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J. Ehrard, L'idée de nature en France dans la première moitié du XVIIIe siècle.

Furet François

Annales. Histoire, Sciences Sociales, Année 1965, Volume 20, Numéro 5

p. 1059 - 1061

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PHILOSOPHES, SAVANTS ET VOYAGEURS

dont les bonnes éditions ne manquent pas l ou qu'il cède si facilement aumythe du colonisateur. Certes Bougainville n'a rien d'un aventurier à laCortez: son humanisme est de bon aloi et l'apparente plus à Montaignequ'à un apologiste des Conquistadors. Mais ce colonialisme feutré était decirconstance, et gagner l'amitié des indigènes, comme le recommandaientinstamment les Instructions royales était, dans ces mers lointaines, le meil­leur moyen d'assurer une {( présence française» aux moindres frais: l'his­toire véridique d'Aoutourou, telle que l'écrit 1\1. Martjn~Allanic, en est lameilleure preuve, mais il suffit de lire les pages oil Bougainville définit lebut de l'expédition : trouver de nouveaux établissements, s'assurer lamaîtrise des mers, mettre la main sur (j toutes Ics richesses du globe [qui]appartiennent à l'Europe que les sciences ont rendue souveraine des autresparties» pour comprendre que la {( civilisation ) des sauvages répond sur­tout à ces l( intérêts bien entendus Il, selon une formule chère aux admi­nistrateurs de l'époque.

Les notations réalistes ne manquent pourtant pas au fil des pages :tel feuillet du carnet de bord de la Boudeuse illustre les conditions assezeffroyables, en dépit des précautions prises, dans lesquelles vécurent leséquipages (scorbut et quasi~famille), telle allusion aux mouvements debourse provoqués par j'annonce ou le retard de l'armement des naviresen dit long SUT' les profits licites ou illicites qui entretenaient autour desgrandes expéditions comme une fièvT'e de spéculation. Partout on glanerad'utiles renseignements, sur le personnel colonial (ch. XIII), sur les affairesde l'îlc de Francc en 1768 (ch. XXXIII), sur les arcanes de notre diplo~

matie (ch. XIII, XIV, XXXVII) sur des personnages peu connus: Com~

merson, Dalrymple, Banks, le duc de Croy. Enfin ce livre vivant et alerte,qui fuit une grande place aux documents eux~mêmes, peut se consultercomme une anthologie aussi riche suggestive. - l\1ICII~:LE DUCHET.

L'idée de nature en France dans la prem.ière moitié du XVIIIe siè­cle.

C'est sans doute un des signes des incertitudes de l'histoire littéraire,et des questions qu'elle se pose à elJe~m~me, que la multiplication dessujets de thèse sur ({ l'idée de ... » : Comme si l'étude d'une époque àtravers une de ses idécs centrales était un des chemins qu'emprunte le rap­prochement du littéraire et de l'historien. A ce point de vue le XVI Ile siècleest particulièrement favorisé. Après l'idée de bonheur, de Mauzi, voiciJ'idée de nature z, dont Paul Hazard avait dit déjà: Il C'est l'idée maîtressedu siècle. »

1. M. l\1ARTI:"J-ALLANIC Ile cite pas {'clic de .M. DlECKMAN":'i, parue chcz Droz,en 11)55. Bicn ùcs problèmes de sources flue soulevait alors 1\1. Dieekmann (Appen­dl'ce, p. 68 à 72) se trouvcnt résolus pur Ics documents publiés ici.

Disons il. ce propos que l'hypothèse avancée par M. l\lartin-Allanie (p. 1388), àsavoir que Diderot aurait pu offrir à l'impératrice le manw,crît du premier compterendu du voyage de Bougainville. rédigé pour la Correspondance littéraire, est peuvraisemblable. li semble plutôt avoir fait partie du lot des papiers de Diderot envoyésen Russie après sa mort.

2. J. EnRARD, L'idée de m,ture en France dans la première nwifié du XVllI fJ siècle.8GI pages (en 2 vol. à pagination eontinue). Paris, S.E.V.P.E.:\'., HIG:3.

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AN:-'AL.Ea (20· année. septl.'mbrC"-Octobre 1965. n Q;;) 13

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ANNALES

Mais justement, à l'échelle du siècle, quelle gageure! La richesse desmatériaux eût débordé n'importe quelle recherche individuelle -fût-elleaussi tenace que celle-ci, et surtout si cHe avait été aussi érudite. C'estpourquoi Jean EnRARD a délimité très raisonnablement son champ chro­nologique en choisissant la première moitié du XVIIIe siècle: C'est unedurée suffisamment longue pour éviter au chercheur un des pièges classiquesde l'histoire des idées, qui consiste à surestimer, par l'étude du très courtterme, la nouveauté des phénomènes qui s'y manifestent. Je ne suis passûr par exemple que la célèbre CTI~se de la conscience européenne n'ait pasété sous ce rapport un peu prisonnière de SOIl titre, lui-Ill.ême tributairedes limites chronologiques de J'analyse. Entre la mort de Louis XIV et cetournant des années 50 où Daniel Mornet et Cassirer - après d'Alembert ­ont vu s'épanouir la victoire des lumières, le demi-siècle d'Ehrard offreune assiette plus large et plus satisfaisante à J'histoire intellectuelle. Il al'épaisseur d'une époque; même si l'on tient aux références commodes del'avant et de J'après, et à la notion si ambiguë de transition, on doit remer­cier Jean Ehrard de s'être installé dans son sujet avec une sorte de respectinstinctif et tant de précautions ('ontre l'anachronisme.

L'originalité de cette première moitié du XVIIIe siècle est d'abord dansl'étude de la nature comme système du monde: certes, l'idée de réduireles pouvoirs de Dieu à la célèbre. chiquenaude» de Pascal n'est pas nouvelle,et elle continue il alimenter toute une polémique jésuite contre la philo·sophie cartésienne. Le phénomène intéressant est qu'elle se développemême chez les an ti-cartésiens, et comme à leur insu: car il n'est pas TaTC

que les Jésuites de Trévoux, après bien d'autres, prennent appui conlreDescartes SUT le Dieu de Newton, qui est. à la fois ordonnateur et conser­vateur perpétuel de la gravitation universelle. Mais ce faisant, ils n'ouvrentpas seulement la voie au monde naïvement sursaturé de présence divinede l'Abbé Pluche et de son Spectacle de la Nature; ils facilitent aussi l'inter­prétation voltairienne du Dieu-Horloger, finalement assez proche desconceptions cartésiennes.

Peu importe, à ce niveau d'interprétation, que la b'Ts,witation univer·selle soit contradictoirc avec les principes d'une Nature mécaniquc. L'opi­nion éclairée du demi.siècle surimpose le ::\laître souverain de Newton auDieu-chiquenaude de Descartes, mais c'est paradoxalement pour élargirla part de la nature et restreindre celle de Dieu: la finalité interne du LTéégagne du terrain sur la finalité externe du créateur. A"ec Buffon, l'histoirenaturelle va devenir l'histoire de la nature, et à travers Maupertuis, puis Jejeune Diderot, l'idée ù'évolution impose progressivement l'autonomie desphénomènes naturels. Ainsi, c'est dans l'érosion d'une pensée chrétienne,qui d'ailleurs sc défend bien mal. que J'idée de nature, souvent contradic­toire et toujours ambiguë, trouve son unité historique.

La deuxième partie de la thèse d'Ehrard est consacrée au concept deli nature humaine l', également très ambigu; car il recouvre au XVIIIe siècleune description dcs hommes ct des sociétés, une curiosité fanatique dumonde, une accumulation de connaissances et de faits. Mais l'époque mêmequi multiplie les preuves de la relativité du social, conscrve dc l'héritageclassique la hantise de l'homme universel. La nature humaine continue à

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y être pensée comme une norme esthétique, morale et sociale; el1e tendmême à devenir, cont re la surnature, la référence fondamentale du monde.

Cette ambiguïté est au cœur même de l'œuvre de Jlontesquieu, quioscille sans cesse entre ('inventaire sociologique et Je classement normatif.Cet ESPTit des Lois si mal composé ct si génial, si (;onfus et si lucide, JeanEhrard lui restitue tout son poids de malaise, c'est-à-dire d'histoire: dansdes pages qui sont les plus informées ct les plus fines qu'on ait jamais écritessur Montesquieu, il montre bien tout ce que le plus grand livre du demi­siècle possède à la fois de traditionnel et de moderne, et tout ce que lapremière synthèse des lumières doit à la fidélité nobiliaire. II n'y a pas unMontesquieu c( féodal» et un Montesquieu Il philosophe Il : c'est le mêmehomme Il qui admire le mécanisme si moderne de la Constitution anglaisect prêche à ses concitoyens l'exemple d'un passé révolu 'l.

n n'est pas possible, dans le cadre d'un compte rendu, de suivre lelivre d'Ehrard dans la richesse de ses développements, qui mêle très utile­ment minores ct grands auteurs: Nature et beauté, Nature et société,Nature et bonheur... Au chapitre de l'esthétique, pourtant, marquonspeut-être un reget : Ehrard a raison de commenter longuement lesmultiples formes concurrentes dans lesquelles s'inscrit la tyrannie du grandgoût classique et de la k belle nature J • .Mais il n'oppose à cet académismeétroit que ce qu'il appelle Il des formes compJémentaires de mauvais goût» 1 :

Le naturalÎsme moralisBnt du t>entirnent. Snns mêmc cntrer dans l'immense(~uestion du rococo, el pour en rester à l'esthétique littéraire dans laquellese cantonne l'auteur, la naissance ùu roman moderne, dans la premièremoitié du XVIIIe siècle, méritait sans doute une analyse plus approfondie:La conception cl le succès de Manon Lescatlt ou de La vie de 1l1ariannesont des événements de sensibilité sociale par oÙ s'annonce - autant quepar les u philosophes », mais sous une autre forme - le monde nouveaudes lumières. Dans un livre récent, .M. George Maya écrit sur ('c sujet desanalyses fort intéressantes '.

Mais au delà de cette querelle relativement secondaire, l'éclairagegénéral du livre d'Ehrard, qui consiste à toujours prendre l'exacte mesuredu poids des héritages dans ta vie des idées, reste particulièrement justeet précieux. On s'en aperçoit mieux encore dans la troisième partie, qui syn·thétise l'argumentation générale en mêlant les deux thèmes du monde etde l'homme, en suivant les rapports fluides des deux natures à travers laNature. Ni Pro\-idence, ni nécessité, celle-ci n'cst pas encore histoire etprogrès. A la fois ordre ct finalité elle est le lieu géométrique des contra­dictions du demi-siècle, mais surtout le substitut irremplaçable du surna·turel, d'oÙ ellc tire son impérialisme ambigu. De cettc aube; encore touteembrumée - pour rester dans l'imagerie des Jumières - nous dcvonsdésormais l'histoire à Jean Ehrard. - FRANÇOIS FuRET.

Histoire et politique au XVIIIe siècle.

En quarante-cinq pages alertes M. POlln":Au justifie l'entrée de Voltairellans la nouvelle collection d'histoire des idées politif.1U('S que dirige 1\1. Jean

1. T. l, p. 317.2. G<.-o~~e :\1"", Le dilemmt' du rQflW'1 au X V tHe sià'le, P. Ll.F.

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