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Issu d'une famille venue s'instal- ler en Algérie au siècle dernier, Fernand Carréras a vécu, jusqu'à l'indépendance, au cœur du fau- bourg de Bab-el-Oued. Journaliste de profession, il a suivi, jour après jour, tous les événements d'Algé- rie. Il était dans le « djebel » dès le 2 novembre 1954; il a été témoin du 13 mai, des « journées des bar- ricades », du putsch et de la révolte des Français d'Algérie.

Rédacteur en chef du « Journal d'Alger », il entretenait des rela- tions d'amitié avec les personnali- tés politiques françaises et algé- riennes de toutes les tendances et a pu être ainsi « dans le coup » des négociations e n g a g é e s entre l'O.A.S. et le F.L.N.

Fernand Carréras a regagné la France en juillet 1962. Il poursuit à Montpellier sa carrière de journa- liste au « Midi Libre ».

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" L ' H I S T O I R E QUE N O U S V I V O N S "

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FERNAND CARRERAS

L'ACCORD F.L.N.-O.A.S. Des négociations secrètes

au cessez-le-feu

ROBERT LAFFONT

6, place Saint-Sulpice, 6 PARIS-VI

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© R o b e r t L a f f o n t , 1 9 6 7

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P R É F A C E

Un monde est mort, un monde que nous aimions mais qui n'était p lus un monde pour notre temps.

Une masse d'hommes en avait conscience, une minorité aussi, mais celle-ci refusa l'évidence et ce fut le sanglant affrontement.

Fi ls d'une mê me terre, ces hommes qui s'entretuaie nt appartenaient à la même race, celle de la Méditi rranée.

Deux mille ans d'histoire com m u ne, deux mille ans

de f lux et de reflux du Maghreb en Espagne, en France, en Corse, en Sicile ou ailleurs et puis d 'Espagne, de France, de Corse, de Sicile et d'ailleurs de nouveau au Maghreb, chaque camp tour à tour dominant l 'autre ou dominé p a r lui, ces deux mille ans de cohabitation avaient tissé des affinités de chair et de sang.

Bien que différents de religion, ces hommes avaient hérité d'une mentalité identique et qui plus est se vouaient une estime, sinon une affection réciproque.

Et pourtant après 123 ans de répit, de nouveau ils s'entretuaient.

C'est en cela que la révolution algérienne qu'on appelle aussi la guerre d'Algérie, débouchant sur des massacres et sur un gigantesque et commun exode, demeurera dans l'histoire des peuples la plus atroce affaire de famille de tous les temps.

Ce sont les derniers spasmes de cette agonie de l'Algérie française que nous relate Fernand Carreras.

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Seuls un « pied-noir » ou un Algérien pouvaient objec- tivement la conter. I l fallait l'avoir vécue sur place, en connaître les prémices, avoir été des années durant au contact de ceux qui tenteraient l 'opération de la dernière chance, c'est-à-dire la recherche de l 'apaisement, de la réconciliation, afin d éviter les éclats meurtriers de la grande séparation.

I l fallait enfin percevoir la mentalité, les raisons du comportement, les réactions des acteurs de cette fin du drame et seule l'« Algérianité » du narrateur pouvait le permettre.

Fernand Carreras a réussi.

Son indiscutable talent de journaliste parfaitement averti de l'histoire contemporaine de l'Algérie, histoire à laquelle il a intensément, participé, l 'autorise aujourd 'hui à conter les dernier es scènes du dernier acte.

Ayant puisé aux sources les plus sûres avec la probité intellectuelle d 'un historien, ayant confronté la p lupar t des témoins, son livre est un document.

I l n'est pas œuvre de par t i san en ce qu'il décrit avec précision, sans haine et sans passion ce qui fut , mais aussi parfois avec une tristesse légitime. C'est un livre vrai.

I l est heureux que Fe rnand Carreras l 'ai t écrit pour que l'on sache un jou r que quelques hommes de bonne volonté venus de tous les horizons et de camps opposés ont tenté et réussi partiellement l 'impossible pour mettre un terme à une inutile boucherie. Ce fa i san t ils ont sauvé des milliers de vies humaines.

Qu'on les juge comme on voudra. Ma i s qu'on se demande aussi ce qui, dans le climat démentiel de j u i n 1962, serait advenu quinze jours plus tard s'ils eussent échoué ?

Jacques CHEVALLIER

Ancien maire d 'Alger Ancien ministre

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« C e l u i q u i d é s e s p è r e des é v é n e m e n t s

est un l âche , m a i s c e l u i q u i e spè re en l a

c o n d i t i o n h u m a i n e est un f o u . »

ALBERT CAMUS ( C a r n e t s )

C H A P I T R E P R E M I E R

LA TENTATIVE DE RAOUL SALAN

C'était le 18 avril 1962. J'allais au Rocher-Noir, convoqué par M. Fouchet, haut-commissaire de France en Algérie qui venait de succéder à M. Jean Morin, et par M. Farès, président de l'Exécutif provisoire. Peu de temps auparavant, trois bombes au plastic avaient détruit trois étages du Journal d'Alger, et j'étais le rédacteur en chef de ce quotidien qui, avec l'Echo d'Oran, représentait la tendance libérale en Algérie. Encore que, depuis longtemps, il fût pratiquement impossible à la presse algé- rienne, en raison d'une censure rigoureuse et imbécile, d'exprimer la moindre opinion.

La cité administrative du Rocher-Noir avait

l'allure d'un immense camp de concentration. Pour y arriver, quelle que soit la route empruntée, il fallait franchir de nombreux barrages établis par l'armée et par la police. Juché sur un plateau dominant à la fois la vallée et la mer, l'immense ensemble d'immeubles, de casernes et de somp- tueuses villas était ceinturé d'un triple réseau

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de fils de fer barbelés et d'innombrables tours de guet.

Dès l'entrée, des policiers français faisaient subir un véritable interrogatoire au visiteur. Qui était-il ? Quel était l'objet de sa démarche ? Il devait parfois subir la fouille humiliante, tant la crainte de l 'attentat était vive. La personnalité qu'il désirait rencontrer devait ensuite donner son agrément par téléphone. Il laissait alors ses pièces d'identité aux cerbères et pénétrait dans l'enceinte, escorté par un C.R.S. qui, pendant toute la durée de l'entrevue enfin accordée, demeu- rait, vigilant, à la porte du bureau, pour le reconduire, une fois l'entretien terminé, jusqu'à la sortie.

Dans les couloirs du Haut-Commissariat ou de

l'Exécutif provisoire, c'était un spectacle étonnant. On y croisait des « porteurs de mitraillette », des soldats français, des gendarmes mobiles, des mem- bres de l'« Armée de la libération nationale »

— l'A.L.N. — que l'on appelait encore des « Fella- gha ». Ils allaient, venaient, gonflés d'importance, préoccupés, sombres et méfiants.

Et puis, on y découvrait soudain des hommes qu'on avait oubliés. Ils avaient passé ces dernières années « planqués », ou dans les prisons dont les portes venaient de s'ouvrir. Je retrouvais là des visages que j'avais bien connus autrefois, à une époque qui me paraissait étrangement lointaine.

C'était le retour des exilés politiques, sans doute moins avides de revanche qu'à la recherche d'un rôle à jouer, d'une « place ». Pour quelques Français,

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l'argument c'était : « J'étais l'ami de Ferhat Abbas, de Khidder ou de P o p i e » Pour les Algériens, l'importance de la peine encourue devant les tribunaux militaires servait de critère.

On allait bientôt ranger aux archives le doulou- reux dossier de l'affaire algérienne, on bâclait le dernier chapitre qui concernait la deuxième rébel- lion, celle de l'O.A.S., celle qui avait éclaté au grand jour le 20 avril 1961 après avoir couvé pendant deux longues années.

Le 20 avril 1961, le putsch des généraux, la folle aventure de Challe, Jouhaud, Salan et Zeller...

En trois jours la tentative de soulèvement de l'armée avait échoué, mais si la révolte des chefs militaires avait été matée, la lutte clandestine avait obtenu un appui considérable parmi les Français d'Algérie. Tous — à quelques exceptions près — militaient dans les rangs de l'organisation secrète ou en étaient devenus des complices extrê- mement actifs.

Onze mois durant, l'organisation subversive tint le haut du pavé, multipliant ses actions, entretenant un climat de guerre civile, affrontant jusque dans la rue les troupes fidèles au gouver- nement, punissant de façon « ponctuelle » hommes et femmes, Français ou Algériens qui cultivaient d'autres opinions que celles qu'elle-même professait. L'O.A.S. avait choisi de répondre au terrorisme

1. Me Popie, j eune avoca t , chré t ien progressiste, assassiné dans son cab ine t p a r u n c o m m a n d o de l 'O.A.S. composé de deux h o m m e s et d ' u n e fomme.

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par le terrorisme, elle avait fait siennes les méthodes qu'avait employées jusqu'alors le F.L.N.

Dans le même temps, le Gouvernement français avait poursuivi sans relâche des négociations avec le G.P.R.A. Les contacts étaient quasi permanents, on surmontait allégrement les difficultés, on visait le but avec ténacité. Le dimanche 18 mars 1962, c'était l'annonce attendue de l'accord conclu à Evian. Ce jour-là, les journaux d'Alger publièrent in extenso le texte de ces accords. Il est vrai que l'insertion avait été payée par la délégation générale du Gouvernement en Algérie au tarif ordinaire de la publicité.

Les clauses du protocole précisaient les dispo- sitions intérimaires qui devaient avoir cours en Algérie jusqu'au scrutin d'autodétermination, fixé au 1 juillet. Nul ne s'y trompa. Ni les nationa- listes algériens ni l'état-major de l'O.A.S. Les premiers s'installèrent dans le pays, saisirent avidement les rênes qu'on leur cédait déjà, les seconds, refusant le compromis, imprimèrent à leur lutte un caractère encore plus impitoyable. Ils s'engageaient dans la politique de la « terre brûlée ».

Le tocsin avait longuement retenti, à présent le glas résonnait.

C était la foire d'empoigne au Rocher-Noir. Déjà, on sentait les ambitions se contrarier, des luttes intestines sourdre, tandis qu'à 25 kilomètres de là, à Alger, c'était encore la guerre, les morgues

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où s'entassaient les cadavres d'hommes, de femmes, parfois d'enfants, assassinés, les explosions qui se succédaient.

A Alger où les commandos « delta » tiraient, dans le centre de la ville, sur tous ceux qui avaient le teint bistre, où les Européens, habitant les zones excentriques à population en majorité musul- mane, se repliaient vers les quartiers français pour éviter l'émeute — il y avait eu des précédents... Alger, autrefois ville joyeuse, était devenue un décor blanc dans lequel on jouait du Kafka ; une sorte de démence collective l'agitait ; la haine et la fureur y régnaient en maîtresses. Alger était souillée de sang. C'était l'époque où la passion étouffait les sentiments les plus profondément ancrés dans le cœur de l'homme. Les fidèles boycottaient les offices célébrés par Mgr Duval, archevêque d'Alger, que l'on surnommait « Mohamed » et qui avait été l'objet de deux attentats. J 'ai connu le curé d'une bourgade de la Mitidja dont le clocher servait de cache d'armes à l'O.A.S. Mais, dans le même temps, les hommes de main du F.L.N. tuaient jusque dans les mosquées les Musulmans qu'ils soupçonnaient d'entretenir des sympathies à l'égard de la France.

Dans le hall des bâtiments de l'Exécutif provi- soire, des gens allaient, se bousculant, des dossiers sous le bras. Quelques-uns d'entre eux s'arrêtaient, me serraient la main avec chaleur, d'autres me regardaient, méfiants, étonnés sans doute que j'aie

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pu traverser l'orage malgré une charge de plastic déposée sur le seuil de ma maison et la destruction du journal auquel j'appartenais.

Ah ! s'ils avaient pu soupçonner le miracle de l'amitié qui fit qu'en avril 1961, le jour du putsch, des Musulmans vinrent chez moi, offrir à ma femme de nous héberger dans la Casbah, « car, disaient-ils, nous étions en danger... » Le miracle de l'amitié qui fit un autre jour que des hommes, appartenant ceux-là à l'O.A.S., dirent simplement, mais sans doute fermement : « Non, pas lui !... »

Je conserve de cette période un souvenir précieux entre tous : une nuit, l'un de mes vieux camarades qui, je le savais, occupait un poste important dans la hiérarchie de l' organisation secrète, vint m'avertir que le lendemain tous les Musulmans qui hasarderaient leurs pas dans le centre de la ville seraient abattus. Or, l'immeuble de notre journal était situé boulevard Laferrière, face à la Grande Poste, sur les lieux mêmes des barricades du 24 janvier 1960 et de l'atroce mas- sacre du 26 mars 1962 1 Ainsi renseigné, je pus exiger des quelque vingt collaborateurs algériens du Journal d'Alger qu'ils se terrent à leur domicile.

J'ai à l'égard de cet ami véritable une immense dette de reconnaissance. Ces hommes

lui doivent la vie. Je l'ai revu en France après l 'exode et je lui ai rappelé l'anecdote. Il a souri,

1. Le 26 mars 1962, un cortège de manifestants européens fu t arrêté sur le plateau des Glières par un détachement de l'armée. Ce tte troupe, formée de tirailleurs musul mans, gagnée par une

sor te de panique, tira sur la foule. On déplora plus de soixante morts et une centaine de blessés.

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m'a pris le bras et a murmuré trois mots d'appa- rence banale qui valaient pourtant une longue explication : « Quand même... Hein ?... »

Soudain un personnage souriant s'approche de moi. C'est Charles Baujard, maire de Blida, l'un des leaders du groupe des libéraux, qui avait dû se réfugier au Maroc devant les menaces de l'O.A.S. Il est de retour depuis quelques jours seulement. Après ces effusions que les Français d'Algérie ont instinctivement empruntées aux coutumes musulmanes, Baujard me dit :

— C'est la fin. Tout va s'apaiser très vite. Le temps est proche où tout le monde va s'embrasser sur la bouche. Nous allons bientôt fêter les retrou- vailles des deux communautés...

E t comme je m'étonne de ce bel optimisme, il ajoute, appuyant à loisir sur le savoureux langage pied-noir, jouant du geste :

— Eh ouais, y a quèqu' chose dessous. Tu m' crois, oh ? ou tu m' crois pas ?

Le croire, je le veux bien. Mieux, je le souhaite de toutes mes forces. Mais tout cela me paraît impensable, extraordinaire, presque grotesque, en tout cas « hénaurme » comme l'écrivait Flaubert. Pourtant, tout à l'heure, Farès, dans son cabinet, sans aller jusqu'au bout de la confidence, me confir- mera qu'il entrevoit « la possibilité d'aboutir à un véritable cessez-le-feu ».

Je l'interroge, indiscret : — Par quel moyen ?

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Chut ! je ne peux vous en dire plus. Nous en sommes à peine au stade de l 'exploration. Allez, ayez confiance.

Et puis encore : — S'il me fallait conclure une alliance avec

le diable pour ramener la paix dans ce pays, je le ferais...

C'était assez pour comprendre qu'un contact avait été établi, que ces adversaires qui paraissaient irréductibles allaient peut-être discuter, s'affronter autour d'une table. Sans échanger des balles.

Cette éventualité me paraissait pourtant uto- pique, vue dans le climat sous lequel succombait l'Algérie et je jugeais insensé l'espoir d'une issue favorable aux projets entretenus par Abderrahmane Farès.

Pourtant, l'histoire des négociations entre le F.L.N. et l'O.A.S. commençait.

Trop tard...

Dans les prises de position qui ont jalonné le drame algérien, et qui parfois l'ont conduit, il y a toujours eu un décalage, et les concessions faites par les uns intervenaient inévitablement quand l autre partie était, depuis longtemps, devenue plus exigeante.

C est l'intégration, demandée par Ferhat Abbas en 1946 et offerte par Jacques Soustelle en 1957 ; c est le collège électoral unique, réclamé par les élus musulmans en 1948 et accordé par le général de Gaulle en 1958 ; c'est, en 1957, le projet de fédéra-

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lisme de quelques esprits libéraux, accepté par l'état-major de l'O.A.S. alors qu'il sent venir la fin.

C'est encore dans ce contexte qu'il faut situer les approches qui eurent lieu quatre mois seulement après le putsch d'avril 1961 et dont le général Salan fut à l'origine. L'ancien responsable civil et militaire de l'Algérie — c'était son titre officiel après le 13 mai 1958 — qui venait d'entrer dans la clandestinité, tentait d'établir un contact avec Jacques Chevallier qui fut, un temps, son ministre, puisque celui-ci avait détenu dans le gouvernement Mendès-France le portefeuille de la Défense nationale.

Il est une race exceptionnelle d'hommes. Ils paraissent, ils parlent et forcent la sympathie de l'interlocuteur. S'ils s'adressent à un auditoire, le voilà sous son emprise. Jacques Chevallier est de ces hommes.

A Alger, où l'on inclinait à la familiarité, ses amis — et les autres — l'appelaient, ou le dési- gnaient, par son prénom : « Jacques ». Grand, séduisant, il demeure, malgré le cheveu grisonnant, le type parfait du « play boy ». Intelligent, subtil, c'est un authentique animal politique. La politique est sa passion. Il s'y est consacré depuis quelque trente ans et, s'il est vrai que l'on est « de gauche » à vingt ans, radical à quarante et conservateur à soixante, il semble que pour lui, l'évolution ait été inverse.

Dès 1934, il était un tribun. Il militait alors

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aux « Volontaires na t ionaux » du colonel de L a

Rocque et, dans cette époque tourmentée , il drainait vers lui toute la jeunesse algéroise, à l 'exception de celle de Bab el-Oued. Bab el-Oued, en ce temps, était la « banlieue rouge »...

La carrière de Jacques Chevallier a suivi les échelons de la hiérarchie poli t ique : conseiller général, délégué à l 'Assemblée algérienne, maire d'Alger, député, ministre.

La guerre survint et, bien qu'il eû t sept enfants (tous ses fils ont des p rénoms composés d o n t le premier est toujours Jean , « ce qui pe rmet de bloquer les souhaits et les cadeaux », aime-t-i l à dire), Jacques Chevallier s 'engagea et servi t a u B.C.R.A., cette organisation de contre-espionnage que dirigeait, déjà, Jacques Soustelle.

A la Libération, il revint immédia temen t à la vie publique.

M. Yves Chataigneau é ta i t alors gouverneur général, à ce moment même où éta i t élaboré le

s ta tu t de l'Algérie et a v a n t qu'il ne soit si fâcheu- sement appliqué.

Yves Chataigneau voulai t qu 'on ne tr iche pas avec les textes, il percevait qu 'une évolution devenait nécessaire, que le t emps é ta i t venu de promouvoir une action sociale en faveur des Musulmans, qu'il fallait leur reconnaî t re d 'élémen- taires droits politiques.

Ce fut immédia tement une levée de boucliers.

Yves Chataigneau devint l 'ob je t d 'une campagne féroce menée dans les colonnes du journal de M. de Sérigny, l'Echo d'Alger.

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Et c'était Jacques Chevallier qui en était l'auteur...

Le futur ministre de Mendès-France avait — il l'a encore — un immense talent de polémiste, de pamphlétaire. C'est incontestablement lui qui fut à la base du départ de Chataigneau, bientôt remplacé par M. Marcel-Edmond Naegelen.

Comment Jacques Chevallier obliqua-t-il vers le « libéralisme » ? C'est sans doute son expérience municipale à Alger qui marqua le tournant. L'élection de Chevallier fut triomphale. Déjà, bien avant le scrutin, d'innombrables candidats se disputaient une place sur sa liste, assurés qu'ils étaient de ceindre l'écharpe.

Par contre, les élus musulmans — numéri- quement minoritaires par le jeu du double collège — furent tous des représentants du parti nationaliste, le P.P.A., que contrôlait Messali Hadj et où militaient déjà, à l'exception de Ferhat Abbas, de Khidder, du docteur Francis et de Farès, tous les actuels dirigeants du F.L.N. Le chef de file de cette liste était Khiouane.

Les tendances représentées par Jacques Cheval- lier et Khiouane étaient profondément opposées, mais tous deux étaient d'une honnêteté intellec-

tuelle absolue. C'est Chevallier qui, le premier, décida de jouer le jeu «sportivement». Les contacts entre les deux hommes devinrent très vite cordiaux, sinon amicaux.

Jacques Chevallier, que jusqu'alors on disait être « un représentant de la colonisation », se prit de passion pour l'œuvre municipale. Il fut un

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bâtisseur. Alger lui doit la construction de grands ensembles : Diar es-Saâda, Diar el-Mahçoul, la cité Perez, la cité Chevallier, et tant d'autres. La métropole algérienne était citée en exemple et les urbanistes venaient de toutes les parties du monde étudier sur place la méthode, les moyens qui avaient conduit à cette exceptionnelle réussite.

L'accomplissement de cette tâche conduisait Chevallier à se mêler au petit peuple, à coudoyer chaque jour un peu plus les Musulmans, il découvrit progressivement leurs problèmes, leurs aspirations, les injustices dont ils souffraient. Ce fut sans doute une révélation, et surtout une prise de conscience.

Alors, les Algériens vinrent à lui. Ils décou- vraient un Français qui n'était pas d'un pater- nalisme irritant, un Français qui les comprenait, qui leur reconnaissait les droits qu'ils osaient revendiquer.

Abbas et Farès, qui n'étaient pas encore sécessionnistes, mais se faisaient les avocats de

l 'intégration, furent ses amis. A l'Assemblée algé- rienne il créa le « groupe des libéraux » qui réunit quelques délégués européens et musulmans s'oppo- sant à la meute des conservateurs français, jaloux de leurs privilèges, et des représentants du deu- xième collège, désignés par l'administration plus qu élus : caïds, aghas ou bachaghas, que l'on appelait les « beni-oui-oui ».

Chevallier avait trouvé sa voie. Il s'y engagea avec un courage que nul, même parmi ses adver- saires les plus irréductibles, ne put jamais lui dénier.

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La guerre d'Algérie éclata le 1 novembre 1954. Quelques jours plus tard il était ministre de la Défense nationale du cabinet Mendès-France.

Apprenant que je revenais de reportage dans l'Aurès, il me demanda de le rencontrer. Il voulait s'informer, il était déchiré par ce conflit qu'il avait prévu, qu'il voulait éviter. E t c'est lui qui recevait la charge d'écraser la rébellion naissante.

Nous étions dans ses appartements de l'hôtel de ville d'Alger et je lui disais mon sentiment : le mouvement était encore embryonnaire mais il faisait très vite tache d'huile, la population musul- mane lui était déjà acquise, la Tunisie venait d'acquérir son indépendance et le Maroc était sur le point de la gagner. Sur le plan militaire, les effectifs français étaient ridicules : deux régiments, des gendarmes pour tenir l'Aurès, un territoire grand comme une dizaine de départements français, un pays tourmenté, montagneux, couvert d'im- menses forêts et coupé seulement par deux trans- versales routières.

Lui, hochait la tête, notait, ponctuait mon exposé de quelques phrases : « Il faudra le retour des troupes d'Indochine... Faire venir de métro- pole des renforts... Les corps motorisés risquent d'être inefficaces... » Et puis il concluait : « Ce n'est pas militairement que nous pourrons l'em- porter, le problème est politique... »

Quelques mois plus tard le gouvernement Guy Mollet succédait à celui de Mendès-France. Chevallier n'était plus ministre de la Défense nationale et je le soupçonne de n'en avoir pas été

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mécontent. Désormais il pouvait se consacrer uniquement à sa ville : Alger.

Mais là encore, au cours de cette période dramatique qui vit le terrorisme s'installer, le meurtre prendre force de loi, la répression se développer, il fut déchiré.

Il eut, comme nous tous, Français d'Algérie, de trop nombreux amis assassinés par les troupes F.L.N. de Yacef Saadi, petit souteneur devenu le chef des tueurs de la rébellion ; il ressentit cruellement ces odieux et aveugles attentats à la bombe qui firent tant de victimes, toutes inno- centes.

Pourtant il protégea les hommes de bonne volonté qui ne voulaient pas que se distendent les liens entre les deux communautés. Il osa

déposer en faveur du bachagha Bennouenniche qui avait été encouragé par le ministre résidant, M. Robert Lacoste, à établir des contacts avec la zone autonome d'Alger du F.L.N. pour que cessent les attentats, et qui fut « lâché » et remis à la justice militaire. On l'accusa d'entretenir des relations

avec certains hommes de la rébellion, en particulier avec Ben Khedda. Des enquêtes furent ordonnées. Aucune n'aboutit.

Vint le 13 mai 1958. Chevallier n'avait jamais déserté son poste à la mairie d'Alger et, déjà, il se révélait l'homme du compromis. Léon Del- becque, l'un de mes amis de longue date, m'avait demandé d'intervenir auprès de Jacques Chevallier pour qu 'une rencontre eût lieu entre gaullistes et libéraux. J'allai chez Jacques Chevallier, il accepta

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le principe d'une entrevue, il souhaitait qu'elle se tînt « en terrain neutre », à mon domicile.

Quand je revis Delbecque, j'appris que Salan, d'un trait de plume, venait de dissoudre la munici- palité d'Alger, chassant Chevallier de son poste. Tout devenait inutile.

Quelques mois seulement après l'échec du putsch, le général Salan devait prendre conscience de la vanité de son action. L'O.A.S. était condamnée à lutter contre deux adversaires ; ils étaient de taille à l 'abattre : le F.L.N., qui cristallisait les aspirations des Algériens, et l'opinion française déjà largement acquise à l'idée d'indépendance de l'ancienne colonie.

Salan était dans l'impasse. Il crut être placé devant une alternative : susciter l'unanimité algé- rienne en provoquant le ralliement des Musulmans en même temps qu'il ferait incliner en sa faveur une majorité en France métropolitaine, ou composer. Il choisit de composer. Cette tentative ne devait pas aboutir, et c'est peut-être là que l'on peut découvrir les raisons profondes qui rejetèrent Salan vers les solutions extrêmes, désespérées, qui mar- quèrent si cruellement les derniers mois de l'« Algérie française ». Le chef de l'O.A.S. passe justement pour un homme qui laisse longuement mûrir ses décisions, mais qui ne revient jamais sur ses pas dès lors qu'il les a prises.

L'ouverture, c'est vers Chevallier qu'il croit la découvrir. C'est avec une particulière insistance

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qu'au cours de l'été 1961 Salan sollicite une entrevue de son ancien ministre. Dès la fin du mois d'août, il lui adresse un émissaire, porteur de propo- sitions qui ne font aucun doute sur son désir d'ouvrir des discussions. En vain : Jacques Chevallier refuse de le rencontrer.

Quinze jours plus tard, alors que Chevallier est à son domicile parisien, un entrepreneur algérois, lié à l'O.A.S., lui téléphone pour lui demander la date de son prochain voyage en Algérie car, dit-il, il a une lettre importante à lui remettre. Chevallier ne semble toujours pas vouloir se prêter au jeu.

Pourtant, le 7 octobre, il reçoit du même inter- médiaire, qui lui offre de venir à Paris le rencontrer, quelques lignes accompagnant une lettre d'un intérêt bien plus considérable. Celle-là est signée de Raoul Salan. Elle est datée du 31 août 1961. En voici le texte :

« M O N S I E U R L E M I N I S T R E ,

« Au moment où la situation en Algérie risque de prendre une tournure particulièrement grave et dangereuse, je pense qu'il importe que nous prenions tous, chacun dans notre domaine, les positions qui s'imposent.

« J ai des échos précis sur la réalité profonde de vos sentiments à l'égard de ce pays pour lequel vous avez tant œuvré. La politique allant plus loin qu aucun régime n'aurait pu le supposer, ouvre insensiblement la porte au F.L.N., ennemi commun

des Français de souche et des Musulmans fidèles.

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« Je suis in t imement convaincu que, compte t enu du grand intérê t que vous avez toujours porté à ces derniers, vous ne pouvez pas rester silencieux devan t le drame que les prochaines décisions ne manque ron t d 'entraîner . Votre incontestable pres- tige sur la masse musulmane d'Alger et d'Algérie est encore assez fort pour que votre voix soit en tendue et que vous contribuiez à faire basculer l 'opinion qui vous est restée fidèle dans le sens de l'Algérie fraternelle telle que nous la souhaitons tous et pour laquelle nous luttons.

« Veuillez agréez, Monsieur le Ministre, l 'expres- sion de mes sent iments déférents.

Raoul S AL AN. »

Le 10 octobre, nouvel appel téléphonique d'Al- ger. Le correspondant demande si la let tre de Salan est bien parvenue à son dest inataire et, encore une fois, la da te du re tour de Chevallier en Algérie.

Le 12 octobre, troisième relance téléphonique. Jacques Chevallier fait répondre qu'il est absent.

P o u r t a n t un grave problème de conscience est posé désormais au leader du groupe des l ibéraux. Si depuis trois ans déjà, il n 'es t plus un personnage public — puisqu' i l ava i t été écarté de sa charge de maire de la ville d'Alger —, il demeure l ' homme d 'une option poli t ique et ses silences ont valeur de prise de position. Après un long délai de réflexion, il décide d'agir. Ce désir de discussion exprimé par Salan peut être à l 'origine d 'un apaisement. Il ne

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lui appartient plus de se taire plus longtemps, il informera le gouvernement.

Le 16 octobre, il rencontre M. Louis Joxe au ministère de l'Algérie, rue de Lille, à Paris. M. Louis Joxe, c'est presque un pied-noir, il a été longtemps en poste en Algérie quand il était jeune professeur d'histoire. C'est là qu'il a fait ses premiers pas dans la carrière politique en 1943 alors que le gouvernement provisoire de la République était, sous la présidence du général de Gaulle, installé à Alger.

Par extraordinaire, les deux hommes ne se

connaissent pas. Pourtant l'entretien est marqué d'une grande franchise et d'une extrême cordialité. Chevallier retrace l'histoire des sollicitations dont il a été l 'objet et remet une copie de la lettre de Salan au ministre, mais refuse de dévoiler le nom de l homme qui s'est entremis dans ces démarches. Il sait qu'à l'origine de cette tentative se trouve le colonel Argoud qui fut son chef d'état-major quand il était ministre de la Défense nationale.

Jacques Chevallier livre encore à son interlo- cuteur une information qui devrait inciter le Gouver- nement à permettre un contact : l'O.A.S. entretient le projet de négocier directement avec le F.L.N. en passant par-dessus les instances officielles de

la France. C' est le fruit d'une confidence du député de Médéa, M. Vigneau, dont le frère Camille est un membre important de l'organisation secrète, ancien créateur du Front de l'Algérie française (F.A.F.), expulsé d 'Algérie, et qui dirige en métropole un réseau clandestin de propagande.