Intérêt de la dobutamine à domicile dans l’insuffisance cardiaque sévère

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Pour citer cet article : Duc J. Intérêt de la dobutamine à domicile dans l’insuffisance cardiaque sévère. Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002 ARTICLE IN PRESS Modele + MEDPAL-441; No. of Pages 6 Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com SOINS PALLIATIFS ET ÉTHIQUE Intérêt de la dobutamine à domicile dans l’insuffisance cardiaque sévère Home treatment of severe heart failure with dobutamine: Is it worth it? Jimmy Duc 30, boulevard Jean-Jaurès, 37300 Joué-lès-Tours, France Rec ¸u le 26 juin 2013 ; rec ¸u sous la forme révisée le 1 er ecembre 2013; accepté le 18 ecembre 2013 MOTS CLÉS Dobutamine ; Insuffisance cardiaque terminale NYHA IV ; Mortalité ; Coûts ; Espérance de vie ; Soins palliatifs Résumé L’insuffisance cardiaque est une des premières causes d’hospitalisation et réhospi- talisation de la population âgée ce qui engendre des surcoûts financiers importants. Dans ce contexte épidémiologique, l’enjeu majeur est de connaître l’impact du traitement aminergique intraveineux en continu à domicile, sur la morbimortalité et les coûts financiers. À partir d’un cas clinique, l’intérêt et l’usage de la dobutamine dans l’insuffisance cardiaque réfractaire sont explorés dans la littérature, en particulier, son impact sur l’espérance de vie, sur la capacité fonctionnelle du patient et sur les coûts de la santé. En raison de l’absence d’étude randomisée prospective en double insu à grande échelle, il est impossible de prouver l’efficacité de ce trai- tement sur la capacité fonctionnelle, la mortalité et les coûts financiers. Toutefois, de fac ¸on empirique, l’utilité de la dobutamine en perfusion continue n’est que peu remise en cause pour l’amélioration de la capacité fonctionnelle chez les patients en insuffisance cardiaque termi- nale. En ce qui concerne l’espérance de vie, malgré l’absence de preuve statistique claire, on retrouve une tendance à la surmortalité dans une population d’insuffisants cardiaques sévères non transplantables lors de l’administration de dobutamine au long cours. Un des premiers objectifs de l’administration de dobutamine en perfusion continue est le maintien à domi- cile le plus longtemps possible. Malgré un rapport bénéfice/risque faible, l’administration de dobutamine en continu à domicile paraît justifiée chez les patients en insuffisance cardiaque NYHA IV, réfractaires au traitement, récusés à la greffe et à l’assistance ventriculaire, avec un pronostic à moyen terme compromis (moins de 6 mois). © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Adresse e-mail : [email protected] http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002 1636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

SOINS PALLIATIFS ET ÉTHIQUE

Intérêt de la dobutamine à domicile dansl’insuffisance cardiaque sévère

Home treatment of severe heart failure with dobutamine: Is itworth it?

Jimmy Duc

30, boulevard Jean-Jaurès, 37300 Joué-lès-Tours, France

Recu le 26 juin 2013 ; recu sous la forme révisée le 1er decembre 2013; accepté le 18 decembre2013

MOTS CLÉSDobutamine ;Insuffisancecardiaque terminaleNYHA IV ;Mortalité ;Coûts ;Espérance de vie ;Soins palliatifs

Résumé L’insuffisance cardiaque est une des premières causes d’hospitalisation et réhospi-talisation de la population âgée ce qui engendre des surcoûts financiers importants. Dans cecontexte épidémiologique, l’enjeu majeur est de connaître l’impact du traitement aminergiqueintraveineux en continu à domicile, sur la morbimortalité et les coûts financiers. À partir d’uncas clinique, l’intérêt et l’usage de la dobutamine dans l’insuffisance cardiaque réfractaire sontexplorés dans la littérature, en particulier, son impact sur l’espérance de vie, sur la capacitéfonctionnelle du patient et sur les coûts de la santé. En raison de l’absence d’étude randomiséeprospective en double insu à grande échelle, il est impossible de prouver l’efficacité de ce trai-tement sur la capacité fonctionnelle, la mortalité et les coûts financiers. Toutefois, de faconempirique, l’utilité de la dobutamine en perfusion continue n’est que peu remise en cause pourl’amélioration de la capacité fonctionnelle chez les patients en insuffisance cardiaque termi-nale. En ce qui concerne l’espérance de vie, malgré l’absence de preuve statistique claire, onretrouve une tendance à la surmortalité dans une population d’insuffisants cardiaques sévèresnon transplantables lors de l’administration de dobutamine au long cours. Un des premiersobjectifs de l’administration de dobutamine en perfusion continue est le maintien à domi-cile le plus longtemps possible. Malgré un rapport bénéfice/risque faible, l’administration dedobutamine en continu à domicile paraît justifiée chez les patients en insuffisance cardiaque

itement, récusés à la greffe et à l’assistance ventriculaire, avec un

NYHA IV, réfractaires au tra

Pour citer cet article : Duc J. Intérêt de la dobutamine à domicile dans l’insuffisance cardiaque sévère. Médecine palliative— Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002

pronostic à moyen terme compromis (moins de 6 mois).© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Adresse e-mail : [email protected]

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.0021636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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KEYWORDSDobutamine;NYHA class IV heartfailure;Mortality;Life expectancy;Financial costs;Palliative care

Summary Heart failure is a leading cause of hospitalisation and rehospitalisation of theelderly population, which leads to significant financial burden. In this epidemiological context,a major challenge is to know the impact of continuous intravenous aminergic treatment at homeon morbidity, mortality, and economic costs. After the description of a clinical case, the benefitsand the use of dobutamine at home in severe heart failure are explored in the scientific litera-ture, particularly its impact on life expectancy, patient’s functional capacity and health carefinancial costs. As a large, prospective, double-blind, randomized, controlled trial is missing, itis impossible to demonstrate the efficacy of this treatment on functionality, mortality and finan-cial costs. However, clinical experience demonstrated that continuous infusion of dobutamineimproves the functional capacity of patients with severe heart failure. Regarding life expec-tancy, there is a trend of increased mortality with home intravenous dobutamine administrationin the population with severe heart failure excluded from transplantation. A primary objectiveof the home intravenous administration of dobutamine is to allow the patient to stay at home aslong as possible. Despite a low benefit/risk ratio, the continuous intravenous administration ofdobutamine at home seems justified in patients with NYHA class IV heart failure, unresponsiveto the conventional therapy, excluded from transplantation and ventricular device, and havinga poor mid-term prognosis (less than 6 months).© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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hpintraveineux, puis per os. La posologie du diurétique

ntroduction

’insuffisance cardiaque est une des premières causes’hospitalisation et de réhospitalisation de la populationgée. Cela engendre des surcoûts financiers importants. Leecours au traitement inotrope est une option thérapeutiquetablie de longue date chez les patients en insuffisance car-iaque NYHA IV (classification en quatre stades de la Nework Heart Association des symptômes de l’insuffisance car-iaque), avec une fraction d’éjection ventriculaire gauchenférieure à 30 % et réfractaires au traitement.

Toutefois, l’impact du traitementaminergique intraveineux en continu à domicile,

sur la morbimortalité et les coûts financiersreste mal défini.

Les recommandations plus récentes n’apportent pas pluse clarté. En effet, celles de l’American Heart Associa-ion/American College of Cardiology (Société américainee cardiologie) de 2006 classent l’administration en perfu-ion continue d’inotrope chez les patients avec symptômeséfractaires en classe IIb (utilité/efficacité moins bien éta-lie par l’opinion d’experts).

Le flou actuel réside dans l’absence d’étudeprospective à large échelle randomisée en

double insu.

Ce manque est en partie dû à la difficulté d’effectuer des

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tudes placebo—contrôle dans une population d’insuffisantsardiaques NYHA IV symptomatiques.

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as clinique

l s’agit d’un patient âgé de 54 ans, connu pour une car-iopathie ischémique sévère avec une fraction d’éjectionentriculaire gauche effondrée à 25 %, avec insuffisanceitrale de sévérité moyenne (IM 3-4), diagnostiqué à

’étranger quelques années auparavant. Son suivi car-iologique à Lyon a débuté en décembre 2011. Uneevascularisation par pontage a été réfutée après discussionultidisciplinaire, en raison de l’absence de viabilité au test’ischémie non invasif : imagerie par résonance magnétiqueIRM) myocardique. Un défibrillateur monochambre à but derévention primaire a été posé en juin 2012.

Le patient a été hospitalisé en août 2012, dans le cadre’une insuffisance cardiaque à bas débit. Durant ce séjour,n bilan de prégreffe cardiaque a été effectué. Le cathété-isme droit a montré une hypertension artérielle pulmonairevec une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPM) à5 mmHg non réversible après administration de dobuta-ine. Il a donc été conclu à une hypertension artérielleulmonaire fixée et le patient a été récusé pour mise suriste d’attente de greffe cardiaque.

Le patient a de nouveau été hospitalisé en octobre012 pour une insuffisance cardiaque à bas débit. Un supportar traitement aminergique de noradrénaline et dobutamine’est alors avéré temporairement nécessaire. L’aquaphérèsetait contre-indiquée chez ce patient avec antécédents’hémorragie digestive. À sa sortie, le traitement médica-enteux comprenait de la spironolactone, des inhibiteurs de

’enzyme de conversion, un diurétique de l’anse de Henle etu bisoprolol.

Malgré l’optimisation du traitement, le patient a étéospitalisé une nouvelle fois en janvier 2013 pour décom-ensation cardiaque. Il a d’abord été traité par diurétique

e dans l’insuffisance cardiaque sévère. Médecine palliative://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002

e l’anse a été augmentée et un thiazidique a étéjouté. Le traitement anti-hypertenseur est resté à une

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Intérêt de la dobutamine à domicile dans l’insuffisance card

posologie minimale, en raison du profil tensionnel plutôtbas.

Quelques semaines plus tard, le patient a été admis ànouveau pour une insuffisance cardiaque à bas débit, avecoligurie. Sous dobutamine, le patient a récupéré un étathémodynamique stable, avec une diurèse conservée. Lesevrage de la dobutamine s’est cependant avéré impossibleà cause d’une dégradation rapide de l’état hémodynamiquedès la moindre tentative.

Finalement, après discussion interdisciplinaire, en rai-son des contre-indications médicales mentionnées plus hautet compte tenu du contexte social précaire du patient,l’objectif thérapeutique définitif retenu a été un supportaminergique à but inotrope positif en injection intravei-neuse continue à domicile. Le traitement inotrope choisiétait une perfusion de dobutamine, avec un débit de9 �g/kg/min.

Six semaines après son transfert en unité convention-nelle, le patient restait stable sous dobutamine au mêmedosage, avec une diurèse conservée et un poids stable.L’autonomie était satisfaisante aux déplacements et il pré-sentait une dyspnée résiduelle de stade NYHA I—II. Uneamélioration des valeurs échocardiographiques sous dobu-tamine (débit : 3,2 L/min) était constatée. L’insuffisancemitrale était cette fois modérée, avec une surface de régur-gitation à 18 mm2. Le retour à domicile a été organisé,avec mise à disposition d’un logement-studio intégré dansun foyer d’accueil et visite des infirmières à domicile auquotidien. Un mois après sa sortie, le patient était stableet présentait toujours une dyspnée NYHA stade I-II. Il estautonome à son domicile.

Revue de la littérature

Méthode

Une recherche exhaustive de la littérature a été effec-tuée à l’aide du moteur de recherches sur Internet Pubmed(base de données MEDLINE), en utilisant les termes duMedical Subject Heading (MeSH). Les mots clés suivantsont été utilisés en faisant des associations : « traitementinotrope positif » avec « insuffisance cardiaque terminale »et « traitement inotrope positif » avec « soins palliatifs ». Iln’y a pas eu de délimitation temporelle dans la revue de lalittérature. Finalement, les articles utilisés ont été classéselon leur valeur EBM (médecine basée sur les preuves)dans la bibliographie : randomized control trial (étuderandomisée), multi center study clinical trial (étude mul-ticentrique), research (étude), comparative study (étudecomparative), case report (cas clinique), review (revue dela littérature).

Pharmacologie des différents traitementsinotropes utilisés en intraveineux à domiciledans l’insuffisance cardiaque terminale

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L’amrinone et la milrinone (molécule analogue del’amrinone) ne sont pas sympaticominergiques. Leuraction se concentre sur l’inhibition de la phosphodiestérasece qui augmente l’activité de l’AMP cyclique et améliore

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PRESSe sévère 3

insi la contractilité myocardique. Ces deux molécules ontne activité inotrope positive, chronotrope négative etasodilatatrice (baisse de la postcharge).

La dopamine, à faible dosage, stimule les récepteursopaminergiques rénaux et augmente ainsi le débit de per-usion rénale. À dosage intermédiaire (1—2 �g/kg/min), lesécepteurs �1 sont stimulés avec effet inotrope positif. Àlus forte posologie, la stimulation �1 adrénergique causene vasoconstriction. Cette dernière action augmente laostcharge et aggrave l’insuffisance cardiaque congestive.

L’efficacité de la dobutamine s’exprime essentielle-ent en agissant sur les récepteurs �1 du myocarde (effet

notrope positif) et en moindre intensité sur les récep-eurs �2 (effet vasodilatateur). Elle présente donc un effetavorable sur la postcharge et la fonction systolique du myo-arde.

ecommandations d’utilisation des différentsraitements inotropes utilisés

es études portées sur l’amrinone comme la milrinone ontté terminées prématurément en raison d’une surmortalitéar rapport au groupe placebo [1]. Il n’y a pas de consen-us pour la posologie (0,375 et 0,5 �g/kg/min), ni pour laorme d’administration : en continu ou par intermittence.ar ailleurs, l’amrinone montre un profil de sécurité cli-ique défavorable avec 20 % de thrombopénie, des cas deysfonction hépatocellulaire et la survenue d’arythmie ven-riculaire.

La dopamine est très peu utilisée à domicile, en raisone son effet proarythmogène.

La dobutamine intraveineuse est retenuecomme traitement aminergique de choix au long

cours en cas d’insuffisance cardiaque sévère.

Ce choix se base plutôt sur sa longue expérience’utilisation [2]. Bien qu’il soit le traitement conseillé, sesffets secondaires sont à connaître et en particulier sonffet proarythmogène [3]. Celui-ci est secondaire à la sti-ulation �1 et reste lié aux forts dosages. La dobutamine

ugmente la consommation d’oxygène, ce qui peut avoir unffet délétère dans la cardiopathie ischémique dilatée.

uel est le dosage optimal de la dobutamine ?

a dose optimale de dobutamine n’a pas été clairementtablie. La pratique reste très empirique et se base égale-ent sur les différentes études observationnelles effectuées

usqu’à ce jour [4]. On précise que la dose doit être déter-inée avant la sortie de l’hôpital et avoir comme objectif

niquement un support hémodynamique suffisant (entre 2 et5 �g/kg/min) [2]. Mais les recommandations parlent deoses idéalement inférieures à 7,5 �g/kg/min [5].

omment administrer ce traitement : en

e dans l’insuffisance cardiaque sévère. Médecine palliative://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002

ontinu ou par intermittence ?

e développement d’une tolérance avec diminution de’expression des récepteurs � est l’inconvénient principal

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e l’administration continue, par rapport à l’administrationntermittente [3]. Cependant, l’administration intravei-euse intermittente est suspectée d’augmenter la mortalitéhez les patients non transplantables en insuffisanceardiaque terminale [6]. Son utilisation n’est donc pasecommandée (selon les recommandations de la Sociétéméricaine de cardiologie [ACCA en 2005] classe III) [7].ette suspicion de hausse de mortalité se base avant toutur des études de petite taille et de faible puissance statis-ique [6]. On relève l’étude de Leier et Binkley qui présentene méthodologie controversée : les doses de dobutaminetilisées y sont très élevées [8]. Les résultats de Elis et al.ont également discutables [9]. À première vue, la survieoyenne était de 4,6 mois dans le groupe dobutamine contre

,9 mois dans le groupe témoin. Toutefois, après vérificationtatistique, la courbe de Kaplan Meier ne montre pas de dif-érence significative des courbes de survie entre les deuxroupes.

Plus impactant, l’étude prospective, randomisée enouble insu, sur une population de 60 patients de Diest al. montre une augmentation nette de mort subite danse groupe traité par dobutamine intermittente (au total :0 décès, dont 15 dans le groupe dobutamine et cinq danse groupe placebo) [10]. Toutefois, la valeur des résultatse ce travail est également discutable. En effet, plusieursatients décédés faisaient partie du groupe placebo et lorse l’aggravation de leur insuffisance cardiaque, ils sont pas-és du bras « placebo » au bras « dobutamine ».

mpact sur la morbidité, la capacitéonctionnelle du patient

a capacité fonctionnelle du patient se caractérise par laapacité physique, l’autonomie du patient voire même sonien-être. Indirectement, elle se répercute sur le nombre’hospitalisations. Divers méthodes peuvent être utiliséesour la quantifier tels que des questionnaires, classifica-ion des symptômes (par exemple : score NYHA) et épreuvesonctionnelles.

Pour mesurer l’impact de la dobutamine sur la capa-ité fonctionnelle, la classification NYHA et fréquemmenttilisée. Plusieurs études concernant soit l’administrationontinue ou intermittente de dobutamine ont montré unemélioration dans la classification NYHA [11—15]. Pouresurer le degré d’amélioration clinique, d’autres études

’appuient sur des épreuves fonctionnelles. C’est le casar exemple d’une ancienne étude randomisée, qui, à tra-ers un suivi par échocardiographies, a montré une légèremélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche16]. Les tests de marche de 6 minutes effectués ont mon-ré une augmentation de la tolérance à l’effort. L’étuderospective effectuée avec 60 patients et déjà mention-ée plus haut, a utilisé l’électrocardiogramme d’effort10]. Elle a pu montrer une amélioration significativees performances physiques dans le groupe recevant laobutamine.

Cependant, le niveau des recommandations reste faible

Pour citer cet article : Duc J. Intérêt de la dobutamine à domicil— Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014), http

our convaincre de l’efficacité du traitement inotrope dans’amélioration de la capacité fonctionnelle du patient. Cela’explique à nouveau par la petite taille des échantillonsopulationnels de ces études.

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PRESSJ. Duc

Toutefois, malgré l’absence d’appuistatistique, l’expérience clinique parle plutôt enfaveur d’une amélioration nette des symptômeset de l’état clinique lors de l’administration de

dobutamine dans l’insuffisance cardiaquesévère.

Cela est d’autant plus flagrant lors des tentatives deevrage d’administrations prolongées de traitementsnotropes qui s’accompagnent d’une rapide détériorationlinique [4].

mpact sur la mortalité

e point traite plutôt l’incidence sur la mortalité de’administration de dobutamine en continu chez lesnsuffisants cardiaques NYHA IV. Il est vrai que la plupartes études, et séries de cas, et cas témoin n’ont pasontré d’élévation statistiquement significative de la mor-

alité. Néanmoins, dans plusieurs études, bien que parfoisurement observationnelles, des résultats plutôt inquié-ants parlent en faveur d’une tendance à la hausse dea mortalité. On peut citer par exemple, la plus grandetude de série de cas effectuée jusqu’à présent (étudeulticentrique dans 17 états aux États-Unis) qui utilise

omme base de données des patients inscrits au « Medicare »t recevant une perfusion continue d’inotropes (dobuta-ine/milrinone) à domicile [5]. Cette étude montre un

ombre impressionnant de décès à 6 et 12 mois (42,6 % et6,8 %). À relever toutefois qu’il n’y a pas eu de groupeémoin/placebo.

Un autre exemple est l’étude Flolan Internationalandomized Survival Trial (FIRST), qui montre dans une sous-nalyse, que l’administration continue de dobutamine surne période supérieure à 3 semaines était prédictive de laortalité [17]. À noter que cette étude était concue pourrédire l’effet de l’époprosténol sur la survie d’une popu-ation de 471 patients non transplantables en insuffisanceardiaque terminale. On suppose néanmoins que le pronos-ic de départ des patients mis sous dobutamine était déjàettement compromis.

Une étude rétrospective effectuée sur 24 patients a mon-ré 38 % de décès sur une période de 2,8 mois de suivi [18].ette surmortalité a été attribuée partiellement à de hautesoses de dobutamine (8,1 �g/kg/min) et à l’absence deontrôle électrolytique et rythmique durant le suivi.

Bien qu’en l’absence de preuve statistiqueclaire, l’effet d’une surmortalité de la

dobutamine au long cours est vraisemblable dansune population non transplantable avec une

insuffisance cardiaque sévère.

Cette augmentation de décès s’inscrirait dans unontexte de taux de mortalité déjà très élevé, avec unerévalence de 40 % de mortalité annuelle chez les patientsospitalisés une première fois pour une insuffisance car-

e dans l’insuffisance cardiaque sévère. Médecine palliative://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002

iaque [5]. Le risque/bénéfice de ce traitement reste doncrès étroit dans cette population et devrait a fortiori êtreéservé uniquement au cas d’insuffisance cardiaque sévèren détresse clinique réfractaire à tout traitement.

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Coûts

L’étude rétrospective de Harjai et al. a montré une dimi-nution en durée du séjour hospitalier par rapport à lapopulation sous traitement per os [18]. Cette diminutionde la longueur du séjour hospitalier se traduisait par unebaisse des coûts/frais hospitaliers. Toutefois, cet avantagefinancier s’annulait lorsque les soins à domicile étaientrajoutés et les coûts totaux restaient semblables à la périodecontrôle. Par ailleurs, les coûts des prescriptions médicalesn’ont pas été pris en compte dans cette étude. À noterque la période de contrôle (4 semaines) s’est concentréesur le même groupe de patients et s’est déroulée avantl’administration du traitement inotrope. Cela engendre unbiais potentiel, car les coûts sont différents selon la période(période de durée de l’étude 1994—1996).

Une autre revue de série de cas à grande échelle a montrédes résultats comparables [2]. Elle a montré une réductionessentiellement des coûts d’hospitalisation. Toutefois, cetteétude est également dépourvue de groupe témoin.

Problèmes clinicoéthiques

La prise en compte de l’impact sur la qualité de vie devraitfaire partie des objectifs thérapeutiques.

Cependant, contrairement à la capacitéfonctionnelle du patient qui peut être mesuréeobjectivement, le concept de qualité de vie est

difficile à quantifier.

Jusqu’à présent, des questionnaires ciblés étaient utili-sés comme instruments de mesure. Cependant, ces résultatssont sensibles à des biais. Par exemple, des symptômesdépressifs associés à la gravité de la maladie (insuffisancecardiaque sévère) sont souvent retrouvés et ceux-ci peuventmême en aggraver le pronostic [19]. Certaines études sug-gèrent que le renforcement de l’encadrement médicalet paramédical lors de l’administration intraveineuse dedobutamine en continu ou par intermittence diminue lessymptômes dépressifs et par la même occasion améliorela perception et la qualité de vie dans les questionnaires,indépendamment de l’effet réel du traitement [20].

L’acceptation du traitement par le patient et sa parti-cipation à l’orientation du projet thérapeutique sont desenjeux majeurs. Pour le premier, le maintien d’une perfu-sion en continu de dobutamine restreint considérablementl’autonomie du patient et de ce fait peut représenter unobstacle psychologique important.

Le fait d’objectiver l’utilité/efficacité dutraitement à travers des tests fonctionnels (test

de marche/électrocardiogramme d’effort)pourrait aider à mieux accepter le traitement et

à l’intégrer au quotidien.

Pour citer cet article : Duc J. Intérêt de la dobutamine à domicil— Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014), http

La participation du patient à l’orientation du traite-ment doit se faire à chaque changement thérapeutique.Soit lorsque le traitement est sevré progressivement en rai-son d’une amélioration clinique, soit au contraire lorsque

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PRESSe sévère 5

’aggravation des symptômes soulève la question de la fine vie. Dans ce dernier cas, le patient, les proches et leédecin traitant doivent avoir un rôle actif dans la déci-

ion d’arrêt du traitement. Le mode d’accompagnementoit être discuté avec le patient et les proches. Le contexteocial du patient (seul ou très entouré) détermine en grandeartie ses préférences d’accompagnement, soit en unités deoins palliatifs avec encadrement 24 heures sur 24, soit àomicile entouré de ses proches.

Un des premiers objectifs du traitement estde diminuer le nombre d’hospitalisation et de

maintenir le patient à domicile.

À ce propos, l’étude de Lopes-Candales et al. a montréue l’administration intraveineuse de dobutamine par inter-ittence diminue significativement le nombre d’admissions

n unité de soins palliatifs chez les patients en insuffisanceardiaque sévère NYHA IV avec pronostic vital (moins de

mois) et éligible initialement pour cette structure [20].L’infrastructure de soins à domicile doit être adaptée,

ais celle-ci présente des limites. C’est le cas par exemplee la surveillance télémétrique, qui n’y est pas toujoursnvisageable. Pourtant, l’effet proarythmogène de la dobu-amine est probablement sa première cause de mortalité.’où l’importance de cibler une population de patientshez qui le bénéfice clinique de ce traitement s’impose sur’espérance de vie. On pense alors aux patients en insuffi-ance cardiaque sévère symptomatique réfractaire à toutraitement avec un pronostique vital estimé à moins de

mois.Par ailleurs, la problématique du risque d’arythmie

aligne soulève le débat de la nécessité du port de défi-rillateur à but préventif avant de débuter ce traitement.

onclusion

ce jour, nous n’avons toujours pas d’étude prospective grande échelle, randomisée, double insu sur l’utilité desnotropes au long cours dans les patients en insuffisance car-iaque terminale. Ainsi, les questions sur les coûts, le typee traitement, la posologie, l’impact sur la qualité de vie,a mortalité, restent toujours sans réponse précise.

Toutefois, plusieurs observations suggèrent une augmen-ation de la mortalité des patients sous inotropes au longours et non transplantables. Cette hausse de la morta-ité serait d’autant plus accentuée, que la population sousobutamine présente un stade avancé de son insuffisanceardiaque.

Cependant, l’évolution clinique des patients en insuffi-ance cardiaque NYHA IV, récusés à la greffe et à l’assistanceentriculaire, est souvent dramatique (dyspnée, œdèmeses membres inférieurs, hypoperfusion systémique, perte’autonomie fonctionnelle) et présente peu de réponse auxraitements conventionnels. Dans ce cas, l’administratione dobutamine en continu à domicile paraît justifiée. Tou-

e dans l’insuffisance cardiaque sévère. Médecine palliative://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.002

efois, le vrai rapport risque/bénéfice demeure toujoursbscur.

À l’avenir, avec l’extension de l’implantation des défibril-ateurs, on pourrait s’attendre à voir dans la population en

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nsuffisance cardiaque NYHA IV une diminution de la mor-alité secondaire à un trouble du rythme cardiaque. Celaourrait peut-être modifier l’impact de la dobutamine auong cours sur la mortalité.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

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