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52 D urant la grande époque du jazz, dans les an- nées 20-30-40, les héros sont les chefs d’orchestre : Duke Ellington, Benny Good- man, Glenn Miller, ou les solistes : Louis Arm- strong, Django Reinhardt. Les chanteurs sont des acteurs secondaires, moins connus du public que les batteurs ou contrebassistes. Les rares voca- listes célèbres, Al Jolson, Bing Crosby, doivent leur popularité au cinéma quand celui-ci devient par- lant. Leur situation embellit dans les années 45. Leur image est aussi importante que leur voix et le développement de la presse magazine, la place du cinéma, permettent aux crooners de mettre en avant leur pouvoir de séduction physique et vocal. Ils deviennent les vedettes des orchestres et envi- sagent des carrières solo. Ce qui était jusqu’alors aléatoire. Frank Sinatra, qui débute dans les or- chestres de Henry James et Tommy Dorsey, est le parfait exemple des possibilités nouvelles offertes aux charmeurs et acteurs à cette époque. MUSIQUE ÉLECTRIQUE Ce processus d’idolâtrie ou identitaire s’amplifie dans les années 50 avec la télévision. Les artistes de rhythm’n’blues ou de gospel, jusque-là cantonnés dans les bars ou les églises, connaissent des gloires inespérées. Les chanteurs country, enserrés dans la morale rigoureuse de leur univers, sont plus réticents à jouer de leur sex-appeal. Elvis Presley, jeune débu- tant, en marge du circuit, se risque à faire les choses comme il les sent, un soir à la télé. En moins d’un an, il est célèbre. Mais, contrecoup de cette omnipo- tence, par qui toute réussite semble dépendre, le rôle des musiciens décline. Et celui de la musique avec. Elle n’est plus le moteur d’une production mais un habillage qui enrobe le chanteur et sa personna- lité. La musique d’ambiance garde une clientèle avec les duos de piano néo-classiques de Ferrante et Teicher ou les BOF concoctées par les orchestres de Percy Faith ou Billy Vaughn. Mais, au milieu des années 50, le genre instrumental apparaît comme figé. Il est dépassé par les événements, incapable de survivre à la fascination du public pour Elvis Presley ou Chuck Berry dont les styles sont basés sur l’ex- pressivité, l’alternance entre la voix et la guitare. Une réponse instrumentale ne paraît pas évidente, d’au- tant plus qu’elle est jouée par des petites formations, au rôle essentiellement rythmique. Le résultat risque d’être frustre et de manquer de couleur. Les choses se présentent un peu différemment pour Fats Do- mino ou Bill Haley dont la réussite doit beaucoup à leurs parties musicales. L’arrangeur Dave Bartholo- mew ou le saxophoniste Rudi Pompili y ont un rôle primordial. Des orchestres plus conséquents avec des musiciens d’expérience accompagnent ces ve- dettes, leur rock moins violent, plus dansant, peut plus facilement se passer d’interprète. Les Comets de Bill Haley sont les premiers à avoir un tube, en 1956, avec une expression purement instrumentale de la fièvre R’n’R, «Rudy’s Rock», où le saxo de Rudi Pompilli exulte devant des tempos appuyés. Plus tard, les Comets ont un autre succès sans Bill sous le nom de Kingsmen avec «Week End». Des vétérans du jazz sont attirés par les possibilités de ce renouvellement qu’offre le mélange de country et de blues, fondateur du rock’n’roll. Bill Doggett, pianiste, arrangeur et chef d’orchestre depuis les années 30, connaît son plus grand succès avec «Honky Tonk» qui allie un riff d’orgue dansant à un saxo ténor éner- gique et une guitare rapide. Le titre reste dix se- maines classé en 1956, et ouvre la voie au rock ins- trumental. NOUVELLES SENSATIONS Toutefois ce rock’n’roll dansant représenté par Bill Haley ou Fats Domino ne domine pas longtemps l’esprit du rock. Même si son succès est vif pour le premier et durable pour le second. Le phéno- mène, le scandale rock est bien vite incarné par ceux qui, au-delà du rythme, personnifient la ré- bellion de la jeunesse : Elvis Presley, Gene Vin- cent, Buddy Holly, Eddie Cochran... Leur instru- ment de combat, autant pour la musique que l’image, c’est la guitare électrique, sa sonorité éclatante, sa forme à connotation guerrière ou sexuelle. Il y a une chose à faire de cet objet déjà culte. Il faut trouver un équivalent sonore et visuel au sex-appeal des maîtres chanteurs du rocka- billy. Il y a un aspect neuf dans le rock. Pour don- ner un son sans voix à cette nouveauté, il faut aller au-delà de la frénésie des tempos de danse, éla- borer des sonorités inédites qui offrent une iden- tité rock à des créations instrumentales, explorer les récentes techniques d’enregistrement. Les Paul y a déjà pensé depuis les années 40. Il a ob- tenu des effets très séduisants en utilisant l’écho, les sur-enregistrements, en plaçant des micros dans sa caisse de guitare, etc. Aux quatre coins des Etats-Unis, des bricoleurs de studio expéri- mentent les combinaisons sonores possibles afin d’apporter un son particulier et irrésistible à leurs productions. Cette ouverture instrumentale est une aubaine pour les petits studios équipés dans une cave ou un garage. Cela résout le problème du chanteur, pièce centrale du rock vocal, riche en promesses de réussite, mais difficile à dénicher quand on n’est pas lié au réseau country. Le genre instrumental permet au rock de prendre ses dis- tances avec la country. Des nouveaux venus des milieux urbains, qui n’ont pas été bercés par la country ni le blues mais sont passionnés par les sonorités de la guitare et les pouvoirs de l’électri- cité, peuvent jouer leur carte. Ce mouvement cul- mine avec le surf, créé pour les surprise-parties de plages en Californie par les fans de ce sport nau- tique. Le but est d’évoquer, par le son, les émo- tions ressenties en surfant sur la vague. Cela doit avoir une tonalité festive et dansante qui repose souvent sur un riff de guitare accrocheur, répétitif et utilise abondamment l’écho et la réverbération. Le surf est vite associé à l’insouciance, au plaisir. Des versions vocales sont mises au point par les Beach Boys, Jan & Dean... Si la plupart des groupes instrumentaux, fondateurs du style, ont une durée de vie assez courte, le surf est le pre- mier courant rock natif de Californie et il révèle des producteurs comme Gary Usher, Terry Melcher, Kim Fowley, appelés à un grand avenir. Il marque également un sommet de créativité et d’authenti- cité pour le rock instrumental. C apitale de l’Arizona, Phoenix n’en est pas moins une ville provinciale où tout le monde se connaît. Ainsi le disc-jockey d’une radio locale, Lee Hazlewood, rencontre deux maîtres de la scène country, le chanteur Sanford Clark et le gui- tariste Al Casey, membre des Arizona Hayriders. Aucun d’eux ne manque d’idées, ni de savoir- faire. Quand ces trois-là collaborent et enregis- trent ensemble, Hazlewood étant producteur, il en résulte de fameux country-rocks dont le célèbre « The Fool », souvent repris mais jamais avec la magie de Lee, Al et Sanford. Cette même année 1956, Hazlewood enregistre aussi « Soda Foun- tain Girl », premier disque d’un jeune guitariste de la région, Duane Eddy, qui a déjà joué avec Al Casey, prend des cours auprès du guitariste de jazz Jim Wybele et joue avec un vibrato sur le manche de son instrument. Fort de ses encoura- geants débuts avec Sanford Clark, Lee Hazle- wood se lie avec la marque Jamie, un label de Philadelphie, où l’animateur de la très populaire émission de télévision American Bandstand, Dick Clark, a des intérêts. En 1957, Duane Eddy enre- gistre « Moovin’n’Groovin’ », un instrumental dont il joue la mélodie sur les cordes basses. Cette technique devient sa marque de fabrique. Le titre devient un succès et Dick Clark organise une tournée pour laquelle Duane forme les Re- bels avec, entre autres, Al et sa femme Vivian Casey aux guitares et Plas Johnson, le saxopho- niste le plus demandé des studios de Los An- geles. Cette intense activité porte ses fruits. En 1958, le 33 tours «Have Twangy Guitar» se classe 5 e . On y trouve « Rebel Rouser », « Ram- rod », « Cannonball », « Three-30 Blues », « De- tour », tous de beaux succès. Duane Eddy y crée une sonorité particulière et nouvelle, dite twangy (vibrante), un riff de guitare joué sur les cordes basses, déformé au vibrato et passé à travers une chambre d’écho, ici une citerne à grains mé- tallique. Des mélodies simples, un tempo de danse soutenu marqué par un saxo ténor puis- sant, des claquements de mains, des musiciens efficaces comme les saxos Steve Douglas et Jim Horn, l’organiste Larry Knechtel, le ferme soutien de l’émission TV de Dick Clark et le succès conti- nue avec «Because They’re Young», « Peter Gunn », « Shazam ». Duane est également très apprécié au Royaume-Uni où il apparaît neuf fois dans le top 10. Cette gloire repose moins sur sa virtuosité de guitariste que sur celle de son pro- ducteur Lee Hazlewood, l’un des premiers grands magiciens de studio, Phil Spector deman- dant à venir le voir bricoler. Au milieu de la dé- cennie 60, Lee montre qu’il peut aussi bien réus- sir dans le genre vocal en collaborant avec Nancy Sinatra, à qui il apporte son sens de l’image, ses astuces musicales, ses compositions (« These Boots Are Made For Walking ») et sa voix grave pour les duos (« Jackson »). Duane Eddy connaît encore quelques instants de bonheur, après avoir retrouvé Lee pour « Guitar Man » en 1962 et « Boss Guitar » en 1963. Il se fait ensuite plus discret mais sa réputation perdure et des artistes comme Ry Cooder, John Fogerty, George Harri- son lui rendent hommage. L es premiers succès de rock instrumental, ceux de Bill Justis et Duane Eddy attisent les appétits de nombreux musiciens confirmés qui gagnent plus ou moins bien leur vie lors de séances en stu- dio ou sur scène. A Los Angeles, le label Challenge réunit six professionnels aguerris, Chuck Rio 5 5 ROCK INSTRUMENTAL ROCK INSTRUMENTAL ROCK INSTRUMENTAL Christian Victor revient aux sources des grands courants musicaux des années 50 qui ont façonné toute la musique de la seconde moitié du 20 e siècle et au-delà. Une rétrospective qui permet de mieux comprendre l’évolution du rock’n’roll 50 vers la pop 60, jetant les bases des quarante années à venir. DUANE EDDY Have Twangy Guitar (Jamie 3000, 1958) : Lonesome Road/ I Almost Lost My Mind/ Rebel Rouser/ Three-30 Blues/ Cannonball/ The Lonely One/ Detour/ Stalkin’/ Ramrod/ Anytime/ Movin’n’Groovin’/ Loving You.

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Durant la grande époque du jazz, dans les an-nées 20-30-40, les héros sont les chefsd’orchestre : Duke Ellington, Benny Good-

man, Glenn Miller, ou les solistes : Louis Arm-strong, Django Reinhardt. Les chanteurs sont desacteurs secondaires, moins connus du public queles batteurs ou contrebassistes. Les rares voca-listes célèbres, Al Jolson, Bing Crosby, doivent leurpopularité au cinéma quand celui-ci devient par-lant. Leur situation embellit dans les années 45.Leur image est aussi importante que leur voix et ledéveloppement de la presse magazine, la place ducinéma, permettent aux crooners de mettre enavant leur pouvoir de séduction physique et vocal.Ils deviennent les vedettes des orchestres et envi-sagent des carrières solo. Ce qui était jusqu’alorsaléatoire. Frank Sinatra, qui débute dans les or-chestres de Henry James et Tommy Dorsey, est leparfait exemple des possibilités nouvelles offertesaux charmeurs et acteurs à cette époque.

MUSIQUE ÉLECTRIQUECe processus d’idolâtrie ou identitaire s’amplifiedans les années 50 avec la télévision. Les artistes derhythm’n’blues ou de gospel, jusque-là cantonnésdans les bars ou les églises, connaissent des gloiresinespérées. Les chanteurs country, enserrés dans lamorale rigoureuse de leur univers, sont plus réticentsà jouer de leur sex-appeal. Elvis Presley, jeune débu-tant, en marge du circuit, se risque à faire les chosescomme il les sent, un soir à la télé. En moins d’un an,il est célèbre. Mais, contrecoup de cette omnipo-tence, par qui toute réussite semble dépendre, lerôle des musiciens décline. Et celui de la musiqueavec. Elle n’est plus le moteur d’une production maisun habillage qui enrobe le chanteur et sa personna-lité. La musique d’ambiance garde une clientèleavec les duos de piano néo-classiques de Ferranteet Teicher ou les BOF concoctées par les orchestresde Percy Faith ou Billy Vaughn. Mais, au milieu desannées 50, le genre instrumental apparaît commefigé. Il est dépassé par les événements, incapable desurvivre à la fascination du public pour Elvis Presleyou Chuck Berry dont les styles sont basés sur l’ex-pressivité, l’alternance entre la voix et la guitare. Uneréponse instrumentale ne paraît pas évidente, d’au-tant plus qu’elle est jouée par des petites formations,au rôle essentiellement rythmique. Le résultat risqued’être frustre et de manquer de couleur. Les chosesse présentent un peu différemment pour Fats Do-mino ou Bill Haley dont la réussite doit beaucoup àleurs parties musicales. L’arrangeur Dave Bartholo-mew ou le saxophoniste Rudi Pompili y ont un rôleprimordial. Des orchestres plus conséquents avecdes musiciens d’expérience accompagnent ces ve-dettes, leur rock moins violent, plus dansant, peutplus facilement se passer d’interprète. Les Cometsde Bill Haley sont les premiers à avoir un tube, en1956, avec une expression purement instrumentalede la fièvre R’n’R, «Rudy’s Rock», où le saxo deRudi Pompilli exulte devant des tempos appuyés.Plus tard, les Comets ont un autre succès sans Billsous le nom de Kingsmen avec «Week End». Desvétérans du jazz sont attirés par les possibilités de cerenouvellement qu’offre le mélange de country et deblues, fondateur du rock’n’roll. Bill Doggett, pianiste,arrangeur et chef d’orchestre depuis les années 30,connaît son plus grand succès avec «Honky Tonk»qui allie un riff d’orgue dansant à un saxo ténor éner-gique et une guitare rapide. Le titre reste dix se-maines classé en 1956, et ouvre la voie au rock ins-trumental.

NOUVELLES SENSATIONSToutefois ce rock’n’roll dansant représenté par BillHaley ou Fats Domino ne domine pas longtemps

l’esprit du rock. Même si son succès est vif pourle premier et durable pour le second. Le phéno-mène, le scandale rock est bien vite incarné parceux qui, au-delà du rythme, personnifient la ré-bellion de la jeunesse : Elvis Presley, Gene Vin-cent, Buddy Holly, Eddie Cochran... Leur instru-ment de combat, autant pour la musique quel’image, c’est la guitare électrique, sa sonoritééclatante, sa forme à connotation guerrière ousexuelle. Il y a une chose à faire de cet objet déjàculte. Il faut trouver un équivalent sonore et visuelau sex-appeal des maîtres chanteurs du rocka-billy. Il y a un aspect neuf dans le rock. Pour don-ner un son sans voix à cette nouveauté, il faut allerau-delà de la frénésie des tempos de danse, éla-borer des sonorités inédites qui offrent une iden-tité rock à des créations instrumentales, explorerles récentes techniques d’enregistrement. LesPaul y a déjà pensé depuis les années 40. Il a ob-tenu des effets très séduisants en utilisant l’écho,les sur-enregistrements, en plaçant des microsdans sa caisse de guitare, etc. Aux quatre coinsdes Etats-Unis, des bricoleurs de studio expéri-mentent les combinaisons sonores possibles afind’apporter un son particulier et irrésistible à leursproductions. Cette ouverture instrumentale estune aubaine pour les petits studios équipés dansune cave ou un garage. Cela résout le problèmedu chanteur, pièce centrale du rock vocal, riche enpromesses de réussite, mais difficile à dénicherquand on n’est pas lié au réseau country. Le genreinstrumental permet au rock de prendre ses dis-tances avec la country. Des nouveaux venus desmilieux urbains, qui n’ont pas été bercés par lacountry ni le blues mais sont passionnés par lessonorités de la guitare et les pouvoirs de l’électri-cité, peuvent jouer leur carte. Ce mouvement cul-mine avec le surf, créé pour les surprise-parties deplages en Californie par les fans de ce sport nau-tique. Le but est d’évoquer, par le son, les émo-tions ressenties en surfant sur la vague. Cela doitavoir une tonalité festive et dansante qui reposesouvent sur un riff de guitare accrocheur, répétitifet utilise abondamment l’écho et la réverbération.Le surf est vite associé à l’insouciance, au plaisir.Des versions vocales sont mises au point par lesBeach Boys, Jan & Dean... Si la plupart desgroupes instrumentaux, fondateurs du style, ontune durée de vie assez courte, le surf est le pre-mier courant rock natif de Californie et il révèle desproducteurs comme Gary Usher, Terry Melcher,Kim Fowley, appelés à un grand avenir. Il marqueégalement un sommet de créativité et d’authenti-cité pour le rock instrumental. ■

Capitale de l’Arizona, Phoenix n’en est pasmoins une ville provinciale où tout le monde se

connaît. Ainsi le disc-jockey d’une radio locale,Lee Hazlewood, rencontre deux maîtres de lascène country, le chanteur Sanford Clark et le gui-tariste Al Casey, membre des Arizona Hayriders.Aucun d’eux ne manque d’idées, ni de savoir-faire. Quand ces trois-là collaborent et enregis-trent ensemble, Hazlewood étant producteur, il enrésulte de fameux country-rocks dont le célèbre«The Fool», souvent repris mais jamais avec lamagie de Lee, Al et Sanford. Cette même année1956, Hazlewood enregistre aussi «Soda Foun-tain Girl», premier disque d’un jeune guitaristede la région, Duane Eddy, qui a déjà joué avec AlCasey, prend des cours auprès du guitariste dejazz Jim Wybele et joue avec un vibrato sur lemanche de son instrument. Fort de ses encoura-geants débuts avec Sanford Clark, Lee Hazle-wood se lie avec la marque Jamie, un label dePhiladelphie, où l’animateur de la très populaireémission de télévision American Bandstand, DickClark, a des intérêts. En 1957, Duane Eddy enre-

gistre «Moovin’n’Groovin’ », un instrumentaldont il joue la mélodie sur les cordes basses.Cette technique devient sa marque de fabrique.Le titre devient un succès et Dick Clark organiseune tournée pour laquelle Duane forme les Re-bels avec, entre autres, Al et sa femme VivianCasey aux guitares et Plas Johnson, le saxopho-niste le plus demandé des studios de Los An-geles. Cette intense activité porte ses fruits. En1958, le 33 tours «Have Twangy Guitar» seclasse 5e. On y trouve «Rebel Rouser», «Ram-rod», «Cannonball», «Three-30 Blues», «De-tour», tous de beaux succès. Duane Eddy y créeune sonorité particulière et nouvelle, dite twangy(vibrante), un riff de guitare joué sur les cordesbasses, déformé au vibrato et passé à traversune chambre d’écho, ici une citerne à grains mé-tallique. Des mélodies simples, un tempo dedanse soutenu marqué par un saxo ténor puis-sant, des claquements de mains, des musiciensefficaces comme les saxos Steve Douglas et JimHorn, l’organiste Larry Knechtel, le ferme soutiende l’émission TV de Dick Clark et le succès conti-nue avec «Because They’re Young», «PeterGunn», «Shazam». Duane est également trèsapprécié au Royaume-Uni où il apparaît neuf foisdans le top 10. Cette gloire repose moins sur savirtuosité de guitariste que sur celle de son pro-ducteur Lee Hazlewood, l’un des premiersgrands magiciens de studio, Phil Spector deman-dant à venir le voir bricoler. Au milieu de la dé-cennie 60, Lee montre qu’il peut aussi bien réus-sir dans le genre vocal en collaborant avec NancySinatra, à qui il apporte son sens de l’image, sesastuces musicales, ses compositions («TheseBoots Are Made For Walking») et sa voix gravepour les duos («Jackson»). Duane Eddy connaîtencore quelques instants de bonheur, après avoirretrouvé Lee pour «Guitar Man» en 1962 et«Boss Guitar» en 1963. Il se fait ensuite plusdiscret mais sa réputation perdure et des artistescomme Ry Cooder, John Fogerty, George Harri-son lui rendent hommage. ■

Les premiers succès de rock instrumental, ceuxde Bill Justis et Duane Eddy attisent les appétits

de nombreux musiciens confirmés qui gagnentplus ou moins bien leur vie lors de séances en stu-dio ou sur scène. A Los Angeles, le label Challengeréunit six professionnels aguerris, Chuck Rio

55 ROCK INSTRUMENTALROCK INSTRUMENTALROCK INSTRUMENTALChristian Victor revient aux sources des grands courants musicaux des années 50 qui ont façonné toutela musique de la seconde moitié du 20e siècle et au-delà. Une rétrospective qui permet de mieux comprendre l’évolution du rock’n’roll 50 vers la pop 60, jetant les bases des quarante années à venir.

DUANE EDDYHave Twangy Guitar (Jamie 3000, 1958) :Lonesome Road/ I Almost Lost My Mind/Rebel Rouser/ Three-30 Blues/ Cannonball/The Lonely One/ Detour/ Stalkin’/ Ramrod/Anytime/ Movin’n’Groovin’/ Loving You.