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Université de Lyon Institut d'Études Politiques de Lyon La coopération décentralisée franco- marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas de la coopération entre le Département de l'Hérault (CG34) et la Région Souss Massa Drâa Diplôme de l'IEP de Lyon 4ème année 2009 - 2010 CHOUKOUR Marc - Olivier Sous la direction de : Filali Osman Soutenu le : 7 septembre 2010 Membre du jury :Serge Miquel

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  • Universit de LyonInstitut d'tudes Politiques de Lyon

    La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressourceen eau : le cas de la coopration entrele Dpartement de l'Hrault (CG34) et laRgion Souss Massa Dra

    Diplme de l'IEP de Lyon4me anne

    2009 - 2010CHOUKOUR Marc - Olivier

    Sous la direction de : Filali OsmanSoutenu le : 7 septembre 2010

    Membre du jury :Serge Miquel

  • Table des matiresRemerciement . . 4Sigles . . 5Introduction . . 6Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocainedans la gestion de la ressource en eau? . . 11

    Chapitre 1 : Quelle coopration dcentralise franco-marocaine pour quelle cooprationdcentralise dans le domaine de l'eau? . . 11

    I) La coopration dcentralise : un phnomne en perptuelle volution . . 11II) La coopration dcentralise dans le domaine de l'eau : des politiquesspcifiques . . 14

    Chapitre 2 : Dcentralisation et gestion de l'Eau au Maroc. . . 24I) Dcentralisation au Maroc : vers la rgionalisation? . . 24II) Gestion de l'Eau au Maroc . . 29

    Deuxime partie : Vers une plus grande collaboration entre partenariat euro-mditerranenet coopration dcentralise dans la gestion de la ressource en eau? . . 39

    Chapitre 1) La coopration dcentralise entre le CG 34 et la RSMD. . . 39I) La phase oprationnelle du projet : un nouveau cadre, une coopration plusefficace, une multiplicit d'acteurs et d'initiatives coordonner. . . 40II) AFD, BM, UE...: vers une plus grande association des bailleurs de fonds? . . 46

    Chapitre 2) La nouvelle stratgie pour l'eau de l'Union pour la Mditerrane, del'mergence de projets phares la volont de standardisation : vers l'intgration de lacoopration dcentralise dans un nouveau cadre? . . 51

    I) L'apport de l'Union pour la Mditerrane. . . 52II)L'dification de projets phares . . 62III) Le projet slectionn par l'Union pour la Mditerrane. . . 67

    Conclusion Bilans et perspectives du projet tudi . . 69Bibliographie . . 72

    Ouvrages . . 72Gnraux . . 72Sur la Gouvernance . . 72Sur la coopration dcentralise . . 72Sur le Maroc : . . 72

    Thses universitaires . . 73Articles . . 73Rapports . . 74Fiche Projet . . 75Mmoire . . 75

    Annexes . . 76Annexe 1 :Atlas de la coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestionde la ressource en eau . . 76Annexe 2: Discours SM Mohammed VI sur la Rgionalisation le 3 Janvier 2010 Marrakech . . 86

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    RemerciementJe tiens remercier M Filali Osman, mon directeur de mmoire pour ses conseils tout au long del'anne et pour sa disponibilit.

    Je remercie galement M Serge Miquel pour toutes les informations qu'il m'a communiqu etpour avoir accept d'tre membre de mon jury.

    Mes penses vont galement aux diffrentes personnes qui m'ont aiguill tout au long de cemmoire, rpondant avec gentillesse mes questions parfois candides.

    Merci Coralie et ma famille pour la relecture.

    A mes amis, pour leur soutien.

    A Camille, pour ce qu'elle est.

    Les verres d'eau ont les mmes passions que les ocans. Victor Hugo

  • Sigles

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    Sigles

    ABHSM: Agence de Bassin Hydraulique du Souss MassaAERMC: Agence de l'Eau Rhne Mditerrane CorseAFD : Agence Franaise de DveloppementALR: Autorits Locales et RgionalesARLEM: Assemble Rgionale et Locale Euro-MditerranenneCG 34 : Conseil Gnral de l'HraultCUF : Cits Unies FranceGIRE: Gestion Intgre des Ressources en EauMATEE: Minstre de l'Amnagement du Territoire, de l'Eau et de l'EnergiePDAIRE : Plan d'Amnagement Intgre de gestion des Ressources en EauONEP: Office National de l'Eau PotableORMVASM : Office Rgional de Mise en Valeur Agricole du Souss MassaRSMD: Rgion Souss Massa DraSAGE : Schma d'Amnagement et de Gestion des EauxUpM: Union pour la Mditerrane

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    Introduction

    Le lien unique qui nous unit s'est forg travers notre histoire commune, bien sr, maisil est beaucoup plus qu'un hritage, c'est une ralit qui se construit au quotidien et une

    promesse pour l'avenir. 1

    La coopration dcentralise est un phnomne en pleine expansion et correspond

    une place nouvelle que prennent 2 les collectivits territoriales franaises comme acteurs

    de solidarit internationale. Je suis intress depuis longtemps par les thmatiques dela dcentralisation et par la coopration euro-mditerranenne et ce sujet m'a permis derunir ces deux thmes. Le choix du Maroc se place dans la suite d'un travail de rechercheprcdemment effectu sur le Sahara Occidental. Celui de la dcentralisation dans lasuite d'un rapport de stage effectu l'an dernier au sein du Conseil Rgional LanguedocRoussillon.

    Le Maroc s'est lanc, principalement depuis l'accession au trne de Sa MajestMohammed VI, dans un vaste mouvement de dcentralisation que l'on ne trouve nul par

    ailleurs sur les rives Sud et Est de la mditerrane, part peut tre en Jordanie 3 . Il

    constitue donc un laboratoire intressant pour tudier le dveloppement du processus dedcentralisation dans les pays partenaires mditerranens.

    Nous postulons que le Maroc est un espace entre deux plong dans un entre deuxtemps.

    Ni vraiment Africain 4 , pas encore, jamais?, europen

    5 , le Maroc est tantt une terre

    de liaison, d'changes entre deux espaces 6 , deux ralits, tantt une frontire avec la mise

    en place de la politique d'externalisation de l'immigration et le dveloppement d'un contrledes populations subsaharienne en direction de l'Union Europenne sur son territoire.

    1 Nicolas Sarkozy lors d'une visite au Maroc en Octobre 20072 L'tude de la coopration dcentralise dans le domaine de la gestion de la ressource en eau est intressant et dmontre

    la place qu'ont pris les collectivits territoriales pour mener et financer des projets sans que la loi ne leur accorde la possibilit definancer en fonds propres leurs actions de solidarit internationale. Voir infra

    3 En effet, ce pays a lanc un vaste mouvement de rgionalisation en 2005. Pour plus d'informations ce sujet voir les autoritslocales et rgionales dans la nouvelle gouvernance mditerranenne, Institut de la mditerrane, 2008

    4 A cause du problme du Sahara Occidental, le Maroc s'est coup de nombreux partenaires arabes et Africains, au premierrang son voisin algrien dont la frontire est ferm depuis plus de 30ans. Le Maroc a longtemps uvr seul contre tous sur ce dossieren Afrique, plus facilement soutenu par l'UE ou les tats-Unis. Pour plus d'informations ce sujet, voir MOHSEN-FINAN Khadija,Sahara Occidental : les enjeux dun conflit rgional, CNRS Ed., Paris, 1997, 229p.

    5 Le statut avanc est un tat hybride o le pays bnficie de liens privilgis avec l'Union Europenne sans pour autant entre membre. On peut rsumer ce lien par la phrase : Plus que l'association, moins que l'adhsion

    6 Comme le dmontre par exemple la cit cosmopolite de Tanger

  • Introduction

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    La rfrence au temps n'a pas pour ambition de renvoyer aux thories de la transitologie7 qui postulent l'existence de seuils remplir dans un processus linaire qui fait dela dmocratie le point darrive naturel de toute volution politique et value les trajectoires

    politiques des pays de la rgion en fonction de leur adquation 8 La transitologie applique

    au Monde Arabe s'est, tour tour, attache mettre en avant des pr requis conomiques etsociaux qui permettraient l'avnement de la dmocratie avant, l'occasion de la troisime

    vague de dmocratisation 9 , qui a touch principalement les PECO, l'Amrique latine et

    l'Asie du Sud Est, d'investir massivement sur la socit civile comme facteur de libralisationet de dmocratisation.

    L'entre deux temps auquel nous faisons rfrence concerne les rformes engagesdans le cadre du processus de dcentralisation, et notamment le projet royal d'une

    Rgionalisation avance, ou largie 10 qui pourrait bouleverser profondment

    l'organisation des pouvoirs au Maroc 11 . En attendant l'application de cette rforme,

    et surtout les territoires concerns, le pays connait pour l'instant un entre deux par lavolont affiche sans cesse par le Maghzen de poursuivre et d'amplifier le processus dedcentralisation et la tradition centralisatrice qui continue dominer.

    Le choix du secteur de l'eau est intervenu suite la confrence laquelle j'aiassist les 23 et 24 novembre 2009 Lyon sur la contribution des autorits locales etrgionales la stratgie pour l'eau de l'Union pour la Mditerrane Sensibilis commecitoyen l'importance de la thmatique eau , j'ai vraiment ralis, au cours de cetteconfrence, l'importance d'une bonne gestion de la ressource dans les pays mditerranensqui connaissent des situations catastrophiques de stress hydrique, de pollution et unmanque cruel d'infrastructures, de politiques ddies, de personnel qualifi... La zonedevrait connaitre une inflation considrable de ces tempratures, +5 en 50ans. La encore,l'exemple du Maroc est doublement intressant. Bnficiant de ressources importantes pourla zone, la monarchie s'est lance ds son indpendance dans une politique centraliseforte fonde sur l'offre afin de garantir son pays un accs durable l'eau. Devant l'chec decette politique rpondre des scheresses de plus en plus importantes et de plus en plusfrquentes et sous l'injonction des principaux bailleurs de fonds, le Maroc a entam, grce la loi 10-95 sur l'eau, une politique de gestion de l'eau qui suivait une logique de bassinsversants et la mise en place, progressive, d'Agences de Bassin Hydrauliques. Toutefois, etdans la ligne du processus dcrit prcdemment, ce mouvement a eu du mal se mettreen place et le systme politique marocain n'a que trs moyennement dot les Agences

    7 Pour une analyse de la question de la transitologie au Maroc, voir VAIREL Frdric, La transitologie, langage du pouvoirau Maroc, in Politix, Volume 20, n80, 2007, p 109-128 Pour une analyse critique de la transitologie en gnral, voir notammentDOBRY Michel, Les voies incertaines de la transitologie : choix stratgiques, squences historiques, bifurcations et processus de pathdependence , Revue Franaise de science politique, n4-5, 50me anne, 2000, p 585-614, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395499 , consult le 18aout 2010.

    8 HEYDEMAN Steven, La question de la dmocratire dans les pays arabes, Critique internationale n17 - octobre 2002, http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci17p54-62.pdf , consult le 18 aout 2010.

    9 HUNTINGTON Samuel, The Third Wave, Democratization in Late Twentieth Century, Norman University of Oklahoma Press,1991

    10 Vers un modle marocain de rgionalisation?11 Prcisons que les perspectives sur une plus grande dmocratisation du rgime travers ce projet sont largement discutes.

    Cependant, c'est un point que je n'aborde pas dans mon mmoire

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395499http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395499http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci17p54-62.pdfhttp://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci17p54-62.pdf

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

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    de moyens suffisants pour mettre en place les, nombreuses, comptences qu'il leur avaittransmis.

    Dans ce cadre l, les acteurs locaux, Rgions et Agences de Bassins, se sontlogiquement tourn vers l'extrieur afin de bnficier de l'expertise de collectivits,notamment franaises. C'est ainsi, que ds 2002, la Rgion Souss Massa Draa entamaitune coopration dcentralise avec la Rgion Aquitaine et qu'en 2003 commenait lacoopration dcentralise avec le Dpartement de l'Hrault (CG 34).

    Nous avons choisi de focaliser notre tude sur la collaboration entre la RSMDet le CG34 puisque celle-ci traite directement de notre sujet. En effet, la cooprationdcentralise entre ces deux acteurs a permis la mise en place de nombreux programmesdans le domaine de l'eau sur des zones trs diffrentes, urbaines, rurales, de montagne,mettant en place des phnomnes innovants, convention quadripartite, premier SchmaD'Amnagement de la Gestion de la ressource en Eau (SAGE) au Maroc. Le projet a voluau fur et a mesure des annes pour acqurir un caractre exemplaire au point d'treretenu comme projet phare lors de la confrence sur la contribution des autorits localeset rgionales.

    Cette slection de projets phares par l'Union pour la Mditerrane vise associerplus directement les Autorits Locales et Rgionales aux projets mens dans le cadre dupartenariat euro-mditerranen. Le processus de Barcelone avait permis la mise en place

    de rseaux de collectivits territoriales 12 mais n'avait pas intgr directement les ALR

    ses projets. L'Union pour la Mditerrane a choisi de mettre en avant des projets decooprations dcentralises solides tmoignant de la capacit certaine des collectivits construire des projets efficaces et utiles. Ce lien, qui n'est pas anodin, permet de repenserle rapport entre coopration bilatrale entre territoires et processus multilatral commecelui de l'Union pour la Mditerrane. Il vient bouleverser l'organisation prcdente enassociant des mouvements prcdemment parallles mais dont les enjeux, et les moyensfinanciers restaient spars. L'eau est le premier thme profiter de ce systme et il estdonc primordial d'tudier les transformations que ces changements induisent. La encore,il s'agit d'un laboratoire d'exprimentation intressant pour la mise en place progressive,mais encore incertaine, de pactes territoriaux.

    Le sujet souffre de trois difficults majeures : c'est un sujet trs technique qui s'inscritdans l'actualit et brasse, dans ces diffrentes ramifications, de vastes problmatiques.

    Si les bases pour analyser les processus de dcentralisation dans les pays arabes,stage, la gouvernance, cours et ouvrages, ou mme la coopration dcentralise, lecturespersonnelles, m'taient dj donnes, il a fallut un lourd travail de recherche pourapprhender toutes les entres du sujet. La difficult majeure correspondait la technicitdu thme de l'eau dans son vocabulaire, ses institutions, son organisation, sa gouvernance.Le thme de l'eau est traditionnellement divis en trois sous secteurs : l'eau potable,l'assainissement et l'irrigation. Certains oprent une distinction eau propre, (accs eaupotable, irrigation)/eau sale, (assainissement). D'autres territoriales ou en termes de centresurbains majoritairement concerns par les secteurs d'accs l'eau et d'assainissement etde priphries rurales plus concernes par le problme de l'irrigation. Mon choix se placedans une approche intgre qui concerne l'ensemble des thmatiques de l'eau. Ce choixest guid par le type de coopration dcentralise tudie. Le partenaire marocain estune Rgion et, de ce fait, ne peut concevoir sa politique selon une approche sectorielle,privilgiant telle type de sous secteur, ou tel type de territoire.

    12 Et notamment la SEMIDE dans le secteur de l'eau, . www.emwis.org

  • Introduction

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    L'eau polarise, elle attire et attise, on la convoite, elle est au Maroc un instrumentde pouvoir. De ce fait, il tait compliqu de comprendre les diffrentes volutions dela gouvernance sur l'eau, de dterminer les choix stratgiques pour lesquels le pays aopt et ceux qui correspondaient aux injonctions des grands bailleurs de fonds. Il a doncfallu prendre le problme, sans mauvais jeu de mots, en amont. J'ai ainsi opt pour unerflexion qui m'a conduit analyser l'volution de la gouvernance de l'eau dans les PaysEn Dveloppement en suivant les grands paradigmes de la discipline pour vrifier leurapplication dans le systme chrifien. Cela m'a galement permis d'engager une rflexionsur l'apport de la coopration dcentralise de nouveaux modes de gouvernance de l'eau.

    L'actualit du sujet a constitu un autre biais important. Comment juger et analyser desprocessus en cours dans un sujet aussi technique lorsque l'on est un tudiant et que lalittrature disponible est essentiellement compose de rapports qui manquent, parfois, deregards critiques et qui s'emballent, souvent, pour les projets exposs?

    Il aura fallut de nombreuses lectures, discussions, changes de mails, changestlphoniques avec des universitaires, des spcialistes pour se faire une ide de ce quifonctionne rellement ou pas. La recherche sur le terrain manque cruellement et il estdommage que la rgion marocaine n'ait rpondu ni mes mails, ni donn suite mes appels.

    En ce qui concerne l'Union pour la Mditerrane, le problme est similaire. Leprocessus est fortement politis et souffre donc de difficults profondes. Le report de laconfrence l'origine fixe en Juin au mois de Novembre est un exemple de ces difficults.Il a fallu analyser des textes et des projets dont l'valuation ne pourra tre faite qu'aprsleur mise en place. Le sujet manque donc, parfois, de recul mais a le mrite de travaillersur une matire active et vivante.

    Dernier biais, la richesse du sujet m'amne confronter processus bilatral,coopration dcentralise, et processus multilatral, l'Union pour la Mditerrane. Chacunaurait pu constituer un mmoire lui tout seul. L'articulation de ces processus est pourtantpassionnant. En me focalisant sur une coopration dcentralise, en analysant son cadre,ses volutions, ses difficults, j'analyse le projet de l'UpM non pas comme fait principal,ce qui est souvent le cas, mais comme ingrdient complmentaire de la cooprationdcentralise. Ainsi le regard choisi est form par l'exprimentation de projets concrets ettente de dterminer l'utilit de l'UpM pour les territoires et pour la coopration dcentralisedans le domaine de l'eau. La slection du projet entre le CRSMD et le CG34 n'est donc pasune fin en soi mais bien un moyen d'obtenir plus de fonds et une plus grande lgitimit. Parla suite, je me pose la question de la volont de l'UpM de mettre en avant des rfrentsdans la manire dont devrait tre construite la coopration dcentralise dans le domainede l'eau. Ma rflexion m'emmne me demander si l'UpM n'a pas, par la mutualisation,la volont de produire des standards dans la faon de construire et grer des projets decoopration dcentralise dans le domaine de l'eau.

    Au regard du projet tudi, le projet de recherche que nous entamons tentera dedterminer si la coopration dcentralise entre le dpartement de l'Hrault et la RgionSouss Massa Dra est un exemple paradigmatique de coopration dcentralise russiedans la gestion de la ressource en eau. A bien des gards, le projet pourrait s'affirmercomme pilote sur la zone de part l'exprience acquise dans la coopration franco-marocaineet les collectivits franaises dans la coopration dcentralise dans le domaine de l'eau, travers notamment de nouveaux financements ddis. Le processus de dcentralisationengag au Maroc ainsi que sa gestion dcentralise par bassins en font un acteur partsur la zone.

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

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    L'tude du projet en lui mme dans sa construction, sa dfinition et ses ambitionspermettra de fixer les cadres dans lesquels la coopration se construit. Enfin le processusde L'Union pour la Mditerrane et la slection du projet comme l'un des sept projetsexemplaire permettra de finir cette analyse en ouvrant une rflexion sur le nouveau rapportentre processus bilatral et processus multilatral.

    Figure 0 : La rgion Souss Massa Dra

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

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    Premire partie : Quel cadre d'analysepour la coopration dcentralisefranco-marocaine dans la gestion de laressource en eau?

    Chapitre 1 : Quelle coopration dcentralise franco-marocaine pour quelle coopration dcentralise dansle domaine de l'eau?

    Afin de comprendre le cadre dans lequel se met en place la coopration dcentraliseentre le dpartement de l'Hrault et la Rgion Souss Massa Dra, cette partie sepropose d'apporter les lments thoriques englobant la coopration dcentralise franco-marocaine et la coopration dcentralise dans la gestion de la ressource en eau. Aprsavoir rappel les volutions de la coopration dcentralise, nous nous concentrerons dfinir l'identit de la coopration dcentralise franco-marocaine qui impressionnepar son nombre mais pas toujours pas sa qualit. Puis nous tudierons la cooprationdcentralise dans la gestion de la ressource en eau qui tend se diffrencier des autrescooprations dcentralises par la mise en place d'instruments financiers spcifiques.Cela nous permettra galement d'aborder les diffrents modes de gouvernance de l'eauappliqus dans les PED et nous donnera l'occasion de proposer une modlisation thoriqued'une nouvelle approche de gouvernance, proche de l'conomie solidaire, au sein delaquelle la coopration dcentralise a toute sa place.

    I) La coopration dcentralise : un phnomne en perptuellevolution

    1) Prsentation et volution de la coopration dcentraliseLes premires formes de coopration dcentralises apparaissent au lendemain de laseconde guerre mondiale, quand, partir de 1947, se dveloppent les premiers jumelagesentre communes d'Europe Occidentale dans le but de crer des liens d'amiti entre

    les populations 13 Le mouvement des indpendances dans les annes 60 fait merger

    la coopration dcentralise entre le Nord et le Sud: la coopration ne se conoit plusexclusivement travers le prisme de la paix inter-europenne entre collectivits de mmeniveau de dveloppement, elle acquiert une dimension solidaire. Mais selon Boinvilliers, ce

    13 BEKKOUCHE A, GALLET, B La coopration dcentralise : l'mergence des collectivits et autorits territoriales sur la scneinternationale. In Annuaire franais des relations internationales. Paris, 2001, volume 2, p376.

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

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    sont les annes 80 qui voient le phnomne se gnraliser 14 , les partenaires se

    multiplier , les relations se densifier L'anne 1982 marque un tournant crucial pourla reconnaissance du rle des collectivits territoriales la fois comme acteur local ausein de l'espace national et comme acteur de coopration transfrontalire( Art 65). PourPetiteville, on peut considrer la coopration comme l'un des multiples effets induits de

    la dcentralisation. 15

    Mais c'est vraiment la loi du 6fvrier 1992 qui consacre la coopration dcentralise etqui lui offre une valeur juridique. Ses dispositions sont codifies dans les articles L.1112-1 L.1112-7 du Code gnral des collectivits territoriales. L'article L.1112-1 dispose que les collectivits territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avecdes collectivits trangres et leurs groupements dans les limites de leurs comptences et

    du respect des engagements internationaux de la France. 16 Tandis que larticle L. 1115-5

    dispose qu aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut tre passe entre

    une collectivit territoriale ou un groupement et un tat tranger 17

    La multiplication des cooprations dcentralises et les problmes poss par cettedisposition emmne le snateur Thiollire dposer une proposition de loi vote l'unanimit. Son article unique vise rcrire entirement larticle L. 1115-1 du code

    gnral des collectivits territoriales 18 et propose Le remplacement de la notion de

    collectivits territoriales trangres et leurs groupements par celle dautorits localestrangres afin de ne plus exclure les partenaires trangers qui nont pas un statut decollectivit territoriale dans leur droit ainsi que la suppression des mots dans les limitesde leurs comptences (...)La coopration dcentralise ne serait plus un prolongement,en dehors de nos frontires, de laction de droit commun des collectivits territoriales, mais

    une comptence supplmentaire de celles-ci. 19

    2)La coopration dcentralise franco-marocaine : une identit particulire?La coopration franco marocaine a-t-elle une identit particulire? Au regard du nombre,impressionnant de cooprations dcentralises entre les deux pays, plus de cent, onpeut lgitimement se demander pourquoi les deux pays collaborent ils autant et surtoutcomment collaborent-ils? Dans la perspective de notre tude, afin de dterminer si lacoopration dcentralise entre le Dpartement de l'Hrault et la rgion Souss Massa Draaest novatrice, il faut d'abord essayer de comprendre ce qu'est la coopration dcentralisefranco marocaine. Cette partie a pour objectif de dfinir les lments communs aux projetsde cooprations dcentralises entre les deux pays et de tenter de mettre en exergueune identit la coopration franco marocaine. Pour ce faire, nous nous concentrerons analyser huit annes de coopration dcentralise afin de comprendre les apports et les

    14 BOINVILLIERS, Coopration dcentralise : acteurs, pratiques, procdures, Ministre des Affaires Etrangres, Paris, 1996, p1815 PETITEVILLE. La Coopration dcentralise. Les collectivits locales dans la coopration Nord-Sud. Paris l'Harmattan, 1995, p 17

    16 Loi d'orientation n92-12517 Ibid18 Rapport Decoq relatif l'adoption de la loi du 2 fvrier 2007 p 1519 Ibid

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

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    limites que celle-ci a entrain mais aussi les difficults d'ordre techniques, financires ethumaines qu'elle a rencontr.

    Chaque anne, ce sont cinq huit cooprations dcentralises qui se crent entrela France et le Maroc. Partageant une histoire commune, les deux pays demeurent trsproches et la coopration dcentralise franaise est fortement oriente vers le Maroc.Ainsi, seule la rgion Bretagne n'a jamais dvelopp de partenariat avec un partenairemarocain. Les motivations qui poussent entreprendre une coopration dcentralise sontmultiples mais pour moiti, celles-ci sont inities grce aux rapports de fraternit entretenusentre lus franais et marocains. Cependant, les proximits gographiques et humainesne sont pas les seules raisons qui poussent les collectivits franaises collaborer avecles partenaires marocains. Ple mle, nous pouvons citer la politique de dcentralisationmene au Maroc, avec l'existence d'chelons similaires de comptences, l'ouverture dupays sur l'extrieur, le Maroc est en constante recherche de partenariats, notamment avecdes territoires de l'UE, la qualit des atouts gographiques et culturels et enfin la similaritface des problmes communs, comme nous le verrons avec l'exemple de la cooprationdcentralise entre le Souss Massa et le dpartement de l'Hrault. Les collectivits sontgalement incites dvelopper ces actions par la prsence de communauts plus oumoins importantes d'origine marocaine sur leur territoire. Cependant, dans les faits, il est

    assez rare de constater une association de ces communauts aux projets mens. 20

    Pour les collectivits marocaines, la coopration avec des collectivits franaises leurpermet d'obtenir une plus grande exprience et un dveloppement certain de comptencesafin de grer plus efficacement les politiques dont ils ont la charge et dont le transfert depuisl'tat demeure rcent.

    Cependant le nombre important de cooprations dcentralises n'est pas pour autantsynonyme de qualit. En effet, de nombreux projets sont abandonns, d'autres sontmens sans relle concertation des populations. Tout cela manque d'organisation, deconsultation, de prparation et de coordination. En effet, si la coopration franco-marocainea effectivement dvelopp un tissu relationnel indniable qui permet d'unir durablement lesterritoires des deux pays, elle a pch dans de nombreux domaines. Les projets demeurentmal organiss, ne disposant pas d'une relle rflexion sur la ncessit des actions, et neprofitent qu'assez peu aux populations concernes qui ne sont pas consultes sur leursbesoins ou leurs envies. Les runions-bilans entre les collectivits ne sont pas prpareset sont souvent l'occasion de grandes rencontres protocolaires o le projet n'est qu'voqu.Enfin, toutes les actions menes le sont indpendamment les unes des autres et certaineszones, notamment les plus touristiques, captent l'essentiel des cooprations alors qued'autres restent vierges de tout investissement et de toute collaboration. Ainsi, il n'existe

    pas de relle coordination entre les diffrents projets. 21

    20 Pour un exemple d'association des communauts d'origine marocaine en France dans une coopration dcentralise avecune rgion Marocaine, voir MAKKAOUI R et DUBOIS J-L Nouvelles formes de gouvernance dans le domaine de l'eau. Apports etlimites de la coopration dcentralise dans les pays en dveloppement, http://developpementdurable.revues.org/index8414.html, dernire consultation le 09/08/2010.

    21 Prcisons qu'une une charte de collaboration entre les cooprations dcentralises de l'Oriental a t adopt, mais celareste un phnomne assez unique.

    http://developpementdurable.revues.org/index8414.html

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

    14 CHOUKOUR Marc - Olivier_2010

    Les actions sont relativement striles au niveau des changes et le caractrevague et imprcis des conventions se rvle peu porteur de profit ou d'offre

    compatible avec la nature et l'ampleur des besoins des collectivits locales. 22

    Huit ans aprs la mise en place du Programme d'Appui la Dcentralisation (PAD), censrpondre ces problmes, la situation demeure complique mme si les projets bnficiantde l'appui du PAD ont du offrir plus de garanties. Ainsi une premire tentative de miseen place de standards a merg par l'application d'une charte comprenant un guidede procdure, la mise en place d'un comit de slection des projets franco-marocain, laplanification du droulement des actions, les rpartitions de charges financires entre les

    collectivits locales partenaires. 23 ainsi que par une procdure de slection des projets.

    Reste que malgr la mise en place du PAD et l'ampleur des relations entre les deuxpays, la coopration dcentralise franco-marocaine n'chappe pas aux contraintes de lacoopration dcentralise Nord/Sud. Au Maroc, ces contraintes sont de plusieurs ordres.Tout d'abord, il n'existe pas au Maroc d'instances ddies la coopration dcentralise.En effet, nous l'avons dit, les cooprations sont le fruit de rencontres fortuites ou de liensamicaux ente les dirigeants. Les collectivits marocaines se retrouvent dans l'obligationde mener eux mmes la construction des projets sans relle dification des besoinsncessaires, des zones prioritaires ou des fonds lever. De plus, ces lus, relativement peuforms, ne disposent que rarement de rseaux dvelopps avec l'ensemble de la socitcivile de leur territoire.Abdelghani Abouhani explique, par ailleurs, que l'Etat marocain impose toute une srie de limitations qui ralentissent ou bloquent les initiatives des

    collectivits locales 24 La maitrise des oprations de coopration dcentralise, par le

    prestige qu'elles peuvent offrir et les moyens qu'elle permet de dvelopper, entraine doncune concurrence entre des lus locaux en qute de lgitimit et de reconnaissance et untat marocain qui ne souhaite pas perdre le contrle des actions effectus sur son territoire.Notons qu'il existe une diffrence majeur entre les diffrents appels du Roi une plus grandemancipation des territoires et la ralit du maillage de l'administration tatique. Le dernierbiais est d'ordre financier et dcoule du prcdent. En effet, les collectivits locales souffrentde leur dpendance envers l'tat et leur budget reste le plus souvent allou aux dpenses defonctionnement. Les ressources propres des collectivits, par le dveloppement des imptslocaux par exemple, restent faibles et institutionnalise les pouvoirs locaux dans leur relationde dpendance : dpendance face l'tat et dpendance face aux partenaires du Nordavec qui ils peinent construire des partenariats quilibrs et stratgiques.

    La coopration dcentralise franco-marocaine se caractrise donc par son nombreimportant et par l'existence d'outils ddis amliorer son fonctionnement. Elle n'chappepourtant pas aux incohrences et aux difficults de la coopration Nord/Sud.

    II) La coopration dcentralise dans le domaine de l'eau : despolitiques spcifiques

    22 "La coopration internationale des Collectivits Locales marocaines , numro spcial de la lettre des CollectivitsLocale, septembre 2005..23 HUSSON, SAFF (dir) Evaluation de la coopration dcentralise franco-marocaine, CIEDEL, Janvier 2009.

    24 ABOUHANI, A, La coopration dcentralise: un espoir pour les villes du Sud? Le cas du Maroc

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 15

    Nous l'avons vu travers l'exemple marocain, la coopration dcentralise est unphnomne rcent qui profite d'un fort engouement de la part des collectivits franaises.Dans le secteur de l'eau, et face aux problmatiques complexes entourant ce sujet,nul ne peut rester inactif. Les collectivits territoriales franaises, et plus largementeuropennes, ont dvelopp des savoirs faire et une maitrise technique des diffrentslments ncessaires pour accompagner la transition durable des territoires vers unemeilleure gestion de la ressource en eau. Pourtant, pendant longtemps les outils juridiquespour accompagner la solidarit internationale ont t inexistants. Pour ce faire, a t cren 2005, la loi Oudin-Santini qui offre des moyens financiers aux collectivits territorialescomptentes pour mener des actions de coopration dans le domaine de l'eau. Cetteloi ouvre de nouvelles perspectives et institutionnalise la comptence des collectivitsterritoriales franaises dans la coopration dans le domaine de l'eau. Cependant, lacoopration dcentralise dans le secteur de l'eau ne doit pas se cantonner uneperspective d'accompagnement technique, elle doit tre un moyen de repenser le rapportaux populations dans une gestion plus participative de la ressource en eau et doit contribuer renforcer l'acceptabilit du projet auprs des populations et les capabilits de celles-ci.

    1) Typologie des diffrentes actions de coopration dcentraliseNotre analyse tudiera essentiellement la coopration dcentralise franco trangre dansle domaine de l'eau en fonction de l'angle d'tude tabli.

    Le manque d'accs la ressource en eau 25 touche 1.1 milliards de personnes et le

    manque d'assainissement 2.6 milliards. Il s'agit de la premire cause de mortalit dans lemonde. Le point numro 7 des objectifs du millnaire, raffirm lors du Sommet mondial dudveloppement durable Johannesbourg en septembre 2002, se concentre principalementsur un accs durable l'eau . Les collectivits territoriales tentent de contribuer, leurchelle, la russite de ces objectifs. Les dfis sont importants : pour atteindre ces objectifsen 2015, en fonction de la croissance dmographique prvue, il faut desservir 1.6 milliardsde personnes en eau potable et 2.2 milliards en assainissement, sachant qu'aujourd'hui 90% des rejets domestiques ne sont pas traits.

    Afin de rpondre aux enjeux poss par ces problmatiques, d'apporter leur contributionaux objectifs du millnaire, d'exporter leur comptences et savoirs faire, et de menerdes actions de solidarit internationale, la coopration dcentralise franaise dans ledomaine de l'eau est multiple, rassemblant des projets la mthodologie aux moyens, auxfinancements et l'ambition diffrente.

    Six cents soixante-quatorze actions sont menes par 300 acteurs franais decoopration dcentralise engags sur l'eau et l'assainissement qui contribuent hauteurde 18 millions d'Euros en 2009, dont 12.5 millions rien que pour l'Afrique. Prcisons quecette contribution s'effectue exclusivement sous forme de subventions (dons). Les actionsde coopration dcentralise dans le secteur de l'eau sont pour 44% concentres en milieuurbain, 37% en milieu rural et 27% dans des petits centres. Il existe deux modesd'interventions qui renvoient deux conceptions diffrentes (coopration dcentralise etsolidarit internationale), elles mmes divises en initiatives diverses. Nous tudieronstout d'abord les actions de coopration dcentralise avant d'analyser celles de solidaritinternationale.

    25 Dfinit par l'OMS comme la possibilit de disposer d'au moins 20 litres d'eau par personne et par jour partir d'une sourcesalubre dans un rayon d'un kilomtre

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

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    Le rapport intitul Bilan et caractrisation de la coopration dcentralise dans le

    secteur Eau et Assainissement 26 tablit une typologie des diffrentes types de relations

    engags et des diffrents modes de pilotage des actions :a. Pilotage et suivi des actions de coopration assurs par les services de la collectivit,

    et mobilisant l'expertise de la collectivit ou du territoire.b. Pilotage et suivi des actions de coopration assurs par les services de la collectivit,

    ne mobilisant pas l'expertise de la collectivit ou du territoirec. Pilotage et suivi des actions de coopration mens en partenariat avec une

    association, et mobilisant l'expertise de la collectivit ou du territoired. Pilotage et suivi des actions de coopration mens en partenariat avec une

    association, ne mobilisant pas l'expertise de la collectivit ou du territoiree. Coopration multi-collectivits : pilotage souvent dlgu une tte de rseau

    associative, mutualisant les moyens, et parfois les comptences.En fonction du type de coopration effectue, des actions diffrentes sont menes.

    Ainsi, quand les collectivits territoriales s'impliquent fortement, c'est dire en mobilisantleur expertise, les accords ont quasiment tous un volet significatif de renforcement de lamaitrise d'ouvrage locale ou d'appui constitutionnel. Il est intressant de constater quelorsqu'il y a un fort investissement des collectivits(a), il y a presque toujours (88%) desactions du sous secteur assainissement menes alors que seulement 41% des projets de cetype contiennent un volet eau potable. Inversement, quand interviennent des associationssans investissement des comptences internes de la collectivit (d), le ratio s'inverse (77%eau potable, 54% assainissement)

    Cela s'explique assez facilement. Les collectivits territoriales aiment mener des projetsqui relvent de leur domaine de comptences et l'assainissement a t moins dlgu ausecteur priv que la gestion des services d'eau potable.

    Qu'elles utilisent ou non leur comptences internes, les collectivits territorialestravaillent pour la plupart de concert avec le secteur associatif. Ainsi, 90% des actions de

    CD recenses dans l'tude du PS-EAU associent au moins un acteur associatif 27 , local,

    national, gnraliste ou spcialis dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Il n'existepas de collaboration type entre coopration dcentralise et secteur associatif, chaqueaction dpend de l'investissement de chaque acteur et des comptences, et volonts,engages. On constate cependant une volution vers la cration de postes ddis l'intrieur des collectivits locales la coopration dcentralise dans une volont de r-internaliser les comptences.

    Prcisons enfin que les dmarches permettant la mise en place d'une gestion intgredes ressources en eau ne concernent que six projets (soit 5% des actions menes) mais

    sont amenes se dvelopper. 28

    26 Bilan et caractrisation de la coopration dcentralise dans le secteur Eau et Assainissement . Synthse. Vincent Dussaux& Cline Noblot (pS- Eau ), mai 2010, www.ps eau .org/.../afd_ps eau _synthese_ bilan_cooperation_decentralisee_2010.pdf , consult le 7 juillet 2010.

    27 Ibid, p 1628 Ibid, p17

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 17

    La deuxime forme d'intervention des acteurs de la coopration dcentralise est moinsdirecte mais reprsente environ 12.5 millions des 18 millions mobiliss en 2009. Il s'agitdavantage d'un investissement financier, de type bailleur, des cooprations dcentralisesmenes par d'autres collectivits territoriales ou des actions menes par des associations.Ces contributions peuvent tre de deux sortes : soit par l'intermdiaire d'un fond desoutien, ddi totalement ou non au secteur eau et assainissement, soit par une approcheponctuelle, sur un territoire et selon une mthodologie prcise.

    Les fonds de soutien pour les organisations de solidarit internationale du territoirereprsentent environ trente organismes qui fonctionnent selon une logique d'appel projetspour soutenir leur action. Ceux ci sont essentiellement mis en place par les conseilsgnraux et rgionaux et rpondent des critres d'ligibilit diffrents : public concern(associations en majorit, parfois d'autres collectivits), secteur gographique( pourcompenser des zones non couvertes par l'accord ou au contraire pour accentuer l'effortmen), le type d'activits...

    Les fonds de soutien pour des projets du secteur Eau et Assainissement mis en placesuite l'application de la loi Oudin.

    La participation financire ponctuelle une action ne rpond pas une logique d'appel projets et est ouverte tout type d'acteurs. Cela concerne environ une cinquantained'organismes.

    2)La loi Oudin et les nouvelles perspectives de financement.L'Assemble Nationale a vot le 9 fvrier 2005, la loi n2005-95 relative la cooprationinternationale des collectivits territoriales et des agences de l'eau, dite loi Oudin , enrfrence au snateur qui a initi le projet. Cette loi prcise que Les communes, lestablissements publics de coopration intercommunale et les syndicats mixtes chargs desservices publics de distribution d'eau potable et d'assainissement peuvent, dans la limitede 1% des ressources qui sont affectes aux budgets de ces services, mener des actionsde coopration avec les collectivits territoriales trangres et leurs groupements, dans lecadre des conventions prvues l'article L.1115-1, des actions d'aide d'urgence au bnficedes collectivits et groupements, ainsi que des actions de solidarit internationale dans les

    domaines de l'eau et de l'assainissement. 29

    Cette loi apparat aprs plusieurs dcennies de flou juridique sur la question dufinancement de la coopration dcentralise. En effet, l'tude la jurisprudence relative lacoopration internationale des collectivits et des agences de l'eau dmontre que ds 1987,le tribunal administratif de Paris avait annul les dlibrations des conseils municipaux descommunes de Pierrefite-sur-Seine, Saint-Ouen et Romainville attribuant des subventions

    des associations d'aide matriel pour le Nicaragua. 30 La condamnation par la cour

    des comptes de l'agence Rhin-Meuse en 2002 constitue le cas le plus intressant. En effet,la cour a jug que les agences tant des tablissements publics, elles se doivent derespecter le principe de spcialit, les tablissements publics ne peuvent intervenir quedans le champ des comptences qui leur sont transfres ou dlgues conformment auxrgles poses par l'article L.5210-4 du code gnral des collectivits territoriales (principe de

    29 Texte n375, ASSEMBLE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958, DOUZIME LGISLATURESESSIONORDINAIRE DE 2004-200527, janvier 2005

    30 Les actions de coopration dcentralise dans les domaines de l'eau et de l'assainissement : premiers effets de la loi Oudin ENGREF, fevrier 2007, p 12

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    spcialit fonctionnelle) et l'intrieur de leur primtre (principe de spcialit territoriale) 31

    Hormis les agences de l'eau, aucune collectivit territoriale n'a du abandonner sonaction pour des actions de coopration dcentralise lie l'eau, il s'agissait essentiellementde subventions des associations dont les diffrents tribunaux jugeaient qu'ils n'avaientaucun intrt pour la population locale franaise.

    Prcisons que bien que les collectivits territoriales concernes soient les communesou les groupements intercommunaux, de nombreux conseils rgionaux et gnraux ontsubventionn, la suite de l'adoption de la loi Oudin, des actions de coopration dans les

    domaines de l'eau et de l'assainissement. 32

    La loi Oudin possde un potentiel financier important. En effet, en gageant que lescollectivits locales concernes et les agences de l'eau utilisent 1% de l'ensemble desressources affectes au service eau et assainissement, ce sont 112M d'Euros qui sontmobilisables. Cependant, cette application peut tre indexe sur le budget annexe descollectivits territoriales, en cas de dlgation de service public, ce qui est trs frquent dansle secteur de l'eau et de l'assainissement. Ainsi, l'assiette totale potentiellement mobilisable

    ne serait que de 60 Millions d'Euros. 33

    Les agences de l'eau ont un potentiel mobilisable de 19 M d'euros annuel. En 2009, lessix agences de l'eau ont appliqu la loi Oudin et ont contribu pour 6 millions des 13 millionseffectivement engags, soit 30% de leur potentiel. Les 7 millions restant tant rpartis entreles collectivits et leur groupements (soit 10 20% du potentiel total suivant la rgle decalcul choisie).

    Sur la priode 2007-2009, elles ont t les premiers contributeurs pour les actionsEA. (40%) Si on les enlve du dcompte, ce sont les syndicats qui contribuent le plus.Prcisons galement que 87% des contributions 2007-2009 la coopration dcentraliseEA proviennent de 18 organismes.

    Les collectivits territoriales, hors Agences de l'eau et syndicats intercommunaux, ontla possibilit de mobiliser les financements consacrs leurs actions de cooprationEau et Assainissement soit sur leur budget gnral, en application de la loi de 1992 surla coopration dcentralise, complte par la loi n2007-147 du 2 fvrier 2007 dite loi

    Thiollire 34 , soit, si elles en disposent, sur leurs budgets annexes de l'eau ou de

    l'assainissement, en application de la loi Oudin 35

    L'apport de la loi Oudin au budget total eau et assainissement est donc important,puisqu'il reprsente 74% du total investi. (13.2 millions sur 18 millions au total). Les 26%restant venant de l'application de la loi Thiollire. Toutefois, si on enlve les agences del'eau et les syndicats des eaux entirement concerns par la loi Oudin, on se rend compteque la rpartition loi Oudin/loi Thiollire est presque gale (53% contre 47%). Cela signifie

    31 Op cit, p 532 Bien que ne rentrant pas dans le cadre de la loi, celles ci se rfrent aux possibilits offertes par la loi n92-125 et codifies

    l'article L.1112-1 du CGCT.33 Ce problme ne se pose pas pour les agences de l'eau, le potentiel tant gal 1% de leur budget (recettes propres)34 Voir infra35 Rapport bilan et caractrisation de la coopration dcentralise dans le secteur Eau et Assainissement, p 3

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 19

    que les collectivits utilisent autant leur budget gnral que leurs budgets annexes pour

    financer des actions de coopration dcentralise Eau et Assainissement 36

    La rpartition gographique de la coopration dcentralise EA se dfinit comme suit :Figure 1 : Rpartition de la coopration dcentralise Eau et Assainissement

    3) La coopration dcentralise comme apport une nouvelle forme degouvernanceDans le domaine de la gestion de la ressource en eau, diffrentes formes de gouvernanceont t utilises ces dernires annes afin de rendre sa gestion plus efficace et plusquitable. On peut dfinir quatre grandes priodes correspondant quatre grandsparadigmes qui ont accompagn la gestion de la ressource en eau. Ces quatre priodescorrespondent des phnomnes globaux qui connaissent, bien videmment, desadaptions diffrentes selon les pays, voire des contre expriences certains endroits.37 La premire priode est celle des annes 70 et antrieures, avec une approche degestion publique, avec l'eau considre comme un bien public. La deuxime correspond la dcennie sur l'eau (80-90) et voit le problme eau acqurir une dimension internationale.Le troisime moment la multiplication de partenariats publics privs pour une utilisation plusrationnelle. Enfin la dernire priode (depuis 2000) tente d'offrir une place plus importanteaux phnomnes.

    Aprs avoir brivement rappel les principes qui sous-tendent ces trois premiresformes de gouvernance et leurs volutions, nous proposerons une modlisation thoriquesur l'mergence d'une nouvelle forme de gouvernance au sein de laquelle la cooprationdcentralise peut prendre toute sa place et qui permet le dveloppement d'une dmarcheparticipative, incluant des phnomnes tels que la durabilit sociale, et sa soutenabilit,ainsi que la notion de capabilits.

    La gestion de la ressource en eau a d'abord t organise autour du secteur public,centralis autour de l'Etat. Makkaoui tablit trois critres qui dfinissent le schma adoptdans la plupart des pays du Sud et qui a domin jusqu' la fin des annes 70.

    La proprit et l'exploitation publiques des infrastructures hydrauliques taient assurespar des entreprises nationales en situation de monopole.

    La gestion tait fortement centralise, l'tat assurant les fonctions de rgulation de lagestion et de planification des investissements.

    Les usagers avaient un rle trs rduit, la gestion publique ne prvoyant pas la

    participation ds acteurs locaux ni celle des usagers. 38

    La dcennie 80, que les institutions financires internationales (IFI) dnomment ladcennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement voit le rle centralisateurde l'tat consacr, l'tat dveloppeur mais celui-ci ne rpond plus une logique propre

    36 Ibid37 Voir BREUIL LISE, Renouveler les Partenariat Public Priv dans les secteurs Eau et Assainissement pour les Pays EnDveloppement, thse de doctorat,Ecole National du Gnie Rural, des Eaux et des Forts, novembre 2004, p 104 et suiv disponiblesur http://pastel.paristech.org/979/01/TheseLB.pdf

    38 MAKKAOUI,R, DUBOIS, JL, Nouvelles formes de gouvernance dans le domaine de l'eau. Apports et limites de la cooprationdcentralise dans les pays en dveloppement, http://developpementdurable.revues.org

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

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    mais aux injonctions des institutions internationales qui multiplient leurs interventions sousla forme de prts ou de dons.

    Afin de sorti des cercles vicieux du sous dveloppement (Nurkse, 1952), lesPED doivent augmenter considrablement leurs investissements sur des infrastructuresdveloppant de l''activit ce qui leur permettra de dvelopper massivement leur conomie.Ainsi le retard de dveloppement (Rostow, 1963) pourra tre combl et permettre auxPED, selon une vision linaire du dveloppement et de l'histoire, de gagner les rangs despays riches. La dcennie de l'eau est marque par un essor essentiel des investissementspublics dans le secteur de l'eau sans toutefois engager de rformes institutionnelles. Eneffet, prs de 100 Milliards de dollars sont investis dans des projets pour amliorer l'accs

    l'eau potable et l'assainissement. 39

    Ringskog 40 juge trs durement le bilan de la dcennie de l'eau. En effet, si la part

    des prts de la BM est passe de 5.1 Milliards d'USD pour la priode 1970-1979 8.1Milliards D'USD pour 1980-1989, les rsultats sont peu convaincants : Seuls 32% desprojets ont un impact substantiel sur le dveloppement institutionnel, et plus de 50% ont unimpact modeste ou ngligeable. De plus, 50% des projets de cette priode ont une durabilitimprobable ou incertaine.

    Le troisime temps est initi par la confrence de Dublin sur l'eau de 1992 qui introduitle caractre conomique de l'eau, caractris comme un bien changer et faire circuler.Le quatrime principe de la confrence stipule : () Considrer l'eau comme un bienconomique et la grer en consquence, c'est ouvrir la voie une utilisation efficace et une rpartition quitable de cette ressource, sa prservation et sa protection. Lesinstitutions comptent tirer les erreurs de la dcennie pour l'eau en effectuant des rformesinstitutionnelles importantes.

    Ainsi, sont dfinis des objectifs en terme d'efficacit et de concurrence. PourBreuil,cela entraine deux mouvements concomitants : un mouvement de dcentralisationdes responsabilits vers les collectivits locales, et un mouvement de dlgation duservice public vers des oprateurs autonomes, privs ou publics, grs de manire

    entrepreneuriale. 41

    De mme que les thories du sous dveloppement avaient marqu la gestion de l'eaupendant les annes 80 , de mme la thorie du New Public Management a dessinles contours de la nouvelle rforme voulue par les institutions mondiales dans la faonde grer les ressources en eau. Rhodes dfinit cette doctrine comme privilgiant uneapproche de gestion , dont le but est de remplacer les bureaucraties intgres pardes chanes de contrats, pour en augmenter l'efficacit et la flexibilit. Cette doctrine secaractrise par l'analyse des 3E : conomie des ressources (rapport des moyens auxobjectifs), Efficience (rapport des moyens aux rsultats) et Efficacit (rapport des rsultats

    aux objectifs 42

    39 L'eau potable en secteur urbain reste la priorit puisque 84% des prts attribus entre 1980 et 1989 lui sont consacrs.40 RINGSKOG, K. (2002), "Thirty years of Bank assistance in water supply and sanitation - An OED review.," communication

    au colloque The World Bank Water Forum, 6 mai.41 BREUIL Renouveler les partenariats...op cit p 10042 Ibid p 102

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 21

    En parallle de ce changement de paradigme, l'importation des prconisations de la BMest acclre par les difficults de financements que connaissent les collectivits publiquesdes PED. De plus,l'inefficacit de la gestion publique et le gaspillage de la ressource sontimportants. L'implication du secteur priv offre une perspective de nouveaux financements

    ainsi qu'un gaspillage moins important. 43

    Ainsi, les PED ont du s'engager sur la voie de l'efficacit de la gestion de la ressource eneau, synonyme de privatisation, et dvelopper des instances de rgulations dont le but tait

    de contrler les oprateurs privs. Pour Christelle Pezon 44 , les rformes s'inspirent la

    fois du modle anglais et franais : elles empruntent au premier l'exercice d'une rgulationpar une agence suppose indpendante et un mode de rgulation spcifique et au second,un large appel aux oprateurs privs dont le partenariat tait formalis travers un contratde concession de longue dure.

    La dcennie 90-2000 voit se multiplier le nombre de partenariats public-priv (PPP)puisqu'on en compte 200 dans 43 pays contre seulement 8 entre 1980 et 1990. Par PPPdans la gestion de la ressource en eau, on entend traditionnellement trois formes de contrats45 : les contrats de service (sous traitance et grance) avec transfert sur une courtepriode de 1 3 ans un oprateur priv de responsabilits sur des activits spcifiquesou ponctuelles; les contrats d'affermage o les quipements ncessaires sont financs etmis en uvre par l'tat qui en dlgue ensuite l'exploitation et l'entretien un oprateurpriv pour un temps dtermin et une somme convenue; les contrats de concessions, quireprsentent 69% du montant total des investissements du secteur priv dans l'EA( BM2003) et qui dlguent la maintenance l'exploitation et la gestion mais aussi la charge desinvestissements pour l'extension du service ou tout investissement ncessaire durant ladure du contrat. A la fin du contrat, qui dpend de la dure d'amortissement des ouvragesfinancs par le dlgataire (20 30 ans), l'entreprise prive transfre ces quipements auxautorits locales.

    Ce mode opratoire n'est pas exempt de difficults. En effet, le secteur priv suit unelogique de maximisation de profit qui peut s'avrer incompatible avec des objectifs publicsde desserte quitable de la ressource en eau. Ainsi, une part importante des PPP rsonnaitselon une logique de durabilit conomique et ne prenait pas assez en compte la durabilit

    socio-politique . 46 La logique suivie consistait faire reposer exclusivement sur les

    abonns le recouvrement des investissements. Or, dans de nombreux quartiers pauvres, les

    populations ne pouvaient payer leur raccordement aux infrastructures 47 . S'est ainsi rajoute

    une ingalit de raccordement qui a entrain dans de nombreux pays, des situations deblocage pour la plupart des concessions des annes 1990. En effet, l'importation des PPPn'a pas t adapte des environnements risqus et incertains et s'est constitue selonune approche thorique o leur application serait automatique. Or, la structure tarifaire tait

    43 La thorie conomique explique que les oprateurs privs ont une capacit rduire les couts lorsqu'ils en partagent lesgains, et peuvent tendre le service quand des objectifs contrls et bien dfinis existent.

    44 PEZON, C, 2005, Sminaire international Agadir, Pauvret hydraulique et crises sociales, Accs l'eau potable et audveloppement, le rle des liberts dans la conversion de l'accs l'eau et au dveloppement, p2

    45 MAKKAOUI R, DUBOIS J-L, Nouvelles formes de gouvernance dans le domaine de l'eau. P 646 PEZON op cit47 Selon la BM, pour viter des conflits, la facture d'eau potable ne doit pas dpasser 5% des revenus des populations

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

    22 CHOUKOUR Marc - Olivier_2010

    inadapte et les objectifs contractuels trop ambitieux. Ainsi, Lise Breuil explique que 40%des PPP mis en place entre 1990 et 2003 ont t annuls ou sont en procdures d'arbitrage

    international dans le secteur EA 48 .

    Estache (2003) dmontre bien que des gains d'efficacit ont rsult de l'application desPPP mais ceux-ci ont t rpartis entre les tats et les acteurs privs sans bnficier auxusagers.

    Comme le montre Houdret, le secteur de l'irrigation au Maroc a subi des consquencessimilaires. Son tude du cas d'El Guerdane, dans la rgion du Souss Massa, est trsrvlatrice des difficults socio-politiques qu'entraine l'application des PPP sans relcontrle dvelopp par une agence indpendante. L'arrive d'une nouvelle ressource eneau dans une zone fortement consommatrice mais en fort stress hydrique ne bnficiantqu' un certain nombre d'exploitants en lien avec le pouvoir politique est crateur d'ingalitset terme de conflits sociaux. De plus, cela ne rgle en rien le problme d'puisement desressources puisque les forages continuent. Enfin, l'auteur dmontre que l'on assiste une

    privatisation travers la royalisation 49 puisque les travaux ncessaires sont confis

    l'ONA dtenu majoritairement par la famille royale. Elle nous apprend galement quunegrande partie des cots est finance par la Fondation Hassan II , utilisant des fonds del'tat qui, bien que publics, sont retirs du contrle du parlement et mis sous la tutelle dun

    comit prsid par le roi Mohamed VI 50

    Les PPP s'ils ont russi dvelopper une gestion plus efficace de la ressource eneau n'ont pas su permettre l'mergence de modles de dveloppement et concourent augmenter les ingalits entre centres et priphries. Le centre est un espace assezhomogne, regroupant les quartiers urbains riches bnficiant d'une desserte de qualit eneau et assainissement ou les riches exploitations, les priphries elles sont plus parses,constitues des quartiers dfavoriss des mtropoles, des petites exploitations, ou encoredes zones de montagnes au sein desquelles rien n'est fait, car conomiquement nonrentables.

    Le quatrime temps est marqu par l'abandon des rfrences idologiques et versl'adoption de modles la carte laissant une plus grande implication des populations selonune approche communautaire au sein de laquelle la coopration dcentralise a toute saplace.

    Dumez plaide pour des arrangements ad hoc, des paris, des montages institutionnels

    russ, tout sauf des prises de position idologiques 51 mergent au milieu des annes 90

    des modles hybrides, fonds sur une prise en compte plus importante de la participationdes individus et sur la remise en cause de l'unit de gestion de service par une segmentationterritoriale du march de l'eau. Cela a pour effet de prendre en compte les disparitsterritoriales dans une gestion la carte des territoires. Ces mcanismes d'autonomisationcomportent tout de mme des risques, souligns par Jaglin et Coing notamment, de la

    48 BREUIL, op cit, p10649 HOUDRET.A, La gestion de la pnurie d'eau : dynamiques institutionnelles et transformation des conflits, thse de doctorat,

    soutenu l'Universit Paris 8, 2008., p3750 Ibid51 DUMEZ Herv (2003) "Combinaison harmonieuse des vertus du public et du priv, ou mlange des genres ? Les partenariats

    public/priv nouveaux venus du management public", Politiques et Management Public, Vol. 21, N 4, Dc, p 13

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 23

    fin des solidarits territoriales qui font la ville. Cela a galement pour effet de renforcerla logique marchande. En effet, la segmentation un double objectif : celui d'apaiser, etd'adapter, la desserte en eau des quartiers dfavoriss (objectif socio-politique) et celuid'augmenter l'efficacit conomique par une meilleur adquation offre/demande (objectifconomique). La dimension participative du projet est trait travers la question de la

    socit civile 52 , qui loin d'tre un tout homogne, rassemble des acteurs aussi diffrents

    que des ONG de diffrentes tailles, de syndicats, de rseaux plus ou moins formels...aux

    ambitions, la visibilit, la reprsentativit, l'indpendance diverses. 53

    Cependant, la logique qui consiste associer les acteurs concerns dans les politiquesde gestion de l'eau permet de renforcer l'acceptation de ces derniers. La dmarcheparticipative qui existait dj sous des formes diffrentes dans certains quartiers informels

    africains notamment 54 s'est dveloppe partir du milieu des annes 90 sous l'impulsion,

    une fois encore, des grands bailleurs de fonds internationaux. Il n'existe pas de modlemiracle d'application de cette dmarche participative. Elle peut tout la fois dbouchersur des mcanismes de gestion de l'eau proche de l'conomie solidaire, avec une priseen compte des besoins et des moyens des individus par la mise en place de conditionsprfrentielles favorisant le dveloppement des capabilits des individus ou entrainer desphnomnes de dtournement, voire de blocage institutionnel (Hove 2001). Tout dpendd'abord de l'articulation des trois principaux acteurs engags au sein du processus : l'Etat,l'oprateur priv et les collectivits locales. Une dfinition claire des rles, des comptenceset des moyens de chacun permet d'viter tout blocage d'envergure. Malheureusement,souvent, comme nous le verrons avec le Maroc, les rgles ne sont pas transparentes, lescomptences dfinies sont floues ou peu respectes. Quatrime acteur considrer, lasocit civile doit bnficier d'une reprsentativit garantie et tre associe aux projets afin

    de garantir leur soutenabilit sociale 55 . Les reprsentants de la socit civile doivent

    tre pluriels et pas uniquement constitus de grands propritaires terriens ou de richesdirigeants conomiques. Elle suppose une implication de toutes les branches de la socit leur dveloppement, ce qui est encore loin d'tre le cas.

    Cependant, l'originalit de cette dmarche participative est qu'elle se veut multiple.N'abandonnant pas le caractre conomique de l'eau, elle met galement en avant desnotions comme la soutenabilit sociale, le dveloppement des capabilits, ou encore ledveloppement durable. Si la conciliation entre ces diffrents lments s'avre complexe,elle a le mrite de prendre en compte diffrentes lments, diffrentes logiques afin derpondre au mieux aux problmatiques poses.

    Nous pensons que la dmarche participative constitue le meilleur terrain pour l'inclusionde la coopration dcentralise dans la gestion de la ressource en eau. L'objectif de lacoopration dcentralise est avant tout d'assurer un meilleur dveloppement par une plusgrande prise en compte des besoins et priorits exprims par les populations; elle vise ainsi renforcer le rle et la place de la socit civile locale dans le processus de dveloppement.Elle associe et fait collaborer diffrents niveaux d'intervention les acteurs territoriaux tantdu Nord que du Sud. Elle suscite la participation active et dterminante des bnficiaires

    52 Voir BEN NEFISSA Sarah, ONG et Gouvernance dans le Monde Arabe, Karthala, Paris, 200553 Voir supra54 Breuil Lise op cit55 MAKKOUI DUBOIS, op cit p9

  • La coopration dcentralise franco-marocaine dans la gestion de la ressource en eau : le cas dela coopration entre le Dpartement de l'Hrault (CG34) et la Rgion Souss Massa Dra

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    aux prises de dcision et aux diffrentes tapes des actions qui les concernent. ( Siss

    1999 56 ) En introduisant une mise en relation des diffrents acteurs concerns, en

    dveloppant des organismes de recherche spcialiss dans la gestion de la ressource eneau, en dveloppant des projets d'accs l'eau dans des zones loignes, en dveloppantla formation et les comptences de collectivits locales jeunes et inexprimentes, enfavorisant l'accs des investissements directs des bailleurs de fonds pour les zonesconcernes ou encore en introduisant des principes de dveloppement durable ou delutte contre la pauvret, la coopration dcentralise dans la gestion de la ressource eneau dpasse le simple cadre conomique, qu'elle n'exclut pas, pour penser une approcheglobale au sein d'un territoire incluant les acteurs concerns. Elle s'inclut totalement dans laperspective du dveloppement durable comme mode de dveloppement qui rpond auxbesoins des populations prsentes sans compromettre la capacit des gnrations futures

    rpondre leur propres besoins. 57 Cette notion est en parfaite adquation avec la notion

    de capabilits dfini par Amayrtia Sen : elle est au del de la notion de capacit ou decomptence, et retrace ce qu'un acteur peut faire, sa capacit actuelle, mais aussi ce qu'ilpourrait raliser s'il le souhaite ds que l'opportunit lui en est donn, sa capacit potentielle58 .

    Le dveloppement concoure ainsi accroitre les capabilits des acteurs, ou autrement

    dit, l'ventail de leurs liberts de choix. 59 Est alors pense une conomie d'acteurs

    capables associs leur dveloppement, qui tranche avec la volont de fournir enressource en eau des acteurs passifs, qui pourrait permettre l'mergence d'une capabilitcollective, combinaison des capabilits individuelles et sociales (Dubois 2008).

    Pour coller ce cadre thorique, la coopration dcentralise dans la gestion de laressource en eau doit chapper aux difficults que nous avons voques prcdemmentdans le cadre de la coopration franco-marocaine : projets mal grs ou abandonns,tourisme dguis... Seule une analyse approfondie de la situation sur le terrain et unevaluation srieuse des besoins et ralits sociales pourront permettre la cooprationdcentralise de jouer un rle non ngligeable pour sortir ces territoires de leur situationde dpendance.

    Chapitre 2 : Dcentralisation et gestion de l'Eau auMaroc.

    I) Dcentralisation au Maroc : vers la rgionalisation?

    56 In MAKKOUI DUBOIS, op cit p 1157 BOUKAOUI, Op cit , p 1358 SEN A.K., 1979, Quelle galit in Ethique et conomie, et autres essais . Trad. franaise Paris, PUF, 199359 BOUKAOUI op cit p14

  • Premire partie : Quel cadre d'analyse pour la coopration dcentralise franco-marocaine dans lagestion de la ressource en eau?

    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 25

    Notre dessein ultime est de poser les fondements d'un modle de rgionalisationavant-gardiste pour les pays en dveloppement. Nous entendons ainsi conforter

    la place privilgie de notre pays, comme exemple muler 60

    1) Historique de la dcentralisation au Maroc Nous attachons la plus haute importance la question de la rgion et de largionalisation. Il s'agit l, pour nous, d'un choix stratgique et non d'une simpleconstruction administrative. Nous l'envisageons comme un difice dmocratiquequi est fondamental pour la ralisation du dveloppement conomique etsocial. Nous y voyons aussi l'avnement d'une administration dconcentre,de proximit, gre par des lites rgionales; ainsi que l'closion desparticularismes culturels dont la diversit constitue une source d'enrichissement

    pour la nation Marocaine. 61

    Cette partie sera l'occasion de vrifier, la lumire de la division administrative marocaine, laralit du processus de dcentralisation du pays, et plus particulirement la place qu'occupel'chelon rgional.

    Le Maroc est souvent prsent comme le pays de la rive Sud et Est de la mditerranequi a bnfici d'un rel processus de dcentralisation et d'une autonomisation de plus enplus importante des chelons dcentraliss face au pouvoir central. Ainsi dans une zone

    qui connait une dcentralisation informelle 62 , il est intressant de vrifier comment se

    comporte le bon lve marocain.Le processus de rgionalisation est l'un de projets phares du rgne de SM Mohammed

    VI.

    Le Maroc a entam trs tt aprs son indpendance 63 une organisation territorialise

    de son pays. tablit la suite du dahir du 2 dcembre 1959, plusieurs fois modifi etcomplt, le dcoupage administratif se compose comme suit Le Royaume est divis endix sept wilayas groupant quarante neuf provinces, treize prfectures et huit prfecturesd'arrondissements, et en communes urbaines et rurales.

    La commune a longtemps t le seul lment de l'organisation locale. Territoire deproximit, elle est ds l'indpendance une proccupation majeure du pouvoir politiquemarocain qui organise les premires lections communales en 1959, suivies un an plus tardde la premire charte communale, qu'est venue complter la charte communale de 1976.Celle-ci mancipe la commune du contrle administratif et transfre au Prsident du conseilcommunal la plnitude des pouvoirs sur sa circonscription. Les loi 78-00 de 2002 et 17-08

    60 Discours de SM Mohammed VI du 3 Janvier 2010, en annexe61 SM Mohammed VI, discours du 30 Juillet 2001.

    62 BEN NEFISSA S ., 2007, communication intitule Ladministration locale en Egypte : une "dcentralisation" informelleet sans politique au colloque Inter-Linking Cities and Regions across the Mediterranean : CrossBorder Cooperation under theEuropean Neighborhood Policy organis par Konrad Adenauer Foundation. Barcelone.

    63 Pour une tude de l'organisation territoriale marocaine avant et pendant la colonisation, voir Mohammed el Yaagoubi

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    de 2009 dveloppent encore plus les pouvoirs communaux. 64 Selon le dcret du 28 octobre

    2008, le nombre de communes marocaines est fix 1503.Pour bien apprhender la dcentralisation, il est ncessaire de penser son articulation

    avec le processus de dconcentration. En effet, ces deux phnomnes qui possdent des

    points de croisements sans liminer les primtres de dmarcation 65 ont connu

    une volution concomitante et la dcentralisation marocaine ne saurait se penser sans leprocessus de dconcentration ncessaire au dveloppement d'une politique territoriale

    efficace 66

    La province ou la prfecture est une collectivit mdiane dont les comptences ontvolu avec la loi n79-00 du 3 octobre 2002. Ces deux entits sont des lmentsdconcentrs de l'Etat et des collectivits territoriales. Elles restent essentielles sur le planlocal pour appliquer et dvelopper localement les initiatives tatiques.

    La rgion ne dispose pas du statut unique de collectivit dcentralise. Elle estgalement une autorit dconcentre de l'Etat. Handicape par sa jeunesse et lesnombreuses comptences dont elle a hrit, sans vritable transfert de fonds ni depersonnel, elle est amene devenir un chelon central de l'organisation territorialemarocaine.

    Ahmed Bouachik 67 tablit une typologie de l'entit rgionale selon les poques.

    Il distingue la Rgionalisation de crise (1912-1956), la Rgionalisation conomique(1971-1996) et la Rgionalisation administrative (1997 nos jours). Si la premire rpondaitessentiellement la volont du colonisateur franais de scuriser l'espace marocain,la deuxime a chou notamment en raison de l'absence d'organes lus, du manque

    de moyens et de personnel 68 . Problmes que connaissent pour la plupart les rgions

    marocaines aujourd'hui.La rgion demeure un chelon vocation conomique reconnue comme collectivit

    locale dote de la personnalit morale et de l'autonomie financire par la Constitution de1992 et la Constitution rvise de 1996. C'est la loi n47-96 2 avril 1997 qui offre largion son organisation. Elle est un espace de dveloppement conomique et social ets'organise autour de deux acteurs majeurs,le Conseil rgional et le Wali, et a t dotede comptences trs importantes qui concernent l'ensemble des affaires de la rgion

    Michel Rousset 69 explique que la rgion souffre de trois dfauts :

    La Rgion est une collectivit locale de nature administrative et non pas politique. Eneffet, le mode de scrutin pour l'lection du Conseil Rgional est indirect, selon un systmede grands lecteurs, et la composition du Conseil rgionale est hybride et s'organise autour

    64 Pour plus d'informations, voir Vers un modle marocain de rgionalisation... op cit65 Brahim ZYANI, dcentralisation et rforme administrative au Maroc66 Ibid67 La rgionalisation : un nouveau mode de gouvernance territoriale? In Vers un modle marocaine de rgionalisation? Opcit ,

    p 75-9268 Voir BEZZAA Abdelkrim, La rgionalisation au Maroc : un projet royal en marche , in Vers un modle...op cit, p36-4669 ROUSSET Michel, BENABDELLAH, Mohammed, Actualit du droit administratif, 2003-2009, Rabat, dition de la porte,

    2010, p54.

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    de collges lectoraux 70 dont la multiplicit d'intrts ou de visions du dveloppement

    rgional ne facilite pas la clart. Enfin, et surtout, la prsence du Wali, qui occupe l'organeexcutif et peut passer outre les dcision du Conseil n'a pas permis l'mergence de rgions

    autonomes. En dfinitive, elle reste un espace de dcision relativement virtuel 71

    La Rgion ne peut s'occuper que d'affaires rgionales.Elle a l'obligation de respecter les attributions des autres collectivits locales .

    Elle doit respecter un partage lgal des comptences dans un systme qui se caractrisepar la superposition des structures, le chevauchement des attributions, la dilution des

    responsabilits et l'miettement des efforts 72

    Conscient de ces difficults, et rsolu mettre un terme au problme Sahraoui,le souverain marocain a lanc, dans son discours du 3 janvier 2010 les bases d'unergionalisation avance, ou largie, qui pourrait constituer les contours de la nouvelleorganisation rgionale marocaine.

    2) Le processus de rgionalisation largie ou avance Le Maroc ne restera pas les bras croiss, pas plus qu'il n'acceptera que sonvolution dmocratique et son dveloppement soient subordonns aux calculset aux manuvres d'autrui. Aussi avons-nous dcid, avec l'aide de Dieu,d'amorcer une nouvelle phase dans le processus continu des rformes globalesque Nous conduisons, en lanant la dynamique d'une rgionalisation avance etgraduelle, englobant toutes les rgions du Maroc, avec, leur tte, la rgion duSahara marocain.

    Le concept de rgionalisation largie est d'abord un moyen pour SM Mohammed VI dergler le problme du Sahara Occidental. Ce mouvement est donc analyser en paralllede la proposition d'autonomie nonce lors du discours du Trne le 30 juillet 2005. A cepropos, la premire fois que l'ide de rgionalisation avance a t voque fut lors dutraditionnel discours du 31me anniversaire de la Marche Verte en novembre 2006.

    Cependant, la rgionalisation ne peut tre limite une simple manuvre politique pourrgler le problme Sahraoui. En effet, comme le constate Mohammed Benyahya Depuisson accession au trne en 1999, il n'est pratiquement pas un seul discours (du roi) qui ne

    contienne une allusion ou un traitement de la question dcentralisation-rgionalisation 73 .

    Ce mouvement est donc profond et accompagne la volont royale affiche d'entreprendre

    un saut qualitatif dans le processus de dmocratie locale. 74

    Enfin, on peut rsolument penser que l'obtention du statut avanc par le Maroc en 2008n'est pas tranger aux rformes menes.

    70 Chambres d'agricultures, d'artisanat, de commerce, d'industrie et de services, des pches maritimes, les reprsentants dessalaris, les conseils des communes urbaines et rurales et des assembles prfectorales et provinciales.

    71 BEZZA, A, La rgionalisation au Maroc... op cit p 4772 BAOUCHIK, op cit p8673 BENYAHYA M. Le roi Mohammed VI et l'ide de la rgionalisation, in Vers un modle... op cit, p6374 Discours du Trne, 2009

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    Quelle rgionalisation pour quel Maroc?Toute la question se poser est de savoir quel modle de rgionalisation le Maroc

    va adopter et surtout quels territoires seront concerns. A la deuxime question, il n'y apas de rponse claire : en effet, le projet tant encore l'tude, les auteurs ne peuventrellement savoir quels seront les choix du monarque. Ainsi, dans le mme ouvrage,Abdelhamid El Ouali, membre de la commission consultative choisie par le roi pourmettre en place la rforme, et Henri Louis Vdie, conomiste spcialis sur les paysd'Europe centrale et professeur HEC ont des points de vue diffrents. Pour le premier, largionalisation permettra d'viter l'asymtrie saharienne que le projet d'autonomie crera75 en dveloppant ce projet dans tout le pays. Le second pense lui que le pays distingueun modle de rgionalisation avance pour les provinces du Sud et un modle diffrent

    pour les provinces du Nord 76

    Le Roi lui explique, dans son discours du 3 janvier 2010, que la rgionalisation avancen'est pas un simple amnagement technique ou administratif mais une option rsoluepour la rnovation et la modernisation des structures de l'tat prcisant que la commissiondoit mettre en place un modle national de rgionalisation avance, englobant toutes les

    rgions du Royaume 77 .

    Il reste donc voir quels territoires seront concerns par cette rforme. Cela dpendrasans doute de l'volution du problme du Sahara Occidental dont les rgions seront parmi

    les premires bnficiaires de la rgionalisation avance 78 De l'volution de ce problme,

    qui dure depuis 35 ans, dpendra la mise en place de cette rgionalisation avance et sondveloppement progressif dans les autres rgions marocaines.

    Reste maintenant dfinir quel modle de rgionalisation le Maroc compte mettre enplace.

    La rgionalisation est une institution complexe parce qu'elle peut avoir des effetsambivalents. Elle peut ainsi aider l'amlioration des conditions de dveloppement socio-conomique, comme elle peut les entraver. () En fait, la rgionalisation obit une

    dynamique qui lui est propre. 79

    Si le Maroc entend mettre en place un systme national novateur de rgionalisation,

    vitant le mimtisme ou la reproduction des expriences trangres 80 , il devra, sans

    doute, s'inspirer d'un idal type de rgionalisation qu'il adaptera aux spcificits nationaleset locales. EL Ouali voque deux grandes formes de rgionalisation : la rgionalisationpolitique et la rgionalisation fonctionnelle. La principale ligne de dmarcation entre lesdeux tient au fait de savoir si la rgionalisation choisie rend l'tat divisible ou non.La rgionalisation politique tend, selon l'auteur, reproduire des structures de pouvoir

    75 EL Ouali, Quel modle de rgionalisation pour le Maroc, in Vers un modle... op cit, p10776 VEDIE.HL, Rgionalisation et dveloppement, in Vers un modle... op cit p 15877 Discours du Roi le 3 janvier 2010 p 2 en annexe78 Discours du Roi le 3 janvier 2010, p 3, en annexe79 EL OUALI A Quel modle de rgionalisation pour le Maroc, in Vers un modle..., op cit p 9480 Discours Royal 3 janvier 2010, p 2 en annexe

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    CHOUKOUR Marc - Olivier_2010 29

    similaires celles de l'tat au niveau de la rgion alors que la rgionalisation fonctionnelle

    reste plus ou moins indexe aux structures de l'tat. 81

    C'est pour cela que l'auteur, rappelons le membre de la commission consultativepour la rgionalisation, aspire la mise en place d'une rgionalisation fonctionnelle etprogressive qui prserverait l'unit du pays. En effet, l'auteur craint, en donnant lesexemples belges et espagnols, que la mise en place d'une rgionalisation politique soitsource d'instabilit pour le pays. Ce modle de rgionalisation devra galement permettre lerenforcement de la dmocratie, en permettant par exemple, l'lection au suffrage universeldirect du Conseil rgional et la mise en place d'une administration dconcentre au servicede la rgion. Pour favoriser la mise en place de projets conomiques et sociaux, l'auteurplaide pour la mise en place d'agences qui pourraient permettre de rendre plus efficaces etplus transparentes les actions de la rgion.

    L'lment le plus important consisterait doter les rgions de la capacit dedterminer les orientations gnrales et les stratgies ncessaires en vue d'atteindrele dveloppement conomique et social et de sortir du simple rle d'excutante desdispositions de l'tat.

    Tous ces lments pourraient contribuer l'closion d'une conscience rgionale 82

    qui fait cruellement dfaut au Maroc. Le mouvement lanc pourrait modifier profondmentl'organisation territoriale marocaine en crant de nouvelles rgions de tailles plus ou moinscomparables et (qui) disposent autant que possible de moyens et de ressources qui lesrendent viables.

    Dans le cadre de notre tude, le dveloppement de rgions autonomes pourraitpermettre de dvelopper et d'accentuer encore les mouvements de cooprationdcentralises entre les rgions marocaines et europennes, au point que l'auteur voque

    une dynamique de coopration inter-rgionale maroco-europenne 83 .

    II) Gestion de l'Eau au Maroc

    tat des lieux de la ressource en eau au MarocLa bonne gestion de la ressource en eau est une thmatique capitale au Maroc. Le marchalLyautay l'affirmait : Au Maroc, gouverner c'est pleuvoir. En comparaison avec d'autrespays du Sud de la Mditerrane, le pays n'est pas le plus mal loti. Il compte 48 nappessuperficielles et 32 nappes profondes, variant de 200 plus de 1000 mtres. Ses ressources

    81 L'auteur tablit l'intrieur de la rgionalisation fonctionnelle une typologie o l'on retrouve : les modles britanniques,grecs portugais sudois et de certains Landers o l'Etat ne cre pas de rgion proprement dite mais s'appuie sur les structuresadministratives pour favoriser le dveloppement conomique L'Etat garde le contrle sur ces structures tout en leur garantissantune certaine autonomie La deuxime catgorie voit l'Etat s'appuyer sur des collectivits territoriales dj existantes pour favoriserle dveloppement conomique. Les modles Danois, Finlandais et irlandais ont des collectivits autonomes qui ont des pouvoirspropres. Les pays d'Europe centrale ont adopt pour un regroupement de petite collectivits pour des ensembles plus vastes quirestent sous contrle de l'Etat. Enfin, la troisime catgorie correspond au modle franais, polonais et tchque qui ont cre desrgions cots d'autres collectivits locales.

    82 FADIL, A, La Rgions l'heure de la dcentralisation, Rabat, public de la REMALD, coll. Manuels et travaux universtaires,n14, 2000, p218

    83 BENYAHA, M, Le roi Mohammed VI...in Vers un modle... op cit p73

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    disponibles en eaux superficielles sont d'environ 22.5 milliards de m3 dont 16 milliardssont mobilisables. Les ressources en eaux souterraines reprsentent environ 4 milliards

    de m3 par an. 84 Cependant, le Maroc connait d'importantes disparits rgionales dans la

    disponibilit et l'utilisation de la ressource en eau. Ainsi, au Nord du pays, les rgions deSebou et Loukkos qui ne reprsentent que 7,1% du territoire possdent 51% des ressourcesen eaux superficielles alors que les rgions du Sud, comme Moulaya, Bouregreg, Oum elRabia, Souss Massa ou Tensift, soit 92,4% du pays, ne possdent que 49% des ressourcesdisponibles. Ainsi, on estime qu'en moyenne un marocain possde moins de 750 m3 d'eaupar an.

    Le pays connait structurellement 85 des pisodes de scheresses qui semblent se

    multiplier ces dernires annes et dont la gravit s'intensifie. Ainsi, une tude de lamtorologie nationale montre que le cumul des prcipitations de 1978-1996 a chut

    de plus de 30% par rapport la priode 1961-1977. 86 Cela a un effet direct sur les

    ressources en eau de surface qui peuvent baisser jusqu' 90% lors de scheresses trsimportantes, surtout dans les rgions de loriental, du Tensift, du Souss-Massa et les zonesSud-Atlasiques. Cela a galement un effet direct sur l'conomie du pays qui reste fortementindexe sur l'exploitation agricole. Ainsi, en comparant le taux de croissance dcanal au tauxde prcipitation, on se rend compte du facteur dterminant de la pluviomtrie sur la stabilitde la croissance. Prcisons toutefois que la part totale de la ressource en eau ddie l'agriculture a diminu ces dernires annes : l'irrigation reprsentait 93% en 1990, 86%en 2000, environ 83% en 2010. Elle devrait reprsenter environ 76% des usages en 2020.Aujourd'hui, le potentiel irrigable se rapproche de 1,664 millions d'hectares, dont 1,364 enirrigation prenne.

    Le dveloppement d'une agriculture intensive et concentre a entrain une pollution

    importante des eaux de surface, voire des eaux souterraines 87 et une rarfaction encore

    plus grande de la ressource en eau dans certaines rgions. Cinq bassins versants sur huitsont en tat de dficit hydrique. Ce dficit pourrait tre encore plus important dans lesrgions du Souss et du Tensift s'il n'tait attnu par une surexploitation des nappes duSouss-Massa et du Haouz.

    La gestion de l'eau au niveau nationale est confie une multitude d'acteurs : leMinistre de l'Amnagement du Territoire, de l'Environnement et de l'Eau (MATEE), leMinistre de l'Intrieur, le Ministre de l'quipement, l'Office National de l'Eau Potable(ONEP), le Ministre de l'Agriculture et le Ministre de la Sant. Le Conseil National del'Environnement a t cr pour faciliter l'articulation entre ces diffrents acteurs. Au niveauRgional, les principaux acteurs sont la Direction Rgionale de l'Hydraulique et les OfficesRgionaux de Mise en Valeur Agricole (ORMVA) crs en 1966. Au niveau de chaque bassinversant a t cre une Agence de Bassin Hydraulique, sous la tutelle du Ministre charg

    84 Notons tout de mme que ce chiffre reste dpendant du niveau d'vaporation qui augmente avec la hausse des te