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INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC DÉVELOPPEMENT DURABLE Les comptes de l’environnement et l’approche par capitaux pour appuyer la mesure du développement durable au Québec

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INSTITUTDE LA STATISTIQUEDU QUÉBEC

DÉVELOPPEMENT DURABLE

Les comptes de l’environnement et l’approche par capitaux pour appuyer la mesure du développement durable au Québec

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Pour tout renseignement concernant l’ISQ et les données statistiques dont il dispose, s’adresser à :

Institut de la statistique du Québec 200, chemin Sainte-Foy Québec (Québec) G1R 5T4 Téléphone : 418 691-2401

ou

Téléphone : 1 800 463-4090 (sans frais d’appel au Canada et aux États-Unis)

Site Web : www.stat.gouv.qc.ca

Ce document a été imprimé sur du papier contenant 100 % de fibres postconsommation.

Dépôt légal Bibliothèque et Archives Canada Bibliothèque et Archives nationales du Québec 3e trimestre 2010 ISBN : 978-2-550-59957-9 (imprimé)

978-2-550-59958-6 (PDF)

© Gouvernement du Québec, Institut de la statistique du Québec, 2010

Toute reproduction est interdite sans l’autorisation du gouvernement du Québec www.stat.gouv.qc.ca/droits_auteur.htm

Septembre 2010

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Avant-propos

Ce cahier de recherche traite des comptes de l’environnement selon l’approche par capitaux pour appuyer la mesure du développement durable. Il est le reflet de l’avancement des connaissances en matière de comptabilité environnementale à l’Institut de la statistique du Québec et servira de pièce de référence pour l’établissement de comptes de l’environnement au Québec.

Pour la poursuite du développement durable de la société québécoise, l’évaluation rigoureuse de l’état de l’environnement du Québec et de son stock de ressources est tout aussi cruciale que le suivi de sa performance économique. Présentée en lien avec le Système de comptabilité nationale, cette revue de littérature adopte un point de vue résolument économique, tout en ouvrant une discussion sur l’épineuse question de l’évaluation des écosystèmes.

Quelle est la performance environnementale d’un secteur par rapport à sa performance économique? Cette question montre bien l’utilité des comptes de l’environnement comme outil en appui à la politique environnementale et économique. En définitive, l’importance de disposer d’une comptabilité environnementale pour la gestion plus rationnelle de l’environnement au Québec ressort clairement.

Cette publication vise à susciter l’intérêt des utilisateurs de la statistique environnementale pour les nombreuses possibilités qu’offrent ces comptes. Elle s’adresse à toutes les personnes qui se préoccupent du suivi de l’environnement comme élément clé de la richesse collective au Québec.

Le directeur général,

Stéphane Mercier

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Cette publication a été réalisée par Stéphanie Uhde, B. Sc. biologie, M. Sc. économie (édition)

Guillaume Marchand, économiste

Sophie Brehain, économiste

Richard Barbeau, coordonnateur de la comptabilité économique du Québec

Service des statistiques sectorielles et du développement durable

Yrène Gagné, chef de service

Avec la collaboration spéciale de Jean-Louis Weber, conseiller spécial, Agence européenne pour l’environnement (révision)

Ont apporté leur précieuse collaboration Pierrette Dionne (révision linguistique)

Julie Godbout (mise en page)

Renseignements additionnels

Pour toute information concernant le contenu de cette publication, veuillez communiquer avec Stéphanie Uhde dont les coordonnées sont les suivantes :

Téléphone : 418 691-2411, poste 3002 Courriel : [email protected]

Abréviations

AEE Agence européenne pour l’environnement

CDPE Comptes de dépenses de protection de l’environnement

CEE-NU Commission économique des Nations unies pour l’Europe

CFME Comptes de flux de matières et d’énergie

CMPEPS Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social

GES Gaz à effet de serre

MFA Material flow accounts (Comptes de flux de matières)

OCDE Organisation de coopération et développement économique

PIB Produit intérieur brut

PIOT Physical input-output table (Tableaux entrées-sorties physiques)

SCEE Système de comptabilité économique et environnementale intégrée

SCERC Système des comptes de l’environnement et des ressources du Canada

SCIAN Système de classification des industries de l’Amérique du Nord

SCN Système de comptabilité nationale

SCNC Système de comptabilité nationale du Canada

WGSSD Working Group on Statistics for Sustainable Development (Groupe de travail conjoint de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (UNECE), de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et d’Eurostat sur les statistiques de développement durable)

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Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier Yrène Gagné, chef du Service des statistiques sectorielles et du développement durable, qui a soutenu l’équipe et procuré de généreux conseils tout au long de la préparation de cette publication. Ils remercient également Jean-Louis Weber, conseiller spécial à l’Agence européenne pour l’environnement, pour ses commentaires émérites qui ont permis d’apporter d’importantes nuances au texte.

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Table des matières

Introduction ....................................................................................................................................9

1 Problématique.........................................................................................................................11

2 Théorie économique sous-jacente : économie du bien-être et économie de l’environnement......................................................................................................................13

2.1 Économie néoclassique et économie du bien-être............................................................13 2.2 Économie de l’environnement et économie écologique ..................................................14 2.3 Mesure du développement durable ..................................................................................16

3 Approche par capitaux pour la mesure du développement durable .................................19 3.1 Capital, stock et flux.........................................................................................................19 3.2 Catégories de capitaux .....................................................................................................20

Capital naturel ........................................................................................................................21 3.3 Richesse totale, substitution et capitaux critiques ............................................................22

4 Mesure du capital produit : le Système de comptabilité nationale (SCN) ........................25 4.1 Composantes du SCN.......................................................................................................25 4.2 Comptes économiques du Québec ...................................................................................26 4.3 Comptes satellites.............................................................................................................27

5 Mesure du capital naturel : les comptes de l’environnement.............................................29 5.1 Comptes d’actifs naturels .................................................................................................30

5.1.1 Comptes d’actifs physiques........................................................................................31 5.1.2 Comptes d’actifs monétaires ......................................................................................33

5.2 Comptes de flux de matières et d’énergie ........................................................................38 5.2.1 Comptes de flux physiques ........................................................................................38 5.2.2 Comptes hybrides .......................................................................................................41

5.3 Comptes des transactions environnementales ..................................................................43 5.4 Ajustement du SCN selon l’épuisement, la dégradation et les dépenses de protection ...44

6 Implantation des comptes de l’environnement au Québec.................................................45 6.1 Obstacles à l’implantation de comptes de l’environnement.............................................45 6.2 Démarche proposée pour l’implantation de comptes de l’environnement.......................46

Conclusion.....................................................................................................................................49

Bibliographie.................................................................................................................................51

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Liste des encadrés

Encadré 1. L’évaluation monétaire des biens et services environnementaux ...............................14

Encadré 2. Groupe de travail conjoint sur les statistiques du développement durable (WGSSD) ....................................................................................................................19

Encadré 3. Compte des terres du Canada......................................................................................31

Encadré 4. Comptes du patrimoine national du Canada (en fin d’années, 1989-2008) ................35

Encadré 5. Comptes de capital-écosystème de l’Agence européenne pour l’environnement.......36

Encadré 6. Tableau entrées-sorties physique hypothétique ..........................................................39

Encadré 7. Compte des émissions de gaz à effet de serre du Canada ...........................................42

Liste des figures

Figure 1. Classification des actifs naturels selon le SCEE 2003...................................................22

Figure 2. Schéma décrivant l’organisation du SCEE....................................................................30

Figure 2. Structure des comptes d’actifs naturels .........................................................................31

Figure 3. Variation du PIB et des émissions de GES de l’industrie, Québec (1990-2007) ..........40

Figure 4. Principaux déterminants du programme statistique établissant des comptes de l’environnement pour le Québec ...................................................................................47

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Introduction

Au Québec comme ailleurs, les liens entre l’économie et l’environnement se resserrent. Les décisions relatives à l’environnement influencent de plus en plus les décisions d’ordre économique, notamment par le biais de la politique environnementale, alors que les décisions économiques continuent d’influer sur la qualité de l’environnement, de plus en plus mis à mal. La complexité grandissante des enjeux environnementaux-économiques rend l’issue des décisions plus incertaine et, d’une manière globale, ravive le problème de la mesure du progrès de la société. D’une manière analogue au Système de comptabilité nationale qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, a contribué à la stabilisation économique, le Système de comptabilité économique et environnementale intégrée, ou « comptes de l’environnement », aidera à équilibrer les avantages économiques et les coûts environnementaux à l’heure des crises écologiques.

La finalité des comptes de l’environnement est de suppléer aux limites du Système de comptabilité nationale (SCN) au regard de l’environnement1, tout en préservant ses avantages. Parce qu’il repose sur une base théorique solide, que sa structure est complète et détaillée et que sa méthodologie est rigoureuse, le SCN est devenu la référence incontestée pour la bonne conduite de l’économie. Cependant, le SCN ne prend pas en compte l’épuisement des ressources naturelles et la dégradation de l’environnement. Les comptes de l’environnement le complètent en intégrant les statistiques environnementales aux statistiques économiques. À noter que les comptes de l’environnement procurent la matière première pouvant servir à la mesure des indicateurs de la dimension environnementale du développement durable.

Selon son mandat de coordination de la statistique officielle, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a le projet d’implanter des comptes de l’environnement au Québec. Ce projet implique naturellement une collaboration étroite avec les ministères et organismes producteurs et utilisateurs de données environnementales. Ainsi, la publication du présent document institue le projet innovant d’une démarche de réflexion interministérielle pour l’élaboration de comptes de l’environnement au Québec. Il vise à stimuler l’intérêt des utilisateurs de la statistique environnementale pour les nombreuses applications des comptes de l’environnement en démontrant leur pertinence et en renseignant sur leur portée. Il a été conçu dans la perspective générale de servir de première pièce de référence au Québec pour quiconque désire comprendre les comptes de l’environnement.

Ce document s’articule en six chapitres, suivant une perspective économique. Le chapitre 1 décrit la problématique liée à la mesure du progrès de la société. Le chapitre 2 couvre les principaux éléments de la théorie économique qui sous-tendent l’idée de progrès, en particulier en ce qui a trait à la dimension environnementale. Issue de cette théorie, l’approche par capitaux est présentée au chapitre 3 comme cadre conceptuel des comptes de l’environnement2. Cette approche propose de mesurer le développement durable à l’aide des différentes composantes de la richesse vue au sens large, soit le capital produit, financier, humain, social et naturel.

1 L’environnement comme il est entendu ici inclut les ressources naturelles. 2 Un cadre conceptuel explique les relations qui existent entre les différents concepts et variables et donne à l’information une structure et une logique interne qui permettent de concentrer l’effort de la mesure sur les éléments essentiels du cadre.

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Les chapitres 4 et 5 décrivent les cadres statistiques qui servent à transformer les données de base en une information qui soit conforme au cadre conceptuel sous-jacent, selon des méthodologies et des règles d’organisation précises. Le SCN, présenté au chapitre 4, mesure le capital produit et financier, ainsi qu’un aspect du capital naturel. Il se traduit par les comptes économiques, disponibles sur le plan provincial. Le chapitre 5 propose une description relativement détaillée des comptes de l’environnement, selon l’ensemble de recommandations internationales que constitue le Système de comptabilité économique et environnementale intégrée de 2003 (SCEE 2003). Comme les comptes de l’environnement ne sont pas encore réalisés au Québec, le chapitre 6 rend compte de considérations plus pratiques liées à leur implantation3.

3 Par ailleurs, pour ce qui est des capitaux humain et social, il n’existe pas de cadres statistiques reconnus internationalement pour les mesurer.

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1 Problématique

La problématique générale dans laquelle ce document s’inscrit concerne la mesure du progrès de la société, où le progrès s’entend comme l’amélioration durable du bien-être global des personnes. La mesure du progrès est cruciale, parce qu’elle sert de référence à l’élaboration et à l’évaluation de la politique publique. En effet, des décisions basées sur une mesure impropre pourraient ne pas aboutir à un progrès réel4. Toutefois, puisqu’elle couvre des aspects immatériels « tels que la qualité de l'environnement, la sécurité nationale, la sécurité individuelle, et les libertés politiques et économiques », la notion de progrès est difficile à mesurer5.

Le concept de croissance économique, qui représente une amélioration de la qualité de vie sur le plan strictement matériel, a généralement servi à mesurer le progrès de la société. L’indicateur de performance économique communément utilisé est le produit intérieur brut (PIB) : son évolution dans le temps procure une mesure de la croissance économique. Le PIB est un indicateur agrégé de production calculé à l’aide des données du SCN; il s’agit de la valeur des biens et services produits par les acteurs économiques résidents d’un territoire durant une année. Cependant, le PIB n’est pas une mesure du bien-être et n’a jamais été censé l’être.

En effet, la croissance économique a pour corollaire l’épuisement des ressources naturelles et la dégradation de l’environnement. Ainsi, d’un côté, la croissance améliore le niveau de vie des personnes, mais, de l’autre, l’épuisement et la dégradation du capital naturel qui s’ensuit nuisent à leur bien-être. Par exemple, un indicateur de progrès qui exclurait la pollution de l’air introduirait un biais dans l’évaluation du bien-être des personnes si celles-ci se préoccupent de la qualité de l’air (Stiglitz et autres, 2009). Les changements climatiques, l’acidification de l’environnement, l’eutrophisation des plans d’eau, l’accumulation des déchets solides et la perte de biodiversité sont autant de problèmes préoccupants qu’il faudrait incorporer à une mesure du progrès.

En 1972 à Stockholm, la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain reconnaissait que l’environnement était un déterminant important du bien-être des populations6. Par la suite, avec le rapport Brundtland en 1987, le concept de progrès a été formellement élargi pour devenir le développement durable. Celui-ci étant un concept beaucoup plus englobant que la croissance économique, le SCN ne suffit plus comme cadre de mesure. Comment suppléer aux lacunes du SCN tout en préservant ses avantages? Le présent document concerne la dimension environnementale de cette question. Avant de l’entamer, il est intéressant de revisiter la théorie économique dans une perspective plus large, qui permet de prendre les impacts environnementaux en considération.

4 Voir le rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social (CMPEPS) (Stiglitz et autres, 2009). Cette commission, présidée par Joseph E. Stiglitz, récipiendaire du prix Nobel d’économie, avait été mise en place en 2008 à la demande du président Sarkozy. Elle a examiné le problème de la mesure du progrès en profondeur. 5 Cette description fait référence à la définition de « qualité de vie » de la Banque mondiale, « Glossaire », Au-delà de la croissance économique, Programme d'éducation sur le développement, www.worldbank.org/depweb/french/beyond/global/glossary.html#80. 6 www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=97&ArticleID=1503&l=fr.

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2 Théorie économique sous-jacente : économie du bien-être et économie de l’environnement

Les considérations économiques liées à l’environnement naturel ne sont pas une nouveauté, elles étaient prises en compte par les premiers économistes. Les idées élaborées par les économistes classiques il y a plus de deux siècles (dont Adam Smith, 1723-1790, Thomas Robert Malthus, 1766-1834, David Ricardo, 1772-1823 et John Stuart Mill, 1806-1873) tenaient compte de la place fondamentale de la nature dans l’économie. Dans le sillon de la tradition physiocrate, selon laquelle la terre (comme territoire) était « la principale source de valeur », les économistes classiques reconnaissaient la terre, au même titre que le travail, comme facteur de production à part entière (Gómez-Baggethun et autres, 2009, p. 3). Or, l’importance accordée aux ressources naturelles s’est beaucoup amenuisée dans l’économie néoclassique qui a émergé au début du 20e siècle. À présent, la maxime du développement durable nécessite que le courant dominant de l’économie, issu de l’économie néoclassique, soit remis en question. Dans cette perspective, il s’agit ici de revisiter la théorie économique pour établir les fondements d’un cadre conceptuel (la théorie des capitaux) qui puisse sous-tendre la mesure du développement durable.

2.1 Économie néoclassique et économie du bien-être

L’école de pensée néoclassique qui, avec le keynésianisme, forme la base du courant dominant de l’économie jusqu’à aujourd’hui, considère que les personnes sont des agents rationnels et informés qui cherchent à satisfaire leur intérêt personnel. Cette hypothèse de base sous-tend également les principes de l’économie du bien-être, qui s’inscrit dans la pensée néoclassique. La satisfaction que les personnes retirent de la consommation d’un bien ou d’un service se nomme l’utilité ou le bien-être. Ainsi, selon la théorie néoclassique du bien-être, le bien-être global de la société dépend du niveau de consommation des personnes qui la composent.

Au-delà du domaine de la consommation des biens et services échangés sur les marchés, considérés traditionnellement, l’économie du bien-être admet que la consommation soit prise dans un sens très large :

« Dans son sens large, la consommation inclut la jouissance de tous les biens et services qui contribuent au bien-être, incluant ce que la nature procure gratuitement, tels que les produits de la forêt et les beaux couchers de soleil. Il est même possible d’envisager, de façon abstraite, la jouissance des avantages liés aux droits humains ou à la santé psychologique comme une forme de consommation. » (Commission économique des Nations unies pour l’Europe, 2009.)

L’utilité associée aux aspects non marchands de la qualité de vie, tels que les biens et services environnementaux, se mesure en argent par le biais de la « disposition à payer ». Par exemple, le revenu que les personnes seraient prêtes à sacrifier pour que l’ours polaire ne disparaisse pas correspond à leur disposition à payer pour que cette espèce animale continue d’exister.

L’agrégation des dispositions à payer procure une mesure du bien-être global de la société. À cette échelle, la théorie du bien-être stipule que, dans le cadre de « la concurrence pure et parfaite », un équilibre de marché optimise le bien-être des personnes (au sens où le bien-être d’aucune personne ne peut être augmenté sans que celui d’une autre soit diminué). Toutefois, lorsque les conditions d’un marché parfait ne sont pas satisfaites, il y a des défaillances de marché, lesquelles sont étudiées en économie de l’environnement.

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2.2 Économie de l’environnement et économie écologique

Bien que prenant appui sur les principes de l’économie néoclassique (Victor, 1991), le domaine de l’économie de l’environnement épouse une vision d’ensemble plus globale que l’économie telle qu’elle est conçue traditionnellement (Pearce et Turner, 1990). De la même manière que les économistes classiques, qui concevaient une limite écologique à l’activité économique, les économistes de l’environnement ont réintroduit la considération environnementale au cœur de l’économie. À partir des années 1950, Resources for the Future, une organisation de recherche indépendante située à Washington, D.C., a appliqué des notions économiques à un large éventail d’enjeux environnementaux. En parallèle avec le mouvement environnemental, des études parues au cours des années 1960 ont mis en évidence l’ampleur des défaillances du marché liées aux impacts de l’activité économique sur l’environnement (Pearce, 2002). Les défaillances du marché, telles que les externalités et l’accès ouvert aux ressources naturelles, empêchent que le système économique fondé sur le marché optimise le bien-être de la société.

Les dommages causés par la pollution représentent un cas évident « d’externalités ». Une externalité est l’effet, négatif ou positif, de l’activité d’une tierce partie sur des personnes, qui n’est pas ressenti (ou « internalisé ») par la tierce partie. Le cas d’une aciérie qui se trouverait en amont de la rivière par rapport à un centre de villégiature est un exemple classique d’externalité. Les polluants que l’aciérie rejette dans le cours d’eau font diminuer la qualité des activités récréatives offertes par le centre de villégiature, ce qui représente un coût pour le centre. Puisque l’aciérie ne tient pas compte de ce coût, elle continuera de polluer au-delà du niveau socialement optimal. L’idée d’externalité vient des travaux d’Arthur Cecil Pigou (1877-1959), économiste dans la lignée des néoclassiques, au cours des années 1920. Les externalités sont estimées à l’aide des méthodes d’évaluation monétaire des biens et services environnementaux (voir encadré 1).

ENCADRÉ 1. L’ÉVALUATION MONÉTAIRE DES BIENS ET SERVICES ENVIRONNEMENTAUX

Partie intégrante de l’économie de l’environnement, l’évaluation monétaire des biens et services environnementaux consiste à estimer, à l’aide de diverses méthodes, la valeur monétaire des dommages causés par une dégradation de l’environnement (ou des avantages issus d’une amélioration de l’environnement). Les méthodes d’évaluation monétaire ont été élaborées pour l’analyse avantages-coûts, qui vise à établir la désirabilité de projets ou de politiques publiques au regard du bien-être de la société7. L’évaluation monétaire des biens et services environnementaux permet la comparaison directe des avantages financiers et des coûts environnementaux de l’activité économique.

La plupart des biens et services environnementaux (la biodiversité, la qualité de l’air ou de l’eau, les paysages, etc.) ne sont pas négociés sur les marchés. Ces biens et services ont néanmoins une valeur – dite « valeur économique totale » – composée de trois éléments (Tietenberg et Lewis, 2009) :

la valeur d’usage provient de l’utilisation directe des biens et services environnementaux (p. ex., la valeur d’usage de l’environnement procure du bien-être au pêcheur, au randonneur ou à l’ornithologiste);

7 L’analyse avantages-coûts consiste à comparer les gains et les pertes d’utilité dans la situation où le projet serait réalisé par rapport à la situation initiale. Habituellement, ceci revient à comparer les coûts et les avantages du projet (généralement marchands) avec les avantages environnementaux (généralement non marchands) auxquels la société doit renoncer si le projet est réalisé. Celui-ci devrait être réalisé si le gain net est positif.

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la valeur d’option est la valeur qui découle de l’option d’utiliser les biens et services environnementaux, soit de l’éventuelle valeur d’usage;

la valeur de non-usage ou d’existence est la valeur intrinsèque attribuée aux composantes de l’environnement, comme les animaux ou les paysages, qui découle notamment de la sympathie envers ces choses et qui « n’est pas reliée à [leur] utilisation actuelle ou éventuelle » (Pearce et Turner, 1990, p. 134).

L’estimation monétaire de la valeur économique totale repose sur des méthodes qui révèlent la disposition à payer des personnes. La disposition à payer permet d’évaluer « le surplus du consommateur », équivalant à l’écart entre ce qu’une personne serait disposée à payer et le prix qui serait effectivement payé si un marché existait. Ainsi, le surplus du consommateur correspond à la valeur attribuée au bien ou au service en excédent du prix qui serait payé. En l’absence de prix de marché, c’est le surplus du consommateur qui sert à mesurer l’utilité ou le bien-être du consommateur.

Dans le cas des biens et services marchands, la disposition à payer peut être dérivée des prix observés sur le marché. Les défaillances de marché, telles les externalités, et les transferts, comme les taxes et les subventions, créent toutefois des distorsions de prix. Les prix doivent donc être corrigés pour refléter la valeur réelle des biens ou des services. Le cas des biens et des services qui ne sont pas négociés sur le marché est plus complexe.

Parmi les différents types de méthode d’évaluation monétaire des biens et services non marchands, il y en a quatre principaux :

La méthode des coûts de transport consiste à interroger les visiteurs d’un site récréatif sur les coûts de leur voyage. Ces coûts sont assimilés à la disposition à payer des personnes pour l’utilisation du site. Cette méthode est utile pour estimer la valeur des services récréatifs.

La méthode des prix « hédoniques » repose sur l’analyse des prix sur un marché existant, tel le marché immobilier. Puisque la valeur d’une maison dépend, entre autres, des attributs de son environnement (comme le bruit environnant, la pollution de l’air ou le paysage), l’analyse du prix des maisons en fonction de ces attributs révèle la valeur de ces aspects non marchands.

L’évaluation contingente, basée sur des questionnaires d’enquête, sert à estimer les valeurs de non-usage. Placés devant un marché hypothétique, les répondants sont amenés à déclarer le montant qu’ils seraient disposés à payer pour la préservation d’un bien ou d’un service environnemental. Cette méthode pose cependant de nombreuses difficultés, dont l’absence de restrictions budgétaires réelles, qui peut amener le répondant à déclarer un montant plus grand que la disposition réelle à payer8.

La méthode des dépenses d’évitement utilise les dépenses engagées par les personnes pour éviter de subir des dommages, par exemple, l’achat d’eau embouteillée pour prévenir les dommages à la santé causés par une eau contaminée. Cette méthode fournit une borne inférieure de la valeur des dommages.

Les résultats de ces méthodes sont habituellement des estimations grossières qui représentent un ordre de grandeur de la disposition à payer des personnes. Les gains et les pertes de bien-être social associés à un projet ou à une politique sont estimés par l’agrégation des dispositions à payer individuelles. Toutefois, l’agrégation par la disposition à payer moyenne peut poser problème, car

8 Malgré cela, un groupe d’étude mis en place par la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis en 1993 a conclu que « les études d’évaluation contingente produisent des résultats suffisamment fiables pour servir de point de départ à un procédé judiciaire d’évaluation des dommages, incluant les valeurs de non-usage perdues. » (Arrow et autres, 1993).

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elle ne dépend pas de la distribution de l’utilité entre les membres de la société et ignore donc la question de l’inégalité9. De plus, l’évaluation monétaire des biens et services environnementaux constitue une approche microéconomique dont les résultats ne peuvent pas être simplement agrégés dans un cadre macroéconomique tel que le SCN10.

Une autre défaillance du marché est « l’accès ouvert » aux ressources naturelles, par exemple, au stock de poissons, qui peut faire en sorte qu’elles soient exploitées jusqu’à l’extinction. Cette défaillance, assimilable à « la Tragédie des communs » de Hardin, se rapporte au domaine de l’économie des ressources naturelles. Connexe à l’économie de l’environnement, ce domaine concerne « principalement les taux d’épuisement des ressources non renouvelables et le taux optimal de récolte des ressources renouvelables ». (Pearce, 2002, p. 59.) L’économie des ressources naturelles et l’économie de l’environnement ont été fusionnées dans la théorie de la croissance économique optimale au cours des années 1970. Notamment, la contribution de Dasgupta et Heal (en 1979) suggère que l’épuisement d’un stock de ressources n’empêche pas le maintien du niveau global de production, même en l’absence de progrès technologique, puisque le capital produit peut se substituer aux ressources naturelles.

En opposition avec ce résultat, les idées de « contraintes ultimes à l’activité économique » des économistes classiques ont été reprises par les économistes écologiques, qui reconnaissaient des limites physiques ou écologiques à la croissance économique. La logique sous-jacente est que l’expansion économique conduit nécessairement à l’expansion de l’extraction des ressources naturelles et de l’émission de résidus dans l’environnement (Pearce, 2002). Cette logique met en évidence le paradoxe des modèles de croissance issus de la théorie néoclassique : la substitution du capital produit aux ressources naturelles conduit à une augmentation de la demande de ressources, puisqu’elles sont nécessaires à la production de capital (Victor, 1991). La perspective intertemporelle inhérente aux modèles de croissance optimale allait néanmoins fonder la mesure du bien-être durable.

2.3 Mesure du développement durable

Au cours des dernières décennies, les travaux portant sur l’évolution du bien-être social dans le temps ont été appliqués à la mesure du développement durable. Dans la théorie de la croissance optimale, la question du bien-être durable est abordée au moyen du niveau maximal de bien-être qui puisse être maintenu dans le temps (Stiglitz et autres, 2009). Les flux de consommation des générations présentes ne devraient pas dépasser le seuil au-delà duquel les générations futures ne pourraient atteindre un niveau de bien-être au moins aussi grand. Ce niveau de consommation est une extension, à l’échelle de la société, du revenu de Hicks (Heal et Kriström, 2005), qui est le montant maximal qui peut être consommé par une personne pour qu’elle soit aussi riche à la fin qu’au début de la période (Commission économique des Nations unies pour l’Europe, 2009).

9 Cependant, d’autres formes d’agrégation d’utilité permettent de prendre l’équité en compte dans la fonction de bien-être social. La CMPEPS a retenu « l’approche par équivalence ». Par exemple, une méthode consiste à « comparer les personnes en termes de ‘revenu équivalent’, c’est-à-dire du revenu qu’elles auraient dans des situations équivalentes. » Le revenu équivalent s’obtient en ajustant le revenu actuel des personnes selon le montant qu’elles seraient disposées à payer pour atteindre le niveau de référence de dimensions non monétaires de la qualité de vie (par ex., la bonne santé). Parce qu’elle tient explicitement compte de l’égalité, cette approche solutionne le problème de l’agrégation par la disposition à payer moyenne, qui reflète de façon disproportionnée les préférences des personnes à haut revenu (Stiglitz et autres, 2009, p. 46, 172-173, 237-240). 10 Jean-Louis Weber, conseiller spécial, Agence européenne pour l’environnement, communication personnelle.

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Autrement dit, le bien-être vu comme consommation durable représente « l’intérêt sur la richesse totale » (Pearce, 2002, p. 62). Le développement est durable si le niveau de bien-être présent ne dépasse pas ce niveau optimal.

Le corollaire de cette approche est la considération du maintien de la richesse totale en elle-même. Il ne s’agit alors plus de mesurer l’intérêt sur la richesse totale, mais plutôt le stock de richesse totale dans son sens large. La théorie des capitaux, présentée à la section suivante, part de cette idée de richesse totale pour former un cadre conceptuel de la mesure du développement durable. En ce qui a trait à la richesse naturelle en particulier, il existe un quasi-consensus parmi les économistes quant à la pertinence de fonder les comptes de l’environnement sur la théorie des capitaux, car les enjeux environnementaux peuvent, dans la plupart des cas, être liés à l’idée de stock dans son sens large (Heal et Kriström, 2005).

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3 Approche par capitaux pour la mesure du développement durable

L’approche par capitaux forme un cadre conceptuel rigoureux pour la mesure du développement durable par le biais de l’idée de richesse totale. Ce cadre repose sur la théorie de l’économie du bien-être et de l’économie de l’environnement, ainsi que sur la notion de capital selon une extension de la notion traditionnelle. Habituellement, le capital est défini comme un facteur de production, c'est-à-dire les machines et les outils nécessaires à la production de biens et de services. Cependant, pour être en concordance avec le sens large de la consommation admise par l’économie du bien-être, la notion de capital doit aussi être élargie pour inclure des types de capitaux jusqu’ici peu considérés (Smith, 2008). Le Groupe de travail conjoint sur les statistiques du développement durable (WGSSD)11 s’est basé sur cette approche afin d’établir une liste d’indicateurs de développement durable. Le WGSSD a retenu cinq types de capitaux : produit, financier, humain, social et naturel (encadré 2).

ENCADRÉ 2. GROUPE DE TRAVAIL CONJOINT SUR LES STATISTIQUES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE (WGSSD)

La Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-NU) a mis en place le WGSSD en 2005. Ce groupe de travail comptait plus de 90 membres provenant de 48 pays. Le mandat principal du WGSSD était de définir un cadre conceptuel basé sur l’approche par capitaux pour mesurer le développement durable et établir une liste d’indicateurs de développement durable. Ce travail visait à aider les gouvernements et les organisations à concevoir leur propre liste d’indicateurs. La publication du rapport Measuring Sustainable Development (CEE-NU, 2009), qui contient l’ensemble des concepts liés à l’approche par capitaux et « un petit jeu d’indicateurs de développement durable », a achevé son mandat.

Le rapport 2009 du WGSSD laisse plusieurs questions en suspens. C’est pour les approfondir qu’un nouveau groupe de travail, le Groupe de travail sur la mesure du développement durable12, a été créé par la CEE-NU. Ce groupe a pour mandat d’améliorer la liste d’indicateurs, de mieux définir les concepts de capital humain et de capital social, d’évaluer la comparabilité et la disponibilité des indicateurs sur le plan international, d’étudier la cohérence entre l’approche par capitaux et les stratégies nationales de développement durable et de déterminer les limites de l’évaluation monétaire.

3.1 Capital, stock et flux

Selon l’approche par capitaux, le capital consiste en un ensemble d’actifs qui fournit un flux de biens et de services dans le futur (Costanza et Daly, 1992). Autrement dit, le capital est une richesse dont il est possible de retirer du bien-être sur une longue période de temps. Contrairement à la définition traditionnelle, le capital, tout comme les services qui en sont issus, n’est pas nécessairement échangé sur le marché. Par exemple, une forêt représente un actif parce

11 Joignant la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-NU), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et Eurostat (Joint UNECE/Eurostat/OECD Working Group on Statistics for Sustainable Development). 12 Joint UNECE/Eurostat/OECD Task Force on Measuring Sustainable Development (notre traduction).

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que les arbres qu’elle contient peuvent être transformés en papier, mais aussi parce qu’elle absorbe du CO2, forme un habitat et fait partie intégrante du paysage.

Le stock de capital fait référence à une quantité finie d’actifs à un temps donné, tandis qu’un flux renvoie à une perte ou à un gain de stock à l’intérieur d’un intervalle de temps. Ainsi, le nombre d’arbres sur un territoire donné, mesuré par le volume de matière ligneuse à un moment précis, est un stock. En revanche, la croissance des arbres (gain de matière ligneuse) et la quantité d’arbres coupés (perte de matière ligneuse) durant une année sont des flux. De la même façon, la superficie du territoire occupé par les terres bâties, agricoles et forestières à un temps donné représente un stock, alors que les changements d’utilisation des terres (gain et perte de superficie) sont des flux.

3.2 Catégories de capitaux

La classification des capitaux retenue par le WGSSD procure des catégories simples qui forment un ensemble exhaustif représentant la richesse nationale. Le capital produit fait référence à la vision traditionnelle du capital et est comptabilisé à l’intérieur du SCN. Le capital produit est composé des actifs fixes utilisés de façon répétée et pendant plus d’un an dans les processus de production, tels que les infrastructures, les bâtiments, les machines et les logiciels. Le capital produit est également constitué des produits détenus en stock par les entreprises dans le but de les transformer ou de les vendre et des objets de valeur, par exemple, les métaux précieux et les œuvres d’art (SCN 200813).

De la même manière que le capital produit, le capital financier est aussi comptabilisé à l’intérieur du SCN. Il est composé d’actifs tels que les capitaux propres et les parts de fonds d’investissement, la monnaie étrangère et les dépôts en banque, les emprunts et les comptes créditeurs ou à recevoir (SCN 2008). Le capital financier n’est pas directement productif, mais est facilement transformable, notamment en capital produit. Théoriquement, la mesure du capital financier à l’échelle nationale ne considère que la valeur de l’actif net détenu à l’étranger. En effet, les actifs financiers détenus par les entreprises, le secteur public ou les ménages à l’intérieur du pays devraient être exclus, car ils ont toujours en contrepartie des passifs. Autrement dit, le transfert d’actifs financiers entre les agents n’influe pas sur le stock total de capital14.

Le concept de capital humain part de l’idée de travail. En économie, le travail, mesuré par le nombre d’heures travaillées ou le nombre de travailleurs, a toujours été considéré comme un élément incontournable de la production. Ce n’est qu’au cours des années 1960 que l’aspect qualitatif du travail a été analysé, notamment par Gary Becker15, qui a mis l’accent sur la santé et 13 Commission européenne, Fonds monétaire international, Organisation de coopération et de développement économiques, Nations unies et Banque mondiale (2009), System of national accounts 2008, New York : Nations unies, 662 pages (http://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/SNA2008.pdf). 14 Par exemple, considérons un acheteur détenant un actif financier de 30 000 $, un vendeur ne détenant aucun actif financier et une banque détenant un actif d’un million de dollars. Ensemble, l’acheteur, le vendeur et la banque contribuent pour 1 030 000 $ au stock de capital financier. L’acheteur achète du vendeur une maison de 200 000 $. Pour ce faire, il contracte un prêt de 170 000 $ à la banque. À la suite de la transaction, l’acheteur est accablé d’un passif financier de 170 000 $, le vendeur détient un actif de 200 000 $ et la banque a maintenu son actif d’un million (le montant accordé en prêt a simplement changé de catégorie comptable, passant de l’encaisse à la créance). Leur contribution commune au stock de capital financier est toujours de 1 030 000 $. Voir aussi SCN (2008, p. 221, paragraphe 11.21). 15 Voir BECKER, G. (1964), Human capital: A theoretical and empirical analysis, with special reference to education, National Bureau of Economic Research, New York. Récipiendaire du prix Nobel d’économie en 1992.

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l’éducation des travailleurs comme facteur clé de la croissance économique. Pour lui, l’éducation, la formation en milieu de travail et la santé sont toutes des composantes du capital humain (CEE-NU, 2009). Selon l’OCDE, le capital humain est constitué des « connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création de bien-être personnel, social et économique » (OCDE, 2001). Autrement dit, le capital humain est une richesse individuelle, composée essentiellement du savoir et de la santé, qui procure des avantages aussi bien sur le plan collectif que personnel.

Le concept du capital social a été créé indépendamment par les sociologues Pierre Bourdieu et James Coleman dans les années 1980. Plus tard, le livre de Robert Putnam, publié en 2000, Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community, qui porte sur le déclin de l’adhésion à des groupes sociaux aux États-Unis, l’a fait connaître (CEE-NU, 2009). Selon Putnam, le capital social est composé des réseaux et des normes communes de réciprocité ayant une valeur. La définition la plus répandue reste néanmoins celle de l’OCDE : « le capital social correspond [...] à des réseaux ainsi qu’à des normes, valeurs et convictions communes » (OCDE, 2001, p. 47). Les réseaux sont constitués des liens unissant des personnes, des groupes ou des institutions, comme les relations au sein des groupes d’âge d’or ou entre collègues, et des rapports des individus, des groupes et des institutions vis-à-vis des autorités (CEE-NU, 2009).

Comme les autres types de capital, le capital social touche le bien-être. Par exemple, il peut améliorer l’état de santé et faire diminuer le taux de criminalité. À l’inverse, le capital social pourrait avoir des effets négatifs sur les individus exclus des groupes sociaux (Stiglitz et autres, 2009). Le capital social est le concept de capital le plus difficile à mesurer, car les frontières qui le délimitent restent floues. Malgré cela, la participation de la population à des associations, la facilité à recevoir de l’aide, l’action collective, le nombre de partenariats entre institutions, le niveau de confiance et l’efficacité du gouvernement peuvent servir à le mesurer (CEE-NU, 2009).

Capital naturel

Le capital naturel se divise en capital renouvelable et non renouvelable. Le capital naturel non renouvelable est constitué essentiellement des ressources du sous-sol16. Le capital renouvelable est contenu dans les écosystèmes qui, par le biais de leurs fonctions, procurent des services écologiques, comme l’approvisionnement en bois ou la séquestration du carbone17. La classification des actifs naturels proposée par le SCEE 2003 intègre la distinction entre capital renouvelable et capital non renouvelable, sans l’expliciter. Elle comprend trois catégories : ressources naturelles, terres et écosystèmes. Les ressources naturelles forment les stocks de matières premières, elles fournissent la matière et l’énergie essentielles aux processus de production. Les terres procurent les espaces multifonctionnels nécessaires aux diverses activités humaines. Les écosystèmes offrent, outre les ressources incorporées dans les biens et services produits, des services gratuits et consommés directement, comme les services récréatifs, culturels et de régulation – par exemple, du climat ou du régime des eaux (figure 1)18.

16 Cependant, la distinction n’est pas toujours nette entre ce qui est non renouvelable et ce qui l’est. Par exemple, l’eau, à l’intérieur d’un territoire donné, pourrait être considérée comme non renouvelable (Tietenberg et Lewis, 2009). 17 Jean-Louis Weber, communication personnelle. 18 Voir Weber (2008).

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FIGURE 1. CLASSIFICATION DES ACTIFS NATURELS SELON LE SCEE 2003

Ressources naturelles Ressources minérales et énergétiques

Réserves prouvées, probables et possibles de combustibles fossiles et de minéraux métalliques et non métalliques.

Ressources en sol Quantité de terre cultivable, à vocation agricole ou non. Ressources en eau Quantité des eaux de surface et des eaux souterraines,

incluant l’eau des lacs, des rivières et des réservoirs artificiels, mais excluant celle des mers et des océans, vu leur immensité et la difficulté que présente la mesure de l’impact humain sur eux.

Ressources biologiques Ressources forestières, agricoles, halieutiques et animales, cultivées ou non.

Terres et eaux de surface Terres bâties Surface nécessaire au support des bâtiments et des ouvrages

de génie civil. Terres agricoles Surface de culture et de pâturage. Terres forestières Surface boisée cultivée et non cultivée. Plans d’eau majeurs Surface des lacs, des rivières, des terres humides et des

réservoirs artificiels. Autres terres Surface occupée par les prairies, la toundra, les terres à

végétation clairsemée et l’Arctique. Écosystèmes Écosystèmes terrestres Écosystèmes urbains, agricoles, forestiers, des prairies, de la

toundra, des terres arides, etc. Écosystèmes aquatiques Écosystèmes marins, côtiers, fluviaux, lacustres, etc. Systèmes atmosphériques Ensemble des composantes de l’enveloppe gazeuse entourant

la Terre. Source : SCEE 2003, Annexe 1, p. 511-514.

La classification du SCEE 2003 a été établie selon la fonction des actifs naturels. Ainsi, certains actifs apparaissent plus d’une fois à l’intérieur de la classification. Par exemple, les ressources en sol, les terres agricoles et les écosystèmes terrestres peuvent tous se rapporter au même lieu physique. Composée de l’humus, la ressource en sol est une matière première dont la fonction est de fournir les nutriments essentiels à la croissance des plantes. Les terres agricoles procurent l’espace nécessaire à la culture et au pâturage. Les écosystèmes terrestres comprennent les organismes vivants qui servent, entre autres, à la régénération de l’humus. Vu la confusion qui peut en résulter, cette classification ne fait pas pleinement consensus. Notamment, il a été proposé que le SCEE n’adjoigne que les écosystèmes (ou le capital naturel renouvelable), incluant, entre autres, les ressources en sol et en eau19.

3.3 Richesse totale, substitution et capitaux critiques

L’approche par capitaux se réfère à la mesure de la richesse totale d’une nation. Il s’agit d’une notion théorique égale à la somme de la valeur des stocks de capitaux produit, financier, humain, social et naturel. Cette mesure agrégée représente un indicateur de développement durable facile à comprendre et idéal sur le plan conceptuel (CEE-NU, 2009; voir aussi section 2.3). Malgré

19 Jean-Louis Weber, communication personnelle. Voir aussi Weber (2008).

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qu’il soit impossible de savoir comment les générations futures tireront profit du capital laissé à leur disposition, la richesse nationale renseigne sur le potentiel de durabilité. « Tandis qu’une richesse totale par personne qui soit stable ou croissante ne garantit pas que le développement soit durable, l’opposé garantit l’impossibilité qu’il le soit20. » (CEE-NU, 2009, p. 45.)

La mesure de la richesse nationale requiert que les différents types de capitaux soient exprimés à l’aide d’une unité de mesure commune, soit l’unité monétaire. Si elle permet de comparer différents types de capitaux, l’utilisation d’une unité unique présume toutefois de leur substituabilité. Il serait possible, par exemple, de diminuer la valeur du stock de capital naturel et de la remplacer par une valeur équivalente en stock de capital produit, tout en maintenant constante la richesse totale. Par contre, certains capitaux humains, sociaux ou naturels sont essentiels au développement de la société et indispensables à la vie humaine. Ces capitaux, dits « critiques », ne peuvent pas être remplacés par d’autres capitaux. Par exemple, un écosystème maintenu dans un bon état de santé est garant d’un climat stable. Sa dégradation par l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre déstabilise le climat et menace le développement, et cela indépendamment de la richesse matérielle de la société (CEE-NU, 2009). Ainsi, les capitaux critiques doivent aussi être exprimés en unités physiques.

Sur le plan de la pratique, l’évaluation monétaire de tous les capitaux est à peu près infaisable actuellement. Tout d’abord, bien que le prix des actifs produits et financiers et de certains actifs naturels soit observable, il ne reflète pas toujours le prix réel. Notamment, le prix des actifs immobiliers et énergétiques est sujet à des bulles spéculatives. De plus, les écosystèmes n’ont pas de prix de marché. Déjà que l’évaluation monétaire des services écologiques soit difficile au niveau microéconomique, elle demeure un problème irrésolu au niveau macroéconomique (voir encadré 1). Enfin, l’évaluation monétaire du capital social en est encore à ses balbutiements. Pour ces raisons, différentes unités de mesure serviront à mesurer les différents types de capitaux. Présentés aux deux prochains chapitres, le SCN et le SCEE forment des cadres statistiques pour la mesure des capitaux produit, financier et naturel.

20 Notre traduction.

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4 Mesure du capital produit : le Système de comptabilité nationale (SCN)

Le Système de comptabilité nationale (SCN), mis au point par les Nations unies, constitue un cadre statistique pour la mesure des capitaux produit et financier et d’une partie des ressources naturelles21. Il procure une représentation comptable du système économique. Créé au cours des années 1940 et 1950, le SCN devait répondre au besoin d’information émanant des grands problèmes de l’époque, soit la dépression des années 1930 et la reconstruction de l’après-guerre. Il allait donc servir à appuyer les politiques économiques visant la stabilisation et la croissance économique, par le biais des indicateurs de performance économique, dont le PIB, et de l’information désagrégée par secteur.

Le SCN enregistre les transactions effectuées au sein de l’économie. Les « agents » qui effectuent ces transactions y sont regroupés selon la nature de leur activité économique : les entreprises, dont la principale fonction est de produire en vue d’un profit, les ménages, dont les activités sont axées sur la consommation finale, les administrations publiques, dont l’activité principale est directement liée aux affaires publiques, et les non-résidents, qui représentent les transactions avec l’extérieur. Ces agents peuvent s’adonner à la production, à la consommation ou à la formation de capital22. Les activités de production sont classées selon le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), tandis que les activités de consommation ou de formation de capital, selon les catégories de la demande finale (p. ex., les dépenses personnelles, l’investissement, les dépenses gouvernementales).

4.1 Composantes du SCN

Le SCN comprend des comptes de stocks et de flux. À l’intérieur d’un territoire donné, des stocks de capitaux produits, des stocks de capitaux financiers et des stocks de matières premières sont détenus par les résidents du territoire ou par les non-résidents. Ces stocks sont enregistrés dans le compte de patrimoine sous l’appellation « actifs et passifs d’ouverture23 ». En cours d’année, les transactions, ainsi que les évènements naturels, comme les tremblements de terre, font varier les actifs et les passifs. Les comptes d’accumulation enregistrent ces variations : les comptes de capital et de financement représentent la part du revenu accumulée en vue de grossir les stocks initiaux, alors que le compte des autres changements d’actifs (réévaluations et changements de volume) mesure les changements qui ne sont pas attribuables à des transactions. Les variations enregistrées dans les comptes d’accumulation sont additionnées ou soustraites des actifs et passifs d’ouverture, ce qui donne les actifs et passifs de clôture du compte de patrimoine.

De plus, les transactions des agents économiques sont compilées dans les comptes des opérations courantes. Ces comptes enregistrent les transactions relatives aux biens et services : les agents produisent des biens et services (compte de production), reçoivent une rémunération et effectuent

21 « La couverture des actifs se limite aux actifs utilisés pour l’activité économique et sujets à des droits de propriété; par exemple, [...] le capital humain ainsi que les ressources naturelles qui ne sont pas sujettes à des droits de propriété sont exclus. » (SCN 2008, p. 43). Notre traduction. 22 Au sens restreint du mot « capital » (voir section 3). 23 Dans le Système de comptabilité national du Canada (SCNC), le compte du bilan national comprend les stocks de capitaux produits et financiers, alors que le compte du patrimoine inclut, de surcroît, les stocks de matières premières.

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des dépenses (comptes de distribution et d’utilisation du revenu24). Par ailleurs, la balance des paiements et le compte d’entrées-sorties sont d’autres composantes importantes du SCN. Le compte de la balance des paiements, qui est un compte économique intégré, montre les échanges avec le reste du monde. Le tableau entrées-sorties (ou « tableau des ressources et des emplois25 ») présente une dissection détaillée de la production, de l’utilisation des produits et du revenu de production (voir section 4.2 pour plus d’explications).

4.2 Comptes économiques du Québec

Les Comptes économiques du Québec, mis à jour à l’ISQ, sont tirés du Système de comptabilité nationale du Canada (SCNC) tenu par Statistique Canada. Ils présentent des comptes des revenus et dépenses et des comptes de capital et de financement, pour l’ensemble de l’économie et par secteur institutionnel, ainsi qu’un compte de production, par industrie. L’objectif principal des Comptes économiques du Québec est de mesurer la production économique de la province. Tout comme le SCN et le SCNC, les Comptes économiques du Québec sont élaborés selon la notion de production intérieure. Ce concept fait référence à la production des établissements situés dans un territoire donné et les revenus qui découlent de cette production, avant toute redistribution à l’échelle interprovinciale ou internationale.

Il existe trois méthodes de mesure de la production, soit celle des revenus, celle des dépenses et celle de la valeur ajoutée. Les comptes de revenus et dépenses utilisent les deux premières méthodes. La somme des revenus mesure le PIB dans l’optique du revenu et la somme des ventes aux consommateurs et aux autres utilisateurs finaux mesure le PIB dans l’optique des dépenses. La troisième méthode, celle de la valeur ajoutée, est utilisée pour calculer la production par industrie lorsque l’information sur les valeurs brutes de production et les coûts des intrants est disponible. La somme des productions par industrie donne le PIB dans l’optique de la production. La méthode de la valeur ajoutée se rapporte au compte de production ou au tableau entrées-sorties qui y est lié.

Les comptes d’entrées-sorties du Canada couvrent toute l’activité économique menée dans les économies de chaque province26. Ils se composent de trois matrices : le tableau des entrées (consommation intermédiaire des industries), le tableau des sorties (production et importation) et le tableau de la demande finale (consommation et investissement). De plus, les tableaux provinciaux sont liés par un tableau des flux du commerce interprovincial, qui montre, pour chacune des provinces, les exportations et les importations vers et depuis les autres provinces et le reste du monde. Les comptes d’entrées-sorties constituent la comptabilisation la plus complète des économies canadienne et provinciales.

24 Appelés « comptes des revenus et dépenses » dans le système canadien. 25 Le présent document emploie l’expression « tableau entrées-sorties », alors que l’expression consacrée du Système de comptabilité nationale des Nations unies est « tableau des ressources et des emplois » (supply and use table). Formellement, le tableau entrées-sorties découle du tableau des ressources et des emplois (voir Commission européenne et autres, 2009, paragraphe 28.32, et Nations unies et autres, 2003, p. 42). Cependant, l’expression « tableau des ressources et des emplois » n’apparaît à peu près pas dans les documents de Statistique Canada. 26 La classification des secteurs des comptes d’entrées-sorties est basée sur le SCIAN, avec quelques différences mineures par rapport à celui-ci.

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4.3 Comptes satellites

Les comptes satellites sont des comptes liés au SCN qui comblent ses lacunes au regard de thèmes particuliers (p. ex. le tourisme, le transport ou l’environnement). Les comptes satellites servent à augmenter le potentiel d’analyse du SCN selon le thème couvert, particulièrement par le biais des tableaux entrées-sorties. De plus, comme ils sont liés aux statistiques économiques intégrées par l’entremise du SCN, les comptes satellites permettent d’analyser des questions relatives à des sujets divers dans le cadre d’analyses macroéconomiques. De plus, l’agencement de la statistique sous forme de comptes satellites leur procure un rôle comme outils de coordination statistique (Statistique Canada, 2008a). Par ailleurs, les comptes satellites offrent la possibilité d’expérimenter des classifications ou des concepts alternatifs sans compromettre la comparabilité du système central. Les comptes de l’environnement, élaborés suivant le manuel des Nations unies, en sont un exemple (section 5)27.

Depuis ses débuts, les limites du SCN à l’égard de l’environnement ont été une source d’inquiétude, notamment pour les spécialistes de la comptabilité nationale (Smith, 2007). Parce que seules les transactions monétaires sont enregistrées, les externalités que les activités économiques engendrent28 et qui affectent, par exemple, la qualité de l’air et la qualité de l’eau n’y apparaissent pas (Pearce et Turner, 1990). Autrement dit, la croissance économique, mesurée par le produit intérieur brut (PIB), peut aller de pair avec l’appauvrissement du capital naturel (Lange, 2007). Plus spécifiquement, le fait d’ignorer l’épuisement du stock d’actifs naturels, mais de prendre en compte les dépenses de protection de l’environnement, qui ne font que rectifier les dommages résultant d’une activité, surestime la mesure de la production. De plus, les dommages non corrigés qui causent une dégradation de l’environnement (et des services écologiques) devraient être traités comme une diminution de la richesse nationale (SCEE 2003).

27 L’étroitesse du lien entre les comptes satellites et le SCN est variable. De façon générale, il existe deux types de comptes satellites. Les comptes satellites internes réorganisent les statistiques du SCN, sans en changer les concepts fondamentaux. Il s’agit d’en agréger différemment les données ou de les désagréger pour dégager les éléments propres à un thème. Les comptes satellites externes, quant à eux, prolongent les statistiques du SCN. Ils peuvent y ajouter des données non monétaires, comme des poids ou des volumes de matière, et s’appuyer sur des concepts différents de ceux du SCN. Les comptes de l’environnement comportent une partie interne et une partie externe (SCN 2008, p. 531, SCEE 2003, p. 26). 28 Voir section 2.

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5 Mesure du capital naturel : les comptes de l’environnement

Les comptes de l’environnement forment un cadre statistique pour la mesure du capital naturel. En tant que comptes satellites du SCN, ils comblent ses lacunes en ce qui a trait à la mesure de l’épuisement des ressources naturelles et de la dégradation de l’environnement. Ainsi, ils élargissent la portée du SCN pour représenter le système économie-environnement et rapprocher la comptabilité nationale de la mesure complète du développement durable au sens de l’approche par capitaux (section 3). Les comptes de l’environnement consignent les statistiques en unités physiques ou monétaires et, à l’intérieur du champ qu’ils ont en commun avec le SCN, selon le même ensemble de classifications que celui-ci. Ils rendent possibles des analyses reliant les sphères économique et environnementale : par exemple, est-ce qu’une industrie dont les impacts sur l’environnement sont importants ajoute beaucoup de valeur à l’économie? De plus, l’utilisation d’unités monétaires pourrait servir à agréger les données des deux sphères et, éventuellement, à calculer des indicateurs macros (SCEE 200329).

La comptabilité environnementale s’est développée en marge du SCN, à partir des années 1970, dans le cadre d’applications en Norvège et en France (Smith, 2007). Les recherches du World Resources Institute, un think tank en environnement situé à Washington, D.C., à la fin des années 1980, figurent parmi les premiers travaux à portée mondiale (Lange, 2007)30. Puis, au début des années 1990, d’autres pays ont entamé l’élaboration de comptes de l’environnement. Bien que ces expériences aient nourri les discussions internationales ayant mené au SCN 1993, celui-ci est demeuré insuffisant au regard de l’environnement. La communauté internationale s’est donc dotée d’un manuel séparé intérimaire, le SCEE 1993, préparé par la Division de la statistique des Nations unies, qui consistait en un ensemble de recommandations. Le London Group on Environmental Accounting, qui s’est rencontré pour la première fois en 1994, a été chargé de réviser le SCEE 1993 pour en améliorer la concordance avec la comptabilité environnementale comme elle est appliquée par les agences statistiques nationales. Ce travail a abouti à l’édition 2003 du SCEE (Smith, 2007).

Le SCEE 2003 consiste en un système étendu et complexe. Cependant, sa raison d’être n’est pas d’en motiver l’implantation totale, mais plutôt de fournir un portrait le plus complet et le plus cohérent possible du système économie-environnement, duquel choisir des éléments en fonction des caractéristiques du territoire (Smith, 2007). La portée géographique des comptes de l’environnement correspond normalement à celle du SCN, ce qui n’empêche pas la résolution plus fine d’une partie de l’information. La figure 1 présente l’organisation du SCEE en quatre catégories de comptes. Les comptes d’actifs naturels et les comptes de flux de matière et d’énergie sont élaborés en plus de détails dans les sections qui suivent, car ils concernent, respectivement, la mesure des flux et des stocks de capital naturel.

29 Nations unies, Commission européenne, Fonds monétaire international, Organisation de coopération et de développement économiques et Banque mondiale (2003), Integrated environmental and economic accounting 2003, ST/ESA/STAT/SER.F/61/Rev. 1 (Final draft), New York : Nations unies, 572 pages. 30 Voir Repetto et autres, 1989.

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30

FIGURE 2. SCHÉMA DÉCRIVANT L’ORGANISATION DU SCEE

Note : Schéma conçu par l’Institut de la statistique du Québec.

5.1 Comptes d’actifs naturels

Les comptes d’actifs naturels comptabilisent les stocks de capital naturel et les changements qu’ils subissent en cours d’année. Ils servent à évaluer l’épuisement et la dégradation des stocks de capital naturel causés par les processus économiques ou naturels (SCEE 2003). Un compte d’actif peut être élaboré pour chaque classe d’actif naturel, qu’il s’agisse de ressources naturelles, de terres ou d’écosystèmes (voir figure 2, page suivante). Les actifs naturels couverts peuvent être négociés sur les marchés, et donc être déjà inclus dans le SCN, ou être non marchands (SCEE 2003). Les actifs non marchands doivent être comptabilisés parce qu’ils sont dotés d’une valeur d’usage et d’existence (voir encadré 1) (SCEE 2003).

Un compte d’actif naturel comptabilise le niveau du stock au début de l’année, les changements qui ont lieu au cours de l’année et le niveau de stock à la fin de l’année (SCEE 2003). Suivant un principe comptable, le niveau de stock de fermeture est égal au niveau de stock d’ouverture, ajusté selon les changements en cours d’année. Ces changements, soit les augmentations ou les diminutions de stock, sont attribuables à des activités économiques ou à des processus naturels. Il peut également se produire des changements « attribuables à une reclassification économique »; par exemple, une terre agricole sur laquelle des maisons auraient été bâties devrait être reclassée comme zone bâtie. De plus, les comptes d’actifs naturels différencient les changements dans la quantité et dans la qualité. Les changements dans les ressources naturelles sont plus souvent quantitatifs (épuisement), alors que les changements dans les écosystèmes sont à la fois quantitatifs et qualitatifs (épuisement et dégradation) (SCEE 2003).

Système de comptabilité économique et environnementale intégrée (SCEE)

Comptes de flux de matières et

d’énergie (CFME) Ajustement du SCN

selon l’épuisement, la dégradation et les

dépenses de protection

Comptes de flux physiques

Comptes hybrides

Comptes d’actifs naturels

Comptes physiques

Comptes monétaires

Comptes des transactions

environnementales

Compte de dépenses de protection de

l’environnement (CDPE)

Compte d’autres transactions

reliées à l’environnement

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FIGURE 2. STRUCTURE DES COMPTES D’ACTIFS NATURELS

Niveaux de stock d’ouverture Augmentations des stocks

Attribuables à l’activité économique Attribuables aux processus naturels courants

Diminutions des stocks Attribuables à l’activité économique Attribuables aux processus naturels réguliers Attribuables à des désastres naturels (diminution nette)

Changements dus à une reclassification économique Niveaux de stock de fermeture

Changements dans la qualité environnementale Attribuables aux processus naturels réguliers Attribuables à l’activité économique

Sources : SCEE 2003, p. 258, Tableau 7.3. Trad. libre.

Les actifs dont la mesure est la plus commune sont les ressources énergétiques (charbon, pétrole, gaz naturel), les ressources minérales et le bois d’œuvre (Smith, 2007). En revanche, les comptes d’écosystèmes sont peu courants, dans la mesure où ils se prêtent moins bien à la comptabilisation par extension directe des règles du SCN. Les comptes d’actifs naturels sont enregistrés en unités physiques et monétaires (figure 1).

5.1.1 Comptes d’actifs physiques

Les comptes d’actifs physiques sont constitués d’unités de quantité qui décrivent les caractéristiques physiques de l’actif considéré. Le choix de l’unité – par exemple, des tonnes, des hectares ou des m3 – dépend de l’utilisation projetée du compte (SCEE 2003). Par exemple, pour mesurer le stock de bois d’œuvre, un compte physique de ressources en bois d’œuvre est exprimé en mètres cubes de bois debout (Smith, 2007). De plus, des « classes de qualité » peuvent caractériser la qualité du stock de bois, par exemple, l’essence des arbres ou le régime d’aménagement de la forêt (SCEE 2003). Un compte d’actif physique répond aux questions suivantes : le stock de l’actif naturel s’épuise-t-il? À quelle vitesse? (Lange, 2003). Par exemple, le stock de terres agricoles au Québec s’épuise-t-il? À quelle vitesse les terres agricoles sont-elles converties en terres bâties? (voir encadré 3).

ENCADRÉ 3. COMPTE DES TERRES DU CANADA

Le compte des terres est un outil qui permet de répondre à un besoin d’information sur la répartition des terres et leur qualité, sur l’utilisation des terres et sur leur potentiel, ainsi que sur le stress environnemental associé à l’utilisation des terres. Les données foncières du compte des terres sont harmonisées et permettent aux différents paliers d’administration qui s’occupent d’aménagement du territoire de se baser sur une information et des classifications communes. Le compte des terres a également la fonction d’attribuer une valeur monétaire à la terre. Cette fonction permettra de suivre l’évolution de la valeur des terres et de compléter le compte du bilan national du Canada (p. ex., les forêts et les parcs de propriété publique en sont actuellement exclus).

Le compte des terres de Statistique Canada fait partie des comptes de stocks en ressources naturelles, au même titre que les ressources souterraines et le bois. Il y a cinq composantes dans le compte des terres. Certaines sont plus élaborées que d’autres.

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1. Environnement physique de base : Cadre géographique précis utilisé pour l’estimation de toutes les autres composantes du compte.

2. Couverture terrestre : Nature physique de la surface terrestre (zones urbaines construites, forêt exploitable).

Ces deux composantes sont bien établies.

3. Utilisation des terres : Description de la façon dont les terres sont utilisées pour le commerce (p. ex., l’agriculture), pour les activités non commerciales (p. ex., les loisirs) et pour des fins écologiques (p. ex., la reproduction de la faune). Cette composante est comptabilisée en partie et fera l’objet de travaux supplémentaires.

4. Potentiel des terres : Les propriétés biophysiques des terres (p. ex., le climat, la géologie, la topographie, les caractéristiques du sol). Des couches d’information sur le potentiel des terres agricoles et récréatives ont été créées, mais aucune analyse n’a encore été réalisée.

5. Valeur des terres : La valeur marchande/non marchande d’usage des terres (p. ex., l’agriculture, les loisirs, le contrôle des inondations) et la valeur de non-usage (p. ex., l’habitat faunique). Actuellement, seules les valeurs marchandes des terrains occupés par des immeubles résidentiels et non résidentiels et des terres agricoles sont comptabilisées (celles-ci sont incluses dans les comptes du bilan national). Statistique Canada accorde une attention particulière aux avancées qui sont réalisées en la matière, notamment dans le cadre de la révision du SCEE.

Statistique Canada met en œuvre actuellement le projet Nouveau concept et nouvelle méthodologie de délimitation des zones habitées : un projet de recherche sur les zones habitées au Canada. Ce projet de recherche produit des ensembles de données détaillés, harmonisés et comparables qui permettront une analyse nationale plus complète des zones de peuplement, y compris leur forme physique et leur profil de croissance. Ce projet a été conçu pour fournir des données actuelles et des limites numériques qui reflètent plus exactement la forme physique des zones de peuplement.

PREMIERS RÉSULTATS DE RECHERCHE : ZONES HABITÉES ET TERRES AGRICOLES CULTIVABLES DANS LE SUD DE L’ONTARIO ET DU QUÉBEC, 2006

Sources : Statistique Canada, Division des comptes et de la statistique de l’environnement, et

Agriculture et Agroalimentaire Canada, Inventaire des terres du Canada. Tiré de STATISTIQUE CANADA (2010). « Un nouveau projet de recherche sur les zones habitées au Canada : premiers résultats géographiques », EnviroStats, vol. 4, n° 1 (printemps 2010).

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Il persiste plusieurs lacunes statistiques pour l’élaboration du compte des terres, notamment en ce qui a trait à l’utilisation industrielle des terres, les utilisations indirectes des terres et l’estimation de la valeur non marchande des terres (p. ex., les aires de nature sauvage, les services écologiques).

Plusieurs améliorations sont envisagées : Statistique Canada compte demander la collaboration des provinces pour élaborer les statistiques nationales, puisqu’une partie importante des ressources en terres relève de leur compétence; les classifications de l’utilisation des terres devront être plus complètes et compatibles avec les normes internationales; l’information sur l’utilisation de la forêt (notamment à des fins récréatives et comme habitat faunique) devra être ajoutée; la valeur des terres agricoles devra être révisée; les données qui servent à estimer le potentiel des terres devront être mises à jour.

En ce qui concerne les écosystèmes, leur dégradation constitue un changement d’ordre qualitatif. Une série d’indicateurs environnementaux qui mesurent les conditions écologiques complète ou remplace alors la partie quantitative du compte d’actif (voir figure 2). Par exemple, le changement dans la qualité du « stock » d’air serait mesuré selon un indice de qualité de l’air; de la même manière, un indice d’eutrophisation permettrait de mesurer la qualité de l’eau, la naturalité du paysage ou la diversité des biotopes31, la biodiversité des habitats et la perte de matière organique ou l’acidification, l’aspect chimique des sols (SCEE 2003).

Le fait que les actifs inclus dans les comptes physiques aient des caractéristiques variées signifie qu’ils sont mesurés à l’aide d’unités diverses, ce qui rend leur agrégation problématique (SCEE 2003). Leur utilité se limite donc à l’analyse des données de chaque compte pris individuellement. Pour chaque actif, quel est l’effet des politiques sur la variation du stock? Les politiques devraient-elles être modifiées pour en éviter l’épuisement ou la dégradation? Par contre, parce qu’ils ne reposent pas sur des données aussi volatiles ou, dans le cas des écosystèmes, sur des méthodes d’évaluation monétaire complexes (dont celles décrites à l’encadré 1), les comptes physiques sont plus simples à construire et moins controversés que les comptes monétaires (Smith, 2007).

5.1.2 Comptes d’actifs monétaires

Les comptes monétaires sont issus de la conversion des unités de quantité des comptes d’actifs physiques en unités monétaires. De nombreux spécialistes des comptes de l’environnement sont d’avis que les comptes d’actifs doivent être exprimés en unités monétaires pour être vraiment utiles (notamment, Repetto, 2007). En effet, la valeur monétaire des stocks d’actifs naturels permet d’agréger les différentes classes d’actifs, naturels et produits, pour donner une estimation plus juste de la richesse nationale : la richesse nationale augmente-t-elle ou diminue-t-elle? Comment évolue sa composition? Le stock agrégé des actifs naturels s’épuise-t-il? Comment progresse la valeur des actifs naturels? L’exercice d’évaluation monétaire consiste à estimer la valeur du stock d’actifs à proprement parler ou celle des changements dans le stock.

Le SCEE 2003 adopte le premier type d’évaluation et propose d’évaluer le stock d’un actif selon la valeur actualisée des flux de services issus du stock (Tietenberg et Lewis, 2009). Les méthodes d’évaluation monétaire des ressources naturelles traditionnelles (p. ex., l’énergie, les minerais et 31 « Espace d'étendue restreinte présentant des conditions biologiques uniformes (climat, sol, altitude, etc.). » (Glossaire de Développement durable de l’OCDE, www.oecd.org/glossary/0,3414,fr_2649_37425_1969293_1_1_1_1,00.html).

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le bois d’œuvre) sont présentées en détail dans le SCEE 2003 et sont d’ailleurs admises dans le SCN. Préférablement, la valeur des actifs devrait être estimée à partir des prix de marché. Lorsqu’il n’y a pas de prix de marché, comme dans le cas des ressources détenues par l’État, la deuxième meilleure méthode est d’estimer la valeur actualisée de la rente d’exploitation future de l’actif (SCEE 2003). La rente de la ressource correspond à la différence entre le revenu découlant de l’extraction de la ressource et le coût d’extraction32. Statistique Canada estime, pour le Canada, la valeur monétaire des stocks de terres, de bois et d’actifs souterrains (voir encadré 4)33.

32 Glossaire des Comptes de l’environnement et des ressources de Statistique Canada, www.statcan.gc.ca/nea-cen/gloss/env-fra.htm. 33 La méthode de la valeur actualisée de la rente future de l’actif n’est cependant pas appropriée pour les écosystèmes et donne des résultats incertains dans le cas des ressources souterraines elles-mêmes (voir l’encadré 4, qui illustre notamment l’effet de la volatilité des prix). El Serafy a proposé une méthode alternative pour l’évaluation monétaire des ressources souterraines, qui repose sur l’idée du remplacement de la partie épuisée de l’actif par un actif fournissant un revenu équivalent (Jean-Louis Weber, communication personnelle).

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ENCADRÉ 4. COMPTES DU PATRIMOINE NATIONAL DU CANADA (en fin d’années, 1989-2008)

Au Canada, les comptes du bilan national, publiés trimestriellement, sont composés des actifs produits, des actifs et des passifs financiers, ainsi que de l’estimation de la valeur de certaines terres (voir encadré 3). Ces comptes ne prennent donc pas en considération la valeur du capital naturel (excepté celle des terres). La Division des comptes et de la statistique de l’environnement de Statistique Canada publie des données supplémentaires sur la valeur de certaines ressources naturelles34. L’inclusion de ces ressources procure une meilleure vue d’ensemble de la richesse nationale du Canada. Toutefois, le manque de données ou un niveau d’incertitude trop élevé limitent l’estimation de la valeur de certains actifs naturels, tels que les ressources halieutiques et les écosystèmes.

Le graphique ci-dessous présente l’évolution de la valeur des actifs produits, des terres, du bois, des ressources énergétiques et des ressources minérales au Canada au cours des dix dernières années. En 2009, les ressources naturelles (terre, bois, énergie et minéraux) qui ne représentent qu’une fraction du capital naturel comptaient pour 41 % de la richesse nationale. En particulier, la valeur des ressources souterraines (énergétiques et minérales) a plus que triplé entre 2003 et 2008. Cela s’explique essentiellement par la forte croissance des prix de l’énergie et des minéraux, attribuable à l’accroissement de la demande mondiale, plus particulièrement à celle de la Chine (Islam et Adams, 2010). En effet, la valeur des ressources souterraines est étroitement liée aux fluctuations des prix, car ceux-ci influencent la valeur des réserves existantes et stimulent ou découragent les efforts de prospection permettant la découverte de nouvelles réserves. En outre, les prix influent sur l’inclusion des réserves existantes comme actif dans le bilan, car seules les réserves économiquement viables sont considérées.

VALEUR DES ACTIFS PRODUITS ET DE CERTAINES RESSOURCES NATURELLES, CANADA (2000-2009)

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Mil

liar

ds

de

do

llar

s co

ura

nts

Ressources minéralesRessources énergétiquesBoisTerresProduits

Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 378-0005.

34 Ressources énergétiques (pétrole brut, gaz naturel, bitume brut, charbon, uranium), ressources métalliques (nickel-cuivre, fer, molybdène, cuivre et cuivre-zinc, or, zinc, argent, plomb) et ressources non métalliques (potasse).

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Dans le cas des écosystèmes, l’évaluation monétaire est plus controversée. Malgré cela, le SCEE 2003 rapporte deux approches pour estimer la valeur de leur dégradation. L’une d’elles, basée sur les dommages, se rapporte aux méthodes d’évaluation d’économie de l’environnement (encadré 1). Celles-ci cherchent à établir la valeur économique totale des services écologiques à partir des notions d’économie du bien-être, comme celle de surplus du consommateur. Il s’avère que les résultats issus de ces méthodes ne sont pas statistiquement généralisables au niveau macroéconomique, ni compatibles avec le SCN, lequel base l’évaluation monétaire sur le prix de marché, qui exclut le surplus du consommateur35. Le SCEE 2003 ne résout pas ce problème, mais note que (p. 302) :

« De par leur nature, les écosystèmes s’accommodent moins bien à la mesure et à l’évaluation "économique" et, par conséquent, il peut être extrêmement difficile (ou même trompeur) de poser des jugements sur la pérennité écologique d’une action sur la base de comptes économiques. Afin d’avoir une vision plus complète de la durabilité écologique, des indicateurs reflétant les conditions écologiques devraient être employés pour compléter les comptes du SCEE36. »

L’autre approche consiste à estimer la valeur des changements dans le stock d’écosystèmes (ce qui ne nécessite pas de connaître la valeur monétaire du stock à proprement parler). Elle se base sur « le coût de maintenance », soit le coût hypothétique de maintenir certaines normes ou certains standards environnementaux. Ce coût est estimé à l’aide des coûts d’évitement ou de réhabilitation37. L’approche basée sur le coût de maintenance ne procure pas une mesure de la perte de bien-être résultant de la dégradation de l’écosystème, mais plutôt une mesure d’un élément non payé dans le prix aux consommateurs. Cette seconde approche comporte des avantages importants : elle utilise des prix observables – par exemple, le coût du reboisement, le coût de la dépollution ou les baisses de rendement agricole pour éviter la dégradation du sol – et ses résultats peuvent être agrégés à l’intérieur de la comptabilité nationale38. Cette approche est celle adoptée par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) dans l’élaboration de leurs comptes de capital-écosystème (encadré 5).

Dans les limites de leur contenu, les comptes d’actifs monétaires aident les décideurs à ne pas surestimer le niveau de revenu national qui peut être maintenu durablement.

ENCADRÉ 5. COMPTES DE CAPITAL-ÉCOSYSTÈME DE L’AGENCE EUROPÉENNE POUR L’ENVIRONNEMENT

Le contenu du SCEE 2003 demeure préliminaire pour ce qui est des effets de la dégradation de l’environnement sur la société au-delà de l’épuisement des ressources naturelles traditionnelles.

35 Voir le SCEE 2003 (p. 407) et le rapport d’avancement, Valuation of ecosystem benefits and damages in the SEEA, préparé par la Banque mondiale pour la Quatrième rencontre du UN Committee of Experts on Environmental-Economic Accounting, (New York, 24-26 juin 2009, Département des affaires économiques et sociales, Division de la statistique, Nations unies, http://unstats.un.org/unsd/envaccounting/ceea/meetings/UNCEEA-4-9.pdf). 36 Toutefois, le traitement de la dimension qualitative des actifs naturels en marge du bilan, c’est-à-dire après le calcul du niveau de stock de fermeture (tel qu’illustré à la figure 2), est inusité (Jean-Louis Weber, communication personnelle). 37 Les méthodes basées sur le coût de maintenance peuvent parfois convenir à une approche basée sur les dommages (voir encadré 1) (SCEE 2003, p. 404). 38 Jean-Louis Weber, communication personnelle.

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Dans le cadre de la stratégie européenne sur la comptabilité environnementale et en coordination avec le programme d’Eurostat, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) est engagée dans l’élaboration de comptes de capital-écosystème pour l’Europe, qu’elle soutient en vue de la révision du SCEE. Ces comptes couvrent l’ensemble des écosystèmes terrestres naturels, agricoles et urbains, ainsi que les mers et l’atmosphère. Une coopération entre l’AEE et Eurostat donne lieu actuellement au projet de « mise en œuvre accélérée de comptes simplifiés de capital-écosystème pour l’Europe » d’ici 2012.

Les comptes de capital-écosystème permettent d’aborder des questions telles que : « Le capital naturel renouvelable (les écosystèmes, leurs fonctions et leurs services) est-il maintenu au cours du temps? Le coût de maintenance du capital naturel est-il couvert par le prix courant des biens et des services? Le prix des produits importés couvre-t-il le coût complet de maintenance dans les pays d’origine? » (Weber, 2008).

En vue de leur élaboration, des comptes physiques prioritaires ont été définis : terres (sur la base de la couverture terrestre, voir encadré 3), CO2, eau et biodiversité. Chaque compte présentera un équilibre des stocks et des flux, où l’écosystème contrebalancera le système économique. Du côté des écosystèmes, les comptes physiques de base seront complétés par des comptes de leur état de santé. Du côté du système économique, les équilibres comptables par secteur économique incluront des flux « intrinsèques »39 de terres, de carbone et d’eau. Au-delà de l’équilibre comptable de chaque ressource, les comptes d’écosystèmes et les comptes par secteur seront reliés par le biais des données géographiques des récoltes agricoles et forestières et de l’utilisation de l’eau. Cette intégration permettra de comparer l’intensité d’usage et l’état des écosystèmes pour calculer des indicateurs écologiques de durabilité.

Sur le plan monétaire, les comptes incluront, premièrement, une évaluation des coûts non payés de maintenance des écosystèmes. Ce coût s’ajoutera au prix d’achat des produits afin d’estimer leur coût complet. Cet exercice commencera lorsque les premiers résultats des comptes physiques seront disponibles. Deuxièmement, pour évaluer les avantages économiques provenant des services écologiques, l’AEE considère les avantages découlant des écosystèmes sains. Un essai est actuellement fait par l’AEE et Eurostat à l’aide des tableaux entrées-sorties disponibles en Europe. Les secteurs/écosystèmes à l’étude sont l’agriculture, la sylviculture et la pêche.

Les services écologiques forment un concept central dans la comptabilité du capital-écosystème. Cependant, la relation des services au capital-écosystème n’est pas linéaire et les résultats posent des problèmes d’agrégation. Des premiers essais portent sur des services de régulation, tels que la séquestration du carbone et la purification de l’eau. Afin de tirer profit des synergies entre les diverses initiatives, l’AEE, avec le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et la Division de statistique des Nations unies, a organisé un processus de discussion qui a mené à la proposition d’une classification internationale commune des services écologiques40, livrée en avril 2010 au Comité d’experts des Nations unies sur la comptabilité environnementale et économique (UNCEEA41).

Collaboration spéciale : Jean-Louis Weber, Agence européenne pour l’environnement.

39 Ou flux « incorporés ». Il s’agit des flux « nécessaires pour la fabrication d'un produit de même que pour son recyclage ou son élimination, ou pour la mise au point d'un service ». (Office québécois de la langue française, Grand Dictionnaire terminologique, www.granddictionnaire.com). 40 Voir http://unstats.un.org/unsd/envaccounting/ceea/meetings/UNCEEA-5-7-Bk1.pdf. 41 UN Committee of experts on environmental-economic accounting.

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5.2 Comptes de flux de matières et d’énergie

Les comptes de flux de matières et d’énergie (CFME) compilent les flux de substances qui circulent entre les sphères économique et environnementale durant une année. Si les comptes d’actifs servent à évaluer l’épuisement et la dégradation des stocks de capital naturel, les CFME servent à comprendre la contribution des divers secteurs de l’économie à cet épuisement ou à cette dégradation (Smith, 2007). Les flux qui sont enregistrés sont ceux qui circulent entre les sphères économique et environnementale nationales, entre les sphères nationales et celles du reste du monde et, dans certains cas, au sein de la sphère économique nationale. Les CFME présentent, par exemple, la quantité d’eau entrant dans un secteur de l’économie ou la quantité de gaz à effet de serre (GES) sortant vers l’environnement global. De plus, le lien avec les tableaux du SCN permet de mener des analyses poussées joignant les impacts environnementaux à l’activité économique, et ce, selon l’industrie ou l’utilisateur final des produits.

Trois principaux types de matières et d’énergie composent les flux des CFME. Les flux de ressources naturelles (incluant l’énergie) passent de l’environnement à l’économie (section 3.2, « Le capital naturel »). Les résidus sont les flux fortuits ou indésirables, générés durant la production ou la consommation, qui sortent de l’économie vers l’environnement. Enfin, les produits, concept repris du SCN, renvoient aux transactions de marché. Par définition, tous les flux inclus dans le SCN sont des flux de produits : les ressources naturelles, par exemple, les ressources minérales et énergétiques, et les résidus, tels que la ferraille, qui sont vendus sur le marché, sont vus comme des produits (SCEE 2003)42. Le SCEE 2003 décrit deux catégories de comptes de flux de matières et d’énergie, soit les comptes de flux physiques et les comptes de flux hybrides, qui combinent unités physiques et monétaires.

5.2.1 Comptes de flux physiques

Comme dans le cas des comptes d’actifs physiques, le choix des unités des comptes de flux physiques dépend des caractéristiques de la matière ou de l’énergie considérée et de l’utilisation envisagée des comptes (le plus souvent des kilogrammes, des m3 ou des litres) (SCEE 2003). Par exemple, un compte des matières résiduelles exprimerait le nombre de tonnes de résidus solides qui est généré, recyclé, puis retourné à l’environnement. Un compte de flux physiques permet de répondre aux questions suivantes : comment l’émission d’un polluant ou l’utilisation d’une ressource naturelle évolue-t-elle dans le temps, globalement et par secteur? Combien l’émission d’un polluant ou l’utilisation d’une ressource par un secteur contribue-t-elle à la tendance globale? (Lange, 2003).

Les comptes de flux physiques prennent la forme générale d’un tableau entrées-sorties (voir section 4). L’accent mis sur un certain nombre de flux par rapport à tous les flux ou la représentation plus ou moins détaillée des flux à l’intérieur de l’économie donnent lieu à des formes particulières des comptes. Les comptes de flux de matières (material flow accounts ou MFA) décrivent les flux globaux qui entrent dans l’économie et en sortent, sans décrire ceux à l’intérieur de l’économie. En revanche, les tableaux entrées-sorties physiques (PIOT pour physical input-output table) montrent le détail des flux à l’intérieur de l’économie (SCEE 2003). Quelle que soit sa forme, le tableau entrées-sorties est soumis à un principe comptable, qui découle de la première loi de la thermodynamique : la quantité de ressources naturelles et 42 Le SCEE 2003 considère également « les intrants en provenance directe de l’écosystème », tels que l’eau et l’oxygène. Cette catégorie est en fait une variable d’ajustement. (Jean-Louis Weber, communication personnelle).

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d’intrants de l’écosystème utilisée est égale à la quantité de résidus générée (plus, dans une année donnée, la quantité de matières « incluse » dans le capital stocké dans l’économie) (Pearce et Turner, 1990). L’encadré 6 illustre ce principe à l’aide d’un tableau entrées-sorties hypothétique qui inclurait tous les flux physiques.

ENCADRÉ 6. TABLEAU ENTRÉES-SORTIES PHYSIQUE HYPOTHÉTIQUE

Le tableau entrées-sorties hypothétique ci-contre montre tous les flux physiques entre une économie (sans administration publique, ni échanges avec le reste du monde) et l’environnement, dans une année donnée. Les colonnes montrent l’origine des produits, des résidus, de la consommation des entreprises et des ménages et de la formation de capital (les entrées); les lignes indiquent la destination des différents flux (sorties).

Production/génération de : Utilisation par :

Produits Résidus Entreprises Ménages Capital Balance

matérielle Total

Produits

442 (consommation intermédiaire)

39 (consommation des ménages)

119 (formation de capital)

600

Entreprises 600

(production) 231 831

Ménages 48 17 65

Pro

duct

ion/

néra

tion

par

Capital 73 46 119

Ressources naturelles

261 2 -263 0

Intrants de l’écosystème

121 24 -145 0

Util

isat

ion

en

Résidus 7 345 352

Total 600 352 831 65 119 0 1 967

Sources : SCEE 2003, p. 36, Tableau 2.7, et Statistique Canada, 2006, p. 84, Figure 4.1.

Dans cet exemple, des 600 unités physiques produites par le secteur des entreprises dans une année donnée, ce même secteur en utilise 442 (consommation intermédiaire), les ménages en consomment 39 et 119 servent à la formation de capital (ligne en gras). En plus des 600 unités de produits qu’elles offrent, les entreprises génèrent 231 unités de résidus, pour un total de 831 unités de matières produites. Cette production requiert l’utilisation d’intrants par les entreprises, soit 442 unités de produits, 261 unités de ressources naturelles, 121 unités d’intrants de l’écosystème et 7 unités de résidus (issus du recyclage), pour un total de 831 unités (colonne en gras).

En ce qui concerne les ménages, ils utilisent 39 unités de produits, 2 unités de ressources naturelles (p. ex., le bois de chauffage et l’eau) et 24 unités d’intrants de l’écosystème. Du total des 65 unités utilisées, les ménages génèrent 48 unités de résidus durant l’année en cours, ce qui inclut, en théorie, « tous les déchets associés aux activités de consommation des ménages, depuis les gaz d’échappement des automobiles jusqu’aux ordures ménagères en passant par les déchets d’égouts et les appareils ménagers usés ». Ainsi, 17 unités issues de la consommation des ménages s’accumulent dans l’économie. Il s’agit des biens durables (électroménagers, meubles, automobiles, etc.), que les ménages se sont procurés cette année, mais n’ont pas encore mis au rebut (Statistique Canada, 2006).

Enfin, la formation de capital (où le capital s’entend au sens traditionnel) se divise en formation de capital fixe – l’acquisition de biens employés à répétition pour la production future (p. ex., les machines et les bâtiments) – et en variation de l’inventaire (SCEE 2003). La formation de capital utilise 119 unités de produits, mais génère 73 unités de résidus (incluant la mise au rebut de biens ayant été acquis au cours des années antérieures). La formation de capital entraîne donc une accumulation de matière dans l’économie de 46 unités.

Ensemble, l’accumulation de matière et de résidus dans le système totalise 408 unités, soit 17 et 46 unités de produits issues des ménages et de la formation de capital, respectivement, et 345 unités de résidus. Pour que l’égalité comptable du tableau entrées-sorties soit respectée, ce flux doit équivaloir au flux venant de l’environnement. En effet, 263 unités de ressources naturelles et 145 unités d’intrants de l’écosystème sont soutirées de l’environnement, soit 408 unités.

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L’évolution des émissions de polluants ou de l’utilisation des ressources naturelles de toute l’économie dans le temps sert au suivi des objectifs nationaux, généralement exprimés selon une mesure globale (Lange, 2003). Par exemple, les émissions de CO2 diminuent-elles ou augmentent-elles? La part renouvelable de l’énergie totale produite, ou la part recyclée de l’utilisation totale des ressources, augmente-t-elle au rythme désiré? (Statistique Canada, 2006). Pour un secteur donné, sa contribution à l’émission de polluants ou à l’utilisation de ressources permet de juger de la performance environnementale de l’industrie (« benchmarking »). La performance moyenne du secteur peut aussi servir de référence pour la gestion environnementale à l’échelle de l’entreprise.

En outre, la cohérence entre le SCEE et le SCN permet de mettre les données des flux physiques et monétaires en parallèle afin de suivre la progression de la « dématérialisation » de l’économie, ou la séparation de la croissance économique de ses impacts environnementaux. Une dématérialisation croissante signifie que l’utilisation des ressources ou, par extension, l’émission de polluants, progresse moins rapidement que la production. Pour l’ensemble de l’économie, cette comparaison procure une vue d’ensemble de la relation entre la croissance économique et l’environnement, ce qui permet le suivi des objectifs nationaux exprimés par rapport au PIB. Toutefois, il importe de rappeler que la « dématérialisation » d’une économie, à travers la délocalisation d’une partie de ses industries, peut se faire aux dépens de la « matérialisation » de l’économie dans d’autres pays, ce qui n’améliore pas le caractère durable de l’ensemble du monde. Le graphique présenté à la figure 3 juxtapose l’évolution du PIB et celle des émissions de GES de l’industrie pour montrer la dématérialisation de l’industrie au Québec entre 1990 et 2007.

FIGURE 3. VARIATION DU PIB ET DES ÉMISSIONS DE GES DE L’INDUSTRIE, QUÉBEC (1990-2007)

80

90

100

110

120

130

140

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Ind

ice

1997

=100

PIB par industrie (prix de base)

Émissions de GES (industrie)

Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 379-0025. Inventaire 2007 du ministère du Développement

durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), automne 2009. Note : Le PIB par industrie aux prix de base est exprimé en dollars enchaînés de 2002. Les émissions de GES

sont celles de l’industrie, excluant celles issues de l’agriculture, du transport, de l’électricité et des déchets. Elles sont exprimées en équivalent CO2.

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Il convient de noter que les statistiques de GES disponibles au Québec n’allouent pas les émissions issues de l’utilisation du transport, de la consommation d’électricité ou de la génération de déchets selon le secteur industriel responsable. En revanche, l’organisation des comptes de flux requiert que tous les flux soient attribués selon le secteur qui les génère, ce qui donne une mesure complète de la contribution d’un secteur à un problème environnemental donné, comme les émissions de GES. Maintenant, l’analyse est encore plus fructueuse lorsque les données environnementales et économiques sont combinées dans des comptes hybrides.

5.2.2 Comptes hybrides

Parce que les comptes de flux physiques sont organisés suivant la structure du SCN, il est possible d’élaborer des comptes hybrides qui associent les flux physiques de capital naturel aux flux monétaires du SCN. Ces comptes servent à répondre à des questions comme : quelle est la performance environnementale d’un secteur par rapport à sa performance économique? Ils permettent aussi des analyses qui abordent les questions suivantes : quelles sont « les forces motrices » qui expliquent le niveau de pollution (ou d’utilisation des ressources)? Quels facteurs expliquent la variation du niveau de pollution (ou d’utilisation des ressources)? (Lange 2003).

De façon analogue à l’évaluation globale de la dématérialisation de l’économie, l’analyse par secteur à partir des comptes hybrides permet d’évaluer « l’écoefficience » d’un secteur, mesurée par l’intensité matérielle de sa production. L’intensité d’émission de polluants ou d’utilisation des ressources d’un secteur industriel correspond à la quantité de polluants émis ou de ressources utilisées en fonction de sa valeur ajoutée ou de son nombre d’employés (pour les catégories de la demande finale, la contribution économique est mesurée à l’aide des dépenses de consommation). Moins la production d’un secteur est intense matériellement, plus il est écoefficient. Pour l’évaluation des industries selon leur performance environnementale, cet indicateur procure une référence relative, plutôt que la référence absolue obtenue à partir des comptes de flux strictement physiques. Inversement, les comptes hybrides permettent de comparer la contribution économique d’une ressource entre les secteurs et entre les territoires nationaux (Lange 2003).

Qui plus est, les comptes hybrides permettent les analyses qui servent à comprendre les forces motrices des impacts environnementaux et, par conséquent, à mieux envisager les options pour réduire la pression de l’activité économique sur l’environnement. Parce qu’ils commandent le niveau de production, ce sont les utilisateurs finaux (ménages, administrations publiques, entreprises – à travers la formation de capital – et reste du monde) qui agissent comme forces motrices. L’analyse entrées-sorties permet de leur attribuer le niveau d’impact environnemental, direct et indirect, que leur consommation ou leur investissement entraîne. L’impact direct découle des activités que l’utilisateur final mène directement (principalement, le transport et le chauffage), tandis que l’impact indirect, généralement beaucoup plus grand, provient de la chaîne de production aboutissant au produit qu’il consomme (Lange 2003). Ainsi, cette analyse aide à concevoir des politiques qui visent soit la source directe de pollution ou l’utilisateur final.

De plus, les comptes hybrides permettent de procéder à des analyses de décomposition en vue de différencier les facteurs qui expliquent la variation du niveau d’impact environnemental. Grâce à ces analyses, il devient possible de distinguer les effets d’une politique publique des autres causes de variation. La variation du niveau de pollution ou d’utilisation des ressources est attribuable soit à des changements dans la structure de la demande finale, c’est-à-dire la distribution des biens et services consommés; soit à des changements dans la structure de la demande intermédiaire, c’est-à-dire des biens et services utilisés par les entreprises au long de la chaîne de production; soit à une variation du volume de production ou encore à des changements

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technologiques (vers une plus grande écoefficience). Le graphique de l’encadré 7 présente le compte des émissions de gaz à effet de serre du Canada et les applications pouvant en être tirées.

ENCADRÉ 7. COMPTE DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE DU CANADA

Les Comptes de flux de matières et d’énergie (CFME) du Système des comptes de l’environnement et des ressources du Canada (SCERC) de Statistique Canada couvrent l'utilisation de l'énergie, l'utilisation d'eau et les émissions de GES. Les données sur les émissions de GES (dioxyde de carbone, méthane et oxyde nitreux) contenues dans les CFME sont établies à partir du Compte de la consommation d'énergie et de l’Inventaire national des émissions de gaz à effet de serre d’Environnement Canada. Ces données sont refondues selon la classification type des branches d’activité, basée sur le SCIAN, et de la demande finale, et la classification des produits des comptes d’entrées-sorties du SCN canadien afin qu’elles puissent être utilisées pour la modélisation économique. Ce lien permet notamment l’utilisation des comptes d’entrées-sorties pour analyser l’influence réciproque entre la production, la consommation et les émissions de GES qui en découlent. Le Compte des émissions de GES de Statistique Canada fournit des estimations d’émissions pour 119 industries et deux catégories de dépenses des ménages.

Statistique Canada s’est penché, entre autres, sur les émissions de GES des ménages canadiens. Ces dernières peuvent être directes (GES émis lorsque les gens conduisent leurs véhicules à des fins privées et qu'ils chauffent ou éclairent leur maison à l'aide de combustibles fossiles) ou indirectes (GES que les industries émettent pour produire les biens et services que les ménages achètent pour leur consommation). Les trois quarts des émissions de GES des ménages proviennent des émissions indirectes. Celles-ci ont crû de 8 % depuis 1990, soit une augmentation de presque 22 mégatonnes. Les émissions directes provenant de l’utilisation du chauffage, de l’éclairage et des appareils ménagers ont diminué de 9 % depuis 1990. Par contre, les émissions provenant de l’utilisation de carburants par les ménages ont augmenté de 32 % durant la même période.

Statistique Canada a également calculé l'intensité des émissions des ménages correspondant à la somme totale des émissions directes et indirectes des ménages, divisée par leurs dépenses totales.

ÉMISSIONS DIRECTES ET INDIRECTES DE GAZ À EFFET DE SERRE PAR LES MÉNAGES, CANADA (1990-2006)

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

ga

ton

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ale

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CO

2

Indirectes

Directes : carburant

Directes : chauffage

Source : Statistique Canada, tableau CANSIM 153-0046.

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Les comptes hybrides sont communs dans les pays dotés de comptes de l’environnement. En effet, le modèle NAMEA (pour National accounts matrix including environnemental accounts), élaboré par Statistics Netherlands et mis de l’avant par l’Office statistique des Communautés européennes (Eurostat), est un quasi-standard européen de comptabilité de la pollution (Smith, 2007). Par rapport au modèle générique de comptes hybrides, le modèle NAMEA instaure la notion de « thèmes environnementaux » (eau, air, sol, déchets, bruit et paysage), pour établir la contribution des différents secteurs à un problème environnemental donné (SCEE 2003).

5.3 Comptes des transactions environnementales

Les comptes des transactions environnementales réorganisent les éléments du SCN qui relèvent de la gestion de l’environnement de façon à les rendre explicites. Ces comptes ne consignent pas de mesures du capital naturel, mais révèlent les échanges monétaires qui agissent sur lui. Ils correspondent à la partie « interne » du SCEE (section 4.3, note 21), puisque les transactions qu’ils contiennent sont incluses dans le SCN, à la différence des CFME et des comptes d’actifs naturels, qui ajoutent des éléments à la couverture du SCN (SCEE 2003). Les comptes des transactions environnementales prennent la forme de comptes de dépenses de protection de l’environnement (CDPE) ou de comptes d’autres transactions liées à l’environnement.

Les CDPE retracent l’offre de produits de protection de l’environnement par les entreprises et les administrations publiques et l’utilisation de ces produits par les entreprises, les administrations et les ménages (SCEE 2003). Ils consignent, par exemple, les dépenses pour l’installation de convertisseurs catalytiques sur les voitures. Les CDPE servent à évaluer les coûts qui découlent de la législation et des accords volontaires favorisant la protection de l’environnement : comment les dépenses de protection de l’environnement évoluent-elles dans le temps, par secteur et par thème environnemental (eau, air, déchets, etc.)? Cependant, il est presque impossible d’estimer le coût attribuable à la protection de l’environnement dans le cas du renouvellement d’un procédé industriel qui viserait, entre autres, à prévenir la pollution. Cette limite peut rendre ambiguë l’interprétation des indicateurs issus de ces comptes (Lange, 2003). Il n’en demeure pas moins que les CDPE procurent une information très utile, notamment pour l’industrie environnementale43.

Les comptes d’autres transactions liées à l’environnement sont moins répandus. Ces transactions sont celles qui résultent des instruments économiques mis en place par le gouvernement. Un instrument économique est un moyen « d’influencer le comportement des producteurs et des consommateurs en provoquant des changements dans les prix [...] » (Smith, 2007, p. 216). Les principaux instruments économiques sont les taxes environnementales, les subventions et les permis de polluer, comme dans le cadre du Protocole de Kyoto. Ces transactions correspondent à des flux de distribution de revenu, représentés à l’intérieur d’une « matrice de comptabilité sociale44 ».

43 Des CDPE sont établis en France depuis 20 ans et leurs résultats, présentés à une commission composée de hauts fonctionnaires, de représentants d’entreprises et d’associations, de syndicalistes et d'universitaires. (voir www.stats.environnement.developpement-durable.gouv.fr/donnees-essentielles/economie/depenses-de-protection-de-l-environnement.html ) (Jean-Louis Weber, communication personnelle). 44 Généralement, la matrice de comptabilité sociale représente une désagrégation plus grande du tableau entrées-sorties en fonction, par exemple, du revenu des ménages (Glossaire du Système de comptabilité nationale, 1993, www.oecd.org/dataoecd/38/19/2674307.pdf).

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5.4 Ajustement du SCN selon l’épuisement, la dégradation et les dépenses de protection

L’ajustement du SCN consiste à intégrer la mesure – exclusivement monétaire – de l’épuisement et de la dégradation du capital naturel aux mesures conventionnelles de l’activité économique, comme le PIB, et à adapter le traitement des dépenses de protection de l’environnement. Tout d’abord, les ressources biologiques cultivées (bétail et plantes cultivées) forment la seule classe d’actifs naturels pour laquelle l’épuisement est pris en compte dans le SCN. Or, de la même manière que la dépréciation du capital fixe – « qui résulte de la détérioration physique, de l’obsolescence normale ou des dommages accidentels normaux45 » des actifs produits utilisés dans la production – la dépréciation des ressources naturelles, ou la diminution de la valeur du stock, devrait être déduite de la valeur ajoutée de la production. Cet ajustement selon l’épuisement des ressources naturelles conduirait à des indicateurs agrégés ajustés (SCEE 2003).

Pour ce qui est de la dégradation du capital naturel, elle n’est pas considérée dans les comptes conventionnels. Le corollaire de cette omission est la supposition, irréaliste, que le flux de services écologiques se poursuive indéfiniment sans que la qualité ou la quantité de ces services déclinent. Le SCEE 2003 rapporte deux façons d’ajuster le SCN en fonction de la dégradation du capital naturel, qui correspondent aux méthodes d’évaluation de la dégradation des écosystèmes, basée sur les coûts et basée sur les dommages (voir section 5.1.2). Parce que les estimations basées sur les coûts et celles basées sur les dommages n’ont pas de raison d’être égales au niveau macroéconomique; les ajustements qu’elles permettent ne donneront pas des mesures agrégées des stocks et du revenu qui seront « parfaitement cohérentes » (SCEE 2003, p. 417).

Enfin, en ce qui a trait aux dépenses de protection de l’environnement, le problème particulier consiste en une asymétrie dans le traitement des dépenses courantes par les entreprises et les administrations publiques. Parce qu’elles ne contribuent pas à la valeur ajoutée, les dépenses courantes de protection de l’environnement effectuées par les entreprises sont traitées en tant que consommation intermédiaire, et donc exclues du calcul du PIB46. En revanche, les dépenses courantes engagées par les administrations publiques, considérées comme consommation des administrations publiques, s’ajoutent au PIB. Parce que l’exclusion pure et simple de ces dépenses du PIB déséquilibrerait le système comptable, le SCEE 2003 présente une façon plus subtile d’ajuster les conventions comptables du SCN47.

Bref, étant donné les difficultés que pose l’ajustement du SCN selon l’épuisement, la dégradation et les dépenses de protection, le calcul d’un « PIB vert » ne fait pas consensus. Pourtant, les propositions relatives à l’ajustement du SCN représentent la « culmination logique » du SCEE (SCEE, 2003, p. 418). Cette impasse pourrait résulter d'une approche comptable trop économique vis-à-vis du capital naturel, qui ambitionne d’appliquer les principes comptables relatifs aux ressources naturelles traditionnelles à toute la nature, y compris aux services écologiques non marchands48.

45 Glossaire du Système de comptabilité nationale, 1993 (www.oecd.org/dataoecd/38/19/2674307.pdf). 46 Inversement, les dépenses qui contribuent à protéger l’environnement sur une longue période de temps font partie de la demande finale et sont incluses dans le PIB. 47 Se référer aux pages 438 à 440 du SCEE 2003 pour une explication de cet ajustement. 48 Pour une proposition de remplacement qui pourrait faire partie de l’édition 2010 du SCEE, voir Weber (2008).

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6 Implantation des comptes de l’environnement au Québec

Le chapitre précédent décrivait les comptes de l’environnement afin que les utilisateurs de statistiques environnementales, c’est-à-dire les responsables de l’élaboration de la politique et les décideurs, les citoyens et les chercheurs, soient à même de constater leur grande utilité, tant pour l’analyse et l’évaluation du progrès vers le développement durable que pour la formulation ou l’amélioration des politiques sectorielles. Cependant, la constitution des comptes de l’environnement requiert une grande quantité de données environnementales. En effet, ils s’alimentent en statistiques portant sur les différents domaines de l’environnement et exigent notamment des données par secteur. Le présent chapitre se penche sur le défi que représentera l’implantation des comptes de l’environnement au Québec. D’entrée de jeu, il convient de préciser que l’approche mise de l’avant relève de la coordination statistique, et non de la centralisation de la production statistique.

6.1 Obstacles à l’implantation de comptes de l’environnement

L’implantation de comptes de l’environnement au Québec se bute à deux principaux obstacles : la disparité des statistiques environnementales existantes et l’ampleur de l’innovation que suppose l’implantation des comptes. Statistique Canada a évalué l’état des statistiques environnementales afin de motiver son Cadre d’élaboration de statistiques environnementales49. Ce diagnostic est général et s’applique aux statistiques québécoises. La disparité des statistiques environnementales provient de ce qu’elles ont habituellement été produites de façon ponctuelle, par « point chaud », selon les considérations du moment, et par différents ministères et organismes, tant québécois que fédéraux, sur la base de définitions, de classifications et de méthodes variées (Statistique Canada, 2009).

Ainsi, selon les critères de qualité de l’information statistique50, les données environnementales sont de qualité variable, et ce, lorsqu’elles ne sont pas tout bonnement inexistantes. En effet, elles ne rendent souvent pas compte de tous les phénomènes relatifs à une variable ou ne couvrent pas toutes les variables requises pour comprendre une certaine question (Statistique Canada, 2009). De plus, les erreurs de réponse et les insuffisances méthodologiques rendent certaines données environnementales peu fiables. En particulier, le plan d’échantillonnage ne donne souvent pas des statistiques qui sont représentatives de l’ensemble du territoire. Par exemple, les statistiques sur la qualité de l’eau des rivières ne couvrent que les rivières à risque et ne sont donc pas représentatives de l’ensemble du Québec. Qui plus est, les définitions, les classifications ou les méthodes changent au cours du temps, ce qui empêche la comparaison des données recueillies à différentes périodes.

En outre, la comparaison ou la combinaison des variables environnementales avec celles d’un autre domaine, comme les variables économiques, est souvent impossible. Cette incohérence s’explique par l’absence de définitions, de classifications ou de méthodes communes. En particulier, la production des statistiques environnementales peut s’appuyer sur des classifications industrielles « maison ». Bien qu’issues d’une connaissance spécialisée des activités d’entreprises

49 Statistique Canada (2009). 50 Telles qu’elles sont énoncées dans Le cadre intégré de gestion de la qualité de l’Institut de la statistique du Québec, les dimensions de la qualité de l’information statistique sont la pertinence, la fiabilité et l’objectivité, la comparabilité, l’actualité, l’intelligibilité et l’accessibilité (www.stat.gouv.qc.ca/organisa/CadreGestion_qual.pdf).

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en lien avec une question donnée, ces classifications présentent souvent des différences notables par rapport au SCIAN, le système de classification des statistiques économiques. Les différences de classification ou de définition peuvent aussi rendre les statistiques environnementales incohérentes entre elles, qu’elles soient produites par des ministères ou organismes différents ou par une même organisation (Statistique Canada, 2009).

La disparité des statistiques environnementales explique l’ampleur du projet d’innovation que représente la mise en place des comptes de l’environnement. Cette ampleur semble compromettre leur faisabilité à court terme. Dans un premier temps, la structure des comptes pourra paraître trop élaborée. De plus, la portée géographique des comptes pourrait se limiter, de prime abord, à l’échelle provinciale. Ces caractéristiques peuvent contraster avec les besoins d’ordre opérationnel des ministères ou organismes ou avec les besoins relatifs à leur plan de développement durable. En effet, ces besoins peuvent commander des données qui soient disponibles à courte échéance ou désagrégées par région. Néanmoins, les comptes de l’environnement demeurent indispensables en tant que cadre de mesure pour aiguiller la production de statistiques environnementales (Statistique Canada, 2009). Les données régionales pourront éventuellement y former un ensemble cohérent avec les statistiques de niveau provincial.

Actuellement, les statistiques environnementales peuvent satisfaire de manière acceptable certains impératifs de la politique publique, mais elles demeurent peu pertinentes au regard d’une stratégie globale (Statistique Canada, 2009). En revanche, l’intégration des statistiques à l’intérieur de comptes de l’environnement procure un portrait d’ensemble du système économie-environnement pour une gestion plus rationnelle de l’environnement et de ses ressources. L’analogie du SCN est évocatrice : « La leçon la plus importante à tirer de l’élaboration des statistiques économiques tient peut-être à la manière dont, au fil des ans, les besoins stratégiques ont conduit à la création du SCN et dont, en retour, le SCN a contribué à l’amélioration de la politique publique. » (Statistique Canada, 2009.)

6.2 Démarche proposée pour l’implantation de comptes de l’environnement

La démarche proposée par l’ISQ pour l’implantation de comptes de l’environnement au Québec s’insère dans son mandat particulier. Celui-ci consiste à coordonner la statistique officielle du Québec, à améliorer l’offre de statistiques pour répondre aux nouveaux besoins relatifs au développement durable, à appuyer l’exécution des activités statistiques, telles que la collecte et la méthodologie, et à garantir la neutralité et la qualité des statistiques. En rapport avec son rôle de coordination, l’ISQ vise à améliorer l’intégration du système québécois de statistiques officielles par la promotion d’alliances stratégiques. L’implantation des comptes de l’environnement, en tant que système statistique intégré, dépend donc fondamentalement de la collaboration des ministères et organismes utilisateurs et producteurs de statistiques environnementales.

La démarche proposée a pour but de créer un programme statistique établissant des comptes de l’environnement pour le Québec. Ce programme devra être élaboré selon la priorité accordée aux différentes composantes des comptes. Par exemple, un compte des GES figurera sans doute parmi les composantes primaires. À l’égard des comptes de flux, la forme hybride est très prometteuse, mais elle devra être soupesée, car elle constitue un exercice coûteux. De plus, des comptes d’actifs naturels pourraient être obtenus à partir d’une désagrégation des comptes établis par Statistique Canada. Pour ce qui est des CDPE, il s’agira, en premier lieu, de préciser les acteurs

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intéressés. Enfin, le développement de comptes d’écosystèmes sera une avenue à considérer, étant donné la révision en cours du SCEE51.

La figure 4 illustre les principaux déterminants du programme. Sa pertinence statistique sera déterminée par la satisfaction des besoins d’information des ministères et organismes gouvernementaux et des autres utilisateurs, tels les citoyens. Pour être utile, l’information doit offrir une vue d’ensemble, tout en procurant le niveau de détail requis pour évaluer et formuler des politiques sectorielles. L’efficience du programme dépendra de la disponibilité des données environnementales ainsi que de leur qualité (voir section 6.1). Le respect des définitions, des classifications et des méthodes recommandées par le SCEE 2003 assurera une certaine comparabilité du système statistique sur le plan international. Enfin, par son mandat de coordination de la statistique officielle et de garantie de qualité, l’ISQ contribuera à en optimiser la cohérence et la fiabilité.

FIGURE 4. PRINCIPAUX DÉTERMINANTS DU PROGRAMME STATISTIQUE ÉTABLISSANT DES COMPTES DE L’ENVIRONNEMENT POUR LE QUÉBEC

Déjà, l’ISQ a entamé des travaux relatifs à un compte des matières résiduelles solides et à un compte des ressources minières. Ces comptes pourraient éventuellement être utilisés en tant que projets pilotes dans le cadre de la démarche de réflexion. Celle-ci doit être vue comme la première étape de l’élaboration de comptes de l’environnement pour le Québec. Toutefois, pour avancer, ce projet innovant nécessitera une collaboration pérenne de la part des ministères et organismes concernés.

51 Jean-Louis Weber, communication personnelle.

Mandat de l’ISQ · Coordination

statistique officielle · Garantie de qualité

Réponse aux besoins d’information des M/O et des autres

utilisateurs

Disponibilité et qualité

des données

comparabilité cohérence et fiabilité

SCEE 2003

efficience pertinence

Intégration

SCN

Programme statistique en vue

de comptes de l’environnement pour le Québec

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Conclusion

La complexité grandissante des enjeux environnementaux-économiques rend de plus en plus difficile la prise de décision par les acteurs gouvernementaux. Ce contexte amplifie le besoin d’une juste évaluation du progrès de la société « au-delà du PIB52 ». Les notions de l’économie du bien-être et de l’économie de l’environnement, qui permettent d’intégrer les considérations environnementales à la théorie économique, forment la base d’un cadre conceptuel pour une mesure du progrès qui prendrait l’environnement en compte. Établissant la notion élargie du capital comme concept clé, l’approche par capitaux encadre la mesure du progrès et sert de pont entre la théorie et le cadre statistique.

En complément du SCN, le SCEE 2003 forme le point de départ d’un cadre statistique pour le capital naturel. Parce que ses concepts et méthodes se concilient aux normes établies de la statistique économique, le SCEE fournit des résultats qui s’intègrent bien à la logique macroéconomique. Cependant, l’implantation des comptes de l’environnement au Québec est un projet de grande envergure qui risque de se buter à des obstacles d’ordre opérationnel. De plus, puisque le SCEE, dans sa version actuelle, ne forme pas un manuel complet et intégré, prêt pour la mise en œuvre, le programme statistique établissant les comptes de l’environnement au Québec relèvera de choix anticipant les meilleures pratiques.

Notamment, le projet québécois devra tenir compte de l’évolution du SCEE sur le plan international. En effet, une révision du SCEE est en cours afin de l’instituer comme standard statistique. Le processus de révision, qui doit s’achever en 2013, porte, entre autres, sur les comptes des terres et des écosystèmes et sur l’évaluation de la dégradation du capital naturel. Et pour cause, la reconnaissance du SCEE comme un outil incontournable d’aide à la décision dépend du traitement adéquat des écosystèmes et de leurs services.

Les problèmes que pose le traitement des écosystèmes révèlent les limites de la seule perspective économique. À cet égard, Statistique Canada défend l’approche dite « écosystémique » comme cadre d’élaboration de la statistique environnementale53. Cette approche, vue comme prometteuse par le Groupe d’experts sur le Cadre pour le développement des statistiques de l’environnement, pourrait compléter l’approche par capitaux pour donner un cadre conceptuel organisant la mesure du capital naturel selon une perspective à la fois économique et écologique54.

Afin d’adopter un cadre statistique qui soit réellement intégrateur, la réflexion menée par l’ISQ, en collaboration avec les ministères et organismes gouvernementaux, devra donc s’attarder aux pistes de solution qui émergent des discussions et des expériences internationales.

52 Voir www.beyond-gdp.eu. 53 Statistique Canada (2009). 54 Cadre pour le développement des statistiques de l’environnement, Rapport du Secrétaire général, Commission de statistique, 41e session, février 2010 (http://unstats.un.org/unsd/statcom/doc10/2010-9-Framework-EnvStats-F.pdf). Voir aussi Weber (2008).

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DÉVELOPPEMENT DURABLE

Les comptes de l’environnement et l’approche par capitaux pour appuyer la mesure du développement durable au Québec

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