Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, nO 5, pp. 255-259© Masson, Paris, 1985

Introduction d'un goniomètre standardmodifié avec la graduationet la branche pivotante montéessur un chariot déplaçable*

P. VAN ROY, M. HEBBELINCK, J. BORMS.Laboratoire de biométrie et de biomécanique, Vrije Universiteit Brussel, Bruxelles, Belgique.

ESSAI DE MATÉRIEL

Les différences, trouvées dans la littératureau sujet de la localisation de l'axe dugoniomètre, peuvent être réduites à l'ambigui'téet aux discussions à propos de la situation desaxes des mouvements articulaires.

Afin d'appliquer la goniométrie qui faitabstraction de l'axe du mouvement, nousproposons une technique goniométrique avecun goniomètre standard modifié avec lagraduation et la branche pivotante montées surun chariot déplaçable le long de la branchefixe.

Introduction

Depuis le début du siècle, nombre de cher­cheurs ont travaillé sur la méthodologie de lagoniométrie: dans les divers types de goniomè- .tres apparaissent, notamment, des goniomètresclassiques à deux branches, des inclinomètres etdes électrogoniomètres, ainsi que plusieurs mo­difications à leur type de base..

Selon Salter (19) l'examen de l'amplitudearticulaire nécessite un appareil simple, quipermet des résultats répétitifs, et qui est égale­ment utilisable pour différentes articulationsainsi que sur n'importe quels sujets, nonobstantleurs mesures biométriques.

* Brevet n° 899.964

Tirés à part: P. VAN Roy, à l'adresse ci-dessus.

Considérations kinésiologiquessur la goniométrie

Dans son œuvre « Handbuch der Anatomieund Mechanik der Gelenke », R. Fick (8, 9)décrivait des axes autour desquels les mouve­ments se produisent dans les articulationssynoviales humaines.

De cette manière, il suivait les traces deHenke (11) et A. Fick (7) qui interprétaient lesmouvements dans les articulations d'une ma­nière extrêmement mécaniste.

Leurs successeurs ne s'accordaient pas entreeux sur la détermination exacte de tous ces axespour les différentes articulations. En effet,chacun de ces chercheurs trouvait dans sespropres recherches d'autres localisations pourles axes. Sur ce point, Virchow (24-26) jouaitl'exception, en ce sens qu'il n'acceptait pas leprincipe d'une localisation stricte d'un axearticulaire: lors d'examens radiologiques il avaiten effet trouvé de petites translations des oscarpiens pendant les mouvements du poignet,indiquant que le mouvement ne se situe pasautour d'un axe fixe. De nos jours, Van Lamoenin Matricali (23), Kauer (12) et Mulder (16) ontfait des études approfondies sur les mouvementsdu poignet, qui confirment la thèse de Virchow.

Dans le même sens, Dbjay et coll. (4) décla­rent que l'axe de prosupination de l'avant-brasn'existe pas.

Tous ces auteurs attirent l'attention surl'aspect tridimensionnel du mouvement, ainsique font Van Der Bijl et coll. (22) et Warwicket Williams (27) : le mouvement articulaire

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FIG. 1. - Mouvement de deux os A et B résultant en une

combinaison de pivotement, de glissement et de rotation conjointe(la rotation conjointe peut être accentuée ou diminuée par unerotation adjointe simultanée) " l'état de congruence varie pendantle mouvement.

s'effectue avec une composante de roulement oude pivotement, une composante de glissementet une composante de rotation conjointe.

L'existence de la composante de roulementest critiquée entre autre par Taleisnik etLinscheid (21), qui posent en fait que, bien quele roulement soit la composante la plus décriteet la mieux admise, elle ne peut guère se produired'une façon normale dans une articulationsynoviale; en effet, un roulement est caractérisépar le fait que deux points qui sont à uneéquidistance vont se mettre en contact l'un avecl'autre pendant le roulement. Comme ce qui seproduit avec une roue qui roule sur le sol. Dansles articulations synoviales néanmoins, un coeffi­cient de friction de grande importance manque,ce qui explique que les conditions d'un roule­ment simple ne sont pas réunies.

La composante de glissement est facilitée parla présence du liquide synovial, et va interférer.avec la composante de roulement.

La composante de rotation conjointe existelors de déroulement et glissement asymétriquesdus au fait que les simples modèles mécanistes 0

des articulations, décrits par R. Fick (8, 9) etFischer (10) ne sont presque jamais présents auxsurfaces articulaires. L'aspect asymétrique dumouvement peut aussi être accentué ou neutra­lisé par la guidance des systèmes musculotendi-

neux et ligamenteux : rotation adjointe accen­tuant (cospin) ou neutralisant (antispin) l'effetd'une rotation conjointe (27).

Il faut aussi ajouter que la congruence dessurfaces articulaires varie selon l'amplitude(<< c1ose-packed position» ou «loose-packedposition») et qu'on ne peut envisager lemouvement comme un simple déplacement d'unos B qui bouge par rapport à un autre os A,mais considérer que les deux os entrent, en toutcas, dans le mouvement (fig. 1) : même sil'apport d'un des deux n'est pas visuellementimportant le mouvement se montrerait tout àfait différemment en fixant un des deux os. Cesphénomènes ont été étudiés par Van Der Bijlet coll. (22) qui mettent l'accent sur les différentsmodèles de mouvements articulaires, liés aumodelage des surfaces articulaires par l'activitémotrice.

Si nous voulons appliquer ces idées kinésiolo­giques à la pratique de la goniométrie, latechnique goniométrique, dans laquelle on posel'axe du goniomètre sur l'axe dit de l'articula­tion, devrait être rejetée. Le fait qu'on retrouve,dans les différents manuels de goniométrie, desindications différentes pour le placement de l'axedu goniomètre, peut trouver son explicationdans l'exposé précédent sur les axes articulaires.En effet, nous trouvons ces différences dans lemode d'emploi de centrage de l'axe du goniomè­tre entre autre chez Cole (3), Dorison etWagner (5), Esch et Lepley (6), Russe etcoll. (18) et Stijns (20). Salter (19) indique quedes erreurs importantes peuvent se produire enlocalisant mal l'axe du goniomètre. Moore (15)par contre trouve qu'on accorde trop d'impor­tance à ce sujet. Neiger et Genot (17) proposentde placer les branches du goniomètre parallèle­ment aux axes longitudinaux des segmentscorporels, lorsqu'il est difficilede placer le centredu goniomètre en regard du centre articulaire .

Le développement des inc1inomètres, e.a. legoniomètre de Labrique (13) et le « Leightonflexometer» de Leighton (14) a amené unefaçon d'éviter le problème des axes. Ces gonio­mètres qui utilisent le principe de la gravité pourmesurer un angle articulaire obtenu par rapportà la verticale ont, d'autre part, le désavantagede créer la possibilité d'erreurs dues à la

FIG. 2. - Goniomètre avec la graduation et la branche pivotantemontées sur un chariot déplaçable.

::J-.=i~----- \i./ . - -- ~J

FIG. 3. - Goniomètre avec la graduation et la branche pivotantemontées sur un chariot déplaçable : plan technique. 1 - l'axedu goniomètre; 2 - la branche fixe; 3 - le chariot déplaçable ;4 - la graduation; 5 - la branche -pivotante..

perturbation des amplitudes articulaires par desmouvements compensatoires non détectés.

Cette approche kinésiologique nous faitconclure que :1) Les différences - trouvées dans la littératureau sujet de la localisation de l'axe du goniomètre- peuvent être réduites à l'ambiguïté et auxdiscussions à propos de la situation des axes desmouvements articulaires, qui n'existent vraisem-

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blablement pas dans leur simplicité mécaniste.2) Il ne faut jamais oublier que la techniquesimple de la goniométrie n'est qu'une techniquebidimensionnelle pour mesurer les amplitudesarticulaires qui résultent des mouvements aveccaractéristiques tridimensionnelles.

Approche de la technique de l'utilisation d'ungoniomètre avec la graduation et la branchepivotante montées sur un chariot déplaçable.

De ce qui précède, nous proposons unetechnique de goniométrie avec un goniomètrestandard à deux branches, qui a subi néanmoinsune certaine modification qui aide à résoudrele problème de mensuration lié à celui de l'axedu mouvement. Cette modification que nousavons apportée au goniomètre classique existedans le fait que la graduation, ainsi que l'axedu goniomètre et la branche pivotante sontmontés sur un chariot déplaçable le long de labranche fixe (fig. 2 et 3).

MODE D'EMPLOI DU GONIOMÈTRE

1) Pour mesurer l'angle articulaire entre deuxsegments il est préférable de mettre d'abord lesujet dans une position de départ bien détermi­née, afin d'éliminer les erreurs commises à caused'une perturbation de l'amplitude articulaire parles mouvements obtenus dans les articulationsproximales et distales.2) Il faut dans notre technique, marquer deuxpoints de repère osseux par segment sur la peau(fig. 4)..Les lignes, entre chaque paire de points,nous donnent les axes longitudinaux des bran­ches du goniomètre.

(Souvent trois points de repère sont utilisésavec la méthode du goniomètre standard : unpremier situé à l'extrémité proximale du segmentproximal, un deuxième situé à «l'axe» dumouvement et un troisième situé au bout distaldu segment distal.)

Nous proposons donc de marquer quatrepoints de repère au moment où l'amplitudemaximale est atteinte. Sinon on risque de setromper suite au déplacement des repères osseuxsous la peau pendant le mouvement.

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Fm. 4. - Le marquage des points de repère osseux sur la peauau moment où l'amplitude maximale est atteinte.

3) Les deux branches du goniomètre sontensuite facilement mises en parallèle avec lesaxes longitudinaux des deux segments en utili­sant le chariot déplaçable pour ajuster la branchepivotante le long des repères osseux du deuxièmesegment une fois que la branche fixe est misele long des repères indiquant l'axe longitudinaldu premier segment (fig. 5J.

Il n'y a donc plus de centrage de l'axe dugoniomètre sur un axe du mouvement del'articulation.4) La lecture des valeurs obtenues se fait,pendant que le goniomètre est mis sur place,avec l'œil à la hauteur de l'appareil en évitantles fautes de paralaxe.S) Pour interpréter les valeurs d'angles obte­nues, la « Neutral Zero Method » de Cave etRoberts (2), adoptée par l'American Academyof Orthopaedic Surgeons (1) nous paraît la plusrecommandable. (Dans ce système l'angle entrela position neutre ou zéro de l'articulation et laposition obtenue à la fin de l'amplitude parcouruest mesuré.)6) De préférence on prend plusieurs mensura­tions du même mouvement dans les mêmesconditions, et on en fait la moyenne.

Conclusion

1) Par cet article nous avons voulu introduirecertaines idées kinésiologiques dans la techniquede la goniométrie.

Fm. 5. - L'emploi du goniomètre à chariot déplaçable.

2) En appliquant la goniométrie qui fait abstrac­tion de l'axe du mouvement, il nous semble quel'utilisation d'un goniomètre avec la construc­tion de la graduation, avec l'axe du goniomètreet avec la branche pivotante sur un chariotdéplaçable le long de la branche fixe améliore- à notre avis - les conditions de mensuration.3) Cette technique simple tient compte en unsens de l'aspect tridimensionnel du mouvement,sans avoir la prétention ou l'intention de mesurerle mouvement dans ces trois dimensions. Le butde notre approche de la goniométrie est d'éviterautant que possible des erreurs méthodiques, enrespectant le fait que ce système de mensurationd'amplitudes articulaires reste, en tout cas, noncompliqué.

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