IRRIGATION DE COMPLEMENT DES CEREALES: UNE …vieuse ces cultures ne sont pas irriguées tra...

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L 'activité économique du Maroc reste dominée par l'agriculture. On estime que, selon les années, le PIB agricole représente 25 à 30% du PIB natio- nal. En 1980 l'agriculture a contribué pour 47% de l'emploi total. Cependant le Maroc compte a peu près 7.443.600 ha de terres cultivables dont 4.583.000 ha sont couver- tes par les céréales produisant 45.503.000 quintaux en moyenne avec un PIB de l'ordre de 60% du PIB agricole. D'où la place de choix qu'occupe cette culture dans l'économie aussi bien régionale que natio- nale. Durant les trentes dernières années, les rendements des céréales ont connu une extrème variabilité. Ces fluctuations cons- tituent une caractéristique fondamentale du climat méditerranéen. Au Maroc du fait que le cycle végétatif de la plupart des céréales (Blé et Orge) coïncide avec la période plu- vieuse ces cultures ne sont pas irriguées tra- ditionnellement. Cette situation de fait engendre des difficultés énormes tant au niveau de la disponibilité de cette denrée qu'au niveau de l'économie du pays. En effet, le Maroc autrefois exportateur devient depuis 1960 importateur du blé. Le déséqui- libre qui existe entre la croissance démogra- phique (forte de l'ordre de 2,8%) et la pro- gression de la production (faible de l'ordre de 2%) ne peut qu'entrainer une dépen- dance de plus en plus accentuée vis à vis de l'extérieur. D'où la nécessité d'utilisation de techniques modernes pour augmenter la production en céréales. Nombreuses sont les techniques culturales qui ont été développées dans le seul but d'augmenter la production . Mais toujours est-il que cet objectif ne peut être atteint que lorsque la culture est bien alimentée en eau durant son cycle végétatif. Si durant certai- nes compagnes les pluies peuvent être suf- fisantes pour répondre aux exigences mini- males en eau de la plante, ces quantités res- tent insuffisantes pour garantir une produc- tion maximale. Encore plus, durant d'autres années la sécheresse peut compromettre toute la production. Il y a donc un besoin urgent pour non seulement augmenter la production en grain des céréales, mais aussi maîtriser les rendements à un niveau stable répondant aux besoins du pays. Définition du problème Une augmentation des superficies embla- (') Département Equipement Rural, Ecole Nationale d'Agriculture, Meknes, Maroc. 24 MEDIT W 1-2 /91 IRRIGATION DE COMPLEMENT DES CEREALES: UNE METHODE D'ANALYSE, CAS DE LA REGION DE MEKNES, MAROC FILAL! BOUBRAHM! ABDEL WAHAB (*) 1 Abstract In Morocco, cereal production is Inadequate to satisfy the country needs of this provision. Improving agricultural techniques in order to increase soU productivity is not only necessary but also. it is the best solution to consider. Many endeavors have been done in order to get high agricultural yields. However, the techniques used vere inefficient because of the soU moisture deficiency that distresses plant growth. Cereal irrigation is the best way that may lead to production increase. Water balance equation of soU.plant-climate system is analysed. This study leads one to establish the recursive equation of predicting plant water use. Applied to Meknes region data, cereal water needs showed that plant water demands are low but, situated at the critical periods. The analysis of water balance equation was refined to establish differential relationship of soU moisture status with time. The integration of such equation allows to buUd up a regressive equation to compute the actual evapotranspiration from one stage to another. The computational procedure is weil performed by a series of FORTRAN programs constructed to this end. As a result, cereal yield-functions are established. Ali of these relations are of power type verifying Hanks model. The correlation is significant and the correlative coefficients are high. These functions make appear that plant growth is very sensitive to water, and soU moisture depletion may induce a decrease in cereal yield more than. proportional. Economic analysis of irrigation systems is done. It was shown that irrigation of cereal allows not only to increase the grain yield of about 120%, but also a benefit which couterbalances both investment and operation charges, and gives an increase of the farm net benefit. 1 Résumé Au Maroc la production des céréales reste insuffisante pour répondre aux besoins intérieurs du pays de cette denrée. L'augmentation de la productivité du terrain par l'amélioration des techniques culturales est non seulement nécessaire mais c'est la seule solution envisager. Des efforts énormes ont été déployés pour augmenter les rendements. Mais les techniques utilisées sont limitées cause du stress hydrique qui affecte cette culture durant tout son cycle végétatif. L'irrigation des céréales est la seule voie pour l'amélioration de la production. L'analyse de l'équation du bUan hydrique du système sol-plante-climat a été faite; Cette étude a permis d'établir une équation réccursive de calcul des besoins en eau des cultures. Appliqué aux données de la région de Méknés, le calcul des besoins en eau de ces cultures a montré que les quantités d'eau demandées sont faibles mais se situent des périodes critiques. L'analyse de l'équation du bilan hydrique a été raffinée et a permis d'établir l'équation différentielle de variation instantannée des réserves en eau du sol. L'intégration de cette équation a conduit une équation type régressive de calcul de l'évapotranspiration réelle d'une période une autre. Le calcul de l'eau réellement consommée des céréales de la région de Méknés a été exécuté par une série de programmes en language Fortran construits cette fin. Les résultats de cette étude ont conduit l'établissement des fonctions de production. Ces fonctions sont toutes du type puissance vérifiant ainsi le modéle proposé par Hanks. Les coefficients de corrélation sont élevés et significatifs. Ces relations ont permis de mettre l'accent sur l'importance de l'eau dans la production des céréales le déficit hydrique engendre une chute de production plus que proportionnelle. Une analyse économique a été entreprise. Il a été démontré que l'irrigation des céréales permet non seulement une augmentation de la productivité du sol de plus de 120% mais aussi procure une marge nette économique suffisante qui contrebalance les charges aussi bien fixes que proportionnelles et augmente le bénéfice net des exploitations agricoles. vées en céréales ne peut constituer une solu- tion. Cette extension de surface cultivée, même si elle est faite aux dépends d'autres cultures jugées moins importantes, ne peut que déplacer le problème qui reste ainsi posé. La seule solution est l'augmentation des rendements. Dans cette dernière pers- pective, des efforts énormes ont été déployés dans ce secteur pour améliorer les rendements. Ainsi, les techniques de travail du sol, l'utilisation des engrais et des pro- duits phytosanitaires et l'emploi des semen- ces sélectionnées ont été largement vulga- risés. Mais si ces techniques ont apporté une certaine amélioration il n'en demeure pas moins que leur efficacité dépend des con- ditions climatiques particulièrement de la pluviométrie et sa répartition. Ceci suggère l'utilisation des techniques appropriées pour améliorer l'alimentation hydrique des cul- tures. Donc l'irrigation est la seule voie à considérer pour augmenter la productivité du terrain. Ainsi, un apport d'eau même fai- ble durant le cycle végétatif de la culture ne peut qu'engendrer une amélioration quel- conque de la croissance de la plante et son développement . Ce be'soin d'augmenter la production des céréales, aussi pressant qu' il soit, reste très insuffisant pour justifier l'irrigation de ces cultures. L'irrigation de complément des céréales peut être contestée car il y a aussi l'agriculteur. Continuellement présent dans son exploitation, le paysan tout en s'occu- pant de la valorisation de ses terres, de la rentabilité de son travail et de son matériel doit s'occuper aussi du devenir de son revenu. Entre la nécessité d'irriguer et la

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L'activité économique du Maroc reste dominée par l'agriculture. On estime que, selon les années, le PIB

agricole représente 25 à 30% du PIB natio­nal. En 1980 l'agriculture a contribué pour 47% de l'emploi total. Cependant le Maroc compte a peu près 7.443.600 ha de terres cultivables dont 4.583.000 ha sont couver­tes par les céréales produisant 45 .503.000 quintaux en moyenne avec un PIB de l'ordre de 60% du PIB agricole. D'où la place de choix qu'occupe cette culture dans l'économie aussi bien régionale que natio­nale . Durant les trentes dernières années, les rendements des céréales ont connu une extrème variabilité . Ces fluctuations cons­tituent une caractéristique fondamentale du climat méditerranéen. Au Maroc du fait que le cycle végétatif de la plupart des céréales (Blé et Orge) coïncide avec la période plu­vieuse ces cultures ne sont pas irriguées tra­ditionnellement. Cette situation de fait engendre des difficultés énormes tant au niveau de la disponibilité de cette denrée qu'au niveau de l'économie du pays. En effet, le Maroc autrefois exportateur devient depuis 1960 importateur du blé. Le déséqui­libre qui existe entre la croissance démogra­phique (forte de l'ordre de 2,8%) et la pro­gression de la production (faible de l'ordre de 2%) ne peut qu'entrainer une dépen­dance de plus en plus accentuée vis à vis de l'extérieur. D'où la nécessité d'utilisation de techniques modernes pour augmenter la production en céréales. Nombreuses sont les techniques culturales qui ont été développées dans le seul but d'augmenter la production. Mais toujours est-il que cet objectif ne peut être atteint que lorsque la culture est bien alimentée en eau durant son cycle végétatif. Si durant certai­nes compagnes les pluies peuvent être suf­fisantes pour répondre aux exigences mini­males en eau de la plante, ces quantités res­tent insuffisantes pour garantir une produc­tion maximale. Encore plus , durant d'autres années la sécheresse peut compromettre toute la production. Il y a donc un besoin urgent pour non seulement augmenter la production en grain des céréales, mais aussi maîtriser les rendements à un niveau stable répondant aux besoins du pays.

Définition du problème

Une augmentation des superficies embla-

(') Département Equipement Rural , Ecole Nationale d'Agriculture, Meknes, Maroc.

24

MEDIT W 1-2/91

IRRIGATION DE COMPLEMENT DES CEREALES: UNE METHODE D'ANALYSE, CAS DE LA REGION DE MEKNES, MAROC FILAL! BOUBRAHM! ABDEL WAHAB (*)

1 Abstract

In Morocco, cereal production is Inadequate to satisfy the country needs of this provision. Improving agricultural techniques in order to increase soU productivity is not only necessary but also. it is the best solution to consider. Many endeavors have been done in order to get high agricultural yields. However, the techniques used vere inefficient because of the soU moisture deficiency that distresses plant growth. Cereal irrigation is the best way that may lead to production increase. Water balance equation of soU.plant-climate system is analysed. This study leads one to establish the recursive equation of predicting plant water use. Applied to Meknes region data, cereal water needs showed that plant water demands are low but, situated at the critical periods. The analysis of water balance equation was refined to establish differential relationship of soU moisture status with time. The integration of such equation allows to buUd up a regressive equation to compute the actual evapotranspiration from one stage to another. The computational procedure is weil performed by a series of FORTRAN programs constructed to this end. As a result, cereal yield-functions are established. Ali of these relations are of power type verifying Hanks model. The correlation is significant and the correlative coefficients are high. These functions make appear that plant growth is very sensitive to water, and soU moisture depletion may induce a decrease in cereal yield more than. proportional. Economic analysis of irrigation systems is done. It was shown that irrigation of cereal allows not only to increase the grain yield of about 120%, but also a benefit which couterbalances both investment and operation charges, and gives an increase of the farm net benefit.

1 Résumé

Au Maroc la production des céréales reste insuffisante pour répondre aux besoins intérieurs du pays de cette denrée. L'augmentation de la productivité du terrain par l'amélioration des techniques culturales est non seulement nécessaire mais c'est la seule solution ~ envisager. Des efforts énormes ont été déployés pour augmenter les rendements. Mais les techniques utilisées sont limitées ~ cause du stress hydrique qui affecte cette culture durant tout son cycle végétatif. L'irrigation des céréales est la seule voie pour l'amélioration de la production. L'analyse de l'équation du bUan hydrique du système sol-plante-climat a été faite; Cette étude a permis d'établir une équation réccursive de calcul des besoins en eau des cultures. Appliqué aux données de la région de Méknés, le calcul des besoins en eau de ces cultures a montré que les quantités d'eau demandées sont faibles mais se situent ~ des périodes critiques. L'analyse de l'équation du bilan hydrique a été raffinée et a permis d'établir l'équation différentielle de variation instantannée des réserves en eau du sol. L'intégration de cette équation a conduit ~ une équation type régressive de calcul de l'évapotranspiration réelle d'une période ~ une autre. Le calcul de l'eau réellement consommée des céréales de la région de Méknés a été exécuté par une série de programmes en language Fortran construits ~ cette fin. Les résultats de cette étude ont conduit ~ l'établissement des fonctions de production. Ces fonctions sont toutes du type puissance vérifiant ainsi le modéle proposé par Hanks. Les coefficients de corrélation sont élevés et significatifs. Ces relations ont permis de mettre l'accent sur l'importance de l'eau dans la production des céréales où le déficit hydrique engendre une chute de production plus que proportionnelle. Une analyse économique a été entreprise. Il a été démontré que l'irrigation des céréales permet non seulement une augmentation de la productivité du sol de plus de 120% mais aussi procure une marge nette économique suffisante qui contrebalance les charges aussi bien fixes que proportionnelles et augmente le bénéfice net des exploitations agricoles.

vées en céréales ne peut constituer une solu­tion. Cette extension de surface cultivée, même si elle est faite aux dépends d'autres cultures jugées moins importantes, ne peut que déplacer le problème qui reste ainsi posé. La seule solution est l'augmentation des rendements. Dans cette dernière pers­pective, des efforts énormes ont été déployés dans ce secteur pour améliorer les rendements . Ainsi, les techniques de travail du sol, l'utilisation des engrais et des pro­duits phytosanitaires et l'emploi des semen­ces sélectionnées ont été largement vulga­risés. Mais si ces techniques ont apporté une certaine amélioration il n'en demeure pas moins que leur efficacité dépend des con­ditions climatiques particulièrement de la pluviométrie et sa répartition. Ceci suggère l'utilisation des techniques appropriées pour

améliorer l'alimentation hydrique des cul­tures . Donc l'irrigation est la seule voie à considérer pour augmenter la productivité du terrain. Ainsi, un apport d 'eau même fai­ble durant le cycle végétatif de la culture ne peut qu'engendrer une amélioration quel­conque de la croissance de la plante et son développement . Ce be'soin d 'augmenter la production des céréales, aussi pressant qu 'il soit, reste très insuffisant pour justifier l'irrigation de ces cultures. L'irrigation de complément des céréales peut être contestée car il y a aussi l'agriculteur. Continuellement présent dans son exploitation, le paysan tout en s'occu­pant de la valorisation de ses terres, de la rentabilité de son travail et de son matériel doit s'occuper aussi du devenir de son revenu. Entre la nécessité d'irriguer et la

décision de faire cet apport d 'eau l'agricul­teur se trouve devant un choix difficile . La question qui se pose alors est Comment peut-on concevoir l'irrigation des céréales? Pour répondre à cette question, une appro­che synthétique doit être entreprise pour ai­der l'agriculteur à faire son choix et justi­fier l'irrigation de ces cultures. Si cette analy­se doit avoir comme objectif l'augmentation de la production des céréales en augmen­tant la productivité du terrain elle doit aus­si viser l'augmentation de la rentabilité de l'exploitation placée dans son milieu socio­économique. Pour cela il est nécessaire de mener un diagnostic de la situation actuel­le en évaluant la production réelle, la pro­ductivité du terrain et les ressources en eau et établir les possibilités d'irrigation. La pha­se finale doit passer obligatoirement par la détermination les charges imputables à tout apport d'eau et les marges économiques à en tirer. C'est cette approche qui sera entreprise dans cet article en prenant comme exemple la ré­gion de Meknes dont nous disposons de toutes les données nécessaires pour bien mener une telle étude.

Données de la région de Meknes

Cette étude s'est portée sur les données dis­ponibles de la région de Méknès et concer­ne généralement les principales cultures cé­réalières (blé et orge) . La superficie totale couverte par les céréales est de l'ordre de 154.500 ha en moyenne avec une produc­tion de 2,3 106 quilltaux par an. Les rende­ments restent faibles de l'ordre de 12 ,53 qX/ha, 18,26 qX/ha et 13,45 qX/ha respecti­vement pour le blé dur, blé tendre et orge. Le climat est du type méditerranéen avec un hiver pluvieux et un été chaud et sec. La pluie moyenne est de 531,2 mm (moyenne de 39 années) avec un maxima de 765,6 mm et un minima de 257,5 mm. La pluviomé­trie manifeste une variation interannuelle et intrannuelle (voir tableau 1). Le coefficient de variation est de l'ordre 86,02 %. Les tem­pératures sont généralement plus stables que les pluies avec une amplitude thermi­que située en Août. Les vents ne présentent aucune particularité par rapport à l'ensem­ble Marocain et sont liés aux anticyclones des Açores. En hiver ce sont les vents du sud-ouest qui prédominent alors qu 'en été des vents du nordCest et d'est soufflent fré­quement. L'évaporation a été calculée par la formule de Penmann ajustée . Pour Mék­nés cette formule a été établie par Kutsch (1978) sous forme :

Eo=0,36.T-m

avec Eo l'évaporation moyenne journaliè­re d'une surface d 'eau libre en mm, T la tem­pérature moyenne journalière en Oc et m un coefficient variable selon les décades et ca­ractéristiques de la région. Les évaporations moyennes journalières d'une nappe d 'eau libre telles qu 'elles sont

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Tableau 1 Pluviométrie, Température et Evaporation Moyennes mensuelles (1951-1989), Région de Méknés.

Pluie, mm m Il

Temp., oC m Il

Evap., mm m Il

m: moyenne u: écart type.

79,4 73,1 55,2 53,8

9,3 10,7 1,4 1,9

1,25 2,05 0,49 0,67

M A M

70,7 63,6 35,4 45.4 46,6 29,0

12,0 13,7 16,9 1,8 1,6 2,2

2,65 3.41 4,31 0,64 D,59 0,79

calculées pour Méknés sont résumées par le tableau 1. La région présente une grande hétérogéneité pédologique aussi bien en surface qu 'en profondeur. Les essais menés par Filali (1979) ont permis d'établir une carte des dif­férents types de sols distingués sur la base des caractéristiques hydrodynamiques. 23,72% des sols présentent une charge en cailloux assez importante et nécessitant ainsi des aménagement préalables et sont souvent utilisés comme parcours. 31,6% des sols présentent une croûte calcaire à une profon­deur de 1 m en moyenne. Les moyennes de la région de ces caractéristiques sont résu­mées comme SVit: Humidité équivalente 23,705% Humidité àlacapacité au champs 25,561 % Humidité au point de flétrissement 12,883 % Humidité hygroscopique 5,268% Densité apparente 1,313 Les réserves utiles par mètre de profondeur peuvent atteindre 166,5 mm. Il a été obser­vé que la plupart des sols présentent une se­melle de labour assez compacte à une pro­fondeur variant de 25 à 30 cm.

Besoins en eau des céréales

Dès le moment où on décide d 'aménager pour irriguer, le problème qui se pose est la quantité d'eau nécessaire pour répondre aux exigences hydriques des cultures. Il s'agit des besoins en eau des plantes qui en­globent les quantités d 'eau mobilisées plus les pertes. De toutes les approches utilisées pour déterminer les besoins en eau des plan­tes, celle se basant sur l'étude de l'équation du bilan hydrique est la plus courante .

Equation du bilan hydrique

L'équation du bilan d 'eau du système sol­plante reflette l'importance des apports et des pertes pendant une période donnée. Elle se base sur le principe que le sol, la plante et l'atmosphère constituent un système in­tégré et où le processus d'écoulement d 'eau d 'un niveau à un autre s'opère de façon con­tinue . Ce mouvement d 'eau implique un flux d'eau du réservoir sol vers la plante pour répondre aux exigences de l'évapo­transpiration. Dans les conditions d 'un cli-

Jt AT s D N D

14,0 1,3 2,3 12,2 39,2 68,2 71,8 15,1 3,7 4,8 15,6 34,5 43,7 52,6

20,8 24,6 24,6 22,2 18,1 13,8 10,5 1,9 2,0 1,8 2,1 2,1 1,8 1,7

5,62 6,83 6,36 4,96 3,42 1,94 1,31 0,69 0,73 0,65 0,74 0,76 0,66 0,61

mat méditerranéen où les condensations de rosée et du sol et la remontée capillaire sont négligeables, l'équation du bilan hydrique d 'un système sol-plante pour une période donnée i peut être formulée comme suit :

RS fin = RSdébut + P; - D; - R; - ET;

avec P;, D;, R; , ET;, respectivement la plu­viométrie, le drainage , le ruissellement et l'évapotranspiration pendant la période i. RS fin et RSdébut sont les réserves utiles en eau du sol respectives de la fin et du début de la période i. Dans les conditions d'une culture abandon­née à elle-même (sans apport d'eau supplé­mentaire) les réserves en eau du sol doivent varier dans les limites des réserves en eau utiles . Mais le but à atteindre est de pouvoir alimenter la plante durant son cycle végé­tatif pour assurer l'humidité nécessaire à sa croissance et son développement dans les meilleures conditions. Pour atteindre cet ob­jectif et compte tenu des réserves en eau du sol, de son état énergétique et du dévelop­pement racinaire de la plante on doit pou­voir déterminer la quantité d 'eau à appor­ter. Lorsqu 'on envisage l'irrigation des cé­réales c'est dans le but d'augmenter les ren­dements . Or on sait qu 'une production maximale implique une intense activité pho­tosynthétique et par conséquent tous les fac­teurs de production sont à leur optimum no­tamment le facteur eau. Donc la plante doit s'alimenter à partir des réserves en eau du sol facilement utilisables. On en déduit que le calcul des besoins en eau des cultures im­plique que les réserves en eau du sol doi­vent varier dans les limites des réserves fa­cilement utilisables si bien que l'équation du bilan d 'eau peut être formulée comme suit:

RFU; + 1 = RFUj + Pj - Dj - Rj - ETMj

Il s'agit d'une équation régressive reliant le bilan hydrique d 'une période i à la période qui suit. Le calcul est alors progressif dans le temps et permet ainsi de connaître le ni­veau d 'eau dans le sol à partir de la connais­sance des autres paramètres de l'équation. Trois cas peuvent se présenter:

1 er cas:

On peut concevoir que le bilan d'eau dépas­se de loin les capacités hydrodynamiques du

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sol en question . On a alors un excèdent d'eau qui sera perdu par ruissellement et drainage profond de valeur:

R; + D; = RFU; +! - RFUm>x

par conséquent

RFU; +! = RFUmax et les besoins en eau pendant cette période i sont nuls:

2ème cas: O<RFU; +! <RFUmax Le bilan d'eau est suffisant pour assurer un niveau d'eau convenable dans le sol ne né­cessitant aucun apport d'eau, auquel cas on a:

R;+ D;= 0.0 et

3ème cas: RFU;+! <0

Cette situation implique que le bilan d'eau est loin d'être satisfaisant. Le niveau d'eau dans le sol a atteint sa côte d 'alerte si bien que la plante s'alimente à partir des réser­ves difficilement utilisables, RDU. Les con­ditions optimales d 'eau ne sont plus préser­vées pour cela il faut apporter de l'eau. La quantité nécessaire est:

1;= -RFU; +!

Il est important de signaler qu 'une RFU;+! négative ne signifie pas obligatoirement que les réserves en eau du sol sont épuisées. La plante ne s 'alimente plus à partir des réser­ves en eau facilement utilisables et il faut un complément 1; pour ramener ces réserves à un niveau optimal.

Paramètres de calcul des besoins en eau

Aussi simple qu 'elle soit l'équation du bilan hydrique regroupe plusieurs paramètres très délicats voire même difficiles à déterminer. Elle reflète les différentes intéractions qui existent entre les systèmes sol-plante et sol­atmosphère d 'une part et plante-atmosphère d 'autre part . L'enquête menée par l'auteur dans la région a révélé que la plupart des céréales sont se­més après les premières pluies d 'octobre. Plus de 80 % de la surface réservée aux cé­réales est souvent semée avant le 15 décem­bre. le lit de semense est en moyenne à une profondeur variant entre 5 et 10 cm. Ces ob­servations ont permis d'établir la succession dans le temps des différents stades végéta­tifs des céréales (voir tableau 2). Le déve­loppement racinaire dépend du type de plante, de la texture du sol de son aération et sa compaction, de l'humidité et de la pluie et de sa répartition . Les valeurs de la pro­fondeur racinaire, l'indice foliaire et le coef­ficient cultural, telles qu'elles ont été établies pour les céréales dans la région de Méknés , sont résumées par le tableau 2. La pluviométrie efficace est la quantité d 'eau effectivement stockée dans la zone racinai-

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Tableau 2 Développement racinaire, Indice foliaire et Coefficient cultural des Céréales dans la Région de Méknés.

0 M A M

Stade de Oevelop Semis Sde A Sde B Floraison Maturation 00 jour 0,0 390 550 1480 2200

Prol. Rac. en cm 11,25 26,88 30,00 30,00 30,00 30,00 30,00

Indice Foliaire 0,26 1,53 2,30 3,00 3,00 3,00 2,56

Coel. Cultural 0,27 0,62 0,97 1,10 1,03 0,89 0,45

Tableau 3 Pluviométrie efficace, ETM, Déficit pluviométrique et Besoins en eau Moyennes men­suelles (1951-1989), Région de Méknés.

Pluie, Efficace mm m (1

ETM mm m (1

Defecll Pluvlo mm m (1

Besoins en Eau mm m (1

m: moyenne q: écart type.

36,1 34,2 21,0 20,8

24,0 56,6 9,4 18,1

3,5 14,9 8,0 23,8

2,1 13,7 5,5 17,6

M A M

33,3 30,6 19,6 17,6 18,0 11,2

91 ,0 90,9 60,3 21,6 15,8 11 ,0

36,3 41 ,8 31 ,2 36,6 35,7 25,7

2,6 51 ,2 3,8 38,9 35,2 25,1

re qui servira à l'évaporation et la transpi­ration. Sa valeur dépend de plusieurs para­mètres notamment la pluie, sa répartition et son intensité, du sol de sa perméabilité et de son humidité et de la topographie . Les pluies efficaces ont été calculées en utilisant la grille du USBR et sont résumées par le ta­bleau 3. Les pluies efficaces ne sont pas une fraction fixe de la pluviométrie. Pour cha­que année en moyenne cette pluie est de 48% pendant la période pluvieuse et peut atteindre 100% en été .

Les apports d'eau nécessaires aux céréales

La méthode décrite ci-dessus suppose une alimentation hydrique abondante. Le sol est toujours à une humidité supérieure à la cô­te d 'alerte et par conséquent la régulation stomatique est réduite à son minimum. Une série de programmes sur ordinateur in­titulés PE.for, KT .for, DP.for et DA.for ont été construits. Ces programmes sont inte­ractifs et performent le calcul successif d'une période à une autre pendant toute la durée d'observation qui dans le cas de la ré­gion de Méknés est de 39 ans. Le déficit plu­viométrique calculé est de 157,2 mm alors que l'ETM est de 375 ,8 mm. L'ETM d 'un sol nu a été calculé en utilisant le coefficient de 0,25 (voir tableau 3). Les besoins en eau tels qu'ils sont calulés progressivement mois par mois depuis 1951 à 1989 ont permis de

Jt AT S o N o

10,1 5,8 6,1 9,5 18,8 27 ,3 32,5 5,2 1,3 1,6 5,4 11 ,9 14,3 19,6

42,1 52,9 48,7 37,1 26,4 14,6 10,9 5,2 5,6 5,0 5,6 5,9 4,9 5,1

28,8 51 ,6 46,4 26,4 8,9 0,9 0,7 15,4 7,1 6,7 14,6 11,0 4,3 2,5

0,0 0,0- 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0

constater que des apports d'eau sont né­cessaires surtout pendant les mois de mars, avril et mai avec une probabilité qui dépas­se 80% . Les quantités d'eau à apporter res­tent cependant très faibles mais à des dates critiques. C'est durant ces mois où les sta­des de développement sont les plus sensi­bles . Un déficit même très faible peut engendrer une chute de production très importante. Les besoins en eau tels qu'ils sont calculés sont de 143,4 mm avec une répartition men­suelle très inégale (voir tableau 3). Le dé­bit fictif moyen caractéristique est de 0,197 Ils/ha au mois d'Avril.

Consommations en eau réelles des céréales

Le calcul des besoins en eau, fait précéde­ment, ne justifie pas l'implantation d'un système d'arrosage . Si ce calcul est très uti­le pour mettre en évidence l'importance des quantités d'eau à apporter et augmenter la production, il reste cependant très insuffi­sant pour convaincre le paysan de l'effet bé­néfique d'une telle opération. La question qui se pose est que l'irrigation des céréales est-elle suffisante pour procurer la produc­tion nécessaire susceptible de compenser non seulement les investissements de l'ins­tallation mais aussi de laisser une marge net­te bénéficaire.

Calcul de l'évapotranspiration réelle

Le calcul de l'ETR peut toujours être abor­dé par l'équation du bilan hydrique avec ce­pendant des réserves en eau du sol qui va­rient dans les limites des réserves utiles. L'équation du bilan hydrique devient:

RU,., = RU, + P,-D,-R,-ET,

Trois cas sont à distinguer:

1 er cas: RU,• , > RUmax

R, + D, = RU,. 1 - RUmax

2éme cas: RDUmax <RU,. , < RUm"

R, + D, = 0,0

3ème cas: RU, . , <RDUmax

R,+D,=O,O

ET,<ETM,

Pour raisonner ce cas on peut reprendre l'équation du bilan hydrique sous la forme suivante:

RU,., - RU, = P, - ET,

si on admet que la pluviométrie est unifor­mément répartie on peut alors dire que la quantité RU,. 1 - RU, représente bien le dif­férentiel des réserves en eau. Prenant com­me unité de temps t on peut écrire:

ôRUit=~_ET ôt T, "

Il est actuellement reconnu que l'ET est une fonction des réserves hydriques du sol. Une fonction qui a le mérite d 'être utilisée est cel­le qui exprime une relation linéaire entre ETR et les RU sous forme :

ET,,=a, RU"

Il est très facile de déterminer la constante a, par la relation suivante:

a= ETM, , T, RDUmax

on obtient alors une équation différentielle dont l'intégration donne:

RU" _ P, + (RUO P,) a t

RDUmax - ETM, RDUmax - ETM, e

avec RUo les réserves utiles en eau du sol initiales . Il arrive que le bilan hydrique durant la pé­riode i est suffisant pour permettre l'ETM d'être réalisée pendant un certain temps et que le reste de la période l'ET devient infé­rieure . Ainsi on peut calculer cette sous­période comme suit :

n. = RU, - RUDmaxT , ETM-P, '

MEDIT W 1-2/91

Tableau 4 Evapotranspiration réelle Moyenne mensuelle en mm, (1951-1989), Région de Méknés.

D

ETR mm 10,2

Ecart type 5,2

ETR/HM en 0/0 93,6

avec

n, ~O,O

n, represente la durée de où l'ETM a été réalisée. De cette façon on obtient:

RU, . , =~_ ( RUx RDUmax ETM, RDUmax

21,3

8,5

88,8

la sous-période

~)e-a(T - n) ETM,

si n, > 0,0 on a: RUx = RUmax si n,< 0,0 on a: Rux = RDU, et n, = O.

Le calcul des RU,. , permet un retour à l'~uation générale du bilan hydrique pour déterminer ET,.

Résultats

La méthode ue calcul présentée ci-dessus permet non seulement de déterminer les évapotransplrations de la culture mais aus­si de suivre l'évolution des réserves en eau du sol. Pour performer les calculs un pro­gramme sur ordinateur a été construit . Ce programme rentre en interaction avec les autres programmes de calcul des données relatives à l'ETM, pluies efficaces et réser­ves utiles du sol, permet le calcul des réser­ves instantanées du sol et de l'ETR. Appli­quée aux données de la région de Méknés cette méthode a permis de relever plusieurs observations. Il a été constaté que les céréales souffrent d 'un stress hydrique durant tout le cycle vé­gétatif. C'est durant les mois de mars, avril et mai que ces stress sont fréquents avec une probabilité supérieure à 79,5 %. Ils expli­quent en grande partie les rendements fai­bles enregistrés . On peut observer que dé­jà au mois de juin le sol est sec et que du­rant l'été il atteind son humidité hygrosco­pique. Durant les mois de Septembre et Oc­tobre le sol est souvent à son humidité hygroscopique respectivement avec une fré­quence de 53,8 et 79,1 % . Cette situation ex­plique pourquoi les pluies parfois précoces de septembre et d 'octobre sont insuffisan­tes pour permettre un semis précoce. Il a été observé cependant que le sol est saturé dans 35 ,9% des cas au mois de novembre alors qu'au mois de décembre cette fréquen­ce est de 82,1 % . Le calcul de l'ETR a permis de dresser le tableau 4. Il est très expressif où le rapport ETRIETM est décroissant durant toute la durée de végétation de la culture. Ce rap­port peut atteindre 44,5 % surtout le mois où la culture est très sensible à tout déficit hydrique et par conséquent son effet ne peut qu'engendrer une chute de production importante . L'ETR totale est de 206,9 mm

43,1

15,4

76,1

M A Ma

50,8 40,5 26,9 14,1

22,9 22,1 14,7 10,5

55,8 44,5 44,6 33,5

et qu 'en moyenne ne représente que 55 ,1 % de l'ETM totale.

La fonction de production des céréales

L'influence de l'évapotranspiration sur la croissance des plantes est actuellement démontrée . En effet, l'agriculture irriguée est basée sur la relation forte qui lie les ren­dements aux consommations en eau. Cette relation, par la marge nette que procurera l'utilisation de l'humidité du sol, affecte dans une large mesure la gestion des ressources en eau, la faisabilité et l'économie des pro­jets et par conséquent leur conception. Nombreux sont les hydrologistes, ingé­nieurs et économistes qui utilisent des modèles souvent grossiers n 'incluant pas les facteurs directs. Ces modèles, établis sur des bases statistiques, ne font appel qu 'à la plu­viométrie ou le déficit pluviométrique et par conséquent leur utilisation reste locale. Cer­tes la pluie, le drainage, le ruissellement et l'ETM ont une influence sur le niveau d 'eau dans le sol, donc sur l'eau disponible à la plante et par conséquent sur la consomma­tion en eau des cultures. Mais cette influence aussi importante qu'elle soit reste indirecte si bien qu'une relation directe entre la pro­duction et l'eau consommée par la plante est nécessaire. Dans ce but de Wit en 1958 a proposé une relation du type linéaire comme suit:

Y=m TlEo

où T et Eo sont respectivement la transpi­ration et l'évaporation d'une surface d'eau libre en cm/jour pendant la durée de végé­tation de la culture en question. Y est le ren­dement de matière sèche en kg/ha et m un coefficient cultural en kg/ha relatif à chaque culture. Pour les céréales m est de l'ordre de 115 kg/ha pour le maïs il est de 300 kg/ha. La relation de de Wit intègre le rendement en matière sèche et ne prête aucune atten­tion au rendement en grain . Il est bien évi­dent que pour une culture bien alimentée en eau réalisant ainsi une transpiration Tp son rendement Ymax est aussi maximum. A l'échelle expérimentale le coefficient m peut être calculé comme suit :

m = Ymax Eo/Tp

on en déduit la relation suivante:

YlYmax = T/Tmax

Cette relation a conduit Hanks en 1974 à suggérer que la relation de de Wit reste vala­ble instantanément mais que son effet est différent d 'un stade à un autre. Pour estimer

27

le rendement en grain Hanks proposa la rela­tion suivante:

YNp = 'Ir (T/Tpi)a j ., l

où i est le stade végétatif de la culture en question et ai un coefficient relatif au stade i. Cette relation met en relief l'importance de chaque stade végétatif sur l'élaboration du rendement. Il est actuellement admis que les cultures durant leur développement végé­tatif passent par des stades de croissance dont la sensibilité à l'eau est différente . Le stade floraison-fécondation est souvent le stade critique. Mais cette relation suscite une difficulté de taille relative à l'estimation de la transpiration T, et Tp, et par conséquent a i de chaque stade . Seule l'expérimenta­tion peut apporter une réponse précise. Dans cette étude les deux modèles ont été testés . Il a été ainsi établi que la relation la plus valable est du type puissance. Ainsi on a pu établir les relation suivantes:

pour le blé dur

Yt = 29,28 (ETR/ETM)i .S97 avec r = 90,42%

pour le blé tendre

Yt = 42,56 (ETR/ETM)i.S66 avec r = 94,03%

pour l'orge

Yt = 26,44 (ETR/ETM)I.283 avec r = 82,46%

Le coefficient de corrélation élevé du blé tendre s'explique par la prédominance de cette culture dans la région. Toutes ces fonc­tions sont du type puissance et que les cor­rélations sont significatives. Les exposants supérieurs à l'unité expliquent dans une large mesure que les déficits en eau engen­drent .des chutes de production plus que proportionnelles. En effet un déficit en eau de 30% entrainera respectivement des chu­tes de production de 43,4% pour le blé dur, de 42,8 % pour le blé tendre et de 36,7% pour l'orge . Ainsi se révèle que le blé dur est la culture la plus sensible à un manque d 'eau alors que l'orge est la culture la plus résistante . La connaissance de l'ETR mensuelle durant toute la durée de végétation a permis de cal­culer le rapport ETR/ETM relatif à chaque stade. Ainsi trois stades ont été distingués comme suit: Stade 1: du semis à la fin du stade B. Stade 2 : de la fin Stade B à la fin du stade floraison. Stade 3: de la fin du stade floraison à la fin de la maturation. Ainsi les fonctions de production qui ont été établies sont comme suit:

pour le blé dur

Yt = 26,96 KBI.627. Kfo·33S. KMo.388

avec r =96,49%

pour le blé tendre

Yt = 43,40 KBI.036.Kfo.S60.KMo.394

28

MEDIT N" 1-2/91

avec r = 97,93 %

pour l'orge Yt = 31,88 KeO.306. Kfo.68S .KMo.394

avec r =89,69%

où KB , Kf et KM sont les rapports ETR/ETM, respectifs des stades 1, 2 et 3; et r est le coef­ficient de corrélation. Ces fonctions dont la corrélation est signi­ficative justifient le type de relation qui existe entre la production et l'eau. Elles con­firment cependant la sensibilité très grande vis à vis de l'eau du blé dur . Toutefois et à notre grande surprise, ces fonctions met­tent en évidence l'importance des 1 e<s sta­des . Ce résultat peut s'expliquer par le che­vauchement des stades végétatifs d 'une année à une autre dû à la grande variabilité de la date de semis.

La rentabilité de l'irrigation des céréales

L'étude menée jusqu'à maintenant et les relations établies ont été formulées pour toute la région sur la base des données moyennes représentatives du cas en ques­tion. Une étude plus détaillée tenant compte de l'hétérogéneité pédologique, de la spé­cificité de chaque exploitation et même du microclimat peut apporter plus de précision. Mais cela n'empêche pas de poursuivre le raisonnement en vue de justifier l'irrigation des cultures céréalières dans la région. Dans la région l'eau d 'irrigation provient soit d 'un puits ou d 'un réseau traditionnel. Dans le cas où l'agriculteur dispose d'un droit d'eau le problème de la justification de l'irri­gation des céréales est plus complexe et doit être entrepris dans le cadre socio­économique de l'exploitation avec un système cultural donné. Dans ce cas les céréales rentrent en compétition avec les autres cultures et l'irrigation ne se justifie que lorsque ces cultures sont capables de procurer une marge nette supérieure à celle des autres . Ce problème relève de la carac­téristique fondamentale qui distingue l'irri­gation de complément et l'irrigation fonda­mentale et qui ne fera pas l'objet de cette étude. Nous allons nous intéresser aux exploita­tions où l'eau d 'irrigation ne peut provenir que d 'un puits . La question à laquelle nous chercherons à répondre est l'irrigation des céréales dans ces exploitations procurera­t-elle la marge nette suffisante pour contre­balancer les frais d 'installation et d 'opéra­tion du système d 'arrosage? Avant d 'aborder cette question d 'intérêt majeur il est nécessaire d 'examiner la super­ficie ou la taille de l'exploitation suscepti­ble de rationaliser l'utilisation de l'eau d'un puit. Dans ce cas particulier il y a lieu de dis­tinguer entre la méthode d'irrigation à pra­tiquer. En effet si l'irrigation par gravité est moins onéreuse que l'irrigation par asper­sion, cette méthode reste aussi la moins effi-

Tableau 5 Efficiences, Débit fictif et Surface à Irriguer par Aspersion et Gra­vité.

Gravité Aspersion

Efficience du réseau % 90,00 95,00

Efficience à la parcelle 70,00 80,00

Débit fictif car. Ils/ha 0,314 0,26

Surface optimale en ha 20,00 24,00

ciente. Le calcul des besoins en eau avec une probabilité de 90% a conduit à un besoin maximum de 162,1 mm et un débit fictif caractéristique de 0,319 Ils/ha au mois d 'avril. Si on considère un puits de 10 Ils la surface optimale à irriguer est de 20 ha pour le gravitaire alors qu 'elle est de 24 ha pour l'aspersion. Certes les exploitations capables de réser­ver plus de 20 ha à la seule culture des céréa­les sont des exploitations de grande taille et les charges imputables aux investissements du 1er et 2cd ordre peuvent être supportées pour autant qu'ils soient justifiés. Mais pour les exploitations de petites tailles on peut imaginer la création de coopérative de ser­vice où les charges sont partagées entre les membres proportionnellement aux surfaces emblavées par les céréales. Dans l'un ou l'autre des cas la question est que l'irriga­tion de ces cultures est-elle suffisante pour procurer la marge nette économique néces­saire? Si on admet que les fonctions de pro­duction sont extrapolables la marge de pro­duction que peut procurer l'irrigation de chaque culture sont de 16,75 qX/ha, 24,30 qX/ha et 13,00 qx/ha respectivement pour le blé dur, le blé tendre et l'orge (voir tableau 5). Les tableaux 7 et 8 ont été établis suite à une enquête menée dans le terrain . Ils donnent une estimation précise des coûts des instal­lations aussi bien pour l'irrigation par gra­vité que par aspersion. Pour l'irrigation par gravité les investisse­ments sont estimés à 2090 Dh/ha alors que les frais d 'opération sont de l'ordre de 1347,2 Dh/ha ce qui donne un total de 3437,2 Dhlha. Le prix courant du quintal de blé est de 220 Dh la marge de production procurera alors 5346 Dh/ha pour le blé ten­dre, ce qui laissera une marge nette écono­mique de 1908,8 Dhlha. Pour l'irrigation par aspersion les investissements sont de 3160,6 Dhlha alors que les frais d 'opération sont de l'ordre de 1292,8 Dh/ha donc un total de 4453,4 Dh/ha. La marge économique nette pour cette méthode est de l'ordre 892,6 Dh/ha. Cette marge nette économique représente 46,75% de celle procurée par l'irrigation par gravité. On voit ainsi que l'irrigation des céréales est non seulement capable d'augmenter la pro­duction de plus de 120% mais aussi de pro­curer une marge nette qui compense non seulement les investissements et les frais mais laisse une marge économique nette bénéfique .

Conclusion

L'analyse qui a été entreprise dans cette étude a montré que cette culture souffre d'un stress hydrique durant tout son cycle végétatif. Les observations faites durant toute la période 1951-1989 ont permis de noter qu'il n 'y a pas une seule année où le déficit hydrique n 'apparait pas. Il ressort alors que l'irrigation est la seule voie possi­ble pour échapper aux caprices de la plu­viométrie . Il a été mis en évidence que l'irrigation des céréales permet non seulement d 'augmen­ter la productivité du terrain mais aussi de régulariser la production à un niveau stable. Cette stabilité de la production est seule sus­ceptible d'apporter des améliorations nota­bles tant au niveau de la planification natio­nale qu'au niveau des conditions de vie du paysan. En effet, au Maroc la demande pro­jetée de cette denrée est de l'ordre de 130 106 de quintaux en l'an 2000. Il nous parait difficile dans les conditions actuelles de pro­duction d'atteindre cet objectif si des mesu­res d'intensification de cette culture par l'irrigation ne sont pas entreprises. Cette étude a permis de démontrer que l'irri­gation des céréales est une opération renta­ble. La certitude avec laquelle cette conclu­sion a été formulée trouve sa raison d'être dans les précautions qui ont été prises lors de l'obtention et l'analyse des résultats . Ces précautions se situent aux niveaux des ren­dements maximums à atteindre qui sont plus faibles que ce qui peut être obtenu, au niveau de la surface optimale à irriguer qui a été sous-estimée et par conséquent le coût de l'opération par unité de surface est grand et au niveau de l'estimation des investisse­ments qui ont été établis dans les conditions sévères de réalisation. Pour tirer profit de l'irrigation des céréales dans le but de ren­dre efficaces les actions de mise en oeuvre de telle opération trois voies d 'améliorations possibles sont à entreprendre: 1. L'analyse des données a été entreprise sur la base de techniques culturales actuelles, pour ne pas dire traditionnelles, plus adap­tées aux conditions de non-irrigation. L'iti­néraire technique traditionnel suivi par l'agriculteur n'insère pas la pratique de l'irri­gation. Il y a lieu de réviser les techniques culturales pour établir un itinéraire techni­que amélioré plus adapté aux conditions des arrosages de cette culture. La recherche scientifique appuyée par l'expérimentation est la seule susceptible d'apporter des solu­tions adéquates. 2. L'irrigation des céréales nécessite des moyens de financement . Même si on con­sidère l'exploitation moyenne du Maroc, de l'ordre de 5,4 ha, le financement de telle opération, même proportionnel, ne peut pas être supporté. Il incombe aux organismes publiques ou non, de mettre à la disposition du paysan les moyens financiers nécessai­res et de créer les conditions sociales et éco­nomiques pour aboutir à cette fin . 3. Si la démarche entreprise a pu mettre en relief l'importance de l'irrigation des céréa-

MEDIT W 1-2/91

Tableau 6 Rendements Moyens des C~r~ales, (1979-89) R~glon de M~kn~s.

Blé dur Blé tendre Orge

Rendement qxlha 12,53 18,26 13,45

Ecart type 3,86 5,41 4,22

Coeff. Var. % 30,81 29,63 31 ,38

Rendement max 29,30 42,60 26,40

Tableau 7 CoOt de l'installation de l'irrigation par Aspersion et par Gravlt~.

Gravité Aspersion

CoOt T Annuité Coût T Annuité 1000 Oh ans 1000 Oh 1000 Oh ans 1000 Oh

Investissements Fixes Puit+Génie civil 120,0 15 8,0 120,0 15,0 8,0 Station+Mat. Fixe 160,0 10 16,0 240,0 8,0 30,0

Investissements Proportionnels Réseau Interne/ha 8,6 15 0,6 Matériel Mobile/ha 9,0 7 1,29 Nivellement/ha 3 30 0,1

Frais d'Entretien sont estimés à 10 % des Investissements Totaux

T: Durée d'amortissement. Oh: Dirham, devise courante au Maroc.

Tableau 8 Frais d'Op~ratlon des deux m~tho­des d'Irrigation par Aspersion et par Gravlt~, R~glon de M~kn~s.

Gravité Aspersion

Besoins en eau en m 2280,00 1920,00

Energie en KWH/m 0,32 0,62 Prix du KWH en Oh 0,75 0,75

Main d'Oeuvre en UTHj 20,00 10,00 Prix de l'UTHj en Oh 40,00 40,00

UTHj: Unité de travail humain par jour.

les et le profit qu'on peut en tirer, il n'est pas évident que l'agricuteur sera convaicu de l'intérêt de telle opération. Des actions de vulgarisation appuyées par des démons­trations sur le terrain sont à entreprendre. Il faut alors créer l'infrastructure nécessaire avec tous les moyens qu 'il faut pour géné­raliser de telle technique. La rentabilité de l'irrigation des céréales est incontestable. Mais pour l'agriculteur l'ins­tauration de telle technique à la seule cul­ture des céréales n 'est pas évidente. En effet si cette rentabilité est positive dans l'absolu, sa mise en oeuvre à l'échelle de l'exploita­tion peut être bousculée par la présence d 'autres cultures plus rénumératrices telles que l'arboricuture fruitière et le maraîchage. La recherche doit être poussée non seule­ment pour déterminer les quantités d'eau optimales à apporter et les stades où ces apports sont les plus efficaces mais aussi trouver les moyens pour rendre l'irrigation des céréales concurrentielle. Enfin, la démarche qui a été entreprise dans cet article s'est inspirée des conditions réel­les de terrain et a été guidée par la logique scientifique. Si elle a été démontrée sur

Tableau 9 Charges dues aux Investisse­ments, Op~ratlon, Entretien et Marges nenes en OH/ha.

Gravité Aspersion

Installation

Opération

Production

Marge nette

1169

1148

3963

1646

OH: Dirham qui est la devise courante du Maroc.

980

1087

3962

1895

l'exemple de la culture des céréales dans la région de Méknés elle reste cependant non spécifique à cette région ni à cette culture. Elle peut donc être généralisée. • Remerciements

Nous tenons à remercier Madame Zaid Amina, ingénieur à l'Ecole Nationale d'Agri­culture de Méknés pour son aide combien précieuse pour avoir voulu réviser cet arti­cle, procéder à la correction des résultats et vérifier les calculs et les équations.

Références Bibliographiques de Wit C.T. (1958): . Transpiration and Crop yields, In­stitute of biological and Chemical research on Field Crops and Herbage., Wageningen, The Netherlands , Verse-landbouwk, order Z. N. 64, 6-8, Gravenhage. Filali B.A. (1981): .Analyse de l 'Equation du bilan hyd­rique en vue de la Programmation des Irrigations., Ecole Nationale d 'Agriculture, Méknés, 35 p . Hanks R.J . (1974): .Modelfor Predicting Plant Yield as Influenced by Water Use., Agron. J., 66, 660-668. Kutsh H.G. (1978): .Le Pouvoir d 'Evaporation du Climat Marocain., Ministère de l'Agricuture et de la Réforme Agraire, Direction de la Recherche Agronomique, Rabat.

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