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Jean-Charles Samson Lieux dialectiques et existence du lieu physique ~Vérnoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval pour l'obtention du grade de maître ès arts (M.A.) FACULTÉ DE PHlLOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL O Jean-Charles Samson, 200 1

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Jean-Charles Samson

Lieux dialectiques et existence du lieu physique

~Vérnoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

pour l'obtention du grade de maître ès arts (M.A.)

FACULTÉ DE PHlLOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL

O Jean-Charles Samson, 200 1

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Résumé

Dans les Topiques, Aristote présence la dialectique comme une m é t h o d e

servant à guider le processus naturel de la raison humaine d a n s

l'investigation d'un probième. Cette méthode, entre autres. sert pour c h a q u e

science à diriger la recherche de ses premiers principes comme aussi de ses

conclusions. Or, puisque dans la Physique, Aristote tente de déterminer les

premiers principes des sciences de La nature, L'on devrait pouvoir y observer

l'application de cette méthode. Aussi, dans ce mémoire. on dégagera, de ce

traité scientifique, un des aspects de l a dialectique exposé dans les Topiques :

les Iieux dialectiques, et leur usage par Aristote dans le passage où il

s'interroge sur l'existence du lieu physique (IVI I. 2O8b 1-209a30). Pour ce

faire, il faudra d'abord remettre en contexte Ia section du traité étudiée e n

vue de comprendre la nature du lieu physique. qui n'est pas sans quelques

analogies avec le lieu diaIectique; puis, il importera de rappeIer en q u o i

consiste une démarche dialectique afin d'éclairer la nature du l i e u

dialectique. Ensuite, on sera en mesure d'exposer et de commenter les l ieux

dialectiques servant à la formation des arguments qui visent à résoudre le

problème de l'existence du lieu physique.

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Les premiers pas dans le monde de la recherche sont comme une première

aventure en forêt. Aussi est-il nécessaire d'avoir u n bon guide. Or.

l'attention et la disponibilité de celui-ci envers son élève sont les quali tés

essentielles à la réussite de ce dernier. Yvan Pelletier a été u n tel guide. e t

je le remercie grandement. l e rient kgalement à exprimer ma gra t i tude

envers Warren Murray et Thomas de Koninck pour leur judicieux conseils.

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Chapitre 2 . Lieux dialectiques et existence du lieu natureL.44

...................................................................................... Introduct ion -44

. 2.1. Le Iieu existe ................................................................................. 1

2.1.1. De prémisses absolument endoxales ...................................... 5 1

................................................ Première argumentation ....... ..... 5 1

Deuxième argumentation .......................................................... 55

2.1 .2 . De prémisses endoxales relatives ........................................... 60

Première argumentation ............................................................ 60

.......................................................... Deuxième argumentation 6 1

2.2. Le lieu n'existe pas ......................................................................... 63

............................................................ Première argumentation 63

Deuxième argumentation ......................................................... -65

Troisième argumentation .......................................................... 6 7

Quatr ième argumentation ......................................................... 70

Cinquième argumentation ....................................................... 7 1

Sixième argumentation .............................................................. 72

........................................................................................................................ Condusion 73

................................................................................................ .......... Conciusion .... -75

............................................................................................................. Bibliographie -80

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Introduction

A. Titre

Lieux dialectiques et existence du lieu physique. Ce titre, au premier

regard, a de quoi rendre perplexe, puisqu'ici l ieu exprime deux réalités

bien différentes, dont I'une. cornmunémen t entendue par tous, CO ncerne

Ie lieu naturel, et l'autre, la logique. mais une communauté de n O m

résulte rarement du hasard. Le pIus souvent elle est le fruit d e

ressemblances, aussi imparfaites soient-elles, entre deux réalités. Aussi, le

lieu dialectique. dont la découverte a suivi celle du lieu naturel. n'est pas

sans quelque analogie avec le lieu naturel. duquel il tire son nom. Ainsi, la

connaissance du lieu naturel permettra de comprendre la nature des lieux

dialectiques, et. d'un autre côté. dans l'élaboration de sa philosophie de 1 a

nature, Aristote se sert abondamment des lieux dialectiques: d'où ce titre.

B. Nécessité

a. La dialectique, voie de découverte

La dialectique présentée dans Ies Topiques par Aristote est une méthode

servant à guider le processus naturel de la raison humaine d a n s

l'investigation d'un pro blèmel. En effet, elle montre. par l'aporie. a u

dialecticien et au spécialiste d'une science particulière. la manière d e

s'approcher de la vérité'. Elle indique le chemin vers la vérité pour l a

science du fait qu'elle la précède en traçant la voie à l'intuition des

principes, qui serviront de prémisses en vue de la démonstration de l a

science en question. Car, si chaque science démontrait les propositions

premières à partir de ses propres principes, comme elle le fait pour toutes

propositions comprises sous son domaine, il n'y aurait pas démons t ra t i O n

Yvan Pelletier. 1985a. N Les T o p i q u e s et la raison humaine W . Urgence de la p h i l o s o p h i e . Yvan Pelletier. 1989. « L'articulation de la dialectique aristotélicienne D. Angelicrtnt. Yvan Pelletier, 199 1, La dialectique nrisrorélicienne : Les principes c lés des Topiques .

Aristote. T o p i q u e s , 1. 2. 10 1 a34-36: Vm. 14. l63b9- 12. Aristote, Réfutarions S o p h i s t i q u e s . 9, L70a36-39.

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2 parce que l'objet de démonstration coïnciderait avec le point de départ, i I

y aurait pétition de principe3. La dialectique aide à découvrir les

principes propres à une science, et spécialement les définitions. e n

soumettant l'objet de ses éventuels principes à l'argumentation en faveur

de chacune de leurs contradictoires que permettent les op inions

généralement admises. Les principes sont découverts quand l'on réussit à

intuitionner, suite à Ia compréhension obtenue par les arguments e n

faveur de chacune des contradictoires, laquelle des contradictoires est l a

plus apte à nous faire connaître la chose. La dialectique permet aussi d e

pressentir les conclusions qui pourront par la suite se démontrer à part i r

de ces principes

Cette démarche n'est toutefois pas une invention d'Aristote : celui-ci

n'a fait que tourner en méthode l'exercice et l'usage de ce processus

naturel de la raison humaine en quête de vérité devant u n problème. 11

expose cette méthode en précisant les genres de problèmes éventuels

(naturels. éthiques, logiques) et la démarche susceptible de les résoudre - dont les éléments caractéristiques sont la nature endoxaie des

propositions sur lesquelles se fonde l'examen dialectique; le c arac r è re

agressif des déductions et inductions mises en œuvre, qu'il n o m m e

attaques ( h ~ ~ ~ ~ ~ f i p a ~ a ) ; le fonctionnement des instruments pour l a

découverte des propositions nécessaires à la construction des arguments:

et. surtout, une longue énumération des lieux destinés à préciser 1 a

pertinence de chacun des endoxes recensés pour la solution de chaque

problème éventuellement abordé.

n Autre avantage encore. en ce qui regarde les principes premiers de chaque science : i l est. en effet, impossible de raisonner sur eux en se fondant sur des principes qui sont propres à l a science en question, puisque les principes sont des éléments premiers de tout Le reste: c'est seulement au moyen des opinions probables qui concernent chacun d'eux qu'il faut nécessairement Les expliquer. Or, c'est là l'office propre. ou le plus approprié. de l a Dialectique : car en raison de sa nature investigatrice, elle nous ouvre la route aux principes de toutes les recherches N (Topiques, 1, 2, 101a36-LOlb4).

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b. Dialectique

Aussi, la dialectique

présente chacune dans

3 et science

diffère-t-elle de Ia science4, si bien qu'Aristote les

un traité différent, les Topiques et les Seconds

Analy t i ques . En effet, la science se limite à un objet déterminé et appuie

ses démonstrations sur des principes vrais par eux-mêmes et propres à 1 a

science en question, qui conduisent nécessairement à des conclus ions

rigoureuses. Tandis que la dialectique, au champ d'investigation p 1 us

vaste, recourt, dans les raisonnements, à des prémisses vraisemblables

(endoxes) recueillie par les instruments dialectiques, et, ensuite, choisies à

l'aide des lieux dialectiques; et accède, de ce fait. à cause de la matière d e

ses prémisses, à des conclusions faillibles.

En conséquence, on s'attendrait à trouver, dans les traités scientifiques

d'Aristote, seulement des démonstrations; or. ce n'est pas le cas, 1 a

dialectique y est présente5. Car certains sujets sont si difficiles qu'on n e

peut accéder aux démonstrations dès le départ, il faut au préalable établir

les principes de ces démonstrations en utilisant la dialectique. De sorte

que, dans plusieurs de ses traités scientifiques, Aristote fait usage de 1 a

dialectique dans certaines parties.

c . Difficulté de l'analyse comparée des attaques et des démonstrations

Une autre surprise apparaît à la lecture des traités scientifiques

d'Aristote : la démarche dialectique et scientifique se départagent

difficilement6, sans compter qu'il est a r d u de déterminer dans quelle

Topiques . 1. 100a25-100b23 Enrico Berti. 1996. r L'utilité d e la dialectique pour les science o. Arisrotelica Secrmda :

Mélanges offerts à Christian Rurren. Enrico Berti, 1991, « Les méthodes d'argumentation et d e démonstration dans Ia Physique m. La Phys ique d'Aristote er les corzditions d'une science d e la nature. Lambros Couloubaritsis. 1978, « Dialectique et philosophie chez Aristote >). Philosophia.

Larnbros Couloubaritsis. 1978, Op. cir.. p. 243-255. Augustin Mansion. 1945. Inrroductiorl ù la Physique Ar is to té l ic ienne . p. 206-225

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4 mesure Aristote applique et respecte les règles qu'il présente dans les

T o p i q u e s et les Seconds ~ n a l - r i q n e s 7 . Ces difficultés déconcertent

tellement les commentateurs qu'ils en arrivent 5 croire qu'Aristote n e

tient pas compte de ses études Iogiques dans ses traités scientifiques.

Certains en viennent à penser qu'Aristote ne démontrerait jamais O u

pratiquement jamais: qu'il userait d'une dialectique tour à fait étrangère

à celle présentée dans les Topiques8: et que les lieux dialectiques

développés dans les T o p i q u e s ne serviraient presque pas.

Ainsi. dans les traités scientifiques d'Aristote. un travaiI précieux. mais

encore à faire. serait d'identifier et d'analyser chacune des attaques et des

démonstrations afin de montrer en quoi elles respectent. ou non, les

principes des Top iques et des Seconds Analyriques ainsi que les autres

œuvres de 1'Organon.

C. Propos

Comme un tel travail serait colossal, on ne peut Ie compléter dans le

cadre restreint d'un mémoire de maîtrise, mais on peut I'aborder. On se

limitera à l'aspect dialectique, et. même là, il sera nécessaire de réduire

l'analyse à certains points précis.

G.E.L. Owen. 1980. << r L*:-EV a[ r 2 ,.a L~ CUE v a W . Aristote et les problèmes de méthode. El Irwin (Terence Irwin. 1988. .4risrorle's Firsr P r i n c i p l e s . p. 66. 167-1681 affirme que l a. dialectique se divise en deux branches. l'une faible. déveioppée dans les T o p i q u e s . insuffisante à trouver les principes des sciences. et l'autre forte apte 5 découvrir les principes d e s sciences. Brunschwig (Jaques Brunschwig. 1990. u Remarques sur la communication de Robert Bolton. m. Biologie. logique et nréraphysiqrte chez Arisrore Acres du Sénzitraire C+N.R.S.. p . 2 3 8 - 239) va dans le même sens qu'lrwin, il doute à l'unicité de la dialectique : 11 n'est pas évident. ni hors de toute contestation. que les procédures qui. dans les traités scientifiques e t phiLosophiques d'Aristote, peuvent être qualifiées de "dialecrique" relèvent toutes d'une seu le et même "méthode dialectique"; il n'est pas évident non plus que cette "méthode dialectique". au cas où L'on e n admettrait l'unicité. soit identique à celle qui est présentée théoriquement, e t enseignée pratiquement. dans les T o m u e s »- Bolton (Robert Bolton. 1990, The Epistemological Basis of Aristotelian Dialectic m. Biologie, logique er nzéraph~sique c h e z Arisrore Acres du Séminaire C.N.R.S.. p. 201) penche également vers cette interprétation : (~Dialectic for gymnastic purposes has different rules than diaiectic for "testing and i n qu i ry " (since only the latter need a lways reason from what is "more intelligible") and also tha t gymnastic dialectic need not always reason from what is "more ertdoxon" (since such reasoning does. and is meant to, guarantee that conclusions are derived from what is "more inteIl igible", and the latter simply does not always happen, or need to happen. in gymnastic dialectic) m.

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a. Illustration de l'usage des lieux dialectiques dans un traité scientifique

L'analyse dialectique se fera selon la théorie exposée dans les Topiqr tes .

Cependant, nous n'aurons pas l'ambition de montrer tous les aspects d e

la dialectique présents - appréciation de l'endoxalité des op i n ions.

instruments dialectiques mis en œuvre, tous [es caractères des a rguments

apportés. etc. Nous nous limiterons à identifier les arguments utilisés et à

les analyser pour dégager les lieux dialectiques qui les inspirent.

C'est dans la Physique que s'effectuera notre recherche. D'abord parce

que, dans cet ouvrage, la dialectique occupe une grande place. vu qu1Ari-

stote tente d'y édifier ia science physique en cherchant 5 connaître les

principes capables d'expliquer les phénomènes naturels :

<< Connaissance et science se produisent. dans tous les ordres d e recherche dont il y a principe ou cause ou déments. quand on a pénétré ces principes, causes ou éléments (en effet nous n e pensons avoir saisi une chose que lorsque nous avons pénétré Les causes premières, les principes premiers et jusqu'aux éléments) , il est donc clair que dans la science de la nature. il f a u t s'efforcer de définir d'abord ce qui concerne les principes .>9.

Aussi, avant d'asseoir la science de la nature sur pareils principes. i l

faut les découvrir. Si bien que ce traité d'Aristote est beaucoup un usage

des endoxes pour accéder à la découverte des premiers principes.

< La Physique : traité proprement philosophique. où s o n t discutées presque exclusivement des questions de principes e t fixées les notions principielles. Tout s'y réduit en général à des analyses plus ou moins poussées de concepts. - analyses guidées souvent et illustrées par des données de l'expérience, plutôt qu'appuyées sur celle-ci; la déduction n'y apparaît guère que comme une mise en forme des résultats de ces analyses » I o .

Aristote, Physique, 1. 1. l84alO- 15 Mansion, 1945. Op. cir.. p. 21 1

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Ensuite, la Physique a été choisie au regard de son importance d a n s

l'histoire de la philosophie. Étude si influente que quelque phi losop he

voulant définir la nature ne peut éviter les explications proposées p a r

Aristote. En outre, plusieurs points développés dans la Physique se

retrouvent dans plusieurs œuvres d'Aristote traitant de sujets auss i

différents que l'éthique, le politique e t la métaphysique1 l .

Comme il serait impossible, dans le cadre d'un mémoire de maîtrise, d e

faire une analyse de la dialectique pour I'ensemble de ce traité, no t re

attention se dirigera seulement vers la section du livre IV, où Aristote

s'interroge sur l'existence du lieu phys iquen. Du coup, l'examen des lieux

pourra être plus exhaustif. De plus, cette partie du livre IV a pour n o us

l'intérêt supplémentaire que nous y voyons Aristote en action dans s a

recherche ardue de la définition du lieu-

b. Analyse dialectique de la P h y s i q u e

Dans ce mémoire, notre intention est de montrer I'utilisation de lieux

dialectiques par Aristote dans un traité de science en examinant Ieurs

utilisations concrètes dans l'élaboration des arguments dialectiques. car l a

théorie a été exposée assez abstraitement dans les Topiques. De sorte qu ' i l

y aura place pour une introduction théorique avant d'aborder l 'analyse

des arguments. Et celle-ci sera précédée de l'examen du lieu physique, q u i

aidera à comprendre le lieu dialectique, en ce qu'il imite suffisamment les

propriétés du lieu physique pour mériter d'être désigné par son nom.

' Par exemple. i'dthique et le politique étudiant le domaine de l'action présupposent 1 e principe de l'acte et de la puissance. ttudié au livre 1: la Physique. qui s'occuppent d e s premières causes de la nature et de tout mouvement naturel. e t conséquemment du p r e m i e r mouvement immobile, concoure à démontrer avec la Métaphysique à l 'existence d ' u n e Intelligence - Dieu - qui meut toute chose en tant que cause finale (Lambros Couloubarits is . 1999. Introduction », Physique, p. 17, 19). l 2 Phys ique . IV. 1, 208bl-209a30

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Ce type d'étude

de philosophes ont

exhaustive de la

important. pour la

7 dialectique apparaît comme une voie vers laquelle p e u

dirigé leur recherche. Aucun auteur n'a fait l 'an a1 y se

méthode dialectique appliquée à un traité auss i

science aristotélicienne, que la Plzysiqrte. Ainsi. à p e u

près rien n'a été fait dans la ligne d'une identification claire des différents

éléments qui relèvent de la démarche dialectique: il est donc r e l a t i v e m e n t

difficile d'apprécier dans quelle mesure la démarche dialectique e s t

employée pour établir les principes de cette nouvelIe science. En fait. les

analyses de la dialectique dans ce traité se limitent généralement à

exposer la progression de l'argumentation en identifiant les différents

De plus, certains auteurs s'arrêtent à une section précise du traité. m a i s

l'analyse se restreint à décomposer la trame argumentativs sans te n i r

compte de la démarche dialect iquel4. Quant aux commentateurs de 1 a

Physique's. peu d'entre eux s'attardent à ces considérations d ' o r d r e

logique, leur but étant de donner une explication philosophique de c e t

ouvrage. Seul, le commentaire de Thomas d'Aquin tient compte de l a

Iogique. et souligne quelques fois l'apport de la dialectique16. Enfin. les

études sur les lieux dialectiques ont été. jusqu'à ce jour. davantage dirigées

vers une perspective théorique17 que vers celle cherchant à observer l a

façon dont Aristote a pu les utiliser dans ses ouvrageslg.

l 3 Berti. 199 1 . Op. Couloubaritsis. 1978. Op. cir. Owen. 1980. Op. cir. IVarerlow. 198 7 . ~Varrcre. Change and Agency in Arisrorle's Ph y s i c s .

Henri Bergson. 1949. '6 L'idée de lieu chez Aristote -. Les études bergsortierzrzes. David Bolotin. 1998. An Approach ro Arisrorle's Physics : With Pnrricrtlar ~rrrerrriotz ro rire Role uj ' His Manner of Wr i t ing . Victor Goldschrnidt. 1956. « La théorie aristotil icienne du lieu ,,. Mélanges de philosophie grecque ofJerts à M g r Diès par ses élèves. ses collègrres. ses anzis. Gérard Verbeke. 1949. <C La structure logique de la preuve de Premier Moteur chez Aristote ,,. Revue philosophiqrce de Louvain. 15 Mansion. 1945. Op. cir. W . D . Ross. 1966. Arisrorle's plzysics : .4 re~vised t e r f ir-irlr inrroducrion and conmientan. I6 II est d'ailleurs le commentateur auquei nous avons accordé le plus d'attention lors d e l'analyse des arguments dialectiques. l7 W.A. De Parer. 1965. Les Topiques d'Aristote er la dialecrique plaronicienne : La méthodologie er la déf in i t ion . Yvan Pelletier. 1985b, « Pour une définition claire et nette d u lieu dialectique >). Laval Théologique er Philosophique. Yvan Pelletier. 199 1 . Op. cir . Paul Slomkowski. 1997. .4risrorle1s Topics. l 8 Toutefois. Frappier (Gtor_ees Frappier. 1974. L'art diaiecriqiie dans le rroiré De l'ânre d'Arisrore) retrace les lieux dialectiques employés par Aristote dans le pemier Iivre du t r a i t é

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8 11 s'avère donc impérieux d'analyser avec quelque détail l'usage de 1 a

dialectique dans le traité de la Physique: cela aidera grandement à

dégager leur emploi qui n'a été aucunement étudié dans ce traité.

D. Plan

Pour commencer, il est nécessaire de remettre en contexte la partie d u

livre IV (208a27-213a11) traitant du lieu physique afin de savoir ce q u e

cette considération fait dans un pareil traité. dans quel ordre Aristote 1 a

développe, et les principales conclusions auxquelles il arrive sur I 'existence

et la nature du lieu. Ensuite, il importe de rappeler, à partir des Topiques.

en quoi consiste une démarche dialectique, pour éclairer comment l a

nature du lieu dialectique confère son essence particulière a u

raisonnement dialectique (chapitre 1). Puis. l'examen dialectique se ra

conduit en montrant l'analyse des raisonnements dialectiques formulés e t

des lieux dialectiques mis à contribution dans la résolution du p r o b l è m e

abordé : est-ce que le lieu naturel existe, ou non? Et. en même t emps .

seront expliqués les lieux dialectiques utilisés dans les ra is O n ne men t s

analysés (chapitre 2 ) .

De l'âme. Mais nous ne pouvons nous inspirer de cette analyse trop peu approfondie des Lieux d i a l e c t i q u e s .

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Chapitre 1. Dialectique et lieu

Introduction

L'illustration des Iieux dialectiques emp Ioyés par Aristote dans 1 e

passage étudié de la Physique exige Ia compréhension de l'articulation d u

propos dans lequel les Iieux dialectiques analysés ont été puisés - lesquels

proviennent d'un chapitre parmi Ies six consacrés à la recherche de l a

définition du lieu physique - ainsi que la compréhension du l ieu

dialectique comme tel. Et. puisque le lieu dialectique admet quelques

propriétés analogues à celles du lieu physique, une meilleure connaissance

du lieu physique - par la connaissance de la définition du lieu physique

et des différents moments de sa découverte - apportera de toute évidence

une connaissance accrue du lieu dialectique.

Le lieu physique constitue incontestablement l'une des réalités les p 1 u s

présentes dans notre quotidien. II se manifeste à nous sans cesse : n o u s

sommes conscients que nous nous trouvons dans un lieu; que n o u s

voulons atteindre un lieu; qu'un lieu est proche, loin ou le même; q u e

tout ce que nous faisons se fait quelque p i x ; et puis un des aspects les

plus frustrants de la vie n'est-il pas de devoir chercher régulièrement O ù

sont les gens avec qui nous avons affaire et les instruments dont nous

avons besoin. Quoique tous éprouvent cette réalité, quiconque tente de I a

définir se bute pourtant à maintes difficultés. Le même problème se

rencontre d'ailleurs à propos du temps : « Tout le monde sait très bien c e

qu'est le temps; tant que personne ne leur demande ce que c'est ... >P. Ces

raisons ont conduit Aristote à définir le lieu au livre IV de la Physique.

Mais elles ne sauraient constituer les seules causes de cette recherche, q u i

prend origine dans la quête d'une science de l'être mobile, dans laquelle le

lieu physique représente un des principes indispensables du mo u ve m e n t . Mais comment Aristote a-t-il mené sa recherche? À quelles conclusions est-

il arrivé? : quelles sont les propriétés du lieu? quelle est la définition d u

l 9 Saint-Augustin. Les confessions. Chap. 14.

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1 0 lieu? Voilà des questions auxqueiles nous répondrons brièvement en v u e

d'en arriver à une meilleure compréhension du Iieu dialectique.

Cependant, nous devrons auparavant comprendre les raisons qui O n t

conduit Aristote à examiner ce problème dans un traité de physique,

L'examen du lieu physique accompli. on éclairera la manière dont 1 a

nature du lieu dialectique confère son essence particulière au raison-

nement dialectique; toutefois, il faudra, au préalable. rappeler en quoi

consiste une démarche dialectique.

1.1. Le lieu physique

Dans la P h y s i q u e , Aristote vise à connaître les principes fo n dame n tau x

des êtres naturels? D'emblée. par induction. il devient manifeste que ie

mouvement est l'aspect central pour cerner leur essence. puisque tous les

principes des êtres naturels gravitent autour de lui21 -la majeure par t ie

du traité, les livres III à VIII, lui sera d'ailleurs consacrée? Le mouvemen t

est entendu ici dans son acception large signifiant n'importe quel

changement aussi bien que Ie mouvement d'un lieu à un autre23. Après

avoir montré comment le changement est possible, en en cherchant les

principes élémentaires - matière, forme, privation (livre 1) - et les causes

- les quatres causes : matérielle, formelle, efficiente. finale (livre 11)

Aristote amorce L'explication du mouvement (livre III). et pénètre plus à

fond certaines réalités qui lui sont reliées - l'infini. le lieu. le vide et le

temps (livre IV) :

'0 K Connaissance et science se produisent. dans tous les ordres de recherche dont il y a principes ou causes ou éléments. quand on a pénétré ces principes. causes ou eléments (en ef fe t nous pensons avoir saisi une chose que lorsque nous avons pénétré les causes premières. l e s principes premiers et jusqu'aux éiéments), il est donc clair que. dans la science de la nature. il faut s'efforcer de définir d'abord ce qui concerne les principes » (1. 1. 183al0-15).

CC Pour nous. posons comme principe que les êtres de la nature. en rotalite ou en partie. s o n t mus: c'est d'ailleurs manifeste par l'induction » (1. 2. L S5a12-14). 22 N Puisque la nature est principe de mouvement et de changement et que notre recherche porte sur la nature, il importe de ne pas laisser dans l'ombre ce qu'est le mouvement: nécessairement, en effet, si on l'ignore, on ignore aussi la nature w (III. 1. 200b12-15). 23 Ensuirz il n'y a pas de mouvement hors des choses; en effet. ce qui change. chanse toujours ou substantieliement. ou quantitativement, ou qualitativement, ou Iocnlement ... )> (III. 1 . -

200b32-20 131); (III. 1, 20 La% 15).

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K Après avoir déterminé la notion de mouvement. il f a u d r a entreprendre. de la même façon, les questions qui suivent celles- là. Or. semble-t-il, le mouvement appartient aux continus. e t dans le continu l'infini apparaît en premier lieu..- En outre s a n s lieu. ni vide. ni temps, le mouvement est impossible »?

Le lieu intervient donc dans la Physique comme l'un des pr incipes

essentiels du mouvement. Et il s'impose à l'attention du naturaliste à

l'occasion du mouvement selon le lieu's. Lequel mouvement est le p l u s

général et le principal observé26. Cependant, son existence et son essence

demandent démons t ra t ion l7 , vu que Ies hommes s'en font parfois u n e

idée fausse? que les propriétés du lieu occasionnent différentes

o p i n io dg, et que les prédécesseurs d'Aristote n'ont pas exposé les

difficultés et les solutions concernant ce problème.

1.1.1. La méthode

En vue de connaître si le lieu existe et, si oui, de découvrir ce qu'est s o n

essence, Aristote. pour c o m m e n c er30, recueille les arguments (raison-

nements dialectiques), que suggère l'opinion commune (endoxes), e n

faveur de chacune des contradictoires relatives à l'existence du lieu et à

III, 1. 200bl6-21 25 IV. 3. Z11a12

IV, 1. 208a31 27 Quand il vient L i'étude du lieu. le physicien doit ... rechercher s'il existe ou non. et 6 q u e l titre, et ce qu'il est » (IV. 1. 208a27).

N Selon l'opinion commune. en effet les êtres sont. comme tels. quelque part. car le non-ê t re n'est nulle part : où est le bouc-cerf. le sphinx:' (IV, 1. 208a79-30). Cette preuve est un argument sophistique : sophisme du conséquent, qui consiste à croire que si le conséquent es t . lDantéc6dent l'est aussi. Ainsi. d'après ce sophisme, si ce qui n'est en aucun Lieu n'est pas (antécédent), alors ce qui existe est dans un lieu (conséquent). Toutefois. ce n'est pas parce que ce qrii existe est dans un lieu est vrai que décodera nécessairement la vérité de ce qui est Ê I I

aucun lieu n'est pas. car il s'ensuit plutôt de ce qui existe est dans un l i e u que ce qui e x i s t e esr quelque part (Thomas d'Aquin, 1954. #407). 29 IV, 1. 208b33 30 Chapitre 1 & 3 : 708bl-210b31.

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1 2 ses différentes propriétés. Il scrute ces arguments et les critique en vue d e

clarifier sa conception du lieu31. Cette démarche dialectique. sert. dans l a

première partie de la recherche de la définition du lieu. à surmonte r

l'embarras suscité par le problème de I'existence et de l'essence du lieu.

peu de certitude définitive se faisant d'emblée sur ces deux questions.

Cette méthode est la seule possible quand I'on ne sait laquelle des

contradictoires est vraie: en plus. elle permet de savoir si on a trouvé ce

qu'on cherchait à connaître, du fait que les multiples chemins menant à

la solution ont été explorés: ainsi. elle met le chercheur en meilleure

position pour juger la vérité :

<< Or quand on veut résoudre une difficulté. i l est utile d e l'explorer d'abord soigneusement en tout sens. car l'aisance où la pensée parviendra plus tard réside dans le dénouement des difficultés qui se posaient antérieurement, et i l n'est pas possible de défaire un nœud sans savoir de quoi i l s'agit ... il faut avoir considéré auparavant toutes les difficultés ... parce que chercher sans avoir exploré d'abord les difficultés en tous sens. c'est marcher sans savoir où l'on doit aller, c'est s'exposer même, e n outre, à ne pouvoir reconnaître si, à un moment donné, on a trouvé, ou non. ce qu'on cherchait ... Enfin. on se trouve forcément dans une meilleure posture pour juger. quand on a entendu, comme des plaideurs adverses. tous les arguments e n

Au cours de cette investigation. I'existence du lieu semble

abord évidente33, mais l'examen d'opinions contraires conduit

de p r ime

toutefois à

3 1 Cette façon de faire se conforme à l'autre manière d'aller du plus connu au plus intelligible préconisée au début du traité - s'appuyer sur le plus connu pour aborder le moins connu :

u Or. la marche naturelle. c'est d'aller des choses les plus connaissables pour nous et les plus claires pour nous à celles qui sont plus claires en soi et p l us connaissables: car ce ne sont pas les mêmes choses qui sont connaissables pour nous et absolument. C'est pourquoi il faut procéder ainsi : partir des choses moins ciaires en soi. plus claires pour nous. pour aller vers les choses p lus cIaires en soi et plus connaissables. Or, ce qui. pour nous. est d 'abord manifeste et claire, ce sont les ensembles les plus mêlés: c'est seulement ensuite que. de cetre indistinction. les éldments et les principes se dégagent e t se font connaître par voie d'analyse f i (1, 1. 184a16-23). Voir aussi 700b22-25.

32 Aristote. Métaphys iq i te . B. 1 . 995a33-995bl 33 208bl-209al

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1 3 hésiter sur son ex i~ tence3~ . Cependant, la recherche s 'approfondissant,

l'existence du Iieu devient manifeste35. Par suite. l'enquête sur l'essence d u

lieu devient possible, et à mesure que les propriétés sont mises en lumière.

Ie genre commence à être entrevu36.

Après l'étude des différentes opinions, Aristote expose de manière p 1 u s

rigoureuse, par la voie de la démonstration. les éléments de [a résolution

du problème dans l'intention d'accéder enfin à la définitionJ7. Mais ce

type de démonstration diffère d'une certaine façon de celui exposé d a n s

les Seconds Anal! tiques, parce qu'ici Ies principes, Ies propositions de s

syllogismes, ont été trouvé grâce à la dialectique38.

Puisque la recherche de l'essence à l'aide de la dialectique a permis d e

distinguer certaines pro prié tés3g du lieu et d'entrevoir quelque peu s O n

genre, il faudra maintenant, à l'aide des propriétés déjà admises40. trouver

34 209a4-29 35 209a31-210al3 36 2O9a3 1-210a13 37 Chapitre 4 à 5 : 2lOb32-213all. La démonstration se substituanr 5 In dialectique dans 1 î résolution d'un probl2me n'est pas propre à cette section de la Phys ique : cette façon de fa i re est appliquée dans d'autres parties du traité. D'ailleurs. Mansion (1945. p. 69-71) le signale concernant Ie livre 1 :

À mesure qu'il s'approche de la conclusion. son argumentation devient plus rigoureuse. Au début, il s e contente de raisonnements probables, fondés pour une part sur les vues de s e s prédécesseurs; il use ainsi, suivant un procédé qui lui est familier. d'une préparacion dialectique ... destinée à aplanir le terrain. avant d'entamer la démonstration qu'il veut décisive er qu'il n'abordera que plus loin- »

M Arrivé à ce point Aristote ne peut plus aller de l'avant en s'appuyant sur la vraisemblance de certaines opinions communes 3, divers de ses prédecesseurs. même en y ajoutant une bonne part de considérations personnelles. Aussi, oppose-t-il résolument à partir d'ici son explication à lui aux essais de ses devanciers et délaisse-t-il tout ji fait le terrain h is tor ique pour établir de façon purement théorique sa doctrine sur les principes du devenir- Du coup, i l abandonne aussi le procédé dialectique, dont il avait usé jusqu'à maintenant. et le remplace-t- il par une analyse qu'il s'efforce de faire aussi rigoureuse que possible. »

38 Mansion. 1945. Op. cir.. p. 211. p. 217 39 Bien que le propre appartienne au défini. il nVexprime qu'une qualité découlant de l 'essence : Le propre, c'est ce qui. tout en n'exprimant pas la quiddité de la chose, appartient pour tant à cette chose seule et peut se réciproquer avec elle » (Topiques, 1. 5. I02a17-18). 'O << Cela pose. il faut poursuivre l'examen et l'on doir tâcher de diriger une celle recherche d e façon qu'elle permette d'obtenir l'essence, afin de résoudre nos difficultés. de transformer e n propriétes véritables du lieu celles qu'on avait seulement admises comme telles ... ( 2 1 1 a7- 10).

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1 4 le genreal et la différence spécifique-". attributs obligés de t o u t e

définition33. Ce dessein s'accompiira d'abord par la recherche du genre.

par Iaquelle on élimine successivement. parmi les hypothèses plausibles

sur le sujet, celles qui ne conviennent pas (comme forme. matière. e s p a c e )

pour ne retenir que l'unique valide (le lieu comme extrémité d u

contenant). Il termine par la quête de la différence spécifique. a v e c

l'examen du problème du lieu de Ia partie et du tout. La déf in i t ion

posée4J, elle sera vérifiée45. et permettra enfin de résoudre les difficultés

exposées dans la partie dialectiqueJ%

1.1.2. Les propriétés du lieu

Les propriétés dévoilées par l'examen dialectique seront d'une _o r a n d e

importance pour l'investigation de la définition : elles serviront 5 O r ien t e r

la recherche. en excluant les éléments non conformes à la nature du lieu.

et à confirmer l'exactitude de la définition.

D'abord. la propriété la plus manifeste du lieu est sa séparation d e

chaque chose qu'il contient. En effet, les corps reposant en un l i eu

viennent et partent; ils ne sont pas attachés au lieu. Par exemple. un vase

qui fait office de lieu pour de l'eau et de l'air se succédant tour à t o u r

n'est aucun de ces deux corps. qui pourtant reposent et se r e m p l a c e n t

mutuellement dans ce lieu-!

Le genre csr ce qui est attribué essenriellement à des choses multiples et d i f f é r a n t spécifiquement entre eiies. Et on doit considérer comme prédicats essentiels cous les t e rmes d'une nature telle qu'ils répondent d'une façon appropriée 3 la question : Qu'est-ce que le su jer q u i est devant vous'? D (Topiques. 1, 5. 102a31-34).

.c Une diffkrence c'est ce qui a pour nature de séparer ce qui est sous le meme senre ). (Porphyre. 1998. p. 15).

.t ... s'il est l'un des termes compris dans la définirion. il sera un senre ou une différence. puisque la définition est composée du genre et des diffkrences ... ,> (Topiques. 1. S. 103bl4-16). J 4 2 31 2a20 J5 212a21-30

212b22-213a10 N ... 1% où maintenant i1 y a de l'eau. là même. quand elle en part comme dans un vase. voici .

de l'air qui s'y trouve et, à tel moment, une autre espéce de corps occupe Ie même lieu ... il e s r

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Parallèlement à cette première propriété. une seconde apparaic : le l ieu

n'est pas la chose qui I'occupe. Car ce qui repose en un lieu e s t

nécessairement un corps qui a autre chose en dehors de lui. Hésiode a

bien exprimé cette propriété lorsqu'ii affirme que la terre doit obliga-

toirement reposer en un lieu4%

En concomitance à ces propriétés, il s'en dégage une autre : le lieu e s t

égal à la chose- C'est-à-dire la limite du corps et du contenant est 1 a

même, car le corps se joint au contenant par Leurs extrémités e n

Une dernière propriété est mise en lumière : les corps sont t r anspor té s

par nature et reposent chacun dans leur Iieu propre. soit le haut. soit le

bas. Par exemple, le bas est le Iieu des roches, et. si l'une d'elles est l ancée

dans les airs. elle tendra naturellement à revenir vers son lieu propre. le

bas. Contrairement aux propriétés précédentes, qui manifestent l 'existence

du lieu par rapport à nous, celle-ci implique la préexistence du lieu d a n s

la nature et sa puissance d'attrait sur les objets enclins à se t r a n s p o r t e r

vers leur lieu propre?

une chose autre que celles qui y surviennent et s'y remplacent, car I i où i I y a maintenant d e l'air. là il y avait tout à l'heure de l'eau ... » (208b2-6).

(( -.. là où ii y avait de l'air. voici qu'il y vient de l'eau. nous l'avons dit (Z08b 1-81. l'air e t l'eau se remplacent mutuellement. et de même les autres corps..- 11 semble en effet que le l i e u soit quelque chose comme un vase. le vase 6tant un lieu transportable; or le vase n'est rien de la chose » (2O9b2 1-27). 48 Donc que le lieu soit quelque chose indépendamment des corps et que tour corps a e n s i b le

soit dans un lieu. on pourrait l'admettre d'après ce qui précède et il semblerait qu'Hésiode a i t pensé juste quand il a mis au commencement le chaos ... Le premier de cous les Grres fttr l e Chaos. puis la Terre au large sein» (208b27-32).

D'autre part ce qui est "quelque part" est. par soi. quelque chose. er implique en tant q u e quelque part. autre chose en dehors de lui P (209b32). 49 .. e l [leenveloppe] est détachée et simplement en contact. le corps est immédiatement I I'intérieur de la surface extrême de l'enveloppe. qui n'est point partie de son contenu. ni p l u s grande que l'intervalle d'extension du corps, mais lui est égale; ca r les extrêmités des c h o s e s en contact sont jointes 1, (2Ila30-35).

« -.. il est nécessaire ... que le Iieu s'accroisse avec le corps si le Iieu n'est ni plus grand n i plus petit que chacun des corps » (209a27-29). 50 a En outre les transports des corps naturels simples. comme feu. terre et autres s emb lab l e s . indiquent non seulement que Ie lieu est quelque chose. mais aussi qu'il a une c e r t a i n e

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Quant au genre du lieu, il commence peu à peu à se distinguer : ce se ra

l'enveloppe première de ce qui se trouve dans le lieu. Effectivement. 1 a

limite du corps contenu qui envetoppe le corps le plus près permet d e

situer le lieu, puisque les autres limites successives n ' i n d i q u e n t

aucunement le lieu premier occupé par le corps%

II nous reste maintenant à examiner la façon dont Aristote s'est servi d e

ces propriétés pour obtenir La définition du lieu.

1.1.3. La définition du lieu

Pour point de départ à la recherche de la définition du lieu. Aristote

pose implicitement comme postulat que le lieu ne peut se définir sans le

corpss2. Ainsi cherche-t-il à connaître le lieu à l'aide d'un corps

quelconque placé dans un lieu fixe et défini. Pour commencer. il e x a m i n e

si le lieu est le corps lui-même, mais un court examen révèle r a p i d e m e n t

que le lieu n'est pas une masse le lieu pourrait-il alors ê t r e

un des éléments incorporels et inséparables du corps : la forme ou 1 a

ma t i è re?

Ce questionnement est fon à propos, la forme semble bien Ztre le l ieu

parce que, comme lui. elle enveloppe un objet. Effectivement. puisque le

puissance : en effet. chacun est transporté vers son propre lieu. si rien ne fa i t obstacle. l'un e n haut. l'autre en bas; mais ce sont Ià parties et espèces du lieu. je veux dire le haut. le bas et l e s autres parmi les six dimensions ... Dans ia nature, au contraire. chaque détermination e s t définie absolument : le haut n'est pas n'importe quoi. mais le lieu où Le feu s r le léger son t transport&. de même le bas n'est pas n'importe quoi. mais le lieu où les choses pesantes e t terreuses sont transportées. de telles déterminations différant non seulement par l e u r position, mais par leur puissance >, 208bi9=21. Voir aussi 210a2-4. 5 1 a ... par exemple. vous &tes maintenant dans le ciel parce que vous etes dans I'nir et que l ' a i r est dans le ciel, et dans l'air parce que dans la terre, er de même. dans celle-ci également. parce que dans ce lieu-ci. qui n'enveloppe rien de plus que vous. Si donc le lieu est L'enveloppe première de chaque corps, il est une certaine limite ... » (209a32-209b1). 52 La these dlHdsiode présentant le lieu comme un absolu originaire est donc Ccartée ( 2 0 8 b28- 209a3). 53 209a2-30

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1 7 lieu est l'enveloppe première de chaque corps, une certaine limite. le l ieu

paraît être la forme, la configuration de chaque chose par quoi e s t

déterminée la matière, D'un autre côté. le lieu semble être la matière. d u

fait qu'il est le réceptacle où se produisent les changements. En effet. le

lieu donne l'impression d'être ce qui est enveIoppé et limité par la forme,

comme la matière.

Pourtant, le lieu n'est ni forme ni matière. Au contraire de la forme e t

de la matière, qui sont inséparables de la chose dans Laquelle elles se

trouvent, le lieu, lui, est séparable. À l'encontre de la matière, qui, elle, e s t

contenue, le lieu contient. Le lieu est hors de la chose. tandis que la forme

et la matière ne peuvent l'être. En admettant que le lieu soit forme O u

matière, le mouvement des corps simples vers leur lieu propre d e v i e n t

impossible; car la forme et la matière ne marquent pas la différence e n t r e

le haut, le bas, la droite et la gauche, les choses ne peuvent pas, e n

conséquence, se mouvoir en rapport à la forme et à la matière. À s u p p o s e r

que le lieu soit forme et matière, il serait dans la chose même. vu que 1 a

forme et la matière se meuvent avec la chose et sont dans le lieu où se

trouve la chose. Le lieu serait ainsi dans un lieu, ce qui est absurde. Et le

lieu périrait s'il était forme ou matière, par le fait que la d e s t r u c t i o n

d'une chose détruirait immédiatement son lieu,

N'empêche que le problème, à savoir si le lieu est forme ou matière, n ' a

pas été complètement résolu, car une question n'a pas encore t rouvé

réponse : la surface du contenant peut-elle avoir pour lieu le c o n t e n a n t

lui-rnême?S4. Cela ramène à nouveau la question : une chose peut-elle se

trouver à l'intérieur d'elle-même?

Pour résoudre ce problème, il faut être capable de distinguer c 1 a i r eme n t

le contenant du contenu. C'est l'examen des divers sens de la p répos i t ion

dans55 qui permettra de préciser ces différences. En faisant cet examen, O n s'aperçoit qu'il faut distinguer être dans en rapport aux parties d ' ê t r e

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1 8 d a n s en rapport au tout. En fait. Ztre dans en rapport au tout signifie

pour le contenu e t le contenant qu'ils sont deux parties d'un tout. t a n d i s

que être dans en rapport aux parties veut dire que le contenant et le

contenu sont envisagés chacun comme étant une seule chose, Ainsi, e n

tant que tout relativement à autre chose. le tout est dit être en lu i -même

- le corps est dans la surface du contenant comme dans un lieu -. puisque ses parties sont en lui comme dans un tout. Par contre. une chose

ne peut aucunement être à I'intérieur d'elle-même relativement à soi,

parce qu'il faudrait que le contenant et le contenu soit I'un et l'autre: p a r

exemple, que le vase soit vase et vin, e t le vin, vin et vase-

Aussi, il est impossible qu'une chose se trouve à l'intérieur d'el le-même,

car le contenu et le contenant, pris au sens propre sont différents: d e

manière que le lieu n e pourrait être ni la matière ni la forme. puisqu'il e s t

différent de ce qu'il contient - le vase n'est rien de ce qui est en lui: a u

contraire, la matière et la forme sont parties constituantes de ce qui e s t

dans le lieu.

Comme rien du corps ne correspond au lieu, ce qui demeure. une fois le

corps retranché, l'intervalle vide occupé par le corps. pourrait-il être le

lieu?

Non, le lieu ne peut être I'intervalle. D'abord. parce qu'il n'y a rien à

l'intérieur de l'extrémité du corps contenu dans Ie lieu. qui serait a u t r e

que le corps contenu. Ainsi, l'espace entre les deux côtés d'un vase O u

encore celui entre deux parties d'eau d'une masse contenue dans un vase

ne peut exister, sinon les lieux seraient infinis, puisque les parties fe ra ient

dans le tout ce que le contenu fait dans le lieu. Ensuite, l'espace entre les

extrémités du contenant n'est pas le lieu parce que le lieu serait ,

autrement, soumis au changement, attendu que, lorsque un corps c h a n g e

de lieu, l'espace qui coïncide avec ce corps changerait en même t e m p s .

Faute de quoi une partie d'eau se mouvant à l'intérieur d'un vase

emplirait deux lieux en même temps : le lieu où elle s'est transportée à

l'intérieur du vase et le lieu qu'occupe le vase dans ' a i Or, il e s t

impossible qu'il y ait deux lieux l'un dans l'autre.

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Alors, n'étant ni la forme, ni la matière du corps. ni l'intervalle vide

occupé par le corps le lieu doit nécessairement être le corps enve loppan t

dans lequel l'autre corps est inséré : « Le lieu ... est-.. la limite du corps

enveloppant ~ 5 6 . En fait, ayant rejeté du corps présent dans le lieu tout ce

qui était étranger à la nature du lieu, Aristote a été conduit à teni r

compte de l'espace du corps enfermé dans le lieu. mais cette absurdité lui

a fait rejeter cette position. Conséquemment, rejetant du contenant t O u t

ce qui ne parait pas se rapporter au lieu propre du corps enfermé. il est

amené à considérer la surface intérieure du contenant. la Iimite de 1 a

chose par laquelle le corps enfermé est touché.

Cependant, le genre découvert est-il correct? En le comparant a u x

propriétés du lieu déjà connues, l'essence dévoilée s'avère exacte. puis q u ' i 1

y a conformité entre le genre et les propriétés. En effet. si le lieu est 1 a

limite du corps enveloppant, la partie extrême qui touche et renferme le

corps peut être séparée de l'objet; le lieu n'est rien d e l'objet: le lieu n 'est

ni plus petit ni plus grand que le corps enfermés?: les corps peuvent ê t re

transportés par nature et reposer dans leur lieu propreï8: finalement. i l

correspond fidèlement à L'essence entrevue partiellement au début de 1 a

recherche : le lieu est L'enveIoppe première - toutefois. ce genre es t

maintenant précisé, il est l'enveloppe première séparée de la chose.

Un problème demeure : de quelle limite s'agit-il? E s t 4 question de l a

limite des parties dans le tout ou de la limite du tout dans le lieu'?

s6 21235 57 = En outre le lieu est avec la chose. car avec le Limité, la limite ,, (212a29). C'est-à-dire l a limite du contenant et la limite de t'objet sont concomitantes, Leurs rxtrémit is se rouchent. i l s ont les mêmes extrémités. j8 Effectivement. u Conséquence : le centre du ciel et l'extrémité (celle qui est de notre côté) du transport circulaire sont admis comme étant, pour tous, au sens kminent. L'une le haut . l'autre le bas : en effet. l'un demeure éternellement: I'autre, L'extrémitS de l'orbe. demeure e n ce sens qu'elle se comporte de la même rnanih-e; par suite, puisque le Léger c'est ce qui e s t transporté natureHement vers le haut, le lourd vers Ie bas, Ie bas c'est la limite enveloppante qui est du côte du centre, c'est aussi Ie corps central lui-même; le haut. celle qui est du côté d e l'extrémité et aussi le corps extrême ,, (212a21-27).

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2 O Puisque le mouvement est la condition nécessaire à la connaissance d e

l'existence du lie@, il y a Iieu quand un corps se meut, à savoir lorsque le

corps est détaché et simplement en contact avec l'enveloppe, laquelle

n'est pas partie du contenu, mais égale au corps. puisque les extrémités

des choses en contact sont jointes60. Aussi, quand il y a continuité e n t r e

les parties entre elles et entre Ies parties et le tout. ces parties n'ont pas d e

Iieu propre, attendu qu'elles forment un tout continu avec le corps, c 'est

le tout qui est localisé6~. De manière que, lorsque le corps (le tout) se

meut, les parties ne se meuvent pas en lui mais avec lui6?. Alors, le l ieu

est la première limite immobile du contenant : Le lieu est un vase q u ' o n

ne peut mouvoir ~ 6 3 , car il contient le mouvement des corps. mais il ne se

meut pas lui-même, puisque, s'il était mobile, il y aurait un lieu du lieu:

en effet, un vase mobile serait un lieu pour ses parties mobiles en lui.

Par exemple, quel est le lieu de personnes se déplaçant sur un nav i re

voguant sur un fleuve? Le lieu des gens est le fleuve. En effet, les ind iv idus

et le navire sont dans l'eau comme le serait de l'eau dans un vase. Ils s o n t

comme les parties d'un tout dont l'enveloppe est continue avec le corps .

Tandis que l'eau, le navire et les gens, qui constituent un tout. o c c u p e n t

les limites immobiles, le fleuve; ils sont considérés comme un t o u t

(contenu) contigu au contenant (fleuve). c'est-à-dire comme un corps

occupant un lieu.

Ainsi, le lieu n'est pas n'importe quelle limite du corps enve loppant ,

mais précisément la limite immobile, témoin immuable des corps se

59 N D'abord. il faut réfléchir qu'aucune recherche ne serait instituée sur le lieu s'il n'y avait pas une espèce de mouvement selon le lieu ... )> (21 la12).

« ... le lieu est.., la limite du corps enveloppant. J'entends par corps enveloppé celui qui e s t mobile par transport » (2L2aS-6). -

En effet, il est impossible que ce vers quoi il n'y a pas mouvement et qui n'a pas comme différence le haut et le bas soit le lieu >> (210a3-4). 6o 211a32-34 61 21 La29-32. Les parties d'un tout ont toutefois un lieu en puissance : la partie. à moins qu'elle n'ait sa place distincte. ne sera pas dans un lieu mais dans le tout ,, (214b24). 62 211a36 63 21 la14

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2 1 succédant au même endroit. L'immobilité s'avère bien être une qua1 i té

essentielle du lieu. étant donné qu'elle a trait à la surface. à l ' e n ~ e l o p p e ~ ~

Donc, de ces recherches pour trouver le genre et la différence spécif ique.

il ressort que « le lieu est la limite immobile immédiate de l 'enveloppe»65.

En d'autres termes, le lieu d'un corps est la partie extrême immobile d e

son contenant qui touche e t renferme ce corps. Aussi y-a-t-il l i e u

seulement quand un corps a hors d e Lui un corps qui I ' e n ~ e l o p p e ~ ~ . D ' o ù

la difficulté à localiser l'univers, question à laquelle Aristote se penche à la

fin du livre N 6 7 .

Ce bref résumé des principaux arguments conduisant à la définition d u

lieu physique a contribué à percevoir s a nature ainsi que L'importance d e

la dialectique dans cet effort de définition. Mais cette exploration s e r v i r a

aussi ultérieurement à mieux connaî t re le lieu dialectique e t son rô l e

pour la raison en recherche - la raison mobile -, car la nature du l i e u

physique e t son rôle dans l'existence d e l'être mobile est analogue à 1 a

nature et au rôle du lieu dialectique.

1.2. Le lieu dialectique

Aussi, l'examen du lieu dialectique, qui va suivre, montrera comment se

réalise cette analogie. Or, le lieu dialectique est au cœur de la d é r n a r c h e

dialectique. C'est lui qui confère une essence particulière au r a i s O n n e m e n t

dialectique en tant qu'assistance méthodique à la découverte de l'attaque.

Si bien qu'Aristote en fait la préoccupation fondamentale de la méthsde :

<< Si nous pouvons saisir le nombre et la nature de ce à q u o i [mènent] les raisons, [saisir] aussi de quoi elles [procèdent], puis

64 M .. le lieu parait être la surface et c o m m e un vase : une enveloppe n (212a28). 65 212a29

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2 2 comment nous nous en munirons en abondance. nous t i endrons déjà notre propos de manière suffisante »Ga.

Car l'énumération des lieux dialectiques constitue l'aide principale q u i

permet de se munir en abondance des prémisses dont procèdent les

raisonnements dialectiques, en ce qu'ils permettent d'abonder e n

raisonnements inférant la conlusion visée.

Avant d'analyser la fonction du lieu dialectique. et par ricochet s o n

essence et ses propriétés. il faudra d'abord rappeler en quoi consiste u n e

démarche dialectique.

1.2.1. La démarche dialectique : problème et principes

Au centre de la démarche dialectique, il y a le lieu d'où p rocède

l'attaque; mais pourquoi doit-il y avoir attaque, et in te 1 lec tue l lement

qu'est-ce que cette attaque?

L'attaque, et de fait la dialectique, s'élabore suite à une prise d e

position - position initiale - sur un pro blème69 - par exemple. est-ce

que tout plaisir est bon, ou pas? - devant lequel l'on ne sait laquelle d e s

contradictoires adopter. parce qu'aucun jugement légitime n ' e s t

immédiatement possible sur l'énoncé en question : on ignore au départ ce

qu'il en est. Conséquemment, la raison demeure en tension e n t r e

l'affirmation et la négation de l'énoncé. soit parce qu'elle manque d e

motifs pour adhérer à l'une ou l'autre, soit parce qu'elle abonde en mot i f s

68 Topiques. 1. 4. 1Olbl l -13 69 Probkme soit de nature ethique. en vue de choisir le bien et d'éviter le mal : le plaisir est-il ce qu'il faut choisir'? soit de nature théorique. en vue de la connaissance pure : le monde e s t - i l éternel ou non7 soit de nature logique (Topiques. 1. IL. 104bl-11).

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S 3 pour adhérer à l'une comme à l 'autre70. On ne fera toutefois a u c u n

problème de ce qui est trop manifeste ou de ce qui est trop difficile7'.

Par contre. nous avons du sujet e t de l'attribut. c'est-à-dire des t e rmes

du problème des conceptions familières - les endoxes7' -. ces idées

formées par I'expérience rationnelle, qui nous viennent spontanément à

l'esprit, concernant les choses et leurs propriétés, quoique sans par fa i te

évidence73, quand l'on s'interroge sur la relation d'un sujet et d ' u n

attribut. La connaissance qu'apporte l'endoxe est u n jugement sur la

composition ou la division d'un sujet et d'un attribut. connaissance

rendue familière par les efforts antérieurs pour connaître Ie sujet. Elle est

la conception formée par la raison à propos d'un sujet en en f a i san t

connaître l'accident. ou le genre. ou la définition. ou le contraire. ou le

semblable, etc.. dans un progrès vers une connaissance de plus en p l u s

adéquate de la chose que représente le sujet7.'. Par suite. cette prise sur les

choses permet de toucher à tout être, étant donné que celui-ci est C O n nu

selon les différentes modalités d ' a t t r i b u t ion75. Et Ia légitimitk de ces

représen- tations de la raison provient de la nature même de la raison.

Topiques. 1. 1 1. 104b 1-5. En réalitb. les problèmes examinés ne sont pas i-ierges. Une d e s contradictoires est déjà pressentie comme endoxale et l'autre comme paradoxale. Ils son t considérés comme problème en vue de vérifier les acquis (Pelletier. 1991. p. 315). 7 1 K La discussion ne doit donc porter ni sur des choses dont la démonstration est toute proche. ni sur celle dont le sujet est par trop tiloigné : dans le premier cas. i I n'y 3 pas difficulté d u tout. et. dans le second. les difficuitks sont trop grandes pour un simple exercice bb (Topiques. 1. 1 1. LOSa7-9). 7 2 << Lorsque I'évidence requise à la science manque. la réaction spotiranée de In raison est d e faire confiance à sa propre n a t u r e . faite pour connaître le vrai. et proportionnke 5 cet te connaissance » (Pelletier. 1989, p. 606). 73 Il ne faudrait pas voir ici quelque caractere inné B I'endoxe: car il est reconnu par l ' espr i t seulement en tant qu'opinion. Iaquelle fut formée par l'expérience. 74 <c Le savant. pour faire la lumiere sur un objet. procède des principes et conclusions contenues sous l'art concerné; le dialecticien, pour sa part. procède des principes e t conclusions contenues sous la dialectique [sous la logique] pour parler des objets autres q u e celui qui esr. propre à 13 logique » (Pelletier, 1991, p. 55-56). 75 N La dialectique. du fait qu'elle s'enquiert de relations d'attributs qui appnrriennent I toutes choses, ne peut pas être limité à quelque genre-sujet déterminé. ni non plus Stre apte à démontrer quelque propriétk ou attribut déterminé de quelque sujet. Plut6t. elle virifie. p O u r n'importe quel sujet. ce qui lui convient comme son genre. son accident. son propre. s a définition » (Saint-Albert in 1 Elench.. tr. 5, c . 8; traduit par Y. Pelletier. 1991. p. 56) .

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2 4 qui s'incline spontanément vers le vrai et répugne au faux'% La

proposition endoxale, s'appuyant non pas sur la nature propre des choses

mais sur leurs représentations familières à la raison". a besoin que l 'on

vérifie sa légitimité. Aussi, doit-on la demander. c'est-à-dire vérifier s'il

s'agit de quelque chose qui est admis ou l'a déjà été ou serait facilement

admissible par tous. D'où la nécessité d'un dialogue par lequel c h a q u e

proposition éventuelle est demandée et par lequel la réponse témoigne d e

son caractère endoxal ou non.

1.2.1.1. La discussion : la position initiale, le propos initial et l'attaque

Dans les faits. cette discussion se déroulera en plusieurs étapes bien

identifiées : elle prend racine dans la position initiale et se déveIoppe

avec le propos initial auquel s'adresse l'attaque.

La première étape. dans l'examen du problème, est de choisir l'une des

contradictoires - Ia position initiale -, afin d'avoir quelque chose d e

tangible à examiner. Car il y a problème quand l'on ne sait pour laquelle

des contradictoires opter. soit parce qu'on a aucune opinion sur chacune,

soit parce qu'il existe des raisonnements contraires d'égale force, soit pa rce

76 . --- ce nVest pas un instrument négligeable que de pouvoir embrasser d'un coup d'œil. ou d'avoir déjà embrassé, Ies conséquences qui resultent de l'une et de l'autre hypothèses; car i l ne reste plus qu'il faire un juste choix entre les deux. Mais. pour une tâche de cette sorte, i 1 faut une heureuse disposition naturelle. et cette heureuse disposicion naturelle n'est pas e n réalité autre chose que la faculté droite de choisir le vrai et d'éviter le faux. Or c'est 18 ce q u e tes gens bien doués sont capables de faire : car, par une attirance ou une répugnance heureuse pour ce qui leur est proposé. il savent fort bien juger ce qui leur est meilleur » T o p i q u e s . VIII. 14. 163b9-16. 77 << Le dialecticien. c'est celui qui r e g a r z réellement les [choses] communes >> (Réfurarions S o p h i s t i q u e s , L 1. L71b6).

L'endoxe concerne ce qui, vrai ou faux, peut aussi toutefois Eue autrement. C'est ce q u i vient en réponse lorsqu'on demande la prémisse immédiate et non nécessaire » ( S e c o n d s Analy t iques , 1. 33, 89a2-4).

K Aussi le dialecticien ne va-t-il jamais pouvoir adhérer à ses principes comme à s e s conclusions qu'en gardant quelque crainte que la vérité ne réside dans leurs contradictoires (Pelletier, 1991. p. 56).

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que l'opinion du vulgaire est contraire au sage, soit parce qu'il y a

désaccord parmi les sages ou les vulgaires78.

Cette position initiale fixera le propos de l'examen: en d'autres termes,

toute l'argumentation élaborée au cours de la discussion tendra vers u n e

conclusion; toutefois, ce ne sera pas la position initiale qui constituera 1 a

concIusion visée, mais plutôt sa contradictoire.

Or, mettre à l'épreuve la position initiale sera plus l'attaquer que 1 a

confirmer, car il est plus facile, rationnellement ou d'une autre façon. d e

détruire que de construire, une faille suffisant à détruire le tout :

De l'extérieur, il est toujours plus facile de détruire que d e construire. C'est qu'on n e peut s'assurer qu'une chose est bon ne qu'en en voyant bons tous les éléments et tous les aspects, tandis qu'il suffit d'en avoir un seul mauvais pour la savoir mauvaise ~ 7 9 .

Ainsi, l'examen d'un problème intellectuel comporte b e auc O u p

d'agressivité, il est une discussion et l'argument constituant sa charpente

est naturellement une a t t aque80. Cette attaque, qui vise le renversement

de la position initiale, s'effectuera de préférence par la ré fut a t io n.

argument dont les prémisses concluent la contradictoire de la position à

I'examengl, parce que c'est là l'inconvénient le plus puissant et le plus

direct, du fait qu'il est la contradiction de l'énoncé à renverses?

'* Topiques , I . LI, 104b2-5. 11-17 79 Pelletier, 1991. p. 134-135 *O a C'est une attaque un syllogisme dialectique u (Toopiql'es. VIII. I l . 151a16).

Car c'est bien ce à quoi mène l'usage d'endoxes : le dialecticien s'attaque à toute position: c'est son procéde naturel d'investigation; quelle que soit la position choisie face à un problème. 11activit6 dialectique consistera à l'attaque Le plus brucalement possible ,* (Pelletier, 1991, p. 138).

Premiers Analyripues. I I . 20, 66b 10- 1 1 82 La réduction A l'absurde et le paradoxe. inconvknients moins puissants que la réfutat ion. sont plus rarement utilisds. La réduction à l'absurde consiste à traiter la position in i t i a le comme une prémisse de l'argument. auquel est joint une autre proposition hautement endoxale. lequel argument mène a une conclusion fausse. du fait de la fausseté de la position initiale. Le paradoxe se construit de la même façon que la réduction à l'absurde. mais la conclusion est i c i paradoxale, c'est-à-dire elle est nettement opposCe à un énoncé hautement endoxal.

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Pour construire ce syllogisme, il s'agit de trouver le moyen terme d e

l'énoncé à conclure. Aussi. la force du syllogisme dialectique. et p a r

conséquent de l'attaque, tient, comme pour le syllogisme démonstratif. à

la fermeté de la matière et à la rigueur de la forme. Car le sylIogisme

dialectique participe de la structure universelle de tout argument :

«Le syllogisme est un discours dans iquel. certaines choses é t a n t posées, une autre chose différente d'elles en résulte nécessairement, par les choses mêmes qui sont posées d 3 .

Seulement, il diffère du syllogisme démonstratif par la matière. Le

syllogisme démontratif se compose de propositions vraies et nécessaires.

alors que le syllogisme dialectique est constitué d'endoxes.

<< C'est une démonstration quand le syllogisme part de prémisses vraies et premières, ou encore de prémisses telles que 1 a connaissance que nous en avons prend elle-même son origine dans des prémisses premières et vraies d4.

<< Est dialectique le syllogisme qui conclut de prémisses probables »85.

En d'autres mots, c'est ce qui donne aux propositions leur légitimité

comme points d'appui du raisonnement, qui varie. La démons t ra t ion

requiert des propositions évidentes, c'est-à-dire dont on ait l'évidence q u e

leur contenu est vrai et nécessaire. À la différence, l'attaque dialectique

cherche sa force dans des propositions rendues légitimes par le cons ta t

que c'est ainsi que tous, ou la plupart, ou les sages se représentent

spontanément les choses.

83 Topiqires. l00a25-27. Voir aussi Premiers Analyriques. 1. 1 . ZJb 18-20. 84 Topiques , 1. 1 . IOOa27-29 85 Topiques . 1. 1. 100a30

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2 7 En conséquence, l'attaque, et de fait Ia démarche dialectique. se polarise

dans la construction du syllogisme :

K ll nous faut donc indiquer d'abord ce que c'est u n syllogisme et quelles sont ses variétés, de façon à saisir ce qu'est le syllogisme dialectique, car c'est lui qui sera l'objet de no t re investigation dans le présent traité f i86 .

Par construction du syllogisme, il faut entendre la découverte d u

raisonnement en lequel consistera l'attaque. Et cela constitue une double

découverte, car il faudra bien sûr percevoir que telles propositions. tels

endoxes, permettent de conclure la contradictoire visée. Ce sera le lieu

dialectique qui rendra possible ce discernement. Mais. auparavant, i i

faudra disposer de propositions légitimes, d'endoxes. Et cela, ce sont les

instruments dialectiques, dans la terminologie d'Aristote, qui re n d r o n t

apte à s'en munir. L'enquête instrumentale s'accomplit en examinant les

endoxes portant sur les termes du problème et en les accumulant. Cette

étape préparatrice au choix de l'argument conditionne l'attaque. car celle-

ci sera d'autant mieux réussie que l'opération instrumentale aura été bien

Ce travail terminé, il est alors possible de choisir les

arguments les plus appropriés au problème.

1.2.2. La découverte de l'attaque

La puissance de l'examen d'un problème tiendra donc essentiellement à

la capacité de découvrir à quelle attaque s'expose la position ini t iale.

Cette découverte comporte obligatoirement deux étapes : découverte de s

endoxes qui concernent les termes du problème, puis discernement d e

86 Topiques, 1. 1. 100a21-75 87 <, L'œuvre la plus spécifiquement dialectique réside dans la production de l'argument: mais le recueil de la matiere endoxale constitue pour elle un préalable absolu u (Pelletier. 1991. p . 324).

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2 8 ceux parmi ces endoxes dont s'infère le propos. c'est-à-dire Ia contra-

dictoire de la position initiale.

1.2.2.1. L'instrument dialectique

La découverte des endoxes se réalise en plusieurs étapes. ou ins t ruments

- l'acquisition des propositions. la distinction des sens possibles des

termes, la découverte des différences et l'examen des ressemblances - recelant pourtant une unité profonde, du fait qu'elles concourent chacune

à repérer des endoxes.

<< Quant aux instruments qui nous procureront en abondance des raisonnements. ils sont au nombre de quatre : le premier. c'est l'acquisition des propositions: le second. c'est Ir pouvoir d e distinguer en combien de sens une expression particulière est prise: le troisième, c'est la découverte des différences: et le quatrième, l'examen de l'identité. Ces trois derniers i n s t ru me nt s sont aussi. en un certain sens. des propositions. car on peut. pour chacun d'eux. faire une proposition ... -as-

En premier, i l s'agit de trouver les endoxes et de les ordonner - premier

instrument. En fait, il faut choisir parmi les énoncés formés sur le sujet

ceux convenant à la recherche. Ces endoxes se reconnaissent à l a

sympathie que l'on éprouve à l'égard d'un énoncé, à la difficulté de le

refuser, parce qu'accepté par tous. ainsi qu'à sa constance - rndoxe

absolu.

<< Comment reconnaître, sans évidence directe. ce qui a toutes les chances de se conformer à la vérité des choses .? À ceci q u e son énoncé mer la raison à l'aise et lui est d ' e m b l é e s y r n p a r h i q u e ; à ceci qu'il lui serait pénible de le contester e t qu'elle s'en sentirait ridicule d g .

88 Topiques. 1. 13. 105a21-26 89 Pelletier. 1991. p. 10

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« On reconnaît immédiatement ces énoncés naturel lement probables, à ce qu'ils portent le sceau de tout ce qui est naturel : la constance, la régularité. la fréquence; tout le monde Ies admet sans discussion, ils représentent ce qu'on s'attend à e n tendre dire sur un sujet >>go.

Cependant, parfois. i l n'y a pas d'énoncés admis par tous parce que le

sujet est trop difficiIe. Dans ce cas, il faut s'adresser aux gens aptes à

traiter du sujet en question : les sages, et parmi ceux-ci soit tous. soit 1 a

plupart, soit les plus notables. Et le sujet porte-t-il sur un thème très précis, il faudra recourir aux arts et aux sciences concernées. Puis. s'il n'y a

ni opinion commune ni celles de sages, il faut admettre celIes qui

ressemblent aux opinions communes ou des sages. ou encore les

propositions qui contredisent les contraires des opinions tenues c O m me

endoxalesgl.

Et une fois les endoxes pertinents recueillis, ils doivent être ordonnés,

afin d'en faciliter le choix pour l'attaque. selon plusieurs niveaux

d'ordonnance : ordre des valeurs endoxales, appréciation des propos i tions

d'après leur degré d'endoxalité; ordre selon le genre d u problème. chaque

proposition est rattachée au genre dont relève son sujet. rangé lui-même

sous le genre suprême dont il procède, dans un ordre décroissant

d'universalité; ordre selon l'intimité de l'attribut. chaque proposition est

marquée selon la modalité d'attribution qui la caractérise: ordre selon le

genre de problème, problème éthique, physique et logique.

Ensuite, dans le but de s'approcher de la nature des choses discutées, er

d'obtenir ainsi les propositions les plus appropriées, on observe les

ressemblances - quatrième instrument - et les différences - troisième

instrument - des endoxes accumulés. La recherche des ressemblances

entre les attributs de sujets divers sert à situer le genre. modali té

d'attribution nécessaire à la définitiong2, et à trouver les ressemblances

Pelletier, 1989. p. 606 9 1 Topiques . 1. 1. 100b22-23; 1. 10. 104a7-15 92 K Enfin la recherche des ressemblances est utile pour fournir les définitions. du fait que. e n étant capables d'apercevoir ce qu'il y a d'identique dans chaque cas. nous ne serons pas e n

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3 O nécessaires à l'induction, au raisonnement par supposition et à I'analogie.

Puis, afin de marquer les différences à l'intérieur du genre. et ainsi

atteindre l'essence de la choseg3, iI faudra examiner des différents sujets

ayant des attributs identiques les autres attributs également admis p ou r

ces sujets.

Finalement, il faut distinguer, parmi les sujets auxquels 1 'op in io n

reconnaît un même attribut, si certains n e sont semblables que de nom - deuxième instrument - , vu que, souvent, la composition d'un m ê m e

attribut à plusieurs sujets exprime des natures différentesg4.

Cette quête des endoxes par les instruments dialectiques s'inscrit d a n s

un dialogue. intérieur ou non. servant à les concevoir et à les discerner. En

effet, chaque proposition dialectique est une demande et une réponse

dans l'intention de savoir si l'énoncé est endoxal ou pasg5. La d e m a n d e

consiste à concevoir I'endoxe, concernant le sujet et l'attribut d u

problème, et à le soumettre à l'assentiment rationnel. La réponse apprécie

la valeur endoxale de la demande en vue de l'accorder ou de la refuser.

Pour certifier la rigueur de la proposition, la réponse tendra à chercher

tous les motifs valables de la refuser. Les critères d'exigences pour accepter

une proposition sont la clarté : y a-t-il homonymie? ou encore

amphibologie? comprend-t-on bien Ie sujet et I'attribut? l'endoxalité :

I'attribut apportant connaissance sur le sujet est-il déjà admis de tous

(endoxe absolu) ou au contraire la discussion s'inscrit-elle dans le cadre

peine de savoir h quel genre nous devons rapporter la chose en question quand nous l a définissons, car. parmi les prédicats communs, c'est celui qui appartient le plus h l 'essence qui sera le genre » ( T o p i q u e s . 1. 1 . 108619-23)- 93 N .-. elle est utile en vue de la connaissance de l'essence. du fait que nous d is t inguons d'ordinaire la définition qui est propre à Ia substance de chaque chose. au moyen d e s difftrences propres à cette choses >, ( T o p i q u e s . 1, L8. LO8b3-6). 94 '< On doit pouvoir distinguer pour chaque chose attribuée, si elle recouvre des natures d e plusieurs ou d'une seule espèce : est-ce que cela se dit de plusieurs manieres ou d'une seule . quant à l'espèce'! » ( T o p i q u e s . 1, 15, 106a9). 95 M Une proposition est l'une ou l'autre partie d'une tnonciation, quand eIle attribue un s e u l predicat à un seul sujet : elle est dialectique, si elle prend indifféremment n'importe que l Ie partie; elle est démonstrative, si elle prend une partie déterminée parce que cette partie e s t vraie » (Seconds Analytiques, 1, 2, 72a8-11). Voir aussi Réfiltarions S o p h i s t i q u e s . 1 1, 1 7 2a 1 5 - . 3 1 .

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3 1 particulier d'une recherche déjà entamée (endoxe relatif)? et 1 a

pertinence: voir si la demande est hors propos.

Donc, l'attaque se révèle le moyen le plus efficace pour progresser vers

la vérité quand l'on ne peut encore s'appuyer sur l'évidence directe de l a

nature propre à la réalité visée. Or. le syllogisme dans lequel elle s ' incarne

exige une force destructive extrême. D'où le besoin d'une méthode p o u r

découvrir et accumuler les propositions endoxales susceptibles de fo rmer

les prémisses du syllogisme ainsi que leur sélection en vue de l ' a t t aque .

Bien qu'indispensable, l'opération décrite par les instruments d ia iec t iques

n'est que l'étape préliminaire à la formation du syllogisme. la p h a s e

décisive, la mise en forme du syllogisme. s'accomplit lors du choix d e s

énoncés endoxaux qui formeront les prémisses du syllogisme. Mais

comment s'effectue cette sélection prochaine des endoxes en vue d e

l ' a t t aque?

1.2.2.2. Le lieu dialectique

La sélection des endoxes les plus pertinents. c'est-à-dire les plus agressifs

se réalise grâce au lieu dialectique. En vue de connaître le fonc t ion nemen t

de cette opération ainsi que de comprendre ses affinités avec le 1 ieu

physique. on devra comparer l'essence du lieu dialectique et ses propr ié tés

avec l'essence et les propriétés du lieu physique rappelées au début d u

chap i t r e .

Le choix des prémisses d'un raisonnement à l'aide des lieux d ia lec t iques

s'accomplit spontanément. 11 ne nécessite pas absolument une connais-

sance technique. car tous possèdent l'expérience rationnelle d i s t i n g u a n t

les affinités et les répugnances entre les divers concepts formés p o u r

connaître les choses, même si cette expérience s'est développée à d e s

degrés divers chez chacun :

<< Tous participent [à la dialectique] d'une certaine manière. c a r tous, jusqu'à un certain point, s'essaient à examiner et à soutenir une raison ... Bien sûr, la plupart, le font les uns a u

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3 2 hasard, les autres grâce à un habitus développé à travers u n e accoutumance »96.

La méthode topique consiste simplement à décrire et à ordonner les lieux

dont la capacité naturelle de la raison use plus ou moins a d r o i t e m e n t

afin d'assurer la réussite du raisonnement - l'inférence.

<< La dialectique comme science, donc, et spécialement c o m m e science du lieu, décrit Les Iieux dont on se sert déjà, pour e n favoriser un usage pius efficace. Son rôle se compare à celsi d e la grammaire qui, exprimant e t ordonnant les règles déjà e n usage dans le langage ordinaire, en arrive à aider même le meilleur écrivain ~ 9 7 .

1.2.2.2.1. Nature et fonction du lieu dialectique

Le lieu naturel détient une certaine puissance : chaque être naturel s e

porte vers son lieu propre, s'il n'en est pas empêchégg , car c'est Ià qu ' i l

trouve réaIisées les conditions de sa meilleure existence. Réciproquement ,

à chercher un être on est dans une disposition supérieure pour le t rouver

si on en connaît le lieu propre. Le chasseur, par exemple, découvre

d'autant mieux son gibier qu'il en connaît l'habitat naturel. Devant u n

problème intellectuel, pour lequel l'on doit découvrir la solution et les

arguments qui y conduisent, il se passe quelque chose de semblable. C'est

cette ressemblance qui va amener à parler de lieu dialectique.

La raison, comme déplacée, dans un problème, est n a t u r e l l e m e n t

attirée vers ce qui infère sa solution, elle tend vers les conditions où s e

réalisera le mieux son bien : la vérité et ce qui s'en approche le plus. En

somme, ces conditions constituent son lieu propre, son habitat. De 1 a

même façon que la chose n a t u r e l l é tend vers son lieu propre quand el le

96 Rhétorique, 1. 1, 1354a3-7 97 Pelletier. 1991. p. 291 98 P h y s i q u e , IV. 5, 212b29-33

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3 3 n'y est pas e t cherche à y demeurer, la raison tend naturel lement à se

situer en certains lieux où elle peut reposer son jugement. Ce lieu a u q u e l

tend naturellement la raison dans un problème. c'est celui où el le

trouvera les prémisses pert inentes pour conclure la contradic toi re de 1 a

position initiale. Cette sélection des prémisses du raisonnement. opération

naturelle de la raison, visant à conclure l'opposé de la position in i t i a le

tient dans l'inférence. Aussi, la découverte de celle-ci est-elle assimilée à l a

découverte du lieu d'où partira l'attaque.

L'inférence, c'est le mouvemen t de la raison tel que décrit par le

principe général du syllogisme, le principe dici de omni. dici de nul10 :

K Quand trois termes sont l'un par rapport à l 'autre tels que le dernier est dans le moyen tout entier et que le moyen est. O u n'est pas, dans le premier tout entier. il y a néces sa i r emen t . liant les extrêmes, un raisonnement parfait -99.

Plus simplement, le lieu commun de la raison. où doivent p r e n d r e

place tous ses jugements sur la réalité, c'est la cohérence. c'est-à-dire le

respect du principe de non-contradiction; à l'opposé. la contradic t ion e s t

le domaine de l'irrationnel, où on ne peut trouver ni la raison ni la véri té.

Le principe dici de ornni, dici de nullo, qui fonde tout r a i s o n n e m e n t .

énonce seulement la nécessité, sous peine de contradiction. de r e c o n n a î t r e

un rapport d 'at tr ibution entre deux termes extrêmes. quand ils

entretiennent chacun un rapport d'attribution avec un troisième terme - sujet universel d'un attribut, dans l'affirmation ou la négation. et a t t r i b u t

d'un autre sujet -, appelé pour cette raison à jouer le rôle d'intermédiaire

entre eux.

En sorte que toute recherche de raisonnement, comme dans u n e

discussion pour réfuter une position initiale. vise à découvrir q u e 1 q u e

moyen terme dont la relation connue avec les termes du problème oblige,

sous peine de contradiction, à composer ou diviser ceux-ci.

99 Premiers Anaiytiques. 1. 4. 25b31-34

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<< Il n'y aura jamais aucun raisonnement liant un [terme] à u n autre, sans qu'on en ait obtenu un moyen qui ait un r a p p o r t d'attribution à l'un et à l'autre. Car, absolument. le raison- nement procède de propositions, le raisonnement liant à ceci procède des propositions sur ceci. et ceIui liant cela à ceci procède des propositions sur [le lien] de cela à ceci. Mais il e s t impossible d'obtenir une proposition qui lie à B sans qu'on n e lui attribue ou qu'on n'en nie rien, ou encore de lier A à B sans obtenir rien de commun, mais en attribuant ou en niant d e s [termes] propres à l'un et à I'autre- De sorte qu'on devra ob ten i r entre les deux attributs [propres] un moyen qui les lie. si doit e n sortir un raisonnement liant cela à ceci »100.

Pourtant, on ne saurait trouver facilement ce que l'on cherche en e n

connaissant seulement le lieu commun- Dire que quelque chose est d a n s

l'univers, sur la terre ou en Amérique aide peu à trouver précisément 1 a

chose recherchée. De même, il ne suffit pas de connaître qu'un a r g u m e n t

doit respecter le principe de non-contradiction pour le trouver s ans

difficulté. Par conséquent, il faudra préciser davantage le lieu des

arguments à découvrir.

La recherche des arguments devra se faire parmi les énoncés dont O n

connaît déjà Ia légitimité à propos du sujet et de l'attribut du problème-

Mais le principe de cette légitimité varie. S'il s'agit d'une évidence à

propos de la nature du sujet, on connaîtra alors la chose sur laquelle

porte la discussion, de sorte qu'il sera inutile de rechercher le lieu où l 'on

peut la rencontrer'ol. Cependant, à défaut de cette évidence. si l a

légitimité des prémisses tient à quelque chose d'extérieur à la mat iè re

qu'elles énoncent, comme l'est, par exemple. I'appro bation générale e t

spontanée de tous ou des sages, il faudra s'adresser également à quelque

chose d'extérieur pour juger de Ia cohérence entretenue avec la conclusion

' O 0 Premiers Analyt iques . 1. 23. 41a2-14 I O 1 a Le philosophe procede d6monstrativement. sur le commun dont nous avons parle [Tout. l'être comme tel, ses propriétés]. Et c'est pourquoi il lui appartient d'en avoir Ia science. et d e le connaître avec certitude. Car la connaissance certaine ou la science est l'effet de 1 a démonstration >* (Thomas d'Aquin. In TV Metap., 4. # 573; traduit par Y. Pelletier. 1991, p . . 27 1 ) .

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3 5 visée. Cette cohérence se trouvera dans les relations logiques reconnues

entre leurs termes et dans les possibilités ou les impossibilités de relations

d'attribution avec d'autres termes auxquelles réduit nécessai remen t le fai t

d'entretenir pareille relation logique102.

Ainsi. pour le syllogisme dialectique, l'inférence s'appréhende à travers

les rapports logiques entre les termes (mineur, moyen terme. majeur): d e

sorte que, dans la construction du syllogisme destructeur de la position

initiale, il s'agit de percevoir entre les deux extrêmes (mineur et majeur) ,

à lier ou à diviser, un lien logique avec le moyen terme. lequel oblige à

admettre l'union ou la séparation des termes de Ia conclusion.

Aussi faudra-t-il reconnaître parmi les endoxes accumulés ceux q u i

répondent à une telle implication, c'est-à-dire ceux qui c on d u i s e n t

nécessairement à la conclusion visée du fait que chaque relation entre les

termes du syllogisme comporte certaines implications rigoureuses q u a n t

aux relations que chacun de ses termes peut ou non entretenir avec

quelque autre terme.

<< La capacité dialectique consiste ainsi essentiellement à discer- ner. dans un problème. l'inférence logique nécessaire qu' i m p 1 i- quent les relations endoxales que ses termes entretiennent avec quelque autre terme. Le dialecticien parfaitement accompli sera celui qui, conformément à la définition aristotélicienne. discer- nera aisément, à propos d'un problème, tous ceux. parmi les endoxes accumulés, dont ce problème constitue une parei 1 le implication. Voilà le critère naturel grâce auquel le dialecticien découvre et sélectionne ses arguments : l'expérience c O rn m u ne des sympathies et des antipathies naturelles entre les divers formes de concepts par lesquels on se représente les choses

102 ,C ... le dialecticien juge qu'il y a ou non inférence en quelque sorte indépendamment d e s choses concernées, simplement grâce à l'expérience acquise des parentés et des ré p upnances toujours présentes entre les types de concepts par lesquels on se représente tes choses N

(Pelletier, 1991, p. 274). I O 3 Pelletier, 199 1. p. 274

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3 6 Par exemple. il est admis de tous que le chien esr rtn animal et. d e

même, que la notion animal s'attribue au chien comme son genre. c'est-

à-dire une notion commune de son essence. Puis. chacun. avec son

expérience rationnelle, saisit avec certitude que cette relation 1 ogique

introduit entre ses termes des affinités d'attribution. Celle-ci. par exemple:

tout attribut attaché essentiellement au genre va nécessairement

s'attacher aussi à son espèce. sous peine de contradiction. Par suite. si le

problème est de savoir si le chien éprouve des passions. en dressant la liste

des endoxes propres à ce problème, on tombera éventuellement sur le

suivant : four animal éprouve des passions. Le lieu du genre. c'est-à-dire

cette affinité d'attribution que nous venons de décrire suggèrera alors ce t

argument, qui donnera solution au problème :

Tout animal éprouve des passions

Tout chien est un animal (genre)

Tout chien (espèce) éprouve des passions

Si l'énoncé Z'animal éprouve des passions ne paraît pas imrnédiate-

ment, on trouvera que cet énoncé découle, par exemple, de l 'endoxe

suivant : l'animal est Lin vivant capable de connaissance et d 'appét i t

sensibles. Cet endoxe procurant une définition de l'animai, la solut ion

s'infèrera d'un lieu de la définition : cette affinité d'attribution qui fa i t

que la définition et le défini partagent les mêmes sujets et les mêmes

attributs. L'argument se structurera alors comme suit :

Tout vivant capable de connaissance et d'appétit sensibles

éprouve des passions

Tout animal est un vivant capable de connaissance et

d'appétit sensible (définition)

Tout animal (espèce) éprouve des passions -

Les lieux dialectiques sont donc ces affinités et répugnances d 'a t -

tribution rattachées aux différentes relations logiques qu'entretiennent les

termes d'un problème avec des termes communs.

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3 7 K Le Lieu dialectique est la conséquence, en matière d ' a t - tribution, qui découle, pour une notion. de ce qu'elle soit admise comme définition, cause. accident. semblable O u contraire. Il consiste en des alliances conceptuelles que p e r m e t ou que défend à une notion Le fait d'une précédente re la t ion endoxale avec une autre »104.

... le lieu est une affinité d'attribution arrachée aux corrélatifs - -

d'une relation logique >kl Os.

Le lieu naturel possède en propre les conditions de réalisation de 1 a

chose dont il est naturellement le Iieu; aussi, tant que la chose se t rouve

hors de ce lieu, tout son désir naturel d'être et d'être en sa perfection 1 a

pousse vers ce Iieu. C'est de Ia même façon que cette affinité d ' a t t r ibu t ion

entre définition et défini, ou entre genre et espèce. dite lieu dialectique.

possède les conditions de la réalisation du bien rationnel. La raison. d a n s

un problème, se trouve hors de son bien : elle n'énonce pas. elle n'affirme

ni ne nie. Aussi fort qu'elle désire naturellement juger et énoncer. elle tend

vers l'affinité d'attribution qui le lui permettra et le lui imposera m ê m e

en toute cohérence. Les lieux rationnels constituent ainsi comme la l imi te

extérieure immédiate de la solution d'un problème. et en sortir serai t

abandonner la cohérence pour se précipiter dans Ia contradiction: car, par

exemple, le lieu ce qui ne s'attribue pas à l'infériertr esselztiel d'rcrr srcjer rz e

s'attribue pas à ce sujet selon son genre circonscrit In substance de t o u t

argument où l'on peut retrouver cette matière. En plus. les lieux

rationnels sont séparables de l'argument constituant la solution comme le

Iieu naturel est séparable du corps qui y réside, car Ia description d e

l'affinité d'attribution n'entre ni dans les termes ni dans les propositions

de l'argument, puisque plusieurs arguments peuvent se succéder en u n

même lieu pour la solution de problèmes différents. Enfin. ils s o n t

immobiles, c'est-à-dire nécessaires, car les affinités d'attributions de 1 a

définition, du genre, des contraires sont toujours valides et demeurent les

104 Pelletier, 199 1. p. 275-276 105 Pelletier. 1991. p. 276

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3 8 mêmes, quels que soient les termes entre lesquels s'entretiennent pare il les

relations, sinon aucun argument ne pourrait être découvert avec les lieux.

Si les lieux dialectiques fournissent une aide aussi précieuse dans le

choix de prémisses capables d'inférer la conclusion visée. c'est qu'en e u x

réside toute la force de l'inférence même. Par exemple. tel attribut s e r a

Iégitimement composé à tel sujet, dans la conclusion, parce qu'on d i spose

d'endoxes où cet attribut est déjà admis en composition avec le genre d e

ce sujet. Connaissant déjà, par expérience rationnelle élémentaire, q u e

tous les attributs d'un genre s'étendent à ses espèces. on est forcé d e

conclure. L'essentiel d'une méthode dialectique topique consistera donc à

décrire, dans des maximes, de la manière la plus sobre et la p l u s

stéréotypée possible, chacune des implications attachées à chaque type d e

relation logique.

Aussi, la maxime décrit l'inférence e n une p h r a s e W Toutefois, il existe

une multitude d'inférences possibles à décrire. C'est pourquoi la m é th O de

se limite souvent - surtout chez des auteurs autres qu'Aristote - à les

rassembler sous l'étiquette de chaque genre de relation logique. Ainsi

seront-elles regroupées par genres ou différenceslo? Dans les Topiques, u n

lieu s'annonce par sa différence, son usage se décrit par un précepteLog. s a

force se justifie par une maxime, son mécanisme s'illustre par un O u

' O 6 Exemple. Maxime : ce qui s'attribue au genre s'attribue aussi à l'espèce. Signification d e cette maxime : il faut choisir une prémisse affirmant telle chose comme le genre d'une autre - Ic courage (espèce) est une vertu (genre); et un deuxième terme comme attribut du genre - 1 a vertu (genre) s'aquiert par l'exercice; donc, d'apres la maxime, I'attribu t du genre appar t ie nt aussi à L1esp&ce - le courage s'aquiert par l'exercice.

La vertu s'aquiert par I'exercice- Le courage est une vertu. Le courage s'aquiert par l'exercice.

Exemple. Les maximes suivantes : l'attribut du contraire répugne au contraire. le contra i re répugne au sujet du contraire, le contraire de l'attribut s'attribue au contraire du sujet. l e même sujet est susceptibIe des attributs contraires: se ramènent simplement à une relation d e contraire à contraire. c'est-A-dire le moyen terme entretient avec l'un des termes du probl5me une relation de contraire à contraire.

Exemple. Lieu : c'est la même chose qui est susceptible des contraires. Précepte : si la thèse a posé un accident qui a un contraire, il faut examiner si le sujet susceptible de recevoir l'accident est susceptible de recevoir les contraires. On constate par cet exemple que l e précepte fait le pont entre Ie lieu e t l'argument.

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3 9 plusieurs exemples, et ses limites ainsi que Ies circonstances de son uti l i té

sont marquéesIO?

Mais comment s'effectue Ia recherche des prémisses du ra isonnement

dialectique à l'aide du lieu?

1.2.2.2.2. Usage du lieu dialectique

De manière à matérialiser la nature et la fonction du lieu dialectique. i l

est indispensable d'illustrer son emploi concernant un problème précis.

Regardons un problème auquel Aristote a été confronté dans la Physique:

par exemple, celui pour lequel il cherche à savoir si le lieu naturel est 1 a

matière du corps qui s'y trouvei Io. où Aristote donne comme position

initiale qu'en effet le lieu est matièrelli.

Dans le but de tester cette position initiale, il faudra construire u n

syllogisme - l'attaque -, par lequel on tentera d'invalider la pos i t io n initiale, à l'aide des instruments dialectiques et des lieux dialectiques.

D'abord, il faut découvrir les endoxes susceptibles de composer le

syllogisme. Les instruments dialectiques, montrant la façon d 'accumuler

les endoxes, contribueront à cette tâche. Par souci de concision. O n

sollicitera ici seulement le premier instrument - l'acquisition des

propositions -, qui permet de discerner et ordonner les endoxes.

Pour accumuler les endoxes, il importe de recueillir les énoncés

touchant le sujet, le l ieu, et l'attribut, in matière, du problème :

Exemple. Difierence : du contraire. Precepte : examiner si ce qui est susceptibie d e l'accident L'est aussi du contraire. Maxime : un attribut ne peut convenir i un sujet auque l répugne absolument son contraire. "O IV, 2, 209b5-210a13

<< ... en tant qu'il semble être I'intervalle de la grandeur. le lieu est la matiere: c'est la. e n effet. une chose differente de la grandeur : c'est ce qui est enveloppé et déterminé par la forme. par exemple une surface et une limite » (Physique, IV, 2, 209b5-10).

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40 - le Iieu est séparable de la chose - la matière n'est pas séparable de la

chose

- Ie lieu contient une chose - l a matière peut changer de forme

- le heu est immobile - la matière est inséparable de la

forme

- le lieu n'est pas agent - la matière est sensible ou intelligible

- le lieu n'est pas cause - la matière est corruptible

- l a matière est cause intrinsèque

D'emblée, ces énoncés apparaissent endoxaux; on évitera ici de passer

en revue leur niveau d'endoxalité, comme notre intérêt actuel e s t

d'observer comment interviendra le lieu dialectique.

Afin de classer les endoxes et aussi de permettre le choix de ceux q u i

conviendront à l'élaboration de l'attaque, il est indispensable de faire

ressortir les relations logiques en jeu dans chacun des endoxes :

- le lieu n'est pas agent (genre)

- le lieu n'est pas cause (genre)

- Ie lieu est premier (différence)

- le Iieu contient une chose (conséquent)

- Ie lieu est séparable de la chose (conséquent)

- le lieu est immobile (conséquent)

- la matière n'est pas séparable de la chose (conséquent)

- la matière peut changer de forme (conséquent)

- la matière est inséparable de la forme (conséquent)

- la matière est corruptible (conséquent)

- la matière est cause intrinsèque (conséquent)

- la matière est sensible ou intelligible (division) -

À propos de ces endoxes, il s'agit de déceler quelle relation logique

impliquée dans les endoxes en rapport au sujet et à I'attribut infère q u e

l'attribut matière répugne au sujet lieu. De la comparaison des endoxes

du lieu avec ceux de la matière ressort ainsi un terme commun - la

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4 1 puissance de se séparer dri corps -, capable de constituer Ir moyen terme

du syllogisme recherché- Ainsi. les énoncés le lieu est séparable de la chose

e t la matière n'est pas séparable de la chose peuvent inférer Ia conclusion

visée, le lierc n'est pas rnatière.

La matière n'est pas séparable de la chose (conséquent)

Le lieu est séparable de la chose (conséquent)

Le lieu n'est pas matière (genre)"'

Concernant la forme, ce syllogisme est valide. il correspond à l a

deuxième figure, puisque dans la majeure le sujet est regardé en toute s o n

aptitude propre à s'assujettir. il y a une proposition négative. et Ie m o y e n

terme est l'attribut dans la majeure et la mineure :

« Si les termes sont universels, il y aura syIIogisme toutes les fois que le moyen appartient à un sujet pris universellement, e t n'appartient pas à un autre sujet pris universellement. quel q u e soit celui des deux qui est négatif : autrement. pas de sylIogi- sme 4 1 3 .

Mais quel critère permet à Aristote de discerner la pertinence de ces

termes comme moyen? En d'autres mots, en quel lieu découvre-t-on ce t t e

attaque contre la position initiale, le lierc est rnatière? Quel critère le

révèle? C'est sur l'affinité d'attribution encre conséquent et an t écéde n t . Effectivement, ces corrélatifs ne peuvent être l'un sans l'autre : là o ù e s t

présent l'antécédent, son conséquent l'est forcément: de sorte qu'il e s t

impossible d'identifier l'antécédent à un terme auquel répusne le

conséquent. Or, la mineure affirmant que le lieu se sépare de sot2 c o n t e n u

est vite devenue endoxale à l'observation qu'air et eau et autres con t enus

peuvent se succéder dans le même lieu, et présente cette puissance

lz K Qu' il est impossible que le lieu soit l'une ou l'autre [forme ou matiere]. ce n'est p a s difficile h voir. En effet. la forme et la matière ne se séparent pas de la chose. tandis que le lieu le peut, car 18 où il y avait de I'air, 18 même vient ensuite de I'eau. l'eau et l'air se remplaçant mutuellement, et les autres corps pareillement ... En tant. donc. que separable de La chose, l e lieu n'en est ni la forme ni la matière » ( P h y s i q u e , IV. 2. 209b21-24).

l 3 Premiers Anolyriques. 1. 5. 27a2-4

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4 2 comme un conséquent inséparable du lieu. Et la majeure exprime Ia

répugnance de La matière pour ce conséquent. Tout ceci contribue donc à

mettre en place les éléments menant à la conclusion que la matière n e

saurait sans contradiction s'attribuer au lieu.

L'analyse de cet argument a permis de présenter concrètement l a

découverte de l'attaque et de l'inférence qui Ia constitue. Au deuxième

chapitre, c'est précisément ce travail qu'on étendra à tout l'examen d e

l'existence du lieu naturel. On se concentrera sur le rôle du lieu

dialectique, dans cette découverte, et on fera abstraction de l'enquête q u e

demandent les instruments dialectiques.

Conclusion

Au terme de cette observation sur les lieux diaiectiques, il appert q u e

l'homonymie avec le lieu physique est loin d'être fortuite. Toutefois, i l

s'agit d'une analogie et non d'une parfaite identité d'essence :

« Lieu naturel et lieu dialectique ont des affinités, mais sont, e n définitive, d'essence différente et ne se comparent pas c o m m e les deux espèces d'un genre unique d l 4 .

Finalement, la dialectique s'avère fort utile pour connaître les choses

dont nous avons une vague compréhension. Sans cette méthode, l a

définition du lieu dans la Physique aurait été impossible. En effet, celle-ci

a été obtenue grâce à Ia construction de syllogismes agressifs ayant p o u r

but de tester la solidité des énoncés voulant définir le lieu. Bien que 1 a

dialectique comporte plusieurs étapes en vue de construire le syllogisme

de L'attaque, les lieux dialectiques constituent le cœur de leur compo-

sition. puisque c'est avec Leur aide que s'effectue le choix des prémisses

pertinentes. Et ceci grâce au critère d'après lequel on peut discerner

l'aptitude d'un terme commun à deux extrêmes - sujet (mineur) e t

- - - - - --

Pelletier. 1991. p. 289

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4 3 attribut (majeur) - d'un problème à leur servir de moyen terme p O u r

juger la nécessité de conclure à leur composition ou à leur division. Ce

critère tient à l'affinité ou à la répugnance d'attribution entre corrélatifs

d'une relation logique présent dans tout syllogisme dialectique en t a n t

que lieu, c'est-à-dire sans être partie de l'argument qu'il suggère. mais e n

lui fournissant les conditions de la cohérence en laquelle tient le bien d e

la raison. L'usage des lieux terminé, les prémisses choisies peuvent ê t re

posées dans le syllogisme menant à la destruction de la position initiale

- prémisses nécessaires115 -, ou encore, si elles ne sont pas assez claires,

elles seront appuyées soit par un syllogisme. une induction ou un exemple - prémisses paranécessaires.

Néanmoins, un regard sur l'application que fait Aristote des lieux

dialectiques pour un problème particulier est sans aucun doute le

meilleur moyen de saisir davantage leur emploi, qui demeure malgré t o u t

assez complexe, et, par le fait même, de voir dans les détails la manière

dont Aristote tente de prouver l'existence du lieu et de déterminer son

essence.

Chapitre 2. Lieux dialectiques et existence du lieu naturel

Introduction

Le problème de I'existence du lieu naturel replacé dans le contexte d e

son apparition dans la Physique de même que la connaissance du lieu

dialectique et son analogie avec le lieu naturel rendent m a i n t e n a n t

possible l'examen des lieux dialectiques qui ont servi à l'élaboration des

arguments utilisés par Aristote dans l'examen du problème à l'étude.

I l 5 On dit nécessaire les propositions par lesquelles le raisonnement s'effectue B (Topiques. VIII, 1, 15Sb20).

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4 4 Toutefois, cette tâche ne s'accomplit pas sans quelques difficultés.

Puisque l'observation des relations entretenues par les termes d ' u n

raisonnement - les lieux dialectiques - présuppose la mise en place des

termes par l'analyse des raisonnements. Et ceux-ci, dans le texte d'Aristote,

sont présentés de manière touffue, sans présentation formelle e t

supposant beaucoup de l'intelligence du lec teurL 1 6 . Aussi. faudra-t-i 1

convenir d'une manière claire et efficace pour leur présentation, de façon

à saisir d'un coup d'œil les prémisses et la conclusion de chaque

argument, la relation des arguments entre eux, les termes - Ie mineur, le

majeur, le moyen terme - qui composent chaque énoncé. le lieu q u i

inspire chaque argument, et la relation sujet-attribut de chaque énoncé.

Ce grand nombre d'informations particulières à propos d'un si g r a n d

nombre d'arguments rend impossible leur présentation en u n tex te

continu sans multiplier indûment le nombre de pages de même q u e

compromettre Ia possibilité d'embrasser en un regard toutes les

caractéristiques logiques et les arguments.

C'est pourquoi la présentation des arguments sera très stylisée. D'après

le modèle de l'argument illustrant l'usage du lieu dialectique à Ia fin d u

chapitre précédent, voici la manière d'exposition choisie :

1 argument ~ r i n c i ~ a l

La matière ne se sépare pas de la chose (conséquent)

Le lieu se sépare de la chose (conséquent)

Le lieu n'est pas matière (consdquent)

Lieu du conséquent Rien n'est tel, dont le conséquent

répugne

La majeure, la mineure et la conclusion apparaissent l'une sous l 'autre.

Elles sont suivies chacune d'une parenthèse exprimant la relation 1 ogi q ue

que l'attribut entretient avec le sajet. Chaque argument est précédé d ' u n

I i 6 Mais un tel travail demeure d'une certaine manière approximatif, bien que les relations d e fond entre les termes soient déterminées, il est toujours possible de formuler les prémisses e t la conclusion sous une variété de formes.

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4 5 numéro d'identification (I) ainsi que d e son lien avec les a u t r e s

arguments (argument ~ r i n c i ~ a l ou preuve de la mineure ou de 1 a

m a i e u r e ) . Après la conclusion, on identifie le lieu commun de l ' a rgumen t .

ou le cas échéant son lieu propre (dit l'espèce), en les nommant par l e u r

différence e t en les décrivant sous Ia forme d'une maxime.

Enfin, on indiquera pour chaque argument à quel lieu se rattache s a

maxime dans les Topiques . Et suivront quelques commentaires en v u e

d'expliquer le Iieu identifié en rapport à l'argument.

La maxime, en quoi se résume le Iieu. est un tel c o n c e n t r é

d ' informat ion qu'il est nécessaire d'expliquer sa composition. Par

simplicité, la maxime suivra un modèle parfaitement uniformisé. différent

de la formulation plus spontanée (p. 37). Elle se formulera toujours e n

une seule phrase, comportant deux propositions. Par exemple : Rien n ' e s t

tel, dont le conséquent r épugne . La première partie de la phrase met e n

rapport les termes mineurs et majeurs, normalement sujet et attribut d e

la conclusion, e t indique le caractère affirmatif (esr) ou négatif (n'est pas.

n'esr), de même que son universalité (tout. r i en ) ou sa p a r t i c u l a r i t é

( q u e l q u e ) . Une virgule annonce la transition à la seconde partie qui d é c r i t

la relation logique du moyen terme avec le mineur e t le majeur. Le moyen

terme est désigné par la relation logique - antécédent. conséquent. genre.

définition, etc. - qu'il entretient avec l'un des extrêmes et précédé d ' u n

relatif dont l 'antécédent grammatical est le mineur et dont la forme d u

pronom relatif indique à quel extrême la relation qui dénomme le m o y e n

se rapporte : au mineur s'il s'agit de d o n t , au majeur s'il s'agit de C? q u o i .

Selon le cas. cette relation logique constituera la matière de la p r o p o s i t i o n

mineure ou de la majeure, respectivement. Le verbe final - esr. tzest pas,

convien t , r épugne - précise le rapport du moyen terme à l'autre e x t r ê m e

: il en est ou n'est pas le sujet (est, n é s ? p a s ) ou l'attribut ( conv ien t ,

r é p u g n e ) .

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4 6 L a maxime présentée dans l'exemple montrant le mode d'exposition des

a r g u m e n t s l l 7 , à la page précédente. pourra aider à mieux fa i re

comprendre la richesse d'information fournie par cette courte formulation

du lieu. Rien n'est tel. dont le conséquent répugne signifie par la p r e m i è r e

partie de la phrase que. dans la conclusion. le mineur. lie<[. n'admet pas le majeur, m a t i è r e , comme attribut. Dans la deuxième partie de la phrase .

le pronom relatif d o n t , qui a pour antécédent g a m m a t i c a l le m i n e u r .

l i eu , et précèdent le c o n s é q u e n t , indique que le moyen terme se sépare d e

la chose , se rapporte au mineur comme son conséquent. ce qui c o n s t i t u e

la matière de la proposition mineure. Le dernier verbe. répugne. décrit 1 a

relation du moyen terme avec le majeur : le moyen terme ne s ' a t t r i b u e

pas au majeur, la matière ne se sépare pa s de la chose. ce qui fait l 'obje t

de la proposition majeure. Ainsi. le nom du corrélatif Iosique qui fonde c e

lieu dialectique, le cons iq r r en t , donne la relation qu'entretient le m o y e n

terme, se sépare de la chose, avec le mineur. le lizu. e t indique la t e n e u r

de la mineure, le lieu se sépare de la chose . En résumé. la maxime é n o n c e

que le lieu n'est pas m a t i è r e , parce que s e sépare de la chose convient a u

mineur, le l ieu , sujet de la conclusion. comme son conséquent. mais n e

convient pas au majeur, In matière, attribut de la conclusion.

Retrouver, dans les Top iques , les lieux correspondant à ceux dégagés

dans les arguments du problème à l'étude resterait une tâche imposs ib l e

si l'on ne connaît pas l'organisation rationnelle guidant l e u r

o rdonnance118 , car il faut savoir retrouver les lieux parmi des c e n t a i n e s

d'autres. La division la plus générale concerne d'abord les lieux c o m m u n s

(livre II), où sont énumérés les lieux pour lesquels on se c o n t e n t e

seulement de juger de la composition ou de la division d'un attribut a v e c

un sujet, indépendamment du genre de problème discuté. En d ' a u t r e s

I l 7 La matiere ne se sépare pas de la chose (conséquenr) Le lieu se separe de la chose (consdquent) Le lieu n'est pas matière (conséquent)

Lieu du conséquent Rien n'esr tel. donr le conséquent répugne l 8 Le mode de redaction O S r u n v adopte explicitement par Aristote laisse place i u n e

organisation véritable des lieux dans les Topiques, assez rationnelle pourqu'on sache facilement où trouver le type de lieux que requiert chaque discussion >b (Pelletier. 1991. p . 370) .

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termes, ces

à conclure-

I'attribution

4 7 lieux décrivent les "pures" affinités d'attribution. qui ob l igen t

Et, comme discuter de la simple attribution. c'est discuter d e

accidentelle, du fait que chercher à établir I'accident. c ' es t

enquêter pour savoir si l'attribut appartient au sujet: et réfuter l ' acc ident .

c'est chercher à montrer que l'attribut ne convient pas au sujet, la s i m p l e

attribution se confond avec I'accident, d'où leur place. dans les Topiques.

au livre des lieux de l'accident (livre II)H9.

Ensuite viennent les lieux propres (livres IV à Kt-). qui examinent I a

qualité de l'attribution en cherchant à savoir si l 'attribut convient a u

sujet ou comme une définition, ou comme un genre. ou comme u n

propre. Et l'on rejoint les lieux les plus propres - les espèces - l o r squ 'on

détermine exactement le terme majeur du raisonnement. soit comme bon.

préférable, genre, propre, définition. etc. Finalement, l 'agencement des

Iieux à l 'intérieur de chaque modalité d 'attr ibution - accident (livre II).

propre (livre V), genre (livre IV), définition (livre VI, VII) - correspond à la

différence, qui sert à marquer leur degré décroissant d'inhérence. c'est-à-

dire tes attributions intrinsèques - définition. genre, etc. -, fou rn i s san t

les arguments les plus solides, précéderont les attributions extérieures - contraire, semblable, etc. - , moins consistantes, mais pourtant p l u s

faciles à uti1ise1-170.

l9 L'accident s'assimile la simple attribution parce qu'il partage les mêmes caractkr is t iques que celle-ci : ils sont tout deux non essentiels e t non réciproques au sujet. Ces ca rac tè res correspondent iî ceux de la deuxième définition de I'accident donné dans les Topiques (1. S . 102b5-6). Cependant. la simple attribution ne saurait s'identifier à la première definition d e I'accident (1, 5, 102b3-5). qui le ddfinit comme n'étant ni propre. ni genre. ni définition, ca r elle implique la connaissance des lieux de ces différentes modalités exposés du livre IV a u livre Va. D'ailleurs. seul !e premier Lieu de l'accident (11, 2. 109a34-35) correspond à 1 ri

première définition. Ainsi, pour établir l'accident. il suffit de montrer l'appartenance s i mple ou réfuter l'attribution qualifiee selon les autres modalités. et, pour Ia réfuter. i l faut mont re r que l'attribut ne convient pas au sujet ou qu'il lui convient comme un des p réd icab les (Topiques, VIL 5. 155a28-36). Mais. pour l'examen de la simple attribution. nous devons exclure toute rdf6rence aux prédicables. donc écarter la première définition de l'accident.

lZ0 K ... les espèces incarnant un lieu commun tiré d'une notion plus intrinsèque (genre. &finition) passent avant celles issues de notions extrinsèques (semblable. contraire. e t c ) . Cette ordonnance explique les similitudes qu'on retrouve entre les lieux des divers livres d e s Topiques, et que Thionville reproche à tort à Aristote » (Pelletier, 1991. p 360).

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4 8 Autant que possible, dans notre analyse des arguments. n o u s

chercherons à réduire les lieux répertoriés aux lieux communs. parce qu'ils

sont ceux servant à résoudre les problèmes n a t u r e ls12'. c'est-à-dire les

problèmes portant sur Ia simple attribution de l'attribut au sujet - l'attribut fait-il connaître le sujet?12? Or. dans la section à l'étude. d a n s

laquelle Aristote élabore ses premières tentatives pour connaître le 1 ieu

physique, nous avons justement affaire à ce type de problème. puisque.

lorsque l'attribut du problème est indéterminé, c'est-à-dire quand on n e

connaît pas suffisamment la matière de l'attribut, on se contente t o u t

bonnement de juger Ia convenance de l'attribut au sujet. la s i m p l e

a t t r ibu t ion l? Le recours aux lieux propres se fait seulement quand I'on

veut juger la modalité d'attribution - problème ra t ionne lE4. Mais le l ien

entre les lieux propres demeurent très intime. les lieux propres

présupposent la simple a t t r ibut ionEs . du fait que celle-ci se range

toujours sous I'une des modalitésL26. étant donné que considérer la s i m p l e

attribution, c'est faire abstraction des modalités. En fait. lieux propres e t

lieux communs examinent tous deux des affinités et des répugnances

d'attribution, mais les Iieux propres ont K une contraction plus grande d e

la même exigence logique à une matière déterminée m u 7 .

l Z L Le probleme naturel se rapporte une multiplicité de probl&mes. étant donné que coure nature peut tenir lieu de sujet de connaissance et tout attribut. servir i sa présentat ion (Pelletier. 1991. p. 350). l Z 2 N Certains problèmes sont uriles pour connaître seulement. par exemple si le monde e s t éternel ou non (Topiques . 1. 11. 104b7-8). Voir aussi Topiques . 1. 14b21-24. I l 3 ,< Tant qu'on ne circonscrit pas déterminément les attributs éventuels. on ne peut f o u r n i r une préparation plus appropriée. C'est sur des Iieux communs que L'on doit se rabattre. chaque fois que le problème touche un attribut dont aucune familiarité préalable ne faisant prévoir l a discussion » (Pelletier, 1991, p. 351).

Les commentateurs ont appelé ces lieux lieux communs parce que. la simple a t t r ibu t ion étant infinie, Aristote s'est restreint à. inventorier les plus communs. i24 Exemple de probleme rationnelle. Lvarrribut est-il le genre de ce sujet? : la vertu e s t - e l le le genre de la patience? 125 La premiere [simple attribution] p r m d e les secondes [attribution selon les modalités non pas comme une espèce opposée à d'autres espèces. mais comme un genre. comparé à s e s espèces ,> (Pelletier, 1991, p. 356).

Toutes propositions s'énoncent selon IBune des quatre modalités (Topiques . 1. 4 . 10 1 b 17-29: 1. 8).

Pelletier. 1985b. p. 41 1. Par exemple. le probltme est-il de savoir si la science qui por t e sur Ies opposés est la même ou pas, on peut utiliser le lieu commun énoncé par la maxime suivante : ce qui ne s'attribue pas B l'inférieur essentiel d'un sujet ne s'attribue pas à ce su je t

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En outre, comme il a été souligné auparavant. I'espèce sera m e n t i o n n é e

dans le cas où elle se présente. LMais quelques explications sont nécessaires

afin d'éclairer ce que celle-ci vient faire dans le raisonnement. car .

jusqu'ici. peu d'exégètes des Topiques ont remarqué qu'Aristote dis t i n e u e

deux types de lieux selon que l'on précise ou non le terme majeur128.

Ainsi. l'apparition de I'espèce dans I'analyse des raisonnements p O u r r a i t

surprendre q u e I q u e s - u n ~ ~ ~ ~ .

L'espèce est un lieu. mais un lieu adapté à certaines matières p o u r

lesquelles nous avons quelque connaissance de I'attribut. suite à I ' examen

fréquent de ta convenance de cet attribut à certains sujets. Ainsi. e n

morale, où la discussion tend toujours à enquêter sur la convenance ou l a

disconvenance du même attribut - la chose examinée est bonne ou pas-.

on use constamment de I'espèce. L'espèce peut alors Ztre envisagée e n

rapport au lieu de la même façon que l'est I'espèce en rapport au genre

dans une relation logique, comme l'homme (espèce) de l'animal (zenre).

Aussi. à la différence du lieu. qui permet de choisir les arguments p o u r

tout genre de problèmes, parce que l'inférence s'appréhende à partir d e s

relations logiques indépendamment, en quelque sorte. d'une m a t i è r e

précise; I'espèce. elle. parce qu'elle s'applique à une matière circonscrite.

universellement (Topiques. II. 2. lO9b 13-29). D'autre part. on peut utiliser le lieu propre pour résoudre le problème suivant : le plaisir est-il un bien ou pas? Par 1s lieu propre on pour ra notamment chercher à connaître si b ien . l'attribut. convient à plaisir. le sujet. comme un genre. Un des lieux du genre énonce justement par la maxime suivante la manière de monter l'attaque : ce qui ne s'attribue pas à I'infkrieur essentiel d'un sujet ne s'attribue pas j. ce sujet selon le genre (Topiques, IV. 1, 120b 15-20}. L

Iz8 K On aurait pu éviter la confusion. et mieux ire conduit B la distinction entre espèces e t lieux. en ponant plus d'attention aux expressions erecques utilisées par Aristote .> (Pe l l e t i e r . 1991, p. 361).

N On peut voir un signe assez doquent de cette différence d'origine en ce qu'Arisrote. selon qu'il applique le mot r 6 rr O a . l ieu. aux esphces ou aux lieux communs. le précise _oénéralement par les prépositions n e ~ i . concernant. [esphce] et ;K. d partir de . [lieux communs] ... C'est à. notre avis cette opposition d'origine et de fondement qui sépare le plus nettement les espèces et les lieux et en fait deux méthodes distinctes. Cette distinction est absolument capitale ... )>

(Pelletier, 1981. p. 65) . L29 K Bien sûr. nous devons reconnaître que nous proposons ici une interprétation assez originale de cette conception et peu conforme. tout au moins dans ses distinctions ultimes. 3 celle que i'oo trouve chez les exegètes traditonnels ou plus récents d'Aristote>> (Pel le t ier . 1981, p. 50).

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5 O rend capable de sélectionner des arguments plus appropriés. Par exemple.

pour un problème moral quelconque, on peut avoir recours au Iieu d u

contraire qui dit que les contraires ont des attributs contraires: m a i s

l'espèce du contraire dira pour cette matière : le contraire de ce qui e s t

mauvais est bon.

En fait, l'espèce aide à connaître la relation entre le mineur et le majeur

du problème en suggérant un énoncé déjà plus connu impliquant le

majeur; cet énoncé constituera la proposition majeure. De là. i l n e restera

qu'à voir si ce moyen terme, qui convient déjà au majeur. s'accorde avec

le mineur. L'espèce suggère donc expressément la majeure du syllogisme.

Car l'espèce fournit toujours un caractère déterminé (v .g . source de richesse) qui se trouve lié à l'attribut (v-g. utile) s u r lequel on veut examiner le sujet. C'est ainsi qu'elle est p r inc ipe de choix : elIe signifie à l'orateur de retenir ce caractère, si l'enquête révèle que le sujet aussi le possède, car i l permettra d e lui rattacher la qualité mise en doute, par exemple l'utilité >d30.

Si pour un problème quelconque, on connaît suffisamment l ' a t t r ibu t

pour avoir la possibilité de faire usage de I'espèce. il est t ou jours

préférable de l'employer, car elle fournit un critère de sélection d e s

endoxes plus efficace parce que plus immédiatement accepté.

Sur ce préambule, nous pouvons maintenant passer à l'analyse d e

détail du passage de la Physique annoncé.

L30 Pelletier. 1981, p. 64. Par exemple, si le probleme est de savoir si ce projet de loi est u t i l e . on peut recourir à l'espèce : est utile, ce qui rend La chose telle. Regardons ce qui peut ê t r e admis comme utile. II est admis que ce qui est source de richesse est utile - majeure. Nous avons ainsi le moyen terme - ce qui est source de richesse - que L'on devra meure en relat ion avec Le mineur - ce projet de loi : ce projet de loi est source de richesse -mineure. Le mineur convenant au moyen terme, nous aurons donc comme conclusion que. oui. ce projet de loi e s t u t i l e .

Ce qui est source de richesse est utile Ce projet de loi est source de richesse Ce projet de loi est utile

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2 Le lieu existe

2.1.1. De prémisses absolument endoxales'3*

Première argumentation

« Que donc le lieu est, cela semble bien devenir évident, e n partarit du remplacement : car là où à un moment i l y a d e l'eau, là même il se trouve au contraire de l'air, une fois q u e l'eau en est sortie comme d'un vase; puis. à un autre momen t , tel autre corps occupe le même lieu. Celui-ci, certes. paraît bien être autre chose que tout ce qui y survient et s'y échange. car 1 à où il y a maintenant de l'air, là même il y avait auparavant d e l'eau; par suite, il est évident que le lieu était déjà quelque chose et que le lieu est autre chose que les deux qui y sont entrés et e n sont sortis successivement J3?

[Ce qui est autre chose que tel contenu est] (être. c 0 n s é ~ u e n t ) ~ 3 3

Le lieu est autre chose que tel contenu (autre)

Le lieu est (être)

Lieu de l'antécédent Tout es t tel, à quoi I'antécédent convient

K Regarder, concernant le p r 0 p o s ~ 3 ~ . quel an técédent 1' i mp liquel35, ou quel conséquent est nécessairement impliqué si le propos se vérifiel36. Pour qu i veut con f i r rnerI37. r e g a r d e r que 1

l 3 Thomas d'Aquin qualifie cette premiere série d'arguments comme provenant de la vérité des choses (rationibus accepris a rei verirate) ( In IV Physi. . 1, # 410)- Toutefois, il ne faudra i t pas interpreter à la lettre cette expression, qui nous ferait croire à des arguments scientifiques, puisque cette partie de la recherche d'Aristote est un examen dialectique ( p e r modum dispurarivum). II s'agit en fait de ce qui fait "office de vérité" dans un examen dialectique : I'endoxe absolu. ce qui est admis par tous, contrairement à I'endoxe relatif. admis seulement d'un interlocuteur ou de quelques-uns, qui sera l'objet de la deuxi2me s é r i e d'arguments. ' 32 2O8b l-208b7. À moins d'indication conrrîire. j'utiliserai la traduction inedite dSYvan Pellet ier . 133 La premisse entre crochets est sous-entendue dans le texte aristotélicien.

L34 'E ni roû ~ P O K E i ~ é v o u . concernant l'énoncé que l'on se propose de conclure. ' 35~ivos h r o s r6 r r p o ~ ~ ; ~ r v o v Ë ~ T L V . ce qui. cela éranr. ie propos esr. 136 T; ZCTLV i€ ~ V O Y K ~ I ~ S E: TO T ~ P O K E ~ I . L E V O V Ëa~l. ce qui est de nécessiré si le propos esr. ' 37 K a T a K E U 6 4 E i v , établir, c'est-&-dire conclure affirmativement.

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5 2 antécédent impliquera le propos. car s'il est montré qu'il se vérifie, le propos aussi se trouvera montré : pour qui veut i n f irmerl38. par contre. regarder quel conséquent est impliqué s i le propos se vérifie, car si nous montrons que Ie conséquent d u propos ne se vérifie pas, nous nous trouverons avoir infirmé le propos 439.

Ce lieu fréquemment utilisé par Aristote a l'avantage de rassembler tout

attribut qui ne concerne pas directement l'essence - définition. genre,

espèce, étymologie, nom - et qui ne lui est pas extérieur - opposés.

semblables. dissemblables. Du fait d'entretenir avec l'un des extrêmes u n

rapport qui relève à la fois de la nécessité. parce qu'il concerne unique-

ment tel sujet, et de l'accident. parce qu'il n'en exprime pas l'essence, cet

attribut se ramène de quelque manière à un propre. On pourrait le diviser

et le préciser selon tous les accidents nécessaires pouvant appartenir à u n

sujet : quantité, qualité, etc., avec leurs espèces. Mais cette déc o mp O s i t i O n

abusive n'apprendrait rien de plus sur la force de l'attaque.

La description de ce lieu de l'antécédent et du conséquent par Aristote

et sa formulation par la maxime peuvent paraître dissemblables a u

premier abord; mais ils expriment bien la même chose. Dans la maxime,

tout est tel décrit la conclusion qu'oblige ce lieu dialectique. où le

mineur, le Zieri. reçoit en toute son extension l'attribution du majeur.

l'être : le lieu est. Le pronom relatif à quoi, qui a pour antécédent

grammatical le mineur, lieu, et le mot antécédent décrivent le moyen

terme comme "l'antécédent" du majeur. "L'antécédent" a donc pou r

complément de nom sous-entendu le majeur, ['être : (i quoi /'n~zre'cédent

d u majeur, c'est-à-dire autre chose que tel contenu ... Voilà donc décrite l a

proposition majeure : ce qui est aurre chose que tel contemi est. Par suite.

à quoi 1 ' antécédent convient décrit Ia mineure : le lieu est autre chose

que rel con tenu . En d'autres termes, la maxime indique que le l ie~i est

(conclusion), parce que l'antécédent du majeur (proposition majeure)

convient également au mineur (proposition mineure). Ainsi. ce 1 ieu

138 ' A V a O K E u 6 C i L V . renverser. c'est-&-dire conclure négativement. 139 Topiques, II, 4, llb17-23

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5 3 dialectique est dit d e l'antécédent, parce que l'inférence dépend de ce q ue

le moyen terme entretienne avec le majeur la relation d'antécédent à

conséquent,

11 paraîtra difficile, au lecteur inexpérimenté dans l'analyse des l ieux

dialectiques, de retrouver là une application de la relation logique décrite

par Aristote. C'est que, pour fins de clarté et de standardisation. on s'est

attaché ici à manifester les Iiens logiques qu'entretiennent les termes d a n s

le raisonnement. Mais Aristote, lui, dans ce cas-ci, pour fins de simplicité

et de brièveté, expose ce lieu sous le point de vue de l'énonciation. C'est-à-

dire il assigne les appellations d'antécédent et de conséquent aux deux

énoncés où s'incarne la conséquence : la mineure et la conclusion d e

l'argument. Pour adapter la maxime à ce point de vue. il faudrait p a r

exemple la formuler en ces termes : Tout énoncé se vérifie. d o n t

['antécédent le fait, c'est-à-dire la conclusion est vraie, dont la mi neure,

son antécédent, est elle-même vraie.

Cependant, cela ne saurait contredire la voie plus précise adoptée d a n s

ce mémoire, laquelle fait converger l'attention vers les termes. Car, quelle

que soit l'optique envisagée, qu'un énoncé ou qu'un terme soit d o n né

comme I'antécédent, il s'agit toujours qu'un terme se comporte C O rnme

antécédent pour un autre : le terme qui tient lieu d'accident nécessaire

pour l'autre en est considéré comme le conséquent. Ainsi, pour l ' a t taque

tout juste analysée, la conclusion se trouve le conséquent de la mineure

parce que le majeur tient lieu de conséquent pour le moyen terme.

comme l'affirme la majeure. Voilà la raison qui permet d'avancer 1 a

maxime du lieu concerné.

2 preuve de Ia mineure de 1

Ce qui peut être sans tel contenu est autre chose (conséquent)

Le lieu peut être sans tel contenu (conséquent)

Le lieu est autre chose que tel contenu (conséquent)

Lieu de l'antécédent Tout est tel, à quoi I'antécédent convient

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5 4 Espèce de l'autre Tout est autre, qui peut être séparément

<< Regarder s'il est possible que I'un soit sans i'autre: alors, e n effet. ce ne saurait être la même chose

Le lieu à la base de cet argument s'assimile à celui de l ' a rgument

précédent - lieu de l'antécédent; Ia conclusion s'infère donc de la m ê m e

façon. Cependant, cet argument peut également se découvrir à partir d'un

lieu plus précis. approprié à l'examen spécifique d'un problème : celui o ù

l'on cherche à juger si une chose est la même ou une autre que telle au t re .

c'est-à-dire celui de l'identité numérique de deux choses. desquelles O n

cherche à savoir si Ie sujet et l'attribut sont numériquement identiques.

Ces deux lieux peuvent suggérer le même argument parce que le lieu

propre, l'espèce, se réduit toujours à un lieu commun (voir p. 48. 19)

comme à son genre.

3 preuve de Ia mineure d e 2

[Ce qui contient tantôt eau tantôt air peut être sans tel contenu] ( c o n s é q u e n t )

Le lieu contient tantôt eau tantôt air (conséquent : division du localisablr)

Le lieu peut être sans tel contenu ( c o n s é q u e n t )

Lieu de l'antécédent Tout es t tel, à quoi l 'antécédent convient

Deuxième argumentation

<< Les transports des corps naturels simples. par exemple. du feu. de la terre et des autres de la sorte, montrent non seu lement que le lieu est quelque chose, mais aussi qu'il détient u n e certaine puissance. En effet, chacun s'il n'en est pas empêché. se transporte vers son lieu à lui, I'un en haut, l'autre en bas. Par ailleurs, ce sont là des parties et des espèces du lieu : le haut. le bas, et les autres parmi les six directions. D'ailleurs, ces directions, le haut et le bas, et la droite et la gauche, ne v a l c n t pas seulement en rapport à nous; pour nous, en effet, elles n e restent pas toujours pareilles, mais se produisent selon 1 a

140 Topiques, VII. 1. 152b34-34

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5 5 position que nous prenons, Par suite, la même chose. souvent. se trouve à droite et à gauche, et en haut et en bas. et en avant e t en arrière, Dans la nature. au contraire. chaque direction se difinit séparément : le haut n'est pas n'importe quoi. mais le lieu vers lequel se transportent le feu et le léger: de même. le bas n'est pas n'importe quoi, mais le lieu où se transportent [es choses pesantes et terreuses. Il en va de sorte que ces divers lieux ne diffèrent pas seulement par leur position. mais aussi par l eu r puissance. En outre, les êtres mathématiques Ie montrent aussi, car, sans être en un lieu, ils comportent tout de même gauche e t droite suivant leur position reIativement à nous: leur posit ion est par conséquent seulement objet de pensée. et ce n'est pas par nature qu'ils comportent chacune de ces directions ,J41.

4 argument p r i n c i ~ a l

[Ce qui détient une puissance est] (conséquent)

[Tout lieu naturel détient une puissance] (conséquent)

[Tout lieu naturel est] (être)

Lieu de I'anrécédent Tour est tel. à quoi l'antécédenr convienr

Cet argument principal est sous-entendu, car Aristote cherche encore à

établir I'existence du lieu, mais il ne formule pas explicitement un argu-

ment qui montre I'existence du lieu à partir de sa puissance d'attrait. Son

attention se porte davantage, ici, à prouver la puissance du Iieu14?

5 preuve de la mineure de 4

[Tout terme normal de mouv. d'un corps simple détient une puissance]

(conséquent)

142 a Les transports des corps naturels simples. par exemple. du feu. de la terre et des autres de la sorte. montrent non seulement que Ie lieu est quelque chose, mais aussi qu'il détient u n e certaine puissance » (208b8-10).

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Tout lieu naturel est terme normal de mouvement d'un corps simple

(conséquen t )

Tout lieu naturel détient une puissance ( c o n s é q u e n t )

Lieu de l'antécédent T o u t e s t tel. à quoi l'antécédent convient

4 meuve de la m i n e u r e de 5

Le haut, le bas, et chacune des six autres directions sont les termes normaux

de tout mouvement d'un corps simple ( c o n s é q u e n t ,

Le haut, Le bas, et chacune des six autres directions sont les lieux naturels

(gen re )

Tout lieu naturel est terme normal de mouvement d'un corps simple

( conséquen t )

Lieu des espèces T o u t e s t tel, dont toutes les espèces le sont

Un autre lieu, c'est de regarder à quoi on a dit que ce la s'attribue à tous ou à aucun. Examiner cela par espèces et n o n dans l'infinité des individus, car l'examen comportera alors p l u s de méthode et portera sur moins de cas ... S'il est montré, e n effet, que cela ne va pas pour un cas, nous aurons renversé le problème ... Ce lieu se convertit pour confirmer et pour infirmer. car si, e n apportant une division, l'attribut semble convenir à tous les membres ou à la plupart, on doit réclamer qu'ou b ien on admette l'universelle ou bien on apporte une exception où c e ne soit pas le cas; car si l'on ne fait ni t'un ni l'autre. on se rendra absurde »143.

À première vue, l'analyse paraît dénoncer cet argument c o m m e

invalide puisqu'elle lui donne l'allure d'un syllogisme de troisième figure

- 143 Top iques , II, 7. 109b13-15. 23-29 Exemple donné par Aristote (9109816-230). Position initiale : la science des opposes est l a même Attaque (destructive) :

La science des relatifs (ou des contraires, ou des opposés selon la privation et La possesssion. ou des contradictoires) n'est pas la même (altéritk)

La science des relatifs, etc. est la science des opposés (genre) La science des opposés n'est pas La même (altérité)

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5 7 qui conclurait uni verse1 lementl"4, d'après les règles formelles d u

sylIogisme exposées dans les Premiers A n a l y t i q u e s . Mais ces règles n e

jouent pleinement que dans la mesure o ù on ne connaît du r appor t

d'universalité entre les termes que ce qu'en dit la forme des énoncés. Or,

dans le cas présent, on détient une connaissance plus précise de 1 a

matière impliquée : on admet que Ia mineure attribue un genre à

l'énumération complète de ses espèces. Cela nous renvoie à cette affinité

d'attribution entre genre et espèces : l'attribut qui convient à toutes les

espèces convient nécessairement aussi au genre. Cette nécessité logique

constitue un lieu dialectique qui rend la mineure convertible en lui

gardant son universalité, de sorte que le principe dici de onrni. dici d e

n u l l o se trouve sauvegardé. Les lieux dialectiques ont souvent ainsi p o u r

effet d' "enrichir" les modes rigoureux du syllogisme répertoriés dans les

Premiers Analytiqrtes.

« On peut observer en bien d'autres lieux cette façon d e compléter les A n a l y t i q u e s . Très souvent ainsi. les T o p i q u e s rachètent, à condition de les réserver à certaines matières, des formes syllogistiques jugées ineptes quand on les regarde absolument. Mais toujours, c'est en y reconnaissant respecté le dic i de omni ~145.

Ce syllogisme tient donc sa validité du lieu de l'espèce. car il s'agit

d'une relation d'un genre (mineur) avec un attribut (majeur) dont i l est

admis qu'il convient à toutes ses espèces; en somme, i l repose sur u n e

induction parfaite.

7 preiive de la m e u r e de 6

Les termes normaux du feu, de la terre, etc. sont ceux des mouvements des

corps simples (genre)

[Le haut, le bas, et chacune des six autres directions sont les termes normaux

du feu, de la terre, etc.] (conséquenr)

144 Premiers Anaiyriques. 1. 6. 28a10-17 145 Pelletier. 1991. p. 1 8 1

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5 8 Le haut, le bas, et chacune des six autres directions sont les termes normaux

de tout mouvement d'un corps simple ( c o n s é q u e n t )

Lieu des espèces Tout est tel. à quoi toutes l e s espèces conviennent

L'affinité d'attribution de cet argument diffère du précédent. en ce

qu'un conséquent qui a pour antécédents toutes les espèces d'un genre

possède également le genre des espèces pour antécédent: en d 'autres

termes, un genre dont toutes les espèces ont un sujet pour antécédent es t

lui aussi son conséquent.

8 preuve de la mineure de 6

Les destinations du léger, du lourd, etc. sont les lieux naturels ( g e n r e )

Le haut, le bas, etc., sont les destinations du léger, du lourd, etc. ( d é f i n i t i o n )

Le haut, le bas, et chacune des six autres directions sont les lieux naturels

(genre)

Lieu de la définirion Tout e s t tel, dont la définition l'est

« Un autre lieu consiste à former des définitions de l'accident e t de ce à quoi on I'atrribue, soit des deux séparément soit de l ' u n seulement, et à examiner ensuite si quelque chose qui n'est p a s vrai s'est trouvé assumé comme vrai dans les définitions ... Car i 1 deviendra ainsi tout à fait manifeste si ce qu'on a soutenu es t vrai ou faux ~146.

Comme Aristote ne développe pas davantage, on pourrait croire que ce

lieu ne sert qu'à infirmer, mais la nature réciprocable de la définit ion

habilite aussi à confirmer, comme l'illustre cet argument.

--

146 Topiques. II, 2, 109b30-39 Exemple d'Aristote (109b33-35). Position initiale : Etre injuste envers Dieu est possible Attaque (destructivement) :

Causer un tort à Dieu n'est pas possible (puissance) Etre injuste envers Dieu est causer un tort à Dieu (définition) Etre injuste envers Dieu n'est pas possible (puissance)

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5 9 La conclusion de cet argument s'infère par le fait que la définition d u

mineur admet comme genre le majeur. C'est-à-dire le haut. le bas, e t

chacune des six autres directions sont les lieux n a t u r e l s parce que 1 a

définition du mineur les destination d u Iéger, du lourd, etc. a d m e t

comme attribut les lieux narrcrels.

9 ~ r e u ve de Ia maieure de 5

Tout lieu gardant toujours même position détient une puissance (conséquent)

Tout terme normal de mouv. d'un corps simple garde toujours même

position ( c o n s é q u e n t )

Tout terme normal de mouv. d'un corps simple détient une puissance

( c o n s é q u e n t )

Lieu de l'anrécéden r Tout est tel, à quoi l'antécédent convient

IO meuve de la maieure de 9

Aucun lieu par rapport à nous ne détient une puissance ( c o n s é q u e n t )

Tout lieu ne gardant toujours même position est lieu par rapport à nous

( d é f i n i t i o n )

Aucun lieu ne gardant toujours même position ne détient une puissance

( c o n s é q u e n t )

Lieu de la définition Rien n'est tel, dont la définition n e l'est pas

Corrolaire Tout lieu gardant toujours même position détient une

puissance

1 1 preuve de la mineure de 10

Tout lieu mathématique est lieu par rapport à nous ( g e n r e )

Tout lieu mathémathique en est un qui n e garde pas toujours même

position ( c o n s é q u e n t )

Quelque lieu ne gardant pas toujours même position est lieu par rapport à

nous ( c o n s é q u e n t )

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Lieu endoxal de l'espèce Quelque chose est tel. dont l'espèce l'est

Cet argument conclut particulièrement en ce qu'il est plus i 1 lustratif

que probatif, car, à titre d'exemple, il vérifie un énoncé plus général.

2.1 - 2 . De prémisses endoxales relatives147

Première argumentation

« Ceux qui affirment le vide se trouvent à soutenir existe. car le vide serait un lieu privé de corps f i l J 8 .

que Ie lieu

12 aroument p r i n c i p a l

Le vide est (ê t re)

Le vide est un lieu privé de corps (defini t ion)

Le lieu est (être)

Lieu du défini Tout est tel, dont le défini l'est

Ce lieu est le miroir du lieu de la définition vu p récédemment

(argument 8). La relation réciprocable de la définition au défini impl ique

une affinité totale d'attribution entre définition et défini. Ainsi. t O u t

attribut ou sujet de la définition convient nécessairement au défini. d e

même tout attribut ou sujet du défini convient à la définition. Aussi, le

vide, défini comme lieu privé de corps, est: donc sa définition est. e t

chacun de ses éléments dont le lieuLJg.

J7 Arguments provenant d'endoxes re la t i f r : << Ostendit locum esse. rationibus ... acceptis a b opinionibus aliorum n ( In I V P h - . 1, #410). Voir supra . note 129. 148 208 b25-26 lJ9 Encore une fois. un argument qui, à regarder superficiellement. semble ne pas respecter les règles établies dans les Premiers Analytiques. puisque nous avons encore une troisième f igure concluant universeIIement (voir remarques à propos de l'argument 6 ) . Mais la précis ion apportee par les lieux sur la nature de la matière concernée augmente le nombre de modes valides en chaque figure.

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Deuxième argumentation

Hésiode donnerait l'impression d'avoir parlé correctement e n produisant en premier Ie chaos. Il affirme, en tout cas : Le premier de tous à être engendré fztt le Chaos, p u i s la Terre a rr large sein, comme s'il fallait qu'il existe d'abord une place pour Ies êtres. C'est qu'il pensait, avec la plupart. que tout est quelque part et en un lieu. Or s'il en est ainsi, Ia puissance d u lieu est prodigieuse et prime tout; car ce sans quoi rien d ' au t re n'existe et qui existe sans le reste est nécessairement premier. Et de fait, le lieu n'est pas supprimé quand ce qui s'y trouve es t détruit ~150.

13 argument p r i n c i ~ a l

[Ce qui est premier est] (être)

Le Iieu est premier (conséquent)

Le Iieu est (être)

Lieu de l'antécédent Tout est tel. à quoi I'antécédent convient

14 meuve d e Ia mineure 13

Ce qui est indispensable au reste et indépendant de lui est premier

(conséquent)

Le lieu est indispensable a u reste et indépendant de lui (conséquen t )

Le lieu est premier (conséquent)

Lieu de l'anrécédent Tout est tel, à quoi l 'antécédent convient

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15 m e u v e de la m i n e u r e d e 14

[Ce qui n'est pas supprimé quand son contenu est détruit lui est

indispensable et en est indépendant] ( d é Fini )

Le lieu n'est pas supprimé quand son contenu est détruit ( c o n s é q u e n t )

Le lieu est indispensable au reste et indépendant de lui ( c o n s é q u e n t )

Lieu de Za définition Tout es t tel. à quoi la définition convient

16 ureuve de la m i n e u r e de 1 5

La Terre et le Chaos ne sont pas supprimés quand leur contenu est détruit

( c o n s 6 q u e n t )

La Terre et le Chaos sont le Iieu de toute chose (genre. ou conséquent)

[Le Iieu n'est pas supprimé quand son contenu est détruit] ( c o n s é q u e n t }

Lieu des espèces Rien n 'est tel. dont aucune espèce ne l'est

Lieu de Z'antécédent Rien n'est tel, dont l 'antécédent ne l'est pas

L'argument peut être envisagé de deux façons. Ou bien on s'inspire d ' u n lieu dialectique tiré de la relation genre-espèce. le lieu physique é t a n t

considéré comme le genre de la Terre et du Chaos. Ou bien on s'inspire

d'un lieu dialectique de la relation antécédent-conséquent. le 1 ie u physique étant vu comme un accident appartenant nécessairement à 1 a

Terre et au Chaos.

2.2. Le lieu n'existe pas

Première argumentation

CC 11 y a tout de même de la difficuité, si le Iieu existe, à savoir ce qu'il est : s'il est une masse corporelle ou s'il est d'une a u t r e nature; car c'est son genre qu'on doit d'abord chercher. Or, il possède bien les trois dimensions - longueur, largeur e t profondeur - avec lesquels tout corps se délimite. Mais il es t

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6 3 impossible que le lieu soit un corps. car cela ferait deux corps dans le même »15'.

[Tout être est corps] (polyonyrne)

Aucun lieu n'est corps (genre)

Aucun lieu n'est (Ztre)

Lieu du polyonyrne Rien n'est tel. à quoi le polyonyme répugne

« Regarder aussi si le même a été proposé comme accident d u même comme s'il s'agissait d'autre chose, du fait qu'il y en a i t un autre nom »W

La façon d'exploiter ce lieu est beaucoup plus vaste que celle présentée

dans les Topiques; car le polyonyme offre une richesse d'affinités et d e

répugnances d'attribution aussi large que la définition : les mêmes sujets

et les mêmes attributs conviennent et répugnent à des termes dont seul le

nom diffère. Ici, Ia polyonymie de l'être et du corps peut être admise

seulement si on se refuse à admettre des substances séparées et si O n

réduit tout I'être à la matière.

Le lieu du polyonyrne infère qu'aucun lieu n'esr parce que le m o y e n

terme, qui convient au majeur comme polyonyme, ne convient pas a u

mineur .

18 meuve de la mineure de 17

[Lieu et contenu coïncident] (cons iquenc)

Lieu et contenu sont deux corps (genre)

Deux corps coïncident153 (conséquent absurde)

l S 1 209a2-6 l S 2 Topiques, II. 6. 112b21-22

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Lieu des espèces Tout est tel, dont les espèces le sont

Par le lieu des espèces, on peut inférer que deux corps coincident p a r c e

que le moyen terme, espèce du mineur, admet le majeur comme attribut.

Cet argument est une réduction à l'absurde. En effet. l'attaque n ' é t ab l i t

pas directement que le lieu n'existe pas comme quelque chose d'autre q u e

son contenu, Plutôt, il est montré à quelle conséquence absurde c o n d u i t

de voir le lieu comme un corps d i ~ t i n c t l 5 ~ .

19 Dreuve de Ia mineure a d e 18

Tout corps a trois dimensions (définit ion)

Tout lieu a trois dimensions (conséquent)

Tout lieu est corps (genre )

Lieu de la définition Tout est tel, à quoi la définition convient

Deuxième argumentation

« S'il y a pour le corps un lieu et une place, i l y en aura aussi , évidemment , pour la surface et les autres limites. Car le m ê m e raisonnement s'appliquera : où il y avait auparavant les surfaces de l'eau, il y aura à Ia place celles de l'air. Or n o u s n'avons aucune différence à faire entre point e t lieu de point. Si donc le lieu ne diffère pas du point. il ne diffère pas non p l u s des autres choses et il n'est rien en dehors de chacune J55.

IS3 ' E V ra% Y ~ P SV E ~ T I 660 chciara, deux corps seraient dans le même. M Dans la démonstration par l ' a b s u r k l'une des prémisses est la contradictoire de I r i

conclusion à établir (np6f3 hnpa) : elle est posée par l'adversaire. L'autre prémisse e s t manifestement vraie et acceptée par les deux parties. La conclusion qui découle de c e s prémisses est manifestement fausse et absurde. Comme, d'autre part, nous savons q u ' u n e conclusion fausse ne peut être tirée de prémisses vraies, il en résulte que la prémisse q u i contredit Ie "problèma" est fausse; par suite le "problèma" est vrai (Premiers A n a l y t i q u e s . II. 11, 61a19-21; note de Tricot, p. 258). 155 209a7-12

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20 a rvurnen t p r i n c i p a l

Le lieu du corps est (Ctre)

Le lieu du corps est autre chose que son contenu ( c o n s é q u e n t )

Ce qui est autre chose que son contenu est ( ê t r e )

Ce qui est autre chose que son contenu es t ( ê t r e )

Le lieu des surface, Iigne, point est autre chose que son contenu

(conséquent)

Le lieu des surface, ligne, point est (être: absurde)

Lieu endoxal dri semblable Tout est tel, dont le semblable l'est

« Regarder. pour les semblables, s'il en va semblablement ... Ce lieu est utile dans les deux directions. Car si pour l'un d e s semblables il en va ainsi, il en ira aussi de même pour Ies a u t r e s semblables, e t si pour l'un ce n'est pas le cas, c e ne le sera p a s non plus pour les autres ~ 1 5 6 .

Pour ce type de lieu, le moyen terme ne présente pas, c o m m e

d'habitude, une universalité intermédaire entre mineur et majeur. 11

intervient plutôt comme un terme ni supérieur ni inférieur en u n i v e r -

salité au mineur. et, de ce fait, il entraîne une forme d ' a r g u m e n t a t i o n

avec préraisonnement qu'Aristote a appelé exemple op& [yCIc ) l 5 7 ;

156 Top iques . II, 10, 1 l4bïS. 28-3 1 Exempte d'Aristote (L 14b32-36). Position initiale : Savoir une chose est la penser. Attaque (destructivement) :

Savoir plusieurs choses n'est pas les penser Savoir e t penser plusieurs choses sont savoir et penser Savoir n'est pas penser

Savoir n'est pas penser Savoir et penser une chose sont savoir et penser Savoir une chose n'est pas la penser

I s 7 a 11 y a exemple quand le grand extrême est ddmontre appartenir au moyen terme par u n terme semblable au troisihne. Mais il faut qu'on connaisse que le moyen appartient a u troisième terme et le premier au terme semblable au troisZrne » (Premiers Arialyriqrtes. 11. 2 4 , 68b37-40).

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6 6 puisque les termes semblables sont sur un pied d'égalité. le passage de l'un

à l'autre demandera de passer par un terme supérieur commun.

En outre. ce raisonnement par l'exemple se présente comme u n e

réduction à l'absurde : si le lieu du point ne se distingue pas du po in t .

alors le lieu n'a pas d'existence en dehors du point- et i l en i r a

pareillement pour la ligne. la surface et le corps.

31 ~ r e u v e des mineures de 20

Ce qui peut être sans te1 contenu est autre chose ( c o n s é q u e n t )

Le lieu (des corps. surface. ligne. point) peut être sans tel contenu ( c o n s é q u e n t )

Le lieu (des corps. surface. ligne. point) est autre chose que son contenu

(conséquen t )

Lieu de Z'nmécédenr Tout est tel. 5 quoi l'antécédent convient

Espèce de ['aurre Tout est autre. qu i peut rtre séparément

Ici, Aristote rappelIe l'argument 2, mais il élargit l'application à tout ce

qui, en plus du corps. est susceptible de lieu : la surface. ta ligne. Ie point.

7 3 Dreu -- ve de la mineure de 21

[Ce qui contient corps. surface, ligne, point tantôt d'eau tantôt d'air peut

être sans tel contenu] ( c o n s é q u e n t )

Le lieu contient corps, surface, ligne, point tantôt d'eau tantôt d'air

(conséquent : division du Iocalisable)

Le lieu peut être sans tel contenu ( c o n s é q u e n t )

Lieu de i'nntécédenr Tout est tel. h quoi l'antécédent convient

De la même façon que l'argument précédent. Aristote reprend u n

argument antérieur, le 3, et en élargit la portée à la surface. à la ligne e t

au point.

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Troisième argumentation

K Que pourrions-nous bien admettre que soit le lieu? Car il n ' e s t ni elérnent. ni formé d'éléments de manière à détenir telle nature. ni parmi les choses corporelles. ni parmi les incorpo- relles- De fait. il a grandeur mais n'est point u n corps: p o u r t a n t . les i léments des corps sensibles sont des corps. et de ce qui e s t intelligible ne se forme aucune grandeur >>IS8.

23 argument ~ r i n c i u a l

[Tout ce qui est est iléments ou formé d'élémen~s] (esp;icrs)

Le lieu n'es1 ni SIément ni formé d'éléments ( g e n r e )

Le lieu n'est pas r s t r t r

Lieu des espèces Rien n'est tel. h quoi répugnent toutes les espèces

24 ûrzuve de la mineure de 23

Ce qui est ou élSment ou formé d'éléments est corporel ou incorporel (espèces)

Le lieu n'est ni corporel ni incorsorel ( g e n r e )

Le lieu n'est ni élément ni formé d'éléments (gen re )

Lieu des espèces Rien n'est tel. 3 quoi répugnent toutes les espèces

25 ureuve de 13 mineure b de 2 3

Rien d'incorporel ii'a grandeur (conséquent )

Le lieu 3 grandeur (conséquent )

Le lieu n'est pas incorporel (genre )

L i e u du cons2qrlent Rien n'est tel. dont Ir conséquent répugne

Du lieu de l 'antécédent et du conséquent, voici notre premier lieu d u

conséquent. Nous remarquons que con trairement S ceux de l 'antécédent ,

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6 8 qui concluaient positivement. celui du conséquent c o n d u t négat ivement .

Ceci s'explique par le fait que le lieu de l'antécédent et du conséquent

repose sur les mêmes principes que celui d u syllogisme hypothét ique .

Lorsque l'on veut établir. on cherche à confirmer l'antécédent. parce q u e

la vérité de l'antécédent entraîne celle du conséquentL5g. Et q u a n d O n

veut réfuter. on cherche un conséquent faux. parce q u e la fausseté d u

conséquent entraîne celle de I'antécédent16O.

Ce lieu infère que le lieu tz'est pas irtcorporel parce que le moyen terme.

qui convient au mineur en tant que conséquent. grnndertr. ne conv ien t

pas au majeur. i t z c o r p o r e l .

26 Dreuve de la mineure a de 24

Ce qui est corporel est corps ( g e n r e )

Le lieu n'est pas un corps (Sen re ,

Le lieu n'est pas corporel (gen re )

Lieu du genre Rien n'est tel. à quoi le genre répugne

<< Observons aussi que, lorsqu'un sujet se laisse attribuer u n genre, il doit nécessairement se laisser aussi attribuer l 'une des espèces de ce genre. et que tout ce qui possède un genre-.. d o i t

I s 9 Exemple de syllogisme conditionnel : S'il pleut. alors le sol est mouillé II pleut Le sol est mouillé

Exemple de syllogisme catégorique (tiré de Pacius par J. Tricot dans Ies Topiques, p. 68) Position initiale : Aucun plaisir n'est un bien

Attaque (constructivement) : Tout ce qui est naturel est un bien (conséquent) Tout plaisir est naturel (conséquent) Tout plaisir est un bien (zenre)

(Tout est tel. à quoi I'antécédent convient) 160 Exemple de syllogisme conditionnel : S'il pleur. alors le sol est mouillk

Le sol n'est pas mouillé II ne pleut pas

Exemple de syllogisme catégorique (tiré de Pacius par I. Tricot dans les Topiques. p. 68) Position initiale : Tout plaisir est un bien

Attaque (destructivement) Tout bien est desirable (conséquent) QueIque plaisir n'est pas désirable (conséquent) Quelque plaisir n'est pas un bien (genre)

(Rien n'est tel, à quoi le genre convient)

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6 9 nécessairement posséder aussi l'une des espèces de c e genre,..»l61.

Il s'agit ici simplement du principe d'inhérence appliqué dans 1 a

relation de L'espèce au genre : le lieu n'est pas corporel. parce que le genre

de corporel . co rps . ne convient pas au lied6'.

ve de la rn;\ieu 37 preu re de 26

Tout élément est corps (, aenre)

Ce qui est corporel est ou corps ou élément de corps ( g e n r e )

Ce qui est corporel est corps (genre)

Lieu du genre Tout est tel. dont le genre ['est

À la différence de l'argument précédent. cette fois-ci. I'espèce a p p a r t i e n r au genre : ce qui est corporel est L'espèce de corps, parce que le genre d e

corporel, l'élément de corps, est espèce de corps. Nous avons donc ici

l'illustration d'un syllogisme parfait - première figure. barbara - mettant

bien en lumière le principe dici de omni. dici de nrtilo. puisque le mineur .

ce qui est corporel. appartient au moyen terme. élénte~rr de corps. d a n s

toute son extension. et le moyen terme est entièrement embrassé dans le

majeur, corps .

Quatrième argumentation

a De quoi pourrait-on admettre que le lieu soit cause chez les êtres, puisqu'il comme matière

n'est aucune des quatre causes : i l ne cause n i des êtres - car rien n'est constitué de lui -. n i

1 6 ' Topiques, II. 4. 1 1 la32-35 . . l b 2 Exemple d1Arisrore (II. 4. l l la36-37) : N ... par exemple. si science est affirmé d'une chose. alors la grammaire. ta musique ou l'une des autres sciences sera aussi affirmé;: de Ia chose ... ,,

La grammaire est science (genre) X est science (genre) X est grammaire (espèce)

(Tout est tel. à quoi le genre convient)

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7 O comme forme et essence des choses. ni comme leur fin. et il n e meut pas les êtres J63-

7 8 a reu rnen t D r - . - i n c i ~ a l

[Tout ce qui est cause] ( c o n s é q u e n t )

Le lieu ne cause pas ( c o n s é q u e n t )

Le lieu n'est pas ( S t r e )

Lieu du conséqrienr Rien n'est tel. à quoi répugne le conséquent

29 p r e u v e de la m i n e u r e de 28

Toute cause est ou matière. ou forme. ou fin. ou agent ( e s p t c e s i

Le lieu n'est ni matière. ni forme, ni fin. ni agent ( g e n r e )

Le lieu n'est pas cause ( c o n s é q u e n t )

Lieu des espèces Rien n'est tel. à quoi répugnent toures les espèces

30 preuve de la m i n e u r e a de 29

Toute matière constitue un être ( d é f i n i t i o n 1

Le lieu ne constitue pas un être ( c o n s é q u e n t )

Le lieu n'est pas matière ( c o n s é q u e n t )

Lieu de la définirion Rien n'est tel. à quoi répugne la d i f in i t i on

31 p reuve de la m i n e u r e d d e 29

Tout agent meut les êtres ( d é f i n i t i o n )

Le lieu ne meut pas les êtres ( c o n s é q u e n t )

Le lieu n'est pas agent ( c o n s é q u e n t )

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L i e u de Zn définition Rien n'est tel. h quoi répuene in def in i t ion

Cinquième argumentation

« Lui-même. s'il est un des êtres. où sera-t-il? Car la difficulté d e Zénon réclame solution: si. en effet. tout itre est en un lieu. il y aura évidemment un lieu pour le lieu aussi. et cela va à lrinf i n i ~ [ 6 ~ .

32 a r m m e n t ~ r i n c i ~ a I

Tout ce qui est est en un fieu t conséquenr i

Le lieu est tètre: position concidéei

Le lieu est en un lieu. et son lieu en un autre, à l'infini (cons&qusnr absurdei

L i e u de I 'antécédent Tout est tel. à quoi convient Ikntécédenr

Sixième argumentation

c Comme tout corps est en un lieu. de même. en tout lieu il y a un corps. Comment parlerons-nous donc de ce qui s'accroît? II s'ensuit. en effer que son lieu s'accroîtra nécessairement avec lui. si le lieu n'est ni plus grand ni plus petit que son contenu»[65 .

33 a rgument p r i n c i ~ a l

[Rien de contradictoire n'est] ( e r r e ,

[Le lieu est contradictoire] ( c o n s é q u e n t )

[Le lieu n'est pas] (être)

Lieu d u conséquent Rien n 'es t tel. don t le consequent n e l'est pas

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34 meuve de la mineure de 3 3

[Qui est immobile et s'accroît (avec son contenu) est contradictoire]

( conséquen t )

[Le lieu est immobile et s'accroît (avec son contenu)] ( c o n s é q u e n t )

[Le lieu est contradictoire] ( conséquen t )

Lieu de l'antécédent Tout est tel, à quoi convient l'antécédent

35 preuve de la m i n e u r e de 3 4

Tout contenant ni plus grand ni plus petit d'un corps qui s'accroît s'accroît

avec (conséquen t )

Le Lieu est contenant ni plus grand n i plus petit d'un corps qui s'accro'it

( conséquen t )

Le lieu s'accroît avec son contenu conséquent)

Lieu de l'antécédent Tout est tel, à quoi l'antécédent convient

Conclusion

À la suite de cette analyse des lieux dialectiques. i l peut paraî tre

étrange que les lieux menant à prouver la non existence du Iieu

physique166 respectent le principe du dici de omni, dici de nrrllo, sans

toutefois conclure la vérité. Ce phénomène s'explique par le fait que

certaines des relations logiques alléguées entre moyen terme et e x trêmes

ne correspondent pas, en vérité, aux relations logiques impliquées par 1 a

définition du lieu. À la fin de sa recherche, Aristote résoudra les problèmes

inhérents à ces arguments à L'aide du lieu de la définition167. Par exemple,

l'argument 35 concluant que le lieu s'accroît avec le contenu se réfute

comme suit :

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argument 3 5

Tout contenant ni plus grand ni plus petit d'un corps qui s'accroît

s'accroît avec (conséquen t )

Le Iieu est contenant ni plus grand ni plus petit d'un corps qui

s'accroît ( c o n s é q u e n t )

Le Iieu s'accroît avec son contenu (conséquen t )

Lieu de I'anrécédenr Tou t e s t tel. à quoi l'antécédent convient

réfutation de l'argument 3 5168

La limite immobile immédiate de I'enveloppe ne s'accroît pas avec

son contenu (conséquent)

Le lieu est la limite immobile immédiate de l'enveloppe (définition)

Le lieu ne s'accroît pas avec son contenu (conséquent)

L i e u de [a définiitio Rien n'est tel. dont la définition ne I'est

Pas

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7 4

Conclusion

Au terme de l'analyse des arguments concernant l'existence du lieu

physique, il est désormais possible de faire Ie point entre la dialectique.

teIle qu'exposée dans les Topiques, et son application par Aristote dans u n

ouvrage scientifique.

Premièrement. Les arguments dialectiques examinés dans la Physique

se conforment aux principes énoncés dans les Topiques. En effet. les lieux

dialectiques qui servent à former les raisonnements en vue de connaître

l'existence du lieu physique se retrouvent tous dans les Topiques. Ainsi.

contrairement à l'opinion de certains a u t e ~ r s l ~ ~ , on peut affirmer l'unicité

de la dialectique aristotélicienne. Par suite, il s'avère impératif d'anal y s e r

en profondeur les arguments dans les traités scientifiques d'Aristote p O u r

y observer l'application de la dialectique, une analyse superficielle

pouvant empêcher de voir clairement les différents caractères di a-

lectiques.

Deuxièmement. L'analyse des arguments a permis de percevoir le

fonctionnement du lieu dialectique dans la découverte d'argurnen ts

dialectiques. Cette tâche très rarement accomplie s'est révélée difficile, c e

qui explique sans doute le peu d'analyse d'arguments dialectiques

effectuée jusqu'à ce jour dans les ouvrages d'Aristote. Cette difficu 1 té

provient, d'abord, du fait que le texte aristotélicien contient d e

nombreuses notions implicites, qui rendent ardue la mise en forme des

raisonnements, et, ensuite, du fait que déterminer la relation entre le sujet

et l'attribut de chaque énoncé ainsi que le lieu inférant la conclusion

demande beaucoup de sagacité. C'est pourquoi ce travail n'est en quelque

sorte qu' une "tentative" pour atteindre les arguments et les lieux les

inférant tels qu'Aristote a pu les formuler exactement. C'est-à-dire n O u s

avons tâché d'en arriver le plus près possible aux arguments et aux lieux

dialectiques tels que conçus par Aristote, mais nous sommes conscients

qu'il y aurait moyen de faire mieux et plus près de la démarche

l69 Bolton 1990, Brunschwig 1990, lrwin 1988

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7 5 d'Aristote. La correction incessante effectuée à chaque relecture d e

l'analyse nous l'a bien fait comprendre. Néanmoins. le résultat O b t e n u

garantit que le but d u mémoire a été atteint. puisque nous avons réussi a

montrer que la découverte de ces arguments s'inspire très nettement d e

l'usage de lieux dialectiques.

Troisièmement. On a constaté une certaine variété dans I'ernploi d e s

Iieux dialectiques utilisés dans la formation des arguments. quoique 1 e

lieu de l'antécédent et du conséquent revienne plus fréquemment que les

autres. Un seul lieu propre dit de l'espèce a été relevé (argument 2.

l'argument 21 étant une répétition d e l'argument 2). Et des lieux qual i f iés

comme les pIus utiles par ~ r i s to t e170 , parce que plus généraux et a i n s i

aptes à être employés pour la discussion de n'importe quel sujet - les

opposés (contraires. contradictoires, relatifs. privations), les coordonnés .

les semblables, le plus et le moins -, un seul a été observé (argument 20 :

du semblable), alors qu'on aurait cru leur utilisation plus fréquente.

Quatrièmement. Tous les lieux présents dans les arguments analysés s e

ramènent aux lieux communs présentés dans les Top iques . Ce f a i t

n'étonne pas, puisque, à cette étape de la recherche, Aristote s'en tient à

savoir si l 'attribut convient ou pas au sujet - probiéme naturel. Ce n ' e s t

qu'une fois cette enquête terminée qu'il cherchera à comprendre la f a ç o n

dont l'attribut fait connaître le sujet, la modalité d ' a t t r i butionI71 - problème rationel. Une exception, cependant, on trouve un lieu d e

l'identité (argument 2 ) , relevant des lieux de la définition, lorsque Aristote

cherche si le lieu physique est la même chose ou autre chose que s o n

contenu. En outre, comme peut le pressentir le lecteur des Topiques , O n

remarque qu'Aristote n'a pas énuméré toutes les affinités d ' a t t r i b u t i o n s

impliquées par chaque relation logique donnée.

De ces quelques points observés dans l'analyse des lieux d ia lec t iques

pour le passage choisi de la Phys ique , un attire p a r t i c u I i è r e m e n t

1 7 0 T o p i q u e s . III. 6, 119a37: VIT. 4, 154a12-13; VIII. 4. 154a 14 I 7 l À partir du chapitre 4. 110b32

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7 6 l'attention et pose problème : pourquoi le lieu de I'antécédent et d u

conséquent est-il le lieu le plus utilisé'? Avant de répondre à ce t t e

question. il faut d'abord remarquer que ce lieu pourrait être assimilé à

celui du propre. tellement il en présente les caractères.

En effet, le lieu du conséquent possède en gros les caractéristiques d u propre : le conséquent appartient à l'antécédent nécessairement. Par

contre, il ne remplit pas parfaitement: toutes les conditions du propre. v u

qu'il ne peut etre dit s e u l e m e n t des individus de l'espèce172. de tous les

individus de l'espèceL73. et t o u ~ o r < r s l ~ ~ . Aussi. ce type partiel de propre n e

pourra jamais devenir propre absolu. puisqu'aucune réciprocation d e

I'attribut ne pourrait faire connaître en tout temps le sujet. car I ' a t t r ibut

peut appartenir également à d'autres sujets. Au contraire. pour le p ropre

absolu, une fois l'attribut posé. Le sujet est connu i m m é d i a t e m e n t .

attendu que l'attribut appartient à tout le sujet, seulement au sujet e t

toujoursl75. En conséquence. le type de propre pour lequel a u c u n e

réciprocation nécessaire n'est possibIe ne peut se retrouver que dans les

lieux de l 'accidentl76. puisque le conséquent suit nécessairement s o n

antécédent, mais non l'inverse. D'ailleurs, tout lieu naturel possède u n e

puissance d'attrait. ce conséquent appartient toujours au lieu naturel :

mais, réciproquement. tout ce qui possède une puissance d'attrait n 'es t

pas lieu naturel. C'est en cela que le lieu de l'antécédent et du conséquent

se distingue du propre.

Et maintenant pourquoi le lieu du conséquent et de l ' an técédent

intervient-il si souvents? D'abord, parce qu'il est un lieu général regroupant

plusieurs autres lieux. En effet, lors de l'analyse des arguments. on a u r a i t

Exemple : tous les hommes sont bipèdes. mais les oiseaux le sont aussi. 173 Exemple : ce ne sont pas tous les hommes qui sont poètes. 17j Exemple : les hommes ont les cheveux blancs seulement à un certain moment de leur vie. i75 Topiques . 1. 5. 102ai6. L9-2L. Par exemple. si l'attribut est siisceprible d'apprendre la grammaire, on est assuré que le sujet est homme. 176 N Le propre dit relatif doit alors Ctre examiné 1 l'aide des lieux applicables B ['accident. e t l'on doit voir s'il se trouve appartenir à une chose et ne pas appartenir à l'autre » ( T o p i q u e s . V. 2 , lS9a3 1-33).

(< Rien ne s'oppose donc à ce que L'accident devienne un propre relatif ou un p ropre temporaire; par contre. au sens absolu, ce ne sera pas un propre » ( T o p i q u e s . 1. 5 . 102b24-15).

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7 7 pu relever que l'attribut se rapportait au sujet de multiples façons.

aénérant ainsi plusieurs lieux différents. Mais. Stant donné que. dans ce = passage, Aristote porte seulement attention au fait qu'un attribut. LI n

accident. se joint avec nécessité et universalité à un sujet. ceIa revient e n

quelque sorte à voir si I'attribut est le conséquent nécessaire. Ainsi, ce lieu

permet de trouver plus facilement des endoxes dans un contexte où il est

plus facile de trouver des attributs accidentels qu'essentiels des choses

dont on discute.

Ensuite, le lieu du conséquent et de l'antécédent intervient souvent

parce qu'il possède quelque caractère du propre. et. dans les ouvrages

d'Aristote. le propre sert à ['investigation en vue de connaître l'essence d e

la c ho sel7'. Aussi. dans le passage itudié. Aristote cherche-r-il les

caractéristiques du lieu physique dans le but d'en connaî t re

éventuellement l'essence. Le propre justement convient à cette tâche. v u

que ses caractères. qui découlent de l'essence de la chose. sont faci lement

accessibIes :

« Le propre n'a de sens que dans la mesure où il est plus directement accessible pour nous : il exerce aux yeux d'Aristote. une sorte de médiation entre I'intelligibilité immédiate et u n e intelligibilité plus profonde et plus compréhensive m 1 7 8 .

Finalement. avec cette analyse des lieux dialectiques concernant les

arguments qui cherchent à montrer l'existence du lieu physique. nous

avons seulement vu les premiers pas de la recherche de l'essence du lieu

17' M De plus. la notion de propriété joue un rôle de premier ordre dans l'tlaborstion d e s traités philosophiques du maître grec. car elle intervient aux endroits décisifs de la recherche. là où le Stagirite doit résoudre certains problèmes fondamentaux. En d'autres termes. Ar is to te fait appel à la notion de propriété. entendue dans un sens assez large. pour trouver une réponse à des questions essentielles de l'investigation philosophique ,> (Verbeke, 1968. p. 257).

(X Toute philosophie est un essai d1herm6neutique du réel : Ic philosophe se donne comme tâche d'interpréter le monde en fonction des catégories de Ia pensie, On peut dire que Ia notion du propre occupe une place centrale dans la concepton aristotélicienne du savoir sc ient i f ique . Tout est orienrd. chez le Stagirite comme chez Platon. vers la conaissance de l'essence d e s choses : celle-ci ne se révéle pas directement à nous dans une intuition immédiare: elle s e dévoile progressivement par la médiation des accidents et des caractères propres D (Verbeke. 1968. p. 275). 178 Verbeke. 1968. p. 267

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7 8 physique par Aristote, c'est-à-dire nous avons observé dans la d é m arc h e

d'Aristote les effons de la raison à diviser les représentations de la chose

pour en arriver à la concevoir distinctement. Les lieux mis en lumière o n t

ainsi servi à établir quelques caractéristiques du lieu physique. q u i

serviront par la suite à percevoir l'essence. Car la connaissance d e

l'essence d'une chose, son intuition immédiate, se prépare progres-

sivement par ce qu'elle possède le plus près de son caractère intrinsèque.

Et les lieux dialectiques servent précisément à inférer ces énoncés servant à

cerner peu à peu les représentations de la chose.

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