Les impérialismes antiques

16

Transcript of Les impérialismes antiques

Page 1: Les impérialismes antiques
Page 2: Les impérialismes antiques
Page 3: Les impérialismes antiques

LES IMPÉRIALISMES ANTIQUES

Page 4: Les impérialismes antiques

D U MÊME A U T E U R

S a i n t A m b r o i s e et l ' E m p i r e r o m a i n . C o n t r i b u t i o n à l 'h i s to i re des r a p p o r t s de l ' E g l i s e et de l ' E t a t à l a f in d u I V siècle. P a r i s , de Boc- c a r d , 1 9 3 3 . ( P r i x B o r d i n d e l ' A c a d é m i e d e s I n s c r i p t i o n s , 1934 . )

E s s a i s u r l a p r é f e c t u r e d u p r é t o i r e d u B a s - E m p i r e . P a r i s , d e B o c c a r d , 1933 .

D e la p a i x c o n s t a n t i n i e n n e à l a m o r t de Théodose ( e n c o l l a b o r a t i o n a v e c P . DE LABRIOLLE e t G. BARDY). P a r i s , B l o u d & G a y , 1 9 3 6 ( t . I I I : d e L ' H i s t o i r e de l ' E g l i s e , d i r i g é e p a r A . FLICHE e t V. MARTIN).

C o n s t a n t i n , d a n s l ' o u v r a g e c o l l e c t i f H o m m e s d ' E t a t , t . I . P a r i s , D e s c l é e d e B r o u w e r , 1 9 3 7 .

E s s o r et déc l in des l iber tés , d a n s l ' o u v r a g e co l l ec t i f L a l iberté et les

l ibertés d a n s l a vie sociale . P a r i s , G a b a l d a , 1939 . L ' O c c i d e n t et la R é p u b l i q u e r o m a i n e . L ' E m p i r e un ive r se l de R o m e ,

d a n s l ' H i s t o i r e Universe l l e d e l ' E n c y c l o p é d i e d e l a P l é i a d e , t . I . P a r i s , G a l l i m a r d , 1 9 5 6 .

H i s t o i r e d u ca tho l ic i sme e n F r a n c e , t . I ( e n c o l l a b o r a t i o n a v e c E . DELARUELLE). P a r i s , Spes , 1957 .

D e C o n s t a n t i n à C h a r l e m a g n e à t ravers le chaos b a r b a r e (coll . « J e sais , j e c ro i s »). P a r i s , F a y a r d , 1959 .

Page 5: Les impérialismes antiques

« QUE SAIS-JE ? » LE POINT DES CONNAISSANCES ACTUELLES

N° 320

LES

IMPÉRIALISMES

ANTIQUES p a r

Jean-Rémy PALANQUE Professeur à la Faculté des Lettres d'Aix

Correspondant de l'Institut

PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS

1960 SEIZIÈME MILLE

Page 6: Les impérialismes antiques

DÉPOT LÉGAL édition 4e trimestre 1960

TOUS DROITS de traduction, de reproduction et d'adaptation

réservés pour tous pays

© 1960, Presses Universitaires de France

Page 7: Les impérialismes antiques

A V A N T - P R O P O S

Le sujet que veut traiter ce petit livre est immense, et l 'on n 'a pu consacrer que quelques pages à chacun des impé- rialismes antiques, même à l'impérialisme romain, qui est, comme il convient, le plus développé : « Une histoire de l'impérialisme romain, a écrit M. Carcopino, se confondrait nécessairement avec l'histoire romaine elle-même... » : il fau- drait le redire ici pour tous les peuples qui ont eu la passion de la domination, c'est-à-dire à peu près tous les peuples civilisés !

Je viens d'écrire : « peuples civilisés ». N'y a-t-il pas quelque paradoxe ironique à associer la notion excellente de civili- sation à celle, péjorative, d'impérialisme ? et, dira-t-on, les Barbares n'ont-ils pas été, eux aussi, brutalement conquérants ? pourquoi les écarteriez-vous de votre étude ? Celle-ci é tant limitée à un certain nombre de nations, il convient de justifier ce choix. M. Carcopino a défini l'impérialisme « cette manière de penser et d'agir d 'un peuple qui prétend se subordonner les autres ». Excellente définition, mais à laquelle je voudrais ajouter une nuance. Qui dit impérialisme, dit Etat . Il n 'y a impérialisme, me semble-t-il, que si le peuple dominateur forme lui-même un E ta t organisé, monarchie autoritaire le plus souvent, mais aussi république aristocratique, voire démocratique. C'est en somme un E t a t qui cherche à en absorber d'autres ou à s'étendre sur des territoires inorganisés. Cette précision écarte les dominations plus ou moins gros- sières — et mal connues — que des peuples encore barbares ont fait régner en des temps reculés. E t c'est pourquoi on ne trouvera pas ici de chapitre consacré à l'impérialisme étrusque ou à l'impérialisme celtique. L'Etrurie du 6e siècle n 'é ta i t pas vraiment unifiée, la peuplade arverne du 2e siècle ne formait pas un E ta t digne de ce nom : ni dans un cas ni dans l 'autre nous ne voyons une autorité centrale, disposant d'insti- tutions régulières, et qui aurait élargi, en Gaule ou en Italie, les cadres d 'un E t a t préexistant. Par contre les royaumes et les cités auxquels est consacré ce livre, méritent tous le titre d 'Etat , rayonnant sur une zone plus ou moins large du monde méditerranéen.

On pourra s'étonner ou se plaindre que je n'aie pas fait place à côté d'eux aux impérialismes d'Extrême-Orient : celui de l'Inde maurya, celui de la Chine des Tsin et des Han, celui des Parthes arsacides. Il est indéniable que, dans le cadre d'une histoire véritablement universelle, il y aurait là une grave lacune. Seul le manque de place — et le manque

Page 8: Les impérialismes antiques

de compétence — m'ont empêché d'en traiter ici. On convien- dra néanmoins que, limitée aux peuples méditerranéens, cette étude est assez complète et homogène pour rendre compte de tous les enchaînements historiques. Car, si j 'ai pu consacrer à dix peuples antiques des chapitres distincts où pour chacun sont exposées successivement la formation, la croissance et la disparition d'un impérialisme, il convient de ne jamais oublier les rapports mutuels des peuples en cause. L'histoire est vie dans l'espace et dans le temps ; il est banal de répéter que le souci de la chronologie est capital en histoire. Certains des impérialismes qui vont être étudiés s'opposent à des Eta ts puissants, eux-mêmes impérialistes, comme celui des Hittites contemporain du Nouvel Empire égyptien, celui d'Alexandre opposé à l 'Empire perse, celui de Syracuse contre Carthage, ou comme les monarchies hellénistiques rivales. D'autres n 'ont pas rencontré en face d'eux de sérieuses résistances : tels le premier Empire babylonien ou l 'Empire achéménide. Les conditions dans lesquelles ont agi les fon- dateurs d'Empires sont donc essentiellement variables. E t cependant bien des facteurs, on le constatera aisément sans qu'il soit utile de le répéter dans une dissertation d'ensemble, demeurent à travers les siècles et les longitudes : les causes qui sont à l'origine de l'impérialisme des Etats, comme à celles des passions des hommes, peuvent se ramener aux deux vices que Salluste dénonce sous le nom d'avaritia et d'ambitio, et par la formule bien frappée : pecuniae et imperii cupido, la soif de l'or et l'orgueil du pouvoir. Ce sont là des idées-forces ou plutôt des sentiments de tous les temps : je pourrai parler ici sans anachronisme d'hégémonie poli- tique et d'impérialisme capitaliste ou mercantile. Certaines dominations cependant ont été libérales et bienfaisantes, facteurs de progrès social ou culturel : on ne dissimulera pas ces aspects favorables, qui préfigurent le beau côté que pré- sente aussi, avec bien des misères, l'histoire des colonisations modernes.

Ces diverses notions, exactement, objectivement appliquées aux réalités du monde antique, pourront intéresser, me sem- ble-t-il, le lecteur d'aujourd'hui, qui trouvera matière à phi- losopher en vérifiant ici le vieil adage : Nil novum sub sole.

Pour cette seconde édition (1960) un certain nombre de retouches ont été apportées, en particulier pour rectifier la chronologie des événements dans l'ancien Orient conformément aux récents travaux des spécialistes ; mais il est évident que toutes ces dates demeurent approximatives et sujettes à revision.

Page 9: Les impérialismes antiques

CHAPITRE PREMIER

L'IMPÉRIALISME BABYLONIEN

(25e-20e siècles)

Les premiers impérialismes que l'histoire nous permet de connaître sont nés en Mésopotamie, sur les rives de l'Euphrate, au cours du troisième millénaire avant notre ère. On peut parler d'un impérialisme babylonien ; mais l'expression, si elle est commode et — partiellement — exacte, ne recouvre pas cependant toute la réalité, car Baby- lone ne fut que la capitale du dernier — et le plus glorieux certes — des quatre ou cinq Empires qui se fondèrent dans cette contrée. Avant l'Empire sé- mite des Amorites de Babylone, il y eut un Empire sumérien, un autre Empire sémite, voire un Empire élamite, comme si cette terre féconde de Mésopo- tamie, où s'affrontaient des races multiples et rivales, où se développa de bonne heure une civilisa- tion pratique et réaliste, avait, plus que toute autre, donné naissance à l'appétit de conquête et de domi- nation.

Pendant de longs siècles, la plaine du Bas-Euphra- te, admirablement cultivée par les premiers séden- taires, demeura divisée entre plusieurs cités riches et prospères : les commerçants rayonnaient sur toutes les routes de l'Asie occidentale, fondant de véritables colonies en Assyrie, en Cappadoce, mais la carte politique du pays demeurait morcelée entre une dizaine d'Etats indépendants qui n'avaient d'autre lien que le sanctuaire du dieu Enlil à Nip- pour, dont les prêtres ont élaboré une cosmogonie

Page 10: Les impérialismes antiques

compliquée et un formulaire diplomatique, base d'un véritable droit international. La catastrophe du déluge, qui s'abattit sur la vallée avant le 3 0 siècle, avait interrompu le premier essor des cités sumé- riennes ; vers le début du troisième millénaire ce- pendant, est atteint un apogée particulièrement remarquable, puisque les royautés locales inaugurent un régime économique et social qu'on a pu qualifier d'égalitaire et libéral.

Le premier Empire sumérien. — C'est dans ce cadre fort évolué que s'est formé, peut-être dès le 26e siècle, le premier Empire de l'histoire : vers 2400, Lougalzaggisi, « patesi » (prince local) d'Oumma, après avoir vaincu Ouroukagina, roi de Lagash, s'installe à Ourouk, dont il fait sa capitale, tout en vénérant le dieu de Nippour, patron de ses Etats. Les documents de l'époque parlent de ses armées « nombreuses comme les herbes » et du dieu Enhil qui lui a « aplani les voies, de la mer Inférieure à la mer Supérieure », c'est-à-dire du golfe Persique à la Méditerranée. A ce compte, il s'agirait bien d'un véritable impérialisme à large rayon. Mais l'on peut se demander si ces conquêtes n'ont pas été fictives et si la phra- séologie religieuse du temple d'Entil, « roi des contrées », n'a pas anticipé sur des annexions ultérieures. En tout cas Lougalzaggisi, premier unificateur du Sumer, est au moins le précurseur des impérialismes mésopotamiens.

L'Empire accadien de Sargon. — Aucun doute par contre ne peut être élevé sur l'Empire de Sargon l'Accadien au 24e siècle. Les Accadiens étaient des Sémites qui avaient descendu l'Euphrate pour fonder en amont du pays sumérien des cités parfois puissantes comme celle de Kish. L'échanson d'un roi de Kish, ou peut-être un simple jardinier de ce personnage, sur qui les traditions populaires racontent une enfance analogue à celle de Moïse, renverse Lougalzaggisi (2300) et fonde une capitale nouvelle, nommée comme le pays Accad ou Agadè. Ainsi commence la puissance du roi Sharroukên, que nous appelons Sargon (l'Ancien). Vainqueur des

Page 11: Les impérialismes antiques

Sumériens et des Elamites, il conquiert aussi le Sou- bartou (Mésopotamie du Nord), l'Amourrou (Syrie), l'Ibla (Cappadoce). Les textes nous le montrent « cassant la tête de l'Elam » et « lavant ses armes dans la mer » (le golfe Persique) ; il a, nous dit-on aussi, « gagné trente-quatre batailles, détruit les murailles jusqu'au fond de la mer, attaché au quai devant Agadè des vaisseaux de Meloukha, des vais- seaux de Magan (Arabie orientale ?), des vaisseaux de Tilmoun (îles Bahrein) ». Puis « sa main a conquis le pays de l'Ouest jusqu'à son extrémité » à savoir Toutoul (sur le moyen Euphrate), la Forêt de cèdres (le Liban), les Montagnes d'Argent (le Taurus). Empire très vaste par conséquent, que les fils et successeurs de Sargon, Rimoush et Manish- tousou, consolidèrent et défendirent contre des ré- voltes sumériennes et sémites, et dont l'apogée fut atteint sous son petit-fils Naramsin (2507-2452), qui s'empara de Canaan et de Chypre, et qui fut vainqueur des Louloubi (au nord de l'Elam) et des Manda (en Médie). Des inscriptions sur des statues royales, sur une pyramide de victoire et des stèles triomphales nous permettent de nous représenter avec précision, non seulement les victoires, mais la conception impériale des rois d'Agadè. Ils sont les héritiers de l'Empire sumérien : Enlil de Nippour est toujours leur patron, et le sumérien demeure langue officielle à côté de l'accadien, le personnel administratif se recrute en partie parmi les vaincus. Cependant ils ont introduit une doctrine nouvelle, celle de la monarchie divine : Naramsin s'intitule « ilou » (dieu, en sémite), « shar (roi) de l'univers » ou « des quatre régions » c'est-à-dire Sumer, Accad, Soubartou, et Amourrou. « Dans cette divinisation du souverain, nous devons voir, non point tant la vanité d'un homme qu'une conception d'empire,

Page 12: Les impérialismes antiques

c a r les ro i s o n t a i n s i t e n t é d e r é a l i s e r l ' u n i t é sp i r i - t u e l l e , f o n d e m e n t d e l ' u n i t é p o l i t i q u e , p a r l a r e l i g ion d ' E t a t . » (MORET, p . 357.)

Le dernier Empire sumérien. — L'impérialisme accadien a été balayé sous les successeurs de Naramsin, dans la pre- mière moitié du 22e siècle. Les Gouti, peuple des montagnes du Zagros, sont descendus dans la plaine, ravageant les cultures, opprimant les populations, détruisant les villes. A la faveur de l'anarchie où sombre la dynastie accadienne, les cités sumériennes reprennent leur indépendance : nous connais- sons les noms de Goudéa, patesi de Lagash, d'Outouhegal, roi d'Ourouk « et des quatre régions ». E t bientôt renaît un impérialisme sumérien, fondé aux 2 1 et 20e siècles par les rois d'Our, Ournammou (2050-2033) et Shoulgi (2032-1985). Ils reprennent la titulature de Naramsin : roi de Sumer et d'Accad, roi des quatre régions, et ils affirment leur divinité en organisant le culte royal. La Mésopotamie est à nouveau unifiée, et des guerres font triompher leurs armes en Soubartou, en Amourrou, chez les Louloubi et à Simourrou (haute Assyrie). Traditions sumériennes et accadiennes se juxtaposent et s'unissent pour fonder un impérialisme à la fois militaire, administratif et économique. Une armée permanente est mise sur pied, comptant — innovation curieuse — des chars traînés par des ânes. Une bureaucratie méticuleuse apparaît, au moins dans les villes de la plaine, dirigée par des« patesis» fonctionnaires, s'immisçant dans les échanges. N'oublions pas que les Sumériens connaissaient dès lors l'usage de la monnaie sous forme d'anneaux d'argent et le crédit grâce aux temples qui jouaient le rôle de banques de dépôts et d'avances. C'est cette civilisation matérielle très brillante qui s'impose à toute l'Asie occidentale sous les monarques sumériens.

Pour peu de temps néanmoins, car des Sémites Amorites progressent sur l 'Euphrate jusqu'à Isin et une révolte des Elamites triomphe d'Our, après une longue guerre : le deuxième successeur de Shoulgi est détrôné et emmené en captivité par le roi d ' « Emoutbal » (Elam) Koutournahounte (1950). Les Sumériens ne reparaîtront plus sur la scène de l'histoire.

L'Empire élamite. — C'est encore l'anarchie dans le pays bas, où émergent les principautés accadiennes d'Isin et de Larsa. L'unité est restaurée au 18e siècle seulement par le « soukkalmah d'Emoutbal» Rimsin. Son père Koudourmaboug s'est installé à Larsa, agrandi aux dépens des cités sumériennes; lui-même, qui porte un nom sémite, s'empare du royaume

Page 13: Les impérialismes antiques

d'Isin. Mais on ignore jusqu'où s'étendit sa domination : la Genèse parle du roi d'Elam Kedorlaomer en Canaan ; mais de quel monarque s'agit-il ? y-a-t-il eu expansion élamite si loin vers l'Ouest ? En tout cas l' « Empire » de Rimsin, assez mal connu, se révéla tout à fait éphémère ; car, dans cette alternance entre Sémites et Montagnards qui est la loi de l'histoire mésopotamienne, la prépondérance revient à un nouveau peuple sémite, celui des Amorites, fondateurs de l'Empire babylonien.

L'Empire d'Hammourabi. — Un nom domine l'histoire du premier royaume de Babylone, celui d'Hammourabi (1730-1685). Nom glorieux entre tous, mais unique : tel Napoléon, il n'a pas de pré- décesseurs ni de successeurs, ou du moins ceux-ci ont végété sans créer ni conserver une puissance étendue ; comme lui, il a laissé la réputation d'un grand conquérant et d'un administrateur énergique, et son nom est resté attaché à un Code durable. Sémite d'origine, descendant des princes qui ont fondé sur l 'Euphrate Bab-ilou (la porte du dieu), dont la divinité locale Mardouk succède en quelque sorte à Enlil de Nippour, il conserve tout l'héritage sumérien : la technique hydraulique, les mythes cosmogoniques, les rites divinatoires, ainsi que le régime social et le droit commercial en vigueur. Mais il reprend aussi la conception accadienne de la souveraineté avec les titres de roi de Sumer et Accad, roi des quatre régions, roi de l'univers. En outre il a effectivement conquis tous les pays soumis naguère par Sargon : il écrase Rimsin de Larsa après plus de trente années de guerres, malgré les coalitions où celui-ci avait groupé tous les peuples montagnards du nord-est de la Mésopotamie ; il annexe Mari, sur le moyen Euphrate, et tout le Soubartou ; il domine aussi la Syrie, dont il se déclare le père ( « adda » de Martou). N'a-t-il pas pénétré également en Canaan ? La Bible nous parle de la tribu d'Abraham, venue

Page 14: Les impérialismes antiques

d'Our, attaquée par le roi du Sinéar Amraphel : il serait tentant d'identifier ce dernier avec le grand Hammourabi, dont les armes parvinrent à coup sûr jusqu'aux rives méditerranéennes et dont le pres- tige et le rayonnement s'étendirent longtemps sur toute l'Asie occidentale.

Ils survécurent en effet à la disparition du Charle- magne babylonien et à la décadence de son Empire. Au cours du 17e siècle, Assyriens, Elamites, Sumé- riens se révoltent sans cesse ; puis un peuple nou- veau, venu du Nord-Ouest, les Hittites, réussissent en 1530 un raid contre Babylone, où ils mettent fin à la dynastie amorite, emmenant même en capti- vité le dieu Mardouk, symbole de l'unité impériale anéantie. Mais les effets de cette domination de Babylone se prolongeront pendant de longs siècles. L'accadien devient et demeure une véritable langue internationale dans toute l'Asie occidentale. Si elle a totalement supplanté le sumérien, relégué au rang de langue morte, elle véhicule les idées et les pra- tiques sumériennes ; les sociétés seigneuriales des pays sémites sont, grâce à l'influence de la monar- chie babylonienne, pénétrées par les institutions individualistes de l'antique Sumer : émancipation des serfs, extension d'un droit contractuel, bref tous les avantages d'une législation progressiste et d'une économie bancaire perfectionnée pénètrent au loin et ne seront pas effacés complètement par les bouleversements ultérieurs. Dans la mesure où ce rayonnement durable de la civilisation babylo- nienne découle des conquêtes d'Hammourabi au 1 8 siècle, ces premiers impérialismes qui au cours du troisième millénaire se sont succédé en Mésopo- tamie, se sont révélés assez bienfaisants. Il n'en sera pas toujours ainsi.

Page 15: Les impérialismes antiques

1960. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France) ÉDIT. N° 25 862 IMPRIMÉ EN FRANCE IMP. N° 16 305

Page 16: Les impérialismes antiques

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en accord avec l’éditeur du livre original, qui dispose d’une licence exclusive confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.