Intailles antiques de Corse

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Inventaire et nouvelles découvertes

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Intailles antiques de Corse

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Collection I Brevi

Alain Pasquet, L’Ospedale – U Spidali, 2014.Jean Rabaté, Les mutins de Calvi, 2014.

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Alain Pasquet et Virgile Ortoli

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Ouvrage réalisé avec le concours de la mairie de Lecci de Porto-Vecchio.

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INTAILLES ANTIQUES DE CORSE : INVENTAIRE ET NOUVELLES DÉCOUVERTES

« Intaille : nom féminin ; pierre dure gravée en creux, par opposition au camée » (Larousse en 3 volumes). La défi nition est juste concernant la gravure, mais insuffi sante pour la désignation du matériau utilisé ; peut-être eût-il fallu préciser : « le plus souvent pierre dure » (améthyste, grenat, cornaline, prase, calcédoine, etc.) mais également pâtes de verre. (H. Guiraud, 1996, 1998, 2008). L’avantage de ces dernières, outre leur faible coût de revient, est, pour les artisans verriers, la possibilité de les colorer à l’aide d’ions métalliques (fer, plomb, cobalt, manganèse, étain, antimoine…) selon la mode du moment ou d’autres considé-rations (Natalie Venclovà, 2000).

Répétons que l’intaille s’oppose au camée, dont le motif est en relief. Ces deux modes d’expression appartiennent à la glyptique, art de la taille et de la gravure des « pierres fi nes ». Des artistes grecs ou étrusques les ont développés avec bonheur, avant que des graveurs romains, répondant à une demande croissante d’une riche aristocratie mais aussi d’une classe entreprenante aisée, ne créent de véritables ateliers, pour une production très diversifi ée. Selon les périodes considérées, selon l’origine et le talent des artistes, ou les demandes des acheteurs – hommes ou femmes – qui les utilisent, ces objets peuvent avoir des signifi cations très diff é-rentes : les intailles témoignent de préoccupations religieuses ou de superstitions ; on les considère parfois comme des amulettes supposées protéger les porteurs et on leur prête une capacité prophylactique ; elles ont une valeur commémorative ou sont des signes d’adhésion ou de reconnaissance politiques : évidemment, marques de statut social révélatrices à la fois de la richesse matérielle et de la culture du propriétaire. Il ne faut pas négliger les choix esthétiques, ni les besoins pratiques (fonctions sigillaires pour authentifi er un document).

« La glyptique romaine… est riche, puisant son inspiration dans les légendes italiques, les mythes grecs, les textes littéraires, les autres arts » (H. Guiraud, 1996, p. 108).

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Fig. 1 – Quelques belles intailles de Corse

Les intailles, souvent séparées de leur anneau, sont des objets relativement peu nombreux, de petites dimensions (moyenne 12 mm x 8 mm, H. Guiraud, 1996, p. 7) qui peuvent échapper au regard des fouilleurs sur les sites ou, lorsqu’ils sont découverts fortuitement, sont souvent conservés par leurs inventeurs. Aussi ne disposons-nous à ce jour en Corse que d’une très courte série.

Observons que la Corse est absente de la carte des intailles et camées recensés dans le catalogue (H. Guiraud, 2008, éd. CNRS, Gallia).

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(Fond de carte : http :/www.cartesFrance.frMontage : Virgile Ortoli)

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L’intérêt scientifi que des intailles, comme éléments de datation relative en particulier, est comparable à celui des monnaies trouvées en stratigraphie. Le choix des matériaux (pierres fi nes ou pâtes de verre) dont l’origine peut être déterminée (B. Gratuze, 2005), témoigne de déplacements, d’échanges, d’activités militaires ou de courants commerciaux méditerranéens ; les thèmes des représentations, le style des fi gures, l’emploi d’outils particuliers pour la taille et la gravure, la monture quand elle existe, permettent de proposer une place dans la chronologie avec une précision qu’il est cependant indispensable de renforcer par l’étude des autres vestiges. Il est exceptionnel de disposer de toute la production, variée, d’un atelier fermé pour cause d’éruption volcanique, comme à Pompei, en l’an 79 !…

Retenons qu’au ier siècle de notre ère, se confi rme, à Bologne comme à Aquilée, une étroite liaison entre incision des pierres dures et production d’intailles en pâtes de verre au sein d’un même atelier verrier (G. Senna Chiesa, 2010, p. 237).

En Corse, la fouille des nécropoles de I Ponti et de Palazzettu-Murutondu, à Mariana, par Mme Moracchini-Mazel (1971 et 1974) a mis au jour de très inté-ressants vestiges :

– À Palazzettu (tombe VIII, féminine, milieu du iie siècle après J.-C.)« … une broche en or, ornée d’un grènetis sur son pourtour, devait êtreagrafée au vêtement. De forme ovale et haute de 31 mm, elle renfermeune belle intaille sur améthyste (probablement) mauve, qui représenteun personnage diffi cilement identifi able, nu et debout, appuyé de la maindroite sur un bâton » (p. 20, photo).

– À Murutondu (tombe XXVII, féminine, dernier quart du ier siècle)« … deux petites bagues, de fi llette probablement, l’une en or de 20 mm de diamètre, portant un chaton ovale émaillé blanc sur lequel était faiblement gravé un oiseau qui paraît porter un objet dans son bec » (p. 52, fi g. 114).Ajoutons que cet objet a l’apparence d’une bague (anneau et chaton).L’oiseau est représenté dans le bestiaire de la glyptique romaine : ainsi leperroquet est considéré comme « un bel objet de luxe ou un animal lié auculte bachique. »

– À I Ponti (tombe XXX, féminine, ier siècle après J.-C. : monnaie d’Espagne, quadrans émis à Malaga). L’urne funéraire recélait, outre les ossementsbrûlés, les éléments d’un collier – perles colorées et tubes de métal doré –,deux boucles d’oreille… et deux très petites bagues : « l’une possédait uneverroterie orange gravée d’une aiguière munie d’une anse élégante… »(p. 45) Ce type de vase verseur, en bronze ou en terre cuite, est aussiparfois désigné comme pichet ou œnochoé (Jehasse, 1997, p. 94 et 2001p. 32). Le graphisme de la gravure est très simple ; mais on observera que

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pour permettre l’entière représentation de la légère anse montante, l’axe du vase a été déplacé, si bien que le fond et l’ouverture ne sont plus paral-lèles : adaptation aux dimensions de l’intaille (cf. photo fi g. 11). Notons qu’un denier de Vespasien de 71 présente à son revers un vase à anse ou cruche à libation comparable… « La représentation de certaines images sur les monnaies a dû favoriser leur usage en glyptique ». (H. Guiraud, 1995, p. 368).

Fig. 2 – Intaille et anneau de I Ponti (Aiguière)

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Intailles de Mariana (fouilles de Mme Moracchini)

INV. Localisation MF Dates Matériau

Dimensions Th èmes

* Palazzetto tombe VIII F

Milieu du iie siècle après J.-C.

Améthyste Personnage nu, debout, appuyé sur un bâton.

* Muro-tondu tombe XXVII F

Dernier quart du ier siècle après J.-C.

« Émail » blanc Oiseau

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Anneau large assez dégradéPierre gravée d’un personnage tourné à D tête ronde

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Pâte de verre rubanée : bande sombre sur fond blanc

Anneau et intaillePersonnage debout, jambe D fl échie en arrière, tourné à G, bras replié au niveau de l’épaule, tête ronde. Objet n. identifi é à la hauteur du genou

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Pâte de verre sombre ?10 x 8 mm

Anneau et intaillePersonnage debout, ailé, présentant un objet, bras tendu, tourné à G

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Au nord de la route

Pierre ?9 x 7 mm

Anneau et intaillePersonnage tourné à G, assis devant une palme ?

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Campagne 66EPISC

ier siècle avant J.-C., début ier siècle

Pierre sombre15 x 10 mm

Intaille ébréchéeBuste de Silène tourné à G, visage d’un homme âgé, crâne chauve, cheveux sur la nuque ramenés en mèches sur l’oreille, barbe fournie

* Illustrations manquantes

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Cinq autres intailles ont été recueillies dans l’habitat de Mariana, dans un contexte chronologique plus large, qui va probablement du ier s. av. J.-C. au iie s. après J.-C., à environ 500-700 m des nécropoles abandonnées sous l’Empire. (cf. tableau). Décrivons une des intailles de Mariana qui représente Mercure : debout, nu, le corps de face, la tête de profi l à droite. De sa main gauche, il tend une bourse, suggérant les échanges monétaires et le négoce ; contre son bras droit replié, un caducée est disposé en oblique vers le haut et se dessine un pan de tissu. Le sol est matérialisé. Mercure semble rattaché aux marchands, selon H. Guiraud. En l’absence d’autres informations, le style simplifi é permet de proposer une position chronologique approximative : entre le ier et le iie siècle de notre ère.

Fig. 3 – Mercure (Mariana)

– Aléria : L’inventaire dressé par J. et L. Jehasse (1997 et 2001) fait état de « parures engravées » ou de « scarabées », qu’il s’agisse des insectes représentés anatomiquement en trois dimensions dans la pierre fi ne ou de véritables intailles. Plusieurs documents livrés par la fouille de la nécropole antique présentent un scarabée sur la face bombée et une scène gravée sur la face plate. (cf. tableau).

Ici, quatre remarques s’imposent : 1. Toutes les tombes ayant livré des intailles sont des tombes à chambre(s),

à l’exclusion de celles à incinération ou à inhumation. 2. Les personnages ne sont pas identifi és, mais il s’agit le plus souvent de

guerriers dotés d’accessoires hellénistiques. 3. Les animaux sont présents : chevaux attelés, lion, oiseau, scarabées, dauphin,

bovidé. 4. La cornaline (variété de calcédoine rouge à brun sombre) est le matériau

dominant.

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Remarque : nous n’avons pas intégré dans le tableau une intaille publiée par le CRDP de Corse, scarabée en cornaline d’origine étrusco-punique du ve siècle av. J.-C., fi gurant un dauphin au-dessus d’un bovidé aux cornes dressées. Cet objet est sans numéro d’inventaire, sans origine précise, sans dimensions.

Fig. 4 – Scarabée Cornaline Aléria

Photographie J.-F. Paccosi, tirée de Alalia-Aleria Musée d’Aleria

Marquelet M.-L. éd. CRDP de Corse.

Dans la littérature archéologique de la Corse, l’intaille en cornaline découverte par J. Magdeleine en 1994 à Campo di Buono (Bisinchi, Castagniccia, Haute-Corse) occupe une place particulière : elle appartient à un contexte funéraire du second Âge du fer, un coff re mégalithique (perduration ou remploi ?) où elle accompagne des perles d’ambre et « de la fi ne poterie romaine ». Le motif stylisé représente une femme ailée debout, casquée, assimilée à la déesse Fortuna, ici tenant des végétaux (des épis) : cette divinité est ordinairement identifi able par la corne d’abondance, son principal attribut avec le gouvernail « parapluie », qui permet d’éviter les écueils de la vie.

Fortuna, déesse positive, garante de la prospérité, est représentée dans la glyptique surtout aux iie et iiie siècles de notre ère (H. Guiraud, 2008, p. 109-111). J. Magdeleine situe cette intaille à la fi n du ier siècle – la « forme b » du gouvernail, en parapluie incliné, n’étant apparue que dans les années 70-80 sur les monnaies de l’époque.

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Fig. 5 – Intaille de Bisinchi (Photographie J.-P. Piras)

La découverte d’une intaille en automne 2011 dans la baie de San Ciprianu, Lecci, Corse-du-Sud (secteur 1 du Rapport de prospection-inventaire remis au DRASSM en 2006 par Alain Pasquet), est liée aux conséquences d’une puissante tempête d’ouest (vent à 176 km/h !) qui a remanié les petits fonds.

Il s’agit d’un objet ovale (L = 12,7 mm ; l = 10 mm ; ép. = 2 mm), aux surfaces planes (l’inférieure plus réduite que la supérieure : forme 1 de H. Guiraud ; forme 8 de A.G.K.M.W., I 1973), translucide, en verre imitant l’agate rubanée. Des refl ets dorés en bordure, dans un premier temps, ont fait songer à de l’ambre : en eff et, cette résine fossile a été utilisée sur une bague étrusque du ive siècle avant J.-C. à Aléria (Jehasse, 1997, p. 91). Or la bande blanche, laiteuse (largeur = 2 mm), coupant l’ovale dans le sens de la largeur, est bien du verre coloré à l’antimoine (Sb), sur fond de verre couleur bronze. L’observation au microscope permet de déceler des micro-bulles ; une simple loupe révèle une surface « météorisée », hachurée de stries de régularisation. La fi guration en creux est celle d’un person-nage nu, masculin, dont la musculature est exprimée de manière réaliste ; sur un buste tourné de trois quarts gauche, la tête inclinée vers l’avant apparaît presque de profi l, la chevelure est marquée par un bourrelet. Le bras gauche, légèrement en arrière, semble en appui, mais les doigts sont dessinés ; la jambe gauche est repliée de sorte que le personnage paraît assis sur son talon. La jambe droite est en semi-extension : ainsi la position suggère-t-elle un déséquilibre assez incon-fortable. Cependant un léger trait marque un sol sous le pied d’appui.

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Deux accessoires ou attributs encadrent la fi gure : un bouclier grec, rond, de chant, parallèle au bras gauche ; un ovale au-dessus du pied droit, sans contact avec celui-ci. Le bouclier pourrait être confondu avec un navire à la proue et à la poupe relevées, mais la position par rapport au bras, ainsi que l’absence de rame de gouverne et de représentation de la mer, enlèvent toute ambiguïté. Des images de bateaux apparaissent sur quelques intailles (H. Guiraud, 2008, pl. XXIII n° 1293-1297). Ainsi, observons qu’une intaille de verre imitant l’agate rubanée, avec le même ruban laiteux disposé de la même façon, fait voir un navire chargé d’amphores – d’un type diffi cile à déterminer : corinthiennes, viiie-vie s. avant J.-C. ; ou massaliètes, iiie-iie avant J.-C… ; ou gréco-italiques, iiie-iie avant J.-C. ? – à poupe et proue relevées, cette dernière dominée par une tête d’animal fantastique. Deux légers « reliefs » restent sans explication : l’un au milieu de la cuisse droite ; l’autre au-dessus du genou : maladresse de gravure, en réalité peu envisageable ? Main droite, paume vers le bas ? Ou arme ?

Fig. 6 – Intaille de San Ciprianu (Photographie J.-P. Piras)

La scène fait songer aux héros de la guerre de Troie et en particulier à Achille, armé, recueilli devant l’urne contenant les cendres de Patrocle (ovale) ou « olla », vase réceptacle de l’âme. Rappelons qu’Achille a bénéfi cié d’un « culte héroïque » ainsi qu’une divinité, bien au-delà d’Olympie et de Leuce.

Une autre hypothèse permet d’évoquer le guerrier grec Philoctète, un des acteurs de ce confl it. Il souff rit, dit-on, d’un cruel abandon après une morsure de serpent, à Lemnos, mais fut guéri par Machaon. Au cours des derniers combats, il tua Pâris. Sophocle fi t de son destin une tragédie, en 409 avant J.-C.. Ajax, bien que rarement représenté dans la glyptique, pourrait également être mentionné. La connaissance du cycle troyen chez les artistes céramistes ou graveurs, durant

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