Introduction - Université de...
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I n t r o d u c t i o n
Mon parcours, mes projets :
Je m’appelle Aurélie MORIN, je suis en Master 2 Professionnel « Ingénierie et
Conseil en Formation » à l’UFR de Psychologie, Sociologie et Sciences de
l’Education de Mont Saint-Aignan.
Je suis titulaire d’un DEUST « Métiers de la Formation », d’une Licence
« Sciences de l’Education » et d’un MASTER 1 « Ingénierie et Conseil en
Formation ». Je suis également Assistante d’Education depuis plusieurs années et c’est
notamment grâce à cette activité professionnelle que j’ai trouvé ma voie.
J’ai choisi l’ « Ingénierie et Conseil en Formation » parce que cette filière me
permet de rester dans une certaine cohérence à la fois par rapport à mon cursus mais
aussi par rapport à mon profil, mes centres d’intérêt et ma personnalité. Je souhaite
depuis longtemps exercer dans un domaine dans lequel les relations humaines sont
importantes et agir pour des personnes qui n’ont pas nécessairement tous les atouts
leur permettant de prendre leur avenir en main.
J’aimerais dans un premier temps obtenir un poste de conseillère en insertion
professionnelle en organisme d’insertion professionnelle. Mon but est pour le moment
d’être au plus près du public. J’espère en revanche être amenée, après l’acquisition
d’une certaine expérience, à participer au montage de projets, au pilotage d’actions, à
la réponse aux appels d’offre etc… En d’autres termes, je voudrais avoir une activité
professionnelle diversifiée afin d’élargir au maximum le champ de mes compétences
et ainsi pouvoir envisager une carrière qui m’amène à terme à gérer une équipe.
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Les lieux de stage :
J’ai effectué mon stage au sein de la société ORREA (ORientation,
Recrutement, Evaluation, Animation), société implantée sur deux sites - Harfleur et
Pont-Audemer - sur lesquels les recherches ont pu être menées.
J’ai opté pour ce type de structure pour les motifs évoqués plus haut, mais aussi
car c’était celui que je connaissais le moins parmi les structures d’aide à l’insertion
professionnelle. Il s’agissait aussi d’un choix stratégique dans la mesure où les
« compétences », leur identification, leur transférabilité, leur gestion… sont
aujourd’hui incontournables lorsqu’on parle d’ « insertion professionnelle » ; ce stage
allait ainsi être un atout en terme d’employabilité.
Enfin, il était important pour moi qu’il se déroule dans une structure à taille
humaine et indépendante ; je souhaitais y trouver une certaine éthique de
l’accompagnement, un certain nombre de valeurs qui m’étaient propres. Je craignais
que quelque chose de plus « standardisé », de type institutionnel ne me déplaise.
Sur ces deux sites, l’activité d’ORREA se concentre sur
l’accompagnement à l’identification, la valorisation et le positionnement des
compétences et ce dans un but précis : l’orientation/positionnement et l’employabilité
des individus.
Le public visé est diversifié : - personnes en insertion professionnelle
- salariés
- personnes en inaptitude au poste
- jeunes diplômés ou en études
Différents types d’accompagnement s’offrent aux personnes :
* Accompagnement individualisé :
- à la reconversion dans le cadre de l’identification d’un nouveau projet
professionnel (public demandeur d’emploi et salarié).
- à la recherche d’emploi dans le cadre d’un retour à l’emploi rapide et durable
- à la VAE dans le cadre de la rédaction et de l’argumentaire du dossier VAE
- à la construction d’un projet scolaire et professionnel réaliste et cohérent
(pour les lycéens et collégiens).
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- à l’identification des savoirs, savoir-faire et savoir-être dans le cadre du Bilan de
Compétences (ORREA est agréé Centre de Bilan de Compétences par sept
OPCA/OPACIF : le FONGECIF, UNIFAF, PLASTIFAF, ANFH, FAFSEA,
FAFTT, MEDIAFOR).
* ORREA accompagne également l’Entreprise dans la gestion des compétences.
Elle intervient ainsi :
- dans le processus de recrutement
- dans la mise en œuvre et la gestion de la mobilité interne
- dans la création de référentiels métiers
- dans l’évaluation des capacités d’adaptation, managériales, relationnelles et de
vente
Elle propose de même des actions de formation à destination :
- des salariés d’entreprises et des Agents de la Fonction Publique dans les
domaines du management, de la communication et du développement personnel
- des demandeurs d’emploi, dans le cadre d’actions de formation financées par le
Conseil Régional de Haute Normandie, visant à l’orientation et l’insertion
professionnelles
ORREA intervient dans différents secteurs d’activité :
Agroalimentaire, Grande Distribution, Transport/Logistique, Métallurgie,
Bâtiment/Travaux Publics, Hôtellerie/Restauration, Sanitaire et Social, Activités
Bancaire et Financière, Fonction Publique Territoriale.
L’équipe d’ORREA est composée de quatorze personnes :
- 2 Co-Dirigeants (également Conseillers)
- 1 Encadrant Pédagogique (également Conseiller)
- 8 Conseillers
- 2 Secrétaires de Direction
- 1 Agent d’Accueil
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Les conseillers sont de formations diverses :
- Doctorat de « Sociologie des Organisations »
- DESS « Psychologie Clinique »
- MAITRISE « Psychologie du Travail », « Psychopathologie »
- MASTER « Gestion des Ressources Humaines »
- DESS « Gestion des Entreprises »
- DESS « Techniques de l’Information et de la Communication »
- Licence Professionnelle « Ressources Humaines »
- Diplôme Universitaire de « Formateur en Informatique »
- Diplôme Universitaire « Métiers de la Formation »
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La mission effectuée en stage :
Je voulais être chargée d’une mission qui soit utile à toute la structure - tant
aux Co-Dirigeants qu’aux Conseillers en Insertion Professionnelle -, qui me permette
de me positionner par rapport à ce choix professionnel et qui soit porteuse en terme
d’emploi après le MASTER.
Il était également important qu’elle reste directement liée à la pratique du CIP
puisque je voulais creuser cet aspect dans ce mémoire. L’une des missions les plus
appropriées était à mon sens la création d’un « référentiel de compétences du CIP » :
il serait une base/un repère au service de la Direction et des Conseillers.
il me permettrait d’étudier le métier et de me positionner par rapport à un
souhait d’orientation professionnelle.
il serait l’occasion d’exploiter mes capacités en Ingénierie et de les faire valoir
sur un CV.
La création de ce référentiel répondait d’abord à une volonté de la
Direction d’inscrire ORREA dans une orientation stratégique : l’engagement dans la
politique « qualité ».
Il serait enfin un outil de communication et d’animation au sein de l’équipe.
Il offrirait également une « grille de lecture » pour le recrutement de futurs
Conseillers.
Un référentiel est un ensemble de données faisant « référence » ; il s’agit donc
d’une base à partir de laquelle il est possible de se repérer. Il présente la liste des
compétences requises dans l’exercice d’un emploi donné. Il vise, sur la base de
l’énumération des activités liées à l’emploi et sur la définition de l’objectif à atteindre,
à préciser la nature des compétences qui lui sont associées. Il découle donc
directement de la description et de l’analyse de l’emploi, description et analyse
essentielles pour moi puisque c’est sur celles-ci que je pourrai m’appuyer ensuite à
plusieurs niveaux :
- pour me positionner et faire des choix professionnels.
- pour construire un argumentaire solide en entretien d’embauche.
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- pour tenter de répondre à une question que je me pose depuis que j’ai le projet
de devenir CIP et dont je ferai le sujet de mon mémoire. Je m’interroge en effet
sur le cursus permettant d’exercer en tant que tel, notamment au regard de la
polémique « Psychologue/Autre formation pour devenir CIP ».
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Le sujet de mémoire :
Il est prévu au programme du MASTER 2 que la mission effectuée en stage et
que le mémoire soient corrélés. L’objectif est en effet de construire une problématique
et une démarche de recherche s’appuyant - totalement ou en partie - sur un
élément/une situation rencontré(e) lors du stage. Il s’agit ainsi de mettre en œuvre une
approche réflexive et analytique à partir d’une situation professionnelle.
J’ai travaillé l’année dernière, dans le cadre du mémoire de MASTER 1, sur
l’accompagnement et ses répercussions identitaires sur les accompagnés ; je sais donc
relativement bien ce qui se produit au niveau du public. Je souhaitais alors, dans le
cadre du mémoire de MASTER 2, me pencher du côté des professionnels de
l’accompagnement, à savoir les conseillers en insertion professionnelle. Je voulais
étudier de plus près leurs façons d’exercer, la manière dont ils appréhendent leur
métier ainsi que les bénéficiaires, ce qui les motive, leur cursus universitaire… en
d’autres termes, c’était la compréhension du métier qui m’attirait.
Au cours de mes lectures, prises d’informations et discussions avec des
personnes du milieu de la Formation, deux tendances se sont dégagées quant à la
formation des conseillers en insertion professionnelle. La première va dans le sens de
la nécessité d’être passé par une formation en psychologie pour exercer en tant que tel,
l’autre évoque les bénéfices d’une certaine pluridisciplinarité. De mon côté, il était
difficile de trancher, j’espérais avoir la réponse lors de mon stage.
Arrivée en stage, je me suis finalement confrontée à une équipe
pluridisciplinaire (cf : « Les lieux de stage ») composée de conseillers ayant un cursus
et donc des perceptions et des pratiques différentes au service d’un même objectif et la
conception du référentiel de compétences n’a fait que confirmer les choses (annexe n°
13 p. 156 à 166).
C’est en étudiant de façon plus globale (et non en restant axée sur une seule
réalité, celle du lieu de stage) les caractéristiques du métier ainsi que le profil du CIP
que je me suis rendue compte que tout était effectivement extrêmement flou. Qu’il
s’agisse du cursus, du métier en lui-même, des institutions dans lesquelles le trouver
etc… je parvenais mal à trouver une cohérence entre les différentes sources
d’informations.
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Un constat émanait donc de cette situation ; les CIP n’ont pas d’identité
professionnelle propre, - puisqu’on ne les recrute pas sur un profil précis - et c’est sans
doute pourquoi on ne leur attribue pas de formation attitrée.
Ils parviennent malgré tout à devenir compétents pour exercer le métier, quelle
que soit leur formation de base. Comment expliquer ce phénomène ? Il fallait alors
envisager la possibilité d’une construction des compétences par l’expérience, c’est ce
que j’ai tenté de vérifier sur le lieu de recherche.
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Le plan de travail :
Afin de permettre au lecteur de bien saisir le sujet dans sa globalité, nous
nous arrêterons en premier lieu sur l’activité de conseil en insertion
professionnelle.
C’est en nous renseignant sur l’origine du mot « conseil » et plus largement sur
l’histoire de l’activité de conseil en insertion professionnelle que nous pourrons
comprendre les enjeux du métier ainsi que les fondements de la polémique qui nous a
interpellés.
Nous nous pencherons ensuite sur ce que recouvre ce domaine d’activité ; à
quelle(s) fin(s) on le pratique et comment, pour mieux cerner les caractéristiques du
métier de conseiller en insertion professionnelle.
C’est une fois que les contours de l’activité et du métier seront dressés que
nous pourrons entrer dans le cadre théorique de notre sujet de recherche.
Nous nous intéresserons dans un premier temps au profil du conseiller en
insertion professionnelle, ce qui nous amènera ensuite à examiner le concept
d’ « identité professionnelle » et ses conséquences sur le métier de CIP.
Ces dernières nous dirigeront vers une réflexion autour de la « compétence » et
plus précisément sur la construction de la compétence par l’expérience. C’est donc sur
la notion de compétences que nous réfléchirons ; sur la façon dont elle se construit, se
repère, se reconnaît et sur ce que cela implique chez l’individu dit « compétent » (ou
qui le devient) et ses collaborateurs. C’est avec la théorie de l’ « apprenance »,
complétée par celle de la « réflexivité », que nous explorerons les mécanismes
permettant la construction de la compétence par l’expérience.
Les différents aspects théoriques et conceptuels de notre sujet dressés, nous
pourrons ainsi formuler notre problématique de recherche.
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Une troisième partie traitera de l’enquête en elle-même.
Nous nous consacrerons dans un premier temps à l’explicitation du cadre
méthodologique à partir duquel nous avons choisi de travailler.
Nous ferons ensuite part au lecteur des résultats de notre enquête, en reprenant
chaque élément constitutif de notre base théorique et ce dans le souci d’infirmer ou de
confirmer notre hypothèse de départ.
Une dernière partie sera consacrée à l’analyse critique de notre travail,
tant sur le fond que sur la forme.
Une prise de recul sur celui-ci nous permettra de discuter les résultats obtenus
et d’envisager des améliorations possibles. Nous réfléchirons également sur ses
apports en terme professionnel et sur d’autres perspectives de recherches auxquelles il
pourrait éventuellement amener.
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1) Le « conseil en insertion professionnelle » :
1.1 - Eléments de définition :
Le conseil en insertion professionnelle fait partie des métiers dits - par les
professionnels et les chercheurs - « de la Formation » et il s’exerce sous la forme d’un
accompagnement.
Nous avons pu lire dans le Dictionnaire Historique de la langue française 1 au
sujet de « conseil » : « n.m est issu (v. 980) du latin consilium , d’abord employé dans
la langue juridique pour “endroit où on délibère”, par métonymie “consultation,
délibération”, et passé dans la langue commune au sens de “projet, dessein” et
notamment “dessein mûri et réfléchi”, d’où “bon avis, sagesse, prévoyance”.
Consilium est dérivé de consulere (→ consulter) ». On précise de même que « le mot
apparaît avec le sens d’ “avis que l’on donne à quelqu’un sur ce qu’il doit2 faire” » et
que la personne qui portait le conseil est finalement devenue le « conseiller ».
Une simple recherche sur l’origine du mot suffit à éclairer sur le type d’activité
auquel on a affaire lorsque l’on parle de conseil en insertion professionnelle.
Différents aspects y sont en effet soulevés ; la réflexion, la consultation d’un avis
extérieur, une décision à prendre dans le cadre d’un projet, le besoin d’une opinion
raisonnable.
On comprend alors qu’il s’agit d’une relation d’accompagnement et plus
précisément de venir en aide aux personnes ayant des problèmes à finalité
professionnelle. Aujourd’hui, parler de « problèmes à finalité professionnelle »
signifie difficultés d’insertion, d’orientation, de réinsertion, de mobilité, de gestion de
carrière, de promotion etc… La notion de « problème » est ici à prendre au sens d’une
situation à démêler et le degré de difficulté varie et n’a pas les mêmes enjeux selon
que la personne est reconnue travailleur handicapé en inaptitude au poste de travail ou
qu’elle souhaite mettre en place un projet d’évolution de carrière par exemple.
1 Alain REY(2006), Dictionnaire historique de la langue française, tome 1, Ed Dictionnaires Le
Robert, Paris. 2 Nous nous permettons ici d’apposer une critique à la définition, au regard de l’éthique de la Formation
de manière générale et ce par rapport à l’emploi du verbe « devoir » ; le conseiller est celui qui guide,
oriente et non celui qui impose à la personne.
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1.2 - L’origine de l’activité :
Le conseil en insertion prend ses racines dans le conseil en orientation
professionnelle dans le cadre scolaire. C’est au début des années 1920 que ce dernier
prend naissance et s’ancre dans le système de formation initiale. On constate en effet
que l’évaluation des individus et la mise en évidence de leurs qualités et aptitudes
constituent le plus sûr moyen d’identifier le parcours qui leur convient.
Pendant cette période d’entre-deux-guerres, les services d’orientation ont pour
mission de guider les jeunes vers les métiers qui correspondent le plus à leurs
aptitudes. Un certain nombre de contraintes économiques, psychologiques et sociales
pèsent alors sur l’orientation professionnelle et l’on souhaite une orientation qui soit à
la fois objective et scientifique3. Il est question de trouver une main d’œuvre dont les
aptitudes correspondent aux capacités exigées par les métiers et d’orienter les
individus en fonction de leurs capacités plutôt que de leur seule origine sociale. A
cette époque, l’activité de conseil se fait déjà à partir du « bilan individuel », qui reste
encore aujourd’hui l’outil de base du conseil en insertion professionnelle.
L’orientation connaît un deuxième tournant à la fin des années 1950, avec la
prolongation de la scolarité à seize ans (Réforme Berthoin ; 1959) ; on passe de l’
« orientation professionnelle » à l’ « orientation scolaire et professionnelle ». Il était
jusqu’alors question de gérer les fins de scolarité, il faut à présent accueillir, guider,
orienter les jeunes dans une Ecole qui s’organise en un système à plusieurs cycles,
avec différentes filières et options. Il devient nécessaire de gérer des flux ; on passe
donc à des pratiques de bilans collectifs sous forme de tests notamment.
Un troisième modèle d’orientation naît dans les années 1970 (ce troisième
modèle arrive à son apogée avec la « Loi d’orientation sur l’éducation » de 1989 qui
place l’élève « au centre du système »), les professionnels de l’orientation scolaire
sont les conseillers d’orientation psychologues. La dimension individuelle devient
prioritaire par rapport au collectif ; on parle ainsi du « projet individuel de l’élève », de
son « projet personnel »… Le droit au conseil à l’orientation et à l’information sur les
enseignements et les professions fait désormais partie du « droit à l’éducation ». Cette
période est celle d’un retour à l’individu, les bilans collectifs diminuent
3 Nous pensons ici notamment aux travaux d’Alfred Binet - psychologue - et Théodore Simon -
psychiatre - qui donnèrent naissance au premier test de Quotient Intellectuel (1904-1905).
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progressivement, laissant place à des techniques de conseil plus individualisées.
Apparaissent ainsi les entretiens individuels.
Les années 1980 sont marquées par la volonté de considérer le projet individuel
conjointement à l’objectif global de conduire la totalité d’une classe d’âge au
minimum au niveau du CAP et 80 % de celle-ci au niveau du Baccalauréat. Il faut
alors rationaliser l’orientation et le bilan représente le plus sûr moyen de répondre à
cette exigence. Il s’agit ainsi pour les services d’information et d’orientation de
faciliter l’orientation et ce en toute objectivité. Sont donc retenues la psychologie
expérimentale4 et clinique
5, la psychologie différentielle
6, les statistiques, et les
données relatives au monde professionnel et économique comme garants de la
scientificité et de l’objectivité exigées dès l’origine de l’orientation.
On retrouve peu à peu les techniques des conseillers en orientation en dehors
du système éducatif. En 1982, les Missions Locales et les Permanences d’Accueil,
d’Information et d’Orientation voient le jour. Ce dispositif interinstitutionnel d’aide à
l’insertion est complété en 1988 par le « Crédit Formation » grâce auquel les
demandeurs d’emploi souhaitant bénéficier d’une formation qualifiante subissent un
bilan personnel et professionnel préalable leur permettant de situer leur projet avec
l’aide du conseiller professionnel de l’ANPE. Les techniques utilisées lors de ces
bilans sont très proches de celles des conseillers d’orientation psychologues. Les
pratiques exercées dans le cadre scolaire et sur les élèves s’étendent ainsi à l’extérieur
et sur un public demandeur d’emploi (dans le cadre de l’ANPE) et/ou en difficulté
d’insertion (dans le cadre des Missions Locales et des PAIO).
Les méthodes et techniques employées dans le cadre du conseil en insertion
professionnelle tiennent donc leur origine dans le conseil en orientation scolaire.
L’accompagnement, à la base mis en place pour gérer le devenir des élèves a fini par
s’étendre en dehors de l’Ecole. Celui-ci est venu en aide à des individus désarmés face
à une société en proie au chômage.
Les années 1990 verront le processus continuer puisque l’on notera un
accroissement des demandes individuelles de bilan, en particulier chez les adultes
4 La psychologie expérimentale permet de comprendre l’individu à partir d’expériences et de sciences
telles que la biologie, la physiologie et les statistiques (on teste certaines variables comme l’âge sur la
mémoire par exemple). 5 La psychologie clinique s’intéresse à l’individu, à un cas singulier/unique. On cherche à observer les
problèmes de l’individu en situation naturelle, avec comme double exigence la prise en compte de sa
singularité et celle de la globalité de la situation dans laquelle il est placé. 6 La psychologie différentielle s’intéresse aux différences psychologiques et génétiques entre individus
et à la variabilité des conduites humaines en fonction du groupe et des situations.
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éprouvant un besoin significatif de « faire le point » sur leur situation. Apparaîtront
peu à peu des dispositifs tels les Bilans de Compétences, Bilans Professionnels etc…
Aujourd’hui, la plupart des demandeurs d’emploi passent par une structure de
conseil à l’insertion pour retrouver un emploi ou une formation. Les entreprises y ont
également de plus en plus recours dans le cadre de la gestion des compétences internes
et la reconversion de leurs salariés. Le conseil en insertion professionnelle est
désormais une activité « marchande », on considère d’ailleurs depuis peu qu’il est
entré dans une logique de marché.
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1.3 - Ce que recouvre le conseil en insertion professionnelle :
Plusieurs types de structures/d’organismes (à statuts différents) oeuvrent dans
le domaine du conseil en insertion professionnelle. Les plus connus sont les
suivantes :
- l’Agence Nationale Pour l’Emploi
- l’Association Pour l’Emploi des Cadres
- les Missions Locales/Permanences d’Accueil d’Information et d’Orientation
- les Maisons de la Formation
- l’Association Facilitant l’Insertion des Jeunes diplômés
- les organismes spécialisés dans le reclassement des travailleurs handicapés
- les services d’aide pour les bénéficiaires du RMI
- les entreprises d’insertion
- les services de reclassement des armées
- les antennes emploi
- les organismes de formation publics et privés
- les Centres de Bilan
Différents types de structures abritent le conseil en insertion professionnelle
c’est pourquoi il peut prendre différentes formes :
- accompagnement dans le projet professionnel ou de formation
- information sur les métiers/formations
- bilan d’acquis personnels et professionnels
- accompagnement à la recherche d’emploi
Même si le conseil en insertion professionnelle se situe toujours dans un même
objectif - l’employabilité des personnes dans le cadre d’un projet cohérent -, les
prestations proposées par les organismes/structures ont des appellations et des formes
d’organisation diverses et variées. Chaque structure a en effet son propre mode de
fonctionnement, sa propre « philosophie », ses propres clients, bénéficiaires et
partenaires et c’est ce qui conditionnera en partie l’appellation d’une action ou d’une
prestation. Nous n’entrerons pas dans une typologie de ces dernières car elle ne nous
apporterait rien de concret dans le cadre de notre sujet de recherche. Nous laissons en
revanche le lecteur se reporter à l’annexe numéro quatorze (p. 169) qui propose une
liste des actions et prestations rencontrées et/ou évoquées sur notre lieu de recherche.
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1.4 - Le bilan ; outil essentiel au conseil en insertion professionnelle :
Nous l’avons noté, le conseil en insertion professionnelle s’effectue souvent à
partir du « bilan » et ne répond pas nécessairement à des problèmes professionnels de
même ordre. Ainsi, Didier Demazière7 - sociologue - explique que le « bilan » se
présente sous des formes très variées et que chaque dispositif en présente ses
spécificités (du bilan). Les différences se situent la plupart du temps sur la durée de la
prestation, les types de mesures d’insertion impliquées, etc… Il distingue deux types
de « bilan » :
- les bilans « s’inscrivant dans une démarche d’orientation conçue comme un
processus continu permettant le passage rapide d’une situation professionnelle à
une autre ».
- les bilans se rapportant à du « diagnostic individuel considéré comme un passage
obligé d’un traitement de masse des situations d’exclusion de l’emploi ».
Il est l’outil indispensable pour identifier des capacités, des compétences, des
profils qui ne sont pas nécessairement pris en compte parce que non validés par un
diplôme ou pas directement liés à des apprentissages scolaires.
Il permet de découvrir parfois et/ou de mettre en valeur ces compétences et
capacités et d’en tirer profit dans le cadre de situations nouvelles d’apprentissage, de
formation ou de travail.
Il renvoie également à une approche globale de la personne, considérée dans son
unité, ses valeurs, ses rapports au travail, à elle-même, à autrui… En d’autres termes,
il s’agit de prendre en compte un individu dans toute sa dimension.
Le bilan répond ainsi au désir de la personne qui le demande - ou à qui on le
prescrit - de retrouver une position d’acteur dans la société, c’est le cas des
demandeurs d’emploi notamment.
Il est aussi pour certains l’occasion de faire le point sur leur situation/leur
parcours et d’étudier les différentes possibilités d’évolution, de reconversion, de
formation etc… qui s’offrent à eux. Dans un environnement socio-économique où les
restructurations des entreprises et la modernisation des organisations s’accélèrent, il
7 « Les bilans individualisés et la lutte contre le chômage de longue durée », Education Permanente,
N°108-1991, p. 44.
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est en effet question de permettre aux uns et aux autres de gérer, de manière
préventive ou dans l’urgence, leur vie professionnelle.
Quelle que soit la forme qu’il prend selon le type de prestation et de structure, le
bilan et donc plus largement le conseil en insertion professionnelle, vise
l’employabilité des personnes accompagnées. Il s’agit de travailler sur la définition
d’un projet réaliste et réalisable, c’est-à-dire en adéquation avec l’individu et ses
possibilités mais aussi avec la réalité socio-économique dans laquelle il est ancré.
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1.5 - Les caractéristiques du métier de conseiller en insertion
professionnelle :
1.5.1 - Conseiller en insertion professionnelle ; exercer dans le cadre d’une
relation d’accompagnement et apporter de l’aide à autrui :
Le métier de conseiller en insertion professionnelle, parce qu’il porte avant tout
sur le « conseil », est un métier fondé sur la relation à autrui. Le Répertoire
Opérationnel des Métiers et des Emplois (fiche 23221) explique que le CIP « […]
conseille et aide les personnes à effectuer des choix et à prendre des décisions
raisonnées ». Basé sur l’accompagnement, essentiellement pratiqué à partir du bilan
individuel, il s’effectue la plupart du temps dans une relation bilatérale. Même lorsque
les prestations ont lieu en groupe, le CIP se trouve dans la relation, souvent amené à
prendre en compte les problématiques individuelles et à y répondre de façon
individualisée.
Quelle que soit la prestation ou l’action de formation, le bénéficiaire vient
demander de l’aide au conseiller et c’est ainsi que la notion d’accompagnement prend
tout son sens. Michèle Roberge8 - conseillère en orientation et Docteur en Sciences de
l’Education - à propos de l’accompagnement, évoque un « art de la relation qui, par la
qualité de la présence et du lien, permet à la personne accompagnée dans un contexte
donné - parce qu’elle y est entièrement accueillie et entendue -, de cheminer sur sa
propre route , à son rythme, en fonction de ses besoins et d’objectifs personnalisés et
uniques ». Ces propos résument bien l’une des caractéristiques du métier de CIP ;
entrer dans une relation d’aide permettant l’envie de se mobiliser chez l’individu,
trouver ainsi les solutions qui lui sont adaptées et ce, en respectant son individualité.
Il faut de plus savoir que l’accompagnement se situe au carrefour d’histoires de
vies professionnelles et personnelles ; problématiques personnelles et professionnelles
sont souvent entremêlées et le conseiller ne peut en faire abstraction. Ainsi, de
nombreux conseillers9 affirment que la souffrance professionnelle, chez le
bénéficiaire, peut être accompagnée d’une souffrance psychique et qu’il est impossible
de la nier. Ils parlent ainsi de « souffrances écoutées, partagées, analysées » et de
8 « A propos du métier d’accompagnateur et de l’accompagnement dans différents métiers », Education
Permanente, N°153-2002-4, p. 102. 9 Huit Conseillers ont co-écrit cet article. « Conseil professionnel et souffrance psychique : le
mal/entendu », Education Permanente, N°109/110 deuxième partie- 1992, p. 127.
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« vies qui s’interrogent, qui se choisissent et se construisent ». On cerne bien ici à la
fois l’aspect humain du métier mais également l’attitude qu’a le conseiller. Nous
emprunterons à Carl Rogers - psychologue américain contemporain - le concept de
« congruence » ; le conseiller va en effet libérer la parole du bénéficiaire en l’aidant à
comprendre et à donner un sens à son histoire, pour lui permettre ensuite de
(re)construire un projet sur des bases claires et solides. C’est en effet par la
compréhension du bénéficiaire, de son rapport à lui-même, aux autres et au monde du
travail qu’il sera possible de mener un accompagnement efficace. C’est en prenant en
compte l’ensemble de ses préoccupations du moment et en l’aidant à comprendre en
quoi et comment elles interfèrent avec ses choix professionnels qu’il sera possible
d’envisager l’avenir de façon concrète.
Nous serions d’emblée tentés de dire que ce premier aspect du métier fait appel à
des compétences qui sont de l’ordre du relationnel, de la compréhension de la
problématique de l’individu dans sa globalité. Ce qui est essentiellement attendu du
CIP est de mener un entretien constructif, de faire preuve d’empathie et de gagner la
confiance de l’individu. L’objectif à atteindre ici est plutôt qualitatif. On trouvera ainsi
dans la fiche « 23221 », parmi les « capacités liées à l’emploi » ;
- « S’adapter à des publics variés pour établir un dialogue »
- « Être disponible et à l’écoute des autres »
- « Analyser avec discernement et recul une situation, un problème »
- « Activer ou réactiver les motivations de la personne »
1.5.2 - Conseiller en insertion professionnelle ; exercer au service d’un
objectif concret et précis :
Nous l’avons noté, l’objectif du conseil en insertion professionnelle est
l’employabilité de l’individu, la définition d’un projet réaliste et réalisable. C’est sur la
base du bilan des acquis personnels et professionnels, l’évaluation des aptitudes et des
compétences, l’étude des freins et des ambitions du bénéficiaire que celui-ci et le CIP
vont travailler pour tenter de définir, en prenant en compte la réalité sociale et
économique, un/des scénario(s) possible(s) d’insertion professionnelle ou de
formation.
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Ainsi, le CIP est confronté à des données qu’il ne maîtrise pas - au sens où il n’a
aucun pouvoir sur elles - et qu’il doit non seulement connaître mais aussi prendre en
compte dans l’élaboration du projet professionnel et/ou de formation. Nous pensons
ici notamment au marché de l’emploi ; selon la zone où l’on se situe et le type
d’emploi pour lequel on postule, certaines difficultés peuvent être rencontrées pour
entrer dans l’emploi. Il en est de même concernant l’offre de formation ; elle est
surtout concentrée et plus diversifiée au niveau des grands centres urbains. Un
bénéficiaire non véhiculé, demeurant à la campagne, aura plus de difficultés à trouver
une formation qu’un autre qui réside en ville. Le CIP, malgré les contraintes que cela
comporte, se doit pourtant de construire avec le bénéficiaire un projet d’insertion
prenant en compte ces paramètres.
Travailler dans ce sens requiert des compétences différentes de celles exigées
pour entrer dans la relation d’accompagnement avec le bénéficiaire. Le CIP est ici
amené à analyser une situation réelle et à mobiliser une certaine culture du milieu
social et/ou professionnel dans lequel l’individu est inscrit. On se repose ici sur des
éléments tout à fait concrets.
1.5.3 - Conseiller en insertion professionnelle ; entre travail relationnel et
prise en compte objective de la réalité :
Vincent Merle10
- consultant - affirme ainsi que le CIP se doit de « mettre
l’accent sur la convergence entre les aspirations individuelles et les dispositions que
suppose l’exercice d’un métier ou d’une profession ». Le conseiller doit finalement
trouver un certain équilibre à la fois entre une approche économique et une approche
psychologique et entre des préoccupations collectives et des préoccupations
individuelles.
Ce dernier exerce en effet quotidiennement à partir de la relation
d’accompagnement et de la réalité dans laquelle est impliqué le bénéficiaire. Cet
aspect met en avant une certaine ambiguïté, ou en tous cas une certaine difficulté dans
l’exercice du métier :
Le CIP est un professionnel en mesure de s’impliquer suffisamment dans une
relation pour en retirer les éléments de compréhension de la problématique de la
10
« Les paradoxes de l’orientation professionnelle ou l’art de naviguer sans carte et sans balise »,
Education Permanente, N°108 première partie-1991, p. 26.
21
personne. Il doit aussi être capable de s’extraire de cette relation pour garder une
pratique et un jugement objectifs, basés sur la réalité sociale et professionnelle dans
laquelle s’inscrit l’individu.
Le CIP travaille en effet avec le bénéficiaire sur l’expression de son
individualité, il lui permet notamment de mieux se connaître et d’enclencher une
démarche personnelle. Il effectue, au travers de l’accompagnement, un travail de
découverte de la personne et a pour rôle de garantir au mieux l’adéquation entre ce
qu’elle est et les éléments concrets du marché de l’Emploi.
Le CIP est donc logiquement doté d’une double compétence : c’est un spécialiste
de l’aide à la personne, de la communication et de l’écoute mais il est aussi spécialiste
du marché du travail.
L’activité du CIP se situe ainsi sur deux versants et donc sur deux types de
compétences a priori totalement différentes. Ce que nous allons désormais tenter de
savoir est comment ce type de profil professionnel s’acquiert.
22
2) Le sujet de recherche ; cadre théorique :
2.1 - Le profil du conseiller en insertion professionnelle :
2.1.1 - Plusieurs appellations pour une seule et même fonction :
Nous nous sommes documentés à partir de différents sites Internet11
, des
classeurs « Répertoires Opérationnels des Métiers et des Emplois », et « Centre
d’Information et de Documentation Jeunesse », souhaitant trouver des informations à
la fois en termes de descriptifs de postes mais aussi de formations afin de dégager un
profil-type du CIP.
Il est important de préciser que nous avons rencontré, dans le cadre de cette
recherche, des difficultés à retrouver les fiches métier et autres descriptifs que nous
souhaitions puisque l’activité du CIP (cf : première partie) n’est pas nommée de la
même façon selon les organismes et les structures dans lesquels elle est pratiquée. Des
différences d’appellations se dégagent également selon le type d’employeur
(privé/public) et de public bénéficiaire. Nous avons ainsi pu en relever un certain
nombre qui finalement décrivent (en théorie) la même activité et les mêmes missions :
Conseiller en insertion professionnelle
Conseiller en emploi et insertion professionnelle
Conseiller à l’emploi
Accompagnateur à l’emploi
Conseiller des missions locales
Conseiller principal de l’emploi
Formateur
Formateur d’adultes
Animateur local initiative emploi
Animateur emploi insertion
11
www.onisep.fr, www.afpa.fr, www cnfpt.fr, www.anpe.fr, www.cidj.fr, www.crij.fr,
23
2.1.2 - Plusieurs formations pour une seule et même fonction :
Nous nous sommes basés sur la fiche métier « PASS’AVENIR » (annexe n° 15
p. 168). Nous avons été amenés à faire le même constat que pour l’appellation du
métier ; plusieurs formations y conduisent. La fiche ROME 23221 (annexe n° 16 p.
172) mentionne d’ailleurs dans l’item « Formation et Expérience » : « Il n’existe pas
de formation spécifique ou d’expérience professionnelle spécialisée pour accéder à
l’emploi/métier. Selon les emplois et les structures, les formations exigées sont
hétérogènes et peuvent aller des niveaux IV à II (Bac à Bac+5). ». De la même
manière, la fiche « Métiers de la Formation » issue du CRIJ12
indique en page trois
qu’« [i]l n’existe pas vraiment de filière modèle conduisant aux métiers de la
formation ».
Ces trois types de ressources documentaires - figurant parmi les plus connues
et les plus consultées concernant la recherche d’informations sur l’orientation - nous
ont permis à elles seules de dénombrer environ une quarantaine de formations pouvant
amener au métier de CIP. On retrouve le plus souvent des formations appartenant aux
sciences humaines et sociales du type :
DU Formateur d’Adultes
DU Métiers de la Formation
Licence/Master Professionnels Gestion des Ressources Humaines (avec
spécialités)
Licence/Master Professionnels Métiers du Management
Master Professionnel Sciences Humaines mention Sciences de l’Education
(avec spécialité)
On constate de plus que non seulement le métier de CIP n’exige pas de
formation spécifique, mais que celles qui y amènent permettent également de se
diriger vers d’autres postes des métiers de la formation. Cependant, certains
spécialistes, chercheurs et/ou professionnels affirment qu’un cursus en psychologie
serait préférable, voire peut-être fondamental pour certains, dans l’exercice du métier.
12
www.crij.org/fiches-info/metiers.html
24
2.1.3 - Les CIP ; des professionnels de formations pluridisciplinaires…
mais aussi des psychologues :
Au cours de recherches - plus livresques cette fois - sur le profil des conseillers
en insertion professionnelle, nous avons finalement constaté qu’il existe deux
tendances.
La première va dans le sens de la pluridisciplinarité des conseillers, répondant,
comme nous l’évoquions en première partie, aux exigences d’un métier prenant en
compte à la fois l’individu mais aussi la société dans laquelle il est ancré. On
comprend donc qu’une multitude de savoirs, savoir-faire et savoir-être, appartenant à
des registres différents, sont activés. Dès lors, l’accompagnement nécessite un
professionnel qui maîtrise les Techniques de l’Information et de la Communication,
sait mener un entretien, connaît le bassin d’emploi, applique les Techniques de
Recherche d’Emploi, gère convenablement les dossiers de ses bénéficiaires.... Le but
ici n’est pas de citer de façon exhaustive les activités quotidiennes du CIP mais de
montrer que la réalité du métier passe par un certain nombre de tâches/activités faisant
appel à divers domaines de compétences et que l’exigence d’une certaine
pluridisciplinarité s’avère d’emblée tout à fait légitime. On comprend ainsi les propos
de Christine Revuz13
- lorsqu’elle explique - en s’interrogeant sur le professionnalisme
du conseiller - que « [ce dernier] ne peut se définir un espace d’intervention spécifique
qu’à la condition de renoncer à un ancrage disciplinaire unique » et que la relation au
bénéficiaire « n’a de sens que si elle s’efforce de “tenir les deux bouts de la chaîne”,
de travailler en ce lieu où logiques sociales et logiques individuelles se percutent ».
Christine Revuz - psychologue clinicienne et psychanalyste - met ici en
évidence que le métier de CIP requiert bel et bien cette double prise en compte que
nous évoquons depuis le début de nos travaux. Cette double prise en compte ne permet
pas l’exclusivité d’une discipline, d’une pratique et d’une seule et unique formation.
Elle exige au contraire de la part du CIP qu’il s’inscrive dans une dimension
pluridisciplinaire permettant elle d’envisager la problématique de l’individu à la fois
sur le plan moral/individuel et sur la plan social/collectif.
13
« Ni thérapeute, ni expert. L’entretien de bilan-orientation à la recherche de sa spécificité »,
Education Permanente, N°108 1ère
partie-1991, p. 71.
25
La pluridisciplinarité des équipes est également vue comme un gage de réussite
pour certains professionnels. Alain Bertrand et Daniel Mauve14
- tous deux
psychologues - estiment qu’elle permet à chaque conseiller de conserver son propre
mode de fonctionnement ainsi que ses propres approches des problématiques, tout en
bénéficiant du point de vue de ses collaborateurs, qui est autre puisque influencé par
d’autres disciplines. Ils évoquent ainsi « une mise en commun fond[ant], en réelle
synergie, une compétence générale d’équipe qui offre un panorama, une vue
d’ensemble et donc une surface de projection suffisamment large dans un lieu
unique ». Selon eux, la rencontre de pratiques, de méthodes et de références théoriques
diverses et variées faciliterait la compréhension globale du bénéficiaire et la recherche
de solutions adaptées à sa problématique.
De même, l’insertion professionnelle nécessite aujourd’hui la prise en compte
d’un monde de l’entreprise en pleine mutation, à la fois sur le plan purement technique
et sur celui de la gestion des ressources humaines. Une connaissance de l’emploi, des
systèmes d’organisation du travail et de leur évolution, de la logique d’acquisition et
de développement des compétences, des modes de gestion du personnel s’avèrent
également importants.
On comprend donc mieux pourquoi, malgré la création de formations
spécifiques (type DU Formateur d’Adultes ou DU Métiers de la Formation), beaucoup
d’autres permettent d’aboutir au métier de CIP et plus largement aux métiers de la
formation. La réalité à laquelle est confronté le CIP est mouvante et très variée, les
organismes ont donc besoin d’une équipe de professionnels à même de répondre à ce
caractère quelque peu « instable ». Vincent Merle15
explique en effet que le métier de
CIP n’exige « plus seulement une bonne maîtrise des techniques d’entretien, des
qualités d’écoute et d’empathie ; [qu’il] est, de plus en plus, un travail d’équipe qui
implique une complémentarité entre des regards et des pratiques complémentaires sur
l’emploi et les métiers » : ceci pourrait expliquer la multiplicité des profils sur le
terrain, tout comme les cursus qui les y amènent.
La seconde tendance met en avant la nécessité d’être passé par un cursus en
psychologie, voire de posséder un titre de psychologue.
14
« Des psychologues, oui…, dans des lieux interinstitutionnels », Education Permanente, N°109/110
deuxième partie-1992, p. 155. 15
« Les paradoxes de l’orientation professionnelle ou l’art de naviguer sans carte et sans balise »,
Education Permanente, N°108 première partie-1991, p. 32.
26
Cette nécessité est avant tout liée à l’histoire du conseil en insertion
professionnelle. Elle nous a en effet enseigné (cf première partie) qu’il fut précédé du
conseil en orientation scolaire (et « scolaire et professionnelle » ensuite). Les objectifs
à atteindre étaient sensiblement les mêmes bien qu’il eût été question d’un autre type
de public, de structure et de problématique, on souhaitait également rester
« scientifique » et « objectif », ainsi, de façon quasi « naturelle », on est allé puiser
dans l’existant.
On sait également que le conseil en insertion professionnelle est apparu dans
un contexte de crise et comme son nom l’indique, un contexte de crise nécessite de
trouver des solutions rapides aux problèmes, pourquoi aurait-il fallu alors aller
chercher plus loin quand des méthodes existaient déjà ?
Puisque les pratiques du conseil en orientation scolaire ont largement influencé
celles du conseil en insertion professionnelle, on comprend aisément qu’une certaine
forme de « revendication » pour le recrutement de psychologues existe. Recruter des
psychologues de formation pour la fonction de CIP s’avère, de ce point de vue, tout à
fait légitime, voire évident.
En dehors de ce que nous appellerons cette « logique d’appartenance »,
d’autres éléments - cette fois plus pragmatiques - vont également dans le sens d’un
recrutement des CIP sur cursus en psychologie, notamment par rapport aux outils qui
peuvent être utilisés au cours de l’accompagnement. Nous songeons ici à la pratique
du bilan de façon globale et plus précisément à ses composants que sont - entre autres
- l’entretien, les tests, les évaluations et les questionnaires.
Comme l’évoque Claude Lemoine - Professeur de psychologie à l’Université
de Lille 3 -16
dans son chapitre intitulé « Les approches théoriques du bilan », « Le
bilan s’apparente […] à une démarche clinique au sens où il correspond à un suivi
personnalisé. Chaque individu est traité comme un cas unique, original, et une
attention particulière lui est portée ». Ici, Claude Lemoine fait référence à la
psychologie clinique, basée sur l’appréhension du sujet dans son unité et son unicité. Il
explique d’ailleurs que l’on retrouve dans le bilan les méthodes cliniques fondées sur
l’écoute.
L’écoute nous permet ici de faire le lien avec l’entretien, qui lui aussi est au
cœur de la pratique du psychologue et plus largement du conseiller en insertion
16
(2005), Se former au bilan de compétences, (p. 61) Paris, Ed Dunod, 163 p.
27
professionnelle. Jacques Aubret et Serge Blanchard17
- psychologues et chercheurs
spécialisés en orientation des jeunes et des adultes - expliquent dans leur ouvrage que
l’entretien est souvent assimilé, d’un point de vue extérieur, à une situation de
dialogue et qu’on le voit ainsi comme un outil très simple à maîtriser, à la fois dans sa
conduite mais également dans son analyse. Or, l’un des spécialistes de la question qu’
était Carl Rogers - psychologue rappelons-le - à l’origine de l’approche centrée sur la
personne dans le cadre de la relation d’aide - a développé toute une technicité et un
savoir-faire autour de l’entretien (que nous ne détaillerons pas parce qu’ils nous
égareraient de notre sujet) qui montrent bien qu’il nécessite une certaine expertise de
la part de celui qui le mène et l’analyse ensuite.
De la même manière, de nombreux tests, évaluations et questionnaires existent
et sont des outils fréquemment utilisés dans le cadre du bilan. Chacun d’eux a une
utilité et une utilisation particulières. Ainsi, les psychologues ont été formés à les
choisir en fonction du besoin et du profil du bénéficiaire, sont habilités à leur passation
mais surtout, eux seuls sont en mesure d’en faire l’analyse et la restitution. On notera
d’ailleurs que les structures agréées « centre de bilan de compétence » doivent
respecter cette règle de façon très rigoureuse, à la fois sur le plan déontologique mais
aussi sur le plan légal. Ainsi, l’article L-900-4 du Code du travail rappelle
l’importance de la fiabilité des méthodes (devant être avérées scientifiquement) et de
la qualification des personnes qui les mettent en œuvre.
Pour aller plus loin encore, Jacques Aubret et Serge Blanchard18
, évoquent les
compétences requises chez les professionnels du conseil en reprenant celles déclinées
par le ROME. Ils affirment ainsi que la description du ROME « peut être transposée à
tous les types de conseillers, à condition que l’on intègre, dans l’ensemble de ces
éléments, une qualification et des compétences de psychologue ». Ils estiment qu’
« [u]ne très grande majorité des compétences requises pour l’exercice des métiers du
conseil relève, en effet, de la pratique psychologique, même si cette discipline n’est
pas énoncée explicitement comme centrale » et qu’ « [e]n effet, dans les emplois de
service à la personne, ce qui relève de l’information, de la communication, de la
connaissance des contextes et des problèmes, est mobilisé dans le cadre d’une
intervention centrée sur l’écoute, la compréhension et l’interaction pour traiter de
problèmes dont les composantes psychologiques sont majeures (orientation, projets,
motivations, soutien psychologique etc.) ». Leur position sur la question est très
17
(2005), Pratique du bilan personnalisé, (p. 127) Paris, Ed Dunod, 336 p. 18
(2005), Pratique du bilan personnalisé, (pp. 17-18) Paris, Ed Dunod, 336 p.
28
clairement exprimée : le conseiller en insertion professionnelle doit être qualifié et
avoir des compétences en psychologie parce que le conseil en insertion professionnelle
fait partie d’un domaine d’intervention - le service à la personne - basé sur une
pratique qui nécessite des compétences en psychologie - l’écoute - au service de la
résolution de problèmes à composantes majoritairement psychologiques - orientation,
projet, motivation etc….
On sait à présent qu’il existe deux visions des choses concernant le profil
requis pour exercer en tant que conseiller en insertion professionnelle. Quoiqu’il en
soit, au regard des différentes missions et activités qui leur incombent, ils occupent
une position « carrefour » et très délicate. Ils doivent en permanence trouver
l’équilibre entre deux instances d’emblée opposées mais aussi dépendantes l’une de
l’autre, ce qui rend effectivement difficile un positionnement quant au type de
formation à privilégier pour l’exercice du métier et justifie qu’il en existe une
multitude.
En revanche, il est désormais évident que le métier de conseiller en insertion
professionnelle est difficile à cerner, qu’il n’a pas de caractéristique qui lui soit propre
- si ce n’est cette complexité - puisque d’autres métiers s’inscrivent dans un même
champ d’activité. Comment alors envisager l’identité professionnelle du CIP et être
fixé sur le métier ?
29
2.2 - L’identité professionnelle du CIP :
2.2.1 - Le concept d’identité professionnelle :
Réfléchissons dans un premier temps à ce qu’inspire globalement ce concept.
L’identité professionnelle renvoie dans un premier temps à l’idée d’un métier
clairement identifié, aux contours définis et que chacun exerce avec une place précise
par rapport à la hiérarchie.
Nous dirons également qu’il évoque des professionnels disposant de
compétences bien distinctes et reconnues - à la fois par eux-mêmes, et quiconque en
interne et en externe au métier - et ce grâce, notamment, à une qualification
particulière.
De même, un métier à l’identité professionnelle définie est souvent caractérisé
par le fait qu’il est généralement possible d’y associer un lieu, des outils, des acteurs…
A partir de cette première réflexion, nous notons que l’identité professionnelle
se rapporte au regard, à la connaissance et à l’appréhension d’autrui et du
professionnel sur le métier. On est ici dans quelque chose qui relève de la
reconnaissance, du jugement porté à la fois sur le métier et sur le professionnel.
Du côté des chercheurs, les sociologues tels Renaud Sainsaulieu19
ou encore
Claude Dubar20
se sont penchés sur la question de l’identité professionnelle et en ont
fait un concept à part entière.
Pour le premier, c’est « la façon dont les différents groupes au travail
s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité au travail est fondée
sur des représentations collectives distinctes ». Il suppose ainsi que l’identité
professionnelle se construit à partir de la reconnaissance réciproque existant entre
collaborateurs ; à la fois par rapport aux pairs, aux supérieurs et autres groupes de
travail. L’identité professionnelle se construirait ainsi par le biais des relations sur le
lieu d’exercice mais aussi à l’extérieur.
Claude Dubar généralise la reconnaissance d’une identité professionnelle à
celle d’identité sociale. Il explique ainsi qu’elle dépend de la reconnaissance ou non
des savoirs, des compétences et des images de soi, éléments que l’on retrouve en effet
19
(1985), L’identité au travail, Paris, Ed Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques,
480 p. 20
(2005), La Socialisation, Paris, Ed Armand Colin, 254 p.
30
parmi ceux les plus attendus dans les institutions. L’identité professionnelle serait
ainsi l’articulation de l’identité pour autrui (les institutions) et de l’identité pour soi
(par rapport à une trajectoire scolaire et une identité visée).
Qu’il s’agisse de Renaud Sainsaulieu ou de Claude Dubar, l’un et l’autre
montrent finalement que l’identité professionnelle se forge essentiellement à partir des
pairs, des autres groupes au travail, des supérieurs et de l’image de soi et donc
systématiquement en interne à la structure. Elle dépend donc d’une réalité et d’attentes
particulières à un instant précis, mais peut se voir modifier dès que cette réalité
change.
2.2.2 - Conséquences sur l’ identité professionnelle des CIP :
Nous avons vu qu’exercer en tant que CIP confronte le professionnel à des
individus, mais aussi aux problématiques d’une réalité sociale et économique en
changement, à la fois au niveau des organisations mais aussi au niveau de l’entreprise.
Ainsi, le CIP doit en permanence s’adapter au changement, innover, élaborer de
nouveaux plans d’action…
Si la reconnaissance d’une identité professionnelle du CIP se fait à l’interne
(comme l’évoquent Renaud Sainsaulieu et Claude Dubar), on comprend que l’identité
professionnelle soit distincte en fonction des organismes, puisque chacun est ancré
dans une réalité précise par rapport à son bassin d’emploi, au type de public qu’il
accueille, aux prestations qu’il propose, aux partenaires qu’il côtoie, aux
professionnels exerçant à ses côtés, et ce, en sachant que tous ces paramètres peuvent
se voir modifier très régulièrement (notamment par rapport aux réponses aux appels
d’offre).
Dès lors, une identité qui serait commune aux CIP inter-structures ne peut être
que très difficile à construire. On rencontre en effet les pratiques d’insertion
professionnelle dans des institutions multiples, dont les finalités et les modes de
fonctionnement sont on ne peut plus disparates, depuis les institutions d’Etat
jusqu’aux cabinets privés, en passant par les entreprises et les associations.
Dans le numéro hors-série de la revue Sciences Humaines « Former, se former,
se transformer »21
, Patrick Gravé - Maître de Conférence en Sciences de l’Education à
21
« Former, se former, se transformer », Sciences humaines, Hors-série N°40-2003.
31
l’Université du Havre - consacre un article à l’identité professionnelle des formateurs
(« formateur » désigne dans cet article les personnes exerçant dans les métiers de la
formation en général). Il explique, s’appuyant sur les données d’une enquête menée
auprès de cent organismes de formation et sept cents formateurs, que chez ces derniers
existe non pas une mais plusieurs identités professionnelles.
Il explique malgré tout que de grandes tendances se dégagent ; on peut ainsi en
dénombrer quatre :
l’insertion
la formation et le perfectionnement professionnel
l’enseignement
l’audit et le conseil
Nous remarquons que l’insertion se dégage parmi les quatre tendances.
Néanmoins, il existe différents types d’insertion ; un conseiller en insertion sociale
(profil Mission Locale/PAIO) n’aura par exemple pas les mêmes priorités, les mêmes
objectifs et les mêmes pratiques qu’un conseiller en insertion professionnelle (profil
ORREA). On reste donc toujours plus ou moins dans un domaine à l’identité
professionnelle floue.
Véronique Naili Dej - formatrice - , dans son article intitulé « On nous appelle
“formateurs” »22
écrit que le fait que le métier ne soit « pas vraiment défini » pose un
gros problème d’identité. Elle se pose alors la question de la formation adéquate, qui
permettrait d’avoir au moins un corpus commun à tous les métiers de la formation.
Elle conclut finalement, en expliquant que le métier - bien qu’ayant une dimension
clinique nécessitant une « sérieuse formation » - requiert davantage un savoir-faire
social qu’un savoir- faire théorique ou pratique. Ainsi, l’apprentissage du métier
pourrait se faire « sur le tas » (sauf pour l’aspect clinique bien sûr qui, lui, demande
une solide formation en psychologie). Vérifions maintenant par quel(s) processus un
individu pourrait se former « sur le tas ». Autrement dit, une personne - en
l’occurrence ici le CIP - peut-elle devenir compétente par expérience et si c’est le cas
comment ?
22
« On nous appelle “ formateurs” », Education Permanente, N°109/110 deuxième partie-1992, p. 153.
32
2.3 - La construction des compétences par l’expérience :
2.3.1 - Réflexion autour de la compétence :
→ La compétence :
Dans le dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française23
, on peut lire : « 2♦(1690) cour. Connaissance approfondie, reconnue, qui
confère le droit de juger ou de décider en certaines matières. → art, capacité,
expertise, qualité, science. Avoir de la compétence, des compétences, de multiples
compétences ».
Dans le cadre professionnel, on dira généralement qu’une personne
est compétente parce qu’elle sait résoudre des situations-problèmes en mobilisant ses
connaissances. On prend donc conscience et connaissance de la compétence d’une
personne à partir du moment où elle la met en œuvre.
Claude Lemoine, lorsqu’il évoque les enjeux de la notion de
compétence24
explique que « la compétence est indissociable de l’activité par laquelle
elle se manifeste et [qu’] elle n’est discernable que par son résultat observable, donc a
posteriori ». Comme nous l’évoquions plus haut, la compétence ne s’observe que dans
l’action, en l’occurrence sur le lieu de travail ; de ce fait elle dépend de
l’environnement de travail en question.
Ces considérations impliquent donc que lorsque l’on parle de
compétence, on parle effectivement de connaissances « théoriques » et
« méthodologiques » (c’est-à-dire des savoirs incorporés/objectivés/intégrés par
rapport à un certain cadre) mais aussi de la dimension relationnelle, des attitudes face
au travail, du sens de la communication, du travail en équipe, des valeurs, de la prise
d’initiative… Cela signifie également que la compétence n’a lieu d’être que si la
réalité matérielle du lieu de travail le permet ; on se situe là en termes d’équipement,
d’outils, d’ergonomie…
Quelle est alors la place du diplôme, souvent mis en avant lorsque
l’on évoque la compétence d’un individu ? Le diplôme, le niveau de formation, sont
une qualification officiellement acquise et validée selon des critères d’évaluation. On
remarquera alors que le diplôme est de l’ordre de la technicité, de l’expertise et qu’il
23
Alain REY(1996), Le nouveau PETIT ROBERT. 24
(2005), Se former au bilan de compétences, (p. 23) Paris, Ed Dunod, 163 p.
33
ne prend pas en compte tout ce qui relève du contexte de travail mais aussi de tout ce
qui émane de l’individu qui le possède. Certains éléments en effet n’apparaissent pas
directement lorsque l’on parle de diplôme (ou éventuellement lors des stages pratiques
effectués) : l’autonomie, l’implication dans le travail, la capacité d’organisation par
exemple sont autant d’éléments intervenant dans la résolution d’un problème - et donc
lorsque l’on aborde la compétence - et qui dépendent avant tout de la psychologie
individuelle du professionnel mais également du contexte de travail dans lequel il
exerce.
Le diplôme représente finalement une prédisposition reconnue sur laquelle
l’employeur peut se baser et faire confiance par rapport à différentes situations
professionnelles. En revanche, plusieurs personnes ayant une même qualification ne
seront pas compétentes de la même manière.
Parler de compétence, c’est situer le professionnel (l’individu) dans une
logique de l’action et c’est donc uniquement au moment où elle - la compétence - est
requise que l’on sait si elle existe ou non.
C’est par logique à ce moment que ledit professionnel va être en mesure de
savoir (en s’auto-évaluant mais aussi en étant évalué) s’il est compétent ou non et
d’ajuster/de modifier/de changer son comportement lorsque la résolution d’un
problème similaire se réitèrera (l’individu dispose d’outils cognitifs et
méthodologiques qu’il va utiliser à bon escient après une analyse pertinente de la
situation). C’est cette mise en action et tout ce qu’elle implique qui lui permettra
d’entrer dans un processus de formation « sur le tas » comme l’évoquait Véronique
Naili Dej.
Ces différents constats se voient confirmés par le concept de
« professionnalisation » développé par Richard Wittorski - Chercheur au CNAM et
Maître de Conférences à l’IUFM de Rouen - : il évoque en effet « un processus de
négociation, par le jeu des groupes sociaux », qui permet la reconnaissance d’acquis.
Nous discernons ici parfaitement l’importance de l’environnement de travail et donc
d’autrui - comme nous l’avons déjà mentionné plus haut - pour qu’un individu soit
reconnu professionnel et donc compétent.
Ce qu’il faut maintenant tenter d’explorer, sont les processus intervenant au
cœur d’un mécanisme qui ferait que les individus deviendraient des professionnels - et
donc compétents - par les apprentissages de l’expérience.
34
2.3.2 - Théories et concepts mobilisés dans le cadre de la construction des
compétences par l’expérience :
C’est sur les travaux de Philippe Carré et de Guy Le Boterf que nous prendrons
appui pour étudier la question de la construction des compétences par l’expérience.
Tous deux, entre autres, ont en effet mis en évidence que l’individu, en contact avec le
terrain, développe un certain nombre de mécanismes l’amenant à devenir compétent
par expérience.
C’est dans un premier temps avec la théorie de « l’apprenance » - développée
par Philippe Carré - que nous commencerons. Nous en ressortirons certains concepts
qui pourront ensuite être développés grâce aux travaux de Guy Le Boterf sur « la
réflexivité ».
→ L’ « apprenance » :
Aujourd’hui, les entreprises et les organisations connaissent de
nouveaux modes de gestion et de développement des compétences ; on puise
désormais dans les ressources personnelles des salariés qui finalement apprennent en
permanence et ce dans et par le travail.
C’est en fait le rapport au savoir qui a changé ; on apprend désormais
dans un contexte où le conditionnement/la passivité ne sont plus à l’ordre du jour.
L’apprentissage nécessite aujourd’hui une activité mentale de l’individu, activité
l’amenant à se penser en train d’apprendre. Philippe Carré parle d’un rapport au savoir
« pro-actif » et « anticipateur » et c’est ce qui fonde la théorie de l’apprenance25
.
L’apprenance est en fait une attitude globale qui touche trois instances
de la vie psychique : l’affectif, le cognitif et le conatif. Au niveau de l’affectif26
, cela
revient à l’idée que l’apprentissage sera vécu de façon positive sur le plan émotionnel,
qu’il sera une source possible de plaisir. L’apprentissage procurera un certain
épanouissement à l’individu, il lui semblera tout à fait agréable - et non pas laborieux -
d’entrer dans la réflexion, de chercher des solutions etc…
25
Terme proposé à l’origine par H. Bouchet, syndicaliste, dans l’article « Qu’emporter au prochain
millénaire ? », Le Monde, 1 octobre 1998. 26
« Affectif » a trait aux sentiments, aux émotions.
35
Sur le plan cognitif27
, on affirme que le sujet va déployer des stratégies
d’analyse et de traitement de l’information qui le rendront de plus en plus efficace.
C’est-à-dire qu’il va entrer dans une démarche réflexive qui lui permettra de mettre au
point des techniques de résolution de problèmes, de se créer des repères, de trouver
des invariants pour établir ensuite des schémas opératoires et ainsi devenir de plus en
plus performant.
Concernant le domaine conatif28
, on évoque une certaine pro-activité
dans l’apprentissage, de la motivation à apprendre. En d’autres termes, l’individu
serait animé par l’envie d’apprendre, envie qui favoriserait l’anticipation et
l’émergence d’objectifs nouveaux à atteindre.
L’apprenance se définit donc ainsi : « ensemble stable de dispositions
affectives, cognitives et conatives, favorables à l’acte d’apprendre, dans toutes les
situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, auto-dirigée
ou non, intentionnelle ou fortuite ». Cette définition de l’apprenance englobe toutes les
situations d’apprentissage, nous nous intéresserons en particulier aux situations
concernant la formation « sur le tas », c’est-à-dire expérientielle, puisque rappelons-le,
nous cherchons à explorer les mécanismes intervenant dans la construction de la
compétence par l’expérience.
L’apprenance est un concept récent qui reste encore à explorer, puisque
émanant d’une nouvelle forme d’organisation au travail. Nous avons cependant
remarqué que les travaux de certains experts sur la construction des compétences lui
font écho. C’est le cas de ceux de Guy Le Boterf, avec notamment le concept de
« réflexivité » (ou plus communément « méta-cognition » qui désigne l'activité
mentale/intellectuelle exercée à partir du moment où un individu n’est plus dans
l'action uniquement, mais dans une réflexion - verbalisée ou non - sur cette
action/activité ).
27
« Cognitif » se rapporte aux processus d'acquisition des connaissances. 28
« Conatif » désigne l’ensemble des facteurs intervenant dans la régulation des conduites relevant de la
motivation, des intérêts, de l’envie d’agir.
36
→ La « réflexivité » et « la boucle de l’apprentissage expérientielle » :
Pour Guy Le Boterf29
, le professionnel « est celui qui non seulement est
capable d’agir avec pertinence dans une situation particulière mais qui également
comprend pourquoi et comment il agit. Il doit donc posséder une double
compréhension : celle de la situation sur laquelle il intervient et celle de sa propre
façon de s’y prendre ». Il évoque ainsi la nécessité d’une « intelligence des situations »
- pour comprendre la situation à traiter - ainsi qu’une certaine connaissance de soi-
même - pour prendre un certain recul sur sa propre pratique -.
Ainsi, le professionnel est quelqu’un qui d’une part a la capacité de
prendre en compte une situation et d’autre part va être en mesure de s’en distancier ;
de façon plus scientifique, on nommera cette posture la « méta-cognition ». Cette prise
de distance aura lieu à la fois par rapport à la situation en tant que telle, mais aussi par
rapport à la pratique engagée dans la résolution de la problématique posée par la
situation. C’est ce que Guy Le Boterf appelle « être capable de réflexivité ».
Toujours au sein du même ouvrage, Guy Le Boterf précise que la
réflexivité « consiste pour un sujet à prendre du recul par rapport à ses pratiques
professionnelles, de façon à expliciter la façon dont il s’y est pris pour modéliser et
pour faire évoluer ses schèmes opératoires de façon à pouvoir les transférer ou les
transposer dans de nouvelles situations ».
On comprend ainsi que la réflexivité se situe au cœur d’un processus
d’apprentissage qui amène l’individu à gagner en expertise au fil du temps. La
réflexion permanente sur les situations qu’il rencontre, la prise de recul, l’analyse,
l’explicitation de la situation et des méthodes utilisées seront autant d’éléments qui lui
permettront d’opérer à une sorte de conceptualisation.
Cette conceptualisation créera à son tour ce que l’on pourrait appeler un
« réflexe opératoire » qui lui, lors d’une prochaine mise en situation sera l’objet d’un
ajustement en fonction de la problématique à résoudre.
Cette nouvelle problématique constituera elle aussi l’occasion de
réfléchir à nouveau ; le mécanisme que nous venons de décrire dans ces quelques
lignes pourra alors se réactiver. Le processus forme ainsi « la boucle d’apprentissage
expérientielle » (annexe n° 17 p. 176) et constitue entre autres ce qui permet à
29
(2008), Construire les compétences individuelles et collectives, (p. 117), Paris, Gr Eyrolles, Ed
d’Organisation, 271 p.
37
l’individu de devenir professionnel et donc compétent. Penchons-nous maintenant de
plus près sur les quatre temps de cette « boucle d’apprentissage expérientielle ».
- l’ « expérience vécue » : elle correspond à la mise en situation.
- l’ « explicitation » : c’est la première étape de la « réflexivité » ; il s’agit de faire le
récit de ce qui s’est passé dans l’ « expérience vécue » pour y donner du sens, c’est la
mise en mots - et donc la compréhension - de l’action (grâce à la description du
cheminement, à l’explication de la place occupée par chaque acteur, au repérage des
moments clés, les outils de résolution du problème…).
- la « conceptualisation » et la « modélisation » : c’est la deuxième étape de la
« réflexivité » ; il s’agit de reconstruire le scénario et les méthodes employées pour
aboutir à des « invariants ». Guy Le Boterf explique que ce moment consiste à
« construire des schèmes opératoires, des modèles cognitifs qui rendent compte à la
fois de la compréhension des situations rencontrées et des pratiques professionnelles ».
L’individu doit ici avoir une posture explicative et non plus descriptive, il est sensé
intellectualiser la situation pour en ressortir un savoir théorisé et donc généralisable.
- le « transfert » ou la « transposition » à de nouvelles situations : il s’agit d’agir en
en tirant profit de l’expérience, faire à chaque fois mieux parce que l’on aura pris en
compte les leçons d’une expérience précédente ayant des caractéristiques similaires.
C’est « agir sur la base des modélisations élaborées dans la phase précédente, […]
mettre à l’épreuve de la réalité les concepts et théories d’actions et les interpréter en
fonction des nouveaux contextes d’intervention ».
Pour résumer, cet exercice de méta-cognition serait moteur dans le
développement de la capacité du sujet à conduire lui-même ses apprentissages. C’est
en effet en se détachant des situations qu’il auto-régulerait ses actes, constatant que ce
que nous avons appelé ses « réflexes opératoires » fonctionnent dans d’autres
situations et pour un type de problème précis. Pour nous référer à la théorie de
l’apprenance, nous dirions ici que nous nous situons sur le plan cognitif.
Guy Le Boterf affirme de même que cette prise de distance peut
accentuer la motivation à apprendre, nous serions donc là davantage situés sur le plan
38
conatif. L’individu, conscient qu’il peut contrôler l’action, avoir une influence sur ses
résultats sait par là même qu’il lui est possible de progresser, il adopte une attitude
pro-active, que l’on appellerait plus communément « aller de l’avant », ou encore
l’anticipation.
Ce phénomène viendrait ensuite lui confirmer qu’il est capable de
réussir ; ce jugement porté sur lui-même développerait un sentiment d’ « efficacité
personnelle » (Guy Le Boterf reprend ici les travaux d’Albert Bandura30
), qui lui
aurait une incidence sur la compétence. En effet, le « sentiment d’efficacité
personnelle joue[rait] un rôle de premier plan pour agir avec compétence ». Avoir
confiance en sa capacité à résoudre un problème, savoir que l’on a été capable de gérer
des situations parfois difficiles parce que l’on possède les ressources nécessaires
renforcerait l’envie de progresser toujours plus et génèrerait un certain plaisir à
l’apprentissage ; cette fois, c’est la dimension affective qui est en jeu.
Enfin, la méta-cognition permettrait le développement des facultés à
effectuer des transferts d’apprentissage. Guy Le Boterf explique en effet que c’est
lorsque l’individu comprend ce qu’il fait, pourquoi il le fait et les raisons de sa réussite
(ou de son échec) qu’il se prépare à agir ultérieurement dans un même contexte mais
aussi dans un contexte différent. C’est effectivement « en devenant explicites [que] les
connaissances et les schèmes deviennent des objets de travail et de communication ».
Ainsi, fonctionner par réflexivité donnerait à l’individu la capacité de construire une
représentation précise du problème (nous sommes à nouveau sur le plan cognitif) qu’il
a à traiter, de raisonner par analogie en comparant cette représentation aux
apprentissages acquis auparavant et ainsi de trouver une solution adéquate à la
résolution du problème.
C’est au travers de la théorie de l’apprenance, complétée par les travaux de
Guy Le Boterf, que nous avons pu explorer les mécanismes permettant la construction
des apprentissages - et donc de la compétence - par l’expérience. Il nous faut
désormais reprendre nos constats de terrain et le questionnement qui en découle pour
mieux les mettre en lien avec les éléments de théorie exposés jusqu’alors.
30
(2002), Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle, Paris, Ed De Boeck, 876 p.
39
2.4 - La problématique de recherche :
Notre problématique de recherche est née d’un premier constat ; l’existence
d’une sorte de « polémique » concernant le profil des conseillers en insertion
professionnelle. Certains en effet prétendent que le conseiller doit avoir suivi un
cursus en psychologie pour répondre aux exigences du métier, d’autres défendent
plutôt la nécessité d’une pluridisciplinarité au sein des équipes.
Nous penchions d’emblée vers la nécessité d’être diplômé en psychologie mais
la structure au sein de laquelle nous avons mené nos recherches, fonctionnant avec des
conseillers issus d’horizons différents, nous a montré que d’autres parcours que la
psychologie permettent également d’exercer en tant que tel.
La création d’un référentiel de compétences du CIP pour cette structure, ainsi
qu’une analyse fine de l’activité d’insertion professionnelle, du métier de CIP et de ses
caractéristiques nous ont permis de voir la polémique se préciser ; le conseiller doit en
effet exercer en prenant en compte l’individu et tout ce qui le compose mais aussi la
réalité économique et sociale dans laquelle il se meut. Il lui faut travailler avec les
outils du psychologue (l’entretien, l’écoute, les questionnaires, les tests…) mais
également avec ceux qui permettront au bénéficiaire de trouver un emploi et/ou une
formation (les ressources documentaires, le réseau, les TIC, les TRE…).
Souhaitant dans un premier temps nous faire une opinion à partir de données
plus « scientifiques », nous avons effectué quelques recherches à la fois parmi les
ressources documentaires les plus connues en terme d’informations sur l’orientation,
mais aussi dans des ouvrages écrits par des professionnels de la Formation ou des
chercheurs; notre constat n’en a été que renforcé. Nous avons été confrontés à des
appellations diverses et variées du métier, à des exigences totalement différentes en
terme de cursus et de niveaux de formation, à des écrits de professionnels et de
chercheurs avec des avis très divergents sur la question. Nous en avons alors déduit
que nous rencontrerions des difficultés à trancher sur la question et qu’il fallait peut-
être approfondir notre réflexion du côté de l’identité professionnelle pour trouver des
éléments de réponse.
40
1- Si le métier de conseiller en insertion professionnelle ne requiert pas de
formation et de niveau spécifiques, s’il prend des appellations différentes en fonction
des personnes qui le nomment et des institutions dans lesquelles on l’exerce, s’il est si
difficile d’en dresser les contours, c’est qu’il n’a pas d’identité professionnelle
clairement établie.
Ainsi, l’absence d’identité professionnelle pose à son tour et une nouvelle fois
la question de la formation adéquate pour exercer en tant que CIP. Nous nous situons
là dans un cercle vicieux, le métier de CIP n’a pas d’identité professionnelle parce
qu’on ne lui attribue pas un cursus spécifique, mais il n’a pas de cursus spécifique
parce qu’on ne lui attribue pas d’identité professionnelle.
2- Cependant, on reconnaît aux CIP leur professionnalisme, leur compétence et
ce, quelle que soit leur formation d’origine (notre lieu de recherche en est la preuve).
Une question émerge alors : qu’est-ce qui pourrait, en dehors d’une formation,
permettre à un individu de devenir compétent ?
► L’hypothèse la plus probable était celle d’une construction des
compétences du CIP non pas en formation, mais sur le terrain/par l’expérience.
41
3 - L’enquête :
3.1 - Le cadre méthodologique de l’enquête :
Nous avons choisi de mener cette enquête à partir d’une approche qualitative et
ce par le biais d’entretiens semi-directifs et d’une phase observatoire. Ceux-ci furent
négociés au préalable avec les personnes concernées (la Direction de la structure, les
onze CIP ainsi que les bénéficiaires que nous avons rencontrés lors des observations)
et nous leur en avons précisé les objectifs.
Nous avons pu observer un certain nombre de prestations et actions de
formation31
en cours (jamais en intégralité car celles-ci ne rentraient pas dans le cadre
de nos délais de présence dans la structure) et nous tenons d’ailleurs à préciser que les
résultats de nos travaux ne concernent pas le CIP dans le cadre du « bilan de
compétences salariés ». En effet, dans le souci du respect des règles déontologiques et
de la législation afférant au Bilan de Compétences, nous n’avons pas obtenu
l’autorisation d’observer les CIP dans ce cadre.
Nous avons décidé de recourir à la méthode qualitative car c’est celle qui
semblait la plus appropriée à un sujet tel que le nôtre. Celui-ci semblait nécessiter une
étude nuancée car basée sur la compréhension de l’humain mais aussi sur l’étude d’un
mécanisme aussi complexe que la construction des compétences, pour lequel des
données chiffrées auraient été difficilement traitables et sans doute trop catégoriques.
Les grilles d’entretiens semi-directifs (d’une durée de quarante-cinq minutes
environ chacun) ont été préparés pour répondre à la fois à notre problématique mais
aussi dans le cadre de la construction d’un référentiel de compétences du CIP. Nous
avons cherché à faire s’exprimer les CIP sur leur formation d’origine et ses apports par
rapport au métier, leur sentiment quant à la façon dont ils ont acquis leur compétences,
leur manière d’envisager et d’exercer le métier en général, leurs relations avec les
pairs, les difficultés rencontrées et ce en veillant malgré tout à les laisser cheminer
dans leur discours (comme le veut la règle de l’entretien semi-directif). Nous avions
en effet plusieurs éléments à étudier : le profil des professionnels, leurs rôles, ce qu’ils
disent de leur métier/la façon dont ils le qualifient, leurs modes d’apprentissage,
l’origine de ces apprentissages.
31
Cf : annexe n° 14
42
Les observations (effectuées quasiment dès notre arrivée sur les lieux afin de
rester le plus objectif possible) ont été menées pour venir en complément de ce que les
CIP évoqueraient en entretien et nous permettraient également d’assurer un certain
équilibre entre des données descriptives (les nôtres) et subjectives (celles des CIP).
Nous devons d’ailleurs préciser que nous avons observé tous les CIP mais pas sur les
mêmes prestations ou actions de formation, ni avec les mêmes bénéficiaires.
Nous avons ainsi porté notre attention aux réactions des uns et des autres
lorsqu’ils se trouvaient dans une situation délicate et/ou nouvelle. Nous avons été
vigilants quant à leur manière d’aborder le bénéficiaire et aux relations qu’ils
entretiennent entre pairs (afin de vérifier l’existence ou non d’un éventuel travail
collaboratif, coopératif ou basé sur la concertation). Enfin, nous avons observé
l’attitude des uns et des autres dans les moments de discussion formels (lors de
réunions notamment) ou informels (lors des prises de repas, au détour d’un couloir…).
C’est après avoir retranscrit les entretiens (annexes n° 2 à n° 12) et fait le point
sur nos notes de terrain que nous serons en mesure d’extraire les données pertinentes
au traitement de notre sujet. Ces données feront l’objet d’une analyse qui d’abord
viendra en appui au cheminement qui nous a amené jusqu’à cette problématique et
ensuite confirmera ou infirmera notre hypothèse. Nous considérons que notre
hypothèse sera confirmée dès lors que :
- les CIP auront formulé - directement ou indirectement - devoir leurs
compétences à leur expérience essentiellement.
et
- que l’analyse de leur propos et de nos observations apportera la preuve d’une
construction/d’un mécanisme opérant sur le terrain.
43
3.2 - Les résultats de l’enquête :
3.2.1 - Une réalité de terrain aux contours flous
→ Des CIP aux parcours divers et variés :
L’équipe est composée de onze conseillers issus d’horizons assez
différents, à la fois en terme de cursus universitaires, de niveau d’études supérieures et
d’expériences professionnelles antérieures.
Nous pouvons constituer un premier groupe de quatre psychologues - il
est question ici du cursus et non pas de la possession du titre car certains n’ont pas
achevé le dernier cycle - (entretiens n° 5, 7, 10, 11) qui n’ont cependant pas opté pour
les mêmes « spécialisations », « options » ou « certificats »32
; les CIP concernés
mentionnent en effet plusieurs orientations telles que psychologie clinique,
psychologie sociale, psychologie du travail, psychopathologie, psychopathologie du
travail. Les niveaux s’étendent de Bac + 4 à Bac + 5 et les expériences antérieures sont
elles aussi diverses.
Deux conseillers (entretiens n° 5 et 7) ont d’abord travaillé en
Permanence d’Accueil et d’Information sur l’Orientation ou Mission Locale (public
16-25 ans ; insertion sociale et professionnelle). Pour le conseiller de l’entretien
numéro dix, ORREA représente une première expérience (en dehors des stages
obligatoires d’études - Master 2 - qui eux avaient été effectués en entreprise). Le
onzième entretien met en évidence un parcours assez particulier puisque composé
d’une Maîtrise en Psychologie avec trois « certificats » (psychologie clinique,
psychopathologie et psychologie du travail) suivie d’un Diplôme d’Etudes
Approfondies (DEA) et d’un Doctorat en Sociologie. Cette personne a fait la moitié de
ses études en psychologie et l’autre moitié en sociologie et son parcours est à l’image
de cette double formation : c’est à la fois en entreprise, en association d’insertion, en
centre de formation, en cabinet de consultant et dans l’enseignement universitaire
qu’elle a pu exercer avant d’intégrer ORREA.
32
Nous nous contentons de reprendre ici les termes employés par les CIP en entretiens, le but de notre
recherche n’étant pas de savoir distinguer ce qui les différencie les uns des autres mais de nous
concentrer sur la diversité des parcours.
44
Nous pouvons constituer un second groupe de personnes ayant un
diplôme propre à la Formation. On distingue en effet trois Diplômes Universitaires :
DU métiers de la formation après une Licence d’Anglais (entretien n° 1), DU
formation de formateurs après une « fac d’anglais et d’espagnol » et un Brevet de
Technicien Supérieur (BTS) d’assistante de direction (entretien n° 2), DU formateur
en informatique après une Licence de droit et une formation de documentaliste
(entretien n° 8).
Ces personnes ont des parcours professionnels également très
différents : formateur anglais/français (entretien n° 1), formateur en Chambre de
Commerce et d’Industrie - après avoir exercé dans le transport maritime et la
consignation - (entretien n° 2) et enfin directrice d’entraînement pédagogique,
formatrice en secrétariat/bureautique - après avoir été secrétaire et documentaliste -
(entretien n° 8).
Un dernier groupe (de quatre conseillers) est composé de personnes
titulaires d’un diplôme n’amenant pas nécessairement - ou pas en premier lieu en tous
les cas - aux métiers de la Formation. On peut ici identifier quatre cursus différents
pour quatre parcours différents. Un conseiller possède une triple formation : Maîtrise
sciences et techniques de commerce international, Diplôme d’Etudes Supérieures
Spécialisées (DESS) en gestion des entreprises et Master en gestion des ressources
humaines (entretien n° 3). Son parcours professionnel est le reflet de cette triple
qualification puisque cette personne évoque un poste de formateur, des contrats à
durée déterminée en antenne-emploi et nous devons par ailleurs préciser qu’en dehors
de ses missions de CIP chez ORREA, elle figure parmi les deux dirigeants de
l’entreprise.
Nous évoquerons ensuite le cas d’un autre CIP - également dirigeant
d’ORREA - (entretien n° 9) qui s’est dirigé vers cette activité après une Ecole de
Commerce et un DESS en techniques de l’information et de la communication. Ses
premières expériences se sont d’abord tournées vers des postes « plus conformes » à
sa formation de base tels qu' assistante au responsable communication, conseillère en
communication et relations publiques, attachée de direction, chargée de
communication.
Le quatrième entretien relate un parcours de base en comptabilité (avec
un Diplôme d’Etude Supérieures Comptables et Financières - DESCF-) suivi
45
successivement d’un emploi en tant que responsable paye, d’une collaboration à la
gestion d’un commerce et d’un poste d’assistante commerciale administrative dans le
domaine de la décoration. La reprise d’études a permis à cette personne d’obtenir une
Licence Professionnelle en gestion des ressources humaines qui la mena finalement
vers le métier de CIP chez ORREA.
Enfin, l’entretien numéro six fait état d’une personne ayant bénéficié
d’une formation dans le secrétariat permettant une prise de poste en laboratoire
cosmétique. C’est après avoir été formée à l’outil informatique qu’elle eut
l’opportunité de créer sa propre société de « travaux de bureau à façon », laquelle fut
ensuite passée sous le statut d’organisme de formation après une demande d’agrément.
Nous avons donc là affaire à quelqu’un qui fut à la tête d’une entreprise avant de
devenir formatrice en bureautique au sein de celle-ci (alors agréée organisme de
formation). C’est suite à la cessation d’activité de l’organisme en question que cette
personne a souhaité exercer en tant que CIP.
Le récit des CIP quant à leur parcours professionnel et de formation
vient étayer notre constat de départ. L’équipe d’ORREA est en effet pluridisciplinaire,
en termes de cursus et par là même en termes d’expériences professionnelles.
Les uns et les autres se sont « nourris » d’une formation de base (ou
d’une formation complémentaire dans le cadre d’une reprise d’études), d’une
expérience professionnelle (ou de stage) et ont donc acquis des compétences
particulières avant d’exercer en tant que tels. Ainsi, nous ne pouvons affirmer
d’emblée qu’il existe un profil précis de CIP ; chacun semble finalement répondre aux
exigences de la direction (leurs contrats ne seraient pas pérennisés dans le cas
contraire), malgré des parcours de formation différents les uns des autres et des
origines professionnelles variées.
46
→ Des CIP qui n’emploient pas les mêmes mots pour évoquer un
même métier :
Nous nous étions de même penchés, en partie théorique (p. 22), sur
l’appellation du métier. Nous avions pu, au cours de recherches - sur différents sites et
ressources documentaires destinés à l’informations sur l’orientation - relever plusieurs
appellations qui finalement évoquaient (en théorie) le même métier. C’est en écoutant
les bénéficiaires en prestation d’accompagnement et en demandant aux CIP de nous
parler de leur métier que nous avons effectivement pu noter l’emploi de plusieurs mots
pour évoquer le métier de CIP et plus globalement le secteur d’activité : « conseiller
en insertion », « conseiller orientation et insertion », « conseiller bilan »,
« animateur », « formateur », « accompagnateur » (pour le métier), « l’insertion »,
« l’insertion professionnelle », « l’insertion sociale », « l’accompagnement », « le
conseil » (pour l’activité).
Nous avons à plusieurs reprises également entendu des bénéficiaires
parler de leur interlocuteur en le nommant à la fois « formateur » et « conseiller ».
Nous avons en effet noté qu’un même professionnel pouvait être appelé « conseiller »
lors d’entretiens individuels et que le même bénéficiaire pouvait en parler en utilisant
« formateur » quelques jours plus tard, mais en situation de groupe et ce, bien que l’on
soit sur une même prestation et avec le même professionnel (dans le cadre d’Objectif
Projet ou d’Objectif Emploi avec l’ANPE par exemple).
Lorsque nous nous penchons sur les entretiens, nous remarquons que
les CIP entre eux n’utilisent pas la même appellation pour un même emploi et de
surcroît, que certains se désignent tantôt CIP, tantôt formateur, accompagnateur… au
sein d’un même entretien. Prenons par exemple le huitième entretien (annexe n° 9 p.
126) ; la personne explique (L. 61) qu’elle est devenue « conseillère en insertion et
orientation professionnelles » dans le cadre d’ORREA. Quelques lignes plus loin (L.
186) elle parle d’ « accompagnateur » puis de « conseiller-accompagnateur » (L.302).
Enfin, lorsqu’elle évoque les formations « région » (L. 305), elle explique qu’ « il y a
toujours plusieurs intervenants bien sûr, plusieurs formateurs qui interviennent » dans
ce cadre. Nous avons assisté à plusieurs journées de formation « région »33
et nous
33
Les formations « région » sont dispensées par les structures d’insertion - après que ces dernières ont
été sélectionnées sur appel d’offre - dans le cadre du Programme Régional De Formation. Les
bénéficiaires de ces formations - demandeurs d’emploi - sont sélectionnés sur dossier et entretien et
perçoivent une rémunération au titre de « stagiaires de la formation ». Différents types de formations
47
avons constaté que les intervenants sont en fait les CIP, or on (eux-mêmes souvent et
les bénéficiaires) les appelle dans ce cadre « formateurs », sachant que certains outils
(livret de « bilan professionnel et personnel » par exemple) sont les mêmes qu’en
entretien individuel lors des prestations de conseil pour l’ANPE, que les discours tenus
et les conseils prodigués sont souvent les mêmes, que l’on est sur de
l’accompagnement au projet et/ou à la recherche d’emploi également. On voit dès lors
que cette confusion générale vient de la configuration de la prestation (en individuel :
le « conseiller » / en groupe : le « formateur »), du type de commanditaire (action de
formation « région » : « formateurs »).
Les professionnels eux aussi sont donc plus ou moins dans l’indécision,
en fonction du type d’intervention - et de son contenu - qu’ils ont à effectuer mais
aussi en fonction de la façon dont ils conçoivent leur métier. L’entretien numéro cinq
(annexe n° 6 p. 109) en est l’illustration ; ayant nous-même été induits en erreur sur le
côté formateur/conseiller notamment, nous avons employé les deux termes au cours
des entretiens et ce pour faire référence d’un côté aux actions de formations « région »
et de l’autre aux autres prestations. La personne, au début de l’entretien (L.49)
explique que le rôle de formateur ne lui revient que « de façon vraiment très
exceptionnelle » puisque n’étant que sur deux actions « région » et nous nous sommes
bien rendus compte lors de l’entretien que quelque chose la dérangeait. C’est à la fin
(L. 466), lorsque nous lui avons demandé quelques termes pour qualifier son travail
qu’elle nous a dit : « [A]lors déjà moi je ne me considère très clairement pas comme
une formatrice, ça c’est évident. En terme d’appellation on est considéré comme
conseiller donc là je pense que c’est approprié ; voilà ce qu’on fait, on conseille mais
on n’oblige à rien non plus ».
De même, certains professionnels parlent du formateur comme étant
quelqu’un qui intervient sur de la formation en entreprise exclusivement et vont même
jusqu’à en faire un métier à part. Dans le neuvième entretien (annexe n° 10 p. 133),
lorsque nous demandons à la personne de développer sur la partie conseil-
accompagnement et sur la partie formation (L. 46 à 49), elle nous explique qu’elle
pratique peu d’accompagnement et qu’elle serait en revanche plus à même de nous
parler « du métier de formateur ».
existent, nous avons pu assister au « CPPH » (Construire son Projet Professionnel avec un Handicap) et
au « SPAE » (Se Préparer A l’Emploi).
48
Nous le voyons, même si chacun semble finalement atteindre les
objectifs attendus à la fois par la direction, le commanditaire et le bénéficiaire, on ne
peut nier que vu de l’extérieur, le métier de CIP apparaît de façon extrêmement
confuse. Un autre élément l’est aussi ; nous avions au départ scindé les CIP en deux
groupes ; les psychologues et les autres (cf : p. 24). Il s’avère que les choses sont un
peu plus complexes et qu’elles mériteraient d’être nuancées.
→ Les CIP ; psychologues ou autres, faut-il choisir ?
Nous avons vu en première partie (p. 21) que le métier de CIP nécessite
une double prise en compte : la dimension individuelle et la dimension sociale (ce que
nous avons d’ailleurs pu vérifier sur le terrain au travers des différentes
problématiques traitées par les CIP jour après jour → cf : référentiel de compétences
du CIP chez ORREA, annexe n° 13 p. 156 à 166) et qu’il est par là même
extrêmement difficile (et surtout délicat en position d’observateur) de savoir quelle
formation (psychologie ou autre) mettre derrière ce que requiert cette activité
professionnelle. En revanche, nous savons à présent ce qu’en pensent les CIP eux-
mêmes.
Au niveau des psychologues (entretiens n° 5, 7, 10, 11), nous
constatons que tous (donc quatre) estiment retirer les avantages de leur formation en
psychologie. Ils pensent globalement avoir été bien formés à l’entretien, à la
reformulation, à l’écoute de manière générale, à l’analyse de ce qui en découle et c’est
en cela notamment qu’ils jugent que leur formation leur apporte beaucoup.
Ils évoquent également les apports de la psychologie dans
l’identification des freins34
, et ce par le biais d’une certaine approche de la souffrance
ou de l’histoire de l’individu. On évoque dans l’entretien numéro cinq (annexe n° 6 p.
107) la pratique de l’anamnèse35
, on nous parle aussi dans l’entretien numéro sept
(annexe n° 8 p. 120) d’un parcours en psychiatrie favorisant une certaine approche de
la souffrance et de la perte de confiance des individus (L. 79 à 82).
34
Les freins représentent ce qui vient faire barrage (en termes personnel et professionnel) à la projection
du sujet dans l’avenir. 35
L’anamnèse consiste à faire évoquer au sujet son passé afin qu’il puisse se resituer dans sa propre
histoire.
49
Les entretiens numéro dix (annexe n° 11 p. 139) et onze (annexe n° 12
p. 147) insistent davantage sur l’aspect méthodologique. Principalement orientés
autour de la psychologie/sociologie du travail, les CIP expliquent réinvestir leur
formation surtout au niveau de la création d’outils d’analyse et d’observation des
individus et des situations en général (entretien n° 10, L. 203 à 205 / entretien n° 11,
L. 267 à 285).
Ce dernier aspect nous permet d’ailleurs de nous arrêter sur la question
des outils du type tests, inventaires de tempérament etc… qui ont été mis en avant au
sein de chaque entretien par les psychologues eux-mêmes. Cette question nous est
d’abord apparue délicate à traiter : en effet, nous avons à plusieurs reprises constaté
l’utilisation de ces outils par les CIP lors de notre observation de terrain, c’est donc
qu’ils ont une certaine utilité dans le cadre de l’évolution du bénéficiaire. Cependant,
nous l’avons déjà mentionné, ils ne peuvent être utilisés, analysés et leurs résultats
retransmis au bénéficiaire que par les psychologues, ce qui prive donc les autres CIP
de leur exploitation (sauf s’ils font appel à leur collègue, ce qui n’est pas toujours
évident à mettre en place en terme logistique et lorsque la prestation veut que le
bénéficiaire ne rencontre qu’un conseiller). Ainsi, d’autres types de tests ont été créés
par l’équipe d’ORREA (comme le livret de « bilan personnel et professionnel »
plusieurs fois cité dans les entretiens) ou encore ont fait l’objet d’une formation
dispensée par leur éditeur à destination des CIP ( c’est le cas de « PASS’AVENIR »)
et semblent également très pertinents au regard de ce qu’ils peuvent apporter dans
l’élaboration du projet du bénéficiaire.
Nous ne sommes pas aptes à nous positionner quant aux différences
existant entre les outils du psychologue et les autres (et encore moins quant à leur
efficacité), néanmoins, le CIP de l’entretien numéro cinq (annexe n° 6 p. 107) nous a
clairement expliqué que les outils du psychologue (donc reconnus
professionnellement) font surtout gagner du temps (L. 227) : « Sinon la formation de
psychologue elle fait gagner du temps et elle fait gagner du temps dans la prestation
également [car] on a la possibilité de faire passer des tests et moi je suis convaincue
que les informations qu’on va sortir de ces tests-là, on peut les obtenir au cours d’un
entretien mais ça va nous faire gagner du temps ». Ce que ce CIP cherche ici à mettre
en évidence, c’est que les éléments de connaissance du bénéficiaire ressortis par le
biais des tests peuvent également l’être par le biais d’entretiens individuels - c’est-à-
dire par l’écoute et le dialogue avec celui-ci -. Néanmoins, c’est seulement après
50
plusieurs heures d’entretiens que l’on pourra extraire certains éléments de
compréhension du bénéficiaire alors qu’il suffit de la passation d’un test pour avoir
accès aux mêmes éléments ; on est donc bien dans une dimension temporelle
différente, on vérifie inévitablement un certain gain de temps.
Avant notre enquête, la question des tests nous était d’emblée apparue
comme problématique par rapport aux CIP « non-psychologues ». Nous pensions en
effet que l’impossibilité d’utiliser la majorité de ces tests les privait d’éléments
fondamentaux concernant le bénéficiaire. Ils (les tests) n’apparaissent finalement que
comme un gain de temps, d’autres outils existent chez ORREA et semblent tout à fait
fructueux dans le cadre d’un travail autour du projet avec le bénéficiaire.
Ainsi, les CIP ayant bénéficié d’un cursus universitaire en psychologie
(donc quatre) jugent cette formation tout à fait propice à l’exercice de leur métier, ne
regrettent pas d’avoir fait ce choix d’études mais ne le présentent pas pour autant
comme le cursus incontournable pour devenir CIP. Dans l’entretien n° 5 (annexe n° 6
p. 130, L. 313 à 315), on déclare ainsi que la formation en psychologie « est tout à fait
adaptée », « tout à fait idéale » et qu’ « elle apporte beaucoup » mais on s’interroge sur
le fait qu’il y ait besoin d’être psychologue pour autant, pensant qu’ « il y a des gens
qui font [ce métier] très bien », en apprenant au travers de l’expérience notamment,
nous y reviendrons plus loin.
Du côté des « non-psychologues », certains (trois d’entre eux)
aimeraient au contraire bénéficier ou avoir bénéficié d’une formation en psychologie.
Lorsque nous leur avons demandé ce dont ils auraient besoin pour évoluer ou ce qui
semble leur manquer, l’un d’eux (entretien n° 8, annexe n° 9 p. 126, L. 251) explique
que son « grand regret est de ne pas avoir fait psycho », un autre (entretien n° 4,
annexe n° 5 p. 103, L. 228) pense qu’une formation « dans le domaine “psy” ne [lui]
ferai[t] pas de mal », un autre en éprouve également le besoin (entretien n° 1, annexe
n° 2 p. 85, L. 262 à 264) par rapport à l’attitude, au comportement à adopter face aux
bénéficiaires pensant qu’ « il faut être très pédagogue et très psychologue » en
entretien individuel et qu’ « il y a peut-être une technique, une façon d’aborder les
choses ».
D’autres (trois également) en revanche formulent des souhaits
totalement différents : connaître d’autres outils globalement (entretien n° 3, annexe n°
51
4 p. 97, L. 247) et plus particulièrement en communication36
(entretien n° 6, annexe n°
7 p. 118, L.221 à 223) et en redynamisation (entretien n° 2, annexe n° 3 p. 91, L. 261 à
265).
Nous prenons conscience, au travers de cette étude, que les
psychologues considèrent leur formation comme tout à fait adaptée au métier de CIP
mais ne la revendiquent pas comme étant absolument nécessaire non plus. De leur
côté, les « non-psychologues » expriment des besoins assez différents, dont la
psychologie fait partie, sans pour autant être présentée comme le besoin dominant. Un
apport en psychologie serait pour eux en effet une manière de progresser dans la
conduite des entretiens notamment (une seule personne regrette vraiment de ne pas
avoir choisi cette orientation), mais cela ne leur apparaît pas comme une lacune
énorme à combler.
Nous avons déjà formulé au lecteur que nous ne souhaitons pas
trancher sur le dilemme « psychologue ou pas pour devenir CIP ». Certains travaux37
que nous avons brièvement décrits en partie théorique montraient un net contraste
entre les partisans d’une double prise en compte de l’individu et ceux qui estiment que
les problématiques liées à l’insertion demandent avant tout un profil de psychologue
chez les CIP.
Les propos de ceux que nous avons rencontrés nuancent finalement ce
débat, même si nous ne leur avons pas posé la question directement38
. En effet, ni les
uns ni les autres ne mettent en évidence de réelle opposition, sinon pour les
psychologues, une certaine recommandation à la psychologie mais davantage dans le
cadre d’un gain de temps à la fois pour le CIP et pour son bénéficiaire. Les autres ne
voient en la psychologie qu’un « plus » qui faciliterait et optimiserait leurs pratiques et
ne s’affirment à aucun moment désarmés sans elle. Notre dilemme de départ semble
effectivement ne plus en être un puisque chacun semble parvenir à ses fins, à sa façon
et avec sa propre appréhension du métier.
36
la personne fait référence ici aux actions de formation « Région » au sein desquelles on travaille avec
les bénéficiaires sur la communication orale et écrite : se présenter, parler franchement de soi etc… 37
Cf : Christine Revuz, Alain Bertrand, Daniel Mauve / Claude Lemoine, Jacques Aubret, Serges
Blanchard. 38
Nous n’avons pas posé la question parce que nous avons jugé maladroit et « périlleux » de demander
aux uns et aux autres de prendre partie, au risque de soulever peut-être certaines polémiques au sein de
l’équipe et d’avoir à notre tour à nous positionner pour trancher.
52
Il n’est donc plus question de s’interroger sur la nécessité ou non d’être
psychologue de formation pour devenir CIP, aucune formation n’est propre au métier
et les CIP eux-mêmes l’ont démontré. Que faut-il alors conclure quant à l’identité
professionnelle des CIP chez ORREA ?
3.2.2 - Une identité professionnelle « particulière » pour les CIP :
→ Le paradoxe d’une identité professionnelle aux multiples
facettes :
Nous avons choisi le terme « paradoxe » car il semble que nous nous
trouvons ici face à une situation assez particulière (nous ne faisons pas référence à
ORREA, mais à l’aboutissement de notre réflexion de façon globale). Nos travaux
menés sur l’accompagnement39
nous ont permis de réfléchir sur la notion d’identité -
en l’occurrence sur sa définition - et nous avions mis en avant que l’identité fait
référence à l’unité, à la singularité, à la particularité. Or, la multiplicité des formations
permettant d’accéder au métier de CIP, des appellations utilisées lorsqu’on y fait
référence, ajoutées à nos observations et aux propos recueillis en entretiens reflètent
une certaine diversité dans la façon de travailler, d’appréhender le bénéficiaire et sa
problématique. La comparaison des entretiens en est l’illustration et nos observations
n’en ont été que la confirmation.
Prenons par exemple les entretiens numéros un (annexe n° 2 p. 82) et
cinq (annexe n° 6 p. 108), au moment où nous interrogeons le CIP sur les objectifs du
métier et des missions à atteindre. Le premier insiste beaucoup sur tout l’aspect
procédures/respect des différentes étapes de l’accompagnement ainsi que sur les TRE
(L. 65 à 91) et on décrit le métier de façon chronologique, par rapport au cheminement
à respecter au fil des rencontres avec le bénéficiaire. Le cinquième entretien, lui, fait
état d’une pratique d’abord orientée vers la compréhension du bénéficiaire, l’analyse
de son histoire personnelle pour ensuite aller vers le professionnel et ce en gardant
pour objectif le maintien de la motivation et de la confiance en soi de l’individu (L.
116). Nous avons donc ici deux manières de pratiquer le métier : l’une se focalise sur
39
(2007), Sous la direction de Richard Wittorski, L’étude des effets produits par un accompagnement
en structure d’insertion, mémoire de Master 1, UFR de psychologie, sociologie et sciences de
l’éducation de Mont Saint-Aignan.
53
le cadre de l’accompagnement, l’autre vise avant tout la compréhension de l’individu
dans sa globalité.
De la même façon, le CIP de l’entretien numéro sept évoque à maintes
reprises la souffrance des bénéficiaires et dit accentuer ses efforts sur cet aspect, à la
fois dans sa relation à eux (on parle plusieurs fois de valoriser le bénéficiaire) et à son
propre métier (on explique que toute la difficulté est justement de ne pas tomber dans
la psychothérapie et surtout de prendre du recul par rapport aux problèmes des uns et
des autres afin de rester objectif). En parallèle, nous avons affaire à des CIP qui sont
nettement moins dans la relation et qui ne souhaitent absolument pas que les choses
soient autrement. C’est le cas dans l’entretien numéro neuf (annexe n° 10 p. 137, L.
256 à 261), la personne explique en effet qu’elle met un point de vigilance à « ne pas
se laisser cannibaliser par la démotivation de l’autre ou par ses problèmes ou par des
aspects personnels », elle surenchérit avec fermeté en disant : « on n’est pas là pour
gérer l’aspect personnel. Il faut rester dans le cadre de la recherche d’emploi, du projet
professionnel. Il est bien évident que les problématiques personnelles vont avoir un
impact, mais on n’est pas là pour les résoudre ». Ce sera d’ailleurs le seul moment de
l’entretien où ce conseiller abordera la prise en compte du bénéficiaire dans son
individualité.
Comment alors parler d’identité professionnelle - et donc de singularité -
quand on se trouve dans la multiplicité des pratiques ?
Nous avions également vu avec Claude Dubar et Renaud Sainsaulieu
que l’identité professionnelle se forge en interne à la structure dans laquelle on exerce,
à partir de la « reconnaissance réciproque existant entre collaborateurs » et des
« relations sur le lieu d’exercice »40
, comment est-il possible de parler de
« reconnaissance réciproque » alors que les uns et les autres exercent finalement sous
des influences éducatives (nous parlons ici de formation/de cursus) diverses et ont
donc un langage/des codes/des modes de fonctionnement différents (nous raisonnons
ici en terme de repères) ?
Pourtant, notre terrain nous a démontré qu’il est possible de concevoir
identité et multiplicité ensemble. Nous avons eu l’occasion d’écouter certains
échanges concernant les bénéficiaires où les CIP proposaient leurs propres opinions,
40
Cf : p 29.
54
solutions, outils et ce, en étant parfois en divergence sans que cela ne remette en cause
la légitimité du travail de quiconque.
Nous avons de plus remarqué en entretien que chaque CIP donne en
toute liberté sa propre vision des choses, sa propre façon d’aborder le bénéficiaire et sa
problématique et ce notamment par rapport à des influences d’ordres éducatif (la
formation suivie auparavant) et personnel (les centres d’intérêt) notamment. Certains
en entretien font notamment part d’un engouement pour la « psyché humaine »
(entretien n° 8), d’autres pour la redynamisation (entretien n° 2) et porteront ainsi
quasi naturellement une attention particulière à ces aspects dans leur façon de
travailler. Chacun (la direction et les conseillers) sait que les pratiques des uns et des
autres sont parfois très différentes - voire parfois opposées - mais tous se réclament de
répondre au même objectif, assument cette diversité et la revendiquent comme étant
l’une des clés de leur réussite. Les quatre exemples que nous avons sélectionnés plus
haut sont la preuve d’une multiplicité des pratiques, pourtant au service d’un même
objectif. Ces quatre CIP travaillent dans un même lieu, sous une même appellation et
font pourtant état d’une diversité dans leurs méthodes de travail.
Ce que nous cherchons ici à faire comprendre au lecteur, c’est qu’il
existe une reconnaissance des uns par les autres, quelle que soit leur manière de faire
et c’est à partir de là que l’on peut parler de l’existence d’une identité professionnelle
au regard de la théorie de Claude Dubar et de Renaud Sainsaulieu. Les CIP savent
finalement qu’ils oeuvrent quotidiennement pour un même objectif, mais avec des
orientations/des influences différentes sans pour autant que ni les uns ni les autres ne
détiennent l’exclusivité d’une solution aux problèmes à traiter quotidiennement.
Chacun reconnaît la compétence de l’autre puisqu’il prend en compte son avis et que
le travail en collaboration est essentiel à l’équipe . (cf : les réponses à la question sur le
travail en équipe).
C’est en cela que nous pouvons parler d’un paradoxe ; constater l’existence
d’une identité professionnelle et entrevoir par là même qu’elle s’ancre dans de
multiples pratiques totalement assumées par la structure toute entière.
55
→ Autre paradoxe ; l’identité professionnelle d’un métier n’est pas
toujours gage de l’existence d’une qualification-type ; changements
de perspectives :
Nous avions vu en partie théorique que la notion d’identité
professionnelle inspire globalement « un métier clairement identifié, aux contours
définis » engendrant ainsi l’existence d’une qualification particulière. Cette rapide
« définition » n’est que le reflet du sens commun, n’analysant pas les tenants et
aboutissants des concepts mobilisés. C’est avec les travaux de Claude Dubar et
Renaud Sainsaulieu que nous avons trouvé une définition plus scientifique à l’identité
professionnelle et que nous avons ainsi pu en démontrer l’existence chez le CIP au
sein d’ORREA, mais nous ne sommes toujours pas en mesure de définir une
qualification particulière au métier de CIP.
En effet, l’identité professionnelle « revisitée » par Claude Dubar et
Renaud Sainsaulieu apparaît comme étant interne à la structure, parce qu’il y a
reconnaissance par les pairs en son sein. Puisque cette identité n’existe que par les
pairs intra-structure, elle ne se vérifie pas inter-structures, ne fait donc pas référence à
un « modèle » de CIP généralisable et autorise encore moins une standardisation des
moyens de le devenir. C’est ainsi que s’explique l’absence d’une formation-type et/ou
d’un cursus « idéal ».
Nous pensions que le concept d’identité professionnelle nous éclairerait
davantage sur les profils des CIP et ce n’est pas vraiment le cas. En revanche, nous
cherchons toujours à savoir comment finalement les uns et les autres parviennent à
être reconnus en tant que professionnels et donc compétents. Il nous faut désormais
envisager notre questionnement différemment à savoir ne plus penser les choses en
terme de qualification mais plutôt nous concentrer sur la réalité du terrain. C’est
pourquoi nous allons vérifier si construction des compétences par l’expérience il
pourrait effectivement y avoir, comme nous l’ont montré les travaux de Philippe Carré
et Guy Le Boterf en partie théorique.
56
3.2.3 - Le CIP ; un individu qui devient compétent sur le
terrain :
Une première réflexion sur le concept de « compétence » (cf : p 33) nous avait
permis de prendre conscience qu’un individu ne peut être compétent qu’à partir du
moment où il entre dans l’action. C’est donc dans le passage à l’acte qu’il peut vérifier
sa compétence et en prendre conscience à la fois. Autrement dit, tant qu’il n’est pas
dans l’activité, l’individu ignore sa compétence.
Nous avons vu d’autre part que la compétence ne se vérifiant que dans l’action,
elle dépend totalement du lieu de travail, de l’environnement dans lequel l’individu
exerce. En effet, la compétence est vérifiée et donc reconnue, lorsque l’individu est
confronté à des outils, des situations, d’autres individus (internes ou externes à la
structure), au temps, aux contraintes… et nous remarquons ainsi que nous nous situons
sur deux dimensions : le concret et l’abstrait. L’individu travaille en effet avec des
objets, dans un lieu précis mais aussi avec ses pairs et se trouve donc également ancré
dans une dimension relationnelle, avec des valeurs à partager, des ambitions à
démontrer, des souhaits à émettre, des opinions à donner etc…
En d’autres termes, parler de compétences, c’est nécessairement parler du
terrain avant même de parler d’une qualification/d’un diplôme (même si, nous l’avons
vu, la qualification et donc la formation prédisposent malgré tout l’individu à utiliser
des méthodes de travail, d’analyse…). D’où notre hypothèse selon laquelle on
deviendrait CIP non pas grâce à un cursus en particulier - nous avons d’ailleurs vu
qu’aucun ne convient plus qu’un autre - mais grâce un mécanisme qui ferait que l’on
construit ses apprentissages - et plus généralement sa compétence - par l’expérience.
Ce sont d’abord le concept d’ « apprenance » décrit par Philippe Carré complété par
celui de « réflexivité » mis en avant par Guy Le Boterf qui nous ont permis de vérifier
l’existence d’un tel mécanisme (cf : p 36). Voyons si notre terrain confirme la théorie
et donc notre hypothèse.
57
→ Le sentiment général d’apprendre par l’expérience :
Avant de nous pencher sur des aspects purement théoriques et
d’analyser nos observations, nous avons choisi d’étudier les réponses formulées par
les CIP lorsque nous leur avons demandé, en entretien, comment ils pensent avoir
acquis leurs compétences. Tous - à l’exception de celui qui témoigne dans le onzième
entretien – (donc dix sur onze) affirment que l’expérience a forgé leurs compétences.
D’ailleurs, même les psychologues - qui pourtant estiment que leur formation convient
parfaitement au métier de CIP - expliquent qu’ils se sont formés sur le terrain. Ils
relatent en effet un apprentissage basé sur la mise en situation et l’ajustement ; chaque
situation qui se renouvelle est pour eux une occasion de faire mieux que la fois
précédente, d’ajuster son comportement, parce qu’ils analysent systématiquement ce
qui a bien ou mal fonctionné, sachant ainsi ce qui est à reproduire, à bannir ou à
parfaire. On notera par exemple dans l’entretien numéro un (annexe n° 2 p. 83/84, L.
134/L. 195 à 200) : « et puis au fur et à mesure qu’on retrouve des situations qui se
renouvellent, bah là on arrive à savoir un peu plus comment faire. Plus on a
l’expérience, plus on se sent à l’aise » / « Alors là c’est se dire que les outils exploités
ont marché et sont donc réutilisables. En fait on progresse parce qu’il y a des choses
qui n’ont pas marché et donc cela permet de réajuster ce que l’on a pu faire ».
L’entretien numéro dix (annexe n° 11 p. 142) est lui aussi assez parlant (L. 183) : « Ah
non, non, non, c’est pas au cours de notre formation à l’université qu’on nous apprend
à faire des CV, des lettres de motivation, ou à préparer à l’entretien ou comment le
transmettre. Je n’étais même pas formée à l’animation […] j’ai été sur l’école… sur le
tas quoi ! ».
En d’autres termes, la prise de recul par rapport au terrain est pour eux
essentielle à la progression et à l’acquisition des compétences. C’est en analysant leurs
propres modes de fonctionnement qu’ils apprennent ; l’élaboration de notre référentiel
de compétences du CIP nous a d’ailleurs permis de constater qu’ils en font un pré-
requis à l’exercice du métier. On constate alors qu’un processus d’apprentissage
devient finalement une compétence à lui seul. Richard Wittorski évoquerait ici une
« méta-compétence », c’est-à-dire une compétence qui « consiste à analyser ses
propres modalités d’apprentissage et de fonctionnement »41
. Le CIP de l’entretien
41
Propos cités par Catherine Renoult-Wittorski (Docteur en Sciences de l’Education/Formatrice
d’adultes), « De la pédagogie personnalisée à la FOADA, il n’y a qu’un pas… » , congrès international
AREF 2007, Actualité de la Recherche en Education et en Formation.
58
numéro huit (annexe n° 9 p. 129, L. 198) parle d’une « capacité [à] s’observer et [à]
regarder comment on fonctionne pour ne pas que [cela] devienne trop automatique ».
« Apprendre par l’expérience » les amène également à évoquer
l’apprentissage par les pairs, puisqu’ils disent aussi apprendre à partir de l’observation
de situations réelles - par imitation - (contrairement à une formation universitaire qui
est souvent très théorique). On fait part dans les onze entretiens fait de l’importance
d’observer les autres, d’échanger sur ses pratiques, de se baser sur les conseils des
collaborateurs. Dans l’entretien numéro neuf (qui nous le rappelons retranscrit les
propos de l’un des membres de la direction), on affirme que l’équipe s’inscrit dans une
logique de transmission du savoir et d’échange de bonnes pratiques (annexe n° 10 p.
136, L. 207 à 209). Chacun est donc à même de prendre appui sur la pratique des uns
et des autres pour progresser. L’entretien numéro dix vient d’ailleurs en appui à cette
affirmation : on nous dit que la méthodologie d’utilisation des outils internes ainsi que
tout ce qui relève des TRE sont effectivement transmis par les pairs à l’arrivée d’un
nouveau collaborateur (annexe n° 11 p. 142, L. 183 à 187) car rien de tout cela n’est
évoqué en formation.
1) Les CIP formulent en majorité (dix sur onze) l’existence d’une
construction des compétences sur le terrain. C’est effectivement la prise de recul sur
les situations vécues qui leur permet d’ajuster leur comportement, de trouver les
bonnes méthodes et ainsi de devenir plus compétents. Les membres de l’équipe
jouent eux aussi un rôle de transmetteurs ou encore de régulateurs dans les
apprentissages.
Nous notons que les propos des CIP sont très proches des théories
exposées sur l’aspect cognitif de l’apprentissage, c’est pourquoi nous proposons au
lecteur d’entrer dans la vérification des théories de l’ « apprenance » et de la
« réflexivité ».
59
→ Ce qui se produit sur le plan cognitif ; étude d’un cas concret :
Nous avons expliqué en partie théorique que selon Philippe Carré, l’
« apprenance » est une attitude globale de l’individu, touchant à trois instances de sa
vie psychique ; l’affectif, le cognitif et le conatif. En examinant la théorie de la
« réflexivité » élaborée par Guy Le Boterf et en étudiant les quatre temps qui la
composent, nous avons noté qu’il était possible de la mettre en parallèle avec celle de
l’ « apprenance ». Ces deux manières de concevoir l’apprentissage - et plus largement
la construction des compétences - posent l’individu en tant qu’acteur (à l’inverse d’un
individu qui subit), à la fois sur un plan pratique, sur un plan mental mais aussi
émotionnel. L’individu est en effet dans l’action, il réfléchit sur cette action et il la vit
également sur le plan affectif. En d’autres termes, Guy Le Boterf comme Philippe
Carré envisagent l’apprentissage comme quelque chose qui mobilise l’individu dans
son intégralité et c’est justement ce qui lui permettrait d’entrer dans un processus de
construction des compétences.
Voyons si le terrain nous permet d’observer la même chose. Pour ce
faire, nous reprendrons les quatre temps de la « boucle d’apprentissage expérientielle »
- en occultant le temps de l’ « expérience vécue » sachant effectivement que nous
partons d’emblée de l’expérience -. Nous nous baserons pour ce faire sur un cas
concret que nous avons pu suivre du début à la fin. La boucle d’apprentissage
expérientielle faisant référence à un processus et par définition à quelque chose de
continu, nous avons en effet jugé fondamental de partir d’une situation et de la traiter
dans son intégralité. Nous complèterons ensuite nos propos par une étude des aspects
affectifs et conatifs.
Commençons donc par le temps de l’« explicitation ». Nous sommes
ici dans le temps du récit, de la description des évènements par l’individu, lui
permettant par là même de donner un sens à ce qu’il a vécu. Nous y avons à plusieurs
reprises été confrontés, lors des observations. Le CIP est très souvent amené à
formuler, à mettre en mots les situations ; que ce soit auprès de ses pairs - lorsqu’il a
besoin d’un conseil/de se livrer et/ou de transmettre une information - ou encore
auprès des autres professionnels du réseau intervenant autour du bénéficiaire. A
maintes reprises nous avons écouté des CIP témoigner d’un entretien « peu banal »,
d’une problématique particulièrement difficile à résoudre, de péripéties rencontrées au
60
début de leur carrière… A ce titre, plusieurs entretiens mentionnent les problèmes
d’alcoolisme ou d’hygiène comme des aspects difficiles à gérer. Nous avons eu
l’occasion d’observer un membre de l’équipe en difficulté par rapport à un individu
alcoolisé et ce en partie à cause de son manque d’expérience (nous ne portons ici
aucun jugement négatif sur la personne ; nous ne faisons que reformuler ses propos).
Ce CIP a en effet intégré l’équipe récemment (entretien n°1) et n’avait
encore jamais rencontré ce cas de figure. C’est lors d’un rendez-vous de fin de
journée, dans le cadre d’un accompagnement à la recherche d’emploi, que son
bénéficiaire est arrivé en état d’ivresse et nous avons alors remarqué l’embarras dans
lequel se trouvait le CIP. Le lendemain, nous avons pu rediscuter de la situation, celui-
ci nous a raconté la séance comme si nous n’y avions pas assisté, en décrivant le
bénéficiaire (alors que nous l’avions vu), en réitérant leurs propos respectifs (alors que
nous les avions entendus) et en faisant part de leurs réactions mutuelles (alors que
nous y avions assisté). Nous sommes ici en première phase de « réflexivité », c’est-à-
dire dans la verbalisation/la narration de la situation. Nous imaginons que ceci
s’explique avant tout par le besoin de se livrer, de partager une situation difficile pour
s’en soulager (chaque entretien met d’ailleurs bien en avant ce besoin de « parler » que
les uns et les autres éprouvent lors d’un accompagnement difficile). Mais cela révèle
aussi le souci (sans doute inconscient d’ailleurs) de reformuler les choses afin que la
situation devienne claire et intelligible à la fois pour l’individu qui la vit lui-même (et
qui est sans doute un peu « perdu » puisque confronté à la nouveauté) et également à
ses pairs ; comme le dit en effet Guy Le Boterf, « à la différence de la description, la
narration produit du sens »42
.
Nous entrons ensuite dans la phase de conceptualisation et de
modélisation. Elle suppose que l’individu, après avoir décrit l’action et ainsi en avoir
pris pleinement conscience, en reconstruit le déroulement mais cette fois avec une
posture analytique. Il est sensé imaginer plusieurs explications à ce qu’il a vécu, à
expliciter ses actes et ceux du bénéficiaire, pour ensuite formaliser des schèmes et des
invariants opératoires. Il s’agit là de « reformuler en termes généralisables, de
procéder à un travail d’élaboration théorique », afin de « produire un savoir
pragmatique ». L’individu est sensé entrer dans un processus de
42
(2008), Construire les compétences individuelles et collectives, (p. 120), Paris, Gr Eyrolles, Ed
d’Organisation, 271 p.
61
décontextualisaton/conceptualisation qui consiste à « se dégager de l’effet contexte
pour produire des invariants ».
C’est à ce moment que le CIP est effectivement entré dans la réflexion,
en nous expliquant qu’il lui avait été difficile d’agir dans l’immédiat. Il avait déjà été
amené à gérer des problèmes de comportement au travail antérieurement, à devoir
maîtriser ses émotions face à un bénéficiaire, mais jamais face à un bénéficiaire
alcoolisé. Sachant néanmoins qu’une personne en état d’ébriété peut parfois avoir des
réactions imprévisibles et qu’il n’était surtout pas question de la brusquer, de susciter
un comportement violent ou au contraire de l’anéantir complètement au risque qu’elle
se désinvestisse totalement de l’accompagnement, la situation lui semblait
extrêmement délicate. On constate ainsi qu’avant même de concevoir les invariants de
la situation , le CIP a fait appel à d’autres invariants déjà existants, ce que ne
mentionne pas Guy Le Boterf dans ses travaux. Un individu, lorsqu’il agit, le fait
toujours en étant imprégné par quelque chose, par une autre/d’autres expérience(s) à
laquelle/auxquelles il a besoin de se repérer : une situation n’est jamais à cent pour
cent nouvelle.
Le CIP en question fait ainsi appel à l’expérience (pour s’être déjà
contenu face à un bénéficiaire ayant un problème de comportement dans le cadre d’un
accompagnement/avoir déjà été face à un individu alcoolisé en dehors du travail) et à
ses savoirs (notions en psychologie de l’adulte notamment/sait qu’il faut modérer ses
propos et éviter de contrarier une personne alcoolisée), repérant ainsi les invariants
déjà existants qui, ajoutés à ce qui fait la nouveauté de cette situation (ici, le fait que
chacun des invariants auparavant isolés les uns des autres ne fassent plus qu’un tout,
donc une situation nouvelle imprégnée malgré tout de « déjà vu »), créeront à leur tour
de nouveaux invariants une fois la situation comprise et intellectualisée. La nouveauté
réside dans le fait que le CIP est face à une personne alcoolisée sur son lieu de travail ;
maîtriser ses émotions sur le lieu d’exercice, respecter le bénéficiaire quoiqu’il arrive,
garder à l’esprit l’objectif de l’accompagnement, ces éléments n’avaient rien de
nouveau pour lui (d’où notre conception selon laquelle la résolution d’un problème est
avant tout emprunte de l’expérience et de savoirs déjà acquis → on fait appel à de
premiers invariants). En revanche, que l’alcool soit à l’origine du problème changeait
complètement les choses, il était nécessaire de comprendre les tenants et aboutissants
de la situation (d’où la conceptualisation et la création de nouveaux invariants) pour
faire mieux la fois suivante et ainsi construire une nouvelle compétence. Un tel constat
62
nous amène alors, dans ce cas précis, à compléter le schéma de Guy Le Boterf. Nous
renvoyons alors le lecteur à une modification possible de ce schéma, qui elle met en
évidence l’existence d’une expérience préalable à la situation à traiter (cf : annexe n°
18 p. 177)
Cet ajout traduit ainsi la perception que nous avons de la réflexivité au
regard de notre terrain de recherche : l’ « expérience vécue »/la mise en situation est
toujours précédée de certains apports expérientiels et théoriques43
et c’est ainsi que
l’on a recours à des invariants avant même d’en créer de nouveaux. Nous ajouterons
donc aux propos de Guy Le Boterf que des invariants préexistent à la mise en situation
et à la création de nouveaux invariants.
Nous sommes en mesure désormais de faire part du résultat de cette
phase de modélisation d’invariants opératoires. C’est donc après avoir fait appel à de
premiers invariants que le CIP fut enclin à conceptualiser ce qui s’était passé pour
créer de nouveaux invariants. Il en conclut en effet qu’il était avant tout nécessaire de
maintenir un dialogue de professionnel avec le bénéficiaire. Cela signifie alors, en
termes d’ « invariants » :
- évoquer les conséquences possibles du problème d’alcool sur la recherche
d’emploi et l’accompagnement de manière générale
- ne surtout pas déborder sur les problèmes que l’alcoolisme peut générer sur la
vie privée du bénéficiaire
- ne pas montrer au bénéficiaire que l’on n’a jamais été confronté à ce type de
situation
- continuer à s’adresser à lui sur un ton calme et cordial quoiqu’il en soit tout en
étant franc, honnête et ferme
- l’orienter vers des soins
Nous pouvons ainsi entrer dans la quatrième phase, à savoir celle du
retour à la mise en pratique où l’individu transfère ou transpose ce qu’il a vécu.
En revanche, il nous faut auparavant faire un détour par les pairs. Guy Le Boterf
explique en effet que « [c]et apprentissage44
aura également à faire appel à des
emprunts externes à l’expérience immédiate du sujet pour enrichir et traduire les
invariants opératoires », que « [l]a confrontation avec des exigences et des modes de
pensée exogènes pourra ici trouver sa place et produire des effets bénéfiques » et enfin
43
Nous renvoyons ici le lecteur aux travaux de Jean-Pierre Astolfi (Professeur des Universités) qui
montrent que tout apprentissage se construit sur une conception antérieure. Apprendre revient pour lui à
« passer d’une conception ancienne à une conception nouvelle ». 44
Il évoque ici l’apprentissage du transfert ou de la transposition (en page 125 de l’ouvrage déjà cité).
63
que « [d]es apports théoriques complémentaires seront parfois souhaités ». Il évoque
ici ce que son schéma nomme les « apports de connaissances théoriques » et les
« apports d’expériences et de concepts exogènes ».
Pour le cas que nous avons étudié, c’est aussi grâce à la confrontation
avec des « exigences et des modes de pensée exogènes » (plus communément appelés
l’avis des collaborateurs) que le CIP est parvenu à transférer, c’est-à-dire à
recontextualiser ce qu’il avait retiré de son expérience passée. Il nous a confié avoir
consulté dans un premier temps les membres de la direction - afin d’obtenir quelques
recommandations par rapport au cadre législatif de la prestation surtout - puis les
autres CIP qui lui confirmèrent qu’il fallait absolument dire les choses au bénéficiaire
avec fermeté et franchise, tout en mettant en avant les conséquences qu’un tel
comportement allait engendrer sur la vie professionnelle de celui-ci.
Ainsi, le bénéficiaire en question fut reçu une nouvelle fois et par le
même CIP, qui lui expliqua très clairement quel intérêt il avait à venir sobre en
accompagnement. Il lui rappela les enjeux de cette aide à la recherche d’emploi et lui
fit part qu’on avait émis l’hypothèse de l’arrêt de l’accompagnement en cas de
récidive. Le message fut entendu puisque la prestation est allée jusqu’à son terme et ce
dans des conditions tout à fait satisfaisantes.
Cette étude de cas nous permet de confirmer la théorie de la réflexivité
émise par Guy Le Boterf. C’est en effet grâce à une démarche réflexive sur la
situation, à une certaine prise de recul et à la concertation avec les pairs que le CIP a
construit une nouvelle compétence : réussir à gérer ses émotions dans la cadre d’un
entretien individuel avec un bénéficiaire alcoolisé/favoriser une prise de conscience
chez le bénéficiaire/permettre la continuité de l’accompagnement dans de meilleures
conditions.
2) La théorie de la construction des compétences du CIP sur le
terrain à partir du registre cognitif - et en particulier de la théorie de la réflexivité -
se voit donc confirmée. Nous ajouterons néanmoins des éléments théoriques et
expérientiels en amont de l’ « expérience vécue », afin de préciser qu’un individu
fait toujours appel à quelque chose de préexistant, y compris dans le cadre de la
construction d’une nouvelle compétence.
64
→ Le registre conatif inégalement mobilisé… :
Nous l’avons développé en seconde partie, l’ « apprenance » suppose
que l’individu vit les apprentissages sur un mode positif, que ces derniers sont
pour lui source de plaisir. Cette conception revient donc à dire que puisque
l’individu prend du plaisir à apprendre, il souhaite apprendre toujours
davantage et c’est ainsi qu’il devient de plus en plus compétent. Philippe Carré
évoque en effet qu’un apprentissage efficace se fait dans le cadre d’un rapport au
savoir positif et nous avons supposé au cours de nos différentes réflexions sur la
construction des compétences que les CIP sont dans ce cas de figure. Les entretiens
menés sur le terrain nous ont fixé sur la question.
Les onze CIP ont formulé le plaisir d’apprendre ; que ce soit par le
biais du bénéficiaire, des collaborateurs, de ressources scientifiques, des pairs
extérieurs à la structure, du réseau de professionnels gravitant autour du bénéficiaire…
On lit par exemple dans le dixième entretien (annexe n° 11 p. 143, L. 245 à 248) :
« Pour moi, c’est un travail qui me nourrit, […] qui nourrit ma curiosité d’esprit ;
j’apprends au contact de tout le monde, c’est ça vraiment qui est le moteur pour moi
dans ce que je fais ». C’est d’ailleurs pour cela qu’ils insistent tous sur l’humilité et la
curiosité dont doit faire preuve un CIP, celles-ci étant les conditions premières à
l’apprentissage. En employant le terme « moteur », le CIP veut nous faire comprendre
qu’il trouve sa motivation dans les apprentissages qu’il fait quotidiennement,
apprendre procure du plaisir mais suscite l’envie de découvrir toujours plus, ce point
nous permet d’ailleurs de faire le lien avec l’aspect « conatif ».
Comme nous l’avons déjà évoqué, nous sommes avec le plan
« conatif » dans l’idée d’un apprentissage intentionnel/motivé, à mettre en lien
avec la confiance en soi et le sentiment d’efficacité personnelle. C’est
effectivement en constatant sa capacité à agir positivement sur la vie
professionnelle des bénéficiaires que le CIP prendrait conscience de sa
compétence. Cette prise de conscience lui procurerait un sentiment d’efficacité
personnelle. Les entretiens comme les observations mettent bien en évidence le fait
que la réussite d’un accompagnement/d’une mission engendre une certaine prise de
conscience de sa capacité à agir et par là même de son efficacité personnelle. Nous
avons constaté à de multiples reprises que les CIP éprouvent une grande satisfaction
65
lorsque le bénéficiaire parvient à se réinsérer ou encore lorsqu’il ressent un mieux-être
tout simplement. Le CIP se réjouit en effet pour le bénéficiaire avant tout, mais aussi
parce qu’il est en quelque sorte « fier » d’avoir pu œuvrer positivement pour
quelqu’un. Il retient qu’il a su choisir les bonnes méthodes de travail, trouver les mots
justes, frapper aux bonnes portes et surtout honorer la relation de confiance qui a été
bâtie en amont avec le bénéficiaire. Dans l’entretien numéro quatre (annexe n° 5 p.
102, L. 124 à 128), on peut lire : « Notre récompense à nous en fait c’est quand ils
sont arrivés à l’emploi et voilà, ça fait très plaisir […]. Si toutefois [le bénéficiaire] est
en emploi avant la fin de la prestation ça nous fait vraiment plaisir parce que c’est ce
pour quoi on œuvre ». Un autre CIP (entretien n° 3, annexe n° 4 p. 98, L. 313 à 315)
explique de même que les remerciements d’un bénéficiaire ou des nouvelles positives
concernant sa réinsertion sont « un signe de reconnaissance » et « une satisfaction
personnelle » ; il va même jusqu’à dire que « [q]uelque part, c’est [s]on salaire ».
Ce sentiment d’efficacité personnelle engendrerait donc une prise
de confiance et l’envie de continuer à perfectionner ses propres pratiques. Le
professionnel serait ainsi amené, en autodidacte, à chercher de nouvelles
méthodes pour progresser, à se documenter, à faire des projets, à anticiper… en
d’autres termes, il s’inscrirait dans la pro-activité et construirait ainsi de
nouvelles compétences.
Notre lieu de recherche nous a permis de rencontrer certains CIP
s’inscrivant totalement dans cette dynamique. Nous avons par exemple remarqué en
« ORREA Meeting »45
, où il s’agit de faire preuve de dynamisme et de créativité, que
certains CIP n’hésitent pas à proposer leurs idées, à poser des questions, à anticiper sur
les actions/prestations des mois à venir… Ces mêmes CIP nous sont d’ailleurs apparus
comme les plus impliqués dans le cadre d’activités plus diversifiées : nous les
retrouvons aussi bien au niveau des prestations ANPE, que dans le cadre du Bilan de
Compétences, ou encore sur des prestations en entreprises et du pilotage d’actions
(alors que d’autres n’interviennent que sur les prestations/formations sur place).
En revanche, d’autres CIP affirment éprouver du plaisir à apprendre
quotidiennement, savent que leur travail est de qualité, mais subsiste malgré tout un
manque de confiance ou encore un certain effacement de leur part. Nous nous devons
45
« ORREA Meeting » est une réunion mensuelle entre tous les membres de la structure. Une fois
l’ordre du jour ainsi que les autres informations évoqués, l’équipe est divisée en ateliers au sein
desquels un thème de réflexion est proposé.
66
dès lors de nuancer les propos de Guy Le Boterf lorsqu’il dit qu’ « un individu ayant
un sentiment d’auto-efficacité positif aura une plus grande capacité à gérer son stress
et à prendre le risque de changer ses comportements ou ses représentations » ; la prise
de conscience de sa propre efficacité n’engendre pas systématiquement la confiance en
soi46
et peut faire barrage à une attitude pro-active.
Ainsi, nous interrogeons sur la façon dont les CIP qui se trouvent dans
ce cas de figure progressent et gagnent en compétences malgré ce manque de
confiance empêchant la pro-activité. Après réflexion, nous nous rendons compte que
le problème n’est pas à envisager de cette manière, mais qu’il nous faut nous pencher
à nouveau sur le concept de compétence en lui-même.
→ … mais un contexte de travail favorisant la construction des
compétences sur le terrain :
Nous avons vu que la compétence se vérifie à partir du moment où elle
est mise en œuvre et qu’elle ne peut exister que lorsqu’elle est reconnue en tant que
telle, à la fois par les pairs mais aussi par le professionnel lui-même (Claude
Lemoine). Dans le cadre d’ORREA, c’est à l’individu qui exprime sa motivation, ou
chez qui on la ressent que l’on donnera la possibilité de gagner en compétence.
Au cours d’un entretien avec la Direction, nous avons abordé le mode
de fonctionnement de la structure concernant les activités des CIP. On nous a affirmé
que l’équipe de Direction partait d’un principe : toujours donner la possibilité à
quelqu’un qui le souhaite de s’investir, toujours être à l’écoute des projets, des idées et
suggestions des uns et des autres. C’est donc à partir du moment où la motivation à
apprendre (et donc à gagner en compétences) se fait entendre qu’on donne à l’individu
les moyens de la mettre en oeuvre. Ainsi, plusieurs CIP nous ont dit à plusieurs
reprises (dans le cadre de discussions informelles) avoir la chance d’exercer au sein
d’une structure permettant d’évoluer à qui le souhaite et avoir le privilège de travailler
sur des activités diverses (entretien n° 5, annexe n° 6 p. 114, L. 444 / entretien n° 10,
annexe n° 11 p. 139, L. 28 à 45).
46
D’autres éléments tels que l’image que vous renvoie autrui de vous-même, votre histoire personnelle,
vos échecs antérieurs… sont autant de paramètres qui influent sur la confiance en soi.
67
La Direction nous a d’autre part expliqué que la structure recouvrant
des personnalités très différentes, il faut parfois forcer les choses auprès de ceux qui
n’osent pas toujours s’investir dans des missions nouvelles par peur de l’inconnu. On
nous a d’ailleurs cité le cas de l’un des CIP qui avait eu beaucoup de difficultés, après
son recrutement, à accepter de participer à certaines actions malgré des capacités et
une motivation certaines. C’est en étant intégrée quasiment d’office au sein des projets
en question que cette personne put y participer et que l’on (elle-même et la Direction)
vit qu’elle avait bien telle ou telle compétence.
Nous en déduisons ainsi que c’est aussi lorsque l’on permet à l’individu
de « s’essayer » à devenir compétent qu’il le devient et que la pro-activité se met en
place peu à peu. Le registre conatif, nous l’avons vu tient une place importante, mais il
ne prend en compte que l’individu de façon globale, alors que ce qui fait son unicité
(personnalité, histoire personnelle…) et le contexte de travail dans lequel il s’inscrit
ont toute leur importance également.
Ici, c’est parce que les membres de la Direction d’ORREA ont
conscience que le désir d’apprendre et la motivation peuvent être freinés par des
aspects que le CIP, en tant qu’individu avant tout, ne maîtrise pas toujours. Ainsi, ils
considèrent que leur rôle est parfois aussi de donner les moyens à l’individu de
construire ses compétences, y compris en lui « forçant la main » dans un premier
temps.
3) Le registre conatif des CIP influe sur la construction
des compétences sur le terrain.
Mais
4) La compétence des CIP se construit également parce que
la structure dans laquelle il exerce le lui permet.
Au vu de nos quatre constats, nous validons
notre hypothèse de départ ; le CIP construit ses
compétences sur le terrain/par l’expérience.
68
4 - Analyse critique :
4.1 - L’enquête :
Notre recherche nous a amenés à confirmer que le CIP construit ses
compétences par l’expérience. Néanmoins, il semble qu’un autre élément soit à
prendre en compte dans l’exercice de ce métier, n’ayant lui non plus rien à voir avec
une qualification : la personnalité.
Chaque CIP interrogé affirme effectivement que ce métier fait avant tout appel
à certains aspects bien spécifiques de la personnalité : « être humble », « aimer les
gens », « avoir le goût de l’humain », « avoir envie d’aider », « faire preuve de
patience », « faire preuve de curiosité envers autrui », « être sincère avec autrui »,
« être attentif à l’autre », « avoir un bon sens relationnel », « être tolérant »… Autant
d’éléments relevés dans les entretiens qui s’apparentent finalement à des qualités
sociales - ou en tous cas à des traits de personnalité - que l’on possède généralement
avant même d’intégrer un secteur d’activité et qui font d’ailleurs qu’on le choisit plus
qu’un autre. Comme le dit le CIP de l’entretien numéro quatre (annexe n° 5 p. 102, L.
175), « il faut aimer les gens tout simplement. Pour faire ce travail-là, si vous n’aimez
pas les gens… enfin, ça ne s’invente pas ». De la même manière, on explique dans le
premier entretien (annexe n° 2 p. 83, L. 132) que les compétences du CIP relèvent
d’un croisement entre la personnalité et l’expérience/la réalité du métier, l’un d’entre
eux va même jusqu’à parler d’une « capacité d’intuition » (entretien n° 8, annexe n° 9
p. 128, L. 173). Ces propos laissent entendre que le CIP est compétent dans l’exercice
de ses fonctions aussi parce que certains éléments de sa personnalité y sont propices,
en d’autres termes, certaines qualités aident le CIP à effectuer un accompagnement
digne de ce nom. C’est pourquoi le référentiel de compétences que nous avons créé
pour ORREA est constitué de savoir-être et d’indications en dernière page mettant en
évidence plusieurs points de personnalité qui seront essentiels (les savoir-être) ou
encore appréciés (en dernière page) chez le CIP.
Ainsi, lorsque nous nous interrogions sur ce qui, en dehors d’une formation,
permet au CIP de devenir compétent, nous avons validé notre hypothèse de départ,
puisque le terrain joue bien un rôle fondamental dans la construction des compétences
du CIP. En revanche, l’analyse des entretiens nous montre que nous aurions peut-être
69
dû aller plus loin dans la formulation de notre hypothèse et évoquer en effet le rôle que
peut jouer la personnalité.
Toutefois, la vérification d’une telle hypothèse aurait certainement requis une
évaluation de la personnalité des CIP (complétée par les entretiens), que nous ne
sommes pas en mesure de faire de façon scientifique (puisque non habilités à exploiter
des tests du type « GUILFORD et ZIMMERMAN47
» par exemple) et donc
parfaitement objective. De plus, cette enquête faisant aussi l’objet d’une mission à
réaliser et plus globalement d’une découverte du métier en un temps assez réduit, nous
n’aurions pas eu la possibilité matérielle de répondre à une double hypothèse
impliquant l’utilisation d’autres outils et par là même des temps d’analyses
supplémentaires.
Nous envisagions d’exploiter la théorie des « six voies de
professionnalisation »48
élaborée par Richard Wittorski afin de comprendre par quel
mécanisme le CIP construit ses compétences sur le terrain. Cependant, celle-ci
impliquait la sélection d’autres cas pour illustrer cette théorie, ce que nous n’étions pas
en mesure de fournir au regard de la réalité de notre terrain.
Nous n’avons pu déceler suffisamment de situations d’apprentissage
permettant d’exploiter cette théorie, d’autant que nous étions présents sur les lieux à
une période où les CIP connaissaient très bien leurs prestations et actions de formation
(la structure était en effet en attente d’obtention d’appels d’offre après trois années de
fonctionnement identiques en termes de prestations ANPE) et étaient donc moins en
situation de découverte en tant que telle. A ce sujet, nous faisons remarquer au lecteur
que le cas que nous avons utilisé pour illustrer la théorie de la réflexivité était à nos
yeux le plus parlant en terme d’apprentissage, il concerne d’ailleurs le dernier CIP
recruté.
Après réflexion, nous constatons également qu’il aurait été difficile de mettre
en parallèle éléments cognitifs et éléments relevant de l’affectif/de l’émotionnel
(puisque nous supposions qu’ils étaient interdépendants) avec l’« apprenance » et les
« six voies de professionnalisation ». En effet, la théorie proposée par Richard
47
Le « GUILFORD et ZIMMERMAN » est un inventaire de tempérament. 48
www.congresintaref.org/actes_pdf/AREF2007_Richard_WITTORSKI_099.pdf
(2005), Formation, travail et professionnalisation, Paris, Ed L’Harmattan, 206 p.
70
Wittorski est surtout centrée sur le processus cognitif, alors que Guy Le Boterf, à
partir de la théorie de la « réflexivité », évoque un lien possible entre sentiment
d’efficacité personnelle/plaisir et désir d’apprendre et construction des compétences.
Avec le recul, nous estimons qu’il aurait été judicieux d’amener les CIP à se
prononcer davantage sur ces questions, à s’exprimer plus longuement sur l’articulation
émotionnel/cognitif. Ceci aurait en revanche présenté plusieurs difficultés :
- la réticence/l’embarras à parler de soi
- la difficulté de bien se connaître pour pouvoir parler de soi
- la peur du jugement d’autrui engendrant un manque de sincérité
- la nécessité d’allonger la durée de l’entretien (qui est déjà d’environ 45 min à 1h)
ou d’en faire passer un autre exclusivement destiné à l’aspect
émotionnel/cognitif49
.
Ce temps d’analyse est pour nous l’occasion de revenir sur un point en
particulier : les tests (reconnus professionnellement). Les CIP issus d’une formation en
psychologie nous ont expliqué que leurs résultats (ceux des tests) peuvent être obtenus
en entretien, que le fait de pouvoir les utiliser permet surtout un gain de temps.
A cela nous ajouterions qu’ils sont surtout l’assurance de la scientificité du
« diagnostic » élaboré et donc d’une certaine objectivité. Le métier de CIP s’exerçant
essentiellement à partir de la relation au bénéficiaire, il est effectivement très
important que le professionnel se mette à l’abri de tout jugement subjectif et donc
potentiellement erroné pour que l’accompagnement soit efficace. Ne l’oublions pas,
l’histoire nous rappelle que l’on souhaitait avant tout faire reposer
l’orientation/insertion sur des bases fiables et objectives ; les tests ont surtout été
utilisés dans l’objectif de garantir la scientificité de l’évaluation des individus.
Ainsi, malgré les résultats de notre enquête qui montrent que la formation en
psychologie n’est pas fondamentale pour exercer en tant que CIP, nous préconiserions
malgré tout la présence de psychologues au sein d’une équipe, ne serait-ce que pour
garantir cette scientificité à l’accompagnement.
49
Nous rappelons au lecteur que chaque entretien servait à la fois pour la réalisation de cette enquête et
pour l’élaboration du mémoire. Faire passer deux entretiens à chaque CIP aurait été extrêmement
difficile à organiser en terme de planning.
71
Nous nous permettons aussi d’expliquer au lecteur que les résultats de notre
recherche sont à resituer dans un contexte précis ; celui d’ORREA. Un contexte
correspondant à une période, des acteurs, une zone géographique, une activité
précises, des profils de bénéficiaires… En d’autres termes une même enquête réalisée
au sein d’une autre structure aurait sans doute présenté des variantes en termes de
résultats. Il est évident que les nôtres sont imprégnés de la culture d’ORREA
(l’échange de bonnes pratiques au sein d’une équipe hétérogène) ; culture que nous
aurions d’ailleurs aimé étudier davantage si le temps et la réalité du terrain nous
l’avaient permis, d’autant que la théorie des « six voies de la professionnalisation » en
fait part.
Il aurait peut-être été intéressant, dans un délai plus long, de pouvoir comparer
le cas des CIP d’ORREA à celui de CIP d’une autre structure. La comparaison de
deux structures de cultures différentes nous aurait permis de vérifier si les mécanismes
de construction des compétences sont les mêmes. Nous imaginons que, dans le cadre
d’une équipe à profil de CIP unique, les outils et les pratiques sont sans doute moins
variés et que l’apprentissage se fait à partir de l’observation/imitation.
Nos résultats sont fidèles à une réalité précise et ne sont donc pas
généralisables à toutes les structures d’aide à l’insertion et plus particulièrement à tous
les CIP. Néanmoins, nous avons pu retirer de cette enquête un certain nombre
d’invariants que nous exploiterons à la fois professionnellement et personnellement.
72
4.2 - Les apports de l’enquête :
4.2.1 - En termes professionnels :
Sur un plan purement professionnel, cette enquête nous a amenés à
envisager une autre façon de travailler avec les bénéficiaires d’une part et entre pairs
d’autre part.
Les commanditaires des prestations (notamment l’ANPE), souhaitent
que le bénéficiaire soit accompagné par un seul CIP. Pourtant, notre enquête nous a
montré combien l’accompagnement nécessite objectivité, scientificité, prise en compte
de l’individu et de son environnement, recul… ce qui, on ne peut le nier peut parfois
être relativement « lourd » à gérer par un seul CIP. Ainsi, pourquoi ne pas baser
l’accompagnement sur un binôme « psychologue/non-psychologue » ? Un « regard
croisé » assurerait deux modes de prise en compte de l’individu et donc un
accompagnement peut-être plus complet et efficace, tout en permettant un certain gain
de temps pour déterminer le profil du bénéficiaire.
D’autre part, nous avons mentionné à plusieurs reprises que la direction
de la structure au sein de laquelle nous avons effectué nos recherches attache une
grande importance à l’échange de bonnes pratiques. Les CIP ont affirmé en entretien
dialoguer très fréquemment sur leur façon de travailler et de traiter un cas ; pourquoi
alors ne pas instaurer de façon officielle et régulière des temps d’analyse de pratiques
et des moments d’échange sur les bénéficiaires (en respectant leur anonymat s’il le
faut) ? Ce mode de fonctionnement permettrait à l’équipe d’être réunie plus
fréquemment (de façon hebdomadaire par exemple), à tous les membres de la structure
d’apprendre à partir des pratiques des uns et des autres, de prendre le temps de
discuter en équipe complète à propos des cas rencontrés (et non en fin de journée en
achevant de remplir ses dossiers, au détour d’un couloir ou devant la photocopieuse) et
ainsi instaurer un processus de professionnalisation..
En revanche, cela impliquerait la mobilisation de tous les CIP sur un
même créneau et un même lieu (puisque ORREA fonctionne sur deux sites) et
obligerait la structure à fermer ses portes aux bénéficiaires sur ces temps de travail en
groupe. Les réunions « ORREA Meeting » s’apparentent à cette façon de travailler
73
mais elles n’ont cependant lieu qu’une fois par mois (ce qui serait peu dans le cadre
d’échanges sur l’accompagnement et les cas rencontrés) et malgré cela, tous les CIP
ne sont pas systématiquement présents (parce que en intervention extérieure le plus
souvent) et il n’y est pas uniquement question de l’accompagnement (on y traite tout
ce qui relève du fonctionnement de la structure).
Nous le savons bien, organiser des moments de travaux/de réflexion en
équipe complète n’est pas aisé, le faire de façon régulière encore moins, nous pensons
néanmoins que ce serait ici profitable à tous ; tant aux professionnels qu’aux
bénéficiaires.
4.2.2 - En termes personnels 50
:
Cette enquête me permet aujourd’hui de comprendre pourquoi le métier de CIP
- et les métiers de la Formation de manière générale - n’apparaît pas de façon claire
pour une bonne partie des gens. C’est en effet dans le cadre d’une réalité mouvante, en
perpétuel changement que le CIP s’inscrit et c’est pourquoi les contours de ce métier
sont peu palpables ;
diversité des prestations, des actions, des publics, des outils, des missions,
des contextes géographiques, des bassins d’emploi, des politiques
d’insertion…
En d’autres termes, il s’agit d’un métier dont les contours ne sont absolument
pas figés - d’où une plus grande adaptabilité - et c’est à mon sens ce qui en fait la
richesse, l’intérêt mais c’est aussi ce qui en fait toute la complexité.
La création du référentiel de compétences du CIP fut une première étape vers
la compréhension de cette complexité. C’est en effet une mission au cours de laquelle
j’ai éprouvé de la difficulté à formaliser la réalité du métier. M’imprégner d’un tel
contexte de travail, l’analyser pour en extraire des missions, activités, profils…
auxquels mettre en parallèle des compétences fut relativement compliqué. Rien en
effet n’apparaissait de façon catégorique/déterminée : il n’existait pas un cursus-type -
et donc un profil-type - à traiter et c’est donc là que j’ai pris conscience que le terrain
50
Cette ultime sous-partie présentant un jugement tout à fait subjectif et donc non-scientifique, nous
nous permettons ici d’intervenir à la première personne du singulier.
74
avait sans doute un rôle important, venant ainsi légitimer mon hypothèse de base selon
laquelle les compétences de chacun s’étaient essentiellement construites avec le temps
et donc l’expérience.
Lorsque j’ai commencé à travailler sur cette enquête, il s’agissait pour moi de
répondre à une « inquiétude » par rapport à ma capacité à exercer ou non le métier de
CIP, notamment au regard de ma formation qui ne m’a pas spécialisée en psychologie.
J’étais également envahie par l’enthousiasme d’arriver enfin sur le terrain. En d’autres
termes, c’est de façon passionnée (au sens noble du terme) que j’ai commencé à
m’inscrire dans mes travaux de recherche.
La nécessité d’adopter une posture objective/scientifique afin d’élaborer un
référentiel de compétences ainsi qu’une enquête de qualité m’ont permis d’aborder la
question avec plus de « maturité ». C’est en réfléchissant à la notion de compétences
dans un contexte bien précis que j’ai pris conscience que chaque profil a sa place dans
l’aide à l’insertion professionnelle. Il n’est plus question à mon sens d’envisager le
métier de CIP selon deux « camps » (celui des psychologues et celui des autres),
chacun doit plutôt s’interroger sur qu’il peut apporter aux bénéficiaires.
Plus globalement, cette enquête est aussi l’aboutissement d’un long
parcours grâce auquel j’estime m’être enrichie à plusieurs niveaux et avant tout en
objectivité/scientificité. De même, le travail de recherche et d’écriture est
extrêmement formateur : j’en ressors avant tout une certaine culture, de la rigueur, une
méthodologie de travail et surtout l’envie de continuer à apprendre.
75
C o n c l u s i o n
Notre enquête provient du souhait de savoir quelle formation est la plus
adaptée au métier de CIP (au regard de la polémique « psychologie ou autre formation
pour devenir CIP ? »).
C’est en étudiant leur profil que nous avons finalement été confrontés à des
opinions diverses et variées sur le sujet, les unes étant aussi justifiées que les autres.
Des recherches effectuées sur le métier, ses origines, ses caractéristiques nous ont
certes permis d’élaborer un référentiel de compétences du CIP mais ne nous ont pas
donné de réponse précise et généralisable à tous les CIP, ce qui a remis en question
l’identité professionnelle du CIP.
De ce constat nous avons déduit que la compétence du CIP était sans doute liée
à autre chose que la qualification, ainsi est née notre hypothèse selon laquelle il
existerait une construction des compétences par l’expérience.
L’analyse du concept de « compétence » nous a permis de constater que l’idée
de compétence est intrinsèquement liée à l’expérience/au terrain, puisque reconnue par
la mise en situation et entièrement dépendante du contexte dans laquelle on la met en
œuvre. Parler d’un individu compétent revient donc à parler de quelqu’un qui l’est
devenu par l’expérience et non pas seulement par la qualification.
Néanmoins, il nous a fallu explorer les éventuels mécanismes intervenant au
cours de cette construction des compétences par l’expérience ; c’est la théorie de
l’ « apprenance » et celle de la « réflexivité » qui ont retenu notre attention.
La première met en évidence l’intervention des trois instances psychiques de
l’individu dans la construction des compétences sur le terrain (appelées « le cognitif »
/ « le conatif » / « l’affectif »), la seconde évoque un processus cognitif lui-même en
interaction avec tout ce qui relève de l’émotionnel (et donc du « conatif » et de l’
« affectif ») et ce toujours à partir de la mise en situation.
76
C’est donc à partir de l’analyse de nos entretiens et de nos observations -
complétée par le référentiel de compétences du CIP élaboré dans le cadre de notre
mission - que nous avons tenté de vérifier sur le terrain le cheminement qui nous a
conduit à notre hypothèse dans un premier temps.
Nous avons fait le constat d’une équipe composée de CIP aux parcours divers
et variés, de professionnels qui évoquent leur métier en des termes différents et qui ne
lui attribuent pas une formation spécifique en règle générale.
Quant à leur identité professionnelle, nous avons dû nuancer nos propos. Nous
avons en effet constaté qu’ils travaillent selon une mission/un objectif commun, mais
qu’il existe aussi une certaine diversité des pratiques/des opinions tout à fait reconnue
voire revendiquée par les uns et les autres. L’identité professionnelle étant
essentiellement basée sur cette reconnaissance entre pairs, nous avons dû admettre, au
regard de ce que nous a apporté notre terrain et aussi paradoxal que cela puisse
paraître, que les CIP de cette structure possèdent bien une identité professionnelle
malgré la diversité dans laquelle ils sont ancrés.
En revanche, ce constat ne nous a pas permis d’avancer sur la question de la
qualification et il constitue à son tour un autre paradoxe ; nous pensions qu’un métier
ayant une identité professionnelle nous apporterait l’existence d’une qualification-
type. Il n’en est rien puisque nous avons à faire à une identité professionnelle basée
sur la reconnaissance de la diversité. Néanmoins, nous pouvions toujours envisager
l’existence d’une construction des compétences sur le terrain et ainsi vérifier
l’existence de nos deux mécanismes.
Nous avons dans un premier temps cherché à savoir à quoi les CIP ramènent
leur compétence ; ils ont affirmé en majorité l’avoir acquise par l’expérience.
Nous souhaitions également procéder à une vérification plus objective de leurs
dires, c’est pourquoi nous avons cherché à examiner la théorie de la « réflexivité » au
travers de l’étude d’un cas concret. Celle-ci nous a conduits à confirmer l’existence
d’une activité méta-cognitive dans la confrontation à un problème nouveau, amenant
l’individu à conceptualiser la situation pour en faire ce que nous appellerons un
« modèle opératoire » à appliquer lorsqu’une situation similaire se présentera une
nouvelle fois. Nous avons ainsi confirmé, par la vérification d’un tel mécanisme,
l’existence d’une construction des compétences par l’expérience chez le CIP. Nous
77
avons en revanche précisé l’influence des éléments théoriques et expérientiels
préexistant à l’expérience vécue dans le cadre de la résolution d’un problème.
Enfin, c’est en croisant la théorie de l’ « apprenance » avec celle de la
« reflexivité » que nous avons pu noter que l’émotionnel intervient dans les
apprentissages mais qu’il n’est pas mobilisé par tous de la même manière. Le plaisir à
apprendre (l’ « affectif ») et la motivation (« le conatif ») sont parfois parasités par
d’autres éléments de la personnalité empêchant l’individu d’adopter une attitude
générant l’apprentissage. Cependant, nous avons remarqué qu’un contexte
autorisant/invitant justement la compétence à se construire peut pallier cette difficulté.
Ainsi, nous avons une nouvelle fois pu confirmer que la compétence se construit par
l’expérience. Notre hypothèse de départ est donc vérifiée.
79
ANNEXE N° 1
Guide d’entretien
(exploité dans le cadre de l’enquête et de la construction du
référentiel de compétences pour le métier de CIP)
Les entretiens auront une double utilité ; pour le mémoire ainsi que pour
l’élaboration du référentiel de compétences.
Il s’agira d’entretiens semi-directifs à partir desquels nous amènerons chacun des
Conseillers à s’exprimer sur ces différents aspects sans leur imposer un ordre
particulier ou des questions fermées et ce en vue d’un échange spontané et libre.
Les CIP seront donc amenés à s’exprimer sur :
- leur cursus universitaire, professionnel.
- ce qui les a amenés à exercer en tant que tel/leur parcours.
- les missions qui leur sont confiées/dans quel(s) but(s).
- ce qui, dans leur quotidien professionnel, leur permet de réussir, d’évoluer et
d’apprendre.
- ce qu’ils considèrent avoir comme atouts/spécialités par rapport à leur cursus.
- ce qui leur manque ou a pu leur manquer dont ils n’auraient pas bénéficié en
formation.
- ce qu’ils ont appris sur le terrain.
- les savoirs - ou aspects théoriques - mobilisés dans le cadre de leurs missions.
- les outils pédagogiques mobilisés dans le cadre de leurs missions.
- les actes, aussi dérisoires soient-ils, nécessaires à la réalisation du travail
quotidien.
- les qualités qu’ils pensent avoir pour exercer en tant que tel.
- le travail avec les collaborateurs.
- les problèmes les plus souvent rencontrés dans leurs missions et tâches
quotidiennes.
80
Il s’agit de dégager les aspects essentiels au travail :
- les aptitudes et capacités professionnelles requises (savoirs, savoir-faire,
exigences sur les capacités d’organisation…).
- l’implication dans le travail (régularité dans l’effort, conscience
professionnelle…).
- la prise en compte de la dimension collective dans le travail (communication,
expression écrite/orale, relationnel…).
- l’affrontement des situations-problèmes et des changements (adaptabilité,
réactivité, initiative, flexibilité…).
81
ANNEXE N° 2
Entretien N° 1 5
- Est-ce que tu peux me parler de ton cursus universitaire et professionnel ?
- Alors moi j’ai commencé par euh… un Bac Littéraire en Anglais donc ensuite j’ai un Deug
d’ « Anglais » que j’ai validé et une Licence que je n’ai pas validée. 10 Donc moi comme projet initial c’était d’être Enseignante. En fait j’ai toujours voulu être prof et je ne
pouvais plus y accéder puisqu’en fait n’ayant pas la Licence, je ne pouvais pas aller jusqu’au CAPES
donc du coup je me suis orientée vers la Formation Professionnelle dans des Organismes de
Formation et donc jusque là en fait j’ai toujours été Formatrice en Anglais/Français auprès de public
euh… « Remise à Niveau », BEP, Bac Pro, BTS euh… tout ce qui est « Vente », « Commerce », 15 « Logistique/Transport ». Et un peu de Formation Continue mais très très peu à l’ESC du Havre,
voilà.
- Donc « jusque là » ça veut dire…
20 - Donc là, jusqu’à l’année dernière, puisque j’ai changé de cap en fait en 2006 pour faire un CIF, un
Congés Individuel de Formation, pour pouvoir me former à un autre métier. Le problème que je
rencontrais en fait c’est que le… avec la formation, bien qu’étant en CDI, j’étais à temps partiel, donc
jamais avec le même nombre d’heures, jamais avec le même planning, jamais la même rémunération.
Moi j’ai eu envie d’avoir une activité plus stable au niveau horaire, plus régulière au niveau horaire et 25 plus stable au niveau financier. Mais je voulais rester dans quelque chose qui soit encore rapproché à
la Formation.
Donc j’ai fait des « Enquêtes-Métiers » et sur les « Enquêtes-Métiers » je me suis orientée vers deux
métiers en lien avec la formation qu’étaient Responsable Formation enfin Responsable Pédagogique et
puis euh… Conseillère en Insertion Professionnelle et mon choix s’est porté vers Conseillère en 30 Insertion Professionnelle.
Donc après ça j’ai fait une demande de formation au niveau de la fac du Havre qui faisait un DU
« Métiers de la Formation » sur lequel j’ai été prise et donc cette formation-là a duré six mois ; quatre
mois en centre, deux mois en entreprise et j’ai fait mon stage chez ORREA, donc il y a un an… oui ça
fait un an. 35
- Et donc embauche ensuite…
- Et donc à l’issue de mon stage chez ORREA, puisqu’il y avait une collègue qui partait à la rentrée,
au mois de septembre on m’a proposée de prendre le poste à temps complet de cette personne-là. C’est 40 la personne qui est partie qui m’a formée en fait à son métier, avec en plus ce que j’avais acquis sur
les deux mois de stage.
- Pourquoi ce type de métier, la Formation… ?
45 - Bah… « Formation » parce que déjà le désir initial c’était l’enseignement et puis parce que dans le
cadre de mon poste de Formatrice j’ai eu à faire à beaucoup de publics en difficulté ; à des publics
adultes sur des actions que l’on faisait à l’époque ; les « Pôles d’Orientation Professionnelle » et les
publics « Jeunes » sur de la « Mobilisation sur Projet », donc les publics en difficulté d’insertion je les
ai beaucoup beaucoup cotoyés, bien qu’étant sur des domaines généraux Anglais/Français. 50 Et donc j’ai voulu continuer sur un métier où on venait en aide aux gens et peut-être autrement qu’en
leur enseignant des matières générales. Je voulais rester dans le domaine de la Formation et sur un
métier où il y a bien une assistance aux publics en difficulté.
- Et au niveau de la personnalité qu’est-ce qui fait que tu te sentais apte à… ? 55
- Pourquoi, parce que je suis quelqu’un qui est très patiente de caractère, euh… j’aime bien être à
l’écoute des problèmes des gens, pouvoir leur venir en aide quand il y a un souci, pouvoir être à
l’écoute donc comme ce sont des compétences particulièrement à avoir sur ce type de public, j’ai
croisé mes qualités personnelles avec celles qui sont exigées par le métier. 60
82
- Alors justement pour parler du métier, quelles sont tes missions donc à la fois en tant que
Formatrice puisque tu fais de la Formation et en tant que Conseillère ? Quelles sont tes missions
et les activités qui y sont justement liées ?
65 - Alors en tant que Formatrice, je vais commencer par là parce que c’est mon ancien métier, on
intervient sur des actions qui sont sur les publics de « Travailleurs Handicapés », qui sont là pour
construire un projet professionnel, suite à …, ils sont obligés de se réinsérer… mais de se reconvertir
en fait, suite à leur maladie. Donc là avec eux on fait un bilan de là où ils en sont et de leurs
motivations, leurs expériences et les compétences qu’ils ont acquises et puis après ça on leur fait 70 passer un test de… on les met sur un logiciel qui s’appelle « PASS’AVENIR » et à l’issue de
« PASS’AVENIR » ils ont la possibilité, d’après un certain nombre de questions qui leur sont posées,
de consulter une liste de métiers, de métiers proposés par le logiciel et qui correspondent à leur profil,
métiers d’après les réponses qu’ils ont données qui sont susceptibles de leur euh… de les intéresser.
L’objectif c’est de déterminer deux métiers ; un projet prioritaire, un projet secondaire mais une fois 75 qu’ils en ont déterminé ne serait-ce qu’un et bien là, on travaille avec eux toute la démarche et on
détermine un plan d’action.
Donc là, on consulte les « Fiches-Métiers » pour savoir quelles sont les compétences du métier, les
conditions d’exercice, quels sont les pré-requis - le niveau de formation etc… - . Après ce que l’on fait
dans les grandes lignes ; le CV, mais c’est un CV pas comme un CV sur quelqu’un qui cherche un 80 emploi, c’est un « CV projet » ; « j’ai le projet de faire telle chose, voilà les compétences qu’il faut
que je développe ». Euh… on travaille le CV, on travaille tout ce qui est lié aux « Techniques de
Recherche d’Emploi » ; la lettre de motivation et puis on les accompagne dans leurs démarches de
recherche d’emploi en fait.
Ils ont sur cette formation qui dure quatre mois ce que l’on appelle des « Bancs d’Essai » qui sont des 85 journées d’observation. Alors ils ont droit à cinq jours en tout sur la formation, mais par une ou deux
journées à la fois et alors ils font déjà des « Enquêtes-Métiers » auprès des professionnels. Ils vont les
interroger sur leur métier, voir en quoi ça consiste et si l’« Enquête-Métier » les a intéressés, ils font
leur « Banc d’Essai » dans ce domaine-là. C’est une journée d’observation où l’on peut leur demander
une ou deux tâches, c’est surtout de l’observation de poste en fait. 90 A l’issue de ça, s’ils confirment leur projet, là ils font un stage… enfin, ils ont en tout trois stages sur
la formation ; un d’une semaine, deux de deux semaines. Donc voilà la partie formation c’est ça.
- D’accord, donc toi dans tout ça, ton rôle de Formatrice… tu fais quoi ? Quels sont les outils
que tu utilises ? Ta posture vis-à vis d’eux, comment toi tu… 95
- Alors pour les outils que l’on utilise il y a le « PASS’AVENIR », il y a toute la documentation
« CIDJ », les guides « ROME », toutes les « Fiches-Métiers » euh… Internet, le site de l’ANPE pour
consulter les offres, voir ce qui ressort régulièrement, aussi les exigences du poste euh… donc voilà
un peu tous les outils. 100 On leur apprend toute la méthodologie ; comment se comporter lors d’un entretien d’embauche, on
leur donne un peu comment se comporter puis après on fait des simulations. Comment utiliser le
téléphone parce que souvent on s’aperçoit que quand ils ont des contacts téléphoniques, ils ne s’y
prennent pas bien, du coup soit on leur raccroche au nez, soit la réponse c’est « non ». Donc :
« Comment je m’y prends pour ma lettre de motivation ? », « Qu’est-ce qu’on met en avant 105 dedans ? ». Donc tout ça, tout ce qui est lié aux « Techniques de Recherche d’Emploi ».
- Mais quelles qualités ça exige de ta part, à la fois personnelles, mais aussi en terme de
compétences et par rapport à ce que tu as pu récupérer de ta formation éventuellement ?
110 - Bah là en fait, sur ce type de formation, ce n’est pas vraiment de l’enseignement à proprement
parler ; c’est vraiment de l’animation en fait. Il faut arriver à faire en sorte que… à créer déjà un
climat de confiance et puis à créer une dynamique au sein du groupe. Parce que le groupe qu’est-ce
c’est ? Ce sont des personnalités hétérogènes avec des profils très différents, il peut y avoir des
conflits, il peut y avoir des clashes et il faut savoir gérer les conflits et ça, c’est la partie je dirais la 115 plus difficile.
Il faut savoir gérer les personnalités différentes, il faut savoir gérer des exigences ou des demandes au
même moment. Donc on peut avoir plein de personnes qui ont besoin de nous à un moment donné et il
faut répondre à chacune sans qu’il y en ait qui restent comme on dit « sur le carreau », dont on ne
s’occupe pas. Donc ça nécessite quand même de gérer son stress, ça génère du stress, ce n’est pas 120 toujours facile non plus.
Avoir la patience, avoir le sens de l’écoute aussi parce que des fois ils font part de difficultés qui n’ont
rien à voir avec la formation ; des difficultés personnelles, avoir besoin aussi d’expliquer à un moment
83
donné que pour telle et telle raisons ils sont comme ça en cours, euh… pourquoi ils ont été absents à
tel moment, il peut y avoir plein de dysfonctionnements et tu es là pour les écouter, les conseiller dans 125 la mesure du possible si ça reste dans nos compétences ou de les renvoyer vers la personne qui sera en
mesure de les conseiller. C’est : « Voilà, je me trouve face à telle situation euh… voilà je renvoie vers
telle personne où là je peux prendre en main et je fais telle ou telle chose ».
- Mais ça, comment tu as réussi à acquérir ces compétences-là ; est-ce que ça vient de ta 130 formation, est-ce que ça vient d’autre chose ?
- Au début c’est sa personnalité qu’on croise avec bah… l’expérience qu’on acquiert au fur et à
mesure. Parce que sur les publics « Jeunes » que j’ai eus, c’étaient des jeunes qu’étaient en très très
grande difficulté et donc des conflits il y en a eu alors au début, ce sont des choses qu’on ne sait pas 135 gérer soi-même et puis au fur et à mesure qu’on retrouve des situations qui se renouvellent bah là on
arrive à savoir un peu plus comment faire. Plus on a l’expérience, plus on se sent à l’aise là-dedans,
même s’il y a des situations qui sont parfois très compliquées. Mais je n’ai pas eu de formation en
« gestion de conflits », une formation « prise de parole en public » après c’est sa personnalité qu’on
croise avec la réalité de notre métier. 140
- Et la dimension « Conseil-Insertion » alors ?
- Euh là dès que la personne arrive on fait le point avec elle sur son parcours ; en terme de formation,
en terme professionnel et en terme de vie privée. De ce que nous explique la personne il faut qu’on en 145 tire une analyse, il faut qu’on arrive à identifier quels sont les freins ; est-ce que son frein c’est le
manque de qualification ? Est-ce que son frein c’est le manque d’expérience dans ce domaine-là ?
L’absence de permis de conduire ? Est-ce que c’est un problème de santé ? Après ça il faut arriver à
faire entre guillemets une prescription. La personne a tel ou tel problème alors il va falloir qu’on fasse
telle ou telle action. Il faut arriver à déterminer un plan d’action d’après l’analyse qu’on tire. 150 Diagnostiquer la situation pour prévoir les actions adaptées justement.
- Donc là encore une fois au niveau des outils utilisés…
- Bah ça dépend des prestations, moi j’interviens sur deux prestations. L’« Objectif Emploi », là le but 155 est d’accompagner le bénéficiaire dans sa démarche de recherche d’emploi ; on va travailler beaucoup
les « TRE ». Le CV, création de l’ « Espace Emploi » sur l’ANPE pour qu’ils soient tout le temps en
relation avec les employeurs et les Conseillers ANPE et puis ils ont des ateliers collectifs où on voit la
méthodologie de la lettre de motivation - en réponse à annonce et en candidature spontanée - et on
voit euh… la préparation à l’entretien d’embauche. Donc euh… là bah le guide « ROME » et puis 160 toute la documentation qu’on peut avoir en interne sur les secteurs d’activité et les métiers.
- Et là pareil… en termes de qualités, de compétences acquises…
- Beaucoup beaucoup de patience, parce qu’il y a des gens… beaucoup de patience et beaucoup 165 d’écoute parce qu’il y a des gens qui ont des difficultés qui sont telles que pour arriver à les faire se
réinsérer bah… il y a un gros parcours et puis faut être capable de les entendre, de les soutenir et en
même temps de les dynamiser. Beaucoup de patience dans le côté « dynamisation » parce qu’il y a des
personnes qui ont perdu confiance suite à un échec et puis il y a des gens qui ne sont pas du tout
motivés. 170 Ils sont envoyés de force entre guillemets par l’ANPE qui les positionne là-dessus mais eux ils n’en
n’ont pas envie, ils n’ont pas envie de chercher. On est amené à faire en sorte qu’ils s’insèrent et
quelques fois ils sont de très mauvaise volonté et ils ne veulent pas.
- Comment justement tu parviens à faire tout ça, on t’a expliqué les méthodes… ? 175
- C’est la personnalité, c’est sur le terrain et dans le courant de ma formation, lors de la période
d’observation du début de mon stage, j’ai vu les collègues travailler puisque j’allais en entretiens avec
elles. Donc j’écoutais un peu comment elles s’y prenaient et comment elles cheminaient dans
l’entretien. Après on prend soi-même ses marques en fonction des personnalités qu’on croise parce 180 qu’on n’a jamais la même.
On a des personnalités qui se ressemblent mais c’est chaque fois une histoire différente. Donc après ça
s’acquiert au fur et à mesure, il n’y a pas de formule toute faite avec : « Il faut procéder comme ça
face à telle situation ». Une situation par exemple avec laquelle moi j’ai du mal c’est des gens qui
84
présenteraient un problème d’alcool ou un problème d’hygiène ; comment leur dire ? Non ça c’est 185 quelque chose que j’ai encore beaucoup de mal à verbaliser.
Alors ça pour avoir interrogé mes collègues, il n’ y en a pas deux qui procèdent de la même façon.
Chacun a ses propres mots, chacun a sa propre attitude. Donc pour le coup, je n’hésite pas à
questionner les collègues. Quand j’ai une problématique à laquelle je n’ai jamais été confrontée je leur
demande leur avis parce que là moi j’apprends encore. 190
- Mais alors justement, qu’est-ce qui te permet d’évoluer, de t’enrichir au quotidien, d’en
apprendre chaque jour un peu plus ?
- Peut-être les résultats que l’on a obtenus parce qu’il y a des gens pour lesquels on n’aboutit pas et 195 puis il y a des gens qui vont te rappeler et te dire : « Et bien ça y’est j’ai trouvé un emploi/une
formation ». Alors là c’est se dire que les outils exploités ont marché et sont donc réutilisables. En fait
on progresse parce qu’il y a des choses qui n’ont pas marché et donc cela permet de réajuster ce que
l’on a pu faire en se disant : « Bon, là ce n’est peut-être pas comme cela qu’il faut que je fasse » ou à
tel stade de la formation : « Tiens je n’ai pas pensé à faire cela au bon moment il aurait peut-être fallu 200 que je le fasse plus tôt ».
Par exemple emmener les gens sur des candidatures spontanées ; très souvent les gens viennent une
fois qu’on a fait tout ce qui est CV, lettre de motivation, préparation à l’entretien, le gros du travail est
de regarder les offres ensemble parce que très souvent les gens n’ont pas d’ordinateur à la maison ou
pas de connexion à Internet. Le seul moyen où ils peuvent pour leur éviter d’aller à l’agence tous les 205 jours, c’est quand ils viennent en rendez-vous, de regarder ensemble.
Des fois on s’aperçoit qu’il n’y a pas d’offres, parce que l’on est sur une période où il y a peut-être
une baisse d’activité dans ce secteur-là ou ils sont peut-être sur une activité où il n’y a pas beaucoup
de propositions par rapport à leur mobilité sur Le Havre, des gens qui ont des enfants en bas-âge, qui
n’ont pas de permis de conduire, qui n’ont pas de véhicule ; ils se cantonnent sur Le Havre et la 210 région.
Tout de suite, dès que l’on voit que au bout de deux/trois consultations - il faut savoir qu’une
prestation dure douze rendez-vous pour une prestation normale avec des regroupements collectifs,
sinon c’est dix-huit rendez-vous en individuel - il n’y a pas d’offre, il ne faut pas attendre et
rechercher des offres à chaque séance ; il faut faire du ciblage d’entreprises et les amener à faire une 215 candidature spontanée, cibler directement les entreprises et ne pas attendre qu’il y ait des offres.
Par rapport à cela, moi j’ai commencé fin septembre, sur les deux/trois premiers mois, et bien c’est
quelque chose que je ne faisais que tardivement. C’est donc d’avoir vécu, c’est d’avoir observé que là
j’avais ce dysfonctionnement sur plusieurs bénéficiaires qui m’a permis de me dire : « Là non, au bout
de trois rendez-vous si je vois que ça bloque, tout de suite des candidatures spontanées ». Ensuite on 220 prend les « Pages Jaunes », on recherche les entreprises, on va sur Internet. Une prestation c’est douze
rendez-vous ; trois mois ça passe très vite…
- Mais justement là je rebondis par rapport aux regroupements collectifs ou individuels ; y a-t-il
des choses qui diffèrent par rapport à cela en termes d’attitude, de posture du Conseiller… ? 225
- Oui parce que les regroupements collectifs c’est de l’animation, c’est comme pour les groupes de
« Travailleurs Handicapés » ; on anime un groupe, c’est de la formation sauf qu’ils ne vont pas être
très nombreux, on a environ trois à six personnes. C’est de l’animation, là on ne travaille pas un CV
ou une lettre de motivation avec une personne en particulier, on est en train d’enseigner une 230 méthodologie, celle de l’entretien ou celle de la lettre de motivation. Là c’est plus le côté
« enseignement » et « animation d’un groupe » ; il faut que les gens témoignent de leur expérience,
rebondissent alors qu’en individuel c’est complètement différent, ce n’est pas de l’animation c’est du
conseil.
235 - Est-ce qu’il t’est déjà arrivée de te dire qu’il te manquait quelque chose au niveau de ta
formation, as-tu des regrets entre guillemets au niveau de ton parcours, des lacunes… ?
- Alors, oui et non ! Parce que la formation que j’ai faite n’était pas la plus adaptée mais je ne regrette
pas parce qu’elle ouvre à plusieurs métiers. On ne sait jamais de quoi sera fait un parcours 240 professionnel, on ne peut pas savoir à l’avance même si on espère des choses.
Le DU « Métiers de la Formation » ne forme pas à un métier mais à plusieurs métiers, c’est-à-dire à
tous les métiers que chapote la formation. Cela peut être Formateur d’Adultes, Conseiller en
Orientation Professionnelle, cela peut-être Responsable Pédagogique, cela peut être travailler au
service « Formation » d’une entreprise, travailler en Cabinet-Conseil, donc on s’ouvre plus de portes. 245
85
Par contre ce que j’ai vu en formation, je ne l’utilise pas chez ORREA parce que ce que j’ai vu, c’est
beaucoup de l’ingénierie et l’ingénierie c’est notamment de la réponse aux appels d’offres et je
n’utilise pas du tout cette compétence-là aujourd’hui.
Donc ce qu’il aurait fallu que je fasse - mais je n’aurais été au courant que trop tard - c’est la
formation « Conseiller en Insertion Professionnel » de l’AFPA. J’y pense encore ; à un moment donné 250 peut-être que je complèterai ma formation par une formation de CIP et je ferai mes stages dans
d’autres structures qu’ORREA.
- Alors « compléter » justement en vue d’obtenir quoi ?
255 - Ce serait un diplôme de « Conseiller en Insertion Professionnelle ». Il y a peut-être comment
conduire un entretien parce que moi je n’ai pas été formée ; j’ai observé mes collègues, je n’ai pas eu
de formation en « conduite d’entretien » et il y a peut-être des méthodologies, une façon de procéder,
ils ont peut-être des ateliers très spécifiques au métier de CIP que moi je n’ai pas vus puisque j’étais
en « Ingénierie ». 260 Ce ne serait pas forcément pour obtenir un diplôme mais des compétences supplémentaires. Ce serait
pour améliorer la qualité des entretiens individuels parce que le côté « Formateur », j’ai dix ans
d’expérience dans la Formation donc ça va. Ce serait pour le côté individuel plutôt et au niveau
Psychologie aussi, parce qu’il faut être très psychologue, enfin… dans l’attitude, le comportement, pas
en terme de diplôme. Il faut être très pédagogue, très psychologue… il y a peut-être une technique, 265 une façon d’aborder les choses… cela peut être utile.
Il y a aussi l’ « ADVP » qui traite justement de la conduite d’entretien dans ce type d’orientation, cela
peut être intéressant je sais qu’on y voit aussi pas mal de choses. C’est une formation que j’aurais bien
aimé faire aussi et qui est de courte durée.
270 - Je vous vois souvent avec des dossiers à remplir, à compléter, des démarches administratives à
effectuer ; quelles compétences vous sont nécessaires à tout ça ?
- Il faut avoir le sens de l’organisation parce qu’il y a pas mal de papiers, il faut être suffisamment
organisé pour retrouver tout, savoir dans quel cadre ça s’utilise etc… Pour ça, j’ai beaucoup observé 275 les autres, sur tout ce qui est administratif j’ai beaucoup demandé et fait répéter parce qu’il y a trente-
six documents et quand on arrive et qu’on n’a pas trop travaillé dans ce domaine… Il faut se rappeler
que pour une entrée de prestation, j’envoie un fax pour prévenir que la personne est entrée ou non.
Une interruption de prestation se passe de telle façon, on utilise tel document, dans tel délai… au
début on tâtonne ! 280 Et puis avoir beaucoup l’esprit de synthèse ; lorsqu’une personne sort de prestation, on a un
document de bilan à remplir, on reprend dessus chaque étape, chaque séance. C’est à remplir dans des
petites cases et on ne peut pas écrire un roman à chaque fois ! Il faut avoir l’esprit de synthèse pour
qu’en deux/trois mots ou lignes on sache exactement quel travail a été fait. Les compétences, il va
falloir les résumer aussi. 285 Il faut des qualités rédactionnelles aussi, quand on leur apprend la lettre de motivation on est amené à
rédiger avec eux - voire pour eux - et cela nécessite de savoir bien rédiger et d’être bon en orthographe
donc là après il y a des compétences annexes. Mais en tous cas il n’y a pas de formation au domaine
administratif à proprement parler.
290 - Je t’entends là à plusieurs reprises parler des collègues, est-ce que tu peux m’en dire un peu
plus… comment vous travaillez ensemble, comment faites-vous en sorte que ce travail
fonctionne bien ?
- C’est un travail d’équipe, c’est vrai pour la partie « Conseil »; la personne est reçue en entretien 295 individuel. On note dans le dossier tout ce que l’on fait.
Il y a des choses aussi que l’on ne mettra pas à l’écrit dans le dossier, des choses de l’ordre humain,
des difficultés particulières, sociales etc… et là, nous échangeons entre nous sur ces problèmes. On est
obligé de parler, c’est un travail d’équipe de toutes façons.
C’est un métier où l’on apprend tout le temps parce que c’est de l’humain, c’est du social donc c’est 300 de l’humain, ce ne sont pas des techniques… il y a toujours des choses à acquérir. Moi parmi les
choses qui me font défaut il y a la connaissance des entreprises. Des fois c’est avec le CV des gens
que j’apprends telle ou telle chose ou en posant des questions.
Il faut être curieux, beaucoup se documenter. A un moment donné on ne veut plus trop poser de
questions donc on prend les classeurs, on se documente, on consulte soi-même. 305 Il faut s’organiser ; moi j’ai un petit répertoire où je note les entreprises que j’ai contactées avec tel ou
tel bénéficiaire. On recherche le nom des personnes à contacter dans les entreprises, je me crée mes
86
propres outils et c’est assez récent. Je n’ai pas fait ça sur les trois mois d’essai ; là il y a l’appréhension
déjà et puis on a tellement de choses à apprendre… ce n’est pas au bout de deux mois que l’on est
opérationnel. On voit plein de choses mais après il faut les assimiler, s’en rappeler ; il faut 310 perfectionner sa pratique en permanence. Mais plus ça va, plus on gagne en assurance et plus on
gagne en organisation.
Là par exemple, très récemment je me suis fait toute la liste des entreprises d’Aides à Domicile ; ce
type d’emplois pour lesquels il ne faut pas beaucoup de qualifications, c’est ce que recherchent le plus
les gens. Des Agents d’Entretien, des Aides à Domicile, des Gardes d’Enfants… donc là il y avait 315 besoin de savoir. - Est-ce qu’il y a d’autres difficultés que tu rencontres ?
- Pour l’aspect administratif… oui mais je m’y suis habituée. Non, le plus difficile c’est avec les 320 problèmes d’alcool ou d’hygiène. C’est leur dire, on n’a pas les mots, cela nous gêne nous-mêmes. On
a peur de vexer, de blesser la personne ; trouver les mots…
Mais récemment j’ai senti que je progressais, moi qui n’ai pas du tout un caractère autoritaire, je me
suis trouvée face à une ou deux personnes pas commodes du tout. Qui ne voulaient pas que l’on
remette en question leur CV et leur lettre de motivation, qui ne comprenaient pas pourquoi elles 325 étaient envoyées sur une prestation de recherche d’emploi… Je me suis libérée un peu auprès de mes
collègues et il fallait que je leur « rentre dedans » ni plus ni moins. J’ai dit aux personnes ce que je
pensais. J’ai fait du « forcing ». Et de là tout s’est débloqué, on ne m’en a pas voulu pour autant ! Il
avait fallu identifier des freins avant de pouvoir construire quelque chose. Mais tout cela c’est sûr
qu’on ne l’apprend pas en formation, c’est au fur et à mesure. 330
- Pour finir, peux-tu me donner cinq termes qui qualifient ton travail ?
- « Humain », « Patience », « Organisation », « Ecoute », « Enrichissant ».
335
87
ANNEXE N° 3
Entretien N° 2 5
- Pouvez-vous me parler de votre cursus scolaire, de votre formation, de votre carrière ?
- J’ai commencé avec un Bac Littéraire avec trois langues parce que j’étais passionnée par les langues. 10 A l’origine je ne me destinais pas au métier que je fais aujourd’hui, je voulais travailler dans
l’Interprétariat. J’ai été très rapidement en désillusion quand j’ai passé le concours pour être
Interprète ; j’ai vu que je n’avais pas du tout du tout le niveau pour.
Par contre, j’ai fait une fac d’ « Anglais » et d’ « Espagnol », j’étais sur la région parisienne et là déjà
s’amorçait la partie relationnelle, conversation, tout cela commençait à émerger ; ce sont vraiment les 15 cours qui m’ont intéressée mais je n’y trouvais pas forcément l’épanouissement complet. Je me suis
dit : « Moi j’ai besoin de concret ».
Là j’ai arrêté la fac pour aller dans une formation professionnelle à niveau « Bac +2 » qui était
« Assistante de Direction », qui permettait en même temps d’utiliser les langues que j’avais
développées en fac mais d’arriver aussi sur des activités tout à fait concrètes. 20 Donc j’ai suivi ce cursus-là et j’ai obtenu un BTS « Assistante de Direction ». J’ai effectué des stages
mais qui n’étaient pas du tout en tant qu’Assistante de Direction ; j’ai travaillé dans le transport
maritime, dans la consignation et là j’ai utilisé les langues comme je le souhaitais mais je ne me
voyais pas faire toute ma carrière dans ce milieu-là ; cela m’avait plu, j’y suis restée en job d’été mais
par contre là où j’ai eu la révélation, c’est quand l’école où j’ai préparé mon BTS m’a demandé de 25 faire une intervention auprès de nouveaux élèves pour expliquer comment on devait travailler,
comment on devait s’organiser pour l’examen, les pièges à éviter à l’examen euh… J’ai réalisé cette
présentation devant tous les élèves et j’y ai pris un plaisir vraiment immense et en sortant je me suis
dit : « Cela s’est très bien passé, il y a eu un échange tout à fait concret », j’ai vu aussi au niveau du
regard des gens qu’il y avait un feed-back intéressant également et puis moi… un plaisir vraiment 30 important.
Donc quand je suis sortie, je me suis dit : « Mais bon sang, qu’est-ce qui pourrait faire que j’utilise
mes compétences acquises en BTS, ce goût pour le relationnel ? ». Là, ça a fait « tilt » ; je ne me
voyais pas dans l’Education Nationale, j’avais besoin d’une certaine autonomie par rapport à
l’organisation de la formation euh… une certaine personnalité aussi et la Formation Professionnelle ça 35 ne me convenait pas.
Je vous parle de ça donc c’était en 1986, moi j’arrivais sur Le Havre euh… et je me suis présentée
auprès de centres de formation et notamment la Chambre de Commerce du Havre et je leur ai dit :
« Voilà mon parcours, voilà mon projet professionnel, qu’est-ce que vous en pensez ? ». Eux
cherchaient quelqu’un à ce moment-là. 40 Or, moi je me voyais transmettre le métier plutôt au niveau « Administratif », « Secrétariat » et ce
qu’on m’a proposée, c’est donc de travailler avec des jeunes de seize/dix-huit ans euh… sur les
Remises à Niveau. J’y ai réfléchi et je me suis dit que ce serait un bon challenge pour entrer dans la
Formation ; je n’avais pas pensé à l’Insertion mais pourquoi pas…
A cette époque-là il fallait quand même être sacrément débrouillard parce qu’on n’avait pas d’outils, il 45 n’y avait rien ; on faisait du découpage, on faisait des collages. Donc j’y allais par rapport à un
contenu existant mais j’y allais aussi à l’aveuglette parce que je n’avais pas du tout d’outils donc
j’allais pêcher à droite et à gauche. Comme j’étais avec des jeunes qui étaient en grande grande
difficulté scolaire mais également avec des vies familiales très très décousues, moi je prenais ça de
face. Moi j’ai commencé à travailler donc à vingt-quatre ans, c’était des dix-huit/vingt-cinq et moi 50 j’avais à peu prés le même âge qu’eux. Les analphabètes moi j’en avais entendu parler, mais les
rencontrer et travailler avec eux euh…
J’ai eu le soutien quand même de mon conjoint - et devenu mari après - parce qu’il était déjà dans
l’Education Nationale et il me donnait des idées par rapport aux méthodes car véritablement, il n’y
avait aucun document pédagogique. Cela a été un moment très difficile pour les raisons que j’évoquais 55 tout à l’heure par contre cela a été un élément très riche pour moi parce que j’ai dit : « Oui c’est
véritablement dans l’Insertion que je veux travailler et aider les autres me plaît, leur transmettre, les
voir évoluer… voilà moi ça m’épanouit ».
88
En fait, grâce à cette entrée par la porte « Remise à Niveau », la Chambre de Commerce m’a dit qu’on
pouvait à ce moment-là me proposer d’intervenir sur autre chose et notamment sur les « Techniques 60 de Recherche d’Emploi », sur le « Secrétariat » également parce que c’était ma formation.
Donc j’ai tout doucement eu cette double compétence ; en même temps la partie « accompagnement
vers l’emploi » et puis la partie technique sur la partie administrative. La partie administrative je l’ai
assez rapidement laissée de côté et je suis plus allée vers la « communication professionnelle » ;
« communication écrite », « communication orale » et qui m’a tout de suite permis d’aller vers la 65 « redynamisation ».
Donc à la Chambre de Commerce en fait j’y ai travaillé treize ans, j’ai travaillé avec des
« Demandeurs d’Emploi » mais aussi je suis allée vers la Formation Continue. Donc avec les
« Demandeurs d’Emploi » je travaillais sur la redynamisation, la confiance en soi, la motivation, la
communication, la relation à l’autre, les « Techniques de Recherche d’Emploi » et j’intervenais en fait 70 sur des métiers complètement différents. Je travaillais avec des Assistantes de Direction, avec des
Techniciens de Maintenance, avec des Analystes-Programmeurs, avec des Techniciens de Commerce
International ; j’intervenais sur l’ensemble des formations.
En Formation Continue cette fois-ci avec des salariés et bien j’intervenais sur les techniques de
« Secrétariat » également, sur la « communication écrite et orale professionnelle ». Donc là j’étais 75 amenée à travailler avec des Assistantes - pour les techniques d’assistanat ou de prise de notes - mais
avec d’autres publics j’étais amenée à travailler sur « Comment améliorer ma communication orale ?
Comment prendre la parole dans un groupe ? Comment améliorer mon écrit professionnel ? ». Donc là
j’ai travaillé avec des Chefs de car de chez TOTAL sur « Prendre la parole en public ». J’ai commencé
donc en 1986 jusqu’en euh… 1999 où là j’intervenais toujours sur les deux publics mais je 80 commençais à… j’y trouvais toujours du plaisir mais j’avais besoin d’évoluer.
Je commençais à réfléchir sur peut-être une nouvelle orientation professionnelle. A ce moment-là il y
a eu un différend avec mon employeur parce que ce que vous ne savez pas c’est que j’avais un statut
de vacataire depuis treize ans et à temps plein. Bon, c’est vrai que j’en ai profité, c’est-à-dire que
j’aménageais aussi mon temps de travail en fonction de ma famille mais je vivais de… oui… de moins 85 en… oui je vivais mal ce manque de reconnaissance. Il y a eu une goutte qui a fait déborder le vase et
la j’ai dit : « ça suffit, ça suffit, là je dirai non pour une fois, il faut que je pense à partir, ça y est… ».
Et donc j’avais pensé créer une société de portage parce que justement on était plus de cent vacataires
à ce moment-là et je m’étais dit : « Pourquoi pas créer une société de portage qui permettrait de
donner un statut de salariés à des Formateurs mais qui permettrait aussi à la société de portage de 90 gagner de l’argent pour les projets des Formateurs ? ». Je connaissais Monique GERHART avec qui
j’avais travaillé à la Chambre de Commerce pendant cinq ans et qui est la créatrice d’ORREA.
Je vais donc la voir, non pas pour entrer chez ORREA, mais pour lui parler de ce projet de portage et
puis très rapidement elle m’a déconseillé d’aller vers ce projet elle m’a dit : « Non ce projet-là je n’y
crois pas, il y a encore un trop grand flou juridique par rapport au portage, je n’y crois pas ». Mais elle 95 me dit : « Moi j’ai quelque chose à vous proposer ».
Donc son idée de départ c’était bien de développer ORREA et d’aller vers ce cœur de métier qu’est le
repérage des compétences et de devenir Centre de Bilan de Compétences et donc pour moi d’intégrer
ORREA. Alors j’étais partie avec une question dont je n’avais pas eu la réponse que j’attendais et je
revenais avec un nouveau questionnement. Il m’a fallu une journée pour réfléchir et dire à Monique 100 GERHART : « Banco, on y va ! ».
- Alors donc ORREA…
Donc oui ORREA est née en avril 1999 et j’y suis rentrée en octobre 1999. Là en fait j’ai accepté 105 d’avoir une rémunération différente de ce que je percevais pour aller vers ce challenge de
développement de l’entreprise vers le repérage des compétences et vers le métier de Conseiller Bilan
de Compétences. Et donc nous étions trois ; Rachel BLONDEL, Monique GEHRART et moi-même.
Et là j’ai redémarré chez ORREA avec le public « Demandeurs d’Emploi » avec lequel j’avais
démarré à savoir : « Objectif Emploi » et « Objectif Projet » mais là c’était plutôt en groupe quand on 110 a démarré ORREA.
On a donc construit tout doucement les différents métiers d’ORREA d’aujourd’hui, on est allé vers le
« Tutorat » et là ça été l’élément déclencheur, je pense que Rachel a dû vous en parler, le « Tutorat »
pour nous a été l’occasion d’accompagner des salariés qui accompagnaient un nouvel embauché,
d’accord ? Cela nous a permis de découvrir des activités différentes, de décrire le métier en termes de 115 compétences, en termes de savoirs, savoir-faire, savoir-être et puis d’apprendre à transmettre ces
compétences. Mais en même temps on travaillait sur les référentiels métiers. Cela a été un lien tout à
fait logique quand on a présenté notre candidature après pour être Centre de Bilan de Compétences ; le
lien était fait. Et quand on a été audité pour devenir Centre et Conseillers pour le Bilan de
Compétences, bah tous les éléments étaient là ; nos parcours à chacune dans l’Insertion, notre 120
89
connaissance des métiers, de l’emploi. L’objectif premier du Bilan de Compétences, c’est d’aller vers
un projet cohérent et réaliste, on avait tous les éléments pour prouver qu’on pouvait travailler là-
dessus.
Sinon j’ai complété ma formation en suivant deux formations ; la première c’est celle qui me permet
d’utiliser comme Rachel l’outil « PERFORMANSE ». L’outil « PERFORMANSE » permet d’évaluer 125 les comportements professionnels et les motivations professionnelles, c’est l’outil qu’on utilise dans le
Bilan de Compétences. Deuxième formation organisée par le Fongécif ; on a suivi une formation de
« Conseiller Bilan », c’était un séminaire sur les fondements du rôle du Conseiller mais aussi de
l’éthique à avoir dans la construction du projet professionnel et du Bilan de Compétences et les règles
à tenir dans le Bilan de Compétences et dans la synthèse du Bilan de Compétences. 130 Donc après euh… moi j’ai toujours continué à travailler sur le « Demandeur d’Emploi », les salariés et
puis notamment les salariés qui étaient en inaptitude au poste de travail et là on a commencé à
travailler avec la Médecine du Travail, les associations d’aide au maintien dans l’emploi, vous avez dû
entendre parler d’ « HANDICIPER » notamment, ce qui nous a donc amenés très rapidement vers les
formations d’accompagnement « TH ». 135
- Est-ce que vous pouvez me parler justement de toutes ces missions, de leurs objectifs, des
activités qui y sont liées et par là même des compétences requises ?
- Alors euh… différentes missions ; les miennes ou celles du Conseiller en Insertion ? 140
- Celles du Conseiller…
- Alors en Insertion, il peut déjà euh… travailler en individuel et en groupal. En individuel il peut
intervenir sur des prestations ANPE ; « Objectif Emploi », « Objectif Projet », « Bilan de 145 Compétences Approfondi ». Il peut intervenir sur des évaluations ; « Evaluations des Compétences et
des Capacités Professionnelles », il peut intervenir sur des prestations que vous connaissez moins mais
qui s’adressent aux « Jeunes Diplômés » ; c’est une prestation ANPE qui s’appelle « Du Diplôme à
l’Emploi » - vous n’aurez pas la chance qu’il y en ait une pendant votre séjour chez nous - et tout cela
avec des « Demandeurs d’Emploi », cadres et non-cadres. 150 Alors dans le groupal vous avez les mêmes prestations ; « Objectif Emploi », « Objectif Projet » qui
peuvent se dérouler en groupe mais qui peuvent s’adresser à un public en particulier et notamment le
public « Cadres ». Vous avez les formations qui sont à différencier des prestations, donc là les
formations comme le « CPPH » - « Construire son Projet Professionnel avec un Handicap » -, la
formation « Se Préparer A l’Emploi », et je suis intervenue également sur des formations qualifiantes 155 ou préparatoires à un métier. ORREA est intervenue par exemple sur une action qui s’appelait
« Préparation à la Réinsertion Professionnelle » avec une dominante-métier « Vente », d’accord ?
Euh… donc le Conseiller en Insertion peut dispenser un accompagnement groupal, mais dans tous les
cas dans cet accompagnement groupal il y a un accompagnement individualisé, personnalisé qui est
indispensable à la construction d’un projet personnel et professionnel. 160
- Donc le but c’est ça ; construire un projet…
Alors pas forcément, le Conseiller en Insertion peut accompagner vers l’emploi, ça peut être l’objectif
de la prestation, quand je fais un « Objectif Emploi » c’est accompagner vers l’emploi, euh… dans l’ 165 « Objectif Projet », c’est définir un projet professionnel cohérent et réaliste mais avec un accès à
l’emploi le plus rapide et le plus durable.
Euh… et puis avec le Conseiller en Insertion ça peut être évaluer des compétences, ou de repérer des
potentialités et pouvoir élargir un ciblage c’est-à-dire euh… repérer que cette personne a telle et telle
compétences et puis lui faire découvrir que ces compétences-là sont transférables dans un autre métier 170 qui lui permette alors d’élargir son ciblage.
- Alors comment vous faites pour ça, quelles qualités cela demande ? Quels outils vous êtes
amenée à utiliser et comment vous vous débrouillez en fait pour en arriver là ?
175 - La qualité première à mon sens c’est le goût de l’humain. C’est l’écoute ; c’est prendre en compte
l’humain dans sa globalité euh… c’est s’intéresser sincèrement à lui c’est pas faire semblant. Le
Conseiller en Insertion Professionnelle il doit être vrai. Il doit être sincère dans son écoute mais aussi
sincère dans ce qu’il dit. C’est-à-dire que si je reconnais des freins à la construction du projet
professionnel ou par rapport à l’accès à l’emploi, je vais être vraie avec la personne. S’il y a un 180 problème d’hygiène, je vais en parler mais sincèrement. Donc c’est l’écoute, être vrai et sincère avec
90
l’autre, le prendre en compte dans sa globalité et savoir dire les choses sincèrement ; positivement
mais aussi négativement quand il le faut.
Le principal outil justement c’est mon écoute, c’est-à-dire que euh… mon écoute, ma mémoire vont
me permettre un petit peu comme un rubik’s cube de créer des petites faces logiques. D’essayer et de 185 dire : « Non, c’est pas ça », ou de réessayer pour trouver une autre méthode mais ça c’est… c’est
l’outil premier, c’est l’écoute.
Euh… le pertinence du questionnement aussi… aller jusqu’au bout des choses, repérer des
incohérences ou des cohérences.
La curiosité qui est liée à la sincérité vis-à-vis de l’autre ; s’intéresser sincèrement à l’autre mais 190 chercher à comprendre… Tout à l’heure quand j’ai posé la question à Hervé « Mais la bouillette c’est
quoi ? », c’était vrai, je voulais véritablement savoir ce que c’était et… c’est pas une communication
fausse c’est une communication sincère. Tout ça, les personnes le ressentent très rapidement. C’est
pour ça qu’elles me font confiance.
Donc une des qualités à avoir c’est aussi la confiance en soi parce qu’il faut aussi une prise de recul 195 dans la relation à l’autre même si la frontière est parfois difficile ; l’autre fois j’ai une jeune femme
qui est venue me remercier elle m’a offert un bouquet par rapport à l’accompagnement que j’ai pu
avoir avec elle et puis la réussite de son projet professionnel, elle m’a embrassée mais en même temps
bah… c’est aussi ça ! Elle était tellement contente euh… moi ça ne me gène pas… mais bon…
Alors les outils, les outils bah… vous avez vu hein, c’est les outils qu’on a, que j’ai construits par 200 rapport à mon expérience professionnelle, des outils aussi qu’on a je dirais construits tout au long de
l’évolution d’ORREA et puis c’est aussi voir un outil et dire : « Bah tiens, ça on pourrait l’adapter
chez nous… ».
C’est être à l’affût de toute l’évolution aussi de toutes les « Techniques de Recherche d’Emploi ».
Comme je travaille avec les salariés aussi, avec les Bilans de Compétences et bien je vois aussi les 205 métiers évoluer donc ça affine aussi notre questionnement.
Euh… les autres outils… « PERFORMANSE » pour les Bilans de Compétences mais je ne m’en sers
pas avec le public « Demandeur d’Emploi », sinon avec les « Cadres » parce qu’il y a les capacités
managériales dedans. Euh… il va y avoir « PASS’AVENIR » également que je vais utiliser quel que
soit le public, voilà les outils… 210
- Et alors en termes de compétences plus que de qualités maintenant parce que vous parliez de
choses qui sont plus de l’ordre…
- Du savoir être… 215
- Voilà oui mais en termes de connaissances, de choses que vous avez pu apprendre en
formation, chez vous dans vos loisirs ou autres, enfin… en terme de connaissances vraiment
euh…
220 - Alors bah déjà, une bonne connaissance du marché de l’emploi. Une bonne connaissance des
métiers, des outils qui me permettent de connaître les métiers ; les référentiels métiers mais aussi les
référentiels diplômant, comment aller les rechercher.
Les connaissances à avoir c’est aussi le fonctionnement de l’humain, euh… c’est se dire : « Je sais
qu’il va fonctionner de cette manière donc je sais qu’il va falloir que j’agisse de cette manière là », 225 donc oui la connaissance de l’humain.
Les techniques de l’entretien, le comportement à avoir, les règles de communication - inter-
individuelle et groupale -, les connaissances sur les techniques de recrutement, les connaissances sur
les différents types de contrats ; il faut mettre constamment à jour ces connaissances-là parce que ça
évolue tout le temps. 230 La connaissance des entreprises et puis de… être à l’affût, être astucieuse pour aller rechercher la
bonne information.
Les connaissances en matière de « développement personnel » puisque moi j’interviens en
« dynamisation » donc il faut actualiser ces connaissances sur le « développement personnel ».
Comment, quelles sont les clés importantes pour communiquer et les transmettre ? Euh… repérer les 235 points d’appui, les points de vigilance en terme de communication que ce soit en communication
inter-individuelle et groupale et aussi savoir comment se forme la confiance en soi. Travailler sur
l’écoute et la faire développer, travailler sur… apprendre et transmettre aux bénéficiaires la capacité à
parler franchement de soi… voilà, toutes les techniques de redynamisation.
240
91
- Et tout ça alors, comment vous l’avez acquis ?
- Par l’expérience, par la lecture, par mes collègues parce que moi j’ai eu la chance d’avoir des
collègues… des « maîtres » en fait hein… qui m’ont transmis aussi, qui se sont comportés comme
tuteurs avec moi, qui m’ont transmis le goût de ce métier mais aussi les connaissances. 245 La redynamisation ; moi j’ai eu une collègue - qui est malheureusement décédée maintenant - qui m’a
énormément retransmis en matière de redynamisation, de confiance en soi, de travail sur les
motivations, sur la gestion du temps, sur la gestion des priorités et puis c’est par la documentation.
Moi il m’est arrivée de faire des formations, de ne pas connaître parfaitement le sujet, de m’y plonger
complètement ; dans les bouquins, sur Internet et puis de transmettre. 250 Donc il faut une souplesse adaptative aussi ; intellectuelle, et relationnelle… et organisationnelle
aussi. Parce que on peut très bien avoir prévu un contenu… ah et puis en « Ingénierie de Formation »
aussi, ça c’est très important. Vous avez vu moi j’ai commencé, j’ai appris mon métier sur le tas et à
un moment donné, il y a eu une formation de Formateurs qui a été dispensée par le centre de
formation. J’ai vu que j’avais de réels points d’appui par rapport à la pratique du métier et par contre 255 j’ai appris beaucoup de choses ; j’ai affiné. Notamment par rapport à l’ingénierie, par rapport à la
définition d’objectifs, à la définition d’outils pédagogiques et d’outils d’évaluation.
- Est-ce qu’il y a des choses qui semblent vous manquer aujourd’hui, est-ce qu’il y a des choses
sur lesquelles vous aimeriez apprendre davantage, qui vous paraissent… oui, vous manquer au 260 quotidien ?
- Je pense que je prends énormément de plaisir à redynamiser et je crois que - je ne sais pas ce qui se
passera plus tard - mais je crois que c’est là-dessus que je développerai mes compétences parce que ça
fonctionne, je vois que les gens évoluent, j’ai les mots, les méthodes et je pense que c’est là-dessus 265 que je devrais le plus affiner mes connaissances et mes pratiques.
- Et justement ce sont des connaissances dans quel domaine en particulier ?
- Je pense encore en plus sur l’accompagnement, sur le long terme… oui, oui… 270
- Et en termes de discipline, c’est sans doute rattaché à quelque chose de plus scolaire euh…
- Sur le « développement personnel », parce que c’est là dessus que je me sens le plus à l’aise ; bien
sûr l’insertion aussi mais oui c’est là dessus que je me sens le plus à l’aise… autant avec les 275 « Demandeurs d’Emploi » qu’avec les salariés. Alors ça sous-entend derrière une force de conviction,
c’est pour ça qu’il faut être vrai. Accompagner avec conviction il faut être sincère et il faut donner des
exemples concrets.
- Vous parliez tout à l’heure des collègues, des gens avec qui vous avez travaillé ; quel type de 280 relation il faut à votre sens entretenir avec les collaborateurs ? Alors là, il ne s’agit pas de
s’aimer ou ne pas s’aimer etc… mais vraiment pour un travail solide, cohérent, pertinent…
- Etre humble ; on a toujours à apprendre. J’adore transmettre aux collègues mais j’apprends
énormément des collègues, donc moi… être humble. Euh… avoir l’esprit d’équipe, être solidaire, être 285 disponible, les collègues le savent bien ; elles ont un doute ; elles savent toujours que je suis
disponible. Que je sois en entretien ou non euh… je suis disponible.
Mais oui… surtout être humble ; se dire qu’on ne peut pas tout connaître. Moi il m’arrive de dire à
certains collègues : « Là, écoutez, vous me posez une colle ; je vais rechercher, oui j’aurai
l’information mais là vous me posez une colle ». Etre humble et à partir de là on peut transmettre à 290 l’autre et on peut apprendre toujours de l’autre. Ce qui peut poser problème peut-être quand on a à
encadrer mais moi autant j’ai le goût de transmettre aux bénéficiaires et autant je l’ai avec mes
collègues et mes subordonnés. Moi les Conseillers Bilan qui sont chez ORREA, bon forcément
Rachel y a participé beaucoup aussi, mais j’ai transmis tout ce que moi j’avais appris.
295 - Et qu’est-ce qui est le plus difficile alors pour vous dans ces métiers de Formateurs et de
Conseillers ?
- L’échec ; l’échec par rapport à un accompagnement. Il faut l’accepter, ça fait partie de notre métier
et c’est le plus dur. C’est-à-dire avoir tout tenté, avoir mis tout en œuvre dans l’utilisation des outils et 300 en face… échec. Euh… ça c’est ce qui peut être difficile à gérer. Il y a quelques années je vous aurais
92
dit les comportements difficiles ; pour moi aujourd’hui c’est pas un problème au contraire ça me
motive.
- Vous voulez dire que la perception que l’on a des choses évolue au fil du temps… 305
- Bah oui, c’est la maturité professionnelle et la confiance en soi. A la limite, quelqu’un qui aurait un
frein important par rapport à la formation, c’est véritablement la personne que je vais me donner à
convaincre. Et puis s’il faut taper du poing sur la table à un moment donné parce qu’il y a un mauvais
comportement, c’est pas un souci… mais ça peut être le cas quand on démarre ; les comportements 310 difficiles, la gestion de l’alcoolisme, la gestion de freins importants comme l’hygiène ça peut poser
problème au début pour certaines personnes et puis parfois de multiples freins ; pas de permis, un
marché de l’emploi difficile mais faut y arriver quand même. Mais la difficulté ça peut être ça ;
l’échec… avoir tout tenté, voir la personne s’investir et puis pas… ça peut être ça.
315 - Et alors pour terminer, cinq termes pour résumer ce que vous faites ; des adjectifs, des verbes,
des noms… ce que vous voulez, ce qui vous vient à l’esprit.
- « Accompagner », « Sincérité », « Curiosité », « Ecouter », « Questionner »
93
ANNEXE N° 4
Entretien N° 3 5
- Est-ce que vous pouvez me parler de votre cursus universitaire ainsi que de votre parcours
professionnel ?
10 - Alors donc en terme de formation ; Baccalauréat Sciences Economiques et à l’issue de ce
Baccalauréat une Maîtrise « Sciences et Techniques en Commerce International » à l’Université du
Havre. A l’issue de cette Maîtrise « Sciences et Techniques en Commerce International » euh…je ne
souhaitais pas m’orienter vers les métiers commerciaux en tant que tels, j’étais très satisfaite de ma
formation qui avait été très riche en matière de « Droit », « Economie », « Langues Etrangères » 15 euh… tous ces aspects liés au Commerce International mais je n’avais surtout pas envie de travailler
dans ce secteur-là. Donc j’avais le diplôme mais quoi faire avec ; point d’interrogation.
Donc comme tout le monde je dirais et bien je me suis inscrite à l’ANPE, comme j’étais « Jeune
Diplômée » j’avais droit aux services de l’APEC et puis je commençais à… mais il n’y avait rien qui
me tentait vraiment. Et puis je vois un jour une annonce sur Paris-Normandie qui propose une 20 formation « Technicien des Echanges Internationaux » sur Evreux, avec périodes en entreprise donc là
je me dis : « Pourquoi pas ? ».
Alors que dans le cadre de ma Maîtrise « Sciences et Techniques » - maintenant ça n’existe plus
c’était l’ancien système « Maîtrise » - il y avait un stage en entreprise : j’avais fait un stage à Anvers,
j’avais été travaillé pendant deux mois et demi à Anvers chez un transitaire mais bon… je ne voulais 25 pas continuer.
Donc je vois une petite annonce dans le Paris-Normandie et je me dis : « Après tout, je prends contact
avec cet organisme-là ». Donc je passe les épreuves de pré-sélection et là en fait des personnes -
puisqu’il y avait des tests à passer et ensuite on allait en entretien avec les responsables de la
formation - qui me reçoivent et me disent : « Ecoutez on ne peut pas vous intégrer sur la formation 30 parce qu’on ne va rien vous apporter, compte tenu de votre niveau de formation nous, ce qu’on
propose, c’est un Bac +2… ». Alors je dis : « Oui mais moi j’aimerais bien aller en entreprise, voir un
peu, ça va peut-être m’aider à y voir plus clair etc… ».
Et là en fait j’ai eu beaucoup de chance parce que la personne qui était là en fait était responsable de
cette formation. Il y en avait deux ; il y en avait une qui avait travaillé dans le domaine du Commerce 35 International et qui m’avait fait toucher du doigt en me disant : « Ecoutez, c’est pas nous qui allons
vous apporter quelque chose, si le déclic avait dû être fait il se serait déjà produit ». Elle me dit : « Par
contre, nous on peut vous proposer quelque chose ». En fait ils m’ont proposé un contrat de travail de
six mois euh… en tant que Formatrice. Puisque je les intéressais à ce niveau-là, ils recherchaient un
Formateur vacataire sur cette formation validée « Bac +2 » euh… sur certaines matières et ils avaient 40 à côté de ça aussi mis en place pour un public « Mission Locale » une préparation enfin… un stage,
sur deux ans, pour préparer le « BEP Transport ».
Donc au niveau de mes interventions sur la formation « Bac +2 », c’était « Législation Européenne »,
tout ce que je connaissais et ce que j’avais appris par le biais de ma Maîtrise et donc c’était assez
cocasse parce que je me suis retrouvée avec les gens avec qui j’avais passé les tests de sélection, on 45 s’est retrouvé là…
Et puis le gros de mes interventions restait sur le public « Mission Locale », donc là c’était vraiment la
découverte du public « Mission Locale » - et tout ce que ça comporte - que je préparais au « BEP
Transport ». Je devais intervenir sur des aspects de législation aussi, d’incoterms par rapport à la
réglementation internationale euh… j’avais aussi en face de moi des personnes qui avaient une 50 pratique et une certaine expérience. Je me souviens, il y avait une personne qui avait peut-être vingt-
quatre ans ou vingt-cinq ans - et moi je devais en avoir vingt-deux ou vingt-trois - qui était mère de
famille, ils étaient Exploitants de Transport avec son mari euh… je me retrouvais à lui expliquer les
incoterms ; elle en savait beaucoup plus que moi, en plus elle avait l’aspect pratique ! Donc j’avais en
face de moi un groupe de jeunes qui étaient très… d’ailleurs ça a été une expérience hyper 55 enrichissante et ça m’a permis en fait de savoir ce que je voulais faire.
Parce que je ne savais absolument pas dans quoi je mettais les pieds par contre quand je l’ai fait, ça a
été très enrichissant et ça m’a permis de voir et de savoir ce que je voulais faire. Donc en fait à l’issue
de ce contrat de six mois euh… de nouveau période de recherche d’emploi mais là je savais dans quoi
chercher. Et là en fait, à la suite de ce contrat de six mois - donc moi je travaillais sur Pont De L’ 60 Arche et Evreux - euh… donc de nouveau recherche d’emploi et là je m’inscris à une cession de
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« Techniques de Recherche d’Emploi » et je rencontre un prestataire de l’ ANPE qui était un petit peu
surpris de mon expérience professionnelle et qui me dit : « Si jamais vous avez besoin d’informations
ou de renseignements, n’hésitez pas à me contacter ». Ce que j’ai fait et puis il s’est trouvé que sur
Pont-Audemer à cette époque-là - c’était en 1991 quelque chose comme ça - la Fonderie des Ardennes 65 a fermé.
Donc il y a une « Antenne Emploi » de mise en place euh… c’était un cabinet lyonnais qui a eu cette
mission d’ « Antenne Emploi » et il recherchait un prestataire sur Pont-Audemer. Ce prestataire c’était
« Christian Lucas-Conseil » et j’ai été recrutée par cette société sur Pont-Audemer pour travailler sur
l’ « Antenne Emploi ». On travaillait sur de la Formation, sur le reclassement de Noyauteurs, de 70 Fondeurs de… euh… je ne connaissais absolument rien de leur métier !
Des personnes qui gagnaient bien leur vie, qui avaient les clés d’une entreprise, avec deux patrons ; le
cabinet de Lyon et le prestataire… donc ça pendant six mois, ça a été là aussi une expérience hyper
enrichissante, où là je n’ai absolument pas travaillé dans le domaine de la Formation mais plus sur du
Reclassement Professionnel. Et alors là aussi, contact avec les Partenaires Sociaux, c’est-à-dire des 75 représentants du milieu syndical, la DDTEFP, les ASSEDICS… et je ne connaissais absolument rien !
Mais bon… on apprend ; donc là pendant six mois. Tout s’est très bien passé, tout le monde était bien
satisfait.
Au bout des six mois donc, fin du contrat. L’employeur, donc le cabinet de Pont-Audemer mais aussi
le cabinet de Lyon, m’a dit : « Bon écoutez on garde votre contact ». Moi je continue mes démarches 80 et puis là en septembre je reprends contact et « Christian Lucas-Conseil » me propose un contrat de
six mois donc là pour travailler sur des stages d’insertion et d’orientation professionnelles, pour des
publics « Demandeurs d’Emploi » et aussi sur des prestations ANPE qui n’avaient absolument pas la
physionomie qu’elles ont maintenant. Et puis donc je commence au mois de septembre, le début de
l’année… au mois de janvier, appel de cabinet de Lyon qui me dit : « Rachel, on aurait quelque chose 85 à vous proposer sur Avignon ». Là je me suis vraiment posée la question parce que j’étais en contrat
de six mois sur le cabinet de Pont-Audemer, je travaillais sur Pont-Audemer, Louviers, Evreux et Le
Neubourg. Et puis là on me proposait quelque chose sur six mois aussi sur une « Antenne Emploi »
mais sur Avignon. Donc je prends le temps de la réflexion et finalement j’ai décidé de rester sur la
région de Pont-Audemer. 90 Donc là j’ai travaillé pendant sept ans et puis la septième année, la personne qui était à la tête de cette
entreprise envisageait de partir en retraite, on ne savait pas trop ce que ça allait devenir et puis par
rapport à l’activité, on sentait bien que - on était une équipe - on avait des attentes fortes par rapport à
des demandes ou à des prestations nouvelles et il ne se passait pas grand chose. A plusieurs reprises il
y avait eu des tentatives mais ça avortait toujours. 95 Je rencontre, je fais la connaissance d’une autre professionnelle, donc de Monique GERHART qui en
fait travaille aussi depuis quelques temps dans cet organisme, qui quitte cet organisme aussi parce que
là aussi… pour des prestations qui devaient se mettre en place et qui ne se mettent pas en place. Elle
me fait part aussi de son projet de créer une entreprise, elle savait que moi aussi je recherchais autre
chose - à l’époque j’étais en contact avec l’AREF sur Reims pour un poste de Conseiller en Formation 100 Continue - et puis qui me dit : « Si je monte quelque chose est-ce que ça vous intéresse ? ». Donc je
dis : « Oui, pourquoi pas ? » et puis donc en mars 98… 99 donc j’ai démissionné pour démarrer le 1er
avril 99 avec Monique GERHART chez ORREA.
Entre temps au niveau formation en 95 donc… parce que j’avais eu une Maîtrise et donc je voulais
absolument finaliser mon cursus, donc j’ai fait un DESS ; un DESS « Gestion des Entreprises » un 105 certificat d’aptitude à l’administration des entreprises à l’IAE de Caen, donc le vendredi soir et le
samedi matin.
En 2005 ou 2006 je ne sais plus… le temps passe tellement vite, je me dis quand même : « Il me
manque une dimension Ressources Humaines dans mon cursus de formation. Donc j’ai fait - dans le
cadre d’un Congés Individuel de Formation - une semaine par mois, j’allais à l’IAE de Caen pour faire 110 un Master en « Gestion des Ressources Humaines ». Donc ça, je l’ai fait entre septembre et juin et j’ai
soutenu mon mémoire en septembre parce que je ne pouvais pas présenter en juin voilà pour mon
parcours.
95
- Alors donc maintenant au niveau de ORREA, quelles sont vos missions, les activités qui y sont 115 liées et du coup les compétences ?
- Alors en tant que Conseiller… là je parle en tant que Conseiller en Orientation et Insertion
Professionnelle sur des prestations d’accompagnement euh… « Demandeurs d’Emploi ». En tant que
Formatrice euh… donc là par rapport à des stages « Région » ou en tant que Formatrice auprès de 120 salariés sur de l’encadrement ou formation au « Management »…
- Oui donc vos missions. Quels sont les objectifs qui se rapportent à ces missions ? Les différents
rôles que vous avez et du coup les compétences qui se dégagent selon les activités que vous
exercez finalement… 125
- Alors les missions… je vais scinder au niveau de Conseiller en Insertion et Orientation et Formateur
sur des stages « Région » - qui concernent l’orientation et l’insertion professionnelle - moi ça je vais le
mettre dans une catégorie et après il peut y avoir aussi Formateur sur plus particulièrement du
« Management » et ça je le mettrais à part. 130 La mission c’est je dirais accompagner la personne ou un groupe - dans le cadre de stages - à définir et
clarifier son projet professionnel et aussi les étapes qui vont être liées à la mise en œuvre du projet
professionnel. Parce que je dirais que définir un projet professionnel en soi ce n’est pas compliqué. Ce
qu’il faut bien voir derrière c’est : « Qu’est-ce que je dois mettre en œuvre pour le concrétiser et le
réaliser ? » et là le delta peut être important en fonction des personnes, en fonction de ce qu’elles sont 135 et aussi de leur situation, de leur vécu et de leur expérience professionnelle. C’est l’une des grandes
difficultés parce que je dirais que ce n’est pas une question d’expérience, ce n’est pas une question -
enfin à mon sens - de formation ; c’est une question d’approche et aussi de prise de recul que l’on peut
avoir par rapport à la personne… on travaille sur de l’humain. En tant qu’être humain on peut avoir
des affinités plus avec une personne qu’avec une autre. Il ne faut surtout pas que ce genre d’éléments 140 entre en ligne de compte, sinon on se plante. On peut se planter même si on est vigilant parce que
quelque part l’objectivité doit être bien distincte de l’aspect affectif aussi.
Donc la mission c’est aussi, vis-à-vis de la personne que l’on accompagne ou d’un groupe… parce
qu’on peut aussi faire des choses extraordinaires et aider une personne à avancer sur son
positionnement professionnel tout en travaillant en groupe, ça c’est possible. C’est pas la même 145 démarche, c’est pas la même technique mais c’est tout à fait possible. C’est très récent qu’on intègre
plus d’individualisation. Mais pendant longtemps hein… on a travaillé de manière groupale, ça se
gère… mais ça se gère tout et autant que l’on peut mettre en question et que l’on s’interroge sur ce que
l’on fait et comment ça marche. On peut faire avec un groupe et fonctionner « du feu de Dieu » et
refaire la même chose avec un autre groupe et là ça ne marchera pas. Peut-être qu’on n’était pas en 150 forme ce jour là, peut-être que le groupe a une autre approche - un groupe ça vit aussi - donc dans les
missions moi je pense que ce qui est important quand on est Formateur ou Conseiller en Insertion
Professionnelle, ce qui fait partie de nos missions c’est aussi de se questionner, s’interroger et toujours
prendre du recul par rapport à nos propres pratiques, se dire : « Est-ce que là je ne fais pas fausse
route ? Est-ce que c’est la bonne méthode ». 155 Et c’est là aussi que l’échange avec d’autres personnes, d’autres collègues et d’autres intervenants
trouve son sens. On ne détient pas la vérité et encore une fois ce qui fonctionne avec une personne ne
fonctionnera pas forcément avec une autre. En matière d’orientation c’est la même chose : on peut
avoir deux personnes qui ont strictement la même expérience professionnelle - tout autant que ça
existe - on arrivera à des positionnements complètement différents. Parce que… il y a des paramètres 160 personnels, des paramètres de vie familiale, il y a des paramètres d’aptitudes, de capacités qui vont
être différents en fonction des personnes.
Donc… je dirais les missions par rapport à ça… euh… je répondrais plus par des qualités ; être
vigilant, prudent, d’être en capacité de faire la part des choses et puis d’être aussi humble par rapport à
ce que l’on propose et faire preuve aussi d’écoute active. 165 L’écoute active c’est aussi quelques fois savoir dire à la personne : « Ce que vous envisagez là ce
n’est pas réalisable du tout. » et expliquer pourquoi ou alors de la conduire à…. C’est aussi toute la
difficulté du Conseiller ; l’aspect idéal c’est d’amener la personne à prendre conscience, ça c’est
l’idéal. En tant que Conseiller ou que Formateur, on se doit de mettre œuvre les moyens pour que la
personne arrive par elle-même à cette conclusion. Quelque fois, c’est pas possible, donc là et bien il 170 arrive un moment où il faut dire à la personne : « Ecoutez, là non, c’est pas possible ».
96
- Alors au travers de quels actes vous réalisez ces missions-là ?
- Quels actes…? 175
- Oui, les actes, les outils…
- Je dirais l’outil premier c’est soit l’animation de groupe, soit l’entretien. Après euh… les techniques
et les outils et bien il peut y avoir des questionnaires, des supports internes qui sont à renseigner, des 180 tests, mais là aussi un test ou un questionnaire va vous donner un éclairage, ça ne vous donnera jamais
la réponse en tant que telle. Sinon c’est facile ; on met quelqu’un devant un ordinateur, il rentre les
données et il a la réponse.
Il faut aussi de l’échange, l’entretien ou aussi le groupe, l’animation. C’est ça aussi qu’est intéressant,
quand on est en entretien, on est à deux. Quand on est en groupe, on a le regard aussi des autres. En 185 tant qu’Animateur ou Formateur, on doit s’appuyer aussi sur les retours d’expériences, sur ce qui est
renvoyé par rapport à des questions et des interrogations. Et alors ce qui est extraordinaire, c’est quand
l’Animateur est là pour justement créer l’échange entre les participants et canaliser les échanges et que
les réponses sont faites par les participants ; ça quand ça se passe, c’est merveilleux. Donc la
technique c’est ça…mais moi je pense que ça ne s’apprend pas… 190
- Alors justement j’allais vous poser la question… les savoirs, savoir faire mobilisés par rapport
à ça ?
- J’ai une idée bien précise par rapport à ma formation ; la formation donne avant tout des repères, qui 195 vous permettent - quelle qu’elle soit hein - face à une situation donnée de trouver la solution. La
formation ne donnera pas la solution. C’est comme un livre de recettes de cuisine ; la formation moi je
l’apparente à un livre de recettes de cuisine : je ne cuisine pas beaucoup mais quand je cuisine, il me
manque toujours un ingrédient, même si j’ai bien préparé ou peu importe ! A un moment donné il va
me manquer un truc et puis concrètement là qu’est-ce qu’on fait ? Voilà. La formation c’est important, 200 ça donne une clé d’entrée ; ça ne prépare pas euh… on ne peut pas dire : « Voilà j’ai fait telle
formation maintenant je sais faire ça ».
Alors il ne faut pas non plus tout mélanger parce que quand je vous parlais des tests tout à l’heure par
exemple ; si je ne suis pas Psychologue de formation - « du Travail » ou « Clinicienne » -, c’est
quelque chose que je ne ferai pas et que je ne ferai jamais. Tout ça demande une formation et une 205 approche spécifiques, quand j’ai besoin je me fais expliquer comment euh… « Est-ce que c’est
mesurable ? Quel outils on peut utiliser ? » et si à ce moment-là un Conseiller a la compétence, il va
intervenir.
Donc là effectivement la formation peut donner la capacité mais sinon… non, on apprend avant tout
sur le terrain comme dans tous les métiers et puis par rapport à la prise de recul qu’on peut avoir par 210 rapport à sa propre pratique. Par l’échange aussi que l’on peut avoir avec d’autres personnes qui sont
intervenues. Chose toute bête ; présenter à un groupe la façon de faire un CV. Vous avez trois
Formateurs, vous aurez trois façons différentes de présenter la méthodologie du CV, il n’y en a pas
une qui sera forcément meilleure que l’autre.
Après on réagit aussi en fonction de ce que l’on est, en fonction de sa personnalité et quelques fois 215 aussi la technique c’est aussi de se dire : « Je n’y arrive plus, j’ai essayé avec telle personne ou tel
groupe mais ça coince ». Il vaut mieux se le dire et être suffisamment honnête vis-à-vis de soi. On
peut en discuter avec un autre collègue ou aussi quelques fois générer un entretien avec un autre
collègue et ça va permettre aux choses de repartir.
220 - Mais malgré tout est-ce qu’il n’y a pas quand même un certain nombre d’incontournables, de
pré-requis pour exercer ce type de métier ?
- Il faut avoir envie, c’est tout. Euh… surtout quand on travaille avec de l’humain, il faut avoir envie.
Alors après les envies elles peuvent être différentes d’une personne à une autre. Vous pouvez avoir 225 des personnes qui vont… quand vous leur demandez : « L’envie, c’est quoi ? », là vous pouvez avoir
des deltas et les envies ne sont pas forcément identiques.
Il faut avoir envie et il faut être curieux aussi. Parce que avoir l’envie sans être curieux… parce qu’on
découvre aussi la personne. Chaque parcours est intéressant et c’est pas une question de qualification
de la personne et quelqu’un qui est Manœuvre - et ce n’est pas du tout péjoratif ce que je dis - moi je 230 dirais… il apporte beaucoup ; par rapport à un mode de fonctionnement, par rapport à des
connaissances, par rapport à une façon d’expliquer euh… il peut apporter beaucoup plus que
quelqu’un qui sera « Cadre » par exemple.
97
Et puis il faut être curieux aussi donc avoir envie de connaître l’autre, celui avec qui on travaille et
aussi être curieux par rapport à une recherche d’informations. Je dirais les choses ne sont pas figées, 235 on ne peut pas tout connaître. Quand on vous dit : « J’ai telle formation », que se cache-t-il
derrière ça?
Maintenant on a des outils qui sont magiques pour ça, c’est Internet, il suffit d’aller voir tel cursus
pour savoir ce qu’il y a derrière. Ou tel métier, ou telle entreprise ; « Je travaille dans telle entreprise,
je travaille chez VEOLIA », « Oui VEOLIA je connais mais comment ils communiquent ? Qu’est-ce 240 qu’on dit sur eux ? Quelle est la culture de l’entreprise ? ». C’est important de savoir tout ça donc
euh…
- Est-ce qu’il y a des choses qui vous semblent vous manquer aujourd’hui ? Est-ce que parfois
vous vous dites : « Tiens, j’aurais bien fait telle ou telle chose pour me sentir plus à l’aise par 245 rapport à certaines situations », est-ce qu’il y a des choses sur lesquelles vous avez envie de
progresser ?
- Oui évidemment, plein de choses… il y a des outils par exemple. On peut toujours utiliser d’autres
outils ou se pencher sur de nouveaux outils qui vont faciliter le travail… quoique moi je suis quand 250 même très nuancée par rapport à ça parce que ça fait… moi je travaille depuis 91 ; ça fait… oui à peu
prés dix-sept/dix-huit ans que je travaille et bien le ROME existait mais pas dans sa version actuelle.
Je me souviens quand j’ai consulté le ROME pour savoir ce que c’était un Noyauteur, j’ai trouvé que
c’était bien fait et ça m’a bien aidée.
En terme d’outils, en terme de référentiels, il n’y avait pas tous les référentiels qu’aujourd’hui on peut 255 avoir et consulter. Est-ce que ça veut dire pour autant que le travail qu’on faisait en matière
d’orientation était mauvais ? Je ne suis pas convaincue.
Moi je sais qui m’a formée à ce métier, notamment une collaboratrice qui travaillait chez « Christian
Lucas-Conseil », c’était une personne qui avait travaillé dans une Inspection Académique, qui était
venue au travail sur l’Insertion et l’Orientation Professionnelles par le biais de la rencontre de 260 Christian Lucas et Christian Lucas, avant de travailler dans ce domaine-là travaillait dans le domaine
pharmaceutique et était responsable de zone, il gérait des Délégués Pharmaceutiques. Donc vous
voyez là on est aussi en terme de parcours sur des choses complètement différentes. Et donc moi c’est
cette personne qui m’a appris ce que je sais aujourd’hui et qui a été complété par je dirais l’expérience
et donc…par contre les outils… on n’avait pas autant d’outils qu’on en a là aujourd’hui. 265 Donc un outil reste un outil. Moi je me souviens de mes débuts en matière de… parce que quand on
oriente, quand on travaille sur ça, c’est une sacrée responsabilité, on se pose en permanence des
questions : « Est-ce qu’on fait bien ? Est-ce que… ». Bon… là l’enjeu il est important surtout quand
on débute, quand on n’a pas forcément une certaine expérience enfin… moi je me souviens que c’était
mon questionnement à l’époque et je croyais très naïvement qu’une orientation professionnelle euh… 270 il y avait un petit peu comme des schématiques !
Plus j’ai avancé par la suite et plus j’avance encore, je m’aperçois qu’il n’y a pas de schématique :
donc un outil reste un outil, aussi bon soit-il, il y a des outils qui sont meilleurs que d’autres mais ça
donne des éclairages et puis c’est tout.
Alors après il faut aussi être à l’écoute et savoir ce qui se fait et ce qu’on peut utiliser, effectivement 275 potentiellement il y a plein de choses. Donc ça peut porter sur par exemple : « Comment peut-on
travailler sur la représentation des métiers avec une personne ? Comment travailler sur leur formation
d’une autre manière ? Avec un public jeune, avec un public handicapé… ». Il y a plein de choses.
Aujourd’hui les outils existent mais ils sont assez standardisés finalement et après nous notre
quotidien c’est d’adapter, d’adapter par rapport à... quand vous avez un jeune qui a une 280 reconnaissance COTOREP et qui n’a pas de niveau de qualification bon, on peut faire des choses mais
après il faut recouper.
Alors quand vous voulez développer l’autonomie parce que c’est le but du jeu aussi ; les gens, on ne
les a pas en permanence, l’idée aussi c’est de les rendre autonomes par rapport à leurs démarches et à
leur positionnement. Donc il faut avant tout penser à des outils pour que quand ils se retrouvent seuls 285 ils puissent se débrouiller. Donc là quels sont les outils et les techniques qui sont les plus adaptés ? Il
faut les trouver aussi je veux dire. C’est aussi à chaque Conseiller, à chaque Formateur de tester.
98
- Là quelque part vous exposez un certain nombre de difficultés que vous pouvez rencontrer en
fonction des publics et donc des situations qui sont spécifiques à chaque fois, qu’est-ce qui vous 290 semble à vous le plus difficile dans votre métier ?
- Le plus difficile c’est d’avoir quelqu’un où l’on sent qu’il n’y a pas de retour, d’idée… ça arrive, ça
arrive très peu et là c’est terrible parce que on essaye plein de choses, ça marche pas. Quand on a tout
essayé, en passant aussi par un changement d’interlocuteur, ou quand on a mis la personne face à la 295 situation c’est-à-dire qu’on lui dit : « Ecoutez, là, moi je ne vois pas très bien comment on peut
envisager la suite parce que j’ai l’impression qu’il n’y a pas de retour de votre part. Vous pouvez ne
pas me répondre mais est-ce que… », donc on essaie de sonder aussi et ce n’est pas facile. Alors là
après, soit le déclic se fait, soit il ne se fait pas. S’il ne se fait pas… on ne peut pas plus non plus…
c’est la personne qui est actrice. Et ce n’est pas non plus une question de mauvaise volonté ou quoi 300 que ce soit, c’est qu’il doit y avoir un élément à côté duquel soit on est passé ou que la personne ne
veut pas, ne peut pas ou ne souhaite pas formuler. Ou la personne aussi est peut-être contrainte d’être
là. On peut déployer toute l’énergie possible et imaginable…
- Pour aller dans le plus positif cette fois quel est l’aspect de votre travail qui vous plaît le plus, 305 qui vous anime le plus ?
- C’est tout simplement quand les personnes me disent : « Merci ». Moi je trouve que quand on finit
un entretien et que la personne vous regarde en vous disant : « Merci » ou quand la personne qu’on a
accompagnée reprend contact et vous dit : « Voilà ce que je suis devenue » ou « J’ai besoin d’une 310 information » et bien ça c’est gratifiant, c’est un signe de reconnaissance.
Quelque part la personne a bien compris quel est notre rôle et ce qu’on peut lui apporter. Quand la
personne a retrouvé un travail ou qu’elle reprend un parcours de formation pour changer de métier et
bien quelque part, c’est aussi un signe de reconnaissance quand ça se fait. Quelques fois aussi, ça se
manifeste de manière différente : la personne peut nous envoyer un petit mot… ça peut prendre 315 différentes formes. Mais déjà, un entretien qui se finit par se dire au revoir et qu’on a un « merci »,
moi je trouve que c’est un signe de reconnaissance et c’est aussi une satisfaction personnelle. Je dis
toujours : « Quelque part c’est mon salaire ».
- Toute cette activité, c’est extrêmement complexe finalement, à la fois pour l’individu mais 320 aussi pour le Conseiller. J’entends dans ce que vous dites pas grand chose en termes de savoirs
« purs », de connaissances, est-ce que malgré tout vous parvenez parfois à vous dire : « Ah ça
c’est quelque chose que j’ai vu en telle année ou dans tel livre » ?
- Ah oui complètement. Mais pas forcément des savoirs auxquels on pense. Moi j’ai toujours travaillé 325 dans des structures qui intervenaient auprès de publics venant de secteurs d’activités
pluridisciplinaires ; tous secteurs d’activités confondus et tous niveaux de qualification confondus. Ma
formation, que ce soit en « Commerce International » ou que ce soit par la suite en « Gestion des
Entreprises » m’a énormément servi pour ; comprendre ce qu’était le monde de l’entreprise, faire des
rapprochements avec des aspects juridiques, législatifs - que ce soit en législation du travail ou que ce 330 soit législation par rapport au code du commerce ou…- ça m’a beaucoup aidée. Comprendre aussi les
aspects économiques par rapport au marché du travail ou la dimension multinationale des entreprises,
les modes de fonctionnement de l’entreprise.
En fait en résumé, mes formations m’ont appris à être curieuse et à avoir une ouverture d’esprit et
donc par rapport à ça c’est hyper important quand on travaille dans les « Ressources Humaines » 335 d’avoir une ouverture d’esprit. On peut l’avoir de différentes manières… mais donc là, par rapport à
mes deux savoirs… Alors après oui, en terme de savoirs très précis il y a « rédiger ».
« Organiser aussi sa pensée », « structurer sa pensée », on peut, et c’est pas forcément lié à de la
rigueur , on peut l’être mais pas trop car si on est trop rigoureux on devient rigide et si on est rigide on
n’a pas d’ouverture d’esprit et on n’a plus cette possibilité de laisser place à l’imprévu. Donc aussi 340 « savoir classer et organiser l’information », « savoir synthétiser », « savoir analyser ». Mais après on
va être sur des savoirs euh… l’utilisation de tests mais on va revenir sur des spécificités.
Il y a « savoir communiquer » aussi mais ça, je pense que ça s’apprend sur le terrain encore une fois.
Il faut faire une alchimie entre la théorie et ce que l’on est, et là, la formation elle est importante.
Pourquoi ? Parce que elle va donner des repères parce que quand on communique, et quand on met de 345 l’affectif, il va falloir prendre du recul par rapport à tout ça. Il y des jours où on est en forme et des
jours où on n’y est pas. Il y a des techniques aussi par rapport à tout ça et c’est bien aussi je pense
d’avoir des repères en matière de communication, en matière d’écoute par rapport à tout ça.
Moi je… je garde tout ! Et c’est vrai qu’il y a des choses que j’utilisais dans mes précédentes
entreprises et quelques fois en faisant du rangement il m’est arrivée de m’y replonger et je me dis : 350
99
« Tiens, ça je m’en suis un peu détachée alors que… » donc j’y reviens. Ou même pendant ORREA il
y a des choses que j’ai pu utiliser à un moment donné ou certains découpages et il m’arrive de les
relire en me disant : « Tiens, on s’en est un peu détaché » et ça permet d’avoir le repère. C’est
important je trouve parce qu’il ne faut pas non plus partir uniquement sur de la pratique. La notion de
cadre elle est importante ; c’est toute la difficulté en fait de ce métier. C’est d’être dans un cadre et par 355 rapport à ce cadre d’adapter en fonction de la personne et pas en fonction de soi.
- Pour terminer pouvez-vous me donner cinq termes pour me parler de votre métier ?
- Alors je dirai « Ecoute Active », ça c’est hyper important. « Objectivité », « Accompagner », 360 « Rendre Autonome », contribuer à… initier l’autonomie et puis euh… « Valoriser et Construire ».
Voilà, parce qu’en fait bien souvent la personne a une image ; elle peut avoir une mauvaise image
d’elle-même ou alors elle se dévalorise. Tout notre travail va être de valoriser sinon on ne peut pas
travailler sur le projet. Si une personne a une mauvaise image d’elle-même, elle ne peut pas envisager
l’avenir de manière constructive, donc ça c’est un préalable mais en restant objectif aussi ; il ne s’agit 365 pas de dire : « vous êtes le plus beau » ! Non, ça ne marche pas ça !
Voilà… mais il y en aurait d’autres !
100
ANNEXE N° 5
Entretien N° 4 5
- Est-ce que tu peux me parler de ta formation et de ton parcours professionnel ?
- Mon cursus ; alors en réalité j’ai passé un Bac G « Secrétariat », ensuite je suis allée en Angleterre 10 pour me perfectionner en Anglais, pour apprendre l’Anglais parce qu’en fait je voulais être Hôtesse de
l’Air. Donc j’y ai séjourné pendant une année et puis en revenant j’ai tenté le concours à AIR
FRANCE et ils m’ont dit que je n’étais pas retenue donc j’ai essayé de trouver un poste d’Hôtesse
d’Accueil dans une entreprise d’Import-export et j’ai… pendant que je travaillais j’ai préparé mon
diplôme de « Comptabilité » pendant deux ans pour obtenir un probatoire au DESCF à l’époque 15 c’était le DESCF. Entre temps j’ai reçu des nouvelles d’AIR FRANCE qui en fin de compte trouvait
que… j’étais retenue et donc il fallait que je continue les épreuves mais bon, j’étais repartie dans les
études de comptabilité et autres, donc j’ai laissé de côté AIR FRANCE.
Et puis ensuite j’ai passé mes examens, j’ai trouvé un poste dans une entreprise dans les « RH ».
L’entreprise en question c’était la Ligue Française de l’Enseignement et donc j’y suis restée trois ans 20 mais très rapidement j’ai réussi à gravir les échelons et je suis devenue Responsable d’un secteur
« Paye ». J’avais un secteur qui l’été représentait à peu prés mille cinq cent payes sur deux mois. Le
reste du temps c’était beaucoup plus calme il y en avait à peu prés trois cent, sauf pendant les périodes
de Noël et Pâques où ça redevenait un peu plus important.
Ensuite, pour des raisons personnelles, nous sommes revenus en Normandie avec mon mari. Mon 25 mari est Commerçant et donc je l’ai aidé pendant un laps de temps assez important - sept ans - dans sa
vie professionnelle, j’étais « Conjoint Collaborateur ».
Ensuite j’ai cherché du travail et j’ai voulu me faire plaisir ; j’ai une passion c’est la décoration
d’intérieur et j’ai trouvé un poste dans un magasin du Havre qui est très renommé et j’y suis restée
pendant sept ans en tant que Assistante Commerciale Administrative. J’avais un poste de… d’ailleurs 30 d’ « Agent de Maîtrise » et là je me suis régalée vraiment, je me suis fait très très plaisir parce j’ai
appris plein de choses dans le domaine de la déco en plus mon employeur m’emmenait dans les salons
à Paris etc… J’ai vraiment vu des choses fabuleuses et puis j’ai rencontré des gens qui avaient les
moyens de s’offrir des choses vraiment magnifiques, des choses qu’on n’imagine même pas.
Donc au bout de cinq ans par contre il avait été obligé déjà de se séparer de pas mal de personnes et je 35 crois d’ailleurs… oui je suis sure que j’étais la dernière à partir. Il a été obligé de me licencier
également pour raison économique.
Donc là je me suis dit qu’il fallait que je reprenne les choses en main ; la déco c’était bien mais sur Le
Havre c’était un petit peu bouché. J’essayais de voir ce qui m’avait intéressée au cours de ma brève
carrière professionnelle et c’était les « RH ». J’ai alors essayé de présenter ma candidature pour 40 essayer de préparer une Licence Pro à l’Université du Havre. En 2005 donc voilà j’ai passé une
Licence « RH »… c’était le GERFO à l’époque.
Et ensuite j’ai rencontré au cours de cette formation des gens qui étaient en Insertion. J’avais déjà fait
de l’Insertion en fait de manière bénévole et ils m’ont reparlé de leur travail dans l’Insertion et je me
suis dit : « Vraiment ça me plairait, j’ai vraiment envie dans la dernière partie de ma carrière 45 professionnelle de me faire plaisir et de m’orienter plus vers l’Insertion ».
J’avais comme professeur à l’Université qui nous enseignait tout ce qui touchait aux formations qui
est madame Lang et qui est Conseillère à l’ANPE Ville-Haute, à qui j’ai confié mes souhaits de
m’orienter vers l’Insertion, qui m’a dit qu’elle m’aiderait à trouver l’entreprise. Lorsque j’ai terminé
mes études je me suis donc tournée vers madame Lang et je l’ai un petit peu « harcelée » pour qu’elle 50 m’aide à trouver des entreprises et en l’occurrence c’était ORREA et à l’époque c’était Monique ! J’ai
donc passé un petit coup de fil à Monique en lui disant que bah voilà je serais très intéressée pour
devenir Conseillère en Insertion Professionnelle et puis elle a accepté de me rencontrer, on en a parlé
ensemble.
Dans un premier temps il était convenu que je sois embauchée dans le cadre d’un Contrat de 55 Professionnalisation parce que j’avais quand même plein de choses à apprendre. Donc j’aurais suivi
une formation à l’AFPA - j’avais entamé les démarches déjà pour l’AFPA - et puis j’ai travaillé
pendant pas mal de temps en binôme et puis un jour, Monique m’a dit : « Ecoutez la formation à
l’AFPA… après tout, nous, on est Centre de Formation donc on va laisser tomber et puis on va vous
former nous-mêmes ». Et il y a de ça maintenant trois ans. Enfin… un petit peu moins puisque je suis 60 rentrée en novembre 2005.
101
- Alors est-ce que tu me parler de tes missions, de tes objectifs dans le cadre de ton travail, des
activités justement par lesquelles tu honores ces missions ?
- Donc chez ORREA, j’ai pour mission d’aider les gens dans leurs démarches de recherche d’emploi. 65 Dans le cadre d’ « Objectif Emploi », qui sont des prestations qui nous sont préconisées par les ANPE
du Havre et de sa région.
J’œuvre également sur des « Objectif Projet », donc là pareil : des prestations qui nous sont attribuées
par les ANPE.
Ensuite je réalise également des « Bilans de Compétences Approfondis » qui sont toujours en 70 prestation ANPE.
J’interviens également dans les ateliers au sein des ANPE, atelier « MADEO ». « MADEO » c’est le
logiciel ANPE sur lequel on recherche des offres et aussi d’autres informations, notamment au niveau
de la formation etc… Donc j’interviens ponctuellement dans les ANPE qui le souhaitent, sur un
planning bien déterminé un mois à l’avance pour aider les gens qui arrivent sur le flux dans les ANPE 75 et qui viennent chercher des offres et qui ne savent pas forcément utiliser ce logiciel.
Je peux intervenir également sur des ateliers pour réaliser des CV et des lettres de motivation, pour
préparer des gens à l’entretien d’embauche.
Il y a également l’atelier ANPE auquel tu as assisté la première fois qui est l’atelier « FPAD », donc là
c’est un petit peu différent ; l’ANPE convoque les gens pour que l’on fasse ensemble le point sur leurs 80 démarches de recherche d’emploi.
Ce que je faisais et que nous n’avons plus en ce moment ; je réalise également des « ECCP » ; des
« Evaluations de Compétences et de Capacité » pour les Opérateurs pour tout ce qui est « Secrétariat »
et « Comptabilité », jusqu’à Aide-comptable, d’accord ? Et j’ai également participé à des « ECCP »
sur place dans les entreprises, notamment chez NESTOR NELSON qui nous en avait fait la 85 demande pour un poste bien précis ; c’était pour un poste d’Assistant Téléopérateur.
Voilà je crois que j’ai fait le tour…
- D’accord donc toujours avec le même objectif ; aider…
90 - Aider les gens, soit à retrouver un emploi, ce qui fait partie des demandes les plus fréquentes et
trouver dans ce cas une formation. Soit faire le point sur leurs compétences acquises lorsque je réalise
des « ECCP ». Voir si les compétences sont suffisantes pour aller directement à l’emploi ou bien s’il y
a un besoin de formation.
95 - Concrètement, quelles activités sont liées à ça ? Quelles activités dois-tu mener dans ces
cadres-là ?
- Dans toutes les prestations que j’ai précitées - sauf les « ECCP » où on ne passe pas de temps à
écouter la personne puisqu’elle est là dans un but bien précis, l’évaluation, mais dans toutes ces 100 prestations précitées c’est vrai que dans un premier temps, il y a un gros gros travail d’écoute parce
que les gens qui sont sans emploi en général ont perdu confiance en eux et parfois sont aussi en
difficulté dans leur vie privée, dans leur vie de tous les jours.
Ils ont besoin d’une oreille, ils ont besoin qu’on les mette en confiance déjà, il faut qu’ils soient un
petit peu plus surs d’eux pour essayer de retrouver un travail. Bien souvent la vie a fait en sorte qu’ils 105 se dévalorisent énormément et le fait qu’ils se dévalorisent les bloque. Il est donc évident qu’ils ne
peuvent absolument pas être compétents et compétitifs sur le marché de l’emploi. Donc ça c’est
vraiment le premier aspect, la première chose à mettre en place c’est de rassurer la personne et de lui
redonner confiance en elle.
Et puis dans un deuxième temps on va travailler sur la « Technique de Recherche d’Emploi » ; tous 110 les outils dont elle peut avoir besoin pour rechercher un emploi, c’est-à-dire de faire un CV qui soit en
parfaite adéquation avec son parcours et puis qu’elle puisse aussi le défendre devant un employeur
sans en rajouter sans vouloir mettre des choses qui pourraient la gêner. On enlève parfois des choses
pour lesquelles on pourrait apporter… qui pourraient susciter des questions qui la mettraient dans
l’embarras. Donc le CV qui se colle parfaitement à son parcours et à ce qu’elle a envie de dire à 115 l’employeur. Donc ça c’est la première étape donc, le CV.
On va aussi leur apprendre à travailler sur la lettre de motivation, la lettre de candidature spontanée.
On va également cibler les entreprises qui seraient susceptibles de les embaucher, de les intéresser
parce que faisant partie des domaines dans lesquels elles ont déjà travaillé ou pour d’autres critères…
des critères de secteur géographique. 120 Et puis ensuite - toujours en restant dans les « Techniques de Recherche d’Emploi » - ça va être
l’entretien, on va leur expliquer, leur montrer comment se présenter et puis bien sûr utiliser le logiciel
« MADEO ».
102
Notre récompense à nous en fait c’est quand ils sont arrivés à l’emploi et voilà… ça fait très plaisir.
Bon parfois ça se produit mais trois mois après la prestation on envoie un petit suivi pour faire le 125 point, que la personne nous envoie un retour de sa situation et si au retour de ce suivi on a une réponse
nous disant qu’elle est en emploi et bien on est ravi. Si toutefois elle est en emploi avant la fin de la
prestation ça nous fait vraiment plaisir parce que c’est ce pour quoi on œuvre. Voilà…
- Mais il y a quand même un envers du décor si je puis dire avec tout ce côté administratif, avec 130 l’ANPE…
- Alors oui, ça je ne l’ai pas abordé mais ça prend beaucoup de place dans notre quotidien. Donc la
partie administrative est très lourde effectivement. Quand les personnes nous sont envoyées, il y a un
rendez-vous de pris par notre collègue et dès que la personne entre pour son premier entretien, on doit 135 en faire part à l’ANPE. On doit faire remplir un contrat également à la personne qui rentre en
prestation euh… on doit renvoyer la copie avec le fax d’entrée à l’ANPE et on doit noter à chaque
rendez-vous ce qui a été fait avec la personne… un suivi dans son dossier pour être sûr d’avoir tout
abordé. On n’aborde pas les choses dans le même sens selon la personnalité, selon les urgences - il y a
parfois des choses à faire avant d’autres - donc… qu’est-ce qu’il y a d’autres… ? 140 Oui, donc quand la personne s’arrête en cours de route parce qu’il y a aussi des gens qui abandonnent
ou qui ne peuvent plus venir parce qu’elles ont des problèmes de santé… enfin il y a des tas de
raisons, on doit en faire part à l’ANPE et renvoyer un fax pour prévenir de l’arrêt de la prestation, on
doit également remplir un dossier qui s’appelle un « Bilan d’Accompagnement » sur lequel on va
répertorier le numéro de code ROME dans lequel la personne s’est inscrite enfin… positionnée et on 145 doit expliquer sur ce petit bilan tout ce qui a été fait pendant la prestation et tout ce que la personne
devra faire après. Voilà, je crois que j’ai fait à peu près le tour…
Et alors quand il y a de l’ « ECCP » alors là il y a moult exemplaires pour la personne, pour l’ANPE
qui l’a préconisée parce que l’ANPE doit aussi être informée du niveau de la personne. Euh… et puis
beaucoup de documents à remplir oui… il doit y avoir à peu près deux dossiers avec tout le détail de 150 la fiche ROME que l’on doit disons compléter pour savoir si la personne a toutes les compétences et
les capacités. Des fax d’entrée, retourner les résultats… et ensuite envoyer tout ça à Pont-Audemer.
Pour le « Bilan de Compétences Approfondi », « Objectif Projet » et « Objectif Emploi » c’est la
même chose, l’administratif concernant le « BCA » est un petit peu plus long mais c’est sur la même
fiche donc euh… 155
- Donc là tu m’a parlé dans un premier temps d’écouter la personne, après il y a les histoires de
motivation etc… tout l’accompagnement finalement et donc tout l’administratif ensuite ; tout
ça, ça fait appel à quels savoirs, quelles compétences, quelles qualités ?
160 - Tout ce qui relève du face à face avec la personne fait appel à des qualités d’écoute, il faut vraiment
être disponible à cent pour cent pour la personne quand elle est là, faire complètement abstraction de
ses petits soucis de ses petits « bobos » etc… ce n’est que la personne qui est en face qui compte.
Il faut avoir aussi un sens de l’organisation parce que c’est vrai que si on se laisse envahir au niveau
administratif alors là, on est perdu ! 165 Il faut aussi avoir parfois, en ce qui concerne la personne… disons, il faut aller au delà de notre
travail, de ce qui nous est disons… attribué par l’ANPE. Bien souvent, il faut rechercher d’autres
problèmes, il y a des problèmes qui sont sous-jacents et qui n’apparaissent pas au prime abord donc il
faut bien mettre la personne en confiance pour parler de ces ennuis-là et puis il faut essayer de l’aider
à les résoudre au maximum sans avoir de préjugés et d’a priori parce qu’on n’est pas là pour juger 170 quoi que ce soit.
Au niveau des qualités, il faut être attentif aux autres mais ça… c’est évident ! Très respectueux aussi
et avoir le sens de la confidentialité ; il y a des choses qui nous sont confiées et qui ne doivent pas
sortir de la pièce.
Et puis je crois qu’il faut aimer les gens tout simplement. Pour faire ce travail-là si vous n’aimez pas 175 les gens… enfin ça ne s’invente pas. J’imagine celui qui n’a rien à faire de son prochain faire ce
travail-là, mais ce doit être éprouvant sur toute la journée ! Toute la journée on voit des personnes
différentes nous raconter leurs problèmes etc… donc on ne s’oblige pas, on le fait naturellement, on
les écoute, on essaye de les aider donc il faut que ce soit complètement naturel.
180
103
- Est-ce que parfois tu fais des liens avec ce que tu as fait précédemment au niveau de ta
formation, est-ce qu’il y a des choses qui te reviennent ?
- Oui tout à fait, notamment au niveau du droit du travail ; les gens quand ils arrivent ici parfois ils ont
été licenciés… ce sont des licenciements abusifs parfois tout simplement, ils ne connaissent pas 185 forcément leurs droits même au regard de l’ASSEDIC ou autres et sans arrêt je fais appel à mes
connaissances dans le domaine du droit du travail… oui ça c’est…
Notamment au niveau de la paye. Il m’arrive parfois d’avoir des gens qui me disent : « Oh là, là, je
gagnais ça mais il y avait ça, ça et ça et je n’ai jamais été payé ". Par exemple pour le « solde de tout
compte ». Je leur dis : « Non effectivement, vous auriez dû percevoir ça. ». Ce cas m’arrive souvent 190 avec les jeunes étrangers qui travaillent en intérim et qui ne savent pas bien pratiquer le français et
c’est vrai que les agences d’intérim ne sont pas vraiment disons… très très rigoureuses dans
l’établissement des bulletins de salaire. Donc il m’est arrivé de téléphoner à une agence d’intérim pour
réclamer par exemple une prime de précarité qui n’avait pas été versée en fin de contrat d’intérim ou
des choses comme ça. 195 Donc là oui je fais souvent appel à mes connaissances dans le domaine « RH », dans le domaine du
droit du travail. En « Comptabilité » aussi quand je fais de l’ « ECCP » puisque je corrige des
exercices de « Comptabilité ».
- Est-ce que tu considères qu’il y a un travail collaboratif, un esprit d’équipe qui sont 200 nécessaires au bon fonctionnement de tout ça ?
- Ah complètement, oui. C’est un travail individuel mais c’est aussi un travail d’équipe ; ici on vient
d’horizons complètement différents. J’ai trois de mes collègues qui viennent du domaine plutôt
« Psy » et vers qui je vais quand j’ai des interrogations. J’ai besoin de leur aide pour savoir si je vais 205 dans le bon sens ou si je ferais mieux d’aller dans ce sens-là… parce que j’ai telle ou telle
problématique.
Donc à ce moment-là on en parle, on en échange et parfois l’échange se fait aussi en sens inverse au
niveau des « RH » etc… Parce qu’on a toujours peur dans ce travail d’avoir un petit peu la « tête dans
le guidon » et de raisonner par rapport à notre vécu, par rapport à notre savoir… c’est limité, il ne faut 210 pas se voiler la face !
Chacun a des horizons différents, un savoir complètement différent et une ouverture d’esprit
différente. Je peux échanger avec les personnes et puis me conforter dans les directions que je fais
prendre… ah oui moi je trouve que c’est un travail d’équipe. On en parle sans arrêt, c’est soit le
matin, en pause le midi ou bien souvent en salle informatique quand il n’y a plus personne à 16h45… 215 on discute, ou bien quand on a un moment de libre dans la journée.
Et puis c’est vrai que chacun a son parcours et son expérience et il peut aider dans des domaines qui
sortent de l’Insertion… voilà.
- Est-ce que justement, par rapport au fait que évidemment tu n’as pas les solutions à tout, est-220 ce que tu te dis que tu aimerais reprendre une formation dans tel ou tel domaine, ou que tu
aimerais te documenter sur tel ou tel aspect ? Est-ce qu’il y a des choses que tu aimerais
compléter ?
- Oui tout à fait ; on a un outil merveilleux aujourd’hui, c’est Internet. Quand on a des doutes, des 225 manques, on peut aller vite rechercher sur Internet. C’est vrai que moi cette année j’avais repris une
formation parce que je n’aime pas trop parler en public, donc je voulais me parfaire dans ce domaine-
là et j’ai envisagé aussi reprendre une formation pour préparer un Master « RH ».
Je ne sais pas si je le ferai mais je me demande aussi parfois si… je me dis qu’une formation dans le
domaine « Psy » ne me ferait pas de mal non plus. Il y a certaines formations qui sont accessibles 230 même si on n’a pas suivi ce cursus auparavant. Donc c’est vrai que j’ai toujours envie de me remettre
en question pour avancer, pour… être plus performante tout simplement. Pour essayer d’apporter un
petit peu plus de mes connaissances aux gens que je rencontre.
104
- Quel est l’aspect le plus difficile à gérer dans ton travail ? Alors ça peut être n’importe quoi… 235 à la fois par rapport aux gens que tu rencontres, aux tâches aussi que tu as à effectuer ou dans
ta dimension personnelle des choses qui te poseraient plus problème…
- Très honnêtement ce qui est très difficile pour moi c’est quand les gens que j’ai en face de moi ne
sont pas biens parce qu’ils vivent quelque chose que j’ai vécu moi aussi et qui m’a fait mal. Donc là, 240 on se met à la place de la personne et on se dit : « Oui, mince c’est vrai c’est dur ».
Il y a aussi une chose que je déteste par-dessus tout, c’est quand je fais mes évaluations "ECCP".
Quand la personne est « moyenne » mais « moins ». « Plus », ça va, c’est très facile de noter et de
donner une appréciation. Mais une « moyenne » un petit peu moins que la moyenne, quand je suis
obligée de faire en sorte disons… que ça ne passe pas, là ça me dérange. Parce que je me remets 245 beaucoup en question. Je me dis que c’est peut-être parce que cette journée-là il n’était pas bien, peut-
être qu’avec un petit quelque chose en plus ça aurait pu passer, je suis toujours énormément… mais ça
me met vraiment dans l’embarras.
Alors en général, je ne note pas dans la journée même ; j’attends de passer une nuit, j’y réfléchis parce
que des fois ça m’empêche même de dormir et alors après je donne ma note qui doit être en dessous 250 de la moyenne.
J’ai dû le faire encore dernièrement, c’était pour une « ECCP » qui avait été commandée par CAP
EMPLOI, pour une personne qui avait un handicap et si elle réussissait cet « ECCP » et bien elle avait
un emploi derrière. Mais ça n’a pas passé, il manquait quelques points, j’ai dû mettre une note en
dessous de la moyenne mais j’avoue que j’en ai parlé à mes collègues et elles m’ont dit : « Oui oui il 255 faut que tu y ailles, c’est mérité, si tu ne le fais pas il aura une place qu’il n’aura pas méritée alors… ».
Mais ça, vraiment ça me torture, c’est quelque chose qui me torture. Quand les résultats sont parfaits
et qu’ils sont bons et bien c’est génial parce qu’on met une bonne note ; on sait que les gens derrière
vont peut-être trouver du travail grâce à ça… ça fait plaisir quoi. Quand ils sont « moyens/biens », ça
va encore, quand ils sont « mauvais », on met une mauvaise note mais on sait que de toutes façons ça 260 ne passait pas, mais quand c’est très moyen…
Et celui que tu préfères alors… ?
- Celui que je préfère ? En fin de compte, c’est quand… la première fois que je rencontre la personne. 265 J’aime bien la première fois que je rencontre la personne ; je me dis que je vais encore découvrir
quelqu’un d’autre. Et puis… avoir une autre expérience parce qu’à chaque fois c’est une nouvelle
expérience en fait parce que chacun est différent, a un parcours différent, une façon d’aborder les
choses différente. J’aime bien cet aspect « découverte de la personne » oui.
270 - C’est de la curiosité…
- Oui c’est de la curiosité tout simplement. Et puis bon, quand la personne sort et qu’elle a trouvé du
travail grâce à nous, ça c’est super, ça aussi c’est un aspect que j’aime beaucoup.
275 - Tu m’as beaucoup parlé de la dimension individuelle, mais au niveau de la dimension
groupale ; est-ce que c’est le même travail ? Est-ce que ça fait appel à des compétences
différentes ? A des connaissances différentes ?
- J’ai pas l’impression que ça fait appel à des compétences différentes, moi j’interviens très peu sur les 280 groupes en fait, j’ai des groupes lorsqu’il y a des regroupements collectifs, ça ne va jamais au-delà de
cinq personnes - cinq/six personnes c’est le maximum - ou alors j’interviens au niveau des groupes
avec des « Cadres » et parfois c’est vrai qu’il y a des groupes qui vont jusqu’à… la dernière fois il y
avait seize personnes, ça fait une salle bien remplie.
Je ne sais pas si… enfin le public « Cadre » est quand même un peu différent, un public « Cadre » qui 285 est au chômage et qui suit une prestation chez nous dans le cadre d’un « Objectif Emploi » a vraiment
envie d’aller très rapidement vers l’emploi. Sachant qu’un « Cadre » en général reste au chômage
pendant une année ; il aura envie d’être… enfin de ne pas faire partie de ceux qui sont dans cette
moyenne-là. Ils ont envie du retour vers l’emploi très rapidement. Ce sont des gens qui ont soif de
conseils, qui sont très attentifs, qui sont efficaces. 290 Dans une salle si tu dois gérer un groupe, même s’ils sont nombreux comme ils l’étaient la dernière
fois, ça se gère très bien parce qu’ils s’auto-disciplinent en fait. Et là j’avoue que je n’ai pas besoin de
compétences complémentaires. Naturellement ils s’auto-disciplinent, entre eux d’ailleurs il y a des
altercations parfois parce qu’ils n’ont pas entendu ce qu’on énonçait et que ça les intéresse ; ça se
passe merveilleusement bien donc j’ai que cette expérience au niveau du groupe. Moi je n’interviens 295 pas sur les « CPPH », c’est très souvent sur des regroupements de cinq/six personnes.
105
- Au niveau du bilan, est-ce qu’il y a des choses particulières qui ressortent… au niveau du
"BCA" ?
- Il y a la première partie que l’on appelle donc « l’investigation ». C’est une partie où la personne va 300 devoir mettre toutes les choses à plat, non seulement sur le plan professionnel mais sur le plan
personnel et même d’ailleurs se faire évaluer par quelqu’un de son entourage. Donc bien souvent ça
va lui faire beaucoup de bien parce qu’en général, les gens se sous-estiment. Elle va s’apercevoir que
la personne à qui elle a demandé l’évaluation va l’avoir pas sous-estimée mais estimée à sa juste
valeur. Et donc ça, c’est vrai que ça tire vraiment les gens par le haut et que en général, les gens qui 305 ont fait un « BCA » ont repris totalement confiance en eux alors qu’avec l’ « Objectif Emploi », il n’y
a pas cet aspect « auto-évaluation », « remise en confiance » etc…
Nous on le fait systématiquement bien sûr à travers d’ailleurs une petite auto-évaluation avec le
« Bilan Personnel et Professionnel » mais c’est moins profond, ça va moins… chercher les choses au
cœur du problème qui en général est le manque de confiance etc… De toutes façons, quand on est… 310 malheureusement tout le monde est passé par là et quand on est « Chômeur », « Demandeur
d’Emploi », on a perdu totalement confiance en soi et puis la société aussi fait qu'on est quand même
quelque part…pas en marge de la société mais disons… sur une pente que les autres n’aimeraient pas
et puis on est un peu mal jugés etc… Il y a tout ça à évacuer et le Bilan de Compétences fait bien les
choses en ce domaine parce que dès le départ, on remet tout ça à plat. 315 Donc la personne repart plus confiante en elle et ensuite on peut se projeter sur des métiers auxquels
elle n’aurait pas pensé parce que justement elle se dévalorisait, elle se disait pas capable de reprendre
une formation ou d’aller vers ce métier qui lui semblait inaccessible.
- Et toi, tu fais des choses particulières par rapport à ça ? Est-ce que tu redoubles d’énergie 320 pour aller au cœur de ces choses-là ou…
- J’essaye, j’essaye mais ce n’est pas toujours évident, la personne n’est pas toujours d’accord mais
dans la mesure du possible j’essaye d’aborder tous les problèmes qui peuvent me venir à l'esprit
concernant la personne. 325
- Donc ça amène plus de travail que les autres…
- Non pas plus de travail mais on va intervenir différemment et puis déjà on va être trois heures avec
la personne alors que sur les autres prestations, on intervient pendant une heure. Donc trois heures 330 avec la personne… au bout d’un moment quand même, elle a besoin de parler de… se soulager de tout
ce qu’elle a sur le cœur et de tout ce qu’elle a accumulé depuis quelques temps. De toutes façons, c’est
très très souvent la synthèse de ce que nous donne la personne quand on a terminé le bilan ; elle nous
dit : « Vous m’avez redonné confiance en moi, si vraiment je n’avais pas fait ce BCA, je n’aurais pas
fait telle ou telle chose que je viens d’entreprendre ». C’est vraiment le but en fait. 335
- Et ça, ça marche avec…
- Il y a aussi une chose qui intervient parce que malgré tout on est que des êtres humains et puis
parfois il y a le courant qui ne passe pas tout simplement. Qui va passer mieux avec une collègue et 340 pas avec le Conseiller qui a été disons… déterminé pour la personne. Alors la personne elle va faire
disons un premier pas mais ne va pas se libérer plus et on va moins bien avancer. Alors que si la
personne est bien en confiance, si on se plaît tout simplement - je suis désolée d’employer ce mot là
mais il doit y avoir de part et d’autre une appréciation - et je pense que dans ce cas-là, on avance
beaucoup plus. On va plus au fond des choses. 345
- Pour finir, peux-tu me donner cinq termes pour me parler de ton travail ?
- Et bien moi c’est « Passion » ; c’est une passion tout simplement parce que comme je le disais tout à
l’heure si ça ne l’est pas, ça doit vraiment être un corvée. 350 J’adore mon travail, j’y rencontre des gens extraordinaires, vraiment. C’est vrai que depuis que je
travaille ici j’ai rencontré des gens vraiment… des gens extraordinaires mais vraiment dans n’importe
quel domaine. Que ce soit dans leur vie professionnelle comme dans leur vie privée. J’ai rencontré des
gens fabuleux.
355 - Donc « Passion »…
- Des rencontres aussi…
106
- Donc « Passion », « Rencontres »… 360
- Oui et quoi d’autre… ? Le travail d’équipe, oui parce que le travail d’équipe qui est réalisé est très
très très enrichissant.
- Donc on a « Rencontres », « Passion », « Equipe »… 365
- Moi je me dis que mon travail est très "Enrichissant" quand j’ai réussi à aider quelqu’un…
franchement je me dis que je ne pourrais pas avoir un travail plus enrichissant sur le plan personnel.
Mais c’est aussi un travail très « Prenant » parce que parfois il est aussi difficile de laisser le soir au
bureau… parfois on part avec dans la tête plein d’images de la journée, qu’elles soient bonnes ou 370 mauvaises et c’est un travail qui est quand même très prenant.
107
ANNEXE N° 6
Entretien N° 5 5
- Dans un premier temps, est-ce que tu peux me parler de ton cursus universitaire, de ton
parcours professionnel ?
10 - D’accord. Alors donc j’ai fait Bac B sur Le Havre, derrière j’ai fait l’Ecole de « Psychologue
Praticien ». L’Ecole de « Psychologue Praticien » c’est une école qui est située sur Paris ; il y en a
deux en France, il y en a une sur Lyon ou Toulouse - ce doit être Lyon plutôt - et donc elle a pour
particularité que tu es en stage… première et deuxième année ce sont les mois d’été et la troisième
année c’est un jour à trois jours par semaine sur toute l’année scolaire. 15 C’est un diplôme, donc un « Bac +5 », qui est reconnu par l’Etat et qui donne le titre de
« Psychologue Clinicien » avec une option « Psychopathologie ». Voilà pour la formation.
Ensuite au niveau de l’emploi et bien j’ai travaillé immédiatement après le diplôme sur des petits
contrats donc ça a toujours concerné l’Insertion et au début, les deux premières années, c’était des
petits contrats sur des structures spécialisées sur l’insertion des publics migrants donc « Adultes ». 20 Ensuite, j’ai eu un premier grand contrat qui était un CDD de six mois au départ qui s’est transformé
en CDD d’un an sur une « Plateforme de Mobilisation ». La « Plateforme de Mobilisation » c’est une
action qui apparaît avant un pré-qualifiant. Elle porte assez bien son nom, ce sont des jeunes - public
« Mission Locale » - qui sont en difficulté d’insertion sociale pour la plupart, donc il s’agit de
retravailler et bien… les codes, le comportement, le projet, remise à niveau et projet collectif ; donc 25 c’est beaucoup de montages de projets pédagogiques type « voyage de fin d’année » avec financement
avec etc… Donc là, sur Villiers-Le-Bel qui était déjà un quartier sensible et puis après ça… là je suis
entrée en Mission Locale.
Donc je suis entrée Conseiller « Niveau un », au début j’ai fait vraiment du suivi ; entretiens
individuels etc… et puis ensuite j’étais Conseiller « Niveau deux » et puis ensuite Chargée de Projet 30 voilà.
Les projets sur lesquels j’ai travaillé plus particulièrement ; donc il y avait ce qu’on appelait à
l’époque - ça a changé de nom - ça s’appelait « Atelier Découverte des Métiers » ; il s’agissait de
recevoir des groupes d’une dizaine de jeunes et là on travaillait exclusivement sur le projet, c’était une
formation qui était assez complète ; ils passaient le « NV7 » et il y avait des outils qu’on avait créés en 35 interne. Tout ça donc était validé par des périodes de stages. Voilà.
Ensuite j’ai travaillé sur des « Actions Journée » ; donc c’était « SIDA », c’était « La journée de la
femme », en novembre il y avait « Luttes contre les discriminations »… voilà donc tout était ponctué
dans l’année comme ça.
Ensuite j’ai travaillé sur… là c’était un plus gros projet qui concernait un forum-emploi sur la ville de 40 Sevran et puis aussi sur le financement du permis de conduire puisque nous on était situé au pied de
Roissy et le frein majeur évidemment c’était le permis.
Et ensuite donc j’ai travaillé dans un tout autre domaine. J’ai fait un « break » de huit-dix mois pour
revenir ici à ORREA et donc je suis arrivée depuis… 2006.
45 - Donc à ORREA, tu as donc deux rôles d’après ce que j’ai pu voir ; le rôle de Conseiller et le
rôle de Formatrice…
- Oui, euh… Formatrice c’est de façon vraiment très exceptionnelle finalement.
50 - Mais par rapport à la dimension « Région » ?
- Oui mais moi je suis sur deux actions « Région » en fait donc très très peu… Bon là, il se trouve que
oui, sinon de manière générale non. Mais moi j’interviens donc dans toutes les prestations ANPE
euh… donc « Objectif Projet », « Objectif Emploi », « Bilan de Compétences Approfondi » et puis sur 55 toutes les formes de Bilan de Compétences, que ce soit entreprise, que ce soit Fongécif, que ce soit
intérim, que ce soit etc… Je participe aussi aux actions de recrutement et puis ensuite - toujours sur
l’ANPE -, il y a des actions « Cadres », des actions « Jeunes Diplômés » et puis une action aussi avec
la MEF du Havre avec des jeunes en quartier sensible.
60
108
- Alors par rapport à tout ça, est-ce que tu peux me décliner les différentes missions et les
objectifs à atteindre ?
- Alors quelles que soient les actions sur lesquelles on travaille, toutes les actions portent de toutes
façons sur l’identification des compétences ; s’il y a un tronc commun à toutes les actions ça va être 65 l’identification des compétences.
En recherche d’emploi et bien ça paraît évident, c’est la mise en valeur des compétences. Sur le
« Recrutement » c’est l’identification des compétences pour pouvoir sélectionner un candidat, sur
toutes les actions plus liées au projet il s’agit d’identifier les compétences actuelles pour pouvoir faire
en fait ce qu’on appelle la « transférabilité » sur un autre métier. Tout ça c’est je dirais, le grand point 70 commun après si on reprend action par action, les objectifs ne sont pas les mêmes et là après il faut
vraiment qu’on rentre dans le détail de toutes les actions… Je ne suis pas sure que ce soit ce dont tu as
besoin…
Donc voilà ça, c’est le tronc commun ; l’identification des compétences après dans mes missions il
s’agit d’accompagner les personnes. C’est-à-dire que tout le travail que l’on va faire, le travail 75 d’analyse, c’est une chose ensuite la chose la plus importante - enfin à mes yeux - c’est que les
personnes qu’on reçoit - les bénéficiaires - puissent s’approprier les résultats de cette analyse et les
différents outils qu’on va mettre à leur disposition.
Donc moi je sais que souvent je me présente comme un « outil » en fait. Moi je sers de point de
repère, un petit peu de guide mais après on ne peut pas faire les choses pour eux, donc voilà, il s’agit 80 de les aider à repérer et à trouver des outils et des éléments qui vont faire le succès de leur recherche
d’emploi.
Ensuite… après je dirais que ça dépend des publics mais on a une mission qui est certainement… qui
n’est peut-être pas officielle mais en tous cas il s’agit vraiment de travailler sur la confiance en soi
finalement ; la confiance en soi et la motivation sont les deux éléments sur lesquels on travaille au 85 quotidien. La prestation, même si on reçoit des « Cadres » ou des « Jeunes Diplômés », on a parfois
l’impression que ce sont les personnes qui sont les plus armées et ce n’est pas forcément le cas. Donc
à nous d’identifier… en fait, une des choses qu’on va identifier ça va être les freins. En tous cas moi
c’est ce que je vais rechercher en premier. On a des freins qui sont réels ; ça va être le permis, la garde
d’enfants etc… 90 Mais là j’ai l’impression que je ne réponds pas vraiment à ta question mais…
- Continue, c’est ton entretien, ta vision donc… à moi de faire le tri ensuite.
- Mais ce n’est pas évident parce que si je reprends ta question telle qu’elle est posée je vais te 95 répondre : « Voilà sur l’ “Objectif Projet” ça doit être une phase d’accueil, travailler le projet… donc
là on va identifier leur parcours personnel, tout ce qui est points positifs, les points de progrès. On va
identifier les intérêts, à partir des intérêts on va commencer à regarder si on peut définir un secteur,
après le secteur ça va être le projet, ensuite ça va être encourager à faire des “Enquêtes-Métiers”,
transposer le projet à la réalité du marché de l’emploi, consulter des offres etc… ». 100
- Oui alors ça à la limite, moi je voyais ça comme des outils pour pouvoir atteindre le principal
objectif finalement.
- Oui… sinon notre mission c’est de l’accompagnement, c’est de l’accompagnement de toutes façons 105 mais moi comme je te disais - et effectivement je retombe quand même sur mes pieds - moi je crois
que toute la difficulté c’est que tu as toujours la demande réelle, d’accord ? Et la difficulté c’est que
souvent la demande réelle elle ne correspond pas à la demande du bénéficiaire.
Alors en plus on a une difficulté supplémentaire maintenant c’est que au niveau de l’ANPE et des
ASSEDIC il y a quand même beaucoup plus de contrôles, on a sévi… donc ça veut dire qu’il va y 110 avoir un discours auprès du Conseiller ANPE qui va dans le sens de l’ANPE et dans le sens du
maintien des ASSEDIC et puis ensuite il y a une réalité dans le bureau où on vous dit : « En vérité il
m’arrive ceci, il m’arrive cela et puis ma vie elle se déroule comme ça » et là on identifie bien
justement tous les freins qu’il va y avoir à régler en amont de cette recherche d’emploi parce que
finalement les outils ; CV, lettres de motivation, sont des choses qui sont d’une manière générale 115 assez vite comprises et appropriées par les bénéficiaires. Toute la difficulté c’est de maintenir le
rythme de recherche d’emploi, c’est de maintenir la motivation et c’est maintenir surtout la confiance
en soi parce que quand on arrive à un entretien et qu’on ne va pas soi-même et bien évidemment ça ne
fonctionne pas. Et d’après moi, le travail repose plus sur ces éléments-là qui ne sont pas des éléments
tangibles… C’est toute la difficulté d’ailleurs quand on veut évaluer une prestation ; souvent ça va être 120 quantitatif : le pourcentage de retour à l’emploi etc… Alors que finalement, on va parfois laisser
109
quelqu’un au bout de trois mois avec une évolution telle que… et bien ça y est, la personne est prête à
entamer ses recherches d’emploi, mais ça, ça n’apparaîtra jamais dans les chiffres.
- Alors justement, comment tu fais, comment tu t’y prends, quels moyens, quelles 125 compétences… tu mets en œuvre pour gérer toute cette dimension qui justement n’est pas
palpable, puisqu’elle relève de la personne et de la demande qui se cache derrière…
- Bah l’outil principal encore une fois ça va être l’entretien mais ça va être des entretiens sur lesquels
on va se permettre de sortir un petit peu du contexte. En fait, tous nos débuts de suivi et bien on fait 130 connaissance avec la personne; on part du « Bilan Personnel ». Le « Bilan Personnel » dans un sens
on en a besoin très concrètement quand on va travailler l’entretien parce que ce sont des éléments qui
seront repris et puis c’est le support idéal pour remarquer que tel individu dans telle situation va réagir
comme ça.
Et puis quand on reprend un petit peu le parcours… moi je sais par exemple que dans ma pratique, je 135 reprends les parcours, je reprends toujours du CP, voilà. Donc je reprends CP, Primaire ; alors je ne
vais pas reprendre classe par classe CP, CE1 etc… mais je vais dire : « Du CP à la Primaire comment
ça s’est passé pour vous ? ». Quand il y a eu déjà un ou deux échecs en Primaire et bien on sait que
derrière déjà… on le connaît pratiquement déjà le parcours. Alors attention on peut se tromper c’est
pour cela que c’est important d’aller voir et puis c’est par exemple poser des questions comme : 140 « Après la Troisième vous avez fait un CAP dans tel secteur, OK. Alors c’était un choix de votre part
ou bien c’est une orientation qui a été préconisée par les professionnels scolaires ? ». A quatre vingt
pour cent - si ce n’est pas quatre vingt dix - ce sont des orientations qui ont été imposées quelque part.
Donc bilan ; on se retrouve en « Comptabilité » parce qu’il n’y avait pas de place ailleurs.
Et puis après c’est pour moi une façon de rebondir en disant : « Ecoutez, moi à la lecture de ce 145 parcours, ce que je comprends c’est qu’il y a peu de moments dans votre vie où vous avez pu être
acteur tel que vous l’auriez voulu et bien aujourd’hui vous avez la possibilité de repenser les choses et
cette fois-ci d’être l’acteur principal de votre avenir professionnel etc… ». Alors ça, c’est
repositionner la personne en tant qu’acteur dans sa recherche d’emploi. Ce qui peut paraître évident et
qui ne l’est pas en fait. 150
- Mais justement ça ne l’est pas parce que… enfin… j’ai déjà assisté à plusieurs entretiens et
bon… ce type d’éléments je ne l’ai pas forcément entendu comme ça. Alors justement la
question c’est : « Qu’est-ce qui t’amènes à poser ce type de questions ? » ; la question du CP elle
n’est pas anodine, pourquoi cette question et pas une autre ? 155
- Alors et bien là, on vient peut-être sur la question de la différence de formation. Moi c’est comme ça
que j’ai appris à travailler. En « Clinique » - justement c’est la transférabilité des compétences - on va
faire ce qu’on appelle l’ « anamnèse », l’anamnèse ça veut dire : « Je reprends l’histoire du sujet du
début à la fin »… en fonction… parfois ça va être toute l’histoire de vie, parfois ça va être l’histoire de 160 symptômes, par exemple.
Nous on travaille avec des repères dans l’espace et dans le temps ; ça c’est deux choses dont moi j’ai
besoin pour travailler par exemple.
Et là, on s’aperçoit déjà qu’il y a des dysfonctionnements ; la personne ne se repère des fois même pas
dans sa propre histoire, donc c’est la remettre dans sa propre histoire et pouvoir aussi expliquer et 165 comprendre les échecs qu’il y a eu au préalable. C’est-à-dire que si on n’explique pas, bien souvent la
personne va faire un raccourci en disant : « Et bien finalement je ne vaux pas grand chose si on
regarde mon histoire ». C’est la reprendre en disant : « Attendez il y a eu des éléments aussi qui vous
ont mis de sacrés bâtons dans les roues, est-ce que aujourd’hui on ne peut pas penser autrement ? ».
Et encore une fois surtout surtout mettre la personne comme un acteur ou après on peut aller sur 170 l’ordinateur et puis taper le CV, envoyer je ne sais combien de candidatures spontanées pour entrer
dans les cases mais ça… ça ne sert à rien. A la limite vous en envoyez un seul mais la personne va
s’essayer. Par exemple, faire des recherches d’annonces, quand la personne est indépendante, à la
limite elle va le faire toute seule ; c’est quelque chose que je ne vais pas faire ici. En revanche des
personnes qui vont être très en difficulté et bien je vais les encourager à taper leur code, à etc… 175 Le plus important c’est vraiment de pouvoir transmettre ces outils-là parce que on sait très bien que
trois mois c’est extrêmement court vraiment c’est très très très très court et pour la plupart des
bénéficiaires, comme on sait qu’ils sont en difficulté au départ, ça ne va certainement pas suffire ces
trois mois et ce qu’il faut, c’est s’assurer que le jour où la prestation s’arrête, eux repartent avec une
certaine autonomie par rapport à leurs démarches et puis surtout ce qu’on appelle le fameux « plan 180 d’action », c’est absolument essentiel, c’est-à-dire : « Aujourd’hui c’est une étape, comment je
rebondis sur les prochaines ? Quelles sont mes portes de sortie ? Est-ce que j’y vois clair ? Est-ce que
je peux me projeter dans le temps ? ». On en revient toujours à la même chose.
110
Après pour revenir à ta question de départ : « Pourquoi ces outils-là ? Pourquoi cette façon d’aborder
les choses ? », là je te dis c’est très clairement ma formation qui m’a vraiment orientée la-dessus. Et 185 puis moi je porte beaucoup d’attention au non-verbal ; j’ai été formée à ça. C’est-à-dire que le
discours des gens par moment je l’écoute à peine parce que je suis focalisée sur autre chose. C’est
souvent le ton de la voix ; justement la semaine dernière en « CPP » il y a un bénéficiaire qui me dit :
« Vous savez j’ai réussi à moduler ma voix en entretien ». Il s’emballait tellement qu’on ne
comprenait plus ce qu’il disait alors que c’est quelqu’un qui est vraiment très à l’aise à l’oral. 190 Simplement avec le stress, ça ne donnait rien de terrible donc il faut absolument que la personne en
prenne conscience pour pouvoir se corriger et décider de se corriger.
- Donc ça il y a une formation, un cursus qui en est à l’origine ; à ton avis est-ce qu’il y a des
choses qui sont plus de la dimension personnelle, de capacités personnelles…, ou est-ce que tu 195 bases tout sur tes connaissances, sur ce que tu as appris en formation ?
- Alors je dirais que la formation elle fait gagner du temps ; alors bien évidemment qu’il faut avoir dès
le départ des capacités personnelles, la capacité d’écoute en premier lieu et quand je te dis « écoute »
évidemment ce n’est pas au premier degré. Il faut avoir une certaine empathie, il faut avoir une 200 certaine autorité aussi parce que… justement, c’est le bon dosage entre mettre en confiance etc… et le
fait que… on n’est pas des amis. Et puis par moment et bien voilà, il faut mettre un petit peu de
pression pour que tout ça se mette en route.
Mais moi je pense que la formation elle permet surtout de gagner du temps. C’est-à-dire par contre
dans nos pratiques, à force d’entretiens, à force d’écoute on va repérer des éléments, des 205 comportements et ça et bien ce sont des choses que l’on va retrouver parce que finalement les
signaux… on retrouve assez fréquemment les mêmes de manière générale.
Après ce qui prend du temps aussi et qui me paraît essentiel - en tous cas quand on débute - et là
formé ou pas formé ça ne change rien, c’est prendre le temps de l’analyse : « Qu’est-ce qui s’est dit ?
Pourquoi j’ai répondu ça ? Pourquoi je ne me suis pas sentie très à l’aise à ce moment-là pendant 210 l’entretien … ? ». Parce qu’on n’est pas toujours très à l’aise pendant un entretien ! « Pourquoi la
personne a pleuré à ce moment-là ? », parce que ça c’est quelque chose qui arrive souvent. Après ce
qui est intéressant c’est de savoir quel mot, ce qui a fait que c’est sorti et qu’à un autre moment ce ne
serait pas sorti. Et ça c’est prendre le temps de l’analyse et c’est quelque chose qui est difficile parce
que c’est quelque chose qui ne rentre pas dans les plannings. 215
- Alors est-ce que tu as le temps d’en discuter avec l’équipe ?
- Bien sûr, bien sûr, tout ça c’est de l’informel. Et en vérité ça représente un temps qui est assez
important et qu’il faut prendre absolument. En échangeant avec ses collègues, on arrive aussi parfois à 220 sortir de situations qui sont assez complexes et sur lesquelles on peut perdre une certaine objectivité.
Parce qu’on va être touché ou parce que c’est très compliqué et qu’on ne se sent pas à l’aise et du
même coup on peut passer à côté de quelque chose.
Et c’est un métier sur lequel… et je pense avec trente ans d’expérience c’est pareil, là pour le coup…
l’expérience bien sûr est toujours aidante mais on sera toujours confronté à des situations difficiles 225 ça… ça ne changera pas. Je pense que la meilleure solution c’est certainement de pouvoir échanger
avec ses collègues.
Sinon la formation de Psychologue elle fait gagner du temps et elle fait gagner du temps dans la
prestation également c’est-à-dire que nous, on a la possibilité de faire passer des tests et moi je suis
convaincue que les informations qu’on va sortir de ces tests-là, on peut tout à fait les obtenir au cours 230 d’un entretien mais ça va nous faire gagner du temps. J’ai eu le cas là il n’y a pas très longtemps par
exemple on peut parler du « regard croisé », donc Rachel a fait un « regard croisé » sur un Bilan de
Compétences que je suis en train de réaliser actuellement. Donc moi j’avais fait mon bilan
personnel et puis et bien finalement elle me dit : « On retombe sur les mêmes informations » alors
que ces informations-là, je ne les ai ressorties que des entretiens, par contre en entretiens de trois 235 heures.
Parce que ça dépend des prestations aussi. Il y a des personnes avec qui on va pouvoir avoir trois
heures d’entretien donc là, les réponses elles vont tomber beaucoup plus facilement que sur une heure
d’entretien. Je ne vais pas mettre les mêmes stratégies en place parce que je sais que le temps encore
une fois va être mon ennemi. 240
111
- Qu’est-ce qui fait la différence entre « OP », « OE » et le Bilan de Compétences, c’est vraiment
ça ou il y a encore d’autres choses qui diffèrent ?
- Et bien c’est vrai que le découpage… parce que si on regarde bien par rapport aux autres prestations 245 finalement, le découpage, on retombe bien sur nos pieds sauf que ce sont des entretiens en trois
heures. Pour moi, c’est beaucoup plus confortable parce que encore une fois comme c’est l’entretien,
c’est la mise en confiance… tout ça se fait avec le temps, c’est aussi prendre le temps de… un petit
peu d’humour, c’est aussi un petit peu digresser parce que… enfin les gens rencontrent toujours…
d’ailleurs le Bilan de Compétences n’arrive pas par hasard dans la vie. Là encore une fois c’est mon 250 opinion ; moi je crois que, le bilan il s’inscrit dans la vie, il n’y a pas de hasard. On le fait à un
moment donné - ou tout du moins pour les « Bilans de Compétences » salariés - pour le « BCA » c’est
encore différent parce qu’ils sont prescrits mais - et encore tout le monde ne l’accepte pas - à ce
moment là, ça veut dire : « Aujourd’hui je me sens prêt, aujourd’hui je me sens prêt pour un tournant
dans ma vie », c’est ça un Bilan de Compétences et c’est toute la difficulté aussi sur le premier 255 entretien.
Moi je sais que je suis… je ne vais pas dire « désagréable » !!! Parce que tant qu’à faire, on essaie de
ne pas l’être mais généralement je suis très réaliste sur le premier rendez-vous. C’est-à-dire que je dis :
« Attention, aujourd’hui vous venez, vous vous projetez dans un changement dans votre vie » et en
réalité, quelqu’un qui va changer à cent quatre vingt degrés c’est extrêmement rare parce que les gens 260 n’ont pas l’énergie et ne se rendent pas compte de ce que cela veut dire en terme d’investissement.
Mais qu’est-ce qu’on voit sur les Bilans de Compétences ? Il y a des gens qui retournent vers leur
emploi mais en sachant pourquoi ils y vont et finalement ils s’y trouvent très très bien. Après les gens
qui vraiment font un virage très très important souvent c’est plus sur des métiers d’artisanat et le plus
souvent c’est nourri par une passion. On est sur d’autres schémas où les gens acceptent de payer le 265 prix à payer pour ce type de changement. Mais souvent bizarrement ça arrive au moment d’un
déménagement, ça arrive au moment d’un divorce, ça arrive au moment… euh voilà. Et d’ailleurs ce
sont souvent ces moments-là qui vont venir perturber le bilan. C’est-à-dire que souvent ce bilan, il
arrive un petit peu trop tôt, la personne est dans un processus de changement, du même coup elle met
tout en route en même temps et du même coup, on ne peut pas mener toutes les batailles en même 270 temps.
Moi mon métier c’est aussi de dire : « Ecoutez, vous voyez bien qu’aujourd’hui vous avez encore des
choses à régler, réglez-les et puis on reviendra sur ce projet plus tard ». Même si je lui ai déjà donné
finalement des pistes ; on ne peut pas laisser les gens partir comme ça mais… c’est les autoriser aussi
à se poser des fois pour ne pas aller vers l’échec. 275 C’est aussi pour certains… enfin c’est beaucoup… dans les images, moi je te disais tout à l’heure que
je me présente souvent comme un « outil », je me présente souvent comme un « miroir », c’est
voilà… voilà où on en est, on fait un état des lieux, après on pose tout à plat. Après la personne elle en
tire aussi les conclusions qu’elle veut bien même si nous on est là pour faire une relecture de toute
cette mise à plat, on les accompagne dans cette relecture. Mais comme moi je les positionne toujours 280 comme l’acteur principal, c’est les remettre au sein de leur histoire.
- Mais toi donc tu te poses comme « outil » pour cet accompagnement, tu te sers essentiellement
de ce que tu as fait en formation ce qui paraît logique, mais est-ce qu’il t’arrive parfois de te
dire : « J’aurais dû faire des choses en plus, je devrais peut-être me reformer à tel ou tel 285 domaine », est-ce que tu as des manques parfois ?
- Oui bien sûr… Alors en terme de formation… de toutes façons il y a toujours des choses à apprendre
et je dirais que ça je le retrouve… quand je n’avance pas parce que finalement c’est ça... soit en terme
de projet réel, soit en terme de recherche d’emploi, soit en terme d’appropriation par le bénéficiaire et 290 à ce moment-là ma meilleure stratégie encore une fois c’est d’aller vers mes collègues.
Après en terme de formation et bien je reviendrais sur des formations complémentaires mais qui sont
liées à la « Psycho »… C’est même le sujet sur lequel je travaille en ce moment effectivement, je me
pose la question : « Mais quelle formation complémentaire ? ». Ce sont les formations sur des
stratégies soit de « gestion du stress », soit de « gestion de la motivation », soit… encore une fois je 295 m’attaque plus au personnel parce que tout ce qui concerne la documentation, la « TRE », c’est autre
chose. Après ça dépend d’une structure à une autre mais la théorie, c’est bon… on n’a pas besoin de la
travailler vraiment…
Pour moi, tous les outils complémentaires, ce sont les outils qui vont permettre de mieux cerner les
bénéficiaires et puis par moment de leur apporter des outils qui vont les aider à progresser. C’est-à-300 dire que moi je me concentre sur le fait de pouvoir identifier des freins. Après je vais essayer de
travailler sur ces freins, après je n’en ai pas toujours les moyens. Après d’ailleurs souvent - c’est le cas
en Mission Locale et c’est le cas ici - on peut aussi proposer un suivi de plus longue haleine aux
112
personnes, ça peut arriver. On voit des gens qui sont en très très grande détresse et qui vont vous
répondre : « Non je ne suis pas allé voir un Psychologue parce que ça coûte très cher ». Alors on 305 répond : « Il existe des consultations gratuites, est-ce que vous vous êtes renseigné ? ». Ou des
personnes… là notamment sur un « BCA », quelqu’un qui était vraiment très très très mal et qui
finalement a été hospitalisé pour une dépression. Là je n’ai pas les moyens.
C’est une des difficultés par contre quand on est de formation de Psychologue ; c’est qu’il faut
absolument rester dans ses missions et ma mission ce n’est pas d’être Clinicienne et c’est pas de jouer 310 les Thérapeutes alors qu’on est dans un cadre qui ne le permet pas. Ce ne sont pas les missions que
l’on m’a données et puis encore une fois en terme de temps je trouve qu’il est extrêmement dangereux
de jouer à ça parce qu’on sait qu’il va y avoir une fin de suivi et que après, ce qui se dégage de ce type
de relation et bien ça ne peut pas s’interrompre brutalement. C’est le danger… je trouve que cette
formation elle est tout à fait adaptée, elle est tout à fait idéale, elle apporte beaucoup, ça j’en suis 315 convaincue maintenant par expérience - pas professionnelle, pas à mon compte, à l’extérieur - moi je
dirais : « Attention à bien rester dans son rôle ». C’est important.
Donc ça va être une identification des problématiques, après il va y avoir des choses où c’est plus de
la réassurance ; ça c’est des choses qu’on peut travailler. On peut envoyer plein de messages positifs
etc… mais encore une fois est-ce qu’il y a besoin d’être Psychologue ? Moi je crois qu’il y a des gens 320 qui font ça très bien.
- Oui pour qui ça relève de la personnalité…
- Après c’est vraiment… encore une fois j’en reviens sur cette idée de temps mais j’en suis 325 convaincue ; même si tu as une personnalité, même si tu as comme ça des bons réflexes, ça n’empêche
que dans l’analyse des situations… moi je ne crois pas qu’on puisse le faire comme ça spontanément.
Soit tu l’apprends au travers de tes expériences et aussi en te disant : « Tiens, ce comportement je l’ai
rencontré à plusieurs reprises avec telle ou telle personne, donc la prochaine fois, quand je verrai
arriver ce comportement j’aurai un réflexe », donc là tu vas apprendre avec le temps ou alors tu 330 l’apprends sur ton temps de formation. Par contre euh… ça ne peut pas être inné enfin… moi je ne
crois pas ou alors il y a des gens tout à fait extraordinaires mais j’en n’ai pas rencontré jusque là.
Mais par contre oui, l’expérience est suffisante à partir du moment où toi tu fais l’effort de
comprendre aussi. Je te parlais des stratégies la dernière fois avec mon petit jeune là… illettré et je te
disais : « Il m’a menée en bateau pendant quelques semaines voire pendant quelques mois ». 335 Maintenant ces stratégies-là je les connais et je les reconnais. Je me fais moins piéger et du coup si tu
ne soulèves pas cette problématique dès le départ et bien je ne te dis pas… pendant trois mois euh...
tout le travail à bien expliquer la théorie du CV, de la lettre de motivation là… ça n’a servi à rien !
Donc tu vas mettre d’autres stratégies en place : tu vas accepter de taper CV et lettre de motivation
parce que cette personne il n’empêche qu’il faut bien qu’elle mange et qu’elle est réellement en 340 recherche d’emploi et puis à côté de ça tu vas rechercher la formation en adéquation avec sa
problématique et puis surtout amener cette personne à accepter son handicap et à accepter de travailler
dessus. Là oui, je pense que ça fait partie de mes missions même si toi ta commande ça va être :
« Bonjour merci de trouver du boulot à ce monsieur ».
345 - Tu parles là à plusieurs reprises du temps ; c’est ça qui te semble le plus difficile à gérer dans
ton travail ou il y a d’autres choses ?
- Pour moi c’est la plus grosse difficulté mais peut-être que si je n’étais pas passée par la Mission
Locale où là je n’avais pas d’impératif de temps, peut-être que je ne focaliserais pas comme ça dessus. 350 Mais encore une fois comme j’accorde quand même, je ne sais pas si je peux dire plus d’importance
mais au moins une égale importance aux outils réels de recherche d’emploi et cet accompagnement,
cet encouragement etc… l’encouragement lui, ne peut pas se faire en très peu de temps. Il y a des gens
qui ont un petit manque de confiance en soi mais il suffit en trois mois de regonfler un peu, ce n’est
que passager. Pour d’autres personnes, ce sont des objectifs plus importants et qui vont prendre 355 beaucoup plus de temps.
Entre ce que tu vas déclencher et le temps que la personne s’approprie tous ces changements, là
encore une fois le temps compte beaucoup. Mais bon, je te dis ça parce que je pense plus aujourd’hui
en parlant avec toi à des situations problématiques, ce n’est pas le cas avec tous les bénéficiaires ; il y
a des bénéficiaires qui finalement… bon ce sont des petites choses à recadrer ou… 360 Mais il y a aussi souvent une chose, c’est que les bénéficiaires voient leur situation à eux, leur
demande à eux, leur contexte à eux etc… Après je pense que tu dois leur apporter une vision plus
globale et leur dire : « Et bien quand on envoie un CV c’est reçu par qui ? Il faut combien de temps ?
etc… ». Là, c’est encore par rapport au temps. Par exemple un bénéficiaire qui envoie une lettre de
motivation, à partir du moment où la lettre est dans la boîte aux lettres, pour lui ça y est, la demande 365
113
est faite. Cette personne, le recruteur, va la recevoir au mieux trois jours plus tard… mais ça j’insiste
beaucoup là-dessus parce que du même coup ça les ronge. C’est beaucoup d’énergie pour eux et
puis… oui se dire que la lettre peut être perdue dans une entreprise, que… « Essayez de vous mettre à
la place de l’employeur qui est à la tête de l’entreprise, qu’est-ce que vous recherchez quand vous
recrutez ?». C’est peu de choses finalement pour s’entendre dire : « Ah oui, ah oui ». 370
- C’est peu de choses mais en même temps c’est beaucoup de travail et d’énergie mobilisés
autour de ces aspects-là…
Oui, c’est ce qui prend le plus de temps… sinon expliquer la théorie du CV et de la lettre de 375 motivation c’est vite fait. Et puis après ça dépend aussi de compétences réelles ; entre une personne
qui va sur Internet tous les jours et une personne qui n’a jamais touché Internet de sa vie et bien là
pour le coup, c’est bien une compétence technique qu’il va bien falloir que la personne acquiert.
Et puis c’est… on travaille sur des choses comme l’hygiène, on travaille sur des choses comme la
politesse… enfin c’est beaucoup de l’attitude et du comportement. Et le comportement et bien tu as 380 beau avoir des belles fiches… ça ne fonctionne pas. C’est de l’humain avant tout et toute la pédagogie
que l’on peut mettre en place, aussi bien faite soit-elle, elle ne peut pas donner une pédagogie sur cette
gestion de l’humain. Parce que à chaque fois… c’est à réinventer. Pour le coup les outils ils ne
fonctionnent pas ; si tu prends un seul outil pour travailler sur la confiance en soi par exemple et bien
avec A, B, C, ou D ils ne vont pas réagir de la même façon parce que tout simplement ils ne vont pas 385 l’entendre, ils ne vont pas l’interpréter de la même façon, ils n’en sont pas au même niveau et ça c’est
pareil sur la propreté.
La propreté, c’est quelque chose qui prend du temps et on est quand même assez… peut-être pas
fréquemment, mais ce n’est pas non plus isolé de devoir dire : « Ecoutez voilà, vous voulez faire
Assistante Maternelle mais en même temps vous avez les ongles noirs aujourd’hui, c’est la troisième 390 fois que vous venez en entretien, je remarque que vos vêtements sont parfois tâchés, vous avez peut-
être des difficultés aussi. Est-ce que vous avez une machine à laver ou est-ce que vous allez au
lavo’matique parce que mettez-vous à la place des parents vous comprenez, ils ne vont voir que ça ».
La personne qui est alcoolisée - et ça pour le coup c’est quand même quelque chose d’assez fréquent -
nous en fait le problème c’est qu’on va identifier ce problème d’alcoolisme ; en journée, la personne 395 arrive ivre… même si tu travailles bien son CV, ça ne va rien changer au problème et en plus ce n’est
pas en trois mois que tu vas régler un problème d’alcool… après c’est peut-être simplement réveiller
la conscience en disant : « Vous voyez moi je suis une personne extérieure et je m’en aperçois donc
l’employeur va s’en apercevoir. » et là il va te répondre : « Oui mais si je bois c’est parce que je n’ai
pas de boulot et si j’en avais je ne boirais pas »… Voilà, donc ça c’est pour te dire… et là je reviens 400 sur mon histoire de qualitatif et quantitatif… je prends des exemples très évidents.
J’en reviens au premier mot que j’utilisais en tout début d’entretien ; je crois que la réussite c’est
vraiment parvenir à ce qu’ils soient acteurs dans leur recherche d’emploi et que ce soit eux… à la
limite moi j’aime bien laisser des silences, pas mal de silences pour voir comment ils arrivent à
rebondir et s’ils arrivent à mettre du dynamisme dans cet entretien. 405 C’est beaucoup… parce que quand il y a une longue période de chômage et bien on se lève à dix
heures, de toutes façons pour quoi faire se lever avant ? Quand on ne bosse pas et qu’on s’ennuie toute
la journée et qu’on est vautré dans le canapé à regarder la télé ; qu’on se lève à huit ou qu’on se lève à
dix, ça ne va pas changer grand-chose ! « Oui mais peut-être que si vous vous levez à huit
heures… qu’est-ce que ça vous apporterait ? Réfléchissons : je serai dans un autre rythme parce que 410 de dix à douze je n’ai le temps de rien faire à part de me doucher ». Voilà c’est ça ; c’est : « Bon alors
je ne suis pas allé voir l’employeur avec lequel j’avais rendez-vous parce que mamie m’a envoyé
chercher du lait à AUCHAN. Alors avec le recul, est-ce que mamie n’aurait pas pu aller chercher son
lait et comment moi face à la famille, moi celui qui suis au chômage et donc celui qui sert à ça,
comment je peux me positionner comme : peut-être que je suis au chômage mais ça n’empêche que 415 j’ai des rendez-vous ? ».
C’est le grand classique ça ; le chômeur de la famille sert à mamie, sert de garde d’enfants, sert etc…
Et du même coup, on en arrive pour certains à des plannings qui sont extrêmement pleins. Donc là on
reprend un planning avec la personne en lui disant : « Engagez-vous à présenter ce planning à votre
famille et à ce qu’on le respecte », c’est ça. Et là tu travailles sur du comportement, tu travailles sur de 420 l’attitude et à mon avis pour une bonne majorité du public le travail repose là-dessus.
Encore une fois… on va faire les « Jeunes Diplômés » ; c’est super, c’est génial, ils sont diplômés, ils
ont du vocabulaire, ils présentent bien etc… c’est formidable ! Malgré tout il y a quand même des
problèmes de comportement et d’attitude qui ne vont pas être du même accabit et être quand même
plus simples à gérer mais c’est quand même ça. 425 « Comment se fait-il que cette personne diplômée n’a pas trouvé de boulot alors que tout le reste de la
promo - ou presque - en a ? Qu’est-ce qui fait que cette personne se retrouve dans mon bureau ? ».
114
S’ils sont là, c’est qu’à un moment donné, ils n’ont pas réussi à mener leur projet jusqu’au bout.
« Qu’est-ce qui fait frein ? ». Ce n’est pas les mêmes freins, mais n’empêche qu’il y en a.
C’est des attitudes un peu hautaines à la : « J’ai tout vu moi je sais, je suis super diplômé », et bien : 430 « Oui mais en entreprise vous ne serez pas le seul à être diplômé, ça ne fait pas de vous le Roi du
monde ! » et « En plus c’est génial moi j’ai un Bac +5 et j’ai quinze jours de stage sur mon cursus »
donc là : « Oui mais voyez-vous ça pose problème à l’employeur » etc… et ça c’est tout aussi
difficile. Les gens qui se sous-estiment c’est pas évident mais les gens qui se sur-estiment c’est pas
beaucoup plus simple non plus ! 435 Là pour le coup, les techniques ne sont pas du tout les mêmes mais c’est des fois retravailler sur des
questions de planning, de gestion du temps… je reviens beaucoup dessus mais pour le coup c’est
vraiment l’expérience qui m’a fait prendre conscience de cet élément-là, même si comme je te le
disais le fait d’avoir travaillé en Mission Locale, je pense, a déformé un petit peu ma vision des choses
mais… même au quotidien. C’est incroyable la difficulté monstre que les bénéficiaires ont à gérer je 440 ne sais pas moi euh… quatre rendez-vous dans la semaine c’est débordant et ça finalement pour pas
mal de gens.
- Pour finir qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?
445 - Et bien je préfère la diversité. Pour le coup, c’est ce que je te disais ; j’ai la chance de pouvoir
participer à des actions qui sont très très différentes avec un public très très différent et c’est vraiment
ce que je préfère. C’est compliqué alors après évidemment entre un « Objectif Emploi » et un Bilan de
Compétences je vais forcément préférer le Bilan de Compétences parce que le travail va être plus sur
le projet et ce sont des entretiens de trois heures, tu es sur de la construction alors qu’à la limite sur de 450 l’ « OE » ce qu’on te demande c’est d’apporter les outils « clé en main ». Evidemment je vais préférer
construire mais malgré tout je prends beaucoup de plaisir à faire des « OE ». Maintenant si on me met
trois semaines en « OE » du matin au soir, je ne vais pas être contente mais je n’aimerais pas non plus
faire du Bilan de Compétences tous les jours. Moi ce que je recherche pour être bien dans mon travail,
j’ai besoin d’une diversité des actions et des difficultés. En tout cas c’est une des raisons qui m’a fait 455 quitté la Mission Locale aussi.
J’aime beaucoup faire du recrutement aussi, ce que je ne fais pas énormément ici mais j’aime bien
l’aspect « recrutement » parce que ça te remet de l’autre côté de la barrière. C’est quand même un luxe
de pouvoir être des deux côtés de la barrière ; tu te rends compte si ton discours il tient d’un côté et
s’il tient de l’autre. Du même coup tu n’es pas dans la théorie tu es dans la pratique. Tu alimentes ta 460 pratique et dans un sens et dans l’autre. Du même coup quand je vais recruter je vais me dire : « Cette
question est-ce qu’elle est compréhensible par tous ? ». Avec Carole quand on travaillait sur le
recrutement des Agents de Fabrication Industrielle on a repensé nos outils comme ça.
- Donc là pour terminer est-ce que tu peux me donner quelques mots pour me définir ton 465 travail ?
- Alors déjà moi je ne me considère très clairement pas comme une Formatrice, ça c’est évident.
Euh… en terme d’appellation on est considéré comme Conseillers donc là je pense que c’est
approprié ; voilà c’est ce qu’on fait ; on conseille mais on n’oblige à rien non plus. 470 Après ce qui est compliqué c’est… quand j’avais passé mon entretien de recrutement à la Mission
Locale, la dernière question c’était : « Est-ce que vous pouvez me donner une définition de
l’Insertion ? ». Et donc j’avais répondu : « Non c’est compliqué pour moi de vous donner une
définition de l’Insertion parce que d’après moi, l’Insertion ça dépend avant tout de la demande de
l’autre, c’est-à-dire réussir à répondre à une demande de l’autre. C’est-à-dire que l’Insertion pour 475 certains, ça va être de pouvoir participer à la vie d’un groupe, pour d’autres ça va être l’insertion
professionnelle, pour d’autres ça va être la réussite professionnelle dans le cadre de l’insertion sociale.
Pour chaque bénéficiaire il y a une définition qui est différente en face. ».
En tous cas le mot « Conseil » me paraît bien correspondre, ensuite… je trouve ça compliqué de
répondre en deux minutes et de façon spontanée… après c’est « Accompagnement », c’est… oui j’en 480 ai plein finalement mais c’est compliqué là pour moi de… d’être synthétique.
115
ANNEXE N° 7
Entretien N° 6 5
- Peux-tu me parler de ta formation et de ton parcours professionnel ?
- Donc en fait j’ai une formation de Secrétaire moi à la base parce que je suis titulaire d’un Bac G1 à 10 l’issue de quoi en fait je suis partie sur Paris pour travailler dans un grand groupe qui appartient à
L’OREAL qui est SYNTHELABO.
Donc SYNTHELABO m’a offert l’opportunité de me former sur l’outil informatique qui était en fait
peut-être pas dans ses prémices mais en tous cas sous sa première forme euh… donc en fait c’était en
1984. 15 Ensuite, donc tout à fait par hasard je me suis mise à mon compte et je suis devenue en 1985 Chef
d’Entreprise et j’ai donc créé une société de « travaux de bureau à façon ». Les « travaux de bureau à
façon » en fait c’était proposer aux entreprises de réaliser une partie de tout ce qui était euh… saisie.
Donc j’ai travaillé en saisie pour des entreprises parisiennes, rouennaises et puis en fait aussi locales et
à la suite de quoi donc en fait le Directeur de l’ANPE de Bernay est venu nous voir pour nous 20 demander si nous étions susceptibles de former des gens à la « Bureautique ». Donc ça c’était en 1986
parce qu’à l’époque il y avait peu d’organismes sur la zone qui pouvaient proposer des cours en
« Bureautique ». Donc là on a demandé un agrément pour devenir organisme de formation et c’est
comme ça que je suis arrivée dans la formation. Avec donc à peu près trois actions par an ; du
« Secrétariat/Comptable/Bureautique ». 25 Donc des actions déjà en partenariat avec l’ANPE et à l’époque la Direction Départementale du
Travail puisque c’était la Direction Départementale du Travail qui gérait les formations. Voilà donc
depuis 1990 je suis dans la Formation.
La société a vécu jusqu’en 1993 ; en 1993 en fait… puisque c’était une société qui avait été montée
avec un collaborateur - qui en fait était mon conjoint à l’époque - et il y a eu séparation donc en fait 30 nous avons euh… arrêté la société. Donc je suis partie travailler pour d’autres Organismes de
Formation tels euh… ECOFIC, CCI ou l’INFREP et également donc le GRETA et puis DRL, un
organisme qui travaille plus sur les Yvelines, la région parisienne.
Je me suis arrêtée en 1996 à la naissance de mon troisième enfant et donc j’ai décidé là de
complètement arrêter pour m’occuper totalement de mes enfants puisque bon… j’en avais trois 35 donc… ! J’ai repris en fait en 2002 ; je me suis réinscrite comme « Demandeur d’Emploi » et puis on
m’a proposée de faire un Bilan de Compétences, ce que j’ai fait avec le CIBC d’Evreux et puis j’ai
découvert donc le métier de Conseiller en Insertion.
Parce que oui, pour moi il était impensable de reprendre la Formation telle que je l’avais vue
auparavant euh… je saturais au niveau des groupes ; c’est-à-dire à force de voir que des groupes que 40 des groupes, c’est très lourd à gérer donc j’arrivais à saturation et je souhaitais passer à un travail
beaucoup plus en individuel en fait. C’est comme ça donc que je suis arrivée au métier de Conseiller
en Insertion.
J’ai postulé chez ORREA et j’ai été embauchée dans les mois qui ont suivi et depuis donc je fais du
« BCA », de l’ « Objectif Projet », de l’ « Objectif Emploi » plus donc les actions « Région », le 45 « CPP » donc quasiment tout ce qu’ORREA peut proposer mises à part les actions « salariés ».
- Alors justement est-ce que tu peux me parler des différentes missions que tu dois honorer si je
puis dire au travers de ces différentes actions et prestations ?
50 - En fait quelle que soit la prestation euh… même si ce n’est pas clairement annoncé à la base, de
toutes façons, l’objectif, c’est d’amener les personnes sur le marché de l’emploi et donc à l’emploi
dans les meilleurs et plus brefs délais ; quelle que soit de toutes façons la prestation.
Au départ effectivement ils vous disent les différences ; « Objectif Projet », « Objectif Emploi »,
« Bilan de Compétences Approfondi » ou même en fait les stages « Région », l’objectif étant toujours 55 le même.
116
- D’accord donc ça c’est toujours l’objectif plus ou moins, mais alors les objectifs affichés quels
sont-ils ?
60 - Pour l’ « Objectif Emploi » là de toutes façons, c’est clair et net, c’est un retour à l’emploi. A aucun
moment on ne peut envisager de passer par une formation.
L’ « Objectif Projet », c’est en fait quelques fois des personnes qui se présentent avec déjà une idée de
projet mais leur Conseiller ANPE souhaite plutôt qu’on les dissuade d’une certaine façon pour les
ramener sur quelque chose de beaucoup plus réaliste. 65 De la même façon sur le « Bilan de Compétences Approfondi ». Donc leur faire étudier et élargir
d’autres projets, d’autres métiers pour les ramener à quelque chose de cohérent et viable.
- Quelles sont les activités que tu mets en œuvre pour réaliser ces différentes prestations ?
70 - L’ « Objectif Emploi » et bien c’est… je dirais revoir - ou pour certains mettre en place - les outils
de recherche d’emploi donc CV, lettres etc…, du ciblage entreprise, prendre des contacts et les faire
bouger au maximum de semaine en semaine pour parvenir à un résultat en terme d’emploi.
Au niveau de l’ « Objectif Projet », là il s’agit de leur donner la possibilité de pouvoir identifier autre
chose que le métier qu’ils ont exercé jusqu’à présent. Donc c’est un travail sur l’inventaire des 75 compétences pour que l’on puisse voir s’il y a transférabilité sur d’autres métiers et puis un travail sur
l’identification des métiers à travers des tests, à travers de la documentation, l’utilisation de certains
sites Internet.
Pour le « Bilan de Compétences Approfondi », il s’agit d’un travail à peu près similaire sauf qu’en
terme de temps ce sont des séances plus rapprochées qui sont plus longues, ce qui nous permet aussi je 80 dirais d’avoir un résultat plus rapide. En deux/trois heures on ne fait pas le même travail qu’en une
heure. Mais disons qu’en fait c’est un travail très proche avec quelle que soit la prestation toujours les
« Techniques de Recherche d’Emploi » ; ils doivent toujours repartir avec un CV, une lettre et avoir
réalisé - ça c’est une demande des ANPE - leur « Espace Emploi » sur le site « ANPE.fr ».
85 - Donc il y a une diversité au niveau des outils que toi tu dois maîtriser déjà pour ensuite la leur
transmettre.
- Tout à fait. Donc par rapport aux sites existants dans l’utilisation et puis aussi par rapport au ciblage
entreprise et bien leur transmettre notre connaissance du marché ; le marché « ouvert » et le marché 90 « caché ». On a parfois plus d’opportunités sans doute à voir sur le marché caché.
C’est également pour un certain type de public qui n’est pas du tout autonome et bah… les lettres,
c’est nous qui les faisons pour qu’il y ait un résultat. Il faut dire que quelques fois c’est de la prise en
charge pour qu’il y ait un résultat parce qu’en fait, la personne n’est pas capable d’écrire… bon… a
une telle orthographe, une telle écriture que bon… de toutes façons elle ne serait pas lue. Dans ces cas 95 là nous on prend l’initiative de taper les lettres et de les envoyer. Il vaut mieux parfois envoyer une
lettre tapée qu’une lettre mal écrite et illisible qui de toutes façons ne laisserait aucune chance au
candidat.
- Tout ça quelles connaissances, quelles qualités cela requiert du Conseiller ou du Formateur en 100 fonction des actions sur lesquelles vous êtes ?
- Les connaissances en fait… les outils donc l’utilisation de l’outil informatique ; d’Internet, des
messageries puisqu’en fait on répond aussi par mail.
Egalement en terme de tests ; il y a le test « PASS’AVENIR ». Il y a quelques temps encore on 105 utilisait un test qui s’appelait « Le métier qui me plaît » et c’est donc déjà l’utilisation de ces tests.
Egalement donc euh… je dirais c’est à la fois plus par expérience par rapport à la réalisation de lettres,
de CV pour s’adapter parce que ce ne sont pas des outils qui sont immuables et qui restent dans l’état
à vie ; ça doit évoluer parce que les personnes évoluent parce que les employeurs dans leur façon
d’appréhender un CV changent également, donc il faut au niveau de la présentation, au niveau du fond 110 aussi s’adapter. Mais là donc je dirais plus par rapport à l’expérience que par rapport à une
connaissance, c’est plus en discutant, en rencontrant des gens que ça se fait.
Les qualités requises c’est déjà d’avoir une grande écoute et puis d’aimer les gens, c’est-à-dire être
curieux des gens. Si à la base on n’est pas curieux de l’autre, si on n’a pas envie de donner et bien en
fait on ne peut pas être dans ce secteur d’activité. 115 C’est en fait d’avoir ce petit quelque chose qui fait que si on n’aime pas les gens on ne peut pas
travailler dans ce secteur. Parce qu’il y a un aspect social quand même important, même si on doit
toujours ramener les choses sur du concret, notamment en terme d’emploi, il n’empêche qu’il y a
quand même cet aspect social, on a à faire à des publics fragiles parce que en fait les « Demandeurs
117
d’Emploi » sont dans des situations qui ne sont pas toujours évidentes ; des personnes licenciées, qui 120 n’ont plus d’emploi depuis longtemps ou en fait des accidents de la vie aussi avec effectivement le
public « Travailleur Handicapé ».
Je dirais donc que les personnes que l’on reçoit sont en majorité des personnes qui ont une certaine
fragilité. Si on n’a pas cette écoute-là et bien on peut difficilement les amener à quelque chose de
cohérent par rapport à eux-mêmes et par rapport au travail. 125 Il faut surtout les ramener à une condition physique et mentale qui aille dans le sens du travail ; si eux
sont anéantis, il est bien certain qu’ils n’ont aucune chance auprès d’un employeur, il faut les
remonter. Les remonter c’est leur redonner confiance en eux et pour cela en fait il faut les connaître un
minimum et donc être à l’écoute. Alors on n’est pas dupe, on a aussi des personnes qui essaient de
nous tromper entre guillemets, on le sait, on le reconnaît plus facilement avec l’expérience. 130
- Donc si je comprends bien il y a des choses qui relèvent des connaissances, des savoirs que l’on
peut acquérir dans un cursus du type « informatique », « écrire correctement », etc…, des
choses qui relèvent plus de la dimension individuelle, de ce qu’est la personne elle-même et puis
il y a des choses que l’on acquiert par l’expérience. Tu parlais de ce que l’on apprend des 135 autres ; est-ce que tu peux développer là-dessus ?
- Bah en fait on apprend beaucoup de choses en laissant parler les personnes, c’est-à-dire que bon… tu
as dû voir les outils qu’on utilise, le livret donc là on travaille dans un premier temps sur les
qualificatifs et puis donc les personnes par rapport à ça, on les laisse s’exprimer, on leur pose des 140 questions.
On fouille comme ça d’une façon qui peut paraître de l’extérieur très sournoise mais on fouille pour
essayer de comprendre pourquoi la personne est bloquée sur telle ou telle chose et en fait, ce sont des
outils qui nous servent par rapport à la personnalité des personnes sur ce questionnaire-là et puis sur le
questionnaire de motivations. 145 Donc en fait on apprend des choses comme cela et puis je dirais que c’est quelque chose que l’on fait
presque naturellement… Et puis c’est en fonction de chaque personne ; quand on a vraiment le
sentiment qu’elle nous cache quelque chose, de toutes façons on se dit qu’on trouvera toujours à un
moment une solution, une question pour qu’elle dise la vérité… à tous points de vue.
C’est-à-dire que les outils ont été élaborés aussi - y compris les questionnaires qui sont utilisés pour 150 les « Bilans de Compétences Approfondis » - pour ramener de toutes façons à quelque chose de
beaucoup plus objectif. Il y a des questions qui sont volontairement posées mais quasi-semblables et
exprimées de façon différente pour essayer justement de découvrir avec le plus d'objectivité possible
la personnalité de la personne.
Par rapport à de la dynamisation, à remettre en confiance, à essayer de remettre la personne sur les 155 rails, il faut la connaître et pour cela et bien les outils sont une base mais après il faut l’aspect humain
et l’expérience qui fera que… on va poser certaines questions pour mieux connaître la personne.
- Mais il y a quand même un art de la communication derrière tout ça… est-ce que ça
s’apprend, est-ce que toi tu l’as appris ? 160
- Je ne l’ai pas appris ; c’est venu bon… en fait comme ça, je dirais par oui… curiosité encore une fois
mais pas dans le sens péjoratif ou malsain du terme, c’est vraiment essayer d’amener la personne pour
un mieux, c’est pas du tout négatif, c’est essayer quoiqu’il arrive de la mener vers un mieux personnel
qui lui permettra de retourner sur le marché du travail dans de meilleures conditions. 165 Mais en fait la communication, non, je ne l’ai pas apprise. C’est vraiment en fait l’expérience. Pendant
un temps en fait je n’ai fait que de la formation de groupe et là en fait c’est différent parce que là on
transmet… C’était le domaine du Secrétariat, c’était la « Bureautique » donc là, c’était vraiment la
transmission d’un savoir.
Sur le métier de Conseiller c’est très différent puisqu’en fait là il y a transmission mais beaucoup 170 moins nette…
- Oui moins palpable…
- … que par rapport au métier de Formateur, là c’est plus effectivement du contact humain. 175
118
- Il y a des différences entre face à face individuel et face à face groupal en termes de
compétences, d’aptitudes, de qualités à avoir, de connaissances ?
- Oui, en fait euh… par rapport déjà à la façon de s’exprimer ; on ne s’exprime pas de la même 180 manière en individuel que devant un groupe.
Il y a bien sûr la gestion d’un groupe donc là, on a à faire à un certain nombre de personnalités qui
entre elles vont avoir également des échanges. Ces échanges il faut les accepter mais il faut aussi les
gérer parce qu’il ne faut pas qu’il y ait de débordements.
Quelquefois effectivement on a à faire à des personnalités qui sont très négatives et qui vont essayer 185 de trouver des éléments dans le groupe pour les soutenir un peu ; là il faut bien gérer les choses et
surtout faire preuve d’une certaine autorité entre guillemets pour dire : « Non, on n’est pas là pour ça,
ça c’est votre vie », essayer de démontrer aussi avec le soutien du groupe qu’on peut aussi je dirais
tourner vers soi pour avoir un certain soutien pour dire à celui ou celle qui est négatif : « Bah, non ce
n’est pas forcément aussi noir et négatif que votre démonstration ». 190
- Et en individuel…
- En individuel c’est très différent parce que en fait on touche de la relation confidentielle, c’est-à-dire
que là les personnes vont se confier, beaucoup plus se livrer et puis en fait les questions aussi ne sont 195 plus les mêmes puisqu’on peut se permettre je dirais un certain nombre d’indiscrétions.
Par rapport par exemple à un « Travailleur Handicapé » dont il faut absolument connaître je dirais les
véritables contraintes ; tout le monde ne s’exprime pas aussi facilement que tu as pu le voir la semaine
dernière. En fait ça ne peut être abordé que dans de l’individuel. Là en fait c’est différent, c’est un
groupe et ils sont tous dans la même situation. Un « Travailleur Handicapé » qui est intégré dans un 200 groupe lambda, c’est différent. C’est pour ça que l’aspect individuel ici est important pour qu’on
arrive à faire un travail euh… beaucoup plus intimiste je dirais que par rapport à un groupe.
- Par rapport à tout ça, est-ce qu’il y a nécessité d’un travail en collaboration, ou pas vraiment
ou… 205
- Oui c’est important dans le sens où on est confronté quelquefois à des cas où il faut pouvoir
échanger autour ; on est face à une situation où on n’a pas forcément je dirais la bonne idée, ou on a
besoin d’échanger à propos de ce cas-là pour que l’équipe nous donne aussi son point de vue, des
idées par rapport en fait au parcours et au souhait d’un bénéficiaire… sans pour cela d’ailleurs 210 dévoiler les choses qui nous ont été confiées…
- Est-ce que parfois il y a des choses qui te manquent, est-ce que tu te dis que tu aurais bien aimé
avoir une formation dans tel domaine ou reprendre tes études sur tel ou tel aspect, avoir des
bouquins pour t’informer sur telle ou telle chose… ? 215
- En fait des manques… je ne parlerais pas en terme de « manques ». De « plus », d’avoir un petit
« plus » par rapport au fait de reprendre une formation euh… oui mais que ce soit un manque non.
C’est-à-dire que dans les missions quotidiennes de mon travail je n’ai pas réellement de manque.
Après je dirais que c’est plus par rapport à une satisfaction personnelle, le fait de… bah d’avoir un 220 diplôme plus élevé, d’être reconnue en fait en terme de diplôme mais sinon en terme de métier réel
non.
Sinon, si effectivement voir un peu plus dans la « Com’ » pour voir en fait les choses peut-être
différemment, pour pouvoir utiliser d’autres outils. Mais sinon, je ne peux pas dire que j’ai des
manques à ce niveau-là. 225
- Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ton métier ?
- Le plus difficile…
230 - A gérer, à effectuer, à supporter…
- Euh… en fait ce qui est difficile c’est de trouver ! C’est-à-dire que tu m’aurais posé la question il y a
six ans je t’aurais dit effectivement le travail avec les « Travailleurs Handicapés » parce que euh… les
premières situations on prend des grandes claques ! Mais au jour d’aujourd’hui, non. C’est plus… il 235 n’y a plus de difficultés de cet ordre-là.
Des fois la difficulté oui, c’est d’être face à un « Cadre » euh… très supérieur !!! Donc en fait,
toujours une appréhension parce qu’on se pose la question on se dit : « Mais qu’est-ce que je vais
119
pouvoir lui apporter parce qu’avec un tel parcours, une telle situation professionnelle, est-ce que je
suis capable de lui apporter quelque chose ? ». C’est là que c’est enrichissant parce que en fait on 240 découvre que c’est quelqu’un qui a une carrière vraiment importante derrière lui et en fait il te dit :
« Si si, vous m’avez apporté telle et telle choses, là vous m’avez apporté beaucoup, vous m’avez en
fait… ».
Alors là, c’est du travail totalement relationnel parce qu’effectivement, là en terme d’outils on va leur
dire : « Peut-être que si vous faisiez ceci ou cela, peut-être que ça améliorerait votre CV par exemple 245 et votre lettre… ».
Mais après quant au fait qu’ils modifient leur image, qu’ils travaillent en fait sur eux, alors là, c’est
totalement du relationnel. Quelquefois, un franc-parler aussi hein, à dire les choses en direct pour faire
bouger les choses et quel que soit le profil professionnel… c’est vrai que les « Cadres », c’est un
public face auquel on peut avoir quelques doutes par rapport à soi parce que… on n’a pas la science 250 infuse et il y a en fait des personnes parfois avec des parcours euh… on se dit : « ouh là là !!! Ce ne
sera pas évident et qu’est-ce qu’il vient chercher… ? ».
- Et au contraire le plus agréable ?
255 C’est la personne qui s’investit dans la prestation qui lui a été proposée par le Conseiller. A partir du
moment où la personne s’investit totalement ; quel que soit le profil, quel que soit son profil
professionnel, son parcours professionnel. C’est son investissement, c’est la personne qui est partante.
La plus grande difficulté c’est d’avoir à faire à une personne qui vous passe devant ; qui n’a pas envie
de parler, c’est le fait d’avoir à faire à quelqu’un d’hermétique. 260
- Pour terminer est-ce que tu peux me donner cinq mots donc ça peut être des noms, des verbes,
des adjectifs… peu importe pour parler de ton travail, le qualifier ?
- Alors c’est « Ecoute », c’est « Humain », euh… c’est « Echange » parce qu’on s’enrichit 265 énormément au contact des personnes, euh… après je ne sais pas.
Peut-être oui euh… « Résultat », c’est-à-dire que nous, notre gratification, c’est qu’il y ait un résultat.
Et puis euh…c’est « Epanouissement » mais là c’est très personnel. C’est l’épanouissement au travail.
De toutes façons comme tu as pu le voir il faut aimer ce qu’on fait parce qu’on ne peut pas tricher. Le
jour où on est malheureux dans ce travail, surtout, il ne faut pas continuer. 270
120
ANNEXE N° 8
Entretien n° 7 5
- Donc est-ce que tu peux me parler de ta formation et de ton parcours professionnel ?
- Moi j’ai fait un Bac Littéraire, ensuite je me suis inscrite en « Psycho » directement, j’ai eu mon 10 DEUG, ma Licence, ensuite je me suis spécialisée en « Psychopatho » et « Psychologie Clinique » et
puis ma Maîtrise spécialisée en « Psychopathologie du Travail » donc sur le lien entre le premier
emploi, la post-adolescence et puis l’environnement sécure. Voilà, donc le développement des
adolescents.
Donc ma première expérience professionnelle c’était à la Mission Locale du Havre - Conseillère - ça 15 a duré quelques mois où je suis intervenue sur des entretiens individuels et puis sur des urgences
également… des urgences euh… de logement et de nourriture.
Et puis après j’ai intégré ORREA en 2005, comme Conseillère également en Insertion et Orientation.
- D’accord, alors tes missions à ORREA, quelles sont-elles ? 20
- C’est-à-dire les types d’interventions que j’effectue ?
- Oui, les types d’interventions, leurs finalités…
25 - Alors j’interviens sur toutes les prestations ANPE, que ce soit de la prestation « construction de
projet » ou « accompagnement à l’emploi » sur divers publics y compris les « Cadres ».
J’interviens aussi sur des actions d’ « Appui au Recrutement » donc pour diverses entreprises ; SPB,
RENAULT, etc…
J’interviens sur le Bilan de Compétences, sur les Bilans Professionnels, sur les « Bilans Jeunes » - 30 donc en prestation Mission Locale dans le cadre « Région » - donc sur l’orientation.
De l’orientation aussi scolaire pour les particuliers et puis… l’atelier ANPE aussi également.
- Et donc les différents buts de ces prestations et ateliers ?
35 - Pour les prestations ANPE, le but c’est d’accompagner les personnes en situation de demande
d’emploi dans leurs recherches d’emploi pour viser le retour à l’emploi rapide. Donc là, on est sur de
la construction de projet ou de la validation des outils de « Techniques de Recherche d’Emploi ». Les
aider à accéder à l’emploi le plus rapidement possible.
Les ateliers c’est pareil ; les aider à utiliser tous les outils qui leur sont proposés par l’ANPE et puis 40 pouvoir répondre aux offres dans les meilleures conditions.
Le Bilan de Compétences c’est répondre à la demande des salariés des entreprises ou à la demande de
l’entreprise dans le cadre des Bilans Professionnels.
Dans le cadre de la Mission Locale, définir des projets cohérents et réalistes.
L’« Appui au Recrutement » et bien recruter les personnes les plus compétentes pour les postes 45 proposés par les entreprises.
- Quels outils sont utilisés par rapport à tout ça ?
- Les outils… Euh… et bien le principal outil ce sont les entretiens. C’est sur la base du déclaratif, sur 50 la base de l’échange. Pour accompagner, ça me paraît être l’outil principal ; c’est l’échange et de
pouvoir déjà analyser les demandes et les besoins de chaque personne pour les accompagner et arriver
à ce qu’ils répondent eux-mêmes à leurs propres questions et les amener à comprendre leurs propres
freins, atouts etc...
Après évidemment on a des outils « papier » qui sont des supports pour l’échange et toujours dans le 55 but de mener des entretiens par la suite. Pour moi c’est vraiment uniquement un… évidemment on
répond à un cahier des charges et donc il faut bien que l’on ait des outils qui soient établis mais c’est
vraiment un appui que je n’utilise pas toujours de la même façon avec les personnes.
On va avoir le « Bilan Personnel » et le « Bilan Professionnel », tous les outils également
documentaires euh… tels que les ROME de l’ANPE, les logiciels d’orientation, les tests « psycho » 60 également, les inventaires de tempérament, les tests de personnalité, les tests psychotechniques.
121
- Quelles compétences, quelles qualités, quels savoirs tu mets en œuvre par rapport à
l’utilisation de ces différents outils mais aussi par rapport à ton métier en général ?
- A l’origine déjà je pense que c’est plus sur des valeurs telles que le respect des personnes et les 65 qualités c’est être à l’écoute, être aussi… ne pas perdre de vue notre rôle, apporter un cadre, je pense
que c’est important pour rassurer les personnes.
Après les compétences et bien… celles que j’ai pu acquérir au cours de ma formation en « Psycho »
qui sont de mener un entretien, d’analyser une demande, d’utiliser les outils qui sont à ma disposition
et puis d’analyser aussi les réactions, l’évolution des personnes quand elles viennent régulièrement ou 70 moins régulièrement en prestation.
- Donc tu te bases surtout sur ta formation finalement pour travailler…
- Finalement oui. 75
- C’est ton parcours en « Psycho » qui te guide au quotidien…
- Et bien moi j’ai un petit peu un parcours… Au début j’ai fait de la « Psychiatrie » donc évidemment
j’ai travaillé sur de l’Insertion Professionnelle donc j’ai peut-être une vision… une approche aussi de 80 la souffrance ou en tous les cas de la perte de confiance des individus quand ils se retrouvent en
situation soit d’interrogation, soit de perte d’emploi.
Je pense que de valoriser la personne et de valoriser ses compétences c’est important. Et en tous les
cas d’identifier correctement ce qu’elle attend et d’identifier ce qu’attend le prescripteur également
puisqu’il travaille aussi… on a une commande et on a l’individu donc il faut aussi respecter à la fois le 85 prescripteur qui attend des choses et aussi ce qu’attend la personne qu’on a en face de soi et de faire
un compromis et d’essayer d’allier les deux et que tout le monde reparte satisfait finalement et de
respecter ces objectifs-là.
Donc c’est les connaissances en effet en « Psycho » mais aussi surtout il y a une qualité aussi quand je
parle d’ouverture c’est aussi vis-à-vis des collègues. C’est important d’être à l’écoute aussi de…de 90 comment font les collègues, quelles approches ils ont, de… la hiérarchie aussi, du cadre qu’ils nous
donnent, de ce qu’ils attendent puisqu’on travaille pour ORREA donc on porte une image aussi, on
porte une façon de faire et une façon de voir les choses et il faut partager des valeurs. Donc c’est aussi
en étant ouvert avec les collègues et toujours à l’écoute que… Moi je sais que quand j’ai quelque
chose qui me pose problème j’en parle avec les collègues forcément. 95
- Donc tu es ouverte à d’autres pistes éventuellement que celles que tu utilises dans ta manière
d’aborder la problématique des uns et des autres.
- Oui ça me paraît important parce que je n’ai pas la réponse à tout et on peut aussi parfois avoir des 100 collègues qui vont bien connaître un secteur d’activité par exemple. Se rapprocher d’eux pour avoir
des éléments et en tous les cas apporter une réponse de qualité aux questions des personnes qu’on a en
face de soi.
- Donc si tu avais à compléter ta formation, si tu devais apporter des choses à ton parcours, ce 105 serait ça, avoir une meilleure vision des entreprises ? C’est ce dont tu parles mais il y a peut-être
d’autres choses…
- Euh… non je n’ai pas d’idées particulières. J’aime beaucoup aller à des séminaires qui peuvent
remettre en cause les pratiques, voilà… avoir d’autres horizons, voir d’autres façons de penser pour 110 pouvoir s’enrichir et savoir comment chacun se positionne par rapport à notre travail. Tout ça me
paraît important d’échanger par rapport à ça.
De sortir d’ORREA aussi, de temps en temps pour voir aussi ce qui se fait ailleurs et voir d’autres
approches. Pour pouvoir positionner moi-même ma façon de voir et de faire les choses. C’est vrai que
je suis vraiment dans la demande de ça ; remettre en cause ma façon de pratiquer et de la confronter à 115 d’autres professionnels et à des prescripteurs qui sont aussi des professionnels mais qui
n’interviennent pas forcément sur les mêmes prestations.
122
- Qu’est-ce qui te paraît le plus difficile à gérer dans ton quotidien, qu’est-ce qui te pose le plus
de problèmes en fait ? Ou qui a pu t’en poser ? 120
- Ce qui m’a posé le plus de problèmes, il y a deux choses ; la souffrance parce que c’est à la fois ce
qui m’intéresse beaucoup dans mon métier mais forcément aussi ce qui me pose problème parce qu’il
faut réussir à la gérer correctement.
Il faut connaître les limites de son métier aussi ; il ne faut pas non plus tomber dans la 125 « Psychothérapie » on n’est pas là pour ça. Mais si on ne la gère pas, on ne peut pas avancer non plus
donc il faut trouver le juste milieu.
Donc ce qui m’a posé problème oui c’est ça. Quand j’ai débuté ça a été la mise à distance des affects,
pour ne pas que ça m’envahisse de trop par rapport à des parcours de vie difficiles.
Et puis quand j’ai débuté aussi ce qui a pu me poser problème et qui ne m’en pose plus aujourd’hui 130 c’est tous les enjeux qu’il y a pour la personne finalement. Que ce soit le « Demandeur d’Emploi » ou
le salarié, la personne elle attend beaucoup de nous et voilà. Nous on est la personne qui va peut-être
résoudre tous ses problèmes et au début, ça met une certaine pression d’avoir autant d’importance
pour la personne et finalement on le gère très bien puisqu’on est là pour accompagner et on ne peut
donc pas tout résoudre et on n’est pas là pour ça non plus. 135 Donc je pense qu’avec l’expérience j’ai réussi à relativiser justement, à faire mon travail, à proposer
l’ensemble des outils, à analyser ce qui est réaliste ou pas et à répondre à la demande de façon la plus
complète possible. Mais je crois que c’est important de rester humble et de se dire qu’on n’a pas la
solution à tout, en revanche, la personne elle a tous les dés pour gérer sa recherche d’emploi ou sa
carrière. 140
- Alors moi je rebondis là, tu viens de dire : « Je propose l’ensemble des outils pour trouver une
solution à la situation », ce qui voudrait dire que tu présentes autre chose que cette façon
d’aborder la personne de façon individuelle comme tu l’expliquais tout à l’heure ?
145 - Alors ce qui me paraît être la clé de tout dans les accompagnements que l’on fait, c’est que les
personnes reprennent confiance en elles. De façon assez systématique on se rend comte que
finalement il y a une perte de confiance au fur et à mesure et même pour les « Demandeurs
d’Emploi » - ceux qui sont nouvellement inscrits - c’est quand même une épreuve, une étape à passer.
Pour moi leur apporter des outils, c’est leur permettre de se rassurer sur la qualité de l’image qu’ils 150 vont donner à l’employeur finalement. C’est de leur permettre d’avoir un CV qui leur ressemble et qui
soit de qualité, d’avoir une lettre pour les rassurer et pour qu’après ils puissent être autonomes dans
leurs démarches et qu’ils n’aient pas de problèmes techniques sur l’utilisation des sites Internet etc…
En fait tous les freins qui finalement peuvent être rapidement… pas contrôlés mais en tous cas on peut
leur expliquer comment fonctionnent un certain nombre d’outils simples qui sont à leur disposition 155 pour qu’ils soient autonomes derrière et qu’il n’y ait plus ce problème de confiance en soi.
- D’accord, donc pour toi si je comprends bien, tout ce qui est outils « palpables », à savoir le CV
et la lettre de motivation, avant d’être au service d’une démarche de recherche d’emploi réelle
est au service d’une remise en confiance de l’individu pour que justement cet individu puisse 160 ensuite être actif dans une démarche. Il y a d’abord cette étape-là.
- Oui.
- Et le fait que cette personne ait un CV et une lettre de motivation c’est ce qui va, entre autres, 165 être l’élément déclencheur…
- Oui, qu’il soit autonome. C’est-à-dire que moi dans trois mois je ne suis plus là. Donc si quand moi
je ne suis plus là ils ne peuvent plus retourner vers l’emploi ça n’a pas d’intérêt. Ce type de prestation
n’a aucun intérêt si je leur trouve un CDD d’un mois et s’ils ne sont pas capables de reproduire après 170 ce qu’on a fait ensemble.
A mon sens, ce qui est important, c’est qu’ils comprennent la démarche de recherche d’emploi en leur
montrant et en les accompagnant par rapport à ça. C’est comme ça que je perçois les choses.
123
- Alors moi en tant qu’observatrice il y a quelque chose qui me paraît important, en tous cas en 175 terme quantitatif, il y a quand même énormément d’administratif à gérer… en tous cas ici. A
ton avis, c’est quelque chose d’important ? A quelles compétences ça fait appel ? Est-ce que toi
tu le fais parce que voilà c’est à faire et voilà ou et-ce qu’il y a quelque chose d’autre derrière
ça ?
180 - C’est hyper important ; c’est-à-dire qu’on travaille avec de l’humain, on est plusieurs intervenants à
travailler autour de cette personne ; que ce soit l’ANPE, que ce soit l’Entreprise, que ce soit
l’Assistante Sociale ou la Mission Locale, l’administratif c’est transmettre, c’est communiquer entre
nous aussi.
C’est faire le point sur ce qu’on a fait, sur l’ensemble des démarches, ça fait aussi partie des repères ; 185 si on est désorganisé dans notre démarche, on ne peut pas avoir une approche organisée avec le
bénéficiaire que l’on va recevoir donc à mon sens c’est fondamental que tous les intervenants soient
au courant, reçoivent le fax - quand il rentre, quand il sort de prestation - ce qu’il a fait… Si on veut
avoir un accompagnement de qualité il faut que l’avant, le pendant et l’après soient bien clairs pour
chaque représentant du bénéficiaire. 190 Et puis nous, ça nous fixe aussi un cadre, il ne faut pas perdre de vue nos obligations aussi ; on doit
répondre à une commande comme je le disais tout à l’heure, on doit répondre à un cahier des charges
et même si on travaille avec de l’humain il y a des étapes à effectuer, c’est important de rendre des
comptes, qu’il y ait une traçabilité par rapport à tout ça.
195 - Ce qui permet de bien se recentrer sur le fait de ne pas aller vers la thérapie entre guillemets…
- Oui de ne pas perdre de vue les objectifs finalement. Il y a obligatoirement des choses à faire, même
si on ne les fait pas forcément toujours de la même façon en tous les cas il y a des passages obligés
pour que l’on soit efficace. Les entretiens c’est bien, communiquer c’est bien mais au bout du compte 200 il faut quand même que la personne soit autonome dans sa recherche d’emploi et ça… il y a des
passages obligés et l’administratif en fait partie.
- Et ça fait appel à quelles compétences ça ?
205 - Compétences ?
- Oui.
- Savoir organiser son travail, synthétiser les informations, mémoriser les infos puisqu’on voit 210 énormément de monde aussi donc parfois quand on gère l’administratif c’est en fin de journée donc il
faut avoir aussi l’esprit de synthèse, se souvenir bien de chaque personne et bien retranscrire les
capacités… retranscrire le plus objectivement possible ce qu’on a perçu. Que ce ne soit pas mal
interprété, donc l’administratif il faut aussi des qualités au niveau de la clarté. Et puis oui il faut… du
temps, au niveau de l’organisation il faut du temps et de la rigueur. 215
- Et ça tu as appris à le gérer sur le terrain…
- Euh… au début, je n’ai pas vraiment géré en fait !!! C’est-à-dire que du coup je restais là un peu plus
tard ou je mangeais ici le midi pour gérer l’administratif ou… j’étais un peu débordée donc après on 220 se réorganise…
L’administratif, soit on le fait avec le bénéficiaire puisque après tout il est l’acteur principal et il
participe aussi aux documents qu’on transmet, il doit être au courant des informations qui sont
transmises sur lui donc moi ça m’arrive de le faire avec le bénéficiaire ou de prendre deux minutes
entre chaque rendez-vous pour pouvoir le gérer. 225
- Tu t’es appropriée les choses avec le temps…
- Oui c’est se préparer à l’avance pour pouvoir anticiper.
230 - Est-ce qu’il y a d’autres choses comme ça que tu as réussi à faire par expérience ou est-ce que
simplement quasiment tout est lié à ton parcours d’étude ?
- Par l’expérience ? Il y a plein de choses qui demandent énormément de travail au début et puis
finalement j’ai aussi appris… En fait, ça va toujours avec le souci que j’avais au début d’avoir peur de 235 ne pas faire bien et de ne pas répondre correctement à la demande.
124
Donc au début je faisais chez moi. S’il fallait prendre une heure de plus chez moi je la prenais alors
que maintenant je le fais avec la personne. C’est un gain de temps puisque je travaille sur le temps de
mes rendez-vous. C’est-à-dire que s’il y a un CV à faire on va le faire ensemble.
Donc oui, j’ai évolué sur ma façon de travailler ; je rends de plus en plus « acteur » le bénéficiaire. De 240 formation, j’étais en « Psychiatrie » et les gens ne sont pas autonomes, il faut faire « à la place de » sur
la plupart des choses et ce que j’ai appris ici, c’est qu’on ne fait pas « à la place de » mais « avec ».
Nous, on est là pour avoir un regard et apporter des réponses quand il y a une question.
- Tout ça, c’est ta propre remise en question, c’est l’observation des unes et des autres au niveau 245 des collègues, des conseils que l’on t’a prodiguée… Comment tu en es arrivée là ?
- Ce sont des conseils parce qu’au début c’est vrai que je travaillais sur l’heure du midi donc ça a été
des conseils de ma hiérarchie ; de Rachel, Céline et Monique à l’époque où je suis arrivée.
Après aussi en discutant avec les collègues sur leur façon de faire. Je voyais bien qu’elles étaient 250 beaucoup moins débordées que moi ! Finalement les collègues me disaient qu’ils étaient aussi passés
par là et chacun donne ses conseils et après je crois que chacun fait sa propre technique.
On s’organise tous différemment mais en tous les cas on arrive tous à gérer notre tâche alors après…
c’est en fonction de notre tempérament je crois et de l’anxiété qu’on peut avoir… enfin moi je sais que
je suis anxieuse, si ce n’est pas fait euh… ça ne va pas aller donc euh… Après il y a des personnes qui 255 vont gérer ça à la semaine ça dépend aussi de la rigueur et du temps…
Au début oui c’était plus Monique, Rachel et Céline qui me conseillaient en voyant que là ça me
prenait… En plus au début on avait ce qu’on appelle les « Portefeuilles de Compétences », ce qui
demandait énormément de travail et j’ai appris à les faire avec les bénéficiaires et c’était d’autant plus
riche finalement et beaucoup moins subjectif. 260
- C’est important les collègues, le travail en collaboration ?
- Oui c’est énorme, c’est super important. Je ne pourrais pas concevoir de travailler toute seule. Par
honnêteté pour les personnes que je reçois ; je n’ai pas toutes les solutions, je n’ai pas toutes les 265 réponses, je suis une personne aussi avec mon tempérament. J’ai des collègues qui ont d’autres idées,
d’autres approches et c’est obligatoire. Echanger sur sa pratique, échanger sur des ressentis, de se
repérer finalement et de se donner des cadres.
Alors les collègues et puis aussi les Responsables ; ce sont des personnes qui nous donnent le cadre et
puis des repères sur la qualité du travail qu’on fait. C’est important de se remettre en question tout le 270 temps : encore une fois on travaille avec de l’humain on n’est pas des blocs de glace donc forcément
qu’à des moments il faut aussi prendre du recul par rapport à sa propre pratique et à son ressenti.
- Qu’est-ce qui t’anime le plus dans ce que tu fais, qu’est-ce qui fait que tu te dis que oui, c’est
bien ce que tu veux faire et que ça te plaît ? 275
- C’est aider, accompagner les personnes, c’est… un métier où on est dans le relationnel. Moi ce qui
me plaît le plus c’est dans l’individuel : je suis plus à l’aise en face à face qu’en groupe. Pourquoi ce
métier ? Et bien on peut peut-être parler en terme de comparaison.
Avant j’étais en Mission Locale où on fait un travail qui est très très large et où on aborde 280 énormément de problématiques. Là, on est sur l’emploi, on a une problématique unique, on va traiter
pas mal de choses là-dessus mais il y a aussi beaucoup de moyens, c’est-à-dire qu’on voit les choses
avancer, on voit les personnes qui réussissent donc ça c’est satisfaisant.
Même si nous on a des buts à atteindre qui ne sont pas forcément ceux que les bénéficiaires se sont
fixés mais en tous les cas, s’ils arrivent à atteindre les leurs voilà. Moi toute la satisfaction que j’ai 285 dans mon métier c’est ça ; c’est voir les personnes repartir avec le sourire et de sentir que voilà ils ont
gagné un peu en venant nous rencontrer et en tous les cas que j’ai répondu à une partie de leurs
questions et de leurs problématiques.
125
- Oui donc pas forcément de l’emploi ou de la formation mais là j’entends encore quelque chose 290 derrière qui relève du…
- Oui oui moi c’est plus l’humain ! Après évidemment la réponse c’est forcément trouver un emploi
mais ça c’est la personne qui le sait. A mon sens, pour faire un travail de qualité, il faut être à l’écoute
donc une nouvelle fois du prescripteur - qui a identifié ce dont la personne avait besoin - et d’être à 295 l’écoute de la personne et de ce que elle veut et de ne pas projeter non plus nous nos objectifs
forcément… Evidemment au quotidien mon boulot c’est de trouver du travail aux gens mais si je ne
respecte pas la personne de toutes façons ça ne donnera rien de… sur de la durée.
- Et là tu parlais de la dimension individuelle, tu disais que tu préférais être en individuel ; alors 300 quelle est la différence entre l’individuel et le groupal ?
- La différence que moi je fais ; les personnes sont différentes finalement. En individuel, on va avoir
plus d’authenticité et en tous les cas il va y avoir plus de choses qui vont… plus rapidement se mettre
en place. 305 En groupe, il y a toute la dynamique de groupe qui est en jeu, il y a tout ce qui fonctionne avec un
groupe en fait.
Du coup, il y a de l’animation alors moi l’animation, ce n’est pas mon point fort, de par mon
tempérament je ne suis pas quelqu’un qui est très à l’aise forcément face à un groupe. Il peut y avoir
rapidement un individu qui déstabilise toute la dynamique du groupe et ça, je n’ai pas forcément 310 toutes les clés pour réussir à rétablir un équilibre.
En individuel, même s’il y a de l’agressivité, parce que les gens en souffrance ont différentes façons
de l’exprimer - ou pas forcément en souffrance d’ailleurs parce qu’il y a des gens agressifs aussi –
euh… ça en individuel, j’arrive plus facilement à gérer parce que voilà, on peut plus facilement poser
les choses en face à face. 315 Quand on a un groupe de quinze personnes déjà voilà. Cela demande quand même des qualités de
gestion de groupe là. En terme de temps aussi, ça ne se répartit pas de la même façon, il faut gérer les
cadences de chacun. Il y a plein plein d’à-côtés à gérer.
Il faut s’adapter à plusieurs personnes alors qu’en individuel voilà ; on fait avec la personne qu’on a
en face de soi et on est totalement disponible pour cette personne-là. Et on répond à une 320 problématique à la fois sans non plus mettre mal à l’aise les personnes ; quand on traite des sujets
délicats comme les problèmes de santé, de dépression etc… en groupe, ce n’est pas évident de les
aborder tout en restant dans le respect. Pour le coup ça m’est difficile. Même de mettre mal à l’aise
des personnes qui n’ont pas forcément envie de prendre la parole ou des choses comme ça.
325 - Oui donc là c’est plus de l’ordre de techniques de communication finalement.
- Oui. Je ne suis pas une animatrice… même pas du tout !
- Donc pour finir est-ce que tu peux me donner cinq termes pour me parler de ton travail ; ça 330 peut être des noms, des adjectifs, des verbes… ce qui te vient à l’esprit ?
- Cinq termes euh… « Accompagnement », « Respect », « Social », « Travail », « Insertion ».
126
ANNEXE N° 9
Entretien N° 8 5
- Alors est-ce que tu peux me parler de ton parcours scolaire, enfin… de ta formation et de ton
parcours professionnel ?
10 - Donc j’ai un Bac Littéraire que j’ai eu en 84 et donc j’ai poursuivi dans des études juridiques, donc
des études de « Droit » jusqu’en Licence donc en 1990. C’était un peu une erreur d’orientation
professionnelle, je n’ai pas vraiment trouvé ma voie dans ce domaine-là et donc je suis sortie à ce
moment-là du système universitaire, de la formation initiale pour aller vers une formation
professionnelle de Documentaliste. 15 C’est une formation que j’ai effectuée en 1993 par le biais de l’Institut Régional des Techniques
Documentaires donc à Rouen en collaboration avec le CNAM. C’était un poste en alternance que
j’effectuais à l’Institut du Développement Social de Canteleu, donc j’étais Documentaliste dans le
secteur social.
Suite à cette formation, j’ai travaillé comme Documentaliste à la Chambre du Commerce de Rouen en 20 « Documentation Commerce International », ce qui ne m’intéressait pas vraiment. Et puis par la suite
à Paris à la Mutualité Française. Donc là, « Documentation » mais dans le domaine plus « Sanitaire et
Social ».
Ces postes-là donc ça s’est déroulé sur 93… ou non 91 plutôt jusqu’à environ 96. En 96, j’ai été
obligée de revenir sur Pont-Audemer pour raisons familiales et là évidemment en « Documentation » 25 ayant été obligée de quitter Rouen pour Paris, ça devenait plus que compromis !
Donc là ça été un moment important, un moment de recherche d’emploi de longue durée très stressant.
Je pense que ça a compté beaucoup après pour mon orientation.
Donc j’ai recherché dans la région vers du « Secrétariat » et j’ai trouvé un poste de Secrétaire tout
simplement donc là c’était en 97. Poste qui a duré deux ans. C’était dans une association d’insertion 30 qui avait pour but de remettre dans l’emploi des « Demandeurs d’Emploi » de longue durée dans le
cadre de « Contrats Emploi Solidarité » par le biais de ce qu’on appelle le « tri sélectif ».
Cet emploi m’a donné envie je dirais… véritablement de m’orienter vers le métier de Formateur.
Voilà. C’est vrai que durant mon parcours avant j’avais une sensibilité dans le « Droit » au niveau du
« Droit Social », le « Droit du Travail » etc… Là j’ai fait un petit peu le lien avec l’intérêt pour les 35 gens dans le domaine professionnel.
En 99 je me suis positionnée sur la Formation de « Formateur en Bureautique », Diplôme
Universitaire de « Formateur en Informatique » à la Formation Continue à Rouen. La Bureautique,
j’aime beaucoup et je me disais que j’allais ajouter une corde à mon arc sachant que de toutes façons,
j’étais intéressée par un public « Demandeur d’Emploi », vers l’Insertion. 40 Donc mes stages je les ai réalisés dans le cadre de la Formation de Formateurs dans des Organismes
de Formation ; « Retravailler » à Pont-Audemer et puis « STP Formation ». Donc des organismes qui
accompagnaient je dirais des gens en Insertion Professionnelle. Il y avait déjà une certaine proximité
même si j’intervenais en « Bureautique » à ce moment là. J’ai eu mon Diplôme en Mai 2000 - la
formation durait à peu près neuf mois - donc j’ai été embauchée au GRETA d’Honfleur - le GRETA 45 du Pays d’Auge - pour un CDD, de septembre 2000 à mars 2001 où j’ai fait de la formation
« Bureautique » dans le cadre d’ « Ateliers Pédagogiques Personnalisés » et également de la prestation
d’« Accompagnement Insertion Orientation Professionnelle », en individuel et en groupe.
J’ai appris qu’un poste en CDI se libérait sur Lisieux ; un poste dans le cadre d’une entreprise
d’entraînement pédagogique que gère un organisme de Caen qui s’appelle (…. inaudible à 50 l’enregistrement…) donc c’est on va dire une formation « Bureautique/Secrétariat » mais dans le
cadre d’une entreprise virtuelle donc j’étais à la fois chargée je dirais du suivi pédagogique et
administratif de la formation, j’intervenais en tant que Formatrice en « Secrétariat/Bureautique » et
également j’étais considérée comme Directrice d’Entraînement Pédagogique. Et là ça a un petit peu
coincé puisque en tant que Directeur d’une entreprise on est sensé connaître la 55 « Gestion/Comptabilité », ce que j’ignore complètement et donc c’était très stressant comme poste.
Toute cette dimension-là et se retrouver à gérer des stagiaires quand on ne l’a jamais fait et en plus
loin du siège, ça a été une expérience assez stressante et bon…
Donc à ce moment-là moi j’essaie de me rapprocher pour faire moins de route et donc j’ai eu
l’opportunité de déposer ma candidature chez ORREA à Pont-Audemer et donc en Février 2002 j’ai 60 commencé un CDD de février à juin entre Pont-Audemer et Harfleur donc en tant que Conseillère en
127
Insertion et Orientation Professionnelles et donc j’ai été reprise en CDI ensuite et voilà, j’y suis depuis
six ans passés.
- Alors est-ce que tu peux me parler de tes missions chez ORREA ? 65
- Je fais l’accompagnement de personnes demandeuses d’emploi dans le cadre de la recherche
d’emploi, de l’insertion professionnelle et de l’orientation professionnelle.
Donc ça veut dire des interventions sur des prestations ANPE, l’accompagnement sur la recherche
d’emploi l’« Objectif Emploi », l’accompagnement sur le projet professionnel l’« Objectif Projet » et 70 le « Bilan de Compétences Approfondi ».
Je dirais que c’est un peu la base des prestations donc à côté de ça j’interviens également sur les
ateliers ANPE ; ateliers dans le cadre des agences pour tout ce qui concerne la consultation du site
ANPE, ateliers « multi thèmes » par rapport aux thématiques définies par l’ANPE.
J’interviens également dans le cadre des « Bilans Jeunes », une prestation mise en place avec la 75 Mission Locale du Havre pour accompagner des jeunes de la Mission Locale. Donc là public
particulier ; public « Jeunes ».
On va intervenir aussi bien sûr sur les actions « Région » comme le « CPPH ». Des actions aussi par
rapport aux « Demandeurs d’Emploi » de longue durée également, donc ça ce sont plus les actions de
formation. 80
- Est-ce que tu as les mêmes missions sur ces actions de formation que sur les prestations ?
- Alors c’est vrai que les actions se rejoignent puisqu’on travaille sur la dimension d’orientation, on
travaille sur le projet professionnel et sur la dimension de l’insertion ; donc on retrouve toujours cette 85 même toile de fond. Après les modalités de mise en œuvre sont différentes, sur les prestations on
intervient ponctuellement sur des rendez-vous d’une heure ou de trois heures bien ciblés avec un
planning.
Les actions de formation ; les gens déjà sont « Stagiaires de la Formation Professionnelle » donc ils
sont présents tous les jours, il y a rémunération je dirais qu’il y a aussi une dimension de groupe… 90 avec des stages en entreprise, donc il y a peut-être un travail plus approfondi.
La manière de travailler est différente mais pour autant le but reste toujours le même. C’est le cadre
qui est différent.
- Alors justement quelles sont les activités qui sont mises en œuvre dans le cadre de ces ateliers 95 ou prestations ? Concrètement qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce que tu mets en place ?
- Alors par rapport aux prestations il y a différentes phases en général. Une phase… on va dire
d’identification par rapport à… on va dire un « Bilan Personnel » ; les qualités, les motivations…
Une phase d’identification du « Bilan Professionnel » ; on va partir de l’expérience de la personne, 100 identifier ses savoir-faire, ses compétences, pour faire un état des lieux je dirais, pour voir de quoi on
part.
A partir de là… en fait je considère que ce sont les fondations d’une maison et là on peut construire
différentes choses ; on peut construire toutes les « Techniques de Recherches d’Emploi » que sont
CV, lettre et comment faire un entretien et on construit également le projet professionnel, on construit 105 différentes orientations possibles à partir de l’existant ; ce qu’est la personne, ce qu’elle a fait.
Pour cela on peut s’aider - dans le cadre de projets professionnels - d’outils comme les logiciels
d’orientation comme « PASS’AVENIR » par exemple, d’autres outils, des inventaires par rapport à je
dirais d’autres métiers possibles. Donc la phase d’identification, d’investigation, elle est très
essentielle ; elle permet de construire le reste. Ce n’est pas quelque chose qui est bâclé, c’est quelque 110 chose de vraiment important.
A partir du moment où on est passé par cette étape-là, on va rentrer sur la dimension je dirais… de
confrontation - soit du projet, soit de recherche d’emploi - à la réalité. Donc sur du « BCA » ou de l’
« Objectif Projet », par rapport au métier qui est susceptible d’intéresser la personne, on va
l’accompagner par rapport à une collecte d’informations, de documentation. Par rapport à de la 115 documentation papier, de la recherche d’informations sur Internet, par rapport aussi à des démarches
d’ « Enquêtes-Métiers » que la personne effectue auprès de professionnels pour valider son projet.
Pour la recherche d’emploi, en général c’est que la personne a déjà exercé le métier ou qu’elle est
dans un métier suffisamment proche pour qu’il y ait des compétences transférables donc on aura
identifié les Fiches-Métiers et les Codes-Métiers auxquels on se réfère par rapport au répertoire de 120 l’ANPE.
Ceux-ci nous donnent aussi des éléments pour voir si la personne, par rapport à ce qu’elle a pu faire,
correspond à telle et telle fiches. Pour pouvoir après construire avec elle les CV, les thématiques… en
128
allant sur le site de l’ANPE ou sur d’autres outils pour trouver des annonces par rapport à ce qui
correspond à ses attentes. 125 Et donc bien lui expliquer la méthodologie des lettres de réponse à annonces, mettre en place du
ciblage d’entreprises par rapport au secteur d’activité qui l’intéresse, à la zone géographique.
Egalement on travaille par rapport à tout l’argumentaire pour faire une relance téléphonique, contacter
une entreprise directement ou pour réaliser un entretien de motivation. Donc en fonction d’un
argumentaire, en fonction des questions qui reviennent le plus souvent aussi… On voit la 130 méthodologie bien sûr mais aussi on fait des simulations, on revient sur des points particuliers de
l’entretien… voilà.
Je dirais que ce qu’il faut bien comprendre dans ce métier c’est que l’on fait de l’accompagnement,
c’est-à-dire que le but ce n’est pas de faire à la place des gens, on doit les amener à comprendre
comment ça fonctionne pour être capable de faire. Le but c’est que les gens soient autonomes et qu’ils 135 ne soient pas embêtés après parce qu’ils ne savent pas faire eux-mêmes.
Donc par rapport à l’aspect « projet », on rejoint toujours un moment l’aspect où l’on met en place le
plan d’action que ce soit pour de la recherche d’emploi ou de formation, sachant que les outils
diffèrent peu. Donc je dirais sur le projet professionnel on a plus cette dimension en amont de
réflexion sur ce qu’a pu faire la personne et rechercher en quoi elle pourrait le transférer. 140 Je dirais que sur le projet, on a une dimension peut-être plus… on travaille peut-être plus sur des
profondeurs sachant qu’un projet professionnel n’est jamais séparé d’un projet de vie donc c’est vrai
que l’on rentre plus dans le fonctionnement de la personne.
Après on va être plus dans la recherche d’emploi sur les techniques. Après, ce n’est jamais absent, il y
a toujours la dimension « confiance en soi » parce que s’il elle n’est pas derrière et bien ça ne se met 145 pas en place. Donc là c’est vrai qu’il y a un travail souterrain qui est fait, qui n’est pas toujours
formalisé mais qui est là… on travaille à partir de l’échange donc…
- Tous ces éléments que tu viens de citer, on les retrouve également sur les formations « Région »
ou… 150
- Alors, les grandes phases ; investigation, confrontation du projet… oui. On les retrouve bien sûr…
alors il y a toujours la dimension d’accompagnement parce effectivement le but c’est qu’ils se
retrouvent autonomes. Tout dépend sur les actions « Région » si on a un peu d’individuel ou si ce
n’est que du groupe. 155 C’est vrai que il est bon je dirais d’avoir un petit peu d’individuel parce que il y a des choses qu’ils ne
vont pas forcément dire en groupe, par rapport à des freins qu’il peut y avoir, à des blocages, à des
questions de confiance en soi ; il y a des choses qui peuvent se faire en groupe d’autres pas. Donc il
est toujours bon sur des actions de formation qu’il y ait quand même des moments d’échange en face à
face. Je dirais que la mise en œuvre est différente, il y a une dimension, une relation qui est autre. 160
- Donc c’est différent dans le relationnel.
- Oui parce que au niveau des outils de fonds, ce sont toujours les mêmes outils. C’est vrai que bon…
en soi les méthodes ne sont pas forcément radicalement opposées. On est en groupe donc forcément ce 165 n’est pas tout à fait pareil, ça peut être plus dynamique aussi. Mais le relationnel est différent.
- Tu parlais de la notion d’écoute… tout ça fait partie des qualités, des compétences, des
aptitudes que tu dois avoir pour exercer en tant que tel, donc est-ce que tu peux davantage me
parler de ces qualités ? 170
- Alors déjà « aimer les gens » ; avoir un bon sens relationnel, s’adapter aux gens, avoir une très bonne
capacité d’écoute, moi je dirais presque d’intuition parfois - elle se forge par rapport à la pratique -
moi je dirais que ça c’est la qualité numéro un : si on n’a pas cette capacité d’écoute par rapport à la
personne qui est en face, on peut passer à côté de beaucoup de choses. 175 Ce n’est pas seulement un métier technique où l’on va transmettre des méthodes, des manières de faire
par rapport aux recherches d’emploi. C’est vrai que pour moi personnellement la dimension humaine
compte beaucoup. Je dirais que c’est l’essentiel ; c’est comme ça que je l’ai envisagé, je pense que ça
tient aussi à ma personnalité. Le fonds c’est véritablement qu’il y ait une relation de confiance qui
permette justement d’accompagner la personne vers ce qu’elle souhaite, vers son objectif. 180 Donc effectivement le sens relationnel, la capacité d’écoute, l’empathie… tout ça pour moi c’est
vraiment très important.
129
- Est-ce qu’il y a des choses plus basiques entre guillemets ?
185 - Après il faut aussi une capacité de rigueur et de méthode, parce qu’il y a un cheminement ; on est
aussi l’accompagnateur, donc celui qui va guider. Il ne faut pas faire à la place, il ne faut pas être
dirigiste mais c’est vrai que parfois il va falloir recentrer la personne donc… avoir aussi une part de
fermeté.
Il y a quand même un cap à tenir et donc il ne faut jamais perdre ça de vue non plus. Il faut trouver 190 l’équilibre entre le dialogue et l’échange et puis il faut aussi que ça avance dans le sens de l’objectif
que l’on s’est fixé.
Il faut aussi de la réactivité par rapport aux demandes des gens. Même si on a une trame, moi je dis
toujours que ça reste une trame ; c’est à individualiser, c’est personnalisé. Quelqu’un de trop rigide, de
trop rigoriste je dirais va rentrer dans un cadre… il y a un cadre mais il faut le moduler. 195 Il faut aussi de bonnes capacités rédactionnelles parce qu’on est amené quand même à rédiger donc à
analyser, à faire des synthèses, à capter tout de suite… être intellectuel voilà.
Il y a également la capacité à se remettre en cause par rapport à ce que les gens… ne pas se renfermer.
Parfois il y a des choses qui vont nous interpeller et c’est bien d’avoir cette capacité de s’observer
aussi et de regarder comment on fonctionne pour ne pas que ça devienne trop automatique. 200 C’est vrai que c’est un métier où il y a un cadre administratif important aussi parce que c’est l’ANPE,
la Région et donc plein de formalités donc il faut aussi gérer le quantitatif et le qualitatif ; il faut faire
un peu le « grand écart », voilà.
- Comment as-tu acquis ces qualités ? 205
- Je pense qu’on a ça en soi, qu’on a une dimension humaine, moi je sais que je l’ai toujours eue
quand je regarde en arrière… je me rends bien compte que je suis quelqu’un qui a une grande
sensibilité aux personnes, on ressent très facilement…
Après aussi il faut savoir canaliser parce que ce n’est pas toujours idéal. Mais je pense oui… que l’on 210 a des qualités pour ce métier ; après elles peuvent se développer bien sûr, je ne pense pas que d’un
Conseiller à un autre on ait les mêmes qualités à un même niveau en tous les cas. On ne fait pas les
choses de manière semblable justement parce qu’on est différent.
Je pense aussi - enfin pour ma part - que ça se nourrit aussi de mon expérience. Sur le domaine social,
psychologique - pour moi c’est un intérêt personnel je suis passionnée par ce qui tourne autour de la 215 psyché humaine - voilà et je lis très facilement dans les gens. J’ai ce côté très intuitif qui est des fois
un peu perturbant !
C’est vrai qu’au sortir de la fac de « Droit » j’ai passé le concours de Conseiller ANPE, je n’ai pas été
prise mais c’est vrai que ça montrait déjà une sensibilité pour ce domaine professionnel.
C’est vrai que la vie professionnelle est une part très importante de la vie, c’est quelque chose de très 220 évolutif à l’heure actuelle également et je pense que c’est important de s’épanouir dans sa vie
professionnelle et d’aider les autres à aller vers ça et bien moi ça me paraît très important.
Moi j’ai connu la difficulté d’orientation, de ne pas savoir ce qu’à un moment j’allais… d’avoir dû
toute seule mettre en place ces techniques - dont je me suis aperçu après qu’elles existaient - et le fait
aussi d’avoir été au chômage tout ça… je pense que ça me donne une sensibilité pour comprendre ce 225 que les gens disent ou ressentent. Je pense que c’est peut-être un plus par rapport à des Conseillers qui
n’auraient pas vécu ça.
- Et le cursus scolaire dans tout ça, la formation de Formateur, par exemple, qu’est-ce qu’elle
vient apporter ? 230
- Elle m’a apporté quand même la connaissance des techniques parce que c’est vrai qu’il faut avoir
des compétences en « Pédagogie », en « Psychologie de l’Adulte »… enfin c’est important parce que
moi je ne me sentais pas capable d’aller comme ça accompagner les gens sur le terrain sans avoir -
c’était peut-être pour me rassurer - les connaissances et une validation par des professionnels de mes 235 capacités.
Donc je pense que les capacités sont importantes, après les connaissances et les techniques à mettre en
œuvre le sont aussi…
130
- Et tu as le sentiment d’exploiter ta formation ? 240
- Oui, oui, oui… c’est-à-dire qu’on ne l’exploite peut-être pas tel qu’on l’aurait imaginé au départ
mais c’est vrai que ce sont quand même des acquis importants et qui donnent des repères. Oui c’est
important… je suis en train de m’apercevoir que je n’ai pas parlé de la dernière formation que j’ai
faite ; ça m’interpelle ! 245 C’est une formation que j’ai effectuée en « Coaching » et c’est vrai que j’ai toujours été très sensible à
l’aspect « développement personnel », à la confiance en soi et tout ça.
La chose qui manque aux gens pour retourner en emploi en général, c’est la confiance et par rapport à
ça, je me suis dit qu’on n’avait pas d’outils donc on fait comme on peut avec ce qu’on est et je voulais
aussi évoluer - parce que moi je trouve que c’est très important d’évoluer dans la vie en général - donc 250 j’ai un peu cherché à combler ce manque là en… essayant de faire une formation qui pourrait
m’apporter un plus.
Un élément aussi à savoir, c’est que je crois que j’ai toujours regretté de ne pas avoir fait « Psycho »,
ça restera un de mes grands regrets…
255 - Il n’est jamais trop tard !
- J’y ai pensé par le biais… je me suis aperçu que la « Psycho » telle qu’on l’enseigne à l’Université
ne me correspond pas trop et que j’aurais peut-être pu le digérer à dix-huit ans mais pas à quarante !
Moi c’est la « Psychothérapie » qui me passionne véritablement donc je pense que… ça ne le ferait 260 pas trop et puis c’est vrai que les outils de « développement personnel »… ça m’intéressait de pouvoir
voir un petit peu plus loin et il s’est trouvé que dans mes recherches de formation je me suis trouvée
avec des formations continues.
J’ai fait donc cette formation « Conseil en Ressources Humaines/Coaching », alors le terme de
« Coaching » est un peu galvaudé, c’est le « Coaching » dans le cadre professionnel, de toutes façons 265 normalement le « Coaching » c’est du cadre professionnel. Bon c’est vrai qu’il y a le « Coaching
Personnel » qui dérive un peu aussi vers la « Psychothérapie ». Déjà la limite entre « Coaching » et
« Psychothérapie » est toujours un peu difficile donc il est bien important de resituer dans le cadre
professionnel ; c’est donc un accompagnement de personnes en situation professionnelle sur des
problématiques rencontrées par rapport à leur environnement, leur métier, leur cadre professionnel. 270 Donc durant cette formation qui avait lieu deux jours par mois donc à Paris de octobre à juillet 2007,
il y avait des apports théoriques bien sûr, divers et variés, toutes sortes de techniques et puis une
journée de pratique en petits groupes. Donc c’était intéressant, pas autant que je l’aurais espéré…
- Tu l’as réinvestie cette formation ? 275
- Pas vraiment c’est mon grand regret, c’est vrai que je l’ai faite dans le cadre d’ORREA, avec mon
congé initié de la volonté de madame GERHART de développer cet aspect-là et ça n’a pas été
vraiment repris par la suite. C’est vrai que le « Coaching » n’est pas forcément facile à mettre en place
en région mais bon il y a quand même des activités autour en entreprise. 280 Après, ce que j’ai appris ça m’a alimentée, c’est venu je dirais nourrir mes prestations, c’est évident.
- Alors moi il y a quelque chose qui m’interpelle dans ce que tu dis ; par exemple là je reprends
tes termes, il y a « alimenter », il y a « nourrir », tout à l’heure tu m’as parlé d’une espèce de
flair, d’intuition qui se construit avec l’expérience. Derrière ça j’entends - sauf erreur de ma 285 part - comme quelque chose qui se construit, qui se fabrique au fil du temps…
- Tout à fait…
- Est-ce que tu peux développer là-dessus ? 290
- Alors c’est vrai que dans les métiers humains - là pour le coup on est en plein dedans - on a des
bases que l’on acquiert par des formations, des connaissances, donc on va les mettre en application.
Effectivement on va apprendre au fur et à mesure de l’expérience.
Sur nous-mêmes, sur les autres ; c’est ça aussi qui est passionnant dans ce métier c’est que finalement 295 on n’a jamais fini d’apprendre, on se remet toujours en cause, même si les prestations se
ressemblent… mais bon les personnes sont toujours différentes. C’est vrai que c’est une dimension
pour moi importante et essentielle ; j’aurais du mal à faire un métier où il n’y aurait pas cette
dimension-là.
L’humain c’est toujours différent, il n’y a pas deux personnes qui fonctionnent pareil. Bon c’est vrai 300 que quelqu’un qui fait un métier manuel peut développer sa pratique, ses créations mais c’est vrai que
131
dans ce métier on se développe, on évolue et que les personnes que l’on reçoit nous apportent
beaucoup, il y a un échange. Ce n’est pas que dans un sens pour moi.
Sinon oui peut-être dans le côté… c’est peut-être ce pourquoi je préfère le métier de Conseiller
Accompagnateur au métier de Formateur, c’est parce que le Conseiller Accompagnateur va apporter 305 des choses à l’autre mais l’autre va aussi lui en apporter, ce qui fait que cet échange-là fait que c’est
dynamique finalement, qui va permettre à la personne de faire son propre chemin. Le Formateur… on
est des fois plus dans la transmission du savoir-faire et donc… enfin moi je le ressens comme ça peut-
être…
Mais moi de toutes façons je préfère le face à face en individuel que le groupe ; c’est une question 310 d’énergie, moi le groupe a tendance un petit peu à m’épuiser ! Je n’ai pas l’impression des fois de
pouvoir tout gérer et je n’ai pas l’impression des fois de pouvoir apporter la même chose… moi j’aime
bien les relations de profondeur donc forcément…
- Alors le travail en équipe, est-ce qu’il existe ? Comment si c’est le cas ? 315
- Alors le travail en équipe… je ne dirais peut-être pas le travail en équipe mais plutôt en collaboration
car en équipe pour moi c’est intervenir tous sur la même chose donc ce serait peut-être trop restrictif.
Je préfère parler de travail en collaboration dans le sens où effectivement on échange sur les personnes
que l’on accompagne mais aussi quand on rencontre des difficultés, quand on se pose une question. 320 C’est important parfois de dire à ses collègues : « Tiens là j’ai ce cas là, qu’est-ce tu en penses ? T’as
pas des infos ? ». Donc voilà, c’est vrai que cette dimension-là est importante même si on mène les
choses de manière autonome. Parfois on a plusieurs intervenants sur un même dossier donc il faut être
capable de faire le relais, qu’il y ait quand même une harmonisation la plus importante possible.
Et puis le cadre je dirais de l’entreprise ou les Conseillers ou les Formateurs apportent aussi beaucoup 325 parce qu’on a des profils variés en terme de formations, de personnalités et puis on vient d’horizons
différents donc ça va apporter des regards différents.
C’est particulièrement vrai dans les formations en groupe ; les formations « Région » par exemple, il y
a toujours plusieurs intervenants bien sûr, plusieurs Formateurs qui interviennent et je dirais que
l’apport est différent et ça se complémente. Donc je trouve que pour les stagiaires c’est bien. 330
- Pour les stagiaires…
- Pour les Formateurs aussi parce que c’est vrai que… alors, il faut savoir s’harmoniser par contre
sinon ça peut faire des « couacs » et permettre aux stagiaires de se faufiler dans les brèches existantes, 335 mais oui c’est vrai que travailler en collaboration… oui c’est une dimension que j’aime bien.
Le Conseiller de toutes façons aimant le relationnel, je pense que la dimension du travail avec les
collègues est quelque chose d’important. On a la chance de bien s’entendre et c’est d’autant plus
agréable.
340 - Alors justement qu’est-ce qui n’est pas agréable ?
- Le moins agréable ; tout le côté administratif. Bien sûr il en faut, il faut formaliser, c’est nécessaire
mais des fois c’est… un peu beaucoup !
Par rapport aux bénéficiaires ce qui est bien c’est d’avoir des profils variés parce que quand on a 345 toujours les mêmes profils, avec les mêmes difficultés… Moi personnellement ce que j’aime faire,
c’est travailler sur les compétences, sur l’identification des savoir-faire, sur ce qu’ils sont, leurs points
forts, points faibles, motivations… mais faire du social pur ; c’est lourd. Faire de l’Insertion Sociale,
j’en ai fait, c’est usant. Moi je suis quelqu’un de très sensible et j’absorbe beaucoup ce que sont les
gens et tout ça et voilà… Quand il y a des groupes, sur des difficultés sociales je suis plus à mon aise 350 peut-être.
Donc voilà c’est vrai que j’aime bien les profils variés, j’aime bien aussi avoir des gens qui sont
diplômés, profils « Cadres »… mais j’en ai pas toujours beaucoup donc des fois il y a quelques
frustrations aussi.
Et une grande de mes frustrations, puisqu’on en parle, c’est que j’aurais aimé faire du Bilan de 355 Compétences pour salariés et je n’en n’ai jamais fait.
Alors bon… il y a le « Bilan de Compétences Approfondi » ; ici on travaille de manière très proche
avec le Bilan de Compétences salariés… mais bon, ça restera une de mes frustrations !
132
- Pour finir, est-ce que tu peux me donner cinq termes pour me parler de ce que tu fais ? 360
- « Accompagnement », « Ecoute », « Evolution » et puis… non je crois que je vais rester sur ces trois
là !
133
ANNEXE N° 10
Entretien N° 9 5
- Est-ce que tu peux me parler de ton parcours enfin… de ta formation et de ton parcours
professionnel ?
10 - Ma formation… j’ai fait un Bac B à l’époque donc un Bac « Eco ». J’ai ensuite fait une « Prépa » et
ensuite je suis entrée en Ecole de Commerce. Donc l’ESC, l’Ecole de Commerce de Rouen. J’y ai fait
donc trois ans même quatre puisque j’ai fait une année en entreprise pendant mes études. Donc
pendant un an j’ai travaillé sur le site RENAULT de Cléon en fait et là, j’étais Assistante du
Responsable Communication. 15 Et puis à la sortie de l’ESC c’est vrai que le stage que j’avais fait en « Communication » m’avait bien
plu, mais c’est pas une matière qui est très abordée et très développée en Ecole de Commerce.
Donc j’ai passé un concours pour faire un DESS en « Techniques de l’Information et de la
Communication » au CELSA qui est en fait rattaché à la Sorbonne. Donc ça c’est pour mon parcours
euh… scolaire. 20 A la sortie du CELSA j’ai travaillé pendant un peu plus de deux ans dans une agence de conseil en
communication et relations publiques, donc là je faisais essentiellement des relations presse, des
opérations de relation publique. Ensuite j’ai travaillé pendant six mois, donc brève expérience en tant
qu’Attachée de Direction au sein de la Fonction Publique à la Direction Régionale du Service Médical
de Haute-Normandie ; c’était une expérience pas très concluante tant sur le plan de l’organisation que 25 sur le plan de la mission en fait, cela ne me correspondait pas, c’était pas mon métier.
Ensuite après cette petite expérience de six mois j’ai travaillé pendant près de trois ans sur un autre
site de production industrielle qui est celui de Blainville sur Orne avec l’usine de RENAULT
TRUCKS et là j’étais Chargée de Communication interne et externe. Donc là je travaillais sur des
problématiques de communication interne donc en lien avec la sécurité, le travail, l’environnement 30 aussi et puis depuis juin 2006 je suis chez ORREA.
Donc en fait avec essentiellement aujourd’hui des missions de communication. Au départ quand je
suis arrivée chez ORREA c’était aussi dans l’optique de reprendre avec Céline et Rachel donc
l’entreprise ; elles étaient à la recherche d’une compétence un peu différente de la leur et notamment
une compétence en matière de communication. Je dirais qu’entre juin et janvier j’ai effectué des 35 missions essentiellement de communication et ensuite quand on a repris effectivement l’entreprise, là
je dirais que j’ai diversifié mes activités donc j’ai toujours une part de co-direction de l’entreprise et
puis j’ai aussi à faire de la prestation à l’accompagnement de recherche d’emploi à la marge et sinon
je développe l’activité « Formation » en répondant à des appels d’offre - enfin pas toute seule - en
matière de formation… donc en « Management » , en « Communication » et en ce qu’on appelle 40 « Développement et Efficacité Personnelle ». Et sinon j’anime aussi la politique « Qualité », je pilote
et j’anime la politique « Qualité » de l’entreprise.
- Alors est-ce que tu peux développer sur la partie « Conseil-Accompagnement » et Formation ;
quelles sont les différentes missions, dans quel objectif, relié à quelles activités exactement ? 45
- Par rapport à ta première question « Accompagnement », je fais essentiellement de
l’accompagnement à la recherche d’emploi donc l’objectif je dirais c’est l’accompagnement à la
recherche d’emploi durable. J’en fais relativement peu. Donc là, ça se décline en de
l’accompagnement individuel avec de l’accompagnement sur tous les outils et les « Techniques de 50 Recherche d’Emploi » et puis aussi des phases en groupe qui permettent d’aborder des thématiques
plus générales donc des aspects plus méthodologiques. Mais je dirais ça, c’est une activité que je
pratique peu. Je pourrais plus parler du métier de Formateur.
134
- Oui donc quelles sont les missions du Formateur, à travers quelles activités ? 55
- Je dirais les missions du Formateur telles que je les vis aujourd’hui mais je dirais que ma réponse va
être un peu biaisée par mon autre positionnement de co-dirigeante. C’est-à-dire je dirais que ça va de
A jusqu’à Z ; de la réponse à l’appel d’offre ; donc répondre à l’appel d’offre et bien c’est étudier le
cahier des charges et apporter une réponse adaptée en terme de contenu, d’approche méthodologique, 60 d’apport théorique, d’exercice pratique… Ensuite je conçois les formations avec les supports, les
exercices, l’architecture de la formation…
- Oui c’est l’ingénierie…
65 - Oui c’est ça, c’est de l’ingénierie de formation en fait. Là on commence au fur et à mesure à se
construire aussi, on commence à avoir une bonne base de données enfin… je ne sais pas si on peut
appeler ça comme ça, mais en tous cas une bonne base de données de tous les contenus sur les
différentes thématiques, les exercices associés. Donc ça c’est je dirais la partie « Ingénierie de la
Formation ». 70 Et puis il y a la dimension « Animation », donc là c’est le cœur de métier du Formateur, c’est faire
vivre ce qui a été bâti en terme d’ingénierie et puis ensuite toute la partie « satisfaction ». C’est dans
une démarche d’amélioration aussi, pouvoir s’améliorer sur les choses qui ont peut-être moins bien
fonctionné.
Après, pour répondre à ta deuxième question… ça je dirais c’est pour les missions du Formateur. 75 Après… « rattachées à quelles activités ?» et bien je dirais qu’il a deux grandes familles de public que
l’on forme ; des salariés d’entreprise donc de manière… ce que l’on appelle en « intra » et on forme
un groupe de salariés de l’entreprise. Tout ça donc c’est en groupe ou en individuel car les salariés
peuvent utiliser leur DIF pour réaliser de la formation. Nous, on peut les accompagner soit en groupe
soit en individuel. Donc ça c’est notre premier public de formation. 80 Et puis je dirais on forme aussi les Agents de la Fonction Publique via deux organismes ; le Centre
National de Formation de la Fonction Publique Territoriale sur la zone Haute-Normandie. En fait on a
un marché qui est le marché des techniques relationnelles et de communication. Donc après ça se
décline ; on forme à la prise de parole en public, à l’accueil physique et téléphonique à la gestion des
tensions et des conflits et à l’accueil du public difficile. On forme toujours les Agents de la Fonction 85 Publique mais les Agents du Ministère de l’Ecologie, de l’Aménagement et du Développement
Durable. Donc ça sur des thématiques qui sont les plus variées comme le « Management », la
« Conduite de Projet » de la « Communication ».
- Donc il n’y a pas un but aussi précis que dans le cadre de la dimension « Conseil-90 Accompagnement », ça peut là vraiment être plusieurs choses…
Bah… je dirais là l’objectif est propre à la… chaque objectif est propre à la formation. Par exemple
dans la formation « gestion du temps », l’objectif ça va être d’apporter… enfin, l’objectif général de la
formation ça va être d’apporter des méthodes, des outils à des personnes qui vont avoir à se former sur 95 une thématique particulière. Donc ça c’est l’objectif de la formation, de leur apporter des repères et
d’apporter une réponse non pas que théorique à leur problématique - et ça c’est notre approche de la
formation - mais aussi de répondre à leurs attentes.
Tout l’enjeu du métier de Formateur… c’est-à-dire qu’on arrive auprès d’un public qu’on ne connaît
pas ; on a une visibilité sur la catégorie du public mais les salariés, les gens qui sont en face en soi on 100 ne les connaît pas. Donc on a une idée de leur attente ; parfois ils sont là de manière volontaire parfois
ils ne sont pas là de manière volontaire et après derrière ça, on sait qu’on va les former à la gestion du
temps , au « Management », à la « Communication » mais derrière ils ont chacun des attentes
particulières et tout le travail du Formateur et de la formation c’est d’adapter un contenu qu’on a bâti
en amont et qui semble a priori répondre aux attentes à la réalité sur le terrain. 105 Je pense que c’est ça l’enjeu principal de la mission de Formateur. C’est s’adapter et savoir, à partir
d’un contenu qui est pré bâti sur un bureau derrière son ordinateur, de faire des liens avec ses
expériences, les attentes et les besoins des stagiaires.
135
- Donc justement, là on commence à aller sur le terrain des compétences, des savoirs, des savoir-110 faire etc… est-ce que tu peux développer un peu plus là-dessus ; quelles qualités en gros pour
généraliser tout ça demande ?
- Alors peut-être un peu dans le désordre, tu trieras tout ce qui me vient là… Je pense qu’il faut déjà
être à l’écoute donc ça c’est la première chose parce que… être en perpétuelle écoute par rapport aux 115 attentes des stagiaires justement.
C’est aussi être organisé et bien gérer son temps parce que ça se passe toujours comme ça en
formation, ça se passe jamais comme on l’avait imaginé la veille assis dans son fauteuil donc il faut
avoir une grande faculté d’adaptation et aussi malgré tout derrière ça… alors c’est faculté à s’adapter,
faculté malgré tout à rester organisé dans le temps imparti pour aborder toutes les thématiques. 120 Je pense qu’il faut être à même de savoir… d’être réactif en fait. Comme ça ne se passe jamais comme
on l’avait imaginé il faut trouver des solutions euh… donc ça veut dire… donc je t’ai dit s’avoir
s’adapter, être réactif, être à l’écoute, capacité d’organisation.
Malgré tout il faut une certaine aisance et une certaine aisance relationnelle parce que ça nécessite
j’dirais d’aller s’exposer entre guillemets auprès de personnes qu’on ne connaît pas donc… je pense 125 qu’il faut le savoir et par rapport à ça, et bien ça nécessite de s’investir à chaque fois. De s’investir
dans une relation qui est complètement éphémère en fait ; c’est s’investir dans une relation qui dure
une journée, deux journées ou parfois plus dans ce cas on a le temps de bâtir une autre relation mais…
Donc voilà.
130 - Est-ce qu’il y a des savoirs précis, des connaissances plus universitaires, théoriques, livresques
en dehors de justement des qualités personnelles… ?
- Oui, ce que j’ai évoqué c’est de la qualité personnelle… en terme de savoir bah je dirais qu’il faut
avoir un minimum de culture sur le sujet sur lequel on forme. Donc ça nécessite effectivement déjà 135 d’être en alerte par rapport à l’actualité, c’est une première chose ; d’avoir une bonne culture générale
et de la cultiver pour pouvoir justement… et bien savoir donner des exemples pertinents par rapport à
ce qui se passe que ce soit par exemple dans le ministère ou ce genre de choses…
Il faut aussi effectivement s’être documenté et avoir lu un certain nombre d’ouvrages dans le domaine
dans lequel tu formes. Sinon à part avoir des connaissances dans le domaine dans lequel tu formes oui 140 c’est bien aussi d’avoir des connaissances en terme d’animation de formation et de rapport au groupe
et de comment on gère un groupe quand c’est bruyant…
- De « Communication »…
145 - Oui de « Communication », c’est avant tout de la « Communication » ; c’est une relation de
communication la formation. Le Formateur n’est pas forcément dans une position très facile. Donc ça
c’est pour les savoirs et ensuite les compétences…
Je pense qu’il faut avoir des compétences d’animation, il faut savoir animer un groupe, savoir passer
d’une… en fait ça fait appel à des compétences différentes à différents moments, à chaque mission. 150 Quand tu réponds à un appel d’offre et que tu réfléchis à ce que tu vas faire ; la compétence derrière
c’est avoir l’esprit de synthèse. Il faut savoir être synthétique, savoir bien prendre en compte la
demande pour y apporter une réponse et puis il faut faire appel à ce qu’on a déjà fait, à ce qu’on a déjà
vécu pour pouvoir apporter une réponse adaptée.
En terme d’ingénierie de compétence et bien déjà il faut avoir des compétences en « Informatique » 155 parce qu’il faut bâtir les supports. Après j’ai du mal à verbaliser parce que connaître la compétence
qu’il y a derrière « savoir bâtir un contenu de formation » euh… !!!
- C’est justement toute la difficulté de parler de ce qu’on fait et de réaliser des référentiels parce
qu’il y a des choses qui font appel à un tas d’éléments y compris les gens, le contexte avec et 160 dans lequel on travaille et c’est pourquoi c’est difficile à mettre sur papier tout ça !!!
- Parce que là quand je bâtis mon contenu de formation je dois aussi être en mesure de faire des liens,
de faire des liens entre plusieurs choses ; ce qu’on vit au quotidien, ce qu’on souhaite apporter au
stagiaire, ce qu’il connaît par ailleurs et là encore pour le coup la qualité c’est avoir un esprit de 165 synthèse et la faculté… esprit de synthèse et d’organisation et puis aussi la faculté quelque part un peu
de se situer dans l’abstraction parce que surtout la première fois, après quand on commence à avoir un
peu d’expérience entre guillemets, on voit grosso modo combien de temps prennent les choses,
comment ça peut s’organiser mais…
136
Et ensuite quand on anime il faut avoir la faculté d’animer un groupe, d’être attentif donc je disais 170 d’être à l’écoute. Encore une fois c’est savoir organiser sa journée, c’est… il faut que le timing soit
respecté.
- Est-ce que tu fais des liens avec ta formation ? Est-ce qu’il y a vraiment des choses qui te…
175 - Typiquement dans ma formation oui parce qu’en ESC j’ai eu des cours de « Management », des
cours de « Droit », des cours de « Gestion », des cours de… donc je dirais quelque part qu’on m’a
formée à être Manager. Et à aujourd’hui je suis Manager donc pour ça je fais clairement le lien entre
ce que j’ai pu apprendre. Et puis aussi je forme quand même majoritairement à la « Communication »
donc là je fais encore une fois clairement appel à… donc je fais appel à mon expérience et à tous les 180 savoirs que j’ai pu acquérir pendant mon année de DESS.
- Et sur la dimension « Conseil » par contre, est-ce que là aussi tu fais des liens ou est-ce que tu
fais plutôt appel à des qualités personnelles, à l’expérience qui fait que ça fonctionne comme ça
finalement ? 185
- Je dirais plutôt… l’expérience si on peut dire ça. Parce que c’est un métier que je ne connaissais pas
du tout et pour le coup, là, je me suis formée sur le terrain.
- Et comment alors ? 190
- Bah je dirais qu’on a quand même la chance en interne d’avoir une équipe qui est vraiment dans la
transmission du savoir donc par rapport à ça euh… et puis je dirais aussi en étant accompagnée ; sur
voilà comment on fait un accompagnement à la recherche d’emploi, quelles en sont les différentes
étapes, ça c’est une première chose. En me documentant aussi. 195
- Sur quels aspects ?
- Et bien sur l’aspect « outils à utiliser » ; sur le marché du travail, marché de l’emploi, sur les métiers
aussi. Tout ça fait partie de la culture générale propre à notre métier. Il y a les choses à lire, les 200 échanges avec les autres et puis au fil du temps on comprend mieux les choses aussi.
- C’est important ça, l’échange avec les autres ?
- Oui bien sûr et puis on est quand même dans un métier altruiste ; l’objectif est quand même avant 205 tout que les gens soient réinsérés, on est dans l’accompagnement et dans l’aide quelque part. S’il n’y a
pas d’échanges avec les gens qu’on accompagne ou même au sein de l’équipe moi je pense que ça ne
peut pas fonctionner. Tu m’avais d’ailleurs fait la remarque que tu sentais vraiment un échange au
sein de l’équipe et c’est vrai que l’on n’est pas sans échanger… on est vraiment dans l’échange de
bonnes pratiques en fait. L’échange de conseils par rapport à telle ou telle situation… ça c’est 210 indispensable.
- Donc sur la dimension « Conseil » en tous cas il y a quand même une construction de
compétences qui se fait sur le terrain…
215 - Bah je dirais pour ma part parce que je n’ai pas du tout eu la formation adéquate donc ça a été
uniquement sur le terrain. Après je dirais où j’ai plus fait appel à ma formation ça va être en terme de
qualités personnelles. Les compétences, je les ai acquises sur le terrain puisque je n’avais pas
d’expérience et ma formation… j’avais une partie « Ressources Humaines » mais on était plus sur les
« Ressources Humaines » en entreprise ; « quel est le rôle d’un DRH ? ». 220 En terme de qualité, ce qui m’est utile et c’est des qualités que j’ai développées au travers de ma
formation c’est la capacité à m’adapter et à intégrer rapidement un sujet qui est nouveau en fait.
Quand on fait une Prépa en Ecole de Commerce euh… c’est le principe de la « Prépa ». C’est
ingurgiter - parce qu’il n’y a pas d’autres mots - un maximum de choses en un minimum de temps
pour pouvoir les ressortir et c’était aussi le cas du concours que j’ai préparé pour pouvoir faire mon 225 DESS.
Donc ça m’apporte cette qualité d’avoir la faculté de… mais je pense que c’est lié aussi à la
motivation. S’il n’y pas la motivation euh… Parce que d’un point vue savoirs, autant pour l’aspect
Formateur oui mais pour l’Accompagnement non. Par contre, je pense que c’est plutôt des qualités
personnelles ; savoir s’adapter rapidement et puis… c’est aussi une curiosité et une ouverture d’esprit. 230
137
- Alors il y a un point important aussi c’est la différence entre le groupe et l’individuel, tu fais
quand même plus de choses sur la dimension groupale alors quelles sont les différences ; les
difficultés, les aspects positifs, négatifs ?
235 - Alors moi je n’ai pas de préférence pour l’individuel ou pour le groupe ; je passe de l’un à l’autre
sans que ça me pose de… enfin ça ne me gène pas que ce soit en groupe ou en individuel. Par contre,
ça demande beaucoup plus d’énergie… enfin tu ne mobilises pas les mêmes compétences et les
mêmes qualités… plus les compétences d’ailleurs.
En individuel, on est à l’écoute certes mais on peut avoir une réponse plus adaptée à la personne on est 240 vraiment sur du cas particulier. Il y a moins de nécessité de s’adapter je pense en individuel qu’en
groupe. Comme son nom l’indique il n’y a pas qu’une seule personne, ça demande plus d’adaptation,
plus d’énergie et en même temps quelque part ça peut avoir un côté un peu frustrant parce que on ne
peut pas apporter une réponse à tout le monde et complètement individualisée.
Mais ce qui est beaucoup plus intéressant en groupe c’est qu’on fait beaucoup plus facilement 245 rebondir les stagiaires. En fait ça ne mobilise pas la même énergie. Le groupe c’est bruyant, ça
demande d’être à deux cent pour cent pour tenir son timing, pour être sûr de transmettre correctement
son savoir et en individuel ça peut aussi demander d’être à deux cent pour cent mais la personne est
toute seule donc ça se gère à mon sens plus facilement.
Mais l’avantage que je trouve au groupe est une richesse qu’on ne retrouve pas forcément en 250 individuel. Même dans le pire groupe on aura toujours des gens qui vont être motivés, qui vont tirer
dans le bon sens, sur lesquels tu pourras t’appuyer pour que ta formation soit constructive. Si en
individuel la personne n’a pas envie, c’est plus difficile, là ça demande une énergie qui est différente.
- C’est ça le plus difficile dans le métier, le fait d’être confronté à des gens pour lesquels il n’y a 255 pas de répondant ?
- Oui je pense que c’est une partie des choses difficiles parce qu’il faut trouver de la motivation pour
deux et c’est vrai que parfois ça peut être un peu difficile. Mais c’est vrai que c’est une approche
différente parce que ça demande… en fait ce qui est difficile pour moi et qu’on ne retrouve pas en 260 groupe c’est l’attention à porter à pas… à toujours je dirais rester à l’écart de la relation pour ne pas
non plus se laisser cannibaliser par la démotivation de l’autre ou par ses problèmes ou par des aspects
personnels ; on n’est pas là pour gérer l’aspect personnel.
Il faut rester dans le cadre de la recherche d’emploi, du projet professionnel. Il est bien évident que les
problématiques personnelles vont avoir un impact mais on n’est pas là pour les résoudre. Tout ça c’est 265 quelque chose qui demande un point de vigilance important. Avec le groupe, c’est plus facile de rester
chacun à sa place même si ça n’empêche pas de créer des liens et de toute façon on est dans la
relation.
C’est un métier, que ce soit en individuel ou en groupe, où il faut avoir des qualités relationnelles
importantes, sinon c’est voué à l’échec. Il faut avoir un rapport à l’autre qui est sain aussi. C’est 270 essentiellement marqué d’ailleurs plus sur la dimension « Conseil ».
Pour le Formateur on est moins dans une logique d’aide, on est plus dans la transmission de savoirs, la
situation est plus concrète et plus rapide. Par contre il faut des qualités relationnelles, peut-être plus
pour le groupe parce qu’il faut vraiment s’exposer là…
275 - Est-ce qu’il y a des aspects que tu aimerais creuser dans ton métier, d’autres formations que tu
aimerais faire ou dont tu estimes que tu aurais dû les faire ?
- Je pense que j’ai encore beaucoup à progresser par rapport à des lectures sur les thématiques sur
lesquelles je forme. Non je trouve que le point positif d’une formation aussi généraliste que celle 280 d’Ecole de Commerce est que quand tu sors tu sais rien faire, mais tu es potentiellement capable de
tout faire.
Avec ça je peux m’adapter et faire vraiment tout un tas de choses donc vraiment non je n’ai aucun
regret par rapport à ma formation.
Où je dois gagner encore, c’est sur la connaissance poussée des thématiques mais bon ceci dit ça fait 285 un an qu’on développe cette activité au sein de l’entreprise ; je ne peux pas avoir l’expérience de
quelqu’un qui fait de la formation depuis vingt ans ! Peut-être éventuellement une formation en… une
formation de Formateur.
138
- Pourquoi ? 290
- Pour les bonnes astuces, oui pour être un peu moins prise de cours sur certains outils par exemple…
oui pour avoir d’autres outils ou d’autres méthodes pour transmettre. Ce serait oui le plus.
- Alors pour terminer peux-tu me donner cinq termes qui reprendraient ce que tu fais ? 295
- Pour les deux activités ou…?
- Comme tu veux…
300 - Alors pour le Conseil ; « Ecoute », « Travail », « Aide », « Accompagnement ». Pour
la Formation ; « Adaptabilité », « Culture », « Relation »
*(suite à un problème technique - bande défectueuse -, il n’a pas été possible d’obtenir tous les termes
évoqués par la personne sur ce dernier aspect). 305
139
ANNEXE N° 11
Entretien N° 10 5
- Est-ce que tu peux me parler de ta formation et de ton parcours professionnel ?
- Alors ma formation ; donc en Formation Initiale, j’ai suivi un parcours traditionnel : Bac Littéraire 10 ensuite j’ai enchaîné avec « Psycho » en prenant dès la Licence une orientation « Psycho Sociale » et
j’ai enchaîné avec une Maîtrise « Psycho du Travail » et avec le DESS « Psycho du Travail ». Donc je
n’ai pas validé le DESS complètement, c’est-à-dire que j’ai validé la partie théorique mais je n’ai pas
validé la partie « Mémoire », pour tout un tas de raisons donc à aujourd’hui je n’ai pas le titre de
« Psychologue du Travail ». 15 Pendant mon stage de DESS, j’ai été contactée par Monique GERHART qui était la Directrice
d’ORREA, elle avait eu mes coordonnées par une amie à moi qui travaillait chez ORREA et qui avait
fait le même DESS. On était copines depuis la Fac et donc elle savait qu’après je cherchais à
m’installer sur Le Havre et que j’allais chercher du travail parce que mon stage se terminait, la fin de
l’année etc… Elle a donné mes coordonnées à Monique qui m’a contactée et donc j’ai commencé 20 comme ça. J’ai donc intégré ORREA en septembre 2002 et c’était ma première expérience
professionnelle en tant que telle, ce que j’avais fait avant était plus… c’était toujours des stages dans
le cadre de la formation universitaire.
- D’accord, donc par rapport à ORREA, quelles sont tes missions, les activités qui y sont liées et 25 dans quel but ?
- Donc moi j’interviens sur quasiment toutes les prestations que l’on peut avoir ; donc j’interviens
auprès des « Demandeurs d’Emploi » - « Cadres » et « Non-Cadres », « Jeunes Diplômés » -,
j’interviens au niveau de l’ANPE sur des prestations comme les « OE », les « OP » les « Bilans de 30 Compétences Approfondis ».
J’interviens aussi sur les « Bilans de Compétences » salariés pour tout ce qui dépend du Fongécif
etc… J’interviens aussi sur le programme « Cent chances cent emplois » donc la Maison de l’Emploi
et de la Formation de Rouen.
Au niveau de l’ANPE donc j’intervenais - là on en fait moins - sur les « Méthodes de Recrutement par 35 Simulation » aussi, on venait en appui aux Conseillers pour faire passer les épreuves, corriger les tests
etc…
Je peux être amenée aussi à intervenir sur des missions entreprise, donc je suis intervenue par exemple
sur une mission avec Céline sur les brûleries où il fallait mettre en place des référentiels de
compétences et des référentiels métier dans le but de remplacer un salarié qui partait et qui était le seul 40 à savoir comment fonctionnait la machine etc… C’était un Maître-Torréfacteur. C’était vraiment
passionnant d’apprendre ce… de découvrir ce métier. Je peux intervenir sur de l’appui au recrutement
sur des choses comme ça.
Je dirais que j’interviens sur de l’orientation, sur tout type de public et aussi sur… et bien faire passer
des tests par exemple ; passation de tests avec correction, restitution etc… 45
- Alors il y a quand même des différences dans tout ça j’imagine, il y a peut-être plus la
dimension « Accompagnement-Conseil », et la dimension « Formation » ?
- Alors il y a la dimension « Accompagnement-Conseil » quand on est plus avec des entreprises ou en 50 individuel et on a l’aspect « Formation » plus quand on a la gestion de groupes. Donc c’est vrai que
j’interviens aussi sur les actions « Région ». Donc là, l’action « Se Préparer A l’Emploi » - le
« SPAE » - où je suis référente du groupe. J’étais référente aussi sur le dernier « CPPH » d’Harfleur,
là il y en a un nouveau en cours mais l’ancien j’étais référente.
Donc c’est vrai que je suis amenée à travailler beaucoup auprès du public handicapé, ça c’est quelque 55 chose qui m’intéresse tout particulièrement ; la diversité du handicap justement, travailler autour du
projet etc… Donc oui on pourrait définir ça sur deux axes ; l’aspect « Conseil-Accompagnement » où
l’on est plus là dans de la démarche individuelle et la démarche groupale en terme de « Formation ».
140
- Est-ce qu’il y a un but ou des buts communs à toutes ces prestations, actions, formations ? Ou 60 est-ce qu’il y a des choses bien différentes ?
- Sur des actions ANPE on a des objectifs, notamment sur le « Bilan de Compétences Approfondi »,
on va avoir une commande de l’ANPE. On va avoir un document où le Conseiller nous formalise ce
qu’il attend du travail que l’on va faire pendant les six semaines. 65 Quand on est sur un « OP » on est sur une redéfinition de projet, quand on est sur un « OE », on est
sur un accompagnement à l’emploi. En fait sur les prestations ANPE c’est plutôt cadré en sachant ce
qu’on fait.
Si on est plus sur une action de Bilan de Compétences avec les salariés, là on répond à leur demande,
c’est-à-dire que l’on part de ce que eux attendent du bilan : « Pourquoi vous le faites ? Qu’est-ce que 70 vous en attendez ? Comment est-ce que vous souhaitez qu’on le mène ?». On apporte les outils, on va
apporter les techniques et là on est plus sur de l’accompagnement.
- Et au niveau des formations alors ?
75 - C’est pareil je dirais aussi que l’on a des objectifs, on a un objectif qui est donné quand on répond à
un appel d’offre, l’appel d’offre est précis dans sa demande et nous on répond, on fait une proposition
d’intervention par rapport à ça. Donc quand on est sur un « CPPH », l’objectif c’est bien de redéfinir
un projet professionnel en accord avec le handicap et en cohérence avec le marché de l’emploi. Donc
là on peut très bien avoir par contre une sortie pour emploi ou une sortie en formation. On sait que 80 derrière, comme on redéfinit un projet, on peut avoir deux objectifs à atteindre.
Sur une action comme « Se Préparer A l’Emploi », là le « SPAE », l’objectif c’est bien l’emploi,
c’est-à-dire que là, nous on considère que l’objectif est atteint quand les personnes vont aboutir à un
contrat de travail, vont vraiment mettre les choses en place.
85 - Et alors je rebondis par rapport à ce que tu disais - notamment au niveau des outils -, tu disais
qu’il y avait des outils bien précis, des techniques auxquelles vous formez les personnes, est-ce
que tu peux me parler de ces outils justement ?
- Les outils… il y a différents types d’outils ; on va avoir les outils traditionnels comme former la 90 personne à faire son CV, sa lettre de motivation, la préparer à l’entretien… donc tout ce qui va toucher
aux « Techniques de Recherche d’Emploi », tout ce qui va la préparer à sa recherche d’emploi.
Et puis après on a tous les outils que… sur lesquels nous on travaille et qu’on a pu ou que les autres
collègues on pu mettre en place, comme les outils du « Bilan Personnel et Professionnel », le livret par
exemple c’est quelque chose qu’on a créé nous. Là on a des outils pour diagnostiquer un petit peu je 95 dirais le comportement des personnes, l’attitude etc…
Et puis on va avoir les outils validés professionnellement, reconnus professionnellement, tous les
tests… tous les tests qu’on peut avoir à notre disposition donc les tests psychotechniques, les tests de
personnalité… où là on va utiliser la technique qui est demandée, les outils demandés etc…
100 - Donc là les tests c’est toute la dimension formation en « Psycho » qui intervient ?
- Exactement. Donc là au niveau des tests par exemple, au niveau des outils donc, il a y Carole qui
intervient dessus qui a une formation en « Psycho », il y a Karine qui intervient également dessus, moi
j’interviens dessus. 105 Un outil comme « PERFORMANSE » qui va être réservé au Bilan de Compétences ou aux « Appuis
au Recrutement », là on va plutôt avoir une utilisation de Céline et de Rachel qui ont eu, elles, la
formation aux tests. Et puis il y a « PASS’AVENIR », le logiciel d’orientation où là il y a des
personnes qui ont été formées par l’éditeur à l’utilisation du test.
110 - Concernant les autres outils, quelles sont les compétences à avoir pour être à même de s’en
servir, de les exploiter ?
- Tous les autres outils, pour pouvoir les exploiter, je dirais dans un premier temps qu’il faut bien se
les approprier, c’est-à-dire bien comprendre à quoi ils vont servir, bien mesurer ce que ça peut 115 engendrer chez la personne.
Par exemple quand on est sur un « Bilan de Compétences Approfondi » et qu’on fait passer une auto-
évaluation de la personnalité, je ne sais pas si t’as vu c’est le fameux test où ils remplissent d’un côté
et une fois qu’ils ont rempli ils peuvent faire remplir par quelqu’un d’autre ; là on demande à la
personne de s’évaluer par rapport à des critères, des aptitudes etc… mais on va lui demander de faire 120 remplir ce questionnaire par quelqu’un qui la connaît bien.
141
Donc il faut derrière savoir manipuler les choses aussi… enfin quand je dis manipuler c’est interpréter
et accompagner la personne dans la compréhension de ce que l’autre a voulu dire pour ne pas non plus
parfois avoir des gros clashs ou des choses comme ça.
Donc il faut vraiment en priorité être à l’écoute de la personne ; bien pouvoir comprendre. La 125 meilleure utilisation de l’outil je pense que c’est dans un premier temps déjà avoir compris à quoi il
servait, comment il avait été fait, pourquoi on avait mis ce mot-là et pas un autre et puis au plus juste
de savoir de toute façon bien l’expliquer à la personne aussi : « Voilà à quoi ça va servir, voilà
pourquoi je vous demande de le faire » en sachant qu’on ne les oblige pas à remplir les questionnaires.
S’ils considèrent que ça ne va rien leur apporter, qu’ils n’ont pas envie de le faire et bien à la limite, 130 ils ne seront pas obligés de le faire.
Donc voilà… et puis bien l’appréhender parce que parfois on est confronté à des personnes qui ne
comprennent pas les mots ou qui sont d’origine étrangère et qui ne savent pas lire le Français par
exemple, donc là il va falloir mener un travail avec eux donc justement… d’expliquer : « Ce mot-là,
qu’est-ce que ça veut dire ? », en donnant des exemples etc… et puis parfois il y a aussi des personnes 135 qui sont d’origine française mais qui ne comprennent pas les mots qui sont écrits ou qui ne
comprennent pas le sens de la phrase ou des choses comme ça. Si nous en amont on ne perçoit pas à
quoi ça sert, ce n’est pas… ça ne sert pas à grand chose.
Je dirais que les outils qu’on utilise en interne, qu’on a pu créer nous, c’est généralement des outils où
quand quelqu’un entre dans l’entreprise, comme quand un nouveau est intégré, c’est aussi pour cela 140 qu’on a toute la phase de binôme pour que la personne puisse aussi travailler les outils. C’est-à-dire
qu’on va d’abord avoir toute une partie où même si c’est le nouveau qui mène l’entretien, on va être là
en appui pour repositionner les choses et dire : « Attention, là il faudrait peut-être que tu fasses plus
comme ça » donc c’est plus une formation en interne, je dirais, à l’outil qui est proposée.
145 - Et alors au niveau des autres outils plus techniques - CV, lettre de motivation etc… - là est-ce
que ça fait appel au même type de compétences ou est-ce qu’il y a autre chose ?
- Et bien moi c’est quelque chose que j’ai appris sur le tas. Quand j’ai été embauchée chez ORREA, à
part avoir fait mon CV à moi, je n’avais jamais eu une formation sur « Comment faire un CV ? ». 150 C’est pareil ; ça a été aussi cette phase d’accompagnement qui m’a permis de voir comment un
Formateur faisait le CV et puis ensuite de moi pouvoir en faire, de les faire valider - à l’époque quand
j’ai été embauchée souvent c’était Céline ou Rachel qui lisaient le CV que j’avais fait en me
redonnant des conseils sur la mise en forme, sur la formulation des compétences, dans des choses qui
n’étaient pas suffisamment mises en valeur ou des choses comme ça - et après c’est vraiment à force 155 d’en faire…
Et puis à aujourd’hui c’est aussi un peu mon rôle de Conseiller quand quelqu’un arrive et qu’il ne sait
pas trop se dépatouiller avec ses CV de dire : « Tiens moi je n’aurais pas fait comme ça, tu aurais
peut-être dû présenter ça dans un tableau ». La lettre de motivation c’est pareil, on a des choses, nous
on a aussi les guides méthodo mais bon… il faut aussi s’approprier ces guides-là avant de pouvoir 160 retransmettre l’information.
Là, on est vraiment sur un métier de transmission ; de transmission de savoirs. On a un savoir et toute
la technique va être dans : « Comment je peux retransmettre ça, ou à un collègue ou à un
bénéficiaire ? ».
165 - Alors justement, au niveau de la transmission aux bénéficiaires ; qu’est-ce qu’il faut avoir, en
quoi faut-il être doué pour ça si je puis dire ? Est-ce qu’on l’apprend, est-ce que…
- Bah… doué je ne sais pas, je pense qu’avant tout il faut vraiment être à l’écoute ; à l’écoute de la
personne. Il y a des personnes qui vont vite comprendre comment il faut faire, il y en a d’autres qui 170 malgré les explications auront toujours du mal à comprendre comment il faut faire mais je pense qu’il
faut vraiment savoir être à l’écoute, savoir aussi se mettre au niveau de la personne. Ce n’est pas parce
qu’on est le Formateur qu’on est plus intelligent au contraire.
Moi quand j’ai commencé dans l’Insertion Professionnelle, je ne connaissais pas tous les métiers,
maintenant je sais en quoi consiste clairement le métier de Cariste, le métier d’Employé de Libre 175 Service… voilà, il y a tout un tas de métiers comme ça que l’on connaît, que l’on maîtrise mais je
découvre toujours des métiers. Il y a des personnes qui arrivent avec des métiers… « Oh là, là…C’est
quoi ça ? ».
Donc c’est vraiment dans l’échange aussi. Moi j’aime bien… enfin je considère que mon objectif est
atteint quand d’une part moi j’ai pu transmettre des choses à la personne mais quand elle m’a transmis 180 aussi des choses en retour. Donc je ne sais pas s’il faut être doué pour quelque chose ou…
142
- Parce que finalement tu ne l’as appris nul part avant de commencer…
- Ah non non non… c’est pas au cours de notre formation à l’Université qu’on nous apprend à faire 185 des CV, des lettres de motivation, ou à préparer à l’entretien ou comment le transmettre. Je n’étais
même pas formée à l’animation. Mener un entretien individuel, mener une formation en groupe etc…
c’est vraiment… j’ai été sur l’école… sur le tas quoi ! On m’a mise là et on m’a dit : « Voilà mène ton
entretien et… ».
190 - Alors il y a l’équipe à côté ?
- Bah évidemment, il y a l’équipe qui est en appui. De savoir qu’on peut… « Je ne sais pas faire ça
mais je peux demander à ma collègue ou je vais demander à tel autre collègue qui a l’air plus
spécialisé là-dessus », et là derrière s’il n’y a pas l’équipe, si chacun fait son boulot dans son coin on 195 n’avance pas, ça c’est clair. Il faut vraiment qu’il y ait un échange d’informations et que même entre
nous on puisse s’expliquer comment ça fonctionne, comment on fait, on n’a pas forcément les mêmes
pratiques on n’a pas forcément les mêmes manières de faire, c’est normal on est tous différent aussi.
Donc même si on a une trame commune en se disant : « Il faut qu’on fasse d’abord ça, puis après ça,
puis après ça », on ne va pas le faire de la même manière. 200
- Alors au contraire à quel moment tu estimes faire appel à ce que tu as appris au niveau de ta
formation ?
- Au niveau de ma formation… plus quand je vais être amenée à intervenir sur le côté peut-être plus 205 « entreprise » quand on va me demander de réfléchir sur l’utilisation d’un outil, sur la mise en place
d’une formation ou des choses comme ça. Là, ça va faire plus appel à tout ce qui touche à…
Après ma formation je l’utilise dans tout ce qui est de l’écoute, de la reformulation. Dans tout ce qui
va être aussi l’accompagnement en tant que tel, en différenciant bien qu’on n’est pas dans de
l’accompagnement social, qu’on est dans de l’accompagnement à l’insertion professionnelle. Voilà ; à 210 mettre ces barrières-là. Ma formation elle me sert vraiment à mettre ces barrières en me disant :
« Attention je ne suis pas une Assistante Sociale, je ne suis pas un Directeur des Ressources
Humaines, je dois donner à la personne tout ce qui lui faut pour être employable mais je ne suis pas là
pour résoudre ses problèmes ».
Moi je sais que souvent les personnes elles détectent, elles arrivent très vite à détecter : « Vous 215 m’écoutez, vous répondez à mes questions etc… » et très vite quand elles commencent à entrer dans
des choses plus personnelles, moi je recadre en disant : « Attention, si vous estimez que vous avez
besoin d’un accompagnement personnel, qu’il y a des choses à résoudre, je ne suis pas la bonne
personne » et là je renvoie.
Donc ma formation elle me sert aussi à connaître les différentes institutions, elle me sert aussi à 220 rebasculer les gens vers tel professionnel etc… A savoir comment fonctionne le système de formation
de manière générale ; Formation Continue/Formation par l’Apprentissage. Voilà, tout ça c’est des
choses qui sont vues.
Après le DESS que moi j’ai suivi, je pense qu’il n’est pas forcément axé vers les métiers de l’Insertion
Professionnelle mais qu’il est plutôt axé vers l’Entreprise. Vers des métiers liés directement au 225 Recrutement, vers des métiers liés directement au Conseil ou vers des métiers… par exemple moi
j’avais une forte dimension « Ergonomie » aussi. Donc là la partie « Ergonomie » me sert quand je
travaille avec le public « Travailleur Handicapé ». Je vais repiocher des morceaux comme ça de ce
que j’ai appris. C’est plus dans ce sens-là que je vais me servir de ma formation aujourd’hui. Plus que
dans les techniques mêmes de « Comment réaliser un CV et comment réaliser une lettre de motivation 230 etc… ? ».
143
- Et alors est-ce que tu as… enfin j’imagine que la réponse est « oui »… tu dois avoir le
sentiment d’évoluer en terme de - je n’aime pas trop ce mot là mais - performance si on peut 235 dire, dans ton travail tu dois être plus à l’aise d’année en année et ça à quoi c’est dû ? Comment
ça se fait ?
- Alors « performance » c’est vrai que ce n’est pas le mot…
240 - Non mais c’est pour donner une idée… on sera plus du côté qualitatif alors parce que c’est vrai
que « performance » ça fait plus quantitatif et…
- Voilà, oui c’est vrai que j’aime plus le qualitatif que le quantitatif ! Donc… oui, c’est sûr que quand
j’ai commencé j’allais peut-être mettre trois heures à faire un CV aujourd’hui je le fais en vingt 245 minutes ! Donc oui c’est sûr j’ai avancé sur plein de choses.
C’est vraiment… comment je pourrais dire ? Comment je pourrais définir ça ? Pour moi c’est un
travail qui me nourrit ; pas « nourrir » au sens alimentaire, financier etc… mais qui nourrit ma
curiosité d’esprit ; j’apprends au contact de tout le monde, c’est ça vraiment qui est le moteur pour
moi dans ce que je fais. C’est-à-dire que dans une journée je peux très bien être confrontée à trois 250 Hôtesses de Caisse, elles ont le même métier mais ce sont des personnes différentes, avec des
problématiques différentes et c’est vraiment ça pour moi qui est important aujourd’hui dans
l’accompagnement des personnes. C’est la dimension d’apprendre… alors évidemment je suis
contente quand je leur transmets quelque chose mais c’est pas forcément parce que la personne sort
pour emploi ou pour une formation qu’il n’y a pas satisfaction. Quelqu’un qui va rester, qui n’aura pas 255 forcément un emploi à la fin de l’accompagnement mais qui aura repris confiance en lui, qui aura
repris en main sa recherche d’emploi etc… c’est gagné déjà et c’est vraiment là où on a de la
satisfaction, enfin c’est là où moi je puise ma satisfaction, et mon envie de continuer.
Maintenant il y a des personnes avec qui on se plante parce que on pense… voilà il y en a aussi qui
nous mènent par le bout du nez, qui trouvent le truc et qui nous font croire que ça va marcher et ça ne 260 marche jamais ! Oui il y a des fois où on est déçu.
Mais vraiment, le sentiment d’avancer c’est vraiment quand on accompagne la personne et qu’elle
peut nous dire à la fin : « Vous m’avez été utile à quelque chose ». Ce n’est pas tant à dire : « Vous
êtes gentille, ça s’est bien passé ». C’est vraiment : « Maintenant je n’ai plus besoin de vous », quand
on nous dit : « Maintenant que je n’ai plus besoin de vous », c’est que j’ai atteint mon objectif, ils sont 265 devenus autonomes, la personne est devenue autonome, elle n’a plus besoin de moi elle peut se
débrouiller, elle a compris.
- Donc là dans ce que tu me dis il y a plusieurs qualités qui émergent ; la curiosité, un certain
potentiel à dynamiser les gens à… les mettre dans le « bain ». Est-ce qu’il y a d’autres qualités 270 qui sont peut-être plus liées à la personnalité ou…
- Là je dirais que ça vient certainement de mon cursus aussi, on ne tombe pas en « Psycho » par
hasard. Apprendre l’empathie, pouvoir comprendre les autres, à me mettre à leur place sans pour
autant prendre cette place. Il y a toute la dimension donc en terme de qualités, c’est ce que je te disais 275 tout à l’heure, « écoute » ; c’est très important sans pour autant leur montrer que tu compatis à ce qu’il
vivent. Entre les écouter et compatir là il y a aussi autre chose.
Et puis je pense qu’il faut vraiment… Je dirais peut-être que moi la plus grande qualité que je
demanderais aujourd’hui si j’étais dans la situation de « Demandeur d’Emploi » et que j’avais
quelqu’un qui m’accompagne, c’est de savoir se remettre en question. Je pense que sur ce métier-là si 280 on ne sait pas se remettre en question, si on ne sait pas se dire : « Mince je me suis trompée ce n’est
pas comme ça que j’aurais dû faire », il faut savoir dire que parfois on ne sait pas. On n’a pas la
solution à tout. Moi je dis aux bénéficiaires : « Là écoutez, ça je ne sais pas. Je vais demander, peut-
être que j’ai une collègue qui va savoir mieux que moi mais là, là-dessus je ne sais pas ». Donc c’est
aussi ça, je pense que c’est une des qualités prioritaires ; de savoir dire : « J’ai pas l’info, je vais la 285 trouver, aller la chercher », c’est même savoir activer le réseau pour pouvoir trouver mais savoir dire :
« Je ne sais pas tout ».
Donc la remise en question, l’humilité, ce n’est pas non plus « Je suis le meilleur parce que moi les
miens ils vont en emploi ». Non, après on rentre dans de la performance et là dans ce cas-là on nous
dit : « Maintenant il faut que vous en ayez trois qui partent… » et là on est sur du commercial et là ça 290 ne m’intéresse pas. Si on devait basculer dans ce côté-là avec vraiment un objectif à atteindre etc… là,
je penserais que ce n’est plus ma place.
144
- Donc il y a une grosse dimension humaine là-dedans.
295 - Ah oui je pense. Quelqu’un qui n’aime pas les gens ne peut pas faire ce métier ; il y en a que j’ai
rencontré ; il y en a à qui j’ai dit de changer ! Mais quelqu’un qui n’aime pas les gens, quelqu’un qui
les prend de haut ; ce n’est pas parce qu’on a un « Chômeur Longue Durée », RMIste, alcoolique…
qui faut qu’on pense que nous on est mieux. On ne sait pas ce qu’il y a derrière. Alors ce n’est pas
pour autant que tout le monde est bien mais il faut savoir laisser sa chance à tout le monde. 300
- Donc de la tolérance.
- Ah oui il faut être très tolérant. Je pense qu’il faut aussi avoir une certaine force de caractère
importante pour aussi ne pas rentrer chez soi avec les problèmes que l’on a côtoyés dans la journée. 305
- Est-ce que c’est ce qu’il y a de plus difficile dans le métier ?
- Sur certaines personnes oui, parce qu’il faut aussi apprendre à ne pas créer de lien affectif et je pense
que la dimension la plus difficile c’est ça ; il ne faut pas que l’affectif rentre en ligne de compte. Il y a 310 des personnes avec qui spontanément on aurait envie de les prendre par la main et de dire : « Faut que
je l’aide, faut que je trouve quelque chose » et on ne peut pas. C’est pas qu’on ne peut pas l’aider
moins qu’un autre ou qu’on ne peut pas l’aider plus qu’un autre, il faut vraiment rester équitable avec
tout le monde, rester juste avec tout le monde et essayer d’agir de la même manière avec tout le
monde. 315 Ce n’est pas évident, moi quand j’ai des personnes qui arrivent et qui me disent : « Voilà je suis atteint
de sclérose en plaques, je suis atteint de… » enfin de tout un tas de trucs ou qui… La difficulté
vraiment c’est ça ; de ne pas rentrer et de se dire : « Et lui on va en faire quoi ? ». Je suis là, je
l’accompagne ; on m’a demandé de l’accompagner, je vais l’accompagner.
320 - C’est s’assurer… avoir des « garde-fous » en fait.
- C’est avoir des « garde-fous » oui. Moi par exemple je refuse, j’ai des bénéficiaires qui m’ont déjà
dit : « Quand on aura fini je vous inviterai boire un verre etc… ». Non, on se voit… il y en a plein ;
travaillant sur Harfleur et habitant sur Le Havre je vois des bénéficiaires quand je fais les courses par 325 exemple. Qu’ils viennent me voir, me dire bonjour, me donner de leurs nouvelles etc… oui, mais ça
s’arrête là.
J’impose le vouvoiement, même si en face de moi j’ai quelqu’un qui a le même âge, même si en face
de moi j’ai quelqu’un de beaucoup plus jeune. Là sur le groupe avec les jeunes de dix-sept/dix-huit
ans, c’est aussi leur montrer que dans la vie professionnelle on ne tutoie pas les gens comme ça. Donc 330 marquer le vouvoiement c’est aussi marquer la distance. Enfin pour moi c’est marquer la distance. Je
ne tutoie pas mes bénéficiaires. Quand j’en ai un qui me tutoie, je lui fais comprendre que c’est mieux
qu’il me vouvoie. Alors je lui explique que ça permet de garder la distance et que l’on n’est pas des
copains. On est bien dans une relation de professionnel à professionnel.
335 - Il y a des choses comme ça qui sont difficiles à gérer en dehors du côté affectif ?
- Après il faut apprendre à gérer plein de situations où je dirais il faut être flexible. Parce que tu peux
très bien avoir dans ta journée quelqu’un qui va t’insulter parce que tu n’auras pas répondu à ses
attentes, tu peux très bien avoir quelqu’un qui arrive ivre mort dans ton bureau, qui te laisse une odeur 340 pas possible et pourtant tu ne peux pas le mettre dehors, ce n’est pas parce qu’il ne sent pas bon que…
Mais c’est ce qui fait la diversité. Je pense que… enfin… non je pense que c’est ce qui fait le côté
stimulant aussi. Tous les jours on va être confronté à quelque chose de différent ; tant qu’on travaille
avec des êtres humains, on va avoir des comportements à chaque fois complètement différents.
Et puis c’est savoir laisser de côté aussi ses problèmes ; il ne faut pas que nous on arrive en montrant 345 au bénéficiaire qu’on n’est pas bien.
145
- Il faut une certaine adaptabilité donc, mais alors est-ce qu’il y a des choses qui différencient le
groupe de l’individuel (hormis le fait qu’ils ne soient pas au même nombre bien sûr) ou est-ce
que chacun fait appel à des qualités ou des compétences différentes ? 350
- Quand on est en situation de groupe, moi je sais que je mets un point particulier à les traiter de la
même manière. J’essaie de les accompagner de la même manière que j’accompagnerais quelqu’un en
individuel. Donc c’est ce qui est parfois difficile parce que quand ils sont dix/douze dans le groupe, il
ne faut pas qu’il y en ait un qui ait l’impression qu’on s’occupe moins de lui que d’un autre. 355 Si par exemple il y en a un qui « rame » et un qui avance très bien, je vais vraiment faire attention à
m’occuper autant des deux. Ce n’est pas parce qu’il y en a un qui avance bien qu’il n’a pas besoin
qu’on s’occupe de lui parce que si vraiment il n’avait pas besoin, il ne serait pas là. Il a quand même
besoin que je l’aide ; donc même si lui il pige du premier coup et que je vois bien qu’il avance plus
vite, je vais quand même prendre du temps pour aller le voir et qu’il n’ait pas l’impression que l’on 360 s’occupe différemment de lui. C’est ce qui peut faire la difficulté du groupe par rapport à l’individuel
où là, tu passes une heure avec la personne et de toute façon tu t’occupes d’elle et tu ne te consacres
qu’à elle pendant une heure.
En groupe il faut apprendre à s’occuper de tout le monde toute la journée. Essayer de donner la même
chose à tout le monde toute la journée. C’est ce qui peut être un peu plus fatigant d’ailleurs ! Quand ils 365 sont huit ça va, quand ils sont douze c’est un peu plus compliqué. Mais c’est ça, c’est essayer de ne
pas montrer enfin… c’est pas ne pas montrer, c’est ne pas laisser tomber quelqu’un qui est là et qui a
besoin de toi. Il a aussi besoin de mes conseils.
Et c’est aussi ne pas faire de différences parce qu’il y a toujours des personnes que tu apprécies plus
que d’autres ; on est quand même dans de la relation humaine donc il y a des personnes avec qui très 370 vite tu as des affinités, il y a des personnes avec qui très vite tu sais que ça ne va pas coller et pourtant
il ne faut pas le montrer.
- Si tu avais à recruter une personne en tant que Conseiller en Insertion-Orientation, sur quels
aspects tu mettrais l’accent ? Qu’est-ce que tu attendrais d’emblée ? 375
- D’emblée j’attendrais quelqu’un qui sait se remettre en question. Je pense que ça c’est vraiment la
première qualité ; quelqu’un qui sait se remettre en question, quelqu’un qui va savoir écouter. Je ne
sais même pas si… enfin je prêterais attention à ce qu’elle sait faire, à son cursus etc… mais d’avoir la
technique c’est bien mais si t’as pas l’attitude qui va avec, ça ne sert à rien. On peut être un bon 380 technicien à faire des superbes lettres de motivation, à faire des supers CV, à donner des supers bons
conseils etc… si t’aimes pas les gens ou si de toute façon t’as toujours raison et que tu considères que
l’autre ne t’amène rien et bien moi, ce n’est pas vers ces gens-là que j’irais pour faire du recrutement.
Sur ce métier là hein ; sur le métier de Conseiller en Insertion, j’accentuerais vraiment sur quelqu’un
qui va savoir poser des questions, savoir dire : « Je ne sais pas », qui va savoir écouter, qui va 385 savoir… comment on pourrait définir ça ? C’est de l’humilité, c’est être humble, pouvoir vraiment
dire : « Là non je ne sais pas et voilà ». Je pense que ça c’est la première qualité que je rechercherais
chez un Conseiller.
Le reste… et bien le choix pourrait se faire sur l’adaptabilité, sur la capacité d’écoute, sur la capacité à
savoir faire autant d’individuel que du groupe ; parce que ça aussi c’est important ça ne demande pas 390 les mêmes… enfin je ne pense pas que ça demande les mêmes compétences et les mêmes qualités
d’animer un entretien individuel et d’animer une séance de groupe, donc je pense que je ferais mon
choix aussi là-dessus. Donc évidemment au regard de ce qu’a fait la personne mais je pense que ça ne
me dérangerait pas de prendre quelqu’un qui n’a pas d’expérience dans l’Insertion Sociale tant qu’elle
est prête à apprendre et tant qu’elle sait se remettre en question et qu’elle fait preuve d’humanité. Je 395 pense que c’est comme ça que je verrais les choses. Après qu’elle ait un diplôme en « Psycho », un
« Bac +5 » ou « Bac +2 » ou pas de diplôme, c’est pas là-dessus que moi je ferais mon choix.
- Le savoir-être si je puis dire va…
400 - Le savoir-être primera sur le savoir-faire. Alors évidemment après ça va dépendre de l’orientation
que je vais donner à mon entreprise. Mais si on est vraiment dans l’Insertion Professionnelle,
l’accompagnement, la définition de projet professionnel… je me baserais vraiment là-dessus.
Quelqu’un qui va être à même de travailler de la même manière avec quelqu’un d’étranger ; qui ne
fera pas de différences entre un Africain, un Français, entre quelqu’un qui parle bien et quelqu’un qui 405 ne comprend pas tout ce qu’on lui dit, quelqu’un qui ne fera pas de différences entre quelqu’un qui n’a
pas d’hygiène et quelqu’un qui en a, quelqu’un qui ne fera pas de différences entre un « Cadre » et un
« Non-Cadre ».
146
Moi je travaille avec des « Cadres » et des « Non-Cadres » et je les traite pareil. C’est pas parce
qu’elle n’est pas cadre qu’on doit faire attention à elle et ce n’est pas parce qu’elle est cadre qu’on doit 410 la chouchouter. Voilà, mon choix se fera sur quelqu’un qui reste le même dans les différentes
situations… enfin qui saura montrer qu’il reste le même parce que c’est sûr que quand tu sais que tu
vas recevoir dans ton bureau quelqu’un qui ne sent pas bon ou quelqu’un qui va être encore ivre
mort… tu fais avec, tu y vas avec moins d’entrain c’est certain, mais il ne faut pas faire de différences
pour autant ; ça c’est vraiment le savoir-être qui primera. 415
- Dans ce que j’ai pu observer ces derniers temps, j’ai remarqué que l’autorité (pas au sens
négatif, mais la posture qui veut que l’on pose ses limites), n’est pas forcément présente chez
toutes de la même manière ; est-ce que tu peux me donner ton avis là-dessus ?
420 - Je pense qu’il faut savoir quand même… enfin je ne sais pas… moi je mettrais ça sous le coup du
respect. C’est vrai que comparée à d’autres, je vais être quelqu’un de plus - ça je le sais - à mettre plus
d’autorité dans ce que je vais dire, à ne pas laisser faire les choses. Par exemple je ne vais pas laisser
le bazare s’installer dans les groupes. C’est pas la peine, après on ne mène plus rien.
Et puis il suffit aussi d’entendre les remarques des bénéficiaires ; « Tiens quand c’est elle, on peut 425 faire ce qu’on veut », ça non, parce que ça veut dire aussi qu’ils ne nous respectent pas. Je pense que
marquer… alors il ne faut pas non plus être autoritaire à dire : « Ce sera comme ça et comme ça et
comme ça ! », non. Je pense que ça demande un minimum de gestion de soi, de maîtrise de soi, ça
c’est évident parce qu’il y a des fois où tu partirais en « live », il y en a bien un ou deux que tu
décalquerais contre un mur des fois !!! Il faut maîtriser tout ça ! Mais je pense qu’il faut savoir 430 montrer qu’on est là pour les aider, maintenant s’ils pensent qu’ils n’ont pas besoin de nous, qu’ils se
débrouillent.
Toujours dire les choses, moi je dis les choses, je pense être franche avec les bénéficiaires. D’ailleurs
quand je démarre un groupe ou un individuel je leur dis : « Vous savez, moi je vous dirai les choses,
vous le prendrez comme vous voulez mais je ne vous laisserai pas avec des rêves, c’est-à-dire que si je 435 pense que ce que vous faites n’est pas en accord avec le résultat attendu, je vous le dirai. Maintenant
après vous faites comme vous voulez. Vous poursuivez votre projet ou vous le changez mais je vous
aurais dit les choses. Il ne faudra pas venir me dire que vous ne saviez pas etc… ». Je pense qu’il faut
montrer qu’on se fait respecter sinon sur un groupe tu te fais manger ! T’es tout seul face à huit ou dix
personnes qui, elles, pensent toutes la même chose ! Il faut leur montrer que s’ils sont là, c’est qu’il y 440 a une raison.
- D’accord alors pour terminer, est-ce que tu peux me donner cinq termes pour qualifier ton
travail ?
445 - Le premier, je pense je dirais « diversité », pour le fait de ne pas entrer dans la routine justement,
même si c’est la même prestation mais comme c’est jamais les mêmes personnes…
« Envie », le jour où on n’a pas envie de le faire, si on sent que c’est plus son truc il faut arrêter.
Je vais redire la même chose, mais je vais redire « capacité à se remettre en question ». Savoir aller
dire qu’on ne sait pas, savoir aller chercher de l’information. 450 Quelque chose aussi de primordial, c’est le travail en collaboration ; on ne peut pas travailler tout
seul. Il faut travailler en réseau ; tout seul on ne peut pas, on n’est pas assez fort et puis on ne connaît
pas tout, donc travailler avec les autres, ça c’est important.
Et en cinq… je dirais pas le relationnel mais le côté… « Redynamiser »… moi ce qui me fait avancer
aussi dans mon métier c’est que j’ai cette impression de re dynamiser les gens de… voilà. Ce serait 455 plus dans cet aspect-là.
147
ANNEXE N° 12
Entretien n° 11 5
- Est-ce que tu peux me parler de ta formation d’abord et puis de ton parcours professionnel ?
- Alors ma formation… J’étais partie pour faire « Psycho » donc « Psycho Clinique »… un DEUG, 10 une Licence en « Psycho » et puis en Maîtrise j’ai fait trois certificats, à l’époque il fallait deux
certificats pour valider une Maîtrise j’en ai fait trois. J’ai fait un certificat en « Psycho Clinique », un
certificat de « Psycho Patho » et puis j’étais passionnée par le monde de l’Entreprise donc j’ai fait un
certificat de « Psychologie du Travail ».
Tout s’est très bien passé, les stages en « Clinique Patho » en hôpital psychiatrique ne m’ont pas 15 tellement plu par contre en « Psycho du Travail » je me suis retrouvée chez RENAULT à faire passer
du test et puis à faire de la Formation.
Après la Maîtrise ils ont créé un DEA en « Sociologie » et ils m’ont proposé – les profs qui faisaient
le certificat de « Psycho du Travail » - de me salarier pour tenir des permanences « bureau
Sociologie », donc j’ai fait mon DEA en étant salariée à l’Université de Rouen qui s’appelait 20 « Innovation et Risques » à l’époque.
Après on a répondu à des appels d’offre, on avait une équipe très très dynamique à l’époque ce qui fait
que j’ai fait financer ma Thèse de Doctorat par le Ministère de la Recherche.
On était peu nombreux, on devait être une dizaine. Alors bien sûr en DEA j’ai arrêté la « Psycho » du
coup, donc après je me suis inscrite en Thèse de Doctorat, j’ai mis cinq ans à soutenir ma Thèse mais 25 je l’ai terminée – parce que ce n’est pas évident il y en a beaucoup qui abandonnent – et donc j’ai
soutenu ma thèse en 96.
Dès 91 – en DEA – mon frère a créé une entreprise qui était dans la « Formation en Informatique » il
travaillait pour les « Equipes Techniques de Reclassement » - les « ETR » à l’époque – qui lui
envoyaient des stagiaires en « Informatique » et les « ETR » lui ont demandé de créer un produit à 30 vocation « Orientation ».
Donc il a fait appel à sa petite sœur, j’ai créé des « Bilans de Carrière » et j’ai commencé à travailler
pour mon frère en vacations en « Bilan de Carrière » qui est l’ancêtre des « BCA » ; donc tests de
« Psycho », tests d’orientation, entretien sur les compétences et puis recherche d’orientation
professionnelle, de formation etc… Donc je suis intervenue comme ça chez mon frère à la vacation et 35 puis… j’ai arrêté finalement il n’y a pas très longtemps.
Il faut savoir que c’est une association et que je suis la Trésorière de cette association qui emploie
mon frère comme Directeur. Voilà donc le Bureau a délégué tout pouvoir à mon frère qui est le
Directeur et à son épouse qui est Directrice. Là donc ça a été le début de mon parcours professionnel,
ce qui s’est passé avant c’est insignifiant… 40 J’ai travaillé sur les hippodromes le dimanche – pour ne pas rater les cours à la fac – comme
Opératrice de Saisie, c’est-à-dire Caissière – et puis j’ai travaillé un mois chez un Vétérinaire comme
Assistante Vétérinaire.
Mais ce qui a vraiment marqué le début de ma carrière professionnelle c’est la création de l’entreprise
de mon frère et quand même dès l’année d’avant quand je me suis retrouvée en stage chez 45 RENAULT. Je me disais que ça s’était très bien passé et donc ça a quand même déterminé mon choix.
Là j’ai découvert la Grande Entreprise et ça a été le coup de foudre, je me suis retrouvée dans un
service « Formation » très dynamique, j’ai fait passer des tests et après j’ai dit que j’avais besoin de
sous donc on m’a proposé des vacations. C’était très très bien payé à l’époque – incroyable -, je faisais
cinq heures tous les lundi matin, ça a duré pendant cinq/six ans en « Expression orale », « Expression 50 écrite » et « Communication ».
Donc je dirais que c’est RENAULT qui m’a vraiment marquée et après je suis restée en stage chez
RENAULT, j’ai eu tous les statuts. Ils ont fait des recherches avec Billancourt donc j’ai été Chargée
de Recherches et payée quelques mois… j’ai été Stagiaire… enfin j’ai eu tous les statuts sauf qu’ils
n’ont jamais voulu m’embaucher ! Ils m’ont proposé de me faire embaucher par des Cabinets de 55 Conseil avec qui ils travaillaient mais eux RENAULT, je n’ai jamais pu y entrer ! Que ce soit la
Direction de la Recherche à Billancourt ou à Cléon, ils voulaient bien travailler avec moi mais c’était
tout le temps des statuts bâtards.
Donc ça, ça a duré jusqu’à la fin de ma Thèse donc. Il y a mon frère qui a beaucoup compté et puis à
l’Université – dès l’année de DEA je crois bien – ils ont commencé à me charger de « TD ». 60
148
Après j’ai fait les deux années maximum, parce qu’on avait droit qu’à deux ans d’ATER - Attaché
Temporaire d’Enseignement et de Recherche – et quand je n’ai plus pu être ATER après j’ai été
Chargée de Cours.
Sachant que parallèlement à ça il y a avait à l’époque le Ministère de la Recherche qui me salariait,
c’était pas énorme à l’époque ça devait être dans les trois mille francs mais enfin ça tombait tous les 65 mois et c’était avec un bulletin de salaire donc c’était assez extraordinaire ça ! Voilà voilà.
- Alors ORREA ?
- Donc ORREA… Alors à la fin de ma Thèse je suis partie sur Paris – mon mari étant sur Paris – et là 70 j’ai trouvé un poste qui était idéal pour moi, j’étais Consultante en Organisation. A la base je suis plus
« Organisation-Sociologue » que « Individu-Psycho-Ressources Humaines » donc c’était un CDD
d’un an et après je me suis retrouvée enceinte. Après on m’a proposé un CDI, j’ai refusé. Mon mari
avait demandé sa mutation sur Sotteville donc là j’ai dit : « Non, on va rentrer ». On a acheté la
maison, on a eu Fanny. J’ai fait une fort mauvaise grossesse donc du coup je me suis retrouvée alitée 75 et en arrêt maladie tout en étant « Demandeur d’Emploi ».
Après j’ai continué à donner quelques vacations chez mon frère bien sûr, quelques cours à l’Université
mais de façon de plus en plus espacée et puis j’avais un bouquin à finir – enfin ma Thèse – puisque
j’avais l’autorisation de publication par les éditions L’HARMATTAN à la collection « Logiques
Sociales ». Donc ça j’ai mis un an à faire de mon manuscrit de Thèse qui faisait cinq cent pages un 80 livre qui n’en faisait plus que trois cent vingt, avec des relectures, des renvois de l’éditeur et il y avait
encore des fautes. Je corrigeais moi-même les fautes pour qu’eux aient le moins d’investissement de
fonds puisqu’ils savent très bien que ça se vend très peu finalement.
Mais bon… c’était si tu veux déjà en Thèse d’avoir la mention, d’avoir l’autorisation de publication
en l’état, de trouver l’éditeur euh… c’était pour moi une expérience intéressante donc avec la petite 85 enfance de Fanny j’ai passé mon temps à corriger mon bouquin. J’ai été qualifiée Maître de
Conférences mais bon ça faisait dix ans que je traînais dans les Universités et j’en avais un petit peu
marre, j’étais quand même dans un environnement « Entreprise » ; mon frère qui a monté son petit
truc, qui est parti de rien et qui s’est retrouvé rapidement avec une entreprise qui fonctionnait bien, qui
bougeait bien… envie d’aller voir ailleurs et puis surtout je n’avais pas envie de partir toute la 90 semaine, les postes de Maître de Conférences qui m’intéressaient en « Sociologie des Organisations »
étaient à François Rabelais à Tours, il y avait… enfin là j’ai dit : « Non, ça va bien, je me suis cognée
dix ans de fac, je ne vais pas en plus me barrer toute la semaine ».
J’ai failli être recrutée à Saint-Cyr dans les fins fonds de la Bretagne donc là ce n’était plus le
Ministère de l’Education c’était l’Armée et là j’aurais fait une carrière militaire. J’ai rencontré un 95 Colonel et au dernier moment je me suis dégonflée et j’ai bien fait puisque j’ai appris que j’étais
enceinte et je me suis retrouvée couchée donc je ne sais pas ce que ça aurait donné !
Donc là j’ai pris du temps pour publier cette Thèse après je suis arrivée à l’APAVE. A l’APAVE en
CDI mais grosses difficultés parce que l’APAVE avait un Cabinet de Conseil « A2E » qui était en
grosse difficulté financière donc ils ont embauché des jeunes supers diplômés dans l’espoir de 100 redresser un petit peu tout ça et puis ça n’a pas marché. J’ai été licenciée du Cabinet « A2E Conseil ».
Donc là j’ai repris un petit peu de temps, j’ai travaillé pour mon frère ; il m’a embauchée en CDD un
mois, deux mois, trois mois, quatre mois sur Vernon, j’étais Directrice du centre de Vernon toute
seule. Je m’occupais un petit peu des sous-traitants ; machines à café, Femmes de Ménage et puis
l’accueil, le phoning et puis j’étais en prestation et je répondais au téléphone. 105 Un peu « galère » mais sympathique parce que j’étais toute seule et puis quelque part c’était un peu
mon entreprise puisque j’étais toujours dans le Bureau.
Vernon a eu des difficultés donc on a décidé d’arrêter et moi j’étais sur un poste au CESI dont je n’ai
pas fait le deuil d’ailleurs. C’était un poste de Formateur en « Management », j’ai eu trois entretiens
au CESI et j’ai dit à mon frère : « Je vais arrêter parce que je pense que je vais partir au CESI, on 110 arrive en fin de CDD donc ce n’est pas la peine de recommencer » et puis au CESI ils ne m’ont pas
prise parce que je demandais un « quatre cinquième », je demandais le mercredi.
Donc ORREA en 2002, pourquoi ORREA si loin ? Parce qu’il y avait le mercredi tout simplement.
J’ai cherché très longtemps sur Rouen en « Conseil en Organisation » parce que c’était mon métier de
base, j’ai trouvé un poste sur Sotteville mais seulement ma première mission était sur Bourges donc 115 Christophe m’a dit : « Tu vas passer ta semaine à l’hôtel avec ton patron et moi je vais rester tout seul
comme un con avec Fanny ».
C’était bien payé, même chose, on a fait des entretiens, j’ai répondu à des trucs pour lui et puis… Il
m’a fait travailler aussi gratuitement pendant pas mal de temps ; il n’avait pas de sous, il comptait sur
moi aussi pour décrocher des gros trucs, il avait une mission à Bourges qui le faisait « survivre » je 120 dirais et puis j’ai eu peur que ça tourne mal et puis c’est vrai que la phrase de mon mari « Tu vas
149
passer ta semaine à l’hôtel avec ton patron » et on avait Fanny qui était toute petite ; je me suis
dégonflée.
Après je me suis dit qu’il fallait savoir repartir petit ; on ne peut pas avoir les responsabilités, le
« Conseil en Organisation », il y avait peu de postes sur Rouen, ce sont des postes que tu peux plus 125 avoir sur Paris. Donc là j’ai commencé à rechercher en « Conseil – RH » donc c’était l’APAVE en
plus à mi-temps, impeccable pour Fanny, et puis je suis partie de l’APAVE. J’ai cherché, j’ai
cherché… j’ai raté le CESI et puis j’ai commencé à me dire que c’est le boulot que je faisais quand
j’étais étudiante que j’allais reprendre. Je me suis dit : « Bon, je prends ORREA » parce que sur
l’annonce c’était stipulé « possibilité de temps partiel ». C’était la première fois en 2002 que j’avais 130 des difficultés pour trouver un emploi à cause de ce fichu mercredi. Je me suis dit : « Je suis prête à
faire la route pour avoir ce fichu mercredi ».
- Donc pour ORREA, quelles sont tes missions, les objectifs à atteindre ?
135 Alors j’assure les prestations ANPE qui pour le moment arrivent régulièrement avec un flux assez
important, après je fais du Bilan de Compétences Fongécif donc là c’est au coup par coup, au cas par
cas. Des moments on en a énormément donc Rachel va m’en déléguer deux, trois, j’ai vu en avoir
quatre en même temps et puis je peux très bien être trois mois, quatre mois sans en avoir.
Je pense qu’ici, enfin moi je l’ai toujours dit à Monique ; plus c’est varié et plus ça m’amuse. J’étais 140 prête à tout faire, à prendre de l’ANPE. J’ai découvert le « Travailleur Handicapé » que je ne
connaissais pas du tout et ça m’a apporté beaucoup. Le Fongécif je ne connaissais pas non plus et puis
quand j’ai été embauchée c’était aussi développer le marché entreprise etc… Donc il y a eu l’épisode
du Havre qui s’est mal terminé managérialement parlant et j’ai dit : « Bon, au prix où je suis payée
pour faire de l’ANPE je ne souhaite plus développer des produits entreprises ». 145 Mais donc à l’heure actuelle je fais de l’ANPE, du Fongécif et du stage « Région ». Mais moi je… je
m’en fiche que ce soit de l’individuel, du groupe, du « TH »… à un moment donné j’ai fait beaucoup
de « Cadres » aussi pendant un moment je faisais les « OEG » les « Objectifs Emploi ». C’est vrai que
pour ça je suis confortable parce que tu peux me refiler n’importe quoi, je ne vais pas dire : « Ah bah
non, ça j’en veux pas ou ça je ne sais pas le faire ». 150 J’ai fait de la formation au « Tutorat » aussi à l’EDF… à la base moi j’ai fait beaucoup de Formation,
j’ai fait beaucoup de « Consulting »… la prestation ANPE c’est moins intéressant mais bon c’est vrai
qu’on ne peut pas tout avoir, là en plus avec un deuxième enfant euh… mais professionnellement
parlant ça ne correspond pas à mes ambitions c’est clair mais je ne peux pas élever mes filles à peu
près correctement et être Responsable de mon entreprise. 155
- Au niveau des différentes prestations, actions de formation etc… quels sont les objectifs ?
- Alors les objectifs c’est retrouver le plus rapidement un emploi. Un emploi je dirais relativement
durable et un emploi motivant. 160 Donc c’est vrai qu’on a à voir avec une économie d’Etat à dire : « Bon ces personnes-là une fois
qu’elles vont trouver du travail elles ne vont plus percevoir le chômage », on a beaucoup à voir avec la
satisfaction, le bonheur de la personne et puis c’est ça l’objectif ; retrouver le plus rapidement possible
un emploi, même si ça passe par une formation. Qui soit compatible avec la personne, ses
motivations, sa personnalité, ses compétences parfois son handicap. Parfois son isolement social pour 165 certains groupes dans les publics défavorisés que l’on a.
Donc c’est intéressant parce que les gens arrivent avec des problématiques différentes, après tu vas
regarder ce qu’ils ont comme atouts et comme points faibles ; ça peut être une super personnalité
dynamique et puis à côté de ça une jambe qui traîne un peu. Tu as donc une fonction de diagnostic
quand même à la base, c’est se dire : « Qu’est-ce que cette personne a à la base comme difficulté qui 170 peut lui nuire en terme d’employabilité ? ». Derrière toi tu dois avoir une certaine connaissance des
métiers, toute une connaissance du bassin d’emploi et après il faut faire correspondre les deux : la
personne avec ses points forts que tu as toi-même diagnostiqués, donc tu fais un bilan de la personne.
Tu vas vers une orientation et derrière tu trouves ce qui colle. C’est un peu comme un puzzle, ça reste
quand même noble quelque part parce que tu as la fonction de diagnostic, c’est un jeu d’esprit moi je 175 prends ça un peu comme ça. J’ai un individu avec ses caractéristiques, quel est l’emploi derrière ?
Donc ça je vais le dessiner d’un point de vue théorique dans un premier temps qui va lui correspondre
au mieux et puis après je cherche ce que je peux trouver et puis après c’est de la boîte à outils : faire le
CV qui accroche mais ça c’est du connu, la lettre qui va bien, lui apprendre à utiliser le téléphone, à le
motiver et puis voilà. 180 Donc je me sens bien parce que je suis dans l’humain, je suis dans le service rendu à l’individu, je suis
dans le service rendu à l’ANPE parce qu’on est prestataire, au Fongécif et à l’Etat en général et même
à la FRANCE si tu veux !
150
Et puis euh… moi je me sens à l’aise par rapport aux objectifs, il faut qu’ils bossent donc faut qu’ils
bossent quoi ! Je me sens à l’aise par rapport à ça parce que je reste persuadée que les gens ont envie 185 de bosser ou alors ils le verbalisent très vite et puis ils vont se désinscrire mais… moi c’est pas mon
travail, je ne suis jamais rentrée là-dedans à menacer ou quoi que ce soit.
Mais en même temps des fois tu t’aperçois qu’il y a des gens qui te disent : « Non je ne veux pas
bosser », qui se foutent un peu de toi sur les trois premiers rendez-vous donc là je pourrais dire :
« Moi je travaille pour l’ANPE et je vais leur dire que monsieur machin ne veut pas bosser il faut le 190 radier » et puis finalement tu t’aperçois au bout de cinq/six séances que la personne est affaiblie en
terme de barrière, elle va même craquer un peu et puis tu vas te rendre compte qu’elle finit par entrer
dans le jeu, qu’elle apprécie ce que tu lui proposes et puis… moi je dirais que je prends sur moi : il n’y
a pas de « mauvais candidat ».
Je dirais plutôt que soit j’ai mal fait mon boulot si je n’ai pas réussi à faire comprendre à la personne 195 que ce serait mieux pour elle si elle avait une activité, même à temps partiel thérapeutiquement mais
tu vois… quand même quelque chose, et moi je dis que les gens n’ont pas compris et que c’est à moi
de leur expliquer. S’ils n’ont toujours pas compris au bout des douze séances c’est que j’ai mal
travaillé. Je garde toujours espoir donc moi je suis très à l’aise par rapport à ça. C’est un peu
caricatural mais même si le gosse à la neuvième séance me dit : « Non je ne veux rien foutre pour le 200 CV » et bien je me dis qu’il en reste deux pour essayer de… voilà.
- Donc tu as commencé à me parler de quelques compétences pour exercer le métier et de
quelques outils aussi à maîtriser, est-ce que tu peux développer là-dessus ?
205 - Alors les outils et bien ce sont les outils de l’Orientation ; il y a tous les tests, les questionnaires que
l’on va activer ici pour la personnalité. On peut aussi sur certains cas difficiles ou plus problématiques
utiliser le « 16PF » parce que j’ai été formée à l’Université pour utiliser les tests « psy » donc bon ça
m’arrive de l’utiliser. Moi j’utilisais le « KUDER » autrefois quand j’avais des questions ou alors un
« IRMR » qu’on utilise très fréquemment. 210 Après c’est du petit questionnaire du type : « Êtes-vous disponible le samedi ? » ou bon il faut savoir
construire un questionnaire, une échelle et puis savoir l’exploiter. Il y a le Répertoire Opérationnel des
Métiers et des Emplois, les fiches ONISEP, les fiches CIDJ, les sites Internet aussi… savoir avec
Google… tu finis toujours par avoir enfin… ça c’est des réflexes qu’on a.
Il y a les prestations ANPE donc là tu vois, malgré mon ancienneté, je suis en train de me ressortir 215 toutes les prestations, les contrats-aidés parce que ça change et moi j’ai eu un changement de
gouvernement en plus depuis mon arrêt maladie donc ce sont des choses dont il faut se tenir au
courant très souvent.
Après pour la partie « Orientation » et bien je dirais que c’est beaucoup du métier et malgré tout un
petit peu de « feeling » aussi ; tu vas passer deux/trois tests et puis tu ne vas pas forcément avoir la 220 réponse tout de suite dans tes tests donc tu vas soumettre à nouveau à la personne qui va réagir. Après
t’as une multitude d’outils ; t’as les « Enquêtes Métier », tu vas envoyer les gens enquêter sur des
métiers et puis les gens ils vont revenir d’eux-mêmes en disant : « Oh oui c’est ça, c’est génial, j’ai vu
la personne, je vais essayer d’y aller en stage » etc.
Après au niveau de l’Orientation donc oui tu as les « Enquêtes Métier » pour vérifier, tu vas avoir tout 225 ce qui est contact avec les entreprises pour essayer de faire des stages, des immersions en milieu de
travail. Donc là c’est du phoning, de l’annuaire ; « Le métier d’Infirmière, c’est dans quel type de
structure ? Des hôpitaux, des maisons de retraite, privé/public », tu prends tes annuaires, tu prends
Internet, tu passes un coup de fil pour demander qui s’occupe des stages, t’envoie un courrier ou tu te
déplaces. 230 Donc tous les outils après de la « Technique de Recherche d’Emploi », après c’est CV, lettre de
motivation – spontanée ou en réponse à annonce -, l’Internet – ANPE.fr mais aussi les autres sites -,
quand tu travailles avec des « Cadres » et bien tu vas utiliser des sites un petit peu différents. Il y a
également l’entretien moi j’aime bien former les gens à l’entretien ; donc là tu peux très bien donner
une liste de questions qu’ils peuvent avoir à l’entretien et quand tu sens que les gens ont des 235 difficultés ou que ça les angoisse et bien tu peux aller jusqu’à faire des simulations, voire de la vidéo.
Sur le public « Cadres » il y a des gens qui sont demandeurs, d’autres qui ne le sont pas. On a une…
moi j’appellerais ça une « valise pédagogique » un peu, on appelait ça comme ça chez RENAULT.
L’expertise, la compétence là je dirais c’est de savoir mobiliser le bon outils ; si c’est faire passer du
test pour faire passer du test ce n’est pas la peine. Moi j’accorde beaucoup d’importance à la 240 dimension « diagnostic / analyse » à la base donc savoir là où la personne a le plus besoin de
travailler. Tu vas très bien te rendre compte au début qu’un CV qui n’est pas fait ou qui est mal fait et
bien là c’est impossible pour le reste derrière. Ce n’est pas la peine d’aller parler d’entretien puisque
c’est la première chose.
151
C’est vrai qu’il y a un ordre pour faire les choses mais derrière ça tu peux avoir des gens qui arrivent 245 et qui vont te dire dès le premier jour : « J’ai un entretien demain, aidez-moi ! ». Alors tu ne vas pas
sortir la caméra parce que tu as une heure mais tu vas essayer de… et c’est ça qui est intéressant aussi,
c’est que – enfin moi je le prends comme ça – il faut essayer d’avoir tout un tas d’outils et la vraie
compétence par rapport à un Animateur qui va utiliser bêtement une méthodologie avec « A, B, C,
D… », c’est d’arriver à dire, parce que tu as une expertise – et il ne faut pas se tromper - : « Ce truc je 250 ne l’utilise pas parce que ça ne va pas être pertinent et ça va nous faire perdre du temps, je vais plutôt
aller chercher autre chose ». Même pourquoi pas créer un nouvel outil, moi avec le Doctorat
forcément je suis formée à la méthodologie de recherche donc je suis capable de pondre un
questionnaire tu vois… là ça devient intéressant parce que tu te dis : « Ce dont je dispose à l’heure
actuelle n’est pas adapté » et moi j’accorde beaucoup d’importance au diagnostic initial sur la 255 personne et ce dont elle a besoin.
- Donc pour toi c’est la première compétence à avoir…
- Ouais. 260
- Et ensuite est-ce qu’il y en a d’autres ?
- Alors ensuite c’est la technicité de dire : « J’utilise un test comme il faut, je le corrige comme il faut
et je ne fais pas n’importe quoi », donc là c’est le technicien qui a un outil et qui l’utilise correctement. 265 Derrière quand tu touches aux tests Psycho il y a un savoir aussi que j’appellerais du « méta » enfin…
c’est tout un savoir sur la personnalité, quand tu vas dire : « Vous avez des capacités d’adaptation », il
faut savoir ce que cela veut dire derrière, ce n’est pas simple. Comment ça va se traduire ? Il ne faut
pas aller trop loin non plus parce qu’on n’est pas sur un divan. Professionnellement, dans une situation
de travail, ça va se traduire comment ? 270 Alors ça c’est très difficile, ce travail de traduction d’une part d’un métier : « J’ai fait ça, j’étais
Chauffeur de Taxi » à traduire en compétences ; ça veut dire qu’il y a des gens, qu’il faut comprendre
ce que je veux dire quand je veux aller Place de l’Etoile, c’est utiliser un plan pour y aller… Tu vois,
ce travail de traduction de l’expérience, telle que la personne arrive à la témoigner, en compétences
pour aller transférer vers un autre poste, ça à mon avis c’est aussi ce qu’il y a de très difficile, c’est là 275 qu’il ne faut pas se planter.
Mais derrière il y a aussi un travail de traduction d’une échelle de personnalité qui va te donner des
résultats de « Psy » avec même des choses dans le « 16PF », tu as l’ « affectothymie » machin… donc
c’est très bien, c’est très amusant mais passé un moment ça t’amuse moins, il faut traduire ce que ça
va donner en terme d’environnement professionnel ce que ça va donner dans ses relations avec un 280 Manager, dans ses relations avec ses collègues… donc là il y a un travail vraiment d’herméneutique,
de traduction qui est noble aussi.
Et tu le sens sur les Animateurs la finesse dans l’orientation hein… bon on utilise tous les tests mais
on va avoir des conclusions parfois un petit peu différentes et ça c’est… bah c’est l’habitude ; c’est à
force de voir les gens, c’est à force de voir des profils « Psy », c’est à force de pratiquer les tests, c’est 285 à force d’entendre les gens et de les voir aussi. Des fois ils arrivent, la façon de te serrer la main,
« Est-ce qu’il te regarde ? Est-ce qu’il cause ? ». C’est malheureux à dire mais ça marche au transfert
aussi. Au bout d’un moment tu as tellement l’habitude, les gens ils s’assoient et c’est là que ça devient
dangereux parce que tu te dis : « Il est Commercial ce mec-là ». Alors il faut faire gaffe aussi parce
que tu sens tellement les choses qu’il ne faut pas en rater non plus ou aller trop vite ! Et là donc des 290 fois tu vas quand même ressortir tes outils pour valider… une intuition parce qu’il faut appeler ça
comme ça.
Donc ce travail de traduction des compétences, moi c’est ce qui me met le plus mal à l’aise. J’ai
toujours peur dans les niveaux ; la Comptable, quel degré de Comptable ? Là je suis toujours très mal
à l’aise. 295
152
- Mais ça implique aussi de bien connaître les métiers alors ?
- Non, je connais bien les métiers parce que c’est à force de… mais je vérifie toujours. Je ressors
toujours des fiches parce que ça me fait peur. Autant pour les outils moi je connais mes outils donc… 300 mais ce travail de « Vous avez le niveau pour postuler à un poste de Comptable X ou Y » et bien je
peux te dire que là je stresse tu vois ! Heureusement on a les entreprises, les évaluations, les ECCP et
tout ce que tu veux bien pour nous rassurer derrière. Mais bon là j’ai peur. Je n’ai jamais peur sur les
orientations parce que là j’ai mes batteries et je les vérifie autant de fois qu’il faut mais sur les
compétences et dire : « Vous avez le niveau pour » ou « Vous n’avez pas le niveau et il faut une 305 formation », là à la limite…
Donc ça et puis bien sûr de l’accueil, de la convivialité, une bonne capacité rédactionnelle parce que
tu écris des lettres, tu lis des documents, des CV donc il faut quand même parler la France quoi !
Et puis après en terme de savoirs et bien ça va être de la traduction, de la technique-tests et puis ce
travail sur les compétences et puis bien savoir… je te dis pour moi l’expertise vraiment c’est quel 310 type… c’est comme quand tu prépares un contrôle de « Maths », c’est : « Quelle formule je vais
utiliser ? ».
- Donc il y a la fois des compétences qui te viennent de ton cursus et puis il y a une question de
savoir être je dirais, c’est avoir la présence d’esprit de se dire : « Qu’est-ce que je vais 315 utiliser ? ».
- Moi je dirais qu’il y a des deux mais j’aurais envie de faire primer quand même le cursus parce que
construire un outil, c’est la méthodologie de la recherche, ne pas conclure de bêtises sur un test, c’est
la rigueur de l’objectivité scientifique que tu apprends en méthodologie de recherche. 320 Bien utiliser un test, moi je l’ai appris à l’Université. Ce n’est pas dans le cadre de mon travail que les
gens m’ont fait voir : « Alors le “16PF” tu l’utilises comme ça et tu l’interprètes comme ça ». Non,
dans le « 16PF », il y a son utilisation technique mais il y a aussi ton savoir théorique sur la
personnalité, sur la « Psychanalyse », sur ce que tu veux bien qui va t’aider à faire parler tout ça.
Cette idée de diagnostic, d’analyse fine à la base et du bon outil, c’est du savoir universitaire aussi moi 325 je dirais. C’est quand même le Doctorat, la rédaction bon… tu as écrit un manuscrit de cinq cent pages
tu sais donc écrire ! Moi ça me ressert, quand tu fais une Thèse, tu vas dans une entreprise, tu fais un
diagnostic, tu développes des outils, des moyens…
Tout ça, c’est des choses que tu acquières quand même beaucoup comme compétences au niveau
universitaire. La formation à l’entretien, comprendre ce que la personne me dit, ne pas faire de 330 conclusion trop hâtive, tout ça c’est l’Université. En Maîtrise on avait un UV « Entretiens », c’était
une heure et demi par semaine. Donc il y a beaucoup de ça.
Après ce qui vient par l’expérience c’est deux choses ; la première c’est cette rapidité dans
l’orientation parce ça après c’est l’habitude, c’est à force de voir des gens que tu vas dire : « Au vu de
mes résultats, au vu de la personne, au vu de sa façon de parler je pense que… », ça c’est vrai que 335 c’est de l’expérience pure, c’est pas acquis à l’Université parce qu’à l’Université même si tu fais
passer un paquet de tests, tu n’en feras jamais passer autant qu’en dix ans de… après tu gagnes en
temps, tu vas gagner du temps.
Et puis sur les outils parce que ORREA utilise certains questionnaires que je n’utilisais pas avant
évidemment. L’ « ANPE.fr », ça change toutes les semaines donc ce n’est pas à l’Université que j’ai 340 appris à utiliser ça. Qu’est-ce qu’un « Contrat d’Avenir » ? C’est pareil, ce n’est pas l’Université.
Mais ça, ça s’acquiert en cinq minutes si tu veux ; moi je trouve que l’essentiel il est pas là de toutes
façons, ça c’est à réactualiser en permanence.
L’essentiel il est dans cette objectivité, cette envie d’aider la personne et de t’adapter correctement
dans une connaissance des tests et ce que je te disais utiliser le bon outil. Je pense que l’essentiel il 345 vient quand même d’une formation à l’entretien, au « Psy », aux outils en général et surtout la rigueur
de la méthodologie de recherche.
Je dis rien mais des fois je vois mes collègues qui posent une question avec trois possibilités de
réponse et il en manque une quoi ! Des conneries comme ça je sais que je ne le ferai pas ; ce n’est pas
grâce à moi c’est grâce à ma formation en enquêtes. Quand tu as ça, tu peux construire n’importe 350 quoi. Après il faut le temps pour le faire mais c’est autre chose. Mais ce qui est intéressant c’est que…
regarde, l’autre jour matin je suis arrivée, je revenais au bout d’un an, Céline m’a dit : « Tu leur fais
de la Com’ », j’avais rien préparé bien évidemment et j’ai fait ma journée sans problème. Et ça, ça ne
vient pas de l’expérience, ça vient de mon cursus.
355
153
- Tu réinvestis ta formation au quotidien alors.
- Complètement oui et surtout dans les coups durs, elle me ressert. Si tu veux les outils euh… les trucs
qu’on apprend très vite ou les réflexes « ANPE.fr », ça c’est quand tout va bien ! Par contre quand il y
a un coup dur ou quand tu dois intervenir sur un truc et qu’on t’a pas prévenu, si t’as que les outils 360 « bébêtes » et bien tu ne t’en sors pas quoi !
- Mais ça c’est lié au fait que tu sois allée jusqu’au Doctorat ou tu penses que même avec un
niveau DEA ou DESS ou même Maîtrise on peut…
365 - Alors, moi je dirais DEA ou DESS parce que ce qu’il faut quand même pour réagir correctement et
vite sans être prévenu, sans faire de bêtise, c’est avoir mené de A à Z une enquête ou une recherche. Si
tu en fais en Maîtrise là je dirais que la Maîtrise suffit. En Maîtrise, en DESS, en DEA on est très bien
formé aux tests d’orientation, à la technique d’entretien… ça suffit amplement.
Le Doctorat moi honnêtement ça m’a apporté une grande autonomie parce que c’est vrai qu’on est très 370 autonome, ça m’a apporté une certaine persévérance et surtout le travail d’écriture. C’est vrai que
écrire c’est vraiment douloureux, quand tu as cinq cent pages à écrire, c’est se projeter et s’accepter
soi-même.
Le Doctorat aujourd’hui très honnêtement je le regrette parce que j’ai passé beaucoup de temps, j’ai
beaucoup souffert, ça a été très très difficile, j’ai eu des périodes de découragement et puis on t’aide 375 pas donc… J’ai eu un Directeur de Thèse extraordinaire mais lui-même était un petit peu marginalisé
à l’Université donc… au début je n’ai pas eu l’autorisation pour la soutenance, ça a été… Aujourd’hui
avec le recul je dis toujours que ça a été une longue maladie, j’avais vraiment quelque chose à me
prouver, c’est fait. Professionnellement parlant ça ne m’apporte rien, au contraire des fois je me dis je
vais l’enlever de mon CV ce truc parce qu’on te pose toujours la question : « Avec un Doctorat, 380 qu’est-ce que vous faites là ? ». Non, un bon « Bac +5 », c’est très bien !
- Alors jusqu’à présent dans l’entretien tu m’as beaucoup parlé de : « Nous en Psycho, nous les
Psychologues etc… », il faut être Psychologue pour être Conseiller ou pas forcément ?
385 - Alors être Psychologue, ça dépend de ce que tu mets derrière. En « Clinique » oui, si tu réduis le
« Psy » à l’utilisation des tests, à l’entretien et toujours à cette fichue rigueur méthodologique oui. Par
contre moi j’ai fait « Psychopatho », j’ai fait de la « Psychanalyse », j’ai fait du Lacan… tout ça non.
Par contre pour l’utilisation du test oui, je vois bien la différence qui est faite au niveau de
l’interprétation des tests entre les gens qui sont « Psy » et les gens qui ne le sont pas. Pour ça oui. 390 Il faut aussi une très bonne formation à l’entretien, ça c’est indispensable et une prudence
méthodologique c’est évident. Être capable de construire un questionnaire, être capable d’observer
une situation de travail avec une grille de cotation, ça oui.
Maintenant appelle ça comme tu veux, tout le savoir « personnalité » est un plus mais la
« Psychopatho », les « troubles » et tout le machin on s’en fout royalement ! Par contre l’utilisation 395 des tests moi, je serais quand même prudente oui.
La « Clinique », c’est la mesure je dirais « oui », formation à l’entretien « oui » et puis derrière le
divan, la « Psychopatho », non.
- Alors en terme de personnalité cette fois, qu’est-ce que ça demande ? 400
- Alors ça demande une grande générosité déjà parce que si t’as pas envie d’aider, de conseiller,
d’orienter, c’est la fonction de conseil donc il faut cette envie. Il y a des moments où le vendredi soir
on est fatigué on n’a plus envie et bien c’est vrai qu’on ne fait plus le boulot pareil ! Donc ça c’est la
première chose, cette empathie, cette envie d’aller vers l’autre, cet aspect social, j’aide, je conseille. 405 Une certaine gentillesse aussi parce que c’est vrai que si on reçoit les gens pour leur envoyer des
vannes ou leur renvoyer une mauvaise image d’eux-mêmes, ça m’arrive des fois d’enrober les
résultats de tests parce que je ne veux pas trop blesser la personne et puis je vais toujours essayer de
positiver.
Oui, ça demande une certaine forme d’optimisme aussi, parce que c’est vrai qu’il y a des gens qui sont 410 dans des situations très difficiles et on aurait envie de leur dire : « On ne va rien faire de vous
monsieur » mais malgré tout il faut essayer soi-même de garder espoir jusqu’au bout.
Donc des qualités verbales aussi, il faut savoir parler, il faut savoir comprendre, bien connaître le
code. Il faut avoir une certaine culture aussi parce que les gens quand ils te parlent de quelque chose…
de la prudence quand même, ne pas aller trop vite, ne pas trop se projeter non plus, arriver à laisser les 415 soucis à la maison et ça c’est difficile. Quand tu as toi-même des ennuis, recevoir des gens qui en
ont…
154
Alors c’est vrai qu’on pourrait se dire que les soucis des autres te font oublier les tiens mais non
justement… et puis quand tu as des ennuis, tu te dis que tu as assez des tiens et que tu ne veux pas
forcément entendre ceux des autres. 420
- C’est ça le plus difficile dans le métier ?
- Pour moi oui parce que j’ai eu des coups durs importants donc… en même temps t’es content de voir
du monde aussi mais tu te dis : « Qu’est-ce qu’ils ont avec leurs petits bobos alors que moi j’ai un truc 425 qu’est vachement dur à côté ? ». Et puis tu ne comprends plus pourquoi les gens se plaignent et du
coup tu as moins de patience parce que tu dis : « Attendez j’ai vu un Travailleur Handicapé qui a trois
cancers et vous vous pleurez parce que vous vous êtes tordue la cheville ! ».
C’est pour ça qu’il faut quand même du calme, de la patience, de l’envie de faire mais je pense qu’une
grande générosité et une capacité à se mettre à la place des autres et puis des capacités d’analyse. 430 C’est de l’oral, c’est du verbal, c’est de la maîtrise du code, une envie de communiquer et après c’est
une expertise un peu plus scientifique… finesse, il ne faut pas être « bête et méchant » non plus parce
que après tu vas aller sur des trucs « bébêtes » quoi !
- Et alors tout ça c’est valable en individuel comme en groupe ou il y a quand même des choses 435 qui diffèrent ?
- C’est bien différent ; l’individuel va être beaucoup plus impliquant parce que la personne va être
amenée à te faire des confidences qui n’ont pas spécialement grand chose à voir avec la prestation. Il y
a une relation beaucoup plus intime. Il y a des gens en individuel qui vont te ramener une petite boîte 440 de chocolats, tu vas savoir qu’ils ont tant d’enfants, que le petit dernier a fait la gastro, ça n’a rien à
voir avec le groupe où en groupe tu es protégé de ça.
Mais d’un autre côté ça demande et bien de diriger le groupe avec ses conflits sociaux, les conflits
entre eux, être plus ferme, c’est différent mais moi j’aime bien les deux. Je ne voudrais pas faire que
de l’individuel parce que c’est très impliquant ; il y a des gens que tu vois partir avec chagrin parce 445 qu’ils sont tellement gentils que tu n’as pas envie qu’ils partent, il y a des gens qui te séduisent, il y a
des gens qui t’apitoient, il y a des gens qui te font pleurer donc c’est vrai que la relation individuelle,
tu fais du très bon travail si tu joues bien de ça parce que la personne va aussi travailler pour te faire
plaisir à certains moments mais c’est fatigant psychologiquement surtout quand les cas sont lourds,
quand il y a des handicaps ou des grosses difficultés. T’as des mecs qui arrivent : « Ma femme m’a 450 quitté, j’ai plus de boulot… », t’as envie de pleurer avec eux et il y des moments où tu ne sais plus où
est la limite de ta fonction. T’as envie de leur taper dans le dos et de dire : « Bon allez je vous paye un
petit café » et puis là tu te dis : « Mais attends là je ne suis plus dans le boulot, je suis dans l’amitié, ça
ne va plus ».
Le groupe t’évite ce genre de choses, ça te protège mais du coup aussi le groupe est dur parce qu’il 455 faut taper du poing sur la table et qu’entre eux ils s’entraînent.
Mais tu peux aussi faire du très bon travail parce qu’ils vont s’entraider, si toi tu arrives à les faire
communiquer, se respecter, à fixer les bonnes règles au début au bout d’un moment t’arrives même à
t’éclipser ; moi dans les groupes j’ai un « responsable photocopies », un « responsable ROME » etc…
donc si tu te débrouilles bien… parce que quand ils sont douze, tu pètes les plombs et tu passes ta pose 460 à faire des photocopies, c’est : « Un CV madame, un machin madame » et ils ne font rien de la
journée parce que ton temps divisé par douze tu ne fais rien donc soi tu arrives à les responsabiliser et
du coup le groupe accroche.
- Et ça justement comment tu l’as appris ? 465
- Alors ça ce n’est pas du savoir universitaire, c’est la ficelle du métier. Moi j’ai une grande
conscience professionnelle, je veux satisfaire tout le monde et je courrais partout comme une dingue à
ne pas faire de pauses, à sortir une heure en retard pour sortir un CV et malgré ça les gens n’en avaient
pas pour leur argent. Je me suis dit : « Il y a un problème, je ne peux pas continuer à fonctionner 470 comme ça, je vais m’épuiser et c’est Monique, les « anciens » je dirais qui m’ont dit : « Mais tu te fais
trop suer, fais leur faire », « Bah non c’est mon boulot ! », « Mais si tu vas voir ça va leur plaire ». J’ai
essayé, ça a bien marché, ils étaient contents de faire les photocopies pour leurs copains, ils étaient
contents de faire des recherches, de s’entraider.
Là quand tout le monde cherche du boulot pour tout le monde, tu obtiens des choses absolument 475 extraordinaires et toi à la limite tu n’as plus qu’à faire signer la feuille de présence le matin. Tu en
formes un – enfin former est un grand mot – à l’utilisation des ROME, tu en formes un à l’utilisation
de la photocopieuse, ça les responsabilise, ils sont contents et après tu n’as plus qu’à faire le point en
tour de table et voilà.
155
C’était vraiment une question de survie pour moi. On est en presta, moi j’ai fait de l’ « OEG » à 480 quinze personnes je peux te dire que… Moi j’ai eu très longtemps tendance à ça – parce que je suis
formée et j’estime que c’est mon boulot – à faire à leur place. C’est les « anciens », c’est Monique et
Céline qui m’ont dit : « Tu leur fais faire, ils vont être contents ». Et je me rends compte en plus qu’ils
apprennent beaucoup plus vite.
Mais ça en tous cas ça ne s’apprend pas à l’Université, c’est de la ficelle. 485
- Donc il y a les conseils des uns et des autres qui comptent, tu dois te renseigner sur les choses.
- Oui tout à fait, moi tout ce qui touche au « Management », tout ce qui touche aux tests, tout ce qui
touche à la personne et ça va même jusqu’à la santé avec les notions de « stress », de « stress 490 organisationnel », ça m’intéresse donc moi ça ne va pas me déranger de consulter un site là-dessus un
dimanche chez moi. Je lis des bouquins sur le stress des « Cadres » donc tu vois ce n’est pas…
Donc du coup je suis ouverte à ça, j’entends tout et puis derrière bon… Mais moi c’est vrai que c’est
les « anciens » qui m’ont dit : « tu devrais faire comme ça ». Tout ça, ça vient par les conseils des
anciens, ça vient par l’expérience, parce que quand tu passes une semaine de stage avec des gens et 495 que tu te rends compte qu’ils s’ennuient, t’es obligée de te remettre en cause.
- Tu disais tout à l ‘heure que ça ne te dérange pas de te documenter le dimanche etc… ; est-ce
que malgré ta formation et toute la matière qu’elle comporte, il y a des choses qui te manquent
ou que tu aurais aimé faire ? 500
- Pour travailler sur ce que je fais à l’heure actuelle, je ne me sens pas… après ça va être des toutes
petites choses. Par exemple sur les « presta » ANPE, l’utilisation d’Excel pourquoi pas mais après de
fondamental non. Après moi personnellement, j’ai fait un cursus « Psycho », j’ai fait une année de
Maîtrise « Psycho-Socio » après j’ai fait le Doctorat en « Socio », j’aurai toujours cette envie de 505 valider mon « Bac +5 » en « Psycho », ça ne me lâchera pas. De là à passer à l’acte je ne pense pas
parce que… dix ans de fac, j’ai donné !
Pour moi le cursus parfait oui ce serait ça, mais pas pour faire ce que je fais ici, ce serait derrière pour
créer un Cabinet de Conseil qui ferait à la fois de l’Entreprise – ça j’ai ce qu’il faut avec mes outils de
Sociologue – et du Conseil Personnel mais pour ça je n’ai pas le droit de toucher à la personne si je 510 n’ai pas ce « Bac +5 » en « Psycho ». J’ai dû choisir une orientation, j’en ai privilégié une mais en
même temps je reste Psychologue dans l’âme, ça c’est sûr !
- Pour terminer, est-ce que tu peux me donner cinq mots pour qualifier ton travail ?
515 - Alors je dirais « Conseiller », « Aider », « Chercher » mais dans le sens le plus large, « Ecrire » et
« aimer ».
157
Référentiel de compétences
du CIP
chez ORREA 1) Etablir une relation de confiance avec le bénéficiaire
2) Evaluer des situations individuelles
3) Accompagner dans un parcours d’insertion ou de retour vers l’emploi
4) Accompagner dans la mise en œuvre du parcours d’insertion et de retour vers
l’emploi
5) Développer une relation entre le bénéficiaire et les acteurs socio-économiques
6) Animer des actions collectives
7) Assurer la gestion administrative de ses dossiers
8) Travailler en équipe
158
1) Établir une relation de travail avec le bénéficiaire
Engager le bénéficiaire dans le processus d’accompagnement
SAVOIR FAIRE
(par ordre d’importance)
SAVOIRS
(par ordre d’importance)
1) Établir une relation de confiance
2) Accueillir physiquement et
verbalement
3) S’exprimer correctement
4) Travailler en autonomie
5) Respecter le cadre de ses missions
6) Orienter le bénéficiaire vers des services
compétents si besoin
Les éléments indispensables
Connaître ses missions de C.I.P
Connaître les prestation de la structure
Maîtriser les techniques de l’entretien
Atouts mobilisables
Être diplômé ou avoir des notions
en Psychologie
Être diplômé ou avoir des notions
en Sciences Humaines
Être diplômé ou avoir des notions
en Sociologie
SAVOIR ÊTRE
Avoir le sens de l’écoute / Se montrer disponible / Faire preuve d’adaptabilité /
Faire preuve de tolérance / Avoir confiance en soi / Garder ses distances avec le bénéficiaire /
Faire preuve de tact, de diplomatie / Avoir le sens de la confidentialité /
S’efforcer de rester dans son cadre d’intervention
159
2) Évaluer des situations individuelles
Identifier le profil et le parcours personnel et professionnel du
bénéficiaire
SAVOIR FAIRE
(par ordre chronologique)
SAVOIRS
(par ordre d’importance)
1) Analyser une situation sociale et
professionnelle
2) Réaliser un bilan professionnel
et personnel
3) Identifier des motivations
et des intérêts
4) Évaluer des capacités
et des potentiels
5) Diagnostiquer des freins
6) Évaluer l’écart entre la situation du
demandeur, son projet et l’offre du marché
Les éléments indispensables
Maîtriser les techniques de l’entretien
Maîtriser les outils et techniques
d’évaluation des compétences
Maîtriser les outils et techniques d’évaluation des
caractéristiques personnelles, des motivations
et centres d’intérêt
Connaître les référentiels métiers
Connaître les référentiels de formation
Les atouts mobilisables
Être formé à l’utilisation et à l’exploitation
des tests
Être diplômé ou avoir des notions
en Psychologie
Connaître le public de « Travailleurs
Handicapés »
Maîtriser les outils et les techniques
d’évaluation des connaissances
et des capacités
SAVOIR ÊTRE
Faire preuve d’écoute active / Pouvoir appréhender objectivement une situation /
Faire preuve d’empathie / Se montrer tolérant
160
3) Accompagner dans l’élaboration d’un parcours d’insertion ou de retour
vers l’emploi
Etudier les différentes possibilités d’insertion professionnelle du
bénéficiaire
SAVOIR FAIRE
SAVOIRS
(par ordre d’importance)
Recenser et prioriser les besoins
Identifier les emplois et/ou les formations
adaptés au profil du bénéficiaire
Définir un plan d’actions
Accompagner à la recherche de stages et/ou
bancs d’essai
Créer et adapter des outils
Accompagner dans l’appropriation
du projet
Travailler sur le comportement
Favoriser la redynamisation, l’implication et
l’autonomie du bénéficiaire
Conduire la personne à se projeter
Entretenir une relation de confiance
Les éléments indispensables
Connaître les dispositifs de formation
initiale et continue
Connaître les dispositifs d’insertion sociale
Connaître les acteurs de la formation
et de l’insertion
Maîtriser les T.I.C et leur utilisation
Maîtriser les techniques de
communication
Connaître les référentiels métiers
Connaître les référentiels
de formation
Connaître le marché de l’emploi
Maîtriser les techniques
de redynamisation
Les atouts mobilisables
Connaître l’environnement
économique
Connaître les politiques publiques
de l’emploi, de l’insertion et
de la formation
Connaître les principes de la
« conduite de projet »
SAVOIR ÊTRE
Faire preuve d’écoute active / Faire preuve d’empathie / Être sincère avec le bénéficiaire /
Être dynamique
161
4) Accompagner dans la mise en œuvre du parcours d’insertion et de retour
vers l’emploi
Permettre au bénéficiaire de mettre en œuvre son projet professionnel
SAVOIR FAIRE SAVOIRS
Faire prendre connaissance au bénéficiaire des
différents types de T.R.E
Transmettre au bénéficiaire la méthodologie
des T.R.E
Simuler des situations d’entretien
Désinhiber le bénéficiaire face aux T.I.C
Faire le point sur les stages et/ou bancs d’essai
Mobiliser les bons acteurs « ressources »
au bon moment
Travailler en réseau dans le cadre
de partenariats
Favoriser la redynamisation et l’autonomie
Entretenir une relation de confiance
Les éléments indispensables
Maîtriser les T.R.E (contenu et mise en forme du
CV, contenu et mise en forme de la lettre de
motivation, site de l’ANPE, contact par
téléphone, ciblage, enquêtes-métier)
Maîtriser les T.I.C
Connaître les TRE spécifiques à certains
secteurs d’activité
Connaître les sources d’information à disposition
(ROME, annuaires divers, sites Internet)
Connaître les acteurs « ressources »
Connaître les bassins d’emploi
Connaître les modes de fonctionnement
de l’Entreprise
Connaître les différents types de recrutement,
leur déroulement global et les tests
Connaître les différents types de
contrats de travail
Analyser une offre d’emploi
SAVOIR ÊTRE
Faire preuve d’écoute active / Être patient / Être pédagogue / Faire preuve de tolérance /
Avoir une attitude encourageant l’autonomie / Faire preuve d’autorité « bienveillante »
162
5) Développer une relation entre le bénéficiaire et les acteurs socio-
économiques
Construire un réseau professionnel autour du bénéficiaire
SAVOIR FAIRE
(par ordre d’importance)
SAVOIRS
1) Identifier, développer et entretenir
un portefeuille d’entreprises
2) Identifier, développer et entretenir
un réseau de partenaires
3) Mettre le bénéficiaire en relation avec les
bonnes personnes au bon moment
4) Se tenir informé des manifestations et
rencontres professionnelles
5) Représenter sa structure
6) S’adapter à différents types d’interlocuteurs et
modes de fonctionnement
7) Informer différents acteurs sur la situation du
bénéficiaire et/ou les attentes
par rapport au projet
Les éléments indispensables
Connaître les principaux acteurs du marché
de l’emploi, leurs fonctions
et rôles
Connaître les principaux acteurs sociaux,
leurs fonctions et rôles
Connaître les lieux « ressources »
Les atouts mobilisables
Connaître la zone géographique d’exercice
Connaître les publications en relation à l’actualité
de l’Emploi, de l’Insertion
et de la Formation
SAVOIR ÊTRE
Avoir une attitude de veille sur l’actualité de l’Emploi, de l’Insertion et de la Formation /
Être capable de travailler en réseau et/ou dans le cadre de partenariats / Être sociable / Être curieux
163
6) Animer des actions collectives
Mettre la dynamique de groupe au service de l’insertion professionnelle
SAVOIR FAIRE
(par ordre d’importance)
SAVOIRS
1) Concevoir et actualiser des
outils pédagogiques
2) Mettre en œuvre un contenu pédagogique
3) S’approprier les différents outils afférents
à l’action collective
4) Être capable d’adapter une pédagogie
à un public
5) S’exprimer correctement en public
6) Gérer des problématiques différentes
7) Gérer la prise de parole
8) Pouvoir être à l’écoute du groupe mais
aussi des individualités
9) Gérer des différences de personnalité
Les éléments indispensables
Maîtriser les techniques d’animation
de groupe
Maîtriser les techniques de
gestion de groupe
Maîtriser les techniques de
gestion de conflits
Maîtriser les techniques de prise
de parole en public
Avoir des notions ou être diplômé
en Bureautique
Les atouts mobilisables
Avoir des notions ou être diplômé
en Psychologie
Avoir des notions ou être diplômé
en Ingénierie de Formation
Connaître les techniques de Développement
Personnel
Connaître les techniques de la
communication écrite
Avoir des notions ou être diplômé
en Communication
Connaître le public « Travailleur Handicapé »
SAVOIR ÊTRE
Considérer de manière égale les bénéficiaires / Avoir confiance en soi /
Faire preuve d’une certaine autorité / Faire preuve d’écoute active
164
7) Assurer la gestion administrative de ses dossiers
Respecter un cahier des charges de la prise en main du dossier à la
facturation
SAVOIR FAIRE SAVOIRS
Synthétiser
Respecter des délais
Transmettre des informations à l’oral
et à l’écrit
Gérer plusieurs dossiers à la fois
Classer des informations
Distinguer et gérer les priorités
Travailler parfois dans l’urgence
Se dégager du temps pour renseigner
chaque document
S’approprier rapidement les nouveaux documents
Assurer une régularité dans le renseignement
des documents
Les éléments indispensables
Connaître les procédures
administratives à effectuer pour chaque
prestation ou action
Connaître les documents internes
à renseigner
Avoir un bon niveau rédactionnel
Avoir un bon niveau de
langue française
Maîtriser les T.I.C
Connaître les interlocuteurs concernés
Les atouts mobilisables
Être diplômé ou avoir des notions
en Droit
SAVOIR ÊTRE
Avoir de la mémoire / Être organisé / Être rigoureux / Avoir le sens de la confidentialité
165
8) Travailler en équipe
Mettre à disposition du bénéficiaire des compétences, des solutions et
des informations complémentaires et diversifiées / Favoriser des échanges
permettant une certaine prise de recul
SAVOIR FAIRE
(par ordre d’importance)
SAVOIRS
1) Transmettre des informations à l’écrit
comme à l’oral
2) Rendre possible une « prise de relais »
par tous les collaborateurs
3) Échanger et mutualiser les
« bonnes pratiques »
4) Piloter un projet ou une action
5) Transmettre des savoirs
6) Participer activement à des réunions
7) Échanger/travailler sur des projets
Les atouts mobilisables
Connaître les principes de la
« Conduite de projet »
SAVOIR ÊTRE
Être humble/se remettre en question / Être à l’écoute / Faire preuve de solidarité / Être dans une
posture favorisant le travail en équipe (ne pas s’imposer ni s’effacer)
166
Le CIP est généralement quelqu’un qui doit :
Aimer aider
Aimer la diversité des activités
Aimer la diversité des publics
Aimer se confronter à des problématiques diverses
Aimer contribuer à la résolution de problèmes
Aimer transmettre
Être sensible aux problématiques sociales et territoriales
Porter un certain intérêt à la compréhension des comportements individuels et collectifs
Le CIP doit en permanence : Viser l’autonomie du bénéficiaire
Être capable de réexploiter des informations collectées
Être capable de transposer des situations vécues à d’autres
Savoir où et comment trouver une information
Être réactif
Concilier la situation du bénéficiaire avec les contraintes socio-économiques de
l’environnement
167
ANNEXE N°14
Liste des actions et prestations rencontrées ou évoquées
sur le lieu de recherche
Des « prestations ANPE » : Objectif Projet (OP), Objectif Emploi (OE), Bilan de
Compétences Approfondi (BCA), Méthodes de Recrutement par Simulation (MRS),
Évaluation des Compétences et Capacités Professionnelles (ECCP)*, du DIPlôme à
l’emploi (DIP)*
Des « prestations Mission Locale » : « Bilan Jeunes »
Des « prestations aux particuliers » : « Bilan d’Orientation »*
Des « ateliers ANPE » : Faire le Point sur ses Atouts et Difficultés dans sa recherche
d’emploi (FPAD), « Multi-thèmes », Mise A Disposition Electronique des Offres
(MADEO)
Des actions de formation « Région » : Construire son Projet Professionnel avec un
Handicap (CPPH), Se Préparer A l’Emploi (SPAE)
Des actions d’insertion professionnelle : Programme « Cent chances, cent emplois »
(préparation à l’intégration en entreprise des jeunes des quartiers sensibles).*
Ces actions et prestations ont été mentionnées par les CIP mais nous n’avons pas eu l’occasion de les
observer, par souci de confidentialité pour certaines, parce qu’elles n’ont pas eu lieu lors de notre
présence pour d’autres.
177
ANNEXE N° 18
Notre réinterprétation du schéma
de Guy Le Boterf
« Dimension extra-professionnelle »
de l’individu
Théorie et Expérience
acquises
Mise en situation
Verbalisation de
l’expérience
Création
d’invariants
Retour à la pratique
Apports
théoriques et
expérientiels de
sources
documentaires/des
collaborateurs
178
B i b l i o g r a p h i e
Les articles :
- ARAKILIAN Martine ; BARRITAUD Marie-Jo ; DAFFAS Christian ;
MANGENOT Yolande, MULLER Annie, PISTIEN Joël ; RADIN Dominique ;
WULVERYK Danièle, « Conseil professionnel et souffrance psychique : le
mal/entendu », Education Permanente, N°109/110 deuxième partie- 1992, p. 127.
- BERTRAND Alain, MAUVE Daniel, « Des psychologues, oui…, dans des lieux
interinstitutionnels », Education Permanente, N°109/110 deuxième partie-1992, p.
155.
- BOUCHET Hubert, « Qu’emporter au prochain millénaire ? », Le Monde, 1er
octobre
1998.
- DEMAZIERE Didier, « Les bilans individualisés et la lutte contre le chômage de
longue durée », Education Permanente, N°108-1991, p. 44.
- GRAVE Patrick, « Former, se former, se transformer », Sciences humaines, Hors-
série N°40-2003.
- MERLE Vincent, « Les paradoxes de l’orientation professionnelle ou l’art de
naviguer sans carte et sans balise », Education Permanente, N°108 première partie-
1991, p. 26.
- NAILI DEJ Véronique, « On nous appelle “ formateurs” », Education Permanente,
N°109/110 deuxième partie-1992, p. 153.
- REVUZ Christine, « Ni thérapeute, ni expert. L’entretien de bilan-orientation à la
recherche de sa spécificité », Education Permanente, N°108 1ère
partie-1991, p. 71.
179
- ROBERGE Michèle, « A propos du métier d’accompagnateur et de
l’accompagnement dans différents métiers », Education Permanente, N°153-2002-4,
p.102.
Les ouvrages :
- AUBRET Jacques, BLANCHARD Serge (2005), Pratique du bilan personnalisé,
Paris, Ed Dunod, 336 p.
- BANDURA Albert (2002), Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle,
Paris, Ed De Boeck, 876 p.
- DUBAR Claude (2005), La Socialisation, Paris, Ed Armand Colin, 254 p.
- LE BOTERF Guy (2008), Construire les compétences individuelles et collectives,
Paris, Gr Eyrolles, Ed d’Organisation, 271 p.
- LEMOINE Claude (2005), Se former au bilan de compétences, Paris, Ed Dunod,
163 p.
- SAINSAULIEU Renaud (1985), L’identité au travail, Paris, Ed Presses de la
Fondation Nationale des Sciences Politiques, 480 p.
- WITTORSKI Richard (2005), Formation, travail et professionnalisation, Paris, Ed
L’Harmattan, 206 p.
180
S i t o g r a p h i e
www.afpa.fr
www.anpe.fr
www.cidj.fr
www cnfpt.fr
www.congresintaref.org/actes_pdf/AREF2007_Richard_WITTORSKI_099.pdf
www.crij.org/fiches-info/metiers.html
www.onisep.fr