à recevoir les deniers des amandes, forfaitures, confiscations, etc. »- Par lettres du 22juin 1428, datées de Paris, Audry d'Épernon, trésorierdes guerres, est institué receveur-général et chargé de recevoir les deniersprovenant de l'aide levè au pays de Champagne. (Bibi. nat. ms , fr. 4484fb 211).

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ce dernier devait au roi (1). Notre personnage épousa enpremières noces Béatrix de Rochefort morte en 1421 etinhumée dans la chapelle de Craon des Cordeliers d'Angers(2).Il s'unit en secondes noces à Anne de Sillé, veuve de Jean,seigneur de Montjean (3). Il fut nommé en 1427, parYolande d'Aragon, reine de Sicile et duchesse d'Anjou (4),lieutenant-général sut le fait de la guerre, dans les provincesd'Anjou et du Maine, avec injonction à tous les capitaines desforteresses de ces deux provinces, et particulièrement aucapitaine dii château d'Angers, de le recevoir et de lui obéircomme à elle-même (5). 11 fut institué héritier de la baronniede Rais par Jeanne Chabot (0). Il mourut le 15 novem-bre 1'3 (7). Il eut de son premier mariage plusieursenfants: Amaury VI de Craon ; Marie de Craon, mariéed'abord à Guy de Lavai, seigneur de Ciemillé, de Blaisori etde Rais, puis à Charles d'Estouteville, seigneur de Villebon.Divers auteurs disent à tort que de cette union était issueune autre fille appelée Ambroise (8).

(1) Archives du Chartrier de Thouars. Fonds Craon.(2) Maurice de Craon avait ajouté à l'église des Cordeliers d'Angers « la

chapelle qu'on appelle de Craon, où il fut enterré. Il mourut l'an 1287. sG. Ménage dit : en 129. (Péan de la Tdillerie, nouvelle édition, p. 171-172).

(3) Jean, seigneur de Montjean, était aussi seigneur de Bécon,(-i ) Yolande d'Aragon, femme de Louis 11, comte d'Anjou, mère de

Louis III, René le Bon, Charles, comte du Maine, Marie, épouse deCharles VII, et Yolande d'Anjou, femme de François de Bretagne.

(5) Voir dans Sainte-Marthe les preuves de la généalogie de Beauvau.(6) G. Ménage, ibid.(7) G. Ménage donne cette date à la page 189, puis celle du 25 novembre

â la page 291. Cette seconde date est celle de l'Obituaire des Cordeliersd'Angers dont nous avons reproduit des extraits dans notre (Histoire de tabaronnie de Craon, de 138e é 1626, d'après les archives inédites duChartrier de Thouars (Fonds Craon).

(8) C'est une erreur, déjà réfutée par G. Ménage, p-291. Cette Ambroise,femme de Jean de Champagne, s'appelait de Crenon et non de Craon.

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On conserve aux archives du Chartrier de Thouars, (fondsCraon), le testament de Jean de Craon, seigneur de la Suze.Cette pièce n'est pas datée, mais elle est nécessairementantérieure à 143:

« Ou nom du père et de fiiz et de Saint Esperit. Amen.a Saichent tous que je Jehan de Craon, segneur de la

Suze et de Charnptocé (1), estant en bon sens et mémoire,considérant qu'il n'est chose si certaine comme la mort etsi incertaine que l'eure d'icelle, non voullant decepderintestat, mes o l'aide de Dieu voulant ordonner des biensqu'il m'a donnez pour le salut de l'âme de moy et de mespredecesseurs, en la présence de ma très chière et très arnécompaigne et espouse, Anne de Sillé (a), et de son consente-ment, foys et ordonne mon testament et derraine voulentéen la manière qui s'ensuit:

Premièrement, je recommande mon âme à Dieu, monpère créateur, à la g lorieuse vierge Marie, sa doubtée mère, à.monsieur saint Michiel l'Ange, et à toute la court celestiel deparadis, en leur requerant que quant il plaira à Dieu faireson commandement de l'âme de moy, il leur plaise la meneret conduire en ladite court de paradis.

» Item, je eslis ma sépulture en l'église des frères mineursd'Angiers en la chapp€lle de Craon, c'est assavoir jouxtemonsieur mon père (3), que Dieu :ll)sole, en Iuy gardanttelle reverence comme enfent doit à père.

» Item, je ordonne le jour de mon enterrement et celui demon obsèque [] que on pourra recouvrer de chappe-lains, et ne vieulx [], mes je ordonne la monnaie demil et vc escuz estre donnée aux povres laboureurs de mes

1) Tiphaine de Chantocé avait aussi apporté cette terre en mariage àMaurice de Craon.

() Anne de Sillé vivait encore en 14. (Voir du Pas, p. 631 et 662).(3) Pierre de Craon ci-dessus nommé.

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terres, distribuez et ordonnée par mes exécuteurs cy dessusnommez, et vieulx qu'ilz soient donnés es lieux où j'ay faitma demourance, c'est assavoir à Champtocé (1), Ingrande,Le Loroux-Botereau (2), la Beneste, Fontaine-Millon (3) etBriolay (4).

» Item, vieulx que, auxdits jours de mes enterrement etobsèque, ait de luminaire à l'ordonnance de mes dits exécu-teurs et vieulx point qu'il y ait nul chevaulx armez (5), nisur mon corps que un drap de soye noir, sans faire sur mondit corps nul autre apareil.

«Item, je done ausdits frères mineurs cinquante livresmonnaie, une foiz poyé pour estre en leurs prières etoraisons.

» Item, je ordonne trois chappellenies ch[acune] de [enblanc] messes la sepmaine montant à la somme de c livres,c'est assavoir chacune de xxxiii livres vi s VIII6, l'une fondéede saint Cosme eb saint Damien, l'autre de sainte Katerine etl'autre de sainte Margarite, et seront celebrées es chappelledu chasteau de Champtocé (6) et poyées sur mon acquest deLoyre (7), par ainsi que toutes et quantteffoiz que mes

(1) A la mort de Jean de Craon en 1432, la terre de Chantocé passa à Guyde Lavai, époux de Marie de Ciaon, puis à Gilles de Lavai, sire de Rais.

(2) Le Loroux-Bottereaji, chef-lieu de canton, arrond. de Nantes (Loire-Inférieure).

(3) La terre de Fontaine-Milon, qui relevait de Beaupréau, formait uneehàteilenie aux mains des seigneurs de la famille de Craon depuis 1325.

(4) La terre de Briolay était entrée dans la famille de Craon en 1226 parle mariage de Jeanne Desroches avec Amaury de Craon.

(5) C'était l'usage féodal, au moyen âge, de faire figurer aux obsèquesdes chevaliers leurs chevaux richement caparaçonnés.

(6) Le château primitif de Chantocé, dit M. C. Port, sélevait un peu plusà l'ouest, à l'angle de la première rue qui descend aux Halles.

(7) Parmi les revenus de la seigneuriL, selon le même auteur, figuraitun très important péage de Loire o.

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-9—héritiers vouldront bailler ailleurs les dites cens livres enassiete raisonable que ledit acquest en soit et demeurequicte et deschargé, et encore veulx - je que toutes etquanteffois ils vouidront bailler par héritaige la valeur del'une ou deux des dites chappelenies, que de tant qu'ilsbailleront ledit acquest en demeure desehergé et libre.

)> Item, je veil et ordonne que x mil(?) messes soientdictes et celebrées pour le salut de l'âme de moy, c'est assa-voir y11C pour moy et [ ] pour feu monsieur mon père,madame ma mère, mon fils Amalrv, ma fille Marie, ma feuecompaigne Béatrix de Roclieffort et de feu mon frère Pierrede Craon (1), auxquelx Dieu baille pardon, et généralementpour tous mes amis trespassez.

» Item, je donne à Gilles de Rays, mon fils (e), mil escuzune foiz (payez), lesqueix je veulx estre prins sur le revenude troys années [j.

» Item, je donne à mon fils René (3) ve escuz par la mainLI des mil escuz dessus dits.Item, je donne au ditRené 11 de veloux cramoisy relevé de martres et touzmes harnoys1 excepté ceulx que je donne à mon filsde Montejehan (4).

» Item, donne à mon dit fils de Monte-Jehan une robe desatin [j de martres.

» Item, je donne lite livres monnoie ii mariez povrespucelles de ma terre et non d'ailleurs.

(1) Pierre de Ciaon, mort vers 1303, sans être marié (G Ménage, ibid.,p. 286).

() « Mon fils » signifie ici mon petit-fils. (flues de Rais était en effet filsde Marie de Craon et de Guy de Lavai.

(3)11 en est de même pour ce second personnage. René était fils desmêmes.

( Le seigneur ici désigné était le beau-fils de Jean de Craon. Il étaitissu lu pLeinier mariige de Anne de Sillé avec Jean de Montjean.

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Item, je donne à l'eumosnerie de Champtocé (1) XL livresune fois poyez et à celle de Loroux-Botereau ii c eseuz unefoiz poyez à xxviii yld escu.

» Item, je vueil que toutes les donnoisons faictes entreladite Anne, ma dite compaigne, et moy données de dabtedu xxle jour de may l'an mil iiiic xxiii, vaillent, tiennent etsortent leur plain effect, fors que s'il y avoit aucune chosequi touchast héritaige, je le revocque, mes toutefois veil quele surplus valle et tiengne.

» Item, je vieulx et ordonne oultre les dites xm messesdessus dites que on face dire et celebrer iii messes, c'estassavoir c de. notre Dame, cens du Saint Esprit et cent deRequiem, pour le salut des âmes des trespassez.....

s Item, viel et ordonne que xni povres soient vestuz derobes, chausses, polpes (2), draps, linges, chapprons etsouliers, et qu'ilz soient esleuz les plus povres que on pourratrouver.

» Item, je viel que, xiii hz garniz soient donnez esditesaumosneries de Champtocé et du Loroux, c'est assavoir encelle de Champtocé vi et à l'autre VII.

s Item, je eslis mes exécuteurs ma dicte compaigne, monfils Gilles de Rays.

s Ce fut passé II à thamptocé

Ce testament est écrit sur un lambeau de papier à demirongé par l'humidité. Nous en devons la copie, que nous

(I) « Il existait., dit M. C. Port, dès au moins le XVe siècle, vers l'angle,au sud des Halles, une Aumônerie, avec chapelle et cimetière spécial auxétrangers s.

(2) Polpe, mot angevin, qui désigne probablement une espèce de giletou tricot qui se met par dessous et a la forme du pourpoint, c'est-à-direcourt de taille, avec manches et boutons.

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avons pris le soin d'annoter, à notre excellent collègue etami, M. l'abbé A. Ledru, qui nous l'a très aimablementcommuniquée, avec l'autorisation toujours si bienveillanteM. le duc de de la Trémoille.

Mamers.Typ. G. Fleury et A. Dangin. - 4890.