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Introduction I

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IntroductionI

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2 3ème Conférence Annuelle Internationale

Le Centre de Recherche sur la Législation Islamique et l’Éthique (CILE) est à l’avant-garde de la réforme et du renouveau de la pensée juridique et éthique isla-miques et des comportements ; ceci en fournissant un cadre éthique durable afin de faire face aux défis du monde contemporain. Pour ce faire, le CILE produit, diffuse, applique et prône une pensée et des comportements fondés sur l’éthique islamique, en amenant des savants des Textes et des savants du contexte à donner naissance à une école de pensée basée sur une éthique de transformation.

Inauguré en janvier 2012, le CILE est membre de la Faculté d’Études Islamiques du Qatar, affilié à l’Université Hamad Bin Khalifa au sein de la Fondation du Qatar. Le Centre, spécialisé dans l’éthique et le droit islamiques, s’intéresse particulièrement à l’éthique appliquée aux domaines suivants : la méthodologie, les arts, l’environnement, l’économie, l’éducation, l’alimentation, les questions du genre, les médias, la médecine, les migrations et droits humains, la politique, la psychologie.

On ne peut plus ignorer les questions éthiques qui se posent dans le monde moderne, où la science rend possible de nombreuses modifications dans le monde où vit l’être humain et au niveau de l’être humain lui-même. La modernité soulève ainsi un grand nombre de questionnements, voire de dilemmes profondément ancrés dans l’éthique, sur lesquels les points de vue divergent en fonction des références et des systèmes de valeurs.

La conviction s’est imposée ces dernières décennies qu’aucune société ne peut survivre sans être orientée par un code éthique. Cette conviction a permis de dépasser le penchant postmoderniste – qui a dominé en Occident pendant des décennies – à éviter de parler d’éthique, au prétexte que celle-ci appartiendrait à un passé révolu. La conviction de la centralité de l’éthique nous ramène à la

À propos du CILE

Message de la Conférence

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3Introduction

base même de l’islam, venue « parachever les hautes valeurs morales » selon une parole prophétique.

Mais la question éthique aujourd’hui, dans toute sa complexité, nous renvoie en tant que musulmans à une série de difficultés dans le domaine du patrimoine islamique :

• Il y a d’abord la difficulté à cerner la fonction de l’éthique dans le corpus jurisprudentiel (Fiqh) : aussi bien la jurisprudence (Fiqh) que l’éthique renvoient à un système de valeurs, de règles et de critères s’adressant au comportement humain et déterminant le statut de l’action, à faire ou ne pas faire. La question qui apparaît ici est celle du rapport entre la jurisprudence (Fiqh) et l’éthique : est-ce la jurisprudence qui fonde l’éthique ou l’éthique qui est la source de la jurisprudence (Fiqh), et peut-on dissocier l’une de l’autre ? La réponse à cette question aura des répercussions sur la forme des prescriptions juridiques particulières régissant les actions humaines et sur la reformulation de la position des musulmans envers l’ensemble des problématiques de notre époque telles que celle du masculin et du féminin, celle de l’économie mondiale, etc., et nous renverra à une mission qui semble absente ou marginalisée dans la raison islamique aujourd’hui, à savoir celle de rétablir le lien entre l’éthique et la jurisprudence qui repose sur elle.

• A cela viennent s’ajouter un ensemble de difficultés liées à l’autorité chargée d’orienter les actions humaines et de clarifier leur dimension éthique. Elle doit être comprise du plus grand nombre de membres de la société et acceptée et respectée par eux afin que ce code éthique et juridique puisse être mis en pratique.

La problématique de l’autorité nous renvoie à son tour à la question du texte et de la raison et du rapport entre eux : dans quelle mesure le texte peut-il orienter la raison, quelles sont les limites de la raison dans la compréhension du texte dans les domaines scientifiques, économiques ou autres ? Elle nous mène également à nous demander comment dissocier ce qui relève du culturel et de l’historique, de ce qui appartient à la parole révélée, comme dans le domaine des questions hommes/femmes.

C’est dans le cadre de tous ces questionnements que la troisième conférence annuelle internationale du CILE se penche sur les difficultés posées par quatre grands domaines de réflexion : l’islam et la science (avec la théorie de l’évolution),

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l’économie (avec le concept de ribâ’), la méthodologie (avec le problème de l’autorité dans le discours islamique) et les questions hommes/femmes (avec la question du genre). Il s’agit de questions cruciales dans la pensée islamique, qu’il est toujours difficile de cerner totalement dans leurs dimensions juridique et éthique.

La démarche du CILE est fondée sur la recherche d’une vision faisant la synthèse des différents champs des savoirs, s’appuyant sur l’autorité du Texte sans oublier la nécessité de vivre dans notre époque, ouverte sur les mondes de la connais-sance et les réalisations de la pensée humaine sous toutes ses formes, dans l’espoir d’aboutir à l’adoption d’une éthique universelle préservant ce qui est commun et harmonisant les différences.

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PProgramme

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Première JournéeOuverture

Heure Intitulé Tâche/Participants

09:00 - 9:30 Inscription EMN & CILE09:30 - 9:40 Récitation du Coran Sulayman van Ael09:40 - 9:45 Règles de fonctionnement MC : Fethi Ahmed - CILE09:45 - 9:50 Discours de bienvenue Abdelazeem Abozaid

représentant FEIQ09:50 - 10:00 Remarques de bienvenue Chauki Lazhar

Directeur Adjoint du CILE10:00 - 10:05 Présentation 1er conférencier Fethi Ahmed - CILE10:05 - 10:45 1re conférence Tariq Ramadan

Directeur du CILE10:45 - 10:55 Questions-réponses Public10:55 - 11:15 Pause café et thé Tous

Table Ronde 1: L’Islam et la Science

Heure Intitulé Tâche/Participants

11:15 - 11:20 Intro. du modérateur Mohamed Ghaly - CILE11:20 - 11:35 Intervenant 1 Muzaffar Iqbal - Canada11:35 - 11:50 Intervenant 2 Nidhal Guessoum - EAU11:50 - 12:05 Intervenant 3 M. Naim Yasin - Jordanie12:05 - 12:20 Intervenant 4 Damian Howard - R-U12:20 - 13:25 Questions-réponses/débat Public13:25 - 13:30 Remarques de conclusion Modérateur13:30 - 15:00 Pause et prières Tous

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7Programme

Deuxième Journée

Table Ronde 2: Économie et Finance

Heure Intitulé Tâche/Participants

15:00 - 15:05 Présentation 2e conférencier Fethi Ahmed - CILE15:05 - 15:45 2e conférence David Vines - R-U15:45 - 15:55 Questions-réponses Audience15:55 - 16:00 Intro. du modérateur Ibrahim Ezayat - Allemagne16:00 - 16:15 Intervenant 1 Abdullah Y. Al Judai’ - R-U16:15 - 16:30 Intervenant 2 Kamal T. Hattab - Koweït16:30 - 16:45 Intervenant 3 Abdelazeem Abozaid - Qatar16:45 - 18:00 Questions-réponses/débat Public18:00 - 18:05 Remarques de conclusion Modérateur

Ouverture

Heure Intitulé Tâche/Participants

09:00 - 9:30 Inscription EMN & CILE09:30 - 9:40 Règles de fonctionnement &

Présentation 3e conférencierMC : Fethi Ahmed - CILE

09:40 - 10:20 3e conférence Edwy Plenel - France10:20 - 10:30 Questions-réponses Public10:30 - 10:50 Pause café et thé Tous

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Table Ronde 1: Le Discours Islamique

Heure Intitulé Tâche/Participants

10:50 - 10:55 Intro. du modérateur Muetaz Al Khatib - CILE10:55 - 11:10 Intervenant 1 Ahmed Jaballah - France11:10 - 11:25 Intervenant 2 Jonathan Brown - USA11:25 - 11:40 Intervenant 3 Larabi Becheri - France11:40 - 11:55 Intervenant 4 Heba Raouf Ezzat - Egypte11:55 - 12:55 Questions-réponses/débat Public12:55 - 13:00 Remarques de conclusion Modérateur13:00 - 14:30 Pause et prières Tous

Table Ronde 2: Questions du Genre

Heure Intitulé Tâche/Participants

14:30 - 14:35 Présentation 4e conférencier Fethi Ahmed - CILE14:35 - 15:15 4e conférence Karen Armstrong - R-U15:15 - 15:25 Q&A Public15:25 - 15:30 Intro. du modérateur Muetaz Al Khatib - CILE15:30 - 15:45 Intervenant 1 Jamila Mossalli - Maroc15:45 - 16:00 Intervenant 2 Chauki Lazhar - CILE16:00 - 16:15 Intervenant 3 M. Al Sharmani - Finlande16:15 - 16:30 Intervenant 4 Mesfer Al Ghahtani - AS16:30 - 17:30 Questions-réponses/débat Public17:30 - 17:35 Remarques de conclusion Modérateur18:00 - 18:05 Discours de clôture Tariq Ramadan

Directeur du CILE

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Invitésd’HonneurI

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BiographieTariq Ramadan est Professeur d’Études islamiques contemporaines à l’Université d’Oxford (Oriental Institute, St Antony’s College) et enseigne également à la Faculté de Théologie d’Oxford. Il est Professeur invité à la Faculté d’Études islamiques (Qatar), à l’Université Mundiapolis (Maroc), où il enseigne la

philosophie et à l’Université Perlis de Malaisie. Il est par ailleurs Senior Research Fellow à l’université de Doshisha (Kyoto, Japon) et directeur du Centre de Recherche sur la Législation Islamique et l’Éthique à Doha (Qatar).

Il possède une maîtrise en philosophie et littérature françaises et un doctorat en islamologie de l’Université de Genève. Il a suivi une formation intensive en études islamiques classiques avec des savants de l’Université Al Azhar du Caire, et obtenu 7 ijazat dans sept disciplines différentes.

Il contribue par ses écrits et ses interventions au débat sur la question des musul-mans d’Occident, ainsi qu’au renouveau du monde musulman. Expert consultant dans diverses commissions attachées au Parlement européen de Bruxelles. Il parti-cipe activement au travail associatif aussi bien qu’académique dans les domaines de la théologie, l’éthique, la justice sociale, l’écologie et le dialogue interreligieux.

Il est également Président du réseau euorpéen (groupe de réflexion et d’action) European Muslim Network (EMN) à Bruxelles.

Il est membre de l’Union Mondiale des Savants Musulmans.

Derniers livres parus en français : « Islam, la Réforme Radicale, Éthique et Libération », Presses du Châtelet, Septembre 2008, « L’Autre en Nous, Pour une philosophie du pluralisme », Presses du Châtelet, Avril 2009, « Mon Intime Conviction », Presses du Châtelet, Septembre 2009, « L’Islam et le Réveil arabe », Presses du Châtelet, Novembre 2011, « Au péril des idées » avec Edgar Morin, Presses du Châtelet, Mars 2014, « De l’islam et des musulmans », Presses du Châtelet, Décembre 2014.

Site internet : http://www.tariqramadan.com

Tariq Ramadan

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11Invités d’honneur

Titre de la conférenceÉthique globale et éthique appliquée.

Résumé L’éthique joue un rôle central dans la tradition islamique. Avant d’aborder à la fois le nécessaire dialogue entre les religions, les cultures et l’éthique appliquée aux différents domaines scientifiques, il est essentiel de revenir aux enseignements islamiques pour essayer de comprendre comment les valeurs et principes éthiques sont produits de l’intérieur. Cette conférence d’introduction abordera les trois sources principales de l’éthique islamique : le droit (fiqh), la philosophie-théologie (kalâm, falsafa) et le soufisme (tasawwuf). Sur la base de cette première partie, nous aborderons ensuite la question de « l’éthique universelle » (ou « éthique globale » selon le terme de Hans Küng) et les voies menant à une mise en œuvre efficace de l’éthique dans les sciences humaines ou expérimentales (l’éthique appliquée).

Karen Armstrong

BiographieKaren Armstrong est l’auteure de nombreux ouvrages sur les questions religieuses, dont Histoire de Dieu, Le combat pour Dieu, Guerre sainte, Islam : une brève histoire, La grande transformation, La Bible : toute une histoire, Les arguments en faveur de Dieu, et Douze étapes vers une vie de compassion. Champs de sang :

la religion et l’histoire de la violence doit paraître cet automne. Elle a également écrit deux ouvrages de mémoires, Par la porte étroite et L’escalier en spirale. Ses ouvrages ont été traduits en une cinquantaine de langues. Elle a pris la parole à trois reprises devant les membres du Congrès américain, a donné des conférences pour des décideurs au Département d’État américain et à celui de la Défense, a participé au Forum économique mondial et s’est adressée au Conseil des relations étrangères à Washington et New York. Elle est ambassadrice pour l’Alliance des

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Civilisations des Nations-Unies et prend régulièrement la parole dans des pays musulmans, en particulier au Pakistan, en Malaisie, à Singapour, en Turquie et en Indonésie.

En 2007, le gouvernement égyptien a décerné à la Docteure Armstrong une médaille pour services rendus à l’islam, sous l’égide de la prestigieuse université d’al-Azhar, faisant d’elle la première personne étrangère à recevoir cette déco-ration. Elle a reçu la Médaille des Quatre Libertés pour la liberté de culte de la part de l’Institut Franklin et Eleanor Roosevelt, ainsi que le Prix du Dr Leopold Lucas à l’Université de Tübingen en 2009. En 2013 elle a été la première lauréate du Prix Nayef Al-Rodhan pour l’amélioration de la compréhension entre les cultures de l’Académie britannique ; et a reçu en 2014 le Prix Gandhi/King/Ikeda pour les bâtisseurs de communauté au Mémorial Martin Luther King à Atlanta. Elle est administratrice du British Museum et membre de l’Académie Royale de Littérature. En février 2008, elle a reçu le prix TED pour sa vision d’une Charte pour la compassion (www.charterforcompassion.org), élaborée par des penseurs importants de six religions du monde comme un effort coopératif pour ramener au cœur de la vie morale et politique non seulement une pensée empreinte de compassion mais, plus important encore, un comportement basé sur la compassion. La Charte pour la Compassion est désormais mise en œuvre de manière pratique, réaliste et créative dans des pays, des villes, des écoles et des communautés religieuses dans le monde entier.

Titre Le sens de l’Hégire

Résumé Cette conférence s’intéressera à la dynamique créatrice et novatrice qui est si évidente dans les débuts de l’histoire musulmane et explorera sa pertinence par rapport à notre situation actuelle. Quel sens attacher au fait que le Prophète Muhammad (paix et salut à lui) ait porté la parole divine dans un monde déchiré par la violence, la cruauté et l’injustice ? Nous explorerons également la notion de réforme et de renaissance religieuse. Que signifiait la réforme dans le monde prémoderne ? Quels en étaient les objectifs et les limites ? Et que devrait signifier la réforme aujourd’hui ?

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13Invités d’honneur

BiographieLe Docteur Vines est titulaire d’une licence d’écono-mie et de mathématiques de l’Université de Melbourne et d’un master et d’un doctorat en économie de l’Université de Cambridge. Il a d’abord travaillé à Cambridge sur la macroéconomie internationale et la gouvernance économique mondiale avec le Prix

Nobel James Meade de 1978 à 1985. De 1985 à 1992, il a occupé la chaire Adam Smith d’économie politique à l’Université de Glasgow, puis de 1992 à 2011 il a été Professeur adjoint d’économie à l’Université nationale australienne. Entre 1994 et 2000 il a également dirigé un programme de recherche du Conseil de la Recherche économique et sociale (ESRC) sur les institutions économiques mondiales ; de 2008 à 2012 il a été le directeur des recherches d’un programme de recherche du septième programme-cadre de l’Union européenne, PEGGED, sur la dimension européenne des aspects politiques et économiques de la gouvernance mondiale. En 2003 le Docteur Vines a été nommé Houblon-Norman Fellow à la Banque d’Angleterre. Il a été membre du conseil d’administration de la chaîne de télévision Channel Four et directeur d’Analysys, une importante entreprise européenne de conseil en télécommunications. Le Docteur Vines a publié en 1999 (avec A. Montefiore) Integrity in the Public and the Private Domains (L’intégrité dans les domaines publics et privés, Routledge). En 2014, avec Nicholas Morris, il a dirigé Capital Failure : Rebuilding Trust in Financial Services (L’échec du capital : rétablir la confiance envers les services financiers), publié par Oxford University Press. Il est actuellement Professeur d’Économie et Fellow de Balliol College à l’Université d’Oxford, où il est également Directeur du programme Éthique et Économie de l’Institut pour la nouvelle pensée économique de James Martin School et chercheur au Centre de recherche en politique économique.

Titre de la conférence Rétablir la confiance dans l’industrie des services financiers

David Vines

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Résumé L’intermédiation financière est un élément essentiel au bon fonctionnement d’une société. Les individus, les familles ont besoin d’épargner pour financer l’éducation de leurs enfants, le logement, les dépenses de santé et les pensions de retraite. Les entreprises de production ont, quant à elles, besoin d’obtenir et d’utiliser cette épargne pour financer leurs investissements, garantissant ainsi leur croissance. Par le passé, les intermédiaires financiers et les gestionnaires de fonds aidaient leurs clients à faire cela et étaient payés pour. Mais à présent, ils cherchent uniquement des gens sur lesquels gagner de l’argent et agissent donc au détriment de leurs clients au lieu d’agir pour les aider. En conséquence, on ne fait plus confiance aux personnes qui travaillent dans la finance, à la différence par exemple des médecins. Comment cela s’est-il produit ? Comment peut-on y remédier ? Que pouvons-nous faire pour que les compagnies financières soient à nouveau utiles à la société ? Le Professeur Vines apportera des réponses à ces questions dans son exposé. Il montrera combien il est nécessaire que les acteurs de l’industrie des services financiers se montrent plus professionnels et soient soutenus dans cet effort par la gouvernance d’entreprise. Il proposera également des exemples concrets de bonnes pratiques.

Edwy PlenelBiographieEdwy Plenel, né en 1952 en Bretagne, a passé son enfance en Martinique et sa jeunesse en Algérie. Journaliste depuis 1976, il a travaillé durant vingt-cinq ans (1980-2005) au Monde dont il fut directeur des rédactions. Il est aujourd’hui président et cofondateur de Mediapart, journal en ligne indépendant et parti-cipatif créé en 2008. Il est l’auteur d’une vingtaine

d’ouvrages dont les plus récents sont « Le droit de savoir » (2013), « Dire non » (2014) et « Pour les musulmans » (réédité après les attentats parisiens de 2015 avec une Lettre à la France).

Titre de la conférence Pour l’égalité, contre la haine.

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IntervenantsI

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BiographieLe Docteur Iqbal est titulaire d’un doctorat de chimie (Université de Saskatchewan, Canada, 1983), mais il s’est détourné du domaine de la science expérimentale pour se consacrer entièrement à l’étude de l’islam et de ses traditions spirituelles, intellectuelles et scienti-fiques. Né à Lahore, Pakistan, il vit au Canada depuis

1979. Il a occupé différents postes d’enseignement et de recherche à l’Université de Saskatchewan (1979-1984), à l’Université de Wisconsin-Madison (1984-85) et à l’Université de McGill (1986). De 1990 à 1999, il a été Directeur du Comité sur la Coopération Scientifique et Technologique (COMSTECH) de l’Organisation de la Conférence Islamique (OIC). Il est rédacteur en chef d’Islamic Sciences, revue semestrielle présentant des perspectives islamiques sur la science et la civilisation, et directeur d’édition de l’encyclopédie en sept volumes Integrated Encyclopedia of the Qur’ân (Encyclopédie intégrée du Coran). Le Docteur Iqbal a écrit, traduit et dirigé vingt-trois ouvrages et publié près d’une centaine d’articles sur différents aspects des traditions spirituelles et intellectuelles islamiques, les rapports entre l’islam et la science, l’islam et l’Occident et l’histoire de la science islamique. On peut citer parmi ses publications God, Life and the Cosmos : Christian and Islamic Perspectives (Dieu, la vie et le cosmos : les perspectives chrétiennes et islamiques, collectif, Ashgate, 2002), Science and Islam (La science et l’islam, Greenwood Press, 2007) et The Making of Islamic Science (Histoire de la science islamique, IBT, 2009). Plusieurs de ses livres ont été traduits en chinois, en turc, en ourdou et en persan. Il est également directeur de collection pour Islam and Science : Historic and Contemporary Perspectives (L’islam et la science : perspectives historiques et contemporaines, Ashgate, 2012), un ouvrage de quatre volumes sur l’islam et la science. Il a participé à la traduction du volume VII de Tafhîm al-Qur’ân, un important tafsîr du vingtième siècle (Islamic Foundation, 2001). Le Docteur

Muzaffar Iqbal

Intervenants : Islam et Science

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17Intervenants : Islam et Science

Iqbal est président-fondateur du Centre pour les Sciences Islamiques (Canada) et cofondateur de la Fondation pour l’Éducation musulmane au Canada.

TitreL’islam, les musulmans et le défi de l’évolutionnisme.

Résumé Dire que toutes les théories scientifiques ont un contenu idéologique inhérent est une évidence ; la version scientifique de la théorie de l’évolution ne fait pas exception à cette règle générale. La théorie de l’évolution, aussi bien dans sa version théiste qu’athée, a un contenu métascientifique irréductible qui est directement lié aux croyances religieuses sur l’origine du cosmos et de la vie ainsi qu’à la compréhension religieuse des différentes formes de vie. D’où sont-elles venues ? Pourquoi ? Quels sont les mécanismes par lesquels diverses formes de vie survivent ou périssent ? Ces questions préoccupent la pensée humaine depuis le début de l’histoire connue, mais leur ancrage dans la science moderne au dix-neuvième siècle a fini par les dépouiller de leur contenu métaphysique inhérent et à réduire le discours au plan matériel, tout en élevant les « réponses scientifiques » aux questions ancestrales à un haut niveau d’acceptabilité.

Le monde musulman a rencontré l’évolutionnisme moderne à une époque où presque toutes les régions du monde musulman traditionnel étaient sous domination coloniale et n’avaient quasiment aucune activité scientifique. Ainsi, la formulation initiale de la théorie de l’évolution de Darwin a surgi dans une culture scientifiquement vide, un régime politique colonisé et un milieu social souffrant d’une faible estime de soi et gouverné par une minorité locale occi-dentale ou occidentalisée. Lire Darwin en arabe, en ourdou, en persan ou dans une autre des langues parlées dans le monde musulman du dix-neuvième siècle n’était donc pas un simple acte de réception d’un contenu purement scientifique ; mais plutôt un processus complexe impliquant entre autres une traduction, des missionnaires, des canaux d’information qui n’étaient intrinsèquement pas libres, et une soumission mentale fermement établie à la science occidentale. Depuis ces premiers temps de la rencontre des musulmans avec l’évolutionnisme, il y a eu trois types de réactions : le rejet, l’acceptation et une acceptation ajoutant des croyances islamiques fondamentales au cadre de l’évolutionnisme. Tous trois sont largement empruntés et la dernière réaction est souvent une caricature des

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18 3ème Conférence Annuelle Internationale

réactions chrétiennes. Nous mettrons ici en évidence les défis fondamentaux posés par la théorie de l’évolution à l’islam et aux musulmans, nous examinerons la diversité des réactions musulmanes et nous détaillerons la question des origines sur la base des textes religieux primaires afin de cerner les principales zones de conflit entre les visions évolutionniste et coranique de la vie et de ses origines. Nous ferons également une rapide présentation de la cosmologie coranique afin d’ancrer la discussion sur l’origine et la propagation des formes de vie dans une cosmologie sacrée, ce qui aidera à clarifier et à explorer la nature des défis posés par l’évolutionnisme aux croyances musulmanes.

BiographieLe Docteur Guessoum est astrophysicien. Après des études secondaires au Lycée Amara Rachid d’Alger, il a obtenu une licence de physique théorique à l’Univer-sité des Sciences et de la Technologie d’Alger, Algérie, en 1982. Il est titulaire d’un master et d’un doctorat de l’Université de Californie à San Diego. Le Docteur

Nidhal Guessoum a travaillé de 1990 à 1995 à l’Université de Blida, Algérie, puis de 1995 à 2000 à la Faculté d’Études Technologiques de Koweït. Il est membre de l’Union Astronomique Internationale (IAU), de la Société Internationale pour la Science et la Religion (ISSR) et du Projet Islamique d’Observation des Croissants (ICOP). Il a également été chercheur-associé au NASA Goddard Space Flight Center. En plus de ses travaux de recherche en astrophysique, il a publié de nombreux articles et ouvrages sur l’islam et la science, où il prône avec passion la reintégration de la méthodologie scientifique dans la culture musulmane. Il a publié en 2010 « La question quantique de l’islam : concilier tradition musulmane et science moderne. » Il met en avant la nécessité d’intégrer la science moderne à la vision islamique du monde, y compris la théorie de l’évolution biologique et humaine, qui selon lui ne contredit nullement le credo et l’éthique de l’islam. Plus récemment, le Docteur Guessoum a publié « Islam et Science : comment

Nidhal Guessoum

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19Intervenants : Islam et Science

concilier le Coran et la science moderne » (Dervy 2013) et « L’islam, le Big Bang et Darwin » (Dervy 2015). Il est actuellement professeur de physique et d’astronomie et vice-doyen de la Faculté des Arts et des Sciences à l’Université américaine de Sharjah aux Émirats Arabes Unis.

TitreLes musulmans doivent-ils accepter la théorie de l’évolution ?

RésuméDes sondages réalisés ces dernières années ont montré qu’environ 60% des musulmans considèrent l’évolution comme « une théorie non prouvée » et refusent souvent qu’elle soit enseignée, tandis que Theodosius Dobzhansky, l’un des plus éminents biologistes du vingtième siècle (qui était croyant), affirmait que « rien n’a de sens en biologie si ce n’est à la lumière de l’évolution. » Une analyse plus poussée montre que les musulmans considèrent plus l’évolution d’un point de vue religieux que d’un point de vue scientifique.

Parallèlement à cela, une importante campagne antiévolutionniste a été menée ces dernières années auprès de la jeunesse musulmane dans le monde musulman et en Europe, en particulier par le groupe Harun Yahya, avec la distribution de livres et de vidéos gratuits dans de nombreuses langues. Les arguments et les méthodes employés étaient souvent totalement fallacieux, rendant très difficile toute discussion aussi bien scientifique que théologique.

Nous insisterons d’abord ici sur la distinction à établir entre l’évolution en tant que phénomène observé dans la nature et en laboratoire, et l’évolution en tant que théorie dont certaines parties sont plus solides que d’autres. Nous évoquerons plusieurs preuves tangibles en faveur de l’évolution, s’appuyant sur la chronique de fossiles et les « chaînons manquants », y compris l’évolution humaine, mais aussi la génétique, l’anatomie comparée, les caractéristiques universelles de l’or-ganisation biochimique, et des exemples de mutations se produisant aujourd’hui.

Nous expliquerons aussi, rapidement, la différence entre la théorie darwinienne de l’évolution et les théories de l’évolution non-darwiniennes. Nous présenterons enfin « l’évolution théiste », c’est-à-dire la manière dont de nombreux penseurs croyants (musulmans et chrétiens) comprennent et admettent l’évolution.

Nous conclurons par quelques remarques essentielles.

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BiographieLe Docteur Yasin est titulaire de deux licences, en Sharia (1964) et en droit (1965), de l’Université de Damas. Il est également titulaire de masters en Sharia (1968) et en droit (1968) de l’Université al-Azhar du Caire. Il a obtenu son doctorat en Sharia de l’Univer-sité al-Azhar en 1972. Spécialiste du droit comparé et

de la politique islamique, le Docteur Yasin a publié de nombreux ouvrages dont Al-Iman (La foi), Abhath Fiqhyyah fi qadaya tibbyyah (Recherches juridiques sur les questions médicales contemporaines) et plus récemment Mabâhith fī al-‘aql (Philosophie de la raison). Il est l’auteur d’une trentaine d’articles de recherche sur des questions médicales et sur la zakat contemporaine. Il a été membre d’une trentaine d’institutions éducatives et de recherche, dont le comité scientifique de l’Encyclopédie juridique publiée par le Ministère des Affaires religieuses du Koweït ; et fait partie du comité de rédaction de nombreuses revues universitaires et de la direction de fonds de recherche. Il a reçu en 1989 le prestigieux prix de l’Organisation islamique des Sciences médicales (IOMS) dans le domaine de la jurisprudence médicale, de la part de la Fondation du Koweït pour l’Avancement des Sciences. Le Docteur Yasin a travaillé dans divers établissements d’ensei-gnement supérieur, en particulier les Universités de Jordanie, du Koweït et du Qatar et l’Université Mondiale des Sciences islamiques et de l’Éducation. Il est actuellement Professeur à la Faculté de Sharia et de Droit, Université Mondiale des Sciences islamiques et de l’Éducation (WISE), Jordanie.

TitreLes difficultés posées aux conceptions islamiques par la théorie de l’évolution.

Résumé1. La conception islamique du monde considère comme établi de façon irréfutable que Dieu est le Créateur de toute chose, ce qui ne saurait être remis en question. Or, on sait que Darwin ramenait toutes les espèces vivantes à une seule espèce

Mohamed Naim Yassin

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21Intervenants : Islam et Science

originale ou à quatre et qu’ayant d’abord considéré qu’il était difficile d’attribuer leur apparition à autre chose qu’à un Créateur tout-puissant et omniscient, il est ensuite revenu sur cette idée, considérant que cela ne pouvait être prouvé et qu’il appartenait à chaque être humain de croire ou de ne pas croire au Créateur. Il semblait considérer que cela n’était pas lié à la théorie de l’évolution et à l’ap-parition des êtres vivants et de l’homme, alors qu’en réalité l’apparition de la vie est le principal chaînon de l’évolution puisqu’elle en est le point de départ. En tout état de cause, son incertitude face à la croyance au Créateur est en totale contradiction avec le credo islamique.

2. Darwin attribue le développement des espèces à la lutte pour la vie et à la sélection naturelle, selon la règle de la survie du plus fort. Il implique que l’évo-lution est le résultat du déterminisme sans que le Créateur n’y joue de rôle, les choses étant liées les unes aux autres par des causes intrinsèques attribuables à la nature. Ceci est également en contradiction avec la croyance au destin voulu par Dieu : cette contradiction repose sur le fait que pour Darwin, l’évolution ne fait pas partie du plan divin pour la création ; il ne suffit pas pour résoudre cette contradiction que Darwin admette que Dieu a créé l’espèce primordiale, s’il considère qu’après cela Dieu a cessé d’intervenir dans la création.

3. L’extension de la théorie de l’évolution à l’être humain pose un autre problème : la conception islamique affirme catégoriquement qu’Adam a été créé par Dieu de deux éléments et qu’il porte en lui le souffle divin. Or, l’âme n’a été insufflée que dans un corps appartenant à une espèce particulière apte à obéir à ses ordres. En outre, les textes irréfutables indiquent également qu’Adam n’a pas été créé sur la terre où nous vivons, mais que Dieu l’y a fait descendre après l’avoir créé humain. Nous ne pensons pas que Darwin admette ce lieu dans sa théorie.

4. L’argument de la survie du plus fort est en contradiction avec les textes cora-niques qui affirment que Dieu peut accorder la victoire aux faibles sur les forts, un thème récurrent dans toutes les histoires des prophètes. Ce principe darwinien ne peut donc s’appliquer à l’être humain selon la conception islamique, sauf si l’on accepte que le facteur déterminant est la volonté de Dieu d’accorder la préférence à une espèce entière sur une autre pour un dessein connu de Lui : l’introduction de cette conception religieuse islamique modifierait le concept de la survie du plus fort.

5. La théorie de Darwin appliquée à l’homme et à son évolution future sans évocation d’une fin quelconque, est en contradiction avec la croyance islamique

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en la fin de la vie humaine et du monde, en l’au-delà, en la rétribution et en l’éternité par la volonté divine. Sa théorie implique une chaîne continue et infinie d’évolution et d’apparition des espèces. Étant basée sur la survie du plus fort, elle implique également que l’être humain tel que nous le connaissons est à son plus bas niveau et qu’il évoluera jusqu’à atteindre un statut proche du divin – que Dieu nous protège. Or, des hadiths à transmission multiple confirmés par certains versets coraniques indiquent que l’Heure dernière arrivera quand la terre sera peuplée des pires créatures, et non pas des plus fortes.

Damian Howard

BiographieLe Docteur Howard est un prêtre jésuite britannique. Il a étudié la théologie à Trinity College, Cambridge et au Centre Sèvres à Paris ; ainsi que la philosophie à la London School of Economics. Il a ensuite étudié l’islamologie à l’École d’Études orientales et afri-caines de l’Université de Londres, avant d’obtenir

un doctorat en pensée islamique de l’Université de Birmingham. En octobre 2010, il a été invité par le pape Benoît XVI à prendre part à l’Assemblée extraor-dinaire du Synode des Évêques du Moyen-Orient et est fréquemment appelé à prendre la parole et à participer à des émissions au Saint-Siège et ailleurs. Outre sa carrière universitaire, le Docteur Howard a travaillé pour diverses œuvres jésuites dont des établissements d’enseignement secondaire (St Ignatius College, Enfield, St Aloysius College, Glasgow), une paroisse (Corpus Christi à Brixton) et un centre social à Bruxelles (OCIPE – Service européen jésuite), ainsi qu’à la formation des novices. Il a participé activement au Réseau jésuite africain contre le sida. Il contribue régulièrement au journal jésuite en ligne Thinking Faith dont il appartient au comité de rédaction. Il est l’auteur de Being Human in Islam : The Impact of the Evolutionary Worldview (Être humain en islam : l’impact de la vision évolutionniste du monde, Londres : Routledge, 2011). Il est actuellement maître de conférences à Heythrop College (depuis septembre 2010) et directeur-adjoint de l’Institut Bellarmine de Théologie et de Philosophie (depuis 2014).

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23Intervenants : Économie et Finance

TitreCréation, évolution et croyance : considérations musulmanes et catholiques.

RésuméLa présente communication a pour objet de se pencher sur les perspectives catho-liques et musulmanes sur la théorie de l’évolution. Ces deux religions adhèrent théologiquement à la liberté absolue du Créateur dans l’acte de création, une conviction qui devrait les persuader de prendre leurs distances vis-à-vis des lectures naïves de la mythologie cosmogonique. Nous avançons que cela les laisse libres d’engager un dialogue critique sur la théorie contemporaine de l’évolution, même si la vision évolutionniste du monde est assez emblématique de l’éthos de la modernité occidentale. Le domaine d’exploration le plus fertile pourrait bien être « l’anthropologie de l’action » post-darwinienne, déjà bien établie.

Abdullah Al Judai

Intervenants : Économie et Finance

BiographieLe Docteur Al-Judai est titulaire d’un doctorat en économie islamique et est l’un des plus importants savants musulmans dans le monde aujourd’hui. Né à Bassora en Irak en 1958, il a obtenu l’Ijaza des plus grands savants de l’Irak. Il est membre fondateur du

Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche dont il a été Secrétaire général de 1998 à 2000. Il a été, entre autres, imam et orateur à la mosquée Al-Nijada de Bassora (1976-1978), imam principal et orateur des mosquées Al-‘Uqaila et Amr Ibn ‘As au Koweït (1979-1986) et professeur titulaire d’études islamiques à Dar al-Qur’an au Koweït (1986-1988). Alliant une vaste connaissance des sciences islamiques à la maîtrise des outils et de la technologie informatique modernes, il a été consultant de recherche au Koweït et en Arabie Saoudite pour Al-Sakhr

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Technologies (à l’origine du premier PC en arabe) où il a édité la majeure partie des premiers logiciels sur les hadiths et les autres sciences islamiques. Le Sheikh Abdullah a publié son premier livre à l’âge de dix-huit ans et a, depuis, publié près d’une centaine de livres sur les questions les plus variées. Ses travaux sont appréciés des principaux savants de la jurisprudence islamique et du hadith de par le monde. Il dirige actuellement le Centre de recherche et de conseil Al-Judai tout en étant consultant religieux à la Grande Mosquée de Leeds et enseignant d’Usul Al-Fiqh (fondements de la jurisprudence) à l’Institut européen des Sciences humaines du Pays de Galles.

TitreLe concept de ribâ’ et ses implications.

RésuméLes éléments irréfutables de la charia devant être acceptés comme tels, il n’y a pas lieu de débattre du statut juridique de l’usure (ribâ’) en islam. Son interdiction est en effet formulée dans un texte explicite du Coran ne pouvant donner lieu à interprétation : « L’usure est interdite », avec promesse d’un terrible châtiment à ceux qui y auraient recours. Ce qui peut toutefois être un objet d’étude et d’in-terprétation dans ce contexte, c’est la définition de l’usure. Le sens du terme ribâ’ est-il limité à la signification étymologique du mot, sur la base de l’expression en arabe du texte coranique ? Si l’on admet cela, comment cette interprétation linguistique concorde-t-elle avec les objectifs de la législation islamique qui posent comme principe la licéité dans les transactions financières ? L’argent étant considéré comme essentiel à la vie, l’être humain est libre d’en disposer pour en tirer un profit immédiat ou futur ; des règles sont établies pour le protéger et les interdictions ne sont qu’exceptionnelles, dans des cas particuliers où les pratiques humaines s’écartent de la justice.

Il est indéniable que le sens du discours était évident à ses destinataires lors de son énonciation. Si cela n’avait pas été le cas, il aurait nécessité des explications, car il est communément admis que nul ne peut être rendu responsable de ce qu’il ne comprend pas et qu’une explication nécessaire doit être donnée sans délai.

Cette brève introduction permet d’ores et déjà de percevoir que lorsque l’islam a interdit l’usure, il a interdit une pratique répandue et connue dont la définition ne suscitait pas de divergence. Cela d’autant plus que les textes l’interdisant ont

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25Intervenants : Économie et Finance

été révélés à la fin de la mission prophétique : on ne saurait imaginer qu’il y ait eu un besoin d’explication et que le Prophète (paix et salut à lui) ait quitté ce monde en laissant sa communauté dans l’obscurité alors même qu’il avait été envoyé pour faire sortir les gens des ténèbres vers la lumière et que Dieu lui avait donné pour fonction d’expliquer la parole révélée. De même, cela ne serait pas compatible avec la présomption de la perfection de la législation.

Qu’est-ce donc que le ribâ’, interdit de manière irréfutable par une révélation coranique ; et connaît-on l’objectif et le dessein de son interdiction, ce qui permettrait de s’y référer sans ambiguïté ? C’est la question essentielle à laquelle nous tenterons de répondre ici.

Nous verrons également comment les réponses que l’on peut apporter à cette question se répercutent dans le débat interprétatif dont regorgent les ouvrages du patrimoine juridique islamique, puis dans les positions des juristes de notre époque chargés des questions relatives à l’économie islamique, en particulier dans l’explication de notions particulières. Par exemple, les prêts bancaires liés à un besoin ou au développement relèvent-ils réellement du ribâ’ ou non, et si oui quelles sont les alternatives justes ? Quelles sont les conséquences de cela sur les transactions financières modernes, notamment les transactions courantes auxquelles la plupart des gens ne peuvent pas échapper ? Et comment tout cela peut-il être lu dans le contexte de l’objectif supérieur de la législation islamique fondé sur la préservation de la facilité et l’allégement des difficultés ?

On attirera aussi l’attention sur les bases de la critique du système économique actuel dans la perspective de la législation islamique où s’inscrit le statut juri-dique du ribâ’ ; et en particulier la prise en compte de l’évolution expliquée par l’économie et le droit. Nous en viendrons alors à expliquer brièvement la différence entre l’usure et l’intérêt : s’agit-il de deux choses distinctes ou les deux mots couvrent-ils une même réalité ? Nous clarifierons la vision interprétative des juristes musulmans dans leur lecture du concept d’intérêt et nous verrons comment cette lecture a donné lieu à l’instauration d’un système bancaire décrit comme « islamique » en tant qu’alternative se réclamant de la législation islamique au système bancaire classique.

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BiographieLe Docteur Hattab a obtenu son doctorat en écono-mie islamique à l’Université d’Ummalqura, Arabie Saoudite, en 1990 après un master (1986) et une licence (1981) à la même université. Il est spécia-lisé dans l’économie et la banque islamiques avec un accent particulier sur le fiqh des transactions

financières modernes. Il enseigne depuis plus de vingt ans dans les universités de Jordanie, du Pakistan, de Malaisie et du Koweït et a dirigé une trentaine de mémoires de master et de thèses de doctorat sur l’économie islamique et la banque islamique ; et sur le fiqh des transactions financières. De 1993 à 1995 il a été chef du Département d’Économie islamique à l’Université islamique du Pakistan ; de 2005 à 2007 il a été chef du Département d’Économie islamique et de Banque islamique à l’Université de Yarmouk, Jordanie ; de 2007 à 2010, professeur d’économie à la même université ; et entre 2010 et 2012, il a été vice-doyen de l’Université en charge des affaires académiques à l’Université internationale de Médine (MEDIU) en Malaisie. Il est l’auteur d’une cinquantaine de travaux de recherche publiés dans des revues universitaires et présentés lors de congrès nationaux et internationaux. En 2013, il a publié Dalil al-bahithin ila al-iqtisaad al-islami wal masarif al-islamiyyia fi al-urdun 1974-2010 (Guide de l’économie islamique et de la banque islamique en Jordanie 1974-2010 pour les chercheurs) (Washington : IIIT, 2013). Actuellement (depuis 2012) il est professeur invité à l’Université de Koweït, Faculté de Sharia, Koweït.

TitreUsure et intérêt dans la jurisprudence islamique.

RésuméNous chercherons à clarifier le concept de ribâ’ en expliquant en quoi consiste l’usure, les différences entre usure et intérêt et les implications du caractère usuraire ou non des intérêts. Ceci nous mènera à préciser les prescriptions

Kamal Tawfiq Hattab

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juridiques liées à l’utilisation de l’intérêt par les musulmans, notamment dans les pays non-musulmans.

A cet effet, nous commencerons par clarifier la nature de l’usure (ribâ’) en exami-nant les positions des juristes et des exégètes sur la définition de l’usure interdite dans le Coran et de l’usure interdite dans la sunna et en considérant dans quelle mesure le concept de ribâ’ s’applique aux intérêts. Nous détaillerons les princi-pales conséquences ici-bas et dans l’au-delà de l’utilisation de l’usure. Puis nous examinerons les positions des savants contemporains sur les intérêts bancaires dans les pays musulmans et non-musulmans, ainsi que les fatwas proposées à notre époque dans le cas des minorités musulmanes dans les pays non-musulmans, les positions des savants sur la nécessité et l’intérêt général, la validité juridique de ces arguments et leur effet sur la variabilité ou non de la prescription juridique.

Nous aboutirons à la conclusion que l’intérêt est la même chose que l’usure illicite et que l’interdiction du recours à l’usure entre les musulmans et les autres est la norme, sans qu’il y ait de différence entre les intérêts bancaires dans les pays musulmans et dans les pays non-musulmans à l’heure actuelle. Toutefois, les musulmans pouvant subir, dans les pays non-musulmans, des discriminations et des lois d’exception, il est possible d’autoriser les musulmans à recourir aux inté-rêts, dans des cas individuels strictement définis, en application de la règle selon laquelle la difficulté appelle l’allégement, de la règle selon laquelle les nécessités rendent licite l’interdit et de la règle selon laquelle le besoin équivaut à la nécessité en général et en particulier ; cela, pour préserver les musulmans de l’injustice et pour les renforcer et les protéger, et dans la mesure où ce recours aux intérêts demeure temporaire et se limite aux circonstances qui le rendent nécessaire.

Introduction :

L’humanité n’a jamais été aussi unanime, au cours de l’histoire, que dans sa condamnation de l’usure. Chez les Grecs déjà, Platon l’interdisait et Aristote maudissait l’usure et les usuriers, considérant que l’argent ne produit pas de l’argent. De même au Moyen-âge, Thomas d’Aquin par exemple mettait en garde contre l’usure et l’Église était catégorique dans son interdiction.

L’usure était aussi condamnée par les Arabes préislamiques qui la considéraient comme un mauvais gain. Ainsi lorsque les Mecquois voulurent reconstruire la Ka’ba, ils s’interdirent d’utiliser tout argent mal acquis, dont les profits de l’usure.

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Dans le Coran, Dieu ne menace personne de guerre comme il menace ceux qui profitent de l’usure : « O croyants, craignez Dieu et renoncez à ce qui reste dû des produits de l’usure, si vous êtes croyants. Si vous ne le faites pas, attendez-vous à la guerre de la part de Dieu et de Son Prophète. Mais si vous vous repentez, vous aurez droit à votre capital sans léser personne ni être lésés » (Coran 2/278-279). Ceci exprime clairement la gravité de l’acte commis par ceux qui pratiquent l’usure.

Toutefois, l’interdiction de l’usure a été parmi les dernières énoncées par le Coran, et malgré l’unanimité des savants anciens et modernes sur le caractère illicite et la gravité de l’usure, ils ont largement divergé sur les détails de son application : la nature des biens pouvant donner lieu à des profits usuraires, la raison d’être commune à tous ces biens, les cas particuliers d’usure dissimulée, etc.

En outre, les juristes modernes ont divergé sur le statut des intérêts bancaires en particulier dans les pays non-musulmans, quant au statut du recours aux intérêts bancaires dans les pays non-musulmans, au statut des hypothèques, des prêts étudiants et d’autres pratiques nouvelles, et avant tout, à la nature de l’usure illi-cite. Ils se sont interrogés sur l’existence d’une différence entre l’usure et l’intérêt bancaire, sur la nature de l’intérêt en droit et en économie et ce qui le distingue de l’usure. Ce sont là les principales questions que nous aborderons dans cette communication, à travers l’étude des points suivants :

1. La nature, les catégories et les effets de l’usure

2. L’intérêt, en droit et en économie

3. L’usure et l’intérêt : objectifs de leur interdiction

4. Le statut juridique du recours par les musulmans à l’intérêt et à ses dérivés.

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29Intervenants : Économie et Finance

BiographieLe Docteur Abozaid est titulaire d’un Master et d’un doctorat en droit islamique de la finance. Il est également titulaire de trois licences : en droit isla-mique, langue arabe et littérature anglaise et de deux diplômes d’études avancées en droit islamique et en sciences humaines. Il possède une vaste expérience

de l’enseignement, en tant que maître de conférences à l’Université de Damas depuis 1998, puis à l’Université islamique de Malaisie, avec pour spécialité le droit islamique de la finance. Il a ensuite été employé comme expert et formateur en Sharia à la Banque islamique des Émirats et est devenu membre du Conseil de la Sharia et consultant pour des institutions financières islamiques, dont la Banque islamique RHB en Malaisie, Mithaq Takaful à Abu Dhabi et Five Pillars Associates à Singapour. En 2012 il a pris la direction du Département de Sharia de la Banque arabe d’Oman à Mascate, Oman. Il a donné des ateliers et des formations dans de nombreuses banques islamiques, institutions financières et universités. Le Docteur Abozaid a contribué à l’élaboration des nouvelles normes relatives à la Sharia adoptées par les institutions financières islamiques. Il a publié dans un certain nombre de revues et journaux internationaux à comité de lecture et présenté des communications dans différents congrès sur la finance islamique. Son expertise dans le domaine de la finance islamique a donné lieu à la publica-tion de quatre ouvrages qui font autorité en la matière, dont en particulier son ouvrage principal, Fiqh Al-Riba (La jurisprudence de l’intérêt) publié en 2005 (632 pages). Il est actuellement Professeur Associé au Programme de Finance islamique de la Fondation du Qatar à Doha.

Titre Qu’est-ce que l’usure interdite en islam ?

Abdelazeem Abozaid

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30 3ème Conférence Annuelle Internationale

RésuméLes textes religieux interdisent l’usure (ribâ’) et indiquent qu’elle était de même interdite à toutes les communautés avant l’islam car elle consiste à s’approprier injustement le bien d’autrui.

1. La notion d’usure en islam ne diffère pas de celle existant à l’origine dans les autres religions, mais la Loi de l’islam a élargi le sens de l’usure pour inclure une nouvelle forme d’usure qui n’était pas connue comme telle auparavant, à savoir l’usure sur la vente (ribâ’ al-bay’). Cet élargissement de la notion d’usure par l’islam vient réaliser un objectif fondamental de l’interdiction de l’usure : empêcher les gens de s’approprier injustement le bien d’autrui. En effet, l’islam est le sceau des religions et ses prescriptions s’appliquent à toutes les évolutions que connaîtra l’humanité depuis la formulation de sa législation jusqu’à la fin des temps. On comprend ainsi que le Législateur savait que les contrats entre les gens évolueraient consi-dérablement par rapport à ce qui existait aux époques anciennes et que les gens inventeraient de nouveaux contrats pour s’exploiter les uns les autres, nuisant ainsi à leur société et à leur économie. Il y a répondu en faisant évoluer le concept d’usure par rapport à ce qu’il était dans les religions antérieures pour l’étendre aux contrats fondamentaux dont le Législateur savait qu’ils porteraient préjudice aux gens et aux marchés. Le dessein du Législateur en interdisant l’usure apparaît clairement à notre époque, tandis qu’il n’était pas évident pour les Compagnons et pour les juristes d’autrefois : ainsi, ‘Umar ibn al-Khattâb aurait souhaité que le Prophète (paix et salut à lui) explicite avant son décès les différentes formes d’usure car il ne comprenait pas l’usure sur la vente ; de même, Ibn ‘Abbâs pensait que l’interdiction de l’usure sur la vente avait pour objet de prévenir le risque d’aboutir à l’usure sur les dettes.

2. L’usure sur les dettes (ribâ’ ad-dayn) est quant à elle l’usure connue comme étant interdite par toutes les religions, et sur laquelle il n’y a pas de divergence. Les savants sont unanimes et catégoriques sur le fait qu’elle inclut l’usure sur le prêt, que le créancier soit un individu ou une institution et que l’emprunteur emprunte pour des besoins de consommation ou de production, et quel que soit le montant de l’intérêt s’ajoutant au montant du prêt ou de la dette.

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31Intervenants : Économie et Finance

3. L’usure n’a pas été interdite dans l’ensemble des lois religieuses pour sa forme et la manière de l’obtenir : elle a été interdite pour sa nature et son essence. De la même manière que les boissons alcoolisées n’ont pas été interdites par l’islam pour leur couleur, leur goût ou leur nom mais bien pour leur nature de boissons enivrantes et les nombreux dommages qu’elles entraînent, l’islam a interdit l’usure pour sa nature fondée sur l’ex-ploitation et les nombreux dommages qu’elle entraîne. De ce fait, il n’est pas admissible dans la Loi que ce qui est obtenu à travers des transactions usuraires puisse être licite. De plus, elle interdit les voies par lesquelles les individus et les institutions financières peuvent accéder à des gains de nature usuraire, comme l’échange d’une somme d’argent contre une autre avec une majoration soumise à condition. Les adeptes des religions antérieures ont eu recours à des procédés divers pour échanger de l’argent contre de l’argent avec majoration et ils ont été condamnés et punis pour cela.

4. Après avoir affirmé le caractère illicite de l’usure quel qu’en soit le montant, pour sa nature plutôt que pour sa forme, ceci dans ses deux types sur les dettes et sur la vente, la sharia disculpe à titre exceptionnel ceux qui ont recours à l’usure par nécessité. Elle précise toutefois les règles et conditions définissant la nécessité au sens juridique pris en considération, comme la nécessité de manger, de se vêtir et de se loger : il s’agit bien de la nécessité au sens de la sharia, et non pas de la nécessité au sens que les gens lui donnent. La sharia établit que la nécessité n’est pas permanente mais temporaire et exceptionnelle, et elle excuse ceux qui empruntent à travers une transaction usuraire mais pas ceux qui prêtent avec usure à quelqu’un en situation de nécessité. Ainsi, les règles de la sharia invalident la possibilité pour les institutions de se réclamer de quelque façon que ce soit, pour recourir à l’usure, de la nécessité de réaliser un profit.

5. Enfin, la sharia ne fait pas de différence entre un taux usuraire important ou faible ni entre un emprunteur et un autre sur la base de sa religion, comme cela a été le cas dans d’autres religions lorsque les chrétiens et les Eglises ont fait la différence entre un taux faible qu’ils ont appelé intérêt et un taux élevé qu’ils ont appelé usure, ou lorsque les juifs se sont interdit de prêter à des juifs mais permis de prêter à des non-juifs.

C’est sur ces cinq points que sera basée notre présentation.

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32 3ème Conférence Annuelle Internationale

BiographieLe Docteur Jaballah est né en Tunisie en 1956 mais vit en France depuis 1980. Il a obtenu une licence de théologie à la Faculté de droit musulman et de théologie de l’Université Ez-Zitouna de Tunis en 1979. Il a obtenu sa maîtrise au Département d’Études islamiques de l’Université de la Sorbonne

à Paris en 1982, puis son doctorat au même département en 1987. Le Docteur Jaballah occupe plusieurs postes universitaires, dont celui de doyen de l’Institut européen des Sciences Humaines (IESH) de Paris. Membre de l’Union interna-tionale des Savants musulmans, il siège également au Conseil d’administration de l’Organisation internationale des Savants musulmans et est membre de l’Organisation internationale de l’Éducation islamique, affiliées à la Ligue isla-mique mondiale de La Mecque. Il est vice-président du Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche, membre du conseil d’administration du COFFIS (le Conseil français de la Finance islamique) et membre de Religions Pour la Paix en France. Le Docteur Jaballah a pris part à de nombreux séminaires et congrès universitaires et missionnaires en Europe et de par le monde, ainsi qu’à diverses émissions de télévision sur des chaînes satellitaires arabes et françaises. Il a donné de nombreuses conférences et publié un grand nombre d’articles et d’essais sur différents sujets relatifs à la pensée islamique et à la situation des musulmans en Europe. Il est actuellement professeur d’études supérieures à l’Institut Européen des Sciences humaines de Paris.

Titre L’autorité religieuse islamique : comment se définit-elle et est-elle constituée ?

Ahmed Jaballah

Intervenants : Discours Islamique

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33Intervenants : Discours Islamique

Résumé La question de l’autorité religieuse en islam fait partie des questions cruciales pour la situation des musulmans, tant dans le passé qu’aujourd’hui ainsi que pour l’avenir. En effet, l’être humain en général fonde son rapport à la religion ou à une idée sur le lien à une autorité qui représente cette idée et fournit à ses adeptes une référence fiable, en particulier face à la compréhension confuse de certaines questions auxquelles l’être humain est confronté ou à la nécessité de choisir entre plusieurs voies se présentant à lui, notamment les questions nouvelles survenant dans le contexte où il vit. L’autorité a ainsi des conséquences importantes sur la pensée et le comportement de l’être humain : il est donc important d’en connaître la nature et de cerner ce qui la définit et comment elle est constituée. C’est ce que nous examinerons à travers les points suivants :

1. Définition et caractéristiques de l’autorité islamique

Les textes coraniques permettent de cerner les principales caractéristiques de l’autorité religieuse islamique à laquelle les gens se réfèrent pour connaître leur religion :

• Le savoir : « Demandez donc aux gens du rappel, si vous ne savez pas » (Coran 16/43).

• L’expertise : « Interroge donc celui qui en est bien informé » (Coran 25/59).

• La capacité de déduire et d’appliquer : « S’ils en avaient référé au Prophète et à leurs chefs, ceux d’entre eux capables de déduire en auraient eu connaissance » (Coran 4/83). L’application nécessite la connaissance du texte et la connaissance du contexte, et donc le recours à tout ce qui aide à comprendre le texte et à comprendre le contexte.

2. Nécessité et importance de l’autorité religieuse

L’importance de l’autorité religieuse ne fait aucun doute, bien que l’islam ne reconnaisse pas de « prêtres » servant d’intermédiaires dans la relation entre l’être humain et la religion et le sacré. Il s’agit d’une autorité d’orientation et de guidée, fondée sur le statut particulier du savant vis-à-vis de ceux qui le suivent, un statut de gardien du message divin selon le titre de l’ouvrage d’Ibn al-Qayyim II‘laam al-muwaqqi‘een ‘an rabb al-‘alameen.

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34 3ème Conférence Annuelle Internationale

3. Les différents types d’autorité et leurs caractéristiques

• Les types d’autorité religieuse :

1. L’autorité juridique

2. L’autorité éducative

3. L’autorité politique et d’organisation de la cité

• La conception de l’autorité religieuse chez les sunnites et chez les chiites

• L’autorité islamique entre jugement critique et fonction politique

• Le rôle de la fatwa et les caractéristiques du mufti

• L’individu responsable musulman entre la responsabilité du choix d’une autorité et l’attitude d’imitation et de conformisme. Muhammad ibn Sîrîn a dit, d’après Muslim : « Ce savoir est religion, prenez garde de qui vous recevez votre religion », et Ibn Najîm a dit : « L’individu ordinaire qui ne suit aucune école a pour école la fatwa de son mufti. »

4. Les éléments constitutifs de l’autorité islamique dans la réalité

• Le savoir

• La capacité de communication

• L’utilisation des médias

• Le statut et la fonction religieuse

5. L’autorité religieuse dans le contexte européen

• Dans le contexte européen, l’autorité religieuse est représentée par :

• L’autorité locale, au niveau de la mosquée, de l’association, de la ville.

• L’autorité nationale au niveau d’un seul pays, représentée par des indi-vidus ou des institutions, qui peuvent être des conseils des imams ou des organismes savants spécialisés dans la fatwa.

• L’autorité européenne, représentée essentiellement par l’expérience du Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche.

• L’autorité internationale, représentée par les organisations de juristes et les organismes de fatwa connus.

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35Intervenants : Discours Islamique

6. Problématiques particulières à l’autorité islamique

Un certain nombre de problématiques se posent aujourd’hui en ce qui concerne l’autorité religieuse islamique, en particulier :

• La multiplicité des sources et le défi de « l’autorité électronique » à laquelle tout le monde a facilement accès.

• Le niveau de conscience religieuse des musulmans et son influence sur le choix de l’autorité à laquelle ils se réfèrent dans les questions liées à leur religion.

• L’autorité entre la souveraineté du Texte (en référer à Dieu et au Prophète) et le pouvoir d’orientation détenu par le savant.

• L’autorité islamique entre nature individuelle (un savant, un prédicateur) et nature collective (un conseil, un organisme juridique).

• L’autorité islamique et le besoin de complémentarité entre ce qui relève de la loi religieuse et ce qui relève des caractéristiques de l’être humain, de la société ou de la nature.

• L’autorité islamique entre les exigences de la loi religieuse et les exigences de la mise en œuvre d’une législation.

• L’autorité islamique entre la pluralité des interprétations et des écoles et le besoin d’unité dans les fatwas et l’orientation religieuse sur les questions générales.

• L’autorité religieuse entre universalité et contextualisation.

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36 3ème Conférence Annuelle Internationale

BiographieLe Docteur Brown est titulaire d’une licence d’histoire de l’Université de Georgetown (2000) et d’un docto-rat en Langues et Civilisations du Proche-Orient de l’Université de Chicago (2006). Il a étudié et effectué des recherches en Egypte, en Syrie, en Turquie, au Maroc, en Arabie Saoudite, au Yémen, en Afrique

du Sud, en Inde, en Indonésie et en Iran. Il a publié les ouvrages suivants : La canonisation d’al-Bukhari et Muslim : formation et fonction du canon sunnite du hadith (Brill, 2007), Muhammad : très brève introduction (Oxford University Press, 2011) et Les citations erronées de Muhammad : défis et choix dans l’interprétation de l’héritage du Prophète (Oneworld, 2014), qui a été désigné l’un des meilleurs livres sur la religion de 2014 par The Independent. Il est également l’auteur de nombreux articles dans les domaines du hadith, du droit musulman, du sala-fisme, du soufisme, de la théorie lexicale arabe et de la poésie antéislamique et il est directeur de rédaction de l’Encyclopédie Oxford de l’islam et du droit. Les recherches actuelles du Docteur Brown portent sur les conflits modernes, la réforme islamique et une traduction du Sahih al-Bukhari. Le Docteur Brown est actuellement titulaire de la chaire Alwaleed bin Talal de civilisation islamique à l’École de diplomatie de l’Université de Georgetown et Directeur adjoint du Centre Alwaleed bin Talal pour la Compréhension entre musulmans et chrétiens.

TitreComment une fatwa devient-elle contraignante ? La preuve et l’autorité à une époque de controverse politique.

ResuméLa présente communication porte sur la question de la conceptualisation et de la compréhension de l’autorité religieuse et savante chez les musulmans en Occident aujourd’hui, avec un accent particulier sur les muftis et les éléments de fatwas qui obtiennent l’adhésion du public. Elle abordera également le rôle de l’État et l’avalisation des muftis par l’État.

Jonathan Brown

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37Intervenants : Discours Islamique

BiographieMaître de conférences en théorie politique à l’Université du Caire et à l’Université américaine du Caire, la Docteure Heba Raouf Ezzat a été aupa-ravant chercheure invitée à l’Université de Californie à Berkeley en 2010 et à l’Université Georgetown en 2012. Elle est chercheure invitée à la Faculté

d’Économie de Londres pour 2015-2016. On lui doit de nombreuses études en anglais et en arabe sur les concepts de citoyenneté, de démocratie globale, de société civile globale et d’épistémologie islamique. Elle est également renommée comme chercheure dans le domaine de la femme et des questions du genre dans la perspective islamique. Ses dernières publications en langue arabe en 2015 sont « L’imaginaire politique des islamistes » et « Vers un nouvel esprit citoyen ».

TitreAu-delà de l’État islamique : les malaises de la démocratie et l’avenir du monde.

ResuméNous nous intéresserons ici à la notion d’État islamique depuis la révolution iranienne et aux différents modèles qui ont suscité la critique du discours démo-cratique libéral dans le monde arabe et au-delà. Bien que les Frères Musulmans aient modifié leurs outils conceptuels en fondant désormais leur discours davan-tage sur « l’application de la sharia » que sur « l’établissement du califat », leur imaginaire politique s’est construit sur le modèle de l’État-nation westphalien.

Après les révolutions arabes, la notion d’État islamique a été mise en cause, l’in-fluence grandissante des islamistes les faisant accuser de récupérer la révolution. Le renversement du premier président égyptien élu, un an après son accession au pouvoir, par un coup d’état militaire soutenu par des millions d’opposants aux Frères Musulmans, a été un coup rude porté à la notion d’État islamique ; il est intéressant de noter toutefois que la nouvelle élite au pouvoir a tenté d’asseoir

Heba Raouf Ezzat

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38 3ème Conférence Annuelle Internationale

sa légitimité sur des fondements religieux tout en s’affirmant laïque. La menace grandissante de Daesh a lié la notion à la violence excessive ou au terrorisme.

Parallèlement, la scène régionale a vu le déclin du modèle de l’État-nation terri-torial en Irak, en Libye, en Syrie et au Yémen.

Sur le plan mondial, des études récentes ont montré la crise du modèle westphalien de l’État-nation. Le problème qui se présente devant nous est-il « l’islamité » de l’État ou la corrosion du modèle de l’État souverain ?

Nous aborderons ces questions et ces problématiques liées, dans l’optique de dépasser la simple évaluation de la faisabilité de l’État moderne pour nous inter-roger sur les nouvelles formes d’ordre politique qui constituent un défi pour l’État souverain mais aussi pour la notion même de citoyenneté.

Larabi Becheri

BiographieLe Docteur Becheri a obtenu son doctorat au Département d’Études orientales de l’Université d’Aix avec une thèse intitulée L’analogie selon Al-Ghazali. Il est membre du Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche (CEFR) et de l’Union internationale des Savants musulmans. Il enseigne depuis vingt ans à

l’Institut Européen des Sciences Humaines de Château-Chinon (IESH) en tant que Professeur de Fiqh et de Jurisprudence et Professeur d’Études de troisième cycle. Le Docteur Becheri est actuellement Directeur scientifique de l’Institut Européen des Sciences Humaines de Château-Chinon, France.

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39Intervenants : Questions du genre

BiographieLe Docteur Al Ghahtani est titulaire d’un docto-rat en Usul al-fiqh (fondements de la jurisprudence islamique) et d’un master en al-Siyasa al-Shar’iyyah (théorie politique islamique). Il est expert auprès de l’Académie de jurisprudence islamique de l’Organisation de la Conférence islamique (OIC)

ainsi qu’en droit humanitaire international auprès de l’organisation du Croissant Rouge affiliée à l’OIC ; il est professeur invité à l’Institut Européen des Sciences Humaines, France. Il est membre des organes directeurs de plusieurs associations scientifiques et sociales, en particulier le conseil d’administration de l’Assemblée Mondiale et la Jeunesse Musulmane (WAMY) et le comité scientifique de la Commission des Droits de l’Homme du Royaume d’Arabie Saoudite. Le Docteur Al Ghahtani a publié une vingtaine d’articles de recherche dans des périodiques universitaires et des revues internationales et participé à d’autres travaux collectifs. Il a pris part à plus de soixante-dix congrès internationaux et plus de quarante séminaires nationaux et internationaux. Il contribue régulièrement au supplément « Patrimoine » du journal international al-Hayat et a publié de nombreux articles dans des magazines, journaux et sur des sites internet, outre sa participation à des émissions de radio et de télévision. Sa publication la plus récente est Islah al-mal : dirasa fi al-dawabit al-fiqhiyya lil-mu’amalaat al-maliyya al-mu’asira ma’a muqaddima fi al-iqtisad al-islami (La réforme de la finance : étude des règles juridiques sur les transactions modernes avec une introduction à l’économie islamique), Dar al-dhakaer, al-Khubar, 2014. Le Docteur Al Ghahtani est actuel-lement professeur au Département d’Études arabes et islamiques de l’Université Roi Fahd du Pétrole et des Mines (KFUPM), Dhahran, Arabie Saoudite ; et directeur exécutif du Centre Prince Abdul Mohsin Bin Jalawi pour la Recherche et les Études islamiques, Dammam.

Mesfer Al Ghahtani

Intervenants : Questions du genre

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40 3ème Conférence Annuelle Internationale

Titre La question du genre.

Résumé La question des différences biologiques entre les hommes et les femmes est une question sensible qui s’inscrit dans le long débat résultant de l’appel universel, à notre époque, à l’égalité absolue entre les hommes et les femmes. Le grand nombre d’accords internationaux qui appellent à l’égalité et combattent les discriminations à l’encontre des femmes partent de ce principe absolu d’égalité. Parler des diffé-rences dans une perspective éthique demande donc de la prudence et une bonne compréhension, car la dimension éthique a fait l’objet de visions divergentes de la part de différents courants à notre époque. Les différences biologiques ont été invoquées dans le cadre d’une question sociale et éthique qui n’est toujours pas résolue. Cette communication tâchera donc de présenter un point de vue contribuant à définir un cadre éthique acceptable dans le domaine des différences et des points communs entre les femmes et les hommes.

Chauki Lazhar

BiographieChauki Lazhar (né en Belgique en 1980) est actuel-lement Directeur-adjoint du Centre de Recherche sur la Législation Islamique et l’Éthique (CILE) à l’Université Hamad Bin Khalifa, Qatar. Il est égale-ment membre de l’Union Internationale des Savants

Musulmans (UISM) et professeur de Sciences islamiques appliquées à l’Institut CIET de Gand, Belgique et à l’Institut Ibn Taymiyya en France. Il a étudié les sciences islamiques en France de 2003 à 2010 à l’Institut Européen des Sciences Humaines de Château-Chinon à Paris, où il a aussi mémorisé l’intégralité du Coran. Il a obtenu sa licence de Sharia et Théologie avec mention très bien et son master en Fiqh et Usûl al-Fiqh avec mention excellent. Il est actuellement doctorant en Jurisprudence et Objectifs supérieurs de la Sharia.

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41Intervenants : Questions du genre

Chauki Lazhar a enseigné dans plusieurs instituts en Belgique et en France depuis 2007. En 2012, il était maître de conférences en Sciences islamiques au Group T. International University College de Louvain, Belgique. Il a enseigné un grand nombre de cours allant du droit musulman à la théologie, à l’exégèse coranique (Tafsir), aux fondements du droit et de la jurisprudence islamiques (Usûl al-Fiqh), aux objectifs de la législation islamique et aux études sur le Coran et les hadîth. Chauki Lazhar travaille sur de nombreux thèmes de recherche dans le domaine des études islamiques, en particulier la théologie musulmane, la spiritualité, le droit et la pensée.

TitreLa question du masculin et du féminin : vers un discours islamique alternatif.

Résumé La question des rapports hommes-femmes n’a pas reçu une grande attention de la part de la pensée islamique ancienne ; il est difficile de trouver un auteur qui se soit consacré à l’étude de cette question et à plus forte raison à celle du masculin et du féminin. Or, si l’on peut considérer que les savants anciens n’avaient pas besoin de débattre et de poser les fondements intellectuels d’un grand nombre de questions de leur temps, tellement ils en avaient une perception intuitive de par leur imprégnation des principes, valeurs et objectifs de l’islam ; on peut dire inversement que leur manière d’aborder la question des rapports hommes-femmes et du masculin et du féminin était façonnée par les présupposés de leur temps plus que par les principes et les enseignements islamiques. Plus encore, les textes ont souvent été utilisés pour justifier la situation de leur époque et lus à travers le prisme des conceptions courantes sur les femmes et les hommes.

Alors que la pensée islamique a su prendre le dessus sur un grand nombre de questions et de réalités ancrées dans le contexte historique pour les remodeler en fonction des valeurs et des principes de l’islam, on peut dire que ce sont la situation des rapports hommes-femmes et les présupposés à leur sujet qui ont pris le dessus sur la pensée islamique. Par conséquent, les rapports hommes-femmes dans le contexte de l’histoire n’étaient pas fondés sur les principes islamiques relatifs à cette question, mais c’est la pensée islamique relative à la situation des femmes et des hommes qui s’est construite sur la base des présupposés de ce contexte. Ceci est à rapprocher de ce qu’a dit Malek Bennabi à propos de la pensée politique dans

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42 3ème Conférence Annuelle Internationale

le patrimoine islamique. On peut également dire la même chose de questions telles que l’esclavage ou d’autres questions où les pressions du contexte historique ont pesé sur la pensée et le discours religieux.

Les savants et penseurs contemporains auraient pu consacrer leurs efforts à faire le tri dans le patrimoine de la pensée islamique sur cette question pour distinguer ce qui relève réellement de l’islam de ce qui a été introduit, revenir aux textes de la révélation pour reformuler le discours et dégager les principes et les valeurs encadrant la juste compréhension de la question des rapports hommes-femmes ; tout cela sur la base d’une méthodologie rigoureuse. Or, la pensée islamique contemporaine a pris d’autres directions et s’est retrouvée partagée entre des tendances modernistes qui à leur tour appliquent artificiellement aux textes les présupposés du contexte de cette nouvelle époque, voire vont jusqu’à rejeter certains textes sans motif valable. Des tendances traditionnalistes qui défendent les lectures anciennes et des tendances apologétiques qui glorifient l’islam et critiquent la modernité occidentale sans présenter de lecture nouvelle authentique et cohérente. C’est ainsi que les efforts visant à formuler un discours alternatif fermement ancré dans les textes demeurent un discours marginal.

On perçoit donc l’importance des efforts requis pour formuler ce nouveau discours. Il ne s’agit pas simplement de rejeter certaines lectures anciennes ou d’apporter certaines idées, mais bien de reconsidérer sérieusement le corpus jurisprudentiel et exégétique en particulier, ainsi que les textes abordant les rapports entre les femmes et les hommes en général. Un discours islamique alternatif, quel qu’il soit, ne peut se permettre d’ignorer le corpus historique et les textes sources de la sharia et ce, pour deux raisons essentielles : d’une part, le discours islamique alternatif ne peut être formulé qu’au moyen d’une relecture des textes de la révé-lation s’appuyant à la fois sur une méthodologie synthétique et sur le patrimoine intellectuel islamique car le discours ne peut être islamique qu’en se basant sur les textes de l’islam. De plus, la lecture des savants anciens fournit des critères méthodologiques quant à la prise en compte de la nature sémantique, stylistique et structurelle du texte. D’autre part, tout discours se présentant comme alternatif au discours ancien est voué à l’échec tant qu’il n’aura pas réfuté preuves à l’appui l’importante quantité de textes fondés essentiellement sur une lecture patriarcale. Une approche contredisant ou ignorant les textes ou leur faisant dire ce qu’ils ne disent pas ne saurait représenter un discours islamique alternatif, hormis peut-être dans certains milieux universitaires restreints.

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43Intervenants : Questions du genre

Sur le plan méthodologique, la lecture patriarcale ancienne n’a pas été produite par l’application des règles de l’exégèse et des fondements de la jurisprudence, traditionnellement mises en œuvre dans la pratique de l’ijtihad. On ne peut pas trouver un seul exemple où l’une de ces règles aurait été à la source des compré-hensions et des idées patriarcales préjudiciables aux femmes. C’est au contraire la non-application de ces règles – sous l’effet de la domination des présupposés et des conceptions courantes de l’époque ou pour toute autre raison – qui a donné lieu à un grand nombre de ces lectures. De ce fait, le point de départ méthodologique de la lecture alternative ne réside pas dans la destruction de la construction méthodologique ancienne, comme le réclament certains : il s’agit bien plutôt, avant tout, de mettre en application les règles des fondements de la jurisprudence puis de compléter et de rectifier la construction méthodologique ancienne pour aboutir à une méthodologie synthétique intégrale apte à traiter les cas de détail à travers le cadre – fondé sur la doctrine, les objectifs de la législation et l’ensemble des sciences – dans lequel ils s’inscrivent. Nous évoquerons dans cette communication un certain nombre de points-clés quant à la méthodologie de la lecture alternative requise.

Mulki Al Sharmani

BiographieLa Docteure Al-Sharmani a fait des études d’anthro-pologie et obtenu son doctorat de l’Université John Hopkins (États-Unis) en 2005. De 2005 à 2010, Dr. Al-Sharmani a été enseignante et chercheure à l’Université américaine du Caire (Egypte). De 2010 à 2011, elle a été chercheure à l’Institut d’Études

Avancées d’Helsinki, Université d’Helsinki. Elle travaille actuellement à deux projets de recherche de l’Académie de Finlande, intitulés : « Le féminisme isla-mique : tradition, autorité et herméneutique » et « Les mariages musulmans trans-nationaux en Finlande : bien-être, droit et genre ». Les recherches de la Docteure Al-Sharmani portent sur deux domaines qui se recoupent. Le premier est la

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44 3ème Conférence Annuelle Internationale

relation entre la tradition interprétative islamique, le droit musulman moderne de la famille et les normes musulmanes relatives au genre. Son travail dans ce domaine s’intéresse à la manière dont la tradition interprétative islamique est comprise, contestée et utilisée dans les processus modernes de législation et de pratique juridique et dans l’élaboration des discours religieux dominants. Depuis 2011, cette démarche la conduit à examiner les projets épistémologiques entre-pris par des chercheures/activistes musulmanes de différents pays du Nord et du Sud ; ces projets se placent dans un rapport critique aux sciences religieuses islamiques en abordant les deux questions du genre et de la réforme méthodo-logique. L’autre domaine de recherche de la Docteure Al-Sharmani concerne les diasporas modernes et la vie familiale transnationale. Elle s’intéresse à la manière dont le « transnational » se constitue et se vit dans la vie familiale des migrants, ainsi que la manière dont le mariage et la vie de famille deviennent des champs sociaux où les normes religieuses et culturelles sont négociées et remodelées. Elle est actuellement chercheure à l’Académie de Finlande et maître de conférences à la Faculté de Théologie de l’Université d’Helsinki (Finlande).

TitreRegards sur la relation entre « l’éthique » et « le juridique » dans les normes musulmanes relatives au genre.

Réflexions sur les lois sur la famille et la tradition interprétative islamique.

ResuméDans une étude que nous menons actuellement (2013-2017) sur les normes et pratiques matrimoniales des migrants musulmans en Finlande, de jeunes infor-matrices, engagées dans une quête personnelle de connaissance religieuse, ont évoqué le besoin de lois religieuses organisant les droits et devoirs des époux afin de réaliser ce qui est éthique, ramenant cela au Coran et à leur compréhension de Dieu. Elles ont également parlé de rattacher les relations entre époux au devoir religieux, pour tout musulman, de s’efforcer de représenter en sa propre personne les valeurs éthiques coraniques.

Lors de recherches ethnographiques que nous avions menées précédemment (2007-2011) sur les lois égyptiennes du statut personnel, nous avions égale-ment noté que de nombreux informateurs se heurtaient à la déconnexion entre l’éthique et le juridique quant aux lois à fondement religieux qui régissaient les

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45Intervenants : Questions du genre

droits et les devoirs conjugaux. La même préoccupation était aussi exprimée par les informatrices d’une enquête plurilocalisée sur les expériences de la qiwama et de la wilaya chez des femmes de dix pays, que nous avions coordonnée dans le cadre d’un projet de recherche conduit par le mouvement Musawa.

Les préoccupations de ces femmes ordinaires de différents contextes rappellent les questions guidant les travaux d’un groupe de chercheures musulmanes qui engagent un débat critique avec la tradition interprétative islamique et sur lesquelles portent nos cinq années de recherches actuelles (2013-2018). Ces chercheures axent leur réflexion sur la question du genre et la réforme méthodologique, et s’efforcent de produire une connaissance religieuse alternative apte à retrouver les principes fondamentaux de l’éthique coranique. L’une de ces chercheures est Ziba-Mir-Hosseini (2015) qui remet en question la construction du mariage dans le fiqh classique et ses conceptions sous-jacentes sur les femmes, les hommes et les rôles liés à leur genre. Une autre est Omaima Abou-Bakr qui a entrepris dans une récente étude une lecture généalogique du concept de qiwama dans les ouvrages de tafsir sur une période de dix siècles. Abou-Bakr décèle systématiquement les présupposés sur les identités liées au genre qui ont façonné le travail d’inter-prétation des exégètes, elle analyse leurs méthodes interprétatives et identifie le processus historique par lequel ils ont créé cumulativement une construction patriarcale de la qiwama. Le fil thématique commun qui relie les travaux de ces chercheures et de beaucoup d’autres est que les principes éthiques fondés sur le Coran doivent être retrouvés et servir à la construction de normes islamiques réformées en matière de genre.

Nous aborderons dans cette communication la relation tendue entre le juridique et l’éthique dans les normes musulmanes contemporaines relatives au genre. Sur la base des conclusions des études susmentionnées, nous nous pencherons sur la manière dont la question du genre dans la tradition juridique islamique (et ses manifestations modernes dans les codes de la famille et les normes dominantes relatives au genre) illustre parfaitement la déconnexion entre l’éthique et le juri-dique. Nous mettrons en évidence les problèmes résultant de ce fossé au niveau du vécu des femmes et des hommes, tout comme au niveau des discours religieux et des savoirs interprétatifs dominants. Notre objectif est de donner des pistes pour repenser le « genre » dans un cadre islamique, sur la base encore une fois de la connaissance expérimentale des informatrices et de la clairvoyance interprétative des chercheures étudiées.

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46 3ème Conférence Annuelle Internationale

Biographie La Docteure El Mossalli est titulaire d’un doctorat dans le domaine de l’Histoire et de la Civilisation isla-miques et d’un diplôme de troisième cycle en Pensée et Civilisation. Elle est engagée en politique aux côtés du Parti pour la Justice et le Développement, qui dirige le gouvernement actuel du Maroc après avoir

remporté les dernières élections législatives. La Docteure El Mossalli milite depuis longtemps pour les droits des femmes. Au Maroc, elle est membre du Forum « Al-Zahraa » qui œuvre à conscientiser les femmes et milite pour leur participa-tion dans les sphères économique, sociale et politique du pays. Elle est également directrice-fondatrice du Centre Al Wiam pour l’Assistance familiale (Al Wiam), membre de la Commission nationale sur la mise en œuvre du Fonds de Soutien à l’Encouragement de la Représentation des Femmes, de la Commission marocaine de Dialogue national, du Bureau exécutif des Parlementaires marocains contre la Corruption, de l’Association pour le Renouvellement des Auteurs (Amman). Elle a aussi fait partie du Comité pour l’Égalité et contre les Discriminations à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle a à son actif de nombreuses publications relatives à la famille et à l’engagement des femmes dans la politique et le développement social, dont les ouvrages Al-musharaka as-siasyya li-al-mar’a bayn al-waqi’ wal-ma’mul (La participation politique des femmes, entre réalité et espérance), publié en 2009 par le Centre Al Wiam, et Al-haraka al-nisa’iyya fi al-maghrib al-mu’asir : ittijahat wa-qadaya (Le féminisme dans le Maroc contem-porain), publié par le Centre d’Études d’Al Jazeera en 2013. Elle est actuelle-ment députée (depuis 2002) ainsi que secrétaire (depuis 2011) de la Chambre des Représentants du Maroc. Elle est professeure invité à la Faculté de Droit de l’Université Mohammed V.

TitreLes bases des rapports hommes-femmes dans la législation islamique.

Jamila Mossalli

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47Intervenants : Questions du genre

RésuméLe besoin de communication entre les cultures, l’universalité des valeurs humanistes de l’islam, l’image négative de la femme musulmane dans les sociétés occidentales et l’omniprésence des débats sur les rapports hommes-femmes dans les sociétés modernes sont quelques-uns des motifs qui nous ont poussés à nous pencher sur ce sujet de recherche.

Nous aborderons la question des rapports hommes-femmes dans la cadre des grands concepts et principes et des règles globales fondamentales qui se dégagent du Coran et de la sunna. L’islam a en effet formulé un certain nombre de concepts, dont ceux qui encadrent d’une manière générale la conception islamique de l’être humain, de l’univers et de la vie, ceux qui fondent la théorie de la connaissance et ceux qui fondent le comportement en islam. Ces principes sont par exemple, le concept de la gérance, le concept de la dignité de l’être humain homme ou femme, le concept de l’égalité entre les êtres humains, le concept de la bonne gestion de la terre, ou encore le concept de l’origine unique de l’humanité.

Certains concepts sont la base de principes et de lois qui encadrent la concep-tion islamique de la question sociale et de la famille en particulier : le principe du mariage, le principe de l’égalité, le principe de l’autonomie, le principe de la complémentarité des rôles et des fonctions entre les deux sexes, l’encouragement au mariage, le principe de l’affection et de la bonté, le principe du bon compor-tement, la règle de la prédominance du respect dans la relation conjugale et celle de la prédominance de la bienveillance.

Il convient d’exploiter tous les outils fournis par la méthodologie des fondements du droit musulman, en particulier dans le courant réformateur de la pensée musulmane contemporaine. Il faut relier les prescriptions islamiques les unes aux autres et avoir une vision d’ensemble où les détails sont examinés à la lumière des grands principes, des objectifs et des fondements.

Le traitement de concepts comme la qiwâma (autorité) nécessite un réexamen de l’image de la femme dans le discours islamique sur la base du Coran et de la sunna. Les concepts fondamentaux du discours coranique ne peuvent être dégagés qu’à travers une vision synthétique globale des structures cognitives présentes dans le Coran et la sunna authentique.

Il faut partir de l’époque de la révélation, en tant qu’époque fondatrice. C’est à cette époque que les femmes ont pris conscience de leur rôle véritable : elles ont

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48 3ème Conférence Annuelle Internationale

fait allégeance au Prophète (paix et salut à lui) à l’époque où l’islam était faible et ont été prêtes à se sacrifier pour leur foi. Les femmes de l’époque prophétique et des premiers temps de l’islam ont prouvé qu’elles étaient conscientes de leur véritable rôle dans la vie. De même, les rapports hommes-femmes étaient spon-tanément régis par le code éthique fondant la société.

La conception islamique des rapports hommes-femmes doit donc être encadrée par les règles méthodologiques suivantes : il faut d’abord faire la distinction entre les principes établis de la sharia et les interprétations variables, les positions des juristes relatives aux femmes ont abouti à beaucoup d’exagérations et de confusions en raison des contextes sociaux et politiques qui les ont produites ; à l’époque du déclin, avec la fermeture de l’ijtihad et la prédominance du taqlid, la situation des femmes s’est dégradée tandis que les musulmans s’éloignaient de la bonne compréhension du message de l’islam et du rôle de l’être humain dans la gestion de la terre.

Il convient également de distinguer la situation des musulmans et la religion musulmane. Les prescriptions relatives à la femme doivent être expliquées dans leur ensemble et non pas séparément. On ne peut pas comprendre la législation portant sur les femmes et les rapports entre les sexes en partant des détails, car il s’agit d’une structure cohérente et complémentaire dont les différents éléments s’expliquent les uns les autres. Le principe même de la sharia est que les différentes prescriptions ne sont pas à prendre séparément mais se comprennent dans leur intégralité et leur complémentarité. Ceci nous amènera à un certain nombre de conclusions.

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