Investissement : la BCE peine à convaincre les entreprises

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O n le présente comme « le plan de la dernière chance ». L’annonce, jeudi 22 janvier, d’un plan de rachats massifs de dettes publiques et privées par la Banque centrale européenne a surpris la communauté financière par son ampleur : quelque 1 100 milliards d’euros seront réinjectés dans les économies de la zone euro, par paquets de 60 milliards par mois, entre mars 2015 et septembre 2016. L’objectif de Mario Draghi, le prési- dent de la BCE, est connu. Il s’agit d’endiguer la chute des prix et d’évi- ter à la zone euro de sombrer dans le cycle infernal de la déflation. « Nous ferons ce que nous devons faire pour augmenter l’inflation et les perspectives d’inflation aussi rapidement que possible, comme notre mandat sur la stabilité des prix le réclame », déclarait « super Mario » en novembre 2014. La déflation, jugée plus nocive que l’inflation car plus difficile à endi- guer, affecte en premier lieu les entreprises qui voient leur chiffre d’affaires se contracter. Elle suit généralement un redoutable scéna- rio qui effraie économistes comme dirigeants : « Une baisse de prix signifierait que pour un même volume d’activité nous gagnerons moins, que les salariés travaille- ront autant et qu’au mieux ils ne seront pas augmentés, avec le risque que l’on soit même obligés de licencier pour compresser les coûts pour maintenir les marges », résume le directeur de la trésorerie d’une société du CAC 40. Or le feu est déjà aux portes de la maison Europe : les prix ont reculé de 0,2 % en décembre et de 0,6 % en janvier sur un an glissant dans la zone euro, une première depuis 2009. Les attentes d’inflation des acteurs du marché ne cessent de se dégrader. Si la France et l’Allemagne résistent (+ 0,1 %), des taux d’inflation annuels négatifs ont été observés dans 16 États membres comme la Grèce (-2,5 %), la Bulgarie (- 2,0 %) ou l’Espagne (-1,1 %) selon l’institut Eurostat. L’investissement en panne L’assouplissement quantitatif (quantitative easing, ou « QE »), cette version moderne de la planche à billets, est-il réellement en mesure de repousser le danger ? Certains en doutent. Christine Lagarde, la présidente du Fonds monétaire international (FMI), a d’ores et déjà jugé ce plan « insuffisant pour relancer l’économie européenne et pour soutenir la croissance ». « La BCE va sans doute être déçue par la portée de ses rachats de dette », ont ajouté les économistes de Commerzbank, Michael Schubert et Ralph Solveen. Et les entreprises, que peuvent-elles en espérer ? Les liquidités coulant à flot, on peut en effet s’attendre à un nouveau recul des taux d’intérêts souverains, qui devraient entraîner les taux bancaires à la baisse. L’espoir des autorités de Francfort est que les banques puissent ainsi répondre aux besoins de crédit des ménages et des entreprises. Ces dernières pourraient alors recommencer à investir, et relancer l’un des moteurs défaillants de la croissance en Europe. Le problème, c’est que cette situa- tion ne s’applique pas à la France, où le crédit est déjà disponible et bon marché, jugent les économistes : « Même avant cette annonce de la BCE, la possibilité d’emprunter n’avait jamais été aussi favorable, note un banquier exerçant sur les marchés, basé à Bruxelles. J’ai plu- tôt l’impression que les entreprises n’ont pas vraiment le désir d’em- prunter et que les banques font au contraire face à un manque de demande de crédits, car les groupes veulent garder leur cash. » Résultat : en 2014 l’investissement a reculé de 1,7 % en France, alors qu’il augmentait de 2,9 % en Allemagne (Insee). Un contexte anxiogène Il est vrai que les grandes entre- prises françaises se sont constitué depuis la crise de 2008 une épargne de précaution qu’elles rechignent Dossier l’Hémicycle N° 482 I MERCREDI 18 FÉVRIER 2015 8 par Tatiana Kalouguine Clouées au pilori par le franc suisse ! Le 15 janvier, en décidant de laisser flotter sa monnaie, la Banque centrale suisse n’imaginait certainement pas qu’elle allait littéralement « planter » les finances de centaines de collectivités françaises. C’est pourtant le cas. Il y a plusieurs années des emprunts à risque indexés sur la parité euro / franc suisse ont été souscrits par près de 1 500 communes, agglo- mérations, conseils généraux et conseils régionaux français. Or, la forte appréciation du franc suisse a fait flamber les taux d’intérêts de ces emprunts : compris entre 3 et 4 % en 2006, ils évoluent autour de 30 % aujourd’hui. La facture s’annonce d’ores et déjà faramineuse. Le coût serait de 4,8 millions pour les Côtes- d’Armor, de 2,3 millions pour l’Assemblée départementale de Loire-Atlantique, de 500 000 euros par an pour la ville de Melun ou de 400 000 euros par an pour la petite commune de Thouaré-sur-Loire (8 000 habitants). Pour venir en aide aux collectivités concernées, l’État a mis en place un fonds de soutien de 1,5 milliard d’euros, qui pourrait s’avérer insuffisant. Le monde économique s’avoue stu- péfait par tant de légèreté des poli- tiques. « Comment les responsa- bles financiers de ces collectivités ont-ils pu s’engager dans des pro- duits qui comportaient à l’époque un risque majeur sur une parité en devise ? s’interroge Lionel Garnier- Denis, trésorier du groupe Alten. Nous ne le ferions pas pour notre entreprise, ou alors on gérerait ce risque. Ici aucun produit de cou- verture n’a été souscrit pour éviter ce désastre. » Vers 2006, lorsqu’ont été souscrits ces prêts, d’autres pro- duits apportaient de meilleures garanties avec des taux très bas, précise-t-il. Les politiques, eux, se retournent contre les banques. Investissement : la BCE peine à convaincre les entreprises Plus de 1 000 milliards d’euros vont être injectés dans les économies de la zone euro, avec pour conséquence la baisse de l’euro et des taux d’intérêts. Le but, relancer l’investissement, faire repartir les prix et la croissance à la hausse. Mais les entreprises sont-elles prêtes à jouer le jeu ? Rien n’est moins sûr. Franc suisse : les nouveaux emprunts toxiques ARNE DEDERT/AFP Mario Draghi, président de la BCE

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L'Hémicycle - février 2015

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On le présente comme « leplan de la dernière chance ».L’annonce, jeudi 22 janvier,

d’un plan de rachats massifs dedettes publiques et privées par laBanque centrale européenne asurpris la communauté financièrepar son ampleur : quelque 1 100milliards d’euros seront réinjectésdans les économies de la zoneeuro, par paquets de 60 milliardspar mois, entre mars 2015 etseptembre 2016.L’objectif de Mario Draghi, le prési-dent de la BCE, est connu. Il s’agitd’endiguer la chute des prix et d’évi-ter à la zone euro de sombrer dansle cycle infernal de la déflation.« Nous ferons ce que nous devonsfaire pour augmenter l’inflation etles perspectives d’inflation aussirapidement que possible, commenotre mandat sur la stabilité desprix le réclame », déclarait « superMario » en novembre 2014. La déflation, jugée plus nocive quel’inflation car plus difficile à endi-guer, affecte en premier lieu lesentreprises qui voient leur chiffred’affaires se contracter. Elle suitgénéralement un redoutable scéna-rio qui effraie économistes commedirigeants : « Une baisse de prixsignifierait que pour un mêmevolume d’activité nous gagneronsmoins, que les salariés travaille-ront autant et qu’au mieux ils neseront pas augmentés, avec lerisque que l’on soit même obligésde licencier pour compresser lescoûts pour maintenir les marges »,résume le directeur de la trésoreried’une société du CAC 40.Or le feu est déjà aux portes de lamaison Europe : les prix ont reculéde 0,2 % en décembre et de 0,6 % enjanvier sur un an glissant dans lazone euro, une première depuis2009. Les attentes d’inflationdes acteurs du marché ne cessentde se dégrader. Si la France etl’Allemagne résistent (+ 0,1 %), destaux d’inflation annuels négatifs ontété observés dans 16 États membrescomme la Grèce (-2,5 %), la Bulgarie(- 2,0 %) ou l’Espagne (-1,1 %) selonl’institut Eurostat.

L’investissementen panneL’assouplissement quantitatif(quantitative easing, ou « QE »),cette version moderne de la plancheà billets, est-il réellement en mesurede repousser le danger ? Certainsen doutent. Christine Lagarde, laprésidente du Fonds monétaireinternational (FMI), a d’ores et déjàjugé ce plan « insuffisant pourrelancer l’économie européenneet pour soutenir la croissance ».« La BCE va sans doute être déçuepar la portée de ses rachats dedette », ont ajouté les économistesde Commerzbank, MichaelSchubert et Ralph Solveen.Et les entreprises, que peuvent-ellesen espérer ? Les liquidités coulant àflot, on peut en effet s’attendre à unnouveau recul des taux d’intérêtssouverains, qui devraient entraînerles taux bancaires à la baisse. L’espoirdes autorités de Francfort est que lesbanques puissent ainsi répondre auxbesoins de crédit des ménages et desentreprises. Ces dernières pourraientalors recommencer à investir, etrelancer l’un des moteurs défaillantsde la croissance en Europe. Le problème, c’est que cette situa-tion ne s’applique pas à la France,où le crédit est déjà disponible etbon marché, jugent les économistes :« Même avant cette annonce de laBCE, la possibilité d’empruntern’avait jamais été aussi favorable,

note un banquier exerçant sur lesmarchés, basé à Bruxelles. J’ai plu-tôt l’impression que les entreprisesn’ont pas vraiment le désir d’em-prunter et que les banques font aucontraire face à un manque de

demande de crédits, car les groupesveulent garder leur cash. »Résultat : en 2014 l’investissement areculé de 1,7 % en France, alors qu’ilaugmentait de 2,9 % en Allemagne(Insee).

Un contexteanxiogèneIl est vrai que les grandes entre-prises françaises se sont constituédepuis la crise de 2008 une épargnede précaution qu’elles rechignent

Dossier l’Hémicycle N° 482 I MERCREDI 18 FÉVRIER 2015 8

par Tatiana Kalouguine

Clouées au pilori par le francsuisse ! Le 15 janvier, endécidant de laisser flotter sa

monnaie, la Banque centrale suissen’imaginait certainement pas qu’elleallait littéralement « planter » lesfinances de centaines de collectivitésfrançaises. C’est pourtant le cas. Il ya plusieurs années des emprunts àrisque indexés sur la parité euro /franc suisse ont été souscritspar près de 1 500 communes, agglo-mérations, conseils généraux et

conseils régionaux français. Or, laforte appréciation du franc suisse afait flamber les taux d’intérêts deces emprunts : compris entre 3 et4 % en 2006, ils évoluent autour de30 % aujourd’hui.La facture s’annonce d’ores et déjàfaramineuse. Le coût serait de4,8 millions pour les Côtes-d’Armor, de 2,3 millions pourl’Assemblée départementale deLoire-Atlantique, de 500 000 eurospar an pour la ville de Melun ou de

400 000 euros par an pour la petitecommune de Thouaré-sur-Loire(8 000 habitants). Pour venir enaide aux collectivités concernées,l’État a mis en place un fonds desoutien de 1,5 milliard d’euros, quipourrait s’avérer insuffisant.Le monde économique s’avoue stu-péfait par tant de légèreté des poli-tiques. « Comment les responsa-bles financiers de ces collectivitésont-ils pu s’engager dans des pro-duits qui comportaient à l’époque

un risque majeur sur une parité endevise ? s’interroge Lionel Garnier-Denis, trésorier du groupe Alten.Nous ne le ferions pas pour notreentreprise, ou alors on gérerait cerisque. Ici aucun produit de cou-verture n’a été souscrit pour éviterce désastre. » Vers 2006, lorsqu’ontété souscrits ces prêts, d’autres pro-duits apportaient de meilleuresgaranties avec des taux très bas,précise-t-il. Les politiques, eux, seretournent contre les banques.

Investissement : la BCE peineà convaincre les entreprises

Plus de 1 000 milliards d’euros vont être injectés dans les économies de la zone euro, avecpour conséquence la baisse de l’euro et des taux d’intérêts. Le but, relancer l’investissement,faire repartir les prix et la croissance à la hausse. Mais les entreprises sont-elles prêtes à jouerle jeu ? Rien n’est moins sûr.

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à entamer, faute de perspectiveséconomiques. Fin 2013, les 77 plusgrands groupes français (horsfinance et immobilier) détenaientensemble un montant historique de177 milliards de liquidités disponi-bles, selon la Banque de France. L’investissement ne fait pas partiede leur priorité. Ou alors, il ne pro-fite pas à la zone euro. Certainsgroupes comme Essilor, Bolloré,ou encore Alten, qui investissent,profitent des taux bas ici pour sedévelopper dans des économiesplus prometteuses. « C’est une leçontirée de la crise : quand il y adécroissance, l’entreprise va cher-cher la croissance ailleurs, là où lesmarchés ne sont pas encore mûrs »,ajoute Lionel Garnier-Denis, tréso-rier du groupe Alten. Du côté des PME franco-françaises,la problématique est à peu près lamême : pour investir il faut des car-nets de commandes garnis. Or lescoupes budgétaires ont compriméla demande intérieure. Ce contexteanxiogène explique pourquoi 82 %des dirigeants de PME françaisdéclaraient mi-janvier n’avoiraucune intention d’investir dans lesprochains mois, d’après une étudede la CGPME.Les choses ne devraient pas s’amé-liorer cette année, malgré l’assou-plissement européen : la croissancehexagonale ne dépassera pas 0,7 %en 2015 assure Standard & Poor’s,loin du 1 % attendu par le gouver-nement français. En zone euro, lePIB ne devrait progresser que de0,3 % aux premier et deuxième tri-mestres 2015, selon les trois prin-

cipaux instituts de statistiqueseuropéens. Sans parler de la vic-toire du parti eurosceptique Syrizaen Grèce, qui ajoute un élémentd’incertitude. Certes, les entreprises qui exportenthors zone euro devraient mécani-quement gagner de la compétitivitéet des parts de marché du fait del’affaiblissement attendu de l’euro.Mais cet effet positif sur les expor-tations serait de courte durée sid’autres pays, notamment asia-tiques, décidaient à leur tour dedévaluer leur monnaie (voir à cesujet l’interview de VéroniqueRiches-Flores).

La tentationdu refinancementContrairement aux espoirs de laBCE, il est donc à craindre que lesentreprises hexagonales continue-ront encore un moment à privilégierune gestion de bon père de famille.Voire, comme certaines le font déjà,à profiter des taux proches de zéropour refinancer leur dette et assainirleur bilan. « On voit passer de plusen plus de dossiers qui servent àrepousser de la dette à bon prix etnon à financer de la croissance »,observe Lionel Garnier-Denis. Orl’arrivée massive sur les marchésfinanciers de nouveaux produits de« désintermédiation » fait craindreune bulle spéculative. « C’est biend’aller chercher le cash sur cesfameux produits très à la mode.Mais quel est l’intérêt de construireun mur de dette ? Auront-ils lesmoyens de rembourser dans qua-tre-cinq ans ? » s’inquiète-t-il.

Mais ce ne serait pas le seul effetpervers de ce plan de relance excep-tionnel. Étant donné que les place-ments financiers ne rapportent qua-siment plus rien en zone euro, lesgroupes français disposant degrosses réserves de cash pourraientà terme être incités à centraliserleurs liquidités… à l’étranger. C’estce que craint Vincent Le Bellac,associé du cabinet PricewaterhouseConseil : « Faudra-t-il continuer àcentraliser en France le cash desfiliales aux États-Unis, ou ne vau-drait-il pas mieux le laisser auxUSA où il rapporte quatre foisplus ? La question mérite d’êtreposée. Aujourd’hui ce cash revienten France tous les jours, et ce n’estplus forcément la meilleure idée. »

Investir dansdes actifs rentablesEt si, contre toute attente, les entre-prises se mettaient à puiser dans leurréserve ou à profiter de cet affluxmassif d’argent « gratuit » pourinvestir massivement ? Cette fenê-tre extraordinaire devrait notam-ment encourager les entreprises quien ont besoin pour combler leurretard technologique. C’est ce qu’àfait La Poste, qui après une année2013 difficile marquée par un reculde 24 % de son résultat d’exploita-tion, a lancé début 2014 un ambi-tieux plan stratégique sur cinq ans.« Ce ne sont pas les taux bas qui ontguidé le comité exécutif à lancer ceplan, mais il est clair que la conjonc-ture va nous aider, se réjouit EricBosdonnat, directeur de la trésorerieet des financements du groupe.

Notre structure de bilan est favora-ble et nous sommes en mesure desupporter de l’endettement, pour desactifs raisonnablement rentables. » Restaurer la confiance, voila ce quesouhaitent de concert Bruxelles et legouvernement français. Mais atten-tion aux débordements! La bulleinternet du début des années 2000est encore dans les esprits. « Dansce contexte de taux très bas il ne

faudrait pas que les entreprisesinvestissent tout à coup énormé-ment en prenant un peu plus derisques dans l’immobilier ou dansdes infrastructures industriellesqu’elles auraient autrefois jugéespeu rentables », avance Françoisd’Alverny chez Essilor. En cas desuccès trop important du plan derelance, c’est une flambée irraison-née des prix qui est à redouter.

Les entreprises françaisesdoivent-elles se réjouirde cette injection massivede liquidités dans la zone euro ?Il n’y a pas de réponse directe, toutdépendra des effets de cet assou-plissement quantitatif au niveauinternational. Il semble clair queles centaines de milliards d’eurosde rachats d’actifs vont forcer lesbanques à faire quelque chose deleurs liquidités dans un contexteéconomique qui devrait un peus’améliorer. Mais ce qu’il faut avanttout noter c’est que ce QE s’estaccompagné de la chute des prix dupétrole et d’un brutal décrochage de

l’euro face à quasiment toutes lesdevises. Or les effets de ces deuxchocs sont à double tranchant.

Quel impact attendez-vousde la chute de l’eurosur les exportationsde produits français ?Je ne suis pas convaincue des béné-fices de la baisse de l’euro sur levolume des exportations à moyenterme. Cependant la baisse du tauxde change a un effet comptableautomatique sur le résultat desentreprises : quoi qu’on attende surles volumes, mécaniquement tousles chiffres d’affaires en devisesautres que l’euro vont s’apprécier.

Pourquoi ne croyez-vouspas à l’effet bénéfique sur

les volumes d’exportation ?Avec les pressions concurrentiellesmondiales en présence, on peutcraindre qu’il se produise dansla zone euro ce qui s’est passéau Japon, c’est-à-dire que le quan-titative easing enclenche unebataille des changes. Je m’explique.L’inflation est au plus bas partoutdans le monde, notamment en Asie.Or la chute de l’euro va faire mal àbeaucoup de pays exportateurs et ilest probable que beaucoup d’entreeux cherchent à faire baisser, à leurtour, leur devise.

Quels pays pourraientainsi jouer la baissede leur monnaie ?Le Japon, qui a tout fait pour affai-blir le yen depuis deux ans, le voit

aujourd’hui remonter face à l’euro.Il reviendra sans doute à la charged’ici peu. D’autres pays comme laCorée sont handicapés par l’appré-ciation de leur taux de change etdevraient procéder à des assou-plissements monétaires pour fairebaisser leur devise. La baissesurprise des taux d’intérêt àSingapour illustre on ne peutmieux ce qui est en train de se pas-ser. Cette situation va donc accroî-tre sensiblement le risque debataille des changes dans le restedu monde, ce qui aurait pourconséquence d’annuler l’effet posi-tif de la baisse de l’euro sur nosexportations. C’est la limite deseffets de la dépréciation du changelorsque la croissance économiqueglobale est trop faible.

Le renflouementdes banques européennespeut-il relancerl’investissement,comme l’espère la BCE ?Je crains que l’on ne voie quepeu d’amélioration sur ce plan.Aucune enquête auprès desentreprises ne suggère que leschoses s’améliorent sur le frontde l’investissement.L’amélioration des marges dufait mécanique de la baisse del’euro réveillera sans doutel’investissement, mais il faudraitun environnement beaucoup plusporteur en termes de demandeet moins déflationniste pour ques’enclenche une reprise digne dece nom.

« La baisse de l’euro aura peu d’impactsur le volume des exportations »L’économiste Véronique Riches-Flores est présidente-fondatrice de RichesFlores Research.

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AFP

« Je ne pense pasque ce soit suffisantpour relancer l’activitéeuropéenne et soutenirla croissance. »Christine Lagarde,présidente du FMI,après le programmede rachat d’actifsannoncé par la BCE.

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