Introduction des filières d’études bachelor et master … · 5.4 Etudes à plein temps ou à...

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Le 20 juin 2006 Introduction des filières d’études bachelor et master dans les hautes écoles de musique suisses Rapport du groupe de travail mandaté par l’OFFT Rédaction : Susanne Genner

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Le 20 juin 2006

Introduction des filières d’études bachelor et master dans les hautes écoles de musique suisses Rapport du groupe de travail mandaté par l’OFFT Rédaction : Susanne Genner

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Table des matières

1re partie Situation de départ...............................................................3

1. Enoncé des propositions.................................................................... 3

2. Evolution de la formation musicale en Suisse ................................. 5

2.1 Système traditionnel des conservatoires ..........................................................5 2.2 Changement de système en 1998 ....................................................................6

3. Secteur d’activité et employabilité : que signifie la qualification professionnelle sur le marché des professions musicales ?.......... 7

4. Comparaison au niveau européen, en particulier sur la question de la réglementation professionnelle .............................................. 11

4.1 Remarques préliminaires relatives à la réglementation professionnelle .........12 4.2 Résultats de l’enquête.....................................................................................13 4.3 Synthèse (en vue d’une application en Suisse) ..............................................15

2e partie Présentation des arguments.............................................19

5. Divergences entre le Conseil des HES et la CHEMS...................... 19

5.1 Habilitation à enseigner aux enfants et aux jeunes en âge scolaire ...............19 5.2 Analogie avec la formation des instituteurs.....................................................20 5.3 Maintien du système à deux niveaux ..............................................................20 5.4 Etudes à plein temps ou à temps partiel ? ......................................................20 5.5 Distinction entre études de base et perfectionnement ....................................21

6. Résultats de l’audition ...................................................................... 22

6.1 Durée des études............................................................................................22 6.2 Bachelor et habilitation professionnelle...........................................................23 6.3 Double master.................................................................................................23 6.4 Coûts...............................................................................................................24 6.5 Situation de l’emploi / Chances professionnelles / Salaires............................25 6.6 Délimitation des filières « Education musicale précoce et école de base » et

« Pédagogie en musique et mouvement – Rythmique » ................................26

3e partie Bilan et recommandations du groupe de travail .............27

7. Récapitulation de tous les arguments............................................. 27

7.1 Admission au cycle master .............................................................................29 7.2 Neutralité des coûts ........................................................................................30 7.3 Limitation de la durée des études ...................................................................30

8. Résumé .............................................................................................. 32

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1re partie Situation de départ 1. Enoncé des propositions Dans le cadre de la réforme de Bologne s’appliquant aux hautes écoles spéciali-

sées, la Conférence des hautes écoles de musique suisses (CHEMS) a présenté

son concept d’introduction des filières d’études bachelor et master dans les hautes

écoles de musique (HEM) suisses. A l’origine, il était prévu d’introduire un « Bache-

lor of Arts in Music » généraliste, suivi au choix d’un master en pédagogie, d’un

master d’interprète, d’un master de théorie et de composition, d’un master spéciali-

sé ou d’un master combinant diverses orientations. Etant donné qu’une filière de

formation à deux cycles devait remplacer l’ancien diplôme professionnel, le bachelor

a été expressément défini comme un diplôme n’attestant pas de qualifications pro-

fessionnelles dans le domaine pédagogique. Ce concept n’est pas conforme aux

dispositions énoncées à l’art. 4, al. 2, de la LHES ; il constitue une exception à la

règle qui prévoit que les étudiants ayant suivi un cycle bachelor soient titulaires d’un

diplôme attestant leur qualification professionnelle. En effet, les dispositions de l’art.

4, al. 2, stipulent :

Art. 4, al. 2, LHES 2 En cycle bachelor, les hautes écoles spécialisées transmettent aux étudiants une formation générale et des connaissances

fondamentales et les préparent, en règle générale, à un di-plôme attestant leur qualification professionnelle. […]

La loi autorise donc des dérogations, sans toutefois spécifier les conditions néces-

saires. Par conséquent, la teneur des dispositions ne privilégie aucunement une in-

terprétation, favorable ou non, à la solution proposée par les milieux professionnels.

Dans le message relatif à la révision de la LHES, il est spécifié que le domaine artis-

tique admet des dérogations au principe d’un cycle bachelor attestant une qualifica-

tion professionnelle : « Le diplôme bachelor sanctionne en règle générale une quali-

fication professionnelle et remplace le diplôme HES actuel. Il est possible que cer-

tains domaines d’études des arts ne soient pas soumis au niveau du bachelor au

critère de la qualification pour l’exercice d’une profession ; ces exceptions se justi-

fient en particulier par les standards internationaux qui exigent l’obtention d’un mas-

ter pour la qualification professionnelle et la reconnaissance du diplôme »1. La for-

mulation « certains domaines d’études des arts » laisse en suspens la question de

savoir si certains domaines artistiques devraient dans leur ensemble ne pas être

1 Message du 5 décembre 2003 concernant la modification de la loi fédérale sur les hautes

écoles spécialisées, FF 2004, pp.145 ss, en particulier p.152.

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soumis, au niveau du bachelor, au critère de qualification professionnelle ou si, en

référence aux études de musique, il s’agit ici non pas du domaine de la pédagogie

musicale, mais plutôt du domaine de l’interprétation. Dans le cadre des délibérations

parlementaires2, le débat n’a pas non plus été traité en profondeur. Par conséquent,

il n’a pas été répondu à la question de savoir si (et dans quels domaines) les hautes

écoles d’arts – et notamment les HEM – doivent proposer des filières d’études ba-

chelor sanctionnant une qualification professionnelle.

La décision du Conseil des hautes écoles spécialisées du 14 octobre 2004 constitue

la base du présent rapport3. Cette décision sommait les HEM d’aménager la filière

bachelor sous la forme d’une formation artistique et artistico-pédagogique qui

confère aux diplômés les aptitudes requises pour l’enseignement d’un instrument

dans les écoles de musique. Quant au master, il doit permettre aux étudiants de

poursuivre leurs études et de se spécialiser.

La CHEMS4 et l’ASEM5 ont protesté contre la décision du Conseil des HES qui,

dans son courrier du 15 décembre 2004, a réaffirmé sa volonté de réaménagement

du bachelor comme diplôme généraliste. Selon le Conseil des hautes écoles spécia-

lisées, il faut que les étudiants aient la possibilité de quitter la haute école avec un

diplôme bachelor. De plus, le principe d’employabilité doit être respecté, et ce mal-

gré la forte proportion d’étudiants qui obtiennent un diplôme master par rapport aux

autres filières proposées par les hautes écoles. Cela vaut notamment pour les étu-

des postgrades telles que les diplômes d’orchestre, de concert et de soliste.

La CHEMS a introduit par la suite des exemples en vue d’un « Bachelor of Arts in

Music » attestant une qualification professionnelle et a en outre mis au point une fi-

lière bachelor professionnalisante intitulée « Initiation à la pédagogie musicale » ou

« Pédagogie en musique et mouvement - Rythmique »6. Au même moment, la révi-

sion de la loi sur les hautes écoles spécialisées était déjà approuvée7. Puisque

l’entrée en vigueur de cette modification le 5 octobre 2005 signifiait que les forma-

tions musicales et pédagogiques proposées par les hautes écoles spécialisées se-

raient du ressort de la Confédération, l’Office fédéral de la formation professionnelle

2 Cf. Bulletin officiel du Conseil des Etats 2004, p. 99, et Bulletin officiel du Conseil national 2004 III, pp. 1437-8.

3 Cf. la brève information de la CDIP du 18 octobre 2004 intitulée « Hautes écoles du domaine artistique Premier diplôme : le bachelor », dans laquelle la décision du Conseil des hautes écoles spécialisées a été communiquée.

4 Conférence des hautes écoles de musique suisses. 5 Association suisse des écoles de musique. 6 Suivant les hautes écoles, ce cursus s’intitule « Initiation à la pédagogie musicale » ou « Pé-

dagogie en musique et mouvement - Rythmique ». Dans le rapport, le concept « Pédagogie en musique et mouvement - Rythmique » est utilisé sciemment. Le cursus « Education mu-sicale précoce et école de base », qui diffère du précédent, sera proposé, à l’avenir égale-ment, au niveau des écoles supérieures. Cf. chapitre 6.6.

7 Modification du 17 décembre 2004, entrée en vigueur le 5 octobre 2005 (RO 2005, p. 4635).

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et de la technologie (OFFT) a constitué un groupe de travail dont la mission consis-

tait à examiner cette question dans les moindres détails et à élaborer une solution

avec la CHEMS et la CDIP8.

Sur le plan juridique, l’objet de cette discussion était de répondre à la question de

savoir si la filière généraliste de « Bachelor of Arts in Music » (avec options axées

sur le master) satisfait aux exigences fédérales et peut être reconnue sous la forme

proposée bien qu’elle ne mène pas à une qualification professionnelle.

2. Evolution de la formation musicale en Suisse

2.1 Système traditionnel des conservatoires

Si nous entendons définir le niveau de formation adapté à l’enseignement d’un ins-

trument, il faut tout d’abord passer en revue l’évolution de la formation musicale

classique au cours des dernières décennies. Antérieurement, les conservatoires

proposaient en règle générale trois filières d’études hiérarchisées. Les études de

musique comprenaient tout d’abord une formation pédagogique obligatoire et

étaient sanctionnées au terme de 4 ans à 4 ans et demi par un diplôme

d’enseignement. La formation ultérieure préparant au diplôme de concert était ac-

cessible aux étudiants ayant obtenu une note moyenne suffisante au diplôme

d’enseignement ou ayant réussi l’examen d’entrée (à la suite d’un changement de

conservatoire). Cette formation s’étendait sur 2 ans à 2 ans et demi et permettait de

décrocher une « virtuosité » ou un diplôme de concert9. Par ailleurs, elle pouvait être

complétée par une formation de soliste d’une durée de 1 an et demi ou 2 ans. Alors

que le nombre d’étudiants se destinant à un diplôme de concert était relativement

important, les étudiants préparant un diplôme de soliste étaient très peu nombreux

en raison de la rigueur des critères de sélection. Il s’agissait souvent d’étudiants

étrangers qui avaient déjà obtenu un diplôme d’interprète dans leur pays d’origine et

qui se lançaient ensuite dans des études de soliste en Suisse.

La structure de cette filière d’études reflète l’image associée au professeur de musi-

que : cette profession se situait en bas de la hiérarchie des professions musicales

du fait d’une sélection relativement peu importante. Les étudiants admis au conser-

8 Membres du groupe de travail : Ursula Hirt, responsable du projet, OFFT (jusqu’au 28.02.2006) ; Madeleine Salzmann, responsable du Conseil HES de la CDIP ; Sebastian Brändli, directeur, Hochschulamt Bildungsdirektion, canton de Zurich ; Daniel Fueter, prési-dent de la Conférence des hautes écoles de musique suisses ; Thomas Baumeler, respon-sable du secteur Questions de fond et procédures, OFFT ; Susanne Genner, juriste, OFFT, experte du domaine de la musique.

9 La nomenclature n’étant pas uniforme, le diplôme correspondant délivré autrefois par le conservatoire de Berne portait l’intitulé : « Certificat d’études supérieures ». Les critères de sélection variaient en fonction des écoles. Actuellement, c’est l’intitulé « Diplôme de concert » qui prévaut.

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vatoire devaient suivre une formation pédagogique quand bien même ils se desti-

naient à une carrière de musicien d’orchestre ou de soliste. L’avantage de ce sys-

tème résidait dans le fait que tous les étudiants pouvaient justifier d’une aptitude à

l’enseignement et par conséquent possédaient un bon bagage quand ils se présen-

taient sur le marché du travail. Toutefois, le fait de devoir suivre ces cours était en

soi un inconvénient, car selon le cas, ils étaient inadaptés au profil de l’étudiant10

tout en étant obligatoires pour intégrer la formation préparant au diplôme de concert.

Dans nombre de cas, la combinaison diplôme d’enseignement et diplôme de

concert était fructueuse, car elle augmentait fortement les chances sur le marché du

travail. Actuellement, on constate que dans presque toutes les biographies des mu-

siciens suisses ayant réussi figurent un diplôme pédagogique et un diplôme

d’interprète. La durée des études pour ces deux filières (à l’exception du diplôme de

soliste) s’élevait à 6, voire 7 ans (4 ans à 4 ans et demi pour le diplôme

d’enseignement complété par une formation de 2 ans à 2 ans et demi pour le di-

plôme de concert).

2.2 Changement de système en 1998

Comme déjà évoqué au point 2.1, la structure des filières d’études diplôme

d’enseignement, diplôme de concert et diplôme de soliste était, à l’origine, hiérarchi-

sée. Avec l’apparition des hautes écoles spécialisées, les sections professionnelles

des conservatoires sont devenues des hautes écoles de musique puis ont été inté-

grées sous ce statut aux hautes écoles spécialisées11. A cette époque, les forma-

tions artistiques n’étaient pas encore incluses dans la législation fédérale sur les

hautes écoles spécialisées, et la reconnaissance au niveau fédéral des diplômes

des hautes écoles de musique requérait une décision de la CDIP. Le « Règlement

du 10 juin 1999 concernant la reconnaissance des diplômes cantonaux des hautes

écoles spécialisées » édicté par la CDIP (ci-après « Règlement de reconnais-

sance ») a établi comme condition de reconnaissance la conformité des filières

d’études en question avec le profil 4.3.3.1.1 de la CDIP (art. 2 du Règlement de re-

connaissance). Conformément au chiffre 4.1 du profil, les filières d’études « Ensei-

gnement musical instrumental et vocal », « Interprétation/performance », « Musique

à l’école et musique d’église », « Direction » et « Domaines particuliers » étaient

sanctionnées par un diplôme. Les HEM se devaient de garantir un diplôme attestant

une qualification professionnelle qui permettait aux diplômés d’exercer une activité

10 En règle générale, l’aptitude à la profession d’enseignant n’était pas précisée ; les connais-

sances en technique de l’instrument et les connaissances musicales théoriques étaient au premier plan.

11 Cf. chiffre 1 du Profil des hautes écoles de musique (HEM) du 10 juin 1999 (profil 4.3.3.1.1).

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comme musicien professionnel, maître de musique ou théoricien de la musique

(chiffre 4.2 du profil). Les deux premières années des études menant au diplôme

étaient généralement deux années de formation théorique et pratique en commun.

La réussite de l’examen intermédiaire était indispensable pour poursuivre des étu-

des dans la filière choisie (chiffre 4.3 du profil). Comme stipulé au chiffre 4.5 du pro-

fil, les études menant au diplôme duraient au minimum quatre ans.

Cette rétrospective montre que la restructuration des filières d’études dans les hau-

tes écoles de musique suisses reposait sur un concept de formation initiale généra-

liste de deux ans, conformément aux directives du profil de la CDIP12.

La séparation des filières d’études en une formation pédagogique menant au di-

plôme d’enseignement et une formation d’interprète menant directement au diplôme

de concert (ou bien, suivant la spécialisation, au diplôme d’orchestre ou au diplôme

d’opéra) a permis aux étudiants de choisir pour la première fois s’ils allaient suivre

une formation pédagogique, et à quel moment. Cependant de nombreux étudiants

passent par les deux filières d’études. Dans nombre de cas, la filière classique pré-

vaut ; néanmoins, on observe également des exemples où les étudiants ont privilé-

gié la voie contraire. En règle générale, au moins 6 ans d’études sont indispensa-

bles à l’obtention de ces deux diplômes (2 ans de formation initiale, 2 ans de forma-

tion pédagogique et 2 ans de formation préparant au diplôme de concert).

L’exposé précédent pose la question des raisons qui motivent les étudiants en mu-

sique à décrocher deux diplômes, voire davantage. Cette question est traitée au

prochain chapitre.

3. Secteur d’activité et employabilité : que signifie la qualification professionnelle sur le marché des pro-fessions musicales ?

La notion d’employabilité se traduit souvent par l’expression « qualification par rap-

port au marché de l’emploi ». Cette notion est fonction des exigences posées aux

12 L’introduction d’une formation de base commune à toutes les orientations était déjà un sujet

d’actualité dans les conservatoires bien avant l’introduction du système des hautes écoles spécialisées. A titre d’exemple, citons le conservatoire de l’Académie de musique de la ville de Bâle qui introduisit au début des années 1990 un système modulaire qui prévoyait pour la plupart des filières d’études une formation de base commune et un diplôme d’enseignement autorisant différentes possibilités de spécialisation et d’études postgrades avec les orienta-tions suivantes : musique de chambre, perfectionnement pédagogique, formation de soliste ou de musicien d’orchestre. Il faut mentionner ici la filière d’études alors nouvellement intro-duite préparant à la « maturité artistique et pédagogique », directement après le diplôme d’enseignement et qui s’étendait sur deux semestres (voir Hildenbrand Gerhard, Musiklehre-rausbildung im Spiegel der Praxis. Gedanken zur Musiklehrerausbildung im Konservatorium der Musik-Akademie der Stadt Basel, in : Schweizer musikpädagogische Blätter 82 (1994), pp. 193-197, en particulier pp. 194-195).

8

diplômés par le secteur d’activité : s’ils remplissent ces exigences, il sont « em-

ployables ». Par « employabilité », il ne faut pas comprendre ici telle qualification

professionnelle abstraite qui permettrait en théorie et sur un marché du travail idéal

l’exercice de cette profession. Ce terme renvoie plutôt à l’adéquation entre compé-

tences acquises et exigences concrètes du marché du travail.

En vue d’exposer le concept d’employabilité en relation avec le marché de la musi-

que, nous nous proposons d’exposer ci-après les secteurs d’activité pertinents aux-

quels les musiciens se destinent.

Les domaines d’activité sur le marché de la musique sont variés. Ils vont de

l’enseignement à toutes les classes d’âge à la conduite d’une classe de joueurs

d’instruments à vent en passant par la participation à un ensemble, à un orchestre

de salon ou à des formations ad hoc, voire par un engagement au sein d’un orches-

tre de chambre ou symphonique professionnel. Les écoles de musique, les églises,

les communes, les établissements scolaires ou les particuliers (associations ou fon-

dations) sont autant d’employeurs potentiels. Quelques-unes des activités citées

font partie de la catégorie des professions libérales et n’offrent aucune forme de sé-

curité sociale. Le secteur des professions libérales est connu non seulement pour

les conventions collectives entre l’USDAM13 et l’ASOP14, mais aussi pour la course

aux engagements due à une forte concurrence, laquelle maintient les honoraires à

un bas niveau. Rares sont les cas où les musiciens perçoivent sur la base de leur

seule activité libérale un revenu suffisant ; la plupart sont tributaires d’un emploi fixe.

Le caractère hétérogène du marché du travail et la prédominance du temps partiel

expliquent pourquoi une grande partie des musiciens cumulent plusieurs activités

professionnelles. Au sein de la nouvelle génération et de la génération intermé-

diaire, seuls quelques-uns peuvent se consacrer exclusivement à une activité, que

ce soit comme enseignant ou comme interprète. La combinaison entre source de

revenus basée sur une activité d’interprète et source de revenus basée sur une ac-

tivité pédagogique ne reflète pas uniquement une nécessité économique, mais plu-

tôt un choix et une orientation voulus chez bon nombre de musiciens.

Sur l’ensemble des multiples activités offertes sur le marché de la musique, on

constate après examen approfondi (en tenant compte notamment de la sécurité de

l’emploi et de la structure salariale) que deux secteurs d’activité principaux se déta-

chent : d’une part l’enseignement au sein d’une école de musique ou d’une école du

niveau secondaire II (où l’on propose également des cours individuels d’instrument

dans le cadre de la maturité musicale), et d’autre part l’engagement dans un orches-

13 Union Suisse des Artistes Musiciens, syndicat des musiciens interprètes. 14 Association suisse des orchestres professionnels, organisation patronale dans le domaine

des orchestres.

9

tre professionnel (activité réservée aux diplômés ayant appris un instrument

d’orchestre). Dans le cadre d’une formation d’interprète, outre un emploi au sein

d’un orchestre reconnu, les possibilités de décrocher un poste fixe sont réduites ; ci-

tons par exemple la fonction d’organiste auprès d’une paroisse ou de chef de chant

dans un opéra. Les postes de chanteurs proposés par les opéras sont dans nombre

de cas à durée déterminée. La grande majorité des chanteurs est engagée au cas

par cas par l’intermédiaire d’agences.

Pour la plupart des musiciens, les principales sources de revenus résident dans le

secteur des activités pédagogiques ou dans le domaine de l’interprétation. Dans l’un

et l’autre de ces domaines, l’activité peut être libérale ou salariée ; nombre de musi-

ciens aspirent, tout au moins dans un des secteurs donnés, à un emploi fixe. Alors

que la recherche d’un emploi fixe au sein d’un orchestre professionnel est depuis

toujours tâche difficile15, la concurrence dans le domaine pédagogique s’est sensi-

blement renforcée depuis la création dans les années 1970 des écoles de musique

pour la jeunesse. Un emploi d’enseignant était alors moins séduisant qu’un emploi

au sein d’un orchestre professionnel, et donc facile à trouver. En raison de

l’intensification des mesures d’économie dans les écoles de musique et de la

concurrence qui sévit parmi les diplômés, cette situation est en train de changer. On

accorde aujourd’hui, bien plus qu’hier, une grande importance à la compétence en

technique de l’instrument et à la compétence artistique des enseignants en musi-

que, même si celles-ci ne sont en rien comparables aux aptitudes « sportives » exi-

gées lors des concours pour les postes d’orchestre16. Ce que l’on exige des candi-

dats postulant pour une place d’enseignant n’est pas tant la virtuosité que la compé-

tence artistique, la connaissance des différentes orientations stylistiques et leur trai-

tement imaginatif. Toutefois, on accorde de plus en plus d’importance au niveau de

maîtrise de l’instrument. L’accroissement de la concurrence parmi les postulants est

également le fait direct de la concurrence étrangère, concurrence à laquelle sont

exposés les interprètes, notamment pour ce qui concerne les engagements dans un

orchestre : les musiciens suisses ont toutes les peines du monde à s’imposer face à

la concurrence internationale qui sévit dans la course aux quelques rares emplois

proposés dans des orchestres. Ainsi, de plus en plus de musiciens qualifiés à la re-

cherche d’un emploi doivent ou souhaitent enseigner. Compte tenu de la déprécia-

tion du salaire réel dans le cadre d’une activité professionnelle dans un orchestre,

les mandats d’enseignement sont l’objet d’un intérêt croissant. Mobilité et polyva-

15 La Suisse compte seulement 11 orchestres professionnels (qui fluctuent très peu) bénéfi-

ciant des subsides de l’Etat. 16 Les procédures de sélection courantes précédant l’admission dans un orchestre profession-

nel sont comparables à un concours avec plusieurs niveaux de sélection.

10

lence sont d’une importance décisive face à un marché de l’emploi de plus en plus

fluctuant. Des formations trop spécialisées n’augmentent pas les chances des di-

plômés, qui doivent tirer parti des besoins changeants du marché du travail. De nos

jours par exemple, toute personne qui ne connaît pas la musique contemporaine de

divertissement, la musique pop et l’arrangement n’a pratiquement aucune chance

de pouvoir enseigner. En outre, certaines écoles de musique exigent explicitement

que leurs enseignants exercent une activité artistique et se produisent comme inter-

prètes. Le profil professionnel des musiciens actuels n’est plus comme autrefois ex-

clusif et immuable, mais bien au contraire complexe et changeant.

Ce profil « en éventail » doit jouer un rôle pilote dans la conception de la formation

musicale future. Avec l’introduction de deux filières d’études séparées dispensant

une formation pédagogique et une formation non pédagogique, il s’est opéré depuis

1999 une orientation qui semble aller à l’encontre des exigences de polyvalence des

diplômés. Les HEM aspirent par là même surtout à une revalorisation de la forma-

tion pédagogique, étant donné que les activités d’enseignement sont considérable-

ment plus exigeantes qu’il y a 20 ans du fait du caractère hétérogène des clientèles.

Il faudrait par conséquent donner à la formation pédagogique une place à part en-

tière. Cette restructuration ne sera possible qu’à partir du moment où la formation

pédagogique fera partie intégrante du cursus du master.

Il est pour le moment encore impossible de savoir si le master en pédagogie pourra

concurrencer la double formation classique (diplôme d’enseignement et diplôme de

concert) dans la recherche d’un emploi comme enseignant. Le problème se posera

dans la phase transitoire, au cours de laquelle l’ancien et le nouveau diplôme se fe-

ront mutuellement concurrence. Cette phase transitoire devrait durer entre 10 et 15

ans. Un bachelor en pédagogie ne pourrait pas rester compétitif en proposant la

combinaison habituelle diplôme d’enseignement et diplôme de concert.

Quant à la question de savoir si un master en pédagogie proposant la combinaison

diplôme d’enseignement et diplôme de concert serait compétitif sur le marché du

travail global, il faut y répondre par la négative. Les orchestres et les opéras re-

nommés n’inviteraient plus les candidats au bénéfice d’une formation exclusivement

pédagogique à leurs concours ou auditions, peut-être même pas comme renforts ou

remplaçants. De même, il est fort incertain qu’un master en pédagogie soit une qua-

lification professionnelle suffisante dans le cadre d’une activité d’enseignement qui

se situerait à l’intersection entre la leçon dispensée à un public profane et le cours

s’adressant au contraire à des étudiants en musique (par ex. classes préparatoires

aux études de musique). Ce personnel enseignant doit faire face à des exigences

très élevées quant aux connaissances relatives à la technique de l’instrument, rai-

11

son pour laquelle une formation de concert est indispensable. Dans ce domaine, la

concurrence étrangère est omniprésente.

Les titulaires d’un diplôme de concert – ou plus exactement d’un master d’interprète

sans formation pédagogique – se retrouvent dans une situation très précaire et ne

peuvent pas rivaliser sur le marché du travail dans le domaine de l’interprétation.

Ces personnes ne peuvent plus aujourd’hui espérer un engagement comme ensei-

gnant au sein d’une école de musique17. Dans ce domaine, l’Allemagne a également

fait une expérience négative : les filières d’études étant cloisonnées depuis un cer-

tain temps déjà, les étudiants choisissent en règle générale soit une formation axée

sur l’interprétation, soit une formation axée sur la pédagogie. Ces musiciens se

voient alors dans l’obligation de gagner leur vie en exerçant une activité libérale (en

effectuant des « cachetons »18).

Ces remarques démontrent que les diplômés qui se sont concentrés sur une orien-

tation unique ont ainsi diminué leurs chances de rester pleinement compétitifs sur le

marché du travail. Le groupe de travail a pour objectif de permettre aux étudiants,

conformément aux exigences de la situation actuelle et en fonction des aptitudes,

de se doter des deux qualifications qui leur conféreront une position compétitive sur

le marché du travail19.

4. Comparaison au niveau européen, en particulier sur la question de la réglementation professionnelle

Le groupe de travail a émis le souhait d’inclure les expériences et les projets des

pays européens afin de permettre une meilleure appréciation de la problématique. Il

a chargé la direction du projet d’éclaircir les points suivants se rapportant à la politi-

que menée par les pays étrangers :

1. L’activité professionnelle en tant que professeur de musique ou de chant est-elle

réglementée directement ou indirectement ?

2. Le « Bachelor of Arts in Music » confère-t-il une qualification adéquate permettant

d’enseigner à un public amateur la pratique d’un instrument et le chant ?

Ces questions ont été transmises aux autorités gouvernementales compétentes

allemandes, françaises et italiennes. L’Allemagne et l’Italie ont communiqué leurs

réponses au groupe de travail.

17 Cf. chapitre 4.3.1 (réglementation professionnelle). 18 Cacheton: engagement pour un concert. 19 Cf. chapitres 5.5. et 7.

12

4.1 Remarques préliminaires relatives à la réglementation pro-fessionnelle

L’énoncé des propositions portant sur la réglementation professionnelle prend appui

sur les pistes de réflexion suivantes :

Après consultation du site Internet de l’Union européenne, il s’avère que le métier

de professeur de musique est réglementé dans seulement 5 pays20. Par contre,

l’AEC21 a publié sur son site la liste des 20 pays censés réglementer la profession

de professeur de musique. Quand bien même on tient compte ici du fait que la liste

publiée par l’UE repose sur le principe de notification (chaque Etat décide en toute

autonomie s’il complète la liste des professions réglementées) et peut s’avérer in-

complète, il serait hasardeux de supposer que 15 pays ont pour autant négligé cette

possibilité. Il est fort probable que la liste figurant sur le site de l’UE est complète

dans la mesure où seuls y figurent les pays qui ont inscrit la réglementation du mé-

tier de professeur de musique dans leur droit national ou à l’échelle de l’Etat. Ces

pays ne sont pas très nombreux. En revanche, il est tout à fait possible que nombre

de pays européens pratiquent au niveau national voire régional (cantonal) une ré-

glementation se limitant à certains domaines ou une réglementation « indirecte »

(versement de subsides). Le concept de réglementation dans son acception juridi-

que (« terminus technicus ») est ci-après brièvement développé.

Sur le plan juridique, on considère qu’une profession est réglementée si l’exercice

de cette activité professionnelle est étroitement lié à une qualification déterminée, et

cela conformément aux dispositions légales ou réglementaires. Seul l’Etat, en sa

qualité de législateur, est habilité à promulguer de telles dispositions légales. Cela

s’explique par le fait que la non-admission à une activité professionnelle représente

une atteinte à la liberté économique des citoyens. Cette violation des droits fonda-

mentaux requiert une base légale, doit être justifiée par la défense de l’intérêt public

et doit être en outre adéquate. Les professions réglementées regroupent toutes les

activités dont l’exercice incorrect peut représenter une menace pour les biens dits

de police comme la vie et l’intégrité corporelle, la santé ou la sécurité. A titre

d’exemple, toutes les professions médicales, mais également toutes celles qui peu-

vent mettre en péril la vie de la clientèle, sont réglementées en Suisse (par ex. :

guide de montagne).

Etant donné que l’exercice d’une profession musicale (que ce soit dans le domaine

de l’interprétation ou dans celui de la pédagogie) ne constitue aucune menace,

20 Grèce, Suède, Espagne, Luxembourg et Slovénie. 21 Association Européenne des Conservatoires, Académies de Musique et hautes écoles de

musique.

13

l’intérêt général et le principe de proportionnalité n’exigent pas de réglementation

globale. L’intérêt public joue cependant un rôle sur le plan fiscal : en leur qualité de

bénéficiaires de subventions, les écoles de musique peuvent être obligées à

n’employer que des enseignants diplômés ou un contingent minimum d’enseignants

diplômés en contrepartie de l’allocation de subsides. Puisque les écoles de musique

ne pourraient pas exister sans l’apport de subsides et doivent s’appuyer sur une

base légale pour toute allocation ou accord, cette structure doit être munie d’une vé-

ritable réglementation.

Il importe ici de mentionner que cette réglementation sous forme de subsides est

incomplète d’un côté comme de l’autre. D’une part, elle n’existe qu’en fonction du

secteur et de la durée des obligations de subvention. D’autre part, elle ne concerne

pas les artistes exerçant une activité libérale, qui peuvent donner des cours particu-

liers de musique sans qualifications professionnelles et sans enfreindre les prescrip-

tions légales.

Il peut être envisagé que certaines parties du secteur d’activité, en particulier

l’enseignement dans les écoles publiques, ne soient pas accessibles sans certaines

qualifications. Ces exigences sont statuées par la loi sur le personnel correspon-

dante et peuvent varier considérablement d’une région à l’autre. A ce niveau, on ob-

serve également qu’une partie seulement de l’activité est réglementée et non pas la

profession à proprement parler.

On peut donc constater généralement que l’Europe, dans la plupart des cas, ne

dispose pas à proprement parler d’une réglementation globale à l’échelle nationale,

tout au moins en ce qui concerne le métier de professeur de musique ou de chant.

Les réponses communiquées par l’Allemagne et l’Italie attestent cependant que

dans nombre de cas, des qualifications professionnelles sont indispensables ou du

moins utiles.

4.2 Résultats de l’enquête

4.2.1 Problématique de la réglementation

a) Allemagne

A l’échelon fédéral, le métier de professeur de musique n’est pas réglementé. Selon

les renseignements fournis par la Bundesagentur für Arbeit (l’Agence fédérale pour

l’emploi), seuls les étudiants ayant accompli des études universitaires dans le do-

maine de la pédagogie musicale avec option pédagogie instrumentale peuvent ac-

14

céder à ce type d’activité22. Il n’a pas été possible de savoir si les Länder prévoient

des restrictions légales. Néanmoins, le caractère problématique de l’octroi de sub-

ventions laisse à penser qu’il en est ainsi.

L’exercice de cette profession sur une base libérale n’est pas réglementé.

b) Italie

L’Italie a déclaré que, dans les domaines artistiques et musicaux, seuls les cours

dispensés dans les établissements scolaires publics ou homologués étaient soumis

à une réglementation. Ceci s’applique à l’enseignement de la musique dispensé au

niveau de la scolarité primaire et secondaire I (éducation musicale et enseignement

instrumental), soumis à une habilitation à enseigner. En revanche, la loi n’exige pas

de titre pour l’enseignement dans les conservatoires et les académies de musique.

Le but est de donner aux candidats qui ont acquis des connaissances et des com-

pétences par une autre voie que le titre formel la possibilité de transmettre leur sa-

voir.

4.2.2 Question de l’habilitation professionnelle au niveau du bachelor

a) Allemagne

L’Allemagne n’a pas explicitement répondu à cette question. Il ressort de l’étude des

documents envoyés que le diplôme bachelor, tant dans le domaine musical que

dans tous les autres domaines, n’a pas le statut d’un « diplôme généraliste ». La

Conférence des ministres de la culture déclare à ce sujet : « Au cœur d’un système

hiérarchisé de diplômes universitaires, le bachelor conserve son statut de diplôme

réglementaire sanctionnant des études supérieures. Il conserve son propre […] pro-

fil de diplôme professionnalisant, lequel doit être garanti par la transmission d’un

contenu au cours du temps d’études réglementaire23. En ce qui concerne les filières

d’études du domaine artistique proposées par les hautes écoles d’art et de musique,

d’aucuns admettent que la durée d’études réglementaire totale devrait s’élever à

6 ans au lieu des 5 autorisés actuellement, ce qui représente en soi une dérogation

au paragraphe 19, al. 2 à 5, de la loi-cadre de l’enseignement supérieur24. Les ob-

jectifs visés dans le cadre de la filière d’études bachelor peuvent être résumés

comme suit : « Les cursus proposés dans le domaine des formations artistiques fa-

22 Voir BERUFEnet, la base de données pour la formation et les activités (adresse :

http://infobub.arbeitsagentur.de/berufe). 23 Directives structurelles communes aux Länder suivant le paragraphe 9, al. 2, de la loi-cadre

de l’enseignement supérieur pour l’accréditation des filières d’études de bachelor et master (décision de la Conférence des ministres de la culture du 10.10.2003 dans la version du 21.04.2005), « Partie A : réglementation générale pour tous les domaines d’études ».

24 Hochschulrahmengesetz (HRG).

15

vorisent les aptitudes de créativité artistique et aident à leur développement, ils

transmettent les bases scientifiques et les compétences méthodologiques propres à

chaque matière ainsi que les qualifications relatives au secteur d’activité »25.

Il n’est pas possible d’affirmer sur la base de cette citation que le concept de « quali-

fications relatives au secteur d’activité » englobe également l’habilitation à ensei-

gner. Etant donné que les filières d’études « pédagogie musicale et interprétation »

sont actuellement deux cursus séparés, il est impossible de dire avec certitude si

l’Allemagne s’écartera un jour de cette pratique. Il ressort d’un entretien avec plu-

sieurs musiciens allemands qu’il est extrêmement risqué de s’engager dans une

formation privilégiant uniquement l’interprétation : quand un musicien au bénéfice

d’une formation axée sur l’interprétation ne trouve pas d’emploi, il doit suivre une

formation pédagogique s’il entend rester compétitif sur le marché du travail.

b) Italie

La réponse de l’Italie au sujet de l’habilitation professionnelle peut être résumée

comme suit.

Actuellement, les étudiants sont au bénéfice d’une habilitation à enseigner au terme

d’un cours universitaire spécialisé de deux ans. Ce cours est sanctionné par un di-

plôme de fin d’études. Suivant les prévisions actuelles, les conservatoires devraient

proposer désormais ce cours de deux ans au niveau master. Le diplôme s’intitulerait

DA 2 (Diploma Accademico di 2° livello ad indirizzo pedagogico = orientation péda-

gogique).

A la suite de la réforme de Bologne, les conservatoires italiens délivrent déjà le titre

de DA 1 (Diploma Accademico di 1° livello = 1er cycle), qui correspond au niveau

bachelor. Pour enseigner l’éducation musicale ou un instrument au niveau de la

scolarité primaire et secondaire, l’étudiant doit compléter son diplôme par une habili-

tation à l’enseignement. Ainsi, tant dans l’ancien système que dans le système ac-

tuel, la formation pédagogique est intégrée au second cycle d’études.

4.3 Synthèse (en vue d’une application en Suisse)

4.3.1 Question de la réglementation

Les précédents constats se rapportant à la question de la réglementation sont aussi

valables pour la Suisse. D’après le président de l’Association suisse des écoles de

musique, il n’est pas possible de faire des remarques générales concernant la ré-

glementation par voie de subventionnement du métier de professeur de musique.

25 Cf. document mentionné à la note 23, sous « Partie B : réglementation spécifique aux diffé-

rents domaines d’études ».

16

Etant donné que les écoles de musique seraient financées principalement par la

commune, la commune et surtout les villes seraient dans l’obligation de promulguer

des dispositions légales qui autoriseraient l’enseignement aux seuls étudiants ayant

obtenu un diplôme d’enseignement. Dans les campagnes et suivant la voie légale

choisie, de telles exigences pourraient ne pas toujours être de rigueur. Suivant une

enquête, 85 % des enseignants possèdent un diplôme d’enseignement. On peut en

conclure que la bonne majorité des 15 % restants sont en formation et par là même

en voie d’acquérir une habilitation à enseigner.

Bien entendu, en Suisse, l’exercice de cette profession sur une base libérale n’est

pas liée à une quelconque qualification. Quant à l’enseignement dans les écoles, en

particulier dans les écoles de musique, les lois cantonales n’exigent pas

d’habilitation à enseigner. Cette qualification est cependant considérée comme un

avantage pour les enseignants. L’art. 4 de l’ordonnance du 4 juin 1997 sur les

conditions d’engagement et de rémunération dans les écoles de musique et les

conservatoires (OERMC)26 du canton de Berne prévoit :

Conditions d’engagement du personnel enseignant

Art. 4 OERMC 1 En règle générale, les enseignants et les enseignantes sont engagés pour une durée indéterminée s'ils sont titulaires d'un diplôme délivré par un conservatoire, une école supérieure de musique ou la Société suisse de pédagogie musicale, ou bien d'un diplôme délivré par une école reconnue par l'Association faîtière des professionnels de la danse.

2 Les enseignants et les enseignantes ne possédant pas les ti-tres requis sont engagés pour un an au plus, s'ils ne disposent pas d'une expérience de plusieurs années dans l'enseignement ou de qualifications pédagogiques et artistiques incontestées.

En résumé, on peut affirmer que le métier de professeur de musique en Suisse est

en partie extrêmement réglementé par voie de subventionnement. A l’inverse,

l’exercice de cette activité sur une base libérale ne fait l’objet d’aucune restriction.

La pratique actuelle des écoles de musique, lesquelles entendent n’engager que les

seuls étudiants au bénéfice d’un diplôme d’enseignement, est une tendance qui se

poursuivra, vu l’évolution du marché de l’emploi. Dans les régions périphériques, on

trouve encore des enseignants ne possédant pas de diplôme. Le renouvellement de

génération qui s’observera dans les écoles de musique ne peut que participer à la

disparition de ces exceptions.

26 BSG 430.255.1

17

4.3.2 Question de la qualification professionnelle dispensée au niveau du bachelor

Quant à savoir si le « Bachelor of Arts in Music » prépare à l’exercice d’une profes-

sion, il faut avant tout se demander si le métier de professeur de musique fait l’objet

d’une réglementation partielle ou globale. En effet, au regard d’un marché de

l’emploi saturé, l’accès à une activité d’enseignement au sein d’une école de musi-

que dépend dans une large mesure de la possession d’une habilitation à enseigner.

L’exemple italien montre que le législateur est soucieux de conserver le cursus pé-

dagogique comme orientation autonome ou de le rattacher à une orientation spécifi-

que, afin de garantir la qualité ou une meilleure qualité de l’enseignement musical.

Les deux pays étrangers interrogés n’ont pas évoqué quelles étaient les compéten-

ces à acquérir au cours du 1er cycle. En Suisse, les experts font valoir qu’à part les

banches de base (harmonie, morphologie, formation de l’oreille, histoire de la musi-

que, etc.), des connaissances de base solides dans le maniement d’un instrument

devront être acquises pendant les trois premières années. Il est impossible, au

cours du 1er cycle, de transmettre également un contenu didactico-pédagogique.

Compte tenu du fait que la formation correspondante s’étend actuellement sur 4 ans

au minimum, on comprend facilement que les milieux professionnels se sont oppo-

sés à l’unanimité à une réduction du cursus pédagogique. Cependant la majorité du

groupe de travail estime que l’acquisition par les diplômés de l’habilitation à ensei-

gner au terme de 4 ans et demi à 5 ans d’études pourrait s’avérer problématique.

En suivant ce cursus, ils ne pourront disposer que d’une qualification partielle insuf-

fisante au regard de l’hétérogénéité du champ professionnel de la musique. La pré-

paration d’un second master serait alors indispensable en vue de l’obtention du di-

plôme de concert (virtuosité). On peut opposer à cet argument que l’enseignement

de la musique ne requiert absolument pas l’obtention d’un diplôme de concert. Ce-

pendant, c’est un fait avéré et une conséquence directe des exigences du marché

de l’emploi que de nombreux enseignants aujourd’hui en activité possèdent un di-

plôme d’enseignement et un diplôme de concert. A ce jour, on ne peut pas encore

affirmer avec certitude que le futur master en pédagogie proposera une qualification

adéquate. L’exemple cité illustre bien la situation actuelle27 : un musicien possédant

un diplôme d’interprétation mais pas d’habilitation à enseigner ne trouve pas de tra-

vail. Au regard de la situation difficile sur le marché de la musique, un nombre

considérable de ces étudiants, qui dans un premier temps ont opté pour une spécia-

lisation dans le domaine de l’interprétation, voudront préparer un second diplôme

27 Cf. chapitre 3.

18

master spécialisé en pédagogie. Le leur interdire ne serait pas recommandé, car si-

non ils ne pourraient pas disposer d’une qualification suffisante, garante de leur

compétitivité sur le marché du travail.

La CHEMS, de son côté, a fait valoir au tout début de la discussion que le « Bache-

lor of Arts in Music » transmettait aux étudiants les premières bases d’une qualifica-

tion professionnelle, les diplômés étant en mesure d’exercer des activités en qualité

de remplaçants ou d’assistants, que ce soit dans le cadre de projets scolaires, de

cours à un public d’amateur, d’un emploi comme renfort ou remplaçant dans un or-

chestre semi-professionnel, dans un ensemble ou en milieu ecclésiastique. A ce su-

jet, il faut préciser que les activités de ce type ne requièrent aucun diplôme et sont

recherchées par les étudiants au cours de leurs études. On ne peut parler

d’employabilité des diplômés que s’ils possèdent une formation pédagogique ou une

formation d’interprète.

Le groupe de travail s’est trouvé face au dilemme suivant : d’un côté, il ne pouvait

pas imposer aux institutions de formation une réduction de la durée des études de 4

ans au minimum à 3 ans . D’un autre côté, la spécialisation dans une orientation

donnée serait défavorable aux étudiants : en 4 ans et demi à 5 ans, ils ne pourraient

acquérir de qualifications que dans un seul secteur du marché de l’emploi, alors

qu’en 6 ans, ils pourraient suivre une formation leur ouvrant les portes de deux sec-

teurs.

19

2e partie Présentation des arguments 5. Divergences entre le Conseil des HES et la CHEMS Seront exposés et discutés ici les arguments du Conseil des HES et ceux de la

CHEMS. L’avis du Conseil des HES figure en premier et est suivi de celui de la

CHEMS, puis des réflexions du groupe de travail. L’évaluation finale des arguments

est présentée au chapitre 7.

5.1 Habilitation à enseigner aux enfants et aux jeunes en âge scolaire

Selon le Conseil des HES, le « Bachelor of Arts in Music » doit rendre les étudiants

capables d’enseigner un instrument ou le chant aux élèves en âge scolaire dans les

écoles de musique.

La CHEMS rétorque que limiter l’enseignement à l’âge scolaire n’est pas correct, vu

que le profil professionnel de « maître/maîtresse de musique au niveau de la scola-

rité obligatoire » n’existe pas. Instaurer un diplôme au rabais autorisant à

n’enseigner que des élèves d’une certaine tranche d’âge reviendrait à créer une so-

ciété à deux vitesses au sein du corps enseignant. Il serait par ailleurs erroné de

croire qu’enseigner aux écoliers exige moins de maîtrise de l’instrument que

l’instruction d’élèves avancés.

Même en admettant qu’au sens strict, l’expression « âge scolaire » s’arrête à la sco-

larité obligatoire (primaire et secondaire I), elle recouvre en fait ici aussi les ama-

teurs, adultes, personnes actives et retraitées qui étudient dans les écoles de musi-

que. Le groupe de travail a donc convenu qu’en attribuant des clientèles particuliè-

res à tel niveau de formation, on ne tiendrait pas compte de l’âge, mais du niveau

d’engagement professionnel, autrement dit du statut d’amateur ou d’étudiant en mu-

sique. Le profil d’activité incriminé a été défini en tant qu’ « enseignement destiné

aux amateurs de tous âges ». Cela ne répond toutefois pas encore à la question de

savoir si cet enseignement nécessite un bachelor ou un master. Pour enseigner

dans les hautes écoles, on exige en général une activité de concert au niveau inter-

national, des cours magistraux (master classes), éventuellement un poste

d’orchestre, etc. A ce niveau, le titre de master ne suffit pas, si bien que les rappro-

chements « master = haute école » et « bachelor = amateurs » n’entrent pas en li-

gne de compte.

20

5.2 Analogie avec la formation des instituteurs

Le Conseil des HES estime que la filière pédagogique doit être conçue comme des

études bachelor, à l’instar de la formation de maître primaire. La CHEMS rétor-

que que cette analogie est irrecevable. Contrairement aux étudiants en musique

débutants, on peut en effet postuler que les futurs instituteurs maîtrisent déjà la ma-

tière qu’ils enseigneront par la suite. Au cours d’une formation musicale, en revan-

che, il faut non seulement acquérir des compétences pédagogiques et didactiques,

mais encore se perfectionner au niveau instrumental, ce qui requiert énormément

de temps. Le niveau requis pour enseigner un instrument ne saurait être atteint en

trois ans de formation.

5.3 Maintien du système à deux niveaux

Le Conseil des HES reste d’avis que le master est réservé à la spécialisation, en

particulier comme soliste. Pour le domaine pédagogique, le niveau approprié est le

bachelor, et non pas le master. Il faut bien différencier les deux niveaux. Quoiqu’on

assiste actuellement à une inflation des qualifications, en particulier dans le do-

maine musical, la politique de l’éducation exige que toute formation corresponde au

profil de l’activité exercée. Avec l’introduction du système à deux niveaux, formation

et marché de l’emploi devront forcément interagir.

Contrairement au Conseil des HES, la CHEMS ne considère pas la filière pédagogi-

que comme un cycle de base, mais comme un domaine d’approfondissement de

même rang que les autres masters. Cette idée a déjà été concrétisée dans

l’introduction des filières d’études HES.28 La « dé-hiérarchisation » des filières est

considérée comme étant peut-être le point le plus important et le plus prometteur de

la réforme.29

5.4 Etudes à plein temps ou à temps partiel ?

Il s’agit de savoir si la formation musicale constitue effectivement des études à plein

temps.

La CHEMS reconnaît que de nombreux étudiants en musique travaillent déjà spora-

diquement en cours d’études, ne serait-ce qu’à cause de leurs fortes dépenses

(cherté des instruments). L’orientation pratique des études est d’ailleurs inscrite

dans le mandat de prestations des HES. Ces activités professionnelles en cours

28 Cf. chapitre 2.2. 29 Cf. Daniel Fueter, Zum Stand der Dinge und der Diskussion an Musikhochschulen und Kon-

servatorien in der Schweiz, August 2003, p. 5 (rapport non publié commandé par l’Office fé-déral de la culture).

21

d’études ne signifient cependant pas que la formation musicale ne serait pas une

formation à temps complet. Bien au contraire, les étudiants consacrent beaucoup

plus de temps à leurs études personnelles que celui qui leur est crédité effective-

ment.

Lors de la discussion au sein du groupe de travail, il a été remarqué que la distinc-

tion entre études à plein temps et études à temps partiel ne tenait pas compte du

système des points ECTS. Il faut aussi prendre en considération le fait que de nom-

breux engagements musicaux concernent les soirs, les dimanches ou les jours fé-

riés, et sont ainsi compatibles avec les études. On peut donc admettre que la forma-

tion musicale est une formation à plein temps. Elle ne peut s’effectuer en cours

d’emploi que si des prestations d’études ont déjà été fournies par le passé et que

celles-ci font l’objet d’une dispense.30

5.5 Distinction entre études de base et perfectionnement

Le Conseil des HES a demandé qu’on éclaircisse la question de savoir quelles filiè-

res musicales sont considérées comme étant de base et lesquelles relèvent du per-

fectionnement.

Comme exemple de filières de perfectionnement, la CHEMS cite le Master of Ad-

vanced Studies dans les domaines du journalisme musical, de la médiation cultu-

relle ou des nouveaux médias. Les masters de perfectionnement nécessitent en gé-

néral 60 points ECTS, ceux de base 90.31 Les exemples donnés montrent que les fi-

lières de perfectionnement proposées ne concernent pas des matières musicales

proprement dites, mais des domaines apparentés.

Le critère décisif pour qu’une filière soit classée comme étant de base ou de perfec-

tionnement n’est pas la durée des études déjà effectuées ou le nombre des masters

obtenus, mais la nature de l’enseignement proposé. Les filières spécifiquement mu-

sicales sont conçues en général comme des formations de base. Etant donné la

structure en éventail des domaines d’activité de la musique, il est judicieux de pro-

poser plusieurs filières masters de base. A part le master en pédagogie, le « Master

in Performance » et le « Master in Specialized Performance », il y aura également

un master de composition et un master de théorie musicale. Les formations musica-

les sont moins des étages qui s’empilent que des modules complémentaires. Cha-

30 Ce qui est notamment le cas du double master (voir chapitre 6.3.). 31 Selon le chiffre 2 de l’annexe au projet de convention entre la Confédération et les cantons

sur l’établissement de filières master dans les HES, les filières master nécessitent 90 points ECTS. Elles peuvent cependant en nécessiter 120 pour des raisons importantes comme la reconnaissance internationale des diplômes. Il n’a pas encore été décidé si les filières mas-ter de musique nécessiteraient 120 points ECTS. Cette question n’a pas été discutée au sein du groupe de travail.

22

que carrière exige d’autres compléments. Pour une pianiste de concert qui ensei-

gne, par exemple, la filière « direction d’orchestre » joue le rôle d’une qualification

professionnelle supérieure.32 La discipline que les étudiants choisissent dépend de

leurs inclinations et de leur évolution. Les filières masters ou les formations conçues

actuellement comme étant de base parce qu’elles faisaient partie de la carrière

normale d’un musicien ne doivent pas être soumises à une hiérarchisation qui n’a

plus cours dans la réalité de la vie musicale. Il faut plutôt laisser les étudiants choisir

sur quoi ils veulent mettre l’accent dans leur formation. Pour le groupe de travail, le

moyen de freiner les dépenses ne consiste pas à réduire l’offre, mais à limiter le

nombre des diplômes financés par personne. Pour différentes raisons, le groupe de

travail préconise donc de limiter à deux le nombre maximum de masters de base

par étudiant (sous réserve de son admission). Alors qu’aujourd’hui il est possible de

décrocher trois diplômes aux frais de l’Etat, la solution proposée prévoit que le troi-

sième devra être financé par l’étudiant même.33

6. Résultats de l’audition Pour mieux élucider tous les arguments, le groupe de travail a convoqué le 2 dé-

cembre 2005 des représentant de toutes les institutions concernées à une audition

à l’OFFT. Etaient invités les organes responsables des HES (les cantons), la

CFHES34, l’USDAM35, la CSHES36, la CHEMS37, les HEM, la SSPM38, l’ASEM39, les

écoles de musique et deux étudiants. Les participants avaient reçu au préalable un

questionnaire sur la base duquel ils étaient interrogés le jour de l’audition (un ques-

tionnaire par institution). Voici le résumé de leurs déclarations.

6.1 Durée des études

Tous les participants jugent trop courtes les études prévues (3 ans) pour le diplôme

d’enseignement musical. Les représentants des écoles de musique, en particulier,

sont fortement opposés à une formation pédagogique de niveau bachelor. Trois ans

ne suffisent pas pour atteindre le niveau instrumental, artistique et pédagogico-

didactique nécessaire. Une formation qui prenait autrefois cinq à sept ans ne saurait

être effectuée en trois ans. Les HEM font remarquer qu’en Suisse, la formation à la

32 La qualification professionnelle supérieure est une caractéristique essentielle du cycle mas-ter (art. 4, al. 3, LHES).

33 Cf. chapitre 7.3. 34 Commission fédérale des hautes écoles spécialisées 35 Union suisse des artistes musiciens 36 Conférence suisse des hautes écoles spécialisées 37 Conférence des hautes écoles de musique de Suisse 38 Société suisse de pédagogie musicale 39 Association suisse des écoles de musique

23

technique de l’instrument commence relativement tard, si bien que le bachelor doit

être un diplôme généraliste. Un des étudiants en musique interrogés relève lui aussi

que dans des pays comme la France, la Hongrie ou la Russie, le niveau

d’admission est beaucoup plus élevé qu’en Suisse. Des lacunes comme la forma-

tion de l’oreille (Gehörbildung) doivent être rattrapées au cycle de base (bachelor).

Les deux étudiants interrogés, qui ont fait leur diplôme d’enseignement sous le ré-

gime actuel, considèrent la partie pédagogique comme assez étendue, mais les

quatre ans consacrés au développement artistique comme insuffisants.

6.2 Bachelor et habilitation professionnelle

En accord avec la réponse précédente (6.1), les personnes interrogées rejettent

unanimement la notion de « Bachelor of Arts in Music » qui habiliterait à exercer

dans le secteur pédagogique. L’opposition la plus véhémente vient des HEM, des

écoles de musique et de la SSPM, le plus modéré des organes responsables des

HES. Les étudiants interrogés concèdent qu’il serait théoriquement possible

d’enseigner après trois ans de formation, mais on n’aurait pas de vue d’ensemble et

on ne serait pas mûr sur les plans artistique et technique. L’un et l’autre insistent sur

l’importance de la maîtrise personnelle de l’instrument pour l’enseignement, qu’on

ait affaire à des élèves avancés ou à des débutants. Les écoles de musique et la

SSPM expliquent que chez elles, on enseigne à tous les niveaux et à toutes les

classes d’âge, y compris aux écoliers et écolières qui étudieront la musique plus

tard. C’est sur cette pratique qu’est axé le profil d’exigences des enseignants.

Les personnes interrogées conviennent toutes que seul le « Bachelor of Arts de

pédagogie en musique et mouvement – Rythmique » pourrait éventuellement habili-

ter à exercer. Du côté des organes responsables, on relève que si les filières artisti-

ques semblent plus axées sur le master que les filières techniques, par exemple,

c’est qu’elles n’ont pas de pendant universitaire dans la même mesure que ces der-

nières.40

6.3 Double master

Partant du principe que la formation pédagogique sera conçue au niveau du master,

la majorité des personnes interrogées plaident en faveur de la possibilité d’obtenir

un second master. Si les représentants des organes responsables estiment que le

nombre des futurs doubles masters sera faible, le représentant de l’USDAM – musi-

40 Avec un « Bachelor of Arts in Music », il est certes concevable de passer à un cycle master

universitaire de musicologie, mais cela implique un changement du but des études et de la profession envisagée.

24

cien lui-même au sein d’un grand orchestre symphonique suisse – et les deux étu-

diants sont d’avis que la double compétence en pédagogie et interprétation est une

chose souhaitable pour la carrière. Les écoles de musique et la SSPM n’exigent pas

a priori de double master, mais quand on leur pose la question, elles concèdent que

les candidats professeurs qui détiennent les diplômes et de pédagogie et

d’interprétation sont favorisés à l’engagement. Etant donné la surchauffe actuelle du

marché du travail, il existe suffisamment d’enseignants dotés des deux diplômes.

Toutes les personnes interrogées, y compris et surtout les HEM, considèrent

comme réaliste le principe de réduire la durée ou le nombre des points ECTS du

second master, puisqu’il est possible d’y imputer les modules déjà suivis.

6.4 Coûts

Les représentants des organes responsables rappellent que l’introduction du sys-

tème de Bologne n’a pas pour prétexte de faire des économies. Ils veulent cepen-

dant maintenir les coûts au niveau actuel ; certains parlent même d’une durée

maximale des études de 14 semestres. Le diplôme de soliste est une sorte de troi-

sième cycle, dont le financement doit être réglé si possible dans le cadre actuel.41

Les organes responsables jugent faible le nombre probable des doubles masters, si

bien que ceux-ci ne seront pas décisifs pour le financement global du système.

Du côté des HEM, on avait déjà insisté avant l’audition sur le fait que la mise en

œuvre du système de Bologne qu’elles proposaient serait une opération blanche.

Le jour de l’audition même, la question de savoir si le problème du double master a

été pris en compte reste ouverte. L’obtention de deux masters prendra probable-

ment autant de temps que celle des actuels diplômes d’enseignement et de concert,

soit six à sept ans.42 Du moment qu’un master ne peut être exigé pour l’admission à

un autre cycle master, le diplôme de soliste ne peut plus être subordonné obligatoi-

rement au diplôme de concert. Si une vocation de soliste se manifeste dès le cycle

bachelor, le « Master in Specialized Music Performance » (l’actuel diplôme de so-

liste) peut être visé directement comme premier master (à condition de réussir

l’examen d’admission, évidemment). Dans ce cas, un master complémentaire de

pédagogie serait une option possible ; la séquence inverse (d’abord le diplôme mas-

ter en pédagogie, puis la formation de soliste) serait également concevable. La sé-

quence classique diplôme de concert – diplôme de soliste reste toujours possible,

41 Le diplôme de soliste ne sera désormais plus un troisième cycle, mais est prévu comme « Master in Specialized Music Performance ».

42 Le premier chiffre part de l’hypothèse que les deux cycles master nécessitent 90 points ECTS, le second 120 points ECTS. Comme signalé à la note 31, on ignore encore si une éventuelle demande des HEM d’un master à 120 points ECTS serait acceptée. C’est pour-quoi les deux chiffres continueront à être employés.

25

mais dans ce cas, le master en pédagogie ne serait pas financé. Le groupe de tra-

vail voit dans l’équivalence du « Master in Specialized Music Performance » avec

les autres masters la possibilité de resserrer les études, donc de baisser les coûts.

En limitant encore le nombre de masters à deux, on évite que des étudiants ne res-

tent sept ans et plus en HEM.

Les HEM voient d’autres possibilités de réduire les coûts : coordonner les études à

l’échelle suisse et concentrer l’offre. Du côté des écoles de musique, on suggère de

réduire le nombre actuel des étudiants en musique (2983) et de répartir les fonds

entre moins d’étudiants.

6.5 Situation de l’emploi / Chances professionnelles / Salaires

La situation de l’emploi est très tendue, tant dans l’enseignement que dans

l’interprétation. D’après les indications du représentant de l’USDAM, il est impossi-

ble aux musicien-nes de gagner leur vie comme interprètes avec une formation de

trois ans, ne serait-ce que comme indépendant-e-s ; cela ne suffit même pas pour

décrocher un stage d’orchestre. La personne qui échoue comme interprète et qui

n’a pas de diplôme d’enseignement aura beaucoup de peine à se faire engager

dans une école de musique. Cela est confirmé par un des étudiants en musique :

bien qu’il ait le diplôme de concert, il s’est vu imposer de rattraper celui

d’enseignement lors d’une candidature pour un poste de professeur en école de

musique. Les trois musiciens et musiciennes nient tous qu’avec le diplôme de

concert, on soit surqualifié pour l’enseignement. Les étudiants interrogés apprécient

foncièrement le fait d’avoir pu choisir l’ordre de leurs diplômes. L’un et l’autre refe-

raient les diplômes d’enseignement et de concert dans l’ordre choisi, car un seul di-

plôme ne leur ouvrirait pas l’accès à tout le marché du travail. Il importe d’ailleurs de

donner des concerts pour ne pas stagner comme enseignant. Les écoles de musi-

que relèvent que la tendance est de ne pas offrir de postes à plein temps aux en-

seignants. Il est en effet souhaitable que ceux-ci s’engagent dans des projets et des

ensembles, ce qui rehausse le prestige des écoles de musique. Ce n’est pas un

luxe que d’exiger des candidats professeurs un diplôme de concert en plus du di-

plôme d’enseignement, d’autant plus que ces personnes se trouvent déjà sur le

marché du travail. Dans les régions urbaines, en effet, les postes d’enseignement

mis au concours reçoivent 70 à 80 candidatures. Pour ce qui est des salaires, la du-

rée de la formation ou le nombre des diplômes ne jouent pas de rôle. Les salaires

sont plutôt bas par rapport à la formation reçue et aux qualifications demandées.

26

6.6 Délimitation des filières « Education musicale précoce et école de base » et « Pédagogie en musique et mouvement – Rythmique »

Faute de temps, le problème de la démarcation entre la filière « Education musicale

précoce et école de base » (EMPEB), située au niveau école supérieure, et le nou-

veau « Bachelor of Arts de pédagogie en musique et mouvement – Rythmique » ne

peut être abordé que sommairement. De l’avis du groupe de travail, la reconnais-

sance de ce bachelor ne dépend pas de ce que le Département fédéral de

l’économie reconnaisse ou non le « Bachelor of Arts in Music » généraliste. D’après

les représentants des organes responsables, la filière « Pédagogie en musique et

mouvement – Rythmique » prend de plus en plus d’importance. Les écoles de mu-

sique saluent, elles aussi, l’introduction de cette filière au niveau bachelor. La ques-

tion de savoir s’il en résulte des chevauchements avec la filière EMPEB actuelle n’a

pu être approfondie lors de l’audition. Dans sa correspondance avec l’OFFT, le pré-

sident de la CHEMS a répondu à cette question. D’après lui, la « Pédagogie en mu-

sique et mouvement – Rythmique » est une activité professionnelle principale, exer-

cée auprès d’enfants de 4 à 12 ans, donc de l’âge préscolaire à la fin de l’école pri-

maire. Les pédagogues travaillent comme rythmiciens, comme maîtres de musique

au niveau primaire, ou comme moniteurs dans les programmes extrascolaires. Le

« Bachelor of Arts de pédagogie en musique et mouvement – Rythmique » est une

filière de base, qui pourrait éventuellement se compléter d’un diplôme master ana-

logue avec spécialisation thérapeutique (pédagogie curative, etc.). En revanche, la

filière Education musicale précoce et école de base (EMPEB) est une filière de per-

fectionnement, destinée aux personnes déjà dotées d’un bagage pédagogique (di-

plôme de jardinier ou jardinière d’enfants, brevet d’instituteur, diplôme d'enseigne-

ment musical, etc.). L’activité de maître de musique en école de base est exercée à

titre complémentaire de l’enseignement primaire ou de l’enseignement instrumental.

Du moment que les personnes intéressées pourraient être prises en compte dans

les structures des hautes écoles, il n’est pas exclu que la filière EMPEB tombe en

désuétude. Mais pour cela, il faut commencer par développer les passerelles entre

les hautes écoles pédagogiques (HEP) et les HEM.

27

3e partie Bilan et recommandations du groupe de travail 7. Récapitulation de tous les arguments Bien que quelques points soient restés en suspens au terme de l’audition, le groupe

de travail a pu se faire une idée nuancée des qualifications exigées des musiciens

grâce aux avis exprimés. Après avoir élucidé en son propre sein diverses questions

et être parvenu à trouver les compromis nécessaires, le groupe de travail est arrivé

aux conclusions suivantes.

En ce qui concerne la reconnaissance du « Bachelor of Arts de pédagogie en musi-

que et mouvement – Rythmique », le groupe de travail ne se voit pas en mesure de

formuler des recommandations. Lors de l’audition, les opinions de la CHEMS n’ont

pu être confirmées aussi largement que celles relatives au « Bachelor of Arts in Mu-

sic » généraliste, parce que le temps manquait et que les connaisseurs du domaine

rythmique étaient trop peu représentés. Au groupe de travail, on relève que le « Ba-

chelor of arts de pédagogie en musique et mouvement – Rythmique » a été introduit

pour répondre à la demande d’un bachelor habilitant à exercer une activité profes-

sionnelle. Cette filière est nouvelle et doit encore être reconnue par le département

fédéral compétent. Les employeurs potentiels étant essentiellement les communau-

tés scolaires, le marché du travail doit être analysé de manière plus approfondie.

Sans quoi l’Etat serait confronté au dilemme suivant : en tant qu’organe responsable

des hautes écoles de musique qui vont offrir cette formation, il offrirait aux étudiants

une formation à une profession qui s’exercerait dans le cadre de la scolarité obliga-

toire, sans pouvoir garantir l’existence de ce champ professionnel. Le règlement de

reconnaissance pour l’école enfantine et l’école primaire ne prévoit pas, à ce ni-

veau, d’enseignants spécialisés au bénéfice d’un diplôme d’enseignant reconnu au

niveau suisse. Avant de créer cette offre de formation, il convient d’examiner si la

demande en personnes appelées à fréquenter cette filière existe dans le domaine

de la scolarité obligatoire et si la filière « Bachelor of Arts de pédagogie en musique

et mouvement – Rythmique » répond à un véritable besoin. La majorité du groupe

de travail estime que cette question n’a pas été encore traitée à fond. On trouve en

général dans le programme des écoles primaires la branche « éducation musicale

de base », mais elle est enseignée par les diplômés EMPEB, dont on ignore s’ils se-

ront concurrencés par les nouveaux rythmiciens. Hors du programme scolaire pro-

prement dit, donc dans les occupations extrascolaires offertes par les communes, la

question du besoin n’est pas non plus élucidée, vu que les communes peuvent dé-

cider en toute indépendance d’introduire telle ou telle offre.

28

Une autre question restée en suspens est de savoir si, pour enseigner, le diplôme

master en pédagogie est encore compétitif par rapport à la double qualification dé-

sormais courante (diplômes d’enseignement et de concert). Les employeurs poten-

tiels, soit les écoles de musique, n’ont ni pu ni voulu se prononcer définitivement.

Les personnes interrogées sont unanimes – quoiqu’à des degrés divers – à rejeter

le « Bachelor of Arts » de pédagogie musicale, donc le raccourcissement à trois ans

de la formation pédagogique. Les arguments présentés dans la 2e partie paraissent

dans l’ensemble convaincants au groupe de travail. Toutes les personnes enten-

dues soulignent que la bonne maîtrise de l’instrument est la base du succès péda-

gogique. La majorité du groupe de travail en conclut que l’exigence d’un diplôme

master en pédagogie effectué en HEM est justifiée.

La reconnaissance du « Bachelor of Arts in Music généraliste » implique de prolon-

ger d’un an l’actuel cycle de base. Les représentants des HEM justifient cette né-

cessité en rappelant que les qualifications non seulement pédagogiques, mais aussi

instrumentales exigées d’un diplôme master en pédagogie dépassent de loin celles

requises il y a dix ans pour le diplôme d’enseignement.

Ces dernières années, les HEM se sont effectivement efforcées – et avec succès –

d’améliorer et de valoriser la formation pédagogique des musiciens. La restructura-

tion des filières sur le principe modulaire (cycle de base + plusieurs filières principa-

les à choix) a eu pour conséquence de déterminer un cap précis. Refuser la

conception du bachelor généraliste ou la variante de la réforme de Bologne favori-

sée par le Conseil des HES (diplôme bachelor en pédagogie) reviendrait à inverser

le cours choisi en 1999 par les HEM. Comme le système actuel est jugé positif non

seulement par les HEM, mais aussi par les étudiants, le groupe de travail ne voit

pas de raison de bouleverser un système éprouvé en imposant une nouvelle hiérar-

chisation des filières.

Le groupe de travail craint cependant qu’avec le développement de la formation

pédagogique, les étudiants ne soient empêchés d’acquérir d’autres qualifications.

Ses recherches ont montré que les marchés de l’emploi ouverts aux musiciens sont

l’enseignement et l’interprétation (orchestre ou activité de concertiste). Malgré

l’existence de nombreux créneaux – d’une importance incontestable – dans les mé-

tiers musicaux, la majorité des musiciens cherchent un poste fixe soit comme inter-

prète, soit comme enseignant. Pour être compétitifs sur les deux marchés, les musi-

ciens en herbe doivent continuer de pouvoir acquérir, comme par le passé, un di-

plôme d’interprétation et un diplôme d’enseignement. Ce principe est surtout valable

face à la situation très fréquente où la carrière de soliste ou de musicien d’orchestre

reste bouchée malgré l’acquisition des diplômes correspondants.

29

Le groupe de travail a une autre raison de recommander la possibilité d’une forma-

tion pédagogique pour les futurs interprètes. Se concentrer sur l’obtention d’un seul

diplôme master reviendrait indirectement à dévaloriser une nouvelle fois la carrière

pédagogique, puisque les étudiants en musique dotés d’un talent marqué pour

l’interprétation feraient un master d’interprétation et ne pourraient être engagés dans

aucune école de musique, du fait de la réglementation stricte concernant

l’enseignement. L’obtention d’un second master doit donc être possible en principe,

non seulement pour améliorer les chances professionnelles des interprètes, mais

aussi pour conserver les plus doués d’entre eux dans l’enseignement.

Pour toutes ces raisons, le groupe de travail préconise une formation pédagogique

au niveau du master, sous réserve que les étudiants puissent obtenir deux qualifica-

tions pertinentes pour le marché du travail, c’est-à-dire deux diplômes masters à

choix, conformément au régime en vigueur. Du moment que jusqu’en 1999, une

formation musicale traditionnelle et utile durait six à sept ans, et qu’elle en prend au

moins six dans le système actuel, le groupe de travail estime que la durée probable

maximale des études de six à sept ans est défendable.

Pour accepter la filière de bachelor généraliste réclamée et pour financer deux di-

plômes masters par personne, avec une durée d’études maximale de 14 semestres,

les représentants des cantons au sein du groupe de travail posent diverses condi-

tions. Si la question de l’admission au cycle master et celle de la neutralité des

coûts ont pu être réglées à satisfaction, celle de la durée maximale des études sou-

lève de nouveaux problèmes, dont la solution ne relève pas de la Confédération, et

qui ne peuvent donc être présentés et discutés ici que sous forme de suggestions.

7.1 Admission au cycle master

Si l’on accède à la demande d’un bachelor généraliste, il ne s’ensuit pas impérati-

vement un lien automatique entre bachelor et master. Le groupe de travail convient

qu’entre les cycles bachelor et master, une sélection doit intervenir, même s’il faut

s’attendre à un taux élevé de masters. Le groupe fixe cette condition compte tenu

du fait qu’un examen intermédiaire a lieu d’ores et déjà après deux ans pour confir-

mer ou corriger l’orientation master. La majorité refuse d’accepter le diplôme bache-

lor comme seul critère d’admission au master.43 L’admission au cycle master re-

quiert soit un examen spécial, soit une recommandation (si le passage a lieu au sein

du même établissement et sans changement d’orientation). L’examen de bachelor

doit donc permettre de déterminer, d’une part, si le candidat satisfait aux conditions

43 L’art. 5, al. 4, LHES autorise expressément les HES à fixer des conditions d’admission sup-

plémentaires.

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du « Bachelor of Arts in Music », d’autre part, s’il est apte à suivre un cycle master

dans le domaine d’approfondissement choisi. Cette procédure garantit la sélection

tout en empêchant que l’on refuse le titre de bachelor aux candidats (peu nombreux

sans doute) qui ne seraient pas aptes à continuer jusqu’au master. Dans ces cas-là,

il sera indiqué de se reconvertir dans une activité proche de la musique. En matière

d’aptitude et de motivation, les critères d’admission à la filière master en pédagogie

seront les mêmes que pour les autres masters. Le module d’approfondissement

suivi pendant le cycle bachelor ou éventuellement manquant (étudiants étrangers)

sera pris en compte.

7.2 Neutralité des coûts

Le principe selon lequel la mise en œuvre du système de Bologne sera une opéra-

tion blanche est maintenu. Faute de statistiques fiables quant au nombre de doubles

masters, il est cependant difficile de faire des pronostics sur l’évolution des coûts.

Le groupe de travail ne pense toutefois pas que ce nombre augmentera significati-

vement. En ce qui concerne le master de pédagogie projeté, il faut s’attendre à ce

que les étudiants qui ne voient pas leur avenir dans l’interprétation – autrement dit

qui ne visent pas une carrière de soliste, de chambriste ou de musicien

d’orchestre – ne rechercheront pas le diplôme master correspondant. La procédure

de sélection aura en outre pour effet d’empêcher que l’obtention de deux masters

ne soit automatique.

Le groupe de travail convient que la tendance actuelle est de former trop de musi-

ciens. Les ressources financières disponibles doivent être concentrées sur les étu-

diants qui ont des chances véritables sur le marché de l’emploi. Il convient donc de

poursuivre, voire de renforcer la sélection qualitative, quelle que soit la filière musi-

cale.

7.3 Limitation de la durée des études

Les représentants des cantons refusent catégoriquement de financer les 14 semes-

tres d’études à 100 % des étudiants en musique. Le groupe de travail propose donc

une durée maximale des études de 14 semestres, mais moyennant une sélection

sévère. En général, un deuxième diplôme master ne nécessitera pas le nombre

complet de points ECTS, vu que quelques modules auront déjà été suivis lors du

premier master. La durée des études de 6 à 7 ans et l’obtention de 360 ou 420

points ECTS (180 + 2 x 90 ou 2 x 120) doivent être considérées comme des pla-

fonds absolus et cumulatifs.

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Se posent ici les questions de la mise en œuvre de la limitation du financement par

l’Etat à deux masters de musique seulement, et de la valeur de pareille mesure

dans le contexte général de la formation tertiaire.

Les limitations de la durée des études sont admissibles en principe, pour autant

qu’elles soient compatibles avec la liberté économique, en particulier avec le libre

choix de la profession (art. 27, al. 2, Cst.). Si elles ne le sont pas, elles doivent se

fonder sur une base légale, être justifiées par un intérêt public et être proportion-

nées au but visé (art. 36 Cst.). L’égalité de traitement des étudiants universitaires et

des étudiants des HES doit également être garantie. Comme la création des HES

ne remonte qu’à quelques années et que les filières doivent être repensées dans la

foulée de la réforme de Bologne, la question de la limitation de la durée des études

n’a pas encore trouvé de réponse définitive. Si elle se pose avec insistance dans les

filières musicales, c’est à cause de leur coût relativement élevé et des particularités

de cette formation. On commencera par relever que la LHES ne connaît pas de limi-

tation de la durée des études. En tant qu’organes responsables, les cantons peu-

vent cependant limiter la durée des études HES.44 En musique, il est de tradition

que les personnes hautement qualifiées décrochent plusieurs diplômes : deux en

règle générale (un d’enseignement et un d’interprétation, complétés parfois par un

diplôme d’enseignement des branches théoriques et d’un autre en composition ;

d’autres combinaisons sont possibles et courantes), mais souvent trois. La réforme

de Bologne offre la possibilité de resserrer la formation, en particulier celle des fu-

turs solistes : il ne s’agira plus d’un troisième diplôme « surajouté », mais d’un di-

plôme entamé à un stade précoce des études, moyennant le talent requis. La for-

mation de soliste était autrefois une des raisons qui faisaient que des étudiants pas-

saient parfois plus de sept ans en HEM à étudier le même instrument. Le groupe de

travail est unanimement d’avis que cette tendance doit être stoppée. On ne peut

oublier d’autre part que la combinaison de deux formations universitaires ou celle

d’un cycle d’études en HES et d’un autre à l’université sont financées par l’Etat. De

l’avis du groupe de travail, limiter la durée des études en HEM n’est défendable qu’à

condition d’édicter les bases légales correspondantes. Le problème de cette limita-

tion concerne surtout le financement et incombe donc monde au politique. Les HEM

doivent vérifier l’aptitude des candidats et appliquer la limitation de la durée des

44 Dans sa loi sur les hautes écoles spécialisées, le canton de Zurich a édicté une disposition

autorisant le Conseil (cantonal) des HES à limiter la durée des études (§ 34, al. 3, FHSG-ZH) ; dans le projet de révision de la FHSG-ZH envoyé en consultation le 16 mars 2005, cette compétence est déléguée au Conseil d’Etat (§ 8, al. 2, let. c). La durée maximale des études sera donc fixée par le Conseil d’Etat, sur proposition du Conseil cantonal des HES.

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études45, mais ce n’est pas à elles de statuer sur cette dernière. Il serait souhaitable

que les cantons et la CHEMS élaborent ensemble un règlement national. On empê-

cherait du même coup que les HEM ne se fassent concurrence ou ne se déstabili-

sent mutuellement à cause des diplômes multiples. Entre contrepartie de cette limi-

tation, qui devrait être introduite à l’échelle nationale, le groupe de travail préconise

de permettre aux étudiants doués de décrocher d’autres masters, mais en leur im-

putant les taxes d’études à concurrence des coûts nets.46

8. Résumé La majorité du groupe de travail recommande de reconnaître la filière « Bachelor of

Arts in Music » aux conditions suivantes.

• Le « Bachelor of Arts in Music » a pour rôle d’assurer la mobilité de leur titulaire

et fournit des premières qualifications permettant d’exercer dans un cadre proche

de la musique. Assorti de la recommandation correspondante ou de la réussite

d’un examen d’admission, il permet d’entamer un cycle master en HEM.

• Malgré le caractère généraliste du « Bachelor of Arts in Music », il doit intervenir

une sélection ou un contrôle de l’aptitude pour chaque filière de master envisa-

gée. Les critères de réussite d’un examen de bachelor ne sont pas les mêmes

que ceux requis pour l’admission au master.

• Du côté des cantons responsables, il faut des bases légales qui permettent de

limiter à 14 semestres la durée des études par personne. Au cours de ces 14

semestres, l’étudiant doit avoir la possibilité d’acquérir deux diplômes masters de

son choix, pour autant qu’il ou elle remplisse les conditions d’admission et qu’une

place soit disponible. L’obtention d’un diplôme supplémentaire doit être possible

moyennant imposition des coûts nets.

Le groupe de travail voit dans les mesures proposées une manière praticable de

reporter les avantages du système actuel sur celui de Bologne, de resserrer la for-

mation musicale et d’en préserver la polyvalence.

45 Ce qui implique par exemple de préciser dans les règlements d’études comment les études

déjà effectuées seront prises en compte. 46 Cette proposition s’inspire du système zurichois en vigueur, qui statue qu’en cas de dépas-

sement de la durée prévue des études, les finances de cours peuvent être relevées jusqu’à concurrence des coûts nets imputables (§ 41, al. 2, FHSG-ZH). Cette disposition n’a toute-fois pas été conçue dans la perspective de l’obtention de plusieurs diplômes.