INTRODUCTION - La Lettre des Réseaux … · Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, JORF n°0184 du 9...

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INTRODUCTION Pour la troisième année consécutive, le Cabinet SIMON Associés vous présente le « Panorama de jurisprudence » rassemblant les principaux textes de lois, articles, décisions et autres évènements juridiques et judiciaires essentiels (environ 150) ayant retenu notre attention au cours de l’année 2016, en droit de la distribution et en droit de la franchise. Chacun des articles présentés dans ce document a été ordonné autour de différents thèmes afin de simplifier l’accès des lecteurs à l’actualité juridique bouillonnante de l’année écoulée. Comme toujours, nos commentaires s’organisent en trois rubriques : « Ce qu’il faut retenir », pour résumer le sens de la solution dégagée ; « Pour approfondir », destiné à mettre en évidence les motifs de la décision et « A rapprocher », qui renvoie à une décision antérieure, un texte s’y rattachant ou un précédent commentaire pertinent en la matière. L’ensemble s’articule autour de douze thèmes : la formation du contrat, sa requalification/son interprétation, son exécution, sa résiliation et ses conséquences ; auxquels il faut ajouter le contentieux de l’indemnisation, les aspects processuels du droit des contrats, le droit de la concurrence, la rupture des relations commerciales établies, le déséquilibre significatif, le droit de la consommation, la propriété intellectuelle et le droit des nouvelles technologies (lui-même scindé en deux sous- thèmes que sont les datas et le numérique ainsi que la propriété intellectuelle et industrielle) et enfin le droit international. En outre, l’activité législative ayant été particulièrement foisonnante au cours de l’année 2016, il nous est apparu indispensable de commenter cette actualité. Ainsi, d’une part, cet ensemble est précédé d’une présentation et d’une analyse des textes et des évolutions législatives majeures qui, au titre de l’année 2016, ont retenu notre attention et, d’autre part, certains des douze thèmes sont eux- mêmes introduits, lorsque cela s’y prête, par une mise en lumière des évolutions législatives spécifiquement intervenues en la matière. Enfin, grâce au caractère interactif de cette nouvelle édition du panorama, vous avez la possibilité à la fois de vous déplacer dans le document en toute facilité mais également d’avoir accès aux textes visés, définitions citées et articles commentés en un simple clic sur les liens identifiés dans le texte. Nous espérons ainsi que cette édition 2017 du « Panorama de jurisprudence » constituera un véritable outil, simple, complet et efficace dans la gestion quotidienne de vos problématiques. Excellente lecture. SIMON Associés PARIS NANTES MONTPELLIER GRENOBLE LYON FORT-DE-FRANCE POINTE-A-PITRE BORDEAUX* CHAMBÉRY* CLERMONT-FERRAND* GRENOBLE* LE HAVRE* POITIERS* ROUEN* SAINT-ETIENNE* STRASBOURG* TOULOUSE* ALGÉRIE** BAHREIN** BELGIQUE** BRÉSIL** CAMEROUN** CHINE** CHYPRE** COREE DU SUD** CÔTE D’IVOIRE** ÉGYPTE** ÉMIRATS ARABES UNIS** ÉTATS-UNIS** ÎLE MAURICE** INDONESIE** IRAN** LUXEMBOURG** MAROC** OMAN** RD CONGO** SENEGAL** TUNISIE** *Réseau SIMON Avocats **Convention Organique Internationale www.simonassocies.com

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INTRODUCTION

Pour la troisième année consécutive, le Cabinet SIMON Associés vous présente le « Panorama de jurisprudence » rassemblant les principaux textes de lois, articles, décisions et autres évènements juridiques et judiciaires essentiels (environ 150) ayant retenu notre attention au cours de l’année 2016, en droit de la distribution et en droit de la franchise. Chacun des articles présentés dans ce document a été ordonné autour de différents thèmes afin de simplifier l’accès des lecteurs à l’actualité juridique bouillonnante de l’année écoulée. Comme toujours, nos commentaires s’organisent en trois rubriques : « Ce qu’il faut retenir », pour résumer le sens de la solution dégagée ; « Pour approfondir », destiné à mettre en évidence les motifs de la décision et « A rapprocher », qui renvoie à une décision antérieure, un texte s’y rattachant ou un précédent commentaire pertinent en la matière. L’ensemble s’articule autour de douze thèmes : la formation du contrat, sa requalification/son interprétation, son exécution, sa résiliation et ses conséquences ; auxquels il faut ajouter le contentieux de l’indemnisation, les aspects processuels du droit des contrats, le droit de la concurrence, la rupture des relations commerciales établies, le déséquilibre significatif, le droit de la consommation, la propriété intellectuelle et le droit des nouvelles

technologies (lui-même scindé en deux sous-thèmes que sont les datas et le numérique ainsi que la propriété intellectuelle et industrielle) et enfin le droit international. En outre, l’activité législative ayant été particulièrement foisonnante au cours de l’année 2016, il nous est apparu indispensable de commenter cette actualité. Ainsi, d’une part, cet ensemble est précédé d’une présentation et d’une analyse des textes et des évolutions législatives majeures qui, au titre de l’année 2016, ont retenu notre attention et, d’autre part, certains des douze thèmes sont eux-mêmes introduits, lorsque cela s’y prête, par une mise en lumière des évolutions législatives spécifiquement intervenues en la matière. Enfin, grâce au caractère interactif de cette nouvelle édition du panorama, vous avez la possibilité à la fois de vous déplacer dans le document en toute facilité mais également d’avoir accès aux textes visés, définitions citées et articles commentés en un simple clic sur les liens identifiés dans le texte. Nous espérons ainsi que cette édition 2017 du « Panorama de jurisprudence » constituera un véritable outil, simple, complet et efficace dans la gestion quotidienne de vos problématiques. Excellente lecture.

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La Lettre des Réseaux – Panorama de la jurisprudence 2016 – Droit de la Franchise et de la Distribution

Paris - Nantes - Montpellier - Grenoble - Lyon - Fort-de-France - Pointe-à-Pitre

Bordeaux - Chambéry - Clermont-Ferrand - Grenoble - Le Havre - Poitiers - Rouen - Saint-Etienne - Strasbourg - Toulouse

Algérie - Bahrein - Belgique - Brésil - Cameroun - Chine - Chypre - Corée du Sud - Côte d’Ivoire - Égypte -

Emirats Arabes Unis - Etats-Unis – Île Maurice - Indonésie - Iran - Luxembourg - Maroc - Oman - RD Congo - Sénégal - Tunisie

2

SOMMAIRE

EVOLUTIONS LEGISLATIVES MAJEURES .................................................................................................. 11

Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, JORF n°0035 du 11 février 2016 ...................................... 11

Conserver la maîtrise de vos contrats après la réforme du droit des contrats .................................................. 11

Que faut-il faire ? .................................................................................................................................................. 11

Réforme du droit des contrats ............................................................................................................................. 13

Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ........................................................................................................ 13

Les nouveaux articles 1112 et suivants du Code civil relatifs aux négociations ................................................. 17

Réforme du droit des contrats .............................................................................................................................. 17

Le nouvel article 1231-5 du Code civil relatif à la clause pénale ......................................................................... 19

Réforme du droit des contrats .............................................................................................................................. 19

Le nouveau droit des contrats d’adhésion .......................................................................................................... 20

Applicable aux contrats signés ou renouvelés à compter du 1er octobre 2016 .................................................... 20

Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, JORF n°0184 du 9 août 2016................................................................. 26

L’inquiétante instance de dialogue imposée aux réseaux de franchise ............................................................. 26

Evolution de l’article 29 bis A de la Loi El Khomri, Juin 2016 ................................................................................ 26

Réseaux de franchise : la constitutionnalité de l’instance de dialogue social .................................................... 28

Décision n°2016-736 DC du 4 août 2016 .............................................................................................................. 28

Projet de loi El Khomri et Réseaux de franchise .................................................................................................. 31

Appréciation critique ............................................................................................................................................ 31

FORMATION DU CONTRAT .......................................................................................................................... 36

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES ....................................................................... 36

Loi Macron – Distribution automobile ................................................................................................................. 36

Réponse ministérielle du 8 mars 2016 .................................................................................................................. 36

DECISIONS INTERESSANTES ............................................................................................................................. 37

Obligation d’information précontractuelle et contrôle de la Cour de cassation ............................................... 37

Cass. civ. 1ère 3 novembre 2016, pourvoi n°15-24.886 ......................................................................................... 37

Information précontractuelle et nullité du contrat de franchise ........................................................................ 39

CA Paris, 15 juin 2016, RG n°13/16638 ................................................................................................................. 39

Information précontractuelle et nullité du contrat de franchise ........................................................................ 41

CA Rennes, 26 janvier 2016, RG n°14/00310 ........................................................................................................ 41

La responsabilisation juste du franchisé dans la phase précontractuelle .......................................................... 43

CA Riom, 4 mai 2016, RG n°14/02330 ................................................................................................................... 43

Dol par réticence et nullité ................................................................................................................................... 43

Cass. com., 30 mars 2016, pourvoi n°14-11.684 ................................................................................................... 43

Rejet d’une demande en annulation d’un contrat de franchise ......................................................................... 44

CA Paris, 2 mars 2016, RG n°13/23068 ................................................................................................................. 44

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3

Le dol dans le défaut d’information précontractuelle reste à prouver .............................................................. 45

CA Bordeaux, 9 février 2016, RG n°13/07454 ....................................................................................................... 45

Annulation du contrat de franchise pour dol ...................................................................................................... 46

CA Colmar, 30 septembre 2015, RG n°14/02315 .................................................................................................. 46

Le franchiseur n’est pas « débiteur légal » d’une obligation de fourniture d’une étude de marché ................ 47

CA Paris, 22 novembre 2016, RG n°14/14778....................................................................................................... 47

Défaut ou insuffisance de l’état local du marché et validité du contrat de franchise ....................................... 48

Cass. com., 5 janvier 2016, dix arrêts (pourvois n°14-15.700 à 14-15.710) .......................................................... 48

Défaut d’état local du marché et validité du contrat de franchise ..................................................................... 50

CA Versailles, 19 janvier 2016, RG n°14/06042 ..................................................................................................... 50

Résultats déficitaires d’un franchisé et passage au crible des causes de nullité d’un contrat de franchise ..... 52

CA Versailles, 13 septembre 2016, RG n°14/05670 .............................................................................................. 52

Licéité du rejet d’agrément dans un réseau de distribution sélective ............................................................... 53

CA Paris, 13 janvier 2016, RG n°13/11588 ............................................................................................................ 53

Refus d’agrément dans le cadre d’un réseau de distribution sélective quantitative ......................................... 54

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°15-11.415 ........................................................................................... 54

Nullité du contrat de franchise et prescription ................................................................................................... 55

CA Toulouse, 2 novembre 2016, RG n°15/02410 ; CA Versailles, 13 septembre 2016, RG n°14/05670 .............. 55

INTERPRETATION & REQUALIFICATION DU CONTRAT ....................................................................... 55

Refus de qualification de salarié ou de gérant de succursale pour le dirigeant de la société franchisée ......... 55

CA Paris, 18 mai 2016, RG n°15/08052 ................................................................................................................. 55

La clause comminatoire et réparatrice est une clause pénale ............................................................................ 57

Cass. com., 14 juin 2016, pourvoi n°15-12.734 ..................................................................................................... 57

Condition de la requalification d’un contrat de distribution en contrat de franchise ....................................... 58

CA Paris, 4 mai 2016, RG n°15/10674 ................................................................................................................... 58

Statut des agents commerciaux ........................................................................................................................... 59

CA Toulouse, 17 février 2016, RG n°14/00702...................................................................................................... 59

Location-gérance et décision de gestion ............................................................................................................. 59

CA Rennes, 10 mai 2016, RG n°15/06789 ............................................................................................................. 59

EXÉCUTION DU CONTRAT ............................................................................................................................ 60

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES ....................................................................... 60

Loi Sapin II : de nombreuses modifications dans les relations commerciales (délais de paiement, CGV, sanctions) .............................................................................................................................................................. 60

Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ........ 60

Information concernant les délais de paiement : précisions .............................................................................. 63

Arrêté publié le 14 avril 2016, JORF n°0088, texte n°42 ....................................................................................... 63

DECISIONS INTERESSANTES ............................................................................................................................. 63

Violation du droit de préemption du franchiseur : transition avec la réforme du droit des contrats............... 63

CA Paris, 7 octobre 2016, RG n°14/23965 ............................................................................................................ 63

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4

Violation du droit de préemption du franchiseur et indemnisation .................................................................. 65

Cass. com., 20 septembre 2016, pourvoi n°15-10.963 ......................................................................................... 65

Responsabilité du franchiseur en qualité de mandataire ................................................................................... 67

CA Versailles, 5 juillet 2016, RG n°14/08967......................................................................................................... 67

Liberté du fournisseur et protection territoriale du distributeur en distribution sélective .............................. 68

Cass. com., 7 juin 2016, pourvoi n°14-22.093 ....................................................................................................... 68

Distribution sélective et vente en ligne ............................................................................................................... 69

CA Paris, 25 mai 2016, RG n°14/03918 ................................................................................................................. 69

Complicité du tiers dans la violation d’un approvisionnement exclusif ............................................................. 70

CA Besançon, 6 janvier 2016, RG n°14/01662 ...................................................................................................... 70

RÉSILIATION DU CONTRAT & CONSEQUENCES .................................................................................... 71

Résiliation du contrat et fin des relations commerciales sont à distinguer ....................................................... 71

CA Pais, 14 septembre 2016, RG n°14/00827 ....................................................................................................... 71

Résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé et préjudices réparables .......................... 72

CA Paris, 7 septembre 2016, RG n°14/04528 ........................................................................................................ 72

Résiliation amiable du contrat de franchise et demandes ultérieures en justice .............................................. 75

Cass. com., 24 mai 2016, pourvoi n°14-24.709 ..................................................................................................... 75

Résiliation aux torts exclusifs vs exécution de bonne foi des conventions ........................................................ 76

Cass. com., 2 février 2016, pourvoi n°13-24.582 .................................................................................................. 76

Pénalités de retard et résiliation unilatérale ....................................................................................................... 77

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°15-10.294 .................................................................................................... 77

Cessation d’utilisation des signes distinctifs quand le franchisé tombe en redressement ................................ 77

Cass. com., 20 septembre 2016,pourvoi n°15-12.724 .......................................................................................... 77

CONTRAT ET INDEMNISATION ................................................................................................................... 79

Nullité du contrat de franchise et préjudices réparables .................................................................................... 79

Cass. com., 21 juin 2016, pourvoi n°15-10028, non publié au Bulletin ................................................................ 79

Transport de marchandises et faute inexcusable................................................................................................ 80

Cass. com., 13 décembre 2016, pourvoi n°15-16.027 Publié au Bulletin ............................................................. 80

Agent commercial : conditions de la responsabilité personnelle du dirigeant de société ................................ 81

Cass. com., 30 mars 2016, pourvoi n°14-19.063 ................................................................................................... 81

Droit à indemnité de l’agent commercial et détermination de son quantum ................................................... 82

CA Colmar, 11 mars 2016, RG n°14/01484 ........................................................................................................... 82

Maintien de la solidarité du dirigeant aux côtés de la société franchisée une fois immatriculée..................... 83

CA Paris, 2 mars 2016, RG n°13/21059 ................................................................................................................. 83

CONTRAT ET ASPECTS PROCESSUELS ....................................................................................................... 84

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES ....................................................................... 84

Simplification des formalités en matière de droit commercial .......................................................................... 84

Décret n°2016-296 du 11 mars 2016 .................................................................................................................... 84

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5

La prescription de l’action d’une victime de déséquilibre significatif ................................................................ 85

Aperçu ................................................................................................................................................................... 85

DECISIONS INTERESSANTES ............................................................................................................................. 86

Recours contre les décisions fondées sur l’article L.442-6 du Code de commerce ............................................ 86

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°14-27.085 ........................................................................................... 86

Vente hors réseau de distribution sélective : l’utilité des requêtes 145 du CPC ................................................ 87

Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-12.437 ............................................................................................ 87

Obligation non sérieusement contestable et compétence du juge des référés ................................................. 88

Cass. civ. 1ère, 6 juillet 2016, pourvoi n°15-18.763 .............................................................................................. 88

Inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire ...................................................................................... 88

Cass. civ. 1ère, 13 juillet 2016, pourvoi n°15-19.389 ............................................................................................ 88

Compétence exclusive des juridictions spécialisées en matière de pratiques restrictives de concurrence ...... 89

Analyse comparée de décisions ............................................................................................................................ 89

Franchise, rupture des relations commerciales établies et clause d’arbitrage .................................................. 91

Cass. civ. 1ère, 24 février 2016, pourvoi n°14-26.964, Publié au Bulletin .............................................................. 91

Droit de préemption du franchiseur et charge de la preuve .............................................................................. 92

CA Paris, 16 mars 2016, RG n°13/22662 ............................................................................................................... 92

Repos dominical dans les commerces de détail .................................................................................................. 93

Conseil d’Etat, 6 avril 2016, décision n°396320 .................................................................................................... 93

CONCURRENCE ................................................................................................................................................ 94

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES ....................................................................... 94

Les atteintes à la libre concurrence dans le commerce électronique ................................................................. 94

Rapport préliminaire de la Commission européenne concernant l’enquête sectorielle sur le commerce électronique .......................................................................................................................................................... 94

DECISIONS INTERESSANTES ............................................................................................................................. 95

Abus de position dominante et compétence du juge des référés ...................................................................... 95

CA Paris, 7 décembre 2016, RG n°16-15.228 ........................................................................................................ 95

Ventes liées, politique tarifaire et stratégie d’éviction ....................................................................................... 96

Autorité de la concurrence n°16-D-21, 6 octobre 2016 ........................................................................................ 96

Article L.464-1 du Code de commerce et mesures conservatoires ..................................................................... 96

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°15-14.158 ................................................................................................ 96

Pratiques commerciales trompeuses et publicité comparative illicite ............................................................... 97

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°14-26.095 .................................................................................................... 97

Transaction et Autorité de la Concurrence .......................................................................................................... 99

Aut. Conc., Décision 16-D-15 du 6 juillet 2016 ...................................................................................................... 99

L’indispensable lien d’affectation contraignante entre la taxe et l’aide d’Etat ............................................... 100

Cass. com., 7 juin 2016, pourvoi n°14-12.521 ..................................................................................................... 100

Substitution de l’action en concurrence déloyale à l’action en contrefaçon ................................................... 100

Cass. com., 7 juin 2016, pourvoi n°14-26.950 ..................................................................................................... 100

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6

Pratiques restrictives de concurrence, amende civile et fusion-absorption .................................................... 101

Cons. const., décembre, 18 mai 2016, n°2016-542 QPC ..................................................................................... 101

Mal-fondé du grief d’abus de dépendance économique en l’absence d’affectation de la concurrence ......... 102

Cass. com., 8 mars 2016, pourvoi n°14-25.718 ................................................................................................... 102

Réseau de distribution sélective et interdiction de vente en ligne .................................................................. 103

CA Paris, 2 février 2016, RG n°15-01542 ............................................................................................................. 103

Liquidation judiciaire d’un distributeur agréé et revente des produits par un tiers non agréé ...................... 104

Cass. com., 16 février 2016, pourvoi n°14-13.017 .............................................................................................. 104

RUPTURE DES RELATIONS COMMERCIALES ÉTABLIES ..................................................................... 105

L’action indemnitaire fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies au sens du règlement Bruxelles I ........................................................................................................................................................... 105

CJUE 14 juillet 2016, affaire Granarolo C-196/15 ............................................................................................... 105

Notion de « stabilité prévisible » de la relation commerciale établie .............................................................. 106

Cass. com., 22 novembre 2016, pourvoi n° 15-15.796 ; CA Paris, 27 octobre 2016, n°15/06830 et n°15/06765 ............................................................................................................................................................................ 106

Rupture partielle de relation commerciale établie ........................................................................................... 108

Avis n°16-19 relatif aux relations commerciales de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur publié le 14 décembre 2016 .............................................................................................................................................. 108

Le préjudice indemnisable par suite de la rupture brutale du contrat ............................................................. 110

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°15-17.004, Publié au Bulletin .................................................................... 110

L’influence du « tiers » dans l’application de l’article L.442-6 du Code de Commerce .................................... 111

Cass. com., 3 mai 2016, n°15-10.158 ; CA Paris, 24 mai 2016, n°15-11.053 ; CA Paris, 20 mai 2016, n°13-12.457 ............................................................................................................................................................................ 111

Rupture brutale des relations commerciales établies : aspects procéduraux.................................................. 112

CA Rennes, 22 mars 2016, RG n°14/02733 et CA Montpellier, 22 mars 2016, RG n°15/01653 ......................... 112

Rappel sur l’auteur de la rupture brutale de relations commerciales établies ................................................ 113

Cass. com., 5 janvier 2016, pourvoi n°14-15.555 ................................................................................................ 113

Nouvelle illustration de rupture de relation commerciale établie ................................................................... 114

CA Paris, 13 janvier 2016, RG n°13/11960 .......................................................................................................... 114

Relation commerciale « établie » et prestations habituelles « hors contrat » ................................................ 115

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°15-15.086 ......................................................................................... 115

D’une rupture brutale… et prévisible ................................................................................................................ 116

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°14-25.891 ......................................................................................... 116

Rupture brutale : la relation commerciale s’entend trop largement ............................................................... 117

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°15-17.004 .................................................................................................. 117

Notification de la fin des relations et proposition d’un nouveau partenariat ................................................. 118

CA Paris, 8 juin 2016, RG n°13/23895 ................................................................................................................. 118

Location-gérance, cession du fonds et rupture de relation commerciale ........................................................ 119

CA Paris, 13 mai 2016, RG n°1/06140 ................................................................................................................. 119

Sur l’articulation entre la résolution du contrat pour faute et la rupture brutale de relation établie ............ 120

Cass. com., 12 mai 2016, pourvoi n°15-20.834 ................................................................................................... 120

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7

Rupture des relations commerciales établies ................................................................................................... 121

Rupture partielle (Focus sur la jurisprudence 2015) ........................................................................................... 121

Résiliation du contrat : l’importance de la preuve de l’abus dans la rupture .................................................. 122

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°15-14.685 .............................................................................................. 122

Appréciation de la durée du préavis et situation de dépendance .................................................................... 123

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°15-14.025 .............................................................................................. 123

DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF ..................................................................................................................... 124

La violation de l’article L.442-6 I° du Code de commerce ne peut justifier la nullité de la clause contestée.. 124

CA PARIS, 6 septembre 2016, RG n°15/21026 .................................................................................................... 124

Autonomie de l’action du ministre fondée sur l’article L.442-6 du Code de commerce .................................. 126

Cass. civ. 1ère, 6 juillet 2016, pourvoi n°15-21.811, Publié au Bulletin .............................................................. 126

Déséquilibre significatif en grande distribution ................................................................................................ 128

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°14-28.013 .............................................................................................. 128

Les clauses susceptibles de créer un déséquilibre significatif dans les contrats de franchise ......................... 130

Communiqué de la DGCCRF du 8 mars 2016 ...................................................................................................... 130

Déséquilibre significatif : Méthode d’appréciation, charge de la preuve & illustrations ................................ 132

Analyse comparée de décisions .......................................................................................................................... 132

CONSOMMATION ......................................................................................................................................... 134

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES ..................................................................... 134

Refonte du Code de la consommation .............................................................................................................. 134

Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 ......................................................................................................... 134

Recodification du Code de la consommation .................................................................................................... 135

Décret n°2016-884 du 29 juin 2016 .................................................................................................................... 135

Médiation et consommation : mise en ligne du site internet dédié ................................................................ 136

L’entrée en vigueur de l’extension à deux ans de la garantie légale de conformité des produits neufs ........ 137

Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ............................................................................ 137

Services à la personne ........................................................................................................................................ 138

Enquête de la DGCCRF du 12 octobre 2016 ........................................................................................................ 138

Les nouvelles règles européennes en matière de commerce électronique ..................................................... 138

Communiqué de presse du 25 mai 2016 ............................................................................................................ 138

DECISIONS INTERESSANTES ........................................................................................................................... 140

Sollicitation des consommateurs par voie téléphonique .................................................................................. 140

Décret n°2016-1238 du 20 septembre 2016 ....................................................................................................... 140

Les créances périodiques dont bénéficie un professionnel à l’égard d’un consommateur se prescrivent par deux ans ....................................................................................................................................................................... 141

Cass., avis, 4 juillet 2016, n°16006 ...................................................................................................................... 141

Portée des dispositions légales sur l’information due par le professionnel ..................................................... 142

Cass. com., 16 février 2016, pourvoi n°14-25.146 .............................................................................................. 142

Quelques évidences sur le devoir de mise en garde de la banque dispensatrice de crédit ............................. 142

CA Rennes, 9 décembre 2016, RG n°12-05738 ................................................................................................... 142

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8

Délai légal de transmission de nouveaux tarifs envers ses clients ................................................................... 143

Avis n°16-4 de la CEPC du 14 janvier 2016 .......................................................................................................... 143

La sous-caution peut se prévaloir de la disproportion de son engagement .................................................... 144

CA Amiens, 7 juillet 2016, RG n°14/05361 .......................................................................................................... 144

PROPRIETE INTELLECTUELLE & NOUVELLES TECHNOLOGIES ......................................................... 145

DATA & NUMERIQUE ...................................................................................................................................... 145

Du nouveau pour l'action de groupe en matière de données à caractère personnel ...................................... 145

Loi n°2016–1547 du 18 novembre 2016 ............................................................................................................. 145

Fouille électronique de documents : le débat autour du projet de loi fait rage .............................................. 146

Réflexions à l’approche du vote du Sénat le 27 septembre 2016 ....................................................................... 146

En marche vers le marché unique numérique ! ................................................................................................. 148

Adoption du Règlement général sur la Protection des Données Personnelles, le 14 avril 2016 ........................ 148

Loi pour une République Numérique : la poursuite du mouvement « open data » ! ...................................... 149

Les Data : nouveau pétrole de l’économie ! Acquisition de LinkedIn pour 26 milliards USD .......................... 151

Pourquoi Microsoft a cassé sa tirelire, 13 juin 2016 ........................................................................................... 151

Plus que 10 mois pour mettre en conformité ses fichiers clients et prospects ! .............................................. 152

Marché unique du numérique : nouvelles règles .............................................................................................. 154

Commission Européenne, communiqué IP/16/1887, 25 mai 2016 .................................................................... 154

Valeur économique de la donnée ...................................................................................................................... 155

Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 .................................................................................................................... 155

Liens hypertextes vers des œuvres et contrefaçon ........................................................................................... 155

CJUE, 8 septembre 2016, aff. C-160/15 .............................................................................................................. 155

Liens hypertextes : la fin de l’immunité ! .......................................................................................................... 156

CJUE, 8 septembre 2016, aff. C-160/15 .............................................................................................................. 156

La fin des réseaux wifi publics non sécurisés ! .................................................................................................. 157

L'Autorité de la concurrence s'intéresse aux données ! ................................................................................... 159

PROPRIETE INTELLECTUELLE & INDUSTRIELLE ........................................................................................... 160

Fraude et dépôt de marque ............................................................................................................................... 160

CA Versailles, 16 février 2016, RG n°15/00047 ................................................................................................... 160

Idée non protégeable ou œuvre de l’esprit ....................................................................................................... 161

CA Paris, 12 février 2016, RG n°15/07759 .......................................................................................................... 161

La protection élargie des marques renommées ................................................................................................ 162

Cass. com., 12 avril 2016, pourvoi n°14-29414 ................................................................................................... 162

L’acquisition du caractère distinctif par l’usage ................................................................................................ 162

Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-19.048 .......................................................................................... 162

Les signes 100% Evénementiel et 100% Event ne sont pas similaires .............................................................. 163

CA Paris, 4 décembre 2015, RG n°14/24799 ....................................................................................................... 163

Dépôt frauduleux de marque : illustration ........................................................................................................ 164

CA Paris, 7 octobre 2016, RG n°16/02229 .......................................................................................................... 164

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Illustration d’un dépôt de marque frauduleux .................................................................................................. 165

Cass. com., 2 février 2016, pourvoi n°14-24.714 ................................................................................................ 165

Marque tridimensionnelle ................................................................................................................................. 165

CJUE, 10 novembre 2016, aff. C-30/15 ............................................................................................................... 165

Marques sonores : recherche de caractère distinctif ........................................................................................ 166

TUE, 13 septembre 2016, aff. T-408-15, n°15/00108 ......................................................................................... 166

The Voice : question de logo .............................................................................................................................. 167

CA Paris, 11 décembre 2015, RG n°14/24244 ..................................................................................................... 167

Les créations publicitaires et les enjeux de la cession des droits d’auteur ...................................................... 168

CA Paris, 13 mai 2016, RG n°15/03741 ............................................................................................................... 168

Marque et nom patronymique .......................................................................................................................... 169

CA Paris, 1er juillet 2016, RG n°15/07856 ............................................................................................................ 169

Bénéfice du droit d’auteur et originalité ........................................................................................................... 169

CA Paris, 1er juillet 2016, RG n°15/11605 ............................................................................................................ 169

De quelques règles procédurales intéressantes ................................................................................................ 170

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°15-16.108 ......................................................................................... 170

Les histoires de marques se règlent devant le TGI ............................................................................................ 171

CA Paris, 2 février 2016, RG n°15/17675 ............................................................................................................ 171

Épuisement du droit sur la marque et règles de preuve ................................................................................... 171

Cass. com., 8 novembre 2016, pourvoi n°15-12.229 .......................................................................................... 171

Parasitisme : nul besoin d’établir un risque de confusion ................................................................................ 172

CA Paris, 15 avril 2016, RG n°2012072530 .......................................................................................................... 172

Signes distinctifs et concurrence déloyale ......................................................................................................... 173

CA Paris, 24 mai 2016, RG n°15/06153 ............................................................................................................... 173

Nom de domaine et absence de condition de caractère distinctif ................................................................... 173

Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-18.470 .......................................................................................... 173

Saisie-contrefaçon : un mode de preuve aux exigences procédurales sévères ............................................... 174

Cass. civ. 1ère, 6 avril 2016, pourvoi n°15-12.376 ................................................................................................ 174

Retour sur la méthode d’appréciation de la contrefaçon ................................................................................. 175

CA Paris, 4 mars 2016, RG n°15/10289 ............................................................................................................... 175

La vente de produits marqués régulièrement acquis n’est pas constitutive de contrefaçon .......................... 175

CA Paris, 3 mai 2016, RG n°15/01611 ................................................................................................................. 175

Contrefaçon et concurrence déloyale : l’exigence de faits distincts ................................................................. 176

CA Paris, 3 mai 2016, RG n°13/23416 ................................................................................................................. 176

Incidence du non-usage d’une marque sur l’appréciation de sa contrefaçon ................................................. 177

CA Paris, 13 septembre 2016, RG n°15/04749.................................................................................................... 177

Distribution parallèle et contrefaçon ................................................................................................................ 178

CA Paris, 15 septembre 2016, RG n°15/00108.................................................................................................... 178

Violation d’un accord de coexistence ................................................................................................................ 179

CA Paris, 27 mai 2016, RG n°15/03893 ............................................................................................................... 179

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INTERNATIONAL ............................................................................................................................................ 180

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES ..................................................................... 180

Avis n°16-1 du 14 janvier 2016 relatif au caractère impératif des délais de paiement dans le cadre d’un contrat international ....................................................................................................................................................... 180

Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) .............................................................................. 180

Nouvelle loi relative aux sociétés anonymes au Maroc .................................................................................... 184

Loi n°78-12 modifiant et complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes au Maroc ........................ 184

L’évolution législative de l’investissement en Algérie ...................................................................................... 186

Loi n°16-09 du 28 Chaoual 1437 correspondant au 3 août 2016 relative à la promotion de l’investissement .. 186

Protection des secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite .............................. 189

Directive du 14 avril 2016 du Parlement européen ............................................................................................ 189

Le Code des douanes de l’Union (Européenne) ................................................................................................. 190

Entrée en vigueur le 1er mars 2016 ..................................................................................................................... 190

Secret des affaires : adoption de la directive par le Parlement européen ....................................................... 193

Directive du 14 avril 2016 ................................................................................................................................... 193

DECISIONS INTERESSANTES ........................................................................................................................... 196

Factures transfrontalières .................................................................................................................................. 196

CJUE, 21 juin 2016 ; CJUE, communiqué n°66/16, 21 juin 2016 ......................................................................... 196

La fin de l’ordre public économique interne dans un contexte international ? ............................................... 197

CEPC, Avis n°16-12, 16 juin 2016 ........................................................................................................................ 197

Localisation du préjudice financier dans l’Union Européenne, précisions sur l’application de la Régulation de Bruxelles ............................................................................................................................................................. 198

CJUE, 16 juin 2016, C-12/15 ................................................................................................................................ 198

Compétence des juridictions françaises pour juger des litiges entre Facebook et les utilisateurs ................. 199

CA Paris, 12 février 2016, Inédit .......................................................................................................................... 199

L’incompatibilité des mesures d’instruction en France avec le secret professionnel aux Etats-Unis .............. 200

Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2016, pourvoi n°15-20.495 ................................................................................................ 200

L’Accord de Partenariat Economique – UE Afrique Centrale ............................................................................ 201

Compétence du juge français et concurrence déloyale .................................................................................... 202

Cass. com., 20 septembre 2016, pourvoi n°14-25.131 ....................................................................................... 202

Incoterms et transfert de risques ...................................................................................................................... 203

Cass. com., 13 septembre 2016, pourvoi n°14-23.137 ....................................................................................... 203

BREXIT ................................................................................................................................................................. 204

Appréciations pratiques ...................................................................................................................................... 204

Reconnaissance mutuelle des décisions de justice dans l’UE ........................................................................... 205

CJUE, 7 juillet 2016, aff. C-70/15 ......................................................................................................................... 205

Validité de la clause de « valeur monnaie étrangère » ..................................................................................... 207

CA Colmar, 27 juillet 2016, RG n°15/00798 ........................................................................................................ 207

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EVOLUTIONS LEGISLATIVES MAJEURES

Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, JORF n°0035 du 11 février 2016

Conserver la maîtrise de vos contrats après la

réforme du droit des contrats Que faut-il faire ?

Vous le savez, le 1er octobre 2016 est entrée en vigueur l’ordonnance n°2016­-131 portant, notamment, réforme du droit des contrats. Cette réforme est particulièrement significative en ce qu’elle modifie la colonne vertébrale du droit des contrats tel que nous le connaissions. La liberté contractuelle est amoindrie et le nombre de dispositions a considérablement augmenté. Cette réforme résulte d’une volonté politique affirmée de protection accrue de la partie qualifiée de « plus faible ». Appliquées aux contrats d’affaires, notamment aux contrats de distribution, les nouvelles règles issues de la réforme pourront conduire à protéger, parfois de manière excessive, les distributeurs au détriment des têtes de réseaux. Fort heureusement, la majorité des dispositions issues de la réforme peuvent être aménagées ou écartées par l’introduction dans vos contrats de clauses adéquates permettant de ne pas subir les effets néfastes de la réforme, donc de conserver la maîtrise de vos contrats face : (I.) au juge, (II.) aux distributeurs, (III.) aux tiers. I. CONSERVER LA MAITRISE DE VOTRE CONTRAT FACE AU JUGE La réforme offre au juge des prérogatives inédites et exorbitantes qui lui permettront, plus que jamais, de s’immiscer dans vos contrats (A.) ou de l’interpréter dans un sens défavorable à la tête de réseau en cas d’imprécision ou d’obscurité (B.). A. Assurer l’intangibilité et l’efficacité du contenu du

contrat 1. Prévoir précisément la procédure applicable entre les parties en cas de survenance d’un évènement imprévisible – En l’absence de stipulation contraire des parties, le nouvel article 1195 du Code civil prévoit un mécanisme de révision ou de résiliation pour imprévision qui conduira in fine, en cas de désaccord entre les parties sur les termes d’une renégociation, à la révision du contrat ou sa résiliation par le juge, à la

date et aux conditions qu’il fixe. Ce dispositif nous semble particulièrement dangereux et nous semble devoir être écarté expressément au profit d’une clause qui devra prévoir un dispositif de révision valable autant juridiquement (c’est le minimum) qu’opération-nellement.

2. Identifier et motiver efficacement les clauses sensibles de vos contrats – Le nouvel article 1171 du Code civil répute « non écrite » toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans un contrat d’adhésion. Pour vous prémunir contre ce risque, il est nécessaire, dans un premier temps, d’identifier les clauses de vos contrats qui pourraient créer un déséquilibre afin, dans un second temps, de les motiver de manière adéquate pour en assurer le maintien par le juge. 3. Préciser les causes de résiliation anticipée de vos contrats en cas d’inexécution par le distributeur – Les nouveaux articles 1224 et suivants du Code civil prévoient les cas dans lesquels le contrat peut être résilié en cas d’inexécution du cocontractant ; cela est possible, soit par application d’une clause résolutoire, quelle que soit la gravité de l’inexécution, soit par décision de justice ou notification, en cas d’inexécution suffisamment grave. Le plus grand soin devra être apporté à la rédaction des clauses résolutoires, dès lors qu’au regard de la rédaction des nouveaux textes, il existe une incertitude sur la validité des clauses « balais » qui s’appliqueraient pour « tout manquement ». Nous préconisons donc, en plus de revoir l’organisation générale de la résiliation anticipée du contrat, de réécrire vos clauses résolutoires pour en assurer la validité et l’efficacité hors l’intervention, nécessaire-ment aléatoire, d’un juge. B. Ne laisser aucune place à l’interprétation par le

juge de votre contrat Le nouvel article 1190 du Code civil énonce que, dans le doute, le contrat d’adhésion s’interprète « contre celui qui l’a proposé » ; soit, en règle générale, contre la tête de réseau. Pour vous prémunir contre ce risque, il sera nécessaire d’auditer votre contrat, au regard notamment de la pratique décisionnelle des juridictions, afin de supprimer toute source de doute qui pourrait faire dépendre l’efficacité de votre contrat de l’intervention du juge. II. CONSERVER LA MAITRISE DE VOTRE CONTRAT FACE AUX DISTRIBUTEURS La réforme crée des prérogatives exorbitantes au profit des contractants qui constituent autant d’armes redou-tables dont pourrait se prévaloir les distributeurs ; il

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conviendra de les écarter expressément (A.). En outre, la réforme conduit à s’interroger sur les informations à échanger entre les parties préalablement à la conclusion du contrat afin d’éviter que le distributeur ne se plaigne de ne pas avoir été suffisamment informé (B.). A. Ecarter expressément certaines prérogatives

exorbitantes sont le distributeur pourrait se prévaloir

1. Ecarter expressément la faculté pour une partie de suspendre ses obligations au cas où elle anticiperait le manquement, par l’autre partie, à ses propres obligations – Ce nouveau dispositif est issu de l’article 1220 du Code civil ; il nous paraît dangereux tout d’abord du fait de l’imprécision des termes qu’elle emploie (inexécution « manifeste » et conséquences « suffisamment graves ») mais également du fait des situations de blocage que son application pourrait provoquer dans le cas particulier des réseaux de distribution. 2. Ecarter expressément la faculté pour une partie de réduire unilatéralement le prix qu’elle paie dans le cas d’une exécution imparfaite de ses obligations par l’autre partie – Dans la même veine que l’article 1220 évoqué ci-dessus, l’article 1223 du Code civil permet à une partie, unilatéralement, après une mise en demeure, d’accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. Là encore, la notion d’inexécution imparfaite du contrat nous paraît très imprécise et, donc, dangereuse. En outre, un débat ne manquera pas de s’élever sur le quantum de l’inexécution permettant une réduction proportionnelle du prix. Ce dispositif nous paraît particulièrement défavorable aux têtes de réseau de distribution, qui détiennent une créance de prix sur leurs distributeurs, et qui ne manqueront pas de se voir opposer une telle réduction unilatérale du prix pour le moindre reproche formulé par le distributeur. Une réflexion doit donc être menée sur le fait d’écarter cette disposition. 3. Eviter d’être en présence d’un groupe de contrats au sens de l’article 1186 du Code civil, et de laisser l’opportunité au distributeur de tirer argument de la disparition d’un contrat pour échapper à l’exécution d’un autre – Le nouvel article 1186 du Code civil prévoit que lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. Afin d’éviter par exemple qu’un

distributeur ayant obtenu l’anéantissement d’un contrat lié à l’exécution d’un contrat de franchise (ex. contrat d’approvisionnement) puisse se prévaloir de la caducité de ce dernier, il nous semble indispensable d’écarter le jeu de l’article 1186 du Code civil. B. Déterminer les informations à fournir au

distributeur/à faire fournir par le distributeur préalablement à la conclusion du contrat

L’article 1112-1 du Code civil rend désormais chaque partie débitrice d’un devoir d’information précontractuel à l’égard de l’autre. Ce devoir, bien connu des franchiseurs, est donc étendu à tous types de contrats et à tous les contractants. Il conviendra donc d’intégrer dans vos contrats des déclarations adéquates des parties. III. CONSERVER LA MAITRISE DE VOTRE CONTRAT FACE AUX TIERS La réforme introduit enfin la possibilité pour les tiers au contrat de s’en prévaloir et de contraindre les parties. Ces nouvelles dispositions doivent être connues pour être anticipées et encadrées. A. Maîtriser l’action interrogatoire des tiers L’article 1123 du Code civil prévoit la faculté pour un tiers de questionner une partie sur l'existence d’un pacte de préférence dans le contrat et la volonté de ladite partie de s’en prévaloir. A défaut de réponse, la partie interrogée ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat. Les clauses de préemption sur les fonds de commerce et/ou titres de société du distributeur étant des pactes de préférence, les têtes de réseau qui prévoient dans leurs contrats une telle clause doivent être particulièrement informées. B. Anticiper la cession du contrat à un tiers Les articles 1216 et suivants du Code civil réglementent désormais la capacité pour une partie de céder le contrat à un tiers. Il est indispensable de déterminer précisément dans les contrats si chacune des parties est autorisée (ou non) à céder ses obligations issues du contrat à un tiers et, dans l’affirmative, de prévoir les conditions dans lesquelles le cédant sera libéré de ses obligations ou restera lié avec le cessionnaire.

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Réforme du droit des contrats Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016

Ce qu’il faut retenir : L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations constitue la réforme la plus profonde du droit des contrats depuis le Code civil de 1804. Pour approfondir : L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations modifie un très grand nombre d’articles du Code civil, bouleverse en profondeur les habitudes et réflexes acquis par les praticiens, et introduit des mécanismes totalement inédits, appelés à devenir bientôt les outils de la technique contractuelle et du contentieux de demain. La Lettre des Réseaux reviendra en détail le moment venu sur les conséquences de cette réforme; pour l’heure, en voici un premier aperçu. I. Négociation et formation du contrat Généralités : La réforme introduit dans le Code civil un chapitre I, intitulé « Dispositions liminaires », composé de douze articles (1101 à 1111-1 nouveaux du Code civil) posant notamment les principes de la liberté contractuelle (C. civ., art. 1102 nouveau), de la force obligatoire du contrat (C. civ., art. 1103 nouveau) et de la bonne foi dans la négociation et l’exécution (C. civ., art. 1104 nouveau). Ces dispositions liminaires proposent par ailleurs des définitions, en s'inspirant selon les cas de l'actuel Code civil ou de la pratique : sont successivement définis les contrats nommés et innommés (C. civ., art. 1105 nouveau), les contrats synallagmatiques et unilatéraux (C. civ., art. 1106 nouveau), les contrats à titre onéreux et à titre gratuit (C. civ., art. 1107 nouveau), les contrats commutatifs et aléatoires (C. civ., art. 1108 nouveau), les contrats consensuels, solennels, et réels (C. civ., art. 1109 nouveau), les contrats de gré à gré et d'adhésion (C. civ., art. 1110 nouveau), les contrats cadres (C. civ., art. 1111 nouveau), et les contrats à exécution instantanée et à exécution successive (C. civ., art. 1111-1 nouveau). Deux dispositions attirent plus particulièrement l’attention des praticiens du droit de la distribution et du droit de la franchise : la bonne foi et l’obligation générale d’information. Bonne foi : Alors que l’actuel article 1134 du Code civil limite l’exigence de bonne foi à la seule exécution

du contrat, l’ordonnance l’étend désormais, d’une part, à la phase de négociation et de formation du contrat (C. civ., art. 1104 nouveau) et, d’autre part, à la rupture des pourparlers (C. civ., art. 1112 nouveau). D’une part, en effet, l’article 1104 (nouveau) du Code civil étend désormais l'exigence de bonne foi à la phase de négociation et de formation du contrat. L’alinéa 1er de l’article 1104 (nouveau) du Code civil dispose : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Conformément à la jurisprudence (Pour une vue d’ensemble, S. Tisseyre, Le rôle de la bonne foi en droit des contrats, PUAM, 2012. Adde, La bonne foi, Travaux de l’Association H. Capitant, 1994), l'ordonnance soumet à ce devoir impérieux tant la négociation du contrat que sa formation, au sens strict comme la phase de rencontre des volontés. L’ordonnance étant supplétive de volonté, sauf disposition contraire, le 2ème alinéa de l’article 1104 (nouveau) du Code civil ajoute aussitôt que le devoir de bonne foi est une disposition d'ordre public : « Cette disposition est d'ordre public ». En ce sens, cette précision évoque les Principes du droit européen du contrat (art. 1:202 (2), les Principes d’Unidroit (art. 1.7. (2)), les principes contractuels communs AHC-SLC (art. 0:301 al. 2) et, en son temps, l’une des versions du Projet de réforme Terré, qui comportait un article 5 disposant que « les parties ne peuvent exclure ni limiter ce devoir ». D’autre part, l’article 1112 (nouveau) du Code civil retient successivement en ses deux premiers alinéas que « L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres » et qu’« ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». Ce faisant, la jurisprudence dégagée en matière de pourparlers se trouve consacrée : liberté d’initiative, de déroulement et de rupture des négociations sous réserve du respect du principe de bonne foi. La même remarque vaut pour les dispositions relatives à l’offre et à l’acceptation (art. 1113 à 1123 nouveaux). Quelle est la portée de ces innovations ? Deux remarques s’imposent : En premier lieu, sur la forme : la portée de ces innovations peut paraître relative dans la mesure où l’ordonnance ne fait que figer dans la loi les principes que la jurisprudence appliquait jusqu’alors, au point d’irradier la phase précontractuelle par la notion de bonne foi, tant dans la négociation et la formation du contrat que dans la rupture des pourparlers. Le droit de la distribution et le droit de la franchise n’avaient évidemment pas échappé à ce mouvement général. Ainsi, par exemple, dans le droit de la distribution, la

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construction jurisprudentielle issue des arrêts Huard (Cass. com., 3 nov. 1992, Bull. civ. IV, n 338 ; JCP G 1993, II, 22164, note G.-J. Virassamy ; RTD civ., 1993, p. 124, n 7, obs. J. Mestre ; Juris-Data n 002431) et Chevassus-Marche (Cass. com., 24 nov. 1998, RTD civ., 1999, p. 98, obs. J. Mestre ; Defrénois, 1999, p. 371, obs. D. Mazeaud ; JCP 1999, I, 143, obs. Ch. Jamin ; Juris-Data n 004489) et les décisions rendues dans les affaires General Motors (Com. 29 janvier 2008, F-P+B, pourvoi n 06-17.748) et Nouvelles Frontières (Trib. com. Bobigny, 29 janv. 2008, RG n 2007/F00373) ont montré toute la vigueur de cette notion. De même, par exemple, dans le droit de la franchise, la chambre commerciale de la Cour de cassation a reconnu l’existence d’une telle obligation dans la phase précontractuelle depuis un arrêt du 20 mars 1972 (Cass. com., 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n 93 ; RTD civ., 1972, p. 779, note G. Durry). Cette solution a plusieurs fois été confirmée par la Haute juridiction (Cass. com., 8 nov. 2005, Juris-Data n 030701) et les juridictions du fond (CA Aix-en-Provence, 14 janvier 1997, Juris-Data n 040104), tout en étant approuvée par les auteurs (J. Ghestin, La responsabilité délictuelle pour rupture abusive des pourparlers, JCP G, 2007, I, 155 ; D. Mazeaud, La genèse des contrats : un régime de liberté surveillée, Dr. et patrimoine, juill.-août 1996, pp. 44 s., n 13 ; M.-J. Grollemund-Loustalot-Forest, L’obligation d’information entre contractants dans les contrats de distribution, RJ. com. 1993, pp. 58 suiv., n° 3 ; F.-L. Simon, Les manquements du franchisé à son obligation de bonne foi, LDR mai-juin 2009). L’exigence de bonne foi est donc requise au titre de l’ensemble de la phase précontractuelle, au travers du célèbre triptyque : négociation du contrat, formation du contrat, et rupture des pourparlers. Cette innovation textuelle conduit à un véritable renforcement de la bonne foi. En second lieu, sur le fond : en étant consacrées par des textes, ces solutions ne résulteront plus de décisions de la Cour de cassation, par définition susceptibles d’interprétation voire d’une remise en cause de leur portée ou de leur principe. Figées dans un texte, ces solutions sont désormais stabilisées. Obligation générale d’information : Est introduite à l’article 1112-1 (nouveau) du Code civil l'existence d'un devoir général d'information, d'ordre public. Selon l’alinéa 1er de ce texte, « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Quant à l’information concernée, qui est celle qui a une « importance déterminante », est davantage définie. L’alinéa 5ème de ce texte précise : « Les parties ne

peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ». Le dernier alinéa précise que le manquement à ce devoir est sanctionné par l'engagement de la responsabilité de celui qui en était tenu, et qu'il peut également entraîner la nullité du contrat s'il a provoqué un vice du consentement - erreur ou dol : « Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ». Ainsi, les rédacteurs du texte ont considéré opportun d’intégrer dans le Code civil, de manière autonome et indépendamment du devoir de bonne foi, une telle obligation précontractuelle d'information, essentielle à l'équilibre des relations contractuelles, qui était au demeurant déjà admise en jurisprudence. Quelle est la portée de cette innovation ? Trois remarques s’imposent : En premier lieu, sur la forme : l’innovation consiste tout d’abord à intégrer au Code civil les solutions jusqu’alors dégagées par la jurisprudence. Mais l’incidence de la réforme nous semble aller bien au-delà. En deuxième lieu, sur le fond : si les distributeurs disposent déjà, à travers les dispositions des articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce, d’un texte spécial en vertu duquel une obligation générale d’information pèse sur les têtes de réseau, s’y ajoute désormais ce texte général ; ces deux textes (général et spécial) ont vocation à se superposer, ce qui n’est pas sans incidence pratique. Les distributeurs pourraient ainsi se prévaloir d’une violation par la tête de réseau du texte spécial et/ou du nouveau texte général, ce d’autant que le texte général est d’application plus large que le texte spécial ; le texte général ne vise pas seulement les informations limitativement énoncées à l’article R. 330-1 du Code de commerce mais, plus largement, toute information « dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre » et ayant « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties » (C. civ., art. 1112-1, al. 1er et 3ème (nouveau)). De plus, en visant par l’introduction de l’adverbe « légitimement » à l’alinéa 1er de l’article 1112-1 reproduit plus haut, l’ordonnance consacre-t-elle d’une certaine manière le devoir de se renseigner qui pèse sur les distributeurs. Dans une précédente version, l’ordonnance prévoyait une obligation de donner à l’autre partie l’information que l’autre partie « connaît ou devrait connaître », ce qui revient finalement au même. La jurisprudence relative au devoir de se renseigner des distributeurs en général et des franchisés en particulier (F.-L. Simon, Le devoir du franchisé de « se » renseigner (Etude d’ensemble), LDR 29 mai 2015) se trouve donc entérinée et même renforcée.

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En troisième lieu, toujours sur le fond : situation inédite, toute tête de réseau disposent désormais d’un texte de nature à justifier une action en responsabilité ou en nullité du contrat lorsque le distributeur ne lui a pas transmis une information « dont l'importance est déterminante pour » la tête de réseau et ayant « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties » (C. civ., art. 1112-1, al. 1er et 3ème (nouveau)). Ce dispositif nouveau ne fera pas disparaître la nécessité pour la tête de réseau d’avoir recours aux clauses de déclarations préalables dont on a déjà souligné l’importance, notamment dans les réseaux de franchise (F.-L. Simon, La clause de « déclarations préalables » dans les contrats de franchise (Réflexion d’ensemble), LDR Mars-Avril 2015). Il se pourrait toutefois que la jurisprudence rendue sous l’empire du nouvel article 1112-1 soit toutefois plus protectrice pour les têtes de réseau. Jusqu’à présent, le franchiseur butait parfois (pour ne pas dire trop souvent) sur une question de preuve, en ne parvenant pas à prouver que l’information dont il avait été privé était véritablement déterminante de sa volonté de conclure le contrat de franchise. Et l’on sait bien qu’à cet égard les juridictions du fond peuvent considérer que telle ou telle information communiquée par le franchisé au franchiseur durant la phase précontractuelle n’entre pas nécessairement dans le champ contractuel, en particulier lorsque la teneur de cette information ne figure pas dans le contrat de franchise ou l’une de ses annexes (Trib. Com., Quimper, 20 février 2009, inédit). L’alinéa 3ème de l’article 1112-1 prend ici tout son sens ; il sera désormais possible à la tête de réseau (y compris celle qui n’aurait pas prévu de clause de déclarations préalables) d’engager utilement une action en responsabilité ou en nullité du contrat à l’encontre du distributeur qui n’aurait pas communiqué une information ayant « un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». II. L’exécution du contrat Généralités : La réforme introduit plusieurs mécanismes touchant à l’exécution du contrat. Trois dispositions attirent plus particulièrement l’attention des praticiens du droit de la distribution et du droit de la franchise : l’imprévision, la fixation unilatérale du prix, la réduction de prix. Imprévision : L'article 1195 (nouveau) du Code civil constitue l'une des innovations importantes de l'ordonnance, puisqu'il introduit l'imprévision dans le

droit des contrats français, que la jurisprudence de la Cour de cassation s’était toujours attachée à écarter. Depuis le très célèbre arrêt dit du « Canal de Craponne », rendu le 6 mars 1876, la Cour de cassation a toujours refusé qu’un juge puisse, à la demande d’une partie, corriger le déséquilibre provoqué par les circonstances, pour faire prévaloir l’intangibilité du contrat et la sécurité que celle-ci procure. Or, désormais, selon l'article 1195 (nouveau) du Code civil : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation (alinéa 1er). En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe (alinéa 2ème) ». Ce texte conduit à deux séries de remarques. Tout d’abord, l'alinéa 1er pose les conditions de ce dispositif : l'imprévision est subordonnée à un changement de circonstances « imprévisible », devant rendre l'exécution « excessivement onéreuse » pour une partie ; et celle-ci ne doit pas avoir accepté de prendre en charge ce risque. Ce texte présente un caractère supplétif, de sorte que les parties pourront convenir à l'avance de l'écarter pour choisir de supporter les conséquences de la survenance de telles circonstances qui viendraient bouleverser l'économie du contrat. Dans ce contexte nouveau, il est vivement recommandé aux têtes de réseau d’écarter l’application de ce texte dans le contrat de distribution afin d’éviter toute demande intempestive de révision du contrat (par exemple du pourcentage de la redevance) que les distributeurs pourraient être tentés de formuler. De manière rassurante, pour éviter que ce mécanisme n'encourage les contestations dilatoires ou fallacieuses, il est précisé que si la partie lésée demande une renégociation à son cocontractant, elle doit continuer à exécuter ses obligations. Ensuite, l'alinéa 2 du texte précise les conséquences d'un refus ou d'un échec des négociations : les parties, si elles en sont d'accord, peuvent convenir de la résolution du contrat ou saisir le juge pour que celui-ci adapte le contrat. A l'issue d'un délai raisonnable, l'une des parties peut également saisir seule le juge, qui pourra alors réviser le contrat voire y mettre fin.

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L'imprévision a donc vocation à jouer un rôle préventif, le risque d'anéantissement ou de révision du contrat par le juge devant inciter les parties à négocier. Fixation unilatérale du prix : Pour tenir compte de l'évolution de la pratique et de la jurisprudence développée depuis quatre arrêts d'assemblée plénière du 1er décembre 1995 sur la fixation unilatérale du prix, le nouvel article 1164 du Code civil précise : « Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation (al. 1er). En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat (al.2nd) ». Le rapport au Président de la République souligne que, compte tenu du danger qu'il y aurait à autoriser une fixation unilatérale du prix dans tous les contrats, le champ de ce texte a été limité aux contrats cadre (contrats de longue durée qui fixent un cadre général aux relations entre les parties), dans lesquels ce mécanisme est particulièrement important, et qu’il est néanmoins prévu la possibilité pour le cocontractant de saisir le juge pour obtenir, en cas d'abus, des dommages et intérêts et/ou la résolution du contrat (article 1164), ce qui correspond à la jurisprudence actuelle. De même, consacrant également une jurisprudence de la Cour de cassation, le nouvel article 1165 du Code civil adopte un mécanisme voisin en matière de contrats de prestation de service. La réduction de prix : L'article 1223 offre la possibilité au créancier d'une obligation imparfaitement exécutée d'accepter cette réduction sans devoir saisir le juge en diminution du prix. Le créancier devra préalablement avoir mis en demeure le débiteur d'exécuter parfaitement son obligation. Le texte n'est pas destiné à remettre en question l'exception admise en jurisprudence en cas d'urgence. Le créancier devra ensuite notifier à son débiteur, dans les meilleurs délais, sa décision de réduire le prix, s'il n'a pas encore payé. S'il a déjà payé le prix, il demandera remboursement au débiteur à hauteur de la réduction de prix opposée. Le texte prend soin de préciser que la réduction du prix sollicitée par le créancier de l'obligation imparfaitement exécutée doit être proportionnelle à la gravité de cette inexécution. Il s'agit d'une sanction intermédiaire entre l'exception d'inexécution et la résolution, qui permet de procéder à une révision du

contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place de ce qui était contractuellement prévu. III. L’interprétation du contrat Généralités : La réforme innove en introduisant une définition du contrat d’adhésion, dont le régime juridique touche directement à l’interprétation d’un tel contrat. Contrat d’adhésion : Le nouvel article 1110 du Code civil offre – c’est une nouveauté – une définition légale du contrat de gré à gré et du contrat d’adhésion. L’alinéa 1er de ce texte dispose : « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties ». L’alinéa 2nd dispose : « Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ». Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet. Pour s’en tenir ici à l’essentiel, deux séries de remarques s’imposent. La notion de contrat d’adhésion mérite qu’on s’y attarde. Dans une précédente version, le projet d’ordonnance en donnait une définition tout autre : « Le contrat d’adhésion est celui dont les stipulations essentielles, soustraites à la libre discussion, ont été déterminées par l'une des parties ». Cette définition avait été critiquée dans la mesure où il était objecté que la notion de « stipulations essentielles » ne pouvait constituer un critère (R. Boffa, Le Contrat d’adhésion, RDC 2015/3, p.738, spéc. 5 : « Comme l’écrivait (…) Pichon dans sa thèse consacrée au contrat d’adhésion, « l’on peut poser en principe que les clauses essentielles des contrats d’adhésion sont acceptées sciemment et librement par les deux parties ». Il est donc pour le moins contestable que le critère du contrat d’adhésion repose sur l’absence de négociation des stipulations essentielles du contrat, alors que la finalité même de cette catégorie est de protéger l’adhérent contre des stipulations accessoires, pour lesquelles il a donné un consentement aveugle ».) et qu’il était de surcroît facteur d’insécurité juridique (R. Boffa, préc., spéc. 5 : « Ce à quoi on peut ajouter qu’un tel critère – la stipulation essentielle – risquera de donner lieu à des hésitations sans fin. On connaît – et encore – l’obligation essentielle, mais qu’est-ce au fond qu’une stipulation essentielle ? Celle sans laquelle l’adhérent ne se serait pas engagé ? Mais si tel est le cas, il n’a pas pu ne pas l’accepter en pleine conscience… »). En retenant finalement le critère des « conditions générales », l’ordonnance retient une définition élargie du contrat d’adhésion ; dès lors en effet que les

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conditions générales du contrat auront été soustraites à la négociation, le contrat sera alors nécessairement un contrat d’adhésion, quand bien même ses conditions particulières auraient été négociées. Plusieurs objections subsistent toutefois ; en particulier, la distinction opérée entre les conditions générales et conditions particulières ne nous semble pas régler tous les problèmes ; dans un certain nombre de cas en effet, on imagine déjà les parties se disputer sur le caractère « général » ou « particulier » de telle ou telle stipulation du contrat qui aura été négociée pour le faire entrer (ou l’exclure) de la notion de contrat d’adhésion. La plupart des contrats de franchise entreront ainsi dans la catégorie des contrats d’adhésion. Il en ira ainsi également – mais dans une moindre mesure – des contrats de master franchise, la négociation étant (au moins potentiellement) plus serrée en pratique. Ensuite, pour ce qui concerne le régime juridique associé au contrat d’adhésion, deux (nouveaux) articles issus de la réforme sont à signaler. L’article 1171 nouveau selon lequel : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Cette disposition est d'ordre public. Les critères d'appréciation du déséquilibre sont inspirés de ceux fixés dans le Code de la consommation et résultent de la transposition de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives. L’alinéa 2 du texte précise que cette « appréciation ne peut porter ni sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation ». De plus, l’article 1190 nouveau du Code civil dispose : « Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé ». En pratique, cette dernière disposition devrait conduire à une rédaction plus détaillée des contrats entrant dans le champ d’application de l’article 1110 alinéa 2nd du Code civil. A rapprocher : Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Les nouveaux articles 1112 et suivants du Code civil relatifs aux négociations

Réforme du droit des contrats Parmi les nombreuses dispositions qu'elle contient, la réforme du droit des contrats introduit les nouveaux articles 1112, 1112-1 et 1112-2 au Code civil, relatifs aux négociations. Contexte : Traditionnellement, le Code civil demeure muet sur la question des négociations qui précèdent la formation du contrat. C’est pourquoi la jurisprudence est venue combler ce vide en élaborant peu à peu les principes régissant la phase précontractuelle. Les nouveaux articles 1112 et suivants du Code civil codifient en partie les solutions jurisprudentielles établies : o principe de liberté des négociations

précontractuelles jusque dans leur rupture, fondé sur le principe de liberté contractuelle ;

o principe de bonne foi devant gouverner ces

négociations précontractuelles (et rappel de son caractère d'ordre public) ;

o sanction de la faute commise dans l'initiative, le déroulement ou la rupture des négociations par l'engagement de la responsabilité de son auteur.

Il convient de reprendre sur ce point les trois nouveaux articles issus de la réforme du droit des contrats. 1/ Le nouvel article 1112 du Code civil dispose : « L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ». Par principe, la faute commise dans les négociations suscite une responsabilité de nature extracontractuelle ; par exception, cette responsabilité est de nature contractuelle lorsque les parties ont convenu d’aménager cette phase de négociation et les conditions qui président à sa rupture. Au regard des divergences – pour ne pas dire des flottements – observés à travers la jurisprudence des juridictions du fond, il est apparu préférable, dans un

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souci de « sécurité juridique », de préciser par ce texte l'étendue des préjudices réparables ; c’est la raison pour laquelle le nouvel article 1112 alinéa 3 du texte consacre désormais la jurisprudence de la Cour de cassation en excluant du préjudice réparable les avantages que la conclusion du contrat permettait d'espérer, y compris la perte de chance de réaliser les gains attendus du contrat. Les juges du fond n’auront donc plus le loisir de se départir de la règle ainsi posée par la Cour de cassation, celle-ci étant désormais figée dans la loi elle-même. Selon le rapport adressé au Président de la République, une telle solution se justifierait par trois types de considération : o sur le terrain de la causalité car la faute sanctionnée

est la faute dans l'exercice du droit de rupture et non la rupture en elle-même ;

o le principe de liberté contractuelle, dont le

corollaire est la liberté de ne pas contracter ;

o indemniser le profit escompté de la conclusion du contrat, même sous la forme atténuée d'une perte de chance, conduirait à donner indirectement effet à un contrat qui n'a pas été conclu.

2/ Le nouvel article 1112-1 du Code civil dispose : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ». Est ainsi consacré, dans le Code civil, indépendamment du devoir de bonne foi, l’obligation précontractuelle d'information, essentielle à l'équilibre des relations

contractuelles, d’ordre public, et d'en fixer le cadre général. Ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (alinéa 2). Il est en outre subordonné à plusieurs conditions : - l'importance déterminante de l'information pour

le consentement de l'autre partie (la notion d'information déterminante étant définie à l'alinéa 3) ;

- la connaissance de l'information par le créancier ;

- l'ignorance de l'information par l'autre partie,

cette ignorance devant être légitime et pouvant tenir aux relations de confiance entre les cocontractants (ainsi le devoir de s'informer fixe-t-il la limite de l'obligation précontractuelle d'information).

La règle de preuve posée au quatrième alinéa correspond à la solution dégagée en jurisprudence, les praticiens souhaitant consacrer explicitement dans la loi ce rappel du droit commun de la preuve. Le cinquième alinéa précise que le devoir d'information est une règle d'ordre public. Les parties ne pourront donc y déroger. Le dernier alinéa précise que le manquement à ce devoir est sanctionné par l'engagement de la responsabilité de celui qui en était tenu, et qu'il peut également entraîner la nullité du contrat s'il a provoqué un vice du consentement. Cet alinéa permet de faire le lien avec les vices du consentement, et en particulier la réticence dolosive consacrée à l'article 1137 du texte. L'exigence que l'information retenue ait été d'une importance déterminante pour le consentement de l'autre partie, rapproche les conditions du devoir précontractuel d'information de celles du dol par réticence, mais s'en distingue par un élément essentiel : ainsi, ce n'est que si la violation de l'obligation d'information a été faite intentionnel-lement pour tromper l'autre contractant, qu'elle sera constitutive d'un dol entraînant la nullité du contrat, comme le prévoit l'article 1137 alinéa 2. En l'absence d'intention de tromper, le défaut d'information, qui peut ne résulter que d'une simple négligence, ne sera sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts.

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A l'inverse, le texte fait le choix de ne pas subordonner la réticence dolosive à l'existence d'un devoir d'information, conformément à une conception plus solidaire du contrat qui met l'accent sur la sanction de l'intention de tromper (l'erreur provoquée étant toujours excusable).

3/ Le nouvel article 1112-2 du Code civil dispose enfin : « Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l'occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ». Il est apparu important de poser une obligation de confidentialité pesant sur les parties négociatrices (article 1112-2), en s'inspirant des projets d'harmonisation européens. La jurisprudence l'admet d'ailleurs dans certaines circonstances, et une clarification textuelle était sollicitée (notamment afin de viser la divulgation, c'est-à-dire l'hypothèse où l'information est en réalité utilisée par un tiers à qui le négociateur a transmis l'information).

Le nouvel article 1231-5 du Code civil relatif à la clause pénale

Réforme du droit des contrats Parmi les nombreuses dispositions qu'elle contient, la réforme du droit des contrats introduit un nouvel article 1231-5 au Code civil, relatif à la clause pénale ; le texte prévoit ainsi que : « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »

Définitions Une clause forfaitaire d’indemnisation est une clause insérée dans un contrat qui détermine le montant des dommages-intérêts qui devront être versés au créancier d’une obligation en cas d’inexécution à son manquement. L’intérêt d’une telle clause est d’assurer non seulement la prévisibilité d’une telle situation mais également d’établir rapidement des solutions. Dans l’hypothèse d’une inexécution de la part du débiteur, ce dernier devra alors en principe accorder au créancier de l’obligation des dommages-intérêts à hauteur du montant établi dans la clause. La clause pénale est une clause comminatoire en vertu de laquelle un contractant s’engage en cas d’inexécution de son obligation principale (ou en cas de retard dans l’exécution) à verser à l’autre à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire, en général très supérieure au montant du préjudice réel subi par le créancier. La clause pénale a pour objet d’alourdir sensiblement le montant prévisible de la réparation ; elle a une double fonction : évaluer par avance le préjudice et décourager l’inexécution. La clause de dédit est une clause par laquelle l’une des parties, ou toutes les parties, peuvent user d’un droit de sortie, moyennant une indemnité forfaitaire ou proportionnelle à l’objet du contrat. La clause de dédit crée un droit au bénéfice de l'une des parties contractantes, ou au bénéfice des deux, de répudier son obligation et d’anéantir ainsi le contrat. Toutefois, l'exercice de ce droit revêt un caractère onéreux et oblige celui qui l'exerce au paiement du dédit stipulé. En ces circonstances, la clause de dédit peut avoir un rôle dissuasif, puisque plus le montant stipulé dans la clause sera élevé, plus il freinera le contractant dans l’usage de la faculté de dédit. La clause de dédit aura ainsi pour effet d’inciter le contractant à exécuter ses obligations, qu’il avait pourtant, en vertu de cette même clause, le droit de ne pas exécuter. Distinction clause pénale / clause de dédit Bien qu’il soit arrivé à la jurisprudence de confondre les deux notions (CA Paris, 9 nov. 1981 : D. 1982, jurispr. p. 171, note J.-L. Aubert), le juge distingue désormais clairement les deux clauses : « alors que la clause pénale sanctionne l'inexécution fautive des obligations contractuelles, la clause de dédit qui permet à une partie de se soustraire à son engagement moyennant paiement d'une somme convenue ne sanctionne pas un manquement du débiteur, mais lui offre le choix entre l'exécution du contrat ou sa résolution » (CA Paris, 25e ch. B, 21 janv. 2005 : Juris-Data n° 2005-263152 ; CA Paris, 16e ch. B, 17 mars 2000 : Juris-Data n° 2000-

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119769 ; CA Montpellier, 2e ch. A, 24 oct. 2000 : Juris-Data n° 2000-131796 ; CA Colmar, 2e ch. civ. A, 7 mars 2002 : Juris-Data n° 2002-183180). La requalification par le juge d’une clause pénale La distinction entre indemnisation forfaitaire et clause pénale peut parfois faire l’objet de controverses et donne lieu à un contentieux important ; en effet, alors que le juge n’a en principe pas le pouvoir de modifier le montant prévu par un contrat au titre d’une indemnisation forfaitaire, il peut requalifier une clause, qui n’est pas expressément nommée comme telle, de clause pénale. L’enjeu de la qualification d’une telle clause est important puisqu’elle va déterminer les pouvoirs modérateurs du juge. La réforme du droit des contrats n’innove pas en matière de clause pénale et reprend les dispositions existantes du Code Civil. L’art. 1231-5 de l’ordonnance de février 2016 en effet reprend et combine les actuels articles 1152, 1231 et 1230 du Code civil. Interprétation du nouvel article 1231-5 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016

o Alinéa 1er : Principe Lorsqu’un contrat stipule des montants de dommages et intérêts, le juge, s’il décide de les allouer, ne peut en modifier le montant, à la hausse comme à la baisse.

o Alinéa 2 : Limites au principe « Néanmoins », le juge peut déroger au principe énoncé à l’alinéa 1er dans l’hypothèse où le montant stipulé dans le contrat serait excessif ou dérisoire. Le juge n’est pas tenu par la qualification donnée par les parties à une clause qui prévoirait à l’avance une indemnité en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Il conserve en effet le pouvoir de requalifier une clause d’indemnisation forfaitaire en clause pénale, mais peut également a contrario déterminer qu’une clause énoncée comme étant une clause pénale n’en est pas une. C’est dans l’hypothèse où il s’agirait d’une clause pénale que le juge pourrait user de son pouvoir modérateur, contrairement à ce qui lui est interdit à l’alinéa 1er. Ces deux premiers alinéas reprennent les dispositions de l’actuel art. 1152 en rappelant que si en principe le juge doit prononcer la peine prévue dans le contrat, il conserve le pouvoir de la modérer ou l’augmenter si elle s’avère être excessive ou dérisoire.

o Alinéa 3 : L’exécution partielle des engagements

L’ordonnance reprend dans cet alinéa les dispositions de l’actuel article 1231 qui permet au juge de moduler le montant de la peine à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier.

o Alinéa 4 : Dispositions impératives L’alinéa 4 établit que toute stipulation contraire aux alinéas 3 et 4 serait réputée non écrite. Il reprend ainsi les dispositions des articles 1152 et 1231 du Code civil et confirme que la liberté contractuelle ne saurait empêcher le juge de modifier le montant d’une indemnité prévue contractuellement si cette dernière s’avère être excessive ou dérisoire.

o Alinéa 5 : Mise en demeure Le nouvel alinéa 5 vient préciser que sauf inexécution définitive, le jeu de la clause pénale est soumis à une mise en demeure préalable. Seuls les alinéas 2 et 3 présentent un caractère impératif, les parties pouvant librement déroger au dernier (al. 5).

Le nouveau droit des contrats d’adhésion Applicable aux contrats signés ou renouvelés à

compter du 1er octobre 2016 Ce qu’il faut retenir : L’Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats introduit la notion de contrat d’adhésion dans le Code civil. La notion issue de ce texte est couplée à un régime spécifique destiné à permettre une protection accrue des adhérents, qu’ils soient consommateur ou professionnel. Cette protection se traduit par l’avènement de la règle d’interprétation contra proferentem et la possibilité pour le juge de réputer nulles les clauses abusives contenues dans de tels contrats. Pour approfondir : La notion de contrat d’adhésion fait son entrée dans le Code civil pour tous les contrats signés à compter du 1er octobre, date à laquelle l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrera en vigueur. Ces dispositions s’appliqueront donc aux contrats conclus ou reconduits à compter de cette date. Il convient de cerner la notion de contrat d’adhésion avant d’en analyser le régime juridique.

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La notion de contrat d’adhésion Les évolutions passées éclairent sur la notion actuelle.

o Les évolutions de la notion C’est Raymond Saleilles qui, à l’origine, nomme ainsi les conventions dans lesquelles « il y a prédominance exclusive d’une volonté, agissant comme volonté unilatérale, qui dicte sa loi, non plus à un individu, mais à une collectivité indéterminée » (De la déclaration de volonté, Pichon, 1901, p.229-230). L’introduction de la catégorie des contrats d’adhésion dans le Code civil s’inscrit dans un mouvement de multiplication de ces contrats par suite de la révolution industrielle, puis la révolution du numérique. Jusqu’alors, le droit spécial (droit de la consommation, droit de la concurrence) et la jurisprudence fondée sur le droit commun (fixation unilatérale abusive des prix, clauses limitatives de responsabilité, bonne foi, cause, etc.) étaient utilisés afin de protéger la partie la plus faible au contrat (v. en ce sens, F. Chénédé, L’équilibre contractuel dans le projet de réforme, RDC, 2015/3, p.655). La réforme issue de l’ordonnance du 10 février 2016 vise à mieux répondre à la problématique des contrats structurellement déséquilibrés. Désormais, c’est dans le droit commun que le régime du contrat d’adhésion s’inscrit. A l’origine, le projet définissait le contrat d’adhésion comme « celui dont les stipulations essentielles, soustraites à la libre discussion, ont été déterminées par l’une des parties », par opposition au contrat de gré à gré, lui-même définit comme « celui dont les stipulations sont librement négociées entre les parties ». Au regard de ces définitions, le contrat dont seules les « stipulations essentielles » étaient négociées ne relevait donc ni de la catégorie des contrats d’adhésion, ni de la catégorie des contrats de gré à gré, laissant ainsi une « zone grise » (v. en ce sens, R. Boffa, Article 1108 : Le contrat d’adhésion, RDC, 2015/3, p.736-737, spéc. §§. 4 et 5) mettant en lumière la nécessité d’en reformuler les termes. Certains auteurs devaient ajouter que les stipulations accessoires sont les plus susceptibles d’abus puisque ce sont pour celles-là que l’adhérent a consenti aveuglément ; les clauses principales au contraire sont celles pour lesquelles l’adhérent consent librement, les reconnaissants comme satisfaisantes voire avantageu-ses pour lui (v. en ce sens, R. Boffa, Article 1108 : le contrat d’adhésion, RDC, 2015/3, p.736-737 ; voir aussi, F. Chénédé, Le contrat d’adhésion de l’article 1110 du

Code civil, La Semaine Juridique, n°27, 4 juillet 2016, 776). Pour d’autres, « on peut poser en principe que les clauses essentielles des contrats d’adhésion sont acceptées sciemment et librement par les deux parties », puisqu’elles constituent l’objet même du contrat (V. Pichon, Des contrats d’adhésion, Leur interprétation et leur nature, thèse Lyon 1909, p.198).

o Le texte définitif de la réforme Le texte définitif apporte fort heureusement quelques modifications à la notion de contrat d’adhésion issue du projet initial. La définition qu’en donne le bientôt célèbre article 1110 est rédigée en ces termes : « Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ». Au regard de cette définition nouvelle, la qualification de contrat d’adhésion implique successivement de caractériser l’existence de « conditions générales », leur détermination à l’avance par l’une des parties et – last but not least – leur soustraction à la négociation de l’autre partie. Or, en pratique, chacune des trois conditions ainsi requises pour qualifier le contrat d’adhésion peuvent donner lieu à interprétation. Certaines remarques formulées par la doctrine laissent entrevoir plusieurs incertitudes. La jurisprudence jouera un rôle important dans l’élaboration même de la notion. Quelques remarques s’imposent alors.

o L’existence de « conditions générales » Observons que le contrat d’adhésion doit tout d’abord comporter des « conditions générales ». Mais que faut-il donc entendre précisément par « conditions générales » au sens de l’article 1110 du Code civil ? Si certains auteurs indiquent qu’il pourrait s’agir des « clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigés par avance et imposés par un cocontractant à son partenaire », force est de constater que la loi n’en donne aucune définition, ni même n’indique le(s) critère(s) caractéristique(s) de ces conditions générales. Plusieurs questions se posent alors. S’agit-il de l’ensemble du contenu rédactionnel du contrat ; les « clauses générales » sont-elles « la plupart des clauses » non plus seulement les clauses essentielles ? Se pose la question de savoir à partir de quelle « quantité » de clauses non négociées des conditions générales sont caractérisées, permettant la qualification de contrat d’adhésion ? Qu’en est-t-il alors

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lorsqu’une partie des clauses est négociée et l’autre non ? Si la « plupart » des clauses ne sont pas négociées, qu’elles soient essentielles ou accessoires, le contrat est-il potentiellement un contrat d’adhésion ? Le contrat d’adhésion est-il nécessairement le contrat destiné à être utilisé dans un nombre indéfini de situations similaires ou peut-il également concerner le contrat signé de manière isolée ? Il appartiendra à la jurisprudence de définir ce que les « conditions générales » recouvrent précisément.

o Leur détermination à l’avance par l’une des parties

Les conditions générales du contrat doivent ensuite être déterminées par l’une des parties, sans le concours de l’autre partie, au contraire de la notion traditionnelle de « contrat ». Mais qu’en est-il alors lorsque les parties sont en présence d’un contrat-type établi (par exemple) par le législateur ; il nous semble qu’en pareille hypothèse la qualification de contrat d’adhésion devrait être exclue, puisque précisément – dans ce cas – les parties sont étrangères au contenu rédactionnel de l’acte.

o Leur soustraction à la négociation Enfin, le texte définitif subordonne la qualification de contrat d’adhésion à une dernière condition, dont on peut raisonnablement penser qu’elle suscitera des difficultés nombreuses en pratique. En effet, la notion de contrat d’adhésion impose que les « conditions générales » aient été « soustraites à la négociation » (v. sur ce point, Th. Revet, Le droit des contrats d’adhésion, in le Colloque Les impacts de la réforme du droit des contrats sur les réseaux de distribution, 28 juin 2016). Plusieurs situations sont susceptibles de prêter à discussion. Ainsi, par exemple, qu’adviendra-t-il de la qualification du contrat proposé à la négociation mais qui n’a pas été pourtant retouché par le cocontractant destinataire de l’acte ? Ici, la difficulté ne proviendra pas du droit substantiel : dans cette hypothèse, en effet, les conditions générales du contrat ne sont pas soustraites à la négociation puisqu’en définitive le cocontractant n’a simplement pas usé de son pouvoir de négocier, ce qui est tout de même très différent. La difficulté se déplacera alors sur le terrain probatoire : le rédacteur de l’acte n’aura-t-il pas grand mal à prouver que la négociation a pu avoir lieu alors que l’acte n’aura pas été retouché ? De même, le destinataire de l’acte n’aura-t-il pas grand mal à prouver que la négociation n’a pu avoir lieu s’il ne démontre l’existence d’aucun refus formel à la négociation ? On le pressent, dans un certain nombre

de cas, le juge ne pourra déterminer si la négociation a pu (ou non) avoir lieu, autrement dit, si les « conditions générales » ont été « soustraites à la négociation ». De là, qui du rédacteur ou du destinataire de l’acte supportera le fardeau probatoire ? Il appartiendra à la jurisprudence d’y répondre. Le régime du contrat d’adhésion La qualification de contrat d’adhésion entraine l’application d’un régime spécifique : la règle d’interprétation en faveur de l’adhérent, et la nullité des clauses abusives.

o L’interprétation contra proferentem Le premier élément spécifique aux contrats d’adhésion tient à la règle spécifique d’interprétation à laquelle ils répondent. Au stade de la rédaction du projet de réforme publié en février 2015, la seule conséquence de la qualification de contrat d’adhésion était l’application des dispositions de l’article 1193 prévoyant que « en cas d’ambiguïté, les clauses d’un contrat d’adhésion s’interprètent à l’encontre de la partie qui les a proposées ». Désormais, l’Ordonnance, en son article 1190, prévoit que « dans le doute, (…) le contrat d'adhésion [s’interprète] contre celui qui l'a proposé ». C’est un principe qui est d’ores et déjà reconnu par la jurisprudence (Cass. civ. 1ère, 22 oct. 1974, n°73-13.482) et dans le droit spécifique (v. par exemple, C. consom., art. L.211-1, al.2). En vue du rééquilibrage du contrat, le juge doit interpréter le contrat d’adhésion, dans le sens le plus favorable à l’adhérent. L’introduction d’une catégorisation du contrat d’adhésion permet d’étendre cette protection, déjà existante donc, pour des consommateurs, à des professionnels.

o Le sort des clauses abusives Les différents projets préalables à l’ordonnance du 10 février 2016 ont beaucoup fait parler sur l’introduction, dans le Code Civil, d’un article relatif aux clauses abusives présentes dans les contrats. L’article 1171 dispose : « dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Le contrôle des clauses abusives, jusqu’alors limité au droit de la consommation (C. consom., art. L.132-1) et au droit de la concurrence (C. com., art. L.442-6), participe désormais du droit commun. Il faut souligner

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que le texte de l’ordonnance remplace la « suppression » de la clause abusive, présente dans le projet présenté en 2015, par le recours au « réputé non écrit », en réponse aux critiques de la doctrine arguant le caractère vague de la notion de suppression. De plus, alors que le projet initial prévoyait en l’alinéa 1er de son article 1169 qu’« une clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée », l’article 1171 issu du texte définitif précise désormais que cette disposition ne s’applique que « dans un contrat d’adhésion ». Le caractère abusif et la qualification de contrat d’adhésion sont deux conditions cumulatives du recours à l’article 1171 de la réforme (S. Gaudemet, Quand la clause abusive fait son entrée dans le Code civil, CCC n°5, mai 2016, p.27-31). Faisant droit aux critiques à juste titre formulées par la doctrine (Y. Lequette, Y aura-t-il encore en France, l’an prochain, un droit commun des contrats ?, RDC, 2015/3, p.620), la Chancellerie est ici revenue aux propositions déjà envisagées par les projets Terré et Catala : le juge ne dispose du pouvoir de réputer la clause non écrite, que lorsque cette clause n’a pas été négociée. Selon un principe similaire, la réforme limite ce pouvoir du juge aux clauses abusives des contrats d’adhésion, qui, par définition, ne sont pas négociés. Se pose alors ici une interrogation : qu’en est-il lorsque le contrat d’adhésion comporte quelques clauses qui ont pu être négociées, et que ce sont ces clauses qui, précisément, sont abusives ? Si les projets Catala et Terré précisaient que la clause, pour être réputée non écrite dans ce cadre, ne devait pas avoir été négociée, l’ordonnance de février 2016 a choisi une autre orientation. Dès lors que le contrat est qualifié « d’adhésion », toute clause de ce contrat semble pouvoir être réputée non écrite par le juge, sur le fondement de l’article 1171 du nouveau Code civil. Il nous semble toutefois que la question pourra donner lieu à interprétation par la jurisprudence. La doctrine s’accorde à penser que le législateur allait beaucoup trop loin en étendant le contrôle des clauses abusives à tous les contrats, y compris les contrats de gré à gré (projet de réforme de 2015). Le législateur en revanche pouvait choisir de restreindre le contrôle des clauses abusives aux clauses non négociées sur le schéma des projets Terré et Catala, ou de le restreindre aux contrats d’adhésion (F. Chénédé, Le contrat d’adhésion de l’article 1110 du

Code civil, La Semaine Juridique, n°27, 4 juillet 2016, 776) ; c’est cette seconde alternative qui l’a finalement emportée. L’article 1171 du Code civil précise toutefois que « l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation », et ce afin d’éviter de sanctionner la lésion sur le fondement de cet article. Les clauses traitant de l’objet du contrat ou du prix ne peuvent donc être écartées par le juge. Ces deux éléments, en effet, sont considérés comme ayant nécessairement été acceptés par l’adhérent. Il convient ici distinguer, de ce fait, le « contrat d’adhésion » du « contrat de dépendance », qui, plus économique, peut parfois être pris par un agent dépendant, bien que le prix soit excessivement élevé par exemple, à cause de la dépendance subie vis-à-vis de l’auteur du contrat. Selon R. Amaro, une telle précision dans l’article 1171 risque ainsi « d’exclure de facto du bénéfice [de ces dispositions] une partie substantielle des contrats de dépendance, ceux-là même qui semblent pourtant préoccuper le législateur » (R. Amaro, Le déséquilibre significatif en droit commun des contrats ou les incertitudes d’une double filiation, CCC, n°8-9, août-septembre 2014, étude n°8). La réforme apporte une protection supplémentaire, en particulier aux adhérents professionnels ne bénéficiant pas des dispositions du Code de la consommation. Reste à savoir l’interprétation les juges que réserveront à ce nouveau dispositif juridique, notamment dans son articulation avec les règles issues des droits spéciaux. Il est précisé à nos aimables lecteurs que les actes du Colloque du 28 juin 2016 consacrés à la réforme du droit des contrats seront prochainement publiés. A rapprocher : Ord. n°2016-131 du 10 février 2016, et notre commentaire ; Commission des clauses abusives, communiqué du 22 mai 2015, et notre commentaire. Contrat de franchise et devoir général d’information

Applicable aux contrats signés ou renouvelés à compter du 1er octobre 2016

Ce qu’il faut retenir : La réforme du droit des contrats modifie pour partie le devoir d’information qui pèse sur le franchiseur et érige – ce qui constitue en soi une petite révolution – un devoir du franchisé d’informer son franchiseur.

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Pour approfondir : On le sait, la jurisprudence a reconnu de longue date l’existence d’un dol par réticence dolosive puis érigé un véritable devoir de communiquer à tout cocontractant les informations que celui-ci n’est pas en mesure de pouvoir se procurer facilement. Et la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (Ord. 2016-131 du 10 fév. 2016 : JO 11 févr. 2016, qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain) participe de ce mouvement général tendant à la protection des contractants dans la phase précontractuelle, en instituant un devoir général d’information, désormais inscrit dans la loi, le Code civil plus précisément, donc le droit commun. Cette nouveauté est d’autant plus remarquable que le dispositif institué est d’ordre public, de sorte que les parties ne peuvent ni l’exclure, ni même le limiter (C. civ., art. 1112-1), dans le large domaine que lui assigne la loi, qui s’attache à exclure (tout au plus) du champ d’application de ce texte l’information relative à l’estimation de la valeur de la prestation. L’importance de ce devoir général d’information conduit donc à revenir successivement sur le contenu de la réforme, posant les règles fondamentales d’un droit nouveau, avant d’évoquer son incidence sur le devoir général d’information qui pèse désormais sur chacune des parties au contrat de franchise. Il conviendra alors de prendre soin de distinguer le devoir d’information du franchiseur (d’informer le franchisé) et – réciproquement, mais distinctement – le devoir du franchisé (d’informer le franchiseur). Leurs devoirs respectifs d’information appellent des observations bien distincts dans la mesure où le Code civil « bilatéralise » le devoir d’information de chacune des deux parties contractantes, tandis que les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce continuent de ne faire peser d’obligation qu’à la charge d’un seul, le franchiseur. I. Le devoir général d’information au regard de la

réforme du droit des contrats Le devoir général d’information institué à l’article 1112-1 du Code civil pèse sur « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre », celle-ci devant « l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant » (Nous soulignons). Il est précisé au troisième alinéa de ce texte qu’« ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Quant au quatrième alinéa, il ajoute qu’ « il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était

due de prouver que l’autre partie la lui devait ». La règle de preuve ainsi posée au quatrième alinéa correspond à la solution dégagée en jurisprudence, les praticiens souhaitant consacrer explicitement dans la loi ce rappel du droit commun de la preuve ; c’est chose faite. L’adverbe « légitimement » occupe une importance capitale : l’ignorance prétendue devrait être considérée comme « illégitime », quand la partie victime du défaut d’information pouvait se renseigner et a décidé néanmoins de s’en abstenir. La violation du devoir d’information engage la responsabilité de la personne qui y était tenue, sur un fondement extracontractuel, ce que la jurisprudence devra toutefois confirmer, l’article 1112-1 précité ne renvoyant aux règles sur les vices du consentement (les nouveaux articles 1130 et suivants du Code civil) que si la victime poursuit l’annulation du contrat. Dans ce cas de figure, la victime devrait alors pouvoir obtenir l’anéantissement de son contrat, à l’encontre du cocontractant qui a délibérément passé sous silence une situation propre à dissuader l’autre partie de sa volonté de contracter. A cet égard, la solution issue de la réforme devrait correspondre aux solutions antérieures. Il appartiendra aux juridictions du fond de déterminer la part causale résultant du défaut d’information fautif du cocontractant. II. L’incidence de la réforme sur le devoir du

franchiseur d’informer le franchisé Ce que la réforme ne modifie pas Depuis une vingtaine d’années, le franchiseur est soumis aux exigences des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. Ces textes demeureront naturellement applicables après la réforme, le droit commun n’ayant pas vocation à modifier l’interprétation à donner à ce texte spécial. A cet égard, rien ne change. Ce que la réforme modifie L’entrée en vigueur de l’ordonnance modifie toutefois les « choses » en ce sens que le franchiseur devra désormais se conformer non plus seulement aux articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, mais également à l’article 1112-1 du Code civil. Ces deux familles de textes devraient se superposer, ce que la jurisprudence sans doute confirmera le moment venu. A ce stade, il est prudemment recommandé aux franchiseurs de considérer que les deux familles de texte se superposent. La conséquence pratique de cette évolution n’est pas tout à fait neutre dans la mesure où, concrètement, le

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franchiseur n’aura plus seulement à démontrer que les informations limitativement énoncées à l’article R. 330-1 précité auront été transmises à son cocontractant. Il devra démontrer en outre avoir effectivement transmis toutes les informations « dont l’importance est déterminante pour le consentement » du franchisé (C. civ., art. 1112-1). Il y a là – par nature – une différence dans le contenu des informations ainsi visées par le Code civil et le Code de commerce, puisque le premier texte définit ces informations par leur nature (celles qui sont déterminantes du consentement du cocontractant), tandis que le second les définit par leur objet (celles qui sont limitativement énoncées à l’article R. 330-1 précité). Cette différence est à la fois « facteur de contentieux » et « relative ». Elle est tout d’abord « facteur de contentieux » car elle suscitera sans doute l’imagination créatrice (parfois déjà grande) des franchisés désireux d’obtenir l’annulation du contrat pour n’avoir pas pu disposer des informations ne relevant pas de l’article R. 330-1 précité ; pour le dire autrement, les franchisés pourront désormais tenter d’engager un contentieux, au visa de l’article 1112-1 du Code civil, pour faire grief au franchiseur de n’avoir pas communiquer une information non comprise à l’article R. 330-1 précité) ; la tentation sera grande. Mais cette différence demeure toutefois « relative » car même si l’article 1112-1 du Code civil n’enferme les hypothèses qu’il vise par aucune liste limitative, une information ne relevant pas de l’article R. 330-1 précité sera le plus souvent considérée comme n’étant pas de nature à s’avérer « déterminante pour le consentement » du franchisé, ce d’autant que la liste de l’article R. 330-1 est déjà très complète ; en outre, il incombera au franchisé prétendant qu'une information lui était due de démontrer que le franchiseur la lui devait, conformément aux prescriptions de l’alinéa 4 de l’article 1112-1 du Code civil. Ce faisant, que l’on se place sous l’angle du droit commun ou du droit spécial, le franchisé devra toujours prouver que son consentement a effectivement été vicié. Ce que la réforme renforce Pour finir sur la question de l’incidence de la réforme sur le devoir du franchiseur d’informer le franchisé, il y a lieu d’évoquer le devoir du franchisé de « se » renseigner. Il convient d’indiquer sur ce point, ainsi que nous l’avons déjà plusieurs fois souligné, que le franchisé est tenu à un véritable devoir de « se » renseigner au cours

de la phase précontractuelle. Ce devoir a été érigé par la jurisprudence et a conduit à une série de très nombreuses décisions, utiles par leurs enseignements au plan pratique et la protection qu’elles confèrent au franchiseur qui en respecte les principes (v. sur l’ensemble de la question, F.-L. Simon, Le devoir du franchisé de « se » renseigner, 29 mai 2015). Or, la réforme du droit des contrats renforce le devoir du franchisé de « se » renseigner puisqu’elle inscrit et fige désormais dans la loi, ce qui figurait déjà au fil des décisions jurisprudentielles. Le devoir général d’information pèse sur « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre », celle-ci devant « l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». L’ignorance prétendue devrait être considérée comme « illégitime », quand le franchisé victime du défaut d’information pouvait se renseigner et a décidé néanmoins de s’en abstenir. C’est pourquoi le rapport au Président de la République souligne, en guise de commentaire de ce texte : « le devoir de s'informer fixe-t-il la limite de l'obligation précontractuelle d'information ». Il y a là une petite révolution. I. L’incidence de la réforme sur le devoir du franchisé d’informer le franchiseur A la différence du franchiseur, déjà soumis aux exigences des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, le franchisé – lui – a jusqu’à présent évolué dans un environnement juridique très peu contraignant au stade de la phase précontractuelle. Tout au plus, était-il tenu à une obligation, de source jurisprudentielle, de contracter de bonne foi, peu protectrice pour le franchiseur (CA Rennes, 6 déc. 2011, n°09/02275). Le franchisé devra désormais, ce qui constitue en soi une petite révolution, se plier à l’exigence d’information que l’article 1112-1 du Code civil lui impose désormais, en raison de son caractère d’ordre public. Concrètement, cela signifie que le franchisé qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement du franchiseur (C. civ. art. 1112-1) devra désormais la transmettre à ce dernier. Et, compte tenu de la généralité des termes employés par ce texte, les informations concernées sont par nature illimitées. Par ailleurs, dès lors que, selon l’alinéa 3 du texte « ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat

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ou la qualité des parties », le franchisé devra en tout état de cause transmettre deux catégories d’information au moins : - celles « présentant un lien direct et nécessaire avec

le contenu du contrat » ; le contenu du contrat guidera donc l’étendue du devoir d’information du franchisé ;

- celles relatives à sa « qualité », ce d’autant que le contrat de franchise est souvent conclu intuitu personae.

Dans ce contexte législatif nouveau, il restera recommander de recourir à l’emploi d’une clause de déclarations préalables permettant de sécuriser les informations communiquées au franchiseur (F.-L. Simon, La clause de déclarations préalables dans les contrats de franchise (Etude - avril 2015) ; Intervention de F.-L. Simon, Colloque de la Revue des contrats, 16 novembre 2011, spéc. II.B.1.). Il est précisé que les actes du Colloque du 28 juin 2016 consacrés à la réforme du droit des contrats seront prochainement publiés. A rapprocher : Ord. n°2016-131 du 10 février 2016, et notre commentaire.

Loi n°2016-1088 du 8 août 2016, JORF n°0184 du 9 août 2016

L’inquiétante instance de dialogue imposée aux

réseaux de franchise Evolution de l’article 29 bis A de la Loi El Khomri, Juin

2016 Ce qu’il faut retenir : Acteurs de la franchise, organisations professionnelles et syndicales, citoyens et parlementaires continuent à fort juste titre de s’insurger face à la proposition, par le projet de « Loi Travail », consistant à créer une instance de dialogue au sein des réseaux de franchise. Ce texte, qui remet en cause le principe d’indépendance, consubstantiel à la relation franchiseur-franchisé, a fait l’objet d’amendements successifs insatisfaisants… jusqu’à sa suppression ? Pour approfondir : La loi projet de loi El Khomri prévoyait, dans son article 29 bis A, la création d’une instance de dialogue au sein du réseau de franchise, projet fortement critiqué par

les acteurs de la franchise, dont les franchiseurs et franchisés, et par une grande partie de la doctrine en général, qui y voit la fin de l’indépendance des franchisés vis-à-vis des franchiseurs. Le mouvement, apolitique, « J’aime ta franchise », auquel s’est associée la Fédération Française de la Franchise, rassemble aujourd’hui des franchiseurs, des franchisés, des organisations professionnelles et des citoyens contre cette démarche du législateur. Ce mouvement se constitue essentiellement autour de l’idée selon laquelle il convient de demander « le retrait de l'article 29 bis A du Projet de loi Travail qui menace les commerces, les services, les emplois et les clients de ces secteurs ».

La proposition d’origine Que prévoit exactement cet article ? Cette disposition prévoit, sur demande d’une entreprise du réseau ou d’une organisation syndicale, et à la charge du franchiseur, la mise en place sous 15 jours d’une instance de dialogue rassemblant un représentant du franchiseur, un représentant des franchisés, et des représentants de leurs salariés, élus pour 2 à 4 ans, dans un nombre variant selon la taille du réseau. Elle devait s’imposer, à l’origine, à tous les réseaux comprenant plus de 50 salariés, le but étant d’intégrer une représentation salariale au sein de la franchise. Elle implique notamment la réunion de ces représentants au moins quatre fois par an, l’obligation de recueillir l’accord de l’inspecteur du travail en cas de licenciement d’un des représentants des salariés, un crédit de 20h minimum par mois dédié à ces fonctions de représentation, l’information trimestrielle des salariés sur la situation économique, financière, les prévisions d’emploi, et l’activité du réseau. Elle peut mettre en place des activités sociales et culturelles, faire des propositions en vue de l’amélioration des conditions de travail. Le reclassement d’un salarié licencié pour motif économique s’effectue de plus, dans le cadre du réseau – solution qui, de fait, a déjà été reconnue par la jurisprudence, en dépit de l’indépendance des franchisés (CA Riom, 13 décembre 2011, RG n°10/02369, et notre commentaire).

Mise en question de l’indépendance des franchisés Or, ces nouveautés tendent à remettre en cause des principes fondamentaux du régime de la franchise. Si le réseau de franchise, en soi, implique effectivement, une collaboration et un esprit de confiance entre franchiseurs et franchisés, l’indépendance des acteurs

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est un principe fondamental. La jurisprudence reconnait de façon constante que le contrat de franchise est fondé sur la confiance réciproque des parties, leur collaboration étroite (CA Rouen, 24 octobre 2013, RG n°12/04374 ; CA Paris, 25 janvier 2006, RG n°03/07941 ; TC Marennes 7 mars 1997, inédit, cité in Petites affiches 2000, n°174 ; TC Marseille 6 mai 1997, Petites affiches 2000, n°174 ; Cass. Com., 24 septembre 2013, n° 12-13.250 ; CA Paris 28 avr. 1978, Cah. dr. entr. 1980, n° 42 ; CA Paris, 28 avril 1978, Morvan c/ Intercontinents ; CA Aix-en-Provence 8 juill. 1988, Beaudoin et Reboulin c/ Groupe de sociétés Costamagna, arrêt n° 732). L’absence de confiance ou de résiliation peut aller jusqu’à justifier la résiliation du contrat (CA Grenoble 25 janv. 1989, société Le Roi Arsento c/ société Patisalpes, inédit). Toutefois, il est de même constant que cette collaboration ne doit en rien nuire à l’indépendance des parties. Le Code de déontologie européen de la franchise rappelle ainsi que « la franchise ne peut se développer que si elle repose sur "une collaboration (...) entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes"». Et la jurisprudence ne se prive pas de rappeler ce principe premier en franchise (CA Paris, 24 juin 2003, D. 2003, p. 2429 ; Cass. Com., 25 mars 2014, n°12-29.675 ; CA Paris, 3 septembre 2014, RG n°12/09785 ; Cass. crim., 27 novembre 2001, n°01-83.767). C’est contre ce principe d’indépendance que s’érige le projet de création d’une instance de représentation salariale au sein des réseaux de franchise. La doctrine ou les acteurs eux-mêmes ne sont d’ailleurs apparemment pas les seuls à questionner la création d’une telle instance. La Commission des affaires sociales du Sénat a expliqué, dans un communiqué du 2 juin 2016, qu’elle supprimait l’article 29 bis A, au motif qu’il « entrait en contradiction frontale avec le principe même de la franchise ». Et la valse de cette instance, pour l’instant simplement envisagée, ne s’arrête pas là puisque suite à l’examen du projet de loi en séance plénière le 13 juin dernier, un nouvel amendement a remis sur la table la création de cette instance de dialogue, cette fois-ci pour les réseaux de franchise comprenant plus de 300 salariés.

Le projet adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale Il revient à l’Assemblée Nationale de discuter cette proposition, du 5 au 8 juillet ; la nouvelle proposition

faite modifie l’article 29 bis A par les amendements n°1316, 1237 et 1235. Elle confirme, au premier alinéa du I, que « dans les réseaux d’exploitants d’au moins trois cents salariés en France, liés par un contrat de franchise mentionné à l’article L.330-3 du Code du commerce qui contient des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées, lorsqu’une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l’une des branches dont relèvent les entreprises du réseau ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau le demande, le franchiseur engage une négociation visant à mettre en place une instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau, comprenant des représentants des salariés et des franchisés et présidée par le franchiseur ». Le seuil des 300 salariés, contrairement au seuil précédant de 50 salariés, inclut cette fois les salariés du franchiseur lui-même, et de ses succursales. Le texte adopté est allégé puisqu’il laisse aux parties le soin de décider elles-mêmes la composition de l’instance, la durée des mandats, les heures de délégation, et le mode de désignation de ses membres, ainsi que le rythme des réunions, éléments qui étaient originellement beaucoup plus contraints. Les informations à fournir par le franchiseur et l’impact des initiatives que peut prendre cette instance de dialogue sont eux aussi un peu plus restreints. Ont disparues les obligations de reclassement des salariés dans le réseau, les activités culturelles, l’information sur les emplois disponibles, etc. Mais l’instance a toujours une marge de manœuvre ; elle pourra toujours par exemple, proposer des règles en vue de l’uniformisation et « l’amélioration des conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés dans l’ensemble du réseau », faculté qui devrait nuire, une fois encore, à l’indépendance des franchisés. Il faudra aussi préciser le champ des contrats qui seront effectivement liés par cette instance de dialogue. La disposition prévoit en effet trois conditions à son application : 1) un réseau d’exploitants, réseau potentiellement

beaucoup plus large, donc, que la seule franchise. La proposition initiale, au contraire, prévoyait que les dispositions étaient « applicables aux réseaux de franchise » ;

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2) un contrat de franchise mentionné à l’article L.330-3 du Code de commerce ;

3) un contrat « qui contient des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées ».

Ces deux dernières conditions n’étaient pas mentionnées dans le projet initial, et l’interprétation que feront les juges de ces nouveaux termes – si le texte devait être adopté en l’état – est d’autant plus à observer que, contrairement à ce qu’indique le projet, l’article L.330-3 du Code de commerce ne « mentionne » pas le contrat de franchise puisqu’il ne comporte pas même le terme de franchise … ! Les réseaux de franchise ne relevant pas du champ d’application de l’article L.330-3 du Code de commerce ne seraient donc pas soumis à la mise en place d’une telle instance. Nouvel alinéa de la proposition : les organisations syndicales et professionnelles devront établir le bilan de la mise en œuvre de ce nouvel article et le transmettre à la Commission nationale de la négociation collective « au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi ». La Fédération Française de la Franchise a adressé au président de la République, le 5 juillet, un Manifeste demandant le retrait de l’article. Si le Sénat a une première fois supprimé la disposition, il n’aura pas le dernier mot avant l’adoption définitive du texte le 20 juillet prochain. A rapprocher : Voir aussi notre commentaire sur la précédente version du texte.

Réseaux de franchise : la constitutionnalité de l’instance de dialogue social

Décision n°2016-736 DC du 4 août 2016 Ce qu’il faut retenir : Le texte définitif de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a été adopté le 21 juillet 2016. L’article 64 de ce texte, qui tend à mettre en place une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, a suscité de vives controverses et des inquiétudes multiples souvent justifiées. Pour approfondir : Le texte définitif du projet de loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a été adopté le 21 juillet

2016 (ci-après la « Loi »). Le bien connu article 64 de ce texte, qui tend à mettre en place une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, a suscité de vives controverses et des inquiétudes multiples souvent justifiées. Examinant les dispositions de l’article 64 de la Loi, par suite de la saisine initiée par un groupe de sénateurs et deux groupes de députés, la décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016 du Conseil constitutionnel a écarté la plupart des griefs exprimés par les requérants, tout en formulant deux réserves d'interprétation et une censure partielle. I/ Le texte de l’article 64 de la loi avant son examen par le Conseil constitutionnel Avant son examen par le Conseil constitutionnel, l’article 64 de la Loi était rédigé comme suit : « I. – Dans les réseaux d’exploitants d’au moins trois cents salariés en France, liés par un contrat de franchise mentionné à l’article L. 330-3 du Code de commerce qui contient des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail dans les entreprises franchisées, lorsqu’une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou de l’une des branches dont relèvent les entreprises du réseau ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau le demande, le franchiseur engage une négociation visant à mettre en place une instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau, comprenant des représentants des salariés et des franchisés et présidée par le franchiseur. L’accord mettant en place cette instance prévoit sa composition, le mode de désignation de ses membres, la durée de leur mandat, la fréquence des réunions, les heures de délégation octroyées pour participer à cette instance et leurs modalités d’utilisation. À défaut d’accord : 1° Le nombre de réunions de l’instance est fixée à deux par an ;

2° Un décret en Conseil d’État détermine les autres caractéristiques mentionnées au deuxième alinéa. Les membres de l’instance sont dotés de moyens matériels ou financiers nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Les dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions ainsi que les frais de séjour et de déplacement sont pris en charge selon des modalités fixées par l’accord ou, à défaut, par le franchiseur.

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Lors de sa première réunion, l’instance adopte un règlement intérieur déterminant ses modalités de fonctionnement. Lors des réunions mentionnées au deuxième alinéa et au 1° du présent I, l’instance est informée des décisions du franchiseur de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés. Elle est informée des entreprises entrées dans le réseau ou l’ayant quitté. L’instance formule, à son initiative, et examine, à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés dans l’ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 911-2 du Code de la sécurité sociale. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent I, en particulier le délai dans lequel le franchiseur engage la négociation prévue au premier alinéa du présent I. II. – Les organisations syndicales et les organisations professionnelles des branches concernées établissent un bilan de la mise en œuvre du présent article et le transmettent à la Commission nationale de la négociation collective au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la présente loi ». En d’autres termes, pour résumer les choses, l'article 64 prévoit, dans le 1er alinéa de son paragraphe I, sous certaines conditions, la mise en place, dans les réseaux d'exploitants d'au moins 300 salariés en France, liés par un contrat de franchise, d'une instance de dialogue social commune à l'ensemble du réseau. Cette instance comprend des représentants des salariés et des employeurs franchisés. Elle est présidée par le « franchiseur ». Le 2ème alinéa de ce même paragraphe renvoie à l'accord mettant en place cette instance, sa composition, le mode de désignation de ses membres, la durée de leur mandat, la fréquence des réunions, les heures de délégation octroyées pour y participer et leurs modalités d'utilisation. Ses 3ème à 5ème alinéas précisent qu'à défaut d'accord le nombre de réunions de l'instance est fixé à deux par an et qu'un décret en Conseil d'État détermine les autres caractéristiques de son fonctionnement. Son 6ème alinéa détermine les

modalités de prise en charge des coûts de fonctionnement. Ses 8ème à 10ème alinéas lui permettent d'être informée des décisions du franchiseur de nature à affecter les effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés des franchisés ainsi que de formuler toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés dans l'ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L.911-2 du Code de la sécurité sociale. Le paragraphe II de l'article 64 prévoit l'établissement d'un bilan de la mise en œuvre de cet article. II/ La Saisine du Conseil constitutionnel Le groupe de sénateurs sollicitait que l'article 64 soit intégralement déclaré contraire à la Constitution. En substance, le groupe de sénateurs faisait valoir : - tout d’abord que l'article 64 porte atteinte à la fois

au principe même du régime de la franchise et à la liberté d'entreprendre, d’une part, en instaurant un lien totalement nouveau entre le franchiseur et les franchisés, remettant en cause l'indépendance de ces derniers et, d’autre part, en imposant au franchiseur la mise en place d'une instance de dialogue social comprenant les salariés des franchisés, alors que ceux-ci ne sont pas ses propres salariés ;

- ensuite que l'article 64 porte atteinte au principe

constitutionnel d'égalité, prévu par l'article 6 de la Déclaration de 1789, selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; il était observé en effet que l'article 64 vise uniquement les « réseaux de franchise » et qu’il existe donc une différence de traitement avec d'autres commerces organisés en réseau : coopératives, concessions, distributions, licences de marques, affiliation ;

- enfin que l'article 64 porte atteinte au principe de

participation des travailleurs, prévu par le 8ème alinéa du Préambule du 27 octobre 1946, selon lequel « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », dès lors qu’il s’agit ici d’imposer au franchiseur de mettre en place une institution de dialogue et des institutions représentatives en dehors de toute « entreprise » et de toute « communauté de travail » au sens de la jurisprudence constitutionnelle.

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Le premier groupe de députés faisait valoir une argumentation voisine à celle concluant à la non-conformité au 8ème alinéa du Préambule du 27 octobre 1946, tandis que le second se limitait à contester la procédure d'adoption de la Loi. III/ La conformité de l’article 64 de la Loi à la Constitution En premier lieu, le Conseil constitutionnel retient que les dispositions de l'article 64 ne méconnaissent pas le principe de participation des travailleurs. En substance, il souligne sèchement que les dispositions de l'article 64 n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à l'existence et au fonctionnement des instances représentatives du personnel des franchisés et franchiseurs, et que le grief tiré de la méconnaissance du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail et à la gestion de leur entreprise doit donc être écarté. En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel retient que les dispositions de l'article 64 ne méconnaissent pas le principe d'égalité. En substance, il souligne qu’en imposant aux seuls réseaux d'exploitants liés par un contrat de franchise la mise en place d'une instance de dialogue regroupant les salariés de ces différents exploitants, à l'exclusion des autres formes juridiques de réseaux commerciaux, « le législateur a traité différemment des situations différentes », dès lors que les caractéristiques des contrats de franchise conduisent à ce que l'encadrement des modalités d'organisation et de fonctionnement des entreprises franchisées puisse avoir un impact sur les conditions de travail de leurs salariés. Selon le Conseil constitutionnel, cette différence de traitement est par ailleurs en rapport avec l'objet même de la Loi tendant à prendre en compte, par la création d'une instance de dialogue social, l'existence d'une communauté d'intérêt des salariés des réseaux de franchise. Enfin, le Conseil constitutionnel retient que les dispositions de l'article 64 ne méconnaissent pas la liberté d'entreprendre. En substance, il retient qu’il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi et qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a précisément poursuivi un objectif d'intérêt général puisqu’il a entendu permettre aux représentants des salariés des employeurs franchisés d'être informés des décisions du franchiseur « de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi, de travail

et de formation professionnelle des salariés des franchisés » et de formuler des propositions. Deux réserves d’interprétation et une censure partielle sont néanmoins formulées. IV/ Les deux réserves d’interprétation relatives à l’article 64 de la Loi Les réserves d'interprétation portent sur les 2ème et 5ème alinéas de l'article 64. Le texte prévoit qu’à défaut d'accord pour mettre en place une instance de dialogue social, un décret en Conseil d'État détermine (notamment) les heures de délégation accordées aux salariés des franchisés. En premier lieu, le Conseil constitutionnel a jugé que le principe même de l'accord mettant en place l'instance de dialogue social n'est pas contraire à la liberté d'entreprendre sous réserve que les employeurs franchisés participent à cette négociation. En second lieu, le Conseil constitutionnel ajoute que le législateur ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, prévoir l'existence d'heures de délégation spécifiques pour l'instance de dialogue créée sans encadrer le nombre de ces heures. Le décret en Conseil d'État ne pourra donc pas ajouter des heures de délégations supplémentaires à celles qui sont prévues par le droit commun. V/ La censure partielle de l’article 64 de la Loi La censure partielle de l'article 64 porte sur les dépenses de fonctionnement de l'instance de dialogue social. Le Conseil constitutionnel a jugé que, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur, dont la portée ne peut qu'être limitée en raison de l'absence de communauté de travail existant entre les salariés des franchisés, ces dispositions, qui imputent l'intégralité des dépenses et des frais aux seuls franchiseurs, à l'exclusion des franchisés, portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les mots « ou, à défaut, par le franchiseur » figurant au 6ème alinéa de l'article 64. Un commentaire pratique à l’attention des franchiseurs sera prochainement publié. A rapprocher : Décision n° 2016-736 DC du 04 août 2016.

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Projet de loi El Khomri et Réseaux de franchise Appréciation critique

Par suite d’un amendement adopté à l’Assemblée Nationale sans la moindre consultation préalable, a été ajouté le très regrettable article 29 bis A au projet de loi dit « El Khomri », sans vote en première lecture par l’Assemblée Nationale le 12 mai dernier. Ce texte envisage d'imposer la création d'une « instance de dialogue » au sein des réseaux de franchise ... 1. Par suite d’un amendement n°1721, adopté à l’Assemblée Nationale sans la moindre consultation préalable, a été ajouté le bien regrettable article 29 bis A au projet de loi dit "El Khomri", sans vote en première lecture par l’Assemblée Nationale, conformément à l’article 49.3 de la Constitution. Ce texte envisage d'imposer la création d'une « instance de dialogue » au sein des réseaux de franchise. La prétendue raison d’être de ce dispositif inédit suscite la critique (I) en même temps qu’elle éclaire sur les règles relatives à sa mise en place et sa composition (II), son fonctionnement (III) et ses attributions (IV). I/ La prétendue raison d’être de ce dispositif suscite la critique 2. Ratio legis : Selon l’auteur de l’amendement, l’introduction de ce dispositif inédit dans le Code du Travail serait justifiée en ces termes : « La France est présentée comme le «  leader européen de la franchise  ». Les derniers chiffres concordants mentionnent près de 350 000 salariés dans les réseaux de franchise, 70 000 points de vente et plus de 2800 réseaux différents. La forte augmentation de ces chiffres sur les dix dernières années confirme le développement de ce modèle économique. Le chiffre d’affaires serait de plus de 53 milliards d’euros, et pourtant les salariés de ces réseaux connaissent les réalités sociales des salariés des TPE-PME, sans pouvoir bénéficier de la représentation du personnel, de la présence syndicale et des avantages sociaux que permet un comité d’entreprise. Cet amendement a donc pour objet l’amélioration de la situation des 350 000 salariés de ces réseaux de franchise, notamment par la mise en place d’une représentation dont ils sont actuellement injustement privés.

Le choix s’est porté vers la création d’une instance de représentation du personnel commune à l’ensemble du réseau de franchise, préalablement reconnu, comportant des représentants des salariés élus au sein du réseau, un représentant des entreprises franchisées et de l’entreprise franchiseur, président de l’instance. Les représentants des salariés sont élus sur les mêmes modalités que l’élection du comité d’entreprise, mais un champ assez large est laissé pour la négociation de la mise en place, de la composition et du fonctionnement de cette nouvelle instance. Cette place de la négociation collective s’inscrit dans l’esprit qui imprègne le projet de loi, tout comme la nouvelle architecture du Code du travail. Cette instance permettra la mise en place d’un dialogue régulier et utile entre représentants des entreprises et des salariés. Les représentants des salariés doivent pouvoir être informés de la situation de leur réseau. Une possibilité d’activité sociale et culturelle dont sont souvent privés les salariés des entreprises franchisées est prévue. Un recensement des offres d’emploi disponibles au sein du réseau par l’instance avec transmission de celles-ci aux salariés permet de constituer une première marche pour pallier le manque de perspective d’évolution ou de mobilité professionnelle que subissent les salariés des franchisés. Une obligation de recherche de poste au sein du réseau en cas de licenciement économique est également prévue pour l’entreprise qui licencie. Enfin, la possibilité de négocier au niveau du réseau de franchise est aussi instituée, afin de permettre la conclusion d’accord et d’ouvrir ainsi la voie à des avantages pour l’ensemble des salariés des entreprises franchisées ». 3. Appréciation critique : On retiendra ici que ce nouveau texte aurait ainsi pour effet « l’amélioration de la situation de 350 000 salariés de ces réseaux de franchise, notamment par la mise en place d’une représentation dont ils sont actuellement injustement privés ». Bien qu’il rappelle le succès de la franchise en France, le projet de loi s’attaque au principe d’indépendance des franchisés. Le projet de loi, qui tendait à simplifier les relations en entreprises, les complique à outrance, inutilement. Pire, en adoptant des règles aussi proches que celles applicables aux comités d’entreprise, le projet de loi dénature le système de franchise et le prive inutilement de ses atouts, qui lui ont permis d'obtenir le succès qu’on lui reconnaît.

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II/ Mise en place et composition de l’instance de dialogue 4. Texte : Pour ce qui concerne la mise en place et la composition de cette instance de dialogue, le texte adopté par l’Assemblée Nationale est rédigé comme suit : « Chapitre I « Mise en place et composition « Section 1 « Ordre public « Art. L. 23-121-1. – Les dispositions du présent titre sont applicables aux réseaux de franchise. « Art. L. 23-121-2. – Dès lors qu’un réseau de franchise compte au moins cinquante salariés dans les franchisés et qu’il est reconnu, soit dans le cadre du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-5, soit par décision du tribunal d’instance, le franchiseur a la charge de la mise en place d’une instance de dialogue dans les conditions prévues au présent titre. « Art. L. 23-121-3. – Sur demande d’au moins une entreprise du réseau ou d’une organisation syndicale représentative au sein de la branche ou ayant constitué une section syndicale au sein d’une entreprise du réseau, le franchiseur doit procéder au plus tard dans les quinze jours à la convocation de la négociation du protocole d’accord prévu à l’article L. 23-121-6. « En l’absence d’ouverture de négociation dans le délai de quinze jours, ou en l’absence d’un tel accord conclu dans un délai de trois mois, l’organisation syndicale mentionnée à l’alinéa précédent ou l’entreprise la plus diligente saisit le tribunal d’instance qui statue sur la reconnaissance et le périmètre des entreprises du réseau. Il fixe également les modalités d’organisation des élections des représentants des salariés élus à l’instance de dialogue. Le tribunal d’instance compétent est celui du siège du franchiseur. « Art. L. 23-121-4. – L’instance de dialogue comprend des représentants des salariés élus, un représentant des franchisés, assisté éventuellement d’un collaborateur ayant voix consultative, et est présidée par un représentant du franchiseur, assisté éventuellement d’un collaborateur qui a voix consultative. « Jusqu’à 999 salariés, au moins un siège est réservé aux salariés élus au sein du franchiseur. Au-delà de 999 salariés, ce nombre est porté à deux sièges.

« Art. L. 23-121-5. – L’invitation à la négociation du protocole préélectoral a lieu en application de l’article L. 2324-4 du Code du travail adaptée au niveau de l’ensemble des entreprises du réseau de franchise. « Art. L. 23-121-6. – La validité du protocole est subordonnée à sa signature d’une part par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation et à la signature par les organisations syndicales représentant plus de 50 % des suffrages au niveau de la branche, et, d’autre part, par le franchiseur, enfin par des franchisés qui comptent au moins 50 % des salariés du réseau ou constituent plus de la moitié des franchisés du réseau. « Les modalités d’élections des membres représentants les salariés sont identiques à celles applicables au comité d’entreprise prévues à la section 2 du chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du Code du travail et appréciées au niveau de l’ensemble des entreprises du réseau. « Section 2 « Champ de la négociation collective « Art. L. 23-121-7. – Le protocole d’accord mentionné à l’article L. 23-121-6 reconnaît le réseau de franchise et identifie franchiseur et franchisés. Il fixe les modalités d’organisation des élections. « Il peut également prévoir la composition de l’instance qui ne peut être inférieure à cinq membres pour les représentants des salariés, la durée des mandats comprise entre deux et quatre ans, le nombre de réunions annuelles qui ne peut être inférieur à quatre ainsi que des missions supplémentaires pour l’instance. « Section 3 « Dispositions supplétives « Art. L. 23-121-8. – À défaut de protocole d’accord tel que prévu à l’article L. 23-121-6, le nombre de représentants des salariés à l’instance de dialogue est fixé comme suit : « 1° De 50 à 299 salariés : 5 titulaires et 5 suppléants ; « 2° De 300 à 999 salariés : 7 titulaires et 7 suppléants ; « 3° De 1 000 à 2 999 salariés : 9 titulaires et 9 suppléants ; « 4° 1 titulaire et 1 suppléant supplémentaires par tranche de 2 000 salariés.

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« Art. L 23-121-9. – À défaut de protocole d’accord tel que prévu à l’article L. 23-121-6, la durée des mandats des membres de l’instance est fixée à quatre ans ».

5. Appréciation critique : Plusieurs remarques s’imposent, en particulier pour ce qui concerne le champ d’application de la loi et la composition même de cette instance de dialogue. 6. Champ d’application : En premier lieu, ce texte vise les seuls réseaux de franchise. Sont donc exclus de son champ d’application toutes les autres formes de réseaux, pourtant nombreuses, telles que notamment : les réseaux de concession, la distribution sélective, les réseaux de licence de marque, les réseaux d’affiliation, les réseaux de commission-affiliation, les réseaux de mandataires, et, d’une manière plus générale, les réseaux organisés au moyen de contrats de partenariat. Il en va de même des réseaux fonctionnant en coopérative, exclus du champ d’application du projet de loi. Le motif de ces exclusions n’est pas explicité, fût-ce implicitement, donnant ainsi au projet de loi l’allure d’un dispositif hostile à la franchise. Un seuil de 50 salariés est par ailleurs requis pour l’application de ce texte ; contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là, le nombre de salariés travaillant au sein de l'entreprise du franchiseur ne doit pas entrer en ligne de compte. En revanche, dès l’instant que ce seuil est franchi, le franchiseur a l’obligation de mettre en place une instance de dialogue. 7. Composition : L’instance de dialogue comprend nécessairement (les dispositions de la loi étant d’ordre public) : - des représentants des salariés élus, - un représentant des franchisés, assisté

éventuellement d’un collaborateur ayant voix consultative,

- un représentant du franchiseur, lequel préside, assisté éventuellement d’un collaborateur ayant voix consultative.

Jusqu’à 999 salariés, au moins un siège est réservé aux salariés élus au sein du franchiseur. Au-delà de 999 salariés, ce nombre est porté à deux sièges. Outre ces dispositions d’ordre public, sont par ailleurs prévues des dispositions supplétives, applicables à défaut de protocole d’accord tel que prévu à l’article L.23-121-6, selon lesquelles le nombre de représen-

tants des salariés à l’instance de dialogue est fixé comme suit : - de 50 à 299 salariés : 5 titulaires et 5 suppléants ; - de 300 à 999 salariés : 7 titulaires et 7 suppléants ; - de 1 000 à 2 999 salariés : 9 titulaires et 9

suppléants ; La durée des mandats des membres de l’instance est fixée à 4 ans. III/ Fonctionnement de l’instance de dialogue 8. Texte : Pour ce qui concerne le fonctionnement de cette instance de dialogue, le texte adopté par l’Assemblée Nationale est rédigé comme suit : « Chapitre 2 « Fonctionnement « Art. L. 23-122-1. – Les salariés élus membres de l’instance mentionnée à l’article L. 23-121-2 bénéficient du temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions. Ce temps ne peut être inférieur à vingt heures par mois. « Le temps de trajet pour se rendre aux réunions de l’instance et les temps de réunion ne sont pas imputés sur le crédit d’heures prévu à l’alinéa précédent. « Les membres de l’instance sont dotés de moyens matériels ou financiers nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. Les dépenses de fonctionnement de l’instance, d’organisation des réunions ainsi que les frais de séjour et de déplacement sont supportés par le franchiseur. « Art. L. 23-122-2. – Lors de la première réunion de l’instance, il est procédé à la fixation des modalités de fonctionnement de l’instance, dans le cadre d’un règlement intérieur prévoyant notamment les modalités de convocation des membres et de fixation de l’ordre du jour et la désignation d’un secrétaire. « Art. L. 23-122-3. – L’instance se réunit au minimum quatre fois par an. « Elle doit également se réunir de façon exceptionnelle à la demande de la majorité des membres représentants les salariés. 9. Appréciation critique : Ces règles de fonctionnement sont inutilement compliquées. Le minimum de 4 réunions par an paraît inutilement lourd. Les dépenses de fonctionnement de l’instance, d’organisation des réunions ainsi que les frais de séjour

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et de déplacement sont supportés par le franchiseur, alors que rien ne le justifie vraiment. IV/ Attributions de l’instance de dialogue 10. Texte : Pour ce qui concerne les attributions de cette instance de dialogue, le texte adopté par l’Assemblée Nationale est rédigé comme suit : « Chapitre 3 « Attributions « Art. L. 23-123-1. – L’instance de dialogue est informée trimestriellement sur l’activité, la situation économique et financière, l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, la politique sociale et les conditions de travail de l’ensemble du réseau. « Art. L. 23-123-2. – L’instance est informée des décisions concernant l’organisation, la gestion et la marche générale du réseau de franchise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle. « Elle est aussi informée des entreprises entrant dans le réseau et sortant du réseau. « L’instance formule, à son initiative, et examine, à la demande du franchiseur ou de représentants des franchisés, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l’ensemble du réseau ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 911-2 du Code de la sécurité sociale. « Art. L. 23-123-3. – L’instance de dialogue peut mettre en place des activités sociales et culturelles pour l’ensemble des salariés du réseau de franchise, dont elle assure la gestion. À ce titre, les entreprises du réseau peuvent attribuer à l’instance un budget pour ces activités sociales et culturelles. « Art. L. 23-123-4. – Les entreprises du réseau informent régulièrement l’instance de dialogue des emplois disponibles en leur sein. L’instance met en place une information pour les salariés du réseau. « Art. L. 23-123-5. – Lorsque le franchiseur ou un franchisé du réseau envisage de licencier pour motif

économique, son obligation de reclassement s’exécute également dans le cadre du réseau. » II. – Le chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du même Code est complété par une section 6 ainsi rédigée : « Section 6 « Mesure de l’audience des organisations syndicales dans les réseaux de franchise « Art. L. 2122-14. – Dans les réseaux de franchise, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections de l’instance de dialogue prévue à l’article L. 23-121-2 quel que soit le nombre de votants. » III. – Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du Code du travail est complété par une section 6 ainsi rédigée : « Section 6 « Délégué syndical au sein d’un réseau de franchise « Art. L. 2143-24. – Chaque organisation syndicale représentative dans le réseau de franchise d’au moins cinquante salariés, peut désigner un délégué syndical pour la représenter auprès des employeurs du réseau. Un deuxième délégué syndical peut être désigné dans les réseaux de plus de mille salariés. « Art. 2143-25. – Le délégué syndical du réseau prévu à l’article L. 2143-24 relève de l’ensemble des dispositions applicables aux délégués syndicaux telles que prévues au présent chapitre, appréciées au niveau de l’ensemble du réseau. La liberté de circulation prévue à l’article L. 2143-20 s’exerce dans l’ensemble des entreprises du réseau. » IV. – Le chapitre II du titre III du livre II de la deuxième partie du même Code est complété par une section 5 ainsi rédigée : « Section 5 « Conventions et accords au sein du réseau de franchise « Art. L. 2232-36. – La convention ou l’accord de réseau de franchise est négocié entre le franchiseur, les franchisés, individuellement ou regroupés, qui comptent au moins 10 % des salariés du réseau, et les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives dans le réseau en application de l’article L. 2122-14.

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« Art. L. 2232-37. – Pour être valable, un accord doit être conclu par le franchiseur, des représentants des franchisés, individuellement ou regroupés, qui comptent au moins 50 % des salariés du réseau ou plus de la moitié des franchisés du réseau et selon les dispositions prévues à l’article L. 2232-12 par des organisations syndicales représentatives appréciées selon l’audience recueillie au niveau de l’ensemble du réseau. « Art. L. 2232-38. – La convention ou l’accord du réseau ne peut comporter des dispositions dérogatoires à celles applicables en vertu de conventions de branche ou d’accords professionnels dont relèvent les entreprises ou établissements appartenant à ce réseau, sauf disposition expresse de ces conventions de branche ou accords professionnels. » V – Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie du même Code est ainsi modifié : 1° L’article L. 2411-1 est complété par un 21° ainsi rédigé : « 21° Membre de l’instance de dialogue mentionné à l’article L. 23-121-2. » ; 2° Il est complété par une section 16 ainsi rédigée :

« Section 16 « Licenciement d’un salarié membre de l’instance de dialogue « Art. L. 2411-26. – Le licenciement du salarié membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2 ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. « Cette autorisation est également requise pour le licenciement du salarié ayant siégé dans cette instance de dialogue, pendant une durée de six mois à compter de l’expiration de son mandat. Cette autorisation est également requise dès que l’employeur a connaissance de l’imminence de la candidature. » VI. – Le chapitre II du même titre Ier est ainsi modifié : 1° L’article L. 2412-1 est complété par un 17° ainsi rédigé : « 17° Membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2. » ; 2° Il est complété par une section 17 au même chapitre, ainsi rédigée :

« Section 17 « Membre de l’instance de dialogue « Art. L. 2412-17. – La rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2 avant son terme en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. « Cette procédure s’applique également pendant une durée de six mois à compter de l’expiration du mandat du salarié ayant siégé dans cette instance. » VII. – Le titre II du livre IV de la deuxième partie du même Code est ainsi modifiée : « 1° L’article L. 2421-2 est complété par un 8° ainsi rédigé : «  8° Membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2. ». « 2° – L’article L. 2422-1 est complété par un 9° ainsi rédigé : « 9° Membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2, ou ancien membre. ». VIII. – Le titre III du livre IV de la deuxième partie du même Code est complété par un chapitre XI ainsi rédigé : « Chapitre XI « Membre d’une instance de dialogue « Art. L. 243-11-1. – Le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié membre de l’instance de dialogue mentionnée à l’article L. 23-121-2, ou d’un ancien membre, en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative prévue au présent livre est puni de la peine prévue à l’article L. 2432-1. » 11. Appréciation critique : Lorsqu’il en existe les instances de dialogue en place dans les réseaux de franchise ont des attributions diverses ; on le sait bien, il peut s’agir selon les cas d’instances de « formation », d’« information », et/ou de « concertation » (F.-L. Simon, Le rôle des instances de dialogue dans les réseaux de franchise - Etude : Janvier 2012).

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Le dispositif commenté a suscité la critique à juste titre, y compris du côté des franchisés. Il prévoit que chaque organisation syndicale représentative dans le réseau de franchise d’au moins cinquante salariés peut désigner un délégué syndical pour la représenter auprès des employeurs du réseau ; il prévoit également un droit d’information permanent, un droit de proposition et un droit d’action au profit de l’instance de dialogue. 12. Droit d’information permanent : Le dispositif commenté prévoit tout d’abord un droit d’information au profit de l’instance, laquelle est informée sur : - l’activité, - la situation économique et financière, - l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou

pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions,

- la politique sociale et les conditions de travail de l’ensemble du réseau,

- les décisions concernant l’organisation, - la gestion et la marche générale du réseau de

franchise, notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle,

- les entreprises entrant dans le réseau et sortant du réseau.

13. Droit de proposition : Le dispositif commenté prévoit ensuite un droit de proposition au profit de l’instance, laquelle peut formuler toute proposition de nature à améliorer : - les conditions de travail, d’emploi et de formation

professionnelle des salariés, - leurs conditions de vie dans l’ensemble du réseau, - ainsi que les conditions dans lesquelles ils

bénéficient de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L.911-2 du Code de la sécurité sociale.

14. Droit d’action : Le dispositif commenté prévoit en outre un droit d’action au profit de l’instance, laquelle peut mettre en place des activités sociales et culturelles pour l’ensemble des salariés du réseau de franchise, dont elle assure la gestion. À ce titre, les entreprises du réseau peuvent attribuer à l’instance un budget pour ces activités sociales et culturelles. Tout cela est-il bien raisonnable ? 15. Obligation de reclassement : En complément de l'obligation de reclassement que la jurisprudence fait peser sur les réseaux de franchise (v. par ex. CA AIx-en-Provence, 6 Juin 2014, RG n°12/04674 ; CA Riom, 13

décembre 2011, RG n°10/02369 ; Cass. soc., 7 juillet 2009, pour n°08-689), le dispositif commenté prévoit que les entreprises du réseau doivent régulièrement informer l'instance de dialogue des emplois disponibles en leur sein afin que cette instance mette en place une information pour les salariés du réseau. Dont acte.

***

Ce projet de loi est appelé à être examiné début juin au Sénat, puis fin juin à l’Assemblée Nationale de nouveau.

*****

FORMATION DU CONTRAT

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES

INTERVENUES

Loi Macron – Distribution automobile Réponse ministérielle du 8 mars 2016

Ce qu’il faut retenir : Une réponse ministérielle du 8 mars 2016 répond à la question posée par Mme Virginie Duby-Muller qui souhaite « connaître les garanties que va apporter le Gouvernement au secteur de la distribution automobile, sur le sujet des réseaux de distribution commerciale ». Pour approfondir : Question. − Mme Virginie Duby-Muller alerte M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique sur l’impact très néfaste de l’article 31 (anciennement 10 A) de la loi pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques, sur la filière de la distribution automobile. Cette mesure, prévoyant notamment une limitation à 9 ans maximum pour la durée des contrats de distribution, et la résiliation de l’ensemble des contrats conclus avec le distributeur en cas de de résiliation d’un des contrats, visait à l’origine le secteur agroalimentaire. Avec une volonté de globalisation, l’article s’applique finalement très largement à l’ensemble des systèmes et réseaux de distribution, et touche ainsi des secteurs d’activité pour lesquels les dispositions ne sont pas adaptées. C’est notamment le cas de la distribution automobile, profondément impactée par cette mesure.

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En effet, les concessionnaires et constructeurs se sont accordés en amont pour obtenir des contrats à durée indéterminée, nécessaires pour amortir les lourds investissements de ces activités. Les relations commerciales entre constructeurs et concessionnaires sont aussi très souvent multi-contrats (vente / après-vente). La résiliation automatique entraînerait donc logiquement une insécurité juridique et économique insupportable pour ces entreprises, déjà fortement affaiblies par la crise et l’absence de réel statut juridique de «distributeur». Rappelons que la distribution automobile emploie plus de 150000 personnes en France mais ne réalise, en moyenne, que 0,91 % de marges brutes. Aussi, elle souhaite connaître les garanties que va apporter le Gouvernement au secteur de la distribution automobile, sur le sujet des réseaux de distribution commerciale. Réponse. − L’amendement déposé par M. François Brottes, président de la commission spéciale, député de l’Isère, adopté lors de l’examen de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en première lecture à l’Assemblée nationale, pose le principe d’un encadrement des modalités d’engagement des commerces de détail indépendants dans les réseaux de distribution. Soutenue par le Gouvernement, cette mesure est inspirée des propositions formulées par l’Autorité de la concurrence dans son avis du 7 décembre 2010 «relatif aux contrats d’affiliation de magasins indépendants et les modalités d’acquisition de foncier commercial dans le secteur de la distribution alimentaire», mais avec un champ d’application qui dépasse celui de la distribution à dominante alimentaire. Elle s’inscrit, en outre, dans l’objectif de rééquilibrage du rapport de forces dans le secteur de la distribution alimentaire qui sous-tend la politique gouvernementale et a conduit notamment à diverses mesures prévues par la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. L’article 31 de la loi (ancien article 10 A du projet de loi), dispose ainsi que l’ensemble des contrats liant un commerçant à un réseau prévoient une échéance commune. La résiliation de l’un des contrats entraine en outre la résiliation de l’ensemble des contrats liant les parties qui ont pour but commun l’exploitation d’un magasin et comportent des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice de l’activité commerciale du commerçant. Afin d’assurer l’efficacité de cette mesure, tout en permettant son appropriation par les acteurs, l’article prévoit en outre une entrée en vigueur différée à l’expiration d’un délai d’un an. Sensible aux préoccupations des professionnels, le Gouvernement s’est montré ouvert à la discussion tout au long de

l’examen de la loi par le Parlement et a finalement apporté son soutien à une rédaction modifiée de l’article, prenant en compte les inquiétudes formulées. La limitation de la durée d’engagement des commerçants ne figure donc plus dans le texte finalement adopté. Les parties sont ainsi libres de définir la durée et l’échéance des contrats dont la tacite reconduction reste possible. Enfin, les clauses de non-concurrence ne sont plus prohibées que dans les limites fixées par le droit européen. Enfin, en vue d’améliorer encore le dispositif, le texte adopté prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement, présentant des mesures concrètes pour renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution.

DECISIONS INTERESSANTES

Obligation d’information précontractuelle et contrôle

de la Cour de cassation Cass. civ. 1ère 3 novembre 2016, pourvoi n°15-24.886

Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation procède parfois à un contrôle restreint de la motivation des arrêts de cours d’appel relatifs à l’obligation d’information précontractuelle. Pour approfondir : Estimant que le franchiseur avait commis un dol à leur égard, en ne respectant pas les exigences des articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce, le franchisé et son dirigeant l’avaient assigné en nullité du contrat de franchise. En substance, ils reprochaient au franchiseur : - de leur avoir sciemment dissimulé les raisons pour

lesquelles l’exploitation du précédent franchisé, situé sur le territoire sur lequel ils étaient eux-mêmes candidats, à 500 m de leur propre restaurant, s’était soldée par un échec ;

- d’avoir manqué à son obligation de présenter loyalement le réseau d'exploitants et le nombre d'entreprises ayant cessé de faire partie de ce réseau au cours de l'année précédant la délivrance du DIP ;

- de leur avoir transmis des chiffres prévisionnels erronés afin de la convaincre d'adhérer au réseau.

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La Cour d’appel (CA Colmar, 24 juin 215, inédit) avait suivi le raisonnement du franchisé et de son gérant et avait prononcé la nullité du contrat de franchise, au motif que le franchiseur avait transmis « des informations qui ne peuvent être qualifiées d'erreur de sa part mais qui, à l'opposé, par leur caractère erroné et dénué de sérieux, sont révélatrices de la volonté délibérée de sa part de tromper le consentement de son cocontractant ». Le moyen unique présenté au soutien du pourvoi s’articulait comme suit :

- le dol n'est constitué que lorsque les manœuvres

dolosives ont entraîné une erreur du cocontractant ; qu'au cas présent, la société franchiseur faisait valoir devant la cour d’appel que, dans la mesure où il était constant que M. X... avait été informé de l'adresse du précédent point de vente à Mérignac et que celui-ci se situait à 500 m de son propre point de vente, il avait nécessairement connaissance de la circonstance que ce point de vente avait fermé depuis lors ; qu’en retenant que la société franchiseur aurait volontairement caché à son cocontractant la fermeture du premier point de vente à Mérignac, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la société YSMB et M. X... n'en avaient pas nécessairement eu connaissance par eux-mêmes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1382 du Code civil ;

- la société franchiseur faisait valoir devant la cour

d’appel qu'au cas présent, M. X... n'avait pas considéré les calculs de profitabilité et de comptes prévisionnels comme un élément déterminant de son consentement dans la mesure où M. X... avait souhaité conclure « le plus rapidement possible » et qu'il n'avait réalisé les prévisionnels que postérieurement au consentement donné ; que, pour toute réponse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « à l'évidence, l'établissement des comptes prévisionnels sont un élément déterminant du processus de consentement » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs généraux et abstraits, sans rapport avec les faits de l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

- l'erreur, provoquée par dol ou non, est un décalage entre la réalité et la représentation qu'en a eu l'une des parties ; que le simple fait que les résultats prévus ne soient pas atteints n'établit pas une erreur de la part du franchisé dès lors qu'il n'est pas établi que cet échec est imputable au caractère exagérément optimiste des résultats prévus, ce qu'il appartient à la cour de vérifier ; qu’au cas présent,

pour caractériser une erreur sur la rentabilité, la cour d'appel s'est bornée à constater que la société Y… n'avait pas réalisé les résultats escomptés ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni établir que cet échec aurait été imputable à des données exagérément optimistes communiquées par la société franchiseur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

- la société franchiseur faisait valoir qu'en tout état de cause, les prévisions établies par M. X... auraient pu être atteintes si le trafic routier n'avait pas été fortement perturbé après l'ouverture du point de vente, toutes les routes y conduisant ayant été successivement fermées ; que la cour d'appel a retenu une erreur sur la rentabilité par cela seul que le franchisé n'avait pas atteint les résultats prévisionnels sans répondre à ce moyen ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

- la société franchiseur faisait valoir que M. X... avait lui-même choisi une surface de vente plus de quatre fois supérieure aux surfaces moyennes recommandées par la société franchiseur, ainsi qu'indiqué dans les différents documents remis à M. X..., et que ce choix, inhabituel, créait un risque que M. X... avait en toute connaissance de cause choisi d'assumer ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce moyen, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

Or, pour rejeter le pourvoi, l’arrêt commenté (Cass. civ. 1ère, 3 novembre 2016, pourvoi n°15-24.886) retient : - « Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs

propres et adoptés, qu'il résultait des contrats de partenariat par elle conclus que la société S … s'engageait à fournir au partenaire les statistiques commerciales et les performances des autres établissements du réseau N …, avec l'affirmation que ces informations étaient indispensables à l'évolution de l'enseigne et aux performances du réseau, qu'il appartenait impérativement à celle-ci d'informer son cocontractant de la cessation d'exploitation de l'enseigne dans la même zone de chalandise, et, plus généralement, que la société S … avait l'obligation de faire une présentation loyale du réseau d'exploitants, l'arrêt retient qu'en occultant les raisons de l'échec du précédent franchisé ainsi que les répercussions qui en ont découlé sur le secteur au regard de la réputation commerciale de l'enseigne, en procédant à une présentation erronée du réseau et en opérant une transmission erronée des chiffres prévisionnels, le franchiseur a enfreint

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son obligation de sincérité sur des données nécessairement déterminantes au regard du consentement du franchisé et que les informations transmises, par leur caractère erroné et dénué de sérieux, sont révélatrices de la volonté délibérée de la société S … de tromper le consentement de son cocontractant » ; « Que, par ces seules énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses propres constatations rendaient inopérantes, a satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile et légalement justifié sa décision ».

L’observateur peut être un peu surpris. Que la cour d’appel dispose d’une appréciation souveraine est certes parfaitement justifié ; ce rappel n’inspire en soi aucune remarque particulière. Toutefois, on peut être troublé à l’idée que la Cour de cassation n’ait pas réagi outre mesure à l’argument selon lequel la cour d’appel ait violé l'article 455 du Code de procédure civile, en ne répondant pas aux conclusions du franchiseur, selon lequel le prévisionnel litigieux avait été remis postérieurement à l’échange des consentements, ce qui – par hypothèse – interdisait de retenir tout vice du consentement de ce chef. Ainsi que le soulignait le pourvoi, la formule adoptée par la cour d’appel (« à l'évidence, l'établissement des comptes prévisionnels sont un élément déterminant du processus de consentement ») était bien sans aucun rapport possible avec les faits de l'espèce, et aurait mérité (selon nous) une autre réponse de la cour suprême.

En effet, si l’on reprend les termes exacts du dernier attendu (précité) de l’arrêt commenté, la Cour de cassation semble indiquer que le défaut de réponse à conclusions imputable à la cour d’appel était finalement sans incidence sur la solution du litige, dès lors qu’au cas d’espèce l’arrêt critiqué avait retenu d’autres griefs (« la cour d'appel n'était pas tenue de (…) procéder à des recherches que ses propres constatations rendaient inopérantes … ») et que, ce faisant, « la cour d'appel n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ». Certes, pareil raisonnement est usuel, mais encore faudrait-il que l’arrêt de la cour d’appel soit suffisamment précis dans sa motivation (ici les motifs étaient bien généraux et abstraits) pour mettre la Cour de cassation en mesure de vérifier que ces griefs aient été, dans l’esprit même de la cour d’appel, de nature à

pouvoir justifier à eux seuls le prononcé d’une solution identique. A rapprocher : Interprétation et portée des arrêts de la Cour de cassation en matière civile, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°661, 15 mai 2007, p.6. ; v. aussi, le sort du moyen tiré du « défaut de réponse à conclusions », pouvant justifier selon les cas le rejet du pourvoi comme la cassation, cf. Voulet, L'interprétation des arrêts de la Cour de cassation, JCP G, 1970, I, n ° 2305. Information précontractuelle et nullité du contrat de

franchise CA Paris, 15 juin 2016, RG n°13/16638

Ce qu’il faut retenir : Le manquement à l’obligation d’information précontractuelle par la tête de réseau ne saurait constituer un dol par réticence susceptible d’entraîner la nullité du contrat de franchise qu’à condition de démontrer le caractère intentionnel du manquement, le caractère déterminant de ce dernier et le vice du

consentement du cocontractant en ayant découlé. Pour approfondir : Une tête de réseau a conclu, deux contrats de franchise avec deux sociétés distinctes, créées et gérées par la même personne physique, respectivement en 2004 et en 2006. Le 19 juin 2009, chacun des deux contrats de franchise ont ensuite été renouvelés entre les parties. Dans cette affaire, les deux sociétés franchisées et leur dirigeant commun ont demandé la nullité des contrats de franchise de 2006 et 2009, estimant que leur consentement avait été vicié en raison de prétendus manquements du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle prévue à l'article L.330-3 du Code de commerce. Au terme d’une analyse circonstanciée, la Cour d’appel déboute les franchisés de toutes leurs demandes relatives à la nullité des contrats de franchise ; plus précisément, la Cour a considéré : 1/ Concernant le contrat de 2006 : la Cour d’appel rappelle, d’une part, que le dol par rétention d'information ne peut être constitué que si un manquement à une obligation précontractuelle d'information présente un caractère intentionnel, et a été déterminant dans le consentement de la partie qui

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soutient avoir été victime de dol et, d’autre part, que le manquement à l'obligation d'information précontractuelle n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé. En l’espèce, pour débouter les franchisés de leur demande de nullité, la Cour retient que : - l'échec du précédent master-franchisé n'a pas été

dissimulé puisqu'il est expliqué par le DIP ;

- la jeunesse de la société franchiseur en France lors de la signature du contrat de franchise y était aussi précisée ;

- le gérant de la société franchisée bénéficiait d'une longue expérience comme directeur de société puis comme gérant franchisé d’une autre enseigne, qui lui permettait d'apprécier parfaitement les risques pris et les perspectives offertes au moment de la signature du contrat de franchise ;

- le franchiseur étant concessionnaire en France des franchises de l’enseigne et autorisé à accorder des franchises en France et en Europe, de sorte que les pertes de l’une de ses filiales - qui ne disposait pas du pouvoir de conclure des franchises - ne concernaient pas la société franchisée, avec laquelle elle n'était pas en relation ;

- les comptes des exercices 2004 et 2005 de la société franchiseur précédant la signature du contrat de franchise en 2006 étaient joints au DIP, conformément à l'article R.330-1 du Code de commerce ;

- la liste des franchisés jointe au DIP permettait à la société franchisée et à son gérant de prendre leur attache, et de se renseigner sur le fonctionnement de la franchise ;

- le fait que la société franchiseur n’était plus « master-franchisé » en décembre 2006 lors de la signature du contrat de franchise mais « sous-master franchisé » n’était pas de nature à inquiéter la société franchisée sur l'orientation du réseau, alors que son gérant en faisait déjà partie depuis 2004 ;

- l'absence de l'étude de potentiel, qui devait être réalisée par un prestataire extérieur, ne saurait caractériser le dol pour défaut d'information, la société franchisée ne pouvant soutenir avoir été trompée par ce manquement alors que son gérant était franchisé du réseau depuis 2004, la Cour

relevant de surcroit la grande proximité géographique entre les deux points de vente ;

- le franchisé est un commerçant indépendant sur

lequel repose le devoir de se renseigner et de procéder lui-même aux vérifications, notamment en interrogeant les autres points de vente ;

- lors de la signature du contrat en 2006, il revenait à

son gérant - qui était déjà franchisé depuis 2004 - d'établir des comptes de prévision en intégrant les informations qu'il devait, en professionnel avisé et au vu de sa connaissance de la franchise, recueillir afin d'analyser la fiabilité et la rentabilité économique de son projet ;

- le DIP fourni à la seconde société en 2006 contenait des développements relatifs au montant des dépenses et investissements spécifiques à réaliser avant le début de l'exploitation.

Au regard de ce qui précède, la Cour a conclu que le franchisé « n’a pas démontré une absence de sincérité ou une tromperie intentionnelle de la part de la société [franchiseur], commise afin de provoquer une erreur de [la société franchisée] déterminante de son consentement, révélatrice d'un dol dans le cadre de l'information précontractuelle transmise avant la conclusion du contrat du 16 décembre 2006 ». En outre, s'agissant du grief de l'erreur, le franchisé soutient que son consentement a été donné par erreur, ou avoir commis une erreur sur les qualités substantielles du contrat de franchise et avoir été trompé sur l'espérance de gain liée à la conclusion du contrat de franchise. La Cour rejette également la demande de nullité du franchisé fondée sur l’erreur, aux motifs que : - le gérant de la société franchisée était déjà

franchisé du réseau depuis 2004 et bénéficiait, lors de la signature du contrat de 2006, d'une importante expérience antérieure de franchisé ;

- il avait donc la connaissance du réseau de franchise,

de son fonctionnement et notamment des marges effectuées par le franchiseur sur les matières premières ;

- la réalisation des résultats escomptés est dépendante de facteurs inhérents à l'exploitation et à la gestion de la société par son dirigeant, qui est responsable du fonctionnement de la société ainsi que des décisions dont dépend la réalisation du chiffre d'affaires et des bénéfices.

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En l'espèce, la Cour a relevé que le rapport d'intervention réalisé dans les locaux exploité sous l’enseigne relève notamment un défaut de visibilité du commerce, des problèmes d'hygiène et de propreté, ainsi que des problèmes relevant de la gestion du personnel (retards, absences), un repreneur potentiel ayant également témoigné de ce manque de tenue. 2/ Concernant les contrats de 2009 : la Cour d’appel de Paris a considéré que le dol ne peut être déduit du seul constat de la non-remise par le franchiseur d’un DIP préalablement à la conclusion des contrats de franchise renouvelés ; il incombe au franchisé de démontrer que ce défaut d’information a eu pour effet de vicier son comportement. En l'espèce, pour conclure que la non-transmission du DIP lors du renouvellement des contrats de franchise n’est pas de nature à avoir vicié le consentement des franchisés, la Cour relève que : - les sociétés cocontractantes étaient déjà

franchisées lors de la conclusion des contrats de renouvellement, depuis respectivement 5 ans et 2 ans et demi ;

- elles connaissaient donc la franchise, son réseau et son mode de fonctionnement, ainsi que le marché local ;

- leur gérant depuis l'origine bénéficiait aussi d'une grande expérience préalable de franchisé et de dirigeant de société, de sorte qu'il avait une connaissance certaine de l'enseigne, de la logique même de fonctionnement d'une franchise et de la gestion d'une société franchisée.

A rapprocher : Article L.330-3 du Code de commerce. Information précontractuelle et nullité du contrat de

franchise CA Rennes, 26 janvier 2016, RG n°14/00310

Ce qu’il faut retenir : Les juges du fond, confrontés à la demande de nullité du contrat de franchise, se livrent à une analyse in concreto des faits qui sont soumis à leur interprétation ; en l’espèce, les juges ont estimé que le franchisé ne démontre pas l’existence d’un manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle de nature à caractériser un dol ou une erreur sur la rentabilité de l’exploitation entraînant la nullité du contrat de franchise.

Pour approfondir : Dans cette affaire, la Cour d’appel de Rennes a ainsi eu à trancher le point de savoir si un franchiseur a commis des manquements à l’obligation d’information précontractuelle, mise à sa charge par les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce, susceptibles de caractériser un dol ou une erreur sur la rentabilité de l’exploitation du magazine et entraînant la nullité du contrat de franchise. Au terme d’un raisonnement très circonstancié, la Cour d’appel de Rennes déboute le franchisé de sa demande, estimant que ce dernier ne justifie d’aucun vice du consentement de nature à justifier l’annulation du contrat de franchise ; elle rend ici une décision plutôt sévère pour les franchisés, prenant toute la mesure de leur qualité de commerçant indépendant et leur rappelant leur devoir de « se renseigner ». Après avoir rappelé les contours de l’obligation d’information précontractuelle, la Cour d’appel relève que le franchiseur a remis au franchisé un avant-contrat de partenariat contenant les informations prescrites par les dispositions des deux textes : - sur la mention dans le document de l'évolution de

l'entreprise et du réseau d'exploitants : la Cour relève que le document d’information précontractuelle communiqué était conforme aux prescriptions légales « la seule indication manquante étant la date de conclusion ou de renouvellement des contrats de franchise déjà conclus ». Elle en déduit que « cet élément n'était cependant pas de nature à vicier le consentement du candidat à l'affiliation au réseau dans la mesure où les autres informations communiquées concomitamment lui permettaient de prendre conscience du caractère récent et peu développé du réseau. Les intimés n'indiquent d'ailleurs pas en quoi la précision manquante aurait dissuadé [le franchisé] de conclure le contrat. » ;

- sur l’état du marché local et ses perspectives de développement : sur ce point la Cour a estimé que l'avant-contrat contenait une présentation du marché à la fois sur le plan général et local, au cours de l'année 2004, dernière année dont les résultats étaient publiés, cette présentation étant étayée par des annexes analysant notamment la structure de la demande locale, la population et le tissu économique de la ville et du département d’implantation, chiffres qui, comparés à la moyenne nationale française, révélaient le manque de dynamisme de la zone concernée. La Cour en déduit que « ces éléments qu'il appartenait au candidat à la franchise d'étudier attentivement satisfaisaient aux prescriptions du texte sus-rappelé. En effet, si le

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franchiseur doit un certain nombre d'informations sur son propre réseau, il ne lui incombe pas de se substituer au candidat pour l'appréciation du risque de l'entreprise, en effectuant, à sa place, sauf convention contraire non souscrite en l'espèce, une étude de marché pour déterminer la clientèle potentielle. Il incombait notamment au franchisé de se renseigner sur la viabilité économique de son projet en se procurant les résultats des sociétés se trouvant dans une situation comparable à la sienne, telle la société établie à Carcassonne qui lui a procuré la formation promise par le franchiseur » ;

- sur la prise en compte des compétences du

candidat franchisé : la Cour relève que le candidat est un ancien VRP « dans le secteur de la publicité pour radio dans la même zone géographique qu'il connaissait et avait choisie, était expérimenté et informé de l'état du marché local » ; en outre, le candidat avait, préalablement à la souscription du contrat, communiqué diverses informations au franchiseur de nature à démontrer sa connaissance du marché et de la concurrence ; la Cour en conclut qu’ « il ne démontre pas dès lors en quoi le caractère prétendument insuffisant des informations contenues dans l'avant-contrat aurait provoqué une erreur de sa part sur la rentabilité de son projet » ;

- sur la non-réalisation du chiffre d’affaires

escompté : la Cour considère que le franchisé ne peut reprocher au franchiseur de n'avoir pas réalisé le chiffre d'affaires escompté « alors qu'il a établi seul le prévisionnel que le franchiseur n'avait pas à valider et dont les résultats n'étaient d'ailleurs pas grossièrement sous-évalués par rapport au chiffre d'affaires effectivement réalisé par [le franchisé] ». L’analyse des chiffres du prévisionnel ne peut, selon la Cour, « caractériser une erreur substantielle sur la rentabilité du concept et encore moins une erreur provoquée par le franchiseur qui démontre qu'avec une production identique, d'autres membres du réseau parviennent à dégager des résultats bénéficiaires » ;

- sur les prétendues manœuvres dolosives du

franchiseur constitutives d’un dol : la Cour estime que, à la demande du candidat, le franchiseur a transmis « les bilans comptables de son franchisé de Tours (qui révélait un résultat bénéficiaire de 12 760 euros sur quatorze mois pour un chiffre d'affaires de 393 482 euros, soit une moyenne mensuelle de 28 105 euros) ne constitue pas une manœuvre dolosive de nature à induire en erreur dès lors que l'information était exacte, que le secteur géographique concerné était porté à la

connaissance du destinataire qui avait les compétences nécessaires pour en extrapoler les résultats en fonction du secteur sur lequel il envisageait de s'installer dont il connaissait, mieux que le franchiseur, le potentiel, et enfin que ceci répondait à une sollicitation [du candidat] » ;

- sur la comparaison avec d’autres membres du

réseau dont l’activité s’exerce dans des conditions similaires : la Cour apprécie le réalisme du prévisionnel par comparaison avec les données d’autres franchisés du réseau exerçant leur activité dans des conditions similaires et déduit que le chiffre d’affaires prévisionnel du candidat franchisé est cohérent ;

- sur le choix du lieu d’implantation : la Cour rappelle

que « le choix du lieu d'implantation de la franchise ne relevait pas du savoir-faire du franchiseur mais de la responsabilité du franchisé. Dès lors qu'aucune étude du marché local, ni aucun prévisionnel n'avaient été effectués par le franchiseur à qui n'incombaient pas ces diligences, le franchisé ne peut lui reprocher d'avoir provoqué l'erreur qu'il soutient avoir commise sur l'appréciation de la rentabilité de son projet » ;

- sur l’existence de circonstances externes

expliquant les résultats réalisés : la Cour juge que « le fait que la rentabilité du contrat se soit avérée inférieure aux résultats escomptés s'explique par des paramètres multiples et en particulier, les choix de gestion du franchisé qui s'est démarqué du concept en multipliant les activités accessoires, génératrices de charges d'exploitation (local commercial, recours à plusieurs salariés, etc.) ».

En conséquence de ce qui précède, la Cour juge que le franchisé ne démontre l’existence d'aucun vice du consentement justifiant l'annulation du contrat de franchise ; elle déboute donc le franchisé de sa demande. A rapprocher : Le devoir du franchisé de « se » renseigner (Etude d’ensemble).

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La responsabilisation juste du franchisé dans la phase précontractuelle

CA Riom, 4 mai 2016, RG n°14/02330 Ce qu’il faut retenir : Le candidat qui signe un contrat de franchise le fait à titre professionnel et se doit d’étudier attentivement les éléments déterminant son consentement, notamment son prévisionnel. Pour approfondir : Un franchisé a assigné son franchiseur en justice afin, notamment, de faire prononcer la nullité du contrat pour dol s’agissant d’éléments ayant, selon lui, déterminé son consentement à la signature du contrat de franchise. Il formule à ce titre les griefs habituels tirés du défaut de l’information précontractuelle reçue (fausseté du DIP) et l’écart significatif entre ses prévisionnels et les chiffres d’affaires effectivement réalisés au titre de ses premières années d’activité. Les juges du Tribunal de commerce comme la Cour d’appel de Riom rejettent cette demande d’annulation du contrat. La motivation a le mérite d’être claire et justifiée au regard de la qualité du franchisé qui – et cela est souvent oublié – est un commerçant indépendant agissant donc en tant que professionnel. S’agissant de l’information précontractuelle : Le franchisé se plaignait de n’avoir pas reçu une information sincère de l’évolution du réseau et de la rentabilité du concept. A ce titre, le franchisé reprochait à son franchiseur de lui avoir dissimulé le nombre anormal de fermetures : -70% des franchisés de 2001 à 2011, dont 53 franchisés entre 2007 et 2011 à la suite du placement en redressement judiciaire de l’ancien franchiseur. La Cour relève pourtant que le DIP indiquait que le réseau avait connu 15 fermetures entre 2009 et 2011 pour seulement 5 ouvertures. S’agissant du caractère irréaliste des prévisionnels : Le franchisé se plaignait de ce que son franchiseur avait avalisé un compte de résultat prévisionnel annonçant un prévisionnel de 135 000 euros la première année d’exploitation alors que, dans les faits, le franchisé n’a pu réaliser que 33 000 euros au titre de sa première année. Sur ce grief, la Cour rappelle que le prévisionnel fourni par le franchiseur était un prévisionnel type qui ne prenait pas en compte les spécificités locales, notamment révélées par l’état local de marché (pour

lequel la Cour souligne très justement qu’il « ne constitue pas une étude du marché ») mentionnant la présence de 9 concurrents dans une zone de chalandise très limitée (19 000 habitants). Le franchisé avait d’ailleurs lui-même réalisé, avec son expert-comptable, des prévisionnels beaucoup moins optimistes que les prévisionnels type fournis par le franchiseur. D’une manière générale, la Cour déduit de tous ces éléments que « Mme C., qui s’engageait à titre professionnel avec le concours de son expert-comptable pour la présentation de son compte d’exploitation prévisionnel, ne pouvait que déceler qu’elle adhérait à un réseau qui avait connu une importante défaillance s’étant traduite par un redressement judiciaire et qui se trouvait en pleine restructuration avec tous les aléas que cela comporte […] Mme C. ne pouvant sérieusement ignorer les difficultés du réseau PHYSIOMINS auquel elle adhérait ». Le franchisé ne peut donc être passif et prétendre subir l’information qui lui est donnée ; il s’agit d’un professionnel responsable à ce titre de son assimilation des éléments présentés à lui. A rapprocher : Cass. com., 5 janvier 2016, pourvoi n°14-15.705.

Dol par réticence et nullité Cass. com., 30 mars 2016, pourvoi n°14-11.684

Ce qu’il faut retenir : Avant même l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation reconnait une nouvelle fois le dol par réticence comme cause de nullité d’une convention, alors qu’aucune obligation d’information ne pesait sur les cédants ; le fait pour les cédants d’avoir ainsi gardé le silence sur une information jugée déterminante pour le consentement du cessionnaire justifie que soit prononcée la nullité de l’acte de cession conclu en présence d’un dol. Pour approfondir : En l’espèce, les faits dont a eu à connaître la Cour de cassation étaient les suivants. Les époux X. ont cédé à la société U. les parts qu’ils détenaient dans le capital social de la société M. La société U. a assigné les époux X. en vue d’obtenir la nullité de la cession intervenue, la restitution du prix versé et l’allocation de dommages et intérêts car son consentement aurait été vicié. Les juges du fond ont fait droit à cette demande et la Cour

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de cassation a confirmé la position adoptée par la Cour d’appel, en dépit des arguments avancés par les époux X. Ces derniers ont ainsi mis en avant le fait que, seul un dol incident, et non un dol principal, était caractérisé (en cas de dol principal, la victime du dol n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance de la réalité et, en cas de dol incident, la victime, si elle avait eu connaissance de la réalité, aurait tout de même contracté, mais à des conditions différentes, et notamment à un prix différent). La Haute Cour relève que les époux X. ont, « par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu’ils avaient dissimulé à la société U. les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise » ; de ce fait, les magistrats ont retenu que ces éléments étaient déterminants pour le cessionnaire et qu’en conséquence ce dernier n’avait pas été « en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de la société ». Le dol par réticence est ainsi de nouveau consacré par la jurisprudence au travers de cette décision, ce alors qu’aucune d’obligation d’information ne pesait sur les cédants. On soulignera que cette décision a été rendue par la Cour de cassation avant l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, prévue le 1er octobre 2016. Le nouvel article 1137 alinéa 2 du Code civil sera ainsi rédigé de la façon suivante : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie » ; le dol par réticence est ainsi pleinement reconnu. Il suffira qu’une partie garde le silence sur une information dont elle connait le caractère déterminant pour son partenaire pour que l’acte encoure la nullité, sans qu’il y ait besoin de se référer à l’existence d’une obligation d’information. A rapprocher : Article 1116 du Code civil.

Rejet d’une demande en annulation d’un contrat de franchise

CA Paris, 2 mars 2016, RG n°13/23068 Ce qu’il faut retenir : La demande de nullité d’un contrat de franchise pour vice du consentement et absence de cause s’apprécie in concreto. Le franchisé qui invoque au soutien de sa demande un consentement vicié pour défaut de remise d’état local du marché alors qu’il ressort du contrat qu’il a attesté avoir analysé le marché local et remis cette analyse au franchiseur, verra sa demande rejetée. Pour approfondir : En l’espèce, une société avait conclu un contrat de franchise pour une durée de cinq ans avec un franchiseur du secteur du conseil en gestion de patrimoine. Un an plus tard, le franchisé signait une convention de commercialisation de ses prestations avec un fonds d’investissement, les commissions générées devant être intégralement reversées au franchiseur, à charge pour ce dernier de reverser les commissions générées à la société franchisée. Le franchiseur résiliait le contrat de franchise pour non-respect des obligations contractuelles plusieurs mois plus tard. Le franchisé s’est vu assigner devant le tribunal de commerce de Paris et a invoqué en défense la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement et défaut de cause. C’était l’arrêt dont il a été interjeté appel. Confirmant ainsi le jugement du tribunal de commerce de Paris, la Cour d’appel de Paris a écarté les moyens invoqués au soutien de la demande de nullité et rejeté la demande derechef. Concernant le vice du consentement, le franchisé soutient que son consentement a été vicié en raison du défaut de présentation du marché local dans le DIP. Si l’état local du marché a incontestablement toute son importance (CA Paris, 20 nov. 2013, RG n°12/10268), en l’espèce, il résulte des énonciations même du contrat de franchise que le franchiseur avait communiqué les éléments nécessaires à l’établissement du marché local propre à l’enseigne et que le franchisé avait analysé le marché existant sur la zone de chalandise et qu’il avait communiqué ladite étude au franchiseur. La Cour d’appel déduit exactement que, compte tenu des énonciations même du contrat de franchise, le consentement du franchisé n’a pu être vicié en raison d’un défaut d’état local de marché et rejette en conséquence le moyen. Et l’on sait

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que la Cour d’appel de Paris stigmatise souvent l’idée selon laquelle l’absence de communication d’un état du marché local n’implique pas nécessairement la nullité du contrat (CA Paris, 7 oct. 2015, RG n°13/09827 ; CA Paris, 17 déc. 2014, RG n°13/08615). Concernant le défaut de cause, il est reproché au contrat d’être dépourvu de savoir-faire transmissible, élément essentiel du contrat de franchise. Cependant, la Cour d’appel a estimé que le savoir-faire éprouvé se manifestait à la fois dans la formation initiale et dans des manuels opératoires apportant des informations non connues du public sur le concept et que lesdits manuels ont été remis à l’issue de la formation initiale par le franchiseur, remplissant par là son obligation. Qu’en conséquence, le contrat litigieux n’était pas dépourvu de cause, la Cour d’appel rejette le moyen. Par cette décision, la Cour d’appel a défini plus encore le prisme de la recevabilité des demandes de nullité des contrats de franchise invoquées par les franchisés. Dès lors qu’il est demandé au juge de se prononcer sur le vice du consentement ou la transmission du savoir-faire, celui-ci procède à une appréciation in concreto et stricte des causes de nullité soulevées. Il appartient au juge de se fonder d’une part sur la lettre même du contrat et des pièces versées au débat. Ainsi, en l’espèce, quatre volumes d’un manuel opératoire apportant des informations non connues du public sur le concept transmis au franchisé ont suffi à rejeter la demande de nullité fondée sur l’absence de cause. A rapprocher : CA Paris, 7 oct. 2015, RG n°13/09827 et notre commentaire. Le dol dans le défaut d’information précontractuelle

reste à prouver CA Bordeaux, 9 février 2016, RG n°13/07454

Ce qu’il faut retenir : Bien que bon nombre de contentieux en droit de la franchise prennent du terrain sur le défaut d’information précontractuelle, la preuve du dol causé est et reste absolument indispensable. Pour approfondir : En l’espèce, une personne physique a signé un contrat de franchise pour le compte de la future société franchisée et, deux ans plus tard, s’est engagée à titre de caution pour l’obtention d’un prêt au bénéfice de ladite société.

A la suite du placement de la société franchisée en liquidation judiciaire deux ans et demi après la signature du contrat de franchise, le dirigeant personne physique et la société franchisée (représentée par son liquidateur) ont (notamment) assigné le franchiseur en nullité du contrat de franchise sur la base d’un document d’information précontractuel lacunaire, celui-ci ne comportant pas selon eux l’état du marché local et ses perspectives de développement, ainsi que sur une erreur quant à la rentabilité de l’entreprise. Cette demande a été rejetée par le Tribunal de commerce de Bordeaux du 8 juillet 2013. La Cour d’appel de Bordeaux a donc eu à rejuger des faits suite à l’appel interjeté par le liquidateur de la société franchisée et son dirigeant. Une fois n’est pas coutume, la Cour a rappelé que le simple défaut allégué d’une information précontractuelle – information imposée par les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce – ne suffisait pas à obtenir la nullité du contrat de franchise signé sur cette base et l’indemnité du préjudice en découlant. En effet, la Cour relève que la charge de la preuve du dol repose sur celui qui l’invoque. Or, la preuve de la remise d’un DIP a bien été faite par le franchiseur qui verse au débat un accusé de réception signé du franchisé comme ayant reçu un DIP de 66 pages. En outre, cet accusé de réception indiquait une date précédant de plus de 20 jours (délai minimum légal) la date de signature du contrat de franchise. Enfin, outre le fait que les juges relèvent le manque de démonstration par le franchisé dans l’établissement du dol (lequel ne procède que par voie d’affirmations, voire sous forme de questions donc sous forme « dubitative »), les appelants ne s’expliquent pas sur les contradictions présentes dans leurs déclarations : le contrat de franchise indiquait que le franchisé « avait pris connaissance plus de vingt (20) jours avant la date de signature des présentes du document d’information précontractuel répondant aux exigences légales et règlementaires, étant donc renseigné au sens de l’article L.330-3 du Code de commerce » et que « le franchisé s’engage donc en connaissance de cause, notamment sur les chances de succès de l’opération, connaissant les caractéristiques essentielles de l’entreprise, du marché et du contrat proposé ». Cet arrêt constitue donc un rappel de ce qui devrait être la base de toute action en nullité du contrat de franchise (ou de tout autre contrat de distribution soumis aux exigences de l’article L.330-3 du Code de commerce), à savoir que le franchisé doit impérativement subir un préjudice causé par le défaut

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d’information allégué et que ce défaut d’information comme ce préjudice doivent être prouvés. Pour clin d’œil, on soulignera aussi ici l’utilité des déclarations du franchisé reprises dans le contrat de franchise portant sur le respect de l’information précontractuelle de rigueur. A rapprocher : Article R.330-1 du Code de commerce.

Annulation du contrat de franchise pour dol CA Colmar, 30 septembre 2015, RG n°14/02315

Ce qu’il faut retenir : Un contrat de franchise doit être annulé lorsque le franchiseur s'est livré sciemment à une présentation trompeuse et tronquée de l'ensemble du réseau et que les franchisés ne se seraient pas engagés s’ils avaient eu connaissance d'informations sincères, complètes et conformes aux dispositions des articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce. Le présent article a par ailleurs été publié aux éditions Dalloz. Pour approfondir : Insatisfaits des résultats obtenus par l’exploitation de leur activité, des franchisés avaient sollicité l’annulation de leur contrat de franchise pour dol, au motif que le document d’information précontractuelle (DIP) qui leur avait été remis ne respectait pas les dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce. Ils estimaient avoir été victimes d’une présentation volontairement incomplète et trompeuse du réseau de franchise et faisaient valoir qu’ils ne se seraient pas engagés s’ils avaient eu connaissance d'informations sincères, complètes et conformes aux dispositions précitées. Pour annuler le contrat de franchise au cas d’espèce, la Cour d’appel retient quatre séries de griefs à l’encontre du franchiseur. La motivation de cette décision est marquée par plusieurs imprécisions, qui suscitent ce commentaire. En premier lieu, la Cour d’appel reproche au franchiseur d’avoir remis un DIP dont l’état général du marché comportait des données trop anciennes. La Cour d’appel relève à ce titre « qu'il est constant que les informations et données communiquées par le document d'information précontractuelle datent pour l'essentiel des années 2003 et 2004 alors que les contrats de partenariat ont été signés en 2009 et 2010 ». Effectivement, la circonstance que les données soient anciennes est critiquable au regard des

exigences de l’article R.330-1, 4° du Code de commerce. La motivation de l’arrêt n’explicite pas toutefois la raison pour laquelle il est indiqué par ailleurs, comme pour tempérer le grief, « qu'il doit être observé que certaines données datent de l'année 2002 alors qu'il y est précisé qu'il était mécaniquement impossible de fournir des informations plus récentes ». De deux choses l’une : soit il n’était pas possible de fournir des informations plus récentes et, dans ce cas, le grief n’a pas lieu d’être (ce d’autant qu’à la lecture de l’arrêt, cette information semble même avoir été finalement portée à la connaissance des franchisés) ; soit il était possible de fournir des informations plus récentes et, dans ce cas, le grief était justifié. On notera que la Cour d’appel n’indique pas avoir vérifié l’hypothèse dans laquelle les parties se trouvaient exactement. En deuxième lieu, il est fait grief au franchiseur de n’avoir remis aucun état local du marché, au mépris de l’article R.330-1, 4° du Code de commerce. Le franchiseur ne contestait pas cette omission mais faisait valoir que les franchisés n’avaient eux-mêmes pas procédé à l’étude de marché que la jurisprudence leur impose pourtant de réaliser, au nom du devoir de se renseigner qui pèse sur tout commerçant indépendant (v. not., CA Montpellier, 21 oct. 2014, n°13/03207 ; CA Paris, 19 mars 2014, n°12/13346 ; CA Lyon, 7 Juin 2012, n°10/05159). Les parties se trouvaient donc dans la situation, assez particulière, où elles avaient failli à ce qui constitue une obligation de source légale (pour le franchiseur) et un devoir de source jurisprudentielle (pour le franchisé). Ce faisant, se posait donc la question de savoir si le franchiseur pouvait encore reprocher à son franchisé de n’avoir pas réalisé d’étude de marché ? On le sait, en pareil cas, la jurisprudence réserve des solutions apparemment divergentes (CA Paris, 19 févr. 2014, n°11/19999 ; CA Paris, 14 sept. 2011, n°09/02320 : considérant que, faute d’étude de marché, l'absence de présentation du marché local n’a pas été un élément déterminant pour le franchisé – V. en sens contraire : CA Paris, 10 sept. 2014, n°10/14533 : considérant que, s'il appartient au franchisé, sur la base des éléments communiqués par le franchiseur, de réaliser lui-même une analyse d'implantation précise, encore faut-il que les éléments essentiels fournis par celui-ci pour éclairer son cocontractant soient exacts et lui permettent de se déterminer en toute connaissance de cause). La divergence de ces solutions s’explique par des considérations d’ordre factuel, échappant par nature au contrôle de la Cour de cassation (Cass. com., 28 mai 2013, n°11-27.256). A ce titre, l’arrêt commenté retient successivement « que ces informations sont essentielles puisque seul le concédant est en mesure de fournir une évaluation de la clientèle locale potentielle », puis qu’il « ne peut être utilement reproché aux candidats à la

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franchise de ne pas s'être livré eux-mêmes à cette étude en l'absence de données préalables pour ce faire ». Deux remarques s’imposent. Tout d’abord, la Cour d’appel ne répond pas à l’argumentation du franchiseur, qui soulignait pourtant que les franchisés avaient disposé d’un délai de réflexion important, laissant supposer qu’ils n’avaient pas pu être trompés ou, à tout le moins, que l’absence d’état local du marché n’avait pas été déterminante de leur consentement. Ensuite, on notera que, par l’emploi des termes « cette étude », la Cour d’appel semble confondre l’état local du marché (que le franchiseur doit remettre) avec l’étude de marché (que le franchisé doit réaliser). En troisième lieu, il est fait grief au franchiseur de n’avoir « fait état d'aucun établissement pilote au sein duquel le concept aurait été éprouvé ». Si l’existence d’une ou plusieurs unités pilote est évidement préférable, deux remarques s’imposent. Tout d’abord, contrairement à ce que la Cour d’appel semble indiquer, l’exploitation d’une unité pilote par le franchiseur n’est pas indispensable, aucun texte à valeur contraignante ne l’exigeant (v. en ce sens, CA Versailles, 24 nov. 2005, n°04/04461 ; CA Versailles, 27 mai 1993, Juris-Data n°1993-045068). Ensuite, le franchiseur n’encourt aucun grief dès lors que le franchisé savait qu’il n’existait aucune unité pilote (CA Aix-en-Provence, 22 juin 2007, n°05/05513 ; CA Rouen, 14 mai 1992, Juris-Data n°048824), ce qui semble avoir été le cas en l’espèce. En quatrième lieu, il est reproché au franchiseur d’avoir remis un DIP comprenant une présentation incomplète et trompeuse du réseau. Telle est l’appréciation souveraine à laquelle se livre la Cour d’appel. On peut toutefois regretter, à la lecture de la motivation de l’arrêt, que les dispositions de l’article R.330-1, 5° du Code de commerce ne soient pas visées, ni qu’on sache exactement si les mentions requises par ce texte avaient été reprises ou non par le franchiseur dans le DIP. A rapprocher : Le devoir du franchisé de "se" renseigner (Etude d'ensemble - Mai 2015).

Le franchiseur n’est pas « débiteur légal » d’une obligation de fourniture d’une étude de marché

CA Paris, 22 novembre 2016, RG n°14/14778 Ce qu’il faut retenir : La Cour d’appel de Paris vient de juger, par une décision erronée en droit, que le franchiseur se trouverait « débiteur légal » d’une obligation de fourniture d’une « étude de marché » au profit du franchisé. Pour approfondir : Statuant sur le recours formé contre une sentence arbitrale, la Cour d’appel de Paris a tout récemment retenu : « Considérant que, contrairement à ce que prétendent les recourantes, une telle décision, qui met la responsabilité du fait de l'insuffisance de l'étude de marché à la charge du franchiseur, débiteur légal de l'obligation de fourniture de ce document, ne méconnaît aucun principe d'ordre public ». La décision commentée participe d’une confusion, qu’il convient de dissiper en rappelant l’état du droit positif. En premier lieu, si le franchiseur est débiteur de l’obligation, de source légale (C. com., art. R.330-1, 4°), de fournir un « état général et local du marché », il n’est certainement pas débiteur légal d’une obligation de fournir une « étude de marché », ainsi que la Cour de cassation et les juridictions du fond s’attachent à le rappeler toutes les fois qu’un plaideur tente d’entretenir la confusion entre ces notions. Citons quelques exemples jurisprudentiels bien connus affirmant l’exact contraire de la décision commentée : - Cass. com., 25 mars 2014, n°12-29675 : « Mais

attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé à bon droit que, si les articles L. 330-3 et R 330-1 du Code de commerce mettent à la charge du franchiseur la communication d'un état et des perspectives du marché concerné, elles ne lui imposent pas la fourniture d'une étude du marché local, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que le document d'information précontractuelle qui a été remis à M. X...mentionnait les principales enseignes présentes sur la zone ainsi que des données économiques, et qu'il comportait l'avertissement que l'évolution récente du réseau ne permettait pas la communication de chiffres significatifs pour les agences spécialisées de location, invitant les parties à une prudence particulière dans l'analyse des potentialités du marché ; (…) qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine, d'où il ressort que la

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société M… avait, avant de signer le contrat de franchise, reçu les informations disponibles lui permettant de s'engager en connaissance de cause, la cour d'appel a pu rejeter la demande d'annulation fondée sur ce motif » ;

- Cass. com., 28 mai 2013, n°11-27256 : « Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que (…) s'il appartenait effectivement au franchiseur de présenter l'état général et local du marché, le candidat à la franchise devait réaliser lui-même une étude précise du marché local et que, compte tenu du temps dont M. X... avait disposé pour affiner son appréciation du marché local, les éventuels manquements à telle ou telle exigence légale n'auraient pu, de toute façon, être constitutifs d'un dol ou d'une erreur de nature à vicier son consentement ; que de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que M. X... ne rapportait pas la preuve d'un

vice du consentement » ;

- Cass. com., 11 févr. 2003, n°01-03932 : « Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé à bon droit, que la loi ne met pas à la charge du franchiseur une étude du marché local et qu'il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse d'implantation précise, l'arrêt a fait l'exacte application de l'article (…) L. 330-3 du Code de commerce, en retenant, aux termes du motif critiqué, que, dans le cas où une telle information était donnée, ce texte met à la charge du franchiseur une présentation sincère du marché local ».

L’« état général et local du marché » prévu par le texte précité désigne des données brutes ne comportant aucune part d’analyse, alors que l’« étude de marché » consiste, tout au contraire, en une analyse poussée des données chiffrées propres à un marché, qui peut comprendre des observations réalisées sur la zone de chalandise, y mesurer l’impact de la concurrence, analyser le comportement des populations cibles, réaliser des différents sondages auprès de la clientèle locale, faire état d’enquêtes réalisées auprès de professionnels ou d’études émanant d’organismes spécialisés, voire formuler des recommandations permettant au franchisé de s’adapter aux spécificités éventuelles du marché considéré. L’étude de marché est le préalable utile, souvent même nécessaire, à la détermination d’un chiffre d’affaires prévisionnel, qu’elle évalue parfois. Pour le cas où le franchiseur, quoique non tenu légalement de le faire, aurait remis une telle étude au franchisé, celle-ci doit alors être sincère (Cass. com., 1er oct. 2013, n°12-23337). Tout cela est parfaitement cohérent.

En second lieu, le franchisé est débiteur d’une obligation, de source jurisprudentielle, d’établir une étude de marché. En effet, sauf accord contraire des parties, la jurisprudence fait peser sur le franchisé une obligation de procéder lui-même (ou de faire procéder) à une telle étude de marché. L’obligation pesant ainsi sur le franchisé est constamment rappelée par la Cour de cassation et les juridictions du fond (Cass. com., 28 mai 2013, préc. ; v. aussi, par ex., CA Paris, 2 juill. 2014, n°11/19239 ; CA Paris, 7 oct. 2015, n°13/09827). Elle est le corollaire du devoir du franchisé de se renseigner. A rapprocher : notre étude : « Le devoir du franchisé de se renseigner » (mai 2015) ; voir également la jurisprudence précitée : Cass. com., 25 mars 2014, n°12-29675 ; Cass. com., 28 mai 2013, n°11-27256 ; Cass. com., 11 févr. 2003, n°01-03932 ; Cass. com., 1er oct. 2013, n°12-23337 ; CA Paris, 2 juill. 2014, n°11/19239 ; CA Paris, 7 oct. 2015, n°13/09827 ; voir enfin les observations de notre confrère Serge Meresse relatives à l’arrêt commenté (à paraître à la Revue L’Essentiel, Droit de la Distribution et de la concurrence, Janvier 2017).

Défaut ou insuffisance de l’état local du marché et validité du contrat de franchise

Cass. com., 5 janvier 2016, dix arrêts (pourvois n°14-15.700 à 14-15.710)

Ce qu’il faut retenir : Une information précontractuelle défaillante sur l’état local du marché n’est pas nécessairement de nature à conduire à l’annulation du contrat de franchise. Pour approfondir : Dix arrêts rendus le même jour par la Cour de cassation sont l’occasion de faire un état des lieux sur un aspect particulier de l’obligation précontractuelle d’information du franchiseur, la fourniture d’un état local du marché, qui figure parmi les éléments que doit comporter le DIP (articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce) remis au candidat 20 jours au moins avant la signature du contrat de franchise. Cet état local du marché, qui ne doit être confondu ni avec l’état général du marché ni avec l’étude de marché qu’il incombe au franchisé de réaliser (Cass.

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com., 11 février 2003, pourvoi n°01-03932), comporte une série d’informations actualisées et propres au territoire sur lequel le distributeur va exercer son activité. En particulier, cet état décrit la typologie de la clientèle, les potentialités de prospects, l’état de la concurrence, et les caractéristiques économiques et géographiques de la zone. Le non-respect de l’obligation d’information précontractuelle peut être sanctionné par l’annulation du contrat de franchise et, le cas échéant, l’allocation de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi par le franchisé si et seulement si ce dernier établi que cette omission a vicié son consentement. Il lui incombe donc de rapporter la preuve d’un dol de la part du franchiseur ou d’une erreur sans laquelle il n’aurait pas contracté. Dans ces affaires, des franchisés d’un même réseau critiquaient la fourniture de l’état local du marché, soit que celui-ci n’ait pas été remis soit qu’il ait été remis mais avec un contenu lacunaire. La Cour d’appel avait systématiquement rejeté les griefs formulés à l’encontre du franchiseur considérant que, nonobstant l’absence de présentation de l’état du marché local et de ses perspectives de développement ou la non-conformité de celui-ci à l’esprit de l’article R.330-1 du Code de commerce en raison de l’absence de détails et de la mention de données anciennes, les fonctions professionnelles précédemment exercées par les franchisés leur permettaient d’avoir une bonne connaissance du marché local. Aussi, la Cour en avait déduit qu’en dépit de l’absence de transmission de l’état local du marché, leur consentement n’avait pas été vicié et le contrat s’était valablement formé. Une première série de décisions (pourvois n°14-15701, 14-15702, 14-15705, 14-15710) va rejeter les pourvois et approuver les juges d’appel d’avoir considéré que l’information sur le marché local n’était pas un élément essentiel et déterminant. Dans ces affaires, pour motiver leur décision, les juges d’appel avaient tenu compte de l’expérience professionnelle du franchisé et du lieu d’exercice qui se trouvait être dans la même région que celle du lieu d’implantation. Ils avaient également retenu selon les espèces : la connaissance de la nécessité d’un plan de redressement, l’absence d’étude de marché effectuée par le franchisé ce qu’il avait déclaré dans le contrat, ou, à l’inverse, la réalisation d’une telle étude de marché. Egalement, le fait que le candidat avait été informé du caractère innovant du concept et du fait que le DIP mentionnait que la date de création de la société était concomitante à celle du réseau et précisait que le domaine dans lequel chacune des deux sociétés fondatrices avait développé son expertise ce dont il

ressortait que le franchisé avait été informé de l’absence d’exploitation préalable du concept. La Cour de cassation approuve en conséquence les juges du fond d’avoir considéré qu’au regard de ces éléments l’état local du marché ne présentait pas de caractère déterminant pour le candidat qui avait poursuivi son projet en toute connaissance de cause. La seconde série de décisions (pourvois n°14-15700, 14-15703, 14-15704, 14-15706, 14-15707, 14-15708) casse les arrêts en reprochant aux juges d’appel de ne pas avoir établi en quoi l’absence d’état local du marché ne présentait pas de caractère essentiel et déterminant pour le consentement du franchisé. Ces arrêts (de principe) sont rendus en termes quasi-identiques : « Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’expérience du franchisé, acquise dans le seul secteur de l’assurance, était suffisante pour lui permettre d’apprécier l’état du marché local d’un concept novateur alliant crédit et assurance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » et « Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’expérience du franchisé, acquise dans le domaine du crédit et dans des villes distinctes du lieu d’implantation, était suffisante pour lui permettre d’apprécier l’état du marché local d’un concept novateur alliant crédit et assurance sur la Ville de Villeneuve d’Ascq, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ». Tandis que la cour d’appel s’était contentée de mettre en exergue les expériences professionnelles dans le secteur de l’assurance ou du crédit et la connaissance de la région par le franchisé, la Cour de cassation va considérer que ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, d’établir en quoi l’information avait été suffisante pour apprécier l’état du marché local d’un concept novateur. Cet attendu appelle les observations suivantes à l’aune de la jurisprudence établie : - l’importance des antécédents du franchisé : les

références professionnelles du candidat à la franchise, en particulier son expérience professionnelle dans le secteur considéré et les lieux dans lesquels il a exercé, sont un des éléments pour apprécier le caractère déterminant de l’information omise. En d’autres termes, et cela est logique, selon le profil du candidat, l’information attendue n’est pas la même et celui qui dispose d’une longue expérience professionnelle dans le secteur économique considéré et d’une connaissance de la région ou de la ville dans laquelle il s’implante, pourra plus difficilement établir que le défaut d’information sur l’état local du marché

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constitue une défaillance importante à son égard par rapport au candidat vierge de toute expérience similaire (Pour une appréciation in concreto, v. déjà, par ex., Cass. com., 12 juin 2012, n°11-19047, LDR juillet-août 2012).

- l’incidence des caractéristiques du concept franchisé : dans ces affaires, la franchise portait sur un concept « novateur », ce que la Cour mentionne dans son attendu. Aussi, en dépit du fait que l’expérience professionnelle du candidat soit en relation avec l’un des secteurs attachés au concept, cette expérience ne portait pas sur une activité identique et ne pouvait, en soi, suffire à établir l’absence de caractère essentiel et déterminant de l’état local du marché.

Les arrêts censurés s’étaient contentés de mettre en exergue ces compétences et cette connaissance du franchisé de la région d’implantation, tandis que les arrêts approuvés avaient, en outre, relevé une série d’autres éléments factuels. Parmi eux, le fait que le franchisé ait réalisé, ou au contraire ait déclaré ne pas vouloir réaliser, d’étude de marché. La jurisprudence a déjà eu l’occasion de sanctionner le franchisé qui n’a pas réalisé d’étude de marché (CA Paris, 14 septembre 2011, RG n°09/02320 - CA Paris, 19 février 2014, RG n°11/19999), considérant qu’en l’absence de réalisation d’une étude de marché qu’il incombe au franchisé de réaliser, l’état local ne présente pas de caractère déterminant du consentement de ce dernier. En définitive, tout est question d’espèce et la seule absence de remise d’un état local du marché n’emporte pas nécessairement la nullité du contrat (CA Paris, 7 oct. 2015, RG n°13/09827). A rapprocher : CA Versailles, 19 janvier 2016, RG n°14/06042.

Défaut d’état local du marché et validité du contrat de franchise

CA Versailles, 19 janvier 2016, RG n°14/06042 Ce qu’il faut retenir : La transmission d’un DIP ne comportant pas l’état local du marché prévu à l’article R.330-1 du Code de commerce n’emporte pas nécessairement la nullité du contrat de franchise.

Pour approfondir : Dans cette affaire, le franchisé (représenté par son mandataire liquidateur) sollicitait la nullité du contrat de franchise en application de l’article 1116 du Code civil relatif au dol. Il invoquait différents griefs concernant la phase précontractuelle et, notamment, l’absence d’état local du marché. Comme chacun sait, l’état local du marché est constitué d'un ensemble de données brutes, regroupées au sein d’un document présentant les principales caractéristiques du territoire sur lequel un distributeur doit exercer son activité. Il décrit au besoin la typologie de la clientèle (Age, Sexe, CSP), le nombre de prospect sur la zone concédée, la concurrence (nombre, adresse des points de vente, politique tarifaire, chiffre d'affaires, etc.), les caractéristiques économiques et géographiques de la zone. Ces données doivent être contemporaines de la date à laquelle l’état local du marché est réalisé. L’état local du marché ne doit pas être confondu avec l'état général du marché (que le franchiseur doit intégrer au DIP), ni avec l'étude de marché (que le franchisé a le devoir de réaliser une fois le DIP remis). Or, pour écarter, en l’espèce, la demande de nullité du contrat de franchise à raison de l’absence d’état local du marché, la Cour d’appel de Versailles retient le syllogisme juridique suivant. En premier lieu, la Cour d’appel de Versailles rappelle qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est constitué « lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté », et que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à un cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter. Elle ajoute aussitôt qu'il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer son existence ; autrement dit, que le franchisé doit donc « rapporter la preuve de manœuvres, ou d'un silence, (du franchiseur) dans le dessein de les tromper ou de les conduire à contracter sans lesquelles elles n'auraient pas conclu ». Les dispositions de l'article 1116 du Code civil sont à rapprocher de celles de l’article L.330-3 du Code de commerce, applicable au contrat de franchise, selon lequel le franchiseur doit fournir à l'autre partie « un document donnant des informations sincères qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ».

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En deuxième lieu, la Cour d’appel de Versailles retient qu’au cas d’espèce, le franchiseur n’avait commis que peu de fautes dans la phase pré-contractuelle. Après avoir relevé en effet que l’essentiel des indications fournies par le franchiseur dans son DIP étaient exactes (le DIP comportait les comptes du franchiseur, décrivait son expérience professionnelle, et contenait la liste et les coordonnées des franchisés ainsi que la date de l'ouverture des magasins, « de sorte que le franchisé était en mesure de connaître l'expérience du franchiseur et l'importance de son réseau »), la Cour d’appel de Versailles retient que l’état local du marché faisait défaut. Pour retenir que le franchiseur avait manqué à son obligation de transmission d’un état local du marché, les juges du fond soulignent successivement que « le franchiseur doit présenter le marché local mais n'est pas tenu de réaliser une étude de ce marché, celle-ci incombant au candidat à l'adhésion » puis qu’en l’espèce le DIP « renvoie à des contacts pour permettre la réalisation d'un état local du marché et fournit des données générales sur la situation économique de la ville » de sorte « qu'il ne constitue pas une présentation du marché et de ses perspectives de développement ». En troisième lieu, et c’est là l’intérêt majeur de la décision commentée, la Cour d’appel de Versailles ne prononce pas pour autant la nullité du contrat de franchise, pas plus qu’elle ne retient la responsabilité du franchiseur. Elle énonce en effet que « le non-respect de l'article R. 330-1 ne donne lieu à l'annulation du contrat qu'à charge pour le franchisé de justifier d'un vice du consentement causé par cette violation, en l'espèce d'un dol » et « que les appelantes ne démontrent ni que cette absence de présentation du marché local et de ses perspectives de développement, nécessairement limitée, constitue une manœuvre ni que celle-ci a déterminé leur consentement ». On ajoutera enfin qu’au cas présent le franchisé n’avait pas pris la peine d’établir lui-même une étude de marché, qui lui incombe pourtant conformément à la jurisprudence (v. not., Cass. com., 11 février 2003, pourvoi n°01-03932), ainsi que le rappelle la Cour d’appel de Versailles ; les parties se trouvaient donc dans la situation où le franchiseur n’avait pas transmis l’état local du marché, tandis que le franchisé n’avait pas réalisé son étude, sorte de situation qui n’est pas sans rappeler, en quelque sorte, la fable de l’aveugle et du paralytique (v. sur ce point précis, F.-L. SIMON, Le franchiseur qui n'a pas remis d’état local du marché peut-il reprocher à son franchisé de n’avoir pas réalisé d’étude de marché ? (Etude comparative de CA Colmar, 30 septembre 2015, RG n° 14/02315, CA Paris,

19 février 2014, RG n°11/19999 et CA Paris, 14 septembre 2011, RG n°09/02320)). Que faut-il penser de cette décision ? Comment situer cette décision au regard de l’état du droit positif ? Quelle est l’incidence de l’absence d’état local du marché sur le succès d’une action en nullité du contrat de franchise ? Deux séries de remarques s’imposent aussitôt. Tout d’abord, la décision commentée s’inscrit dans la lignée des (désormais nombreuses) décisions retenant que la preuve du dol incombe toujours au franchisé (CA Paris, 17 décembre 2014, RG n°13/08615, et LDR janvier-février 2015) et que le juge doit à ce titre se livrer à une appréciation in concreto (CA Paris, 16 févr. 2005, Juris-Data n°273091 ; CA Paris, 13 janv. 1999, Juris-Data n°020634) ; nous entendons par là que le juge doit tenir compte d’un ensemble de circonstances propres au litige considéré ; ainsi, les critères suivants devront entrer en ligne de compte : le local exploité est-il une reprise ou une création ? Le franchisé est-il averti ou novice ? L’état local du marché, s’il avait été communiqué, aurait-il comporté des indications de nature à dissuader le franchisé de contracter ? Dans l’affirmative, le franchisé disposait-il des coordonnées des membres du réseau, a-t-il disposé d’un délai suffisant pour se renseigner et a-t-il réalisé lui-même une étude de marché ? Autant d’interrogations qui nous conduisent à une seconde observation. Ensuite, en effet, il nous semble qu’une distinction importante s’impose : - en présence d’un DIP ne comportant pas d’autres

erreurs significatives que celle résultant de l’absence d’état local du marché, la jurisprudence considère généralement que le franchisé ne démontre pas l’existence d’un dol (CA Paris, 7 oct. 2015, RG n°13/09827, LDR sept.-Oct. 2015 ; CA Paris, 17 décembre 2014, RG n°13/08615) ;

- à l’inverse, lorsque l’absence d’état local du marché

est accompagnée d’autres fautes significatives du franchiseur qui, commises au cours de la phase précontractuelle, constituent une manœuvre ayant déterminé le consentement du franchisé, la nullité du contrat de franchise est alors prononcée (CA Paris, 10 septembre 2014, RG n°10/14533 ; CA Aix-en-Provence, 4 avril 2012, RG n°11/06645, LDR Mai-Juin 2012).

Tout se tient.

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A rapprocher : Pour ce qui concerne la validité du contrat de franchise en cas d’absence d’état local du marché : CA Paris, 7 oct. 2015, RG n°13/09827 ; Cass. com., 28 mai 2013, pourvoi n°11-27.256 – Pour ce qui concerne la validité du contrat de franchise en cas d’imperfection de l’état local du marché : CA Paris, 17 décembre 2014, RG n°13/08615.

Résultats déficitaires d’un franchisé et passage au crible des causes de nullité d’un contrat de franchise

CA Versailles, 13 septembre 2016, RG n°14/05670 Ce qu’il faut retenir : Dans cette affaire, un franchisé rencontrant des difficultés économiques avait tenté de remettre en cause le contrat en formulant différents griefs envisagés sous un angle économique. La Cour, au terme d’un examen circonstancié, va écarter toute responsabilité du franchiseur. Pour approfondir : Cet arrêt très motivé reprend une à une les critiques formulées par un franchisé, qui avait déroulé devant la Cour un panel élargi de griefs à l’encontre du franchiseur. Ils avaient tous une dimension économique ce qui fait tout l’intérêt de cette décision. Sur la demande d’annulation fondée sur l’absence de cause Le franchisé expliquait que la franchise est la réitération de la réussite et que le franchiseur doit mettre à la disposition du franchisé un savoir-faire performant. Pour le contester, il visait en particulier les résultats de la société situé à New York (le pilote) et ses résultats. La Cour va rester insensible à l’argument : l’existence d’un savoir-faire ne peut se confondre avec les résultats de certaines unités ; ces résultats doivent être appréciés au regard du nombre d’établissements exploités et des résultats globaux du franchiseur. Concernant ceux-ci en particulier, elle va relever que la société du franchiseur est ancienne, comptait une centaine de points de vente lors de la signature du contrat et avait également mis en œuvre depuis de nombreuses années un savoir-faire pour développer un réseau important. Elle poursuit en relevant que les résultats ont été positifs jusqu’en 2014, ces résultats, assis sur les redevances payées par les franchisés, démontrent que ceux-ci peuvent s’acquitter de ces échéances et que la situation du réseau est bonne.

Selon les juges, le franchiseur justifie de l’existence d’un savoir-faire et de la « rentabilité de son concept » : la formule est curieuse, les juges auraient pu se contenter de la première partie de la phrase et du constat de l’existence d’un savoir-faire. Sur la demande d’annulation fondée sur le dol ou l’erreur Sur ce fondement, les critiques du franchisé sont encore multiples, elles visent : le potentiel de chiffre d’affaires

En l’espèce, le DIP comportait une annexe mentionnant le coût de construction d’une unité (qu’il s’agisse d’une unité avec un espace restauration ou uniquement dédiée à la livraison/vente à emporter) faisant état d’un chiffre d’affaires moyen établi en prenant pour référence deux magasins. Or, au cours de l’instance le franchiseur avait pu établir que le chiffre d’affaire moyen n’était pas erroné en publiant des exemples de 9 franchisés au moins. Le franchiseur avait également adressé au cabinet chargé, par le franchisé, d’établir des prévisionnels des exemples de chiffre d’affaires de plusieurs unités. Ainsi, avant la conclusion du contrat de franchise, le franchisé avait eu confirmation que le chiffre d’affaires moyen mentionné variant substantiellement d’un établissement à l’autre. Les juges en concluent que la preuve du caractère prétendument erroné du chiffre d’affaires moyen n’est pas rapportée par le franchisé. Ce d’autant moins que plus de deux ans après il a fait établir un prévisionnel par un expert-comptable, que le franchisé a pu prendre connaissance des chiffres d’affaires et des résultats des membres du réseau dont l’identité a été précisée dans le DIP. Cette assertion n’est pas sans évoquer le devoir de se renseigner qui pèse sur le franchisé, lorsque les juges relèvent que le candidat disposait des coordonnées des membres du réseau (Voir sur ce point notre article sur le devoir du franchisé de « se » renseigner). le marché local

A titre liminaire, la Cour rappelle qu’aucune disposition légale n’impose au franchiseur de fournir une étude de marché local (sur l’obligation pour le franchisé de réaliser sa propre étude de marché et ses comptes prévisionnels : CA Paris, 2 juillet 2014, RG n°11/19239). En l’espèce, le DIP précisait que l’étude d’implantation préalable avait été réalisée par le franchisé en collaboration avec le franchiseur mais cela

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ne pouvait caractériser un engagement de ce dernier de procéder à une telle étude après la remise du DIP. Ce document faisait également état du point de vente du réseau situé dans la commune limitrophe. Aussi, la Cour conclut que le franchisé avait été en mesure, dans le cadre de son étude de marché local, d’apprécier l’incidence de la présence d’un point de vente à proximité. les comptes prévisionnels En préambule, la Cour rappelle qu’il n’existe aucune obligation légale imposant au franchiseur de réaliser un compte prévisionnel d’exploitation. En l’espèce, c’est un expert-comptable désigné par le franchisé qui a réalisé les comptes prévisionnels et analysé les pièces en ce compris celles produites par le franchiseur, ne constituant que des éléments d’informations, dont l’exactitude a été établie. Il convient de relever qu’une Cour d’appel a écarté une demande d’annulation du contrat en ces termes : « le franchisé pouvait notamment réunir les éléments relatifs à la rentabilité des autres franchisés en les contactant directement dès lors qu’il disposait de leurs coordonnées – et que le Guide Créateur qui lui a été remis comportait la recommandation d’établir les comptes prévisionnels ainsi qu’une étude de marché » (CA Paris, 7 octobre 2015, RG n°13/09827 et notre commentaire – voir également notre article L’absence de responsabilité pour les prévisionnels : panorama des critères pris en compte : CA Paris, 16 septembre 2015, RG n°13/08191). A l’issue de ce passage en revue, la Cour déboute donc le franchisé de sa demande en annulation du contrat de franchise. La demande subsidiaire en résiliation va suivre le même sort. Le franchisé tentait de faire état d’un manquement du franchiseur dans la mise à jour du savoir-faire, prévue par le contrat de franchise. Or, le franchiseur a pu établir avoir exécuté cette obligation en ayant mis à jour régulièrement ses cartes, effectué de opérations de promotion et mis en place un site internet. Une critique visait en particulier la diminution du nombre de franchisés : la Cour va considérer que celle-ci tient, non pas au savoir-faire mais à la concurrence d’autres réseaux. Le franchisé avait également tenté de stigmatiser le rachat d’un réseau par le franchiseur : le franchisé critiquait son implication du dirigeant dans un autre réseau (non concurrent). Or, les juges vont encore considérer qu’aucun désengagement du franchiseur

n’était caractérisé, ce qui, au surplus, ne peut en tout état de cause constituer une cause de résiliation. Enfin, le franchisé critiquait l’absence de visites du franchiseur : en l’espèce le contrat prévoyait la « possibilité » pour le franchiseur d’effectuer des visites pour contrôler le respect de ses méthodes. Le franchisé ne pouvait pas se prévaloir de l’absence de visites dès lors qu’il ne justifiait pas avoir sollicité de telles visites. Cet arrêt permet de faire le tour des voies de contestation de la validité d’un contrat de franchise sous son angle économique et des obligations à la charge du franchiseur. En l’espèce, aucun manquement n’a pu être établi. A rapprocher : F.-L. Simon, Le devoir de « se » renseigner - Etude d’ensemble.

Licéité du rejet d’agrément dans un réseau de distribution sélective

CA Paris, 13 janvier 2016, RG n°13/11588 Ce qu’il faut retenir : La licéité d’un réseau de distribution sélective implique que le fournisseur choisisse ses distributeurs en fonction de critères objectifs qualitatifs en rapport avec la nature du produit. Pour approfondir : L’arrêt commenté, par lequel la Cour d’appel de Paris rappelle les conditions de licéité des réseaux de distribution sélective, a été rendu dans une affaire opposant un distributeur exerçant son activité principalement sur Internet à son fournisseur qui, après avoir mis en place un réseau de distribution sélective concernant une gamme spécifique de produits, avait refusé de l’agréer au sein du réseau ainsi créé. Le distributeur reprochait principalement à son fournisseur de l’avoir, en violation de l’article L. 420-1 du Code de commerce, évincé de manière discriminatoire de son réseau de distribution sélective, alors que, selon lui, il remplissait les conditions de l’agrément. Après avoir rappelé que la distribution sélective est licite lorsque le fournisseur choisit ses distributeurs en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiée, dès lors que les critères retenus sont en rapport avec la nature du produit et ne dépassent pas

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ce qui est nécessaire, la Cour relève que les produits concernés combinent haute qualité et fiabilité. Les critères imposés par le fournisseur comprennent, s’agissant du point de vente physique, des conditions relatives à la présentation du local, au personnel, à l’information du consommateur, aux stocks, aux services de livraison et après-vente et, s’agissant du site Internet, des conditions relatives à l’aspect du site et à la qualité du personnel, de l’affichage, du stock et des services. Ayant considéré que ces critères répondent à la qualité des produits concernés, la Cour relève également que le distributeur ne répond à aucun de ces critères dans la mesure où, en particulier, le magasin comme le site Internet comprend le terme « discount », et où le point de vente physique n’est pas véritablement un magasin mais un hangar. La demande du distributeur est donc rejetée. Au surplus, le distributeur se voit ordonner de cesser la commercialisation des produits objets du réseau de distribution sélective sous astreinte et est condamné à payer au fournisseur des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé. A rapprocher : Cass. com., 18 décembre 2012, pourvoi n°11-27.342.

Refus d’agrément dans le cadre d’un réseau de distribution sélective quantitative

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°15-11.415 Ce qu’il faut retenir : Dans un système de distribution sélective quantitative, le fournisseur peut valablement refuser d’agréer un candidat au motif que son numerus clausus est atteint, même lorsque le candidat retenu ne remplit pas encore les critères qualitatifs mais présente des garanties sérieuses quant à leur mise en œuvre effective. Pour approfondir : Le système de distribution sélective qualitatif repose sur la définition de critères qualitatifs objectifs permettant de sélectionner les distributeurs des produits objets du contrat (v. not. CA Paris, 30 octobre 2013, RG n°11/06257 et notre commentaire). Ces critères doivent être appliqués de manière non discriminatoire, faute de quoi le fournisseur est susceptible de voir sa responsabilité engagée (v. Cass.

com., 18 décembre 2012, pourvoi n°11-27.342 et notre commentaire). A ces critères objectifs qualitatifs peut s’ajouter un critère quantitatif, le fournisseur fixant alors un numerus clausus afin de limiter le nombre de ses distributeurs dans un territoire donné. Dès lors, un candidat peut voir sa candidature rejetée au motif de l’atteinte du quota. Ce type de système, considéré comme anticoncurrentiel, doit respecter certaines conditions pour bénéficier d’une exemption et échapper à l’interdiction des pratiques restrictives. C’est dans le cadre d’un tel système que la décision commentée a été rendue. En l’espèce, le fournisseur d’un réseau de distribution d’automobiles avait décidé de réorganiser son réseau en réduisant le nombre de ses distributeurs. L’un des distributeurs sortants avait déposé sa candidature. Cette candidature avait été rejetée au motif que le numerus clausus avait été atteint. Le candidat évincé, estimant avoir été victime d’une discrimination au profit du candidat retenu, poursuivait le fournisseur aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice. L’argument principal du candidat évincé reposait sur l’idée que, dans le cadre d’un système de distribution sélective qualitatif et quantitatif, un candidat ne saurait être sélectionné avant d'avoir effectivement respecté la totalité des critères qualitatifs de sélection et qu’en l’espèce, le candidat retenu ne respectait pas encore les critères qualitatifs lorsque le fournisseur l’avait sélectionné. Dès lors, selon le candidat évincé, le refus qui lui avait été opposé était illicite car discriminatoire. A cet argument, la Cour d’appel de Paris avait quant à elle estimé, dans son arrêt du 11 septembre 2014, que le règlement d’exemption n°1400/ 2002 du 31 juillet 2002 relatif à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, applicable aux faits de l’espèce, n'empêchait pas le libre choix du distributeur, pourvu qu'il ait été en mesure de mettre en œuvre les critères retenus par le fournisseur, qu'il ait adhéré à ces conditions dès leur définition, qu'il se soit engagé, dans le cadre de son projet, à les respecter ou qu'il ait présenté des garanties sérieuses quant à la mise en œuvre des critères. Se posait donc la question du moment où les critères qualitatifs devaient être réunis : devaient-ils être réunis dans leur ensemble au moment de la sélection du distributeur retenu ou pouvaient-ils faire uniquement

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l’objet d’un engagement du distributeur retenu et n’être mis en œuvre qu’ultérieurement ? La Cour de cassation a tranché en faveur de la solution la plus souple. La Haute juridiction a en effet approuvé la Cour d’appel de Paris d’avoir considéré que le fournisseur avait pu légitimement considérer que son numerus clausus sur le territoire considéré était atteint et réitérer à plusieurs reprises son refus d'examiner la candidature du candidat évincé sans commettre de faute, dès lors que les juges du fond avaient relevé que le candidat retenu avait déposé un permis de construire peu après sa sélection et procédé à des investissements de grande ampleur, présentant ainsi des garanties sérieuses quant à la mise en œuvre effective des critères de sélection. A rapprocher : CA Versailles, 7 janvier 2014, RG n°12/08061.

Nullité du contrat de franchise et prescription CA Toulouse, 2 novembre 2016, RG n°15/02410 ; CA Versailles, 13 septembre 2016, RG n°14/05670

Ce qu’il faut retenir : La prescription quinquennale est parfois d’application large (1ère esp.) ; l’exception de nullité n’est que rarement perpétuelle (2nde esp.). Pour approfondir : Dans la première espèce (CA Versailles, 13 sept. 2016, n°14/05670), un franchisé avait assigné afin d’obtenir l’annulation du contrat de franchise pour dol ou erreur, avant l’expiration du délai de 5 ans prévu à l'article 1304 du Code civil, puis sollicité, en cours de procédure, postérieurement à l'expiration du délai précité, la nullité de ce contrat pour absence de cause. La Cour retient que « si l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent au même but », de sorte que la demande formée par voie de conclusions tendait bien au même but que celle formée dans l'assignation – l’anéantissement du contrat –, et avait donc valablement interrompu la prescription. La solution est conforme à l’état du droit positif. Dans la seconde espèce (CA Toulouse, 2 nov. 2016, n°15/02410), face à l’assignation en paiement délivrée par le franchiseur, le franchisé avait opposé l'exception de nullité du contrat de franchise, pour non-respect des

informations pré-contractuelles, après l'expiration du délai de 5 ans prévu à l'article 1304 précité, considérant qu’une telle exception est perpétuelle. Pour juger cette exception de nullité prescrite, l’arrêt retient que « la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'applique que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration du délai de prescription de l'action en nullité » ; la solution est connue (Cass. com., 26 mai 2010, n°09-14.431, Publié au Bulletin). L’arrêt rappelle aussi, à juste titre, que cette exception ne trouve pas à s’appliquer lorsque le contrat a « reçu exécution » ; il est vrai qu’à compter de l'expiration de la prescription de l'action en nullité, l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté (Cass. civ. 2ème, 17 nov. 2016, n°15-26.140), peu important que la nullité soit relative ou absolue (Cass. civ. 1ère, 24 avr. 2013, n°11-27.082, Publié au Bulletin). La règle selon laquelle « l'exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution » est désormais inscrite au nouvel article 1185 du Code civil, issue de la réforme du droit des contrats. A rapprocher : Cass. civ. 2ème, 17 nov. 2016, n°15-

26.140 ; Cass. civ. 1ère, 24 avr. 2013, n°11-27.082,

Publié au Bulletin ; Cass. com., 26 mai 2010, n°09-

14.431, Publié au Bulletin.

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INTERPRETATION & REQUALIFICATION DU CONTRAT

Refus de qualification de salarié ou de gérant de succursale pour le dirigeant de la société franchisée

CA Paris, 18 mai 2016, RG n°15/08052 Ce qu’il faut retenir : A défaut de lien de subordination permanent et d’imposition de prix, le dirigeant de la société franchisée ne peut prétendre à l’obtention du statut de salarié ou de gérant de succursale.

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Pour approfondir : Après avoir conclu, par l’intermédiaire de sa société, un contrat de franchise avec un franchiseur dans le domaine du soutien scolaire (le réseau Anacours) puis avoir cédé l’intégralité de ses parts dans la société franchisée, le dirigeant de celle-ci a assigné le franchiseur pour obtenir la qualification de salarié et à défaut celle de gérant de succursale. Cette procédure avait donc pour objet de permettre à cet ancien dirigeant de bénéficier des avantages financiers protégés par le Code du travail : rappel de salaire, indemnité compensatrice de congés payés, heures supplémentaires, indemnité compensatrice pour travail dissimulé, indemnité de licenciement, etc. Le franchiseur ayant obtenu une décision favorable du Conseil des prud’hommes, l’ancien dirigeant a fait appel. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris demeure intéressant dans le cadre de ce contentieux pourtant classique ; l’encadrement contractuel assez strict de l’activité d’un franchisé a déjà donné lieu à plusieurs litiges permettant aux franchiseurs de savoir jusqu’où ils peuvent aller dans les directives qu’ils imposent à leurs franchisés. L’intérêt de l’arrêt porte d’abord sur les éléments pris en compte dans la qualification de salarié du franchiseur pour le dirigeant d’une société franchisée. A l’appui de cette demande principale, l’ancien dirigeant excipait d’un lien de subordination caractérisé par : - l’imposition des horaires d’ouverture et de

fermeture de son agence ; - la participation à des formations payantes

organisées par le franchiseur ; - le contrôle de la comptabilité du franchisé par le

franchiseur ; - les directives émises par le franchiseur. La Cour d’appel a pourtant suivi le franchiseur qui contestait avoir disposé d’un pouvoir de direction et d’un pouvoir disciplinaire sur l’intéressé. Rappelant la présomption d’absence de contrat de travail entre un donneur d’ordre et les dirigeants des personnes morales immatriculées au RCS (article L.8221-6 du Code du travail), la Cour a estimé que l’ancien dirigeant ne renversait pas cette présomption puisqu’il ne rapportait pas la preuve d’un lien de subordination permanent avec le franchiseur.

En effet : - l’imposition des horaires de l’agence n’entraînait

pas l’imposition des horaires de travail de l’ancien dirigeant (qui pouvait avoir des salariés tenant l’agence) ;

- le fait que la présence aux réunions du réseau soit simplement fortement conseillée et l’obligation de remontées d’informations n’excédaient pas les limites d’une démarche de suivi des franchisés favorable à tout le réseau ;

- les échanges écrits avec le franchiseur étaient trop peu nombreux, au cours des 2 années de relation, pour démontrer un lien permanent.

Sur le point particulier de la présence aux réunions du réseau, la motivation de la Cour paraît tout de même contestable : l’arrêt insiste sur le fait que si le franchiseur « l’a invité vivement à participer aux prochaines réunions, commissions ou conventions auxquelles il était convié, ces demandes ne sont que des invitations et non des ordres ou directives ». A contrario, cela voudrait-il dire que si le franchiseur avait obligé (contractuellement ou dans les faits) le franchisé à participer aux réunions des membres du réseau, cela serait considéré comme une directive assortie d’un pouvoir de sanction et donc, serait susceptible d’entraîner la caractérisation d’un lien de subordination ? Cela serait très surprenant dans la mesure où, en adhérant à un réseau, le franchisé manifeste son intérêt à bénéficier des avantages d’un réseau ce qui implique l’intérêt corollaire du réseau à bénéficier de l’expérience de chaque franchisé. L’intérêt de l’arrêt porte également sur les éléments pris en compte dans la qualification de gérant de succursale pour le dirigeant d’une société franchisée. A l’appui de cette demande subsidiaire, l’ancien dirigeant prétendait que sa situation remplissait les critères exigés par l’article L.7321-2 du Code du travail. Si la Cour a considéré que le local dans lequel la société franchisée était bien agréé par le franchiseur (ce qui constitue l’une des conditions légales), elle a refusé d’appliquer le statut de gérant de succursale dans la mesure où le franchisé était contractuellement et effectivement libre de fixer les prix qu’il souhaitait (l’imposition des prix par le franchiseur constituant une autre des conditions du statut de gérant de succursale qui n’est donc pas remplie en l’espèce). Sur la condition de local agréé, la décision semble tout de même contestable.

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Certes, le contrat indiquait qu’il était conclu en considération d’un point de vente identifié par son adresse, prévoyait l’interdiction pour le franchisé de le modifier (le déplacer) sans l’accord du franchiseur et obligeait le franchisé à respecter le cahier des charges pour son aménagement. Toutefois, rien n’indique que le franchiseur avait eu, à l’origine, un droit d’agrément sur le local choisi par le franchisé. Pourtant le texte de l’article L.7321-2 du Code du travail vise expressément un cas de « local fourni ou agréé ». A rapprocher : Articles L.8221-6 et L.7321-2 du Code du travail. La clause comminatoire et réparatrice est une clause

pénale Cass. com., 14 juin 2016, pourvoi n°15-12.734

Ce qu’il faut retenir : Une clause mixte, à la fois réparatrice et comminatoire, peut être requalifiée de clause pénale par le juge. Jugée manifestement excessive en vertu de ce caractère comminatoire, le montant de l’indemnité de jouissance octroyée à la bailleresse du matériel est diminué. Pour approfondir : Une clause contractuelle peut être requalifiée de clause pénale, même lorsqu’elle prévoit la rémunération d’un service rendu. En l’espèce, une société avait loué du matériel à sa cocontractante, en vertu d’un contrat prévoyant une indemnité en cas de retard de retour de matériel, au terme du contrat. Cette indemnité était due à la jouissance du matériel dont bénéficiait toujours la cocontractante. Celle-ci n’ayant pas rendu le matériel dans les temps, la propriétaire lui facture l’indemnité. La première assigne la seconde afin de voir dire ces factures injustifiées. La Cour de cassation confirme alors l’arrêt d’appel, qui requalifie la clause prévoyant cette indemnité de jouissance, en clause pénale : « même si pour partie, l’indemnité de jouissance prévue par le contrat représente pour le bailleur une contrepartie du service dont le locataire continue de bénéficier après le terme de la location en conservant les matériels loués, cette indemnité vise également à contraindre le locataire à

restituer le matériel loué et constitue une évaluation forfaitaire anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l’inexécution, qui s’applique du seul fait de celle-ci ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que la clause prévoyant cette indemnité devait être qualifiée de clause pénale ». La clause pénale s’entend de manière générale comme un mode d’évaluation forfaitaire du préjudice par les parties ; elle est déterminée par les parties conventionnellement et est censée évaluer le montant probable du préjudice qui serait subi en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle. La requalification de la présente clause en clause pénale semble se fonder ici sur la fonction de cette clause : elle a une fonction réparatrice et comminatoire ; à ce titre, elle doit être considérée comme une clause pénale. Le caractère mixte de cette clause n’empêche pas cette qualification, solution déjà retenue par la jurisprudence (Cass. civ. 1ère, 16 juillet 1997, n°95-16.200). Tout l’enjeu de cette requalification se situe dans les caractéristiques de la clause pénale ; en particulier, en vertu de l’article 1152 du Code Civil, la clause pénale est soumise au pouvoir modérateur du juge, qui peut ainsi adapter le montant de la réparation octroyée. C’est donc généralement le débiteur qui a intérêt à cette requalification – c’est le cas en l’espèce puisque la bailleresse du matériel voit sa demande rejetée par la Cour de cassation ; elle ne se voit octroyer que 150 000 euros avec intérêts au taux légal, au titre des indemnités de jouissance, plutôt que le montant prévu conventionnellement dans ladite clause, qui, pour une clause pénale, est jugée « manifestement excessive » par le juge. A noter que l’ordonnance du 10 février 2016 relative à la réforme du droit des contrats prévoit un nouvel article 1235-1 dans le Code Civil, relatif à la clause pénale (voir notre commentaire sur la question). A rapprocher : Sur le pouvoir modérateur du juge face à une clause pénale : CA Paris, 27 juin 2012, RG n°11/01181, et notre commentaire.

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Condition de la requalification d’un contrat de distribution en contrat de franchise CA Paris, 4 mai 2016, RG n°15/10674

Ce qu’il faut retenir : La requalification d’un contrat de licence de marque et d’approvisionnement exclusif en contrat de franchise est soumise à la réunion d’éléments précis. Le licencié qui ne rapporte pas la preuve d’une obligation de transmission de savoir-faire de la part de son cocontractant ni même le fait de s’être comporté comme franchisé et franchiseur durant l’exécution du contrat voit sa demande rejetée. Pour approfondir : En l’espèce, une société avait conclu un contrat de licence de marque et d’approvisionnement exclusif pour une durée de trois ans avec une autre société du secteur du commerce de cigarettes électroniques. Ce contrat permettait au licencié de commercialiser des cigarettes électroniques dans un centre commercial. Une clause du contrat interdisait audit licencié, pendant toute la durée du contrat, de commercialiser ou de promouvoir des produits concurrents. Plusieurs mois plus tard, l’enseigne faisait constater par procès-verbal d’huissier le non-respect de cette clause par le détaillant. Ce dernier s’est vu assigner devant le Tribunal de commerce de Créteil : la résiliation du contrat et la réparation du préjudice étaient sollicitées. Le Tribunal a prononcé la nullité du contrat de licence et d’approvisionnement exclusif signé entre les parties, en a déduit par conséquence la restitution pour les deux parties mais a débouté les parties de leurs autres demandes. C’était l’arrêt dont il a été interjeté appel par le licencié. Infirmant le jugement du Tribunal de commerce de Créteil, la Cour d’appel de Paris a écarté les moyens invoqués au soutien de la demande de requalification du contrat et rejeté de ce chef la demande de nullité. Elle a prononcé la résiliation du contrat en raison des manquements fautifs du licencié à ses obligations contractuelles et l’a condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’intimé. Concernant la requalification du contrat litigieux en contrat de franchise, l’appelante soutient que la requalification d’un contrat de distribution en contrat de franchise est justifiée par la réunion d’un ensemble d’éléments tels que le paiement d’un droit d’entrée, la fourniture de la documentation nécessaire technique et commerciale, la mise à disposition de signe distinctif et par l’intuitu personae. Or, l’ensemble de ces

éléments figurait dans le contrat litigieux. La Cour d’appel, appréciant lesdits éléments, a considéré qu’il résultait des énonciations même du contrat que ces éléments étaient communs à la plupart des contrats de distribution mais ne caractérisaient pas l’existence d’un contrat de franchise. En outre, la lettre du contrat précisait que l’engament du fournisseur n’était pas celui de fournir un savoir-faire. Compte tenu de l’absence d’obligation de transmission de savoir-faire et de l’absence de comportement comme un franchiseur de la part du fournisseur, la Cour d’appel écarte le moyen. Concernant la validité du contrat, il était demandé à la Cour de confirmer la nullité du contrat litigieux au motif qu’il était prétendument dépourvu de cause. Cependant, la Cour a estimé qu’il ne pouvait être reproché l’absence de transmission de savoir-faire puisqu’il ne s’agissait pas d’un contrat de franchise et que le contrat litigieux dispensait textuellement l’intimé d’une telle transmission. La Cour considère en outre que le licencié ne rapporte pas la preuve que son consentement était vicié. En conséquence, la nullité du contrat ne peut être prononcée. Concernant la résiliation du contrat, il est reproché à l’appelante d’avoir violé la clause d’exclusivité la liant à l’intimée. Les faits abondent pour démontrer que le licencié propose à la vente des produits auprès de fournisseurs différents de son fournisseur, en contravention de la clause contractuelle. Dès lors, la Cour d’appel prononce la résiliation du contrat. Concernant enfin la réparation du préjudice et le quantum du dommage, la Cour d’appel retient que celle-ci ne saurait consister dans le montant des approvisionnements du licencié en contravention de la clause d’exclusivité mais en la perte de marge brute sur des achats en quantité similaire. Par cette décision, la Cour d’appel, en refusant la requalification d’un contrat de licence de marque et d’approvisionnement exclusif, insiste sur l’essence même du contrat de franchise et la transmission du savoir-faire comme le distinguant des autres contrats de distribution. Dès lors, elle s’inscrit dans une jurisprudence constante en laissant au soin du juge l’appréciation in concreto de la lettre du contrat pour en déduire les conséquences adéquates. A rapprocher : Article L.330-3 du Code de commerce.

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Statut des agents commerciaux CA Toulouse, 17 février 2016, RG n°14/00702

Ce qu’il faut retenir : L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont données à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée. Pour approfondir : Dans cette affaire, la Cour d’appel de Toulouse avait à connaître d’une demande de requalification d’un contrat d’agent commercial. L’appelant faisait essentiellement valoir qu'il ne pouvait s'agir d'un tel contrat au motif que son cocontractant bénéficiait d'une clientèle et d'un fonds de commerce propres et que les termes les factures établies n'étaient pas compatibles avec le statut d'agent commercial. L’arrêt commenté rappelle sans surprise les conditions requises pour l’application du statut d’agent commercial prévu à l’article L.134-1 du Code de commerce. L’agent accomplit des actes juridiques au nom et pour le compte de son mandant, mais de façon indépendante et permanente. L’agent a le pouvoir de « négocier » et de « conclure ». Ensuite et surtout, l’arrêt commenté s’attache à souligner, par une formule riche de sens, que « l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont données à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ». Cette formule évoque celle de l’article 12, alinéa 2 du Code de procédure civile, selon lequel le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». A cet égard, le comportement des parties postérieurement à la conclusion de l’acte est de nature à permettre au juge d’interpréter le contrat et, le cas échéant, de lui attribuer la qualification qui lui revient, serait-elle distincte de celle initialement convenue. De manière plus caricaturale – mais parfois si juste –, l’on serait tenté de dire parfois que l’opérationnel peut défaire par son comportement ce que le juriste a construit par sa plume. A rapprocher : CA Grenoble, 3 septembre 2015, RG n°14/00467 ; CA Paris, 3 juillet 2015, n°13/00684 ; CA Colmar, 17 juillet 2012, n°09/06006, LDR sept.-Oct. 2012.

Location-gérance et décision de gestion CA Rennes, 10 mai 2016, RG n°15/06789

Ce qu’il faut retenir : La location-gérance peut être autorisée antérieurement au délai de 2 ans d’exploitation personnelle requis par l’article L.144-3 du Code de Commerce, lorsque, en dehors de toute intention spéculative, le juge reconnait que la requête en autorisation s’inscrit dans le cadre d’une « décision de gestion interne », en vue de la « continuité d’exploitation d’un même établissement ». Pour approfondir : L’article L.144-3 du Code de commerce énonce que « les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance ». Le propriétaire du fonds, locataire du bail, ne peut alors déroger à cette obligation que par autorisation, lorsqu’il démontre de son impossibilité d’exploiter personnellement, ou via des préposés, son fonds. Ainsi, qu’en est-il lorsque le locataire, propriétaire d’un fonds de commerce, souhaite permettre la succession à deux locataires gérants différents ? L’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 10 mai 2016 laisse imaginer que le renouvellement de l’autorisation établie en vertu de l’article L.144-3 du Code de commerce doit nécessairement être accepté, malgré la précédente autorisation : en l’espèce, la société SAS France QUICK avait obtenu une première autorisation pour concéder son fonds en location-gérance auprès de la société SANTANA. Lorsque celle-ci se termine néanmoins, le Tribunal rejette, par ordonnance, sa requête en autorisation émise en vue de concéder en location-gérance, le fonds à une autre société, avant le délai de 2 ans d’exploitation personnelle. L’arrêt en question est significatif en matière de location-gérance à plusieurs titres. Il rappelle les avantages de ce régime, pour les deux parties : autant pour le locataire-gérant, qui peut lancer son activité économique bien que « ne disposant pas de la capacité d’investissement nécessaire à une rentabilité suffisante », mais aussi pour le propriétaire du fonds de commerce, qui peut ainsi « conserver l’intégrité de son réseau ». Mais il rappelle aussi le risque qui en découle,

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et qui justifie ce régime de soumission de la location-gérance à autorisation en cas de non exploitation personnelle du fonds pendant deux ans : le risque de spéculation. Ce régime porte en effet le risque de voir le locataire concéder en location-gérance un local n’étant pas ou peu exploitable, sans en supporter les risques, et en recevant, en contrepartie, des redevances de la part du locataire-gérant. Ce serait alors pour éviter cette « intention spéculative » que se justifierait l’article L.144-3 du Code de commerce précité. Au-delà de ces rappels généraux sur la location-gérance, l’arrêt en question interpelle en ce que la Cour d’appel juge que l’autorisation requise par la SAS France QUICK doit être accueillie, non tant en vertu de l’impossibilité pour cette dernière d’exploiter le fonds personnellement ou par ses seuls préposés, mais en vertu de la « conservation de l’intégrité de son réseau ». Ce que la Cour reconnait, c’est l’absence d’intention spéculative de la part de la société – absence révélée par le fait que sa demande s’inscrit dans une « décision de gestion interne assurant la continuité d’exploitation d’un même établissement ». Ainsi, dès lors que le risque de spéculation justifiant une autorisation préalable à la location gérance n’est pas avéré, le juge serait susceptible de dispenser le propriétaire du fonds de commerce de l’autorisation d’exploitation personnelle pendant 2 ans, et d’autoriser le locataire à donner son fonds de commerce en location gérance avant ce terme. Cette analyse structurelle de la location-gérance, du réseau dans lequel elle s’inscrit, a déjà été employée dans d’autres arrêts (CA Paris 1er déc. 1994, RJDA 1995, n° 279 ; CA Versailles 18 janvier 1988, D. 1988, IR 77) ; vient-elle poser comme critère de la licéité de la location-gérance, l’intention de spéculer ? Il est peut-être tôt pour le dire, d’autant que ce n’est pas le seul motif retenu par la Cour d’appel ici, mais il conviendra d’y porter attention. Il faut souligner d’ailleurs que la spéculation reste l’essence même de ce régime puisque le propriétaire peut espérer, à terme, l’enrichissement de son fonds de commerce, sans supporter les risques liés à l’exploitation, ni indemniser le locataire-gérant de la plus-value clientèle qui pourrait en découler. A rapprocher : Voir aussi notre article sur le contrat de location gérance.

*****

EXÉCUTION DU CONTRAT

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES

Loi Sapin II : de nombreuses modifications dans les relations commerciales (délais de paiement, CGV,

sanctions) Loi relative à la transparence, à la lutte contre la

corruption et à la modernisation de la vie économique Ce qu’il faut retenir : La loi Sapin II définitivement adoptée par le Parlement le 8 novembre dernier, et validée pour l’essentiel par le Conseil constitutionnel, le 8 décembre 2016, apporte de nombreuses modifications applicables entre commerçants, notamment dans les relations de distribution. Pour approfondir : Le Conseil constitutionnel a validé en tous points, le 8 décembre 2016, les dispositions de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », relatives au durcissement des règles applicables aux délais de paiements, à l’extension des pratiques restrictives de concurrence et de leurs sanctions et aux modifications du régime des conventions entre fournisseurs et distributeurs, qui notamment n’auront plus nécessairement à être conclues chaque année). Délais de paiement et sanctions En matière de délais de paiement, la loi Sapin II introduit deux modifications générales.

o Dispositions générales Poursuivant le mouvement entamé depuis 2008 avec la loi de modernisation de l’économie, la loi Sapin II renforce substantiellement les sanctions du non-respect de ces délais. En effet : - est désormais prévue une sanction de 2 millions

d’euros d’amende administrative, au lieu de 375.000 euros auparavant (lorsque le non-respect des délais de paiement est le fait d’une personne morale). Cette modification s’applique à la fois pour les délais standards visés à l’article L.441-6 du Code

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de commerce et pour les délais spécifiques prévus à l’article 443-1 du Code de commerce. L’amende encourue par les personnes physiques n’est en revanche pas modifiée et demeure de 75.000 euros ;

- la loi prévoit que désormais, la décision de sanction

d’une violation des délais de paiement maxima sera systématiquement publiée (alors qu’il s’agissait d’une simple faculté pour le juge auparavant), donnant ainsi plus de visibilité aux mauvais payeurs.

o Délai de paiement dérogatoire pour les produits achetés pour l’export hors Union européenne

La loi Sapin II introduit un régime dérogatoire spécifique aux articles L.441-6 et L.443-1 du Code de commerce pour les achats de produits effectués en franchise de TVA, destinés à être livrés dans un Etat hors de l’Union européenne. Pour ces produits, le délai maximum de paiement dérogatoire est fixé à 90 jours à compter de la date d’émission de la facture, sous la triple condition que : - les parties aient expressément fait mention du délai

dérogatoire par contrat ; - ce délai dérogatoire ne constitue pas un abus

manifeste à l’égard du créancier, c’est-à-dire ici le fournisseur ;

- l’achat de produit ne soit pas effectué par une grande entreprise.

Dans l’hypothèse où l’acheteur ne revendrait finalement pas les produits hors de l’Union européenne, il se verrait appliquer des pénalités de retard. Les pratiques restrictives de concurrence

étendues et plus lourdement sanctionnées

o L’élargissement du champ des pratiques restrictives de concurrence

L’article L.442-6 du Code de commerce est complété, pour intégrer spécifiquement de nouvelles pratiques prohibées. Ainsi, l’article L.442-6, I, 1° précise que peut constituer un avantage quelconque ne correspondant à aucune service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu :

- la participation non justifiée par un intérêt commun

et sans contrepartie proportionnée à une opération de promotion commerciale (était uniquement visée auparavant une opération d’animation commer-ciale) ;

- la rémunération de services rendus par une centrale

internationale regroupant des distributeurs. Par ailleurs, l’article L.442-6, I, 7° créé par la loi Sapin prévoit l’interdiction pour un partenaire commercial d’imposer une clause de révision de prix ou de renégociation de prix (en application de l’article L.441-7, L.441-7-1 ou L.441-8 du Code de commerce) qui ferait référence à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) qui serai(en)t sans rapport direct avec les produits (ou les prestations de services) concernés par le contrat. Ainsi, les parties seront tenues à l’avenir de choisir avec attention l’indice basant la révision du prix, pour qu’il soit cohérent avec les produits ou services fournis. Enfin, la loi Sapin II ajoute l’interdiction pour une partie d’imposer des pénalités de retard de livraison à son partenaire, lorsque ce retard de livraison est dû à un cas de force majeure (article L.442-6, I, 13°).

o Le renforcement des sanctions des pratiques restrictives de concurrence

Le plafond de l’amende civile encourue est substantiellement augmenté, puisqu’il passe de 2 millions à 5 millions d’euros (outre les dispositions prévoyant le triplement des sommes indument versées ou la possibilité de plafonner l’amende à 5% du chiffre d’affaires, qui sont maintenues). Par ailleurs, comme pour les délais de paiement, la décision de sanction en matière de pratiques restrictives de concurrence sera désormais systématiquement publiée. Des modifications relatives aux conventions

entre fournisseurs et distributeurs

o L’assouplissement : la faculté de conclure des conventions pour deux ou trois ans

La conclusion chaque année d’une convention entre les fournisseurs et leurs distributeurs en application de l’article L.441-7 du Code de commerce (ou pour les grossistes, en application de l’article L.441-7-1 du Code de commerce) est particulièrement contraignante en pratique, et génère pour les entreprises une

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mobilisation importante de ressources humaines en fin d’année et début de l’année suivante. Afin de prendre en compte cette contrainte, qui peut affecter la productivité des entreprises sur ces périodes, la loi Sapin II insère un assouplissement substantiel des règles en prévoyant que le fournisseur et le distributeur peuvent choisir de conclure la convention tous les 2 ou 3 ans (la conclusion de la convention demeurant bien entendu possible). Cette réforme constituera un véritable soulagement administratif pour de nombreuses entreprises. Si les parties choisissent de conclure une convention pluriannuelle, cette dernière devra simplement fixer les modalités selon lesquelles le prix convenu sera révisé : à cette fin, les entreprises peuvent choisir de prendre en compte un ou plusieurs indices publics reflétant l’évolution du prix des facteurs de production. Ces seront applicables aux conventions conclues à compter du 1er janvier 2017. Il est donc probable que les opérateurs qui tentaient ces dernières années de conclure les conventions au plus tard le 31 décembre de chaque année pour éviter les risques liés à l’interdiction de rétroactivité, préfèreront patienter jusqu’au 1er janvier (ou plus tard) pour conclure des conventions pluriannuelles.

o Les dispositions spécifiques aux produits agro-alimentaires

- Le plafonnement des avantages relatifs à certains

produits agricoles Les avantages que le fournisseur peut accorder aux consommateurs dans le cadre des NIP faisant l’objet d’un contrat de mandat en application de l’article L.441-7, I, al. 9 du Code de commerce sont désormais plafonnés pour certains produits agricoles. En effet, la loi Sapin prévoit que pour les produits agricoles visés à l’article L.441-2-1 du Code de commerce, ainsi que pour le lait et les produits laitiers, ces avantages sont plafonnés à 30% de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris. - Le prix prévisionnel des produits alimentaires

contenant des produits agricoles non transformés La loi Sapin II ajoute à l’article L.441-6 du Code de commerce, une disposition spécifique aux conditions générales de vente relatives à des produits alimentaires comportant un (ou plusieurs) produit(s) agricole(s) non transformé(s) devant faire l’objet d’un contrat écrit (en

application de l’article L. 631-24 du Code rural et de la pêche maritime). Le contrat écrit portant sur ces produits contiendra une mention d’un « prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles ». Pour définir ce prix, les parties peuvent recourir à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) de coût de production en agriculture et à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) des prix de vente aux consommateurs des produits alimentaires. Ces indices peuvent être spécifiques au contrat concerné, ou encore établis par un accord interprofessionnel. L’article L.441-6 du Code de commerce précise, au besoin, que les indices choisis par les parties devront être fixés de bonne foi entre elles. - Dispositions spécifiques aux contrats de MDD de

courte durée Au fur et à mesure des évolutions du projet de loi, les dispositions relatives aux produits vendus sous marque de distributeur (MDD), désignés comme les produits conçus et produits selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, ont évolué. La seule disposition maintenue dans la loi votée et validée par le Conseil constitutionnel est l’article L. 441-10 du Code de commerce qui contraindra le fournisseur de produits alimentaires sous MDD et le distributeur concerné à mentionner dans un contrat d’une durée inférieure à un an, le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles non transformés entrant dans la composition de ces produits alimentaires (lorsque ces produits agricoles doivent faire l’objet d’un contrat écrit en application de l’article L.631-24 du Code rural et de la pêche maritime). Pour la détermination du prix, le fournisseur et le distributeur pourront choisir de se référer à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) de coût de production en agriculture et à un (ou plusieurs) indice(s) public(s) des prix de vente aux consommateurs des produits alimentaires, sous réserve que cet (ou ces) indice(s) soi(en)t fixé(s) de bonne foi entre les parties. A rapprocher : Projet de loi adopté le 8 novembre 2016 ; Décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2016.

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Information concernant les délais de paiement : précisions

Arrêté publié le 14 avril 2016, JORF n°0088, texte n°42 Ce qu’il faut retenir : Cet arrêté remarqué du Ministre de l’économie, de l'industrie et du numérique établit les modèles de tableaux pour présenter les informations relatives aux délais de paiement que les sociétés devront intégrer dans leurs rapports de gestion à compter du 1er juillet prochain. Pour approfondir : En application de l'article L. 441-6-1 du Code de commerce, les sociétés dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes doivent communiquer pour leurs comptes afférents aux exercices ouverts à compter du 1er juillet 2016, des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients. Le contenu de ces informations est précisé par l’article D. 441-4 du Code de commerce, introduit par le décret n° 2015-1553 du 27 novembre 2015. Ce sont en principe : 1/ Pour les fournisseurs, le nombre et le montant total

hors taxe des factures reçues non réglées à la date de clôture de l'exercice dont le terme est échu ; ce montant est ventilé par tranches de retard et rapporté en pourcentage au montant total des achats hors taxe de l'exercice ;

2/ Pour les clients, le nombre et le montant total hors taxe des factures émises non réglées à la date de clôture de l'exercice dont le terme est échu ; ce montant est ventilé par tranches de retard et rapporté en pourcentage au chiffre d'affaires hors taxe de l'exercice.

Par dérogation, la société peut présenter en lieu et place des informations mentionnées ci-dessus le nombre et le montant hors taxe cumulés des factures reçues et émises ayant connu un retard de paiement au cours de l'exercice et la ventilation de ce montant par tranche de retard. Elle les rapporte aux nombre et montant total hors taxe des factures, respectivement reçues et émises dans l'année. Le texte prévoit que les tableaux utilisés pour présenter les informations mentionnées ci-dessus sont établis selon un modèle fixé par arrêté ; c’est l’objet du présent arrêté du 6 avril 2016.

Les tableaux établis par cet arrêté sont disponibles en cliquant sur ce lien. A rapprocher : Article D. 441-4 du Code de commerce.

DECISIONS INTERESSANTES

Violation du droit de préemption du franchiseur : transition avec la réforme du droit des contrats

CA Paris, 7 octobre 2016, RG n°14/23965 Ce qu’il faut retenir : Dès lors que le droit de préemption est justifié et n’a pas pour effet de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence, le juge peut prononcer l’inopposabilité au franchiseur de la cession du fonds de son franchisé et la substitution du franchiseur au cessionnaire. Cela est conforme aux nouvelles dispositions du Code civil issues de la réforme du droit des contrats et en particulier celles relatives au pacte de préférence. Pour approfondir : Un contrat de franchise dans le secteur de la grande distribution alimentaire prévoyait, au profit du franchiseur, un droit de préférence en cas de cession ou de transfert du local ou du fonds de commerce par le franchisé pendant la durée du contrat et pendant une durée d’un an après sa cessation. Le contrat a été résilié en novembre 2009 avec effet à mai 2010. En mars 2010 le franchisé a cédé son fonds de commerce à un concurrent du franchiseur ; le contrat de cession prévoyait la réitération de l’acte de cession dans l’hypothèse où les conditions suspensives y étant prévues se réaliseraient. Parmi ces conditions figuraient, d’une part, la conclusion d’un contrat de gérance mandat entre le cessionnaire et le cédant et, d’autre part, la renonciation du franchiseur à son droit de préférence. Or, en juillet 2010, le franchiseur a notifié à son franchisé (ainsi qu’à son conseil) et au cessionnaire qu’il entendait se prévaloir de son droit de préférence. Suite à l’absence de réponse du franchisé et du cessionnaire, le franchiseur a assigné son franchisé afin d’obtenir

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l’interdiction de régularisation de l’acte de vente. Si le Tribunal a fait droit à cette demande, le jugement devient inutilisable puisque la cession avait déjà été régularisée quelques jours avant le délibéré. Le franchisé a fait appel. En vain puisque la Cour d’appel a prononcé l’inopposabilité de la cession au franchiseur et sa substitution au cessionnaire en indiquant que l’arrêt valait acte de vente au profit du franchiseur. Cet arrêt a pourtant été cassé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 4 novembre 2014 au motif que la Cour d’appel n’avait pas recherché, comme elle y était invitée, si le droit de préférence prévu par le contrat de franchise « n’avait pas pour effet, en limitant la possibilité de rachat de magasins indépendants par des groupes de distribution concurrents, de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché du détail de la distribution à dominante alimentaire ». L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Paris autrement composée. Pour confirmer la position des juges du fonds dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris (sur renvoi), adopte un raisonnement qui mérite d’être assimilé par le créancier ou le débiteur d’un tel pacte mais aussi et surtout en amont par le rédacteur de ce pacte. Le droit de préemption doit : - être justifié : en l’espèce, le franchisé a bénéficié

d’un partenariat commercial favorable avec son franchiseur, ce dernier lui assurant le soutien de son enseigne, ses conseils, l’avantage d’un logiciel élaboré. Le droit de préemption permet donc au franchiseur de sécuriser les investissements qu’il a réalisés pendant plusieurs années en empêchant l’appropriation de ces effets commerciaux favorables par un concurrent.

- ne pas avoir d’effet anticoncurrentiel : dès lors que

la clause ne fait qu’affecter la liberté de choisir son cocontractant mais pas la liberté de contracter, elle ne constitue pas une barrière à l’entrée d’un concurrent. Sur ce point, on notera que la Cour a soulevé l’absence de données chiffrées démontrant un effet concurrentiel au regard du marché concerné. Autrement dit, il n’est pas exclu que si le franchisé avait justifié de façon circonstanciée l’effet anti-concurrentiel qu’il invoquait, la Cour n’aurait pas invalidé le droit de préemption.

- ne pas être abusive : la clause prévoyait que le

franchiseur pouvait préempter s’il proposait le même prix que le cessionnaire pressenti, ce qui a été respecté en l’espèce, ce point étant en l’espèce renforcé par le fait que ce prix correspondait au

double du prix auquel le franchisé avait acquis le fonds de commerce 12 ans auparavant.

La Cour précise que le pacte de préférence a donc été exercé à des conditions égales et à un prix de marché important. Sur ce point, on notera que le franchisé soulevait une inégalité des conditions dans la mesure où, si le prix était identique, le contrat de cession conclu avec le concurrent lui octroyait le bénéfice de la conclusion d’un contrat de gérance mandat en sa faveur pour un local situé en Ile de France. La Cour a cependant considéré que cela ne changeait rien dans la mesure où la clause du contrat ne distinguait pas ce cas mais trouvait en revanche à s’appliquer dans tous les cas de cession ou transfert du fonds. L’avantage supplémentaire que trouvait le franchisé dans l’assurance de se voir offrir la gérance mandat d’un autre magasin n’entre donc pas en ligne de compte pour vérifier l’égalité des conditions proposées et le caractère abusif du droit de préemption. En outre, même si la discussion ne portait pas sur ce point, la substitution du franchiseur au cessionnaire a été prononcée (en précisant que l’arrêt vaut cession sans que d’autres formalités ne soient accomplies) compte tenu de la connaissance par le cessionnaire concurrent de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du franchiseur de s’en prévaloir. Cette « sanction » n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà été prononcée par la Cour de Cassation dans un arrêt de chambre mixte du 26 mai 2006 (pourvoi n°03-19.376). On peut tout de même faire un lien avec les nouvelles dispositions issues de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. En effet, le nouvel article 1123 du Code civil fait entrer le pacte de préférence dans le Code civil en prévoyant les sanctions de sa violation, lesquelles sont : - la réparation du préjudice subi en tout état de

cause ; - la nullité ou la substitution au tiers cessionnaire si

ce tiers « connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir ».

Reste donc, pour compléter encore notre connaissance du pacte de préférence, de pouvoir examiner la 1ère décision qui sera rendue sur l’exercice de la nouvelle action interrogatoire mis en place par cet article 1123 du Code civil : « Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir.

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L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat. » A rapprocher : Article 1123 du Code civil.

Violation du droit de préemption du franchiseur et indemnisation

Cass. com., 20 septembre 2016, pourvoi n°15-10.963 Ce qu’il faut retenir : La violation de la clause de préemption stipulée au profit du franchiseur peut justifier l’indemnisation des préjudices constitués, d’une part, de la perte de la chance de tirer profit des biens acquis et de se développer et, d’autre part, de la concurrence déloyale en résultant pour le franchiseur. Pour approfondir : Les questions relatives à la clause de préemption alimentent inlassablement les chroniques juridiques consacrées au domaine de la franchise ; la décision commentée constitue l’épilogue judiciaire d’une affaire au parcours sinueux, dont on rappellera ici les étapes essentielles, pour mieux comprendre la portée de la position récemment adoptée par la Cour de cassation. Cette décision rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris condamnant l’auteur de la violation de la clause de préemption et le cessionnaire in solidum au paiement d’une somme de 5,1 M€. En effet, selon l'arrêt objet du pourvoi (Paris, 22 octobre 2014, n°14/01115), rendu sur renvoi après cassation (Cass. com., 7 janvier 2014, pourvois n° D 12-17. 416, Z 12-18. 079 et C 12-18. 266), les sociétés du Groupe A, qui avaient pour filiales les sociétés du Groupe B et pour associés MM. Y..., Z... et A... et Mme B... (les associés cédants), étaient liées par un contrat de franchise stipulant, en cas de cession à un tiers des titres représentant le capital desdites sociétés, un droit de préemption au bénéfice du franchiseur ; soutenant que ces titres avaient été cédés le 28 mai 2001 à la société T, en violation du droit de préemption qu'elle avait exercé le 28 décembre 2000, le franchiseur avait assigné les associés cédants et les sociétés du Groupe B pour faire constater la fraude et obtenir l'attribution à son profit des titres et actifs des sociétés cédées ; un premier arrêt du 14 mai 2003 avait constaté la validité et le caractère définitif de la préemption sans se prononcer sur la validité de la cession, les cessionnaires

n'étant pas dans la cause. Le franchiseur avait alors engagé une nouvelle procédure, en y associant cette fois-ci les cessionnaires et, par un arrêt devenu irrévocable rendu le 15 novembre 2006, les juges du fond avaient retenu que : - le précédent arrêt était devenu définitif et

opposable à toutes les parties, notamment aux cessionnaires,

- la disparition des sociétés cédées, à la suite d'une

opération de fusion-absorption réalisée par la société T, rendait impossible la substitution de la société Franchiseur dans les droits de l'acquéreur et impliquait de faire application des dispositions de l'article 1142 du Code civil,

- l'indemnité due à la société Franchiseur en

compensation du préjudice résultant de la violation de la clause de préemption lui serait versée, in solidum, par la société T et les associés cédants et qu'il y avait lieu d'ordonner une expertise sur le montant des dommages-intérêts à allouer en réparation des préjudices résultant de la violation du contrat de franchise et des actes de concurrence déloyale exercés au détriment de la société Franchiseur.

L’expert judiciaire désigné ayant déposé son rapport, la société Franchiseur reprenait ses demandes indemnitaires ; les juges du fond décidaient de condamner les auteurs de la violation de la clause de préemption ainsi que le cessionnaire au paiement d’une somme de 5,1 M€. Le cédant et les cessionnaires faisaient alors grief à l'arrêt critiqué de les avoir condamnés in solidum à payer cette somme à titre de dommages-intérêts au profit de la société Franchiseur. Autrement dit, au cas particulier : - la clause de préemption avait été jugée valable et

opposable, - la violation de cette clause ne prêtait plus à

discussion, - de sorte que seule subsistait la question du montant

de l’indemnisation consécutif à la violation de la clause de préemption.

En premier lieu, la clause de préemption avait été jugée valable et opposable. Cette précision est loin d’être neutre lorsque l’on sait que : (a) la validité de la clause de préemption peut être remise en cause, par exemple au regard des dispositions du droit de la concurrence, en particulier lorsque le dispositif contractuel mis en place a pour

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effet de restreindre artificiellement le jeu de la concurrence sur le marché pertinent (CA Metz, 27 janvier 2015, n°2015/00041 et n°2015/00042 et notre commentaire ; Cass. com., 4 novembre 2014, n°12-25.419 et notre commentaire ; v. aussi, M. Malaurie-Vignal, Le droit de préemption au profit d'une coopérative de distribution, sous Aut. conc., déc. n° 13-D-19, 29 octobre 2013, CCC, n°1, janvier 2014, comm. 6 : soulignant notamment l’approche in concreto de l’autorité de la concurrence). (b) la clause de préemption, quoique valable, peut être écartée notamment : - lorsque le créancier de l’obligation y a renoncé (v.

pour une application récente, CA Bordeaux, 10 octobre 2016, n°14/00009) ;

- lorsque l’offre du tiers a été réceptionnée par le

franchisé (ou son dirigeant) débiteur de l’obligation postérieurement à l’expiration du délai de préemption (voir notamment sur ce point : CA Paris, 16 mars 2016, n°13/22662, Juris-Data n°2016-004961 et notre commentaire ; TC Paris, 6 novembre 2013, n°2012/025207 et notre commentaire (et, en cause d’appel, CA Paris 16 mars 2016, n°13/22662) ; CA Nancy, 6 juin 2005, Juris-Data n°2005-294123), situations qui suscitent souvent une difficulté de preuve pour le franchiseur, créancier de l’obligation, qui supporte le fardeau probatoire (Cass. com., 14 février 2006, Juris-Data n°032237), mais peut en présence de certains indices justifier d’un motif légitime au sens de l’article 145 du Code de procédure civile lui permettant d’obtenir une mesure in futurum (v., sur l’ensemble de la question, et notamment la question de la violation d’un pacte de préférence, F.-L. Simon, L’application de l’article 145 du CPC au droit de la distribution et de la franchise (Etude d’ensemble)) ; voir également, Mesures d’instruction à l’encontre du franchisé s’approvisionnant hors centrale).

- lorsque l’offre du tiers ne porte pas exactement sur

le même objet que celui prévu par la clause de préemption, qui s’interprète restrictivement (à propos d’une augmentation de capital réservée réalisée en présence d’une clause de préemption prévue par un pacte d’associés : CA Paris, 24 novembre 2015, n°14-15.626 et notre commentaire ; à propos d’une vente d’immeuble réalisée en présence d’une clause de préemption portant sur un seul lot : Cass. civ. 3ème, 9 avril 2014, n°13-13.949 et notre commentaire) ou concerne un autre objet (Cass. com., 29 avril 1997, Juris-Data n°1997-001978 : retenant que lorsque le droit de

préemption porte sur la cession du fonds de commerce du franchisé, il ne s’étend pas à l’hypothèse de la cession des parts sociales de la société franchisée).

En deuxième lieu, la violation de cette clause ne prêtait pas à discussion. Cette précision est loin d’être neutre lorsque l’on sait que la clause de préemption n’est pas violée dès lors que le franchiseur, créancier de l’obligation, a disposé de l’ensemble des informations utiles à l’exercice de son droit de préemption (voir notamment sur ce point : CA Paris, 4 septembre 2013, n°2011/10646 et notre commentaire) ou, ce qui revient au même en pratique, dès lors que le franchisé a transmis au franchiseur les informations énoncées par le contrat de franchise (voir notamment sur ce point : CA Versailles, 14 février 2012, n°2010/08678 et notre commentaire). En dernier lieu, demeurait la question de l’indemnisation. L’arrêt objet du pourvoi (Paris, 22 octobre 2014, n°14/01115) avait retenu que la non-réalisation de la vente avait causé une perte de chance à la société Franchiseur de tirer profit de ces biens et de développer son réseau. La Cour d’appel avait ainsi retenu que le marché correspondant à l’activité sous franchise était dynamique et que la perte de chance devait être appréciée en tenant compte des gains théoriques possibles, des résultats de gestion ayant acquis les parts et de la gestion qu'aurait pu envisager le franchiseur, eu égard au mode d'exploitation qui aurait pu être retenu (franchise ou intégration), en tenant compte également des effets de la concurrence sur le secteur et de l'installation à proximité de grandes surfaces ayant un impact sur le chiffre d'affaires. L’arrêt objet du pourvoi avait fixé à 5,0 M€ le montant de ce préjudice ; le franchiseur avait indiqué avoir subi en outre un préjudice résultant de la perte de représentation de l'enseigne, de l'image et de la dévalorisation de la marque ; les juges du fond avaient alors considéré qu’un tel préjudice pouvait être indemnisé et que l'acquisition des parts sociales par la société avait effectivement privé le franchiseur de toute présence de sa marque sur les secteurs géographiques concernés ; au cas d’espèce, ce préjudice a été évalué à 0,1 M€. En l'état de ces appréciations, la Cour de cassation retient que l’arrêt objet du pourvoi a pu retenir que la société Franchiseur était fondée à invoquer un préjudice né de la perte de la chance de tirer profit des biens acquis et de se développer. De plus, la Cour de cassation retient que c'est souverainement que l’arrêt objet du pourvoi a apprécié le montant du préjudice subi par la société Franchiseur

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au titre de la perte de la chance de se développer, laquelle nécessitait la prise en compte des effets ultérieurs de la faute retenue. La société venant aux droits du franchiseur sollicitait par ailleurs l’indemnisation d’un préjudice résultant de la perte de représentation de l’enseigne, de l’image, et de la dévalorisation de la marque. L’arrêt retient que l’acquisition des parts sociales par le cessionnaire l’a privée de toute présence de la marque sur les secteurs géographiques concernés et relève que la société cessionnaire admet elle-même avoir eu un intérêt stratégique à l’acquisition du magasin exploité qui lui permettait d’acquérir une position très favorable dans ce secteur, ainsi qu’à celle de biens immobiliers. En l’état de ces appréciations, la Cour de cassation retient que la cour d’appel a pu retenir que la société avait subi un préjudice propre de concurrence déloyale. Il faut noter enfin que la cession opérée par le franchisé en fraude des droits du franchiseur constitue un motif de résiliation immédiate du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé (CA Paris, 3 juill. 1998, Juris-Data n°022261 : en faveur de l’exclusion immédiate du réseau) ; cette résiliation fautive emporte un préjudice pour le franchiseur, distinct de celui que lui cause la violation de la clause de préemption (v. pour une application récente, CA Douai, 31 Mars 2016, n°14/04545). A rapprocher : F.-L. Simon, Théorie et Pratique du droit de la Franchise, Ed. Joly, févr. 2009, spéc. §§. 446 et suivants.

Responsabilité du franchiseur en qualité de mandataire

CA Versailles, 5 juillet 2016, RG n°14/08967 Ce qu’il faut retenir : Lorsque le franchiseur est le mandataire de son franchisé pour gérer l’hôtel objet du contrat de franchise, il engage sa responsabilité à l’égard du franchisé-mandant, lorsque, chargé notamment du contrôle régulier du responsable de l’hôtel, il ne s’aperçoit pas pendant plusieurs années des détournements opérés par ce dernier. Pour approfondir : L’affaire considérée concerne des circonstances particulières, où les parties avaient signé le même jour

un contrat de franchise et un contrat de mandat, par lequel le franchisé mandatait le franchiseur pour la gestion de l’hôtel objet du contrat de franchise. En tant que mandataire, le franchiseur avait notamment la charge du choix et du contrôle régulier du responsable de l’hôtel. En l’occurrence, le responsable choisi par le franchiseur-mandataire avait été licencié par ce dernier 6 ans après l’embauche, pour détournement de fonds. La procédure pénale intentée contre l’ancien responsable, qui avait abouti à sa condamnation pour abus de confiance, contrefaçon et falsification de chèques, avait révélé que les actes de détournement de fonds s’étaient déroulés sur plus de trois ans. Les faits commis au cours de la première année étaient prescrits pénalement. Estimant que le franchiseur-mandataire avait manqué à ses obligations, le franchisé-mandant l’a assigné afin d’obtenir que le franchiseur-mandataire soit condamné à prendre en charge le montant des condamnations prononcées à l’encontre de l’ancien responsable de l’hôtel, ainsi que les sommes correspondant à la période pénalement prescrite. Le Franchiseur répliquait notamment que son obligation, en tant que mandataire, n’était qu’une obligation de moyen et que le franchisé était lui-même responsable, en tant qu’employeur, des actes de son employé. La Cour d’appel de Versailles, statuant sur l’appel interjeté contre le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre, qui avait donné droit au franchisé, a relevé les points suivants : - le mandat stipulait expressément, à la charge du

mandataire, l’obligation de contrôler régulièrement le responsable;

- le franchiseur-mandataire devait également, au titre du mandat, assurer le suivi et le contrôle du fonctionnement comptable de l'hôtel et des résultats de celui-ci, le responsable de l’hôtel devant lui envoyer les situations décadaires ;

- le franchiseur-mandataire devait en outre procéder à un contrôle mensuel de gestion ;

- selon le mandat, le comptable devait être choisi par le franchiseur-mandataire et contrôlé par lui.

La Cour a également relevé que pendant trois ans, le responsable de l’hôtel avait : - encaissé des chèques des clients sur son compte

personnel ; - détourné des espèces ;

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- établi un nombre anormalement élevé de factures manuelles ;

- changé les types de règlements ; - et créé des comptes clients débiteurs ; La Cour a enfin souligné que le stratagème mis en place par le responsable de l’hôtel était particulièrement complexe. De ces éléments, la Cour a déduit qu'un contrôle régulier du responsable de l’hôtel et un suivi du fonctionnement comptable et administratif selon les modalités précisées au contrat de mandat auraient permis de découvrir ces malversations. La Cour a donc considéré que le Franchiseur-mandataire avait manqué à son obligation de moyen en qualité de mandataire. Pour le calcul du préjudice, la Cour a considéré que, si le franchiseur-mandataire devait indemniser le franchisé-mandant des détournements faits à son préjudice, le montant des redevances qui auraient dues avoir été payées par le franchisé-mandant au franchiseur-mandataire si les détournements n’avaient pas eu lieu devait être déduit de la condamnation prononcée à l’encontre franchiseur-mandataire. A cet égard, la Cour a opéré une distinction : - concernant le contrat de franchise, en l’espèce, la

redevance de franchise était assise sur le nombre de chambres et non sur le chiffres d’affaires ; par conséquent, les détournements n’avaient eu aucune incidence sur cette redevance et aucune somme ne peut venir, à ce titre, diminuer le montant des sommes dues par le franchiseur-mandataire au franchisé-mandant ;

- concernant le contrat de mandat, la redevance du

franchiseur-mandataire était assise sur le chiffre d’affaires et le résultat brut ; en conséquence, les détournements ont diminué la redevance qui aurait dû être payée au franchiseur en sa qualité de mandataire ; la redevance ainsi perdue par le franchiseur-mandataire devait donc être déduite du préjudice du franchisé-mandant.

A rapprocher : Article 1147 du Code civil.

Liberté du fournisseur et protection territoriale du distributeur en distribution sélective

Cass. com., 7 juin 2016, pourvoi n°14-22.093 Ce qu’il faut retenir : La tête d’un réseau de distribution sélective ne commet pas de faute à l’égard de son distributeur en nommant un autre distributeur à proximité du premier. Pour approfondir : La société Part Dieu automobiles est distributeur et réparateur agréé de la marque Hyundai dans l'agglomération lyonnaise en vertu de deux contrats de distribution à durée indéterminée conclus le 24 octobre 2003 avec la société Hyundai Motor France. A cette date, deux autres concessionnaires Hyundai étaient présents dans l’agglomération lyonnaise ; ceux-ci ont cessé leur activité en 2004 et 2005. La société Part Dieu a ouvert deux nouveaux sites, en 2005 et en 2006. En 2006 et 2008, la société Hyundai Motor France a agréé deux distributeurs-réparateurs, les sociétés Automotion à Vénissieux et Garage Drevet à Villeurbanne. La société Part Dieu a fermé l'un de ses sites en 2008. La société Part Dieu a assigné la société Hyundai Motor France en paiement de dommages-intérêts au motif que la nomination de Garage Drevet constituait une faute dans l’exécution du contrat de distribution sélective. En effet, la société Part Dieu estimait que l’autorisation donnée à un autre distributeur de s’installer à proximité immédiate de son site principal modifiait un élément essentiel à l’équilibre contractuel entre les parties en ce qu’elle créait de nouvelles conditions de concurrence, et constituait un acte de mauvaise foi de la part de la société Hyundai Motor France. La société Part Dieu soutenait encore que la société Hyundai Motor France avait commis un acte de déloyauté à son encontre puisqu’elle était bien consciente de l’impact négatif sur son partenaire de « la nomination d'un distributeur supplémentaire qui, combinée à l'instauration du bonus/malus écologique, justifiait une baisse de l'objectif de vente imparti à la société Part Dieu automobile supérieure à celle prévisible sur le marché français en général ». La Chambre commerciale de la Cour de Cassation est saisie par la société Part Dieu automobiles d’un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 20 mai 2014 ayant débouté cette dernière de ses demandes.

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La Haute juridiction rejette en tous ses points le pourvoi en considérant notamment que : - dans un système de distribution sélective, le

fournisseur détermine librement le nombre d'opérateurs qu'il décide d'agréer et contrôle la localisation de l'établissement principal des distributeurs qu'il agrée,

- la société Hyundai Motor France était libre dans la détermination de son numerus clausus et n'avait pas à justifier de sa pertinence et de son objectivité ; elle ne peut donc se voir reprocher d'avoir nommé un distributeur supplémentaire, a fortiori « sans justifications objectives »,

- les distributeurs du réseau ne bénéficient pas d'une protection territoriale sur une zone géographique particulière.

Par conséquent, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui a déduit des points ci-dessus que l'agrément délivré au garage Drevet ne modifiait pas l'équilibre du contrat conclu en 2003 avec la société Part Dieu en imposant à cette société de nouvelles conditions de concurrence défavorables. En effet, ce contrat ne prévoyant notamment aucune protection territoriale de la société Part Dieu automobiles, et la société Hyundai Motor France étant libre dans la fixation du nombre de ses distributeurs, l’implantation d’un distributeur supplémentaire de la marque ne constituait pas un manquement à ses engagements contractuels. A rapprocher : CJUE, 14 juin 2012, aff. C-158/11.

Distribution sélective et vente en ligne CA Paris, 25 mai 2016, RG n°14/03918

Ce qu’il faut retenir : Internet et la vente en ligne viennent-ils mettre à mal la possibilité de développement d’un réseau de distribution sélective ? Une exemption catégorielle ou individuelle est possible pour ces réseaux en vertu du Règlement 2790/1999, sous conditions. En l’espèce, les clauses noires des contrats de distribution sélective de Coty France l’empêchent toutefois d’en bénéficier. Pour approfondir : Il est fréquent, dans le domaine du luxe notamment, de développer un réseau de distribution sélective, dont les critères de licéité sont rappelés par la Cour dans

l’arrêt en question : mode sélectif de la distribution légitimé par la nécessité de protéger la qualité du produit, l’existence de critères objectifs sur lesquels est fondée la sélection des revendeurs, et la proportionnalité de ces critères, qui ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire. La distribution sélective permet ainsi au distributeur de protéger son image, sa marque. La licéité des ventes passives par internet Avec le développement d’internet et de la globalisation en général toutefois, se pose la question de la pérennité d’un tel système. Si la Cour souligne que les ventes actives, entendues comme le fait de prospecter une clientèle, peuvent être limitées à un territoire donné, des points de ventes donnés, les institutions européennes ont d’ores et déjà affirmé que les ventes par internet n’entraient pas dans cette catégorie, et ne pouvaient être prohibées (article 4 du règlement 2790/1999). Les lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales du 19 mai 2010 soulignent pareillement que « tout distributeur doit être autorisé à utiliser internet pour la vente de ses produits » (point 52). Comment, dans pareil cadre, la distribution sélective pourrait-elle alors perdurer ? L’arrêt du 25 mai 2016 de la Cour d’appel de Paris vient apporter des éléments de réponse. Pour interdire la vente en ligne des produits dont la société Coty France se prétendait licenciée, la Cour souligne que cela doit s’inscrire dans un cadre licite et dans le but de protection de ce réseau et d’en assurer l’étanchéité sous peine d’être considéré comme restrictif de concurrence. « A défaut de justification objective, les accords de distribution sélective constituent des restrictions par objet » (CJCE, 13 octobre 2010, C-439/09). En l’espèce, lorsque Coty France assigne la société Marvalle et France Télévision pour vente en ligne de ses produits et promotion du site internet, la Cour d’appel rappelle que seules peuvent bénéficier d’un régime d’exemption, dans le cadre de la distribution sélective, les entreprises ayant moins de 30% du marché, et dont les contrats ne restreignent pas, en soi la concurrence (ce qui n’est, selon le juge, pas le cas ici). Alors que le Tribunal de Commerce de Paris avait accueilli les demandes de Coty France, la Cour d’appel vient infirmer l’ordonnance aux motifs que les contrats versés aux débats par Coty France contiennent des clauses noires, empêchant le jeu de toute exemption catégorielle.

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Notamment, sont considérées comme des clauses noires, l’interdiction de vendre à des revendeurs non agréés, qui ne devrait pas pouvoir s’étendre aux distributeurs non agréés qui ne sont pas organisés en réseau de distribution sélective, et l’interdiction de toute vente active dans un pays de l’UE où Coty France n’aurait pas encore opéré de ventes. « Le contrat de distribution sélective comporte des dispositions qui excluent le bénéfice d’une exemption catégorielle pour le système de distribution mis en place par Coty ». Dans ce cadre, et si l’exemption catégorielle ne peut jouer, la Cour rappelle la possibilité pour les réseaux de distribution sélective, de demander une exemption individuelle à la Commission européenne. Le cout moindre de la vente en ligne La vente en ligne est une opération bien moins coûteuse pour le propriétaire du site. Elle demande en effet moins d’investissements et implique moins d’obligations que la vente physique classique. « Pour pratiquer des prix très réduits tout en réalisant une marge, [l’émetteur du Site] profite des investissements réalisés par les distributeurs sans en avoir les obligations ». Cela peut-il caractériser un comportement parasitaire, sinon déloyal ? Si les droits européen et français désormais prévoient la prohibition de toute clause interdisant à un distributeur agréé de développer un site internet, y compris dans le cadre de la distribution sélective (Cass. Com., 24 septembre 2013, n°12-14.344 ; AdlC, déc. n°12-D-23, 12 décembre 2012 ; CA Paris, 31 janvier 2013, n°2008/23812), cela n’empêche pas de lui imposer d’ouvrir, a minima, une boutique physique. En l’espèce, la société Coty France allègue le comportement déloyal et parasitaire de la société Marvalle, en vertu de tous ces investissements financiers et intellectuels qu’elle ne doit pas faire dans le cadre de la vente en ligne, en comparaison avec la vente classique. La Cour d’appel réfute toutefois ses prétentions au motif que Coty ne prouve aucunement qu’elle ait elle-même dû réaliser ces investissements. En présence de preuve néanmoins, il est légitime de penser qu’une indemnisation est possible à ce titre, d’autant qu’en l’occurrence, Marvalle n’est pas un distributeur agréé. A rapprocher : ADLC, 12 déc. 2012, décision n°12-D-23, et notre commentaire ; Cass. com., 20 mars 2012, n°10-16.329, et notre commentaire ; CA Paris, 2 février 2016, RG n°15/01542, et notre commentaire.

Complicité du tiers dans la violation d’un approvisionnement exclusif

CA Besançon, 6 janvier 2016, RG n°14/01662 Ce qu’il faut retenir : On pourrait l’oublier mais la fourniture d’un DIP ne s’impose que lorsqu’est mis à disposition du distributeur une marque, une enseigne ou un nom commercial. Par ailleurs, la preuve de la complicité du tiers dans la violation de l’obligation d’approvisionnement semble se faciliter. Pour approfondir : Une commerçante, tenancière d’un café bar restaurant exploité sous sa propre enseigne, a conclu avec une société fournisseur une convention commerciale de distribution aux termes de laquelle elle s'engageait à se fournir exclusivement auprès de cette société durant une période de cinq ans, pour les boissons débitées dans son établissement. Ce contrat prévoyait un objectif minimum annuel de 45.000 € de chiffre d’affaires. Après avoir fait constaté par huissier que la commerçante se fournissait auprès d’un concurrent qui avait pourtant été mis en garde par la société fournisseur depuis des années, cette dernière a assigné sa cocontractante en violation de ses engagements contractuels (ayant entraîné la rupture fautive du contrat) et son concurrent en paiement d’une indemnité pour complicité dans la violation du contrat. La brasseuse opposait la nullité du contrat pour vice du consentement (n’ayant pas reçu de DIP) et pour disproportion de l’engagement eu égard à l’objectif de 45.000 € minimum de chiffre d’affaires annuels (selon elle, si elle avait dû s’approvisionner à hauteur de 45.000€ minimum par an auprès de sa cocontractante elle aurait dû elle-même, pour survivre, faire un chiffre d’affaires totalement irréalisable de 180.000 €). Les juges de première instance n’ont pas fait droit à ces demandes, estimant notamment que le contrat était dépourvu de cause et était entaché de nullité pour non-respect des dispositions de l’article L330-3 du Code de commerce (relatif à la fourniture d’un document d’information précontractuel). Notre arrêt présente les 3 intérêts suivants : 1/ il rappelle la stricte application de l’article L330-3 du

Code de commerce : un DIP ne devant être remis à un candidat que s’il est mis à sa disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne ;

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2/ il relève qu’un objectif minimum n’entraîne pas de disproportion fautive du contrat dès lors que, dans les faits, cet objectif a été régulièrement réalisé par celui qui s’y est engagé ;

3/ il condamne largement le tiers, complice dans la

violation d’une obligation d’approvisionnement exclusif, au paiement solidaire de l’indemnité de résiliation fautive de la convention.

En effet, sur le premier point, la Cour rappelle les termes précis de l’article L330-3 du Code de commerce : « Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ». Ainsi, si l’existence d’un engagement d’approvisionnement exclusif (cas de l’espèce) ou quasi-exclusif est nécessaire au respect des dispositions relatives à la fourniture d’un DIP, encore faut-il (et cela est souvent oublié) que la convention litigieuse prévoit l’utilisation par le distributeur du nom commercial, de la marque ou de l’enseigne du fournisseur. Ce n’était pas le cas en l’espèce ; il ne s’agissait pas d’un contrat de franchise mais d’approvisionnement. Ensuite, sur le deuxième point, la brasseuse a tenté en vain de semer la confusion dans l’interprétation du contrat. Elle soutenait que la clause prévoyant un objectif minimum était en fait un objectif de chiffre d’affaires à réaliser par le fournisseur (et non par elle), autrement dit un engagement pour elle de réaliser au moins pour 45.000 € d’achats auprès du fournisseur. Or, la Cour estime qu’en reprenant les arguments de la défenderesse en première instance, le Tribunal avait dénaturé les termes de la convention (cela étant, la rédaction de la clause était bien imprécise à notre sens…). Mais surtout la Cour souligne la réalisation constante par la commerçante d’un chiffre d’affaires supérieur à l’objectif de 45.000 €. Elle en déduit que ce montant objectivé n’est pas disproportionné par rapport à l’activité globale de la tenancière. Malgré cette décision favorable au fournisseur, il convient de veiller à la rédaction de toute clause d’objectif, tant pour sa compréhension sans équivoque que pour son caractère proportionné. Enfin, sur le troisième point, et cela mérite d’être souligné, la Cour condamne un tiers, société fournisseur de boissons concurrente au paiement

solidaire de l’indemnité de rupture fautive du contrat d’approvisionnement. Il ne pouvait en être autrement en l’espèce dès lors que la société fournisseur contractante avait déjà écrit à sa concurrente afin de l’informer de l’obligation d’approvisionnement exclusif pesant sur la tenancière, ce qui ne laissait aucun doute quant à sa volonté de bénéficier pleinement de cet engagement. On relèvera qu’il est expressément indiqué dans cet arrêt d’appel que « ce comportement est d’autant plus critiquable que […] les contrats dits « de bière » constituent un usage courant dans ce domaine professionnel » : attention donc car dans d’autres domaines que celui des contrats de bière, il devient d’usage de soumettre un distributeur à un engagement d’approvisionnement exclusif… A rapprocher : Article L.330-3 du Code de commerce.

*****

RÉSILIATION DU CONTRAT & CONSEQUENCES

Résiliation du contrat et fin des relations commerciales sont à distinguer

CA Pais, 14 septembre 2016, RG n°14/00827 Ce qu’il faut retenir : Le fait pour l’une des parties de notifier à son partenaire la résiliation des contrats qui les lient tout en lui indiquant que, du fait de la réorganisation de son réseau, elle la recontactera afin d’échanger sur la possibilité de poursuivre leur relation, entretient ainsi le partenaire dans l’idée de la poursuite de leur relation et ne vaut pas notification de la rupture. Pour approfondir : La société G. distribue les produits de la société C. depuis près de vingt-neuf ans. Les deux derniers contrats qui les lient ont été conclus en 2006 et prévoient leur tacite reconduction par période successive d’un an. Le 19 juin 2009, la société C. informe son partenaire d’une réorganisation de son réseau et de la résiliation des deux contrats de distribution agréée au 31 décembre 2019,

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conformément aux termes des contrats, lesquels prévoient la possibilité pour l’une ou l’autre des parties de résilier le contrat en respectant un préavis d’une durée de 6 mois. Dans son courrier, la société C. annonce également à la société G. la mise en place d’un nouveau réseau de distributeurs agréés et, à ce titre, lui indique qu’un nouveau partenariat pourrait être mis en place entre elles pour les années à venir, lui précisant qu’elle prendra attache avec elle afin d’échanger sur la possible poursuite de leur relation. Le 16 novembre 2009, la société G. demande des explications à son partenaire, sans toutefois obtenir de réponse. Le 17 décembre 2009, la société G. obtient finalement la confirmation qu’aucun nouveau contrat ne lui sera proposé par la société B. C’est dans ce contexte que la société G. assigne finalement son partenaire sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce pour rupture brutale de relation commerciale établie. En première instance, le Tribunal de commerce de Nancy considère que les courriers du 19 juin 2009 adressés par la société C. n’indiquent pas de manière équivoque à la société G. la fin de leur relation et laissent au contraire envisager la poursuite de celle-ci, ne faisant ainsi état d’aucun préavis écrit. Selon le Tribunal, les relations entre les parties ont donc cessé de manière brutale, ce alors que la société G. aurait dû bénéficier d’un préavis de 18 mois. La société C. interjette appel, considérant qu’elle n’a commis aucune faute et que la rupture des relations est exempte de toute brutalité. Devant la Cour d’appel, la société C. soutient que les courriers du 19 juin sont dénués de toute ambigüité et manifestent clairement sa volonté de ne plus poursuivre la relation ; la cessation de la relation ne serait donc pas brutale puisque son partenaire a bénéficié d’un préavis raisonnable (la société B. ayant été avertie par oral dès mai 2008 de la fin de leur relation, laquelle a été confirmée par écrit en juin 2009). La société C. souligne par ailleurs qu’il n’a fallu que 4 mois à la société G. pour réorganiser son activité, que cette dernière ne réalisait qu’une partie limitée de son chiffre d’affaires avec la société C. (12%) et que, au surplus, elle a proposé à son partenaire de l’accompagner pour organiser la suite, après la fin de leur relation. En revanche, selon la société G., le fait pour son partenaire de lui avoir indiqué, dans ses courriers de juin 2009, qu’un nouveau partenariat allait lui être proposé, témoigne de sa volonté de poursuivre leur relation et considère de ce fait qu’elle n’a bénéficié d’aucun préavis, alors que, eu égard à la durée de leur relation, elle aurait dû bénéficier d’un préavis d’une durée de 27 mois.

Les juges du fond relèvent que les courriers du 19 juin 2009 ont entretenu la société G. dans l’idée de la poursuite de leur relation, ce d’autant que la société C. avait indiqué qu’elle prendrait attache avec son partenaire pour lui présenter le nouveau réseau. Ainsi, le fait de résilier les contrats de 2006 ne signifiait pas mettre fin à la relation entre les parties ; la société G. n’a donc pas bénéficié d’un préavis formel. Par ailleurs, l’offre d’accompagnement formulée par la société C. n’a été faite que postérieurement à la fin des relations entre les parties. Dans ces conditions, la rupture apparait donc brutale au sens de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, la société G. ayant été « maintenue dans l’idée de la poursuite de la relation commerciale, dont la rupture n’a pas été précédée d’un préavis régulier » et, au vu du contexte, un préavis d’une durée de 10 mois aurait dû s’appliquer. La société G. doit ainsi être indemnisée du préjudice subi au regard de la marge bénéficiaire brute qu’elle pouvait escompter réaliser si les relations commerciales n’avaient pas cessé. A rapprocher : Art. L.442-6 du Code de commerce. Résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs

du franchisé et préjudices réparables CA Paris, 7 septembre 2016, RG n°14/04528

Ce qu’il faut retenir : La résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé peut avoir notamment pour conséquence la condamnation de ce dernier à réparer les préjudices consécutifs à la perte de redevances, à la perte de chance de percevoir une marge en qualité de centrale d'achat/de référencement, et à l'atteinte à l'image du réseau de franchise. Pour approfondir : On le sait, le prononcé par le juge de la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé peut emporter tout ou partie des condamnations suivantes à l’encontre de ce dernier : - d’une part, la condamnation du franchisé au

paiement des sommes restants dues au franchiseur au titre du passé (on songe ici essentiellement aux redevances de franchise et marchandises impayées, et aux pénalités de retard de paiement y afférentes) ;

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- d’autre part, le cas échéant, la condamnation du franchisé au paiement des sommes dues au franchiseur au titre de la violation de telle ou telle obligation spécifique prévue par le contrat de franchise (on songe par exemple à la violation d’une clause de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat, ou à la violation d’une clause de préemption, etc.) ;

- enfin, et en tout état de cause, la condamnation du franchisé aux préjudices directement liés à cette résiliation.

L’apport de l’arrêt commenté concerne cette troisième catégorie de préjudices. Il n’est donc pas question de revenir ici sur les conditions dans lesquelles le contrat de franchise peut être résilié, ni même sur la variété des clauses de nature à encadrer la résiliation de ce contrat (v. sur la question : LDR, 1er avril 2009, Contrat de franchise et variétés de clauses de résiliation (à propos de Cass. com., 13 janvier 2009, pourvoi n°08-12.375). Notre analyse portera sur les préjudices que le franchiseur peut obtenir lorsque la résiliation du contrat est prononcée aux torts exclusifs du franchisé. On envisagera ici : la perte de redevances, la perte de chance de percevoir une marge sur les achats, et l'atteinte à l'image du réseau. ● La perte de redevances En l’absence de clause pénale dans le contrat de franchise En l’espèce, le contrat ne comportait pas de clause pénale (à distinguer de la clause de dédit). L’arrêt retient à ce titre que : « Considérant que par application des dispositions de l’article 1152, alinéa 2 du Code civil, les premiers juges ont réduit la somme de 83.421 euros au titre des redevances qui auraient dû revenir à la société [franchiseur] si le contrat de franchise s'était poursuivi jusqu'à son terme le 1er octobre 2015, à celle de 30.000 euros ; que la société [franchiseur] sollicite l'infirmation du jugement en considérant qu'elle a subi une perte de redevances du fait de la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société [franchisée] et qu'il ne s'agit nullement d'une clause pénale susceptible d'être modérée » ; « Considérant que si cette demande est justifiée dans son principe du fait même de la résiliation fautive du contrat de franchise par la société [franchisée] qui a ainsi engagé sa responsabilité et doit réparation du

préjudice subi par le franchiseur du fait de cette rupture, il convient, en revanche et tout d'abord, de relever qu'aucune indemnité n'est prévue au contrat en cas de résiliation aux torts du franchisé ; que, par ailleurs, si la somme réclamée de ce chef est calculée sur la base d'une redevance prévisionnelle d'exploitation (moyenne annuelle du chiffre d'affaires réalisé sur les trois derniers exercices pleins de 372.000 euros HT x 5% taux de la redevance) et sur une durée de 3,75 exercices, correspondant à la durée qui restait à courir à compter de la date de résiliation jusqu'au 31 décembre 2014, terme des 9 ans du contrat, le mode de calcul ainsi retenu présente un caractère purement mécanique et ne tient pas compte de l'aléa inhérent à la vie des affaires, lequel prend un relief particulier au regard de la longueur de la période considérée ; qu'il convient, dès lors, de fixer le préjudice subi à ce titre à la seule somme de 30.000 euros retenue à bon droit par le jugement déféré ». En l’absence de clause pénale, il nous semble justifié que le franchiseur puisse obtenir la réparation du préjudice résultant de la perte des redevances qu'il pouvait attendre de percevoir jusqu'à l'expiration du contrat à son terme normal (CA Paris, 18 février 2015, n°12/20590). Certaines décisions (selon nous critiquables) retiennent que le franchiseur ne saurait percevoir les redevances de franchise dues entre la date de résiliation retenue et celle de la fin du contrat (CA Paris, 22 juin 2016, n°14/03647). En présence d’une clause pénale dans le contrat de franchise Les parties peuvent évaluer par avance les dommages et intérêts dus par le débiteur en cas de retard ou d’inexécution par l’une des parties, par la stipulation d’une clause pénale (D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992), régie par les articles 1152 et 1226 et suivants du Code civil. Ainsi, le juge n’exerce pas le pouvoir de révision qu’il tient de l’article 1152 du Code civil en présence d’une clause pénale prévoyant que le franchisé devra alors une somme sera égale à la moyenne mensuelle de la redevance au cours des 24 derniers mois (ou de l'intégralité de la période d'exécution du contrat si celle-ci s'avérait inférieure à 24 mois) multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'à l'arrivée du terme des présentes (CA Paris, 22 juin 2016, n°14/03643 ; CA Paris, 22 janvier 2014, n°11/18554). Il en va a fortiori lorsque la clause pénale se cantonne à la moitié des redevances qui auraient été versées jusqu’au terme du contrat (CA Nîmes, 7 mai 2015, n°14/02593 et notre commentaire). Une attention particulière doit être accordée à la rédaction de la clause pénale, qui doit essentiellement

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éviter deux écueils : le premier tient à son champ d’application, le second à sa portée. En premier lieu, en effet, les juges sont (à juste titre) attentifs au champ d’application d’une telle clause, qui est écartée lorsque par exemple celle-ci vise uniquement l’hypothèse où le franchisé n’a pas pris l'initiative d'une rupture unilatérale, alors que le juge du fond est appelé à prononcer la résiliation judiciaire aux torts du franchisé par suite d’une demande reconventionnelle du franchiseur (CA Paris, 2 juillet 2014, n°11/19239). En second lieu, la clause pénale en cause doit être claire quant aux chefs de préjudice qu’elle a vocation à indemniser. Par exemple, les juges du fond vérifient si la clause pénale indemnise l’ensemble des préjudices résultant de la rupture du contrat de franchise ou uniquement le préjudice découlant de la perte de redevances (v. sur une telle distinction, CA Paris, 17 mars 2016, n°14/23004 ; CA Versailles, 30 janvier 2007, n°05/534). Tout dépend donc de la manière dont la clause pénale est rédigée. Au demeurant, sous l’empire du nouveau droit des contrats, la règle contra proferentem prévaudra en présence d’un contrat d’adhésion. ● La perte de chance de percevoir une marge en qualité de centrale d'achats/de référencement En l’espèce, les juges du fond retiennent à ce titre que : « Considérant que la société [franchisée] était tenue en application de l'article 3.3 du contrat de franchise de s'approvisionner exclusivement auprès de la société [franchiseur] pour les produits mentionnés à l'annexe 3 ; que dans ses écritures, la société [franchisée] ne conteste pas s'être partiellement affranchie de cette obligation entre 2009 à 2011 mais fait valoir que le préjudice invoqué par l'intimée est purement hypothétique ; que la société [franchiseur] sollicite à ce titre la somme de 45.935 euros au titre de ces trois années outre celle de 71.162 euros au titre des années restant à courir jusqu'au terme du contrat, soit la somme totale de 117.097 euros » ; « Mais considérant que la société [franchiseur] ne justifie nullement du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'inexécution partielle de l'obligation d'approvisionnement ; qu'en effet, la perte de marge qu'elle invoque, ne peut être déterminée au vu des seules pièces qu'elle verse aux débats, soit des factures d'achat pour les années 2009 à 2011 et une attestation de son expert-comptable mentionnant sa marge commerciale au titre des années 2008 à 2010 ; que par voie de conséquence, le préjudice qui aurait été subi et qui ne pourrait être constitué que par la perte de chance de réaliser une marge commerciale pour les années

postérieures à la résiliation du contrat et restant à courir jusqu'à son terme conventionnel, n'est pas plus justifié ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de la demande formée à ce titre ». Tout est affaire d’espèce. Par exemple, le préjudice né de la perte de marge sur l’approvisionnement donne parfois lieu à une révision du juge qui, pour motiver l’exercice de son pouvoir de révision, retient l’existence d’« une certaine fluctuation dans le temps » (CA Paris, 22 juin 2016, n°14/03643). ● L'atteinte à l'image du réseau de franchise L’idée même que le franchisé puisse, par son comportement, commettre une faute de nature à justifier sa condamnation pour « atteinte à l’image du réseau de franchise » ne prête pas à discussion ; cette situation a donné lieu à toute une série de décisions bien connues et parfaitement justifiées. Ainsi, a-t-il été jugé par exemple que le franchisé doit réparation d’un tel préjudice (la liste n’est pas exhaustive) lorsqu’il : - ne respecte pas le concept (CA Bordeaux, 24 janv.

2007, RG n°04/06594 in F.-L. Simon, Droit de la franchise, Les Petites Affiches, n° spécial, avant-propos V. Lamanda, 15 nov. 2007, n°121, p. 35 ; CA Angers, 19 déc. 2006, Juris-Data n°2006-330903),

- ne respecte pas les règles d’hygiène (TC Paris, Ord.

Réf., 28 juin 2012, n°2012/038682), - viole le contrat de franchise en ne sollicitant pas

l’assentiment du franchiseur préalablement à la diffusion d’une publicité locale (Comm. CE, 17 déc. 1986, JOCE n° L. 8, 10 janv. 1987, §. 44), brade les produits du réseau (CA Nouméa, 1er août 2013, n°12/00393 ; Cass. com., 18 juin 1996, n°94-17.072),

- se livre à un dénigrement (Cass. com., 8 mars 2016,

n°14-21.921 ; CA Paris, 17 février 2016, n°13/20415), notamment lorsque celui-ci se manifeste sur internet (CA Versailles, 8 mars 2016, n°14/04091 ; voir sur la question, La clause d’e-reputation),

- commet une infraction pénale (Cass. crim., 22 mai

2012, n°11-85.50 (Publié au Bulletin)), - viole une clause de non-réaffiliation (CA Paris, 17

février 2016, n°13/20415) ou une clause de préemption (CA Douai, 21 déc. 2006, n°04/02939 ; CA Douai, 7 déc. 2006, n°05/03872),

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- utilise les signes distinctifs au-delà du terme du contrat de franchise (CA Paris, 6 oct. 2006, Juris-Data n°2006-332901) ou les signes d’une enseigne contrefaisante (CA Versailles, 14 mai 2009, n°07/05311),

- ou cesse d’exercer son activité pendant l’exécution

du contrat de franchise (Tribunal Arbitral, 16 juin 2016, Réseau X c/ Sté S… (confidentiel)).

Rapportée à la question de la résiliation du contrat de franchise, l’idée reste intacte. En effet, par sa nature même, la disparition prématurée du point de vente sous franchise, conséquence mécanique de la résiliation du contrat, porte nécessairement atteinte à l’image du réseau dès lors que :

- le franchisé descend l’enseigne, commune à tous les membres du réseau,

- sauf cas particulier, le réseau n’est donc plus

présent dans la zone de chalandise, - le réseau perd donc de son impact sur le

consommateur local et, partant, de sa notoriété, - ce préjudice est même accentué lorsque le point de

vente ex-franchisé poursuit la même activité, contrariant toute réimplantation de l’enseigne dans la zone de chalandise, voire l’empêchant lorsque l’emplacement du point de vente ex-franchisé est stratégique.

En l’espèce, les juges du fond retiennent à ce titre que : « Considérant que la société [franchiseur] sollicite la somme de 30.000 euros au titre du préjudice subi du fait de l'atteinte à l'image de son réseau ; qu'elle estime que le changement d'enseigne opéré par la société [franchisée] a nécessairement créé une confusion dans l'esprit des consommateurs situés à Toulouse sur la disparition du réseau de franchise […] » ; « Considérant que la société [franchisée] réplique, sans au demeurant le démontrer, qu'il n'existe à ce jour plus aucun restaurant franchisé [sous l’enseigne du franchiseur] de sorte que la demande serait injustifiée dans son principe » ; « Considérant que le changement d'enseigne par la société [franchisée] en cours d'exécution du contrat, changement qu'elle a accompagné d'une communication via son site internet, a causé nécessairement un préjudice d'image au réseau de franchise de la société [franchiseur] ; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ; que la cour dispose au dossier des éléments nécessaires pour évaluer le préjudice subi à ce titre à la somme de 10.000 euros ».

Le quantum reste parfois délicat à prouver par le franchiseur. A tel point que, dans certains cas, la demande indemnitaire du franchiseur est écartée au motif que celui-ci ne justifie pas, par la production de pièces, l’importance du préjudice d’image qu’il indique avoir subi (CA Paris, 22 juin 2016, n°14/03643 ; CA Rennes, 8 avril 2014, n°12/07128 ; CA Caen, 6 mars, 2008, n°06/2994). En réalité, sur cette question, tout est affaire d’espèce. ● Autres préjudices Ici encore, tout est affaire d’espèce. D’autres préjudices peuvent être sollicités lorsque par exemple la résiliation du contrat de franchise emporte celle du contrat de location-gérance comportant lui-même une clause relative aux conséquences de sa résiliation (CA Paris, 22 juin 2016, n°14/03643). A rapprocher : LDR, 1er avril 2009, Contrat de franchise et variétés de clauses de résiliation.

Résiliation amiable du contrat de franchise et demandes ultérieures en justice

Cass. com., 24 mai 2016, pourvoi n°14-24.709 Ce qu’il faut retenir : La résiliation amiable du contrat de franchise n’empêche pas le franchisé d’assigner ensuite le franchiseur sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, ou de demander la nullité du contrat. L’accord de résiliation n’a pas nécessairement de valeur transactionnelle, même si celle-ci peut être soulevée d’office par le juge. Pour approfondir : La résiliation amiable n’éteint pas la responsabilité

contractuelle

En cas de résiliation amiable du contrat de franchise, deux éléments sont à prendre en considération, ce que souligne l’arrêt rendu le 24 mai 2016 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Tout d’abord, la Cour condamne l’arrêt d’appel au motif que, contrairement à ce qui était allégué, la résiliation amiable du contrat « n’interdit pas au franchisé d’obtenir réparation du préjudice résultant de manquements commis antérieurement par le franchiseur » ; elle n’exonère pas la partie fautive de sa responsabilité contractuelle, et ne vaut pas

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renonciation par l’autre partie, de toute action en responsabilité contractuelle contre ces fautes. Le franchisé est ainsi recevable lorsqu’il demande, postérieurement à la résiliation amiable, des dommages et intérêts au titre des manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles, ainsi qu’au titre des pertes subies. Ensuite, la résiliation amiable n’a pas nécessairement valeur de transaction. Ainsi, le caractère transactionnel de l’accord ne peut être relevé d’office par le juge sans inviter les parties à s’en expliquer dans un débat contradictoire. En l’espèce, la Cour de cassation condamne l’arrêt d’appel pour le non-respect du contradictoire. Demande en nullité du contrat de franchise

Pareillement, la Cour de cassation admet la recevabilité de la demande en nullité du contrat de franchise, bien qu’il ait été amiablement résilié. La demande, même si elle apparait en appel, ne peut être irrecevable, puisqu’elle est introduite dans le but d’écarter les prétentions adverses. En décalage de notre sujet, mais de façon intéressante, la Cour souligne à ce titre que cette solution est valable, même si ces prétentions n’étaient que « virtuellement comprises dans les défenses soumises au premier juge ». A rapprocher : CA Angers, 17 février 2015, RG n°13/00964, et notre commentaire. Résiliation aux torts exclusifs vs exécution de bonne

foi des conventions Cass. com., 2 février 2016, pourvoi n°13-24.582

Ce qu’il faut retenir : L’assignation en résiliation aux torts exclusifs de son cocontractant ne dispense pas la demanderesse de devoir supporter les conséquences de ses propres manquements, même postérieurs à l’assignation. Pour approfondir : Se plaignant de nombreux impayés, un concédant a assigné son concessionnaire aux fins d’obtenir le paiement des sommes dues et que soit constatée la résiliation du contrat aux torts exclusifs du concessionnaire. Le contrat prévoyait en effet une clause de résiliation anticipée par laquelle, en cas de non-paiement à son

échéance d'une somme due par le concessionnaire ou d'infractions de sa part à l'une des clauses des conditions générales ou particulières, le concédant pourrait adresser au concessionnaire une mise en demeure par lettre recommandée constatant ces manquements, la résiliation opérant de plein droit huit jours après la mise en demeure. En réponse à cette assignation, le concessionnaire demandait, à titre reconventionnel, que la résiliation soit prononcée aux torts exclusifs du concédant et que celui-ci soit condamné à lui payer diverses sommes à titre de commissions et de dommages-intérêts. Le concessionnaire reprochait en effet au concédant d’avoir, postérieurement à son assignation, refusé des commandes et coupé sa connexion internet. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 18 juillet 2013 rendu sur renvoi après cassation, a, d’une part, prononcé la résiliation du contrat de concession aux torts du concessionnaire en considérant qu’elle n’avait pas, pour statuer sur la question de la résiliation, à se prononcer sur les faits reprochés au concédant postérieurement à l’assignation ; d’autre part, elle a rejeté la demande de dommages-intérêts du concessionnaire pour les même motifs. Par arrêt en date du 2 février 2016, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en retenant notamment les motifs suivants : 1) « pour apprécier si les manquements d'une partie à ses obligations sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, les juges du fond doivent prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues, y compris après l'acte introductif d'instance, jusqu'au jour de leur décision ». En d’autres termes, cela signifie, conformément à une jurisprudence constante, que l’assignation en résiliation ou en constatation d’acquisition de la clause résolutoire n’emporte pas à elle seule la rupture du contrat. Les éléments postérieurs à l’assignation doivent être pris en compte par les juges pour apprécier la gravité des manquements d’une partie. Par conséquent, la partie qui assigne doit rester particulièrement vigilante dans l’exécution de ses propres obligations et s’abstenir de commettre elle-même, postérieurement à l’assignation et jusqu’à la résiliation effective, des manquements qui pourraient diminuer, aux yeux des juges, la gravité de ceux reprochés à la partie adverse. 2) « le prononcé de la résiliation d'un contrat aux torts d'une partie ne dispense pas son cocontractant de son obligation de réparer le préjudice que ce dernier a pu lui

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causer par l'inexécution de ses obligations contractuelles ». En d’autres termes, la partie qui obtient la résiliation aux torts exclusifs de son cocontractant pour des manquements graves de ce dernier peut néanmoins être condamnée à réparer les préjudices subis par ce dernier du fait de ses propres inexécutions contractuelles, quand bien même celles-ci seraient intervenues postérieurement à l’assignation en résiliation. A rapprocher : Article 1184 du Code civil.

Pénalités de retard et résiliation unilatérale Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°15-10.294

Ce qu’il faut retenir : Le contrat comportant une clause pénale en cas de retard de livraison de biens ne dispense pas le juge de vérifier si une résiliation unilatérale sans préavis était justifiée ; le juge doit toujours rechercher si l’inexécution d’une partie est suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat par l’autre partie. Pour approfondir : Ainsi qu’il est classiquement rappelé par la jurisprudence, la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans un contrat synallagmatique. Dans l’arrêt commenté, une société A., fournisseur d’une société R., a assigné cette dernière pour obtenir le paiement de factures dues au titre du contrat de coopération commerciale qui les liait. Le contrat prévoyait des pénalités de retard s’appliquant de plein droit pour le cas où les marchandises seraient acceptées malgré un retard dans la livraison. Il précisait à cet égard que les règlements s’effectueraient après compensation éventuelle des montants dus. La Cour d’appel, après avoir constaté que la société A. avait eu du retard dans la livraison des marchandises, lesquelles avaient cependant été acceptées par la société R., condamne cette dernière aux paiements des sommes dues au titre des livraisons de marchandises, compensation faite après déduction du montant des pénalités de retard, conformément aux termes du contrat de coopération commerciale. La Cour d’appel n’ayant toutefois pas statué sur la demande de résolution du contrat par la société R., qui soulevait des manquements graves de la part de l’autre

partie justifiant une résiliation unilatérale sans préavis, cette dernière devait former un pourvoi visant à faire grief à la Cour d’appel d’avoir ordonné la compensation et d’avoir rejeté les autres demandes. Par l’arrêt commenté (Cass. com., 5 juill. 2016, n° 15-10.294), la Haute juridiction rejette le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle a justement appliqué la convention qui liait les parties et ordonné la compensation. En revanche, la Cour de cassation critique une omission de statuer de la part de la Cour d’appel, qui n’a pas statué dans son dispositif sur la demande de résolution du contrat. Bien que la Cour d’appel ait, à juste titre, fait application du contrat qui liait les parties, le juge doit systématiquement, lorsque la demande en est faite, rechercher si les manquements d’une des parties sont d’une gravité suffisante pouvant justifier la résiliation unilatérale sans préavis par l’autre partie. En s’abstenant de statuer sur la demande de résolution, la Cour d’appel a violé les articles L.442-6 I 5 du Code de commerce et 1184 du Code civil. A rapprocher : Article 1184 du Code civil et article L. 442-6 I 5 du Code de commerce. Cessation d’utilisation des signes distinctifs quand le

franchisé tombe en redressement Cass. com., 20 septembre 2016,pourvoi n°15-12.724

Ce qu’il faut retenir : Le franchiseur ne peut obtenir une seconde ordonnance pour faire cesser l’usage des signes distinctifs du réseau et le paiement d’une indemnité contractuelle quand une première ordonnance a été rendue et qu’il agit après l’ouverture d’une procédure de redressement. Pour approfondir : Après la fin d’un contrat de franchise arrivé à son terme en 2009, le franchiseur a assigné son ancien franchisé en référé pour obtenir la cessation de l’usage des signes distinctifs du réseau de lavage de voitures L’ELEPHANT BLEU et le paiement par le franchisé de l’indemnité prévue en ce cas par le contrat ; l’ordonnance a été rendue en 2011 en faveur du franchiseur et précisait notamment que l’ancien franchisé devait remplacer les couleurs bleu et blanc de la franchise par toute autre couleur de son choix qui ne rappellerait pas le réseau.

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Constatant que son ancien cocontractant persistait à utiliser les signes distinctifs du réseau (la couleur bleu), le franchiseur a souhaité obtenir une nouvelle ordonnance afin d’obtenir la cessation de ce trouble manifestement illicite et le paiement d’une nouvelle indemnité ; il a donc une nouvelle fois assigné celui-ci en référé mais cette fois-ci face au mandataire judiciaire de l’ancien franchisé tombé en redressement judiciaire en 2012. Toutefois, cette seconde demande a été déclarée irrecevable par le juge des référés dans une ordonnance défavorable. Saisie par le franchiseur, la Cour d’appel de Colmar a confirmé cette seconde ordonnance. La Cour se prononce sur 3 points distincts : 1/ le franchiseur souhaitant par ce biais obtenir de

nouveau la même décision, sa demande se heurte à l’autorité de la chose jugée de la première ordonnance ; elle est donc irrecevable. La Cour précise que la 1ère décision s’impose au mandataire judiciaire, peu important qu’elle ait été rendue à l’encontre de la société alors qu’elle n’était pas encore en redressement ;

2/ le Tribunal s’est à juste titre appuyé sur l’article

L.622-17 du Code de commerce en décidant que le franchiseur n’invoquait pas une créance postérieure à l’ouverture de la procédure collective mais une créance antérieure à celle-ci dès lors qu’elle trouvait sa source dans le contrat de franchise conclu antérieurement à l’ouverture de ladite procédure : le paiement de l’indemnité ne peut donc être accordé ;

3/ le fait que le franchiseur reproche uniquement la

poursuite de l’usage de la couleur bleu, alors que la 1ère ordonnance ordonnait la cessation de tous les signes distinctifs (enseigne, affiche et couleur bleu et blanc) exclut l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Le franchiseur a formé un pourvoi en cassation en réfutant chacun des 3 points de la façon suivante : 1/ la méconnaissance de la 1ère ordonnance (par la

poursuite de l’usage du bleu) constitue un fait nouveau qui ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée ;

2/ la demande de paiement du franchiseur entre dans

le cadre de l’article L.622-17 du Code de commerce dès lors qu’il s’agit d’une créance résultant d’une faute inhérente à la poursuite de l’activité après

l’ouverture de la procédure de redressement et étant donc par essence une créance postérieure au sens de ce texte ;

3/ puisque la 1ère ordonnance impose le remplacement

du blanc et du bleu, la 2nde ordonnance ne peut pas, du fait de l’autorité de la chose jugée attachée à la 1ère ordonnance, accepter la poursuite de l’usage du bleu.

La Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement du franchiseur, dont les moyens n’étaient pourtant pas si inaudibles : 1/ la seconde procédure de référé porte sur la même

demande (la cessation de l’utilisation des signes distinctifs) entre les mêmes parties : l’autorité de la chose jugée rend donc les demandes du franchiseur irrecevables ;

2/ l’exploitation des signes distinctifs après l’ouverture

de la procédure de redressement judiciaire ne constitue ni une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure, ni une créance en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur. N’entrant dans aucun des deux cas prévus par l’article L.622-17, I du Code de commerce, cette créance ne peut être payée à son échéance. Le Franchiseur ne pouvait que demander l’inscription du montant au passif de la société franchisée mais pas en demander le paiement ;

3/ sur l’existence d’un trouble manifestement illicite,

la Cour écarte rapidement le débat : les demandes au titre de ce trouble se heurtant à l'autorité de la chose jugée, cela suffit à justifier la décision de la Cour d’appel.

Autrement dit, une fois l’ancien franchisé placé en redressement judiciaire, les mesures visant à faire cesser l’usage par celui-ci des signes distinctifs ont malheureusement peu d’efficacité : les demandes de paiement dissuasives sont mises en suspens ; or on le voit, sans cette menace financière il est difficile de faire respecter cette obligation post-contractuelle. A rapprocher : Article L622-17 du Code de commerce.

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CONTRAT ET INDEMNISATION

Nullité du contrat de franchise et préjudices

réparables Cass. com., 21 juin 2016, pourvoi n°15-10028, non

publié au Bulletin Ce qu’il faut retenir : Consolidant une jurisprudence connue, l’arrêt commenté permet de dégager quatre enseignements : le dirigeant de la société franchisée assignant le franchiseur en nullité du contrat de franchise n’est pas recevable à solliciter le remboursement de son compte courant d'associé et de son apport en capital, un tel préjudice n’étant pas personnel (1er enseignement) ; la société franchisée est par nature mal fondée à réclamer l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention de résultats commerciaux (2ème enseignement) ; seule une faute de la victime ayant concouru à la production du dommage peut exonérer en tout ou partie l'auteur de ce dommage de sa responsabilité (3ème enseignement) ; lorsqu’il accorde d'office une indemnité, le juge doit inviter les parties à s'expliquer sur l'octroi de celle-ci (4ème enseignement). Pour approfondir : Un franchiseur avait remis un document d'information précontractuelle, puis conclu un contrat de franchise ; la société franchisée, signataire de ce contrat, et sa gérante avaient assigné le franchiseur en nullité du contrat de franchise et en réparation de divers préjudices. La société franchisée avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire, le liquidateur reprenant l'action engagée par ladite société. Le liquidateur judiciaire et la gérante de la société franchisée faisaient grief à l'arrêt d’avoir rejeté leur demande tendant à la condamnation du franchiseur au paiement d'une certaine somme en réparation de leur manque à gagner. La décision rendue par la Cour de cassation emporte quatre enseignements qui, sans être véritablement nouveaux, n’en demeurent pas moins essentiels au plan pratique. En premier lieu, il était fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société franchiseur à payer à Mme X... le solde du compte courant d'associé et à rembourser le capital investi, tels que le liquidateur les établirait, et,

statuant à nouveau de ce chef, dit Mme X... irrecevable en ses demandes relatives au remboursement de son apport en capital et de son compte courant d'associé. Par la décision commentée, la Cour de cassation retient : « Mais attendu que l'arrêt relève qu'aux termes des articles L. 622-20 et L. 641-4 du Code de commerce dans leur rédaction applicable, le liquidateur judiciaire de la société A… a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif de ses créanciers ; que la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes de Mme X..., au titre de son compte courant d'associée et de son apport en capital, en ce qu'elles ont trait à une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers, sont distinctes de celles tendant à l'indemnisation de préjudices personnels ; que le moyen n'est pas fondé ». Cette décision vient consolider une position jurisprudentielle déjà exprimée ; c’est en soi le premier apport intéressant – utile au plan pratique – de la décision commentée. Il est de jurisprudence constante en effet que l’associé, même majoritaire ou dirigeant, est par nature irrecevable à agir à titre personnel contre le cocontractant de la société (ici le franchiseur) dès lors que le préjudice allégué trouve sa source dans un préjudice subi par la société, et que la réparation du préjudice subi par la société suffit à réparer par ricochet celui subi par l’associé ou le gérant. Il a notamment été jugé que l’associé-gérant d’une société en liquidation judiciaire est irrecevable à se prévaloir des conséquences financières et morales de la liquidation judiciaire pour tenter d’engager la responsabilité du cocontractant de la société, dès lors que « le préjudice ainsi allégué ne se distingue pas de celui subi par la personne morale du fait du prononcé de sa liquidation judiciaire » (Cass. com., 3 avril 2012, n° 11-11943) ; de même, les associés ne sont pas recevables à agir au titre du préjudice consistant en la perte de leur apport, dès lors que l’indemnisation de la société aurait suffi par ricochet à indemniser ce préjudice (Cass. civ. 2ème, 17 février 2011, n° 09-67906). En deuxième lieu, il était fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté la demande de la société franchisée, prise en la personne de son liquidateur, tendant à la condamnation de la société franchiseur au paiement d'une somme de 7.828.884 euros en réparation de son manque à gagner, aux motifs que « le contrat annulé étant censé ne jamais avoir existé, [le liquidateur], ès qualités, ne peut utilement, sauf à méconnaître les conséquences mêmes de la nullité prononcée, réclamer l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant

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au défaut d'obtention de résultats commerciaux, que la société [franchisée] eût été en droit d'attendre, de l'exploitation de la franchise sur une période de 9 ans ». Par la décision commentée, la Cour de cassation retient : « la franchisée ne peut, sauf à méconnaître les conséquences de la nullité prononcée, réclamer l'indemnisation d'un préjudice financier correspondant au défaut d'obtention de résultats commerciaux qu'elle eût été en droit d'attendre de l'exploitation de la franchise en sorte que la demande relative au gain manqué doit être rejetée ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ». Cette solution est classique. Il a été déjà jugé en effet que le préjudice réparable réside dans « la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses » et non dans la « perte de chance d'obtenir les gains attendus » (Cass. com., 17 mars 2015, n°14-10.595, et notre commentaire ; Cass. com., 25 novembre 2014, n°13-24.658, F-D : Juris-Data n°2014-028908, et notre commentaire ; Cass. com., 31 janvier 2012, n°11-10.834, et notre commentaire). En troisième lieu, il était fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société franchiseur à payer à la société franchisée, et pour elle Maître Z..., ès qualités, les pertes comptables au 30 octobre 2008, telles que Maître Z... les établirait et, statuant à nouveau de ce chef, d'avoir fixé la créance de Maître Z..., en qualité de liquidateur de la société franchisée, au passif de la procédure collective de la société franchiseur, à titre chirographaire, à 120.000 euros à titre de dommages-intérêts. Ce faisant, pour limiter le montant de la réparation du fait du manquement du franchiseur à son obligation d'information précontractuelle, l'arrêt critiqué, après avoir relevé que la société franchisée n'avait pas commis d'erreur de gestion, avait retenu qu'elle avait une part d'autonomie et d'initiative dans la gestion. Par la décision commentée, la Cour de cassation retient : « En se déterminant ainsi, sans constater le caractère fautif de cette gestion, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ». Par le principe ainsi énoncé, la décision est logique : seule une faute de la victime ayant concouru à la production du dommage peut exonérer en tout ou partie l'auteur de ce dommage de sa responsabilité. En quatrième lieu et enfin, il était fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accordé d'office une indemnité à la société franchiseur en contrepartie de la valeur des prestations non restituables qu'elle aurait fournies à la

société franchisée, en exécution du contrat de franchise dont elle a prononcé l'annulation, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'octroi d'une telle indemnité. Par la décision commentée, la Cour de cassation retient : « En statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur l'octroi d'une telle indemnité alors que le franchiseur n'avait présenté aucune demande de ce chef, la Cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 16 du Code de procédure civile ». La solution est pleinement justifiée quoiqu’elle n’augure évidemment pas de la solution qui sera retenue de ce chef par la cour de renvoi. A rapprocher : Cass. com., 27 janv. 2009, pourvoi n°07-21.616, Juris-Data n°046791.

Transport de marchandises et faute inexcusable Cass. com., 13 décembre 2016, pourvoi n°15-16.027

Publié au Bulletin Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation adopte une acception restrictive de la faute inexcusable au sens de l’article L. 133-8 du Code de commerce. Pour approfondir : En l’espèce, une cargaison de marchandises confiée à un transporteur avait été volée lors du stationnement du camion sur une aire non surveillée. En première instance, le Tribunal de commerce de Paris avait reconnu que le transporteur avait commis une faute lourde et l'avait condamné à indemniser la société propriétaire de la marchandise (Trib. com. Paris, 6 mars 2013, aff. n° 2011056949). En cause d’appel, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 22 janv. 2015, n°13/08099, Juris-Data n°2015-0020038) avait accueilli la demande en paiement formée par la société propriétaire et son assureur à l’encontre du transporteur, tout en écartant l’application des limites de responsabilité, de sorte que les demandeurs avaient obtenu la valeur totale des marchandises ainsi dérobées. Par l’arrêt commenté, classé "FS-P+B+R+I", la chambre commerciale de la Cour de cassation casse la décision de la cour d'appel au visa de l'article L.133-8 du Code commerce : "Attendu que pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que le voiturier a eu conscience de la probabilité du dommage, le chauffeur ayant déclaré à l’expert « qu’il stationnait habituellement le week-end son ensemble routier sur le parking de la gendarmerie de

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Rilleux-la-Pape, ville où il demeure, mais que le 9 juillet, ce parking étant plein, il l’avait garé à un autre endroit sur le parking où avait été commis le vol » et en déduit qu’il y a eu perception d’un risque qui a été délibérément couru dès lors qu’il était initialement envisagé de garer le camion dans l’enceinte de la brigade de gendarmerie ; Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que le transporteur avait conscience qu’un dommage résulterait probablement de son comportement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ". L’acception restrictive de la faute inexcusable ainsi consacrée conduira les praticiens, faute de mieux, à revoir les conditions de leur police d’assurance. A rapprocher : CA Paris, 22 janv. 2015, n°13/08099.

Agent commercial : conditions de la responsabilité personnelle du dirigeant de société

Cass. com., 30 mars 2016, pourvoi n°14-19.063 Ce qu’il faut retenir : Le mandant doit nécessairement démontrer une faute du dirigeant séparable de ses fonctions pour engager sa responsabilité personnelle au côté de la société mandataire. Pour approfondir : La société SIGURET, exerçant une activité de commerce d'articles de cuisine, d'outillage et d'électroménager, a confié à une personne physique une mission d'agent commercial jusqu'en mai 2009. A cette date, le mandataire, personne physique, a apporté, avec l’autorisation du mandant, son contrat d’agent commercial à sa société nouvellement constituée et dénommée SIGURET CONCEPT. En février 2010, la société SIGURET a rompu sans préavis le contrat d'agent commercial la liant à la société SIGURET CONCEPT. Par suite, la société SIGURET CONCEPT et son dirigeant ont assigné la société SIGURET aux fins d’obtenir la désignation d'un expert pour déterminer les commissions leur restant dues ainsi que les indemnités relatives à la rupture. A titre reconventionnel, le mandant a demandé le paiement de dommages-intérêts au titre des divers préjudices subis du fait des agissements de concurrence déloyale et de dénigrement reprochés à la société SIGURET CONCEPT et à son dirigeant.

Plus précisément, le mandant reprochait au dirigeant de la société SIGURET CONCEPT d’avoir tiré profit de ses relations privilégiées – nouées à l’occasion de l’exercice de sa mission d’agent commercial à titre personnel puis en tant que dirigeant de SIGURET CONCEPT – avec le représentant de la société DAKA/ONE TOUCH – cliente du mandant – pour engager à son insu, dans le courant du dernier trimestre 2009, des pourparlers pour que sa société SIGURET CONCEPT devienne le distributeur exclusif des produits ONE TOUCH. Par suite, la société SIGURET CONCEPT a conclu un accord d'exclusivité prenant effet le 1er janvier 2010, privant la société SIGURET, qui distribuait les produits ONE TOUCH depuis plusieurs années, de la possibilité de poursuivre leurs ventes pour toute l'année 2010 et d'écouler ses stocks. Par arrêt en date du 18 juillet 2013, la Cour d’appel de Versailles a donné droit aux prétentions du mandant et condamné la société SIGURET CONCEPT et son dirigeant à payer in solidum à la société SIGURET la somme de 185.000 euros à titre de dommages-intérêts. Au soutien de leur pourvoi, la société SIGURET CONCEPT et son dirigeant soutiennent que la condamnation personnelle du dirigeant est mal fondée, faute pour le mandant d’avoir démontré une faute du dirigeant détachable de sa fonction de dirigeant de la société SIGURET CONCEPT. Cette argumentation est fondée notamment sur l’article L223-22 du Code de commerce, propre aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) qui limite la responsabilité des gérants envers les tiers aux seuls cas suivants : - les infractions aux dispositions législatives ou

réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée,

- les violations des statuts, - les fautes commises dans leur gestion.

Entendant cet argument, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel ; mais seulement en ce qu’il a condamné in solidum le dirigeant à payer. La Haute Juridiction n’a donc pas tenu compte du statut d’ex-agent commercial, à titre personnel, du dirigeant pour admettre sa responsabilité personnelle, au côté de la société SIGURET CONCEPT, à l’égard de son mandant.

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Cela est autant regrettable pour la société SIGURET CONCEPT et ses éventuels autres associés que pour la société SIGURET, a fortiori à la lumière du plan de sauvegarde dont a fait l’objet la société SIGURET CONCEPT par la suite A rapprocher : Article L.223-22 du Code de commerce.

Droit à indemnité de l’agent commercial et détermination de son quantum

CA Colmar, 11 mars 2016, RG n°14/01484 Ce qu’il faut retenir : L’indemnité compensatrice est due à l’agent commercial dès lors que le mandant ne rapporte pas la preuve que celui-ci ait commis une faute grave dans l’exécution de ses obligations contractuelles. En outre, l’indemnité compensatrice due à l’agent commercial doit prendre en compte, pour une relation contractuelle n’ayant duré qu’un an et demi, le montant des commissions perçues par l’agent commercial, la durée du contrat et le fait que l’activité de l’agent commercial était dans une phase ascendante au moment de la rupture. Pour approfondir : En l’espèce, la qualification d’agent commercial n’était pas en cause (v. sur cette question, Cass. com. 19 mars 2013, n°12-13.258 et 12-14.173 ; Cass. com., 3 avr. 2012, n°11-15.518). Un contrat d’agence commerciale avait été conclu entre la société C., le mandant, et Mme F., l’agent commercial. Un an et demi plus tard, le mandant informe son agent de ce qu’il entend mettre un terme à leur relation contractuelle en invoquant différents manquements de sa part. Contestant les motifs invoqués, Mme F. a assigné la société C. en paiement des commissions lui restant dues ainsi que d’une indemnité compensatrice de rupture de 70.000 euros, montant qui sera d’ailleurs contesté par le mandant au motif que son agent ne peut prétendre à deux années de commissions, leur relation n’ayant duré qu’un an et demi. Deux questions se posaient alors ici aux juges du fond : les manquements de l’agent commercial suffisaient-ils à le priver de son indemnité compensatrice normalement due au titre de l’article L.134-12 du Code de commerce et, à défaut, quelle méthode de calcul convenait-il de retenir pour déterminer son montant ?

Sur le droit à indemnité Le point essentiel du statut de l’agent commercial tient sur un droit à une indemnité qui découle de l’article L.134-12 du Code de commerce. En effet, cet article prévoit que, « en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ». Toutefois, l’article L.134-13 du même Code prévoit qu’aucune indemnité compensatrice n’est due lorsque la cessation des relations contractuelles est consécutive à une faute grave de l’agent commercial, dont la constatation relève de l’appréciation souveraine des juridictions du fond (CA Aix-en-Provence, 20 février 2014, RG n°12/02485). En l’espèce, les juges du fond ont retenu que l’indemnité compensatrice prévue par l’article L.134-12 du Code de commerce était due à l’agent commercial dans la mesure où le mandant ne rapportait pas la preuve que celui-ci ait commis une faute grave dans l’exécution de ses obligations contractuelles. Cette solution est conforme au droit positif (v. déjà en ce sens, Cass. com., 4 février 2014, n°12-14.466). En effet, le mandant n’étaye de preuves probantes ni les griefs de manquement de l’agent commercial à son devoir de loyauté et de manque de disponibilité, ni les griefs d’insuffisance de résultats et de renseignements sur les clients, leur solvabilité, etc. Au contraire, c’est même lui qui en l’espèce avait manqué à ses obligations contractuelles (non-respect des délais de livraison, livraisons incomplètes ou non conformes, etc.). Ainsi, il est donc déterminant que le mandant puisse établir la faute grave de l’agent commercial s’il veut pouvoir mettre fin à leur relation contractuelle sans lui devoir l’indemnité compensatrice normalement due au titre de l’article L.134-12 du Code de commerce. C’est sur lui que pèse le fardeau probatoire. Sur le mode de calcul du montant de l’indemnité

due La nouveauté de cet arrêt, c’est qu’il vient préciser la méthode de calcul du montant de l’indemnité compensatrice due à l’agent commercial, dont la relation avait duré moins de trois ans au cas d’espèce. Par une pratique prétorienne, le montant de l’indemnité compensatrice correspond généralement à deux années de rémunération calculée sur la moyenne des trois dernières années. Toutefois, cette pratique ne s’impose pas au juge, ce que cet arrêt atteste.

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En effet, les juges du fond affirment que : « S’il est généralement d’usage d’évaluer cette indemnité à deux années de commissions sur la base de la moyenne des trois dernières années, cette méthode de calcul ne peut être retenue en l’espèce compte tenu de la brève durée du mandat. (…) ». Ils en profitent alors pour préciser quelle est la méthode de calcul à retenir en l’espèce. L’indemnité compensatrice doit ici prendre en considération le montant des commissions perçues par l’agent commercial, la durée du contrat d’agence commerciale (moins de deux années) et aussi le fait que l’activité de l’agent commercial était dans une phase de développement ascendante. Précisons qu’il est possible, par des stipulations contractuelles, d’orienter l’interprétation du contrat par le juge, notamment pour ce qui concerne le calcul du montant de l’indemnité. Certes, le juge ne sera pas tenu par les termes du contrat en ce sens où l’indemnité a un caractère d’ordre public (il ne faudrait pas que les prévisions contractuelles y portent atteinte). Mais, pour autant, le juge peut s’inspirer des prévisions contractuelles lorsqu’il calcule le montant de cette indemnité. A rapprocher : CA Nîmes, 4 sept. 2014, RG n°14/00719 ; CA Aix-en-Provence, 16 janv. 2014, RG n°12/09468. Maintien de la solidarité du dirigeant aux côtés de la

société franchisée une fois immatriculée CA Paris, 2 mars 2016, RG n°13/21059

Ce qu’il faut retenir : Le contrat de franchise peut utilement prévoir que le dirigeant de la société franchisée en cours de formation restera tenu personnellement et solidairement des engagements du contrat repris. Pour approfondir : La dirigeante d’une société en cours de formation a conclu un contrat de franchise, lequel précisait qu’elle resterait tenue personnellement et solidairement des engagements contractuels une fois la société immatriculée et le contrat de franchise repris par cette société. Profitant de cette clause, le franchiseur assigna la dirigeante en paiement des factures de redevances à la suite du placement en liquidation judiciaire de la société franchisée. Condamnée en première instance,

la dirigeante interjeta appel en excipant de la parfaite reprise du contrat de franchise par sa société une fois immatriculée qui est devenue, par-là, la seule titulaire du contrat. La dirigeante souleva également, à titre subsidiaire, l’extinction de la créance du franchiseur à l’égard de la société franchisée faute d’avoir régulièrement déclaré cette créance à la procédure de liquidation ce qui entrainait, selon la dirigeante, l’extinction de sa propre obligation de paiement qui était accessoire à l’obligation de la société. La Cour rejeta chacun des arguments précédents et condamna la dirigeante au règlement des redevances demeurées impayées. S’agissant de l’argument principal de la dirigeante (la substitution pure et simple de la société immatriculée en lieu et place de la dirigeante), la Cour releva la présence d’une clause au contrat de franchise ne laissant aucun doute et aucune interprétation possible quant à la qualité de codébitrice solidaire de l’appelante : « Mme X restera tenue personnellement et solidairement de respecter les termes et conditions du présent contrat ». S’agissant de l’argument subsidiaire soulevé par la dirigeante (l’extinction de son obligation du fait de l’extinction de la créance du franchiseur envers la société franchisée), le raisonnement de la Cour se fait en deux temps : - selon l’article L.622-26 du Code de commerce, une

créance non-déclarée (au passif dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire) n’est pas éteinte mais est seulement inopposable à la liquidation ;

- selon l’article 1208 du Code civil, si le codébiteur solidaire peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la nature des obligations (par exemple une obligation dont la cause serait illicite) ou les exceptions qui sont personnelles à ce codébiteur (par exemple, une incapacité de contracter), le codébiteur ne peut pas opposer des exceptions qui sont purement personnelles à son propre codébiteur.

Autrement dit, l’absence de déclaration de la créance par le franchiseur à la liquidation judiciaire a rendu cette créance inopposable par le franchiseur à l’égard de la seule société franchisée (représentée) mais la créance, non-éteinte, reste opposable au codébiteur de la société franchisée (en l’espèce, à la dirigeante) dont l’obligation de paiement est distincte de celle de la société franchisée.

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Sans cette clause du contrat de franchise prévoyant clairement la solidarité de la dirigeante une fois la société immatriculée, le franchiseur aurait subi la liquidation judiciaire et serait demeuré impayé. A rapprocher : Article 1843 du Code civil.

*****

CONTRAT ET ASPECTS PROCESSUELS

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES

Simplification des formalités en matière de droit

commercial Décret n°2016-296 du 11 mars 2016

Ce qu’il faut retenir : Le décret n°2016-296 du 11 mars 2016 vient adapter la partie réglementaire du Code de commerce au regard des différentes modifications que la loi Macron du 6 août 2015 a apporté à la partie législative de celui-ci. Pour approfondir : Le décret n°2016-296 du 11 mars 2016 relatif à la « simplification de formalités en matière de droit commercial » a été pris en application des articles 60, 107, 206, 207 et 213 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron. Il vient ainsi adapter la partie réglementaire du Code de commerce au regard des différentes modifications que la loi Macron a apporté à la partie législative de celui-ci. Ces adaptations concernent notamment la cession de fonds de commerce, les baux commerciaux, et l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel. La cession de fonds de commerce : L’article 107 de la loi Macron a opéré divers changements afin de simplifier la règlementation en matière de cession de fonds de commerce. Pour commencer, il a supprimé l’obligation de publier les cessions ou apports en société de fonds de commerce dans un journal d’annonces légales (art. 107, I, 3°, a) ; C. com., art. L.141-12 modifié). En conséquence de cette

suppression, les articles 3 et 4 du décret ont alors ajusté le contenu des avis de déclaration de cession de fonds de commerce publiés au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (ou BODDACC) et supprimé le délai « de trois jours à compter de la première insertion dans un journal d’annonces légales prévues à l’article L.441-12 » dans lequel le nouveau propriétaire devait requérir du greffier la publication de l’annonce au BODDAC (C. com., art. R.123-211 et R.123-212, modifiés). L’article 107 de la loi Macron a également abrogé la procédure dite de « surenchère du sixième », celle-ci étant tombée en désuétude (art. 107, I, 9° ; C. com., art. L.141-9 modifié). En raison de cette abrogation, l’article 6 du décret supprime alors de l’article R.141-3, lequel organise la purge des créances inscrites sur le fonds, la référence à l’article L.141-19 relatif à la procédure de surenchère du sixième. La procédure dite de « surenchère du dixième » a, quant à elle, été maintenue à ceci près que le créancier peut maintenant former opposition au paiement du prix du fonds par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et non plus seulement par acte extrajudiciaire (art. 107, I, 5° ; C. com., art. L.141-14 modifié). En conséquence de cet apport, l’article 5 du décret a entièrement remanié l’article R.141-2 lequel vient maintenant préciser la date de l’opposition au paiement du prix d’un fonds dans le cas où elle est formée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Ainsi, cet article prévoit que « Lorsque l’opposition prévue à l’article L.141-14 est formée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date de l’opposition est celle de l’expédition de la lettre par le créancier ». Il convient de signaler enfin la réponse ministérielle récemment publiée le 14 avril, qui fait l’objet d’un commentaire séparé. Les baux commerciaux : L’article 207 de la loi Macron prévoit la possibilité, mais seulement dans certains cas (notification du congé par le locataire, renouvellement du bail, déspécialisation, etc.), de recourir à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les relations entre bailleur et locataire relevant du statut des baux commerciaux. L’article 14 du décret commence par abroger l’article R.145-1-1, lequel prévoyait que « lorsque le congé prévu à l'article L. 145-9 est donné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date du congé est celle de la première présentation de la lettre ». Ce texte était devenu caduque depuis la loi Macron puisqu’il n’est plus exigé que le congé du

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bailleur soit donné par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un acte extrajudiciaire étant suffisant. En contrepartie, est créée une section 6 « Disposition relatives au recours à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception » dont le contenu se résume à un seul article, l’article R.145-38. Cet article pose le principe selon lequel, lorsqu’une partie, autant le bailleur que le locataire, « recours à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date de notification à l’égard de celui qui y procède est celle de l’expédition de la lettre et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de première présentation de la lettre (…). ». Toutefois, le recours à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception n’est possible qu’en cas d’application des articles L.145-4, L.145-10, L.145-12, L.145-18, L.145-19, L.145-47, L.145-49 et L.145-55. Ce texte précise également que « lorsque la lettre n’a pas pu être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte extrajudiciaire ». Attention donc à l’utilisation de cette faculté. L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel : L’article 206 de la loi Macron a consacré l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel (art. 206 ; C. com., art. L.526-1 et suivants). De la consécration de ce principe, le décret en a tiré toutes les conséquences en ses articles 7 à 11. En effet, les articles 7 et 8 du décret ont adapté la rédaction des articles R.123-37 et R.123-46 puisque le premier prévoit que, dans sa déclaration d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), la personne physique doit déclarer, « le cas échéant, qu'elle a effectué une déclaration d'insaisissabilité de ses droits sur tout bien foncier non affecté à son usage professionnel ou qu'elle a renoncé à l'insaisissabilité de ses droits sur sa résidence principale (…) », et le second que, notamment, « la révocation de la renonciation à l'insaisissabilité de ses droits sur la résidence principale prévue à l’article L.526-3 »est soumise à l’obligation de déclaration d’inscription modificative au RCS. Les articles R.526-1 et R.526-2, dispositions spécifiques à l’insaisissabilité, ont également été réécrits afin d’inclure les nouvelles exigences déclaratives prévues par les articles R.123-37 et R.123-46. L’article R.526-1 prévoit notamment que, doit être indiquée dans la demande d’immatriculation au RCS de la personne physique « la déclaration d’insaisissabilité de ses droits sur tout bien foncier non affecté à son usage

professionnel » ou « la renonciation à l’insaisissabilité de ses droits sur sa résidence principale ». Dans tous les cas, le lieu de la publication de ces déclarations doit être mentionné. Quant au deuxième, il prévoit que « la renonciation à l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale » ou « la déclaration d’insaisissabilité sur tout bien non affecté à son usage professionnel » doivent faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au RCS dans le délai d’un mois. L’entrée en vigueur de ce décret est le lendemain de sa publication au Journal officiel, soit le 14 mars 2016, sauf pour certains articles (art. 21 du décret). A rapprocher : Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron.

La prescription de l’action d’une victime de déséquilibre significatif

Aperçu La prescription de l’action d’une victime de déséquilibre significatif est encadrée par les règles ci-après. Selon l'article L. 110-4-I du Code de commerce, « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 5 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ». L'article L. 442-6 ne prévoyant pas de prescription spéciale, les pratiques restrictives relèvent de ce texte. Pour ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, il convient de distinguer selon la sanction demandée : - s'agissant de la répétition de l'indu, la Cour de

cassation décide de manière générale que l'action doit être engagée à compter de la date où le paiement est devenu indu et que c'est à cette date que doit être fixé le point de départ de la prescription commerciale de 5 ans (Cass. 3e civ., 31 mai 2007, n° 06-13.224, Bull. civ. III, n° 95) ;

- s'agissant de la réparation du préjudice, le point de départ sera celui de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment

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connaissance (Cass. 1ère civ., 9 juill. 2009, n° 08-10.820 : Juris-Data n° 2009-049065 ; Bull. civ. I, n° 172) ;

- s’agissant de la nullité du contrat, la date de conclusion de celui-ci marquera le départ de la possibilité d'agir ;

- s’agissant du réputé non écrit, on peut s'interroger

sur le fait de savoir si l'action est soumise à prescription et, si oui, quel en est le point de départ (V. S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, th. Paris II : Economica, 2006 ; v. aussi, Juris-Classeur Concurrence – Consommation, Fasc. 730 : Le déséquilibre significatif, 7 juillet 2015).

Pour ce qui concerne enfin la prescription de l’action Ministre de l’Economie engagée sur le fondement de l’article L442-6-III du Code de commerce, on notera qu’aucune disposition ne fixe ce délai. L’action du ministre ayant été qualifiée de quasi-délictuelle, il est permis, selon nous, de considérer qu’elle se prescrit par 5 ans conformément à l’article 2224 du Code civil.

DECISIONS INTERESSANTES

Recours contre les décisions fondées sur l’article

L.442-6 du Code de commerce Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°14-27.085

Ce qu’il faut retenir : L’appel formé contre une décision ayant statué sur une demande fondée indistinctement sur les articles 1134 et 1184 du Code civil et L.442-6 du Code de commerce relève de la compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris, la demande formée devant toute autre Cour d’appel étant irrecevable. Pour approfondir : Dans cette affaire, une société a assigné son cocontractant en paiement de ses honoraires ; ce dernier a, en réponse, formé une demande reconventionnelle en résiliation du contrat les liant, aux torts exclusifs de la demanderesse, laquelle a, en retour, demandé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la défenderesse et le paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

ce sur le fondement à la fois des articles 1134 et 1184 du Code civil mais aussi de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. La Cour d’appel a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la demanderesse, aux motifs que celle-ci est notamment fondée sur l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. En effet, la demanderesse ayant expressément visé les dispositions de l'article L.442-6 du Code du commerce, alors, conformément aux articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce, seule la Cour d’appel de Paris était compétente pour connaître de l’appel formé contre la décision rendue. Plus encore, la Cour d’appel a jugé qu’elle se trouve dépourvue « de manière absolue de tout pouvoir pour connaître de l'action de la [demanderesse] sur le fondement de l'article L.442-6 du Code de commerce. En statuant sur ce fondement invoqué par la [demanderesse], elle ne pouvait répondre sur le fondement des articles 1134 et 1184 du Code civil que ce moyen rendait inopérant ». La demanderesse fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré sa demande reconventionnelle irrecevable ; elle ne remet pas en cause le principe de compétence exclusive rappelé ci-dessus dont bénéficie la Cour d’appel de Paris ; elle soutient en revanche que ce principe n’a pas pour effet de priver toute cour d’appel autre que celle de Paris de pouvoir connaître des mêmes demandes fondées sur des dispositions autres que celles de l’article L.442-6 du Code de commerce. En d’autres termes, la demanderesse estime que les juges du fond auraient pu trancher la demande de résiliation du contrat pour faute et celle de paiement de dommages et intérêts au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil : « si les dispositions des articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce ont pour conséquence de priver toute cour d'appel autre que celle de Paris du pouvoir de connaître des demandes fondées sur les dispositions de l'article L.442-6 du Code de commerce, elles ne privent pas toute cour d'appel autre que celle de Paris du pouvoir de connaître de ces mêmes demandes, en ce que celles-ci sont fondées sur des dispositions autres que celles de l'article L.442-6 du Code de commerce ; qu'en considérant, dès lors, que les dispositions de l'article D.442-3 du Code de commerce rendaient irrecevable la demande reconventionnelle formée, sur le fondement des dispositions 1134 et 1184 du Code civil, par la [demanderesse] tendant à ce que soit ordonnée la résiliation du contrat conclu par la [défenderesse] et par la [demanderesse] le 12 novembre 2007 pour faute de la [défenderesse] et tendant à la condamnation de la [défenderesse] à lui payer des dommages-intérêts, la Cour d'appel a violé les

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dispositions des articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce et des articles 1134 et 1184 du Code civil ». La Cour de cassation déboute la demanderesse ; la Haute juridiction a estimé que la demanderesse n’ayant formé qu’une seule et même demande, fondée indistinctement sur les articles 1134 et 1184 du Code civil et L.442-6, I, 5° du Code de commerce, c'est à bon droit que la Cour d'appel de Poitiers a déclaré la demande irrecevable, la Cour d’appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L.442-6 du Code de commerce. A rapprocher : Cass. com., 24 septembre 2013, pourvoi n°12-21.089 ; Cass. com., 7 octobre 2014, pourvoi n°13-21.086. Vente hors réseau de distribution sélective : l’utilité

des requêtes 145 du CPC Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-12.437

Ce qu’il faut retenir : L’article 145 du Code de procédure civile (CPC) peut permettre d’établir la preuve d’une faute et/ou l’étendue du préjudice, à la condition que la mesure sollicitée soit raisonnablement proportionnée. Pour approfondir : L’arrêt commenté illustre une nouvelle fois les difficultés à prendre en considération pour la mise en œuvre de l’article 145 du Code de procédure civile (v. sur ce point, L’application de l’article 145 du CPC au droit de la distribution et de la franchise : conditions de mise en œuvre – spécificités procédurales – mesures ordonnées (Etude juin 20015)). La société Nissan est à la tête du réseau de distribution sélective de véhicules de la marque éponyme ; seuls les membres du réseau peuvent vendre à des particuliers des véhicules neufs Nissan. Relevant qu’une société qui n’appartenait pas à son réseau vendait des véhicules de sa marque, la société Nissan a fait réaliser un constat d’huissier portant sur les données figurant sur les moteurs de certains de ces véhicules. Cela ne suffisant pas à établir la preuve de la faute commise et l’étendue de son préjudice, la société Nissan a obtenu – sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile – une ordonnance enjoignant

à la société tierce de produire la liste de ses véhicules Nissan et leur facture d’achat. Cette mesure a été contestée par la société tierce. La société tierce se plaint en effet de ce que la mesure ne serait pas strictement nécessaire à la protection des droits de la société Nissan et serait en cela disproportionnée : la mesure permettrait à la société Nissan d’avoir connaissance de la structure commerciale de sa concurrente, mais surtout elle enjoint la production de documents portant sur tous les véhicules de la marque Nissan sans se limiter aux véhicules neufs. Pour se défendre, la société Nissan indiquait que l’ordonnance ne pouvait se limiter aux véhicules neufs puisque la société tierce ne peut pas elle-même déterminer quels sont les véhicules neufs « sauf à lui permettre de déterminer sa propre faute et l’étendue du préjudice qu’elle a causé ». C’est sur ce point de discussion que l’arrêt s’avère le plus intéressant. Selon la Cour de cassation, les juges du fonds ont caractérisé la proportionnalité de la mesure ordonnée à ce qui était strictement nécessaire à la protection des droits de la société Nissan dès lors qu’ils ont relevé que, d’une part, la société requérante n’utilisait pas l’article 145 pour pallier sa carence à établir la preuve des agissements fautifs ; elle ne disposait pas et ne pouvait pas disposer par elle-même de preuve suffisante. En effet, le constat d’huissier réalisé par la société Nissan « ne permet pas de déterminer ni l’identité de tous les revendeurs, ni la quantité des véhicules neufs ainsi vendus, ni l’étendue du préjudice » et que, d’autre part, la mesure ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire en concernant toutes les factures d’achat puisque cela permet d’assurer le respect complet des intérêts de la société Nissan. La difficulté est ici de demander ce qui est nécessaire, tout ce qui est nécessaire, rien que ce qui est nécessaire. L’appréciation de cette proportionnalité doit rester raisonnable ; la question de la proportionnalité est bien plus ténue dans d’autres cas tels que, par exemple, la recherche d’emails ou documents papiers au siège d’une société où, en réalité, on ne peut pas exactement viser ce que l’on recherche et où le risque d’avoir accès à des éléments qui ne sont pas strictement nécessaires est par nature plus élevé. A rapprocher : Article 146 du Code de procédure civile.

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Obligation non sérieusement contestable et compétence du juge des référés

Cass. civ. 1ère, 6 juillet 2016, pourvoi n°15-18.763 Ce qu’il faut retenir : Le juge des référés peut accorder une provision dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Tel n’est pas le cas lorsque le juge des référés doit pour se faire se prononcer sur la validité d’une convention. Pour approfondir : L’article 809 du Code de procédure civile relatif à la compétence du juge des référés prévoit que : « Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en l’état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». Ainsi, le juge des référés peut donc accorder une provision au créancier dès lors que l’obligation n’est pas sérieusement contestable : il s’agit d’une condition essentielle pour l’application de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, étant précisé qu’aucune disposition du Code ne définit la notion d’« obligation non sérieusement contestable ». Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 juillet dernier, la Haute Cour a justement eu à se prononcer sur ce point. Les faits étaient les suivants. M. X. (le mandant) confie à un agent immobilier un mandat non exclusif, pendant une durée de 3 ans, de vendre un appartement, pour un prix fixé comprenant 50.000 euros au titre des honoraires de négociation. Les conditions générales du mandat prévoyaient que le mandant s’interdisait, pendant toute la durée du mandat et pendant une durée de deux ans après la fin du mandat, de vendre l’appartement sans recourir aux services de l’agence, y compris par l’intermédiaire d’une autre agence, à un acquéreur qu’elle lui aurait présenté auparavant ; à défaut du respect de cette stipulation, les conditions générales prévoyaient l’application d’une clause pénale correspondant au versement d’une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération convenue. Après l’expiration du mandat, l’agent apprend que l’appartement a été vendu par l’intermédiaire d’une

autre agence à un acquéreur qu’elle avait elle-même présenté au mandant durant la durée de son mandat (ce dernier avait cependant refusé l’offre qui lui avait été présentée au motif qu’il ne la trouvait pas assez élevée). L’agent immobilier a assigné le mandant aux fins d’obtenir le versement d’une provision correspondant au montant de la clause pénale. Le mandant a opposé la nullité du mandat, arguant du fait que celui-ci ne mentionnait ni le nom, ni l’adresse du garant. La Cour d’appel statuant en référé rejette l’argumentation soutenue par le mandant en considérant que le fait que le mandat ne précise pas le nom et l’adresse du garant ne suffisait pas à entrainer la nullité du mandat et condamne en conséquence le mandant à verser une provision à l’agent immobilier. La Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a tranché une contestation sérieuse et ainsi violé les dispositions de l’article 809 alinéa 2 du Code de procédure civile. Il ressort ainsi de la décision rendue par la Cour de cassation que, si, eu égard aux arguments soulevés par les parties, le juge des référés doit se prononcer sur la validité d’une convention (en l’espèce le contrat de mandat), alors il existe une contestation sérieuse et, en conséquence, le juge des référés n’est plus en mesure de se prononcer sur l’octroi d’une provision. A rapprocher : Article 809 du Code de procédure civile. Inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire

Cass. civ. 1ère, 13 juillet 2016, pourvoi n°15-19.389 Ce qu’il faut retenir : Le fait que l’une des parties à la convention d’arbitrage ne soit pas en mesure de faire face au coût de la procédure d’arbitrage ne constitue pas un cas d’inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire. Pour approfondir : L’article 1442 alinéa 2 du Code de procédure civile définit la clause compromissoire comme « la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engage à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naitre relativement à ce ou à ces contrats ».

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La clause compromissoire est applicable, à moins qu’elle ne soit manifestement nulle. La jurisprudence rappelle fréquemment que la clause compromissoire « manifestement inapplicable » est d’application restrictive. Une inapplicabilité manifeste suppose que celle-ci doit être évidente ; s’il est nécessaire de procéder à une interprétation de la clause compromissoire ou de la convention d’arbitrage, alors l’inapplicabilité n’est pas manifeste. La Cour de cassation a de nouveau eu l’occasion de donner une illustration de cette notion au travers de l’arrêt rendu le 13 juillet dernier. En l’espèce, la société A. était en relation avec les sociétés B. et D. et avaient à ce titre conclu des contrats pour encadrer leurs relations, lesquels contenaient une clause compromissoire prévoyant que « en cas de différend (…) découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci, y compris toute question se rapportant à son existence, sa validité ou sa résiliation, les parties doivent déployer tous les efforts pour régler immédiatement le différend à l’amiable » et qu’à défaut d’accord entre les parties, « ledit différend doit être soumis à l’arbitrage exécutoire suivant le règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre commerciale par trois arbitres nommés suivant ledit règlement, à moins que les parties ne conviennent de nommer un seul arbitre ». La société A. assigne ses partenaires sur le fondement de l’article L.442-6 du Code de commerce, s’agissant de la rupture des contrats, devant le Tribunal de commerce. Les sociétés B. et D. soulève l’exception d’incompétence eu égard à la clause compromissoire prévue dans les contrats les liant à la société A. En première instance, le tribunal de commerce se déclare incompétent. Un contredit est formé à l’encontre du jugement et la Cour d’appel rejette ce contredit. La Cour de cassation est ensuite saisie du litige par le liquidateur de la société A. Ce dernier avançait notamment le fait « qu’en toute hypothèse, une convention d’arbitrage est manifestement inapplicable dès lors que l’une des parties, insolvable, est dans l’impossibilité de constituer la provision au paiement de laquelle la saisine de l’arbitre se trouve subordonnée, sauf à consacrer un déni de justice et porter atteinte à la substance même du droit d’accès au juge ».

La Haute Cour conforte la position adoptée par les juges du fond, considérant que l’inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage ne peut se déduire du seul fait que l’une des parties, en l’occurrence le liquidateur de la société A., ne soit pas en mesure de faire face au coût de la procédure d’arbitrage. A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 28 mars 2013, pourvoi n°11-27.770. Compétence exclusive des juridictions spécialisées en

matière de pratiques restrictives de concurrence Analyse comparée de décisions

Analyse comparée des décisions suivantes : Cass. com., 31 mars 2015, n°14-10.016 ; Cass. com., 20 octobre 2015, n°14-15.851 ; Cass. civ. 1ère, 21 octobre 2015, n°14-25.080 Ce qu’il faut retenir : Les dispositions de l’article L.442-6 du Code de commerce conférant une compétence dérogatoire et exclusive à certaines juridictions spécialisées en matière de pratiques restrictives de concurrence sont d’ordre public ; leur non-respect constitue une fin de non-recevoir devant être relevée d’office. La compétence dérogatoire s’applique également au bénéfice de la Cour d’appel de Paris en matière de contredit de compétence. Seul le recours à la clause compromissoire peut permettre de contourner cette compétence exclusive, sous réserve que le litige entre dans le champ d’application de la clause. Pour approfondir : En matière de pratiques restrictives de concurrence, la loi prévoit une règle de compétence dérogatoire au droit commun. Ainsi, l’article L.442-6, III §5 du Code de commerce dispose que « les litiges relatifs à l’application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret » ; l’article D.442-3 du Code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 11 novembre 2009 (entré en vigueur depuis le 1er décembre 2009), vient préciser que : « Pour l'application de l'article L.442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre ». En conséquence, dès lors que l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce est invoquée par l’une

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des parties, la juridiction spécialisée, en application de l’annexe 4-2-1 telle qu’évoquée ci-dessus, est seule compétente pour connaître de l’entier litige. En outre, l’article D.442-3 susvisé ajoute que « la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ». En conséquence, seule la Cour d’appel de Paris est compétente pour connaître des recours à l’encontre des jugements rendus sur le fondement de l’article L.442-6 du Code de commerce. Les dispositions susvisées sont d’ordre public, ce que la jurisprudence ne manque pas de rappeler à chaque opportunité qui lui est présentée. C’est ainsi que par trois arrêts rendus cette année, la Cour de cassation est venue réaffirmer le caractère impératif de la règle de compétence posée par l’article L.442-6 du Code de commerce et ses textes d’application, et préciser à cette occasion la mise en œuvre et l’articulation de ces textes. La spécialisation de juridiction : une règle procédurale impérative. Dans le premier arrêt, la Cour de cassation est saisie d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt rendu, sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce par une Cour d’appel autre que celle de Paris. De manière limpide, la Cour de cassation censure les juges du fond au motif qu’ils auraient dû « relever la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation de la règle d’ordre public investissant la cour d’appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce » et, ceci, d’office puisqu’elle vise l’article 125 du Code de procédure civile, lequel dispose en son premier alinéa que « les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public ». Ainsi, lorsqu’une Cour d’appel non spécialisée est saisie d’un recours à l’encontre d’un jugement rendu dans un litige relatif à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce, elle doit relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation de la règle de compétence exclusive instaurée au bénéfice de la Cour d’appel de Paris. Dans le deuxième arrêt, la Cour de cassation vient préciser que la règle d’ordre public instituant une compétence exclusive au profit de la Cour d’appel de Paris s’applique également en matière de contredit. En l’espèce, une partie assigne son partenaire sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce devant le Tribunal de commerce de Lille ; la partie adverse conteste la compétence de cette

juridiction en raison de l’existence d’une clause attributive de compétence dans le contrat liant les parties ; le Tribunal de commerce de Lille s’est déclaré compétent pour connaître du litige ; la partie adverse a donc formé un contredit devant la Cour d’appel de Douai. La Cour d’appel de Douai rejette le contredit, retenant que « la seule invocation de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, fût-ce à titre subsidiaire, commande l’application des règles d’ordre public dérogatoires de compétence territoriale des juridictions spécialisées désignant le tribunal de commerce de Lille métropole ». Le raisonnement retenu par la Cour d’appel semble juste, la juridiction rappelant le caractère d’ordre public des règles de compétence posées par le texte. Pourtant, la Haute juridiction censure tout de même les juges du fond. En effet, la Cour d’appel de Douai aurait dû « relever la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation de la règle d’ordre public investissant la cour d’appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les contredits formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce ». Ainsi la Cour de cassation affirme que la règle de compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris prévue par les textes susmentionnés s’applique également en matière de contredit de compétence. Une solution alternative : le recours à l’arbitrage Le dernier arrêt apporte un éclairage intéressant sur l’articulation entre la compétence dérogatoire exclusive conférée à certaines juridictions en matière de pratiques restrictives de concurrence et l’existence d’une clause compromissoire stipulée par les parties dans le contrat les liant. Dans cet arrêt, les parties ont introduit une procédure d’arbitrage conformément à la clause compromissoire stipulée au contrat conclu entre elles ; la partie ayant succombé dans cette procédure a alors formé un recours en annulation à l’encontre de la sentence qui l’a condamnée ; la Cour d’appel a rejeté le recours. La Cour de cassation rejette le pourvoi et énonce dans son attendu de principe qu’« après avoir rappelé que les articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce ont pour objet d’adapter les compétences et les procédures judiciaires à la technicité du contentieux des pratiques restrictives de concurrence, et que la circonstance que le premier de ces textes confie au ministre chargé de l’économie et au ministère public une action autonome

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aux fins de protection du marché et de la concurrence n’a pas pour effet d’exclure le recours à l’arbitrage pour trancher les litiges nés, entre opérateurs économiques de l’application de l’article L.442-6, la cour d’appel en a justement déduit que l’action aux fins d’indemnisation du préjudice prétendument résulté de la rupture de relations commerciales n’était pas de celles dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques ». La Haute juridiction ajoute qu’« ayant relevé que la généralité des termes de la clause compromissoire traduisait la volonté des parties de soumettre à l’arbitrage tous les litiges découlant du contrat sans s’arrêter à la qualification contractuelle ou délictuelle de l’action engagée, la cour d’appel en a souverainement déduit que le tribunal arbitral était compétent ». Ainsi, la compétence dérogatoire exclusive posée par les textes au bénéfice de certaines juridictions spécialisées n’exclut pas d’office le recours à l’arbitrage en matière de pratiques restrictives de concurrence. Les parties pourront mettre en œuvre la clause compromissoire et recourir à la procédure arbitrale qu’elle prévoit, sous réserve que le litige découlant du contrat entre dans le champ d’application de la clause. A rapprocher : Cass. com., 7 octobre 2014, n°13-21.086 ; Cass. com., 4 novembre 2014, n°13-16.755 ; Cass. civ. 1ère, 28 juillet 2010, n°09-67.013.

Franchise, rupture des relations commerciales établies et clause d’arbitrage

Cass. civ. 1ère, 24 février 2016, pourvoi n°14-26.964, Publié au Bulletin

Ce qu’il faut retenir : L’appréciation de l'applicabilité de la clause d'arbitrage à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles, qui nécessite une interprétation de la convention et une recherche de la commune intention des parties, relève de la compétence des arbitres. Pour approfondir : Dans cette affaire, une société franchisée et son dirigeant avaient assigné un franchiseur en réparation, pour rupture des relations contractuelles, devant un tribunal de grande instance ; le franchiseur contestait la compétence du tribunal saisi et invoquait la clause compromissoire stipulée dans la lettre d'engagement qui les liaient ; la société franchisée et son dirigeant

arguait en réplique que la clause compromissoire qui vise les litiges survenus dans le cadre de l'exécution de l'accord est manifestement inapplicable à une action en responsabilité pour rupture abusive et brutale du contrat. La Cour d’appel (Versailles, 25 septembre 2014) avait considéré que l'Association américaine d'arbitrage était compétente pour apprécier sa compétence au regard de la clause d'arbitrage. La société franchisée et son dirigeant formait donc un pourvoi contre cette décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes : « Mais attendu que l'arrêt retient que l'appréciation de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles nécessite une interprétation de la convention et une recherche de la commune intention des parties et relève qu'à défaut de possibilité de résolution par la médiation ou la procédure de résolution des conflits appropriée suggérée par l'ordre des avocats, la clause prévoit un arbitrage d'après les règles des litiges commerciaux de l'Association américaine d'arbitrage, dont rien ne démontre que la mise en œuvre serait impossible ; que la cour d'appel, qui a exactement déduit que l'inapplicabilité invoquée n'était pas manifeste, a décidé, à bon droit, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ; que le moyen n'est pas fondé ». Que faut-il retenir de cette décision ? Le principe dit de « compétence », énoncé à l’article 1448 du Code de procédure civile, pose la règle selon laquelle il appartient à l’arbitre, et à lui seul, de statuer prioritairement sur la validité ou les limites de sa propre compétence, sous le contrôle du juge de l'annulation ; autrement dit, le juge étatique doit donc se déclarer incompétent lorsqu’un litige relève d’une convention d’arbitrage, sauf – précise le texte – « si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». La Cour de cassation et la doctrine rappellent que le caractère manifestement nul ou inapplicable des clauses compromissoires doit être interprété de manière restrictive. Ainsi, un auteur souligne que « l’inapplicabilité manifeste se constate prima facie. Elle ne suscite aucun doute tellement elle est évidente. Pour cette raison, la Cour de cassation interdit aux juges du fond de procéder à un examen substantiel et approfondi de la convention d’arbitrage (Cass.1e civ., 7 juin 2006 : Rev. arb. 2006, p.945) » (E. Loquin, Juris-Classeur Procédure civile, Fasc. 1020. Arbitrage, §.67 ; v. aussi, Th. Clay, note sous Cass. civ. 1ère, 6 octobre 2010, pourvoi n°09-68731, D.2010, p.2441). En effet, lorsqu’une interprétation est nécessaire, l’inapplica-

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bilité de la clause n’est pas manifeste (Cass. civ. 1ère, 30 sept. 2009, pourvoi n°08-15.708). De même, lorsqu’une action est engagée sur le fondement délictuel, notamment pour rupture abusive des relations commerciales, l’inapplicabilité de la clause n’est pas manifeste (Cass. civ. 1ère, 8 juill. 2010, pourvoi n° 09-67013 (Publié au Bulletin)), pareillement pour une action en nullité d’un contrat de franchise et donc relative à la période précontractuelle (Cass. civ. 1ère, 4 juill. 2006, pourvoi n°05-17460 (Publié au Bulletin)), ou l’action en responsabilité engagée par l’ancien franchisé, le liquidateur, le dirigeant et la société holding de la société franchisée, contre le franchiseur en nullité du contrat (Cass. civ. 1ère, 3 fév. 2010, pourvoi n°09-12669). Ce faisant, ce corpus de décisions montre aussi que toute la difficulté – s’il en est – tient à l’application du caractère « manifestement inapplicable » de la convention d’arbitrage. Voilà que, dans la continuité de ce corpus de décisions, la première chambre civile retient (l’arrêt est publié au Bulletin) que : - d’une part, l'appréciation de l'inapplicabilité de la

clause d'arbitrage à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles nécessite une interprétation de la convention et une recherche de la commune intention des parties, exclusives du caractère manifestement inapplicable de la convention ;

- d’une part, il ne peut être présumé que la mise en

œuvre d’une clause d’arbitrage (en l’occurrence auprès de l'Association américaine d'arbitrage) serait impossible.

A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 1er avril 2015, pourvois n°14-11.587 et 14-13.648, LDR Mars-Avril 2015.

Droit de préemption du franchiseur et charge de la preuve

CA Paris, 16 mars 2016, RG n°13/22662 Ce qu’il faut retenir : Le franchiseur bénéficiaire d’un droit de préemption doit prouver que les négociations avec le tiers acquéreur sont suffisamment avancées pour établir l’existence d’un accord définitif sur le prix avant l’expiration du délai de son droit de préemption.

Pour approfondir : A la cessation du contrat, un franchiseur faisait grief à l’un de ses franchisés de ne lui avoir pas permis d’exercer le droit de préemption prévu par le contrat de franchise en cas de cession du fonds de commerce, en raison de l’insuffisance notable des éléments qui lui avaient été communiqués sur l’état des négociations d’un projet de cession à un tiers. Plus exactement, il n’était pas contesté que le franchiseur avait été informé de l’existence et des conditions initiales dudit projet en cause, mais le prix finalement retenu à l’expiration du délai de préemption avait significativement baissé, privant ainsi le franchiseur de la possibilité de préempter au nouveau prix. Le franchisé et le tiers acquéreur risquaient donc de voir leur responsabilité – contractuelle pour l’un, délictuelle pour l’autre – engagée. En l’espèce, la question était donc de savoir si le prix définitif avait été arrêté avant l’expiration du délai, auquel cas, le franchisé avait manqué à son obligation d’information ou si la négociation s’était poursuivie après l’expiration du délai le libérant de cette obligation. La Cour d’appel de Paris retient qu’il « ne peut être exigé [de la société franchisée] qu’elle rapporte la preuve d’un fait négatif, soit l’absence d’accord sur le prix » avant l’expiration du délai de préemption. Il appartient donc au titulaire du droit de préemption, ici le franchiseur, de prouver que les négociations avec le tiers acquéreur étaient suffisamment avancées pour établir qu’un accord sur le prix définitif existait bien avant l’expiration du délai de son droit de préemption. Ce faisant, les praticiens auront de quoi user de l’article 145 du Code de procédure civile dont on connait les applications nombreuses en droit de la distribution et de la franchise (v. F.-L. Simon, L’application de l’article 145 du CPC au droit de la distribution et de la franchise : conditions de mise en œuvre – spécificités procédurales – mesures ordonnées (Etude d’ensemble : juin 2015)). A rapprocher : TC Paris, 6 novembre 2013, et notre commentaire.

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Repos dominical dans les commerces de détail Conseil d’Etat, 6 avril 2016, décision n°396320

Ce qu’il faut retenir : Par cette décision, le Conseil d’Etat considère la question de la conformité à la Constitution de la compétence du seul préfet, à Paris, pour prendre les décisions de dérogation au repos dominical comme sérieuse, et la renvoie au Conseil constitutionnel. Pour approfondir : L’article L. 3132-26 du Code du travail, issu de la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron », formalise les conditions dans lesquelles les autorités municipales peuvent prendre des décisions dérogatoires au repos dominical, dans la limite de douze dimanches par an (neuf en 2015 au terme du III de l'article 257 de la loi du 6 août 2015). Cet article prévoit notamment que : - de telles décisions sont prises par le maire après avis

du conseil municipal,

- lorsque le nombre de dimanches supprimés excède cinq par an, la décision du maire est prise après avis conforme de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre.

L’article est clos par cette formule laconique : « A Paris, la décision mentionnée aux trois premiers alinéas est prise par le préfet de Paris. » S’émouvant de cette particularité parisienne conduisant à la déposséder des prérogatives ci-dessus au profit du préfet de Paris, la ville de Paris a formé, devant le tribunal administratif de Paris le 19 octobre 2015, un recours en annulation pour excès de pouvoir des arrêtés rendus par le préfet de Paris 2 octobre 2015 et fixant pour l'année 2015 des dérogations collectives au repos dominical dans plusieurs branches professionnelles. Au soutien de sa demande, la ville de Paris entendait soulever une question prioritaire de constitutionnalité aux fins que le Conseil Constitutionnel statue sur la conformité de l’article litigieux aux principes, notamment, d'égalité entre collectivités territoriales, de libre administration des collectivités territoriales, et de subsidiarité (ces deux derniers principes étant garantis par l’article 72 de la Constitution).

Une telle question prioritaire de constitutionnalité doit être soumise à un double filtre avant d’être transmise au Conseil Constitutionnel : le premier est opéré par la juridiction saisie du fonds qui décide, ou non, de transmettre au Conseil d’Etat ; le second est exercé par le Conseil d’Etat. A chacune de ces étapes, les juges doivent déterminer si les conditions de transmission à l’échelon suivant sont remplies. Ces conditions sont rappelées dans la décision commentée ici et tiennent compte notamment du caractère sérieux de la question posée. Par ordonnance du 18 janvier 2016, le tribunal administratif a décidé de transmettre au Conseil d'Etat, prioritairement à toute décision sur la demande de la ville de Paris, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 3132-26 du Code du travail et du III de l'article 257 de la loi du 6 août 2015. A son tour le 6 avril 2016, le Conseil d'État a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil Constitutionnel et son nouveau Président, Monsieur Laurent Fabius, seront donc amenés à se prononcer très prochainement sur cette disposition, déjà longuement débattue, de la loi Macron. Une décision de non-conformité conduirait à l’annulation des décisions dérogatoires au repos dominical prises pour la ville de Paris. L’enjeu de cette décision, dans un climat de tension sociale et à un moins d’un an d’élections nationales, est donc majeur, tant d’un point de vue économique et juridique que symbolique. A rapprocher : Article L. 3132-26 du Code du travail.

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CONCURRENCE

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES

Les atteintes à la libre concurrence dans le commerce

électronique Rapport préliminaire de la Commission européenne concernant l’enquête sectorielle sur le commerce

électronique Ce qu’il faut retenir : La Commission européenne a identifié différentes pratiques commerciales susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du commerce électronique. Pour approfondir : En mai 2015, la Commission européenne a lancé une large enquête sectorielle relative au commerce électronique, compte tenu de l’importance croissance de ce canal de distribution. Cette enquête avait pour objet d’identifier les principales tendances du marché, ainsi que les obstacles à la libre concurrence (c’est-à-dire à un choix de produits vaste et à des prix plus bas pour les clients finaux). Le champ de l’enquête L’enquête a été menée sur un panel d’environ 1.800 entreprises provenant des 28 Etats membres de l’Union européenne, que la Commission européenne considère comme représentatif. A cette occasion, la Commission européenne a collecté et analysé environ 8.000 contrats de distribution. Deux grandes catégories de produits ont été couvertes par l’enquête : - les biens de consommation : habillement,

chaussures et accessoires, électronique grand public (y compris le matériel informatique), appareils électroménagers, jeux et logiciels informatiques, jouets et articles de puériculture, livres, CD, DVD et disques Blu-ray, produits cosmétiques et de santé, équipement sportif et de plein air, produits pour la maison et le jardin ;

- les contenus numériques : films, sports, programmes télévisés (fiction, documentaires, etc.), programmes pour enfants, musique et informations.

L’augmentation du recours à la distribution sélective

A l’occasion de son enquête, la Commission européenne a relevé une augmentation significative du recours à la distribution sélective. Ce mode de distribution est répandu en France. Il est par ailleurs particulièrement présent dans le secteur de l’habillement et des chaussures. De nombreux fabricants y ont eu recours pour la première fois au cours des dix dernières années. La majorité des fabricants recourant à la distribution sélective (67%) a récemment introduit de nouveaux critères de sélection, notamment pour les ventes en ligne. Reste à déterminer pour les opérateurs si (i) le recours à la distribution sélective est justifié et (ii) si les critères mis en place sont licites, et notamment compatibles avec le droit de la concurrence (la Commission européenne a listé les principaux critères fixés par les têtes de réseaux interrogées, pour les ventes en ligne et les ventes hors ligne). A ce titre, la Commission européenne rappelle dans son rapport que la distribution sélective est autorisée sous réserve que les conditions cumulatives suivantes soient remplies : - les revendeurs doivent être choisis sur la base de

critères qualitatifs objectifs, fixés de manière uniforme pour tous les revendeurs potentiels et appliqués de manière non discriminatoire,

- les caractéristiques du produit concerné nécessitent un tel réseau, dans le but de préserver sa qualité et d’assurer sa bonne utilisation et,

- les critères fixés ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire.

Les restrictions identifiées Parmi les restrictions identifiées dans le secteur du e-commerce, figurent :

- les restrictions relatives aux prix (recommandation ou limitation des prix) ;

- les restrictions aux ventes sur les places de marché (marketplaces), ces restrictions étant particulièrement répandues en France (21%). Certaines limitations portent sur l’interdiction de

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vente sur des marketplaces qui ne remplissent pas certains critères, mais elles constituent parfois des interdictions absolues de vente sur les marketplaces, dont les autorités, y compris l’Autorité de la concurrence, ont déjà signalé le caractère potentiellement anticoncurrentiel ;

- les restrictions aux ventes transfrontalières : les distributeurs ne sont alors pas autorisés à vendre à des clients situés dans d’autres Etats membres (et mettent ainsi en place des outils permettant de bloquer l’accès aux sites ou la conclusion des ventes en fonction de critères géographiques) ;

- les restrictions au recours aux sites web comparateurs de prix (qui constituent parfois des interdictions absolues de présentation des offres du revendeur sur ce type de site) ;

- les restrictions technologiques, géographiques ou encore de périodes de ventes pour les contenus numériques ;

- les longues durées de licences de contenus

numériques (qui sont parfois supérieures à 10 ans). La Commission européenne recueille les observations des entreprises sur ses constatations préliminaires jusqu’au 18 novembre 2016, afin de pouvoir établir ensuite un rapport définitif, qui est annoncé par la Commission européenne au cours du premier trimestre 2017. A rapprocher : Preliminary Report on the E-commerce Sector Inquiry.

DECISIONS INTERESSANTES

Abus de position dominante et compétence du juge

des référés CA Paris, 7 décembre 2016, RG n°16-15.228

Ce qu’il faut retenir :

Le juge des référés tient de l’article 873 du CPC une compétence distincte et autonome de celle de l’Autorité de la concurrence, statuant sur des demandes de mesures conservatoires.

Pour approfondir : L’arrêt commenté présente cette particularité de bien distinguer, par sa motivation – à vocation pédagogique –, la compétence du juge des référés de droit commun de celle de l’Autorité de la concurrence, statuant sur des demandes de mesures conservatoires. En droit, la Cour d’appel de Paris indique en effet : « Le juge des référés, même lorsqu'il applique le droit de la concurrence, n'a pas à interpréter ces conditions, autonomes, à la lumière de celles, plus restrictives, imposées par l'article L. 464-1 du Code de commerce qui régit les demandes de mesures conservatoires effectuées devant l'Autorité de la concurrence. L'atteinte à la concurrence justifiant l'octroi de mesures conservatoires doit, en effet, devant l'Autorité, revêtir un double caractère de gravité et d'immédiateté. Ces critères ne sont pas requis devant le juge des référés. Les deux procédures d'urgence ne se recoupent pas, diligentées devant des autorités différentes. Outre les critères de déclenchement, les conditions de prononcé sont différentes, puisqu'une demande de mesures conservatoires devant l'Autorité est toujours accessoire au fond et l'Autorité de la concurrence n'est pas liée par les mesures demandées, tandis que le juge des référés est saisi directement, et ne peut octroyer que les mesures sollicitées par les saisissants ». Plus loin, l’arrêt commenté précise que « le dommage imminent est caractérisé indépendamment d'une atteinte grave et immédiate à l'économie, au secteur ou à l'entreprise elle-même, car, ainsi qu'il a été souligné plus haut, les conditions du référé ne sont pas celles des mesures conservatoires devant l'Autorité de la concurrence ». En l’espèce, l’arrêt caractérise l’existence d’un trouble manifestement illicite (résultant de conditions de ventes discriminatoires pratiquées par une société en position dominante [C. com., art. L. 420-2 ; TFUE, art. 102]) et d’un dommage imminent (tiré de l'imminence de l'affaiblissement très conséquent de la marge de l'entreprise, de nature à perturber son activité). A rapprocher : C. Lucas de Leyssac, Le juge, l'urgence et la concurrence, Mélanges en l'honneur de Christian Gavalda. Propos impertinents de droit des affaires, Dalloz, 2001, p. 215 et s., spéc. p. 221, n°6.

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Ventes liées, politique tarifaire et stratégie d’éviction Autorité de la concurrence n°16-D-21, 6 octobre 2016

Ce qu’il faut retenir : L’Autorité de la concurrence décide de poursuivre l’instruction au fond de pratiques, notamment de ventes liées, par des opérateurs historiques du marché des titres-restaurant, au détriment des nouveaux entrants. Pour approfondir : L’Autorité de la concurrence a été saisie par un nouvel entrant sur le marché des titres-restaurant, de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvres par les quatre acteurs historiques du secteur (et leurs deux entreprises communes), qu’il considère anticoncurrentielles, ce malgré la facilité d’accès au marché pour un nouvel entrant (facilité d’acceptation de nouveaux titres par les restaurateurs et facilité de changement d’opérateur par les entreprises clientes). Parmi les griefs du nouvel entrant, figurent notamment les pratiques de modification de politique tarifaire et de vente liée. En effet, en réaction à l’arrivée de nouveaux opérateurs de titres-restaurant dématérialisés, les opérateurs historiques auraient modifié leur politique tarifaire en transférant une partie de la charge de leur commission : les entreprises clientes paieraient moins qu’auparavant, la différence étant alors supportée par les restaurateurs. Le nouvel entrant soutient qu’il n’est pas en mesure d’adopter un tel système économique, plus attractif pour les entreprises clientes. Par ailleurs, les opérateurs historiques auraient lié l’acceptation des titres-restaurant papier et des titres électroniques, en prévoyant que les commissions dues au titre de l’utilisation d’une carte électronique seront prélevées sur les remboursements des titres papier. En outre, les opérateurs historiques se seraient livrés à des pratiques relevant d’un dénigrement, tendant à dissuader les entreprises de recourir à la solution du nouvel entrant (que ce soit à titre exclusif, ou en combinaison avec les leurs). Considérant notamment que les entreprises communes créées par les opérateurs historiques constituent des accords de coopération horizontale, susceptibles de générer des problématiques de concurrence, et notamment de conduire à une entente anticoncurrentielle, l’Autorité de la concurrence a pris la décision de poursuivre l’instruction au fond de l’affaire, pour en analyser les modalités de fonctionnement et les conditions d’accès.

Elle recherchera par ailleurs si le changement de politique tarifaire des opérateurs historiques (visant à réduire les sommes à la charge des entreprises), résulte ou non d’une pratique anticoncurrentielle. Enfin, la décision apporte des précisions sur la pratique d’admission de preuves par l’Autorité de la concurrence, qui autorise la production par le nouvel entrant de pièces obtenues dans des conditions contestées par les entreprises mises en cause (notamment leur remise par d’anciens salariés de ces dernières). A rapprocher : Décision 01-D-41 du 11 juillet 2001 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés des titres restaurant et de titres emploi-service.

Article L.464-1 du Code de commerce et mesures conservatoires

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°15-14.158 Ce qu’il faut retenir : L'Autorité de la concurrence peut prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires lorsque la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante. Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence. Pour approfondir : Dans cette affaire, deux sociétés avaient conclu un accord de mutualisation de réseaux d'accès mobiles, prévoyant notamment la mise en place d’une itinérance 4G temporaire fournie par une société tierce à l’un des opérateurs. Un opérateur concurrent, estimant que ces sociétés se livraient à des pratiques contraires à l’article L. 420-1 du Code de commerce et à l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, avait saisi l'Autorité de la concurrence d'une demande de mesures conservatoires aux fins de suspension de la mise en œuvre de cet accord. L’opérateur concurrent faisait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Paris d’avoir rejeté son recours contre la décision de l’Autorité de la concurrence ayant rejeté sa demande de mesures conservatoires.

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En premier lieu, la décision commentée retient que les mesures conservatoires peuvent être décidées lorsque les faits dénoncés sont de nature à constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce, à l'origine directe et certaine d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts protégés par l'article L. 464-1 du Code de commerce, la caractérisation d’une telle pratique n’étant pas nécessairement requise à ce stade de la procédure. La Cour de cassation retient qu’ayant constaté que l’instruction du dossier se poursuivait et recherché si une atteinte grave et immédiate aux intérêts protégés par l'article L. 464-1 du Code de commerce pouvait se déduire des éléments versés aux débats, la cour d’appel, qui a retenu que l’analyse de l’accord litigieux au regard de l’avis n°13-A-08 du 11 mars 2013 relatif aux conditions de mutualisation et d’itinérance sur les réseaux mobiles relevait d’une appréciation de fond, a légalement justifié sa décision. En second lieu, les mesures conservatoires doivent « rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence » (C. com., art. 464-1, al. dern). L’arrêt retient tout d’abord que, sur le marché de gros, les effets de la prestation litigieuse ne sont pas susceptibles de créer un dommage grave et immédiat dès lors que la prestation n’est pas irréversible et pourra être interrompue, à tout moment, sans créer de difficultés insurmontables au détriment de l’opérateur qui en bénéficie ; l’arrêt relève ensuite que, sur le marché de détail, les effets susceptibles d’être produits ne concernent pas les zones très denses qui correspondent aux principaux marchés sur lesquels la concurrence se développe, qu’ils ne portent que sur certaines parties de la zone de partage des sites et qu’ils ne devraient concerner qu’environ 20 % de la population ; l’arrêt ajoute que ce pourcentage théorique de couverture n’est qu’un taux maximum qui ne sera pas nécessairement utilisé en totalité, et relève encore qu’il n’est pas démontré qu’une meilleure couverture de la société sur une partie de la zone moyennement dense se traduirait automatiquement par des mouvements immédiats et importants de clientèle sur le marché de détail ; l’arrêt relève enfin qu’il n’est pas justifié de ce que la perte d’un avantage concurrentiel de couverture constituerait un dommage grave et immédiat, ni dans quelle mesure elle aurait des conséquences dommageables sur l’activité de l’opérateur téléphonique. Voici donc une décision parfaitement motivée. L’arrêt déduit de l’ensemble de ces éléments que l’existence d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts protégés par l’article L. 464-1 du Code de commerce n’est pas établie. Ce faisant, la cour d’appel, qui a apprécié, conformément aux exigences de ce

texte, si les éléments en cause relevaient d’une situation d’urgence nécessitant le prononcé de mesures conservatoires, a donc légalement justifié sa décision. A rapprocher : Avis n° 13-A-08 du 11 mars 2013 relatif aux conditions de mutualisation et d’itinérance sur les réseaux mobiles.

Pratiques commerciales trompeuses et publicité comparative illicite

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°14-26.095 Ce qu’il faut retenir : La licéité d’une publicité comparative est subordonnée à différentes conditions : objectivité, précision, pertinence, vérifiabilité. Sa licéité ne dispense toutefois pas le juge d’apprécier son caractère « dénigrant ». Pour approfondir : Conformément à l’article 121-8 du Code de la consommation, la publicité comparative entre concurrents ou produits de concurrence n’est licite que sous trois conditions cumulatives : « 1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; 2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; 3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ». Ces dispositions s’inscrivent dans un contexte communautaire visant à favoriser la concurrence. C’est à ce titre, et parce qu’elle permet de « stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens ou services » (Considérant 2, Directive 97/55/CE) qu’elle est désormais autorisée et régulée. Pour ce qui concerne la troisième condition de la licéité des publicités comparatives, elle pose une exigence claire d’objectivité de toute publicité comparative. Différences entre offres respectives Dans l’affaire du 5 juillet 2016 en question, le litige oppose les sociétés filiales Saturn à Darty, au sujet de la qualification de publicités comparatives entre leurs produits, publiées par ces premières. Darty fait grief à

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l’arrêt d’appel de refuser de les qualifier de publicités comparatives trompeuses, et illicites à ce titre. Si l’article L.121-8, 3° suppose effectivement « que soient données au consommateur les informations sur les caractéristiques propres du produit comparé de nature à justifier l’écart de prix vanté et l’avantage financier susceptible d’être réellement obtenu », la Cour de cassation vient ici rejeter le premier moyen avancé dans le pourvoi, en expliquant qu’il n’existe pas pour autant d’obligation à la charge de l’auteur de la publicité, d’expliciter exhaustivement les éléments constitutifs de l’offre de son concurrent. En l’espèce, la Cour relève que Darty diffuse « de façon intensive » des informations sur son offre, et notamment sur son « contrat de confiance », ainsi, « le consommateur était en mesure de procéder à un constat objectif des différences entre les offres respectives ». C’est bien à travers une analyse factuelle globale que la Cour admet l’objectivité de la publicité comparative : ne se bornant pas à analyser les éléments de la publicité elle-même, elle l’insère dans son contexte. La décision s’inscrit ainsi dans un courant jurisprudentiel selon lequel même si la publicité ne cite que les caractéristiques essentielles des produits, sans en citer toutes les caractéristiques, la publicité comparative peut être licite (Cass. com., 7 juillet 2009, n°08-11.660, Publié au Bulletin). Globalement, cette dernière doit être objective, non parasitaire, et pertinente pour être licite (CA Paris, 5 janv. 2010, RJDA 2010, n°687 ; CA Nîmes, 5 mars 2009, JCP G 2009, n°577). La CEPC rappelle par ailleurs que les comparaisons réalisées doivent pouvoir être vérifiées (CEPC, avis n°09-14, relatif à la publicité comparative ; v. aussi, CA Poitiers, 12 juin 2012, RG n°11/04434). Ces solutions sont connues. Sur le caractère précis de la publicité Le deuxième moyen retenu par le pourvoi, et rejeté par la Cour de cassation est celui selon lequel la publicité comparative réalisée par les sociétés Saturn aurait un caractère trop général, s’exprimant par « l’idée d’une supériorité tarifaire générale ». De façon générale en effet, la jurisprudence reconnait la nécessité pour une telle publicité d’être circonscrite en son objet : l’objectivité dépend de la faculté pour le consommateur de distinguer précisément les avantages d’un produit, d’une marque. Ainsi, est illicite

la publicité par laquelle l’annonceur se déclare « n°1 » sans circonscrire l’objet de sa supériorité (T. com. Paris, 5 avr. 2006, SFR c/ Bouygues Telecom ; T. com. Paris, 15 janv. 2002, SA UPC France c/ SA France Télécom ; CA Paris, 26 février 2013, n°12/13819, et notre commentaire). En l’espèce, au contraire, la Cour de cassation, suivant les motifs de la décision d’appel, relève que les publicités (1) ne concernent qu’un seul produit à la fois, (2) sont réalisées dans des domaines différents, et (3) visent des consommateurs différents. Ainsi, elle conclut que « les messages publicitaires n’exprimaient pas une supériorité tarifaire générale ». Le consommateur étant par ailleurs informé du caractère promotionnel des prix et de leur durée limitée, la publicité n’est pas trompeuse. Sur le relevé des prix La Cour souligne ici que « rien n’exigeait (…) que les sociétés Saturn justifient qu’au jour du relevé de prix réalisé au sein des magasins Darty, elles-mêmes pratiquaient déjà des prix inférieurs pour les produits comparés ». Cette condition, avancée par la société Darty, n’en est en effet pas une – ni dans l’article L.121-8 du Code de la consommation sur laquelle l’arrêt se fonde, ni dans la Directive 97/55/CE traitant de la question. Sur le caractère dénigrant d’une publicité

comparative La Cour de cassation, toutefois, en vient à la cassation partielle de l’arrêt d’appel. Cette dernière avait jugé irrecevable la demande de Darty visant la reconnaissance du caractère dénigrant des publicités en question, aux motifs que ces publicités, précisément, ne sont pas illicites. La Haute juridiction retient que les deux actions sont indépendantes, et qu’il appartient donc à la Cour d’appel d’examiner, indépendamment du caractère licite ou non de la publicité litigieuse, son caractère dénigrant. Sur le caractère trompeur d’une pratique

commerciale Enfin, la Cour de cassation rappelle le mode d’appréciation de l’existence d’une pratique commerciale trompeuse : elle s’apprécie « en fonction de l’effet qu’elle a pu avoir sur le comportement économique du consommateur d’une attention moyenne ».

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Selon le type de produits, il convient de souligner que la jurisprudence, en particulier européenne, adapte le niveau d’attention du consommateur, au type de produit en cause et fait varier l’effet de la pratique commercial sur le comportement économique du consommateur (voir TUE, 22 mars 2011, Aff. T-486/07 ; TPICE, 15 sept. 2005, aff. T-320/03, Citicorp c/ OHMI, Rec. CJCE, II, p. 3411 ; TPICE, 12 janv. 2006, aff. T-147/03). En l’espèce, la Cour retient que « dans une publicité comparative axée sur le faible prix du produit comparé », l’indication d’un prix inférieur à celui effectivement pratiqué « est nécessairement de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ». De nouveau, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. A rapprocher : CA Colmar, 12 juin 2012, RG n°12/01150, et notre commentaire.

Transaction et Autorité de la Concurrence Aut. Conc., Décision 16-D-15 du 6 juillet 2016

Ce qu’il faut retenir : Pour la première fois, sur le fondement de l’article L.442-6, III du Code de commerce modifié par la Loi Macron, l’Autorité de la concurrence publie une décision fondée sur une transaction. Cette décision illustre la possibilité pour tous les acteurs de transiger dans le cadre d’une procédure engagée devant l’Autorité de la concurrence. Pour approfondir : La décision commentée (Aut. Conc., Décision 16-D-15 du 6 juillet 2016), qui a donné lieu à un communiqué assez peu instructif, constitue une première : il s’agit en effet de la toute première décision par laquelle l'Autorité rend publique une transaction générale avec toutes les entreprises mises en cause dans la même affaire, aucune d'entre elles n'ayant contesté les griefs notifiés. Une telle transaction se fonde sur l’article L.442-6, III du Code de commerce issu de la loi Macron, selon lequel : « Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée ». Ce même article détaille la procédure par laquelle le

rapporteur général peut proposer à l’Autorité une fourchette dans laquelle elle situera le montant de la sanction. En l’espèce, le secteur concerné est celui de la distribution des produits de grande consommation en outre-mer, tels que les produits d'alimentation frais ou non, les boissons, les produits d'hygiène corporelle et d'entretien domestique et les produits cosmétiques commercialisés sous marque de fabricant. Le litige opposait donc les acteurs de ce secteur, poursuivis pour la mise en œuvre de contrats d’importation exclusive, en violation de l’article L.420-2-1 du Code de commerce. Si, en soi, le fond de la décision de l’Autorité de la concurrence n’est importante que pour les acteurs de l’outre-mer, le dispositif mis en place pour arriver à la décision concerne bel et bien la totalité des acteurs qui, désormais, ont sous leurs yeux la mise en place d’une première transaction avec le rapporteur général. Dans sa décision 15-D-14 du 10 septembre 2015, l’Autorité avait déjà souligné l’interdiction des importations exclusives, et avait accepté que les parties proposent des engagements pour mettre fin aux poursuites. La procédure est désormais formalisée pour transiger, bien que cela ne porte pas extinction de la sanction pécuniaire en soi. L’Autorité rappelle ainsi l’interdiction des importations exclusives, car « ces situations d’exclusivité sont susceptibles de limiter l’ampleur de la concurrence intra-marque sur chaque territoire domien », ce qui pourrait « réduire la concurrence inter-marque en raison d’un risque de nivellement des prix des produits de grande consommation importés de métropole, déjà très élevés par rapport aux prix de mêmes produits vendus en métropole ». La procédure prévue par l’article L.442-6, III précité, se déroule comme suit : non contestation de la réalité du grief que l’Autorité

leur a notifié ;

sollicitation de l’application de l’article L.442-6, III auprès du rapporteur de l’Autorité ;

proposition de transaction à chacune des parties par le rapporteur ;

établissement de procès-verbaux de transaction permettant de donner l’accord à la proposition de transaction ;

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séance auprès de l’Autorité et confirmation de l’accord sur les transactions proposées.

A rapprocher : Sur la Loi Macron, voir notre commentaire. L’indispensable lien d’affectation contraignante entre

la taxe et l’aide d’Etat Cass. com., 7 juin 2016, pourvoi n°14-12.521

Ce qu’il faut retenir : L’exonération de taxe pour une catégorie de société ne constitue pas une aide d’état, à partir du moment où aucun lien d’affectation contraignante n’est caractérisé entre la taxe et l’aide d’état. Pour approfondir : La Cour de cassation vient de nouveau préciser les circonstances dans lesquelles une aide d’état est caractérisée – cette caractérisation étant nécessaire, puisqu’en vertu du droit européen, toute aide d’état doit être notifiée auprès de la Commission Européenne avant sa mise en place (art 108(3) TFUE). L’article 107(1) (ancien art 87(1)) TFUE dispose : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». En l’espèce, une société spécialisée dans la distribution d’articles de sport conteste les modalités d’imposition de la taxe sur les surfaces commerciales TASCOM, au prétexte qu’elle « favorise certaines entreprises et se traduit par un allégement de leurs charges comparativement à d’autres entreprises du même secteur » et demande la requalification de cette taxe en aide d’état – aide d’état qui serait alors illégale, puisque n’ayant pas fait l’objet d’une information auprès de la Commission. Elle demande ainsi le remboursement des sommes qu’elle a versé au titre de la TASCOM pour l’année 2009. La Cour de cassation rejette néanmoins son pourvoi, et confirme l’arrêt d’appel, en démontrant les critères de l’aide d’état que ne remplit pas l’exonération de cette taxe pour certaines sociétés concurrentes de la société demanderesse.

Les critères de l’aide d’état sont ainsi les suivants : L’existence d’un lien d’affectation contraignant

entre la taxe et l’aide, c’est-à-dire que « le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide ». Ainsi, en l’espèce, ce lien est absent entre la taxe et l’exonération de celle-ci pour une catégorie de sociétés. Le produit de la taxe n’est par ailleurs pas affecté au financement d’un régime d’aide.

L’assujettissement asymétrique à la taxe ne constitue une aide que lorsque c’est « un objectif délibéré, voire l’objectif principal de la taxe ». Dans ce cas, l’aide et la taxe constituent deux faces d’une seule et même mesure.

En l’espèce, la taxe a une portée générale et n’a pas pour but d’instaurer un quelconque avantage concurrentiel à certaines sociétés. Ainsi, la Cour conclut que « la taxe et la mesure d’aide alléguée ne constituaient pas les deux éléments indissociables d’une seule et même mesure fiscale, ce qui excluait l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre les deux ». C’est l’existence de ce lien qui fonde, corrélativement, l’existence (ou non) d’une aide d’état. A rapprocher : CJUE, 27 octobre 2005, Distribution Casino France et autres, C-266/04 à C-270/04, C-276/04, C-321/04 à C-325/04 ; CJUE, 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron, C-526/04.

Substitution de l’action en concurrence déloyale à l’action en contrefaçon

Cass. com., 7 juin 2016, pourvoi n°14-26.950 Ce qu’il faut retenir : L’action en concurrence déloyale, fondée sur des faits identiques à ceux sur lesquels se base une action en contrefaçon rejetée, peut être considérée néanmoins recevable, si cette action en contrefaçon est rejetée pour absence de droit privatif, et s’il est justifié d’un comportement fautif de la part de l’intimé. Pour approfondir : La solution n’est pas nouvelle, l’action en concurrence déloyale « est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d’aucun droit privatif ».

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Pourtant, la jurisprudence retenait souvent que, lorsqu’elle se fondait sur les exacts mêmes faits que l’action en contrefaçon, et que celle-ci était rejetée, l’action en concurrence déloyale n’était pas recevable (Cass. com., 31 mars 2004, n°02-14.902 ; Cass. 1re civ., 25 mai 2004, n°01-17.805 ; Cass. com., 30 mai 2007, n°06-13.880 ; Cass. com., 24 mai 2011, n°10-20.620), sauf en présence de faits distincts (Cass. com., 10 févr. 2009, no 07-21.912 ; Cass. com., 19 janv. 2010, nos 08-15.338, 08-16.459, 08-16.469). Dans l’arrêt du 7 juin 2016, le jugement semble différent. En l’espèce, une société en assigne deux autres en contrefaçon de ses droits d’auteur et en concurrence déloyale et parasitaire. Sa première demande est rejetée, au motif que la demanderesse ne prouve pas détenir les droits d’auteur qu’elle allègue ; la seconde l’est aussi car, fondée sur les exacts mêmes faits, la Cour juge que la concurrence déloyale ne pourrait constituer qu’une « aggravation ». Sur le principe, donc, la Cour d’appel semble donc s’inscrire dans la lignée de la jurisprudence ci-avant citée. La Cour de cassation casse l’arrêt. Elle reconnait la recevabilité de l’action en concurrence déloyale, même si elle se fonde sur « des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, dès lors qu’il est justifié un comportement fautif ». Deux éléments dans cette décision doivent être essentiellement relevés. En premier lieu, l’action en concurrence déloyale peut se substituer à l’action en contrefaçon lorsque celle-ci a été rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, et non pour simple manque de similarité entre les produits, En second lieu, l’action en concurrence déloyale est recevable dès lors qu’il est justifié un comportement fautif. Or, en l’espèce, bien que la demanderesse n’ait apparemment pas les droits d’auteur qu’elle allègue sur le produit, la Cour relève qu’une faute peut être caractérisée par la « création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce ». Il convient donc que la Cour d’appel de renvoi analyse l’existence ou non d’une telle faute, en l’espèce, pour pouvoir déclarer l’action en concurrence déloyale bien ou mal-fondée. Ce sont ces deux conditions qui permettent la recevabilité de l’action en concurrence déloyale.

Restera à la Cour de renvoi de décider de son bien-fondé. Il convient donc de distinguer deux hypothèses dans l’articulation entre les actions en contrefaçon et/ou en concurrence déloyale : soit le rejet de l’action en contrefaçon est fondé sur l’absence de droit privatif et/ou une faute de concurrence est caractérisée, auquel cas l’action en concurrence déloyale devrait être recevable même à partir de faits identiques, soit le rejet de l’action en contrefaçon se fonde en dehors de toute intention fautive de l’intimé, et dans ce cas, l’action en concurrence déloyale ne sera considérée recevable qu’en présence de faits distincts. La solution de la Cour de cassation dans cet arrêt n’est d’ailleurs pas une nouveauté ; d’autres arrêts l’avaient déjà reconnue (Cass. com., 9 juin 2009, no 07-21.367 ; Cass. 1re civ., 20 mars 2007, nos 06-11.522 et 06-11.657 ; Cass. com., 15 févr. 1983, no 81-14.318). A rapprocher : Cass. com., 4 février 2014, pourvoi n °13-12.204, et notre commentaire. Pratiques restrictives de concurrence, amende civile

et fusion-absorption Cons. const., décembre, 18 mai 2016, n°2016-542 QPC Ce qu’il faut retenir : Par la décision commentée (Cons. const., déc., 18 mai 2016, n°2016-542 QPC), le Conseil constitutionnel juge la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l’article L. 442-6 du Code de commerce conforme à la Constitution. Pour approfondir : On le sait, la Cour de cassation avait saisi le Conseil constitutionnel en début d’année (Cass. com., 18 févr. 2016, n° 15-22.317) d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du paragraphe III de l'article L.442-6 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, telles qu'interprétées par la jurisprudence. Selon ce texte : « L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa

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compétence, une pratique mentionnée au présent article. « Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l'industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l'extinction de son obligation. « La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée. « La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte. « Les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. « Ces juridictions peuvent consulter la Commission d'examen des pratiques commerciales prévue à l'article L. 440-1 sur les pratiques définies au présent article et relevées dans les affaires dont celles-ci sont saisies. La décision de saisir la commission n'est pas susceptible de recours. La commission fait connaître son avis dans un délai maximum de quatre mois à compter de sa saisine. Il est sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à réception de l'avis ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois susmentionné. Toutefois, des mesures urgentes ou conservatoires nécessaires peuvent être prises. L'avis rendu ne lie pas la juridiction ». Les dispositions de la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l’article L. 442-6 du Code de commerce permettent de sanctionner par une amende civile les pratiques restrictives de concurrence d'une entreprise. Selon la jurisprudence de la Cour de

cassation (Cass.com., 21 janvier 2014, n°12-29.166, Publié au Bulletin), l’amende civile peut être prononcée à l'encontre de la personne morale qui n'exploitait pas l'entreprise au moment des faits mais à laquelle elle a été transmise à la suite d'une opération de fusion absorption. Le Conseil constitutionnel a jugé que, contrairement à ce que soutenait la société requérante, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de personnalité des peines. L'amende civile, qui a la nature d'une sanction pécuniaire (Décision, §.7), a pour objet de préserver l'ordre public économique. Ce faisant, l'absorption de la société auteur des pratiques restrictives par une autre société ne saurait mettre fin aux activités qu'elle exerce, qui se poursuivent au sein de la société absorbante (Décision, §.8). Seule une personne bénéficiaire de la transmission du patrimoine d'une société dissoute sans liquidation est susceptible d'encourir l'amende prévue par les dispositions contestées (Décision, §.9). Le Conseil constitutionnel a donc jugé la troisième phrase du deuxième alinéa du paragraphe III de l’article L. 442-6 du Code de commerce, relatif à l’amende civile, conforme à la Constitution. A rapprocher : Communiqué du Conseil constitution-nel en date du 18 mai 2016.

Mal-fondé du grief d’abus de dépendance économique en l’absence d’affectation de la

concurrence Cass. com., 8 mars 2016, pourvoi n°14-25.718

Ce qu’il faut retenir : La chute brutale du chiffre d’affaires réalisé par une entreprise avec son partenaire ne peut constituer un abus de dépendance économique si aucune affectation de la concurrence n’est démontrée. Pour approfondir : La société CPS s’est vue confier, par deux contrats d’octobre 2005 et janvier 2006, dont le dernier a été conclu pour une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction, le conditionnement de leurs produits par les sociétés de parfumerie Paco Rabanne et Nina Ricci. Un nouveau contrat d’un an a été conclu pour l’année 2008 ; aucun contrat n’a été conclu pour l’année 2009. Au cours de l’année 2009, en l’absence de contrat encadrant la relation, la société Paco Rabanne a

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néanmoins adressé des commandes à la société CPS avant de lancer un appel d'offres, à l'issue duquel cette dernière n'a pas été retenue. La société CPS, mise en redressement judiciaire en février 2010, a assigné les sociétés Paco Rabanne et Nina Ricci en paiement de dommages-intérêts en se prévalant des fondements d’abus de dépendance économique et de rupture brutale de relation commerciale établie. Sur le grief tiré de la rupture brutale de relations commerciales établies, la chambre commerciale de la Cour de cassation, admettant tacitement que la chute brutale du chiffre d’affaires s’analyse en une rupture partielle de la relation commerciale, casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale au motif qu’elle n’a pas recherché si la société Paco Rabanne avait clairement notifié ladite rupture à la société CPS en lui consentant un préavis suffisant. En effet, l’absence de notification d’un préavis suffisant est seule susceptible de caractériser la « brutalité » de la rupture, critère déterminant de l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Cette solution, mérite d’être saluée en ce qu’elle circonscrit la faute susceptible d’entraîner la responsabilité de l’auteur de la rupture sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. Sur le grief tiré de l’abus de dépendance économique, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle qu’il ne peut prospérer en l’absence de démonstration, par la société CPS, « que la pratique dénoncée [était] susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence sur un marché ». En effet, l’abus de dépendance économique est sanctionné en droit français par l’article L. 420-2, 2° du Code de commerce qui dispose : « est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. » Ce rappel des critères d’application de l’article L. 420-2 du Code de commerce ne peut donc qu’être approuvé, a fortiori au regard de l’intensité des condamnations pouvant être prononcées en application de ce texte (notamment : annulation rétroactive du contrat, réparation du dommage à l’économie, sanctions

pénales du dirigeant, réparation des dommages personnels). Il est notable qu’à compter du 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’abus de l’état de dépendance dans lequel se trouve un partenaire pourra être constitutif d’une violence justifiant l’annulation du contrat conclu dans ces conditions. En effet, l’article 1143 du nouveau Code civil disposera : « Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. » L’affectation de la concurrence ne sera pas un critère d’application de ce texte nouveau. A rapprocher : Article 1143 (nouveau) du Code civil.

Réseau de distribution sélective et interdiction de vente en ligne

CA Paris, 2 février 2016, RG n°15-01542 Ce qu’il faut retenir : Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la tête de réseau interdit à ses distributeurs la revente des produits sur internet en dehors de leurs propres sites internet, sans toutefois apporter de raison objective justifiant une telle interdiction ; dès lors, elle ne peut se plaindre d’un trouble manifestement illicite par suite de la commercialisation de ses produits via une plate-forme internet. Pour approfondir : La société C. assure la fabrication et la distribution de produits cosmétiques au travers d’un réseau de distribution sélective constitué de pharmacies et de parapharmacies, lesquelles commercialisent les produits de la société C., soit dans un point de vente, soit par internet (selon le canal de commercialisation, le distributeur conclu un contrat de distribution sélective différent). La société E., tierce au réseau, propose aux pharmaciens une plate-forme internet sur laquelle ils peuvent commercialiser leurs produits.

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Considérant qu’une telle plate-forme affecte son réseau de distribution sélective et constitue une violation des dispositions de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce, la société C. a assigné en référé, sur le fondement de l’article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, la société E. en vue notamment qu’il soit enjoint à cette dernière de cesser toute commercialisation des produits de la société C. sur la plate-forme qu’elle propose sur internet. Le juge des référés a fait droit à la demande de la société C. et la société E. a interjeté appel. S’agissant de la commercialisation des produits de la société C., les juges du fond commencent par rappeler la distinction entre les distributeurs commercialisant lesdits produits via internet, et ceux les commercialisant via des points de vente physiques, en soulignant que, l’agrément donné pour un canal de distribution ne vaut pas automatiquement pour l’autre. Il ressort également des contrats signés par les distributeurs que ces derniers ne peuvent commercialiser les produits en ligne que sur leurs propres sites : la société C. interdit de ce fait par principe aux distributeurs de commercialiser les produits via des plates-formes de vente en ligne, telle que celle proposée par la société E. Les juges du fond considèrent que l’interdiction de principe faite aux distributeurs des produits de la société C., de recourir à une plate-forme de vente en ligne, quelles qu’en soient les caractéristiques, est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence exclue du bénéfice de l’exemption communautaire individuelle visée à l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce. De ce fait, la société C. ne peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite. Il est à préciser que les juges du fond soulignent à l’appui de leur décision que la société C. n’établit pas de justification objective qui pourrait rendre licite l’interdiction pesant sur les distributeurs de ne pas commercialiser les produits sur internet en dehors de leurs propres sites internet et donc, par là-même, qui pourrait établir le trouble manifestement illicite subi par la société C. du fait de la violation de cette interdiction par les distributeurs. La Cour se réfère à deux décisions de l’Autorité de la concurrence du 3 juillet 2014 et du 24 juin 2015 (affaire Samsung), à un communiqué de presse de cette autorité (affaire Adidas), à une décision de l’autorité de la concurrence allemande, et à la consultation d’un professeur de droit et considèrent qu’ils constituent un faisceau d’indices concordants tendant à établir, avec l'évidence requise en référé, que l’interdiction de principe du recours pour les distributeurs des produits

en cause à une plate-forme en ligne est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l'exemption communautaire individuelle visée à l'article L442-6 I 6° qui fonde les demandes litigieuses. En conséquence, la société C. a été déboutée de sa demande fondée sur la prétendue violation de son réseau de distribution sélective. Il résulte toutefois de ce qui précède que, si la société C. avait pu apporter les explications et justifications nécessaires, l’interdiction de principe imposée aux distributeurs aurait pu être justifiée. Il conviendra de suivre la suite de cette affaire, la société E. ayant saisi l’ADLC d’une plainte à ce sujet. A rapprocher : ADLC, 12 déc. 2012, déc. 12-D-23.

Liquidation judiciaire d’un distributeur agréé et revente des produits par un tiers non agréé

Cass. com., 16 février 2016, pourvoi n°14-13.017 Ce qu’il faut retenir : Un distributeur agrée a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et les produits qu’il commercialisait ont été rachetés par un tiers, non membre du réseau qui a ensuite organisé un réseau de revente parallèle en participant ainsi à la revente des produits en dehors du réseau et ce, sans autorisation de la tête de réseau. Cette dernière a donc intenté une action à l’encontre du revendeur pour violation de l’interdiction de revente hors réseau et comportement parasitaire et les magistrats ont fait droit à cette demande. Pour approfondir : La société G., qui était un distributeur agrée d’une célèbre marque de produits de luxe commercialisés par la société C. (les produits de la marque C.), a été placée en procédure de liquidation judiciaire. A l’occasion de la vente aux enchères organisée dans le cadre de liquidation de la société G., la société F. a acquis un stock de produits de la marque C. qu’elle a ensuite commercialisés au travers de différentes sociétés exploitant des solderies. La société C. a assigné la société F. pour violation de l’interdiction de revente hors réseau des produits de la marque C. (sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 6° du C. com.) et pour actes parasitaires et déloyaux (sur le fondement de l’article 1382 du Code civil). En premier lieu, s’agissant de la violation de l’interdiction de revente hors réseau, il convient de

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rappeler que, aux termes de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce, est condamné le fait « de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ». La Cour de cassation commence par rappeler, ainsi que l’avaient souligné les juges du fond, que la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société G. n’a pas pour effet de priver d’effet les dispositions du contrat de distribution sélective prévoyant notamment l’interdiction de revente des produits de la marque C. hors réseau ; le liquidateur devait donc respecter ces dispositions (il avait ainsi, dans les annonces légales de la vente aux enchères, précisé que l’acquéreur des produits de la marque C. devrait solliciter l’autorisation de la société C. pour pouvoir revendre lesdits produits). La société F. a donc acquis les produits de la marque C. en connaissant l’existence du réseau de distribution sélective et les contraintes qui en découlaient, et, en dépit de cela, la société F. a choisi de faire commercialiser les produits de la marque C. par des solderies, sans solliciter l’accord préalable de la société C. La Cour de cassation en conclut que la société F. a participé directement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau commise par la société G. (le respect des dispositions du contrat de distribution sélective s’imposaient au liquidateur). La Haute Cour relève que la société C. a quant à elle rempli ses obligations en adressant une offre de rachat des produits au liquidateur, ce dont ce dernier avait toutefois fait fi en revendant les produits de la marque C. aux enchères publiques, à un tiers au réseau. La société C. n’avait donc pas consenti à la revente de ses produits en dehors de son réseau. En second lieu, s’agissant des actes parasitaires et déloyaux dont la société F. serait l’auteur, la Cour de cassation relève tout d’abord le rôle actif joué par la société F. dans la revente des produits de la marque C. et le réseau parallèle de revente organisé par cette dernière au travers de l’organisation de la revente des produits de la marque C. par plusieurs solderies. Les magistrats relèvent ainsi que la société F. utilisait le pouvoir attractif des produits de la marque C. pour promouvoir d’autres produits et soulignent le fait que commercialiser les produits de la marque C. dans des « conditions de conservation, de transport, de stockage et de présentation des produits, mis en vente dans des hangars, exposés en vrac ou dans des

agencements modestes à proximité d’articles de bas de gamme étaient incompatibles avec l’image de la marque, la notoriété et l’idée de raffinement attachées aux produits C. ». Les magistrats considèrent également que la société F. a usé du pouvoir attractif des produits de la marque C. en les proposant à bas prix pour attirer la clientèle ; la société F. a ainsi adopté un comportement parasitaire pour lequel elle devait être condamnée. A rapprocher : Article L. 442-6 du Code de commerce.

*****

RUPTURE DES RELATIONS COMMERCIALES ÉTABLIES

L’action indemnitaire fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies au sens du

règlement Bruxelles I CJUE 14 juillet 2016, affaire Granarolo C-196/15

Ce qu’il faut retenir : Conformément à l’article 5 point 3 du règlement Bruxelles I, l’action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, s’il existait entre les parties une relation contractuelle tacite. Pour approfondir : Dans l’espèce, la société Ambrosi distribue en France des produits de la société italienne Granarolo depuis 25 ans sans contrat cadre, ni stipulation d’exclusivité. La société Granarolo souhaite mettre un terme à cette relation d’affaire et rompt la relation. La société Ambrosi l’assigne alors devant une juridiction française pour rupture brutale de relations commerciales établies sur le fondement de l’article L.442-6 du Code de commerce et engage sa responsabilité délictuelle. En effet, la juridiction compétente en matière de responsabilité délictuelle est celle du lieu de survenance du dommage (article 46 du Code de procédure civile) qui serait ainsi le lieu où est situé le siège social d’Ambrosi, à Nice. Pour la société Granarolo, l’action en responsabilité n’est pas

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délictuelle mais contractuelle et de ce fait la juridiction compétente doit être une juridiction italienne. En matière contractuelle, la juridiction compétente est celle du lieu de livraison de la chose. Par conséquent, ce lieu serait, selon la dite société, l’usine de Bologne (Italie) conformément aux indications figurant sur les factures. Une question préjudicielle est donc posée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. La question en présence reposait sur le fait de savoir quelle était la nature de l’action indemnitaire fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies afin de déterminer la juridiction compétente. Le règlement Bruxelles 1 prévoit, en effet, des règles de compétences différentes selon que la matière soit contractuelle (article 5 point 1) ou délictuelle et quasi délictuelle (article 5 point 3). La Cour rappelle alors que pour définir la nature de la responsabilité contractuelle il n’est pas obligatoire de rapporter la preuve d’un contrat écrit. Une obligation contractuelle peut exister même si elle est issue d’un contrat tacite, qui s’entend comme des actes non équivoques exprimant la volonté des parties. En outre, relève de la matière délictuelle tout ce qui ne relève pas la matière contractuelle selon une jurisprudence constante de la cour (CJUE, 28 janvier 2015, Kolassa, C-375-13). En définitive même si les parties n’étaient pas liées par contrat cadre écrit, la rupture brutale de leur relation commerciale ne relève pas nécessairement de la matière délictuelle au sens du règlement Bruxelles I. La Cour de Justice de l’Union Européenne estime que s’il existait une relation contractuelle tacite entre les parties, l’action en rupture brutale devait être fondée sur la responsabilité contractuelle. Elle laisse toutefois à la juridiction de renvoi le soin de vérifier s’il existait une telle relation entre les parties. Ainsi, la Cour de Justice nous donne dans cette affaire des éléments d’appréciation sans toutefois trancher la question qui lui a été soumise. Elle apporte néanmoins un faisceau d’indices concordants à partir desquels une relation contractuelle tacite peut être qualifiée, tels que la durée de la relation, la bonne foi, la régularité des transactions, les accords sur les prix et la correspondance échangée. Par ailleurs, cet arrêt va à l’encontre d’une jurisprudence constante établie par la Cour de cassation qui tranche en faveur d’une responsabilité délictuelle.

L’argument tenant au fait que les parties puissent être liées par un contrat étant indifférent pour les juridictions françaises. Il conviendra donc de voir si la Cour de cassation fait évoluer sa position eu égard à la décision rendue par la CJUE en juillet dernier. A rapprocher : CJUE 14 juillet 2016, affaire C-196/15.

Notion de « stabilité prévisible » de la relation commerciale établie

Cass. com., 22 novembre 2016, pourvoi n° 15-15.796 ; CA Paris, 27 octobre 2016, n°15/06830 et n°15/06765

Ce qu’il faut retenir : La relation commerciale, pour être établie au sens de l’article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, doit présenter un caractère « suivi, stable et habituel ». Selon les arrêts commentés, le critère de la stabilité s'entend en définitive de la « stabilité prévisible », de sorte que la victime de la rupture ne peut se prévaloir de ce texte qu’à la condition d’avoir raisonnablement anticipé pour l'avenir une continuité du flux d'affaires avec le partenaire commercial, auteur de la rupture. Pour approfondir : On le sait, l'article L 442-6-I-5° du Code de commerce dispose en substance qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Par deux décisions (CA Paris, 27 oct. 2016, n°15/06765 ; CA Paris, 27 oct. 2016, n°15/06830), déjà remarquées (v. le commentaire de notre confrère Mario Celaya à la Revue l’Essentiel, Droit de la Distribution et de la concurrence (à paraître - Janvier 2017), la Cour d’appel de Paris apporte sa pierre à l’édifice de la construction jurisprudentielle (lente et patiente) des contours de la notion de « précarité » de la relation commerciale, propre à écarter l’application de l'article L.442-6-I-5° du Code de commerce. Pour considérer que la preuve d'une relation commerciale établie n'est pas rapportée, la Cour

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d’appel caractérise la « précarité » de la relation commerciale par la motivation suivante : - « la relation commerciale, pour être établie au sens

de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel » ;

- « le critère précité de la stabilité s'entend de la

stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial » ;

- en l'espèce, si les relations commerciales, dont

l'intensité n’est pas discutée, ont certes présenté une durée significative pour s'être étendues du 4 janvier 2010 au 30 septembre 2013 (ce en quoi les caractères suivi et habituel précités étaient considérés comme vérifiés), elles ne revêtaient pas pour autant, toujours selon la Cour, « le caractère de stabilité requis, compte tenu du recours systématique à une mise en compétition avec d'autres concurrents » en début (en 2010) et en fin (en 2013) de contrat, laquelle est d'ailleurs obligatoire statutairement pour l'intimée depuis 2006, ce dont il découlait que l'appelante, informée et candidate malheureuse à l'appel d'offres final, « ne pouvait ignorer la précarité annoncée de la relation, précarité au surplus corroborée par la durée fixe déterminée du contrat originaire, fut-il tacitement reconductible deux fois, puis très limitée des prolongations intervenues par avenants (pour deux fois 4 mois, puis 1 mois) ».

Adoptant les motifs des premiers juges, la Cour d’appel en conclut que « le recours à la mise en compétition avec des concurrents, avant chaque nouveau contrat, privait les relations commerciales de toute permanence garantie et les plaçait dans une perspective de précarité certaine qui ne permettait pas [à la société fournisseur] de considérer qu'elles avaient une pérennité ». L’expression « stabilité prévisible », qui constitue l’épicentre de la motivation adoptée par la Cour d’appel de Paris dans ces deux décisions, est nouvelle. Que faut-il entendre exactement par « stabilité prévisible » ? Cette formule (« le critère précité de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial »), particulièrement riche de sens, inspire trois séries de remarques. En premier lieu, la notion de « stabilité prévisible » est inédite. En effet, si les termes « stable » ou « stabilité » sont d’usage fréquent en jurisprudence, l’expression

« stabilité prévisible » est à notre connaissance totalement inédite ; la consultation des bases de données usuelles ne permet pas en effet de trouver, en jurisprudence, la moindre trace de cette expression, rapportée à la problématique de l’application de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce. On pourrait certes voir dans cette observation le signe d’une forme de coquetterie juridique …, mais accordons le crédit à la Cour d’appel de Paris de n’avoir pas utilisé cette sémantique tout à fait par hasard ; l’emploi de l’expression est même volontaire, si l’on relève que la Cour indique expressément : « le critère précité de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible ». Quand on sait que l’existence d’une relation commerciale, pour être établie au sens du texte en cause, doit présenter les trois caractères « suivi », « stable » et « habituel », la formule « stabilité prévisible » semble tout d’abord destinée à bien distinguer le caractère « stable » des deux autres caractères, dont la réunion est exigée pour l’application du texte, ainsi que la Cour d’appel de Paris le souligne d’ailleurs dans les deux arrêts commentés. Dans ces deux affaires, la Cour d’appel de Paris retient au demeurant que seul le caractère « stable » faisait défaut. Cette distinction n’est pas neutre, loin de là, quand on sait que la jurisprudence a pu, par le passé, confondre les caractères « suivi » et « habituel » avec le caractère « stable » (v. par ex., CA Nancy, 1er oct. 2008, n°06/02023 : considérant que « les parties ont donc entretenu des relations commerciales pendant vingt ans, ce qui correspond au critère de stabilité exigé par l'article énoncé ci-dessus ».). En deuxième lieu, la notion de « stabilité prévisible » s’apprécie dans la personne de la victime de la rupture de la relation commerciale, et non dans celle de son auteur. C’est une évidence. C’est ce qu’indique clairement la Cour d’appel de Paris lorsqu’elle précise successivement que « la victime de la rupture devait pouvoir (…) anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial », puis qu’en l’espèce le recours à la mise en compétition avec des concurrents plaçait les relations commerciales dans une perspective de précarité certaine « qui ne permettait pas [à la société fournisseur] de considérer qu'elles avaient une pérennité ». Selon la Cour d’appel, c’est donc du seul point de vue de la victime qu’il convient de se placer ; autrement dit, la question est de savoir si la victime pouvait (ou non) prévoir le caractère stable de la relation commerciale. En troisième lieu, la notion de « stabilité prévisible », qui s’apprécie dans la personne de la victime de la rupture de la relation commerciale ainsi que l’on vient de le voir, ne s’apprécie pas au regard de ce que cette

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victime a pu effectivement considérer, encore moins ce qu’elle dit avoir considéré, mais bien ce qu’elle « aurait du » considérer, au regard des circonstances spécifiques de la cause. C’est ce qu’indique la Cour d’appel de Paris lorsqu’elle précise à dessein que la victime de la rupture devait pouvoir « raisonnablement » anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial. L’adverbe « raisonnablement » auquel la jurisprudence de la Cour de cassation se réfère depuis plusieurs années – implicitement (Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-11.916 ; Contrats, conc. consom. 2009, comm. 191 ; v. aussi, L.-M. Augagneur, L'anticipation raisonnable de la rupture des relations commerciales. À propos d'un non-revirement de la Cour de cassation, JCP, E, n° 42, 15 Octobre 2009, p. 1969), puis expressément (v. plus récemment : Cass. com., 22 nov. 2016, n° 15-15.796 : retenant « qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la relation commerciale entre les parties ne revêtait pas, avant la rupture, un caractère suivi, stable et habituel, de nature à autoriser la partie victime de l'interruption à anticiper raisonnablement, pour l'avenir, une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial, la cour d'appel a légalement justifié sa décision » (nous soulignons)) – signifie que le juge doit déterminer ce que la victime de la rupture « aurait du » considérer. La jurisprudence rendue en présence d’appel d’offres (v. encore récemment, sur ce point, CA Paris, 20 oct. 2016, n°15/02996 : considérant qu’il « est constant que l'instauration d'une procédure régulière d'appels d'offres peut précariser une relation commerciale, même ancienne ») permet d’explorer davantage cette idée ; la pratique, qui rend parfois les choses plus subtiles, conduit en effet à distinguer selon que la victime de la rupture de la relation commerciale a clairement eu conscience (ou non) de la mise en concurrence. Lorsque la victime de la rupture de la relation commerciale a participé, en toute connaissance de cause, à un appel d’offres, elle ne peut par définition ignorer la précarité de sa relation commerciale ; la mise en concurrence génère une incertitude quant à la continuité de sa relation commerciale. C’est exactement la situation dans laquelle se trouvaient les parties au cas d’espèce : la Cour d’appel souligne en effet que le caractère de stabilité faisait défaut, compte tenu du recours systématique à une mise en compétition avec d'autres concurrents, organisée par voie d’appel d’offres, début 2010 et fin 2013 ; ce faisant, le fournisseur ne pouvait raisonnablement pas

ignorer en l’espèce, selon la Cour d’appel, la précarité de sa relation de travail. Dans ce cas, l’application de la règle est simple. Lorsqu’en revanche la victime de la rupture de la relation commerciale a participé à une mise en concurrence, sans qu’elle ait été expressément portée à sa connaissance, la mise en œuvre de la règle est plus complexe, du moins pour l’auteur de la rupture. La preuve de la connaissance par la victime de cette mise en concurrence se trouve alors renversée (CA Rennes, 10 nov. 2009, n°08/07541 : considérant que « Certes, la société D… devait raisonnablement supposer que la société L… entendait trouver le partenaire lui proposant les meilleurs tarifs avec les meilleurs délais, mais, contrairement à ce que soutient la société L…, rien ne permet de dire, au regard des pièces versées aux débats, qu'un appel d'offres avait été fait pour mettre diverses sociétés transitaires en concurrence et que la société D… en était informée »). Il appartient alors à l’auteur de la rupture de prouver, au regard des circonstances de la cause, que la victime aurait raisonnablement du savoir qu’elle était mise en concurrence. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens. A rapprocher : CA Rennes, 10 nov. 2009, n°08/07541 ; v. aussi, le commentaire de notre confrère Mario Celaya à la Revue l’Essentiel, Droit de la Distribution et de la concurrence (à paraître – Janvier 2017).

Rupture partielle de relation commerciale établie Avis n°16-19 relatif aux relations commerciales de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur

publié le 14 décembre 2016 Ce qu’il faut retenir :

Cet avis apporte des précisions utiles concernant la rupture partielle de relation commerciale établie de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur. Pour approfondir : La Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) a été saisie d’une demande d’avis sur les relations commerciales de fournisseurs de produits MDD avec un distributeur. Au cas présent, un GIE de 12 vignerons avait été créé au début des années 2000 en partenariat avec une enseigne A pour fournir un vin AOC sous sa marque distributeur.

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L’intérêt de l’enseigne A était de faire appliquer aux viticulteurs son cahier des charges et une traçabilité en conformité avec la législation et son image d’enseigne proche des producteurs. En application de ce cahier des charges, chaque exploitation avait été auditée et des parcelles de vignes avaient été dédiées à cette MDD. Le fonctionnement était fondé sur la réservation d’un volume en début d’année, avec des enlèvements échelonnés et un complément de volume éventuel en fin d’année. Les premières années une facturation pro forma avec des acomptes sur 10 mois indépendants des enlèvements et des facturations avait été instituée. Le volume commercialisé avait régulièrement progressé mais, par suite de mauvaises récoltes et d’une restructuration de l’enseigne, d’autres opérateurs, négociants non producteurs, étaient rentrés comme fournisseurs avec la même étiquette, avec toutefois un profil différent en termes de traçabilité et d’image. Jusqu’en 2007, le volume vendu était en hausse. Depuis, les ventes se poursuivent mais selon des volumes plus faibles, nettement inférieurs à ce qui a été connu par le passé. C’est dans ce contexte que le GIE a souhaité interroger la CEPC sur la légalité de différents éléments au regard du droit des relations commerciales, dont celui relatif à l’ancienneté et à exclusivité de la relation commerciale, qui fait l’objet du présent commentaire. A ce titre, était posée à la CEPEC la question de savoir dans quelle mesure une telle baisse de volume peut-elle être assimilée à une rupture brutale partielle d’une relation commerciale établie, pratique restrictive de concurrence sanctionnée à l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce ? L’avis commenté formule quatre séries d’observations. En premier lieu, selon la CEPC, « pour qu’une baisse des volumes (baisse du chiffre d’affaires) puisse être qualifiée de rupture brutale d’une relation commerciale établie, cette baisse ne doit pas : - résulter d’une application d’une clause

contractuelle organisant la variation des volumes ;

ou

- avoir fait l’objet d’une information préalable ayant permis au fournisseur d’anticiper la baisse des volumes ;

ou

- pouvoir être justifiée par des critères objectifs tels que le désintérêt du consommateur pour le produit en cause ou une baisse de qualité des produits (cf. jurisprudence précitée), sous réserve que ces critères ne soient pas contraires au contenu des clauses du contrat liant les parties ».

En deuxième lieu, la CEPC souligne que la jurisprudence attache au contexte d’exclusivité de la relation commerciale établie un enjeu permettant de mieux marquer le caractère brutal de la rupture (v. en ce sens : Cass. com., 20 mai 2014, n°13-16398) et d’apprécier la durée du préavis à respecter. En troisième lieu, la CEPC ajoute que la prise en compte par le juge du contexte d’exclusivité pour qualifier l’existence d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie est conditionnée au fait que cette exclusivité ne soit pas un choix délibéré de la part de la partie subissant la rupture et qu’à défaut ce critère ne semble pas pouvoir être pris en compte (v. en ce sens : CA Paris, 14 sept. 2012, n°11/05373 ; Cass. com. 4 nov. 2014, n°13-22726). La CEPC précise par ailleurs qu’en cas de clause d’engagement contractuel sur les volumes achetés, une baisse non conforme aux conditions définies au sein de cette clause pourrait engager la responsabilité contractuelle de la partie responsable de la baisse (sauf cas de force majeure) sans pour autant que la qualification de rupture brutale au sens de l’article L.442-6, I, 5° puisse être retenue. En dernier lieu, la CEPC indique que ces éléments pourraient également contribuer, le cas échéant, à la caractérisation de l’abus de dépendance économique qui, pour être retenu, doit réunir les trois conditions suivantes : l’existence d’une situation de dépendance économique (la précision relative aux 70% de la production réservée à ce marché par certains producteurs irait en ce sens), une exploitation abusive de cette situation (une demande d’alignement des prix sous peine de blocage des enlèvements et une modification importante des volumes réservés et/ou enlevés auraient été faites selon l’auteur de la saisine et une affectation, réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le marché (évaluation au cas par cas). D’une manière générale, concernant les volumes de commandes ou volumes achetés, la CEPC « recommande d’anticiper d’éventuelles variations significatives, notamment en cas de relation commerciale s’inscrivant dans la durée, et de prévoir des délais de prévenance permettant au vendeur, d’anticiper et d’optimiser sa production et ses circuits de distribution ». A rapprocher : Cass. com., 4 nov. 2014, n°13-22726.

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Le préjudice indemnisable par suite de la rupture brutale du contrat

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°15-17.004, Publié au Bulletin

Ce qu’il faut retenir : Seul le préjudice causé par le caractère « brutal » de la rupture doit être indemnisé, et non celui résultant de la rupture elle-même. Pour approfondir : En l’espèce, la société T était concessionnaire de la société B en vertu, en dernier lieu, de deux contrats conclus pour une durée de cinq années le 1er octobre 2003 (en réalité la Cour retient des relations établies depuis 1964). Ces contrats stipulaient que chaque partie devrait notifier à son cocontractant son intention de ne pas renouveler le contrat par lettre recommandée avec avis de réception selon un préavis de six mois. Par lettre du 31 mai 2007, la société B avait demandé à son concessionnaire s'il entendait faire acte de candidature en vue de la proposition d'un nouveau contrat puis, par lettre du 27 septembre 2007, lui avait indiqué que si elle-même n'avait pas l'intention de lui proposer le renouvellement du contrat à son terme, ceci ne saurait exclure l'examen de la candidature de la société T dans le cadre de la proposition du nouveau contrat de manière concomitante à toute autre candidature. Le contrat n'ayant pas été renouvelé à son échéance, la société T avait assigné la société B sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Par arrêt du 18 février 2015, la cour d’appel de Limoges, saisie sur renvoi après cassation (Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15390), avait condamné la société B à payer à la société T la somme de 730 K € au titre de la rupture de leurs relations commerciales portant sur la vente des véhicules neufs de la société B, et celle de 215 K € à titre de dommages-intérêts par suite de la baisse de l'activité après-vente. Aux termes d’un nouveau pourvoi en cassation, la société B faisait notamment grief à l'arrêt d’appel de l’avoir condamnée à payer à la société T la somme de 215 K € à titre de dommages-intérêts en raison de la baisse de l'activité après-vente, au motif que la perte de chiffre d'affaires de l'activité après-vente avait pour cause le non-renouvellement du contrat.

Sur ce point, la cour d’appel avait en effet retenu que « la perte de la vente des véhicules neufs induit nécessairement une diminution des recettes au titre de l'activité après-vente », sans véritablement préciser en quoi l'insuffisance de préavis avait été de nature à engendrer ce préjudice. Par un arrêt publié (Cass. com., 5 juillet 2016, n° 15-17.004), la haute juridiction érige en attendu de principe que « seul le préjudice causé par le caractère brutal de la rupture doit être indemnisé et non celui résultant de la rupture elle-même ». Cette solution classique a donné lieu à plusieurs décisions bien connues (Cass. com., 20 oct. 2015, n° 14-18.753 ; Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-26.414, et notre commentaire ; Cass. com., 24 juin 2014, n° 12-27.908 ; Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-20.846 ; Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-22.229, et notre commentaire ; Cass. com., 6 nov. 2012, n° 11-24.570 ; rapport CEPC 2010 / 2011, p. 146 et 147). Cette solution, qui résulte d’une lecture exégétique de l’article L.442-6 du Code de commerce, doit être approuvée. Ce texte institue une responsabilité spéciale des entreprises qui, logiquement, ne doit pas conduire à indemniser davantage que le préjudice subi du fait du seul comportement fautif. Or, seul est fautif, au sens de l’article L. 442-6, I, 5° précité, le fait de mettre un terme à une relation commerciale établie sans respecter un préavis suffisant tenant compte de l’ancienneté des relations. Ainsi, seul le préjudice résultant de l’insuffisance de préavis peut être indemnisé. A contrario, il résulte du principe de prohibition des engagements perpétuels que le seul fait de mettre fin à une relation commerciale, serait-elle établie, n’est pas fautif en soi. La Haute juridiction casse donc l’arrêt, en ce qu’il a condamné la société B à payer des dommages et intérêts au titre de la baisse de l’activité d’après-vente. La circonstance que cette solution intervienne à l’issu d’un contentieux ayant donné lieu à cinq décisions successives (cet arrêt étant rendu suite au pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de renvoi après cassation) montre, d’une certaine manière, la complexité du contentieux relative à la rupture brutale de relations commerciales établies. A rapprocher : Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-26.414, et notre commentaire ; Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-22.229, et notre commentaire.

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L’influence du « tiers » dans l’application de l’article L.442-6 du Code de Commerce

Cass. com., 3 mai 2016, n°15-10.158 ; CA Paris, 24 mai 2016, n°15-11.053 ; CA Paris, 20 mai 2016, n°13-

12.457 Ce qu’il faut retenir : L’article L.442-6-5° du Code de commerce, qui engage la responsabilité de l’auteur de la rupture brutale des relations commerciales établies, pose la question de la place du tiers lorsqu’il intervient ou influence cette relation commerciale. Il pose la question au juge, de l’existence de la « relation commerciale établie », de sa durée, et du caractère brutal de la rupture lorsqu’elle est due à un tiers. Il faut ainsi retenir de ces arrêts récents que le repreneur d’un fonds ne reprend pas la relation, et que la rupture d’une relation due à un tiers ne peut légitimer des dommages et intérêts pour le partenaire. Pour approfondir : L’article L.442-6 du Code de Commerce, récemment modifié par la Loi LME du 4 août 2008, laisse décidément libre cours à l’interprétation. Si la jurisprudence n’est toujours pas exactement fixée sur l’interprétation de ses termes, elle l’est peut-être encore moins lorsque des circonstances et des acteurs extérieurs viennent s’y immiscer. Selon le 5° du I de l’article en question, engage la responsabilité de l’auteur, toute rupture partielle ou brutale des relations commerciales établies ; le flou juridique réside alors dans la détermination de cette notion de « relation commerciale établie », et la question de sa durée. Quand la relation commerciale peut-elle être jugée établie ? En cas de cession de fonds de commerce, la relation doit-elle être considérée comme se poursuivant entre le fournisseur et le cessionnaire, ou une nouvelle relation est-elle présumée démarrer ? Pas de reprise de la relation par un tiers Dans l’arrêt de la Cour de Cassation en question (Cass. Com., 3 mai 2016, n°15-10158), la Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait octroyé au cessionnaire des dommages et intérêts au titre de la rupture des relations, sur le fondement de l’article L.442-6-5°. Une société, cédante, à laquelle la société Expeditors avait confié un volume d’affaire depuis 2003, cède une partie de son fonds de commerce à une autre, cessionnaire, fin 2007. Sur quoi la cessionnaire se voit notifier par Expeditors la réduction immédiate des commandes. La cessionnaire l’assigne donc en rupture brutale des relations commerciales.

La Cour d’appel souligne « la reprise du flux d’affaire de la société [cédante] avec la société Expeditors et qu’il s’agit d’une prestation identique, sans qu’il y ait eu interruption entre les deux flux d’affaire ». Que de plus, celle-ci avait connaissance de la cession du fonds de commerce et que les commandes d’Expeditors étaient mentionnées dans l’acte de cession. De là, elle juge que la cessionnaire est en droit de recevoir des dommages et intérêts, au titre d’une relation ayant commencé en janvier 2003. Si l’on peut donc supposer que les critères de détermination de la durée et de l’existence d’une relation commerciale, lorsqu’un tiers devient partie, comprennent la continuité du flux des commandes, la stabilité de la relation (CA Rouen, ch. civ. et com., 9 déc. 2010, no RG 10/00274), la nature de la prestation, la connaissance par le distributeur de l’insertion de ce tiers dans l’équation, il convient de souligner que la Cour de cassation, in fine, juge que ce sont « des motifs impropres à établir que la société [cessionnaire], simple acquéreur d’un fonds de commerce, pouvait se prévaloir, à l’encontre de la société Expéditors de la durée de la relation commerciale initialement nouée entre cette société et le cédant du fonds ». Ainsi sonne finalement le glas pour les tiers qui auraient voulu bénéficier de la durée des relations antérieurement établies par le cédant, dans le calcul de leurs dommages et intérêts, mais aussi celui du préavis nécessaire à la rupture des relations. Le repreneur de fonds n’est pas considéré comme repreneur de la relation (voir également CA Paris, 12 sept.2013, RG n°11/20191, et notre commentaire). L’enjeu pour ces derniers est de taille puisque, toujours sur le fondement de l’article L.442-6-5°, les juges corrèlent la durée du préavis à respecter en vue de rompre les relations, à la durée de cette relation. D’où l’enjeu, puisque la jurisprudence a pu aller jusqu’à condamner des sociétés qui avaient respecté le préavis conventionnellement prévu, sur le fondement de la responsabilité délictuelle sur ce fondement (Cass. com., 6 mars 2007, no 05-18.121)! Sans compter que « lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur ». De la même manière, il semble qu’en cas de location-gérance, le propriétaire du fonds est dessaisi de l’exploitation, et les relations commerciales qu’ils avaient pu établir ne sont pas considérées comme se poursuivant (CA Paris, 13 mai 2016, n°14-06140).

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La relation commerciale, pour être considérée comme « établie », doit en fait être directe entre l’une et l’autre partie. Ainsi, le tiers qui ne se prévaut que de la relation indirecte qu’il a avec une société ne peut alléguer une quelconque rupture des relations avec cette dernière (CA Paris, 6 mai 2016, n°15-13.802). En l’espèce, l’appelant « ne rapporte pas la preuve de l’existence, entre les parties, d’une relation commerciale établie, la mention de l’enseigne (…) sur certains connaissements ne démontrant pas la réalité des relations directes avec la société de transport ». Ainsi, la Cour le déboute de sa demande. Après une lecture extensive de l’article L.442-6 du Code de commerce, la jurisprudence vient (enfin ?) poser des limites à son application (voir aussi CA Paris, 13 avril 2016, n°14-23.718). Rupture de la relation due au tiers Le second enjeu qui peut être soulevé, lorsque des tiers interviennent au milieu d’une relation commerciale, concerne l’impact du tiers sur la rupture de la relation elle-même. Dans un arrêt du 24 mai 2016, la Cour d’appel de Paris juge en effet que la rupture des relations commerciales due au fait d’un tiers ne peut être considérée comme fautive. En l’espèce, la Cour juge que si Carrefour, client d’un des partenaires commerciaux, est responsable effectivement de la rupture des relations des deux partenaires, alors celui assigné « n’est en rien responsable d’une quelconque rupture » (CA Paris, 24 mai 2016, n°15-11053). Pareillement, dans le cas d’un contrat de sous-traitance signé en vertu d’un second contrat principal avec un autre acteur, si ce dernier est résilié, peut-il vraiment y avoir rupture brutale des relations dans le cadre du contrat de sous-traitance ? La Cour d’appel de Paris répond par la négative dans un arrêt du 20 mai 2016, dans lequel Free avait missionné Alcatel de missions d’installation de matériel. Suite à la résiliation de ce contrat, la Cour a jugé irrecevable la demande du sous-traitant d’Alcatel, qui a vu de ce fait ses relations s’arrêter avec ce dernier (CA Paris, 20 mai 2016, n°13-12457). A rapprocher : Cass. com., 25 septembre 2012, pourvoi n° 11-24.301, et notre commentaire ; Cass. com., 15 septembre 2015, pourvoi n°14-17.964, et notre commentaire ; Cass. Com., 7 octobre 2014, n°13/20390.

Rupture brutale des relations commerciales établies : aspects procéduraux

CA Rennes, 22 mars 2016, RG n°14/02733 et CA Montpellier, 22 mars 2016, RG n°15/01653

Ce qu’il faut retenir : Lorsqu’une cour d’appel non spécialisée est saisie d’un recours à l’encontre d’un jugement rendu dans un litige relatif à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce, elle doit nécessairement relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation de la règle de compétence exclusive instaurée au bénéfice de la Cour d’appel de Paris ; cette règle de procédure s’applique aussi bien en matière d’appel qu’en cas de contredit de compétence. Pour approfondir : On le sait, en matière de pratiques restrictives de concurrence, la loi prévoit une règle de compétence dérogatoire au droit commun. L’article L.442-6, III §5 du Code de commerce énonce en effet que « les litiges relatifs à l’application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret » ; et l’article D.442-3 du Code de commerce, dans sa rédaction issue du décret du 11 novembre 2009 (entré en vigueur depuis le 1er décembre 2009), vient préciser que « pour l'application de l'article L.442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre ». En conséquence, dès lors que l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce est invoquée par l’une des parties, la juridiction spécialisée, en application de l’annexe 4-2-1 telle qu’évoquée ci-dessus, est seule compétente pour connaître de l’entier litige. L’article D.442-3 précité ajoute que « la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris ». En conséquence, la Cour d’appel de Paris est seule compétente pour connaître des recours à l’encontre des jugements rendus sur le fondement de l’article L.442-6 du Code de commerce. Les dispositions susvisées sont d’ordre public, ce que la jurisprudence ne manque pas de rappeler à chaque opportunité qui lui est présentée. Et, compte tenu de l’unicité de la juridiction d’appel fondée à connaître de ce contentieux, une mauvaise orientation de l’action implique l’irrecevabilité de l’action (v. notre analyse comparée à propos de Cass. civ. 1ère, 21 octobre 2015, n°14-25.080, Publié au Bulletin et notre commentaire ; Cass. com., 20 octobre 2015, n°14-

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15.851, Publié au Bulletin, et notre commentaire ; Cass. com., 31 mars 2015, n°14-10.016, Publié au Bulletin). Cette règle de procédure s’applique en cas d’appel. En effet, dans l’espèce soumise à l’appréciation de la Cour d’appel de Rennes, les juges du fond ont prononcé l’irrecevabilité de l’appel formé devant elle, au motif que les parties s’opposaient dans leurs écritures quant à l’applicabilité des dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° au litige (CA Rennes 22 mars 2016, n°14/02733). Elle précise toutefois dans sa motivation que « celles-ci ne sont pas manifestement inapplicables » ; or, cette précision est superflue dès lors que la spécialisation du contentieux n’est jamais « subordonnée à l’examen du bien-fondé des demandes », ainsi que le rappelle régulièrement la Cour de cassation (Cass. com., 26 mars 2013, n°12-12685, Publié au Bulletin). Autrement dit, il suffit que l’article L. 442-6 entre dans l’objet du litige, même à titre superfétatoire, pour que l’irrecevabilité soit prononcée. Cette règle de procédure s’applique également en cas de contredit de compétence. En effet, dans l’espèce soumise à l’appréciation de la Cour d’appel de Montpellier, les juges du fond ont prononcé l’irrecevabilité du contredit formé par plusieurs agents commerciaux qui sollicitaient l’infirmation du jugement par lequel le Tribunal s’était lui-même déclaré incompétent pour connaître de leurs demandes relatives à la rupture de la relation avec leur mandant. Ils sollicitaient l’indemnisation de deux années de commission, sur le fondement des articles L. 134-1 et suivants, ainsi qu’« une indemnité forfaitaire pour brusque rupture des relations commerciales » (CA Montpellier 22 mars 2016, n°15/01653). Cette solution est connue et parfaitement justifiée (Cass. com., 20 octobre 2015, n°14-15.851, Publié au Bulletin, et notre commentaire : relevant que la Cour d’appel de Douai aurait dû « relever la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation de la règle d’ordre public investissant la cour d’appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les contredits formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce »). A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 21 octobre 2015, n°14-25.080, Publié au Bulletin et notre commentaire ; Cass. com., 20 octobre 2015, n°14-15.851, Publié au Bulletin, et notre commentaire ; Cass. com., 31 mars 2015, n°14-10.016, Publié au Bulletin.

Rappel sur l’auteur de la rupture brutale de relations commerciales établies

Cass. com., 5 janvier 2016, pourvoi n°14-15.555 Ce qu’il faut retenir : Une association dont il n’est pas allégué qu’elle serait « producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » ne peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l’article L442-6, I, 5° du Code de commerce. Pour approfondir : L’association Institut technique de la Fédération française du bâtiment, ayant pour objet le rapprochement des acteurs de la construction d'immeubles, a conclu en 2008 avec la société Pixscène un contrat pour l'organisation d'un forum itinérant présentant les enjeux et perspectives du secteur du bâtiment. Après plusieurs manifestations et 2 ans et 8 mois de relation, l’Institut a résilié sans préavis le contrat en actionnant la clause de dédit stipulée au contrat. S’estimant victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies, la société Pixscène a assigné l’Institut sur le fondement, notamment, de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. Pour rappel, l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. » Pour écarter les prétentions de la société Pixscène, la Cour d’appel de Paris puis la Chambre commerciale de la Cour de cassation ont retenu que, n’étant pas allégué que l’Institut fût un « producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers », sa responsabilité ne pouvait être engagée sur le fondement de ce texte. S’agissant d’un texte sur lequel se fondent de nombreuses – et lourdes – condamnations, la lecture exégétique donnée ici par la Cour de cassation mérite d’être approuvée.

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En effet, à la lecture du texte, devraient être exclues du champ de la responsabilité posée par l’article L442-6, I, 5° du Code de commerce les personnes suivantes, n’ayant pas d’activité commerciale ou artisanale : - les associations (exclusion admise notamment pour

un institut d’éducation motrice – CA Toulouse, 29 mars 2011, RG n° 09/03420),

- les professions libérales, - les personnes physiques n’exerçant pas d’activité

commerciale ou artisanale, - les personnes morales n’ayant pas d’objet

commercial ou artisanal, - les personnes morales de droit public.

Cependant, cette lecture doit être mise en perspective avec un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 septembre 2010 qui a admis la responsabilité de sociétés d'assurances mutuelles ayant, pourtant, un objet non commercial en retenant « que le régime juridique des sociétés d'assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de nature à les exclure du champ d'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu'elles procèdent à une activité de service ». Pour certains auteurs, cette décision doit s’interpréter dans le sens qu’une entité qui procède à une activité de services à titre professionnel est un « producteur » entrant dans le champ de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. Si telle a été l’interprétation de la Haute juridiction, on ne pourra que regretter l’absence de définition juridique, et l’insécurité juridique générée de ce fait, des termes « producteur » et « industriel ». A rapprocher : Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-14.322.

Nouvelle illustration de rupture de relation commerciale établie

CA Paris, 13 janvier 2016, RG n°13/11960 Ce qu’il faut retenir : Dans cette décision, la Cour d’appel de Paris revient de nouveau sur la problématique de la rupture, qu’une des parties considère comme abusive, de relations commerciales établies.

Pour approfondir : La société N. a confié à la société I. la distribution exclusive de ses produits en Allemagne par un contrat prenant effet le 1er janvier 1983, puis, le 29 juin 2001, un nouveau-contrat cadre a été conclu entre les parties (prévoyant notamment l’extension du territoire concédé à la société I. au Danemark), d’une durée d’un an, renouvelable tacitement, sauf rupture par l’une des parties en respectant un préavis de six mois. Le 31 mai 2007, la société N. a adressé un courrier à son partenaire afin de lui indiquer qu’elle entendait résilier le contrat du 29 juin 2001 avec effet au 31 décembre 2007. La société I. a refusé cette résiliation. Les parties se sont alors rencontrées à plusieurs reprises et ont négocié jusqu’en décembre 2007. La société N. a finalement adressé une proposition d’accord à son partenaire le 17 décembre 2007, que ce dernier lui a retourné signée mais après y avoir apporté plusieurs modifications sur des points importants (relatives notamment aux prix, aux conditions de livraison et à la rémunération du distributeur) et qui n’ont pas été acceptées par la société N. C’est dans ces conditions que la société N. a confirmé à la société I. que le contrat du 29 juin 2001 avait été résilié avec effet au 31 décembre 2007. La société I. a alors assigné la société N. pour rupture abusive de leurs relations commerciales. En première instance, la société I. a été déboutée de l’ensemble de ses demandes ; celle-ci a donc interjeté appel. S’agissant du contrat conclu le 29 juin 2001, la société I. avance que, (i) d’une part, les motifs annoncés par la société N. pour rompre leur relation étaient fallacieux, (ii) d’autre part, le délai contractuel de préavis était insuffisant eu égard à la durée de la relation commerciale, à l’importance des investissements réalisés, à son état de dépendance économique, à la possibilité d’écouler son stock, (iii) et enfin, la société N. aurait laissé son partenaire espérer que leur relation allait se poursuivre, engendrant ainsi de lourds investissements pour la société I. Cette dernière expose également que le contrat du 17 décembre 2007 aurait été rompu de manière unilatérale et abusive. Selon les juges du fond, le courrier adressé le 31 mai 2007 est un courrier valable actant de la résiliation et la société I. ne démontre ni du contenu des négociations menées entre les parties, ni des manœuvres qui auraient été mises en œuvre par la société N. pour laisser croire à son partenaire que leur relation allait se poursuivre et pour pousser la société I. à effectuer des investissements.

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En conséquence, eu égard aux négociations menées entre les parties à partir de mai 2007 portant sur la fin de leur relation à compter du 31 décembre 2007, les juges du fond considèrent que la résiliation effectuée par la société N. le 31 mai 2007 n’est pas abusive et que le préavis contractuel de sept mois était raisonnable. S’agissant de l’accord proposé par la société N. le 17 décembre 2007 (qui devrait davantage s’analyser comme une proposition), modifié ensuite unilatéralement par la société I. puis refusé par la société N., les juges du fond considèrent qu’en conséquence, les négociations entre les parties n’ont pas abouti, qu’aucun accord n’a valablement existé entre les parties et la société I. a donc été déboutée de ses demandes. A rapprocher : Article L.442-6 du Code de commerce.

Relation commerciale « établie » et prestations habituelles « hors contrat »

Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°15-15.086 Ce qu’il faut retenir : La rupture brutale des relations commerciales établies peut être retenue même lorsque des prestations de service sont rendues habituellement en dehors de celles prévues par le contrat litigieux ayant été résilié par l’une des parties, à condition que les prestations aient le même objet. Pour approfondir : Selon l’arrêt commenté, la société E. a confié à la société M. des prestations de transport à compter de 2010 ; certaines de ces prestations ont par la suite fait l’objet d’un contrat entre les parties qui a été signé en 2005, pour une durée de deux ans, renouvelable après négociations entre les parties. Le 3 mars 2009, la société E. a signifié à la société M. la cessation de leurs relations d’affaires. La société M. a assigné la société E. sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, invoquant une rupture brutale des relations commerciales par la société E. La Cour d’appel condamne la société E. pour rupture brutale des relations commerciales établies avec la société M. La société E. forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation, en faisant notamment grief à l’arrêt critiqué

d’avoir dit qu’elle avait rompu brutalement ses relations commerciales avec la société M., pour celles extérieures au contrat du 15 février 2005. Par l’arrêt commenté (Cass. com., 6 sept. 2016, pourvoi n° 15-15.086), la Haute juridiction rejette le pourvoi formé à l’encontre de la décision de la Cour d’appel. En effet, la Cour de cassation considère successivement que : - d’une part, compte tenu du fait la société E. confiait

régulièrement des prestations à la société M. depuis cinq ans avant la conclusion du contrat du 15 février 2005, les parties entretenaient des relations commerciales établies ;

Ce faisant, la Haute juridiction confirme la position de la Cour d’appel qui a justement établi qu’une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, si ces contrats portent sur un même objet, ce qui est le cas en l’espèce ;

- d’autre part, la Cour d’appel a justement relevé que

la société E. ne contestait pas avoir fortement réduit puis cessé ses relations commerciales non comprises dans l’accord passé avec la société M., consécutivement à la résiliation du contrat.

En revanche, la Cour de cassation rappelle que le volume d’un courant d’affaires n’ayant pas d’incidence sur la brutalité de la rupture, la Cour d’appel n’avait pas à effectuer la recherche invoquée par la société E., qui faisait valoir que la réduction du volume d’affaires confiée à la société M., intervenue avant la cessation totale des relations commerciales, résultait de la perte par la société E. d’un marché en Italie. La solution est logique. Dans ces circonstances, la Haute juridiction confirme la position de la Cour d’appel en ce que cette dernière a justement retenu une rupture brutale des relations commerciales par la société E. pour celles extérieures au contrat du 15 février 2005. A rapprocher : Article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.

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D’une rupture brutale… et prévisible Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°14-25.891

Ce qu’il faut retenir : Le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie n’exclut pas nécessairement son caractère brutal. Pour approfondir : De 2003 à 2010, les sociétés SNIW et US ont noué une relation d’affaires consistant pour la première, exerçant une activité de centrale d’achats, à approvisionner la seconde. En 2008, des échanges de correspondances sont intervenus entre les sociétés SNIW et US évoquant la probable rupture des relations entre les parties. En particulier, par un courriel du 8 janvier 2008, le dirigeant de la société SNIW faisait part au dirigeant de la société US de ce qu'il avait appris avec un peu de tristesse que la société US prévoyait de les quitter. Par suite, par télécopie du 14 février 2008, le dirigeant de la société SNIW précisait au dirigeant de la société US qu'il n'avait d'autre choix que de s'orienter vers d'autres partenaires. En mars 2010, la société US a cessé du jour au lendemain, sans lettre de rupture et sans préavis, ses commandes auprès de SNIW. S'estimant victime de la rupture brutale d'une relation commerciale établie, la société SNIW a assigné la société US en réparation de son préjudice. Par jugement du 22 novembre 2011, les premiers juges ont débouté la société SNIW de sa demande en réparation au motif que la rupture de la relation commerciale avait été rendue prévisible par les échanges intervenus en 2008 et par le fait que la disparition d’une société X avait privé la société US de toute possibilité de financement à 90 jours et que la société SNIW ne lui avait fait aucune proposition équivalente. Par arrêt en date du 12 juin 2014, la Cour d’appel de Paris a infirmé le jugement déféré et condamné la société US à verser à la société SNIW la somme de 115 663,35 euros en réparation du préjudice causé par la rupture brutale de relations commerciales établies. Soutenant que, du fait de son caractère prévisible, la rupture des relations commerciales ne pouvait être qualifiée de brutale, la société US fait grief à l'arrêt d’appel d’avoir retenu sa responsabilité à l’égard de la société SNIW en rompant brutalement leur relation commerciale et de la condamner à lui payer des dommages-intérêts.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation, par un arrêt publié, érige en attendu de principe que le caractère prévisible de la rupture d'une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d'un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis. Par conséquent, ayant constaté que la société US avait cessé ses approvisionnements auprès de la société SNIW du jour au lendemain, sans lui adresser ni lettre de rupture, ni préavis écrit, la Haute juridiction approuve la Cour d'appel en ce qu’elle a pu retenir la responsabilité de la société US. Cette solution est conforme à la lettre de l’article L442-6, I, 5° du Code de commerce qui invite la partie qui souhaite rompre une relation commerciale établie à notifier cette rupture avec un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale. De ce point de vue, la référence à un « acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis » semble légitime. Cette solution est également conforme à la jurisprudence antérieure (Cass. com., 15 mai 2007, n° 05-19370) : « sauf dans le cas où l'autre partie n'exécute pas ses engagements ou celui de force majeure, le fait de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée des relations commerciales, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à le réparer ». Dans cette espèce, les juges du fond avaient pourtant retenu que « l'état des relations des parties et la nature des courriers échangés permettent d'expliquer la rupture et de considérer qu'en raison de l'existence de ces relations devenues conflictuelles, la société G pouvait facilement la prévoir tandis qu'au surplus elle avait fait assigner la société aux fins de faire interdire la vente des lecteurs O ». Cet arrêt est donc conforme à la règle de droit sur le point que la rupture sans préavis écrit est effectivement fautive et engage la responsabilité de son auteur. On pourra néanmoins s’émouvoir du fait que la prévisibilité de la rupture, qui ne semble pas discutée au fond, n’ait pas influé sur l’évaluation du préjudice subi par la société SNIW que la Cour d’appel a chiffré, très classiquement, « à la perte de marge brute que la victime de la rupture aurait pu réaliser pendant la durée du préavis si celui-ci lui avait été accordé ». En effet, ne pourrait-il pas être soutenu que la société SNIW est partiellement responsable de son propre

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préjudice pour n’avoir pas pris les mesures appropriées (notamment diversification de ses débouchés) lorsque début 2008, elle s’est convaincue de la rupture probable de sa relation avec la société US ? A rapprocher : Article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.

Rupture brutale : la relation commerciale s’entend trop largement

Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°15-17.004 Ce qu’il faut retenir : La relation commerciale prise en compte pourrait remonter à la date à laquelle un point de vente a commencé à distribuer des produits sous marque, peu important que la société distributeur et la société fournisseur ne soient plus les mêmes dans le cadre de la rupture. Pour approfondir : La société T a conclu avec la société BMW un contrat de concession automobile le 1er octobre 2003 pour une durée de 5 ans ; le contrat prévoyait que chaque partie devait notifier à l’autre son intention de ne pas renouveler le contrat moyennant un préavis d’un an. Autrement dit, pour mettre un terme à leur relation contractuelle au 1er octobre 2008, le contrat imposait une « dénonciation » au plus tard au 1er avril 2008. En l’espèce, la société BMW a dénoncé le contrat le 31 mai 2007, donc moyennant un préavis beaucoup plus important que celui convenu contractuellement entre les parties (16 mois au lieu de 6 mois). Pourtant, elle fut assignée par la société T pour rupture brutale des relations commerciales établies (article L442-6 I 5° du Code de commerce). Après un parcours procédural assez long, la Cour de cassation donne raison au concessionnaire et cette décision apporte plusieurs enseignements – parfois contestables – et confirmations dans le cadre de ce contentieux répandu de la rupture brutale des relations commerciales. La possibilité d’invoquer une rupture brutale dans le cadre d’un CDD prévoyant un préavis qui a été respecté : cela pourrait paraître illogique de considérer qu’il faut informer son cocontractant de l’arrêt de la relation dans le cadre d’un contrat à durée déterminée

dès lors que chaque partie a accepté qu’il se termine à une date précise. Cela pourrait paraître encore plus illogique de considérer que le préavis donné n’est pas suffisant alors qu’il respectait le délai prévu au contrat (et encore plus quand la partie qui informe l’autre du non-renouvellement du contrat le fait moyennant un préavis de 16 mois alors que le contrat ne prévoyait que 6 mois). Pourtant, la Cour confirme (car on le savait déjà) cette possibilité d’agir sur le fondement de la rupture brutale même en présence d’un CDD et d’une clause de préavis respectée. La société BMW invoquait à cet égard le fait que la disposition nationale (l’article L442-6 I 5 du Code de commerce) serait incompatible avec les dispositions communautaires. L’une des dispositions communautaires visées par BMW prévoit en effet que « L’exemption s’applique à condition que l’accord vertical conclu par le fournisseur de véhicules automobiles neufs avec un distributeur ou un réparateur agréé prévoie que l’accord est conclu pour une durée d’au moins cinq ans ; dans ce cas, chaque partie doit s’engager à notifier à l’autre partie au moins six mois à l’avance son intention de ne pas renouveler l’accord » (article 3.5.a du Règlement n°1400/2002 du 31 juillet 2002). Sur ce point, la Cour rappelle qu’un règlement d’exemption n’établit pas de prescriptions contraignantes affectant la validité d’une clause contractuelle mais « se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l’interdiction et donc à la nullité » ; les Etats peuvent adopter des lois plus strictes. La durée à prendre en compte n’est pas nécessairement la durée de la relation commerciale entre les deux personnes dont la relation est rompue ; la relation commerciale s’entendrait de la durée pendant laquelle un établissement a pu vendre de façon continue un produit sous marque. Dans notre affaire, le garage de la société T distribuait des voitures BMW depuis 1964 toutefois, la société T s’est substituée à d’autres sociétés pour l’exploitation de ce garage et – surtout – le garage n’était pas fourni depuis 1964 par la société BMW mais par de précédents importateurs. D’ailleurs, la société BMW n’avait été créée qu’en 1972 et n’avait fait entrer la société T dans son réseau qu’en 1977. Logiquement, dans son pourvoi, la société BMW reprochait à la Cour d’appel d’avoir fixé un point de départ à la relation commerciale en 1964 alors qu’elle avait constaté que la société BMW n’avait été créée qu’en 1972.

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Pourtant, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel en indiquant que la société BMW ne s’était bornée qu’à invoquer la date de l’agrément en 2001 sans contester l’existence de relation commerciale antérieure. La Cour de cassation semble ainsi dire que, si la société BMW avait d’elle-même (à titre subsidiaire par exemple), opposé un point de départ à 1972 ou 1977, elle aurait peut-être eu gain de cause… Mais à la lecture de l’arrêt d’appel, pourtant, il apparaît clairement que les juges du fond ont connu cet argument de la société BMW mais l’ont rejeté : « attendu que la société T établit […] l’existence d’une relation fort ancienne entre elle-même ou les personnes à qui elle s’est substituée et les importateurs successifs des véhicules BMW ; qu’il importe peu à cet égard que la société BMW n’ait été constituée qu’en 1972 dès lors qu’il est démontré que bien avant cette date, le garage T passait des commandes pour le compte de ses clients […] qu’il établit que, dès 1964, les Etablissements T faisaient partie du réseau pour la France des véhicules BMW ». Ces deux décisions, d’appel et de la Cour de cassation, sont vraiment très contestables. On comprend mal comment il peut y avoir une relation continue entre deux personnes depuis une date où les deux personnes n’existaient pas. La relation commerciale est générale et ne distingue pas selon qu’une activité a démarré plus tard qu’une autre. Le concédant demandait à la Cour d’appel de se prononcer sur le délai de préavis qui aurait été suffisant en distinguant la vente de voitures de marque « BMW » de la vente de voitures de marque « Mini » car la société T ne distribuait des voitures « Mini » que depuis 2001. Le pourvoi reprochait à la Cour d’appel de n’avoir pas répondu à cet argument. Sur ce point, la Cour de cassation est relativement expéditive puisqu’elle se contente de dire que la Cour d’appel « n’était pas tenue de distinguer les différentes activités développées dans le cadre de cette relation commerciale pour définir la durée du préavis nécessaire avant rupture, et par suite, n’était pas tenue de répondre à l’argumentation inopérante invoquée ». Cette décision est contestable dès lors que : - si pour la relation de 44 années liée à la marque

BMW la Cour d’appel retient qu’un préavis suffisant aurait été de 36 mois,

- alors, pour la relation liée à la marque Mini (d’une durée de 7 ans), le préavis de 16 mois aurait été largement suffisant, ce qui devrait donc exclure du calcul de l’indemnisation toute activité liée à la marque « Mini ».

Le préjudice réparable est celui causé par la brutalité de la rupture non par la rupture elle-même. Par conséquent, la Cour ne peut indemniser un préjudice

qui résulterait du fait que, ne pouvant plus distribuer les véhicules BMW, le concessionnaire perdrait la marge brute réalisée sur le service après-vente de ces véhicules. La solution est classique. En résumé, cet arrêt est très dangereux, ce d’autant qu’il s’inscrit dans le cadre d’un contentieux dont les tenants et aboutissants sont déjà bien assez flous. A rapprocher : Article L.442-6, I, 5 du Code de commerce. Notification de la fin des relations et proposition d’un

nouveau partenariat CA Paris, 8 juin 2016, RG n°13/23895

Ce qu’il faut retenir : Un partenaire qui notifie à son cocontractant la fin de leur relation avec un préavis de 14 mois et lui fait ensuite une proposition concernant la prochaine saison des ventes ne saurait être sanctionné au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies dès lors que sa démarche est dénuée de toute ambigüité ; le seul fait d’adresser une nouvelle proposition ne saurait s’analyser comme une renonciation à la rupture des relations. Pour approfondir : La société G. détient plusieurs magasins proposant la vente de nombreux produits dans tous les secteurs de l’habillement, de la personne et de la maison. La société G. était à ce titre en relation avec la société F., laquelle fabrique et commercialise des maillots de bain. Alors que les sociétés G. et F. étaient en relation depuis plus de vingt ans, la société G. annonce à la société F., par un courrier du 26 octobre 2011, son intention de cesser leur relation à la fin de la saison 2012 en raison de la réorganisation décidée au sein de ses magasins. Suite à des négociations entre les parties, la société G. propose ensuite la signature d’un nouveau partenariat à la société F. pour la saison 2013, sans faire référence à une quelconque prorogation du préavis. La société F. considère cependant que les négociations et la proposition faite pour la saison 2013 par la société G. sont insuffisantes et assigne son partenaire pour rupture brutale de relations commerciales établies. Le Tribunal de commerce de Bordeaux fait droit à cette demande, considérant qu’un préavis d’une durée de deux ans aurait dû être accordé à la société F. et condamne la société G. à verser à son partenaire une

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indemnité de 108.000 euros. La société G. interjette appel, réclamant plus d’un million à titre d’indemnisation. C’est donc sur une nouvelle affaire de rupture brutale de relations commerciales établies que s’est prononcée la Cour d’appel de Paris le 8 juin 2016. Concernant le caractère effectif du préavis, la société F. considère que, eu égard : à l’ancienneté des relations commerciales, aux circonstances de la rupture (selon la société F., en adressant une nouvelle proposition d’accord pour l’année 2013, la société G. aurait ainsi renoncé à cesser leur relation commerciale) et à la situation de dépendance économique, elle aurait dû bénéficier d’un préavis d’une durée de 24 mois. La société G. considère pour sa part que le préavis de 14 mois qu’elle avait respecté était parfaitement suffisant et que, le fait d’avoir adressé une proposition pour l’année 2013 - que la société F. assimile à une prorogation du préavis - ne signifie pas qu’elle a renoncé au principe du déréférencement des produits de la société F., contrairement aux affirmations de cette dernière. Les juges du fond considèrent « qu’il ne ressort d’aucun élément que [la société G.] ait entendu renoncer à la rupture des relations commerciales notifiées le 26 octobre 2011 ou ait entretenu la société F. dans l’illusion d’une poursuite de relations commerciales pérennes » ; la société G., en proposant un nouveau partenariat à la société F. pour l’année 2013 n’a pas démontré qu’elle renonçait à se prévaloir de la rupture. Ainsi, les juges du fond relèvent qu’ « une renonciation à un droit ne se présume [pas] et doit résulter d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ». En conséquence, le point de départ du préavis était marqué par le courrier adressé le 26 octobre 2011 et le préavis accordé avait donc été de 14 mois. Concernant le caractère suffisant du préavis, les juges du fond relèvent notamment que : au moment de la rupture il n’existait entre les parties aucune relation d’exclusivité réciproque, la société F. n’était pas en relation de dépendance économique et elle ne démontre pas que, pendant le préavis, elle aurait été empêchée de se concentrer sur un projet de reconversion, étant précisé que les parties étaient en relation depuis plus de 20 ans et que la société F. réalisait entre 10 et 15% de son chiffre d’affaires avec la société G. En conséquence, au regard de l’ensemble des éléments qui précédent, les juges du fond ont considéré que le préavis de 14 mois dont a bénéficié la société F. était suffisant et que la rupture intervenue n’était pas brutale.

A partir du moment où l’un des partenaires notifie à son cocontractant son souhait de mettre un terme à leur relation, cela constitue le point de départ du préavis ; le fait pour l’auteur de la rupture de faire une proposition d’un nouvel accord pour organiser les derniers mois de leur relation - sans qu’une telle proposition puisse entretenir une quelconque ambiguïté sur les réelles intentions de son auteur - ne saurait suffire à considérer qu’il s’agit d’une renonciation à se prévaloir de la rupture de leur relation. A rapprocher : Article L.442-6 du Code de commerce.

Location-gérance, cession du fonds et rupture de relation commerciale

CA Paris, 13 mai 2016, RG n°1/06140 Ce qu’il faut retenir : L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce condamne la rupture brutale de relations commerciales établies, ce qui suppose que soit démontré le caractère de stabilité et de durée de la relation, qui, en l’espèce, n’était pas rapporté. Pour approfondir : La location-gérance est un mode d’exploitation d’un fonds de commerce par lequel le propriétaire du fonds le donne en tout en partie en location à un locataire-gérant, lequel exploitera ledit fonds à ses risques et périls, en assumera toutes les charges et en percevra tous les revenus. Le propriétaire concède ainsi à un tiers le droit d’exploiter le fonds. En l’espèce, la société D. était propriétaire d’un fonds qu’elle a donné en location-gérance à la société R. par un contrat signé le 13 mars 2012 et prenant effet le 1er septembre 2012 ; jusqu’à cette date, les sociétés D. et R. entretenaient une relation de fournisseur/ distributeur. Puis, le 6 août 2013, la société R. a été placée en procédure de liquidation judiciaire avec maintien d’activité ; le 19 septembre 2013, l’administrateur de la société R. a mis un terme au contrat de location-gérance ; par jugement du 3 octobre 2013, le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ensuite accueilli l’offre de reprise du fonds et a ordonné sa cession à la société A. Un mois à peine après, cette dernière met fin à sa relation commerciale avec la société D. et ce, sans préavis. C’est dans ce contexte que le propriétaire du

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fonds, la société D., a assigné la société A. pour rupture brutale de relations commerciales établies. Le Tribunal de commerce de Marseille a fait droit à cette demande et relevé que la société A. avait rompu brutalement, sans motif et sans préavis, la relation commerciale qui l’unissait à la société D. depuis treize ans. Le Tribunal de commerce ayant fait droit à la demande de la société D., la société A. a alors interjeté appel de la décision, avançant notamment qu’il n’existait aucune relation commerciale établie au sens de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. Cette disposition sanctionne en effet toute rupture d’une relation commerciale intervenue de manière brutale, ce qui suppose la réunion de plusieurs conditions, à savoir, l’existence d’une relation commerciale, qui soit établie (c’est-à-dire qui présente un caractère suivi, stable et habituel), accompagnée d’une rupture (totale ou partielle) qui soit brutale. Les juges du fond estiment que la relation de distribution qui liait la société D. à la société R. a cessé dès le 1er septembre 2012 au moment de la prise d’effet de la location-gérance du fonds de commerce. La Cour relève que lorsque la société A. a repris le fonds de commerce, aucune relation de distribution n’existait entre la société D. et la société R. et que, suite à la reprise du fonds de commerce par la société A., une nouvelle relation commerciale s’est instaurée entre la société D. et la société A. à compter du 1er octobre 2013. De ce fait, les juges du fond relèvent que, lorsque la société A. a décidé de mettre un terme à sa relation avec la société D., cette relation commerciale existait en réalité depuis un mois à peine. Ainsi, « la relation ne répondant à l’exigence de stabilité et de durée significative prévue par l’article L.442-6 I 5°, [la société D.] n’est pas fondée à invoquer, à l’encontre de la [société A.], une quelconque rupture de la relation commerciale établie ». En conséquence, le jugement a été infirmé et la société D. a été déboutée de ses demandes. A rapprocher : Article L.641-11-1 du Code de commerce.

Sur l’articulation entre la résolution du contrat pour faute et la rupture brutale de relation établie Cass. com., 12 mai 2016, pourvoi n°15-20.834

Ce qu’il faut retenir : L’absence de notification préalable et la durée de la relation contractuelle ne sont pas des critères permettant d’évaluer le bien-fondé d’une résolution de contrat pour faute. Pour approfondir : Le 10 mars 2009, la société La Française Des Jeux (FDJ) a conclu un contrat d'agrément avec la société MIKHA. Ce contrat prévoyait la procédure à respecter par la FDJ en cas de manquement de la société MIKHA à son obligation, notamment, de remettre à la FDJ les fonds apportés par les joueurs. Dans ce cas, la FDJ devait, avant de résilier le contrat, mettre en demeure MIKHA de remédier, dans les huit jours, à la situation. La FDJ, se prévalant du non-reversement par MIKHA de sommes qui lui étaient dues, a adressé à cette dernière, le 20 août 2012, une lettre intitulée « retrait d'agrément » et mettant en demeure MIKHA de remédier à la situation dans le délai de 48 heures. La société MIKHA, invoquant une rupture abusive de son contrat, a assigné la FDJ en restitution de son agrément et en paiement de dommages-intérêts. En défense, la FDJ a opposé l’exception d’inexécution de ses propres obligations par MIKHA. Par une décision du 7 avril 2015, la Cour d’appel de Versailles a rejeté l’exception soulevée par la FDJ et condamné cette dernière à payer à la société MIKHA des dommages-intérêts. Au soutien de sa décision, la Cour d’appel de Versailles retient dans un premier temps que, certes, le non-reversement des sommes acquittées par les joueurs constitue un manquement de MIKHA à ses obligations contractuelles, mais dans un second temps, que la suspension immédiate du contrat est « disproportionnée au regard de la durée des relations contractuelles et de l'absence de toute information préalable ». En tenant compte, pour évaluer la proportionnalité de l’exception d’inexécution aux manquements de MIKHA, des critères de la durée de la relation contractuelle et de l’information préalable, la Cour d’appel s’inspire manifestement du dispositif de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, qui engage la responsabilité de la personne qui rompt une relation commerciale établie sans accorder à son partenaire un préavis suffisant tenant compte de l’ancienneté de la relation.

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Or le litige opposant la FDJ à MIKHA reposait exclusivement sur le fondement de l’article 1184 du Code civil, qui encadre la possibilité de demander en justice la résolution d’un contrat en cas de manquement du cocontractant à ses obligations, le juge étant alors libre d’apprécier la proportionnalité de la résolution à la gravité du manquement. Saisie sur pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en qualifiant les critères retenus par cette dernière (durée des relations contractuelles et absence de toute information préalable) de « motifs impropres à justifier la disproportion entre la sanction prise par La Française des jeux et les manquements reprochés à la société Mikha ». Cette solution doit être saluée en ce qu’elle délimite le pouvoir d’appréciation des juges du fond à la seule évaluation de la proportion de la gravité du manquement par rapport à sa sanction, la résolution. Par ailleurs, il sera relevé que cette décision n’est pas contraire à l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce dès lors que celui-ci dispose : « Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. » A rapprocher : Article L.442-6 du Code de commerce.

Rupture des relations commerciales établies Rupture partielle (Focus sur la jurisprudence 2015)

RUPTURE BRUTALE : Appréciation des modifications intervenues au sein des relations entre les parties et rupture partielle – Analyse comparée des décisions suivantes : CA Paris, 6 mai 2015, RG n°13/01886 ; CA Paris, 7 mai 2015, RG n°014/01334 ; CA Paris, 13 mai 2015, RG n°13/01095 Ce qu’il faut retenir : L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, même partielle, d’une relation commerciale établie sans préavis écrit d’une durée tenant compte de la durée de la relation commerciale. Des modifications intervenues dans le cadre de la relation nouée entre les parties peuvent ainsi caractériser une rupture « partielle » des relations, et faire l’objet de sanctions, dès lors que les modifications entrainent un changement significatif et/ou substantiel dans les relations et qu’elles n’ont pas été précédées d’un délai de préavis suffisant.

Pour approfondir : La rupture brutale, totale ou partielle, d’une relation commerciale établie est sanctionnée par l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce. L’application de ce texte suppose la réunion de plusieurs conditions : (i) l’existence d’une relation commerciale qui soit établie et (ii) une rupture (totale ou partielle) qui soit brutale, c’est-à-dire précédée d’un délai de préavis inexistant ou insuffisant eu égard à la durée des relations commerciales antérieures. L’intensité des modifications intervenues au sein de la relation entre les parties et le caractère brutal de la rupture fait régulièrement l’objet de débats, ainsi que l’illustrent notamment les trois décisions rendues par la Cour d’appel de Paris en mai 2015. CA Paris, 6 mai 2015, RG n°13/01886 : La société E. commercialise des produits, les « produits E. », fabriqués par la société S. et pour lesquels elle bénéficiait d’une exclusivité de distribution. La société S. met fin à l’exclusivité dont bénéficiait la société E. et augmente les tarifs des « produits E. » (+11,8%). S’agissant de la mise en place d’un réseau de distribution sélective, les juges du fonds considèrent que la société S., en mettant en place un tel réseau en lieu et place de l’exclusivité dont bénéficiait la société E., a modifié de façon substantielle les termes de la relation nouée avec la société E., ce qui, ainsi que le relèvent les juges du fond, « équivaut à la volonté de rompre, au moins partiellement, les relations antérieures ». Du fait de l’antériorité des relations entre les parties, la société E. aurait dû bénéficier d’un préavis d’une durée de 24 mois ; la société E. devait à ce titre être indemnisée du préjudice subi. S’agissant de l’augmentation des tarifs des produits, les juges du fond retiennent que « les changements de tarifs par le fournisseur peuvent être qualifiés de rupture brutale des relations commerciales dans les conditions antérieures s’ils ont un caractère substantiel » [nous surlignons]. En l’espèce, les magistrats ont considéré que l’augmentation de ses tarifs par le fabricant de 11,8% ne revêtait pas un caractère disproportionné et injustifié eu égard aux circonstances de l’espèce ; les résultats réalisés par la société E. lui permettaient par ailleurs de faire face aux augmentations de prix du fabricant. CA Paris, 7 mai 2015, RG n°014/01334 : La société D., qui exploite plusieurs points de vente, et la société T. (transporteur) étaient en relation depuis de nombreuses années lorsque la société D., suite à la fermeture de plusieurs points de vente, diminue le volume de ses relations avec la société T. Cette dernière avance le fait que, étant dans une relation de totale

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dépendance à l’égard de son partenaire, il est difficile de diversifier son activité et met en avant l’impact qu’a eu la décision de la société D. sur ses résultats, arguant ainsi être victime d’une rupture partielle de relations commerciales établies. Tout d’abord, le fait que les tarifs applicables soient renégociés chaque année entre les parties est, ainsi que le relèvent les juges du fond, sans effet pour apprécier la régularité du courant des affaires. Ensuite, les magistrats considèrent que la baisse du chiffre d’affaires réalisé par la société T., dans le cadre de ses relations avec la société D. (-7%), n’est pas significative et « n’excède pas la marge de manœuvre qui doit être laissée à tout agent économique d’adapter son activité de production ou de distribution à l’évolution du marché » ; de ce fait, aucune rupture brutale n’était caractérisée. En effet, ainsi que le relève l’arrêt, « la rupture partielle des relations commerciales n’est caractérisée que par la perte effective et significative de chiffre d’affaires » [nous surlignons]. CA Paris, 13 mai 2015, RG n°13/01095 : La société B. assurait la distribution, à titre exclusif, des produits de la marque R., qui lui étaient vendus par la société R. Après sept années de relations, la société R. annonce à son partenaire la création de sa filiale, qui devait désormais être le seul représentant agréé des produits de la marque R ; la société B. dispose cependant toujours de la faculté de s’approvisionner auprès de la filiale mais à des prix nettement supérieurs (de + 31% à 41%) sans qu’une telle hausse ne soit justifiée. Les relations entre la société B. et la société R. se sont donc arrêtées. La société B. a alors assigné la société R. en rupture brutale des relations commerciales établies. Le caractère brutal de la rupture est une nouvelle fois au cœur des discussions. Les juges du fond relèvent que, si la société B. pouvait toujours s’approvisionner auprès de la filiale, la modification de l’organisation portant sur la distribution des produits de la marque R. constitue une rupture « au moins partielle des relations commerciales » entre la société B. et la société R. Il est ensuite souligné que « si un fournisseur est libre de modifier l’organisation de son réseau de distribution, sans que ses distributeurs bénéficient d’un droit acquis au maintien de leur situation, et si cette modification peut être de nature à bouleverser l’économie du contrat et à entraîner la rupture des relations commerciales, cette rupture ne doit pas être exclusive d’un délai de prévenance pour leur permettre de se reconvertir ». En l’espèce, un préavis d’une durée de six mois aurait dû être accordé à la société B. A rapprocher : CA Paris, 13 novembre 2013, RG n°11/22014.

Résiliation du contrat : l’importance de la preuve de l’abus dans la rupture

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°15-14.685 Ce qu’il faut retenir : Justifie légalement sa décision la Cour d’appel qui, pour rejeter la demande de dommages et intérêts formée par un concessionnaire, retient que la rupture du contrat de concession exclusive par le concédant n’est pas abusive, le concessionnaire ne rapportant pas la preuve que le concédant lui avait fallacieusement laissé croire qu’il envisageait de poursuivre leurs relations contractuelles, ni celle que la résiliation avait en fait été prononcée pour des raisons constitutives d’un abus de droit. Pour approfondir : Dans cette affaire, une société fabriquant et commercialisant des voitures sans permis a conclu en 1999 avec un distributeur un contrat à durée indéterminée pour la distribution exclusive de ses véhicules sur un territoire déterminé. En septembre 2008, la totalité du capital de la société fabricante a été acquis par une société tierce. Le 25 novembre 2009, la société fabricante a notifié au distributeur la résiliation du contrat de concession, avec un préavis d'un an, qu'elle a justifié par la réorganisation substantielle de son réseau de distribution. Le distributeur a contesté les conditions de cette résiliation et la durée du préavis et a assigné la société en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat de concession. La Cour d’appel de Paris a rejeté sa demande. A l’appui de son pourvoi en cassation et de sa demande de réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive, le distributeur fait valoir que : - il estime avoir été maintenu jusqu'au bout par son

partenaire dans l'illusion que les relations entre les parties se poursuivraient et que le contrat serait renouvelé, notamment par l’envoi de deux courriers les 25 novembre 2008 et 13 janvier 2009, ce qui caractériserait le caractère fautif de la rupture ;

- au regard de cette croyance de la poursuite du

contrat de concession, il a engagé des dépenses de publicité ; or, on le sait, il est de jurisprudence constante que l'abus de droit de résilier peut résulter de ce que le cocontractant à l’initiative de la rupture n'a pas pris en compte l'importance des frais et des investissements effectués par son partenaire.

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Après avoir relevé que la Cour d’appel a privé de base légale sa décision en n’ayant pas recherché (i) si au regard de la lettre de résiliation, la réorganisation par le fabriquant de son réseau de distribution n'avait pas déjà été envisagée lors de l'envoi des deux courriers litigieux, et (ii) si les dépenses de publicité engagées par le distributeur n'impliquaient pas de retenir un abus du droit de rompre le contrat imputable au fabriquant, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le distributeur pour les motifs suivants :

- le délai de préavis d’un an accordé au distributeur

était conforme aux stipulations du contrat de concession qui reprenaient elles-mêmes les dispositions de l’article 3.5.b, ii) du Règlement n°1400/2002 de la Commission européenne du 31 juillet 2002, lequel prévoit que le délai de résiliation d’un accord vertical à durée indéterminée conclu par un fournisseur de véhicules automobiles neufs avec un distributeur ou un réparateur agréé peut être ramené à un an au moins lorsque le fournisseur résilie l’accord en raison de la nécessité de réorganiser l’ensemble ou une partie substantielle du réseau, ce qui était bien le cas en l’espèce, la nécessité de réorganiser le réseau étant en outre justifiée par le contexte économique difficile ;

- les termes des lettres adressées en novembre 2008 et janvier 2009 au distributeur n'établissent pas que la société fabricante avait déjà décidé que leur contrat serait résilié au mois de novembre 2009 ;

- une assistance publicitaire était accordée au distributeur chaque année, l'arrêt constate, par motifs adoptés, que le distributeur invoque un préjudice correspondant aux dépenses de publicité des trois années précédant la rupture et que son importante commande de véhicules et pièces détachées, passée en novembre 2010, soit après réception de la lettre de résiliation, a été honorée par le fabricant ;

- si les termes des courriels échangés entre les parties ont pu faire croire au distributeur que leurs relations allaient perdurer, ce dernier ne justifie pas pour autant avoir réalisé des dépenses d'investissement au profit du réseau du fabricant et ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société fabricante à l'occasion de la rupture du contrat.

En conséquence, le distributeur ne rapporte pas la preuve que la société fabricante lui avait fallacieusement laissé croire qu'il comptait poursuivre leurs relations contractuelles alors même qu’elle aurait

déjà pris la décision de rompre les relations, ni celle que la résiliation avait été prononcée pour des raisons constitutives d’un abus de droit.

A rapprocher : Cass. com., 13 mars 2001, n°98-19.260.

Appréciation de la durée du préavis et situation de dépendance

Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°15-14.025 Ce qu’il faut retenir : L’appréciation de la durée du préavis à respecter doit notamment tenir compte de la situation de dépendance de son partenaire. Pour approfondir : La société G. est le fournisseur de bouteilles de la société M., spécialisée dans la fourniture de chais et produits et services associés. Après plus de quinze années de relation, la société G. met un terme à la relation, par courrier du 7 novembre 2007, avec effet au 1er mars 2009, et donc avec un préavis de plus de quinze mois. La société M. assigne son partenaire pour rupture brutale de relation commerciale établie sur le fondement de l’article L.442-6, I du Code de commerce. Les juges du fond condamnent la société G., laquelle forme alors un pourvoi et la Cour de cassation confirme la position adoptée par la Cour d’appel. En premier lieu, les juges du fond considèrent notamment qu’au regard de la situation de dépendance de la société M. à l’égard de la société G., un préavis d’une durée de trois ans aurait dû être respecté. La Cour de cassation rappelle que « la durée du préavis suffisant s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances, notamment de l’état de dépendance économique du partenaire évincé, au moment de la notification de la rupture ; que la dépendance économique résulte notamment de la difficulté pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents dans des conditions économiques comparables ». En l’espèce, la situation de dépendance de la société M. résulte de la structure du marché, caractérisée par un duopole, dont la société G. fait partie, et de l’existence d’autres fournisseurs très spécialisés ou disposant d’une gamme peu étendue ; la société G. dispose également d’une exclusivité pour certaines prestations, ce dont il résulte que la société M. pouvait difficilement s’approvisionner à un coût satisfaisant auprès d’autres fournisseurs.

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En deuxième lieu, les juges du fond relèvent que la société G. n’a pas exécuté son préavis pendant trois et demi dès lors que cette dernière a communiqué tardivement (quelques semaines plus tard par rapport à sa pratique habituelle) à la société M. les nouveaux tarifs en vigueur à compter du 1er janvier 2009. La Cour de cassation confirme que la preuve d’une communication tardive des tarifs était bien rapportée, ce qui a engendré une impossibilité pour la société M. de passer des commandes. En troisième lieu, les juges du fond condamnent la société G. à verser la somme de 1.036.680 euros à titre de dommages et intérêts à la société M. La société G. conteste un tel montant de condamnation en avançant notamment le fait que l’auteur de la rupture brutale d’une relation commerciale établie ne peut être responsable que du préjudice causé par sa faute. Or, selon la société G., son partenaire se serait lui-même placé dans une situation rendant difficile sa reconversion, en refusant de moderniser ses outils de gestion, de diversifier sa clientèle et ses activités, en n’effectuant aucune démarche pour tenter de se réorganiser et trouver des solutions de remplacement et, en conséquence, la société G. ne devait pas être tenue responsable d’une telle situation. La Cour de cassation relève qu’en cas de préavis d’une durée insuffisante, il convient d’évaluer le préjudice en fonction de la durée du préavis qui était nécessaire, sans qu’il n’y ait lieu de tenir compte des circonstances postérieures à la rupture. La Haute Cour rejette ainsi le pourvoi de la société G. et confirme donc le montant de la condamnation prononcée par les juges du fond. A rapprocher : CA Paris, 22 janvier 2014, RG n°11/17920.

*****

DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF

La violation de l’article L.442-6 I° du Code de commerce ne peut justifier la nullité de la clause

contestée CA PARIS, 6 septembre 2016, RG n°15/21026

L'article L. 442-6 du Code de commerce opère une distinction fondamentale entre les pratiques qui engagent la responsabilité civile de leur auteur (point I), et les clauses interdites de plein droit (point II). Le point II de l'article L. 442-6 du Code de commerce énumère les clauses qui doivent être considérées comme nulles. En effet, selon ce texte, « Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité : a) De bénéficier rétroactivement de remises, de

ristournes ou d'accords de coopération commerciale ;

b) D'obtenir le paiement d'un droit d'accès au

référencement préalablement à la passation de toute commande ;

c) D'interdire au cocontractant la cession à des tiers

des créances qu'il détient sur lui ;

d) De bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ;

e) D'obtenir d'un revendeur exploitant une surface de

vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu'il approvisionne mais qui n'est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence post-contractuelle, ou de subordonner l'approvisionnement de ce revendeur à une clause d'exclusivité ou de quasi-exclusivité d'achat de ses produits ou services d'une durée supérieure à deux ans ».

Quant au point I de ce même article L.442-6 du Code de commerce (v. infra), il vise une (assez longue) liste de pratiques restrictives qu'une entreprise en situation de puissance économique peut imposer à une autre ; ces pratiques concernent notamment l'obtention d'avantages abusifs, les abus au stade du règlement, la rupture (ou la menace de rupture) des relations

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commerciales et les violations à la revente hors réseau. A cette liste est associée pour seule sanction la responsabilité de l’auteur de ces pratiques : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) ». Dans une affaire très récente, un contractant invoquait le déséquilibre significatif visé au 2° du point I de l’article L. 442-6 du Code de commerce pour solliciter la nullité de la clause générant ce déséquilibre. Or, l’arrêt commenté retient logiquement :

« C'est également en vain qu'elle invoque les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, lesquelles, relatives aux pratiques restrictives de concurrence, sont inopérantes à faire obstacle aux dispositions du contrat type, alors que 'le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties', visé par ce texte et invoqué par COREAM n'est sanctionné que par l'octroi de dommages et intérêts et non par la nullité de la stipulation contestée ». (Nous soulignons)

La solution est aussi claire que fondée.

****

Article 442-6 I° du Code de commerce

(à jour au 15.09.2016) I.- Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande

supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ; 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; 3° D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ; 4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ; 5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ; 6° De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ; 7° (Abrogé) ;

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8° De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ; 9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ; 10° De refuser de mentionner sur l'étiquetage d'un produit vendu sous marque de distributeur le nom et l'adresse du fabricant si celui-ci en a fait la demande conformément à l'article L. 112-6 du Code de la consommation ; 11° D'annoncer des prix hors des lieux de vente, pour un fruit ou légume frais, sans respecter les règles définies aux II et III de l'article L. 441-2 du présent Code ; 12° De passer, de régler ou de facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu résultant de l'application du barème des prix unitaires mentionné dans les conditions générales de vente, lorsque celles-ci ont été acceptées sans négociation par l'acheteur, ou du prix convenu à l'issue de la négociation commerciale faisant l'objet de la convention prévue à l'article L. 441-7, modifiée le cas échéant par avenant, ou de la renégociation prévue à l'article L. 441-8.

Autonomie de l’action du ministre fondée sur l’article

L.442-6 du Code de commerce Cass. civ. 1ère, 6 juillet 2016, pourvoi n°15-21.811,

Publié au Bulletin Ce qu’il faut retenir : L’action du ministre de l’économie fondée sur l’article L.442-6 du Code de commerce présente un caractère « autonome » et ne peut manifestement pas relever de la compétence d’une juridiction arbitrale.

Pour approfondir : Cet arrêt de principe doit être situé dans son contexte, ce qui implique d’évoquer successivement l’action prévue à l'article L. 442-6 du Code de commerce, sa conformité au bloc de constitutionnalité, sa nature quasi-délictuelle, son caractère autonome, avant d’aborder la question que posait précisément le litige soumis à la Cour de cassation. L’action prévue à l'article L.442-6 du Code de commerce. On le sait, conformément à l'article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées à l’article L.442-6 du Code de commerce. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu. Ils peuvent également demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. La juridiction peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci, tout comme l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. La juridiction peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte. Cette amende civile peut se cumuler avec les autres sanctions prévues par le texte, notamment la restitution des sommes indûment versées laquelle, après son prononcé par le juge, sera effectuée entre les mains du Trésor Public, qui en fera ensuite la répartition entre les victimes (par ex. CA Paris 1er juill. 2015, inédit, n° 13/19251, et notre commentaire).

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Conformité de l’action au bloc de constitutionnalité : par une décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de cette action (v. aussi, décision n° 2016-542 QPC du 18 mai 2016). La Cour européenne des droits de l’homme a également, par une décision du 17 janvier 2012, confirmé la conformité à la convention de cette action. Nature quasi-délictuelle de l’action : par une décision publiée au Bulletin, la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de la nature quasi-délictuelle de l'action (Cass. com., 18 oct. 2011, n° 10-28.005, Publié au Bulletin), ce qui permet au ministre de l'économie et au ministère public d'agir à leur choix devant la juridiction du lieu où demeure le défendeur, du lieu du fait dommageable ou du lieu où le préjudice a été subi. Cela permet de privilégier la victime de la pratique restrictive, le ministre de l'économie et le ministère public optant généralement pour la juridiction du lieu où demeure le demandeur (lieu du dommage ou du préjudice subi). Caractère autonome de l’action : on le sait, par un arrêt du 8 juillet 2008, la Cour de cassation a qualifié l’action que le ministre engage sur le fondement de l’article L. 442-6-III du Code de commerce « d’action autonome de protection du marché ». Ce faisant, l’action du ministre de l'économie et du ministère public est recevable même si les victimes n'y ont pas consenti ; ils disposent d'une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des victimes. L’information des parties n'est exigée que lorsque les sanctions sont dans l'intérêt des victimes uniquement et non du marché dans son ensemble (Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27.525, Publié au Bulletin). Arbitrabilité de l’action : lorsque l’action fondée sur l'article L.442-6 du Code de commerce est engagée par l’une des parties au contrat (ou à la relation contractuelle), il ne fait pas de doute qu’une telle action peut être soumise à un tribunal arbitral ; cette solution (logique) est connue (Cass. civ. 1ère, 21 octobre 2015, pourvoi n°14-25.080, Publié au Bulletin, et notre commentaire). Positionnement du problème : La question posée était de savoir si le juge étatique saisi par le ministre de l’économie, sur le fondement de l’article L.442-6 précité, d'un litige concernant un contrat comportant une clause d'arbitrage devait (ou non) se déclarer incompétent, afin que l'arbitre statue par priorité sur sa

compétence, en application de l’article 1448 du Code de procédure civile, qui érige le principe dit de « compétence » ; selon ce texte, il appartient à l’arbitre, et à lui seul, de statuer prioritairement sur la validité ou les limites de sa propre compétence, sous le contrôle du juge de l'annulation ; autrement dit, le juge étatique doit donc se déclarer incompétent lorsqu’un litige relève d’une convention d’arbitrage, sauf – précise le texte – « si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable ». Ce principe doit s’interpréter restrictivement (v. en ce sens, Cass. civ. 1ère, 1er avril 2015, pourvois n°14-11.587 et n°14-13.648, et notre commentaire ; et, en doctrine : E. Loquin, Juris-Classeur Procédure civile, Fasc. 1020. Arbitrage, §.67 ; Th. Clay, note sous Cass. civ. 1ère, 6 octobre 2010, pourvoi n°09-68731, D.2010, p.2441). L’apport de l’arrêt : lorsque l’action fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce est engagée par le ministre de l’économie, une telle action ne relève manifestement pas d’une juridiction arbitrale. C’est l’apport de l’arrêt commenté, publié au Bulletin. Au cas présent, le pourvoi faisait grief à l’arrêt critiqué (CA Paris, 19 mai 2015, inédit) d’avoir retenu que : - l'article L.442-6 du Code de commerce réserve au

ministère public, au ministre chargé de l'Economie et au président du Conseil de la concurrence la faculté de saisir les juridictions compétentes désignées par l'article D.442-3 du Code de commerce, aux fins de voir obtenir la cessation de pratiques illicites et l'application d'amendes civiles aux différents opérateurs économiques contrevenants ;

- l'action attribuée à ces autorités publiques dans le

cadre de leur mission de gardiens de l'ordre public économique et qui vise à la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, et non à celle des intérêts immédiats des contractants lésés, est une action autonome dont l'exercice n'est d'ailleurs pas soumis à l'accord des victimes des pratiques restrictives ni à leur mise en cause devant le juge saisi mais seulement à leur information ;

- la circonstance que l'autorité qui poursuit la cessation de pratiques discriminatoires puisse également faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu, n'est pas de nature à modifier le caractère de cette action distincte par son objet de défense de l'intérêt général de celle que la victime peut elle-même

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engager pour la sauvegarde de ses droits propres et la réparation de son préjudice personnel ;

- par suite, l'action du Ministre étant, au regard de sa nature et de son objet, de celles dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques, la clause compromissoire stipulée dans le contrat en ce qu'elle est manifestement inapplicable, ne peut lui être opposée ce qui rend inopérants les moyens tirés tant des dispositions de l'article 1448 du Code civil que de ce que la clause compromissoire ne figure pas au nombre de celles dont le Ministre poursuit l'annulation ; que c'est, dès lors, à bon droit, que les premiers juges dont la décision doit être confirmée, ont retenu leur compétence ;

- l'action du ministre s'inscrit dans le cadre de sa mission de gardien de l'ordre public économique aux fins de rétablissement de celui-ci ;

- la clause compromissoire contenue dans le contrat

de distribution s'applique qu'aux parties et que le ministre chargé de l'économie est tiers à ce contrat ;

- le principe « compétence » ne peut s'appliquer qu'à

des engagements souscrits entre des parties à un ou plusieurs contrats ;

- l'action du ministre de l'économie sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce est dès lors une action autonome.

Ce faisant, le pourvoi faisait grief à l’arrêt critiqué d’avoir violé les articles 1448 et 1506 du Code de procédure civile, ainsi que le principe compétence-compétence, dès lors que, selon le pourvoi :

- le juge saisi d'un litige relatif à un contrat

comportant une clause d'arbitrage doit se déclarer incompétent, afin que l'arbitre statue, par priorité, sur sa compétence, sauf nullité manifeste ou inapplicabilité manifeste de la clause ; qu'une telle inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage à un litige ne saurait se déduire de la seule qualité de tiers au contrat du demandeur à l'action ; qu'en énonçant, pour rejeter le contredit, que la clause compromissoire contenue dans le contrat de distribution (…) ne s'applique qu'aux parties ; que le ministre chargé de l'économie est tiers à ce contrat (…), et que le principe compétence-compétence ne pouvait s'appliquer qu'à des engagements souscrits entre des parties à un ou plusieurs contrats (…), la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1506 du

Code de procédure civile, ensemble le principe compétence-compétence ;

- le juge saisi d'un litige relatif à un contrat

comportant une clause d'arbitrage doit se déclarer incompétent, afin que l'arbitre statue, en premier, sur sa compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifestes de la clause ;

- et qu'en déduisant du caractère « autonome » de

l'action engagée par le ministre contre la société A…, le caractère manifestement inapplicable de la clause d'arbitrage, pour trancher ainsi elle-même immédiatement la question de compétence, la cour d'appel a statué par un motif impropre à caractériser le caractère manifestement inapplicable de la clause d'arbitrage au litige et violé les articles 1448 et 1506 du Code de procédure civile, ensemble le principe compétence.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes : « Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'article L. 442-6, III, du Code de commerce réserve au ministre chargé de l'économie la faculté de saisir le juge pour faire cesser des pratiques illicites et prononcer des amendes civiles, l'arrêt énonce, à bon droit, que l'action ainsi attribuée au titre d'une mission de gardien de l'ordre public économique pour protéger le fonctionnement du marché et de la concurrence est une action autonome dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques au regard de sa nature et de son objet ; que, le ministre n'agissant ni comme partie au contrat ni sur le fondement de celui-ci, la cour d'appel a caractérisé l'inapplicabilité manifeste au litige de la convention d'arbitrage du contrat de distribution ; que le moyen n'est pas fondé ». A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 13 juill. 2016, n°15-19.389, Publié au Bulletin ; Cass. civ. 1ère, 6 juill. 2016, n°15-19.521, Publié au Bulletin ; Cass. com. 8 juill. 2008, n° 07-16.761, Bull. civ. 2008, IV n° 143 ; Cass. com., 16 déc. 2008, n° 08-13.162.

Déséquilibre significatif en grande distribution Cass. com., 4 octobre 2016, pourvoi n°14-28.013

Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation condamne plusieurs sociétés du groupe Carrefour pour des clauses déséquilibrées dans la convention de partenariat conclue avec les fournisseurs du réseau.

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Pour approfondir : Début novembre 2009, le ministre chargé de l’économie a assigné plusieurs sociétés du groupe Carrefour (les sociétés Carrefour France, Carrefour hypermarchés, CSF, Prodim, devenue Carrefour proximité France, et Interdis) sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° et III du Code de commerce. Il est notable que ce fondement juridique était alors particulièrement récent puisqu’issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie dite « LME ». Plus précisément, il était reproché aux sociétés précitées du groupe Carrefour d’avoir soumis ou tenté de soumettre les fournisseurs du réseau Carrefour à des obligations créant un déséquilibre significatif à raison de certaines clauses de la convention de partenariat régissant leurs relations. Cette affaire a, depuis l’assignation, connu plusieurs « rebondissements » procéduraux ; à ce titre, nous citons l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 25 juin 2015 qui a écarté la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés du groupe Carrefour en retenant que la question posée n’était ni nouvelle, ni sérieuse. Dans l’arrêt qui nous intéresse ici, les défenderesses ont, notamment, cherché à mettre hors de cause les sociétés Interdis, Carrefour France, Carrefour Hypermarchés et Carrefour proximité France en application du principe de personnalité des délits et des peines, contestant l’implication directe desdites sociétés. Cette argumentation n’a pas prospéré devant la Haute juridiction, cette dernière retenant notamment le « rôle pilote » des sociétés Carrefour France et Carrefour proximité France. Le présent arrêt retient encore que l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce « peut s’appliquer à un contrat-type proposé à des fournisseurs » ; à ce titre la Cour de cassation relève que ledit article prohibe « tant le fait de soumettre que celui de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». En définitive, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les sociétés du groupe Carrefour et confirmé la contrariété des clauses suivantes de la convention de partenariat Carrefour à l’article L. 442-6, I, 2 °du Code de commerce : - En raison d’une absence de réciprocité et d’une

disproportion entre les obligations des parties qu'aucun impératif ne permet de justifier, les clauses de la convention de partenariat 2009 et des conditions générales d'approvisionnement qui accordent aux sociétés du groupe Carrefour une prérogative qui leur permet d'annuler la

commande, de refuser la livraison en totalité ou en partie, en laissant tous les frais à la charge du fournisseur, et de demander réparation du préjudice subi, en cas de retard d'une heure, voire d'une demi-heure pour les produits frais et en "flux tendus", ce dispositif se cumulant avec des pénalités financières.

L’absence de réciprocité ressort du fait que les sociétés du groupe Carrefour ne s'engagent qu'à tout mettre en œuvre afin de respecter les horaires définis dans la prise de rendez-vous, dans une fourchette d'une heure maximum au-delà de l'heure fixée, le principe de dédommagement des surcoûts engendrés par le retard dû à leur propre fait s'établissant sur la base d'une négociation préalable avec le fournisseur.

- En raison d’une disproportion dans les droits des

parties que les impératifs de sécurité et de fraîcheur des produits, comme le risque de désorganisation des entrepôts ou des magasins ne justifiaient pas, la clause qui autorise les sociétés Carrefour à refuser une livraison de produits présentant des dates limites identiques à une livraison antérieure.

- En raison du solde commercial que cette clause crée

à la charge du fournisseur, source d'un déséquilibre significatif, peu important que les délais de paiement concernent des obligations différentes, la clause qui prévoit que les prestations de coopération commerciale fournies par le distributeur sont calculées à partir d'un pourcentage estimé du chiffre d'affaires, qu'elles sont payées par les fournisseurs, non lors de leur réalisation, mais suivant un calendrier d'acomptes mensuels, et que les factures d'acompte liées à ces prestations sont payables à 30 jours, tandis que les fournisseurs sont réglés dans un délai de 45 jours pour les produits non alimentaires.

La Haute Juridiction a donc confirmé en tout point l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 1er octobre 2014 qui avait enjoint les sociétés du groupe Carrefour de cesser pour l'avenir la pratique consistant à mentionner dans leurs contrats commerciaux les clauses ayant été déclarées contraires aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, et les avaient condamnées in solidum à payer une amende civile d’un montant de 500.000 euros. A rapprocher : Cass. com., 25 juin 2015, pourvoi n° 14-28.013.

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Les clauses susceptibles de créer un déséquilibre significatif dans les contrats de franchise

Communiqué de la DGCCRF du 8 mars 2016 Ce qu’il faut retenir : Par ce communiqué du 8 mars 2016, la DGCCRF considère que certaines clauses insérées dans un contrat de franchise constituent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Or, rien n’indique que ces considérations ne soient pas transposables à d’autres secteurs d’activité. Ce communiqué doit donc appeler les acteurs de la franchise à la plus grande vigilance. Pour approfondir : Selon l'analyse tout récemment réalisée par la DGCCRF quant aux relations contractuelles entre douze franchiseurs et leurs franchisés, dans le secteur de la restauration rapide et à thème, de nombreuses clauses insérées dans des contrats de franchises seraient « déséquilibrées » ; le communiqué de la DGCCRF comporte un chapeau, se voulant résumer – et donner le ton – de ce qui peut constituer une petite révolution en matière de « déséquilibre significatif » ; ce chapeau est ainsi rédigé : « Mené au regard des pratiques restrictives de concurrence, l’examen par la DGCCRF des clauses contractuelles et pratiques commerciales entre franchisés et franchiseurs dans le secteur de la restauration rapide et à thème a fait apparaître de nombreuses clauses déséquilibrées au profit de certains franchiseurs ». Ce communiqué comporte une liste précise des clauses ainsi considérées comme « déséquilibrées » ; nous reprendrons certaines d’entre elles, en formulant les observations qui s’imposent. En premier lieu, il s’agit de clauses imposant une redevance ne comportant pas (selon la DGCCRF) de contrepartie suffisante. Le texte du communiqué indique en effet : « Parmi les relations commerciales déséquilibrées au détriment du franchisé, des clauses imposant le paiement d’une redevance de communication pour assurer la promotion du réseau, ou d’une redevance permanente pour bénéficier de l’assistance du franchiseur, ont été identifiées. Or, le service prévu en contrepartie n’est pas toujours suffisant » (nous soulignons). Cette première considération appelle au moins trois remarques : - d’une part, il est vrai que la disproportion entre les

services rendus à un partenaire commercial et la

rémunération qu’il verse en contrepartie (à la tête d’un réseau, à une centrale d’achats ou de référencement par exemple), peut constituer une pratique restrictive de concurrence, sanctionnée par l’article L. 442-6 du Code de commerce (CA Paris, 4 octobre 2012, RG n°11/12684 : aboutissant à la condamnation d’une tête de réseau) ;

- d’autre part, le caractère « suffisant » (ou non) du

service prévu est par nature subjectif et donne potentiellement prise à toute forme de contestation, avant la formation du contrat de franchise comme au cours de son exécution ;

- enfin, la DGCCRF se contente d’énoncer cette règle

sans pour autant indiquer le « critère » en considération duquel ce caractère suffisant pourrait être décelé ; ce faisant, la démarche, qui se veut a priori louable, pose en définitive plus de problèmes qu’elle n’en résout : en effet, faut-il apprécier la qualité du service prévu et sa contrevaleur monétaire de manière intrinsèque, c’est-à-dire en ne considérant que la valeur de cette prestation, prise isolément ? cette contrevaleur impose-t-elle au contraire de se livrer à une appréciation tenant compte, plus globalement, de la situation économique des deux parties, le franchiseur et le franchisé ? ou faudra-t-il que cette appréciation aille encore plus loin, et conduise notamment à examiner, de manière empirique, la valeur attribuée à tel ou tel type de service par des réseaux concurrents (pour autant que la comparaison soit possible) ?

Le communiqué de la DGCCRF laisse ces questions sans réponse, et génère ainsi – involontairement mais nécessairement – une forte imprévisibilité juridique, en même temps qu’une source certaine de contentieux, ce communiqué étant de nature à inciter les franchisés à contester, sous l’angle du « déséquilibre significatif », le prix de tel ou tel service prévu au contrat de franchise. Tout cela a de quoi inquiéter. Autre source d’inquiétude – et non des moindres –, le communiqué de la DGCCRF se garde de rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation qui, particulièrement active sur ce point en 2015, s’attache à rappeler fermement – aux antipodes de la démarche visiblement adoptée par la DGCCRF – que le « déséquilibre significatif » ne peut s’apprécier clause par clause, mais doit s’apprécier à l’échelle du contrat tout entier (ce qui change tout en pratique). Ainsi, dans un arrêt rendu le 3 mars 2015, la Haute juridiction affirme que « l’article L.442-6, I, 2° invite à apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie » et que, en l’espèce, la Cour d’appel « ne s’est pas déterminée en considération des seules clauses litigieuses » et qu’elle a donc « satisfait

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aux exigences de l’article L.442-6, I, 2 » (Cass. com., 3 mars 2015, n°13-27.525). De même, dans son arrêt rendu le 27 mai 2015, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir constaté, s’agissant d’une clause générant une distorsion dans les délais de paiement au profit du distributeur, que ce dernier « n’offrait pas de justifier que d’autres clauses du contrat permettaient de rééquilibrer les obligations des parties » (Cass. com., 27 mai 2015, n°14-11.387). En deuxième lieu, il s’agit de clauses prévoyant un montant du droit de renouvellement du contrat de franchise presque identique à celui du droit d'entrée, lesquelles apparaissent disproportionnées (toujours selon la DGCCRF) et peuvent ainsi créer un déséquilibre significatif avantageant le franchiseur. Le texte du communiqué indique en effet : « Le montant du droit de renouvellement du contrat de franchise – parfois identique au premier droit d’entrée – apparaît comme disproportionné. Il s’agit là encore d’un déséquilibre significatif de la relation commerciale avantageant le franchiseur ». Ce mécanisme est connu. On comprend bien l’idée, mais les mêmes remarques que celles formulées au titre de la première catégorie de clauses ne semblent ici encore pleinement justifiées. En troisième lieu, il s’agit de clauses prévoyant que le franchiseur pourra unilatéralement modifier le contrat. Sur ce point, une nuance nous semble devoir être apportée. Soit l’on considère que le contrat de franchise contient une clause permettant au franchiseur de modifier, comme bon lui semble, tout ou partie du contrat, sans modalités ni limites – autres que celles résultant du « bon vouloir » du franchiseur – et, dans ce cas, il va de soi qu’une telle clause ne peut survivre à l’épreuve du déséquilibre significatif ; tout cela est parfaitement justifié. Soit l’on considère que le contrat de franchise contient une clause permettant au franchiseur de modifier, dans des conditions prédéfinies, certains aspects du contrat, suivant certaines modalités et certaines limites prédéterminées, auxquelles le franchisé a consenti par avance. Dans ce cas, qui correspond notamment à l’hypothèse d’une clause d’évolution, il ne doit y avoir aucune difficulté car le franchisé, en acceptant le contenu de cette clause, sait exactement ce à quoi il a par avance consenti. En quatrième lieu, il s’agit de clauses prévoyant que la perte du droit d’entrée si le franchisé échoue à l’examen durant la formation. Soyons clairs. Cette considération montre (hélas) que la DGCCRF n’a manifestement pas compris ce qu’un réseau de franchise représente. Le franchiseur dépense continuellement de l’argent pour sélectionner de bons candidats à la franchise ; les critères sont nombreux et,

dans certains réseaux, le franchiseur se montre à juste titre sélectif, soucieux qu’il est de privilégier la qualité des franchisés (au demeurant au profit des consommateurs et de l’image du réseau tout entier (les autres franchisés y compris donc …)) plutôt que la quantité. Or, une telle sélection peut représenter un coût très important pour le franchiseur. Une fois le candidat à la franchise sélectionné, et le contrat signé, le franchisé reçoit la bible du savoir-faire et suit une formation au métier qu’il s’apprête à exercer et aux méthodes du réseau qu’il a décidé de rejoindre. Ici encore, une telle formation représente bien souvent un coût important pour le franchiseur. Enfin, le sens même de la démarche que nous décrivons n’est pas tant d’assurer une formation mais bien d’inculquer un savoir-faire. Ce savoir-faire constitue le pilier central de la franchise, au double plan juridique et économique. Juridiquement, car chacun sait que l’existence même du savoir-faire est une condition de validité du contrat de franchise, et que le défaut de transmission du savoir-faire peut justifier à lui seul la résiliation de ce contrat. Et puis, économiquement, car chacun sait également que les franchisés qui réussissent le mieux sont précisément ceux qui dupliquent le mieux le savoir-faire du réseau. A tel point d’ailleurs que la solution préconisée par la DGCCRF aboutirait à une situation défavorable à la totalité des acteurs ; le franchisé exerçant son activité sans avoir digéré le savoir-faire risquerait fort de ne pas tirer profit de cette activité (quand il ne déposera pas le bilan …), ce même franchisé ne parviendra pas – faute de savoir-faire – au degré d’exigence attendu du consommateur (qui en pâtira et ira à la concurrence), et dégradera par la même occasion l’image du réseau (au préjudice du franchiseur et des autres franchisés du réseau là encore …). Il y en aurait encore beaucoup à dire à ce sujet, mais l’on voit bien que les seules observations qui précèdent suffisent à critiquer fermement la position ainsi adoptée par la DGCCRF. En cinquième lieu, il s’agit de clauses ouvrant « au franchiseur un accès illimité et sans réserve à ses données informatiques ». Il faut dire tout d’abord que le grief ainsi formulé manque en soi de précision, mais ce sont là les « limites » d’un communiqué. Selon nous, le « critère » devant permettre de déterminer si de telles dispositions sont critiquables ou non dépend essentiellement, sinon même exclusivement, du point de savoir si un tel mécanisme est justifié au regard de l’objet du contrat et des avantages que le réseau tout entier pourra tirer des remontées d’informations ainsi organisées. Le contrôle des pratiques commerciales dans le secteur de la restauration rapide et à thème a conduit la DGCCFR à émettre cinq avertissements, deux projets

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d'assignation et deux projets d'injonction et à garder le secteur sous surveillance. Ce communiqué doit donc appeler les acteurs de la franchise à la plus grande vigilance, même s’il faut rappeler que l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne prévoit aucun régime probatoire, et qu’il appartient donc au demandeur de démontrer le caractère déséquilibré de la clause litigieuse au titre de l’article 1315 du Code civil. A rapprocher : Voir aussi notre analyse comparée, à propos de Cass. com., 3 mars 2015, n°13-27.525 ; Cass. com., 27 mai 2015, n°14-11.387 ; TC Paris, 7 mai 2015, RG n°205000040 ; TC Paris, 24 mars 2015, RG n°2014027403 ; CA Paris, 1er juillet 2015, RG n°13/19251.

Déséquilibre significatif : Méthode d’appréciation, charge de la preuve & illustrations

Analyse comparée de décisions L'analyse comparée de ces décisions (Cass. com., 3 mars 2015, n°13-27.525 ; Cass. com., 27 mai 2015, n°14-11.387 ; TC Paris, 7 mai 2015, RG n°205000040 ; TC Paris, 24 mars 2015, RG n°2014027403 ; CA Paris, 1er juillet 2015, RG n°13/19251) permet de dégager plusieurs règles cohérentes en matière de déséquilibre significatif. ① Sur du déséquilibre significatif la méthode d’appréciation et la charge de la preuve Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation approuve la méthode d’appréciation « globale » du déséquilibre significatif utilisée par les juges du fond. Cette méthode conduit à un examen des clauses du contrat afin d’apprécier l’équilibre global de la relation commerciale. Pour approfondir : Ces deux arrêts de la Cour de Cassation viennent préciser la méthode utilisée pour apprécier le déséquilibre significatif ainsi que la charge de la preuve « de l’éventuel rééquilibrage du contrat par d’autres clauses du contrat ». La méthode d’appréciation du déséquilibre significatif Depuis la création de la notion du « déséquilibre significatif » issue de la LME du 3 janvier 2008, les juges hésitaient entre deux méthodes d’appréciation du déséquilibre significatif : soit clause par clause ; soit de

manière globale. Il semblerait que la Cour de cassation ait opté pour la deuxième. Dans l’arrêt rendu le 3 mars 2015, la Haute juridiction affirme que « l’article L.442-6, I, 2° invite à apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie » et que, en l’espèce, la Cour d’appel « ne s’est pas déterminée en considération des seules clauses litigieuses » et qu’elle a donc « satisfait aux exigences de l’article L.442-6, I, 2 ». Dans l’arrêt rendu le 27 mai 2015, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir constaté, s’agissant d’une clause générant une distorsion dans les délais de paiement au profit du distributeur, que ce dernier « n’offrait pas de justifier que d’autres clauses du contrat permettaient de rééquilibrer les obligations des parties ». Les juges du fond prennent ainsi en compte l’ensemble des clauses contenues dans le contrat pour déterminer si la clause litigieuse crée ou non un déséquilibre. Il se peut qu’elle le soit mais l’important est que, au final, le contrat, lui, soit équilibré. La charge de la preuve de « l’éventuel rééquilibrage par d’autres clauses du contrat » L’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce ne prévoyant aucun régime probatoire, il appartient au demandeur de démontrer le caractère déséquilibré de la clause litigieuse au titre de l’article 1315 du Code civil. Une fois le caractère déséquilibré d’une clause rapporté, il appartient au défendeur de justifier de l’éventuel rééquilibrage que peuvent offrir d’autres stipulations du contrat. Dans les deux arrêts, la Cour de cassation affirme en effet que les juges du fond, en exigeant du défendeur, ici le distributeur, qu’il établisse que la clause litigieuse a bien été rééquilibrée par d’autres clauses du contrat, n’ont pas inversé la charge de la preuve. Le défendeur doit « prouver l’éventuel rééquilibrage par d’autres clauses du contrat ». A rapprocher : CEPC, avis n°15-1 ; CA Paris, 4 juillet 2013, RG n°11/17941. ② Déséquilibre significatif : illustrations Ce qu’il faut retenir : Selon la jurisprudence, le déséquilibre significatif peut se manifester par divers indices, notamment par le caractère général de la clause litigieuse ou l’absence de réciprocité.

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Pour approfondir : Les contours de la notion de déséquilibre significatif – validée par le Conseil Constitutionnel – restent encore à dessiner par la jurisprudence. Plusieurs indices sont utilisés pour retenir un déséquilibre significatif. L’absence « véritable » de négociation Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2015, les juges du fond estiment que l’impossibilité pour le fournisseur de négocier les clauses des contrats-types proposés par le distributeur suffit à établir sa soumission à leur contenu. Ils constatent aussi que la clause qui fixait un taux de service avait été prérédigée et qu’elle ne comportait pas d’espace libre permettant d’en modifier le contenu. Ils en déduisent alors l’absence « véritable » de négociation. Ainsi, recourir à de tels contrats-types est possible mais leur contenu ne doit pas être intangible. Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 mai 2015, les juges du fond recherchent davantage le pouvoir « réel » du fournisseur à négocier, lequel n’a pas été relevé ici au regard notamment du risque d’être déréférencé par un distributeur détenant 16.9% des parts de marché. Les juges du fond ont par ailleurs jugé qu’une clause contenue dans les contrats-cadres annuels liant le distributeur à ses fournisseurs, excluant systémati-quement les conditions générales de vente de ces derniers au profit de ses conditions générales d’achat, rendait impossible toute négociation véritable. L’absence de réciprocité et de contrepartie Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2015, les juges du fond ont considéré qu’une clause de révision de prix prévoyant des conditions de mise en œuvre différentes selon qu’elle était à l’initiative du distributeur ou du fournisseur était sans réciprocité. Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 mai 2015, les juges du fond ont retenu que la clause faisant peser sur les fournisseurs les coûts inhérents à la détérioration des produits par les clients du magasin, alors que c’est au distributeur d’en assumer la charge, n’avait pas de contrepartie. Sur cette absence de contrepartie, il convient de faire état de deux autres jurisprudences rendues cette année. Dans le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 mai 2015, les juges considèrent qu’une clause qui tend à assurer au distributeur un alignement des

conditions tarifaires que le fournisseur serait amené à consentir à d’autres canaux de distribution ou qu’il pratiquerait lui-même est sans contrepartie. Au cas d’espèce, le site de réservation en ligne n’achetait ni ne revendait les nuitées et ne supportait donc aucun risque lié à la réservation ou non d’une chambre. Le vrai déséquilibre entre les droits et obligations des parties résultait du fait que l’hôtelier n’était plus totalement libre dans la fixation de son prix en raison de l’obtention automatique des meilleures conditions tarifaires par la centrale de réservation considérée. Deux remarques peuvent être formulées. La première est que la stipulation d’une telle clause dite « du client le plus favorisé » est strictement interdite par l’article L.442-6, II, d) du Code de commerce. Au cas d’espèce, ce texte qui n’est pas une loi de police, contrairement au dispositif de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce sur le déséquilibre significatif, n’était pas applicable dès lors que le contrat conclu entre les parties était soumis au droit anglais. La seconde est que la solution retenue dans cette décision a été confortée par la loi Macron : en effet, ont été créés les articles L.311-5-1 et L.311-5-4 dans le Code du tourisme qui disposent que « l’hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire est réputée non écrite » et cette règle s’applique « quel que soit le lieu d’établissement de la plateforme de réservation en ligne dès lors que la location est réalisée au bénéfice d’un hôtel établi en France ». Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 1er juillet 2015, les juges du fond ont considéré qu’une clause de ristourne de fin d’année était sans contrepartie en ce qu’il résulte des pièces versées aux débats par le Ministre que : - 9 contrats-cadres ne subordonnent le versement de

ristourne à aucune obligation à la charge du distributeur, 22 contrats ne précisent pas l’obligation mise à la charge du distributeur,

- 29 contrats ne précisent pas le montant du chiffre

d’affaires annuel minimum justifiant le versement de la ristourne et,

- 57 contrats fixent le montant du chiffre d’affaires

minimum annuel à un montant inférieur de près de moitié à celui réalisé l’année précédente et l’année durant laquelle la ristourne était due, en justifiant le

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montant retenu par l’existence d’une incertitude économique inexistante au moment de la conclusion du contrat ;

- pour ces 118 contrats-cadres les fournisseurs

concernés ont versé la ristourne alors que le distributeur n’a pris aucune obligation ou aucune réelle obligation à leur égard.

Par cette solution, il semblerait alors que les juges aient, en appréciant le déséquilibre significatif, contrôlé indirectement le prix négocié alors qu’ils ne peuvent le faire, prétention qui avait d’ailleurs été soulevée par le distributeur devant la Cour d’appel qui rétorque alors que « si le juge judiciaire ne peut contrôler les prix qui relèvent de la négociation commerciale, il doit sanctionner les pratiques commerciales restrictives de concurrence et peut annuler les clauses contractuelles qui créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, même lorsque ces clauses sont relatives à la détermination du prix, et ce en application des dispositions de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce qui sanctionne tout déséquilibre contractuel dès lors qu’il est significatif » et que « si la loi LME a instauré le principe de libre négociabilité des conditions de vente et fait des CPV le siège de la négociation commerciale, la loi n’a pas supprimé la nécessité de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants, même lorsque ces obligations ne rentrent pas dans la catégorie des services de coopération commerciale ; que la réduction du prix accordée par le fournisseur doit avoir pour cause l’obligation prise par le distributeur à l’égard du fournisseur (…) ». Il faut donc être attentif sur l’évolution jurisprudentielle en la matière et l’étendue du contrôle que le juge s’arroge. Le caractère général, imprécis, systématique et unilatéral de la clause litigieuse Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2015, les juges ont estimé que la clause fixant un taux de service uniforme était déséquilibrée au regard de plusieurs indices, notamment en ce qu’elle était rédigée en des termes généraux et imprécis du fait qu’elle « ne précisait pas si le taux de service se référait à un taux par magasin, par entrepôt (…) », qu’elle revêtait un caractère automatique en prévoyant « un système de pénalité en cas de non-respect par les fournisseurs d’un taux de service minimum de 98.5% » ou qu’elle dépendait encore de la seule volonté du distributeur, son critère d’application étant inconnu.

A rapprocher : Cons. const., déc., n°2010-85, QPC, 13 janvier 2011 ; TC Paris, 7 mai 2015, RG n°2015000040 ; CA Paris, 01er juill. 2015, RG n°13/19251.

*****

CONSOMMATION

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES

Refonte du Code de la consommation

Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 Ce qu’il faut retenir : L’organisation du Code de la consommation est profondément revue par une ordonnance du 14 mars 2016. Pour approfondir : Le Code de la consommation, malgré une codification relativement récente, s’avère parfois difficilement lisible, compte tenu des différentes réformes intervenues, notamment les plus récentes, qui ont successivement eu pour objet d’introduire en droit français les dispositions communautaires. Prenant en compte cet état de fait, qui compliquait l’accès au droit tant aux consommateurs qu’aux professionnels, la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014, dont l’adoption a fait débat, avait alors autorisé le Gouvernement à procéder à une nouvelle rédaction de la partie législative du Code de la consommation, afin notamment d'en aménager le plan et de l'adapter aux évolutions législatives intervenues depuis sa publication. L’ordonnance du 14 mars 2016 procède ainsi à la refonte tant attendue du Code de la consommation, qui sera applicable à compter du 1er juillet 2016. Le contenu du Code de la consommation est ainsi profondément réorganisé, ce qui contraindra les entreprises dont les documents visent les dispositions du Code de la consommation à mettre à jour leur documentation.

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On pense ici notamment aux conditions générales de vente ou de service des entreprises à destination des consommateurs, ou encore aux activités de vente en ligne pour lesquelles les conditions commerciales font souvent expressément référence aux articles du Code de la consommation (par exemple s’agissant du droit de rétractation). Outre cette réorganisation, l’ordonnance procède à une modification notable de l’article préliminaire du Code de la consommation, qui est modifié à peine deux ans après sa création. Jusqu’alors, cet article avait pour unique objet de définir la notion de consommateur (l’ambiguïté quant à l’application aux activités agricoles étant à ce titre levée par l’ordonnance, qui exclut logiquement de cette définition les agriculteurs), contiendra désormais également deux définitions complémentaires de termes utilisés de longue date par le Code de la consommation : le professionnel et le non-professionnel. Le non-professionnel sera ainsi défini comme toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (cette définition ne couvre que les personnes morales, la définition équivalente pour les personnes physiques étant la notion de consommateur définie au même article du Code de la consommation). Le professionnel sera quant à lui défini comme toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. A rapprocher : Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation.

Recodification du Code de la consommation Décret n°2016-884 du 29 juin 2016

Ce qu’il faut retenir : Le Code de la Consommation fait de nouveau l’objet d’une recodification législative et réglementaire, qui entre en vigueur à partir du 1er juillet 2016. Cette recodification vise principalement la réorganisation du Code, pour plus de lisibilité et d’accessibilité pour les différents acteurs.

Pour approfondir : Le Code de la Consommation n’a eu de cesse d’être modifié, adapté successivement aux pratiques commerciales, depuis sa codification initiale en 1993 …et, à peine deux ans après la Loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation, ce n’est pas terminé ! A compter du 1er juillet 2016, la nouvelle recodification législative du Code de la consommation prévue par l’ordonnance du 14 mars 2016 (Ordonnance n°2016-301, 14 mars 2016) et celle réglementaire, précisée par le décret du 29 juin 2016 (Décret n°2016-884, 29 juin 2016), entrent en vigueur – sous réserve de quelques dispositions, dont l’entrée en vigueur s’échelonnera durant l’année 2016-2017. Ces nouvelles dispositions semblent s’inscrire dans un mouvement général de protection de plus en plus grande des consommateurs, tendance qui tend à s’observer au niveau national, comme européen. Sur le fond, relativement peu de choses à dire sur cette recodification, qui, principalement, vise la clarification et la réorganisation du droit de la consommation, afin de le rendre plus lisible et accessible, y compris aux consommateurs et non-professionnels : clarifications rédactionnelles, définition des termes – en particulier, de « consommateur », « professionnel », et « non professionnel », et une nouvelle numérotation. Le Code, originellement composé de cinq livres, est soumis à un redécoupage en huit livres correspondant aux différentes étapes de l’achat : information du consommateur, formation/exécution des contrats, crédits, conformité et sécurité des produits et services, pouvoirs d’enquête et contrôles, règlement des différends, traitement du surendettement, associations agréées de défense des consommateurs et institutions. Le regroupement des différentes sanctions encourues permettra de même aux acteurs d’appréhender le mieux possible leurs obligations et les risques qui sont associés à leur inexécution. A noter simplement que la définition adoptée du non-professionnel se distingue de la définition traditionnellement retenue par la jurisprudence : il s’entend comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » (Article préliminaire du nouveau Code de la Consommation). C’est la DGCCRF qui, dans ce cadre, récupère le rôle d’accompagner les utilisateurs dans la transition vers cette nouvelle organisation – à noter qu’un tableau de

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concordance électronique est téléchargeable en ligne, sur le site du Ministère de l’Economie. Il faut cependant citer, dans ce but de clarification, de nouvelles dispositions relatives à la procédure civile, au fonctionnement des instances, et la création de formulaires d’aide qui, désormais, seront annexés au Code : formulaires-types de rétractation, d’assurance emprunteur des prêts immobiliers, ou encore des informations standards à connaitre avant de contracter un crédit-bail. Une nouvelle contravention est créée, pour sanctionner l’absence de rappel des denrées qui ne sont plus propres à la consommation. Et l’administration de contrôle dispose désormais, de pouvoirs de contrôle et d’enquête simplifiés, regroupés dans un livre ad hoc. A rapprocher : Voir aussi notre article sur la Refonte du Code de la consommation.

Médiation et consommation : mise en ligne du site internet dédié

Ce qu’il faut retenir : Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels doivent permettre le recours à la médiation et communiquer aux consommateurs les coordonnées du (ou des) médiateur(s) de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site web, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou sur tout autre support adapté. Le site internet www.mediation-conso.fr constitue un guide pratique de la médiation pour régler extra-judiciairement les litiges opposant les consommateurs aux professionnels. Pour approfondir : L’ordonnance du 20 août 2015 et son décret d’application du 31 octobre 2015 ont transposé en France la directive du 21 mai 2013 relative au « règlement extra judiciaire des litiges de consommation ». L’ordonnance a ajouté un nouveau Titre V au Livre Ier du Code de la consommation (C. consom., art. L 151-1 et s. du Code de la consommation). La médiation vise à faciliter le règlement des litiges entre consommateur et professionnels dans un système qui se veut facilement accessible et gratuit.

La médiation de la consommation s'applique à un litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel et ne s’applique pas aux litiges entre professionnels, aux réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel, aux négociations directes, aux tentatives de médiation ordonnées par un tribunal, aux procédures introduites par un professionnel contre un consommateur (C. consom., art. L. 151-3). Le processus est le suivant (C. consom., art. L. 152-2): - le consommateur doit avoir adressé une

réclamation écrite au professionnel pour tenter de résoudre le litige (C. consom., art. L. 152-2),

- la demande de médiation doit être introduite dans un délai maximal d’un an suivant cette réclamation écrite. (C. consom., art. L. 152-2),

- dès réception du dossier le médiateur notifie aux

parties sa saisine et leur rappelle qu’elles peuvent se retirer à tout moment du processus (C. consom., art. R.152-3), la médiation doit trouver une issue dans un délai de 90 jours (C. consom., art. R. 152-5) sauf en cas de dossier complexe,

- il reçoit, ensemble ou séparément, les parties et

propose une solution pour régler le litige (C. consom., art. R. 152-3 al 2), en leur indiquant qu’elles sont libres d’accepter ou refuser la proposition de solution qu’il a formulée et que la participation à la médiation ne les empêche pas de saisir une juridiction (C. consom., art. R152-4).

Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels doivent permettre le recours à la médiation et communiquer aux consommateurs les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site web, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou sur tout autre support adapté (il y mentionne également l'adresse du site internet du ou de ces médiateurs) (C. consom., art. L. 156-1 et R. 156-1). Ce site mis en ligne par la secrétaire d'État chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'Économie sociale et solidaire a vocation à informer les consommateurs sur : - les cas dans lesquels il est possible de saisir un

médiateur, - la constitution du dossier, - le traitement des dossiers,

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- la liste des médiateurs qui sera complétée au fur et à mesure de la nomination et le lien permettant d’accéder à leur site internet, l’ordonnance prévoyant que chaque médiateur doit mettre en place un site internet permettant de déposer en ligne une demande de médiation (C. consom., art. L154-1).

A rapprocher : C. consom., articles L.151-1 et s. du Code de la consommation ; Ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 ; Décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015.

L’entrée en vigueur de l’extension à deux ans de la garantie légale de conformité des produits neufs

Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

Ce qu’il faut retenir : A compter du 18 mars 2016, la garantie légale de conformité des produits vendus neufs est étendue à vingt-quatre mois ; les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Pour approfondir : La loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite Loi Hamon) prévoit une extension à vingt-quatre mois de la durée de la garantie légale de conformité envisagée à l’article L. 211-7 du Code de la consommation pour les seuls produits vendus neufs. L’article 15 de la Loi Hamon prévoit en effet que : « I. ― L'article L. 211-7 du même Code est ainsi modifié : 1° Au premier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « vingt-quatre » ; 2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Pour les biens vendus d'occasion, la durée mentionnée au premier alinéa du présent article est ramenée à six mois. ». II. ― Le I du présent article entre en vigueur deux ans après la publication de la présente loi. » La Loi ayant été publiée au Journal Officiel le 18 mars 2014, les dispositions susvisées sont entrées en vigueur le 18 mars 2016. Depuis cette date, la période durant laquelle le consommateur peut invoquer un défaut de conformité présumé exister au moment de l'achat d'un

produit est augmentée de six mois à deux ans. Cette extension ne s’applique toutefois pas aux biens vendus d’occasion, pour lesquels la période visée ci-dessus est maintenue à six mois. La rédaction de l’article L.211-7 du Code de la consommation est désormais la suivante : « Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Pour les biens vendus d'occasion, la durée mentionnée au premier alinéa du présent article est ramenée à six mois. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué. » Plus précisément, la garantie légale de conformité établie à l’article L.211-7 du Code de la consommation permet au consommateur d'obtenir gratuitement la réparation ou le remplacement d'un produit défectueux. L’extension de la période au cours de laquelle le consommateur peut invoquer un défaut de conformité contribue à renforcer les droits des consommateurs. Si un défaut apparaît sur un produit neuf dans les deux ans suivant l'achat, le consommateur peut se retourner contre le vendeur, sans avoir à prouver que le défaut existait au moment de la vente. Il incombera au professionnel de rapporter la preuve contraire et de démontrer que le défaut n'existait pas. Avant la conclusion du contrat, le professionnel devra donc informer le consommateur de l'existence de cette garantie légale de deux ans. Il devra également préciser, dans ses conditions générales de vente, les conditions de sa mise en œuvre et de son contenu. Dans le communiqué de presse de la DGCCRF du 21 mars 2016, Martine PINVILLE, Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie Sociale et Solidaire a déclaré au sujet de cette nouvelle disposition : « Avec l’extension à deux ans de la garantie légale de conformité, la France est pionnière pour la protection du consommateur puisque notre initiative inspire les travaux en cours au niveau européen. Cette mesure est également un pas supplémentaire vers des produits durables, dont la qualité reconnue permettra de

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soutenir l’activité de nos entreprises en répondant aux attentes légitimes de nos concitoyens ». À noter que la garantie légale de conformité se distingue de la garantie commerciale qui est une garantie supplémentaire, payante le plus souvent, proposée par de nombreux professionnels pour couvrir une période plus longue d'entretien, de réparation ou de remplacement. A rapprocher : DGCCRF, communiqué, 21 mars 2016.

Services à la personne Enquête de la DGCCRF du 12 octobre 2016

Ce qu’il faut retenir : A l’occasion d’une récente enquête la DGCCRF a relevé une série de manquements à la règlementation de la part des professionnels du service à la personne. Pour approfondir : Fin 2015, la DGCCRF a lancé une enquête pour contrôler l’application des nouvelles dispositions en faveur de la protection économiques des consommateurs dans le secteur des services à la personne, entrées en vigueur le 1er juillet 2015. Au cours de cette enquête, qui a visé en particulier les opérateurs généralistes qui proposent des services de garde d’enfant, d’entretien domestique, jardinage, course et repas, il est apparu que 75 % des structures contrôlées n’étaient pas en conformité. Quels sont les comportements relevés ? En voici quelques exemples : - les présentations commerciales mettent souvent en

avant la défiscalisation ce qui n’est pas le cas, également l’avantage fiscal est souvent présenté comme acquis alors qu’en réalité il est soumis à des plafonds variables ;

- des incohérences entre le prix pratiqué et le prix affiché, un affichage des prix inférieurs à la réalité compte tenu de l’imputation des aides diverses ;

- la mise en avant frauduleuse d’agréments et la reproduction illicite de logos institutionnels,

- une information sur les prix défaillante, une absence de remise systématique de factures,

- la présence de clauses abusives : clauses attributives de juridictions, défaut d’information sur les délais de rétractation, facturation de frais pour

paiement par chèque, faculté réservée au professionnel de modifier certaines clauses.

A rapprocher : Article D.7231-1 du Code du travail.

Les nouvelles règles européennes en matière de commerce électronique

Communiqué de presse du 25 mai 2016 Ce qu’il faut retenir : Par voie d’un communiqué de presse en date du 25 mai 2016, la Commission européenne a présenté trois volets de mesures afin d’améliorer la situation des consommateurs et des entreprises qui achètent et vendent des produits et/ou proposent des services en ligne au sein de l’Union européenne. Le premier projet de règlement poursuit l’idée qu’une discrimination liée à la situation géographique du client ne doit plus exister dans le monde du commerce électronique. Le deuxième projet de règlement a pour objectif de donner aux clients une meilleure visibilité sur la livraison transfrontalière notamment en prônant une transparence des prix appliqués. Le troisième projet de règlement doit permettre aux clients de reprendre confiance en matière de commerce électronique. Pour cela le projet mise sur les moyens de pressions qui pourront être exercés à l’encontre des commerçants. Pour approfondir :

I. Mettre un terme au blocage géographique et autres formes de discrimination

Le premier projet de règlement de la Commission européenne est le projet de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à contrer le blocage géographique et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur (et modifiant le règlement (CE) n°2006/2004 et la directive 2009/22/CE). Il faut entendre « blocage géographique » comme l’interdiction d’accès ou l’interdiction d’achat et/ou de vente sur des sites hébergés dans un autre pays européen par décision unilatérale de l’entreprise concernée. La discrimination

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que peuvent subir les consommateurs en terme de prix, de ventes ou de conditions de paiements ne peuvent pas se justifier, selon la Commission européenne, dans le cadre d’un marché unique. Ce volet vient en réalité compléter l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2006/123/CE3 qui prévoyait un principe de non-discrimination. Ce principe est déjà appliqué en matière des sociétés de location de voiture ou encore les parcs d’attraction. Cette fois le but est d’éliminer la distinction qui s’opère toujours entre les clients concernant les conditions de vente en fonction de leur pays. Le projet de règlement : - prévoit plusieurs situations dans lesquelles il sera

interdit de prôner une discrimination :

o l’article 3 interdit à tous les professionnels d’empêcher l’accès à leurs sites en ligne en se basant uniquement sur la résidence des clients. Il faudra donc prévenir et demander l’autorisation au client pour que ce dernier soit réacheminé vers un autre site. L’article prévoit que ce principe ne s’appliquera pas lorsque les restrictions d’accès ou de réacheminement sont le résultat d’une législation.

o l’article 4 prévoit trois autres cas dans lesquels il

sera interdit de faire un blocage géographique en fonction de la résidence du client : dans le cas où le vendeur n’intervient pas dans la livraison du bien physique vers le pays de livraison, dans le cas où il s’agit d’offre de services fournis par voie électronique et finalement dans le cas où le professionnel fournit un service dans un Etat membre autre que l’Etat membre du client ;

- n’impose pas une obligation de livrer dans

l’ensemble de l’Union européenne pour éviter « une charge disproportionnée pour les entreprises ».

II. Faciliter la livraison transfrontalière

Le deuxième projet de règlement de la Commission européenne est la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux services de livraison transfrontalière de colis. La situation actuelle fait que les consommateurs et/ou professionnels limitent les ventes/achats en dehors de leur pays d’origine car les frais de livraisons sont trop élevés. Le but de l’opération est de faciliter la communication transfrontalière et donc de faciliter les livraisons. La Commission européenne espère ainsi faire baisser les frais à la charge des consommateurs car

ces derniers disposeront d’une transparence des prix et des conditions qui introduira la concurrence entre les services postaux. Elle complète les initiatives d’autoréglementation des services postaux. Le projet de règlement instaure différentes obligations : - l’article 3 met en place une surveillance

réglementaire en matière de services de livraison de colis. Les professionnels notamment devront transmettre un ensemble d’informations à l’autorité réglementaire de l’Etat membre de leur résidence ;

- l’article 4 prône la transparence des tarifs et des

droits terminaux ainsi que l’évaluation du caractère abordable. Chaque professionnel devra transmettre une liste de prix à l’autorité réglementaire de son Etat qui transmettra l’ensemble des informations à la Commission. L’autorité réglementaire va évaluer la liste des prix et peut demander des informations supplémentaires au professionnel dont le prix est trop évalué ;

- enfin, l’article 6 vise « l’accès transparent et non

discriminatoire à certains services de livraison transfrontalière de colis et/ou infrastructures ».

III. Redonner confiance aux consommateurs dans le commerce électronique

Le troisième projet de règlement de la Commission européenne constitue la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs. A ce jour, il n’existait aucune lutte commune entre les pays de l’Union Européenne en matière de protection des consommateurs. Trois objectifs sont poursuivis par le texte de l’article 8 de la proposition du troisième projet de règlement : - mettre en place une vérification des sites internet

pour s’assurer qu’il n’y a pas de blocage géographique ou des conditions d’après-vente qui ne respectent pas les règlementations de l’UE ;

- instaurer le droit de retirer des sites internet qui hébergent des escroqueries ;

- instaurer le droit d’obtenir l’identité d’un professionnel responsable du site en interrogeant les informations retenues par les bureaux

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d’enregistrement de domaines ou encore auprès des banques.

IV. La mise en œuvre des projets de règlements

Dans sa communication la Commission Européenne « recommande vivement […] leur adoption rapide dans le cadre du processus législatif ». En conséquence, les projets ont été transmis au Parlement Européen et au Conseil qui soumettront chacun les trois projets de règlements à au moins deux lectures. Pour le moment aucune date n’a été communiquée concernant l’avancement de ce processus. A rapprocher : http://ec.europa.eu/DocsRoom/documents/16742?locale=fr http://ec.europa.eu/DocsRoom/documents/16805?locale=fr http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/1-2016-283-FR-F1-1.PDF

DECISIONS INTERESSANTES

Sollicitation des consommateurs par voie téléphonique

Décret n°2016-1238 du 20 septembre 2016 Ce qu’il faut retenir : La loi relative à la consommation, dite « loi Hamon », du 17 mars 2014 a mis en place de nouvelles règles visant à protéger de manière accrue les consommateurs vis-à-vis des numéros à valeur ajoutée. Le Décret n° 2016-1238 du 20 septembre 2016 relatif « au mécanisme de signalement prévu à l’article L. 224-43 du Code de la consommation et de l’information des opérateurs sur les numéros les concernant en application de l’article L. 224-51 » est venu précisé les nouvelles dispositions de la loi Hamon. Pour approfondir : La loi Hamon a ainsi imposé aux termes de l’article L. 224.43 du Code de la consommation aux « opérateurs de communication électronique […] exploitant un numéro à valeur ajoutée » de mettre « gratuitement à la disposition des consommateurs un outil accessible en ligne permettant d'identifier, à partir du numéro d'appel ou de message textuel, le nom du produit ou du

service accessible à ce numéro d'appel ou de message textuel, la description sommaire du produit ou du service, le nom du fournisseur, son site internet, s'il existe, l'adresse du fournisseur ainsi que l'adresse ou le numéro de téléphone auxquels le consommateur peut adresser ses réclamations. ». La loi Hamon a également imposé aux fournisseurs d’un service téléphonique au public par le biais de l’article L. 224-51 du Code de la consommation « un dispositif leur permettant de signaler, par messages textuels, les appels et messages textuels non sollicités émis par des professionnels et le numéro de téléphone de leurs émetteurs. ». Le Décret 2016-1238 du 20 septembre 2016 pris sur le fondement de l’article L. 224-53 du Code de la consommation vient fixer : - « les modalités de mise en œuvre du mécanisme de

signalement des numéros potentiellement à problème afin que ceux-ci fassent l'objet d'une vérification par les opérateurs » et

- « les modalités de transmission des signalements de numéros d'appels et messages non sollicités aux opérateurs de service à valeur ajoutée ».

Le décret offre ainsi la possibilité à l’article D.224-17 du Code de la consommation de « signaler et de décrire précisément et avec concision, pour un numéro d'appel ou de message textuel : « 1° Une inexactitude sur les informations présentes dans l'outil ; « 2° Une préoccupation sur la déontologie du service associé ; « 3° Un problème relatif au contact auquel le consommateur doit pouvoir adresser ses réclamations.». L’article D.224-18 du Code de la consommation permet quant à lui aux opérateurs de communications électroniques « exploitant un ou plusieurs numéros à valeur ajoutée, d’être informé quotidiennement pour chaque numéro les concernant : « 1° Des signalements relatifs à une inexactitude des informations figurant dans l'outil ; « 2° Des signalements relatifs à une préoccupation sur la déontologie du service associé ; « 3° Des signalements relatifs à un problème avec le contact auquel le consommateur doit pouvoir adresser ses réclamations. ». Enfin, les opérateurs de communications électroniques, exploitant un ou plusieurs numéros à

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valeur ajoutée, doivent être informés quotidiennement des signalements adressés au dispositif mis en place par l’article L. 224-51 du Code de la consommation. Il convient tout de même de préciser que la vérification par les opérateurs de communications électroniques ne s’impose que si les signalements mentionnés aux articles D.224-18 et D.224-19 du Code de la consommation dépassent certains seuils fixés chaque année par arrêté du ministre chargé de la consommation. Les dispositions du décret sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 à l’exception des 2° et 3° des articles D.224-17 et D.224-18 qui entreront en vigueur le 1er janvier 2017. A rapprocher : Loi relative à la consommation, dite « loi Hamon », du 17 mars 2014.

Les créances périodiques dont bénéficie un professionnel à l’égard d’un consommateur se

prescrivent par deux ans Cass., avis, 4 juillet 2016, n°16006

Ce qu’il faut retenir : L’article L. 218-2 du Code de la consommation (ancien article LL.137-2 du Code de la consommation) introduit par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, selon lequel l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, a vocation à s’appliquer à tous les contrats de consommation ; c’est l’enseignement majeur de l’avis commenté (1er enseignement). Par ailleurs, le délai d’exécution d’un titre exécutoire, prévu à l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution, n’est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre exécutoire (2nd enseignement). Pour approfondir : Pour ce qui concerne la première demande d’avis

Selon la première conclusion de l’avis commenté, la Cour de cassation retient : « le délai d’exécution d’un titre exécutoire, prévu à l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution, n’est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre exécutoire ». Il convient de situer les choses dans leur contexte.

Sous l’empire du texte antérieur à la réforme de 2008, la Cour de cassation (Ass. Plén., 10 juin 2005, n°03-18.922) considérait : « si le créancier peut poursuivre pendant trente ans l’exécution d’un jugement condamnant au paiement d’une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l’article 2277 du Code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ». Ainsi, concrètement, le créancier pouvait-il poursuivre pendant 30 ans l'exécution d'une décision de justice condamnant à payer en sa faveur une créance périodique. Il ne pouvait pour autant recouvrer de la sorte les arriérés échus depuis plus de 5 ans avant la date de sa demande de paiement. Sous l’empire de la réforme de 2008, la Cour de cassation a considéré récemment (Cass. civ. 1ère, 8 juin 2016, n°15-19.614, Publié au Bulletin) : « si, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2224 du Code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement avait été obtenu ; (…) que le moyen n'est pas fondé ». La portée de cet avis est d’autant plus grande que, dans ses conclusions, Monsieur le premier avocat général Philippe Ingall-Montagnier avait conclu à l’irrecevabilité de cette demande d’avis, au motif que la Cour de cassation avait d’ores et déjà statué sur ce point. Pour ce qui concerne la seconde demande d’avis Selon la seconde conclusion de l’avis commenté, la Cour de cassation retient : « les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire à la suite de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur sont soumises au délai de prescription prévu à l’article L. 218-2 du Code de la consommation, applicable au regard de la nature de la créance ». L’avis souligne à juste titre que l’article L.137-2 du Code de la consommation, devenu L. 218-2 du même Code par suite de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, selon lequel l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par 2 ans, est énoncé de façon générale et a vocation à s’appliquer à tous les contrats de consommation. Ainsi, la Cour de cassation avait-elle jugé qu’il s’applique aux crédits immobiliers

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consentis par des organismes de crédit au consommateur, qui constituent des services financiers fournis par des professionnels (Cass. civ. 1ère, 28 novembre 2012, n° 11-26.508, Bull. Civ. I n° 247). En vérité, ce texte ne distingue pas selon le type d’action, et notamment pas entre les actions en paiement en vue d’obtenir un titre exécutoire et celles en recouvrement en vertu d’un tel titre. Ce faisant, le délai de prescription de l’article L.218-2 du Code de la consommation (institué dans l’intérêt du consommateur) ne peut, selon l’article L. 218-1 du même Code, faire l’objet d’un accord modifiant sa durée ou ajoutant des causes de suspension ou d’interruption de celle-ci, et la fin de non-recevoir tirée de son expiration peut être relevée d’office par le juge (Cass. civ. 1ère, 9 juillet 2015, n°14-19.101). Il en résulte que l’article L.218-2 du Code de la consommation institue un régime de prescription dérogatoire au droit commun, applicable à toutes les actions engagées par un professionnel tendant au paiement des sommes dues pour les biens ou les services qu’il a fournis à un consommateur. Par application des principes selon lesquels les lois spéciales dérogent aux lois générales et il est défendu de distinguer là où la loi ne distingue pas (Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus), il y a lieu de considérer que les créances périodiques nées d’une créance en principal fixée par un titre exécutoire, en raison de la fourniture d’un bien ou d’un service par un professionnel à un consommateur, sont soumises au délai de prescription prévu à l’article L. 218-2 du Code de la consommation, applicable au regard de la nature de la créance. A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 8 juin 2016, n°15-19.614, Publié au Bulletin (concernant la première question) ; Cass. civ. 1ère, 9 juillet 2015, n°14-19.101 (concernant la seconde question). Portée des dispositions légales sur l’information due

par le professionnel Cass. com., 16 février 2016, pourvoi n°14-25.146

Ce qu’il faut retenir : Les dispositions de l'article L. 136-1 du Code de la consommation, en ce qu'elles visent les consommateurs, ne concernent que les personnes physiques et, en ce qu'elles visent les non-professionnels, sont inapplicables aux contrats qui ont un rapport direct avec leur activité professionnelle.

Pour approfondir : Dans cette affaire, une société avait conclu un contrat de prestations de services pour une durée d'un an, avec tacite reconduction, avec un comité d'entreprise, qui avait laissé certaines factures impayées. Ce comité d’entreprise avait formé opposition à une ordonnance d'injonction de payer délivrée à son encontre pour une facture due au titre du paiement des services à intervenir après la reconduction tacite du contrat, demeurée impayée. Pour faire droit à cette opposition, la juridiction de proximité retient que la société ne justifie pas de l'envoi d'un document reprenant l'information, qui lui incombait par application de l'article L.136-1 du Code de la consommation (relatif à l'obligation d'information par écrit incombant au professionnel prestataire de services envers le consommateur sur la possibilité de ne pas reconduire un contrat conclu avec une clause de reconduction tacite). La Cour de cassation retient que les dispositions de l'article L. 136-1 du Code de la consommation, en ce qu'elles visent les consommateurs, ne concernent que les personnes physiques et, en ce qu'elles visent les non-professionnels, sont inapplicables aux contrats qui ont un rapport direct avec leur activité professionnelle, ce qui était bien le cas en l’espèce : le jugement est cassé. A rapprocher : C. consom., art. L.136-2. Quelques évidences sur le devoir de mise en garde de

la banque dispensatrice de crédit CA Rennes, 9 décembre 2016, RG n°12-05738

Ce qu’il faut retenir : L’obligation de mise en garde de la banque dispensatrice de crédit est subordonnée à deux conditions cumulatives : la qualité d'emprunteur (ou de caution) non averti(e) et l'existence d'un risque d'endettement. Pour approfondir : Dans cette affaire, les faits étaient classiques, ce qui donne à l’arrêt commenté une portée indéniable. Une banque, ayant consenti deux prêts dont les échéances ne lui étaient plus remboursées, avait assigné l’emprunteur en paiement. Les prétentions respectives des parties et la motivation de l’arrêt

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commenté permettent de rappeler les quelques évidences suivantes. En premier lieu, un tel prêt ne peut être soumis aux dispositions des articles L.311-1 et suivants du Code de la consommation, dès lors que le seuil de 21.500 €, fixé par l’article D. 311-1 dudit Code dans sa version applicable à la cause, avait été dépassé. En second lieu et surtout, la Cour d’appel de Rennes rappelle fort logiquement que « s'il est exact que la banque dispensatrice de crédit est tenue d'un devoir de mise en garde sur les risques d'un endettement excessif au regard des capacités de remboursement de l'emprunteur et de la caution, c'est à la condition que l'emprunteur ou la caution ne soit pas avertis ». A ce titre, il convient de rappeler quatre observations : 1°) les contours du « devoir de mise en garde » ne sont pas précisément définis, ni par la loi, ni par la jurisprudence, la cour de cassation laissant ce soin aux juridictions du fond, sans doute car l’intensité même de ce devoir relève de la casuistique ; en substance, le devoir de mise en garde imposerait à l'établissement d'alerter l'emprunteur (ou la caution) sur le caractère excessif du prêt qu'il sollicite (ou qu’il cautionne) ; autrement dit, il s'agirait pour le banquier d'insister sur les risques ou les conséquences négatives de l'octroi du prêt. 2°) l'obligation de mise en garde est subordonnée à deux conditions cumulatives, la qualité d'emprunteur (ou de caution) non averti(e) et l'existence d'un risque d'endettement. 3°) lorsque ces deux conditions cumulatives sont vérifiées et que la Banque se trouve alors tenue par ce devoir de mise en garde, il appartient à cette dernière de rapporter la preuve de ce qu’elle y a satisfait. 4°) la sanction d'un manquement du banquier dispensateur de crédit à son obligation de mise en garde réside dans la réparation de la perte de chance pour la caution de ne pas contracter pouvant, le cas échéant, donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts ; il ne prive pas cependant le banquier de la possibilité de se prévaloir du cautionnement, pas plus qu’il n'entraîne la décharge de la caution. En l’espèce, ainsi que la Banque le faisait observer, il ressortait des renseignements fournis par l’emprunteur lors de sa demande de prêt de 2005 qu'il exerçait depuis dix ans la profession de directeur commercial d'un société filiale du groupe Carrefour. Il avait en outre déclaré lors de la régularisation du contrat de franchise,

conclu en 2006 avec le franchiseur pour exercer les activités de conseil en gestion de patrimoine et, à terme, de conseil en investissements financiers, que son parcours professionnel et son expérience justifiaient de ses compétences pour exercer ces activités. Ainsi, pour considérer au cas d’espèce que la Banque n’était débitrice d'aucun devoir de mise en garde, la Cour de Rennes retient que celui-ci « était, tant lors de l'octroi des deux prêts consentis en 2005 que du concours consenti à sa société en 2006, un emprunteur et une caution avertis » et que « rien ne démontre que la Banque aurait eu, sur ses capacités de remboursement ou les chances de succès de son entreprise, des informations que lui-même aurait ignorées ». A rapprocher : F.-L. Simon, Comptes prévisionnels irréalistes et devoir de mise en garde de la Banque (à propos de CA Versailles, 5 novembre 2015, n°13/06537) ; v. aussi, Cass. ch. mixte, 29 juin 2007 (deux arrêts) : Juris-Data n° 2007-039908 et 2007-039909 ; RTD civ. 2007, p. 779, note P. Jourdain ; JCP G 2007, II, 10146, note A. Gourio ; D. 2007, p. 2081, note S. Piedelièvre. Délai légal de transmission de nouveaux tarifs envers

ses clients Avis n°16-4 de la CEPC du 14 janvier 2016

Ce qu’il faut retenir : En présence d’une clause d’indexation licite, l’application du nouveau tarif en résultant peut intervenir sans délai de prévenance, à moins qu’un tel délai ait été prévu par la clause. Pour approfondir : Une entreprise a interrogé la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) aux fins de savoir si l'application d'un changement de tarif par l'offreur de biens ou de services à son client est assujettie au respect d'un délai. Par l’avis commenté, la CEPC retient que : - en présence d'une clause d'indexation licite,

l'application du nouveau tarif en résultant peut intervenir sans délai de prévenance, à moins qu'un tel délai ait été prévu par la clause ;

- en l'absence de toute clause d'indexation, un

changement de tarif est envisageable dans le

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respect des obligations contractuelles et des articles L. 441-7, L. 441-8 et L. 442-6, I, 12° du Code de commerce. Le changement de tarif qui emporte une modification du contrat doit être acceptée par le client. À défaut d'accord, la rupture ne peut se faire qu'en respectant un délai de prévenance tenant compte de la durée de la relation si celle-ci peut être considérée comme une relation commerciale établie au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

A rapprocher : C. com., art. L. 440-1. La sous-caution peut se prévaloir de la disproportion

de son engagement CA Amiens, 7 juillet 2016, RG n°14/05361

Ce qu’il faut retenir : La sous-caution peut se prévaloir, sur le fondement de l’article L.341-4 du Code de la consommation, de la disproportion de ses engagements envers la caution. Si cette jurisprudence n’était pas encore pleinement établie, et nécessite encore confirmation par la Cour de cassation, l’arrêt commenté vient conforter cette solution. Pour approfondir : L’arrêt du 7 juillet 2016 de la Cour d’appel d’Amiens vient ici rappeler que la sous-caution peut se prévaloir de la disproportion de son engagement envers la caution. Cet arrêt vient confirmer un peu plus la jurisprudence retenue par les Cour d’appel de Paris et Nancy (CA Paris, Pôle 5, 6ème ch., 21 mai 2015, n° 12/03599 ; CA Nancy, 26 février 2015, n° 13/03266) ... sans toutefois qu’une position établie, validée par la Cour de cassation, ne soit encore confirmée. En l’espèce, une société souscrit un prêt auprès d’un établissement de crédit, prêt dont une société exerçant une activité de brasseur se porte caution. Parallèlement, deux personnes physiques se portent caution du brasseur. Lorsque l’emprunteuse tombe en redressement puis liquidation judiciaire, la caution se voit demander le remboursement du prêt auprès de la banque. Subrogé dans les droits de l’établissement de crédit, elle se retourne contre ses deux cautions à son tour. Cautionnement solidaire entre co-obligés, ou relations entre caution et sous-caution, la Cour d’appel d’Amiens vient rappeler la nuance : « le recours de la caution

contre la sous-caution est fondée sur la convention conclue entre elles et non sur la représentation mutuelle entre co-obligés, qui ne peut jouer entre la caution et la sous-caution puisque celle-ci n’est pas débiteur du créancier principal ». Quel régime, alors, pour la sous-caution ? Puisque le contrat entre la caution et la sous-caution est un contrat de cautionnement à part entière, la Cour d’appel vient rappeler qu’en vertu de l’article L.341-4 du Code de la consommation, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ». Or, en l’espèce, puisque c’est dans le cadre de son activité professionnelle que le brasseur est devenu caution, il a bien la qualité de créancier professionnel à l’égard de ses cocontractants : « les moyens tirés du formalisme et des obligations de fond imposés par le Code de la consommation lui sont [donc] opposables ». L’article L.341-4 est donc applicable, d’autant que cet article s’applique tant aux cautions profanes qu’aux cautions averties. Puisque l’appelante justifie s’être engagée de façon disproportionnée au regard de ses revenus, et n’avoir pas de patrimoine, la Cour d’appel casse l’arrêt d’instance qui l’avait condamnée à rembourser son créancier. Alors que la Cour d’appel de Lyon considérait la solution inverse, au motif que la caution n’était pas, au moment du sous-cautionnement, réellement créancier – cette qualité ne pouvant lui être octroyée qu’à partir du paiement fait à la banque (CA Lyon, 15 octobre 2015, n° 14/03568), la Cour d’appel d’Amiens lui reconnait cette qualité, et l’applicabilité de l’article L.341-4 du Code de la consommation. La position de la Cour de cassation sur cette question précise doit être attendue. L’arrêt met aussi en lumière les règles régissant, en la matière, la charge de la preuve. Ainsi, s’il appartient à la caution (soit les deux personnes physiques, ici) d’établir son impossibilité de faire face à ses engagements, « la charge de la preuve est inversée dans l’hypothèse où la disproportion est retenue, lorsque la situation patrimoniale de la caution doit être examinée au stade des poursuites ». C’est alors au créancier qu’il revient de prouver que les revenus et/ou patrimoine de sa caution peuvent le désintéresser. A rapprocher : Article L.341-4 du Code de la consommation.

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PROPRIETE INTELLECTUELLE & NOUVELLES TECHNOLOGIES

DATA & NUMERIQUE

Du nouveau pour l'action de groupe en matière de données à caractère personnel

Loi n°2016–1547 du 18 novembre 2016 Ce qu’il faut retenir : La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle introduit en droit français l’action de groupe en matière de données à caractère personnel. Limitée exclusivement à la cessation du manquement constaté, cette action de groupe ne permet pas aux personnes concernées d’obtenir la réparation de leur préjudice. Pour approfondir : A l'aube de l'entrée en application du Règlement européen en matière de protection des données à caractère personnel (« RGDP » ), réformant en profondeur le droit applicable en la matière, la loi informatique et libertés (« LIL ») connait une nouvelle modification. En effet, modifiée récemment par la loi pour une république numérique, la LIL est de nouveau modifiée par la loi n°2016–1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, qui introduit un nouvel article 43 ter relatif à une action de groupe en matière de données à caractère personnel.

1) Qu'est-ce que l'action de groupe ?

En droit français, l'action de groupe a été introduite par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Il s'agit d'une action permettant à des consommateurs, victimes d'un même préjudice de la part d'un professionnel, de se regrouper et d'agir conjointement en justice.

L’introduction d'une telle action suppose, d'une part, qu'au moins deux consommateurs estiment avoir subi un préjudice matériel résultant du même manquement d'un professionnel, et d'autre part, que des associations nationales agréées de défense des consommateurs agissent pour leur compte.

La loi de modernisation de la justice du XXIème siècle introduit à présent une action de groupe spécifique en matière de données à caractère personnel. La LIL est ainsi complétée d'un article 43 Ter prévoyant : « lorsque plusieurs personnes physiques placées dans une situation similaire subissent un dommage ayant pour cause commune un manquement de même nature aux dispositions de la présente loi par un responsable de traitement de données à caractère personnel ou un sous-traitant, une action de groupe peut être exercée devant la juridiction civile ou la juridiction administrative compétente ». Le législateur semble ainsi anticiper l'application des dispositions du RGDP qui prévoit déjà l'introduction d'une action similaire. Toutefois, à y regarder de plus près, la portée de cette action de groupe paraît plus limitée que celle prochainement introduite par le RGDP.

2) La portée de l'action de groupe en matière de données personnelles

Si l'action de groupe permet, normalement, aux personnes ayant subi un préjudice d'en obtenir la réparation, la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle limite considérablement l'action de groupe en matière de données personnelles. En effet, cette nouvelle loi ne permet pas la réparation du préjudice subi ; elle prévoit même expressément que cette action tend exclusivement à la cessation du manquement constaté. Ainsi, pourront exercer cette action, pour représenter les personnes concernées :

- les associations déclarées depuis cinq ans et ayant pour objet statutaire la protection de la vie privée et la protection des données à caractère personnel ;

- les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l'article L. 811-1 du Code de la consommation, lorsque le traitement de données affecte des consommateurs ;

- les organisations syndicales de salariés ou de fonctionnaires représentatives ou les syndicats représentatifs de magistrats de l'ordre judiciaire.

En conséquence, lorsque les personnes concernées subissent un préjudice matériel résultant d'un manquement à la réglementation applicable en matière de protection des données personnelles, elles ne trouveront pas totale satisfaction à exercer une action de groupe, dans la mesure où, outre la cessation

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du manquement, elles ne pourront pas obtenir réparation du préjudice qui en résulte. Cette position du législateur suscite des interrogations légitimes, notamment en termes d'effectivité de ce nouveau droit. En effet, le RGDP prévoit expressément la possibilité pour les personnes concernées de mandater un organisme, une organisation ou une association à but non créatif, pour qu'ils introduisent en leur nom une réclamation, exercent les droits qu'elles détiennent et exercent en leur nom le droit d'obtenir réparation de leur préjudice. L'action de groupe en matière de données personnelles, en ce qu’elle ne permet pas d'obtenir réparation du préjudice subi, est en contradiction avec les dispositions du RGDP (qui entreront en application en mai 2018). Bien qu'il s'agisse d'une nouveauté appréciable pour les personnes concernées d'obtenir la cessation d'un manquement via une action de groupe, le législateur français ne s'étant pas aligné avec le règlement européen et limitant les futurs droits des personnes concernées, l’effectivité des nouvelles dispositions de la LIL reste limitée car celles-ci ne trouveront à s’appliquer que durant une période réduite. En tout état de cause, les responsables de traitements doivent faire preuve de vigilance car il est fort à parier que l’ouverture d’une telle action aura pour conséquence de favoriser l’exercice des droits des personnes et l’introduction de plaintes et de réclamations.

A rapprocher : Article 43 ter de la LIL ; Article 91 de la

loi n°2016–1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et Article 80 du RGDP. Fouille électronique de documents : le débat autour

du projet de loi fait rage Réflexions à l’approche du vote du Sénat le 27

septembre 2016 Ce qu’il faut retenir : La fouille électronique de documents serait, selon ses partisans (dont notamment les laboratoires de recherche et les bibliothèques) une pratique incontournable, issue des technologies BIG DATA, permettant d'accélérer la recherche. Selon ses détracteurs, cette pratique mettrait en péril les droits de propriété littéraire et artistique.

Les deux positions s'affrontent en ce moment même, devant le Parlement, dans le cadre de la discussion du projet de loi pour une république numérique, pour laquelle un vote du Sénat est prévu le 27 septembre prochain, avant promulgation (probablement) début octobre. Retour sur un débat passionné et passionnant, qui suscite des questions juridiques importantes, dont l'enjeu économique est d'envergure. Pour approfondir : De quoi s'agit-il ? La fouille électronique de documents (en anglais « TDM » pour « Text and Data Mining ») correspond à « un processus de recherche automatisé qui porte sur un ensemble de données numériques, dans le but de découvrir de nouvelles connaissances ou de nouvelles idées » (CSPLA, Mission sur l'exploration des données « Text and Data Mining », juillet 2014). En pratique, il s'agit d'un procédé de recherche et d'analyse automatisé par lequel une machine (virtuelle, fonctionnant à partir d'algorithmes) consulte de grande quantités de documents/contenus numériques pour en extraire les informations pertinentes au regard des instructions de recherche paramétrées par l'utilisateur. La pratique du TDM met en œuvre deux principales étapes : tout d’abord, la consultation des données sources et leur analyse (reconnaissance des mots, phrases et relations) ; ensuite, l'interprétation de cette analyse, permettant de sélectionner les informations pertinentes et d'en extraire la valeur informationnelle. Ces deux étapes sont automatisées, c'est à dire réalisées par une machine. Cette technologie sert, par exemple, pour la recherche scientifique, afin de sélectionner plus rapidement la littérature utile pour un sujet. À titre d'exemple, c'est une technologie TDM qui a permis de cartographier le génome humain en compilant automatiquement trois millions de publications (voir le Projet dit « Text2genome »). Quelle est la problématique juridique ? Au regard du droit de la propriété littéraire et artistique (droit d'auteur et droit de producteur de base de données - appelé "droit sui generis"), le TDM suscite les questions suivantes : cette technologie met-elle en œuvre l'une des prérogatives du titulaire ? Dans l’affirmative, le TDM entre-t-il dans l'une des exceptions légales prévues pour ces monopoles ?

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Les arguments des partisans d'un libre usage Selon les utilisateurs du TDM, cette technologie est la simple robotisation du processus de lecture et d'analyse de documents. En absence de reproduction de la « forme » de l'information (dont seul le fond, c'est-à-dire la substance informationnelle, est reprise, tout comme la mémoire humaine qui permet, après avoir lu les documents, d'en mémoriser les idées essentielles), il n'y a ni acte de présentation / réutilisation (communication au public), ni acte de « reproduction / extraction » (reproduction ou transfert sur un autre support). À supposer même que l’on soit en présence d’une « reproduction/extraction », celle-ci, si elle est, en principe, « temporaire », et devrait donc bénéficier : - pour le droit d'auteur : de l'exception de copies

« provisoire » prévue par l'article L. 122–5, 6 du Code de la propriété intellectuelle ("CPI"), à la condition que ces reproductions soient dénuées de toute « valeur économique propre » ;

- pour le droit sui generis : de l'exception permettant à l'utilisateur légitime de la base de données d'effectuer « l'extraction ou la réutilisation d'une partie non substantielle » de celle-ci (CPI, art. L.342-

3, 1), sauf pour les opérations répétées et

systématiques lorsqu'elles « excèdent manifeste-ment les conditions d'utilisation normale de la base » (CPI, art. L.342-2).

Les arguments des partisans d'un usage soumis au

monopole Selon les éditeurs de contenus, le TDM impliqueraient des actes de reproduction (sans préciser s'il s'agit d'une reproduction provisoire ou non), de structuration, d'analyse et d'utilisation des résultats, parfois à des fins commerciales, qui relèveraient du droit d'auteur et nécessiterait leur autorisation. Sur un plan pratique, les éditeurs font valoir que : - la fouille électronique de documents nécessite

souvent la réalisation d'investissements importants, notamment pour la mise en place d'un environnement technique spécifique, qui justifierait une rémunération supplémentaire pour ce type d'usage ;

- des utilisateurs mal intentionnés pourraient profiter

de ces technologies TDM pour télécharger et

diffuser des publications issues de ces bases de données, en dehors de tout contrôle.

Que faut-il retenir du projet de loi ? Sans avoir véritablement approfondi l’analyse sur le fait de savoir si les technologies TDM pourraient – ou non – se prévaloir de l’une des deux exceptions légales précitées, le Gouvernement a tenté de faire inscrire, dans le projet de loi pour une république numérique, une nouvelle exception dédiée aux TDM, visant les « copies ou reproductions numériques réalisées (…) en vue de l’exploration de textes et de données incluses ou associées aux écrits scientifiques pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité commerciale ». Comprenant qu’il était impossible de faire inscrire une nouvelle exception dans le CPI, non prévue par la Directive communautaire DADVSI 2001/29, le Sénat avait précédemment adopté, dans sa version du texte adopté le 3 mai 2016, une disposition déclarant non valables les clauses qui, dans les contrats conclus entre les éditeurs et les organismes de recherche, interdisent "la fouille électronique de ces documents pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité (...) commerciale". Appréciation critique On peut regretter que le débat parlementaire n’ait pas permis de répondre clairement à la question de fond posée par l’usage du TDM : la lecture et l’analyse par des machines de contenus informationnels mettent-ils en œuvre le droit d’auteur et le droit de producteur de base de données ? Les arguments de ceux qui le prétendent prêtent à discussion. En effet : (i) Soit les outils de TDM impliquent une véritable « reproduction/extraction », ou bien une véritable « représentation/réutilisation », et alors la sanction existe déjà : il y a contrefaçon ; nul besoin d'un texte législatif pour le préciser, et encore moins pour créer une exception au monopole, car une exception permettant des reproductions permanentes serait dangereuse ;

(ii) Soit ces outils effectuent une simple reproduction « provisoire » des contenus analysés, et ne concernent qu’une partie non substantielle de la base de données explorée, et alors ils devraient bénéficier de l’exception de copie « provisoire » (droit d’auteur) ainsi que de celle l’exception d’usage normal (droit sui generis). L'argument de certains éditeurs, faisant état des gains économiques que confère l’usage de ces technologies à leurs utilisateurs, ne résiste pas à l'analyse : il est

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entendu que seul un revenu direct tiré des reproductions écarte l’exception de copie provisoire, et non un simple gain de productivité sur une activité connexe (CJUE 17 janvier 2012, « Infopaq II », aff. c–302/10, point 52) ; décider le contraire aboutirait à interdire à des moteurs comme Google de « fouiller » les contenus du web (ce qu’ils font) pour permettre aux internautes de trouver des corrélations pertinentes sur la base de leurs requêtes, au seul motif que cet outil confère des gains de productivité aux utilisateurs…

(iii) Soit, enfin, ces outils n'impliquent aucune reproduction / extraction, ni aucune représentation / réutilisation, et alors on peine à comprendre pour quelle raison valable l'usage de ces technologies devrait être soumis au monopole des droits privatifs intellectuels. En tout état de cause, ces producteurs peuvent parfaitement, nous semble-t-il, monnayer l’accès à leur base dans un format permettant l’utilisation de ces technologies, puisque les coûts de configuration technique sont un de leurs arguments pour plaider l'application du monopole à ces technologies. Pour finir, une réflexion d’ordre sémantique : la notion de « fouille » électronique rappelle la découverte d’un bien enfoui, d’un trésor par exemple. En mettant à jour des corrélations jusqu’alors insoupçonnées, car enfouies dans des documents, l’exploitant d’une technologie TDM ne devrait-il pas, à l’instar d’un chercheur de trésor, bénéficier du fruit de sa découverte, ainsi que le prévoit d’ailleurs expressément l’article 716 du Code civil ? Il est vrai, néanmoins, que ce dernier texte prévoit une répartition à parts égales entre l’inventeur du trésor et le propriétaire du fonds, ce qui plaide pour un partage de la valeur, appuyant en cela la position des producteurs de bases de données. Mais ce fondement aurait alors le mérite, nous semble-t-il, d’être plus exact sur le plan juridique, que ceux qui s’appuient sur les droits de propriété intellectuelle de manière discutable. Le débat devra être suivi de près, puisque le projet de loi sera prochainement soumis au vote parlementaire. A rapprocher : Projet de loi pour une République numérique : Texte de la commission mixte paritaire (séance du 20 juillet 2016).

En marche vers le marché unique numérique ! Adoption du Règlement général sur la Protection des

Données Personnelles, le 14 avril 2016 Ce qu’il faut retenir : Le 14 avril 2016, le Parlement Européen a voté l'adoption finale du Règlement Général sur la protection des Données Personnelles ("Règlement" ou "RGDP"). Attendu et annoncé depuis plus de 4 ans, ce texte historique pose le nouveau cadre juridique, auquel une grande majorité d’entreprises, quel que soit leur secteur ou leur lieu d’établissement, doivent se conformer, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu'à 4 % de leur chiffre d'affaires réalisé. Retour sur les grands bouleversements qu'entraîne ce nouveau texte et les indispensables chantiers que doivent lancer dès à présent les entreprises. Pour approfondir : Pourquoi une nouvelle réglementation ? Avec la loi du 6 janvier 1978 (dite "informatique et libertés"), votée à l'ère de la première génération d'ordinateurs, la France a eu le mérite, parmi les premières, de poser un cadre juridique réglementant les traitements de données personnelles. Il s'agissait, à l'époque, de garantir les droits des citoyens à l'égard des administrations qui s'informatisaient. Ce texte, qui, à l'origine, n'était pas conçu pour régir les traitements de données massifs réalisés par les entreprises à partir du début des années 2000, avait vieilli et restait trop peu appliqué : de trop faibles sanctions prévues par les textes (150 000 € d'amende maximal prononcée par la CNIL) l'expliquent sûrement en partie. Avec la révolution digitale, de nouvelles menaces sont apparues pour la vie privée des personnes. Une réponse européenne était devenue nécessaire, tant pour défendre les droits fondamentaux, que pour bâtir les fondements d'un marché unique numérique. Les récents arrêts "Google Spain" (13/05/14, C-131/12) et "Schrems" (06/10/15, C-362/14), rendus par les magistrats communautaires, en témoignent. Adopté le 14 avril 2016, après 4 ans de négociation, par les autorités communautaires, le nouveau Règlement marque une étape historique. Tous concernés par le Règlement ("RGDP"). Toutes les entreprises étrangères devront se soumettre à ce nouveau Règlement dès lors qu'elles s'adressent à des personnes situées en Union Européenne ("UE"), même si elles ne sont pas matériellement établies dans cette zone. L’urgence de lancer le chantier de la mise en conformité. Le RGDP entre en vigueur 20 jours après sa publication au Journal Officiel de l'Union Européenne,

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c'est-à-dire avant l'été 2016. Les entreprises ont ensuite jusqu'en 2018 pour se mettre en conformité avec l'ensemble des nouvelles obligations. Deux ans : ce n'est pas de trop pour mettre en œuvre toutes les obligations du nouveau règlement, dans les chantiers sont vastes et nombreux ! Les impacts du RGDP sur les entreprises. Sur le plan interne, les entreprises devront désigner un délégué à la protection des données ("Data Protection Officer" ou "DPO"), chargé de contrôler la conformité de l'entreprise à la réglementation en matière de protection des données. Cette désignation devra faire l’objet d’une définition de fiche de poste minutieuse. Les entreprises devront également mettre en place des procédures internes formalisées par la constitution et la tenue d’un registre des traitements, des procédures d’audit et de gestion des plaintes, des études d’impact, un plan de formation des membres du personnel…. Sur le plan externe, les entreprises devront : - garantir de nouveaux droits aux personnes

concernées, tel que le droit à la portabilité qui suggère en amont de prévoir des formats de données interopérables ;

- satisfaire à de nouvelles obligations d'information, ce qui implique qu’elles se lancent dans un diagnostic sur les caractéristiques de chacun de leurs traitements, puis qu’elles travaillent à réécrire l'ensemble de leurs mentions d'information ;

- établir un contrat écrit avec leurs sous-traitants ("ST"), qui devra contenir des clauses impératives ; les entreprises, en leur qualité de responsable de traitement ("RT"), devront se lancer sans tarder dans un chantier de rédaction/aménagement de leurs clauses contractuelles, et ce d'autant que le nouveau texte instaure une responsabilité solidaire "RT/ST" dont le contenu est aménageable.

Cette réforme offre l'occasion, pour toutes les entreprises, d'accélérer ou de parfaire leur transformation digitale, en adaptant leur organisation et l'usage qu'elles font de leurs données, pour sécuriser et valoriser leur actif "Data" au vu de cette nouvelle réglementation. A rapprocher : Communiqué de Presse du Parlement européen et note d’information.

Loi pour une République Numérique : la poursuite du

mouvement « open data » !

Ce qu’il faut retenir : À peine 9 mois après l’adoption de la loi dite « Valter » (L. n° 2015-1179, 28 déc. 2015), ayant consacré le principe de gratuité pour les informations du secteur public, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 « pour une république numérique » modifie substantiel-lement le Code des relations entre le public et l’administration (« CRPA »). Elle constitue le deuxième acte d’une pièce qui s’inscrit dans une démarche législative globale en faveur de l’ouverture des données publiques. Ce mouvement, que certains dénomment « open data », plaide pour la circulation des données générées par le secteur public. Pour approfondir : 1/- Qu’est-ce que « l’open data » ? À l’image des infrastructures physiques, les données générées par le secteur public doivent être librement accessibles à tous, dans le but de libérer les énergies, renforcer la démocratie et permettre l’éclosion de nouvelles activités à forte valeur ajoutée, pouvant s’appuyer sur des informations disponibles immédiatement et accessibles à tous. 2/- Pourquoi une nouvelle loi, à peine 9 mois après la loi Valter ayant déjà réformé l’open data ? Des raisons diverses, et notamment politiques, n’avaient pas permis au législateur d’achever ce mouvement, lors de l’adoption de la loi Valter dont les principales critiques concernaient le fait qu’elle maintenait hors du champ de la libre réutilisation, les données produites ou détenues dans le cadre d’une mission de service public industriel et commercial (« MSPIC »), et avait créé d’importantes exceptions au principe de gratuité sur la base de règles imprécises et confuses. Appelé de ses vœux par le secteur privé, observé avec circonspection de la part de certaines administrations, le mouvement open data tangue parmi ces deux courants contraires, entre lesquels le législateur a dû arbitrer.

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3/- Les apports de la loi pour une république numérique en matière d’open data 3.1/- Les dispositions en faveur de l’ouverture des informations publiques ● L’instauration de l’obligation de diffusion spontanée Les administrations devront désormais diffuser spontanément, « en ligne », les documents administratifs et éléments suivants : 1° Les « documents qu’elles communiquent en application des procédures prévues au présent titre, ainsi que leurs versions mises à jour » ; 2° Les documents qui figurent dans le « répertoire » des principaux documents administratifs ; 3° Les « bases de données, mises à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs » ; 4° Les « données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental » ; 5° Les règles algorithmiques fondant une décision individuelle ; 6° Les données produites par les délégataires d’une mission de service public ; 7° Les « données de référence », qui sont définies comme des données qui (i) constituent « une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services, des territoires ou des personnes », (ii) sont réutilisées « fréquemment par des personnes publiques ou privées autres que l’administration qui les détient », et (iii) dont la réutilisation « nécessite qu’elles soient mises à disposition avec un niveau élevé de qualité ». Cette nouvelle disposition sera précisée par un décret en Conseil d’État et « au plus tard six mois après la promulgation » de cette loi : autrement dit, au plus tard le 7 avril 2017. ● L’extension matérielle des droits d’accès et de réutilisation La loi nouvelle : - ajoute à la liste des « documents administratifs »,

qui sont soumis à un libre droit d’accès, les « Codes sources » ;

- fait entrer les données produites dans le cadre

d’une MSPIC, dans le champ des « informations publiques » soumises à libre réutilisation.

La portée de cette dernière nouveauté est considérable. Ainsi, les données produites par des organismes comme la SNCF, la RATP, l’ONF, le CNES –

qui exercent tous, au moins en partie, une MSPIC – basculent désormais dans le champ de la libre réutilisation, dont elles étaient jusqu’alors préservées. Ces organismes devront se réorganiser en conséquence, afin de pouvoir satisfaire aux demandes – que peut désormais leur adresser toute personne – d’accès et de réutilisation de leurs données, soumises en principe (sauf dérogation) au principe de gratuité. 3.2. Les dispositions qui restreignent l’ouverture des informations publiques ● L’élargissement des motifs d’incommunicabilité en matière de sécurité et de cyber-sécurité Parmi les motifs pouvant frapper d’incommunicabilité certains documents administratifs, la loi nouvelle a ajouté aux motifs déjà existants celui de la « sécurité des personnes » ainsi que celui de la « sécurité des systèmes d’information des administrations ». Cette modification vise clairement à éviter l’instrumentalisation du droit d’accès par des cyber-attaquants qui pourraient ainsi accéder à des informations – dont des Codes sources – et leur permettre ensuite de déjouer les dispositifs de cyber-sécurité mis en place par les personnes publiques. ● La reconnaissance du droit sui generis de certaines administrations pour s’opposer à la libre réutilisation des bases de données qu’elles diffusent La loi nouvelle prévoit la possibilité, pour les administrations d’invoquer leur droit de producteur de base de données (« droit sui generis »), pour s’opposer à une demande de réutilisation lorsque la MSPIC qu’elles exercent est « soumise à la concurrence » (art. L.321-1 du CRPA). 4/- Prospective : la timidité de l’approche « open data » s’expliquerait-elle par la pauvreté de l’approche fiscale des données ? La Loi pour une République Numérique aboutit à un résultat tout en nuance : le mouvement « open data », appelé de ses vœux par le secteur privé, n’est pas pleinement consacré. Ce paradoxe pourrait trouver une partie de son explication la pauvreté de l’approche fiscale des données. À l’heure où plus personne ne conteste que la donnée est devenue un élément d’actif, ne faudrait-il pas que le législateur conçoive une fiscalité applicable à certaines données, en coopération avec ses partenaires européens et internationaux ?

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La volonté de générosité affichée par le législateur est contrebalancée par le souci – légitime – de ne pas ouvrir trop largement les ressources publiques, qui sont financées par l’impôt, lequel est majoritairement acquitté par des entreprises domiciliées en France et que les géants de l’Internet parviennent bien souvent à contourner, sans se priver d’offrir sur le marché français de nouveaux services utilisant massivement les données dont une partie provient des administrations. Voilà qui plaide, une fois de plus, pour l’émergence d’un « droit des données », avec sa composante fiscale qui devra appréhender la donnée comme une valeur et qui, tout en ayant le souci de maintenir attractif notre territoire, devra édicter des règles, simples et claires, pour que, enfin, ceux qui réalisent des investissements – notamment les pouvoirs publics – en matière de données en retirent les fruits. L’open data, qui offre un partage des données publiques (voulues comme des ressources communes), exige que leur valeur soit également partagée notamment à travers la fiscalité.

Les Data : nouveau pétrole de l’économie ! Acquisition de LinkedIn pour 26 milliards USD

Pourquoi Microsoft a cassé sa tirelire, 13 juin 2016 Ce qu’il faut retenir : Microsoft rachète LinkedIn pour 26 milliards de dollars, un montant qui illustre le caractère désormais incontournable et stratégique de l’actif que constituent les données. Si de plus en plus d’entreprises, d’acteurs, semblent profiter aujourd’hui du « Data Asset », cette démarche implique de développer une démarche juridique 360, qui appréhende la Data sous toutes ses dimensions juridiques. Pour approfondir : Inattendu et surtout historique, le montant de l’acquisition de LinkedIn est le plus important réalisé par Microsoft depuis sa création ! Il confirme, s’il y en avait le besoin, que les données (« data ») sont désormais un actif incontournable et surtout stratégique. Cette actualité économique est l’occasion de revenir sur la tendance que suivent désormais de plus en plus d’entreprises : le « Data Asset », ou la valorisation du patrimoine de données d’entreprise. Cette stratégie, suivie par Microsoft à travers cette acquisition mais

aussi par d’autres, a permis à certaines d’entre elles de transformer leur modèle économique pour s’adapter aux nouveaux besoins de leurs clients. Cette démarche doit impérativement s’accompagner d’une approche juridique « data 360 », pour sécuriser et valoriser ce nouvel actif du 21ème siècle qu’est la donnée, sous toutes ses formes. La démarche Data Asset : valoriser l’entreprise et

créer de nouveaux services En rachetant LinkedIn, Microsoft entend enrichir son offre par de nouveaux services à forte valeur ajoutée comme, notamment, l’intermédiation ou la recommandation d’affaires : « Avec notre croissance autour d'Office 365 (...), ce rachat est fondamental si nous avons l'ambition de réinventer la productivité et le travail », explique Satya Nadella dans une note interne envoyée aux salariés du groupe. « Cela va ouvrir la voie à de nouvelles expériences, comme un flux d'actualités LinkedIn qui enverra des articles en lien avec l'objet de votre travail. Office pourra également vous proposer l'aide d'un expert, en analysant la tâche que vous essayez d'accomplir », indique un responsable de Microsoft (nous soulignons). On perçoit aisément le bénéfice de cette stratégie pour Microsoft : une nouvelle activité et source de revenus, ainsi que l’opportunité de consolider et enrichir les données sur ses clients. L’utilité de ce type de fonctionnalité existe également pour les utilisateurs : gain de temps dans la recherche de prestataires éventuels, optimisation des tâches… Sur un plan pratique, ce type de fonctionnalité devrait impliquer, en toute logique, des opérations d’interconnexion entre les données que Microsoft détient sur ses clients, utilisateurs d’Office, et les utilisateurs de LinkedIn, ce qui est encadré par un régime juridique strict. De nombreuses autres entreprises se sont lancées à la conquête de nouvelles activités en investissant dans des technologies digitales « data oriented ». Ainsi, le groupe « Clear Channel », leader dans le secteur de la publicité urbaine, a témoigné, lors de la conférence CIO « Data Asset » du 14 avril 2016, de l’importance des données dans la révolution numérique de son activité. Appartenant à un groupe américain présent dans 28 pays, qui réalise un chiffre d’affaires d’environ 3 milliards de dollars, la filiale française de Clear Channel, première Business Unit du groupe en dehors des États-Unis, a remporté d’importants appels d’offres il y a quelques années et a déployé, à cette occasion, un millier de dispositifs numériques dans des centres commerciaux de première envergure. Véritables objets connectés, ces panneaux communicants reçoivent certaines données sur la fréquentation des centres

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commerciaux, les parcours clients à l’intérieur d’un point de vente… Cette stratégie a permis à l’entreprise de mieux mesurer et maîtriser son audience. Ce capital « data » constitue une source de valeur de premier plan. Comme tout autre actif incorporel (brevets, marques…), les données doivent faire l’objet d’une démarche juridique de mise en conformité de protection. La nécessité d’une démarche juridique 360 Sur le plan juridique, la « data » doit être appréhendée sous toutes les qualifications juridiques qu’elle implique : un bien patrimonial susceptible de commerce, mais également un élément de la vie privée concernant les données personnelles, un facteur de risque au regard de la cyber-sécurité… La méthode suivie jusqu’à présent par les entreprises, travaillant souvent en silos (par spécialité juridique et/ou sectorielle) aboutit à des analyses cloisonnées qui empêchent l’émergence de processus vertueux et de bonnes pratiques conformes à l’ensemble des contraintes règlementaires. Cette situation génère des risques non maîtrisés portant sur l’usage des données. L’approche transversale consiste à dégager des principes juridiques généraux applicables à toutes les données, à travers les règles de droit commun [la propriété, la vie privée (données personnelles) et la responsabilité (cyber-sécurité)], et les règles sectorielles applicables. Les entreprises qui auront adopté cette démarche, y trouveront plusieurs avantages : limiter le risque de plaintes/revendications, mais aussi et surtout se différencier des concurrents en restaurant la confiance les unissant à leurs clients. Le commerce des data, tout juste émergeant, est peut-être le signe d’une nouvelle ère : celui où la monnaie serait remplacée par le capital « confiance ». Les juristes ont leur rôle à jouer à ce sujet. A rapprocher : Voir notre interview sur la protection des données, grand défi juridique de demain ; et http://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/0211025073533-avec-le-rachat-de-linkedin-microsoft-signe-sa-plus-grosse-acquisition-2006069.php.

Plus que 10 mois pour mettre en conformité ses fichiers clients et prospects !

Le 14 septembre 2016 a été publiée au Journal Officiel une nouvelle délibération de la CNIL modifiant la norme simplifiée n°48 qui fixe un cadre juridique pour les traitements de données relatifs à la gestion de clients et de prospects («NS-48 »). Toutes les entreprises ayant déclaré leurs fichiers clients en référence à la NS-48, avant sa modification, disposent désormais d’un délai de 12 mois à compter de sa publication pour se mettre en conformité, sans qu’il soit nécessaire de réaliser une nouvelle formalité auprès de la CNIL. Entre nouvelles contraintes et nouvelles opportunités, retour sur les nouveautés majeures ! 1. La prise en compte de la liste d’opposition au

démarchage téléphonique

Depuis le 1er juin 2016, les consommateurs qui ne souhaitent pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peuvent s’inscrire gratuitement sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique prévue par les articles L. 223-1 et suivants du Code de la consommation. Ce nouveau droit a été sérieusement pris en compte par la CNIL et a notamment justifié la modification de la NS-48. Ainsi, la NS-48 prévoit explicitement l’interdiction de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur la liste d’opposition, sauf en cas de relations contractuelles préexistantes. En conséquence, si le démarchage des clients reste possible, celui des prospects devra préalablement faire l’objet d’une vérification de la liste d’opposition. Il en sera de même pour toute opération de location ou de vente des fichiers contenant des données téléphoniques. En pratique, les entreprises devront – avant chaque opération de prospection par voie téléphonique – soumettre leur fichier prospects non-clients à l’organisme en charge de la liste d’opposition, afin que celui-ci le purge des données relatives aux personnes ayant manifesté leur opposition. 2. Elargissement des finalités de traitement et des

données collectées relatives aux moyens de paiement

D’une part, la nouvelle NS-48 prévoit un élargissement des finalités pouvant être poursuivie dans le cadre d’un fichier clients et prospect. Effectivement, a été intégrée

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la possibilité de réaliser une sélection de clients pour réaliser des études, sondages et tests produits. Par ailleurs, la CNIL a prévu d’intégrer aux finalités de traitement des données clients/prospect, l’actualisation des fichiers de prospection par l’organisme en charge de la gestion de la liste d’opposition au démarchage téléphonique, à savoir Bloctel. Cet organisme a également été intégré à la liste des personnes habilitées à traiter les données et destinataires des informations. D’autre part, la nouvelle délibération de la CNIL prévoit de nouvelles catégories de données pouvant être collectées : les cookies et autres traceurs dès lors que leur traitement est réalisé dans le respect de sa délibération n° 2013-378 du 5 décembre 2013. 3. Les durées de conservation L’une des modifications majeures de cette nouvelle NS-48 et à laquelle les entreprises devront être particulièrement vigilantes concerne les durées de conservation. Si jusqu’alors, il était possible de conserver les données des clients pendant toute la durée de la relation commerciale et les données des prospects non-clients pendant un délai de trois ans à compter de leur collecte ou du dernier contact émanant du prospect, la CNIL a apporté de nouveaux éclairages. S’agissant des clients, une conservation de leurs données à des fins probatoires peut être réalisée au-delà de la période de la relation commerciale sous réserve que cette conservation se fasse sous forme d’archive intermédiaire. Cet archivage devra nécessairement faire l’objet d’une politique d’archivage. Une conservation des données à des fins d’analyses ou d’élaboration de statistiques agrégées, au-delà de la relation commerciale, reste également possible sous réserve que les données soient anonymisées de manière irréversible. S’agissant des données relatives aux prospects non-clients, elles ne peuvent être conservées plus de trois ans à compter de leur collecte ou du dernier contact émanant du prospect. La NS-48 apporte une précision intéressante puisque elle intègre le clic sur un lien hypertexte contenu dans un courriel comme exemple de contact. Elle précise néanmoins que

l’ouverture d’un courriel ne peut être considérée comme un contact émanant du prospect. S’agissant de la conservation des données de cartes bancaires, leur conservation peut désormais être différée à la réception du bien, augmentée, le cas échéant, du délai de rétractation prévu pour les contrats conclus à distance et hors établissement. Si les données sont conservées plus longtemps, un consentement via un acte de volonté explicite, recueilli par exemple par l’intermédiaire d’une case à cocher, non pré-cochée par défaut est nécessaire. La CNIL recommande en outre l’insertion sur les sites marchands d’un moyen simple et gratuit de revenir sur le consentement donné pour la conservation des données de la carte, afin de faciliter les achats ultérieurs. Enfin, concernant les statistiques de mesure d’audience ainsi que les données de fréquentation, la nouvelle NS-48 prévoit que les informations stockées dans le terminal des utilisateurs peuvent désormais être conservées pendant une durée n’excédant pas treize mois (contre 6 mois auparavant). Enfin, lorsque l’utilisation d’un service en ligne donne lieu à la création d’un compte utilisateur, les données doivent être effacées dès que le compte est supprimé. En pratique, se posait régulièrement la question des comptes n’enregistrant aucune activité. A ce sujet, la CNIL précise que lorsque le compte n’est plus utilisés depuis un certain laps de temps par l’utilisateur, il appartient au responsable de traitement de prévoir un délai pour déterminer la durée à partir de laquelle le compte doit être considéré comme un compte inactif. Au terme de ce délai, les données devront être supprimées après en avoir averti l’utilisateur et lui avoir donné la possibilité de manifester sa volonté contraire. A titre indicatif, la CNIL précise qu’une durée de deux ans semble par exemple appropriée pour un compte créé sur un site de rencontres. Si cette nouvelle NS-48 ne se révèle pas fondamentalement inédite, elle a le mérite de mettre à jour les engagements des responsables de traitement au regard des nouvelles dispositions du Code de la consommation et du Code des postes et des communications électroniques en matière de démarchage et de la doctrine de la CNIL en matière de durée de conservation et de recours aux outils de traçabilité en ligne.

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Le délai de mise en conformité avec ce nouveau cadre s’éteindra le 14 septembre 2017, soit la veille de l’entrée en application du nouveau règlement européen en matière de protection des données personnelles.

Marché unique du numérique : nouvelles règles Commission Européenne, communiqué IP/16/1887, 25

mai 2016 Ce qu’il faut retenir :

En marche pour le marché unique numérique, la Commission Européenne a proposé de nouvelles règles pour le commerce électronique. A destination des consommateurs et des entreprises, ces règles visent la lutte contre le blocage géographique et les discriminations fondées sur la nationalité ou un critère assimilé, la transparence dans les livraisons transfrontalières de colis, et l’augmentation de la confiance des consommateurs vis-à-vis du commerce électronique. La proposition doit encore être acceptée par le Conseil de l’UE et le Parlement, afin d’être adoptée par règlement, d’ici 2017.

Pour approfondir :

Le marché unique du numérique, ambition relativement récente de l’Union Européenne, vient de faire l’objet d’un communiqué de la part de la Commission Européenne. Ces règles, érigées pour les entreprises, mais aussi et plus encore pour les consommateurs, cherchent à renforcer l’harmonisation du commerce électronique dans les pays de l’Union européenne. L’objectif ? « Nous voulons résoudre les problèmes qui empêchent les consommateurs et les entreprises de tirer pleinement profit des possibilités d’acheter et de vendre des produits et des services en ligne » (Andrus Ansip, vice-président pour le marché unique numérique). Déjà en décembre 2015, des propositions législatives pour la modernisation des contrats de vente en ligne et à distance avaient été faites. Sur le modèle du régime des libertés de circulation, construites petit à petit par la jurisprudence de la Cour Européenne de Justice, dans ce nouveau communiqué, la Commission propose un paquet législatif sur trois plans : (1) La lutte contre le blocage géographique et toute discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence, ou le lieu d’établissement – sauf en cas de

justification objective (ordre public, TVA, etc.). Cela n’implique toutefois pas d’obligation de vente, ni d’obligation de livrer dans toute l’UE, et ne s’impose pas aux plus petites entreprises. La proposition comprend l’interdiction du blocage d’un site internet ou le réacheminement automatique sans l’accord du client, la possibilité pour tout client de se faire livrer dans le pays du professionnel comme les clients locaux, l’accès à tout service produit par voie électronique dans n’importe quel pays de l’UE (cloud, stockage de données, etc.), etc. Par ailleurs, les moyens de paiements devraient être identiques pour tous, sauf justification objective. A noter que les services de transport, d’audiovisuel, et services financiers de détail sont exclus de cette proposition.

(2) Favoriser la concurrence, l’accessibilité, la transparence dans les livraisons de colis transfrontalières. Entre autres, des listes publiques de tarif des prestataires de service universel seront publiées par la Commission afin de parvenir à ces objectifs, la surveillance règlementaire des prestataires de service de livraison de colis sera renforcée, et une évaluation du caractère abordable des prix sera effectuée. L’idée serait pour la Commission européenne de « faire le point » en 2019 sur les avancées, et de prendre, si nécessaire, des mesures plus contraignantes ;

(3) Accroitre la confiance des consommateurs vis-à-vis du marché unique du numérique, du commerce électronique. Les autorités nationales pourront contrôler les sites internet pratiquant le blocage géographique, ordonner le retrait des sites hébergeant des arnaques, requérir des informations afin de déterminer l’identité des responsables, etc. Le but recherché est l’équilibre entre les intérêts des consommateurs et la sécurité juridique pour les entreprises. Ce communiqué, accompagnant déjà les deux propositions de décembre 2015, devrait encore être complété par une proposition de simplification de la TVA, d’ici l’automne 2016. Il est accompagné en parallèle d’une proposition d’actualisation des orientations en matière de pratiques commerciales déloyales. Ces orientations, visant à protéger les consommateurs contre toute information trompeuse de la part des professionnels ou toute pratique agressive, ne modifieront pas la législation existante, mais

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permettront d’adapter la directive déjà existante aux pratiques commerciales en ligne les plus récentes, et de l’interpréter en phase avec les évolutions de la jurisprudence. La proposition devrait être adressée au Conseil de l’UE ainsi qu’au Parlement européen, avant de pouvoir être formellement adoptée sous forme d’un règlement. L’objectif serait qu’il entre en vigueur en 2017. A rapprocher : Voir aussi notre commentaire sur le marché unique numérique et l’adoption du Règlement général sur la Protection des Données Personnelles, 14 avril 2016.

Valeur économique de la donnée Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016

Ce qu’il faut retenir : La Loi pour une République numérique publiée le 8 octobre 2016 prévoit de nombreuses mesures pour traiter de la valeur économique de la donnée, de la protection des citoyens et de l’accès au numérique. Pour approfondir : Divisée en trois grands titres, la loi présente les ambitions suivantes :

Libérer l'innovation en faisant circuler les informations et les savoirs pour armer la France face aux enjeux globaux de l'économie de la donnée. Il est ici question d’open data des données publiques et des données d’intérêt général d’acteurs du secteur privé en charge d’une mission de service public : ainsi, les documents publiques, décisions de justice anonymisées, devront être publiés dans un « standard ouvert, (…) aisément exploitable par un système de traitement automatisé. Une grande consultation publique a eu lieu jusqu’au 20 octobre concernant la création du service publique de la donnée (SPD) pour recueillir les avis des utilisateurs. La loi introduit également la possibilité d’effectuer des fouilles électroniques de documents (connue également sous l’acronyme TDM : text and data mining), thème auquel nous avons déjà consacré des développements à l’occasion d’un article dans les jours précédant le vote du Sénat.

Créer un cadre de confiance clair, garant de droits des utilisateurs et protecteur des données personnelles. A cette fin sont notamment envisagés par la loi : - la neutralité du net pour garantir un accès non

discriminé à tous les acteurs économiques, - la portabilité des données permettant à chacun de

récupérer ses données pour faire jouer la concurrence,

- l’information loyale des plateformes en particulier sur les données qu’elles référencent concernant les individus,

- la protection de la vie privée : la mort numérique est traitée par la loi permettant à chacun de décider de ce que deviendront ses données après son décès, le « revenge porn » est pénalisé.

Construire une République numérique ouverte et inclusive, pour que les opportunités liées à la transition numérique profitent au plus grand nombre. L’ambition est de permettre l’accélération de la couverture haut débit sur le territoire, un droit au maintien de la connexion internet pour les personnes en difficulté financières (à l’instar de l’électricité), l’e-sport connait également une reconnaissance légale. A rapprocher : Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 - M. Bourgeois : Fouille électronique de documents : le

débat autour du projet de loi fait rage.

Liens hypertextes vers des œuvres et contrefaçon CJUE, 8 septembre 2016, aff. C-160/15

Ce qu’il faut retenir : Le lien hypertexte pointant vers un site reproduisant illicitement une œuvre peut être un acte de contrefaçon lorsqu’il est réalisé dans un but lucratif. Pour approfondir : Comment envisager le lien hypertexte qui renvoie vers un site sur lequel une œuvre protégée est librement disponible sans l’autorisation de l’auteur ? Ce lien hypertexte doit-il être considéré comme une communication au public au sens de l’article 3 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 ? Telle était la question préjudicielle posée à la CJUE dans cet arrêt.

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C’est l’élément intentionnel qui va déterminer la réponse de la Cour : « Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que, afin d’établir si le fait de placer, sur un site Internet, des liens hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une «communication au public » au sens de cette disposition, il convient de déterminer si ces liens sont fournis sans but lucratif par une personne qui ne connaissait pas ou ne pouvait raisonnablement pas connaître le caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site Internet ou si, au contraire, lesdits liens sont fournis dans un tel but, hypothèse dans laquelle cette connaissance doit être présumé…. ». Que faut-il retenir ? A l’occasion d’un précédent arrêt (CJUE, 13 févr. 2014, aff. C-466/12) la Cour avait indiqué que la création d’un lien pointant vers un site internet proposant des œuvres en accès libre ne constituait pas un acte de communication au public, dès lors qu'aucun public nouveau n'était atteint. Par cet arrêt, la Cour affine son analyse et invite les juridictions à s’intéresser aux motivations de l’auteur du lien pour déterminer si, in fine, ce lien sera licite ou non. Un lien hypertexte peut donc être constitutif d’un acte de contrefaçon lorsqu’il pointe vers un site lui-même illicite comportant une reproduction d’œuvre protégée. Cela dépend, notamment, des mobiles de l’auteur du lien. On le comprend, la difficulté sera à l’avenir d’apprécier le « but lucratif » ou non de l’auteur du lien litigieux. A rapprocher : Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 - CJUE, 13 février 2014, aff. C-466/12.

Liens hypertextes : la fin de l’immunité ! CJUE, 8 septembre 2016, aff. C-160/15

La décision était attendue. Notamment parce que l’avocat général avait rendu, en avril dernier, des conclusions remarquées, plaidant pour une certaine immunité des auteurs de liens hypertexte. La solution rendue est inattendue.

En prenant le contrepied de son avocat général, les juges communautaires posent deux principes :

Le placement d’un lien hypertexte, pointant vers un site cible diffusant des contenus contrefaisants, expose son auteur à des sanctions si celui-ci avait (ou devait raisonnablement avoir) connaissance du caractère illicite de ce site ;

Cette connaissance est présumée si l’auteur du lien a agi dans un but lucratif.

Retour sur une décision importante, qui intéressera les professionnels de la publicité en ligne, qui devront désormais surveiller ou choisir leurs annonceurs.

1) Les faits à l’origine de cette décision Sur commande de l’éditeur du magazine ‘‘Playboy’’ (la société ‘‘Sanoma’’), un photographe avait réalisé, courant octobre 2011, des clichés photographiques destinés à paraître en décembre 2011 dans ce magazine, en accordant à ce dernier les droits exclusifs d’exploitation. Quelques jours après la prise des clichés, un internaute anonyme adressait à l’exploitant d’un site d’actualité people (le site ‘‘GeenStijl’’, édité par la société ‘‘GS Media’’), un message comportant un lien hypertexte dirigeant vers un site web australien (‘‘FileFactory.com’’) contenant les photos en cause. GS Media persistait en laissant en ligne le lien hypertexte, malgré les multiples mises en demeure de l’éditeur du magazine. Ce dernier obtenait, en revanche, de l’exploitant du site australien qu’il retire les photos litigieuses, mais celles-ci, reproduites entretemps par d’autres hébergeurs ou éditeurs de sites, demeuraient accessibles en ligne via le lien hypertexte de GS Media. Condamnée en première instance par le Tribunal d’Amsterdam, GS Media était ensuite mise hors de cause par la Cour d’appel hollandaise, qui estimait qu’il n’y avait pas d’atteinte au droit d’auteur dès lors que les photos avaient déjà été rendues publiques auparavant par leur mise en ligne sur le site australien. GS Media a alors saisi la Cour suprême des Pays-Bas qui a soumis une série de questions préjudicielles à la CJUE.

2) La question posée à la CJUE En substance, la CJUE était saisie de la question suivante : « le fait d’insérer un lien hypertexte dirigeant vers une œuvre dont la diffusion n’a pas été autorisée par l’auteur, constitue-t-il un acte de « communication au public » soumis au monopole de l’auteur ? »

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En d’autres termes : la personne ayant placé un lien hypertexte engage-t-elle sa responsabilité vis-à-vis de l’auteur lorsque ce lien pointe vers un site diffusant une œuvre dont aucune diffusion initiale n’avait été autorisée par ce dernier ? Étant déjà acquis que la publication d’une œuvre, sur un site web accessible sans restrictions, avec l’accord de l’auteur, épuise toute possibilité pour ce dernier de s’opposer à l’insertion de liens hypertextes sur d’autres sites (CJUE 13 février 2014 ; Aff. « Svensson » C-446/12), la questions concernait ici une hypothèse spécifique : celle dans laquelle l’auteur n’avait jamais autorisé la diffusion de son œuvre sur un site A, vers lequel pointe un lien hypertexte placé sur un site B. Ce dernier engage-t-il sa responsabilité ? « Non », diront certains, car B se borne à faciliter l’accès à une œuvre déjà mise en ligne. C’est donc A, auteur de cette première mise en ligne, qui réalise cette communication. Tout au plus, B facilite la diffusion, mais ne la déclenche pas. Cette position était celle de l’avocat général désigné dans cette affaire.

3) La réponse de la Cour Selon les magistrats communautaires : - le placement, par un tiers, de liens hypertextes

permettant d’accéder à des œuvres protégées rendues accessibles sur un autre site Internet sans l’accord du titulaire des droits, constitue un acte de « communication au public », s’il est établi que le tiers connaissait ou pouvait raisonnablement connaître le caractère illégal de la publication de ses œuvres ;

- cette connaissance sera présumée si le placement

du lien hypertexte a été effectué dans un but lucratif.

4) Les enseignements de la décision

Cette décision devrait obliger les professionnels tirant une rémunération du placement de liens hypertextes, à vérifier les contenus des sites de leurs annonceurs ou, à tout le moins, à exiger de ces derniers une garantie contractuelle à ce titre. En toute hypothèse, professionnel ou non, personne ne pourra prétendre à l’immunité – prévalant jusqu’à présent – lorsqu’elle place sur son site des liens hypertextes pointant vers des sites cibles dont il est avéré qu’ils diffusent des œuvres sans autorisation.

La fin des réseaux wifi publics non sécurisés !

Nombreuses sont les entreprises qui, pour se différencier ou valoriser leurs prestations, offrent à leurs visiteurs/clients un accès à un réseau wifi, gratuit et non sécurisé leur permettant de s’y connecter de manière totalement anonyme. Une telle connexion permet alors aux utilisateurs de se connecter à internet et de commettre de manière anonyme – et donc en toute impunité – des infractions et notamment des actes de contrefaçon. Jusqu’à présent, ces entreprises ne s’en souciaient que très peu, dans la mesure où leur responsabilité – en tant qu’exploitant du réseau – ne peut pas être engagée si elles démontrent qu’elles : - ne sont pas à l’origine de la transmission ; - ne sélectionnent pas le destinataire de la

transmission et - ne sélectionnent et ne modifient pas les

informations faisant l’objet de la transmission. Pourtant, depuis un arrêt récent du 15 septembre 2016 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), la sécurisation d’un réseau wifi via l’instauration d’un mot de passe pourrait être de nature à engager la responsabilité de l’exploitant de ce réseau wifi. En l’espèce, le gérant d’une entreprise proposant à la vente ou à la location du matériel d’illumination et de sonorisation exploitait un réseau local sans fil offrant, aux abords de son entreprise, un accès gratuit et anonyme à Internet. Une œuvre musicale a été téléchargée illégalement, sans l’accord des titulaires de droits, par un utilisateur de ce réseau. Sony Music, la productrice du phonogramme de cette œuvre, a saisi la juridiction allemande en vue d’obtenir de l’exploitant du réseau, le paiement de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité directe dans la violation de ses droits sur ledit phonogramme, la cessation de l’atteinte portée à ses droits sous peine de pénalité, et le remboursement de ses frais de mise en demeure ainsi que de procédure. Par jugement du 16 janvier 2014, la juridiction allemande a fait droit aux demandes de Sony Music. L’exploitant a donc formé opposition contre ce jugement, estimant que l’engagement de sa

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responsabilité était exclu, en vertu des dispositions allemandes transposant l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2000/311. La juridiction de renvoi a reconnu que la violation des droits de Sony Music a été commise non pas personnellement par l’exploitant du réseau (ce qui exclut donc sa responsabilité directe) mais par l’un de ses utilisateurs inconnus. Toutefois, elle envisageait l’engagement de la responsabilité indirecte en raison du fait que celui-ci n’avait pas sécurisé le réseau ayant permis de commettre anonymement cette violation. S’interrogeant sur la question de savoir si l’exonération de responsabilité – prévue à l’article 12, paragraphe 1, de la directive 2000/31, lequel est transposé en droit allemand – ne fait pas obstacle à toute forme d’engagement de la responsabilité de l’exploitant du réseau, la juridiction de renvoi a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) d’une dizaine de questions préjudicielles. Particulièrement, la juridiction allemande a interrogé la CJUE afin de savoir si, en synthèse, l’article 12 de la directive 2000/31 doit être interprété, compte tenu des exigences découlant de la protection des droits fondamentaux, ainsi que des règles prévues par les directives 2001/29 et 2004/48, en ce sens qu’il s’oppose à l’adoption d’une injonction qui exige d’un fournisseur d’accès à un réseau de communication permettant au public de se connecter à Internet, sous peine d’astreinte, qu’il empêche des tiers de mettre à la disposition du public, au moyen de cette connexion à Internet, une œuvre déterminée ou des parties de celle-ci protégées par le droit d’auteur, sachant que les seules mesures que celui-ci pourrait en pratique adopter consistent soit à suspendre la connexion à Internet, soit à la sécuriser au moyen d’un mot de passe, soit à examiner toutes les informations transmises au moyen de cette connexion. La Cour, à la recherche d’un juste équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et le droit à la liberté d’entreprise, a relevé qu’une mesure consistant à sécuriser la connexion à Internet au moyen d’un mot de passe est de nature à limiter la violation des droits de propriété intellectuelle, en ce sens qu’elle peut dissuader les utilisateurs de cette connexion de violer un droit d’auteur ou des droits voisins dès lors que ces derniers sont obligés de révéler leur identité afin d’obtenir le mot de passe requis. Considérant qu’il n’existe aucune autre mesure qu’un fournisseur d’accès à un réseau de communication peut mettre en place et contrairement aux conclusions de son avocat général, la Cour a considéré que le fait de ne

pas imposer à un tel prestataire de sécuriser sa connexion à Internet aboutirait à priver le droit fondamental à la propriété intellectuelle de toute protection, ce qui serait contraire à l’idée de juste équilibre. La Cour en a conclu que « dans ces conditions, une mesure visant à sécuriser la connexion à Internet au moyen d’un mot de passe doit être considérée comme étant nécessaire pour assurer une protection effective du droit fondamental à la protection de la propriété intellectuelle ». En conséquence, l’article 12 de la directive 2000/31 ne s’oppose pas, en principe, à l’adoption d’une injonction qui exige d’un fournisseur d’accès à un réseau de communication « de sécuriser la connexion à Internet au moyen d’un mot de passe, pour autant que les utilisateurs de ce réseau soient obligés de révéler leur identité afin d’obtenir le mot de passe requis et ne puissent donc pas agir anonymement ». Cet arrêt semble sonne le glas des réseaux wifi non sécurisés. Notons que les entreprises qui mettront en place des mesures de sécurité et notamment l’instauration d’un mot de passe, auront par là même l’obligation de permettre la mise à disposition aux autorités judiciaires de l’ensemble des données permettant l’identification de leurs utilisateurs durant une période d’une année. 1 Art. 12, 1 de la Directive 2000/31 : « 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication, le prestataire de services ne soit pas responsable des informations transmises, à condition que le prestataire : a) ne soit pas à l’origine de la transmission ; b) ne sélectionne pas le destinataire de la transmission et

c) ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l’objet de la transmission. »

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L'Autorité de la concurrence s'intéresse aux

données !

Dans un avis commun rendu public le 10 mai 2016, l'Autorité de concurrence fédérale allemande ("Bundeskartellamt") et l'Autorité française de la concurrence ont donné une première grille de lecture de l'impact et des comportements anticoncurrentiels liés à la détention de données numériques. Cet avis tente d'appréhender les nouveau modèle économique issus de la révolution « Big Data », qui a vu naître de nouveaux produits/services fondés en partie sur la collecte massive de données, y compris personnelles. À sa lecture, l'on comprend que le droit de la concurrence peut constituer une arme pouvant être utilisée par les entreprises pour fonder une demande d'accès à certaines données, si celle-ci confère à leur détenteur un pouvoir de marché. Retour sur une contribution essentielle au confluent du droit de la concurrence et du droit des nouvelles technologies. 1. Les données : une source de pouvoir de marché La révolution numérique (ou « transformation digitale ») de l'économie créé un lien de proximité, voire de connexité, de plus en plus important entre les marchés. Cette révolution/transformation fait voler en éclats les frontières entre certains marchés : l'apparition d'objets connectés comme, par exemple, les drones permettant l'acquisition de données/image topographique, les montres et bracelets connectés ainsi que les balise de géolocalisation, concourent tous à faire converger l’univers online (en ligne) et l'univers offline (physique). La détention de grandes quantités de données permet aux entreprises : - de mieux connaître leur écosystème en détectant

d'éventuelles nouvelles tendances ; - de piloter la stratégie, notamment en réduisant leur

zone de risque ; - d'optimiser la gestion de la ressource interne et

externe, et de bénéficier ainsi d'un véritable avantage sur leurs concurrents ;

- de se lancer sur un nouveau marché, plus facilement qu'une autre entreprise qui détiendrait moins de données : ainsi, il est facile d'imaginer

l'avantage concurrentiel que détiendrait une entreprise comme Google pour se lancer sur le marché de la voiture connectée, avec les immenses quantités de données qu'elle détient (notamment données de géolocalisation), par rapport à un constructeur traditionnel d'automobiles qui ne détiendrait pas de telles données.

En cela, les données confèrent à celui qui les détient un pouvoir de marché de plus en plus évident. Si cette problématique est classique - et déjà traitée par la pratique décisionnelle - concernant l'analyse de la situation de concurrence sur un même marché, l'approche est encore inédite pour apprécier l'avantage concurrentiel que de telles données peuvent conférer à un opérateur sur un marché connexe au sien. 2. Les comportements anticoncurrentiels liés aux données L'économie du Big Data, amenant de nombreuses entreprises à détenir de grandes quantités de données, peut contribuer à générer des comportements anticoncurrentiels liés aux données. 2.1. Fusion et acquisition Pour obtenir un meilleur accès aux données, une entreprise peut avoir pour stratégie d'acquérir d'autres entreprises possédant de vastes bases de données. Ainsi, dans l'affaire « Facebook/WhatsApp » (3 octobre 2014, COMP/M.7217), la Commission européenne a autorisé l'opération de rapprochement, en considérant que les données additionnelles auxquelles cette opération donnait accès à Facebook laissait subsister, sur le marché, un grand nombre de données utilisateurs qui ne seront pas sous le contrôle exclusif de Facebook. En revanche, dans l'affaire « Thomson Corporation/Reuters Group » (19 février 2008, M. 4726), la Commission européenne a subordonné son autorisation de l'opération de fusion au respect d'une série d'engagements, parmi lesquels celui, pour les deux entités, de mettre une copie de leur base de données à la disposition des autres opérateurs du marché qui leur en feraient la demande. 2.2. Les pratiques d'éviction a. Les comportements unilatéraux Dans une célèbre affaire « Cegedim/Euris » (14-D-06 du 8 juillet 2014), l'Autorité de la concurrence a condamné la société Cegedim à une amende de 5 767 000 €, pour abus de position dominante caractérisé par le refus de vendre sa base de données aux seuls utilisateurs du

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logiciel commercialisé par la société Euris. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris (24 septembre 2015, RG 2014/175 86). b. Les pratiques concertées Dans une décision (13-D-20) du 17 décembre 2013, l'Autorité de la concurrence a condamné EDF à une amende de 13,5 millions d'euros pour avoir favorisé, de manière abusive, sa filiale active sur le marché émergeant du solaire photovoltaïque, notamment en lui donnant un accès à son fichier client constitué à l'occasion de son ancien monopole (20 millions de noms/adresses, régulièrement mises à jour), en considérant que, pour les autres acteurs de ce marché émergeant, de telles données n'étaient pas, de par leur volume et leur qualité, reproductibles.

••• Cet aperçu rapide, tiré en partie de l'avis du 10 mai 2016, montre à quel point la révolution numérique bouleverse l'économie, mais aussi le droit. L'Autorité de la concurrence signale ici qu'elle sera attentive aux comportements d'acteurs dominant les technologies Big data. Il s'agit d'une opportunité permettant aux entreprises accusant un retard numérique, de disposer d'un nouveau levier pour obtenir l'accès à des données numériques nécessaires à leur développement.

PROPRIETE INTELLECTUELLE & INDUSTRIELLE

Fraude et dépôt de marque CA Versailles, 16 février 2016, RG n°15/00047

Ce qu’il faut retenir : Le dépôt de marque effectué en fraude des droits de tiers est sanctionné. Pour approfondir : En matière de marque, la fraude peut conduire : - à l’annulation du dépôt de la marque par

application de l’adage fraus omnia corrumpit : cette cause de nullité est distincte de l’annulation d’une marque pour indisponibilité prévue à l’article L. 711-4 CPI. En effet, quand bien même aucun droit antérieur prévu par l’article L. 711-4 CPI ne pourrait être invoqué, le seul usage antérieur d’un signe

peut, selon les circonstances, être opposé dans le cadre d’une action en annulation pour fraude (v. pr ex., CA Paris, 30 mai 2014, RG n°13/14861) ;

- au transfert de la marque frauduleusement déposée : l’article L. 712-6 CPI envisage expressément l’hypothèse de la fraude et prévoit : « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement ». (v. pr ex., Cass. com., 14 fév. 2012, pourvoi n°10-30.872).

La fraude se caractérise par : la connaissance des droits de tiers ou de l’usage qu’ils font déjà du signe en cause, l’intention de nuire consistant le plus souvent à priver autrui d’un signe qu’il exploite. Cette affaire opposait le célèbre artiste Charles Aznavour au trésorier de l’association qu’il a créé « Aznavour pour l’Arménie » en raison du dépôt par ce dernier d’une marque identique. L’artiste sollicitait la nullité du dépôt de cette marque et l’allocation de dommages-intérêts en faisant grief au déposant d’avoir porté atteinte à ses droits antérieurs sur les marques « Aznavour » et « Charles Aznavour », d’avoir contrefait ces marques et d’avoir procédé au dépôt de la marque « Aznavour pour l’Arménie » en fraude des droits de l’association. En défense, le déposant faisait valoir l’erreur commise par son mandataire lors du dépôt qui aurait dû mentionner en qualité de déposant l’association, que cette erreur a été rapidement rectifiée en procédant au retrait de la marque un mois après et qu’aucune contrefaçon ne pouvait lui être reprochée dans la mesure où la marque n’a pas été enregistrée. La Cour d’appel va sanctionner le déposant indélicat. En premier lieu, les juges considèrent que la reprise à l’identique dans le dépôt de la marque du nom patronymique « AZNAVOUR » notoirement connu est de nature à porter atteinte aux droits de la personnalité de l’artiste (article L.711-4 CPI). En deuxième lieu, les juges vont également retenir l’existence d’une contrefaçon nonobstant la bonne foi alléguée et l'absence d'usage commercial de la marque. En troisième lieu, visant l’article L.712-6 CPI selon lequel l'enregistrement d'une marque est réputé

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frauduleux lorsqu'il est demandé en fraude des droits d'un tiers, les juges vont retenir l’existence d’un dépôt frauduleux. A cette fin, ils relèvent que le dépôt de la marque a été effectué plus de 25 ans après la création de l’association à une époque où les parties sont par ailleurs en conflit et qu’un contentieux a été engagé, et qu’en raison des liens étroits et anciens entretenus avec Charles Aznavour il ne pouvait ignorer l’existence de ses droits antérieurs. La fraude est ainsi caractérisée. Le fait que Charles Aznavour n’ait pas procédé au dépôt de la marque « Aznavour pour l’Arménie » et que le retrait de la demande de marque litigieuse ait été effectué suite à la réclamation formulée étant des éléments indifférents à la caractérisation de la fraude. En conséquence, la Cour condamne le déposant indélicat au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts. A rapprocher : Cass. com., 2 février 2016, pourvoi n°14-24.714.

Idée non protégeable ou œuvre de l’esprit CA Paris, 12 février 2016, RG n°15/07759

Ce qu’il faut retenir : Un concept doit être décrit avec un degré de précision suffisant pour accéder au rang d’œuvre objet de droits d’auteur permettant de s’opposer ensuite à la réalisation d’une émission qui en reprendrait les éléments. Pour approfondir : L’affaire opposait une chaîne de radio nationale à qui une personne faisait grief d’avoir repris le concept d’émission qu’elle lui avait soumis auparavant. Elle exposait qu’après avoir mis un terme à leurs pourparlers, la radio a produit et diffusé une émission hebdomadaire reprenant les éléments essentiels de son concept. Pour tenter de rapporter cette preuve, elle a fourni l’enveloppe Soleau déposée en amont et contenant la description de son concept, ainsi que le document adressé à ses interlocuteurs intitulé projet de partenariat.Elle engagea en conséquence une action en contrefaçon de droit d’auteur sur le concept, et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la concurrence déloyale ou parasitaire. La Cour va rejeter ses prétentions sur chacun de ces fondements.

1/ Sur le fondement du droit d’auteur L’appelante faisait valoir que son concept d’émission de radio, matérialisé dans le dépôt d’une enveloppe Soleau et la rédaction d’un document intitulé « Projet de partenariat », ferait l’objet de droits d’auteur car ils comprennent l’idée, le titre et la configuration du programme et serait donc élaboré (pour dépasser le stade de la simple idée). En outre, son idée de décliner pour la radio les rubriques d’un magazine était nouvelle et les caractéristiques originales de son concept d’émission étaient décrites dans l’enveloppe Soleau qu’elle avait pris la précaution de déposer justifiant ainsi de son antériorité. Ce concept ayant été repris, il s’agirait d’actes de contrefaçon. La Cour, après avoir rappelé le principe selon lequel pour faire l’objet de droits d’auteur une œuvre doit s’incarner dans une forme et révéler une activité créatrice (condition distincte de la nouveauté) va examiner le détail de la description du concept figurant dans l’enveloppe Soleau et le projet de contrat de partenariat. A l’issue de cet examen, la Cour va considérer que faute de précision suffisante quant aux éléments caractéristiques essentiels de l'œuvre future appelée à se répéter au fil des diffusions de l'émission, ce projet ne dépasse pas le stade d'un simple canevas : - ces documents introduisent des indications sur la

périodicité, la durée de chroniques pré-enregistrées ou ce qui pourrait constituer un titre en esquissant les thématiques susceptibles d'être abordées, ils ne décrivent pas à suffisance les éléments essentiels du concept évoqué,

- il s'agit d'indications a minima qui ne décrivent pas le déroulement formel de l'émission, le découpage et l'enchaînement des séquences ou encore le style et la tonalité particulière induite par l'intervention des participants.

Les juges considèrent ainsi que l’appelante ne peut valablement revendiquer un monopole sur cette forme insuffisamment structurée et par trop imprécise pour être considérée comme dotée de caractéristiques lui permettant d'accéder au statut d'œuvre protégeable objet de droits d’auteur. 2/ Sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire La cour va successivement rejeter les griefs formulés tant sur le fondement de la concurrence déloyale que

sur le fondement du parasitisme.

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La Cour rappelle que la reproduction ou l’imitation d’une création qui ne fait pas l’objet de droits privatifs ne constitue pas, en soi, une faute, sauf à reconstituer de façon détournée un monopole. Pour cette raison, la déloyauté doit ressortir d’un fait distinct du seul emprunt, preuve que ne rapporte pas l’appelante. Aussi, les juges considèrent que les reprises invoquées ne peuvent être retenues et affirment que M. W ne « saurait s’arroger un monopole sur l’idée de créer une synergie entre un titre de presse et une station de radio ». Cette motivation reprend des solutions entérinées depuis longtemps. L’appelante n’aura pas davantage de succès sur le fondement du parasitisme qui nécessite non pas la démonstration d’un risque de confusion, mais celle du détournement d’une valeur économique substantielle. A nouveau, selon les juges, la preuve n’est pas rapportée. Ils considèrent en effet que les composantes du concept dont se prévaut l’appelante sont trop peu structurées ou banales car elles reprennent les lois du genre ou font appel à la simple idée de partenariat, ce qui ne permet pas d’établir un détournement du travail intellectuel ni des investissements engagés. A rapprocher : CA Paris, 3 septembre 2014, RG n°11/08255.

La protection élargie des marques renommées Cass. com., 12 avril 2016, pourvoi n°14-29414

Ce qu’il faut retenir : Le titulaire d’une marque renommée doit simplement établir le « lien » qui peut être fait par le public entre sa marque et le signe postérieur dont il conteste l’usage, sans avoir à établir un risque de confusion ou d’association. Pour approfondir : En l’espèce, l’affaire opposait le titulaire de la marque Maisons du monde, spécialisée dans l’équipement et la décoration de la maison, à une société à qui elle faisait grief d’utiliser la dénomination, également déposée comme marque, « tout pour la maison ». Ses demandes, fondées sur l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui confère aux marques renommées une protection élargie, avait été rejetées par les juges d’appel sur la base d’une motivation qui va emporter la cassation.

Au visa de l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle, la Cour énonce « Attendu que la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion ; qu’il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque ». Dans ces conditions, la cour d’appel ne pouvait utilement retenir l’absence de risque d’assimilation entre les marques en cause compte tenu de leurs différences visuelle, phonétique et conceptuelle, leur conférant une impression globale pour le consommateur moyen différente, et que certaines ressemblances à caractère mineur ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion ou d’assimilation pour le consommateur. L’arrêt vient donc utilement rappeler la lettre du texte de l’article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle qui ne fait pas référence à l’existence d’un risque de confusion : « la reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ». La jurisprudence constante retient en effet que seule l’existence d’un « lien » entre la marque antérieure renommée et la marque postérieure doit être établie. A rapprocher : Article L.713-5 du Code de la propriété intellectuelle.

L’acquisition du caractère distinctif par l’usage Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-19.048

Ce qu’il faut retenir : A l’issue d’un long parcours judiciaire, la validité de la marque « vente-privee.com » est reconnue. Son titulaire a pu justifier de l’acquisition de ce caractère par l’usage qu’il en a fait et qui a permis au signe d’acquérir la distinctivité qui lui faisait défaut à l’origine pour devenir une marque valable. Pour approfondir : L’affaire avait débuté suite à l’action engagée par la société SHOWROOMPRIVE à l’encontre de la société VENTE PRIVEE afin de faire annuler la marque « vente-

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privee.com » pour défaut de caractère distinctif. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 31 mars 2015 que nous avions commenté (lire ici), avait rejeté la demande en nullité de la marque estimant que celle-ci présentait un caractère distinctif. Les juges avaient alors considéré que la marque qui ne présentait pas de caractère distinctif au moment de son dépôt avait toutefois acquis ce caractère par l’usage qui en avait été fait ensuite. Les juges s’étaient ainsi fondés sur l’article L711-2 c) qui prévoit : « Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage ». Le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt permet à la Haute Cour de clarifier les choses et de clore cette affaire. En premier lieu, la Cour va affirmer que, pour apprécier l’acquisition du caractère distinctif, il est possible de se fonder sur l’usage postérieur à l’enregistrement de la marque. En effet, nonobstant le fait que l’article L711-2 du Code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas cette faculté, la Cour rappelle que la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres par l'article 3, § 3 dernière phrase, de la directive 2008/ 95/ CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement. En second lieu, l'arrêt approuve les juges du fond d’avoir jugé que la marque verbale « vente-privee.com » avait acquis par l'usage un caractère distinctif au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers et de présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ainsi que des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site web marchand, désignés à son enregistrement, en se fondant sur : - le fait que la société Vente-privee.com justifie d'un

usage du signe litigieux à titre de marque par l'apposition de la mention « prix vente-privee.com » à côté de chacun des millions de produits proposés à la vente sur son site internet et par l'utilisation du signe dans les courriers électroniques d'invitation adressés quotidiennement à ses vingt millions de membres ainsi que dans les publicités diffusées dans les médias ;

- le fait que la société justifie, par des factures à

compter de l'année 2001, de l'usage, dès avant leur enregistrement, des marques complexes « vente-privee.com », dont le signe litigieux constitue le seul élément verbal et principal dans la mesure où les éléments graphiques de couleur rose, bien que contribuant au caractère distinctif de ces marques,

n'assurent qu'une fonction décorative que le public pertinent ne gardera pas nécessairement en mémoire ;

- un sondage de juillet 2011, établissant que la

marque de la société Vente-privee.com figure parmi « les marques préférées des français ».

Tous ces éléments ont permis d’établir que le public perçoit « VENTE-PRIVEE.COM » comme une marque, c’est-à-dire un identifiant des services de vente au détail de produits ou services d’origines diverses. Les hypothèses sont, en pratique, assez rares mais il est possible qu’un signe qui, à l’origine ne présentait pas de caractère distinctif suffisant, puisse constituer une marque valable car il a acquis ce caractère postérieurement en raison de l’usage qui en a été fait. A rapprocher : Article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle. Les signes 100% Evénementiel et 100% Event ne sont

pas similaires CA Paris, 4 décembre 2015, RG n°14/24799

Ce qu’il faut retenir : Pour apprécier l’existence d’une contrefaçon, les juges se fondent sur l’impression d’ensemble entre les signes. En l’espèce, la Cour va considérer que les signes 100% Evénementiel et 100% Event ne sont pas similaires. Pour approfondir : Spécialisée dans l’organisation d’événements et d’animation, la société titulaire de la marque « 100% Evénementiel » agit en contrefaçon à l’encontre de l’exploitant de la dénomination « 100% Event » pour des services similaires. En première instance le Tribunal a fait droit à la demande reconventionnelle en déchéance de la marque prétendument contrefaite ce qui rend, en conséquence, sans objet la contrefaçon. La Cour d’appel de Paris, va revenir sur cette appréciation et considérer que le titulaire de la marque rapporte la preuve d’un usage réel et sérieux permettant d’échapper à la déchéance. La Cour se fonde pour cela sur les pièces versées aux débats qui justifient selon elle cette exploitation :

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conditions générales de vente annexées à des devis ou propositions acceptées, usage de produits promouvant le signe, accessoires aux services fournis à la clientèle, référencement des services dans les revues ou annuaires, cartes de visites, usage sur site internet. La marque étant valable, la Cour va en conséquence pouvoir examiner si celle-ci a été contrefaite par l’usage de la dénomination et du nom de domaine « 100% Event ». Les signes en cause n’étant pas strictement identiques, l’existence de la contrefaçon implique d’examiner le risque de confusion entre ces signes selon une appréciation globale fondée sur l’impression d’ensemble. Les juges procèdent à la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle pour déterminer l’existence de ressemblances et concluent à l’absence de risque de confusion.

Dépôt frauduleux de marque : illustration CA Paris, 7 octobre 2016, RG n°16/02229

Ce qu’il faut retenir : La fraude lors du dépôt d’une marque peut être rattrapée soit par l’exercice d’une action en revendication soit par l’exercice d’une action en nullité, c’est sur ce dernier fondement que s’était placée la société assignée en contrefaçon pour tenir en échec l’action dirigée contre elle. Pour approfondir : Dans cette affaire une société de prêt-à-porter était assignée en contrefaçon par le titulaire d’une marque en raison de l’usage du signe par la première pour la vente d’un modèle. Or, ce signe était utilisé dès avant le dépôt de marque prétendument contrefaite. C’est pour cette raison que la société va contester la validité de la marque en soulevant sa nullité pour fraude. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris permet de revenir sur les conditions à établir dans ce cas de figure. Faisant référence à la jurisprudence communautaire

(CJUE, 12 mars 2009, aff. C-529/07 – CJUE, 3 juin 2010,

aff. C- 569/08) les juges mentionnent que le demandeur à la nullité d’une marque qui entend se fonder sur la mauvaise foi au moment du dépôt doit établir les circonstances qui permettent d’établir celle-ci. Elle est appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce existant au moment du dépôt de la demande d'enregistrement et notamment le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu'un tiers utilise un signe identique ou similaire pour

un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l'enregistrement est demandé, l'intention du demandeur d'empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l'enregistrement est demandé ; l'intention d'entraver la commercialisation d'un produit peut caractériser la mauvaise foi lorsqu'il s'avère ultérieurement que le déposant a fait enregistrer une marque sans avoir l'intention d'en faire usage. En l’espèce, les juges vont se fonder sur une série d’éléments pour caractériser la mauvaise foi, à savoir : - le fait que le titulaire de la marque se contente de

déclarer connaitre le monde du textile et d’avoir créé un tee-shirt dans l’atelier familial et d’avoir réservé un nom de domaine pour l’exploitation d’un site web, afin d’établir sa « potentialité réelle à exploiter la marque »,

- l’ensemble des pièces produites pour établir la

commercialisation depuis plusieurs années sous la dénomination litigieuse de modèles de vêtements,

- l’absence d’éléments relatifs à l’absence d’usage de

la marque ou de préparatifs en vue de celle-ci. Les juges vont également relever le comportement du titulaire de la marque pendant la procédure pour renforcer leur appréciation de sa mauvaise foi. Aussi, la conjonction de l’ensemble de ces éléments, permet aux juges d’en déduire que le dépôt de la marque n’a pas été effectué aux fins de distinguer les produits et services en identifiant leur origine et qu’il l’a détourné de sa fonction au détriment de la société X. Pour ces raisons, les juges prononcent la nullité de la marque ce qui, par voie de conséquence emporte le rejet de l’action en contrefaçon initiée à son encontre. Illustration du principe selon la fraude corrompt tout, cet arrêt est l’occasion de rappeler que, même lorsqu’il ne porte pas atteinte a priori, à un droit antérieur, le dépôt de la marque effectué avec une intention de nuire n’échappera pas à la sanction. A rapprocher : Article L.712-6 du Code de la propriété intellectuelle.

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Illustration d’un dépôt de marque frauduleux Cass. com., 2 février 2016, pourvoi n°14-24.714

Ce qu’il faut retenir : Le dépôt de marque effectué en fraude des droits d’un tiers est sanctionné, soit par la nullité soit par le transfert de la marque. Pour approfondir : Bien qu’un signe n’ait pas été déposé à titre de marque, il ne peut, dans certaines circonstances, être déposé librement par une personne qui entendrait profiter de la défaillance éventuelle d’un tiers dans l’accomplissement de cette formalité pour un signe qu’elle utilise par ailleurs. L’affaire commentée revient sur cette question, approuvant les juges du fond d’avoir sanctionné un dépôt frauduleux de marque. Cette affaire opposait deux sociétés concurrentes après que l’une ait cru pouvoir déposer une marque reprenant l’expression utilisée par sa concurrente comme slogan depuis plusieurs années à laquelle elle avait accolé son nom. Y voyant une fraude à ses droits, cette dernière sollicita le prononcé de la nullité de la marque. La Cour de cassation va approuver la Cour d’appel d’avoir prononcé la nullité de la marque précisément en raison du dépôt frauduleux. Les juges du droit rappellent que « Le dépôt d'une

marque est frauduleux lorsqu'il est effectué dans

l'intention maligne de porter atteinte à des intérêts

préexistants ou de priver autrui d'un signe nécessaire à

son activité et, de l'autre, que l'intention frauduleuse

consiste dans la connaissance, par le déposant, de

l'existence d'un signe utilisé par un concurrent comme

signe distinctif pour identifier un de ses produits ou une

de ses activités ». Or, les juges du fond avaient pu

caractériser la connaissance de l’usage antérieur de

l’expression ensuite déposée en raison, notamment :

de la distribution de brochures commerciales portant

comme titre la dénomination en cause, de la mention

de celle-ci sur une pièce communiquée à l’occasion

d’une procédure ayant opposé les parties, et, enfin, du

fait que ces sociétés sont respectivement première et

deuxième sur le même marché très restreint des portes

automatiques industrielles.

Ces éléments ont permis de caractériser le fait que le

dépôt de la marque avait été effectué dans l’intention

de priver une société d’un signe nécessaire à la

poursuite de son activité.

A rapprocher : Cass. civ 1ère, 10 juillet 2014, pourvoi n°13-16.465.

Marque tridimensionnelle CJUE, 10 novembre 2016, aff. C-30/15

Ce qu’il faut retenir : Cet arrêt constitue une étape importante dans le parcours devant les instances européennes de la marque tridimensionnelle Rubik’s Cube dont la validité est contestée et le sort final encore incertain. Pour approfondir : En 1999, une société britannique avait déposé une forme cubique – le célèbre Rubik’s Cube – à titre de marque devant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). En 2006, une demande d’annulation de cette marque tridimensionnelle avait été introduite aux motifs que celle-ci comportait une solution technique consistant dans sa capacité de rotation, ce qui exclurait sa protection à titre de marque. Le TPIUE avait rejeté ce recours, adoptant ainsi la même position que la division d’opposition de l’EUIPO, en considérant que la forme cubique en cause ne comporte pas une fonction technique qui exclurait sa protection à titre de marque. La Cour va adopter une position différente de celle du Tribunal et annuler la décision objet du recours qui a approuvé l’enregistrement de la forme en cause comme marque tridimensionnelle. La décision est rendue au regard du Règlement CE du Conseil n°40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (applicable en l’espèce) en particulier son article 7, e) relatif aux marques tridimensionnelles qui prévoit que sont refusés à l’enregistrement : « Les signes constitués exclusivement : i) par la forme imposée par la nature même du

produit, ou ii) par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un

résultat technique, ou iii) par la forme qui donne une valeur substantielle au

produit ». Dans cette affaire, était en particulier concerné le point ii) puisqu’il s’agissait de déterminer si le signe en cause était exclusivement composé d’une forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. La Cour va rappeler que ce texte vise à empêcher que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole sur des solutions techniques

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ou des caractéristiques utilitaires d’un produit. Selon la Cour, l’application du texte implique d’identifier les caractéristiques essentielles du signe tridimensionnel en cause : en l’espèce, il s’agit d’un cube et d’une structure en grille figurant sur chacune des faces de ce cube. Restait donc à déterminer si ces caractéristiques répondent à une fonction technique du produit. Afin de mener cette recherche, la Cour indique qu’il convient de mener une analyse spécifique au produit concerné et reproche au Tribunal de ne pas avoir procédé à cette analyse en prenant en considération les éléments supplémentaires ayant trait à la fonction du produit en cause. En particulier, la Cour fait grief au Tribunal de s’être uniquement fondé sur la représentation graphique du signe reproduit dans le dépôt de la marque, sans tenir compte d’éléments supplémentaires, tels que la capacité de rotation (grâce à un mécanisme interne invisible du cube) d’éléments individuels d’un puzzle à trois dimensions. Le Tribunal en avait déduit – à tort selon la Cour – que le fait que la structure a pour effet de diviser visuellement chaque face de ce cube en neuf éléments carrés de même dimension ne saurait constituer une telle fonction. Ainsi, le sort de la marque tridimensionnelle n’est pas encore réglé : en raison de l’annulation des décisions de la division d’opposition de l’EUIPO et du Tribunal ayant validé l’enregistrement de la forme en cause, l’EUIPO devra procéder à une nouvelle analyse en appliquant les règles dégagées dans cet arrêt. Affaire à suivre. A rapprocher : Règlement CE du Conseil n°40/94 du 20 décembre 1993 ; Communiqué de presse de la CJUE du 10 novembre 2016.

Marques sonores : recherche de caractère distinctif TUE, 13 septembre 2016, aff. T-408-15, n°15/00108

Ce qu’il faut retenir : Le droit des marques se veut accueillant puisque, par principe, des signes de natures diverses sont susceptibles d’être protégés à titre de marque. Ils doivent tous remplir une condition sine qua non : présenter un caractère distinctif. L’arrêt commenté en donne une illustration à propos d’une demande de marque sonore. Pour approfondir : Dans l’affaire ayant conduit à la décision commentée, une société avait déposé une demande de marque

européenne sonore représentée graphiquement sur une portée musicale. L’examinateur de l’EUIPO avait rejeté cette demande aux motifs que le signe était constitué d’une sonnerie simple et banale et qu’il ne pouvait pas être perçu comme un indicateur de l’origine commerciale des produits. La chambre des recours, saisie par le déposant, a rejeté le recours en considérant qu’une marque constituée de sons s’apparentant à une sonnerie ne peut remplir une fonction d’identification que si elle comporte des éléments de nature à l’individualiser par rapport à d’autres marques. En l’espèce, la demande de marque était constituée de la répétition d’un son qui s’apparentait à un timbre d’une sonnerie en tout point banal et ce nonobstant le fait que la marque consistait en une portée en clé de sol sur un tempo de 147 notes noires par minute portant la répétition de deux sols dièse. Selon la chambre des recours la marque demandée se présentait comme un motif sonore d’une grande simplicité c’est-à-dire essentiellement comme une sonnerie banale et commune qui passerait inaperçue et ne serait pas mémorisée par le consommateur visé. Le Tribunal va tout d’abord rejeter le premier moyen opposé à l’encontre de la décision contestée en considérant que la chambre des recours a suffisamment motivé sa décision après avoir effectué un examen global couvrant l’ensemble des produits et services visés dans la demande d’enregistrement pour apprécier le caractère distinctif du signe. Sur le second moyen, le Tribunal va rappeler les règles relatives à la condition de distinctivité, rappelant que celle-ci signifie que la marque doit permettre d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises. Selon la jurisprudence constante, les marques visées à l’article 7§1 b) du règlement 207/2009 (« sont refusées à l’enregistrement : (…) b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ») sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque à savoir d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors de l’acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative. Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent. Enfin, le Tribunal rappelle que la Cour de Justice a posé que les critères d’appréciation du caractère distinctif

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sont les mêmes pour les différentes catégories de marques même s’il peut apparaitre plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que celles d’autres catégories. Egalement, lorsque le signe est constitué seulement d’un élément sonore, le public n’a pas pour habitude de le percevoir comme un identifiant de l’origine commerciale sauf dans certains secteurs économiques tels que, par exemple, la télédiffusion. Ces principes étant rappelés, le Tribunal va considérer au cas d’espèce : que la marque demandée peut être décrite comme « un son qui s’apparentait à une sonnerie de téléphone » ou comme « une sonnerie électronique spécifique évoquant un sonar composé de la répétition de deux notes ». Cette excessive simplicité qui se limite à la répétition de deux notes n’est pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir en sorte que ces certains ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il n’ait acquis un caractère distinctif par l’usage. Ainsi, la marque demandée ne sera pas perçue par le public pertinent que comme une simple fonctionnalité des produits et services visés et non pas comme une indication de leur origine commerciale. Finalement, en l’espèce, la demande de marque sonore a échoué à remplir la condition de caractère distinctif car, assimilée à une sonnerie standard dont est doté tout appareil électronique équipé d’une minuterie ou tout appareil de téléphonie. Voici donc l’occasion de rappeler qu’une diversité de signes faisant appel à différents sens, peut constituer une arque mais qu’ils doivent, comme les signes plus traditionnels, présenter un caractère distinctif pour faire l’objet de droits. A rapprocher : Règlement (CE) n°207/2009 du 26 février 2009.

The Voice : question de logo CA Paris, 11 décembre 2015, RG n°14/24244

Ce qu’il faut retenir : Pour agir en contrefaçon de droit d’auteur, encore faut-il être en mesure de rapporter la preuve de ses droits. Par cet arrêt, la Cour d’appel procède à un examen circonstancié qui est l’occasion de revenir sur cette règle.

Pour approfondir : La société néerlandaise Talpa exploite depuis 2010 une émission « The Voice of », diffusée en France par TF1 depuis 2012. Pour cette émission, un logo est utilisé constitué de la représentation d’une main tenant un micro dont deux doigts levés forment un V sous laquelle figure dans un encart l’inscription « the voice of… ». Prétextant disposer de droits antérieurs sur ledit logo, la société MEDIA Evenements, a assigné en contrefaçon les sociétés Talpa et TF1 pour contrefaçon de ses droits d’auteur. En première instance, la société Media Evénement va être déclarée irrecevable en son action, en appel elle va de nouveau échouer à démontrer l’existence de ses droits d’auteur. Pour justifier de ses droits, elle se prévalait de la présomption de titularité des droits bénéficiant à la personne morale qui exploite sous son nom une œuvre à condition toutefois d’identifier précisément l’œuvre revendiquée dont les caractéristiques doivent être identiques à celles de l’œuvre dont elle a commencé à en assurer la commercialisation, de justifier de la date à compter de laquelle la commercialisation a débuté. La société Media Evénements va échouer à rapporter une telle preuve. La Cour relève notamment s’agissant des éléments qui lui étaient soumis que les magazines produits datant de la période postérieure à 2010 représentent un logo différent de celui revendiqué, associé de surcroît non pas à l’appelante mais à un groupe de musique dénommé The Voices, les flyers ne comportent pas de date précise. En définitive, aucune preuve de l’exploitation par la société du logo qu’elle revendiquait n’était rapportée. La présomption de titularité des droits d’auteur ne pouvant jouer en l’espèce, la société agissant en contrefaçon devait alors justifier des conditions dans lesquelles elle était investie des droits d’auteur en d’autres termes d’un acte de cession de droits. A nouveau, les éléments versés aux débats ne vont pas convaincre les juges. Le contrat présentait en effet la mention d’une date rajoutée dans une police différente de celle de l’ensemble du contrat et, de l’aveu même de l’appelante, le contrat avait été signé a posteriori … A rapprocher : Cass. civ 1ère, 10 juillet 2014, pourvoi n°13-16.465.

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Les créations publicitaires et les enjeux de la cession des droits d’auteur

CA Paris, 13 mai 2016, RG n°15/03741 Ce qu’il faut retenir : Cette décision permet de rappeler l’importance de la rédaction des clauses organisant les modalités d’exploitation des créations commandées. Ces clauses doivent intégrer au mieux les besoins du client, anticiper les exploitations à venir, et être suffisamment claires pour éviter d’avoir à s’en remettre à une interprétation ultérieure, par nature aléatoire. Ici, la clause de cession des droits d’auteur n’était pas assez claire, ce qui a conduit le juge à interpréter sa portée. Pour approfondir : Le droit d’auteur ne trouve pas seulement à s’exprimer dans le domaine artistique pur et il est particulièrement important dans la vie des affaires. Il pourra, par exemple, appréhender les produits commercialisés par une entreprise (leur forme, leur packaging, etc.) ou les supports de communication et publicitaires. L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 13 mai 2016 (CA Paris, 13 mai 2016, RG n°15/03741), est l’occasion de revenir sur les enjeux qui s’attachent à une rédaction habile des contrats encadrant la relation avec les prestataires auxquels ont recours les entreprises pour leur campagne de communication et la publicité. En effet, il est essentiel pour le client de disposer des droits d’exploitation lui permettant de s’assurer que celle-ci ne l’expose pas à une réclamation ultérieure du prestataire auquel il a eu recours. En l’espèce, une société fabriquant et commercialisant des produits ménagers, distribués notamment aux USA par l’intermédiaire d’un partenaire, avait eu recours à une agence de publicité pour l’élaboration de ses campagnes incluant un film. Un contrat avait été conclu pour formaliser cette mission comportant une clause de transmission des droits d’auteur permettant, a priori, une exploitation libre et suffisamment large pour couvrir les besoins de la société. Ultérieurement, l’agence a pris connaissance de la diffusion d’un film très proche du sien pour promouvoir les produits distribués par le partenaire de son client aux USA. Considérant que le contrat avait été méconnu et que ses droits étaient en conséquence méconnus, l’agence a engagé une action en contrefaçon de ses droits d’auteur sur le film à l’encontre de son client (nous ne

nous attarderons pas ici sur la question de la compétence du juge français qui, contestée, a néanmoins été admise). Le débat était en particulier concentré sur la portée de la clause de cession des droits d’auteur stipulant « l’agence cède l’ensemble de ses droits d’auteur et patrimoniaux à l’annonceur et à ses filiales qui s’engagent à utiliser les créations de l’agence en conformité avec la législation en vigueur en matière de propriété intellectuelle … que l’annonceur et ses filiales en qualité de cessionnaires des droits d’auteur sont investis des droits d’auteur et notamment des droits d’usage de reproduction, d’adaptation et de représentation sur tous supports, dans tous les pays et pour toute la durée de protection des œuvres par le droit d’auteur ». Alors que cette clause ne comportait pas de restriction territoriale, la clause traitant des modalités financières de cette cession prévoyait qu’en contrepartie, la rémunération de l’agence consistait en un pourcentage des investissements médias dépensés en Europe par les filiales de l’annonceur dont la liste, annexée au contrat, mentionnait des pays tous situés sur le territoire européen. Les juges ont considéré que le contrat comportait une ambiguïté sur la portée territoriale de l’autorisation et ont en conséquence interprété le contrat. A cette fin, ils ont pu tenir compte du fait que (i) l’appel d’offres initial comportait l’indication de sept pays (n’incluant pas les USA) et visait également le développement au niveau européen, et que, (ii) par la suite, le client avait expressément sollicité l’autorisation de l’agence pour l’exploitation du film dans d’autres pays que ceux où se situaient ses filiales européennes. Dans ces conditions, les juges ont considéré que la clause litigieuse du contrat devait être interprétée dans le sens où la cession des droits portait sur l’exploitation de l’œuvre dans tous les pays visés par l’accord et non pas dans le monde entier, la clause de rémunération de l’agence ne pouvant être interprétée comme valant cession de droits d’auteur à titre gratuit pour l’exploitation du film dans les autres pays que ceux dans lesquels l’annonceur a des filiales. Cette décision est l’occasion de rappeler toute l’importance d’une rédaction habile des clauses organisant les modalités d’exploitation des créations commandées. Ces clauses doivent en effet intégrer au mieux les besoins du client, anticiper suffisamment sur les exploitations à venir et être suffisamment claires pour éviter d’avoir à s’en remettre à une interprétation ultérieure.

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Les enjeux financiers liés à l’exploitation de créations et les conséquences attachées aux risques de se voir condamné pour avoir outrepassé les termes d’une autorisation d’exploitation de droits d’auteur inadaptée, permettent de prendre la mesure de l’importance de traiter efficacement les questions de propriété intellectuelle. A rapprocher : Cass. civ. 1ère, 30 mai 2012, pourvoi n°10-17.780, et notre commentaire.

Marque et nom patronymique CA Paris, 1er juillet 2016, RG n°15/07856

Ce qu’il faut retenir : Le porteur d’un nom patronymique peut être empêché de l’utiliser dans un cadre commercial lorsqu’il existe des droits concurrents tels qu’une

marque. Pour approfondir : Le contexte de l’affaire soumise à l’appréciation de la Cour d’appel de Paris se présentait ainsi : une société fabriquant et vendant du champagne avait fait l’objet d’une cession par les membres de la famille qui la contrôlait et dont elle portait le nom, le vin étant vendu sous la marque éponyme. La convention de cession des titres, assez classiquement, avait prévu un engagement de non-concurrence et organisé les conditions de la coexistence des droits respectifs de la famille X et de l’acquéreur sur le nom de famille X. L’acquéreur avait réagi vivement en constatant que l’un des membres de la famille cédante avait procédé au dépôt d’une marque comprenant son prénom et son nom de famille X ainsi que la réservation de noms de domaine identiques, qu’elle utilisait dans le cadre de son activité de fabrication et vente de champagne. Elle engagea alors une action au titre de la violation des termes de la clause organisant les droits respectifs du cédant et du cessionnaire sur le nom de famille ainsi rédigée :

« La famille X s’engage irrévocablement au profit de l’acheteur de la société Y ainsi que ses filiales à ne pas, dans quelque partie du monde que ce soit, directement ou indirectement, faire quelque usage

que ce soit du nom « X » que ce soit à titre de marque de commerce ou de service, de nom commercial, de nom de domaine ou autre, pour désigner et/ou promouvoir tout produit ou service en concurrence avec tout ou partie de l’Activité et/ou avec tout ou partie des produits ou services dérivant des opérations de l’Activité ».

Les termes de cette clause analysée par la Cour comme spécifiant la garantie d’éviction du vendeur (en conséquence non limitée dans le temps) étant opposable à la personne poursuivie en l’espèce (partie à l’acte de cession des titres), les juges vont rechercher la réalité des manquements allégués. Les juges vont considérer que l’usage des noms de domaine intégrant le nom X pour promouvoir un champagne constitue une violation des engagements contractuels. L’affaire illustre ainsi le fait que, tout usage de son propre nom n’est pas permis lorsque celui a une valeur commercial et sert d’identifiant dans le commerce. A rapprocher : Code civil, articles 1603 et 1625.

Bénéfice du droit d’auteur et originalité CA Paris, 1er juillet 2016, RG n°15/11605

Ce qu’il faut retenir : Pour être l’objet de droit d’auteur, l’originalité est requise. Pour approfondir : Une société, spécialisée dans la fabrication de filtres photographiques, a fait l’objet d’une liquidation judiciaire et d’un plan de cession partielle d’actifs pour sa branche d’activité filtres pour la photographie. Son ancien dirigeant, faisait valoir le fait qu’en parallèle de ses fonctions, il avait pris plusieurs dizaines de photographies désormais reproduites sur le conditionnement des produits, les catalogues, les brochures commerciales et les sites internet des revendeurs de la marque. Il a alors mit en demeure le repreneur de la branche d’activité considérée de cesser toute exploitation des photographies puis a fait procéder à une saisie-contrefaçon et engagé une action en contrefaçon. N’ayant pas obtenu gain de cause devant le Tribunal de grande instance, il a relevé appel du jugement. La Cour

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d’appel va examiner l’originalité de chacune des photographies dont la protection par le droit d’auteur était revendiquée. Elle relève que : - les sujets des photographies sont des plus divers et

des plus communs (couchers de soleil, arbres, fleurs, bateaux, ciels, etc) : pour certaines d’entre elles, les juges relèvent qu’elles ont été prises pendant les vacances et ne démontrent aucun effort de mise en scène quelconque ;

- les cadrages et angles de prise de vue ne

démontrent pas plus de parti-pris esthétique et ne permettent pas de prendre la mesure des lieux, les plongées et contre-plongées – lorsqu’elles sont significatives –, ne suffisent pas à caractériser un travail esthétique reflétant la personnalité de leur auteur ;

La Cour d’appel conclut que la seule particularité des photographies réside dans le fait qu’elles ont été prises avec un filtre dans le but d’en démontrer les effets dans leurs différentes couleurs ou différentes versions. En définitive, les juges d’appel considèrent que la preuve d’un apport créatif reflétant la personnalité de l’auteur, et donc de l’originalité de chacune des photographies revendiquées n’est pas rapportée. Cet arrêt est l’occasion de rappeler que, si le droit d’auteur peut se montrer accueillant, il incombe toujours au demandeur de rapporter la preuve de l’originalité de la création qu’il revendique à défaut de quoi, les juges du fond (appréciant souverainement la condition d’originalité) pourront décliner toute protection par le droit d’auteur. A rapprocher : Code de la propriété intellectuelle, article L.111-1.

De quelques règles procédurales intéressantes Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°15-16.108

Ce qu’il faut retenir : Le TGI est compétent pour juger les actes de contrefaçon et les actes connexes de concurrence déloyale mais cette compétence spéciale ne saurait être étendue à toutes les demandes formulées à l’encontre d’une partie.

Pour approfondir : La matière prévoit une compétence spéciale du Tribunal de grande instance (la liste de ceux-ci étant fixée par décret) pour juger des questions relatives aux droits de propriété intellectuelle, cette compétence spéciale s’étendant aux questions connexes de concurrence déloyale. Cette prorogation de compétence est bienvenue en pratique car elle permet de concentrer le contentieux devant une seule juridiction. C’est dans ce cadre que s’était positionnée l’une des sociétés partie au litige ayant conduit à l’arrêt commenté qui, multipliant les griefs à l’encontre de son ancien partenaire, a cru pouvoir l’assigner en contrefaçon, concurrence déloyale et rupture brutale des relations commerciales établies devant le Tribunal de grande instance de Paris. La compétence de celui-ci pour juger de l’ensemble des demandes a été contestée aux motifs que les demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies ne pouvaient lui être soumises. En effet, si le texte de l’article L.522-2 du Code de la propriété intellectuelle (applicable ici puisque la contrefaçon portait sur des modèles) prévoit la compétence du TGI pour juger de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, cette compétence ne saurait s’étendre à toutes les demandes formées. Pragmatique, la Cour d’appel a approuvé le choix procédural du demandeur initial de concentrer ses demandes devant le TGI. Pour cela, elle a retenu l’existence d'un lien entre les faits de contrefaçon, de concurrence déloyale, de rupture d'une relation commerciale établie et d'abus de dépendance économique dans ces termes : « ils se sont enchaînés à la même époque en affectant les rapports entre les mêmes parties qui entretenaient un flux d'affaires, que c'est dans ce cadre que des modèles ont été remis à titre de simples " tests " à la société X, qui en a fait un usage à l'origine de la dégradation de leur relation et qu'en raison de ce lien et de l'influence potentielle de la solution donnée à chacune des actions initiées, il apparaît utile de les instruire et juger ensemble ». La Haute Cour casse cette décision. La censure est finalement évidente : les juges d’appel avaient fait preuve d’audace quant à l’appréciation de la compétence spéciale du TGI alors que la lettre du texte ne prévoit une prorogation de compétence du TGI qu’à l’égard d’une question connexe de concurrence déloyale. A rapprocher : Article L.522-2 du Code de la propriété intellectuelle.

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Les histoires de marques se règlent devant le TGI CA Paris, 2 février 2016, RG n°15/17675

Ce qu’il faut retenir : Selon l’article L.716-3 CPI, les « demandes relatives aux marques » sont exclusivement portées devant les TGI déterminés par voie règlementaire, y compris lorsque la demande résulte d’une violation d’engagements contractuels. Pour approfondir : L’article L.716-3 CPI prévoit « Les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ». La liste de ces TGI figure à l’article D.211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire. A plusieurs reprises, la jurisprudence a déjà eu l’occasion d’expliciter la notion de « demandes relatives aux marques » ce qui a conduit à conférer aux TGI un champ d’intervention très large (v. notamment : CA

Paris, 14 octobre 2014, RG n°14/05096 ; CA Paris, 19

février 2013, RG n°12/20627 ; CA Paris, 16 octobre

2012, RG n°12/10183). Cet arrêt s’inscrit dans le sillage de cette jurisprudence. L’affaire opposait le titulaire d’une marque à une société exploitant en France une marque similaire. L’affaire avait été portée devant le Tribunal de commerce de Paris en première instance lequel avait retenu sa compétence pour juger l’affaire. Suite au contredit formé, la Cour d’appel va contester cette compétence matérielle et renvoyer les parties devant le TGI de Nanterre. La compétence du tribunal de commerce était défendue aux motifs que le litige avait pour objet l’exécution forcée d’un accord conclu entre les parties. Il s’agissait donc d’une action en responsabilité contractuelle de droit commun, ne mettant pas en jeu le droit des marques, et relevant des articles 1134 et 1184 du Code civil. La Cour d’appel, au visa de l’article L716-3 CPI ci-dessus reproduit, considère que l’accord dont s’agit s’analyse en un accord de coexistence et que l’action qui tend à son exécution forcée relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance dès lors qu’elle suppose de déterminer l’étendue des droits revendiqués sur la marque française par l’une des société mais contestée par l’autre au vu de ses droits allégués sur une marque communautaire. La bonne maîtrise des règles de procédure civile permet donc de gagner du temps en cas de litige pour éviter

des discussions sur la compétence des juridictions saisies en premier lieu.

A rapprocher : Article L.716-3 CPI ; Article D.716-12

CPI ; Article D.211-6-1 COJ.

Épuisement du droit sur la marque et règles de preuve

Cass. com., 8 novembre 2016, pourvoi n°15-12.229 Ce qu’il faut retenir : L’épuisement du droit sur la marque, exception au droit exclusif du titulaire de la marque, obéit à des règles de preuve particulière rappelées par la Cour de cassation dans cet arrêt. Pour approfondir : L’épuisement du droit sur la marque a été consacré par le législateur français en 1991, sous l’impulsion de la jurisprudence européenne, à l’article L.713-4 du Code de la propriété intellectuelle qui est ainsi rédigé : « Le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits ». Cette exception au droit sur la marque consiste à considérer que le titulaire du droit sur la marque ne peut plus se fonder sur ce droit pour s’opposer à la circulation des produits qu’il a mis dans le commerce dans l’espace économique européen. Une fois cette mise en circulation effectuée, les produits doivent circuler librement. La mise en œuvre de cette règle suppose que soient réunies les conditions suivantes : le produit doit avoir été mis dans le commerce, par le titulaire du droit ou avec son consentement, et ce dans l’EEE. La jurisprudence a précisé que le principe est que c’est à celui qui se prévaut de l’épuisement d’en rapporter la preuve mais que la charge de la preuve peut être renversée en cas de risque réel de cloisonnement des marchés (risque que celui qui entend s’en prévaloir doit prouver). Le renversement de la charge de la preuve tend à permettre à la personne qui se prévaut de l’épuisement de ne pas révéler sa source d’approvisionnement afin de ne pas la tarir.

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C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans cette affaire qui opposait le titulaire d’une célèbre marque pour désigner des articles chaussants et son licencié à la société qui vendait des produits marqués. Le fournisseur de cette dernière est intervenu à la procédure et a appelé dans la cause son propre fournisseur. En défense à l’action en contrefaçon, ces trois sociétés entendaient se prévaloir de l’épuisement du droit sur la marque pour tenir en échec l’action en contrefaçon exercée à leur encontre afin de les empêcher de vendre, sans autorisation spécifique, les produits revêtus de la marque prétendument contrefaite. Dans cet arrêt, après avoir rappelé les règles de l’épuisement du droit sur la marque, la Haute Cour indique que « ... le tiers poursuivi n’a pas d’autre preuve à rapporter que celle de l’épuisement des droits qu’il invoque comme moyen de défense, sauf à démontrer, pour échapper à cette preuve, l’existence d’un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux ». Aussi, il ne peut être fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu qu’il incombait aux demandeurs à l’action en contrefaçon de rapporter la preuve de l’absence d’authenticité des produits pour tenir en échec le reversement de la charge de la preuve de l’épuisement. On retiendra donc que l’exception au droit sur la marque est soumise, par principe, à la règle selon laquelle il incombe à celui qui s’en prévaut d’en rapporter la preuve, une exception à cette règle de preuve étant prévue lorsqu’il est établi qu’il existe un risque de cloisonnement des marchés. Si la règle concerne les produits authentiques, lorsque le demandeur à l’action en contrefaçon conteste le caractère authentique des produits en cause c’est à lui d’en rapporter la preuve. L’exception au droit sur la marque présente une importance particulière notamment pour lutter contre la distribution de produits authentiques hors réseau. Elle obéit à des conditions probatoires spécifiques comme l’illustre l’arrêt commenté. A rapprocher : Article L.713-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Parasitisme : nul besoin d’établir un risque de confusion

CA Paris, 15 avril 2016, RG n°2012072530 Ce qu’il faut retenir : L’existence d’un risque de confusion n’est pas une condition du parasitisme ce que rappelle les juges à l’occasion de cette affaire concernant deux sites internet. Pour approfondir : Une société exploitant un magasin de vente d’outillages électroportatifs et un site internet marchand mis en ligne en mars 2011 après avoir été entièrement refondu, a pris connaissance quelques mois plus tard du site internet de l’un de ses concurrents reprenant, selon elle, les éléments essentiels de son site. Pour cette raison, elle engagea une action fondée sur le parasitisme. Dans ce cadre, elle faisait état de la reprise de la présentation de son site internet caractérisée par la succession de six rubriques dont le contenu est détaillé à la Cour. Elle justifiait des investissements engagées : tant financiers en produisant la facture du prestataire ayant réalisé son site qu’humains et intellectuels en produisant l’es échanges de courriels intervenus avec son prestataire pour la réalisation de son site. Les juges vont tout d’abord relever l’importante similitude des deux sites : l’ordre d’apparition des rubriques, leur emplacement et celui des éléments qui les composent ou le choix de ces rubriques et de leur contenu et rappeler à l’intimé que, contrairement à ses allégations, l’existence d’un risque de confusion n’est pas une condition de l’action fondée sur le parasitisme : « ... le grief de parasitisme peut être retenu dans la compétition que se livrent, comme en l’espèce, des acteurs économiques concurrents, lorsqu’est exploitée, au détriment du rival, une création qui ne fait pas l’objet d’un droit privatif sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’existence d’un risque de confusion entre les produits ou leur origine ». La cour va également rejeter l’argument soulevé en défense selon lequel les points communs entre les sites s’expliquent par la recherche d’un confort de navigation et la réponse à des objectifs d’ergonomie recommandés par les éditeurs de site. A cet égard, les juges vont retenir que les deux sites en cause ont une présentation différente de celle des sites concurrents et qu’aucun ne reprend celle du site à l’identique, pris dans sa généralité. Aussi, la similitude entre les sites ne

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peut être considérée comme nécessaire et les similitudes ne sauraient résulter du hasard. L’arrêt conclu donc « ... en adoptant comme elle l’a fait une présentation de son site que rien n’imposait, la société Q, faussant le jeu d’une saine concurrence a employé une stratégie commerciale tendant à rechercher une proximité avec le commerce en ligne de son concurrent agissant dans le même domaine de l’outillage, en s’épargnant, ce faisant, toute perte de temps et coûteuses recherches potentiellement répercutables sur ses prix de vente ou rognant ses bénéfices, et l’a privé, de plus, de l’entier profit qu’elle pouvait légitimement attendre, à terme, de ses investissements peu important, au stade de l’appréciation de la faute que le nombre de visiteurs ou le chiffre d’affaires de la société D n’ait pas été sensiblement affectés». Une condamnation en paiement de dommages-intérêts à hauteur de 15.000 euros est prononcée. A rapprocher : Article 1382 du Code civil.

Signes distinctifs et concurrence déloyale CA Paris, 24 mai 2016, RG n°15/06153

Ce qu’il faut retenir : L’action en concurrence déloyale peut sanctionner les agissements fautifs d’un concurrent qui reprend les signes distinctifs pour autant que la preuve d’un risque de confusion soit rapportée. Pour approfondir : L’affaire opposait la tête d’un réseau de franchise de magasins de vente au détail d’équipements optiques à une société exploitant un point de vente à qui il était fait grief d’avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire du fait de la reprise d’un certain nombre de signes distinctifs. A ce titre, était notamment reprochée l’imitation de l’enseigne. Or, les juges ont considéré (après avoir rappelé que le propriétaire d’une enseigne ne peut prétendre en interdire l’usage par un concurrent sur le fondement de l’article 1382 du Code civil que pour autant que le signe invoqué soit distinctif) que l’enseigne n’était pas distinctive : selon eux en effet, celle-ci est composée de termes anglais facilement compréhensibles pour tout consommateur et désignant un centre d’optique. En outre, pour écarter

le risque de confusion, ils tiennent compte également du fait que l’enseigne critiquée comportait des éléments visuels contribuant à différencier les enseignes en présence. Ce sont également les griefs relatifs à la reprise prétendue des offres promotionnelles – considérées comme banales – et du mobilier et l’agencement du point de vente qui vont être rejetées. Les juges ont en effet relevé que la preuve d’investissements spécifiques (prétendument pillés) n’était pas en l’espèce rapportée. Au surplus, s’agissant du mobilier, les juges ont considérés que ceux-ci étant largement utilisés dans le secteur de l’optique et que l’exploitant du point de vente les avait régulièrement acquis auprès du franchisé (ancien) qui exploitait précédemment le fonds de commerce. A rapprocher : Article 1382 du Code civil.

Nom de domaine et absence de condition de caractère distinctif

Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-18.470 Ce qu’il faut retenir : Le caractère distinctif d’un nom de domaine n’est pas une condition préalable à l’exercice de l’action en concurrence déloyale exercée pour sanctionner sa reprise par un tiers car il s’agit d’une condition pour apprécier l’existence d’un risque de confusion. Pour approfondir : Le titulaire d’une marque et de deux noms de domaine avait engagé une action en contrefaçon et en concurrence déloyale du fait de l’usage d’un nom de domaine identique par un concurrent. Une demande reconventionnelle en nullité de la marque avait été formée pour échapper au grief de contrefaçon. La Cour d’appel avait accueilli cette demande en nullité de la marque la jugeant dépourvue de caractère distinctif mais l’arrêt est cassé par la Haute Cour qui reproche aux juges du fond de s’être fondés sur une pièce non versée aux débats, en l’espèce le dictionnaire historique de la langue française, pour statuer. La Cour d’appel avait également rejeté l’action en concurrence déloyale engagée au titre de la reprise des

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noms de domaine, aux motifs que le nom de domaine doit présenter un caractère distinctif, faute de quoi il ne peut prétendre avoir un rôle d’identification de services provenant d’une entreprise particulière et être protégé de concurrents faisant simplement usage d’un nom de domaine usuel, nécessaire ou descriptif. Le pourvoi faisait grief aux juges du fond d’avoir statué ainsi alors que l’action en concurrence déloyale est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif et exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice. Ainsi, le caractère original ou distinctif d'un nom de domaine n'est pas une condition du succès de l'action en concurrence déloyale intentée à l'encontre du titulaire d'un nom de domaine postérieur, mais seulement un critère éventuel d'appréciation du risque de confusion. Toujours selon le pourvoi, en partant du principe que seul le titulaire d'un nom de domaine présentant un caractère distinctif serait fondé à se prévaloir d'un risque de confusion et en s'abstenant, en conséquence, de rechercher concrètement si le public n'était pas amené à confondre les noms de domaine en litige, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil. L’argument va prospérer. En effet, la Haute Cour, au visa de l’article 1382 du Code civil devenu l’article 1240 (fondant l’action en concurrence déloyale), va casser l’arrêt en ces termes : « Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale étant ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'un droit privatif, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée n'est pas une condition de son bien-fondé, mais un facteur susceptible d'être pertinent pour l'examen d'un risque de confusion, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ». L’arrêt est l’occasion de rappeler que le nom de domaine ne fait pas l’objet d’un droit privatif, comme le fait par exemple une marque. En conséquence, sa protection, indirecte, passe par l’exercice d’une action en concurrence déloyale laquelle suppose de démontrer l’existence d’un risque de confusion mais ne nécessite pas de démontrer que le nom de domaine répond à la condition de distinctivité (condition de protection d’une marque). Cela n’exclut pas que le caractère plus ou moins distinctif du nom de domaine puisse rejaillir sur l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion. A rapprocher : Article 1382 du Code civil devenu article 1240 du Code civil.

Saisie-contrefaçon : un mode de preuve aux exigences procédurales sévères

Cass. civ. 1ère, 6 avril 2016, pourvoi n°15-12.376 Ce qu’il faut retenir : La saisie-contrefaçon obéit à des règles procédurales strictes que la décision commentée nous donne l’occasion de rappeler. Pour approfondir : Pour établir l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle, une procédure spécifique a été prévue par le Code de la propriété intellectuelle : la saisie-contrefaçon. Cette procédure spéciale permet au titulaire de droits de propriété intellectuelle de solliciter, par voie de requête, l’autorisation de faire procéder à une saisie, réelle et descriptive, afin d’établir l’existence d’actes de contrefaçon. Dans ces affaires, le titulaire de droits d’auteur sur un puzzle avait fait pratiquer à une saisie-contrefaçon avant d’engager une action en référé pour obtenir le prononcé de mesures d’interdiction et le versement d’une provision. La personne poursuivie avait tenté d’obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon aux motifs de l’absence d’action au fond dans un délai raisonnable suivant l’exécution desdites mesures. Cette demande va être rejetée par la Cour d’appel approuvée par la Cour de cassation pour une question d’application de la loi dans le temps. En effet, les mesures de saisie-contrefaçon ayant été effectuées avant l’entrée en vigueur de la loi du 11 mars 2014 qui a modifié les articles L.332-2 et R.332-1 du Code de la propriété intellectuelle lesquels prévoient désormais un délai fixe dans lequel le requérant doit engager une action en justice après la saisie-contrefaçon. Désormais, ce texte prévoit – à l’instar du régime applicable aux autres droits de propriété intellectuelle – qu’ « A défaut pour le saisissant, dans un délai fixé par voie règlementaire, soit de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, soit d’avoir déposé une plainte devant le Procureur de la République, l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi ou du tiers saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés ».

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Ainsi, le saisissant dispose d’un délai de 20 jours suivant la saisie pour engager une action. A défaut, la saisie sera purement et simplement annulée. Le Code de la propriété intellectuelle encadre ainsi la saisie-contrefaçon dans un cadre procédural strict aux sanctions radicales. A rapprocher : Articles L.332-2 et R.332-2 du Code de la propriété intellectuelle

Retour sur la méthode d’appréciation de la contrefaçon

CA Paris, 4 mars 2016, RG n°15/10289 Ce qu’il faut retenir : Pour apprécier l’existence d’une contrefaçon les juges procèdent à un examen des similitudes entre les signes afin de déterminer l’existence d’un risque de confusion. Une demande nouvelle en appel sur le fondement de la concurrence déloyale est irrecevable. Pour approfondir : L’affaire opposait deux groupes de sociétés : une société holding titulaire de la marque semi-figurative La Talmelerie Pour l’amour du pain et deux de ses filiales ayant pour activité la fabrication et la vente de produits de boulangerie ont agi à l’encontre des sociétés d’un groupe ayant une activité identique, leur reprochant le dépôt et l’exploitation de la marque verbale La Talmelière. Elles faisaient valoir l’atteinte à leurs droits sur la marque et l’atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine. Pour apprécier l’existence d’une contrefaçon, la Cour d’appel va mener une analyse circonstanciée de l’existence d’un risque de confusion en examinant la similitude visuelle, verbale, phonétique et conceptuelle des signes en présence. En premier lieu, les juges vont rappeler que dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion il convient de tenir compte de l’élément figuratif de la marque première qui, du fait de son positionnement, de sa taille, et de ses caractéristiques particulières ne peut être tenu pour négligeable et le consommateur ne le percevra pas comme un élément accessoire. En deuxième lieu, les juges vont s’arrêter sur l’existence de similitudes et relever, à propos de la similitude visuelle, que les signes se distinguent en raison de la présence dans la marque antérieure d’une partie figurative en

couleur et d’une dénomination écrite sur trois lignes en caractères minuscules et en couleurs, tandis que la marque seconde est une marque verbale comportant un seul mot. Phonétiquement, les signes se distinguent dans la mesure où la marque première se prononce en onze temps tandis que la marque seconde se prononce en quatre temps. Enfin, les juges vont considérer que les signes ne sont pas similaires conceptuellement : si les termes Talemerie, Talemelière ou Talmière désignaient au Moyen-Age la boulangerie, pour autant aujourd’hui le signe n’est pas perçu immédiatement par le consommateur comme ayant cette signification ; dans la marque première, c’est la perception du slogan Pour l’amour du pain corroborée par la représentation d’une miche de pain en forme de cœur qui sera perçue comme l’évocation d’un lieu fabricant des produits de boulangerie, alors que la marque seconde n’aura pas d’évocation immédiate de ces mêmes produits. Au terme de cette analyse, la Cour va exclure tout risque de confusion et, partant, de contrefaçon et de cause de nullité de la marque seconde litigieuse qui est donc validée. Les demandes formées sur le fondement de la concurrence déloyale aux motifs d’une atteinte prétendue à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine vont pareillement échouer. La Cour va en effet déclarer ces demandes irrecevables car, faute d’avoir été formulées en première instance, elles constituent des demandes nouvelles en cause d’appel. Ces demandes ne tendent en effet pas aux mêmes fins que les demandes initiales. A rapprocher : Article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

La vente de produits marqués régulièrement acquis n’est pas constitutive de contrefaçon CA Paris, 3 mai 2016, RG n°15/01611

Ce qu’il faut retenir : Lorsque le tiers poursuivi en contrefaçon a régulièrement acquis les produits revêtus de la marque, aucun grief de contrefaçon ne peut lui être opposé. Pour approfondir : Dans cette affaire, le titulaire de marques en avait concédé une licence d’exploitation à une société,

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laquelle avait elle-même concédé une sous-licence à une tierce société pour certains produits et services à savoir de la bagagerie et de la maroquinerie. Ayant constaté la vente de valises reproduisant les marques, le titulaire de celles-ci et la société licenciée, après avoir fait procédé à une saisie-contrefaçon, ont engagé une action en contrefaçon et en concurrence déloyale. En premier lieu, la Cour va rejeter l’argument relatif à l’absence de qualité du licencié pour agir en contrefaçon en relevant que les demandes de cette dernière était fondée sur la concurrence déloyale et non sur la contrefaçon. En l’espèce en effet, ce licencié n’avait pas fait procéder à l’inscription de sa licence au registre national des marques ce qui, en application de l’article L.714-7 du CPI, ne lui permettait pas de faire valoir des droits sur la marque opposable aux tiers. En l’espèce, pour cette raison, il ne fondait pas ses demandes sur la contrefaçon mais sur la concurrence déloyale, l’argument relatif au défaut de qualité pour agir était donc mal-fondé. En second lieu, la Cour va rejeter l’action en contrefaçon. Les appelants tentaient en effet de s’appuyer sur les fautes commises par la société sous-licenciée dans le cadre du contrat de sous-licence de marques pour établir l’absence de droits de cette dernière sur les marques et, en conséquence, l’acquisition des produits par la société poursuivie auprès d’une société dépourvue de droits. L’argument ne va pas prospérer en raison de l’effet relatif des conventions qui s’oppose à ce que les fautes commises par la société sous-licenciée soient opposées à la société poursuivie en contrefaçon. En conséquence, la Cour considère que la société poursuivie a régulièrement acquis les valises litigieuses auprès d’une société titulaire d’une licence d’exploitation des marques pour des produits de bagagerie de sorte qu’aucune atteinte aux droits n’est par conséquent établie. A rapprocher : Article L.714-7 du Code de la propriété

intellectuelle ; Article L.713-2 du Code de la propriété

intellectuelle ; Article L.713-3 du Code de la propriété

intellectuelle.

Contrefaçon et concurrence déloyale : l’exigence de faits distincts

CA Paris, 3 mai 2016, RG n°13/23416 Ce qu’il faut retenir : L’atteinte portée à l’image d’une marque constitue un fait distinct de la contrefaçon d’un modèle et est en conséquence recevable. Pour approfondir : On le sait, l’action en concurrence déloyale exercée en même temps que l’action en contrefaçon doit reposer sur des faits distincts. C’est ce que rappelle la Cour de cassation à l’occasion de cet arrêt sanctionnant une Cour d’appel qui s’était montrée quelque peu excessive dans l’application de ce principe. En l’espèce, une société avait été reconnue coupable de contrefaçon de modèles de chaussures fabriquées et importées ensuite en France. Il lui était également reproché des actes de concurrence déloyale et de parasitisme du fait de l’apposition de la marque de la société reconnue coupable de contrefaçon alors que la société victime de la contrefaçon de son modèle de chaussure établissait le commercialiser sur une marque propre et produisait une série d’éléments comptables établissant la vente de chaussures contrefaisantes à un prix deux fois plus cher que les originaux. La Cour d’appel avait refusé d’y voir des faits distincts de la contrefaçon considérant au contraire qu’il s’agissait des conséquences économiques négatives de la contrefaçon s’inscrivant dans une même situation de fait et ne constituant pas des faits distincts de la contrefaçon. La Cour de cassation va censurer l’arrêt aux motifs « … qu’en statuant ainsi après avoir constaté que le fait d’apposer la marque M. sur la chaussure contrefaisante jetait le discrédit sur la collection K. auprès des clients mais également auprès des consommateurs et qu’il en résultait une atteinte portée à l’image de la marque K., faits distincts de la copie servile du modèle J retenue au titre de la contrefaçon… ». A rapprocher : Article 1382 du Code civil.

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Incidence du non-usage d’une marque sur l’appréciation de sa contrefaçon

CA Paris, 13 septembre 2016, RG n°15/04749 Ce qu’il faut retenir : La Cour d’appel de Paris vient de rendre un arrêt dont les termes inédits pourraient avoir des conséquences redoutables pour les titulaires de marques non exploitées dans le cadre des actions en contrefaçon pour la défense de leurs droits. Pour approfondir : L’affaire présentait, a priori, l’apparence de la simplicité : M.X titulaire d’une marque pour désigner notamment des vins, spiritueux, boissons alcooliques, a assigné en contrefaçon devant le TGI de Paris une société commercialisant une liqueur sous une dénomination quasi identique, ainsi que le fabriquant et le sous-traitant. Dans le cadre d’une autre instance, opposant le titulaire de la marque à une autre société, le TGI de Nanterre a prononcé la déchéance des droits sur la marque à compter du 13 mai 2011 pour « les boissons alcooliques, cidres, digestifs, vins spiritueux, extraits ou essences alcooliques » en raison du défaut d’usage. Ce défaut d’usage va emporter des conséquences encore plus larges dans le cadre de l’instance en contrefaçon. En effet, le TGI de Paris puis la Cour d’appel vont rejeter l’action en contrefaçon qui visait les actes commis sur la période du 8 juin 2009 au 13 mai 2011, soit la période antérieure au prononcé de la déchéance pour les faits non prescrits. Les juges de la Cour d’appel vont ainsi considérer que le titulaire de la marque « ne peut arguer utilement d’une atteinte à la fonction de garantie d’origine de cette marque qui, ainsi que le tribunal de première instance l’a rappelé, vise essentiellement à garantir aux consommateurs la provenance du produit ou service fourni en le distinguant de ceux proposés par la concurrence, ce qui suppose que la marque ait été en contact avec ces consommateurs. Que pour la même raison, M. X ne peut se prévaloir d’une atteinte portée au monopole d’exploitation conféré par sa marque (…) considérant qu’il y a lieu, par conséquent, d’approuver le Tribunal qui a jugé qu’aucune atteinte n’a pu viser la marque Saint Germain laquelle n’a jamais exercé sur le public une quelconque fonction, et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes ».

L’action en contrefaçon est donc tenue en échec en raison de l’absence d’atteinte à la fonction de la marque résultant du défaut d’usage de celle-ci. Comment comprendre une telle décision ? La référence faite à l’atteinte à la fonction de la marque ne surprend pas en soi. En effet, sous l’impulsion de la jurisprudence communautaire, les juges français recherchent si les actes prétendument contrefaisants sont de nature à porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l’identité d’origine des produits marqués. Cette notion irrigue désormais le droit des marques : au niveau des conditions d’acquisition du droit puisque la condition de distinctivité, devenue une condition autonome, consiste à vérifier que le signe est apte à remplir sa fonction de garantie de l’identité d’origine des produits revêtus de la marque, quand il est question de vérifier l’usage sérieux permettant d’éviter la déchéance : il ne sera établi que pour autant qu’il soit conforme à la fonction essentielle, de la marque (par exemple, Cass.com., 31 janv. 2012, pourvoi n°11-14317 et notre commentaire), enfin pour apprécier l’existence d’actes de contrefaçon (par exemple CA Paris, 12 sept. 2013, RG n°11/08455 et notre commentaire). Dans cette affaire, les actes dont il était fait grief, avaient eu lieu pendant la période de non-usage de la marque qui a conduit au prononcé de la déchéance. Le titulaire de la marque, dans l’instance en contrefaçon, indiquait que, si l’usage de la marque n’avait pas été jugé suffisant pour échapper à la déchéance, il justifiait néanmoins de préparatifs d’exploitation durant la période en cause. Or, la Cour va rester insensible à l’argument estimant que lesdits éléments ne permettaient pas de démontrer que la marque avait été mise en contact avec le public et que, par conséquent, elle avait exercé sa fonction : fonction à laquelle il ne pouvait donc avoir été porté atteinte. Logique. Cela revient à considérer qu’il ne peut être porté atteinte à une marque non exploitée. De ce fait, comment articuler cette règle avec l’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle qui préserve la marque non exploitée pendant une période inférieure à une durée de cinq ans (la déchéance n’est en effet encourue qu’en cas de défaut d’usage pendant une période ininterrompue de cinq ans) (V. sur la question de la déchéance, notre article : la déchéance des droits sur la marque : Comment l’éviter ?). Or, si la solution de cet arrêt devait se confirmer, rien ne sert d’avoir une marque non utilisée puisque son usage par un tiers n’encourt pas de sanction.

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Sous couvert d’une approche finaliste de la contrefaçon, cette décision rajoute une condition à la caractérisation de la contrefaçon, celle de l’exploitation publique de la marque. La Cour aurait pu prendre une autre voie et tenir compte du défaut d’usage de la marque, ou de sa faible intensité, pour apprécier le montant de l’indemnisation du fait de la contrefaçon. Un certain opportunisme semble avoir guidé les juges : il est vrai qu’il aurait été curieux de retenir l’atteinte à une marque qui va être déchue à compter d’une date donnée en raison de l’absence d’exploitation sur la période antérieure. Ceci étant, sur le plan des principes, la décision crispe pour le moins et nous paraît prendre quelques largesses avec l’approche finaliste : en effet, sont répréhensibles les actes qui portent atteinte ou sont susceptibles de porter atteinte à la fonction de garantie d’origine : tel est le cas lorsque l’atteinte se situe à un moment d’inexploitation. Une question en particulier surgit : qu’en sera-t-il si les actes litigieux se situent pendant une période d’inexploitation de la marque sans que celle-ci conduise à la déchéance des droits ? Voici donc une décision qui, si elle devait être confirmée par la Cour de cassation, emportera des conséquences majeures, tant sur le plan pratique que sur le plan des principes. A rapprocher : Articles L.713-3, L714-5 et L.716-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Distribution parallèle et contrefaçon CA Paris, 15 septembre 2016, RG n°15/00108

Ce qu’il faut retenir : La vente de produits authentiques hors réseau de distribution sélective peut-être constitutive d’actes de contrefaçon. Pour approfondir : Dans cette affaire, deux sociétés du même groupe respectivement titulaires des marques et tête du réseau de distribution sélective en France, ont engagé une action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l’encontre d’une société en raison de l’exploitation d’un site internet et d’un point de vente proposant à la vente des montres, vendues dans le réseau de distribution sélective. Cette assignation a fait suite à une saisie-contrefaçon au cours de laquelle ont été saisies des factures d’achat des produits auprès d’une société belge, celle-ci les ayant acquis auprès d’une

autre société belge alors membre du réseau en question. La société poursuivie a essayé de se retrancher derrière l’épuisement du droit sur la marque. Ce principe, prévu à l’article 13 paragraphe 1 du règlement sur la marque communautaire du 26 février 2009 (également à l’article L713-4 CPI), prévoit en effet une exception au droit sur la marque empêchant le titulaire d’une marque de s’opposer à la circulation des produits marqués qu’il a mis dans le commerce dans la communauté. La partie qui invoque l’épuisement doit en rapporter la preuve, ce qui implique d’établir : la mise dans le commerce par le titulaire de la marque ou avec son consentement, sur le territoire de l’espace économique européen (pour une illustration de l’application de cette règle : CA Paris, 7 novembre 2014, RG n°13/24237, et nos observations ; CA Paris, 18 juin 2014, RG n°13/00459, et nos observations). La charge de la preuve peut être renversée en cas de risque réel de cloisonnement des marchés – risque que le défendeur doit prouver pour ne pas avoir à révéler la source de son approvisionnement. En l’espèce, la société poursuivie se contentait de faire état de l’existence d’un réseau de distribution sélective pour prétendre que la charge de la preuve de l’épuisement devait être renversée. L’argument ne va pas suffire à convaincre la Cour. Les juges ont en effet relevé que le renversement de la charge de la preuve tend à permettre à la société qui se prévaut de l’épuisement de ne pas révéler sa source d’approvisionnement afin de ne pas la tarir ; or, en l’espèce, la société poursuivie ne cherchait pas à dissimuler sa source puisqu’au contraire elle en faisait état. L’examen des pièces va conduire les juges à considérer que la preuve que les produits ont été initialement mis dans le commerce par le titulaire des droits ou avec son consentement n’est pas rapportée. En effet, les factures saisies, en particulier en raison de l’absence de correspondances entre les références y figurant et celles des produits vendus par la société poursuivie, ne permettaient pas de justifier dudit consentement du titulaire de la marque à la mise sur le marché initiale des produits. L’épuisement des droits sur la marque étant écarté, la Cour va retenir l’existence d’actes de contrefaçon et entrer en voie de condamnation. Pour évaluer le préjudice subi, les juges vont s’attacher à rechercher chacun des éléments prévus à l’article L.716-14 CPI (conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés) pour fixer le montant des

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dommages-intérêts. Au vu des factures lui permettant de déterminer le nombre de produits achetés, le prix d’achat et de revente, les juges ont déterminé les bénéfices réalisés par le contrefacteur et ont forfaitairement évalué le préjudice moral. En revanche, le titulaire de la marque n’ayant fourni aucun élément relativement aux investissements engagés dont il se prévalait au titre des conséquences négatives de la contrefaçon, il n’a pu obtenir de dédommagement à ce titre. La Cour va également retenir l’existence d’actes de concurrence déloyale dont se prévalait la tête du réseau en France également licenciée de la marque. Les actes de contrefaçon constituant des actes de concurrence déloyale à son égard dès lors que la société poursuivie s’est dispensée des contraintes pesant sur les membres du réseau. Les juges vont en outre considérer que la société poursuivie a méconnu les termes de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, lequel réprime les pratiques commerciales trompeuses notamment lorsqu’elles reposent sur les allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur la disponibilité ou la nature du bien ou du service, l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel. En effet, le site internet litigieux comportait une mention « nous commandons nos produits uniquement auprès du représentant officiel en France pour l’ensemble de notre stock. Liste des représentants officiels : (…) » : cette mention étant mensongère et laissant entendre l’existence de liens commerciaux.

A rapprocher : Articles L.713-4 et L.716-14 du Code de

la propriété intellectuelle ; Article L.121-1 du Code de

la consommation.

Violation d’un accord de coexistence CA Paris, 27 mai 2016, RG n°15/03893

Ce qu’il faut retenir : Le non-respect des termes d’un accord de coexistence peut conduire à sa résiliation et à la sanction des actes de contrefaçon commis. Pour approfondir : Dans cette affaire, deux sociétés avaient mis un terme à leur différend en signant un accord de coexistence aux termes duquel l’une d’entre elles s’était engagée à

exploiter sa marque sous une forme déterminée et pour une liste déterminée de produits. L’évolution des conditions d’usage du signe et l’enregistrement à titre de marque ont conduit à une action en contrefaçon et en résiliation de l’accord à l’encontre de la société ayant violé les termes de l’accord de coexistence. La Cour d’appel va se prononcer sur l’existence d’actes de contrefaçon : elle va examiner le signe exploité par la société avec la marque de l’autre partie et conclure à l’existence de ressemblances de nature à créer un risque de confusion. Au cas d’espèce en effet, le signe exploité étant précisément l’élément de l’ensemble qui avait donné lieu au différend entre les parties et à la conclusion de l’accord faisant interdiction d’utiliser le terme pris isolément. Les juges vont également considérer que, par suite de la violation des termes de l’accord de coexistence et son exécution de mauvaise foi, cet accord doit être résilié aux torts exclusifs de la société défaillante. Comme tout contrat, l’accord de coexistence doit être parfaitement exécuté par la partie, à défaut il peut être résilié. En outre, parce qu’il s’agit de marques, l’inexécution peut également être constitutive d’une atteinte aux marques et donc, d’une contrefaçon.

A rapprocher : Article 1134 du Code civil ; Article

L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle.

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INTERNATIONAL

POINT SUR LES EVOLUTIONS LEGISLATIVES INTERVENUES

Avis n°16-1 du 14 janvier 2016 relatif au caractère

impératif des délais de paiement dans le cadre d’un contrat international

Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC)

Ce qu’il faut retenir : Selon la CEPC, les sanctions administratives qui viennent assortir le dépassement des délais impératifs de paiement pourront être mises en œuvre dans les rapports entre un vendeur français et un acheteur étranger malgré la soumission du contrat à la loi interne d’un Etat étranger, notamment lorsque l’ensemble de la relation commerciale se déroule en France. En revanche, en présence d’une clause attributive de juridiction désignant une juridiction étrangère et d’une clause d’electio juris désignant une loi étrangère, le juge étranger saisi d’une action de nature civile garde les mains très libres pour refuser de tirer les conséquences civiles de la violation du droit français. Il ne pourrait en aller différemment que si – en dépit de l’établissement à l’étranger de l’acheteur – l’ensemble de la relation commerciale se déroulait en France. Pour approfondir : La Commission d’examen des pratiques commerciales a été saisie par un avocat afin de recueillir son avis sur le champ d’application dans l’espace des règles du Code de commerce relatives aux délais de paiement. Plus précisément, la question est de savoir s’il est possible d’écarter l’application des dispositions de l’article L441-6 plafonnant les délais de paiement à un contrat international de vente de marchandises conclu entre un fournisseur français et un client étranger (établi dans un Etat membre de l’Union européenne) lorsque ce contrat est soumis à la compétence du juge et de la loi de l’Etat étranger dans lequel le client est établi. Dans une telle occurrence, l’auteur de la saisine interroge la Commission sur le point de savoir s’il serait toujours possible pour l’Administration française de poursuivre les parties au contrat de vente devant le juge français sur le fondement des dispositions du Code de commerce.

La loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ayant en partie modifié les sanctions applicables en cas de violation des règles de l’article L441-6 du Code de commerce plafonnant les délais de paiement, il convient de s’interroger au préalable sur l’application des nouvelles dispositions dans le temps (1) avant de répondre à la question principale relative à leur application dans l’espace (2). I. Application dans le temps En vertu de l’article L.441-6 I alinéa 9 du Code de commerce (issu de la loi de modernisation de l’économie (LME) n°2008-776 du 4 août 2008 et modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques) : « Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier ». Afin de renforcer l’effectivité de la lutte contre les retards de paiement, la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a en partie modifié la nature des sanctions spéciales prévues par le Code de commerce, singulièrement en cas de dépassement du délai impératif (désormais exposé à des sanctions administratives). Auparavant, le fait de soumettre un partenaire à des conditions de règlement qui ne respectaient pas ce plafond engageait la responsabilité de son auteur (l’acheteur) et l’exposait au prononcé de sanctions – et notamment d’une amende – civiles dans les termes de l’article L. 442-6 III du Code de commerce (art. L.442-6 I 7° anc. C. com.). La loi relative à la consommation a abrogé l’article L. 442-6 I 7° du Code de commerce pour substituer à ces sanctions civiles le prononcé d’amendes administratives (Loi relative à la consommation, art. 123 I, II, III, V). Avec la loi n°2014-628 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux TPE, c’est tout le dispositif relatif aux délais de paiement qui a été dépénalisé. Ainsi, aux termes de l’article L. 441-6 VI du Code de commerce : « Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article (…) ».

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Ce nouveau dispositif étant d’application immédiate, il s’applique à tous les faits postérieurs à son entrée en vigueur. II. Application dans l’espace La question est ici de savoir si le plafonnement des délais de paiement s’impose dans les rapports entre un vendeur établi en France et un acheteur établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne lorsque le contrat donne compétence au juge et à la loi de l’Etat étranger de l’acheteur. Cette question délicate n’a pas été tranchée à ce jour par la jurisprudence. A titre liminaire, on peut se demander si l’application dans l’espace d’un texte assorti de sanctions administratives dépend ou non des instruments de droit international privé. Relevant du droit public et du juge administratif, le jeu des sanctions administratives ne devrait souffrir a priori aucun conflit de lois ou de juridictions. Les règlements européens applicables à ces questions excluent d’ailleurs fermement « la matière administrative » (article 1er §1er des règlements (CE) n° 1215/2012 du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dits « Bruxelles I bis», « Rome I » et «Rome II»). L’application dans l’espace des dispositions assorties de sanctions administratives serait alors déterminée de la même façon que pour celles qui sont exposées à des sanctions pénales (v. en ce sens J. Cl. Droit international, Fasc. 571-20 par C. Kessedjian et S. Cohen Elbaz, Contrats de distribution – Introduction générale – Droit international privé, n°11 et s ; CEPC Avis 14-05 et 13-07). Cette analyse peut s’appuyer sur une doctrine autorisée qui a admis l’absence de conflits de lois en droit public aux motifs que chaque Etat souverain dispose en la matière d’une compétence matérielle exclusive qu’elle tient du droit international public et qui n’entre pas à proprement parler en conflit avec celle des autres Etats (P. Mayer, « Droit international privé et droit international public sous l’angle de la notion de compétence », RCDIP 1979 I n°16 p.19 ; D. Chilstein, Droit pénal international et lois de police. Essai sur l’application dans l’espace du droit pénal accessoire, Dalloz, nouv. Bibl. th. 2003, n°469 p.258).

Au demeurant, le jeu des sanctions administrées par l’Autorité de la concurrence ne dépend d’aucune façon des règlements européens régissant les conflits de lois et de juridictions. Dans le même temps, il est permis de considérer que les sanctions administratives n’ont vocation à s’appliquer que si l’obligation litigieuse est soumise au droit français. Si elle est de nature contractuelle, c’est le règlement Rome « I » (préc.) qui s’applique à la détermination du droit applicable, sauf pour les ventes qui relèvent encore en France de la convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels. A l’inverse, si elle est de nature extra-contractuelle, il convient de se référer au règlement « Rome II » (préc.). La qualification contractuelle ou extra-contractuelle dépend de l’objet de l’action (TC Paris 7 mai 2015, Expedia, RG n°2015000040 relevant que l’article L.442-6 du commerce entend réprimer aussi bien des comportements délictuels de marché que des clauses contraires à l’ordre public, ce qui relève de la matière extra-contractuelle dans le premier cas, de la matière contractuelle dans le second). Pour la mise en œuvre des règles de conflit de lois d’origine interne (droit commun antérieur à l’entrée en vigueur du règlement « Rome II »), la qualification extra-contractuelle a été retenue en cas d’action en responsabilité fondée sur l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce interdisant toute rupture brutale d’une relation commerciale établie (Cass. com. 21 octobre 2008, n°07-12336 ; Cass. com. 25 mars 2014, n°12-29534 ; Cass. com. 20 mai 2014, n° A12-26705, P 12-26.970 et A 12-29281 ; comp. pour la détermination de la juridiction compétente, Cass. com. 15 septembre 2009, n°07-10493 et Cass. com. 18 janvier 2011, n°10-11885). Plus généralement, la jurisprudence a eu l’occasion d’analyser comme une faute de nature extra-contractuelle la violation d’une obligation de police administrative (Civ. 3e 16 mars 2005, n°03-17875). Pour la mise en œuvre des règlements relatifs aux conflits de lois, il convient toutefois de privilégier une interprétation autonome (non dépendante de conceptions nationales) fondée sur le système et les objectifs des règlements et en vertu desquels la qualification contractuelle pourrait l’emporter (v. CJCE 8 mars 1988, aff. 9/87, Arcado, à propos de la rupture d’un contrat d’agence commerciale ; v. également CJUE 13 mars 2014, Brogsitter, aff. C-548/12 « des actions en responsabilité civile telles que celles en cause au principal, de nature délictuelle en droit national, doivent, néanmoins, être considérées comme relevant

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de la «matière contractuelle» (…) si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles, telles qu’elles peuvent être déterminées compte tenu de l’objet du contrat » ; v. également TC Paris 7 mai 2015, Expedia préc.). S’agissant des délais de paiement, le fait d’imposer de façon illicite des délais dépassant le plafond légal a vocation à être accepté dans le contrat. Pour ne rien négliger, les deux qualifications seront donc envisagées (comp. CEPC avis n°1310). 1. Obligation de nature contractuelle La possibilité pour les parties de choisir la loi applicable au contrat est admise tant par l’article 3 du règlement « Rome I » que par l’article 2 de la convention de La Haye du 15 juin 1955 (préc.). Dans le cas soumis à l’examen de la Commission, le choix d’une loi étrangère dans le contrat est donc pleinement efficace. Il ne pourrait en aller différemment, en vertu de l’article 3§3 du règlement « Rome I » (préc.), que si l’ensemble de la relation commerciale se déroulait matériellement en France (DGCCRF Avis n°09-06 ; Rapport annuel CEPC 2009-2010 p.57). L’article L.441-6 pourrait toutefois s’imposer à titre de loi de police (article 9 du règlement « Rome 1 » préc.; comp. article 6 de la convention de La Haye préc. évoquant plus largement la possibilité d’écarter l’application de la loi désignée « pour un motif d’ordre public »). S’il est pleinement admis que les dispositions françaises qui appréhendent les pratiques anticoncurrentielles s’imposent à titre de lois de police en présence de pratiques affectant le marché français, le droit français des pratiques restrictives de concurrence suscite davantage de débats (v. retenant la qualification de loi de police, Lyon 9 septembre 2004, RG n°2004/00108 et Paris 4 octobre 2012, à propos de la rupture brutale d’une relation commerciale établie ; v. également TC Paris 7 mai 2015, Expedia, préc. retenant la qualification de loi de police à propos de l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce ; comp. Civ. 1e 3 mars 2009 n°07-16527 : « les dispositions de la loi du 15 mai 2001 modifiant l’article L.441-6 du Code de commerce répondent à des considérations d’ordre public particulièrement impérieuses » pour l’application de la loi dans le temps). Sous l’empire du règlement « Rome I » (préc.), cette qualification est désormais soumise à la vérification de « l’intérêt public » promu par la loi de police, ce qui

devrait pouvoir se déduire chaque fois que des sanctions punitives (amende) sont encourues. Au lendemain de la LME, la DGCCRF a indiqué qu’elle veillerait « à ce que les débiteurs établis en France règlent leurs créanciers résidant à l’étranger sans entraîner de distorsion de concurrence vis-à-vis d’opérateurs résidant en France » et « à ce que des créanciers français ne se voient pas imposer des délais de paiement anormalement longs par leurs débiteurs, en particulier ceux qui utiliseraient des centrales de paiement à l’étranger dans le seul but d’échapper aux dispositions nationales » (avis n°09-06). On a pu en déduire que le plafonnement des délais de paiement avait vocation à s’appliquer lorsque les produits contractuels sont destinés au marché français. Cette application territoriale permet d’assurer un meilleur équilibre des relations commerciales dans les filières (alimentaires et non alimentaires) et par là-même une meilleure égalité des conditions de concurrence entre opérateurs français et étrangers sur le marché français. Elle ne devrait pas souffrir de l’établissement à l’étranger de l’acheteur lorsque les produits sont destinés au marché français. Quel que soit le lieu d’établissement de l’acheteur, c’est toujours le marché français qui est concerné. On songe ici aux hypothèses de délocalisation abusives ou frauduleuses des commandes, les produits étant en réalité destinés au marché français (v. Rapport annuel CEPC 2009-2010 p.57). Lorsque les marchandises sont destinées au marché étranger, une atteinte aux intérêts économiques français n’est pourtant pas exclue si les pratiques de « crédit inter entreprises » imposées par des acheteurs étrangers produisent des effets en chaîne ou systémiques sur « l’amont » de la filière qui se trouve localisé en France. L’application du dispositif français dans ce cas est également de nature à assurer une égalité entre exportateurs français. Dans les rapports entre Etats membres de l’Union européenne, cette analyse est compatible avec la directive n°2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales (refondue par la directive 2011/7/UE du 16 février 2011) qui est d’harmonisation minimale. Elle paraît également encouragée, dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire du moins, par la communication de la Commission du 15 juillet 2014 (COM 2014, 472 final) qui – même si elle n’envisage pas la question des délais de paiement – propose au point

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5-3 aux Etats d’« appliquer les mêmes critères et méthodes d'application aux opérateurs de marché locaux et étrangers ». A supposer que le plafonnement des délais de paiement puisse s’analyser comme une loi de police applicable dans les rapports entre un vendeur français et un acheteur étranger, deux circonstances sont toutefois de nature à en compromettre l’application en présence d’un contrat soumis à la loi et aux juridictions du pays (membre de l’UE) de l’acheteur. Une première difficulté provient de l’applicabilité de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. En réponse à deux questions parlementaires relatives à l’applicabilité du plafond légal au ventes à l’exportation, le ministre du commerce extérieur a estimé en effet que chaque fois que l’application de la convention n’était pas écartée par les parties (ce qui ne peut en principe se déduire du simple choix d’une loi étrangère si c’est celle d’un pays ayant ratifié la convention), les délais de paiement pouvaient être fixés librement en vertu de son article 59 sans souffrir aucun plafond tiré du droit national (Rep. Min. à QE n°22748, JO 30 juillet 2013, p.8237 ; Rep. Min. à QE n°22749, JO 1er juillet 2014, p.5509) autre que celui s’infère de la transposition dans le droit des Etats membres de la directive 2011/7/UE aux termes de laquelle les délais de paiement convenus entre les parties ne doivent pas être manifestement abusifs à l’égard du créancier (préc.). Il ne pourrait en aller différemment que si le dépassement du plafond légal était sanctionné par la nullité (v. article 4 de la convention et les obs. de Cl. Witz, D. 23 avril 2015 p. 890). Or si une clause contraire à l’article L.441-6 du Code de commerce peut certainement encourir la nullité dans les termes du droit commun, le dépassement du plafond légal ne fait pas partie des causes spéciales de nullité énoncées par l’article L.442-6 II du Code de commerce. Une autre difficulté provient de la circonstance qu’en plafonnant les délais de paiement, le législateur français est allé au-delà des prescriptions de la directive 2011/7/UE (préc.), ce qui n’est pas en soi discutable s’agissant d’une directive d’harmonisation minimale. Il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce, le contrat a été soumis à la loi d’un autre Etat membre de l’UE qui, on peut le supposer, a transposé la directive. Dans ce contexte, l’applicabilité en tant que loi de police de la loi française, qui va au-delà des exigences de la directive d’harmonisation minimale, suppose de démontrer que la loi française poursuit des objectifs propres par rapport à ceux poursuivis par la directive (v. CJUE 17 octobre 2013, aff. C-184/12). On peut

considérer que tel est le cas dans la mesure où la loi française ne vise pas seulement à limiter les abus inter partes mais aussi à éviter la répercussion des délais de paiement excessifs sur l’amont de la filière. 2. Obligation de nature extra-contractuelle L’applicabilité du droit français dépend alors du règlement « Rome II » (préc.). S’agissant de la responsabilité encourue pour avoir imposé à un contractant des délais de paiement dépassant le plafond légal, on peut se demander si l’article 6 relatif à la concurrence déloyale et aux actes restreignant la libre concurrence pourrait trouver à s’appliquer dans les rapports entre un vendeur français et un acheteur étranger (v. CEPC avis n°1508). L’article 6§1 énonce que « la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ». Il a vocation en cela à s’appliquer à des comportements délictuels de marché. Interprété strictement, ce texte ne permet guère d’appliquer la loi française aux délais de paiement pratiqués par l’acheteur étranger de produits ou services destinés au marché étranger. Si l’on en retient une interprétation large, on peut toutefois considérer que ce texte s’applique à l’ensemble des pratiques commerciales déloyales qui ont des répercussions sur l’amont de la filière et désigne comme loi applicable celle du pays sur le territoire duquel les relations commerciales sont affectées ou susceptibles d’être le long de la chaîne économique. En présence d’une pratique commerciale déloyale envers un vendeur établi en France qui a des répercussions sur l’amont de la filière en France, la loi française pourrait donc être désignée. Dans tous les autres cas (article 6§2 renvoyant à l’article 4), le choix par les parties d’une loi étrangère (article 14 du règlement) devrait produire tous ses effets, sauf dans l’hypothèse où l’ensemble de la relation commerciale se déroule en France (article 14 §2) et sous réserve de l’intervention des lois de police du for (article 16). Quelle que soit la matière du litige, on ajoutera pour finir que dans les rapports entre les parties contractantes, la stipulation d’une clause attributive de juridiction doit produire tous ses effets en dépit de l’applicabilité d’une loi de police française (v. Cass. Civ. 1e 22 octobre 2008, n°07-15823 ; Cass. Com. 24 novembre 2015, n°14-14924 ; v. toutefois pour la mise

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en œuvre de l’article 101 TFUE dans une action civile consécutive à une décision de condamnation, CJUE 21 mai 2015 aff.C-352/13 ; comp. Cass. com. 7 octobre 2015 n°14-16898) et neutralise ainsi, chaque fois qu’elle n’est pas désignée par la règle de conflit l’application de la loi française, alors qualifiable au mieux de loi de police étrangère. Pour autant, la clause attributive de juridiction n’a aucune incidence sur la possibilité pour l’administration française de sanctionner une pratique contraire au droit français qui entre dans son champ d’application (comp. à propos de la possibilité pour le ministre de l’économie de saisir les juridictions françaises sur le fondement de l’article L.442-6 III du Code de commerce, TC Paris, 7 mai 2015, Expedia préc.). En conclusion : En l’état du droit positif, on peut penser que les sanctions administratives qui viennent assortir le dépassement des délais impératifs de paiement pourront être mises en œuvre dans les rapports entre un vendeur français et un acheteur étranger malgré la soumission du contrat à la loi interne d’un Etat étranger, notamment lorsque l’ensemble de la relation commerciale se déroule en France. En revanche, en présence d’une clause attributive de juridiction désignant une juridiction étrangère et d’une clause d’electio juris désignant une loi étrangère, le juge étranger saisi d’une action de nature civile garde les mains très libres pour refuser de tirer les conséquences civiles de la violation du droit français. Il ne pourrait en aller différemment que si – en dépit de l’établissement à l’étranger de l’acheteur – l’ensemble de la relation commerciale se déroulait en France. A rapprocher : CEPC Avis 14-05 et 13-07.

Nouvelle loi relative aux sociétés anonymes au Maroc

Loi n°78-12 modifiant et complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes au Maroc

Ce qu’il faut retenir : La loi n°78-12 (la « Nouvelle Loi ») modifiant et complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes a été publiée au Bulletin Officiel marocain en date du 21 janvier 2016 (n° 6432). La loi prévoit de nombreuses nouveautés relatives aux sociétés anonymes afin de rendre les sociétés marocaines plus compétitives sur le plan international.

Pour approfondir : Le Maroc a entrepris, ces dernières années, plusieurs réformes visant la modernisation de l’environnement juridique des entreprises. La promulgation du Code de commerce, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence, la loi relative à la propriété industrielle, la loi relative aux sociétés anonymes et la loi sur les autres formes de sociétés constituent une étape fondamentale dans l’amélioration du climat des affaires au Maroc. Ces réformes ont ainsi amélioré la compétitivité des sociétés marocaines et ont incité à la relance de l’investissement étranger au Maroc. Néanmoins, l'environnement des affaires, tant mondial que local, change et évolue très rapidement nécessitant dès lors des mises à jour régulières du cadre juridique marocain des affaires. L’objectif déclaré est de répondre aux préoccupations liées à la croissance de l’économie nationale et permettre au Maroc de demeurer attractif. Dans ce contexte, le Dahir n°1-15-106 du 12 chaoual 1436 (29 juillet 2015) portant promulgation de la loi n°78-12 modifiant et complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes (« SA ») a été publié au Bulletin Officiel en date du 21 janvier 2016, devenant ainsi opposable à tous. Les principaux amendements dans cette Nouvelle Loi s’articulent autour des axes suivants : i. Simplification des procédures relatives aux

sociétés anonymes ; ii. Refonte du système des conventions

réglementées ; iii. Amélioration de la gouvernance dans la gestion

des sociétés anonymes ; iv. Renforcement des droits des actionnaires ; v. Garantie de la transparence en cas de fusions ou

de scissions ; vi. Et enfin encadrement de l’achat par une société

cotée de ses propres actions. 1. Simplification des procédures relatives aux sociétés anonymes : L’un des aspects essentiels de la réforme apportée par la Nouvelle Loi consiste à l’adoption des mesures de simplification des procédures relatives aux sociétés anonymes.

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A cet effet, la Nouvelle Loi se propose d’introduire une modification (à l’article 12 de la loi n°17-95) relatif aux mentions obligatoires des statuts de la SA en édictant une meilleure information sur les droits afférents aux différentes catégories d’actions. L’objectif visé, à travers cet amendement, est d’assurer une meilleure information des actionnaires et des tiers. Dans le même ordre d’idée, la Nouvelle Loi prévoit la simplification de la procédure de retrait des fonds provenant des souscriptions en numéraire (art. 34) en permettant au mandataire du conseil d'administration ou du directoire de retirer les fonds par la simple remise d’une attestation justifiant que la société a été immatriculée au registre du commerce. En outre, et en vue d’alléger le formalisme de dépôt des états de synthèses et du rapport du commissaire aux comptes (« CAC ») au greffe du tribunal, la Nouvelle Loi prévoit la dématérialisation des procédures afin de permettre le dépôt en ligne. Cette mesure permet aux investisseurs de gagner du temps et de réaliser des économies, en termes de frais et de déplacements. 2. Refonte du système des conventions réglementées : La Nouvelle Loi envisage diverses dispositions réformant le régime des conventions dites « réglementées », qui, parce que passées entre la société et ses dirigeants ou certains de ces actionnaires, se trouvent soumises à un régime spécifique d’autorisation. Une première modification consiste à prévoir, dans le dispositif relatif à l’autorisation des conventions par le conseil (d’administration ou de surveillance) (art. 56), le principe selon lequel « les personnes intéressées et le conseil d’administration ou de surveillance doivent veiller à ce que les conditions des opérations qu’elles concluent avec la société soient équitables ». Une deuxième modification intéresse l’article 57 qui vise l’introduction d’une information sur les conventions portant sur des opérations courantes, conclues à des conditions normales de marché. Ce dispositif prévoit, outre l’information du président du conseil par la partie intéressée, une communication de la liste de ces conventions aux autres membres du conseil ainsi respectivement qu’aux commissaires aux comptes, et aux actionnaires qui peuvent consulter ces conventions au siège social (art. 141 alinéa 8). En outre, la Nouvelle Loi prévoit une troisième modification intéressant la publication de rapport du

CAC sur les conventions réglementées, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne (art. 58). Ces amendements entrent dans le cadre des objectifs de la Nouvelle Loi qui visent à garantir plus de transparence dans les sociétés anonymes et à améliorer la protection des actionnaires notamment les minoritaires. 3. Amélioration de la gouvernance dans la gestion des sociétés anonymes : Deux mesures sont envisagées à ce titre dans la Nouvelle loi : La première vise à conférer un caractère facultatif à la nomination d’un vice-président du conseil de surveillance (art. 90), tandis que l’ancienne disposition qui accorde un aspect obligatoire à cette nomination, alourdit le fonctionnement du conseil de surveillance et crée la confusion de responsabilité entre le président et le vice-président. Une seconde mesure tend à conférer au directoire le droit de convoquer l’assemblée générale (art. 116). C’est le directoire qui assure le fonctionnement quotidien de la société, établit les états de synthèse et le rapport de gestion. A ce titre, il est suggéré de lui donner la faculté de convoquer l’assemblée générale. Cette réforme va dans le sens d’un renforcement des pouvoirs du directoire et correspond aux pratiques de la plupart des Etats connaissant un régime dualiste. 4. Renforcement des droits des actionnaires : La première mesure relative à l’article 121 tend à renforcer l’information des actionnaires, et préalablement à la tenue de l’assemblée générale et contribue ainsi à faciliter l’exercice de leurs droits. Aussi, l’amendement relatif à l’article 179 bis répond à la nécessité d’assurer le remplacement rapide du CAC en cas de démission par voie de nomination par Ordonnance du Président du Tribunal. En l’absence de CAC suppléant, une telle procédure apparaît comme étant de nature à prévenir des blocages dans le fonctionnement des sociétés intéressées. 5. Garantie de la transparence en cas de fusions ou de scissions : Parmi les nouvelles règles en matière d’information proposées par cette Nouvelle Loi, figure celle relative à l’information lors des fusions ou des scissions de sociétés (art. 222). En effet, les dispositions légales et réglementaires en vigueur au Maroc ne soumettent pas, de manière explicite, au visa du l'Autorité Marocaine du Marché

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des Capitaux (« CDVM ») les opérations de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif, pour toute émission d’actions par apports en nature. Ainsi, cet amendement permet aux actionnaires d’être informés le plus complètement et le plus clairement possible sur les motifs, les modalités et les conséquences de telles opérations, pour qu’ils puissent en comprendre toute la portée, en apprécier le caractère équitable et se prononcer en connaissance de cause lors des assemblées générales extraordinaires appelées à approuver les apports ou les fusions. 6. Encadrement de l’achat par une société cotée de ses propres actions La Nouvelle Loi adapte de façon appropriée le régime gouvernant l’achat par une société anonyme cotée de ses propres titres, afin notamment de supprimer la notion de « régularisation », qui constitue en l’état le motif retenu pour justifier le recours aux rachats d’action. Pour répondre à cette problématique, il est envisagé de substituer à la notion de « régularisation du marché », à l’article 281, le fait « d’assurer l’animation du marché desdites actions, telle que requise par les dispositions de l’article 14 de la loi relative à la bourse des valeurs, ou tous autres motifs fixés par le CDVM, dans le respect des exigences de transparence et de bon fonctionnement de marché ». Il est enfin à relever dans la Nouvelle Loi (art. 279), le soin de déterminer par voie réglementaire le pourcentage des actions que peut posséder la société. A rapprocher : Bulletin Officiel au Maroc. L’évolution législative de l’investissement en Algérie Loi n°16-09 du 28 Chaoual 1437 correspondant au 3

août 2016 relative à la promotion de l’investissement Ce qu’il faut retenir : Le Parlement Algérien a adopté, le 17 juillet 2016, une nouvelle réforme relative à l’adoption d’un nouveau Code de l’investissement. Les nouvelles dispositions auront pour objectif principal de faciliter l’insertion et l’arrivée d’investissements étrangers et d’augmenter l’attractivité de l’Algérie. Ce nouveau Code prévoit : - Une exonération ciblée des droits de douane, - Un ajout de taxes additionnelles,

- Une extirpation de la règle 51/49% et du droit de préemption du Code de l’investissement,

- Une simplification administrative pour les nouveaux investissements étrangers,

- La possibilité de recourir à l’arbitrage ad hoc. Pour approfondir : L’Algérie est dotée de grandes ressources d’hydrocarbures ; à cet effet, elle est classée dans les dix premiers producteurs mondiaux de gaz et dans les vingt premiers producteurs mondiaux de pétrole. A noter qu’elle est aussi un Etat membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Depuis la fin de l’année 2015, les cours du pétrole ont chuté vertigineusement. Sans aléa extrinsèque, un déséquilibre entre l’offre et la demande conduit inévitablement à une baisse ou une hausse des prix. L’augmentation importante de la production de barils de pétrole américains a conduit à avoir une offre supérieure à la demande. De plus, l’effet de contraction de l’économie européenne, par sa croissance molle, et de l’économie chinoise, par une croissance ralentie, toutes deux consommatrices de pétrole, a eu pour conséquence une diminution de la demande de pétrole, renforçant le déséquilibre entre offre et demande. De ce constat économique, l’Algérie, tributaire de ses ressources gazières et pétrolifères, accuse, comme l’Arabie Saoudite ou le Bahreïn, une perte de revenus conséquente. Contrairement aux deux pays du Golfe, le plus grand pays du Maghreb enregistre une balance commerciale déficitaire. Ce résultat vient du fait que les deux ressources susmentionnées sont génératrices de 95% des recettes de l’Etat. En conséquence, les autorités algériennes ont proposé des mesures afin de rendre leur pays attractif aux investisseurs étrangers. Ces mesures sont matérialisées par une réforme du Code de l’investissement, considéré jusqu’alors comme trop étatiste et protectionniste, finalisée le 17 juillet 2016, par le vote du Parlement algérien. I - La règle 51/49% et le droit de préemption

A- La règle 51/49% Cette règle a été instituée par la loi de Finance de 2009 et insérée dans le Code de l’investissement dans

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l’article 4 bis. Lorsqu’un investissement étranger est effectué en Algérie, subordonné par la création d’une société, cette dernière doit être détenue à 51% par des intérêts algériens. Cette collaboration obligatoire avec les locaux n’encourage pas les investisseurs étrangers. Aussi, les autorités algériennes ont vu la problématique que pouvait poser cette règle. Cependant, alors que la réforme initiale du Code de l’investissement devait supprimer cette disposition, il n’en a rien été. Cette règle a juste fait l’objet d’une extirpation du nouveau Code de l’investissement pour retrouver son fondement juridique dans l’article 66 de la loi de Finance 2016.

B- Le droit de préemption Le droit de préemption est la faculté de l’Etat algérien, ainsi que de ses entreprises publiques, à pouvoir acquérir les parts sociales ou actions sur les cessions d’activités par des étrangers prioritairement à tout autre intéressé. Le droit de préemption est régi par l’article 4 quinquiès du Code de l’investissement. Cette disposition a été âprement discutée et débattue. Au même titre que la règle 51/49%, elle fait l’objet de critiques pour son frein aux investissements étrangers dans le pays. Pour que ce droit de préemption soit effectif, une procédure d’enregistrement ou de déclaration de vente de parts sociales ou d’actions devait être faite devant les autorités compétentes. Une fois la procédure effectuée, les autorités devaient attester expressément de leurs intentions d’acheter ou de refuser d’acheter les parts sociales ou actions vendues. Cette procédure a été modifiée par la loi de Finance 2014 qui, en allégeant la procédure d’agrément en faveur des projets d’investissements étrangers directs ou d’investissements en partenariat avec des capitaux étrangers, a supprimé la condition de soumission des projets d’investissements susvisés à l’examen préalable du Conseil national de l’investissement. Cet examen était un préalable au droit de préemption. La proposition des auteurs du projet de réforme était « de se satisfaire, pour la minoration de valeur des transactions de l'espèce, du droit de préemption institué par le Code des procédures fiscales, sous réserve de son extension aux actions et parts sociales ». Le nouveau texte prévoit, dans les articles 30 et 31, que toutes les cessions d’actions ou de parts sociales, ou

actifs, par ou au profit d’étrangers seront soumises à une autorité du ministre chargé de l’investissement. Les cessions indirectes supérieures ou égales à 10% des parts des entreprises étrangères dans une société algérienne doivent passer par le Conseil des participations de l’Etat, dont les objections « motivées » ouvrent à l’Etat algérien un droit de préemption sur ces actifs. En résumé, le droit de préemption, au même titre que la règle 51/49%, a été extirpé du Code de l’investissement, sans en perdre sa vigueur. L’Algérie, depuis des années, est attachée à son indépendance acquise en 1962, laissant des traces aussi bien dans les mémoires que dans le droit. Dès lors, l’Algérie a à cœur de ne pas laisser des pans de son économie et de sa souveraineté aux mains de puissances ou d’investisseurs étrangers. Au risque de se priver de puissants investissements pouvant aider son économie moribonde depuis la chute du cours du pétrole, et la crise sociale intervenue postérieurement à la fin de la guerre civile. Néanmoins, les autorités algériennes, conscientes du rôle d’une libéralisation maitrisée, ont l’envie et l’objectif de faciliter les investissements étrangers. II - La modification du régime fiscal et douanier pour les investissements étrangers La loi de Finance 2016 articule protectionnisme et ouverture aux investissements étrangers. Dans son article 52, l’empreinte du protectionnisme est omniprésente. En effet, dans le cadre de la protection des filières locales industrielles naissantes, sont ajoutées des taxes additionnelles, sous formes de TVA et de Taxe Intérieure de Consommation, applicables sur des produits finis importés similaires à ceux produits en Algérie et relevant des filières industrielles. Des droits de douanes ont été fixés ou ont été revus à la hausse sur des produits importés dans le but d’encourager les investisseurs étrangers à produire localement, plutôt que de produire à l’étranger pour ensuite faire rentrer leurs produits sur le marché algérien. Cette mesure a pour but premier de diminuer le chômage par une industrialisation soutenue dans le pays, que ce soit par des locaux ou des étrangers. La loi de Finance 2016 décide, dans son article 54, que « sont exonérés des droits de douane, l’essence et le gasoil réimportés dans le cadre des opérations de

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traitement du pétrole brut algérien à l’étranger effectuées par Sonatrach [entreprise publique algérienne] sous le régime économique douanier de l’exportation temporaire pour perfectionnement passif. » La loi de Finance 2016, dans son article 55, décide de formuler une exception au principe général qui sous-tend la réalisation d’investissements étrangers, directs ou en partenariat par recours au financement local. L’article 4 bis du Code de l’investissement actuel indique que « les financements nécessaires à la réalisation des investissements étrangers, directs ou en partenariat, à l’exception de la constitution du capital, sont mis en place, sauf cas particulier, par recours au financement local ». La loi de Finance complète cette disposition : « Néanmoins, le recours aux financements extérieurs indispensables à la réalisation des investissements stratégiques par des entreprises de droit algérien, sont autorisés, au cas par cas, par le Gouvernement. » Cette exception laisse une porte d’entrée aux investisseurs étrangers. III - Les facilités administratives pour les investisseurs étrangers Lorsqu’un investisseur étranger souhaite s’implanter en Algérie, les difficultés administratives s’amoncèlent, au rang duquel la multiplicité des formulaires et la lenteur de l’administration. L’investisseur devra remplir pas moins de 7 formulaires : - Déclaration ANDI : l’investisseur devra s’identifier,

ainsi que donner des éléments complémentaires et détaillés sur sa structure et les grandes lignes de son projet d’investissement,

- Constat d’entrée en exploitation, - Demande d’avantages d’exploitation, - Demande de modification de liste, - Etat d’avancement du projet d’investissement, - Demande de modification de décision d’octroi

d’avantage, - Canevas des grands projets. L’apport de cette réforme a été la simplification, un seul document d’enregistrement suffira, pour conférer le droit à l’investisseur de tous les avantages dont il est éligible. Il sera, cependant, obligé de respecter le délai de réalisation du projet qui est inscrit sur l’attestation d’enregistrement.

Ce document n’a pas encore été édicté par les autorités algériennes, il semble prévu en même temps que l’entrée en vigueur du nouveau Code de l’investissement. IV - Le règlement des différends Etat-investisseur Une révolution a été amorcée envers les investisseurs étrangers dont les Etats d’origine n’auraient pas signé et ratifié une convention bilatérale ou multilatérale avec l’Etat d’accueil, l’Algérie. En effet, l’article 17 du Code de l’investissement érige en principe la compétence exclusive des tribunaux nationaux pour tout différend entre l’investisseur étranger et l’Etat, sauf si une convention entre le pays de nationalité et le pays de l’accueil prévoit le recours à un autre mode de règlement, ou si un accord spécifique existe. La réforme permet de s’émanciper de ce principe, si dans le contrat entre l’investisseur étranger et l’Algérie, est insérée une clause permettant aux deux parties de recourir à un arbitrage ad hoc. Ce changement de dimension a pour objectif premier d’augmenter les potentiels investisseurs venus de pays n’ayant aucun lien juridique avec l’Algérie. Le système judiciaire algérien n’a pas très bonne réputation pour bon nombre d’investisseurs, souvent considéré comme trop proche du pouvoir. Dès lors, émanciper les différends qui pourraient s’élever entre un investisseur et l’Etat algérien est de nature à aller dans un sens positif. A rapprocher : Journal officiel algérien n°46 du 3 août 2016 ; Code de l’investissement en Algérie version consolidée de 2015 ; Loi de finance 2009 ; La loi de finance 2014 ; La loi de finance 2016 ; Site de l’ANDI ; Ordonnance du 20 août 2001 relative au développement de l’investissement ; http://www.ilboursa.com/marches/algerie-adoption-du-nouveau-Code-de-l-investissement_9686 ; http://www.amb-algerie.fr/2491/loi-de-finances-2016-mesures-dincitation-a-linvestissement/.

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Protection des secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite

Directive du 14 avril 2016 du Parlement européen Ce qu’il faut retenir : Le Parlement européen a adopté le 14 avril 2016 la directive assurant le secret des affaires qui devra être transposée dans les pays membres d’ici deux ans. Cette directive vise à instaurer un cadre juridique européen harmonisé protégeant les entreprises du vol ou de la divulgation illicite de leurs données relevant du secret des affaires. Elle vient combler un vide juridique car il n’existait pas jusqu’à cette directive une définition légale du secret d’affaires en France. Pour approfondir : I. La définition du secret des affaires La directive entre en vigueur, en vertu de l’article 20 de la directive du 14 avril 2016, « le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union Européenne ». Les Etats membres disposent eux de « 24 mois après la date d’adoption » de la directive pour transposer les règles dans les législations. La définition du « secret des affaires » est prévue à l’article 2-1 de la directive qui prévoit qu’il faut la réunion de trois conditions cumulatives : « a) Ces informations sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

b) elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes

c) elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ». Il faut donc retenir que : - le caractère secret découle de l’information

proprement dite, soit de la manière sont plusieurs informations sont organisées entre elles ;

- le caractère secret est présent lorsque l’information est inconnue ou difficilement accessible à des tiers ;

- le caractère secret est limité aux informations avec une valeur commerciale ;

- le caractère secret découle des précautions raisonnables qu’aura prises la personne qui a licitement le contrôle des secrets.

II. Les conditions d’utilisation de la directive Le chapitre II de la directive pose les conditions dans lesquelles l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires est considéré ou non comme illicite. Les cas d’obtention, d’utilisation et de divulgation licite d’un secret d’affaires

L’article 3 liste les cas dans lesquels l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires est licite :

- l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsqu’il

s’agit d’une découverte ou d’une création indépendante ;

- l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsque la personne détient légalement le produit ou l’objet ;

- l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsque cela se fait dans le cadre de « l’exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation » ;

- l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsque la pratique qui a permis l’obtention est conforme aux usages en matière commerciale ;

- l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est licite si elle est « requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national ».

Les cas d’obtention, d’utilisation et de divulgation illicite d’un secret d’affaires

Les articles 4.2 et suivants de la directive définissent les cas dans lesquels l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires est illicite :

- l’obtention d’un secret d’affaires est illicite lorsque

l’obtention est réalisée sans le consentement de son détenteur (accès non autorisé, tout comportement contraire aux usages en matière commerciale) ;

- l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est illicite lorsque le secret d’affaires a été obtenu de manière illicite ou obtenu en violation d’une quelconque obligation de confidentialité sans le consentement du détenteur ;

- l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret

d’affaires est illicite lorsque des personnes décident de produire ou de commercialiser « des produits en infraction » ou encore de divulguer ou d’utiliser un secret d’affaires lorsqu’elles savaient ou auraient dû

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savoir que ce secret avait été divulgué ou utilisé de manière illicite.

Les dérogations pour une obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires

L’article 5 de la directive prévoit néanmoins des dérogations notamment lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation alléguée du secret d’affaires aura eu lieu :

- pour exercer le droit à la liberté d’expression et

d’information ;

- pour révéler une activité illégale du détenteur ;

- pour protéger un intérêt légitime.

Les mesures, procédures et réparations

Le chapitre III de la directive décrit les mesures, procédures et réparations que le détenteur d’un secret d’affaires pourra solliciter. L’article 6 prévoit une obligation générale à la charge des Etats membres consistant à mettre en place des procédures et réparations justes et équitables, simples et peu coûteuses, rapides, effectives et dissuasives. Selon l’article 7, elles doivent également être proportionnées et ne pas servir dans un but anti-anticoncurrentiel. C’est la raison pour laquelle cet article sanctionne tout usage abusif de celles-ci. L’article 8 de la directive instaure un délai de prescription qui ne doit pas excéder six ans. L’article 9 prévoit que les Etat membres doivent prévoir les mesures destinées à garantir la confidentialité des procédures relatives à la violation d’un secret d’affaires. Ces mesures doivent au moins inclure la possibilité, notamment, de restreindre l’accès aux éléments de preuve, aux audiences et rapports d’audiences ou encore de ne publier que les éléments non confidentiels des décisions judiciaires. Ces mesures de confidentialité devraient être appliquées, elles-aussi, de manière proportionnée afin qu’elles ne nuisent pas au droit des parties à un procès équitable. Enfin, elles doivent s’appliquer pendant et après l’action en justice et, ceci, aussi longtemps que les informations en question demeurent un secret d’affaires. La directive pose trois types de mesures qui peuvent être ordonnées par un jugement au fond :

- des mesures provisoires et conservatoires sous la forme d’ordonnances de référé ou de saisies conservatoires (directive, article 10), lesquelles sont accompagnées de mesures de sauvegarde afin de garantir le caractère équitable et proportionné de celles-ci (directive, article 11) ;

- des injonctions, notamment l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires, ainsi que des mesures conservatoires comme la destruction par le contrevenant du support contenant les informations confidentielles (directive, article 12), injonctions et mesures qui sont également accompagnées de mesures de sauvegarde (directive, article 13) ;

- l’octroi de dommages-intérêts au détenteur du secret d’affaires pour le préjudice subi en raison de l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite de son secret (directive, article 14).

Enfin l’article 15 de la directive prévoit la possibilité pour les autorités compétentes de prendre des mesures de publicité si le demandeur en fait la demande, mais à condition que le secret d’affaires ne soit pas divulgué par cette publication et que le caractère proportionné de la mesure ait été vérifié. A rapprocher : référence du texte.

Le Code des douanes de l’Union (Européenne) Entrée en vigueur le 1er mars 2016

Ce qu’il faut retenir : Le « Code des douanes de l'Union » remplacera le 1er mai 2016 l'actuel Code des douanes Communautaire applicable depuis 1994. Dans ce contexte, la douane française lance également un grand plan d’accompagnement des entreprises. Pour approfondir : I. Présentation générale du Code des douanes de l'Union Le Code des douanes de l’Union (« CDU ») a été adopté le 9 octobre 2013 en tant que règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil. Il est entré en vigueur le 30 octobre 2013, abrogeant le règlement (CE) n° 450/2008 (Code des douanes modernisé (« CDM »)) (JO L 145 du 4.6.2008, p. 1).

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Ses dispositions de fond (dispositions substantielles) s’appliqueront à compter du 1er mai 2016 Dans la mesure où les actes de la Commission liés au CDU (actes délégués et d'exécution) ont été adoptés, à savoir : - le 28 juillet 2015, adoption de l'acte délégué du CDU

(C(2015)5195/F1) (« Règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 complétant le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du Code des douanes de l’Union »), et,

- le 24 novembre 2015, adoption de l'acte

d'exécution du CDU (D041979/05) (« Règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement (UE) n o 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le Code des douanes de l’Union »).

L'acte délégué du CDU et l'acte d'exécution du CDU ont été publiés au Journal officiel de l'Union le 29 décembre 2015. Le CDU et les actes délégués et d’exécution ont pour vocation de :

- rationaliser la législation et les procédures

douanières ; - offrir une plus grande sécurité juridique et une

uniformité accrue aux entreprises ; - fournir des orientations plus claires aux agents des

douanes de toute l’UE ; - simplifier les règles et procédures douanières et

renforceront l’efficacité des opérations douanières pour répondre aux besoins de la société moderne ;

- achever le passage des services douaniers à un environnement sans papier entièrement électronique ;

- accroître la rapidité des procédures douanières pour les opérateurs économiques respectueux des règles et fiables (opérateurs économiques agréés).

Les États membres et les milieux économiques sont associés de manière adéquate à l’élaboration des dispositions figurant dans les actes, conformément aux articles 290 et 291 du Traité relatif de Fonctionnement de l’Union Européenne. La douane européenne se mobilise pour faire bénéficier les entreprises des nouvelles procédures instituées par le CDU tout en maintenant un haut niveau de sécurité pour les échanges.

Il s'agit à la fois de faciliter les échanges et les contrôles. C’est ainsi que le CDU rend la certification Opérateur Economique Agréé (« OEA ») fortement attractive : en effet, seules les entreprises certifiées OEA pourront bénéficier : - du dédouanement centralisé : Le dédouanement

centralisé permettra à un opérateur économique de centraliser auprès d'un seul bureau de douane le dépôt de l'ensemble de ses déclarations d'importation et d'exportation relatives à des opérations réalisées auprès de plusieurs bureaux de douane situés soit dans un seul État membre (DC national), soit situés dans plusieurs États-membres (DC communautaire). Dans le cadre du DC, on distingue : le bureau de déclaration : il traite les déclarations en douane. Il s'agit du bureau compétent pour le lieu où l'opérateur est établi ; et le bureau de présentation : il s'agit du bureau où les marchandises peuvent être présentées physiquement pour le contrôle.

- de l’auto-évaluation : Le CDU prévoit que les autorités douanières puissent autoriser un opérateur à réaliser certaines opérations douanières qui leur incombent ; déterminer le montant des droits exigibles à l'importation et à l'exportation, ou réaliser des contrôles de conformité avec certaines prohibitions et restrictions, sous surveillance douanière. La douane française développera un pilote avec plusieurs opérateurs expérimentateurs en vue de déterminer les modalités pratiques de mise en œuvre de l'autoévaluation (self assessment).

- du guichet unique : Le Guichet Unique National (« GUN ») du dédouanement permettra à l’entreprise d’effectuer toutes les formalités liées à une opération d’importation ou d’exportation auprès d’une seule administration, la douane, celle-ci se chargeant de la coordination avec les autres administrations concernées.

- de la garantie globale : Une garantie unique pour toutes les catégories de régimes particuliers qui couvrira plusieurs transactions et sera accordée sous plusieurs conditions cumulatives). La douane européenne simplifie les formalités et développe son offre de service numérique. Avec le CDU, la dématérialisation devient la règle dans un objectif de simplification et d'optimisation des procédures douanières.

Des simplifications pour tout le monde ont également été prévues : elles sont pour l’essentiel la simplification

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du perfectionnement actif (i) et la mise en œuvre de la référence unique de l’envoi (« RUE ») (ii) :

i. la réforme du perfectionnement actif consistera dans l’abandon de l’obligation de réexportation. Cette fiction juridique permet de considérer qu’il y a exportation dès lors qu’un produit sous perfectionnement actif est incorporé à un aéronef. Cette fiction est étendue aux engins spatiaux et aux équipements qui s’y rapportent ;

ii. la RUE est un numéro de référence à usage douanier, introduit par le CDU. Il a pour objectif de faciliter le commerce international, tout en mettant en place des instruments de surveillance et d’audit ininterrompus permettant aux administrations douanières d’effectuer des contrôles loin des frontières. Il permettra de recourir à une utilisation maximale des références existantes concernant le fournisseur, le client et le transport.

Le CDU, qui s’inscrit dans le cadre de la modernisation des douanes, a pour objectif d’adapter la législation douanière européenne aux évolutions du commerce international, et sera le nouveau règlement-cadre relatif aux règles et régimes douaniers applicables dans l’ensemble de l’UE, dont la France. II. Le plan de la douane française Dans ce contexte de l’application du CDU pour la France, la douane française lance un grand plan d’accompagnement des entreprises - « Dédouanez en France » (« Plan »). L’objectif de la douane française est de faire gagner aux plates-formes logistiques françaises des parts de marché à l’international. Il s’agit également de faire de la France un acteur majeur du commerce mondial en adoptant une stratégie conjuguant, à la fois, maîtrise des risques et fluidité des échanges. Pour répondre à ces objectifs, la douane va mettre en œuvre dans le Plan, 40 mesures concrètes pour développer en France l’activité logistique liée au dédouanement. Ce Plan a pour objectif d’exploiter les opportunités de la nouvelle réglementation douanière européenne. Trois groupes des mesures sont définis dans le Plan : A. Simplifier et optimiser les formalités douanières à l’international Autoriser le dédouanement auprès d’un seul

bureau de douane (dédouanement centralisé).

Développer le Guichet Unique National (GUN) pour les formalités administratives lors du passage à la frontière.

Renforcer les Cellules Conseil aux Entreprises (CCE).

Créer un Service Grands Comptes pour les grands groupes du commerce international.

Mettre en place un numéro de téléphone d’accueil privilégié pour contacter l’ensemble des services douaniers.

Dématérialiser 100 % des demandes d’autorisations douanières.

Informatiser toutes les formalités de fret express à l’export.

Atteindre le télé-règlement de 100 % des créances douanières.

Progresser vers 100 % de dématérialisation des formalités douanières.

Augmenter de 50 % le nombre d’entreprises labellisées Exportateur Agréé (EA).

Porter à 80 % la part des opérateurs certifiés Opérateur Économique Agréé (OEA) dans le commerce extérieur avec les pays tiers.

Délivrer plus de 10 000 renseignements contraignants par an.

Sécuriser les informations délivrées par la douane. B. Réduire les coûts et faire gagner du temps aux entreprises Développer les dispenses de garantie financière à

hauteur de 600 millions d’euros de cautionnement hebdomadaire.

Réaliser 300 millions d’euros d’économie de droits de douane grâce aux suspensions tarifaires.

Favoriser les transports alternatifs (fluvial ou ferroviaire) pour les marchandises conteneurisées.

Diminuer les droits de douane grâce aux accords de

libre-échange.

Faire bénéficier au moins 1 000 opérateurs de l’auto-liquidation de la TVA.

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Dépasser 95 % des déclarations douanières dédouanées en moins de cinq minutes.

Promouvoir l’interconnexion du système d’information de la douane avec ceux des acteurs de la chaîne logistique.

Développer un traitement différencié au profit des entreprises certifiées OEA.

Mieux intégrer les contraintes des entreprises certifiées OEA dans la détermination du lieu de contrôle.

Simplifier les audits pour l’obtention de certains statuts en reprenant les informations validées pour le statut OEA.

Favoriser la fluidité des opérations réalisées par les entreprises certifiées OEA en France et dans les pays tiers partenaires.

Accroître la fluidité des échanges tout en répondant aux nouvelles exigences internationales de sécurité des flux.

C. Accompagner les entreprises à l’international Créer les « packs international douane ».

Présenter les opportunités du CDU dans le cadre du

Tour de France des experts de la douane.

Conseiller les entreprises en matière de réglementation douanière.

Déployer un plan de formation douanière pour les entreprises : doubler le nombre de professionnels formés.

Enrichir le Forum douane-entreprises, espace privilégié de dialogue entre la douane et les opérateurs du commerce international.

Être transparent sur l’action de la douane.

Favoriser la mise en place du club des entreprises certifiées OEA.

Favoriser la constitution de clubs douane-entreprises spécialisés.

Soutenir les initiatives d’opérateurs économiques de nature à simplifier les relations avec la douane.

Mettre en place des pilotes pour les procédures simplifiées prévues par le CDU (self-assessment ou auto-évaluation et Inscription en Comptabilité Matière - ICM).

Intégrer les évolutions du commerce international dans l’organisation et les méthodes de travail de la douane.

Renforcer la formation des agents des douanes en matière de connaissance de la chaîne logistique.

Renforcer le dispositif de veille stratégique pour identifier les solutions innovantes qui améliorent la performance de la douane.

Mobiliser le réseau international des attachés douaniers au profit des entreprises françaises.

Définir de nouveaux engagements qualité pour la douane.

A rapprocher : Note d’information des douanes françaises.

Secret des affaires : adoption de la directive par le Parlement européen

Directive du 14 avril 2016 Ce qu’il faut retenir : Le Parlement européen a adopté le 14 avril 2016 la directive assurant le secret des affaires. Cette directive vise à instaurer un cadre juridique européen harmonisé protégeant les entreprises du vol ou de la divulgation illicite de leurs données relevant du secret des affaires. Pour approfondir : Cette directive constitue une véritable nouveauté dès lors qu’il n’existe pas de définition légale du secret d’affaires en France (en dépit de plusieurs tentatives) et que les définitions issues des autres pays membres de l’Union Européenne sont disparates et sans véritable homogénéité. Tout au plus, relève-t-on une définition des « renseignements non divulgués » résultant de l’accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).

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Cette situation est d’autant plus singulière que, contrairement aux droits de propriété intellectuelle classiques, le secret d’affaires n’ouvre actuellement aucun droit exclusif au profit de ses détenteurs, alors que la notion même de secret d’affaires est régulièrement invoquée dans le cadre de contentieux pouvant opposer, dans ce qui constitue une forme moderne de concurrence déloyale, des clients et des fournisseurs, des partenaires commerciaux entre eux, des employeurs et des salariés, etc. Cette situation dénote avec certains pays industrialisés hors de l’UE ayant légiféré de longue date. Cette directive, qui devra être transposée dans les pays membres d'ici deux ans, innove donc par le vide juridique qu’elle vient combler. Pour ne pas se méprendre sur la pertinence et la portée de ce texte, il convient de revenir sur son champ d’application avant d’envisager le dispositif de protection qu’il institue. I/ Champ d’application de la Directive Le « secret d’affaires » constitue la notion centrale de la directive et veut regrouper ce qui jusqu’à présent était indistinctement qualifié, par une sémantique foisonnante, de secret commercial, savoir-faire, renseignements non divulgués, informations commerciales confidentielles, secret de fabrique ; la liste est presque sans fin. Cette notion fait l’objet d’une définition, qui figure à l’article 2-1 de la directive. Selon le texte, le « secret d’affaires » est constitué par l’ensemble des informations répondant aux trois conditions cumulatives suivantes, à la suite desquelles nous formulerons quelques remarques : a) « ces informations sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles » (Directive, article 2-1-a°) ; Cette première condition est voisine de celle figurant à l’article 39 §. 2 de l’accord sur les ADPIC ; elle comporte un double critère : - le premier critère est intrinsèque à l’information en

ce qu’il concerne la substance même de celle-ci : selon le texte en effet, la nature même de l’information considérée n’a pas d’importance en soi ; toute information peut potentiellement entrer dans le champ d’application de ce texte ; le caractère secret doit en revanche découler soit de l’information proprement dite, soit de la manière dont plusieurs informations (qui prises isolément ne

seraient pas secrètes) sont organisées entre elles ; une recette ou un procédé de fabrication, les plans d'un nouveau produit, un prototype, une liste de clients, etc.

- le second critère est en revanche extrinsèque à

l’information en ce qu’il concerne la représentation que les acteurs doivent se faire de l’information considérée : selon le texte en effet, l’information ou l’ensemble d'informations doit être soit inconnue, soit difficilement accessible à des tiers. A cet égard, cette exigence est très proche de la définition du terme « secret », posée à l’article 1.g du règlement (UE) n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, ce texte précisant que le « secret » attaché à la notion de savoir-faire signifie que celui-ci n'est pas généralement connu ou facilement accessible. Toutefois, le texte commenté ne vise pas n’importe quel tiers ; le secret doit s’apprécier au regard des informations que l’homme de l’art, spécialiste du domaine considéré, est réputé connaître, et non pas en considération des connaissances d’un individu lambda. De ce fait, ne pourront donc entrer dans le champ d’application de ce texte, et bénéficier de la protection qu’il institue, que les informations méconnues (ou peu accessibles) aux hommes de l’art. On retrouve là la logique de la définition de « l’homme de l’art » utilisée en droit des brevets.

b) « ces informations ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes » (Directive, article 2-1-b°) ; cette deuxième condition suscite deux remarques : en premier lieu, cette exigence n’est pas sans rappeler l’avis n°384892 formulé le 31 mars 2011 par le Conseil d’Etat à propos de la proposition de loi « Carayon », tendant à ajouter l’exigence d’une « valeur commerciale » ; en second lieu, cette exigence se justifie dans la mesure où il paraît opportun de limiter l’application du texte aux seules informations dignes de protection, donc aux informations dont le caractère secret est source de valeur commerciale. Cette valeur commerciale n’est en revanche ni définie, ni même qualifiée ; elle peut être effective ou potentielle ; aucun seuil minimum n’est par ailleurs requis. L’information sera secrète si elle a du prix, autrement dit si une personne (physique ou morale) est prête à payer pour l’avoir. c) « ces informations ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes » (Directive, article 2-1-c°). Cette

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condition fait écho à la définition de « détenteur de secret d'affaires » qui, selon la directive, vise « toute personne physique ou morale qui a licitement le contrôle d'un secret d'affaires » (Directive, article 2-2). La notion de contrôle n’est pas définie, mais évoque la notion de garde connue des civilistes. Le texte ne fournit aucune illustration ni aucune indication quant aux dispositions raisonnables destinées à conserver le caractère confidentiel des informations. Ne l’éludons pas : cette définition est déjà contestée. Même si les députés européens ont voté le texte proposé par la Commission européenne à une très large majorité (77 %), plusieurs voix s’élèvent déjà et soulignent que presque toutes les informations internes d'une entreprise seraient ainsi susceptibles d'être considérées comme des secrets d'affaires. Il est également fait valoir qu’avec ce texte, les entreprises ne doivent pas identifier activement les informations qu'elles considèrent comme étant des secrets d'affaires, à l’instar des états apposant la mention « secret défense » ou « confidentiel » sur leurs documents. Ce faisant, d’aucuns regrettent que les employés, les journalistes, les consommateurs – qui ont aussi parfois besoin d'accéder à ces informations – pourraient se trouver ainsi menacés de poursuites judiciaires en le faisant. Il appartiendra à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’user de son pouvoir d’interprétation pour tracer les contours plus précis de cette définition. Cette tâche n’est pas sans intérêt si l’on considère l’importance du dispositif de protection que la directive institue. II/ Dispositif de protection issu de la Directive L’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires donne droit à son détenteur de solliciter l’application des mesures et réparations prévues par la Directive. La Directive prévoit en son Chapitre II les circonstances dans lesquelles l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est ou non considérée comme illicite. Plus précisément, elle dresse deux listes d’actes : une première liste pour les actes constitutifs d’une atteinte illicite aux secrets d’affaires (Article 3) et une deuxième liste pour ceux où elle considère que l’atteinte est licite (Article 4). L’article 3.2 de la Directive détermine les cas dans lesquels l’obtention d’un secret d’affaires sans le consentement de son détenteur est considérée comme illicite. Il vise non seulement des actes pénalement répréhensibles comme le vol, l’abus de confiance ou la

corruption, mais encore des comportements considérés comme illicite d’un point de vue civil tel que le fait de ne pas respecter une obligation de confidentialité ou d’avoir un comportement « contraire aux usages commerciaux honnêtes ». L’article 3.3 de la Directive, quant à lui, énumère les conditions dans lesquelles toute utilisation ou divulgation d’un secret d’affaires sans le consentement de son détenteur est considérée comme illicite. Il suffit que l’utilisation ou la divulgation soit notamment le fait d’une personne, intentionnellement ou suite à une négligence grave, qui ait agi en violation d’une obligation de confidentialité ou de non utilisation. Autrement dit, pour que ces actes soient considérés comme illicites, le critère déterminant est celui de l’absence de consentement du détenteur du secret d’affaires. Un secret d’affaires qui aurait été obtenu, utilisé ou divulgué de façon illicite peut encore servir à concevoir, fabriquer ou commercialiser un produit ce que la Directive appelle des « produits en infraction ». Autrement dit, le procédé, le modèle, la commercialisation, etc. de ces produits repose sur un secret d’affaires obtenu, utilisé ou divulgué de manière illicite. C’est pourquoi les articles 3.4 et 3.5 de la Directive permettent de poursuivre des personnes qui décideraient de produire ou de commercialiser « des produits en infraction » ou encore de divulguer ou d’utiliser un secret d’affaires alors qu’elles savaient ou auraient dû savoir que ce secret avait été divulgué ou utilisé de manière illicite. Toutefois, l’article 4 de la Directive prévoit les cas dans lesquels l’obtention d’un secret d’affaires peut être considérée comme licite. Il en va ainsi notamment lorsqu’elle résulte d’une découverte indépendante ou de l’ingénierie inverse, « de l’exercice du droit des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation, conformément aux législations et pratiques nationales et à celles de l’Union », ou encore « de toute autre pratique qui, eu égard aux circonstances, est conforme aux usages commerciaux honnêtes ». Toujours selon cet article, l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires peut encore être considérée comme licite si elle est justifiée par un usage légitime du droit à la liberté d’expression, par le fait que le secret servait à dissimuler les agissements frauduleux du détenteur, par une obligation générale ou encore par la protection d’un intérêt légitime.

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Cette obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires permettra alors à son détenteur de solliciter les mesures, procédures et réparations que la Directive prévoit en son Chapitre III. La Directive pose en son article 5 une obligation générale à la charge des Etats membres consistant à mettre en place des procédures et réparations justes et équitables, simples et peu coûteuses, rapides, effectives et dissuasives. Selon l’article 6, elles doivent également être proportionnées et ne pas servir dans un but anti-anticoncurrentiel. C’est la raison pour laquelle cet article sanctionne tout usage abusif de celles-ci. L’article 7 de la Directive instaure un délai de prescription : un an au moins et deux ans au plus à compter de la date à laquelle le demandeur a (ou aurait dû) avoir connaissance du dernier fait donnant lieu à l’action. La Directive impose aux Etats membres, en son article 8, de prévoir des mesures destinées à garantir la confidentialité des procédures relatives à la violation d’un secret d’affaires. Ces mesures doivent au moins inclure la possibilité, notamment, de restreindre l’accès aux éléments de preuve, aux audiences et rapport d’audience ou encore de ne publier que les éléments non confidentiels des décisions judiciaires. Ces mesures de confidentialité devraient être appliquées, elles-aussi, de manière proportionnée afin qu’elles ne nuisent pas au droit des parties à un procès équitable. Enfin, elles doivent s’appliquer pendant et après l’action en justice et, ceci, aussi longtemps que les informations en question demeurent un secret d’affaires. La Directive prévoit trois types de mesures qui peuvent être ordonnées par un jugement au fond : - des mesures provisoires et conservatoires sous la

forme d’ordonnances de référé ou de saisies conservatoires (Article 9), lesquelles sont accompagnées de mesures de sauvegarde afin de garantir le caractère équitable et proportionné de celles-ci (Article 10) ;

- des injonctions, notamment l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires, ainsi que des mesures conservatoires comme la

destruction par le contrevenant du support contenant les informations confidentielles (Article 11), injonctions et mesures qui sont également accompagnées de mesures de sauvegarde (Article 12) ;

- l’octroi de dommages-intérêts au détenteur du

secret d’affaires pour le préjudice subi en raison de l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite de son secret (Article 13).

Pour ce qui concerne ce dernier point, l’indemnisation doit prendre en considération le manque à gagner ainsi que les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant, voire même le préjudice moral. Les dommages-intérêts peuvent aussi être calculés sur la base d’un montant de redevances qui auraient pu être perçues si une licence avait été conclue entre le contrevenant et le détenteur du secret d’affaire. Enfin, la Directive prévoit en son article 14 la possibilité pour les autorités compétentes de prendre des mesures de publicité si le demandeur en fait la demande, mais à condition que le secret d’affaires ne soit pas divulgué par cette publication et que le caractère proportionné de la mesure ait été vérifié. A rapprocher : Communiqué de Presse du Parlement européen du 14 avril 2016.

DECISIONS INTERESSANTES

Factures transfrontalières CJUE, 21 juin 2016 ; CJUE, communiqué n°66/16, 21

juin 2016 Ce qu’il faut retenir : L’obligation d’établir des factures transfrontalières exclusivement dans une langue spécifique constitue une restriction à la libre circulation des marchandises. Pour approfondir : « L’obligation d’établir des factures transfrontalières exclusivement dans une langue spécifique, sous peine de nullité, enfreint le droit de l’Union ». Le communiqué de la CJUE, comme son arrêt du 21 juin 2016, est très clair. Il est interdit d’imposer une langue spécifique pour la rédaction des factures. En l’espèce, une société italienne invoque la nullité de certaines factures émises

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par une société partenaire belge, au motif que, certaines mentions étant rédigées en italien, elles enfreignent les règles linguistiques de l’ordre public belge. Si la juridiction belge en reconnait la nullité, elle pose à la CJUE une question préjudicielle sur sa compatibilité avec le droit de l’Union. L’analyse se fait en trois temps. Le caractère restrictif de la règle en cause

Le communiqué conclut ainsi : « dans son arrêt d’aujourd’hui, la Cour constate que la règlementation linguistique en question constitue effectivement une restriction à la libre circulation des marchandises au sein de l’UE ». Cette conclusion se fonde notamment sur le fait qu’une telle règlementation est susceptible d’affecter le commerce entre Etats Membres ; elle augmente le risque de contestation et de non-paiement des factures par les différents acteurs.

Qui n’est pas justifié

La Cour de Justice analyse alors l’opportunité de justification d’une telle règlementation par des objectifs légitimes : préservation de l’usage courant du néerlandais en Belgique, facilitation des contrôles par les autorités nationales compétentes. Toutefois, pour être licite, la règlementation doit être proportionnée à ses objectifs. En l’espèce, des dispositions moins attentatoires à la libre circulation des marchandises sont envisageables selon la Cour : « la règlementation va [donc] au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs qu’elle poursuit et n’est pas proportionnée ». Elle est donc illégale.

A rapprocher : Pour élargir aux moyens de paiement dans l’Union européenne, voir notre commentaire. La fin de l’ordre public économique interne dans un

contexte international ? CEPC, Avis n°16-12, 16 juin 2016

Ce qu’il faut retenir : Le plafond légal des délais de paiement, issu de l’article L.441-6-I, alinéa 9, disposition d’ordre public économique, ne s’applique pas dans un contexte international. Les contrats relevant de la Convention de Vienne ne sont en effet pas soumis aux normes nationales ayant trait à la validité du contrat ou de ses clauses.

Pour approfondir : Le délai de paiement convenu entre les parties, selon l’article L.441-6-I, alinéa 9 du Code de Commerce, «ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier ». Cette disposition est reconnue d’ordre public économique interne et européen. Mais, quid des délais de paiement dans un contexte international ? En l’espèce, la CEPC traite une affaire dans laquelle un vendeur étranger vend des marchandises à un acheteur français ; le juge français est compétent, et donc à ce titre, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 relative à la vente internationale de marchandises s’applique. Les lois de police et dispositions d’ordre public sont fréquemment considérées comme s’imposant sur les dispositions de convention internationale. Néanmoins, ce n’est pas la voie dans laquelle la CEPC s’engage puisque sur cette question, elle donne pour avis que « les contrats de vente internationale de marchandises relevant de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ne sont pas soumis au plafond des délais de paiement prévu par l’article L.441-6-I alinéa 9 du Code de Commerce ». En l’absence de jurisprudence française, étrangère, ou arbitrale, le raisonnement de la CEPC est intéressant. Le premier constat est le suivant : « Là où la Convention de Vienne laisse les parties libres dans la détermination du moment du paiement [articles 58 et 59], le Code de commerce plafonne les délais de paiement ». Le plafonnement des délais s’impose-t-il alors lorsque le contrat relève de la Convention ? Cette dernière ne prévoit ni délai ‘plancher’, ni délai ‘plafond’, ni même de délai supplétif. Ainsi, « il est donc permis d’analyser la question des délais de paiement comme une « lacune interne » de la convention ». Dans ce cadre, l’article 7-2 de la Convention elle-même prévoit que ce sont les principes généraux dont elle s’inspire qui doivent s’appliquer. La CEPC retient alors les principes d’autonomie et de bonne foi pour souligner que les parties doivent dans tous les cas, dans un contexte international, « se comporte[r] de manière raisonnable ». Comme la Directive n°2011/7/UE, la Convention de Vienne insiste sur l’importance de l’absence d’écart manifeste entre la clause et les usages commerciaux/les bonnes pratiques.

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« A partir du moment où une question peut être tranchée en application de la convention, les normes nationales qui ont trait à la validité du contrat ou de ses clauses ne trouvent plus application, y compris lorsque la solution procède du comblement de ses lacunes ». Les délais de paiement ne doivent donc pas être excessifs, mais ne sont pas soumis à l’application de l’article L.441-6-I, alinéa 9 du Code de Commerce, toute disposition d’ordre public économique qu’il soit. De fait, en réponse à des questions parlementaires sur l’applicabilité du plafond légal des délais de paiement aux ventes à l’exportation, le ministre du commerce extérieur avait déjà statué en défendant l’idée selon laquelle l’article 59 de la Convention de Vienne pouvait être appliqué librement, sans interférence du droit interne (Rep. Min. à QE n°22748, JO 30 juillet 2013, p.8237 ; Rep. Min. à QE n°22749, JO 1er juillet 2014, p.5509). Toutefois, en l’absence de jurisprudence, la question est toujours assez peu tranchée. Certains auteurs n’étaient toujours pas convaincus (voir par exemple, Cl. Witz, chronique de « Droit uniforme de la vente internationale de marchandises », Juillet 2013-Décembre 2014, Recueil Dalloz 2015 p.881) ; peut-être l’avis de la CEPC permettra-t-il de diminuer l’insécurité juridique caractérisant encore la question. A rapprocher : CEPC, avis n°16-1, 14 janvier 2016, et notre commentaire.

Localisation du préjudice financier dans l’Union Européenne, précisions sur l’application de la

Régulation de Bruxelles CJUE, 16 juin 2016, C-12/15

Ce qu’il faut retenir : La Cour de Justice de l’UE, saisie d’une question préjudicielle sur le fondement de l’article 5(3) du Règlement n°44/2001, dit Bruxelles I, opère une distinction entre le fait dommageable et les conséquences préjudiciables de ce dommage. Le préjudice purement financier est localisé à l’endroit de l’évènement qui en est cause, et non là où il s’est matérialisé sur les comptes bancaires de l’intéressé. Pour approfondir : En matière civile et commerciale dans l’Union Européennes, le Règlement « Bruxelles I » (règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000) se substitue aux

conventions internationales et au droit international privé dès lors qu’il s’agit de déterminer la juridiction compétente à connaitre le litige. L’interprétation de ces règles néanmoins laisse parfois de la marge aux juges. La règle générale de détermination de la juridiction compétente est celle du domicile du défendeur (article 2). L’article 5 détermine ensuite des règles de juridiction spéciales, en particulier en matière délictuelle. L’avocat général souligne d’ailleurs ce caractère subsidiaire de la règle énoncée ici (point 25). Dans ce cadre, l’intéressé peut aussi être, au choix du demandeur, assigné « devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » (art 5(3)). Toute la question réside alors dans la détermination du lieu où le fait dommageable s’est produit ou va se produire. Si la détermination du domicile du défendeur est facilement déterminable selon la loi interne de l’Etat membre sollicité (art 59) (ou selon les critères définis à l’article 60, pour les personnes morales), le règlement Bruxelles ne donne pas d’éléments en vue de la détermination de ce lieu – ni de définition du « fait dommageable ». Ce fait, toutefois, doit être distingué des conséquences du dommage, ainsi que du préjudice subi, ce que va ici souligner la Cour de Justice, en analysant le cas de la localisation du préjudice financier (point 34) : « il importe de rappeler que l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit » ne saurait être interprétée de façon extensive au point d’englober tout lieu où peuvent être ressenties les conséquences préjudiciables d’un fait ayant déjà causé un dommage effectivement survenu dans un autre lieu » (CJUE, 19 septembre 1995, Marinari, C-364/93). L’arrêt du 16 juin 2016 de la Cour de Justice de l’Union Européenne vient clarifier la question spécifique du préjudice financier. Lorsque le préjudice d’une partie est purement financier, comment déterminer son « lieu » ? Cette notion vise le lieu où le dommage est survenu, mais aussi le lieu de l’évènement causal (point 28). Ainsi, deux juges différents pourraient s’estimer compétent (CJUE, 7 mars 1995, C-68/93 ; Cass. Com., 3 mai 2012, n°11-10.505 ; CJUE, 22 janvier 2013, C-441/13). En l’espèce, des avocats en République Tchèque avaient négligé de changer le prix prévu dans un contrat. De ce fait, la société, domiciliée aux Pays Bas, subissait un préjudice financier. Elle assigne les avocats aux Pays Bas, mais le juge néerlandais se déclare incompétent.

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Dans ces circonstances, a été posée à la CJUE la question préjudicielle suivante : le lieu du fait dommageable, tel qu’entendu à l’article 5(3) du règlement, doit-il être interprété comme le lieu où le préjudice patrimonial/financier résultant d’un acte illicite commis dans un autre Etat Membre, est survenu ? La Cour souligne que cette règle « est fondée sur l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire, qui justifie une attribution de compétence à ces dernières pour des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès » (point 26). Or, en l’espèce, le lieu où l’évènement causal est survenu en République Tchèque, où le contrat a été signé ; c’est avec les juridictions tchèques que le « lien de rattachement » est le plus étroit selon la Cour. Il n’est alors pas possible à la demanderesse d’alléguer que son préjudice financier est localisé au lieu d’établissement de ses comptes bancaires : le fait que la société ait « acquitté le montant transactionnel par virement au départ d’un compte bancaire qu’elle détenait aux Pays-Bas n’est pas de nature à infirmer cette conclusion » (point 32). A noter que si l’arrêt Kolassa (CJUE, 28 janvier 2015, Kolassa, C-375/13) avait reconnu la matérialisation du préjudice subi dans la juridiction où étaient basés les comptes bancaires, cette analyse s’insérait dans un contexte singulier, ne permettant pas l’élargissement de la jurisprudence à d’autres cas généraux. Une dernière remarque consiste à préciser que le règlement en question a fait l’objet d’une refonte ; le règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 (appelé « Bruxelles I bis ») revoit la régulation de Bruxelles. Applicable depuis le 10 janvier 2015, il conserve la même règle de compétence en matière délictuelle (art 7(2)) – la jurisprudence de la Cour de Justice n’aura donc probablement pas lieu d’évoluer sur ce point. A rapprocher : Cass. Com., 7 janvier 2014, n°11-24.157 ; CJUE, 28 janvier 2015, Kolassa, C-375/13.

Compétence des juridictions françaises pour juger des litiges entre Facebook et les utilisateurs

CA Paris, 12 février 2016, Inédit Ce qu’il faut retenir : Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives les clauses entravant l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges. Pour approfondir : En 2011, Facebook suspend le compte d'un instituteur ayant publié une photo d’une toile de Gustave Courbet. Le réseau social, s'appuie sur l'article 3.7 de ses CGU ainsi rédigé « Vous ne publierez pas de contenus incitant à la haine ou à la violence, menaçants, à caractère pornographique, ou contenant de la nudité ou de la violence gratuite ». L'instituteur assigne Facebook pour faire réactiver son compte. Facebook lui oppose l'incompétence de la juridiction française pour connaitre du litige, en se fondant sur la clause attributive de compétence prévue dans les CGU du service, acceptées par l'utilisateur, et qui désigne les tribunaux du comté de Santa Clara en Californie ("toute plainte, action en justice ou contestation (« action ») afférente à cette Déclaration ou à Facebook" ne peut être portée "[qu']exclusivement devant un tribunal américain du Northern District de Californie ou devant un tribunal d'État du comté de San Mateo"). Qualifiant l'utilisateur de consommateur protégé par le droit de la consommation, le TGI apprécie la licéité de la clause attributive de compétence imposée à un utilisateur situé en France au regard du régime des clauses abusives. Or, l'article R 132-2 du Code de la consommation présume abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur. Pour retenir sa compétence, le TGI de Paris retient que la clause est de nature « à créer une entrave sérieuse pour un utilisateur français à l'exercice de son action en justice », ce d'autant plus qu'existe une filiale française de Facebook. Pour le TGI, la clause attributive de compétence crée donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le TGI de Paris l'a donc considérée comme abusive et non écrite, retenant ainsi sa compétence.

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Par l’arrêt commenté, la Cour d’appel de Paris confirme la décision des premiers juges et qualifie la clause d'abusive. A rapprocher : Code de la consom., Art. R.132-2. L’incompatibilité des mesures d’instruction en France

avec le secret professionnel aux Etats-Unis Cass. civ. 1ère, 3 nov. 2016, pourvoi n°15-20.495

Ce qu’il faut retenir : Une mesure d’instruction ordonnée en France fait obstacle à l’application des dispositions relatives au secret professionnel et au secret des affaires prévues par une loi américaine. Pour approfondir : Dans l’affaire en cause, la société Metabyte dont le siège social est aux Etats-Unis avait saisi par voie de requête le Président du Tribunal de commerce de Nanterre d’une demande relative à une mesure d’instruction. Cette mesure sollicitée sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile permet de réunir des preuves de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige et ce avant tout procès. Cette demande portait ainsi sur la remise de documents sur support informatique appartenant aux sociétés du groupe Technicolor parties à l’instance qui refusaient de communiquer les documents et les plaçaient sous séquestre. Suite à ce désaccord une procédure a été engagée entre les deux parties. Tant les juges du fond que ceux de la cour d’appel ont fait droit aux demandes de communication des documents initiées par la société Metabyte. Les sociétés Technicolor ont formé un pourvoi en cassation en invoquant une violation des règles d’ordre public en droit américain instaurant le secret professionnel et un privilège de confidentialité (« legal privilege »). Cette loi permet de déclarer qu’une mesure d’instruction n’est pas légalement admissible lorsque se présente une situation où la confidentialité des correspondances entre conseils internes et externes est violée. De plus, à leur sens la mise sous séquestre des documents confidentiels jusqu’au procès permet de préserver les intérêts des parties et de prévenir une éventuelle atteinte au secret professionnel protégé par

la loi américaine. Dans cette affaire, plusieurs points retiennent notre attention. Concernant la loi applicable : La première chambre civile de la cour de cassation affirme que la loi française est applicable dans la mesure où la mise en œuvre des mesures d’instructions a été formée sur le territoire français. Par conséquent, les dispositions du Code de procédure civile sont applicables. Ainsi les mesures d’instructions sollicitées par la société Metabyte qui s’analysaient en des mesures de constatation, sont légalement admissibles puisqu’elles sont conformes à ces dispositions (article 249 du Code de procédure civile) selon la Cour. Concernant l’absence d’atteinte à la confiden-

tialité des correspondances : Par ailleurs, la Cour de cassation estime qu’il n’y avait pas non plus d’atteinte au secret des correspondances entre avocats ou entre un avocat et son client. Les documents litigieux avaient été échangés par des juristes qui n’avaient pas la qualité d’avocat au sens du droit français. La Cour de cassation fait ainsi dans cette espèce une application stricte des textes nationaux et relève l’absence d’atteinte quant à la confidentialité des correspondances. Concernant l’articulation des dispositions de

l’article 145 du Code procédure civile avec le secret professionnel à l’étranger :

Le secret des affaires et le secret professionnel tels que prévus par la loi américaine ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. La seule réserve à la communication des documents séquestrés tient au respect du secret des correspondances entre avocats ou entre un avocat et son client édicté par la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971. A rapprocher : Cass. 1ère civ., 3 novembre 2016, n°15-20.495.

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L’Accord de Partenariat Economique – UE Afrique

Centrale

Ce qu’il faut retenir : Par voie de décret en date du 3 août 2016, le Président de la République du Cameroun, M. Paul BIYA, fixe les règles pour l’application effective par le Cameroun de l’Accord de Partenariat Economique intérimaire ou Accord d’Etape (ci-dessous « APE ») entre ce dernier, d’une part, et la Communauté Européenne et ses Etats Membres, d’autre part, signé le 15 janvier 2009. Lors de son entrée en vigueur, le 4 août 2014, cet accord offrait une exemption tarifaire et une ouverture au marché unique européen pour les produits originaires du Cameroun. Dès lors et jusqu’à la date de publication de l’acte règlementaire présidentiel, les avantages commerciaux n’étaient qu’au bénéfice unique du Cameroun. Le 4 août 2016 acte une nouvelle étape dans les relations commerciales entre l’Union et le Cameroun. L’avantage à sens unique prend fin ; désormais les produits originaires des Etats Membres de l’Union pourront s’écouler sur le marché camerounais en bénéficiant d’une réduction douanière. Par cet Accord, l’unique Etat d’Afrique Central signataire s’engage à abaisser ces barrières douanières sur les quatre prochaines années jusqu’à leurs suppressions définitives sur les produits d’origine européens. Pour approfondir : Les doutes émis sur l’économie européenne n’amoindrit pas les objectifs ultralibéraux de l’Union Européenne. Depuis ces dernières années, les institutions européennes ont entrepris de grandes négociations de libres échanges avec des Etats économiquement solides ou avec un fort potentiel. Le TAFTA (« Trans-Atlantic Free Trade Agreement », en français « Traité de Libre-Echange Transatlantique »), ou encore l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les Etats-Unis et la CETA (« Comprehensive Economic and Trade Agreement », en français « Accord Economique et Commercial Global »), entre l’Union Européenne et le Canada (dont la ratification est programmée jeudi 27 octobre 2016 dans le cadre du sommet exceptionnel UE-Canada sous réserve du revirement du Parlement de Wallonie opposé au CETA), ont attiré toutes les attentions médiatiques et politiques et les inquiétudes du public.

Si l’on parle des échanges commerciaux en devenir entre pays industrialisés, il n’en demeure pas moins que le libéralisme économique européen a de grands projets pour l’Afrique. Depuis de nombreuses années, l’Union Européenne par des plans budgétaires d’aide au développement est omniprésente sur le continent africain. Une évolution substantielle semble s’amorcer. Pour soutenir plus ardemment le potentiel de certaines économies africaines, Bruxelles a pour ambition de les aider par une politique commerciale avantageuse, à la fois pour doper les exportations africaines vers l’Europe, et pour faire disparaître les barrières douanières afin de permettre un développement économique accéléré par un commerce accru. Dans cette optique et dans une discrétion médiatique, l’APE signé entre l’Union Européenne et le Cameroun est entré effectivement en vigueur le 4 août dernier. I - Le calendrier de l’entrée en vigueur effective de l’APE entre l’Union Européenne et le Cameroun L’APE se distingue par son calendrier asymétrique qui, en l’espèce, prévoit deux entrées en vigueur effectives différentes entre les deux parties. Après la ratification le 22 juillet 2014 par le Président de la République du Cameroun, l’Union Européenne a procédé à l’ouverture de son marché unique aux produits originaires du Cameroun. Ainsi les déclarations du Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire qui a défendu ce projet a justifié en ces termes devant la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale camerounaise, le 09 juillet 2014 que « cette ratification permettra au Cameroun d’avoir un accès préférentiel sur tous ses produits d’exportation sur le marché européen, et une prévention du marché camerounais contre les effets néfastes de la dégradation de la compétitivité de nos produits ». Initialement, la ratification de l’APE fût prévue au début de l’année 2008, année de référence du calendrier fixé à l’article 21. Ce calendrier fait office d’échéancier dont les dates sont fixées au premier jour de la nouvelle année. L’entrée en vigueur effective de l’accord était projetée pour le début 2010. Finalement, la ratification est intervenue que le 04 août 2014 entraînant le début de la libéralisation du marché camerounais aux produits originaires européens le 4 août 2016. Le décret du Président de la République Camerounaise, en date du 03 août 2016, en est l’illustration. Dans le corpus de cet acte réglementaire, sont fixées les règles d’origine et les méthodes de

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coopération administrative applicables aux produits de l’Union Européenne dans le cadre de l’APE. II - Les conséquences commerciales de cet Accord Avec son entrée en vigueur effective, les produits camerounais bénéficieront toujours de privilèges douanier et fiscal à l’importation dans l’Union Européenne. Les effets récents de l’APE vont impacter la politique économique du Cameroun, qui devra procéder à un démantèlement progressif, en suivant scrupuleusement l’échéancier susmentionné. Tous les produits à libéraliser ont été répartis en quatre grands groupes dans lesquels font partie : les produits pharmaceutiques, engrais, pesticides, tourteaux, papier journal, livres, brochures, journaux, mais aussi les véhicules et matériels pour voies ferrées, les fauteuils roulants et autres véhicules pour invalides. Est intégré à l’APE une longue annexe qui répertorie tous les produits originaires de l’Union Européenne en quatre catégories. La « 1 », « 2 » et « 3 » sont concernés par la réduction annuelle des tarifications douanières. Ces groupes rassemblent les produits en fonction de leur utilité dans l’économie camerounais. C’est ainsi que l’APE a fixé la vitesse de la libéralisation selon ces considérations sociales et économiques : - Le premier groupe des produits concernés par l’APE

« groupe à libéralisation rapide » : ces produits sont considérés comme d’utilité publique ou sociale au bénéfice du peuple camerounais, car ils servent essentiellement à la consommation des ménages, notamment en y incluant des produits de première nécessité.

- Le deuxième groupe de produits, « groupe à

libéralisation lente » : il sert à encourager et soutenir la production locale. Ce groupe comprend tous les équipements indispensables à l’unité de production d’une entreprise, cela peut être des produits semi-finis ou des matières premières. L’utilité est de rendre plus compétitive les manufactures camerounaises en réduisant leur coût de production.

- Le troisième groupe de produits « groupe à

libéralisation très lente » : il comprend des produits à tarifs élevés pouvant avoir un impact sur les recettes douanières du Cameroun.

- Le quatrième groupe de produits « groupe de

produits exclus de la libéralisation » : des produits

présentant un potentiel de développement considérable, en dépit d’une production limitée, qui pourraient s’ils étaient libéralisés portés atteinte à des secteurs nouveaux et une possible émergence d’une nouvelle branche dynamique de l’économie Camerounaise, comme les produits bruts d’animaux et de végétaux.

A rapprocher : Article de Cristelle Albaric – « L’Union Européenne et le Cameroun mettent en application un accord de partenariat économique » : http://www.lettredesreseaux.com/P-859-455-A1-l-union-europeenne-et-le-cameroun-mettent-en-application-un-accord-de-partenariat-economique.html Décret du Président Camerounais Paul Biya : https://fr.scribd.com/document/320290740/Decret-signe-par-Paul-Biya-le-3-aout-2016-sur-l-accord-de-libre-echange-avec-l-Union-europeenne http://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/l-accord-de-libre-echange-avec-l-ue-une-chance-pour-le-cameroun_1818880.html Journal officiel de l'Union européenne 28.2.2009 - ACCORD D'ÉTAPE vers un accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la partie Afrique centrale, d'autre part. Proposition de la commission des communautés européennes, 10.7.2008 – COM(2008) 445 final, relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord d’étape vers un accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et l’Afrique centrale, d’autre part. Compétence du juge français et concurrence déloyale Cass. com., 20 septembre 2016, pourvoi n°14-25.131

Ce qu’il faut retenir : Une même juridiction peut être compétente pour statuer sur une action en concurrence déloyale à l’encontre de codéfendeurs établis dans différents territoires et réparer l’intégralité des préjudices subis, tant en France qu’à l’étranger. Pour approfondir : L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté opposait une société française intervenant dans le secteur du prêt à porter à deux autres sociétés : la société mère suédoise et sa filiale française, en raison de la commercialisation, par ces dernières, de vêtements

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dans des conditions telles qu’il leur était fait grief d’avoir commis des actes de concurrence déloyale. L’affaire avait été portée devant le Tribunal de grande instance de Paris. La compétence du juge français avait été contestée dès la première instance : le juge de la mise en état s’était estimé compétent pour connaître du litige à l’égard de l’ensemble des défendeurs, approuvé par la Cour d’appel. La Haute juridiction avait par la suite rejeté le pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel (Cass.com., 26 février 2013, pourvoi n°11-27139) aux motifs que « […] l'article 6, point 1, du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 s'applique lorsqu'il y a intérêt à instruire et à juger ensemble des demandes formées contre différents défendeurs afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément, sans qu'il soit nécessaire en outre d'établir de manière distincte que les demandes n'ont pas été formées à la seule fin de soustraire l'un des défendeurs aux tribunaux de l'Etat membre où il est domicilié ; que l'arrêt, qui relève par motifs adoptés que chacune des sociétés H&M était accusée séparément de contrefaçon des mêmes modèles de vêtements et des mêmes actes de concurrence déloyale et parasitaire, a pu en déduire, en l'absence d'harmonisation du droit d'auteur et de la concurrence déloyale au sein de l'Union, qu'il existait un risque de décisions inconciliables si les demandes étaient jugées séparément) ». Dès lors, la compétence du juge français était acquise, la solution étant fondée sur le Règlement dit « Bruxelles I » (Règlement UE n°44/2001, 22 décembre 2001), en particulier son article 6 qui prévoit qu’une personne domiciliée dans un Etat-membre peut être attraite devant le Tribunal d’un autre Etat membre, en particulier, lorsqu’il y a plusieurs codéfendeurs devant celui du domicile de l’un d’eux à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a un intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Jugeant du fond de l’affaire, la Cour d’appel de Paris avait toutefois considéré que sa compétence pour connaître du litige et des conséquences dommageables résultant des actes commis par tous les codéfendeurs (conformément au texte et à l’arrêt précité) n’avait pas pour effet de faire entrer dans sa compétence la réparation des faits dommageables commis à l’étranger dans lesquels la société française (codéfendeur d’ancrage) n’était pas impliquée. La Cour de cassation va sanctionner le raisonnement des juges du fond au visa de l’article 6 du Règlement du 22 décembre 2001 précité et de l’article 2.

Elle va ainsi juger que la Cour d’appel était compétente pour statuer sur l’intégralité du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés aux sociétés X et Y, peu important que cette dernière société, établie en France, n’ait elle-même commis aucun fait dommageable à l’étranger ». Intéressante sur le plan des principes, cette décision l’est tout autant voir surtout pour ses conséquences pratiques en ce qu’elle permettra de simplifier les aspects procéduraux d’actions judiciaires initiées à l’encontre de sociétés françaises et étrangères à raison des mêmes faits. Une juridiction unique sera compétente pour statuer et ordonner la réparation des préjudices subis du fait des actes délictueux. A rapprocher : Règlement UE n°44/2001, 22 décembre 2001 ; Cass. com. 26 févr. 2013, n° 11-27.139.

Incoterms et transfert de risques Cass. com., 13 septembre 2016, pourvoi n°14-23.137

Ce qu’il faut retenir : Le vendeur, n’ayant pas la qualité d’expéditeur dans le cadre d’une vente de marchandises sous l’Incoterm Ex works, peut être responsable des dommages causés à la marchandise s’il a effectué lui-même le mauvais chargement de la marchandise ayant causé le sinistre. Pour approfondir : Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation s’est prononcé sur le transfert de risque lié au transport de marchandises dans le cadre d’une vente dont le contrat prévoit un Incoterm exonérant en principe la responsabilité du vendeur dans le transport de la marchandise. En l’espèce, la société E. a vendu sous l’Incoterm Ex works (départ d’usine) des marchandises à la société D., qui a confié l’organisation de leur transport à la société C. en qualité de commissionnaire de transport ; cette dernière a remis les marchandises à la société L., en qualité de sous-commissionnaire, qui les a elle-même confiées au transporteur, M. X. A la suite d’un accident ayant causé des dommages à l’ensemble routier et à la marchandise, M. X. et ses assureurs ont assigné la société E., en qualité d’expéditeur, ainsi que les sociétés C. et L., en réparation des dommages. La Cour d’appel a reconnu la responsabilité de la société E. en sa qualité d’expéditeur ainsi que celle de ses assureurs et les a condamnés à réparer les dommages. La société E. et ses

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assureurs se pourvoient alors en cassation. La Cour de cassation apporte à travers l’arrêt commenté des clarifications sur plusieurs points. I – Sur la dissociation entre la qualité de vendeur et d’expéditeur Selon la Cour de cassation, seul l’expéditeur engage sa responsabilité du fait des dommages causés au véhicule de transport et au conteneur transporté, trouvant leur origine dans un défaut d’arrimage de la marchandise. Or, l’Incoterm Ex works, c’est-à-dire « départ d’usine », désigne une vente au départ. Ainsi, le vendeur n’est pas, dans une telle vente, l’expéditeur de la marchandise. La Haute juridiction reconnaît donc au vendeur la qualité d’expéditeur et censure l’arrêt pour violation de l’article L.132-8 de Code de commerce. II – Sur la responsabilité du transporteur Aux termes de l’article 7-2 du décret n°99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type « général » applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique, pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, le transporteur vérifie que le chargement, le calage ou l’arrimage ne compromettent pas la sécurité de la circulation. En l’espèce, les marchandises étant de plus trois tonnes, il convenait de vérifier si ces dispositions étaient de nature à établir si une faute du transporteur avait contribué à la réalisation du dommage. Or, la Haute juridiction relève la société E. avait apposé son cachet et sa signature sur la lettre de voiture, en qualité d’expéditeur/remettant, et avait elle-même chargé, à l’aide de moyens de manutention spéciaux lui appartenant, les marchandises à l’intérieur du conteneur remis au transport. Ce faisant, le pourvoi est rejeté : en dépit du choix par les parties au contrat de vente de l’Incoterm Ex works, la société E. avait assumé la responsabilité des opérations de chargement, et se devait donc de répondre des conséquences dommageables de leur exécution défectueuse. A rapprocher : Décret n°99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique.

BREXIT Appréciations pratiques

Ce qu’il faut retenir : Ce 24 juin 2016, les Britanniques ont décidé de dire NON à l’Union Européenne et le camp du « leave » a remporté les suffrages avec 51,9% des voix. Le gouvernement britannique doit alors actionner la procédure de retrait sur le fondement de l’article 50 (dit « clause de retrait ») du traité de Lisbonne sur l’Union Européenne (le « Traité ») lequel prévoit un mécanisme de retrait volontaire et unilatéral d’un pays de l’Union Européenne. Pour approfondir : I. Le retrait L’Europe n’en est pas à sa première crise (crise de la « chaise vide » en 1965, affaire de la « vache folle » dans les années 1990 ou encore l’échec de la Constitution européenne au milieu des années 2000). Plus récemment notre ère est marquée par une pluralité de crises relatives à l’euro, le terrorisme, les réfugiés… et maintenant le Brexit. L’Europe traverse aujourd’hui une étape historique et doit faire des choix marqués, importants pour l’avenir et sa place à l’échelle mondiale. Au Royaume-Uni, le premier ministre pro-européen David Cameron a lancé l’idée, en janvier 2013 d’un référendum sur l’appartenance britannique à l’Union Européenne. L’objectif était de rassurer le large panel d’eurosceptiques présents dans le Nord de l’Europe. Le soutien populaire en faveur de l’Europe était alors indéniable. Pour sortir de l’Union Européenne, l’article 50 du Traité prévoit une procédure de retrait en 2 étapes : - Tout État membre peut décider, conformément à

ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union Européenne.

- L’État membre qui décide de se retirer notifie

ensuite son intention au Conseil Européen. À la lumière des orientations du Conseil Européen, l’Union Européenne négocie et conclut avec l’État sortant un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union Européenne. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union

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européenne. Il est conclu au nom de l’Union Européenne par le Conseil Européen, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement Européen.

II. Les conséquences du retrait Les conséquences prévues par l’article 50 du Traité sont les suivantes : - Les traités cessent d’être applicables à l’État

membre sortant concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2 de l’article 50, sauf si le Conseil Européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.

- Le membre du Conseil Européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil Européen et du Conseil qui le concernent. La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

Si l’État qui s’est retiré de l’Union Européenne demande à adhérer à nouveau, sa demande est alors soumise à la procédure visée à l’article 49. Tant que les autres états de l’Union Européenne ne sont pas d’accord sur les conditions du retrait, pendant une durée qui peut aller jusqu’à deux ans, le pays sortant reste soumis à la Commission Européenne et à toutes les obligations qui en découlent. La France prône une « ligne dure » en estimant que le Royaume-Uni ne doit pas obtenir de statut privilégié à l’issue du processus de sortie. L’Allemagne quant à elle est beaucoup plus modérée et veut faire du Royaume-Uni un pays « privilégié » à l’instar de la Suisse. Le Brexit participe à sa manière à la recrudescence de l’eurosceptisme à travers l’Europe, relayé notamment par les partis politiques des extrêmes lesquels prônent la sortie de leur pays de l’Union Européenne. Avec le Brexit c’est tout un environnement économique et juridique qu’il faut reconsidérer. A rapprocher : Loi n°2016-946 du 12 juillet 2016 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République de Colombie sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements.

Reconnaissance mutuelle des décisions de justice dans l’UE

CJUE, 7 juillet 2016, aff. C-70/15 Ce qu’il faut retenir : L’interprétation des textes par la CJUE vise l’équilibre entre les différents principes fondamentaux de l’Union – libre circulation des décisions, droits de la défense, sécurité juridique. La notion de « recours » telle que visée par l’article 34(2) du règlement Bruxelles I (désormais article 45(1) de Bruxelles I bis) doit s’interpréter comme incluant la demande de relevé de la forclusion, cela, dans l’objectif d’assurer un équilibre entre libre circulation des décisions de justice et respect des droits de la défense. Pour approfondir : Le règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000, (ou Règlement Bruxelles I), qui régit la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dans l’Union Européenne, vise la libre circulation des décisions judiciaires dans ces matières, et leur exécution rapide (considérant 6 du préambule, Bruxelles I). Ce principe toutefois, s’il part du constant que « certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur » (considérant 2, Bruxelles I), est parfois sujet à difficultés. La Cour de Justice, dans un arrêt du 7 juillet 2016, vient de nouveau préciser les conditions d’applicabilité de ce principe de reconnaissance mutuelle des décisions. L’article 34 du règlement prévoit quatre raisons pour lesquelles une décision n’a pas à être reconnue à l’échelle européenne : 1. cette reconnaissance est « manifestement contraire

à l’ordre public » de l’Etat membre dont la reconnaissance est requise ;

2. « l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent

n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire » ;

3. caractère inconciliable de la décision avec une

décision antérieure rendue dans l’Etat membre requis, entre les mêmes parties ;

4. caractère inconciliable de la décision avec une

décision antérieure rendue dans un autre Etat (membre ou tiers).

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En l’espèce, c’est la deuxième condition qui a ici intéressé la Cour et, à travers cette condition, la nécessité pour les juridictions, de parvenir à un « juste équilibre entre la confiance réciproque dans la justice au sein de l’Union, qui justifie que les décisions rendues dans un Etat membre soient reconnues et déclarées exécutoires de plein droit dans un autre Etat membre, et le respect des droits de la défense, qui impose que le défendeur puisse, le cas échéant, former un recours contre la décision » (§36). Si le « bon fonctionnement du marché intérieur » justifie la libre circulation des décisions, les droits de la défense doivent être respectés. En l’espèce, un résident français a obtenu du Tribunal de grande instance de Paris la condamnation d’un résident polonais. Toutefois, l’acte introductif d’instance n’a été ni signifié ni notifié à ce dernier, qui n’a eu vent de la décision que 15 mois plus tard, la signification n’intervenant que bien après. N’introduisant pas de demande de relevé de la forclusion résultant de l’expiration du délai, une décision déclare le jugement exécutoire en Pologne. Cependant, suite au recours du défendeur contre cette décision, la Cour d’appel polonaise réforme la décision, aux motifs que la demande de relevé de forclusion ne peut s’entendre comme un « recours » au sens de l’article 34(2) de Bruxelles I. C’est précisément la définition de la notion de « recours » qui fait l’objet d’une première question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne. La seconde question, sur le fondement du règlement n°1397/2007 pose le problème de l’applicabilité des dispositions nationales concernant la possibilité d’être relevé de la forclusion. La notion de « recours », est une notion autonome, qui ne dépend donc pas des définitions particulières pouvant exister dans les droits nationaux. C’est au regard des objectifs de confiance réciproque, de libre circulation des décisions, qu’elle doit s’interpréter, en équilibre avec les droits protégés par l’Union (§§ 32-34). Or, les droits de la défense sont respectés dès lors que l’intéressé « n’a pas eu connaissance de l’acte concerné en temps utile pour exercer un recours » (§44). Dans le cas contraire, si donc, ce dernier était en mesure de faire valoir son droit mais ne l’a pas fait, la Cour de justice souligne que « la reconnaissance d’un jugement prononcé par défaut à son encontre ne saurait être refusée sur le fondement de l’article 34, point 2 du règlement Bruxelles I » (§ 46). Puisque cette solution peut permettre l’équilibre entre la reconnaissance mutuelle des décisions et le respect des droits de la défense, la notion de « recours » dans l’article 34(2)

« doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut également la demande tendant au relevé de la forclusion, lorsque le délai pour introduire un recours ordinaire a expiré » (§ 49). Réponse à la première question préjudicielle est rendue. Il faut noter à ce stade que cette interprétation par la CJUE de la notion de « recours », dans ce contexte, est toujours à prendre en compte par les juges. En effet, le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, réformant Bruxelles I et s’appliquant depuis le 10 janvier 2015, prévoit toujours la non-reconnaissance des décisions dans le cas prévu par l’article 34(2) susvisé, dans son article 45(1). Pour répondre à la seconde question, la Cour se fonde sur les caractéristiques inhérentes au Règlement : par nature, « il produit des effets immédiats et est apte à conférer aux particuliers des droits que les juridictions nationales ont l’obligation de protéger » (§51) (CJUE, 14 juill. 2011, C-04/10 et C-27/10 ; CJUE, 10 déc. 2013, C-394/12). Une nouvelle fois, l’interprétation que la Cour fait de l’article 19(4) du règlement n°1393/2007 objet de la demande d’interprétation, se fonde sur la nécessité de respecter les principes généraux du droit de l’Union – en l’espèce, sur la sécurité juridique. En l’espèce, l’article du règlement en question prévoit la possibilité de faire une demande de forclusion dans un « délai raisonnable », à deux conditions : (1) le défendeur n’a pas eu connaissance de l’acte pour se défendre, et (2) les moyens du défendeur ne sont pas dénués de fondement. Chaque Etat membre pouvait ensuite prévoir, dans une communication, un délai différent pour introduire cette demande ; la France prévoit un délai d’un an, délai qui, donc, est dépassé en l’espèce. Puisque le délai est dépassé, il serait contraire à la sécurité juridique d’appliquer, alternativement au règlement, les dispositions du droit national (§ 57). La Cour tranche ainsi : l’article 19(4) « exclut l’application des dispositions du droit national relatives au régime des demandes tendant au relevé de la forclusion, dès lors que le délai de recevabilité pour l’introduction de telles demandes, tel que spécifié dans la communication d’un Etat membre à laquelle se réfère ladite disposition, a expiré ». C’est bien l’équilibre entre les différents principes fondamentaux de l’Union – libre circulation des décisions, droits de la défense, sécurité juridique – qui est recherché dans l’interprétation des textes faite par la CJUE. A rapprocher : Sur la nécessité de respecter les droits de la défense dans l’application de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice, voir CEDH, Krombach c. France, 13 février 2001, n° 29731/96.

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Validité de la clause de « valeur monnaie étrangère » CA Colmar, 27 juillet 2016, RG n°15/00798

Ce qu’il faut retenir : La clause de « valeur monnaie étrangère » n’est valide que si elle est équilibrée et respecte le régime des indexations. Pour approfondir : A quelles conditions de validité la clause de valeur monnaie étrangère est-elle soumise ? L’arrêt commenté reprend un à un les éléments qui garantissent la validité d’une clause de valeur monnaie étrangère dans la souscription à un prêt immobilier – contrat qui, en l’espèce, prévoit le paiement en euros, d’échéances calculées en francs suisses. En l’espèce, le demandeur demandait à la Cour de réputer nulle la clause valeur monnaie étrangère du contrat passé avec un établissement de crédit (il faut noter que la clause en question résulte d’un prêt souscrit avant la loi du 26 juillet 2013 sur la séparation et la régulation des activités bancaires, qui n’est donc ici pas applicable). Clause de valeur monnaie étrangère et clause

d’indexation Par une jurisprudence désormais constante, la Cour de cassation assimile la clause de valeur monnaie étrangère à une clause d’indexation (Cass. civ. 1ère, 11 oct. 1989, n° 87-16.341, Publié au Bulletin ; Cass. com., 22 mai 2001, n° 98-14.406, Publié au Bulletin ; Cass. civ. 2ème, 21 oct. 2004, n° 02-21.664 ; Cass. civ. 3ème, 18 oct. 2005, n° 04-13.930, Publié au Bulletin ; Cass. com., 2 oct. 2007, n° 06-14.725). Différents éléments peuvent éventuellement nuancer l’assimilation de l’une à l’autre (voir aussi, F. Grua, Fasc. 30 : Monnaie – Validité des clauses monnaie étrangère, Juris-Classeur, 4 Novembre 2012, §. n°15). C’est en vertu de cette assimilation que la Cour d’appel de Colmar réfute le premier argument du demandeur selon lequel pour être valide, la clause devrait être en lien avec l’activité de l’emprunteur exclusivement. Assimilée à une clause d’indexation, la clause en question est soumise à l’article L. 112-2 du Code Monétaire et Financier selon lequel toute clause d’indexation doit être « en rapport direct avec l’objet de la convention, ou l’activité de l’une des parties » (Rép. min. n° 41962 à Guy Geoffroy : JOAN Q, 19 mai 2009, p. 4894). La clause étant ici annexée à l’activité du prêteur, elle ne peut être nulle en vertu de ces allégations. C’est cette indexation avec l’activité de la société prêteuse qui permet à la clause

de valeur monnaie étrangère, ici, malgré le caractère interne de l’opération, d’être considérée par la Cour comme licite. Dans les règlementations internationales en effet, ces clauses ne sont pas soumises aux prohibitions de la législation nationale, et notamment ne sont pas soumises au régime des indexations (F. Grua, préc., §. 38 et suivants). Caractère intrinsèquement équilibré de la clause de

valeur monnaie étrangère

Le second argument avancé par le demandeur tient à l’idée selon laquelle la clause d’indexation est abusive et donc réputée nulle en application de l’article L.132-1 du Code de la consommation. Or, ainsi que la Cour le souligne « les clauses valeur monnaie étrangère ont pour caractéristique essentielle d’introduire un aléa lié au taux de change de la monnaie (…) et à son évolution ultérieur, et que cet aléa (…) est incompatible avec la notion de « déséquilibre significatif ». La clause n’est pas abusive puisque aléatoire pour les deux parties, et n’interfère pas avec la possibilité de convertir le prêt en euros à taux fixe ou révisable tous les trois ans. Pour qu’une telle clause ne relève pas d’un déséquilibre significatif, il faut qu’il y ait réciprocité et donc aléa pour chaque cocontractant. Ainsi, en matière de bail commercial, la Cour de cassation rappelle encore « qu'est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse » (Cass. civ. 3ème, 14 janvier 2016, n° 14-24.681, Publié au Bulletin ; voir aussi, J. Monéger, Baux Commerciaux, JCP Entreprise et Affaire, n° 18, 5 Mai 2016, §. 26). La responsabilité de l’établissement de crédit

contractant La demande de nullité de la clause pourrait être octroyée par le juge en vertu d’une violation par l’établissement de crédit, de deux types d’obligation, que le demandeur rappelle ici : - le devoir de mise en garde relativement au risque

d’endettement excessif : le souscripteur du prêt étant ici considéré comme averti, cette obligation n’existe pas en l’espèce ;

- l’obligation de conseil et d’information : la Cour

retient ici que l’information fut ici claire et précise sur les risques de fluctuation du taux de change, y compris au regard du contrat : « Les conséquences de l’évolution du taux de change, qu’elle soit

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favorable ou défavorable à l’emprunteur sont clairement abordées dans le contrat ».

L’obligation est respectée et la Cour d’appel rejette donc la demande du souscripteur du prêt visant à réputer non écrite la clause de valeur monnaie étrangère du contrat. A rapprocher : Sur la clause d’indexation dans les baux commerciaux : Cass. civ. 3ème, 25 févr. 2016, n ̊14-28.165, Publié au Bulletin ; Cass. civ. 3ème, 14 janv. 2016, n ̊14-24.681, Publié au Bulletin, et notre commentaire.

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