Jardins et jardiniers en Languedoc

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Jardins et Jardiniers en Languedoc Jean du Boisberranger

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livre de photos sur 15 jardins en Languedoc

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Éclosion secrète de camellia japonica « Margharita Coleonie ».

Les CameLLias de La Prairieun jardin conservatoire — alès

L’histoire du parc des Camellias, c’est d’abord l’his-

toire de Monsieur Ignal, puis de ses enfants, et, enfin,

mon histoire. Au début des années 1930, Jean Ignal,

maraîcher au lieu-dit « La Prairie Sud », à Alès, plante

dans son potager son premier plant de camellia, reçu

en cadeau de son ancien employeur qui dirigeait un

comptoir colonial. Voyant son camellia prospérer

vigoureusement, il se procure d’autres plants qui vont

à leur tour se développer et se reproduire naturelle-

ment, grâce à un environnement très favorable : une

plaine alluvionnaire aux limons acides extrêmement

fertiles, de l’eau en abondance et un fort ensoleil-

lement. À partir des années 1980, sa fille Madeleine

et son gendre Jean-Claude Peyrot poursuivront son

œuvre en introduisant des variétés plus récentes et

de nouvelles espèces. En 2004, ils m’invitent à redé-

couvrir le jardin que je connaissais depuis les années

1970, ayant entretenu des relations privilégiées avec

Jean Ignal.

J’ai consacré toute ma vie aux métiers liés aux pay-

sages, aux pépinières et à l’horticulture. Depuis le

Périgord vert de mon enfance, j’ai toujours été guidé

par ma passion du monde végétal. Parallèlement à

mon entreprise, j’ai été président international des

jardineries, puis président de l’interprofession hor-

ticole. J’ai ainsi pu découvrir la production et la com-

mercialisation des plantes du monde entier. Après

avoir vagabondé un peu dans tous ces métiers, après

avoir été un des pionniers de la réhabilitation de l’oli-

vier — j’ai planté, en 1988, les trois spécimens millé-

naires du pont du Gard — les Camellias de la Prairie

étaient une opportunité exceptionnelle. Une passion

folle.

La passion l’a emporté, pour deux raisons. D’abord,

c’était une collection qu’il fallait pérenniser, selon les

souhaits des propriétaires et du fondateur, une col-

lection prestigieuse, historique. Ensuite, c’était une

consécration, le summum de ce qui pouvait m’arriver

professionnellement. Même l’émir le plus riche ne

peut s’offrir une collection de camellias de ce niveau.

Ce n’est pas une question d’argent mais de temps, cer-

tains spécimens sont quasiment centenaires. Avoir

une collection classée de camellias, c’est un petit peu

la Ferrari pour le coureur automobile. Je m’en suis

senti l’héritier.

J’ai fait classer le parc au Conservatoire des variétés

spécialisées. C’est une protection importante. Nous

avons développé la collection et diversifié les activi-

tés. Nous faisons des recherches sur l’utilisation des

graines pour faire de l’huile et sur l’utilisation des

fleurs pour faire des essences. Surtout, nous avons

ouvert au public ce parc qui était strictement privé.

C’était là mon principal objectif : il était hors de ques-

tion de m’impliquer sans pouvoir partager. À partir du

moment où on a la chance de pouvoir accéder à un

tel niveau de culture botanique, il est indispensable

de communiquer, d’échanger, et, peut-être, de susciter

des vocations. Je guide des groupes, cela m’amuse et

me cultive. J’ai constaté qu’on transformait les indi-

vidus par l’approche des plantes, les explications, la

promenade.

� Bernard�Pical

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Camellia japonica « Jean Ignal ».

Abondance de couleurs dans les frondaisons et au sol.

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Camellia japonica « Adolphe Audusson ».

Comte de Gomer — La jonchée « Duchesse de Caze Don Kelarii ».

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Diamants de rosée sur cœur de fleur… camellia japonica « professeur Waterhouse ».

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Camellia tsubaki et son éventail de trachicarpus.

Camellia hybride « Mary Pnoebe Taylor ».

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Magnolia stellata.

Clairière des centenaires — camellias plantés par Jean Ignal.

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Jonchée d’ « Adolphe Audusson ».

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Le jardin des grenadiers au soleil levant. Le bassin a été dessiné sur le modèle du célèbre patio de la Acequia du Generalife, à Grenade. Des pots d’agapanthes sont posés sur la margelle. Sous les grenadiers : verbena bonarientis, anémone japonica, artemisia, iris barbata et gaura.

Jardin de la noriaun jardin contemporain — saint-quentin-la-poterie

Dans ma jeunesse, je passais mes vacances familiales

à Hesdin (Pas-de-Calais) près des vestiges du célèbre

parc des comtes d’Artois et ducs de Bourgogne. Je

m’y baladais à vélo, nourrissant mon imagination à

l’évocation nostalgique de ce « Jardin des Merveilles »

avec ses automates hydrauliques, jeux d’eau et autres

facéties appelées « joyeusetés ». Le virus des jardins

m’avait touché, il refera surface… quarante ans plus

tard.

Séduite par la beauté des paysages de l’Uzège, notre

famille s’installe en 1990 dans une ancienne magna-

nerie du xviie siècle, au cœur de la plaine de Saint-

Quentin-la-Poterie. Dans un premier temps, nous nous

sommes consacrés à la rénovation des bâtiments et

à l’aménagement des abords du mas. Dix ans plus

tard, une fois les travaux achevés, ma passion des

jardins m’entraînera à réfléchir sur la mise en valeur

de la partie est de la propriété : un hectare de terre

autour des vestiges d’une noria et d’un ancien verger.

Je songeais alors à un espace dédié à la création pay-

sagère et à l’art contemporain. Magie du lieu : nous

avions l’eau, avec cette machine hydraulique, appe-

lée « pouzarenque » en provençal, et le paysage rural

environnant.

Le destin m’a alors amené à rencontrer les paysa-

gistes Arnaud Maurières et Éric Ossart, en 1998, lors du

festival de Chaumont-sur-Loire, qui avait pour thème

l’eau. J’y découvrais leur « Jardin Oriental », avec des

céramiques cuites… à Saint-Quentin-la-Poterie. Ce

fut le déclic de cette aventure paysagère : je donnais

carte blanche aux deux paysagistes pour concevoir

ex nihilo un jardin aux résonances méditerranéennes

aménagé à partir d’un terrain agricole. L’eau y serait

l’élément principal, la noria le point central autour

duquel s’articuleraient les différentes parties du

jardin. Des premiers croquis, à l’automne 2000, aux

plantations, ce furent trois années d’un passionnant

chantier. Le jardin fut inauguré en 2005. Il concilie tra-

dition, avec le thème des jardins de paradis, et moder-

nité, avec l’utilisation du béton ocre qui le structure

et lui donne un caractère résolument contemporain.

Après la création du Jardin de la Noria, dont je suis

devenu en quelque sorte le conservateur, il restait

encore un espace disponible. Amateur d’art, j’ai alors

souhaité apporter une double dimension au site, en

aménageant « La prairie de sculptures ». Cet espace,

dont je suis l’initiateur, présente des créations d’ar-

tistes contemporains et ouvre des perspectives sur

la campagne environnante. Je m’oriente maintenant

vers des réalisations d’inspiration philosophique, qui

s’inscrivent dans le site : ainsi, en hommage à Michel

Baridon, éminent historien de l’art des jardins et du

paysage, l’artiste plasticien Henri Olivier vient de réa-

liser une installation permanente qui anime une allée

arborée.

Dès l’origine, j’avais souhaité que ce lieu soit ouvert

occasionnellement au public pour partager ma

passion et présenter à des amateurs de jardins une

approche alternative au jardin dit « provençal ». J’ac-

cueille moi-même les visiteurs que j’accompagne avec

plaisir ; je les laisse ensuite déambuler librement et

s’approprier l’espace en s’imprégnant de l’esprit du

lieu. Le tourisme de jardin est différent de celui des

vieilles pierres : il offre convivialité, échanges, flânerie

et plaisir des sens.

Je me sens partie intégrante du jardin : c’est une rela-

tion fusionnelle. Il m’est ainsi impossible d’avoir le

regard du visiteur. Aussi, depuis quelque temps, je m’y

promène avec un appareil photo, pour me concentrer

sur la perception et non plus simplement sur l’entre-

tien. Le « propriétaire-jardinier » se métamorphose :

il devient l’œil qui contemple et qui s’émerveille dans

cet espace propice à la rêverie.

� Jean�Deparis

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« Chouette » du sculpteur animalier François-Xavier Lalanne.

Bassin du cloître des micocouliers fermé par une haie d’éléagnus ; allée des cyprès émergeant d’un massif composé de seringat, viburnum carlesi, lonicera fragrantissima, koeretheria paniculata.

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Pots d’agapanthes.

Sièges en béton de Pierre Baey, adossés sur le mur fontaine en béton.

« La création est toujours une histoire de rencontres. La plus évidente d’entre elles est celle du client et du concepteur. C’est aussi la plus impor-tante car, souvent, c’est l’histoire d’une amitié qui se dessine avec celle du jardin. »

Arnaud Maurières

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Les rouages de la noria ont été fabriqués par des artisans marocains, selon l’usage local.

Le grand bassin vu depuis le kiosque d’entrée.

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Poterie « Les jonquilles » de Nadine Portier.

Sculpture en béton de Pierre Baey, la « Dame d’Elche » ; poterie contemporaine conçue par Arnaud Maurières.

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Bancs et siège en béton de Pierre Baey.

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« Toupie » (détail) de Serge Bottagisio et Agnès Decoux.

La prairie des sculptures, « Les Hypnons » de Hugo Motor.

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« Miroir de l’ombre – miroir d’eau » d’Henri Olivier.

La prairie des sculptures, installation philosophique d’Henri Olivier en hommage à Michel Baridon citant La Fontaine :

« Que faire en un lieu, à moins que l’on y songe ».

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Statue terre cuite, Castelnaudary, xixe siècle.

Le jardin de Bruno CarLesun jardin refuge — petite camargue

Ma grand-mère et Lauretta Hugo sont les deux per-

sonnes qui m’ont amenées au jardin. Enfant, j’allais

faire de grands séjours chez ma grand-mère. On

s’aimait beaucoup, on se comprenait, elle était très

douce. Elle m’a donné la passion du jardin dès que j’ai

pu marcher. Elle aimait les jardins de la Côte d’Azur,

les fleurs très colorées. Elle composait avec ce qu’on

lui donnait, elle adorait le parfum des roses. Dès l’âge

de cinq ans, j’ai eu mon petit jardin où je recopiais ce

que je voyais chez elle. J’étais aussi ami avec la famille

du peintre Jean Hugo. Son atelier était au milieu du

jardin, son épouse Lauretta l’entretenait avec pas-

sion. Elle avait une vision du jardin à l’anglaise, libre

et sauvage. Il fallait laisser les plantes aller à leur gré.

En 1982, j’ai hérité d’une partie du mas agricole fami-

lial. J’ai choisi la maison du jardinier avec son ancien

potager que j’ai transformé en jardin. La terre y est

superbe, c’est une terre d’alluvion du Vidourle, très

riche, il n’y a pas un caillou, c’est imprégné d’eau et

abrité du Mistral. Pourquoi un jardin ? Parce que j’en

ai intrinsèquement besoin. Je ne peux pas vivre en

dehors de la nature. Cela me rappelle mon enfance.

Le jardin, c’est un refuge. D’ailleurs, ce jardin est clos,

il est fait comme une maison, il y a des couloirs, des

allées, des pièces. Je fais tout au jardin, j’ai besoin

d’avoir les mains dans la terre, les ongles noirs. Si je

n’ai pas eu ma dose, au moins une fois par semaine

du matin jusqu’au soir, jusqu’à l’épuisement, je ne

suis pas satisfait. Mais c’est un plaisir, une jouissance.

Seul, sans personne.

Insomniaque, j’ai beaucoup rêvé le jardin la nuit. Il

s’est aussi dessiné en fonction des jardins que j’ai

visités. Le jardin est fait de voyages, beaucoup de

plantes sont des souvenirs liés à d’autres lieux. Si il

y a beaucoup de statues, cela vient de mon métier

d’antiquaire. Les vases d’Anduze me rappellent tou-

jours ceux du jardin de ma grand-mère dans lesquels

je me cachais. Le jardin s’est organisé autour du

temple. Le temple c’est la tête, l’allée c’est le corps et

ensuite ce sont des articulations. J’ai voulu une allée

de cyprès en souvenir de celle du jardin des plantes de

Montpellier qui m’a toujours émerveillé. J’ai découvert

la beauté des structures taillées en Italie, où j’ai beau-

coup voyagé. J’ai planté des buis qui se sont ressemés,

je les taille comme de la broderie. J’adore maîtriser la

nature. Maintenant je la laisse un peu plus aller, mais

je garde toujours un côté maîtrisé. J’ai mis des années

à me lâcher. Un jardin peut rendre fou. Ce désir de per-

fection…

Comme il fait très chaud l’été, il est difficile de gar-

der les fleurs. C’est un jardin vert de forme, fleuri en

avril-mai. Après les anémones sauvages, les glycines

égaient le printemps, surtout la glycine du Japon.

J’élève aussi cent cinquante pieds de pivoines et je

leur fais faire des mariages. Cette année, j’ai eu une

mutation que j’ai appelée « Princesse Suzy ». C’est un

exercice de patience, il faut dix ans pour voir fleurir

une pivoine. Le temps ne compte pas dans un jardin.

À la renaissance, l’art des jardins était aussi impor-

tant que la peinture ou la sculpture. Sans m’en rendre

compte, j’ai fait un parcours initiatique dans ce jardin

avec le bois sacré et le temple comme dans le Songe

de Poliphile de cette époque.

Bruno Carles

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Cour du mas, fontaine avec statue terre cuite encadrée de carreaux de St-Jean-de-Fos, vase de jardin à anses de Castelnaudary et jarres à huile d’Anduze avec buis d’Artois taillé en boule. Treille de glycine courant sur

toute la longueur du bâtiment.

Terrasses devant la maison, avec treille de glycine soutenue par des colonnes de pierres. Sur les tables, semis de pivoines arbustives.

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Berger à l’antique, terre cuite xixe siècle, dans une roseraie encadrée de buis taillés en rochers.

Grande statue terre cuite, Italie xixe siècle, dans une haie de buis et laurier tin.

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Sceau de Salomon, dalles de pierre sur pelouse encadrée de buis taillés.

Grand bassin encadré de pots de buis taillés, arrière plan statue terre cuite musicienne à l’antique et lions.

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Vase d’Anduze avec buis taillé en boule .

Lion en terre cuite et feuilles de lotus.

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Portail du parc, vase d’Anduze et Calamondin — Vase d’Anduze de Boisset — Allée de cyprès encadrée de murs de buis taillés en berceau ; entre chaque cyprès vases d’Anduze et buis taillés, fleurs de scilles de Sibérie bleues et ipheions blancs.

Temple et statue terre cuite faisant fontaine.

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Petites lanternes accrochées dans une fenêtre et plaque de zinc repercée — Arrosoirs pour décanter l’eau d’arrosage des agrumes.

Pivoine arbustive, première fleur d’un semis de sept ans, croisement Rocky blanc et Rocky violet.

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Labyrinthe. Autour du bassin, collection de joubarbes sempervirens. Au fond, à gauche, palmier brahea armata, yucca rostrata, yucca filifera.

Jardin d’EmmanuEl dE SauvEboEufun jardin comme un défi — nîmes

Architecte d’intérieur et passionné de nature, je suis

devenu paysagiste, ce qui m’a donné une approche

plus globale sur une liaison nécessaire entre un

espace intérieur et son prolongement extérieur. J’aime

par-dessus tout reprendre un endroit abandonné

et retrouver son histoire à travers les archives et les

traces subsistantes, à la façon d’un archéologue qui

remet au jour un site oublié. En revanche, l’histoire de

mon jardin ne procède pas de cette même démarche.

Je n’étais qu’à la recherche d’un terrain de loisir

dans la garrigue nîmoise. Ce lieu transformé en dé-

charge où ne subsistait qu’un simple mazet entouré

d’éboulis de murs m’a séduit au premier coup d’œil.

Je me suis lancé dans une aventure qui m’a amené

beaucoup plus loin que je ne l’aurais imaginé. Les

contraintes étaient nombreuses et cette ancienne

carrière de pierres où les protestants s’étaient réunis

pendant les guerres de religion, en 1552, n’offrait pas

des conditions idéales à l’implantation d’un jardin :

il n’y avait pas de terre, la roche affleurait partout et

il n’y avait pas d’eau. Une quarantaine de camions

se sont révélés nécessaires pour évacuer les fer-

railles, les pneus et les carcasses de voitures. Après ce

grand nettoyage, il m’a fallu remonter tous les murs

de pierres sèches, restaurer les escaliers et les « res-

tanques », et surtout apporter de grandes quantités

de terre. Ce n’est qu’ensuite que les premières plan-

tations ont eu lieu et que le chantier de la maison a

commencé.

Sans plan d’ensemble bien défini, différentes zones

ont été aménagées. La cohérence s’est naturellement

établie par un choix limité de plantes, tels les buis

et les cyprès, omniprésents. Ils apportent à ce lieu

minéral une verdure constante et permettent l’inser-

tion de collections sans avoir un effet de papillon-

nage. Devant le manque d’eau et la maigre couche

de terre, il a fallu adapter le choix des végétaux. J’ai

commencé à collectionner les succulentes, les agaves,

les yuccas et autres plantes de zones désertiques, lais-

sant les vases vernissés accueillir tous les agrumes. Ce

parti pris s’est affirmé et élargi à la suite de chaque

voyage. Je rapportais l’idée de nouvelles ambiances

par la découverte de végétaux peu courants. Ce jardin

se révèle être un jeu composé de souvenirs de voyages

— cactées au retour du Mexique, forêt tropicale dans

le jardin d’hiver au retour d’Indonésie — mais aussi

de souvenirs d’enfance, de rencontres ou de parfums

dont les empreintes sont souvent plus tenaces que les

souvenirs visuels. C’est pourquoi je ne conçois pas un

jardin figé. Il évolue sans cesse, au gré des nouveaux

apports, mais aussi parce que les plantes décident

souvent par elles-mêmes de leur évolution, nous

réservant toujours d’agréables surprises. Lors de la

conception, il est facile et plaisant d’imaginer le rendu

définitif, mais que de soins et de patience avant d’arri-

ver à cette vision initiale !

Ce jardin est devenu un besoin de tous les jours, et

le plaisir que j’en retire me fait aisément oublier

l’attention constante qu’il me réclame, et que je ne

saurais déléguer. Toutefois, c’est une grande joie

de pouvoir le partager avec d’autres passionnés, et

prendre ainsi le recul nécessaire que me donne leur

regard neuf. Les saisons se suivent, échelonnent les

vagues de floraisons des pivoines, des lys, des roses,

pour continuer par les sauges. Les zones d’intérêt

et les harmonies colorées se déplacent au cours des

mois. Si, en hiver, le jardin se réduit au graphisme des

buis, des palmiers et des cyprès, ne laissant que peu

de place aux timides hellébores, il est empli d’espoir

et annonce un printemps où tout va se succéder si

rapidement qu’il sera parfois difficile d’en profiter

pleinement.

Emmanuel de Sauveboeuf

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Vase avec drapé de style fin xviiie siècle.

Labyrinthe de buis, buxus Sempervirens ; bassin entouré de quatre lauriers roses blancs sur tiges, Nerium oleander ; à droite, lilas de Chine,

Syringa X Chinensis, variété trouvée en France en 1777.

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Dans la serre : Agave attenuata, Bananier d’Abyssinie, Ensete ventricosum maurelii, Sanseviera albo-marginata ; arrosoir en cuivre du xviie siècle.

Pavots, Papaver somniferum ; Acanthes, acanthus mollis ; vases émaillés de Saint-Jean-de-Fos.

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Terrasse.

Solanum crispum (fleurs bleues) ; en pot, kumquat rond, fortunella japonica ; rosiers grimpants, à gauche Seagull, à droite Phyllis Bide ; paire d’urnes godronnées en pierre fin xviiie siècle ; Bambous, phyllostachis aurea, arbre, Sophora japonica.

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Statue en marbre représentant Vertumne, xviiie siècle. Devant, rosier grimpant Bobbie James. Derrière, rosier grimpant Pas-de-Deux — Broderies en buis, Buxus sempervirens ; Pivoine de chine herbacée Festiva maxima (Paeonia lactiflora) — Buste en marbre signé F. Prinzi, 1880. Derrière, Photinia Red Robin ; Poiriers taillés en cordons, William Bon Chrétien.

Cyprès, Cupressus Sanko Rey. Pot couvert en pierre du xviiie siècle. Sauges bleues, Salvia farinacea. Centaurea cinéraria (feuilles grises).

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Jarre à huile de Biot, époque début xixe siècle.

Statue en plomb xviiie siècle représentant Neptune enfant, le pied sur un dauphin. Nénuphar, nymphea, myriophillum.

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Palmier à gauche, Washingtonia filifera. Au fond, palmier trachycarpus Wagnerianus. Au premier plan, luzerne arborescente, Medicago arborea.

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Phyllostachys edulis.

La BamBouseraieun jardin qui force à l’exception — anduze

Je me réfère toujours à Eugène Mazel qui a créé ce

jardin. Ce fut la cause de sa ruine. C’est quelque chose

qui m’a marqué. Ma famille a racheté le jardin aux

enchères à la bougie, à Alès, en 1902. Eugène Mazel

a aussi planté de grands arbres dans la propriété où

j’ai été élevée. Enfant, j’ai toujours eu le réflexe de

me sentir mieux dehors que dedans, notamment à la

proximité de ces grands arbres.

Ce lieu est d’une grande exigence. Il inspire le res-

pect. C’est un peu comme une œuvre artistique. J’ai

toujours pensé qu’il fallait le défendre, ne pas le gal-

vauder. Je me bats. C’est une responsabilité immense,

par certains moments infiniment lourde, mais qui

peut être rendue joyeuse et belle. J’ai toujours favorisé

les évolutions, mais, il y a quelques années, en 2004

précisément, j’ai réalisé que nous n’avions pas mesuré

le succès du lieu. Nous commencions à négliger le

maintien et l’entretien du jardin, pour une entreprise

trop commerciale. J’ai souhaité revenir à la volonté

de Mazel lorsqu’il a créé ce jardin. Il faut conserver

cet état d’esprit aux grandes valeurs pédagogiques.

Nous avons des plantes du monde entier qui arri-

vent à cohabiter. Nous, humains, nous essayons tous

les jours de cohabiter : c’est porteur d’un message

d’espoir.

Le bambou est la base du jardin, mais je ne pense

pas qu’Eugène Mazel aurait pu imaginer que cette

plante serait si dominante. Il a planté énormément

d’espèces, mais les bambous ont régné en maître. Ces

bambous sont comme les enfants, il faut les éduquer.

Sinon, ils partent dans tous les sens ! Il faut penser

aux arbres. Les arbres, ici, sont fabuleux. Verrait-on

les bambous comme cela s’il n’y avait pas les grands

séquoias de l’allée ?

On peut aussi s’intéresser à la Bambouseraie par

d’autres chemins que la botanique, selon sa sen-

sibilité. C’est la raison pour laquelle j’ai développé

différentes manifestations culturelles, des exposi-

tions de land-art, des rencontres, des lectures, des

concerts. On peut venir pour la paix et le calme.

On entre dans un jardin sans avoir besoin de clé. On se

reconnecte à son bien-être avec des choses simples :

on se remet au rythme naturel dont on s’est coupé

dans notre évolution.

Si nous voulons que l’œuvre d’Eugène Mazel per-

dure, il faut une activité rentable. Nous recevons

près de trois cent mille visiteurs par an et le retour

est très positif. Je suis chef d’entreprise, il y a trente-

cinq personnes qui travaillent. C’est difficile mais on

s’en sort mieux si on sait qu’on fait du bien. Grâce à

ce patrimoine botanique dédié à la visite, nous par-

ticipons à la prise de conscience de l’importance du

végétal et, plus généralement, de toute la nature.

C’est une petite graine qui germera, au fil du temps,

en chacun des visiteurs. Cela donne un sens à ma vie.

C’est un sacerdoce. Si dans cette profession on n’entre

pas en postulant au sacerdoce, on n’a pas beaucoup

d’avenir. Il faut être patient, modeste, accepter ses

échecs. Nous avons connu les inondations, la neige,

les tempêtes, il faut quand même continuer.

Dans la journée, le jardin appartient à tout le monde.

Le matin et le soir, c’est mon jardin. C’est magnifique,

je me promène un peu partout. C’est un Eden, je suis

la gardienne du temple. J’ai le sourire aux lèvres et

les yeux brillants parce que les plantes sont un mer-

veilleux espoir. Il y en aura toujours pour pousser là

où vous portez vos pas. Vous avez toujours à vous

émerveiller.

Muriel Nègre

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Phyllostachys viridis.

Pousses de Phyllostachys edulis, à gauche, branche du cryptomeria japonica elegans.

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Phyllostachys nigra ; Phyllostachys bambusoides « Holochrysa » ; Phyllostachys viridiglaucescens — Phyllostachys viridis ; Phyllostachys viridis « Sulfurea ».

Phyllostachys nigra « Boryana ».

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Azalea japonica.

Phyllostachys edulis.

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Le vallon du Dragon, Acer palmatum japonicum ; arbre nuage : Pinus pentaphylla.

Tori, Camellia japonica, Phyllostachys aureosulcata « Aureocaulis ».

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Le vallon du Dragon, Pleioblastus distichus ; arbres nuages : Pinus sylvestris et Taxus bacata.

Le pavillon du Phénix rouge dans le vallon du Dragon, Acer palmatum japonicum ; Pleioblastus pumilus.

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Gingko biloba à l’automne ; Trachycarpus fortunei.

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ISBN 978-2-917743-32-4

38 €

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jardins et jardiniers en Languedoc

Quinze jardinières et jardiniers m’ont accueilli en ami et

m’ont ouvert sans retenue les portes de leurs jardins plus

ou moins secrets. Ce livre raconte des histoires humaines

autant que des histoires de plantes. La création d’un jar-

din étant l’œuvre d’une vie, ces passionnés de la nature

m’ont offert le plus beau des cadeaux en me laissant

déambuler à mon aise, parfois à des heures indues, dans

les allées de leur univers intime. Qu’il soit ornemental,

historique ou contemporain, lieu de plaisir ou de médita-

tion, le jardin, de plus en plus nécessaire dans notre mode

de vie moderne, est toujours le reflet de celle ou celui qui

l’a créé et entretenu. En projetant sa vision idéale de la

nature, son Eden, le jardinier ordonne l’environnement

à son image, ce qui fait dire qu’il y a autant d’espèces de

jardins que de jardiniers.

Jean du Boisberranger

L’histoire des jardins en Languedoc est relativement

récente. Sans tradition comparable à l’Île-de-France ou à

la Côte d’Azur, cette région s’est offert une créativité éton-

nante, reflet de la diversité des climats, des milieux natu-

rels aussi bien que des inventeurs de ces jardins. Dans cet

ouvrage, chaque jardinier raconte son œuvre, révélée à

son tour par le travail exceptionnel de Jean du Boisber-

ranger. Au gré des heures et des saisons, ses photogra-

phies saisissent la beauté de ces jardins et restituent de

manière éblouissante l’émotion qui se dégage de ces uni-

vers en création perpétuelle.