Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie...

19
Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 1 Introduction à l’économie 2007-2008 Cours de Benoît Prévost – 1 ère année de Licence AES – Université Montpellier 3 Introduction Générale Définitions générales : économie, science économique, économie politique, autant de mots pour une même chose ? Première définition : économie = analyse des phénomènes économiques… Qu’est-ce qu’un phénomène économique ? Où commence et où s’arrête la science économique ? Exemple avec l’indice des prix : mathématiques et calcul de l’indice = science ; choix des produits que l’on met dans l’indice = économie, politique et morale… Les implications économiques, politiques et morales de l’indice des prix et la revalorisation des salaires. Qu’est-ce qu’une science ? Objet, méthode… De l’abstraction/approximation du réel à la théorie ; de la théorie à la politique économique. Une illustration grossière à partir de la question du chômage : les hypothèses sur le comportement des agents (travailleurs et entreprises) impliquent des explications différentes du chômage et donc des politiques économiques différentes. L’incertitude à un double niveau : en amont dans les choix de simplification du réel ; en aval dans l’expérimentation au sein d’un réel qui change : ce qui a été vrai ne l’est pas forcément à nouveau. Garder à l’esprit les dimensions politiques et morales de l’économie, aussi bien pour les présupposés (hypothèses, vision de la société, etc.) que pour les implications pratiques en matière de politique économique. L’économie offre différents choix ; elle ne permet pas nécessairement de choisir… Microéconomie : Brémond et Gélédan : « La microéconomie est la partie de l’analyse économique qui étudie le comportement des unités économiques individuelles (le consommateur, le chef d’entreprise, le travailleur…). La microéconomie néo-classique analyse comment les agents économiques définissent leurs choix en fonction de leurs préférences. » Explication ici, que les agents économiques doivent être distingués des personnes réelles : je peux être travailleur sur le marché du travail (et offrir mon travail), consommateur sur le marché des biens et services, mais aussi vendeur sur le marché des biens immobiliers, par exemple, si je vends mon appartement ou un vélo… Piriou : « Approche théorique qui consiste à expliquer les phénomènes économiques en partant des choix individuels des agents. » Macroéconomie : Brémond et Gélédan : Le terme désigne la partie de la théorie économique qui s’intéresse : 1. Aux faits économiques concernant un pays ou un ensemble de pays ou une branche d’activité ; 2. Aux interdépendances entre les variables globales d’une économie. Par exemple, le volume de la production dépend de celui des investissements, qui conditionne donc l’emploi… ;

Transcript of Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie...

Page 1: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 1

Introduction à l’économie 2007-2008

Cours de Benoît Prévost – 1ère année de Licence AES – Université

Montpellier 3

Introduction Générale Définitions générales : économie, science économique, économie politique, autant de mots pour une même chose ? Première définition : économie = analyse des phénomènes économiques… Qu’est-ce qu’un phénomène économique ? Où commence et où s’arrête la science économique ? Exemple avec l’indice des prix : mathématiques et calcul de l’indice = science ; choix des produits que l’on met dans l’indice = économie, politique et morale… Les implications économiques, politiques et morales de l’indice des prix et la revalorisation des salaires. Qu’est-ce qu’une science ? Objet, méthode… De l’abstraction/approximation du réel à la théorie ; de la théorie à la politique économique. Une illustration grossière à partir de la question du chômage : les hypothèses sur le comportement des agents (travailleurs et entreprises) impliquent des explications différentes du chômage et donc des politiques économiques différentes. L’incertitude à un double niveau : en amont dans les choix de simplification du réel ; en aval dans l’expérimentation au sein d’un réel qui change : ce qui a été vrai ne l’est pas forcément à nouveau. Garder à l’esprit les dimensions politiques et morales de l’économie, aussi bien pour les présupposés (hypothèses, vision de la société, etc.) que pour les implications pratiques en matière de politique économique. L’économie offre différents choix ; elle ne permet pas nécessairement de choisir… Microéconomie : Brémond et Gélédan :

« La microéconomie est la partie de l’analyse économique qui étudie le comportement des unités économiques individuelles (le consommateur, le chef d’entreprise, le travailleur…). La microéconomie néo-classique analyse comment les agents économiques définissent leurs choix en fonction de leurs préférences. »

Explication ici, que les agents économiques doivent être distingués des personnes réelles : je peux être travailleur sur le marché du travail (et offrir mon travail), consommateur sur le marché des biens et services, mais aussi vendeur sur le marché des biens immobiliers, par exemple, si je vends mon appartement ou un vélo… Piriou :

« Approche théorique qui consiste à expliquer les phénomènes économiques en partant des choix individuels des agents. »

Macroéconomie : Brémond et Gélédan : Le terme désigne la partie de la théorie économique qui s’intéresse : 1. Aux faits économiques concernant un pays ou un ensemble de pays ou une branche d’activité ; 2. Aux interdépendances entre les variables globales d’une économie. Par exemple, le volume de la production dépend de celui des investissements, qui conditionne donc l’emploi… ;

Page 2: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 2

3. A la totalité de l’ensemble économique. Chaque fait ne prend sens que par rapport à une structure qui influence l’évolution du système. Le taux d’épargne ne signifie rien si on ne connaît pas le comportement d’investissement des chefs d’entreprise, la nature du circuit de financement…

Page 3: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 3

Chapitre 1 – Marchés et coordination

Introduction : pourquoi la question de la coordination ?

Point de départ, la définition de Stiglitz : « Comment expliquer que l’interaction entre les décisions prises par des milliers de consommateurs, de travailleurs, d’investisseurs, de gestionnaires et de fonctionnaires ait pu déterminer l’affectation des ressources rares dans la société ? » (Stiglitz [2001] , p.10). Explication des différents termes utilisés dans la définition, introduction à l’idée d’individus, d’agents économiques définis par leurs fonctions économiques… Définition des ressources rares : limitées en quantité et désirées (utiles et/ou agréables). La compétition pour l’obtention des ressources rares sous diverses formes. Les ressources rares sont autant des biens que des services ! L’échange monétaire, première approche rapide : échange = transfert de propriété ; circulation de biens et services contre de la monnaie. Le marché comme lieu des échanges monétaires, autrement dit comme procédure particulière de transfert des titres de propriété. L’Etat et l’affectation des ressources rares, un exemple avec l’éducation, introduction à l’idée que le mode d’affectation des ressources rares implique une sélection des individus qui peuvent prétendre à certaines ressources rares : monnaie, citoyenneté, résidence, diplôme… Introduction à la formulation de débats fondamentaux chez les économistes : les rapports entre l’Etat et le marché, la place respective de chacun dans l’affectation des ressources rares. Introduction à la notion de coordination. Marché = transfert propriété = contrat : d’où vient le prix, question de base de la coordination sur un marché. Question qui conduit à celle de la coordination des différents marchés entre eux. Puis à la question de l’impact de cette coordination : efficacité économique, efficacité sociale ??? Reprise de la problématique du thème : l’économie comme analyse de la coordination, rappel de la définition de Stiglitz et nouvelle définition, celle de Robert Boyer : la théorie économique contemporaine analyse les problèmes rencontrés par une économie de marché considéré comme étant « la forme canonique de coordination économique entre agents réputés égaux » (Boyer, 2004, p.3). Explication des différents termes et expressions importants dans la définition de Boyer : coordination, forme canonique, agents réputés égaux… Economie de marché ou capitalisme ?

Section 1 – Quelques repères en histoire économique et en histoire de la pensée économique

1) Qu’est-ce que le capitalisme ?

Le caractère historique du capitalisme Premier axe de la critique marxienne : ce que les économistes prennent pour la forme naturelle de l’activité économique n’est qu’une forme particulière et historiquement unique. Marx définit le processus d’accumulation ainsi :

A – M – A’ Ce processus suppose plusieurs conditions :

Page 4: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 4

1. Les marchandises s’échangent sur des marchés, et la vente est la finalité de la production afin de réaliser un profit ; 2. Les marchandises s’échangent contre de la monnaie ; 3. Le travail est une marchandise comme les autres, ce qui veut dire que les travailleurs possèdent leur force de travail et sont capables de la vendre. Or, ces trois conditions n’ont été réalisées qu’à une époque très récente de l’histoire des sociétés. Jusqu’au 18ème siècle, l’essentiel de la production est une production agricole qui est auto-consommée : les marchés concernent pour l’essentiel des produits artisanaux et des épices importées des colonies. Le développement des marchés a donc supposé une monétisation progressive des échanges, et une modification de la logique de production. Les processus qui ont conduit à ce développement n’ont rien eu de mécanique, mais sont le résultat d’évolutions historiques qui ont conduit à l’économie capitaliste. Les travaux des sociologues et anthropologues, à la fin du 19ème et au début du 20ème viendront confirmé les propos de Marx et remettront en particulier en question la naturalité de l’échange marchand. Les travaux de Marcel Mauss ont joué un rôle décisif dans la critique des hypothèses des économistes sur l’échange. Karl Polanyi (1944, La grande transformation) reprendra les travaux de Mauss et expliquera qu’il faut distinguer deux définitions de l’économie :

- une définition substantielle ou substantive : l’économie est l’activité de satisfaction des besoins dans un univers aux ressources limitées, ce qui suppose une organisation du travail et une distribution de la production ;

- une définition formelle : l’organisation du travail, la distribution et la consommation des richesses peuvent être très différentes et correspondent à des formes sociales spécifiques. Le capitalisme n’est qu’une forme particulière d’économie. Les socio-anthropologues ont montré que la circulation des richesses pouvait se faire sous la forme du don et du contre-don, malgré les apparences du troc. De même, le travail peut-être organisé collectivement, suivant des impératifs culturels et religieux. La consommation peut également prendre des formes très diverses, comme le potlach qui pourrait paraître irrationnel du point de vue des économistes, mais qui correspond à des rites culturels particuliers. Résumons : tous les échanges marchands ne sont pas des échanges monétaires (le troc peut-être un échange marchand) ; tous les échanges de biens ne sont pas des échanges marchands. Néanmoins, la généralisation de l’utilisation de la monnaie a conduit à ce que les échanges marchands soient spécifiquement monétaires. Comme le dira Max Weber (1947, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme), les marchés ont toujours existé. Mais le capitalisme est en fait un système de marchés généralisés qui soumettent l’ensemble de la production à l’impératif de profitabilité économique. Et il est essentiel, pour que cette logique puisse se déployer, que le travail soit échangé sur des marchés. Or, pour que le travail puisse être une marchandise il faut deux conditions :

1. que les travailleurs soient (formellement) libres de vendre leur travail ; ceci n’est pas vrai ni dans l’esclavage ni dans le servage, et la liberté du travail est limité dans le système des corporations ;

2. qu’une partie importante de la population soit sans autres ressources, pour survivre, que de vendre sa force de travail ; autrement dit, il est nécessaire qu’une partie importante de la production ait pour seule propriété la propriété de sa force de travail ; ceci a supposé ce que Marx a appelé l’accumulation primitive, c’est-à-dire un long processus d’expropriation des petits paysans et d’exode rural qui a assuré un transfert de main d’œuvre salarié des campagnes et de l’agriculture vers les villes et l’industrie. Le capitalisme n’est donc qu’une forme spécifique d’organisation de la vie économique et sociale ; la science économique développée par les classiques n’est donc que la science du capitalisme.

Page 5: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 5

Les origines historiques du capitalisme Reprendre rapidement les étapes clefs du développement. Rappeler que Monsieur d’Albis reviendra sur la question.

2) La naissance de l’économie politique

Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La création de la notion moderne d’individu. Qu’est-ce que l’individu ? Catégorie universelle, l’individu au-delà des contextes et différences, sociales, culturelles, de genre, ethniques, religieuses, historiques… Pourquoi l’individu n’a pas toujours existé ? Explication de la logique des sociétés holistes, l’exemple des castes en Inde, ou de la société occidentale du Moyen-Age. Chacun est défini par sa place dans l’ordre social : différentes catégories d’hommes, avec des droits différents : société hiérarchisées, l’ordre sociale prime sur chacun. Quelle peut-être la logique d’une société individualiste ? Penser la société à partir de l’individu considéré comme valeur suprême. L’idée d’individu permet de penser l’égalité de droits. Définitions de Dumont : « J’appelle idéologie un système d’idées et de valeurs qui a cours dans un milieu social donné. J’appelle idéologie moderne le système d’idées et de valeurs caractéristiques des sociétés modernes. (…) L’idéologie moderne est individualiste. » (Dumont, 1983, p.20) « Là où l’individu est la valeur suprême, je parle d’individualisme. » (Dumont, 1983, p.37) Précisions sur les termes utilisés par Dumont. Explication des questions posées par les Lumières : la société pensée à partir de l’individu ; pourquoi les individus vivent-ils en société ? De l’état de nature à la vie en société : préserver les droits naturels, et notamment le droit de propriété ; l’Etat comme Etat de droit. La place croissante de l’économie marchande dans la vie quotidienne Le développement du commerce international du 16ème au 18ème siècle, développement du commerce à l’intérieur des pays européens comme la France, l’Angleterre, la Hollande… Monétisation des échanges et transformation du sens de la production : de la logique de production auto-consommée à une production pour la vente, développement de la division du travail… La question de l’esprit du gain : est-il légitime de gagner de l’argent, de gagner de l’argent dans l’activité commerciale… Une nouvelle classe sociale caractérisée par l’esprit du gain : les marchands (bourgeois). La méfiance morale vis-à-vis de l’esprit du gain (la soif d’argent est mauvaise en soi), la méfiance politique (les marchands ne sont d’aucun pays, ils sont uniquement du côté de leurs intérêts…). Idée générale : l’échange est un jeu à somme nulle, ce que l’un gagne, l’autre le perd. La modification de l’attitude vis-à-vis de l’esprit du gain et de l’échange : Montesquieu et le doux commerce (les marchands ont besoin de paix pour développer leurs affaires) ; Voltaire et la bourse de Londres (les affaires dépassent les clivages religieux)… Idée forte : dans l’échange, on fait abstraction de toutes les différences (de genre, culturelles, religieuses, ethniques…) pour ne s’intéresser qu’aux biens et services qui circulent : lorsque je vais au marché acheter une tomate, ce qui m’intéresse c’est de savoir si la tomate est bonne, pas si le vendeur est une femme, un musulman, un juif, un chrétien, un vieux, un jeune, etc… Et lui, ce qui l’intéresse, c’est juste de savoir si l’argent que je lui donne est valable, si mon chèque n’est pas « en bois », etc. L’appât du gain est une passion qui oblige à la maîtrise de ses autres passions : c’est donc une passion qui, loin d’être anti-sociale, conduit les individus à développer des liens sociaux durables et pacifiques. Reste une question : comment des individus qui ont des intérêts divergents (l’acheteur veut acheter le moins cher possible, le vendeur vendre le plus cher possible) peuvent-ils s’entendre ?

Page 6: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 6

Comment des comportement individuels intéressés conduisent-ils à une situation harmonieuse et non pas au chaos social ? C’est la question à laquelle les économistes vont pouvoir apporter une réponse : l’esprit du gain s’épanouit dans les activités économiques, en particulier l’échange, activités qui prennent de plus en plus de place dans la vie courante ; la coordination économique, qui est la question des économistes, est donc une question centrale pour la société tout entière… La question est celle de la coordination par l’échange, le marché est le lieu des échanges, donc résoudre la question de la coordination suppose de comprendre comment fonctionnent les marchés. On considère que l’économie est née comme science lorsqu’elle a apporté une réponse nouvelle à la question de la coordination, réponse nouvelle qui se distinguait des approches morales ou politiques qui dominaient jusque là : on dit qu’avec Adam Smith l’économie s’est autonomisée de la morale et de la politique, pour devenir une science à part entière.

3) Tableau des principaux auteurs et repères en HPE

Section 2 - Des agents réputés égaux ?

Point de départ : rappel des définitions de Stiglitz et de Boyer. Définition de Claude Ménard : Dans la littérature économique contemporaine, « le marché apparaît essentiellement comme un mécanisme de transfert des droits de propriété » (Ménard [1990], p.19).

Les transferts de propriété concernent les biens et services rares, c’est-à-dire désirés par les individus, mais limités en quantité. Lorsque les économistes s’interrogent à l’allocation des ressources rares, ils supposent que les individus qui désirent ces ressources sont libres et égaux. Reprise des notions déjà vues dans les séances précédentes : échange marchand, propriété, contrat, transactions, prix… Rappel important : le prix va permettre de sceller un accord (contrat, transaction) ; la formation de ce prix est donc l’une des clefs essentielles pour comprendre la coordination entre les agents économiques. Rappel du principe simple qui fonde les échanges et la coordination des intérêts divergents (Smith) : les vendeurs souhaitent vendre au prix le plus élevé possible, les acheteurs souhaitent acheter le moins cher possible.

Page 7: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 7

L’échange est fondé sur la libre volonté de chacun et l’absence de pouvoir d’un individu sur un autre ; définition simple du pouvoir : l’individu A a du pouvoir sur B s’il peut obliger B à faire quelque chose. Sur le marché, normalement, personne ne peut obliger un autre individu à acheter ou vendre un bien ou un service. Autrement dit, et c’est essentiel, lorsqu’un individu vend ou achète un bien ou un service, c’est que cet échange satisfait, d’une manière ou d’une autre, son intérêt.

L’absence de pouvoir se traduit aussi par une égalité dans le pouvoir de chacun à influencer le fonctionnement du marché : chacun est preneur de prix dans une situation de concurrence parfaite. C’est l’hypothèse d’atomicité qui suppose qu’il y a un nombre suffisamment élevé de demandeurs et d’offreurs pour qu’aucune offre ou demande individuelle ne soit susceptible d’influencer le niveau des prix.

« Souvent il est dit qu’il y a concurrence parfaite si les agents sont « nombreux » et « petits », chaque bien étant offert et demandé par une multitude d’individus de poids négligeable. Il est vrai que dans ces conditions les agents peuvent considérer que le prix des biens est une donnée, indépendante de leurs actions » (Guerrien [1989], p.25).

Définition de la concurrence parfaite (Brémond et Gélédan): 1. Atomicité du marché 2. Libre entrée sur le marché 3. Homogénéité des produits 4. Transparence 5. Mobilité des facteurs

Important : les deux principes de liberté et d’égalité sont respectés en situation de concurrence et nous verrons, justement, quelles sont les conséquences (sur la liberté et l’égalité), du non-respect des conditions de la concurrence. Rappel sur ce que sont les arguments économiques : les affirmations ne sont vraies que sous certaines hypothèses ! Ces deux principes de liberté et d’égalité supposent que chacun a autant de chance que les autres de satisfaire son intérêt grâce à l’échange. Mais cela ne veut pas dire que chacun pourra obtenir tout ce qu’il désire sur le marché : d’une certaine manière, personne n’est pleinement satisfait, mais tout le monde est satisfait d’une manière ou d’une autre. Le prix que le demandeur est prêt à payer correspond à l’intensité du désir qu’il peut avoir pour un bien ou un service ; introduction à l’idée d’utilité ou satisfaction avec un exemple simple : le choix entre tomates et pâtes. Introduction à l’idée de rationalité : choisir les meilleurs moyens pour parvenir à ses objectifs ; introduction à la manière dont on choisit de dépenser son revenu : chaque euro dépensé pour acheter le bien ou service qui donne le plus de satisfaction. Comment évolue mon choix : les variations du prix et les variations de ma demande individuelle ; comment la variation du prix sur un marché influence la variation du prix sur l’autre marché… Une première approche du fonctionnement d’un marché : la demande totale, l’offre totale. Les variations de l’offre et de la demande en fonction des prix :

Les variations de la demande Les variations de l’offre

prix D prix D prix O prix O

Que signifie le prix d’équilibre ? L’égalité de l’offre et de la demande. Ne pas oublier : tout échange réalisé l’a été volontairement, autrement dit, même si chacun n’a pas obtenu toute l’utilité (le plaisir, la satisfaction de ses intérêts) qu’il souhaitait, du moins chacun a obtenu de l’utilité, sinon il n’aurait pas accepté l’échange. Donc, l’échange n’est pas un jeu à somme nulle : chacun a gagné à échanger, puisque chacun a augmenté son utilité. Reprise des questions abordées : l’interdépendance des marchés.

Page 8: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 8

Variations de la demande, principe de rationalité : maximisation de l’utilité en fonction du revenu et des prix. Ce qui se passe sur un marché influence ce qui se passe sur les autres et inversement. Ajustements par les variations de prix et les quantités. Marchés interdépendants = système de marchés constituant une structure au sein de laquelle circulent les marchandises (biens et services). Economie de marché = économie dans laquelle les marchés constituent la structure de base au sein de laquelle circulent les biens et services.

Conclusion - Marchés et économie de marché

Quel lien social dans l’échange marchand ? Pourquoi échange-t-on ? Aujourd’hui, contrainte liée à la division sociale du travail : personne ne satisfait seul l’ensemble de ses besoins. La division du travail conduit chacun à se spécialiser dans la production de biens ou services qui sont déconnectés de ses propres besoins. Le lien d’échange est donc apparemment un lien fondé sur les besoins individuels. Adam Smith et les origines de l’échange et de la division du travail (voir la fiche sur les auteurs). Les hypothèses de l’état primitif de l’économie et la fable des origines de la division du travail : l’échange entre chasseurs. Au-delà de la fable, ce qui est important : - l’échange n’est pas forcément fondé sur un calcul d’intérêt : à l’origine, c’est un penchant naturel de l’homme ; l’échange est un acte social, un acte spécifique à l’homme, un acte qui peut ne pas avoir d’autre finalité que lui-même (j’échange pour échanger, pour avoir un lien social, et pas forcément pour satisfaire mon intérêt matériel) ; - c’est la rationalité qui conduit à la division du travail : dans la pratique d’un échange régulier chacun finit par prendre conscience de la possibilité d’économiser ses efforts grâce à la spécialisation ; - la division du travail conduit à régulariser les échanges : dans le temps (il faut échanger régulièrement pour satisfaire régulièrement ses besoins) et en ce qui concerne les quantités échangées (puisque chacun dépend maintenant des quantités de biens que l’autre (ou les autres) peut (ou peuvent) lui fournir à intervalles réguliers ; - l’échange régulier dans le cadre de la division du travail conduit à une transformation des rapports sociaux : que se passe-t-il lorsque la concurrence apparaît (un autre chasseur me propose plus de biens que celui avec lequel j’échange d’habitude) ? - la division du travail est limitée par les possibilités d’échanges : plus je rencontre de personnes qui peuvent m’offrir les biens que je consomme plus je peux me spécialiser dans la production d’un nombre réduit de biens, jusqu’à n’en produire plus qu’un seul… Autrement dit, si je consomme n biens, il faut que j’échange avec (n-1 personnes) pour ne produire qu’un seul bien ; exemple : je consomme régulièrement 4 biens (B1, B2, B3, B4,) ; pour ne produire qu’1 seul bien (par exemple B1), il faut que j’échange avec trois personnes P2, P3, P4) qui produisent chacune 1 bien (respectivement B2, B3, B4)… Puisque le marché est le lieu de l’échange, Smith affirme que la division du travail est limitée par l’étendue du marché. Plus le marché s’étend plus les possibilités d’échange et de division du travail s’accroissent. De la même manière, l’extension du marché accroît les possibilités de consommation et la découverte de nouveaux besoins… Donc, dans la fable de Smith, la nature de l’échange évolue : on passe d’un échange considéré comme un lien social fondé sur un penchant naturel à un échange rationnel fondé sur un calcul d’intérêt. La circulation de biens et de services n’est donc pas toujours de l’échange marchand. L’échange marchand, dans sa forme pure, est très spécifique. C ’est une circulation de biens et services (un transfert de propriété) fondé sur la réciprocité (un bien contre un autre – ou contre de la

Page 9: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 9

monnaie, qui est l’équivalent général des échanges) et sur l’équivalence (les biens échangés ont la même valeur objective, exprimée par le prix). Voir la fiche sur le don. La nature de l’échange marchand suppose donc des liens sociaux particuliers qui pourraient être rapportés, dans la forme la plus abstraite et la plus épurée, à de simples liens de besoin et d’intérêt. Il est aussi important de comprendre que le développement des échanges et des marchés provoque une modification du sens de la production : celle-ci est destinée à être échangée, sur des marchés contre de la monnaie. Cela signifie, en premier lieu, que la nature de la production se déconnecte des besoins du producteur lui-même : elle est déterminée par la demande sur les marchés ; ainsi, par exemple, le chasseur qui est spécialisé à présent dans la production de silex produit bien au-delà de ses besoins en silex et, même, n’a plus besoin de silex puisqu’il ne chasse plus : en fait, pourquoi produit-on ? pour échanger, pour obtenir de la monnaie qui permettra ensuite d’acheter des biens et services. Pour accéder aux richesses disponibles, il faut donc que chacun ait un bien ou un service (ou de la monnaie) à proposer et que ce bien ou ce service soit demandé par les autres. L’économie marchande propose donc un mode très spécifique d’inclusion/exclusion des individus dans le processus de partage de la richesse : chacun est inclus dans ce processus de partage des richesses en fonction des biens et services qu’il peut offrir sur les marchés. On peut alors parler de qualités marchandes des individus, qualités définies par les biens et services détenus par ces individus et qui peuvent être échangés sur les marchés. La plupart des individus n’ont, fondamentalement, qu’un seul type de bien à offrir sur le marché : leur travail. Ainsi, pour accéder aux autres biens et services, la plupart des individus doivent vendre leur capacité à travailler sur le marché du travail. Autrement dit, ceux dont le travail n’est pas demandé (les chômeurs) ou ceux qui ne peuvent pas travailler (les infirmes, etc.) et ne disposent pas de ressources monétaires, ces personnes sans qualités marchandes sont exclues du processus de partage de la richesse. Le fonctionnement du marché du travail est donc un sujet essentiel puisqu’il conditionne l’accès des individus aux marchés des biens et services qui sont indispensables à leur existence. Nous venons de voir comment le marché et les marchés, l’économie de marché et la société de marché pouvaient être définis dans une situation idéale satisfaisant aux exigences des principes de liberté et d’égalité des agents économiques. Cette version idéale du marché correspond à la concurrence pure et parfaite : elle est défendue, comme idéal, par les partisans de l’économie de marché, que l’on qualifie le plus souvent, dans le langage courant, de libéraux. Attention tout de même : la plupart des économistes ou philosophes libéraux limitent cette vision à ce qu’elle est, à savoir une hypothèse de réflexion aussi bien qu’un idéal vers lequel on aimerait que la réalité tende ; autrement dit, la plupart des économistes ou philosophes libéraux savent que la réalité est différente mais ils pensent, le plus souvent, qu’il est possible de rapprocher la réalité de cet idéal. C’est l’objectif, par exemple, des politiques en faveur de la concurrence (comme celle de l’Union Européenne). Les libéraux ont donc en commun de penser que le marché, en situation de concurrence, est le système de production et de répartition des richesses le plus efficace et le plus juste qui soit. Mais il existe d’autres visions qui considèrent le marché comme un lieu de conflits, en particulier autour de la question du travail et de la répartition des richesses, conflits qui se répercutent dans le reste de la société et qui nécessitent l’intervention de l’Etat (ou bien la disparition des économies de marché).

Page 10: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 10

Chapitre deux – Les défaillances de coordination

Section 1 – Les défaillances de la concurrence 1. Les insuffisances institutionnelles du marché Qu’est-ce qu’une institution ? Qu’est-ce qu’un coût de transaction ? L’importance des règles pour le fonctionnement du marché : un exemple avec les droits de propriété. Un Etat gendarme ? 2. La concurrence en défaut Les biens collectifs Les effets externes Les monopoles naturels Section 2 – Salariat, chômage et pauvreté : le marché en défaut 1. Les différentes approches du marché du travail 2. L’intervention de l’Etat : régulation et protection sociale

Section 1 – Les défaillances de la concurrence

1. L’encadrement institutionnel du marché

Qu’est-ce qu’une institution ? Qu’est-ce qu’un coût de transaction ? L’importance des règles pour le fonctionnement du marché : un exemple avec les droits de propriété. Un Etat gendarme ?

2. La concurrence en défaut : biens collectifs, effets externes et monopoles naturels

Nous avons vu, dans la première partie de ce thème comment les théories libérales pouvaient présenter les économies et sociétés de marché comme naturellement harmonieuses : les intérêts personnels sont compatibles avec l’intérêt général ; le système de marchés interdépendants est le plus efficace pour produire et distribuer les richesses. Néanmoins, il est possible de concevoir, également, des situations dans lesquelles le marché n’est pas nécessairement le plus efficace, dans le sens où l’intérêt privé ne permettra pas de satisfaire l’intérêt général. C’est le cas avec les biens collectifs et la production d’effets externes. On retient généralement que l’Etat doit assurer des fonctions dites régaliennes : c’est le maintien de l’ordre, qui passe par la police, la justice et l’armée, mais aussi la capacité à « battre monnaie », autrement dit à être garant de la monnaie nationale. Ces fonctions sont des fonctions minimales pour le fonctionnement de la société et plus particulièrement pour la protection de la propriété privée, indispensable au développement du marché. Ces fonctions sont censées être utiles à tous.

Page 11: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 11

Mais le marché ne peut pas les prendre en charge pour une raison simple : on ne peut pas facturer individuellement le bénéfice de la police, de la justice et de l’armée. Ce sont des services que les économistes appellent des biens collectifs. Définition : Un bien collectif est un bien qui n’est pas divisible et dont le coût de production ne peut être imputé à un individu spécifique ce qui rend difficile, voire impossible, la fixation du prix. De plus, il est indifférent que ce bien soit consommé par un plusieurs individus : l’augmentation du nombre d’utilisateurs n’implique pas d’accroissement du coût de production (on dit que le coût marginal est nul). On dit que la consommation n’est pas exclusive car le fait qu’un individu consomme ce bien n’empêche pas les autres de le consommer. Les biens collectifs sont des biens indivisibles dont la consommation ne peut être facturée individuellement ; c’est le cas, par exemple, avec l’éclairage public. Cette difficulté rend problématique la prise en charge de la production par une entreprise privée (problème de rentabilité). Il y a des comportements de passager clandestin qui rendent complexe la facturation individuelle et donc la mise en place de la production. Explication : le passager clandestin. Pour savoir s’il faut mettre un éclairage public, une entreprise décide de faire une enquête auprès des habitants d’une rue ; chacun sait que cet éclairage est nécessaire ; mais le problème tient au prix qu’il va falloir payer : si je déclare que je veux l’éclairage, je vais devoir le payer. Mais je peux me dire que mes voisins, eux, vont déclarer que l’éclairage leur est utile, et ils vont donc, eux, payer pour un éclairage qui me servira (parce que les maisons sont assez proches pour que je profite de la lumière des lampadaires). Le problème, c’est que si chacun se dit cela, tout le monde déclare ne pas souhaiter l’éclairage, et l’éclairage n’est pas installé… Le problème tient à ce que ces biens collectifs peuvent être considérés comme nécessaire à la vie sociale : soit parce qu’ils sont indispensables à l’ordre public (par exemple, l’éclairage des rues réduit les possibilités d’agression et améliore la sécurité civile dont tout le monde peut bénéficier) ; soit parce qu’on considère qu’ils sont utiles pour la vie économique et sociale, comme par exemple les programmes de vaccination. Si je me vaccine contre une maladie, j’évite sa propagation, et les autres en profitent ; si je me vaccine pas, par contre, je suis un vecteur de propagation de la maladie, et je mets les autres en péril. C’est ce qu’on appelle un effet externe : cela correspond à la manière dont les choix des différents agents sociaux affectent directement la situation des autres agents (sans que cet effet soit facturé par le marché). Définition : Un effet externe (ou externalité) est un avantage ou un inconvénient résultant, pour une tierce personne, des activités d’autres agents économiques. Les gains et les pertes liés à ces avantages et inconvénients ne sont pas intégrés, à la base, dans les prix du marché. Ces effets externes peuvent être soit positifs soit négatifs. Dans le premier cas de notre exemple de vaccination, il y a un effet externe positif, dans l’autre un effet externe positif. Là encore, je peux agir en passager clandestin : je peux me dire que si les autres se vaccinent, la maladie ne se propagera pas, et je n’ai donc pas besoin de me vacciner… On peut prendre encore un autre exemple avec les routes : des entreprises et des particuliers peuvent souhaiter la construction d’une nouvelle route, pour aller d’une ville à l’autre : il existe bien une ancienne route, mais elle ne relie pas directement les deux villes, elle est très longue et très dangereuse (elle n’est pas entretenu) ; la nouvelle route serait plus rapide et moins dangereuse que celle qui existe ; du coup, les frais de transports seraient diminués, et les entreprises pourraient développer leur activité, les particuliers diminueraient leurs frais d’essence, et il y aurait une réduction du nombre d’accidents ; autrement dit, au total, de la croissance économique et une amélioration des conditions de vie. Là encore, on risque un comportement de passager clandestin et la route ne se fait pas. Que fait l’Etat dans ces cas là ?

Page 12: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 12

En ce qui concerne les effets externes négatifs, comme la pollution, l’Etat peut décider d’une politique juridique qui limite les effets externes et établit un coût à payer (amende) pour l’agent économique qui ne respecte pas cette loi. Il peut aussi vendre des droits aux agents économiques, comme les droits à polluer, ce qui revient à marchandiser l’effet externe. L’idée fondamentale, ici, est que l’effet puisse effectivement représenter un coût pour celui qui le produit, soit pour l’inciter à ne plus produire cet effet externe, soit pour compenser cet effet externe (par exemple utiliser l’argent des amendes de pollution pour dépolluer une rivière). Le problème tient souvent, aussi, à l’estimation du coût réel de cet effet externe : comment chiffrer, par exemple, le prix d’une espèce animale ou végétale menacée par une pollution ? Autre problème : payer un prix ne fera pas revenir l’espèce animale ou végétale disparue… et à qui va-t-on verser l’argent ? Autrement dit, la compensation n’est pas toujours possible même lorsque els agents sont prêts à payer. En ce qui concerne les effets externes positifs, l’Etat peut décider que ces biens collectifs sont nécessaires et prendre en charge leur production ; par exemple, l’Etat décide d’une politique de grands travaux et construit des routes ; ou bien encore l’Etat décide de lancer une campagne de vaccination obligatoire et il achète les vaccins… L’Etat peut aussi déléguer la production à des entreprises privées qui doivent alors respecter un cahier des charges bien précis, spécifiant le plus souvent le prix de vente aux usagers. Les problèmes que nous venons d’évoquer renvoient aussi à un problème de coûts de production et de fonctionnement du marché. Reprenons l’exemple de la route. Puisque cette route serait utile aux gens, on peut se dire que les gens seraient quand même prêts à payer pour utiliser la route une fois que celle-ci serait construite. C’est le principe des routes à péage. Que font les consommateurs face au péage : ils font un calcul d’utilité, ils comparent le fait de prendre l’ancienne route, gratuite mais longue et dangereuse, avec le fait de prendre la nouvelle route, payante mais plus rapide et moins dangereuse ; les entreprises regardent ce qu’elles économisent en coût de transport avec le prix du péage, etc… Le problème est alors le suivant : est-ce que la construction de cette route peut être prise en charge par le marché (en admettant la possibilité de facturer individuellement son utilisation) ? Pour que des entreprises prennent le risque de construire une route à péage, il faut qu’elles espèrent en retirer un profit, autrement dit que les recettes générées par les péages couvrent au moins les coûts de production… Rappelons que, pour les économistes, le marché n’est efficace que s’il y a de la concurrence. Or, ici, on a plusieurs problèmes : pour qu’il y ait de la concurrence, il faudrait que plusieurs entreprises construisent plusieurs routes concurrentes ; or, il n’y a pas une multitude de tracés possibles pour la route, et les différences de tracés impliquent, en fait, des différences fondamentales entre les routes (rapidité, dangerosité, etc…), autrement dit, on ne peut pas produire plusieurs routes identiques, ce qui signifie qu’il ne peut pas y avoir plusieurs entreprises concurrentes ; on est donc dans une situation dite de monopole, et ce monopole est « naturel » puisqu’il tient à la nature même des biens produits… Définition : un monopole est dit naturel lorsque le nature même du bien implique que la production n’en sera rentable qu’à condition qu’un seul agent économique la prenne en charge. On pourrait tout de même imaginer qu’il est possible de construire plusieurs routes identiques. Le problème est que les coûts de production sont très élevés, parce qu’il faut faire de très gros investissements de départ ; or, s’il y a plusieurs routes, les consommateurs vont se répartir entre les différentes routes, et les recettes de péages de chaque route ne permettront pas de couvrir les dépensées de production : aucune route ne serait rentable… Donc aucune route ne serait construite… La seule solution rentable du point de vue économique, c’est de construire une seule route (car ce serait la seule solution pour que les recettes de péage couvrent les frais de production). On est dans une situation de monopole naturel, c’est-à-dire une situation dans laquelle la production d’un bien ou d’un service n’est possible (rentable) que si elle est

Page 13: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 13

assurée par une entreprise unique. Le problème, du coup, c’est que cette entreprise peut fixer les prix comme elle le souhaite (ou presque, puisqu’il faut que les gens continuent de consommer le bien ou le service : si ce bien ou ce service sont indispensables, comme par exemple l’approvisionnement en eau, la marge de manœuvre du monopole est importante ; on parle alors d’élasticité prix). Au début, l’entreprise pratique des tarifs suffisamment bas qui attirent les automobilistes ; pendant ce temps, l’ancienne route continue de se dégrader et, finalement, elle n’est plus du tout praticable : la route à péage devient le seul moyen de relier les deux villes ; l’entreprise privée est alors en situation de monopole et elle impose ses nouveaux tarifs, beaucoup plus élevés… Du point de vue de la théorie économique, le monopole est une situation qui n’est pas bonne du point du vue de la justice, puisqu’un agent économique (le monopole) peut imposer son prix aux autres agents (les consommateurs). Que peut faire l’Etat, dans ces conditions ? Soit il prendre directement en charge la production (entreprises publiques), soit il confie cette production à une entreprise privée, en lui imposant un cahier des charges précis, notamment le niveau des prix pratiqués. Autrement dit, l’Etat peut agir directement en tant qu’agent économique producteur de biens et services. Le débat entre les économistes et dirigeants politiques tient aux limites de cette intervention en tant que producteur, autrement dit quand est-ce que l’Etat est plus ou moins efficace que le marché. En fait, ces choix relèvent d’autres motivations que les seuls impératifs de l’efficacité économique dont la mesure reste difficile en réalité. Ces autres motivations tiennent à des positions morales sur la justice sociale. En effet, la règle d’efficacité économique repose sur le fait que la production est, ou non, rentable à partir d’un calcul coûts/bénéfices exprimé en monnaie ; le marché s’intéresse à la demande solvable, c’est-à-dire qui dispose d’une revenu pour acquérir les biens et services. Or, un ensemble de personnes peuvent être privées de revenu monétaire (chômage) ou avoir des revenus limités (bas salaires). Elles sont alors privées de l’accès à certains biens et services que l’Etat peut considérer comme des biens et services auxquels tout le monde à droit ! Ainsi, l’Etat peut décider de prendre en charge la production de services de santé à travers des hôpitaux publics parce qu’il considère que tout le monde doit avoir accès à ces services, en dehors de considérations économiques. On peut noter que deux solutions s’offrent alors à l’Etat : soit il produit lui-même les services de santé, soit ils donne aux gens des revenus sociaux pour leur permettrent d’acheter les biens et services de santé… Mais, dans ce cas, ils paye aussi, aux entreprises, un profit… L’argent public sert alors à payer les profits des entreprises… Bien entendu, le choix entre ces deux solutions n’est valable qu’à condition que le marché puisse prendre en compte la production des biens et services, ce qui n’est pas toujours le cas (monopole naturel, effets externes, biens collectifs). C’est ainsi que l’Etat prend en charge la production de certains biens et services qui deviennent des biens et services publics. Une grande partie de ces biens et services publics servent à lutter contre les inégalités entre les individus ; ils servent à opérer une redistribution des richesses tout en contribuant à l’intérêt général. C’est à cela, entre autres, que sert l’impôt : il finance des biens et services publics qui sont consommés par tous de manière égale. Nous verrons dans le détail comment s’opère cette redistribution. Retenons pour l’instant ce principe : la prise en charge, par l’Etat, de la fourniture de biens et services publics crée une solidarité spécifique aux sociétés modernes. Cette solidarité peut s’appliquer, également, à d’autres problèmes et risques auxquels font face les membres d’une société. On parle alors de protection sociale.

Page 14: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 14

Section 2 – Les risques sociaux et leur gestion par l’Etat

1. Le chômage Introduction aux différentes approches du chômage La politique économique Les politiques de l’emploi Chômage, pauvreté et exclusion 2. L’intervention de l’Etat : régulation et protection sociale Les principes de la protection sociale : les modèles Bismarkien et Beveridgien Différentes formes de solidarité Le système français, une forme hybride

1. Le chômage

Chômage conjoncturel : chômage résultant d’un ralentissement de l’activité économique. Chômage structurel : chômage lié aux déséquilibres structurels de l’économie (déséquilibres régionaux, inadaptation des qualifications, déclin d’activités traditionnelles, etc.). Chômage technique : inactivité forcée dans l’entreprise en raison de circonstances particulières et indépendantes de l’entreprise (panne de machines, catastrophe naturelle – innondations – défaut d’approvisionnement en pièces, etc.). Chômage partiel : inactivité forcée des salariés décidée par l’entreprise pour réduire la production lorsque la conjoncture est mauvaise (les heures non travailleés font alors l’objet d’une moindre rémunération). Chômage frictionnel : en situation de plein-emploi, chômage d’adaptation lié à la période entre deux emplois.

Chômage pauvreté et exclusion

Définitions du chômage : BIT et INSEE. Les DEFM. CHOMAGE AU SENS DU BIT L’Insee a la responsabilité de la mesure du chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT), seul concept susceptible de se prêter à des comparaisons dans le temps et dans l’espace. D’après la définition internationale, trois conditions sont nécessaires pour être classé comme chômeur au sens du BIT : - être sans travail (ce qui exclut d’avoir travaillé, ne fût-ce qu’une heure, au cours de la semaine dite «de référence»)

Page 15: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 15

- être disponible pour travailler sur un emploi salarié ou non salarié - être à la recherche d’un travail. L’Enquête Emploi, réalisée par l’Insee depuis 1950, est la seule source statistique qui permette de mesurer directement le chômage BIT. Néanmoins, réalisée une seule fois par an en mars, elle ne permet pas actuellement un suivi infra-annuel du chômage BIT. L’Insee réalise donc mensuellement une estimation du nombre de chômeurs au sens du BIT et du taux de chômage correspondant, en se recalant chaque année sur l’Enquête Emploi. Parallèlement, le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité et l’ANPE exploitent les listes de demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE, ce qui permet la publication d’une statistique des demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM).

LES DEMANDES D'EMPLOI EN FIN DE MOIS (« DEFM ») Le nombre de demandes d'emploi en fin de mois, ou « DEFM », correspond au nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE en fin de mois. Les demandeurs d'emploi sont classés par catégorie selon la nature de l'emploi qu'ils recherchent et leur disponibilité. Ces catégories déterminent leurs droits et leurs obligations. Elles sont définies par arrêté ministériel. Depuis l'arrêté du 5 mai 1995, les demandeurs d'emploi se répartissent ainsi en huit catégories. Pour les six catégories suivantes, les demandeurs d'emploi sont tenus d'accomplir des « actes positifs de recherche d'emploi » :

Type d’emploi recherché Pas d'activité réduite au cours du mois ou d'une durée n'excédant pas 78 heures

Activité réduite de plus de 78 heures dans le mois

Contrat à durée indéterminée, à temps plein

Catégorie 1 Catégorie 6

Contrat à durée indéterminée, à temps partiel

Catégorie 2 Catégorie 7

Contrat à durée déterminée ou mission d'intérim

Catégorie 3 Catégorie 8

Jusqu'en juin 1995, il n'y avait pas de distinction faite entre les demandeurs d'emploi selon l'exercice d'une activité réduite. A cette date, les trois premières catégories (1, 2 et 3) ont été éclatées en fonction de ce critère, entraînant la création des catégories 6, 7 et 8. Elle résulte d'un décret du Conseil d'Etat du 5 février 1992 qui a considéré que la pratique d'une activité occasionnelle ou réduite de plus de soixante-dix-huit heures au cours du mois rendait le demandeur d'emploi non immédiatement disponible. Ce décret a été mis en oeuvre en 1995 après une nouvelle décision du Conseil d'Etat en date du 13 mai 1994. Les statistiques officielles sur le nombre de demandeurs d'emploi portent sur les demandeurs inscrits en catégorie 1. Aux catégories précédentes, s'ajoutent deux autres catégories de demandeurs d'emploi qui ne sont pas immédiatement disponibles et qui ne sont pas tenus d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi : - Catégorie 4 : personnes sans emploi, non disponibles en raison d'un stage, d'une formation, de la maladie, etc... - Catégorie 5 : personnes pourvues d'un emploi, à la recherche d'un autre emploi.

Chômage en

France

Août 2005 Août 2006 Variation sur

un an en %

DEFM cat.1 2406,50 2159,70 -10,30

DEFM cat.2 451,20 413,60 -8,30

DEFM cat.3 321,70 290,30 -9,80

DEFM cat.6 437,70 421,30 -3,70

DEFM cat.7 74,30 69,30 -6,80

DEFM cat.8 106,40 96,00 -9,80

Ensemble 3797,80 3450,20

-9,15

Ensemble-DEFM cat.1 1391,30 1290,50

-7,25

Page 16: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 16

La pauvreté, définitions et mesures

Introduction aux différentes approches du chômage

L’approche par l’offre : production et substitution de facteurs ; ajustement de l’offre et de la demande et rigidités du marché du travail ; un dilemme travailleurs pauvres vs chômeurs protégés ? L’approche par la demande globale : les équilibres de sous-emploi La question du progrès technique et des dynamiques de croissance Le progrès technique qui se traduit par une modification de l'activité économique (essor de certains secteurs et déclin d'autres) et de l'emploi (changement de l'organisation du travail, changement des qualifications) conduit en cas d'accélération brutale à des délais d'ajustement et donc à un chômage transitoire d'inadaptation. L'explication par le progrès technique est ancienne. Elle met en jeu la problématique de la compensation. Si, à court terme, le progrès technique entraîne du chômage, à long terme, il y aura compensation. D'une part, le progrès technique se traduit par des innovations dans les biens de production mais aussi au niveau des biens de consommation d'où une demande qui conduit à une plus grande production et donc à des emplois. D'autre part, le progrès technique se traduit par un accroissement de la productivité. Cet accroissement peut déboucher sur une baisse des prix, un accroissement de la demande et ainsi de la production et de l'emploi. Il peut augmenter les marges de profits des entreprises d'où plus d'investissements, plus de production et de l'emploi. Il peut également permettre une

Page 17: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 17

augmentation des salaires qui stimulera la consommation, la production et l'emploi. Il peut également déboucher sur une réduction du temps de travail avec une hausse de l'emploi en compensation. Au total, pour certains, ces différents mécanismes conduisent à une compensation des pertes d'emplois de court terme. Il n'en demeure pas moins qu'une "bonne" répartition des gains de productivité (salaires, profits, réduction du temps de travail, prix) est nécessaire à la stabilité du système économique. (Sauvy)

Quelle intervention de l’Etat ?

Le traitement économique du chômage :

• les politiques économiques à court et long terme : politiques contra-cycliques et politiques industrielles

• les politiques de l’emploi (actives et passives).

L’Etat peut ainsi tenter d’agir sur la création d’emplois de plusieurs manières. Aujourd’hui, le volume total des emplois dits aidés (par des mesures de politique de l’emploi) s’élève à près de 8% de l’emploi total en France. Les sommes consacrées par le budget de l'Etat à la politique de l'emploi dans son ensemble, représentent 15 milliards de milliards (formation en alternance, contrats emploi solidarité, etc.), ainsi que près de 17 milliards d'allégements de charges. La diversité des mesures prises dans le cadre des politiques de l’emploi rend difficiles les tentatives de classification (DARES, 2003). Nous en citerons quelques unes. 1. Création de formes spécifiques d’emplois, comme les emplois jeunes du gouvernement Jospin, dont les objectifs sont variés : créer de l’emploi, permettre la formation des jeunes, et qui sont destinés à déboucher sur des contrats longue durée. 2. Modulation de la durée du travail ; c’est la logique qui a été privilégiée, par exemple avec les 35 heures : on essaie de modifier le nombre d’emplois sans que le volume global (des heures travaillées) ne varie (faute de croissance)… 3. Modifier l’âge de la retraite ou les dispositifs de préretraite : la logique est identique à celle de la réduction du temps de travail puisqu’on essaie d’opérer une substitution entre chômeurs et pré-retraités. 4. Réduire les coûts du travail, par exemple en allégeant les charges sociales pour certains emplois. Le plus souvent, ce type de politique cible certains publics particuliers : allégement des charges sur les bas salaires (SMIC, travail peu qualifié), ou sur les emplois de jeunes en formation, de chômeurs de longue durée, etc. 5. Modifier les contrats de travail sous certaines conditions, comme le Contrat Nouvelle Embauche du Gouvernement Villepin, destiné aux PME. 6. Mettre en place des dispositifs spécifiques d’allégement des coûts, par exemple avec des mesures fiscales comme c’est le cas avec le Plan Borloo de développement des services aux emplois. Depuis 2002, les gouvernements Raffarin puis Villepin ont résolument axé les politiques publiques sur la réduction des coûts du travail et la flexibilisation de la législation. Cette orientation correspond à la remise en cause de l’encadrement institutionnel du marché du travail, considéré comme créateur de chômage.

• L’importance des politiques de formation : le court et le long terme. Le traitement social du chômage

Page 18: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 18

2. L’intervention de l’Etat : régulation et protection sociale

Principes généraux de la protection sociale

Différentes formes de solidarité. Assistance et assurance. L’assurance : individuelle ou collective (un exemple avec les retraites) ? La tendance à l’individualisation de la gestion des risques sociaux. Les principes de la protection sociale : les modèles Bismarkien et Beveridgien

Les deux grandes logiques historiques de la protection sociale (à partir de Barbier et Théret)

Logique Bismarckienne Logique Béveridgienne

Personnes éligibles (bénéficiaires)

Les travailleurs cotisants et leurs ayants droit

Les citoyens

Caractéristiques des prestations Proportionnelles aux cotisations et aux revenus

Forfaitaires et minimum

Mode de financement Système de l’assurance sociale (cotisations)

Financement par l’impôt

Mode de gestion Gestion corporatiste Gestion étatique

Le système français, une forme hybride

Les 3 piliers du système français : Les assurances sociales (Sécurité sociale et assurance chômage, financées par les cotisations sociales):

• La Sécurité sociale, trois grandes branches : o la famille, gestion des prestations familiales o l’assurance maladie (maladie, maternité, invalidité et décès) o l’assurance vieillesse (retraite et pensions de reversion pour les veufs et veuves)

Plusieurs régimes de gestion des trois branches, divisés en fonction des statuts professionnels : salariés/non-salariés, secteur public/secteur privé… On appelle régime général le régime compétent pour les salariés du privé (industrie, commerce et services) ; le régime de base des non-salariés (travailleurs indépendants et agriculteurs) s’est progressivement aligné sur le général. Les fonctionnaires ont leur propres régimes particuliers (en dehors de l’assurance santé qui relève du régime général). Il existe aussi des régimes spéciaux pour les salariés de certaines grandes entreprises comme EDF ou la SNCF. Ces régimes spéciaux sont actuellement remis en question.

• le régime d’assurance chômage est géré par l’Union Nationale pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce (UNEDIC) et les Associations pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce (ASSEDIC) ; l’action de l’Etat via l’ANPE et L’AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes) relève de cette branche de la protection sociale.

L’aide et l’action sociale (financement par l’impôt) : • L’Etat déploie une importante action sanitaire et sociale : la gestion des centres sanitaires

et sociaux, le financement d’assistantes maternelles, de soins à domicile pour les personnes âgées… relèvent de cette branche de l’action sociale

• Lois de décentralisation et la prise en charge locale de l’aide sociale : les départements et la gestion des problèmes liés à l’âge, au handicap et à l’enfance ; les communes et leurs

Page 19: Introduction Généraleecoaesupv.free.fr/prevost/cours.pdf · 2) La naissance de l’économie politique Les Lumières et la question de l’origine et du sens de la société. La

Introduction à l’économie – L1 AES UPV – Cours de B. Prévost Page 19

actions (Centre Communaux d’Action Sociale) participent à la fourniture de services sanitaires et sociaux en nature : PMI (protection maternelle et infantile), dispensaires (soins de santé), crèches, centres sociaux…

• Les minima sociaux : Revenu Minimum d’Insertion, Allocation Adulte Handicapé, Allocation Parent Isolé, Allocation de Solidarité Spécifique…

Les régimes volontaires et les régimes privés Ils sont essentiellement constituées des mutuelles qui sont financées par des paiements individuels volontaires. On trouve aussi dans cet aspect de la protection sociale la Couverture Maladie Universelle qui est, elle, financée par l’Etat.

La question du financement de la protection sociale

Entre 1993 et 2002, la part des cotisations est passée de 77% à 67% du total du financement. Les cotisations employeurs correspondent aujourd’hui à 45,9% du total, les cotisations salariés à 17%. Les impôts et taxes spéciaux ont pris une part croissante (de 2,6 à 19%). La CSG a été un instrument majeur de cette évolution (70% des impôts et taxes). Créée en 1990, elle est passé de 1,1% de tous les revenus à l’époque à 7,5% sur les salaires et revenus du capital aujourd’hui. Initialement prévue pour financer la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales), elle permet aujourd’hui en partie de compenser les baisses de cotisations sociales en faveur de l’assurance maladie. 75% de la CSG sont prélevés sur les salaires… Le problème du financement des retraites : capitalisation ou répartition ?