Insuffisance cardiaque aiguë chez le sujet âgé

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Cardiologie - Cardinale • Février 2011 • vol. 5 • numéro 36 67 INSUFFISANCE CARDIAQUE Insuffisance cardiaque aiguë chez le sujet âgé Quelles démarches diagnostique et thérapeutique ? Patrick Jourdain*, Dora Adalla*, François Funck* éPIDéMIOLOGIE L’insuffisance cardiaque (IC) touche en France près de 800 000 patients même si les chiffres sont imprécis. Elle touche plus de 10 % de la population des plus de 80 ans pour entre 1 et 2 % de la population générale. Elle est la cause de près d’un L’insuffisance cardiaque touche majoritairement dans les pays dé- veloppés des patients âgés de plus de 70 ans. Cette pathologie est as- sociée à un fort taux d’hospitalisa- tions pour nouvelle poussée d’insuf- fisance cardiaque ce qui en fait une pathologie à la fois extrêmement in- validante pour le patient et très coû- teuse pour le système de santé. De plus, les hospitalisations pour insuf- fisance cardiaque sont grevées d’un fort taux de décès intra-hospitaliers ou à 30 jours ainsi qu’à un fort pour- centage d’institutionnalisations à la sortie. Sa sémiologie comme son traitement sont actuellement bien codifiés dans les recommandations internationales. En dépit de cela, les prises en charge actuelles sont souvent parcellaires et extrêmement inhomogènes. * Unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque, CHR Dubos, Pontoise million de nouvelles hospitali- sations par an aux USA. La durée de séjour est importante et est estimée dans le registre français OFICA présenté à l’ESC 2010 de près de 12 jours. Le taux de dé- cès reste élevé dans ce même re- gistre, il est de l’ordre de 9 %. Le taux de récidives à court terme (6-12 mois) est très élevé, à plus de 50 %. En France, l’âge moyen des patients atteints d’insuf- fisance cardiaque est estimé comme étant de l’ordre de 70 ans et l’âge moyen des patients hos- pitalisés pour une poussée d’IC est, quant à lui, plus élevé et est estimé entre 74 et 78 ans en fonction des centres impliqués dans les registres et les études. L’élément marquant dans cette population de patients hospi- talisés pour une poussée d’in- suffisance cardiaque est le très fort taux de comorbidités, ce qui joue probablement un rôle non négligeable dans le pronostic sombre de ces hospitalisations. De même, le délai entre l’ad- mission aux urgences et l’injec- Introduction © Yuri Arcurs - Stocklib

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Insuffisance c ardiaque aiguë chez le sujet âgéQuelles démarches diagnostique et thérapeutique

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InsuffIsance cardIaque

Insuffisance cardiaque aiguë chez le sujet âgéQuelles démarches diagnostique et thérapeutique ?Patrick Jourdain*, Dora Adalla*, François Funck*

épIdémIologIeL’insuffisance cardiaque (IC) touche en France près de 800 000 patients même si les chiffres sont imprécis. Elle touche plus de 10 % de la population des plus de 80 ans pour entre 1 et 2 % de la population générale. Elle est la cause de près d’un

L’insuffisance cardiaque touche majoritairement dans les pays dé-veloppés des patients âgés de plus de 70 ans. Cette pathologie est as-sociée à un fort taux d’hospitalisa-tions pour nouvelle poussée d’insuf-fisance cardiaque ce qui en fait une pathologie à la fois extrêmement in-validante pour le patient et très coû-teuse pour le système de santé. De plus, les hospitalisations pour insuf-fisance cardiaque sont grevées d’un fort taux de décès intra-hospitaliers ou à 30 jours ainsi qu’à un fort pour-centage d’institutionnalisations à la sortie. Sa sémiologie comme son traitement sont actuellement bien codifiés dans les recommandations internationales. En dépit de cela, les prises en charge actuelles sont souvent parcellaires et extrêmement inhomogènes.

* Unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque, CHR Dubos, Pontoise

million de nouvelles hospitali-sations par an aux USA. La durée de séjour est importante et est estimée dans le registre français OFICA présenté à l’ESC 2010 de près de 12 jours. Le taux de dé-cès reste élevé dans ce même re-gistre, il est de l’ordre de 9 %. Le taux de récidives à court terme (6-12 mois) est très élevé, à plus de 50 %. En France, l’âge moyen des patients atteints d’insuf-fisance cardiaque est estimé comme étant de l’ordre de 70 ans et l’âge moyen des patients hos-

pitalisés pour une poussée d’IC est, quant à lui, plus élevé et est estimé entre 74 et 78 ans en fonction des centres impliqués dans les registres et les études. L’élément marquant dans cette population de patients hospi-talisés pour une poussée d’in-suffisance cardiaque est le très fort taux de comorbidités, ce qui joue probablement un rôle non négligeable dans le pronostic sombre de ces hospitalisations. De même, le délai entre l’ad-mission aux urgences et l’injec-

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tion d’un traitement diurétique est extrêmement long avec une médiane aux USA de 7 heures. Or, plus ce temps est long, plus la mortalité intra-hospitalière semble élevée. De même, parmi les facteurs qui augmentent ce délai, au-delà de la simple ar-rivée nocturne du patient, on note comme facteur majeur l’âge de plus de 75 ans. Si la mor-talité intra-hospitalière a reculé au fil du temps les ré-hospitali-sations précoces n’ont malheu-reusement pas diminué, ce qui montre tout le travail qui reste à faire.

défInItIonL’insuffisance cardiaque aiguë est définie comme l’apparition rapide ou la modification ra-pide des signes et symptômes d’insuffisance cardiaque né-cessitant le recours à une thé-rapie de façon rapide. Elle peut être soit en lien avec la découverte d’une insuffisance cardiaque soit consécutive à l’aggravation d’une insuffi-sance cardiaque sous-jacente

cardiaque chronique ainsi que la modification de la typolo-gie des patients font que de plus en plus fréquemment les signes d’hypoperfusion soient au premier plan ce qui rend le diagnostic parfois difficile.

sIgnes clInIques et sIgnes de gravIté• Les signes cliniques de l’in-suffisance cardiaque sont bien connus (Encadré). La symptoma-tologie du patient âgé est par-fois difficile à mettre en évi-

sa confirmation par excès ne sont pas dénués de risques de iatrogénie mais également de mortalité.

• Les signes de gravité sont les signes de choc à systématique-ment rechercher (y compris en soulevant les draps…) comme une pression artérielle systo-lique < 90 mmHg ou une baisse supérieure à 30 mmHg par rap-port à la pression habituelle (souvent plus informatif), une tachypnée supérieure à 30/min, des marbrures des genoux, une peau froide, des troubles du comportement qui peuvent être liés uniquement au bas débit et ne doivent pas faire étiqueter le patient comme “dé-ment” abusivement. De même, une désaturation sous oxygène au masque (SaO

2 < 90 %) et des

signes de lutte respiratoire (ba-lancement thoraco-abdominal, utilisation des muscles acces-soires, impossibilité de s’allon-ger sous oxygène) et des sueurs (hypercapnie) doivent particu-lièrement alerter. En aucun cas des patients présentant de tels signes ne devraient passer par la salle d’attente des urgences mais aller dans un box de dé-choquage.

Signes cliniques classiques de l’insuffisance cardiaque chez la personne âgée• Dyspnée • Fatigue (au premier rang chez la personne âgée mais très peu

spécifique)• Œdèmes des membres inférieurs (souvent lombaires avec des jambes

fines chez le patient alité ou grabataire voire simplement fatigué depuis quelques jours)

• Turgescence jugulaire (souvent présente) avec reflux hépato-jugulaire (assez spécifique)

• Crépitants pulmonaires (peu spécifiques mais assez sensibles) • La tachycardie est fréquente mais peut être masquée par les médications

La symptomatologie du patient âgé est parfois difficile à mettre en évidence du fait, d’une part des comorbidités et d’autre part de la difficulté de l’interrogatoire et de l’examen clinique.

antérieurement connue. Son apparition peut être consécu-tive à des facteurs aggravants ou causals qu’il conviendra de prendre en charge de façon concomitante (arythmie, syn-drome coronarien aigu, sep-sis). L’insuffisance cardiaque aiguë était antérieurement sy-nonyme de congestion mais l’optimisation progressive des thérapies dans l’insuffisance

dence du fait d’une part des comorbidités au premier rang desquelles les pathologies pul-monaires et, d’autre part, par la difficulté de l’interrogatoire et de l’examen clinique (pa-tient alité, cachectique, dé-mence, troubles cognitifs). Il ne faut donc pas se priver de s’aider des examens complé-mentaires car l’omission d’un tel diagnostic ou a contrario

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classIfIcatIon escIl existe plusieurs classifications de l’insuffisance cardiaque. Celles-ci sont importantes sur le plan sémiologique et pour guider la prise en charge. La classification NYHA est desti-née au suivi clinique plus qu’à la prise en charge aux urgences où les patients sont par définition souvent en classe III ou IV. On distingue plusieurs cadres “dia-gnostiques” même si comme le montre la figure 1, il existe de nombreuses situations intermé-diaires.

La décompensation cardiaque Elle correspond à une insuf-fisance cardiaque associant une congestion périphérique et une congestion pulmonaire plus modérée que dans le cas de l’œdème pulmonaire. Là, les râles ne dépassent pas les mi-champs. Son apparition est plus ou moins rapide en fonction des patients et de l’évolutivité de leur pathologie.

L’œdème puLmonaire Il correspond à une détresse respiratoire avec tachypnée, or-thopnée, des râles pulmonaires diffus. La saturation initiale en air ambiant est en règle géné-rale < 90 %. Sa gravité est très im-portante et il faut rechercher des signes d’épuisement respiratoire qui nécessiteront une prise en charge adaptée très rapide.

L’insuffisance cardiaque hypertensive Elle se définit comme associant une insuffisance cardiaque avec congestion pulmonaire et dys-pnée souvent sans signe conges-tif périphérique avec une hyper-tension artérielle. Le patient est euvolémique et son apparition

comme sa correction avec un traitement adéquat est rapide. Elle est souvent associée à une insuffisance cardiaque à fonc-tion systolique conservée.

Le choc cardiogénique Il se définit par une hypoper-fusion périphérique et centrale persistant après remplissage et correction des arythmies. La pression artérielle est inférieure à 90 mmHg et la diurèse est faible voire inexistante (< 0,5 ml/h). Il y a souvent association à des signes congestifs mais pas toujours.

L’insuffisance cardiaque droite isoLée Elle est caractérisée par un syn-drome de bas débit sans conges-tion pulmonaire avec des signes droits très présents et des pressions de remplissage gauches basses.

autres caractéristiques• Son importance est estimée, principalement dans le post-in-farctus, selon la classification Killip (stade 1 : pas d’insuffisance cardiaque ; stade 2 : galop, râles

crépitants inférieurs à mi champs, signes droits possibles ; stade 3 : insuffisance cardiaque sévère avec crépitants diffus et œdème pulmonaire radiologique ; stade 4 : choc cardiogénique avec hypotension < 90 mmHg et pos-sibles signes d’hypoperfusion pé-riphérique). • Son mécanisme peut être coté (et devrait être coté selon le dia-gramme de Forester (Fig. 2)). • Son évolutivité est cotée selon : - chronique, insuffisance car-diaque persistante stable s’ag-gravant ou en décompensa-tion G ou droite ;- récidivante, elle est marquée par de nombreux épisodes inter-mittents de décompensation ;- initiale que son apparition soit brutale ou progressive.

examens complémentaIres et stratégIe dIagnostIquePlusieurs examens complémen-taires (Fig. 3) sont indispensables dans la prise en charge de l’in-

IC hypertensive

Décompensationaiguë d’ICchronique

IC droiteChoc

cardiogénique

Syndromecoronarien

et IC

Œdèmepulmonaire

figure 1 - classification de l’insuffisance cardiaque (esc guidelines 2008).

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suffisance cardiaque “aiguë” aux urgences. Ils sont d’autant plus importants que le patient est âgé et que donc le diagnostic comme la prise en charge thérapeutique seront plus complexes.

L’ecg 12-18 dérivationsEn cas d’insuffisance cardiaque, il est rarement normal. Son utilité est d’une part de mettre en évi-dence des éléments étiologiques (cardiopathie ischémique, syn-drome coronarien aigu, arythmie auriculaire ou ventriculaire) et, d’autre part, de permettre de gui-der le traitement (ralentissement d’une arythmie par exemple).

La radiographie de thorax Dans les meilleures conditions possibles, la radiographie du thorax est à réaliser car elle ap-porte des arguments discrimi-nants (pneumonie unilatérale par exemple vs insuffisance car-diaque) et pronostiques (éten-due de l’œdème pulmonaire) et permet de mettre facilement en évidence des épanchements pleuraux. En cas d’insuffisance cardiaque grave, celle-ci doit être réalisée dans les urgences voire être différée.

Le biLan bioLogique C’est un élément important. Il doit être réalisé dès que pos-sible car il permettra de choisir le traitement le plus adapté ou de réadapter celui-ci. Il doit com-prendre un ionogramme san-guin, une clairance de la créa-tinine (estimée sur le poids sec antérieur à la décompensation donc pas besoin de peser le pa-tient aux urgences), une numé-ration formule plaquettes, un bilan hépatique, un TP spontané si le bilan hépatique est pertur-bé. Les gaz du sang ne doivent pas être systématiques sauf s’il

existe un doute diagnostique ou en présence d’un choc ou d’une insuffisance respiratoire chro-nique connue face à un diagnos-tic incertain.

Le dosage des peptides natriurétiquesIl est indispensable en cas de dia-gnostic incertain car son utilité diagnostique est avérée par de très nombreuses études, y com-pris chez le patient âgé même si ses performances pour exclure le diagnostic sont nettement supé-rieures à ses performances pour

confirmer le traitement chez les patients âgés.

L’échographie cardiaqueElle est obligatoire avant la sor-tie car elle conditionne le trai-tement à moyen et long termes. Elle est également nécessaire dans les 24 heures suivant l’ad-mission en cas de dosage des peptides natriurétiques en “zone grise”. Elle n’est pas systémati-quement nécessaire à l’admis-sion aux urgences car le traite-ment initial ne sera pas ajusté en fonction de ses résultats.

Classification clinique

Congestion pulmonairePe

rfus

ion

des

tissu

s

Sec et chaud

Sec et froid

Humide et chaud

Humide et froid

Signes pouvant évoquer une insuffisance

cardiaque aiguë

ECG, radiographie de thorax, biologie (NFS plaquettes, ionogramme sanguin, urée, créatinine, peptides natriurétiques

(BNP ou NT-pro-BNP à analyser avec un algorythme adapté à l’âge),ASAT ALAT

et autres examens selon orientation clinique (CRP, VS, hémocultures, ECBU…)

Si en faveur d’une insuffisance cardiaque

aiguë alors début du traitement

Echographie cardiaque (orientation étiologique et thérapeutique durant

l’hospitalisation)

Si normaux ou en défaveur d’une insuffisance cardiaque

alors prendre en compte un autre diagnostic

(embolie pulmonaire, etc.)

figure 2 - diagramme de forester (esc guidelines 2008).

figure 3 - stratégie diagnostique.

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étIologIe des décompensatIons (Tab. 1)

Les facteurs précipitant une dé-compensation sont multiples et souvent intriqués, en particulier chez la personne âgée car les co-morbidités sont nombreuses, les infections particulièrement fré-quentes qu’elles soient virales ou bactériennes (ce qui permet de rappeler en passant l’inté-rêt majeur de vacciner contre la grippe mais aussi contre le pneumocoque cette population particulièrement fragile). Les arythmies, en particulier supra-ventriculaires sont une cause usuelle de décompensation. En effet, la fonction contractile de l’oreillette correspond a en-viron 180 % de la fonction car-diaque dans des modèles expé-rimentaux. Une arythmie qui, par définition, fait disparaître cette contraction peut même, sans être rapide, être la source d’une décompensation chez des patients avec une dysfonction ventriculaire gauche systolique ou diastolique sous-jacente. At-tention, sauf instabilité hémo-dynamique, il n’est pas conseillé de réduire ces arythmies du fait

et donc devenir symptomatique que récemment.

stratégIe thérapeutIque

Les objectifs à court, moyen et Long termes • La prise en charge immédiate concerne :- l’amélioration des symptômes, - la stabilisation de l’oxygénation

pitalière vise à :- stabiliser le patient, - optimiser la thérapeutique, - initier les traitements de fond de l’insuffisance cardiaque (et pas les diurétiques) qui ont prouvé leur impact sur la morta-lité à long terme (IEC, éventuel-lement bêtabloquants), - et limiter la durée de séjour et la iatrogénie. • La prise en charge avant la sortie vise à :- planifier une stratégie de prise en charge (que le patient sorte du service de spécialité ou bien de l’UHCD), - éduquer le patient vis-à-vis de sa pathologie et des modifica-tions de son hygiène de vie, - éviter une ré-hospitalisation précoce et améliorer la qualité de vie et la survie à long terme.

Toutes ces étapes sont impor-tantes pour éviter la réadmis sion précoce du patient et surtout l’apparition d’une iatrogénie fré-quente. Il est important de res-pecter ces étapes même si, faute de place, beaucoup de patients

Maladie coronaire • Syndrome coronarien aigu, infarctus aigu • Infarctus du ventricule droit (dérivations

droites++) • Ischémie silencieuseMaladies valvulaires • Rétrécissement aortique/mitral • Insuffisance mitrale • Endocardite, insuffisance aortiqueHypertension artérielle Arythmies Auriculaires et ventriculairesInsuffisance circulatoire • Sepsis grave, pneumonie • Anémie, shuntsInfections virales • Grippe, etc.Insuffisance rénale Faible compliance Régime salé Décompensation d’une BPCO Alcool

tableau 1 - causes de décompensations d’une insuffisance cardiaque préexistante ou sous-jacente à systématiquement rechercher.

Les facteurs précipitant une décompensation sont multiples et souvent intriqués, en particulier chez la personne âgée.

de l’absence d’anticoagulation préalable et des risques d’acci-dent vasculaire cérébral et péri-phérique lors de cette réduction. Cela est encore plus vrai chez le patient âgé qui est plus à risque et chez qui il est impossible par l’interrogatoire de pouvoir exactement dater la survenue de l’arythmie qui pouvait être présente bien avant la décom-pensation et ne s’être accélérée

et de la perfusion viscérale,- la limitation de l’impact des thérapeutiques et de la patho-logie sur le système cardiovas-culaire (infarctus) et rénal (hy-poperfusion, nécrose tubulaire spontanée ou iatrogène, déshy-dratation), - et de minimiser la durée de sé-jour aux urgences.

• La prise en charge intra-hos-

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passent une partie notable de leur séjour en unité HCD. Cette stratification dans la prise en charge montre bien que les trai-tements sont amenés à évoluer au cours de la poussée et que si les inhibiteurs de l’enzyme de conversion par exemple ont toute leur place dans le traite-ment chronique ou à la sortie de la décompensation, ils n’ont aucun intérêt, voire peuvent être risqués lors de la phase de prise en charge toute initiale (risques d’hypotension et d’insuffisance rénale).

à La phase aiguë (Fig. 4)

• Oxygène : à la dose suffisante pour stabiliser la saturation en O2 au-dessus de 95 %. Il est né-cessaire dès qu’il existe une ta-chypnée qui peut masquer une désaturation. En effet, si la satu-ration est juste stabilisée au prix d’une tachypnée, le patient va rapidement épuiser ses réserves musculo-respiratoires. Chez le patient insuffisant respiratoire, une saturation de 90 % est suffi-sante pour éviter de ne trop ma-jorer l’hypercapnie.• Morphine : elle est très utile en cas de douleur ou de dyspnée et

sans trouble de conscience car elle possède un effet vasocons-tricteur bronchique. Elle est à débuter à la dose de 2 mg SC ou IV et à réitérer si nécessaire. Elle nécessite un monitoring continu de la saturation.• Diurétiques (Tab. 2) : à adapter à la dyspnée et à l’effet diurétique. A débuter une fois l’hémodyna-mique stabilisée.

• Vasodilatateurs : En France, ils sont principalement représentés par les dérivés nitrés. Ils sont re-commandés dès la phase initiale en dehors des cas d’hypotension ou d’instabilité hémodynamique. Ils nécessitent un monitoring ré-gulier de la pression artérielle. Ils sont très utiles pour contrôler la pression artérielle en cas d’insuf-fisance cardiaque hypertensive.

Insuffisance cardiaque aiguë

Hospitalisation aux urgences Perfusion

ScopeOxygénothérapie

Pression artérielle systolique 90-100 mmHg

Pas d’hypoperfusion périphérique

Pression artérielle systolique < 90 mmHg

ou hypoperfusion périphérique

Pression artérielle systolique > 100 mmHg

Pas d’hypoperfusion périphérique

Diurétiques Soit correction de l’hypoperfusion

si nécessaire (remplissage) et diurétiques

soit inotropes positifs

Diurétiques, vasodilatateurs si nécessaire

Bilan usuel ECG Radiographie de thorax

figure 4 - stratégie diagnostique à la phase aiguë.

Ic phase 1 alternative nitrés alternative vnImodérée Furosémide Bumétanide Non Non Non 40 mg IVD 1 mg IVD sévère Furosémide Bumétanide Risordan IVSE Nitroprussiate Oui 40-120 mg IVD 1-4 mg IVD 1-10 mg/h (si HTA incontrôlable et OAP sévère) 0,3 mg/kg/min- 5 mg/kg/minréfractaire Hydrochlorothiazide Spironolactone Risordan IVSE Nitroprussiate (si Ouimonothérapie 25-100 mg 25-50 mg 1-10 mg/h HTA incontrôlable diurétique (privilégier si hypoK+ et OAP sévère) et pas d’ins. rénale) 0,3 mg/kg/min- 5 mg/kg/miniechec bithérapie Support inotrope + Ultra-filtration si Non si hypo- Ouidiurétique et/ou ins. rénale et pas perfusionhypoperfusion d’hypoperfusion

tableau 2 - stratégie thérapeutique.

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Ils sont contre-indiqués en cas d’hypotension, de choc ou de pa-thologie obstructive (cardiopa-thie hypertrophique obstructive, rétrécissement aortique). Ils de-vraient être plus largement utili-sés en France. • Les inhibiteurs calciques : ils sont contre-indiqués en règle générale (sauf hypertension ex-trêmement sévère).• Le BNP injectable : les der-niers essais présentés (étude ASCEND) n’ont pas démontré un effet favorable sur le plan des symptômes comme du pronos-tic intra-hospitalier.• Les inotropes positifs (Tab. 3) : ils sont indiqués en cas de choc et d’hypotension associée à la poussée d’insuffisance cardiaque. L’âge n’est en aucun cas une contre-indication à leur usage. En première ligne, préférer la dobu-tamine. Contre-indication en cas d’arythmie rapide ou de troubles du rythme non contrôlés. • Ventilation Non Invasive (VNI) : c’est un traitement qui réduit la précharge et donc améliore l’hé-modynamique en améliorant également rapidement la satu-ration en oxygène. Il faut bien expliquer au patient l’intérêt du traitement et l’importance de réitérer éventuellement les séances car c’est un traitement très anxiogène. A l’initiation du traitement, il faut débuter par une PEEP de 5 cm H

2O puis ma-

jorer si besoin jusqu’à 10 avec une FiO2 supérieure à 40-50 %. Il faut essayer de maintenir cette aide 30 minutes, puis réévaluer la nécessité de recommencer des séances séparées par une oxygénation au masque à haute concentration : 10-13 l/min. On peut arrêter la VNI quand le pa-tient présente une saturation sous oxygène > 90-95 % ; les ef-fets secondaires doivent être

particulièrement surveillés et, en particulier, l’aggravation d’une insuffisance cardiaque droite et/ou d’une insuffisance rénale, l’hypercapnie et la survenue d’un pneumothorax. Les contre-indications sont le patient agité, inconscient ou en choc, la néces-sité de pratiquer une intubation immédiate. Le patient avec une insuffisance respiratoire sous-jacente sera particulièrement à surveiller. Chez le patient âgé, cette technique permet de dimi-nuer très notablement les risques d’intubation et de ventilation mécanique. En revanche, il est important de ne pas la proposer

trop tard et de donc bien iden-tifier les patients présentant des signes de gravité dès leur arrivée. • Traitements antérieurs par bêtabloquants et IEC-ARB : les traitements par bêtabloquants, en dehors du choc et de la né-cessité d’un support inotrope, ne doivent pas être arrêtés mais peuvent être transitoirement diminués (50 %). Le traitement par IEC, ARB peut être transitoi-rement arrêté car le traitement diurétique intraveineux aug-mente le risque d’insuffisance rénale et cette classe thérapeu-tique a un effet à long terme et ne présente pas d’effet rebond.

Bolus perfusion Ivse dobutamine Non 2-20 mg/kg/min dopamine Non 3-5 mg/kg/min Si > 5 effet bêta- agoniste et surtout risque de vasoconstrictionnoradrénaline Non 0,2-1 mg/kg/min adrénaline Non sauf arrêt cardiorespiratoire 0,05-0,5 mg/kg/min

tableau 3 - maniement des inotropes positifs.

Rechercher un autre diagnostic

< 100 pg/ml ICA très peu probable VPN > 95 %

BNP > 400-500 pg/ml

Diagnostic probable : VPP moins élevée chez la personne âgée que

les patients jeunes mais > 90 % en règle générale

Signes cliniques évocateurs d’insuffisance cardiaque

Diagnostic incertain

BNP

BNP entre 100 et 400-500 pg/ml

Diagnostic incertain faire une échographie

cardiaque rapide et débuter un traitement

si signes évocateurs

Attention à l’obésité : diminuer de 40 % les taux mesurés

figure 5 - utilisation du Bnp en diagnostic.

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InsuffIsance cardIaque

surveIllanceElle passe par la mise en place d’un monitoring hémodyna-mique (scope ECG et pression artérielle non invasive). La me-sure continue de la saturation en oxygène est importante, en parti-culier dans les premières heures. Une surveillance horaire de la diu-rèse est également un élément-clef pour estimer la réponse au traitement. En cas de syndrome coronarien aigu et en particulier en cas d’infarctus aigu, il est im-portant de ne pas différer la co-ronarographie qui sera précédée de la mise en place d’une contre-pulsion aortique. La mise en place d’une voie veineuse centrale est parfois utile (forte doses de diu-rétiques, inotropes) mais ne dit pas retarder la mise en œuvre de traitement par voie veineuse clas-sique de bonne qualité. En cas de traitement par furosémide, il est souvent utile de poser deux voies, le furosémide précipitant avec de nombreux produits. n

Signes cliniques évocateurs d’insuffisance cardiaque

Diagnostic incertain

NT-pro-BNP

BNP entre 300 et 900-1800 pg/ml

Diagnostic incertain faire une échographie

cardiaque rapide et débuter un traitement

si signes évocateurs

Attention à l’obésité : diminuer de 40 % les taux mesurés

< 300 pg/ml ICA très peu probable

VPN > 95%

Rechercher un autre diagnostic

Diagnostic probable : VPP moins élevée chez

la personne âgée que les patients jeunes mais

> 90 % en règle générale

BNP > 900 pg/ml si 55-75 ans ou > 1 800 pg/ml chez les patients de > 75 ans

et les femmes

figure 6 - utilisation du nt-pro-Bnp en diagnostic.

mots-clés : personne âgée, Insuffisance car-

diaque, diagnostic, signes cliniques,

stratégie thérapeutique

• Dickstein K, Cohen Solal A, Fillipatos G. ESC guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure 2008. Eu-ropean J Fail 2008 ; 10 : 933-89.

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