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Université Lyon 2 Institut d’Etudes Politiques de Lyon Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947 Gautier Demouveaux Mémoire de fin d’études Dans le cadre du séminaire « mots et symboles en politique » Sous la direction de M Denis Barbet Mémoire soutenu le 4 septembre 2007 Jury : M Jean Solchany, Historien

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Université Lyon 2Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Les débats de presse autour de laréorganisation du Tour de France, après lalibération 1945-1947

Gautier DemouveauxMémoire de fin d’études

Dans le cadre du séminaire « mots et symboles en politique »Sous la direction de M Denis Barbet

Mémoire soutenu le 4 septembre 2007

Jury : M Jean Solchany, Historien

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Table des matièresDédicace . . 4Remerciements . . 5Avant-propos . . 6Introduction . . 7

1ère Partie : le Tour de France : une création politique . . 9Chapitre 1 : Pourquoi le Tour de France a-t-il été créé ? . . 9

1 - Un contexte sociopolitique particulier . . 92 - La naissance du journal l’Auto . . 11

Chapitre 2 : le Tour de France comme symbole politique . . 131 - le Tour de France, symbole de la droite nationale . . 142 - le Tour de France, symbole de la gauche . . 19

Chapitre 3 : la seconde guerre mondiale, la fin du Tour et la collaboration . . 231 - l’Auto dans la guerre . . 242 - les simulacres de tours . . 273 - le journal et la question de la résistance . . 29

Conclusion de la première partie . . 31

2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération,1944-1947 . . 32

Chapitre 1 : la renaissance de la presse sportive et la question du Tour . . 321 - le journal l’Auto est interdit . . 322 - Une ère nouvelle pour la presse sportive en France . . 343 - 1947, la question du Tour de France toujours en suspend . . 38

Chapitre 2 : les débats de presse . . 401 - les journaux du Corpus . . 402 – analyse de discours et étude du Corpus . . 43

Conclusion de la 2e partie . . 87Conclusion generale . . 88Annexes . . 90

Historique . . 90Corpus . . 92

Journal Ce Soir . . 92Journal Combat . . 98Journal L’Equipe . . 104Journal Le Parisien Libéré . . 122Journal l’Humanité . . 129Journal Sports . . 136

Bibliographie . . 158Ouvrages historiques et sociologiques : . . 158Ouvrages spécifiques utilisés pour ce mémoire: . . 158

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

4 Demouveaux Gautier - 2007

DédicaceA mon arrière grand-mère qui n’était pas trop cyclisme mais qui aimait tant regarder ces beauxpaysages de France le mois de juillet à la télévision…

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Remerciements

Demouveaux Gautier - 2007 5

RemerciementsIls s’adressent tout d’abord à Serge Laget, journaliste à l’Equipe, qui par son aide et ses éclairagesa permis la réalisation de ce mémoire, ainsi qu’à Didier Blondel qui m’a orienté subtilement versce sujet.

Remerciements à la Bibliothèque Nationale de France, qui m’a laissé accéder à ses archives, àDenis Barbet, politologue et directeur de ce mémoire, ainsi qu’à Jean Solchany, historien et maitrede conférence à l’IEP de Lyon, président du jury.

Un grand merci à mes proches qui m’ont soutenu pendant le travail de recherche et la rédactionde ce mémoire, et plus particulièrement à :

Greg, mon colocataire qui a supporté mes 10 minutes quotidiennes sur ce sujet pendant l’année.

Caroline et Laurent qui m’ont hébergé à Paris, Céline, Constance, Marion, François, John,Pierrot et tous les autres qui ont su m’écouter avec la plus grande des patiences, Denis, Didier,Jérémy et Luc qui m’ont supporté pendant le dernier Tour de France, mes parents et mes frèrespour leur soutien sans faille et leurs encouragements…

… à tous je leur dédie ce mémoire.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

6 Demouveaux Gautier - 2007

Avant-propos« Nous avons tous en nous quelque chose du Tour. Chacun selon son époque, chacun selon sarégion… » 1 C’est par ces mots que Jérôme Bureau, directeur des rédactions de l’Equipe, débutele livre sur le centenaire du Tour.

Les étés de mon enfance ont été bercés par les exploits des coureurs du Tour, relayés par lesreporters qui me fascinaient. La voix de Jean Paul Brouchon sur France Inter lorsque nous étionsdans les embouteillages pour partir en vacances, les commentaires de Patrick Chêne accompagnésdes éclairages historiques de Jean Paul Olivier… Et les courses entre cousins, dans la côte deFonquevillers, les chemins de tracteur avec le vélo de notre grand-mère… « Fausto Coppi ! Vas-yBobet ! Allez Pou-Pou ! » Aux encouragements amusés de notre grand-père, nous préférions nouscomparer aux champions du moment, les Virenque ou Jalabert.

Et l’attente du passage des coureurs… Wasquehal 1992, j’avais 8 ans, Lille 1994, j’en avais10… Des Souvenirs ? La caravane publicitaire, gadgets, porte-clefs, et autres casquettes commeautant de trophées. 1995, la Londe les Maures, village d’adoption de Richard Virenque et la fêteen son honneur, 1996, Wasquehal encore, avec mon frère Romain, ma cousine Caroline et monami Thibault… Nous avons attendu longtemps, avec nos Bicyclettes, devant l’hôtel, pour obtenirl’autographe de Miguel Indurain…

Aujourd’hui je connais le Tour de France, je travaille depuis 3 ans au service de presse du Touret vois donc les coulisses de la Grande Boucle. Rêve d’enfant qui se réalise, malgré les affairesde dopage. Et je retrouve encore ces regards de gamins sur le bord des routes. Le Tour fait encorerêver… Il est actuellement en train de faire sa révolution, et il était temps. Mais si cette épreuvesurvit en dépit des crises qu’elle a subies, c’est bien que l’événement n’est pas seulement sportif.On a longtemps affirmé que le sport était neutre. Il est loin de l’être, nous le verrons. Reflet de lasociété française, c’est ce patrimoine historique qui, en temps que symbole, m’intéresse ici.

Ce mémoire traduit donc une passion, celle du Tour de France, celui illustré par Blondin ouAragon, mais aussi par le film Jour de Fête de Jacques Tati, la chanson de Trênet ou celle deMontant, « A bicyclette… », par les caricatures de Pellos tout comme celles de Chenez ou de Plantu.

Mais c’est aussi celui d’Armstrong, l’homme ressuscité, qui a vaincu le cancer et quiremportera 7 Tours avant de s’effondrer de son piédestal, Rasmussen qui quitte l’épreuve alorsqu’il est maillot jaune à cause de suspicions de dopage, tout comme la visite du Président de laRépublique, Nicolas Sarkozy, qui demande aux agences de presse de ne plus diffuser la photo oùon le voit féliciter ce même maillot jaune, quelques jours avant son exclusion…

Car le Tour de France est un tout : du sport, de la politique, de l’histoire… impossible detraiter cela sur une si longue période (1903 – 2007), en tout cas pas dans un mémoire. Alors ilfallait trouver un moment de l’histoire du Tour mêlant tous ces sujets : et l’immédiat après-guerresemblait offrir cette possibilité, représentant l’une des périodes les plus difficiles pour la course…

1 L’Equipe, 100 ans du Tour de France, 1903-2003, ouvrage collectif, Paris, 2002

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Introduction

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Introduction

« Le Tour de France c’est la fête de la France. » L’écrivain Antoine Blondin, chroniqueurau journal l’Equipe de 1954 à 1982, résume bien par cette phrase ce qu’est le troisièmeévénement sportif au monde. Dans la présentation du livre qui rassemble ses articles,Stéphanie Rysman décrit l’œuvre de l’artiste comme « un roman de cape et d’épée : celuidu Tour de France, celui d’une certaine France », et de conclure « cette course constitue unangle d’approche original sur l’évolution de la société, des mentalités, les représentationscollectives, la culture dite ‘populaire’… » 2

En effet, le Tour de France, outre l’aspect sportif, est un véritable monument constitutif

du patrimoine français. Dans le 3ème tome des Lieux de mémoires, Georges Vigarelloexplique que le Tour semble appartenir au bien commun. Il cite le journaliste Gorges Rozetqui dès 1911 dans son livre la Défense et illustration de la race française associe le Tourde France à la « propriété nationale ». Le Tour s’est enraciné dans les rituels nationaux,l’épreuve est plus qu’une course, elle s’adresse à la conscience collective. 3

Evénement sportif, le Tour de France est bien plus que cela. Comme les « feux del’amour », c’est le feuilleton de l’été, que tout le monde regarde sans parfois vouloir l’avouer.Dans la chaleur (parfois relative) du mois de juillet, la télévision reste allumée sur l’étape dujour. Et tout le monde y trouve son compte : exploits sportifs, paysages, histoire…

Manifestation populaire, grâce notamment à sa caravane publicitaire, le Tour marqueles hommes. Un sondage récent montre que plus de 80% des français ont déjà vu passerle Tour de France. Malgré les dernières affaires de dopage qui ont entamé la crédibilitéde la Grande Boucle, le public est toujours au rendez-vous, sur le bord des routes commedevant le petit écran. Les audiences de France Télévision en sont la preuve. (L’ensembledes étapes du Tour 2007 a été suivi sur France 2 par 3,6 millions de téléspectateurs enmoyenne avec une part d’audience de 39,2%) 4

Comment expliquer cela ? Le Tour de France fait partie de la mémoire collectivefrançaise. A tel point que l’aspect purement sportif n’est que la partie émergente de l’iceberg.En effet, le Tour de France est avant tout une fête organisée par une entreprise - AmaurySport Organisation - qui est le premier groupe d’événementiel sportif. Le Tour a une influencemédiatique non négligeable, de nombreux « people » et autres hommes politiques aiments’y montrer. L’épreuve est suivie par plus de 1500 journalistes, retransmise dans 75 Pays.

Evénement incontournable de l’été, il concerne donc le monde médiatique et politique.Il est important de se montrer à la France de juillet, la « France vraie », populaire et premièrecible des politiques et des publicitaires.

Pourquoi ce mémoire ?

2 Antoine Blondin, Tours de France, chroniques de l’Equipe, 1954-1982, la Table Ronde, Paris 20013 Georges Vigarello, le Tour de France in les lieux de mémoire, tome 3 les France, vol.2 Traditions. Sous la direction de Pierre

Nora, Gallimard, Paris, 19924 Cf. l’article du Monde du mercredi 1er août 2007, les audiences de France Télévision sont restées stables

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

8 Demouveaux Gautier - 2007

Ce mémoire tente de définir la symbolique du Tour de France en dehors de l’aspectpurement compétition. Des travaux ont déjà été menés sur le Tour et l’histoire, la géographie,la sociologie (même si de nombreux champs d’études restent à explorer…)

Pour arriver à cela, je m’intéresserai plus particulièrement à la période de la Libérationde la France après 1945, pour tenter de montrer l’importance que l’épreuve cycliste a pris àcette période, et comment la politique a interféré dans la crise qu’a connu la Grande Boucleà ce moment-là. Bien entendu pour comprendre la situation de 1947, date du premier Tourd’après guerre, il faut mettre en perspective l’histoire du Tour, de sa création en 1903 à lasituation de 1947. Le but ici est de tenter de démontrer le poids du Tour de France au sortirde la seconde guerre mondiale, d’un point de vue médiatique et surtout politique.

Je reviendrai donc sur les circonstances qui ont permis au Tour de voir le jour, avantde replacer l’épreuve dans un contexte politique. Je tenterai de montrer le symbole qu’estle Tour de France dans la tradition politique de gauche et de droite, en m’attardant sur lapériode 1940 – 1945. Après avoir inscrit le sujet dans une perspective historique permettantde comprendre la période traitée, j’étudierai les articles des journaux protagonistes :l’Equipe, le Parisien Libéré, Sports et Ce Soir, ainsi que Combat et l’Humanité. Le corpussera constitué des articles ou extraits d’articles traitant du Tour de France, sachant que ledépouillement de tous les numéros de ces titres a été fait de janvier 1946 à Août 1947.

Je tenterai donc de faire ressortir les débats qui ont eu lieu entre ces différents journauxà propos de la réorganisation du Tour de France en 1947, tout en essayant de mettre enexergue les aspects politiques, médiatiques et économiques plus ou moins sous-entendus.

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

Demouveaux Gautier - 2007 9

1ère Partie : le Tour de France : unecréation politique

Chapitre 1 : Pourquoi le Tour de France a-t-il étécréé ?

La presse sportive se développe dès le milieu du XIXème siècle. Les journaux participent audéveloppement du sport en France, en créant et organisant des épreuves de sport. Le but ?Gérer plus facilement une partie de l’actualité mais aussi vendre plus de papier. Le premierjournal de sport qui paraît en France est le sport, une gazette née en 1854. Bimensuel, cejournal créé par Eugène Chapuis a pour but de vanter les mérites de l’exercice physiquedans l’éducation. Il ne concerne cependant à l’époque que la bourgeoisie, le sport est alorsconsidéré exclusivement comme un loisir de privilégiés. C’est d’ailleurs Chapuis qui inventele terme « sport », emprunté à l’anglais, mais dont l’origine est française ; « desport » quisignifie divertissement.

Très vite c’est l’aspect compétition et surtout le côté innovation qui prend le dessus. Ledéveloppement technique de la machine passionne les lecteurs. Il n’est donc pas étonnantde voir le vélocipède et l’automobile se retrouver à la tête des rubriques sportives. La vraierévolution en matière de presse sportive est le lancement en 1892 du journal le Vélo. Premierquotidien sportif, dont le titre est évocateur, il trouve très vite un large lectorat, arrivant àdépasser les clivages sociaux. Vendu à un sou, il est très populaire. Le Vélo est lancé parPierre Giffard, chef de l’information au Petit Journal. Il est l’organisateur pour ce quotidien,populaire lui aussi, de la course cycliste Paris-Brest-Paris (course qui n’existe plus mais quia cependant inspiré un pâtissier qui a baptisé un gâteau en l’honneur de la course !). Giffardse rend très vite compte du potentiel que peut avoir un quotidien sportif. Il crée donc sonjournal et il est très vite imité par la concurrence. Remarquant l’impact du Vélo, le mensuella Revue des Sports passe au format journalier. De même, Paris-Vélo voit le jour, et lerédacteur en chef de ce journal n’est autre qu’un certain Henry Desgrange…

Le Vélo se retrouve pourtant vite en position de monopole dans le cadre de la pressepurement sportive. Il ne semble pas en effet qu’il y ait de la place pour plusieurs journauxspécialisés dans le sport. Le Vélo de Giffard s’arroge donc une influence non négligeabledans ce domaine : le journal est le principal parrain des épreuves sportives, en particulierles courses cyclistes.

1 - Un contexte sociopolitique particulier

A) les conséquences de l’affaire Dreyfus

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

10 Demouveaux Gautier - 2007

Rappelons que le journal le Vélo voit le jour en 1892. En septembre 1894 un fait divers setransforme en scandale politique. Sous couvert d’affaire d’espionnage, le capitaine Dreyfusest accusé – à tort – d’avoir fourni des documents secrets à l’Allemagne. Dans un contextede revanche suite à la défaite de 1870, l’opinion et la presse se saisissent de cet événementet très vite la France se divise en deux parties : les dreyfusards, qui croient en l’innocencede Dreyfus, et les antidreyfusards, qui sont persuadés de la culpabilité de cet homme dereligion juive, ou pour qui l’honneur de l’armée prime même sur la vérité. Journalistes,intellectuels, hommes politiques, tout le monde parle de ce qui devient « l’affaire Dreyfus ».Tous les journaux se positionnent et les articles sont d’une virulence étonnante, avec desrelents antisémites pour nombre d’entre eux. C’est le cas de journaux comme la libre paroled’Edouard Drumont, le petit journal, journal populaire ou encore la Croix, journal catholique.Maurice Barrès, qui sera chroniqueur pour le journal l’Auto, écrit dans son livre scènes etdoctrines du nationalisme : « Les amis de Dreyfus [...] injurient tout ce que nous avons deplus cher, notamment la patrie, l’armée. […] Leur complot divise et désarme la France,et ils s’en réjouissent. Quand même leur client serait un innocent, ils demeureraient descriminels ». Côté dreyfusard les journaux le Figaro ou le Petit Ouvrier prennent fait et causepour l’accusé. Mais le journal le plus célèbre reste l’Aurore de Clémenceau dans lequelEmile Zola publie son retentissant « J’accuse » et dénonce les erreurs de l’enquête.

Pierre Giffard prend lui aussi le parti du capitaine et son journal le Vélo sert de relaispour faire passer ses idées. Par sa prise de position, Giffard étonne ses collègues du PetitJournal, quotidien dans lequel il écrit. De plus, certains lecteurs voient d’un mauvais œille fait que la politique soit mêlée au sport. Giffard énerve aussi les marchands de cycles,principaux partenaires financiers du journal, qui jugent les tarifs publicitaires du quotidiensportif bien trop élevés. La position hégémonique du Vélo met cependant Giffard en positionde force. La défense du capitaine Dreyfus dans les colonnes du journal fait encore monter latension d’un cran. Le principal actionnaire du journal, le comte de Dion, propriétaire de l’unedes marques de cycles et d’automobiles les plus connues à l’époque, est antidreyfusard etsupporte de moins en moins les positions politiques de Giffard à l’encontre de Dreyfus. Lecontentieux entre les deux hommes atteint son paroxysme en juin 1899 lorsque le comte deDion moleste le nouveau président de la République, Emile Loubet, favorable à la révisiondu procès. En effet, lors d’une réunion hippique à Auteuil, les aristocrates antidreyfusardsattendent le successeur de Félix Faure pour lancer des œufs sur la délégation présidentielle.Le comte de Dion et ses acolytes finissent au poste. A cette occasion Giffard écrit un articlecondamnant l’acte de Dion. Il s’en justifie devant l’intéressé en lui rendant visite à la prisonde la Santé. Le comte de Dion relate cette rencontre dans un livre publié en 1937.

« Une manifestation politique eut lieu à Auteuil, suivie d’une bagarre à laquelleje me trouvé engagé. Arrêté avec quelques amis patriotes et nationalistescomme moi, je fus incarcéré. Pendant mon séjour à la Santé, je reçus la visitede Pierre Giffard, journaliste de talent, avec qui j’étais en très bon termes, carnous étions tous les deux de fervents défenseurs de l’automobile. Pierre Giffard,dont les opinions politiques étaient tout à fait opposées aux miennes, m’avaitattaqué violemment dans son journal le Vélo au sujet de mon attitude lors desévénements d’Auteuil. Au cours de sa visite, il tint à m’expliquer son attitude etme dit qu’en ce qui concernait l’automobile, il resterait mon ami et allié, mais

qu’en politique je trouverais en lui un adversaire acharné… » 5

5 Marquis de Dion – Images du passé. De Dion-Bouton (1883-1926), plaquette publiée en 1937, cité in Jacques Marchand,

les défricheurs de la presse sportive, Atlantica, Biarritz, 1999)

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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B) l’opposition Dion-GiffardLa rupture entre les deux hommes est consommée. A partir de ce moment, le comte deDion, aidé par ses amis aristocrates, tous industriels (dans le cycle ou l’automobile) etfarouchement antidreyfusards, va tout faire pour faire mordre la poussière au journal le Vélode Pierre Giffard.

Comment ? La première tentative est de réduire à néant les ambitions politiques deGiffard. En effet ce dernier se présente aux élections législatives de 1900 à Yvetot, unecirconscription rurale. Le comte de Dion fait distribuer par ses ouvriers le livre de Giffard, la

fin du cheval 6 . Dans cet ouvrage, l’auteur explique comment il a découvert la bicyclette,

comment il l’a apprivoisée. Et il conclut en disant que le vélo est un progrès social. Selonlui l’ère du cheval est venue à échéance, le vélo va remplacer la bête. Pour des électeurspaysans, ce discours ne passe pas. Giffard n’est pas élu. Pour se venger il décide deboycotter la marque de cycle du comte de Dion. Ce dernier riposte en créant un journalconcurrent au Vélo, dans le but de faire disparaitre ce dernier7.

L’homme pour cette entreprise est tout trouvé : c’est Henri Desgrange. Il est né en 1865.C’est un ancien coureur cycliste, spécialiste de la piste. Il est d’ailleurs le premier recordmandu monde de l’heure. Journaliste, il dirige aussi le vélodrome du Parc des Princes à Paris,avec Victor Goddet, son associé. Il n’est pas en bon terme avec Giffard puisque ce dernierrefuse de publier les annonces des compétitions de son vélodrome dans le journal Vélo,et ne fait pas mention des résultats. De plus, Desgrange est antidreyfusard et proche desmilieux nationalistes français8.

Henri Desgrange est donc recruté pour créer un nouveau journal, financé par Dion etses amis. Ce quotidien ne devra pas parler de politique, le sport étant neutre selon lesfinanciers. La réalité est cependant toute autre, comme le montre l’analyse de Pierre Lagrue.Il explique que les patrons associés à Dion ont une démarche politique et économique.« Industriels fortunés ou nobles, tous notables en vue, ils comptent en effet parmi lesreprésentants de la frange de la société qui s’est d’abord sentie spoliée par l’avènement dela IIIème République, et qui s’inquiètent désormais de la montée des idées socialistes. » 9

Giffard, par ses prises de positions politiques, les effraie et les agace. Ils boycottentdonc volontairement le journal le Vélo, privant celui-ci de rentrées publicitaires lui permettantde vivre.

2 - La naissance du journal l’Auto

A) le Vélo de Giffard vs l’Auto-Vélo de DesgrangeLe quotidien sportif voulu par Dion voit donc le jour le 16 octobre 1900 sous le titre l’Auto-Vélo. Le rédacteur en chef est Henri Desgrange, choisi pour ses opinions politiques maisaussi pour ses compétences de journaliste et de management. Le trésorier est VictorGoddet, qui dirige avec Desgrange le vélodrome du Parc des Princes. Le journal sort surun papier jaune, il compte 4 pages et est vendu 5 centimes. Dans le premier éditorial du

6 Pierre Giffard, la fin du cheval, Paris, Armand Colin, 18997 Cf. Jean Luc Bœuf et Yves Léonard, la République du Tour de France, 1903-2003, Paris, Le Seuil, 20038 Cf. supra9 Pierre Lagrue, le Tour de France, Reflet de l’histoire et de la société, collection Espaces et temps du sport, l’Harmattan, 2004

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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journal, Desgrange conclut ainsi : « il ne sera jamais, à l’Auto-Vélo, question de politique.Soyez donc, ô lecteurs, ou pour ou contre… ce que vous savez [il fait référence ici à l’affaireDreyfus], mais ne comptez pas sur l’Auto-Vélo pour vous en parler. »

Le combat s’engage donc entre le Vélo et l’Auto-Vélo. Le journal de Desgrange partavec un handicap. Le quotidien de Giffard existe depuis 8 ans et tire à quatre-vingt milleexemplaires, alors que l’Auto-Vélo commence à seulement vingt mille exemplaires. Tousles coups sont permis. La bataille commence sur le plan des manifestations sportives. Lejournal le Véloorganise déjà de nombreuses courses dont Bordeaux-Paris et Paris-Roubaix.Et après la publicité, la mise sur pied d’épreuves sportives est décisive pour survivre.Desgrange arrive à récupérer l’organisation de Paris-Brest-Paris, épreuve créée par Giffard.Cette manifestation, propriété du Petit Journal dont Giffard est encore collaborateur, étaitalors patronnée par le Vélo. Le 23 novembre 1900, l’Auto-Vélo annonce que c’est le journalqui organisera à partir de 1901 Paris-Brest-Paris, course qui fêtera ses dix ans, le PetitJournal ayant préféré confier le parrainage de l’épreuve à l’Auto-Vélo plutôt qu’au journalle Vélo.

L’année 1902 ne met pas fin à la lutte à mort que se donnent les deux quotidiens. Surle plan de l’organisation, deux courses Bordeaux-Paris sont mises sur pied à deux moisd’intervalle. Le plateau proposé par l’Auto-Vélo est plus alléchant, et la victoire revient àla star de l’époque, le coursier Maurice Garin, contrairement à l’épreuve organisée par leVélo, où un coureur quasi-inconnu l’emporte. Desgrange marque des points, mais Giffarddécide de répliquer sur le terrain judiciaire. Il porte plainte contre Henri Desgrange pourplagiat de titre. Le tribunal de commerce de Paris lui donne raison. Desgrange fait appelmais le jugement est confirmé en janvier 1903. L’Auto-Vélo doit abandonner la deuxièmepartie de son titre pour ne plus s’appeler seulement que l’Auto à compter du 16 janvier 1903.Alors que le tirage augmentait, le changement de titre déstabilise le lectorat et les ventesreviennent au niveau d’origine, vingt mille exemplaires par jour.

B) la dernière chance, le Tour de FranceLe Vélo de Pierre Giffard semble avoir porté un coup fatal à l’Auto. Desgrange cherche unesolution pour sauver son journal. Il ressort l’idée de son collaborateur Géo Lefèvre, ancienjournaliste chez Giffard qui a rejoint l’Auto à sa création : organiser une épreuve inédite, quisemble impossible : le Tour de la France à vélo. Lefèvre relate la scène qui se passe ausiège du journal, au 10, faubourg Montmartre, le 20 novembre 1902 dans ses mémoires :

« ‘As-tu une idée ?’ me demanda pour la énième fois Desgrange. Alors un peu parhasard et sans grande conviction, je lançai :

‘Pourquoi pas un Tour de la France ? On ferait des étapes coupées de jours de repos.’Henry Desgrange sursauta et me demanda si je devenais fou et si je ne voulaispas tuer les Garin de l’époque. […] Chose curieuse, mais aussi historique, cefut le sage, le prudent, l’homme-chiffre, le si peu sportif Victor Goddet qui fitpencher la balance et qui, ouvrant son coffre-fort - toujours à portée de main, à adroite de son bureau du premier étage -, sut convaincre Desgrange et emporta ladécision. » 10

10 Géo Lefèvre, ceux que j’ai rencontrés (en 60 ans de vie sportive), Editions SOSP, 1964, cité in Jean-Luc Bœuf et Yves

Lénard, la République du Tour de France, op. cit. p 15

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

Demouveaux Gautier - 2007 13

A l’époque sceptique, Desgrange annonce le 19 janvier 1903 dans les colonnes de l’Auto,la création de la Grande Boucle. Le premier Tour de France s’élance donc de Montgeron, en

face de l’auberge du Réveil-Matin, le 1er juillet 1903 avec une soixantaine de coureurs pourun périple de 2500 kilomètres. La victoire reviendra à la star de l’époque, Maurice Garin. Lepublic est au rendez-vous pour cette première Grande Boucle, assistant même en pleinenuit au passage des coureurs dans les villes. Le Tour arrive le 19 juillet au Parc des Princesà Paris, et c’est une réussite pour Desgrange. Heureux de son œuvre, il écrit au lendemainde l’arrivée dans la capitale :

« Voici le premier Tour de France terminé ! Tous nos collaborateurs sont fourbus,je suis ravi et j’aurais voulu que les heures de travail et d’immenses satisfactionsque la course nous a données pussent se prolonger indéfiniment tant estdélicieux un pareil travail, tant sont douces de semblables satisfactions. J’ai faitbien des rêves sportifs dans ma vie, je n’en avais jamais conçu qui vaillent cetteréalité. »

Financièrement aussi, l’entreprise de Desgrange est un succès, les ventes de l’Auto passantde 30 000 exemplaires quotidiens à 65 000 pendant le mois de Juillet, avec des pointes à100 000 exemplaires/jour. Même Pierre Giffard, dans les colonnes du Petit Journal, saluela réussite de Desgrange : « Le succès et le retentissement du Tour de l’Auto ont été aussigrands que son importance. » Le journal le Vélo ne survivra qu’un an de plus, il disparaitraen novembre 1904, alors que Giffard à repris sa plume de grand-reporter pour couvrir laguerre russo-japonaise. Il rejoindra plus tard, à la demande de celui qui a coulé son journal,le comte de Dion, la rédaction de l’Auto.

Chapitre 2 : le Tour de France comme symbolepolitique

Dans l’éditorial du premier numéro de l’Auto, Henri Desgrange rappelle que dans lescolonnes de son journal, il ne sera jamais question de politique. Mais dans l’idée du Tourde France, il s’inspire d’une idéologie qui elle n’est pas neutre. Car si l’épreuve a été crééepour éliminer la concurrence du journal le Vélo, Desgrange ne se cache pas de ses idéesmoralisatrices.

A l’origine le Tour de France est d’inspiration barrésienne et nationaliste, ancré à droitede l’échiquier politique. L’éditorialiste de l’Auto ne s’est jamais caché de ses amitiés avecBarrès, à qui il proposera une chronique dans son journal. De plus, rappelons qu’HenriDesgrange a été choisi par le comte de Dion, antidreyfusard, afin de créer un journalsusceptible de faire disparaitre celui du dreyfusard Giffard. Il ne semble pas que Desgrangeétait antisémite, aucun de ses écrits ni de ses prises de positions vont dans ce sens.Amoureux de la France, il rendra même hommage à Emile Zola, le défenseur du capitaine

Dreyfus, dans son éditorial du 1er juillet 1903, jour du départ du premier Tour de France :« du geste large et puissant que Zola, dans la Terre, donne à son laboureur, l’Auto, journald’idées et d’actions, va lancer, à travers la France, aujourd’hui, les inconscients et rudessemeurs d’énergie. »

De même, le Tour de France, tout du moins son idéologie, prend de la distance avecson organisateur. En effet, tout le monde se retrouve dans le Tour de France, et la gauche

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

14 Demouveaux Gautier - 2007

(les socialistes et surtout les communistes) s’approprie aussi l’événement. Nous allons donctenter de faire ressortir les influences qui s’inscrivent plutôt dans une idéologie de droiteou de gauche, sachant que ceci n’est pas exclusif. Le but ici est de montrer comment leTour de France est reconnu dès l’origine par l’ensemble de l’échiquier politique et commentl’épreuve transcende véritablement les clivages.

1 - le Tour de France, symbole de la droite nationale

A) une volonté pédagogiqueLe Tour de France en soit n’est pas nouveau. Serge Laget rappelle dans 100 ans de Tourde France que l’idée est banale : « Catherine de Médicis en a bouclé un dans l’année 1564,et les compagnons du tour de France mettent trois ans pour faire le leur, un apprentissage,avec chef-d’œuvre

à la clé. »11 Georges Vigarello explique lui que le Tour de France cycliste s’inscritdans une tradition française de « démonstration processionnaire, parcours du bon ouvrier,dispositif d’édification. »12 Pour lui, le Tour cycliste répond à trois choses : le tourmonarchique (et sa manifestation de souveraineté) et le tour des compagnons (nous l’avonsdit) mais aussi au manuel scolaire « le tour de la France par deux enfants ». Côté sport l’idéeest novatrice, malgré l’existence d’un tour de France automobile organisé par le journal leMatin depuis 1899.

Le petit livre jaune de la République 13

Henry Desgrange conçoit pour son journal un rôle bien spécifique. Il veut qu’il pousseses lecteurs à faire du sport, et surtout que ces derniers redécouvrent la France. Il setargue de faire apprendre la géographie aux français. Cette quête se rapproche de celleprésente dans le livre signé Bruno, écrit par la femme du philosophe Alfred Fouillée, letour de la France par deux enfants. Le livre parait en 1877 et connait de nombreusesrééditions jusqu’au début du XXème siècle. Ce manuel scolaire devient la référence pourdes générations de français qui apprennent à lire sur ce livre. Le récit est simple, il raconteles aventures de deux jeunes lorrains nés à Phalsbourg, qui passent clandestinement lafrontière après la défaite de la guerre de 1870. Ils parcourent la France à la recherche deleur oncle. Le manuel est défini ainsi : c’est un manuel de lecture courante, mais aussi unmanuel de géographie et un précis d’instruction morale, « une leçon de choses ». La préfacedu livre est explicite, elle base l’éducation sur le patriotisme.

« La connaissance de la patrie est le fondement de toute véritable instructioncivique. On se plaint continuellement que nos enfants ne connaissent pas assezleur pays : s’ils le connaissaient mieux, dit-on avec raison, ils l’aimeraient encored’avantage et pourraient encore mieux le servir. Mais nos maîtres savent combienil est difficile de donner à l’enfant l’idée de la patrie, ou même simplement de sonterritoire et de ses ressources. […] Pour frapper son esprit, il faut lui rendre lapatrie visible et vivante. […] En même temps, ce récit place sous les yeux del’enfant tous les devoirs en exemples, car les jeunes héros que nous y avons mis

11 L’Equipe, 100 ans de Tour de France, 1903-2003, op.cit p 7., tome 1, 1903- 193912 Georges Vigarello in les Lieux de Mémoire, op.cit. p 913 Selon l’expression de Christian Laborde, le petit livre jaune, Mazarine, Paris, 2000

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

Demouveaux Gautier - 2007 15

en scène ne parcourent pas la France en simples promeneurs désintéressés. » 14

Entre morale et géographie, le Tour de France cycliste poursuit ce même but, même sil’événement est avant tout commercial.

* Concernant la géographie15 tout d’abord :Alors que le livre de Bruno ne contient pas de carte avant l’édition de 1905, le Tour de

France organisé par Desgrange permet aux français de découvrir la carte de France publiéedans le journal l’Auto, et de suivre ainsi l’épopée des coureurs, à travers les paysages dupays décrits par les journalistes de l’Auto, accompagnés très vite par la photographie. « Lacourse garde, plus encore, la volonté d’illustrer le territoire, celle d’affirmer, d’exhiber touten traversant les plus belles des régions de France. » 16 Desgrange définit d’ailleurs le Tourlorsqu’il annonce sa création dans l’Auto du 20 janvier 1903 comme « un anneau qui enserrecomplètement la France ». Le Tour essaie d’associer unité et diversité, chose difficile car« l’esprit de clocher » perdure encore.

* Concernant la moraleL’idée de régénérescence nationale appuyée sur le patriotisme est déjà présente

pendant la Belle Epoque. Cette volonté de redynamiser la jeunesse française est partagéepar une partie de l’élite politique de la IIIème République. Cependant cette idée s’apparenteplus à l’idéologie de la droite nationaliste. En effet, c’est bien Maurice Barrès, écrivainqu’admire Desgrange, qui est l’un des défenseurs de cette notion. La collaboration de Barrèsau journal se concrétise par 25 articles publiés entre le 13 avril 1906 et le 26 mars 1907. Sachronique est annoncée le 9 avril 1906 par l’éditorialiste du journal :

« […] Dans la tâche d’éducation et de régénération que s’est assigné l’Auto.[…] Et la jeunesse, comme il la connait ! Comme il la comprend ! Comme déjàtoutes ses œuvres nous ont permis de voir qu’il aimait la guider, notre jeunessefrançaise ! […] Ainsi, M. Maurice Barrès va trouver ici un auditoire respectueux,attentif et vibrant. »

Desgrange semble ici déroger à la règle fixée à la création de l’Auto, pas de politique dansses colonnes. Il ouvre son journal non pas à l’idéologue de droite mais à l’écrivain qui vientde rentrer à l’Académie Française. De plus, il est très clair quant à la collaboration entreles deux hommes : dans une lettre datée du 7 avril, le rédacteur en chef de l’Auto rappelleles règles à respecter ainsi que les limites de la liberté d’expression de Barrès : « Enfin,nous devons rester d’une stricte neutralité politique et vous comprenez bien certainementqu’en effet notre rôle et de rester au-dessus des partis. » 17Mais Desgrange célèbre lui aussi

cette volonté de dynamiser les forces vives de la nation. Dans l’éditorial du 1er juillet 1903,il raconte que les coureurs du Tour « vont rencontrer sur leur route des sommeils qu’ils vontsecouer, trouver des vigueurs nouvelles, faire naître des ambitions d’être quelque chose,fût-ce par le muscle seulement, ce qui vaut mieux encore que de n’être rien du tout. » ; etcontinue ainsi : « (ils) vont rencontrer des inutiles, des inactifs et des paresseux […] qui

14 G.Bruno, le Tour de la France par deux enfants, librairie classique Eugène Belin, Paris, rééd. 197615 Cf. Paul Boury, la France du Tour – le Tour de France, un espace à géographie variable, Espaces et Temps du sport,

l’harmattan, Paris, 199716 Georges Vigarello, les Lieux de Mémoire, op. cit. p 9

17 Cf. Jean Luc Bœuf et Yves Léonard, la République du Tour de France, op.cit. p 15

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vont avoir honte de laisser leurs muscles s’engourdir et qui rougiront de porter une grossebedaine. »

B) une dialectique de droiteSi le Tour de France traduit une volonté éducative et surtout moralisatrice, l’épreuve ne peutcependant pas être rangée à droite de l’échiquier politique pour cela. En effet, ces valeurstranscendent les différents partis politiques de la IIIème République. Les lois sur l’instructionpublique de 1881 de Jules Ferry ont le même but. Or ce dernier est un radical, à l’opposéd’un homme comme Maurice Barrès. Au-delà de l’éducation, c’est bien le sens du devoirenvers la patrie qui est enseigné à l’école. De même, la République est affichée comme unterritoire unifié, avec ses diversités.

Cependant, le discours de Desgrange, tout comme les articles de Barrès, pousse àinscrire le Tour de France dans le patrimoine culturel de droite, en tout cas à cette période,par les origines et par les écrits des organisateurs du Tour de France.

Les références à l’arméeLe sport et en particulier le Tour de France va pousser les journalistes à employer un

vocabulaire militaire. A l’époque, les valeurs sportives sont très proches des valeurs del’armée. Dans les colonnes de l’Auto, les coureurs sont souvent comparés aux soldats.Quelques exemples :

1. 20 mai 1902 (à propos de la course Marseille – Paris) - page 1 :« Ils montent ce calvaire sportif, comme des soldats, enrégimentés par la loi, vont à

l’assaut, en hommes que l’âpreté de la lutte transforment en héros inconscient »2. 30 juillet 1906 (concernant ici le Tour de France) – page 1 :

« La gigantesque épopée sportive dont le dernier acte s’est joué hier évoque enmoi des souvenirs d’école. Elle me rappelle ces formidables batailles rangéesdont le fracas de tonnerre traverse les pages de notre histoire, et où desrégiments entiers disparaissent dans la fournaise. A peine reste-t-il quelquessurvivants dont les récits perpétuent le souvenir de ces chocs effroyables. Pouravoir été livrée sur un terrain plus pacifique – dieu merci ! – la longue batailledont nous fûmes les témoins n’en aura pas moins fait des victimes, lesquellesse porteront heureusement fort bien deux ou trois bonnes nuits de sommeil. Sur l’imposant escadron roulant de 77 combattants qu’aligna l’aube du 4 juillet,14 seulement reviennent à bon port après avoir mené à bien la plus terribletâche athlétique qu’on ait jamais imposée à des hommes. […] Toutes les borneskilométriques de nos routes de France ont vu tomber les traînards, comme ceuxqui laissent derrière elles les armées en déroute. Et c’est véritablement une bellesélection de vieux grognards de la pédale, de routiers endurcis et éprouvé queParis a fêté hier comme il fête les héros… »

3. 15 juillet 1913 (toujours concernant le Tour de France) – page 3 :« Nos 32 grognards n’ont plus une once à perdre. Ils ont la figure recuite de vieuxsoldats qui ont bataillé sous tous les climats, mais ils ont aussi un peu de lafierté, et aussi beaucoup de bonne humeur. »

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Le Tour de France se prête à ces métaphores guerrières. Roland Barthes dans sesMythologies ne s’y trompe guère. Il parle lui aussi « d’épopée » et qualifie le Tour de Franceainsi :

« La dynamique du Tour, elle, se présente évidemment comme une bataille, maisl’affrontement y étant particulier, cette bataille n’est dramatique que par sondécors ou ses marches, non à proprement parler par ses chocs. Sans doute leTour est-il comparable à une armée moderne, définie par l’importance du matérielet le nombre de ses servants ; il connait des épisodes meurtriers, des transesnationales (la France cernée par les corridori du signor Binda, directeur de laSquadra italienne) et le héros affronte l’épreuve dans un état césarien, proche du

calme divin du Napoléon de Hugo… » 18

A l’époque, une nouvelle fois, le climat international est d’autant plus propice pour utiliser levocabulaire militaire. Nous sommes en effet après la guerre franco-prussienne de 1870, quela France a perdue. Cette défaite est un véritable traumatisme pour la population françaisedans son ensemble. Les tensions se ravivent entre l’Allemagne et la France, et le sentimentde revanche de ce dernier pays est en recrudescence. Ici encore, l’usage du champ lexicalde l’armée dans les journaux ne concerne pas uniquement la presse d’opinion orientéeà droite. Cependant les références bonapartistes (Desgrange est un grand admirateur deNapoléon) peuvent laisser croire que c’est bien l’idéologie barrésienne nationaliste quis’exprime ici…

La fin de l’apolitisme de façade.Si Henri Desgrange comme Maurice Barrès ne traitent pas ouvertement de politique

– en tout cas pas de la politique événementielle – c’est bien une idéologie orientée versle nationalisme qui s’exprime dans les colonnes de l’Auto. Mais le déclenchement de laPremière Guerre Mondiale va rompre cet apolitisme de façade.

Mais revenons avant à la question de l’Alsace-Lorraine. En effet, dès 1906,l’organisateur du Tour arrive à faire passer la course en territoire annexé par l’Allemagne.Suite à la requête de Desgrange, le Baron Zeppelin, administrateur de la province, acceptele passage du Tour de France. Ceci est un véritable événement qui est aussi un symbole fortpour le patriote qu’est Desgrange comme pour le nationaliste qu’est Barrès, lorrain d’origine.Voici le sentiment du rédacteur en chef de l’Auto suite à cette incursion :

« Avant que l’étape d’hier ne soit oubliée, je voudrais revenir sur le trajet enpays alsacien, et surtout de l’entrée et de la sortie des frontières. De cette rapidepromenade de 75 km en terre annexée, comprenant la traversée de Metz, ilnous reste une impression ineffaçable. Il faut avoir entendu les acclamationsdes braves gens qui reconnaissent en nous des délégués officiels d’un journalfrançais. Il nous faut avoir reçu l’ovation qui nous salua au contrôle de Metzpour s’en rendre compte. Ajoutez à l’expression de cette joie enthousiaste latristesse et vous comprendrez quel caractère tout spécial eut pour nous cettecourte incursion en Alsace. »

Cependant l’occupant Allemand est lui aussi salué dans les pages du journal, sous la plumedes autres journalistes, qui s’ils déplorent l’occupation, notent l’intérêt et la bonne tenue desmilitaires Allemands :

18 Roland Barthes, Mythologies, collection Point – Essais, le Seuil, Paris 1957 (rééd. 2001)

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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« Ils nous faut avoir reçu l’ovation qui nous salua au contrôle de Metz pour s’enrendre compte. Ajoutez à l’explosion de cette joie enthousiaste, la tristesse detous les souvenirs évoqués par les innombrables tertres, tumulus et monumentsfunéraires qui, dans les plaines par nous traversées, rappellent les sombresjournées de Gravelotte, Saint-Privat, Reichshoffen, pour glorifier la mémoiredes milliers de braves gens tombés là, et vous comprendrez quel caractèretout spécial eut pour nous cette courte incursion dans des circonstances aussiparticulières. Il me faut ajouter que les douaniers et gens de police allemandsont été pour nous comme ceux de France, d’ailleurs, d’une parfaite urbanité. J’aiencore dans les yeux la vision de tous ces hommes à l’uniforme de guerre, nond’employés, nous saluant militairement au passage et indiquant d’un geste largeaux coureurs que pour eux la route était libre et qu’à eux allaient leurs meilleursvœux… »

Victor Breyer« Les soldats, et je vous prie de croire qu’on en compte quelques-uns ici – onen dénombre 25 000 sur 75 000 habitants – les soldats, dis-je, ne sont pas moinsintéressés par la course. L’administration allemande a mis ses gendarmes etagents à notre disposition pour le service d’ordre. Dans toute la traversée del’Alsace Lorraine, ces gens ont reçu des instructions pour faciliter la course ;ces mêmes bons gendarmes teutons ont été invités à s’abstenir de dresser descontraventions pour excès de vitesse… »

Alphonse SteinèsLe Tour de France renouvellera l’expérience de 1907 à 1910. Le parcours compte même

une arrivée à Metz lors de ces années. Ensuite l’autorisation ne sera plus donnée avant1914.

De plus, si les journalistes de l’Auto saluent l’intérêt de la population alsacienne commede l’administration allemande, Maurice Barrès ne laisse passer aucun malentendu : lors del’édition 1908, il adresse un courrier à la rédaction du journal dans lequel il s’étonne del’emploi du mot « Allemands » dans un article relatant l’arrivée de l’étape à Metz. JacquesMay, adjoint de Desgrange lui répond et un encadré de rectificatif est publié dans l’éditiondu 23 juillet. Ce dernier précise que le journaliste n’avait « naturellement pas voulu désignerla population lorraine, si digne, à la fois si dense et vibrante au moment du passage de nosconcurrents, mais bien la partie ‘fonctionnaires’ de l’assistance… » 19

L’esprit « de respect mutuel » qu’ont les organisateurs du Tour de France et journalistesde l’Auto entre les années 1907 et 1910 avec les Allemands tranche avec l’éditorial d’HenriDesgrange en Une du journal le 3 août 1914. Dans ce texte, le rédacteur en chef de l’Autoutilise une dialectique typiquement barrésienne (Pierre Chany intitule d’ailleurs un chapitre« Quand le patron imite Barrès » dans son livre la fabuleuse histoire du Tour de France)20.Cet article, dont le titre - évocateur : « le Grand Match » - est d’une virulence extrême. Envoici l’intégralité :

« Mes p’tits gars ! Mes p’tits gars chéris ! Mes p’tits gars français ! Ecoutez-moi ! Depuis quatorze ans que l’Auto parait tous les jours, il ne vous a jamais

19 Courrier adressé le 23 juillet 1908 à Maurice Barrès par Jacques May, « Pour le directeur, absent, de l’Auto ». Fonds MauriceBarrès ; cité in La République du Tour de France, op. cit. p 15

20 Pierre Chany – La fabuleuse histoire du Tour de France, Minerva, Genève, 2003

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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été donné de mauvais conseil, hein ? Alors ! Ecoutez-moi ! Les Prussiens sontdes salauds. J’emploie le mot non pas pour parler ‘poissard’, mais parce qu’il ditexactement ce que je veux dire. Et si je parle des Prussiens sans confondre avecles Allemands, c’est parce que je crois que les cerveaux allemands ne sont pasencore fondus au creuset prussien… Voyez-les ailleurs, ces sales têtes carrées,moutons stupides, sans initiatives, têtes à boucherie. Mes p’tits gars ! Mes p’titsgars chéris ! Mes p’tits gars français ! Ecoutez-moi bien ! Il faut que vous lesvoyez ces salauds-là… Croyez-le : il n’est pas possible que ce qu’est un Françaissuccombe devant ce qu’est un Allemand. C’est un gros match que vous avezà disputer : faites usage de tout votre répertoire français. La tactique, n’est-cepas, n’est pas pour vous effrayer. Une feinte, et l’on rentre, un démarrage et l’onpart. Vous savez tout cela, mes p’tits gars, mieux que moi qui vous l’enseignedepuis bientôt trois lustres. Mais méfiez-vous ! Quand votre crosse sera sur leurpoitrine, ils vous demanderont pardon. Ne vous laissez pas faire. Enfoncez sanspitié ! Il faut en finir avec ces imbéciles malfaisants qui, depuis quarante-quatreans, nous empêchent de vivre, d’aimer, de respirer, d’être heureux… Ah ! Legrand soupir que va pousser l’humanité, mes p’tits gars, si vous êtes victorieux.Comme on va respirer ! Comme on va trouver la vie belle et bonne ! Et puis,plus de grotesque, plus de « choucroutmen », plus de voleurs de pendules, plusd’imperator en zinc qui redresse ses moustaches en affirmant que l’Allemagneest ‘attaquée’. Plus de Kaiser ! Plus d’Agadir ! Plus d’impôt de sang ! Plus decauchemar ! Plus de salauds ! Cela dépend de vous, mes p’tits gars ! Mes p’titsgars chéris ! Mes p’tits gars français ! Nous avons eu la première manche à Iéna ;ils ont eu la seconde à Sedan. A nous la belle, si vous le voulez, comme savent levouloir les Français quand ils le veulent. »

Pour la première fois, Desgrange outrepasse la règle fixée depuis l’origine à son journal, enprenant part directement à l’actualité autre que sportive. On peut donc voir ici la rupture del’apolitisme affichée du journal l’Auto. De plus, le rédacteur en chef va mêler les gestes à laparole en s’engageant dans l’infanterie en temps que simple soldat de seconde classe, àplus de 50 ans. Il part sur le Front et revient avec la croix de guerre et la Légion d’Honneurà titre militaire (il l’a possédait déjà à titre civil), tout en continuant d’écrire des éditoriauxsensés galvaniser les troupes, sous le pseudonyme de Desgrenier. Il participe aussi à lacréation et anime le « comité d’éducation physique » qui fournira aux jeunes un entraînementphysique les préparant au combat.21

Le Tour de France, à l’origine, est donc indéniablement inspiré par la tradition moralistede la droite nationaliste française. Dans la lignée de Maurras, mais surtout de Barrès,Desgrange et le journal l’Auto sont une tribune à l’idéologie régénératrice de la France, celled’avant 1970.

2 - le Tour de France, symbole de la gauche

A) l’évolution de la perception de l’objet bicyclette

21 Cf. sur ces points La République du Tour de France, op. cit. p 15

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Aujourd’hui le cyclisme est le sport populaire par excellence, au même titre que le football.Le Tour de France est véritablement inscrit dans la mémoire collective du ‘peuple degauche’, j’en veux pour preuve la présence dans la caravane publicitaire des syndicats desalariés comme Force Ouvrière ou la Confédération Française Démocratique du Travail.Cependant, à l’origine, le vélo est loin d’être un bien de consommation démocratisé. PhilippeGaboriau explique que « depuis son origine, le vélo semble incarner l’espérance industrielleà l’intérieure de la société française. […] Machine de loisir, moyen de transport, instrumentde sport, il représente l’espoir mille fois vécu de la Révolution Industrielle. » 22

Le vélocipède ou draisienne (du nom du Baron de Drais, son inventeur) voit le jouren 1817. C’est alors « une machine inventée dans la vue de faire marcher une personneavec une grande vitesse, en rendant sa marche très légère et peu fatigante par l’effet dusiège qui supporte le poids du corps qui est fixé sur deux roues qui cèdent avec la facilitéaux mouvements des pieds. » A l’époque l’engin ne possède pas encore de pédalier etla traction est alors uniquement pédestre. L’objet qui prête alors à sourire n’est l’apanageque de la haute bourgeoisie. D’ailleurs les Anglais surnomment ces machines les « Hobby-horse » ou « Dandy-horse ». Il faut attendre 1861 pour que le Français Pierre Michaux,carrossier de son Etat, invente la pédale, fixée alors sur l’axe de la roue avant. C’est ledébut de l’ère du « grand-bi », ce vélo dont la roue avant est démesurée et qui peuplepetit à petit les parcs des grandes villes industrielles. Une nouvelle fois, le vélocipède estexclusivement utilisé par la bourgeoisie. Il est alors à la mode. On voit aussi apparaître lespremières courses : la première se déroule en 1868 comme une course hippique dans leparc de Saint Cloud. La première épreuve « en ligne » - de ville à ville - se déroule elle entreParis et Rouen. La bicyclette telle que nous la connaissons aujourd’hui, avec un pédalierqui entraine par un système de chaine la roue arrière voit le jour en 1880 en Angleterre. Lepneu est créé dans la foulée par l’anglais Dunlop, alors que le français Michelin invente lachambre à air. Et c’est cette machine qui est développée de manière industrielle à partir decette date. D’abord parisienne, les entreprises de fabrication de bicyclette apparaissent dansles grandes villes telles que Lille, Dijon, ou encore Bordeaux. Très vite une ville s’imposecomme la capitale française du cycle : Saint Etienne, ville à tradition métallurgiste, voit danscette production le moyen de faire tourner ses usines : « la demande de bicyclettes semanifeste de février jusqu’en août, autrement dit la période morte de l’arme correspond àla période active du cycle. Nombre de fabricants d’armes se sont donc précocement établisfabricants de cycles… » 23

C’est la première rencontre entre le monde ouvrier et le vélo, les deux apparaissent enmême temps dans la France de cette fin de XIXème siècle. Le prix est très élevé à l’époque,mais ce dernier baisse vite grâce à la production standardisée qui fait baisser les coûts etdonc le prix de la machine, qui commence à se démocratiser. Entre 1895 et 1905, le coûtd’une bicyclette passe de plus de 625 heures à 300 heures de travail. Les grandes maisonsde cycles comme Diamant, la Française, Peugeot, s’attaquent à un marché novateur. Levélo devient un moyen de transport démocratisé. Il faut attendre cependant les années 1930pour que cette machine soit associée totalement aux classes populaires…

Il y a aussi une évolution des mentalités. A la fin du XIXème siècle se développentles compétitions sportives. Partie intégrante de l’idéologie bourgeoise, le sport, vu ici danssa conception d’amateurisme cher au Baron Pierre de Coubertin, va très vite s’opposer

22 Philippe Gaboriau – Le Tour de France et le vélo, histoire sociale d’une épopée contemporaine, espaces et Temps du Sport –l’Harmattan, Paris 1995

23 André Vant – l’industrie du cycle dans la région stéphanoise – éditions lyonnaises d’art et d’histoire, 1993, cité in La Francedu Tour – le Tour de France, un espace à géographie variable, op.cit. p 21

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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à la conception professionnelle du sport cycliste. En effet, les compétitions de bicyclettesse développent à grand pas et les distances se rallongent considérablement. En 1891 lacourse Bordeaux-Paris compte 580 km, tandis que l’effroyable Paris-Brest-Paris se déroulesur 1200 km, et les compétiteurs effectuent ces distances en une seule fois. Le but desfabricants de cycles mais aussi des journaux – qui cherchent un lectorat populaire friandd’exploits – poussent à la folie des grandeurs, le couple homme-machine fascinant la Francedes années 1890. Parallèlement à cela, les villes se dotent de vélodromes. Dès son origine,la conception des compétitions cyclistes se développe comme « sport-spectacle ». Très vitedonc le professionnalisme se développe dans le cyclisme. Les maisons de cycles paientdes hommes robustes – les pionniers de la bicyclette, d’origine bourgeoise, s’étant très vitedésintéressés de l’aspect compétitif – pour courir ces épreuves et prouver la supériorité deleur machine sur celle de leurs concurrents. Ces coureurs sont issus du peuple. C’est ledébut de « la réclame » pour les vélos. Les courses cyclistes, sur routes comme sur piste,sont donc organisées par la bourgeoisie industrielle pour promouvoir leurs vélos (pour lesconstructeurs) et pour distraire le « prolétariat ». (Citons ici comme exemple la créationde la course Paris – Roubaix par les deux industriels textiles Théodore Vienne et MauricePerez, qui après avoir financé la construction du vélodrome roubaisien, pour « distraire »leurs ouvriers, décident d’organiser cette course.)

Le sport cycliste devient donc professionnel et la compétition attire par les primesoffertes aux coureurs. L’union vélocipédique de France régit et organise tout cela. Enmoyenne, un bon coureur peu gagner 7 000 francs par an, soit bien plus qu’un officier,un médecin ou un instituteur. Alors que la bourgeoisie se tourne vers l’automobile etl’aviation, le cyclisme connait dès le début du XXème siècle un engouement populaire sansprécédent. Les coureurs, issus du peuple (ce sont généralement des travailleurs manuels),sont employés par les firmes de cycle. Les milieux populaires admirent les exploits deschampions venant de leurs rangs, et la bicyclette devient un moyen de locomotion synonymede liberté de déplacement et de gratuité (une fois achetée) et d’indépendance. C’est aussil’un des premiers objets industriels fabriqués par des ouvriers que ces derniers peuvent,comme la bourgeoisie, consommer. Ceci est un véritable symbole dans la France du débutXXème siècle, et fait du vélo un instrument d’émancipation et d’égalitarisme. Il n’est doncpas étonnant que l’idéologie de gauche récupère cet objet.

De plus, des journaux, comme l’Auto-Vélo de Desgrange organisent des événementspour permettre aux classes défavorisées de participer à des compétitions cyclistes,renforçant la popularité de ce sport, du journal, et permettant aussi de découvrir de nouveauxtalents.

Extrait de l’Auto-Vélo du 10 janvier 1902 : « Nous avons pensé qu’il était du devoir del’Auto-Vélo dont la raison d’être est de répandre et de développer tous les sports, de leurvenir en aide et de leur procurer un moyen de courir. »

Le 12 janvier, le rédacteur en chef du journal tire le bilan de cette manifestation : « Ilest absolument impossible de se figurer ce qu’a été hier à l’Auto-Vélo le défilé des petitspâtissiers, télégraphistes et grooms… »

B) l’inscription du Tour dans la mémoire collective de gaucheLors de la création du Tour de France, le public est au rendez-vous. Les classes populairesse massent au départ et dans les vélodromes pour voir l’arrivée des étapes. Les ventes dujournal l’Auto explosent pendant le mois de juillet. On suit avec intérêt les pérégrinationsdes coureurs du Tour.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Cependant, si la France populaire se passionne pour la Grande Boucle, elle laissesceptique les élites politiques de gauche, qui voit en elle une propagande des idées dujournal l’Auto.

L’idéologie politique de gauche se désintéresse donc de cette épreuve. En effet dansles années 1900 la gauche est en pleine mutation. Alors que le radicalisme existe depuis lesannées 1870, le socialisme puis le communisme apparaissent successivement. Alors que ladroite est beaucoup plus structurée, l’idéologie de gauche est, elle, en pleine construction.Le monde ouvrier est lui aussi à son balbutiement et s’organise peu à peu, les syndicatsapparaissent – la CGT est créée en 1895 – tout comme les partis politique – la SFIO (Section

Française de la 2ème Internationale Ouvrière) voit le jour en 1905. En décembre 1920, suiteà la scission avec la SFIO, le Parti Communiste français est créé à son tour. (Il porte d’abordle titre de SFIC – Section Française de l’Internationale Communiste)

Dans les années 1930, l’idéologie de gauche engage une réflexion sur l’adaptation dusocialisme à l’évolution de la société capitaliste.24 Pendant ce temps, le Tour de Franceprend un tournant inédit en 1930. Henri Desgrange, pour éviter les ententes entre maisonsde cycles, décide de supprimer les équipes de marques et de faire courir l’épreuve sousdélégations nationales. Pour mettre en application cette réforme, et ainsi ne plus êtretributaire des fabricants de vélos, il doit trouver de nouvelles sources de financement. Ainsiil trouve l’idée suivante : faire précéder la course d’une caravane promotionnelle composéede camions transformés en chars. Ainsi l’épreuve se transforme « en immense carnaval. Unimmense cirque moderne vantant les produits industriels. Une foire-exposition itinérante ethumoristique. Une concrétisation du rêve populaire d’abondance. » 25 Les slogans marquentla population et les objets publicitaires et autres échantillons gratuits font de cette caravaneune attraction nouvelle et rencontre le succès escompté.

L’idéologie de gauche s’oppose alors au mercantilisme de l’épreuve. Mais voyant lesuccès que le Tour de France remporte auprès des classes populaires, électorat des partisde gauche, la Grande Boucle est ignorée par une partie des élites de gauche. Seul leParti Communiste critique ouvertement le côté publicité de l’épreuve tout en magnifiant lesexploits de « ces coureurs du peuple ».

Le front populaire et les congés payésLe véritable événement qui va propulser le Tour de France dans la mémoire collective

populaire et surtout dans l’idéologie de gauche est incontestablement le Front Populaire etl’apparition des congés payés.

L’Année 1936 est une année exceptionnelle en France. Elle « reste dans la mémoirecollective une de celles qui gardent longtemps après pour tous, héritiers ou détracteurs, unesignification irréductible. » 26 Pour l’idéologie collective de la gauche, le Front Populaire estsynonyme de fête. L’élan populaire est célébré et on retient l’enthousiasme de la populationet les réformes accomplies, dont la mise en place des congés payés. Suite aux accordsde mai 1936, les classes populaires de France découvrent avec joie les vacances et avecelles les loisirs. La bicyclette est immédiatement assimilée à cet événement. En effet unepartie des nouveaux vacanciers utilisent le vélo pour échapper à la ville et se rendre à lacampagne, sur les côtes ou à la montagne. Les routes voient donc surgir un flot de cyclistespartant en vacances.

24 Jean Touchard – La gauche en France, coll. Points Histoire, le Seuil, Paris, 197725 Le Tour de France et le Vélo, op.cit. p 2726 René Rémond – le XXe siècle – coll. Livre de Poche - Histoire, éd. Fayard, Paris, 1996

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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Le Tour de France bénéficie en premier lieu de la mise en place des congés payés. Eneffet le public afflue en masse sur les routes de la Grande Boucle. Dès cette époque le Tourde France intègre l’idéologie de gauche. Le journal communiste l’Humanité tente même detransformer alors le Tour en une tribune politique et un instrument de propagande à traversnotamment à la chronique de Pierre Mars intitulée « le Tour de France du Front Populaire ».

Le journal l’Auto quant à lui ne traite pas des événements politiques français respectantainsi sa ligne éditoriale, réaffirmée après 1918, prônant l’apolitisme. Les journalistes nefont donc pas mention de l’afflux du public sur le bord des routes qui vont donner au Tourcette notion de vacances et de tourisme. Pas de commentaires donc, et refus de touterécupération politique pendant ce Tour de France 1936.

Après la création politique du journal l’Auto, le Tour de France, qui est créé avant toutdans un but commercial, est imprégné de l’idéologie de son créateur, Henri Desgrange.Homme de droite, patriote voire nationaliste, admirateur de Napoléon et sensible à l’idée derégénérescence de la Nation, le rédacteur en chef du journal jaune (ainsi appelé à causede la couleur du papier sur lequel il est imprimé) partage les idée de Barrès, écrivain maissurtout défenseur de la droite nationaliste.

Le Tour de France véhicule donc à l’origine ces valeurs, malgré l’apolitisme affiché dujournal l’Auto. Cependant l’événement prend une telle importance que très vite il échappeà ses organisateurs. Populaire, le cyclisme, par le biais notamment de la Grande Boucle,s’inscrit dans la mémoire collective de la population française. Ainsi, le Tour de France etla bicyclette se retrouvent ancrés dans les idéologies de la droite et de la gauche, chacunedes parties voyant dans cette épreuve une traduction de ses valeurs :

1. A droite, la course représente un modèle pour la jeunesse, et le parcours montre la« France éternelle » au peuple français.

2. A gauche, la Grande Boucle est d’abord célébrée non pas en temps que telle, ce sontles coureurs, issus du peuple, qui par leurs efforts sont salués comme des « travailleurs »sportifs. Ensuite, avec l’engouement de la population renouvelé suite à la mise en placedes congés payés, la gauche voit dans la bicyclette un moyen de transport égalitaire (caraccessible à tous) qui rend autonome la population, mais aussi une traduction des vacancesdu mois de juillet. Cette vision du Tour de France comme grande fête nationale liée auxcongés payés est, elle, partagée par l’imaginaire collectif français.

Le Tour de France permet donc une transcendance des clivages politiques, il estrécupéré à droite comme à gauche mais reste avant tout autonome, chacun voyant à traverslui ce qu’il veut bien voir…

Chapitre 3 : la seconde guerre mondiale, la fin du Touret la collaboration

La France entre en guerre le 3 septembre 1939, suite à l’invasion de la Pologne parl’Allemagne nazie. Contrairement à l’enthousiasme - principalement dans les grandes villes- qu’avait suscité la déclaration de guerre de 1914, la population française craint cette fois-ci l’affrontement. En effet les mentalités ont évolué depuis le début du siècle. Tout d’abordla Première Guerre Mondiale, son nombre de morts et les dégâts engendrés par celle-ci onttraumatisé l’opinion française. De plus, contrairement au déclenchement de la guerre de

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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1914-1918, on voit venir la Deuxième Guerre Mondiale. Alors qu’une partie de la populationaffiche un pacifisme démesuré, qui la rend prête à accepter une alliance avec l’Allemagnepour éviter la guerre, l’autre partie voit dans l’agression de la Pologne la dernière chanced’arrêter Hitler et l’expansion du IIIe Reich.

Suite à la signature du pacte germano-soviétique, en date du 23 juillet 1939, le PartiCommuniste Français est interdit, et les journaux l’Humanité et Ce Soir sont suspendus.Commence alors la « drôle de guerre », basée sur une stratégie défensive de l’Etat-majorfrançais. Derrière la ligne Maginot, les troupes françaises et britanniques attendent pendantpresque un an des mouvements de troupes hostiles.

Le 10 mai 1940, l’offensive est déclenchée côté allemand et la Wehrmacht envahitsans déclaration de guerre les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, tout en préparantl’ouverture d’un second front, dans les Ardennes. Pris en tenaille, les troupes franco-britanniques doivent se replier sur les côtes du nord de la France. Une partie des troupesest rembarquée à Dunkerque. Côté gouvernement, Paul Reynaud, le président du Conseil,a prévu de donner sa démission le 10 mai. Il doit y renoncer mais remplace au ministère dela guerre le général Gamelin par le général Weygand. Il nomme aussi le maréchal Pétaincomme vice-président du Conseil.

En juin, les troupes françaises sont en débâcle, la campagne de France semble perdueet la question de l’armistice se pose. Une majorité du Parlement se rallie à cette idée etPétain, nommé Président du Conseil, obtient les pleins pouvoirs. Le 17 juin il demande l’arrêtdes combats. Le lendemain un général alors inconnu – le général de Gaulle – lance unappel, depuis Londres, à continuer le combat. L’armistice est signé le 22 juin à Rethondes,comme en novembre 1918. C’est le début des « années sombres ».

La France est en partie occupée, et la zone libre, au sud, voit se mettre enplace l’administration de Vichy. La résistance est alors embryonnaire, et commenceravéritablement à prendre de l’ampleur et à s’organiser à partir de 1941…

1 - l’Auto dans la guerre

A) le journal et le début de la guerre, 1939 - 1940

Le 30 juillet 1939 s’achève le 33e Tour de France, remporté par le Belge Sylvère Maes.Dans l’édition du 2 Août de la même année le journal l’Auto, sous la plume de son rédacteuren chef, Henri Desgrange, annonce le parcours du Tour de 1940. Cette course n’aura bienévidemment pas lieu. Le 3 septembre la France entre en Guerre contre l’Allemagne. Alorsque la « drôle de guerre » commence, le journal l’Auto se transforme en l’Auto-Soldat pourhuit moisà partir du 16 septembre. Jacques Goddet explique cette nouvelle dénominationdans l’éditorial du premier numéro, intitulé le « Grand Match », deuxième du nom, aprèscelui de Desgrange en août 1914 :

« Nulle âme n’est demeurée la même, nulle existence n’a suivi calmement soncours. Alors, l’Auto pouvait-il rester immuable ? L’Auto s’est adapté. Nous voicile ceinturon bouclé… Nous accordons la priorité à la lutte pour l’indépendancehumaine. Nos premières colonnes et plusieurs de nos pages sont consacrées àla croisade des hommes libres… jusqu’à la victoire que nous saurons ensembleacquérir. »

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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La plupart des journalistes rejoignent leurs unités, comme Jacques Goddet, membre d’uneunité du génie, est en cantonnement à Luisant, dans la Beauce. Mais l’Auto continue deparaitre, même si le sport est loin des préoccupations de la population française. HenriDesgrange, malade, ne dirige plus guère le journal qu’il a créé. Les mois passent, la guerrearrive sur le territoire. Le 16 juin 1940, à la demande du maréchal Pétain, les troupes del’armée française arrêtent le combat. Liant son « destin » à celui de la France, le vieuxsoldat est salué le lendemain dans l’éditorial de l’Auto sous le titre « l’appel aux sportifs ».Ce dernier est non signé27 :

« Devant cette décision qui n’a été prise certainement qu’après longues, amèresdiscussions, après avoir retourné en tous les sens les données du problème,après avoir pesé fiévreusement toutes les chances possibles qui s’offraientencore à nous, les sportifs s’inclinent douloureusement. Mieux que les autres, ilsont compris quel atroce calvaire a dû, dans cette nuit de cauchemar de dimancheà lundi, gravir cet extraordinaire vieillard qui conserve en sa mémoire la visionéclatante de tant d’épopées, de temps de labeurs triomphants. Mieux que tousles autres, ils savent s’incliner devant le courage malheureux, devant l’injusteadversité. La rude école du sport leur a appris à apprécier à son intense valeurla force qu’il faut pour regarder la vérité en face, quelle qu’elle soit, et pour sesoumettre à ses conséquences. Et cette force doit être d’autant plus immenseque les espérances avaient été formidables. Aujourd’hui, les dents serrées, ilsobéissent, ils se taisent, ils attendent. A eux de donner l’exemple, à tous lesfaibles, à tous les pusillanimes que le malheur abat comme de pauvres pantinsdisloqués. A eux de montrer que le sang-froid, le silence doivent être les vertuspremières de tous les français en ces heures de fièvre. A eux de rendre auxdécouragés la volonté de faire taire les braillards, de consoler ceux qui ont toutperdu. »

On est encore loin de la célébration de la « Révolution Nationale » mise en place par lerégime de Vichy, et comme dans la majorité des titres parisiens et provinciaux de l’époque,l’Auto voit dans le maréchal Pétain le héros de la première guerre mondiale et l’homme quirassure.

Henri Desgrange, déjà affaibli, ne supportera pas de voir, lui le patriote, son payss’effondrer et occupé par « ces salauds de prussiens ». Il décède le 16 août 1940 sur la Côted’Azur où il se trouvait. Beaucoup de monde s’est demandé ce qu’aurait fait Desgrange s’ilavait été encore en vie concernant le régime de Vichy, la Révolution Nationale de Pétain etla collaboration avec l’Allemagne Nazie. Mais pas d’histoire fiction… C’est Jacques Goddetqui se retrouve à la tête du journal l’Auto. C’est donc lui qui rédige la nécrologie de celuiqu’il considère comme son père spirituel. Jacques Goddet et le fils cadet de Victor Goddet,le trésorier du journal lors de sa création qui dirigeait avec Desgrange la société du Parcdes Princes. Propriétaire de la majorité des actions, qu’il lègue à sa mort à son fils ainéMaurice, qui dirige alors le Conseil d’Administration. Il devra par la suite céder ses parts àGeorges Patenôtre. Jacques Goddet est lui journaliste au journal et progressera échelonpar échelon, même s’il est désigné comme le successeur de Desgrange…

Alors que les français sont sur les routes fuyant le front, les documents et une partiedu personnel du journal l’Auto restant à Paris émigrent vers Lyon. Ils s’installent dans les

27 Cf la république du Tour de France, op.cit. p 15 Dans cet ouvrage les auteurs attribuent cet article à Charles Faroux, le chroniqueurde la rubrique automobile.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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locaux de Lyon Républicain, dont le propriétaire est Patenôtre, l’actionnaire majoritaire du« Jaune ». Jacques Goddet se retrouve donc à la direction du journal. Il estime impossiblela poursuite de la publication de l’Auto à Lyon et décide de remonter à Paris, dès septembre1940. Le Journal créé par Henri Desgrange est l’un des premiers à revenir de la zone sud(zone délimitée suite à l’armistice de Rethondes) pour retrouver ses bureaux à Paris. Goddets’en explique dans ses mémoires :

« Ils [son père et Desgrange] auraient continué eux, cela me paraissaitcertain. […] Je voulais croire à la religion sport. Et, pour me fortifier dans mesrésolutions, tombaient de Paris des appels, des prières même. Les quelqueséléments qui se regroupaient dans les fédérations sportives réclamaientexpressément, auprès d’eux, la publication du journal quotidien grâce auquelon recréerait les activités qui semblaient pouvoir être salvatrices, capables deredonner des impulsions, certaines raisons d’agir, au monde juvénile du sportfrançais. Et à coup sûr, si ce n’était pas nous, mon ‘équipe’ (et oui, déjà !) qui

regagnions notre place, elle serait prise par d’autres… » 28

A Paris la situation est étrange. Les journaux qui continuent de publier voient apparaitredes hommes de main mis en place par les Allemands, mais aussi de nouveaux titres,toujours sous contrôle nazie. En effet, pour pouvoir publier un journal, il faut l’autorisationde l’administration allemande, la Propaganda-staffel, le service qui dirige l’ensemble dela presse dans la zone occupée, et qui par conséquent gère la propagande en faveur del’occupant.

L’Auto ne déroge pas à la règle. Après avoir demandé l’autorisation de publier denouveau le journal jaune, Jacques Goddet apprend que l’actionnaire majoritaire, RaymondPatenôtre, a vendu ses parts, par le biais d’Albert Lejeune, son bras droit réfugié aux Etats-Unis, à un groupe industriel allemand…

B) le journal et la collaborationJacques Goddet obtient donc l’autorisation de la Propaganda-staffel de reparaître. Trèsvite, on voit publier dans les colonnes du journal des communiqués venant des autoritésallemandes, notamment dans la rubrique « savoir-vite ». De plus, une partie des journalistesde l’Auto – dont Jacques Goddet – sont clairement maréchalistes.

Le journal, une nouvelle fois, rompt avec l’apolitisme. Mais ce rattachement du journaljaune à l’idéologie pétainiste était-elle prévisible ? Rappelons qu’en 1930, Jacques Goddet,jeune journaliste réalise une interview exclusive de Mussolini. Il affirme dans ses mémoiresque ce n’est que « la forte personnalité du Duce et ses convictions sur les bienfaits de l’actionsportive » qui l’avaient impressionné. Autre cas, en 1936, le responsable de la rubriqueautomobile, Charles Faroux, donnait en exemple au gouvernement du Front Populairel’exemple de l’Allemagne nazie en matière d’industrie automobile. Il récidive une nouvellefois dans les colonnes du journal en écrivant que « la renaissance industrielle allemande etle développement colossal de ses productions, dans tous les domaines, ont coïncidé, dansleur démarrage, avec l’arrivée au pouvoir de cet homme extraordinaire, Hitler ». Ceci estécrit avant le déclenchement de la guerre et la défaite française. Cependant il écrit toujoursdans l’Auto du 14 juin 1940 alors que les troupes françaises sont en débâcle, en parlantde Mussolini dont il est un admirateur (lui aussi): « l’intelligence est hors de cause et [le]caractère de bonne trempe. Incontestablement séducteur ! » Alors que dire encore de cette

28 Jacques Goddet – l’équipée belle, collection ‘Vécu’ – éd. Robert Laffont-Stock, Paris 1991

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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phrase issue d’un article publié le 3 août 1940 : « Ce dont il s’agit pour l’Allemagne et laFrance est de trouver au plus vite des bases économiques durables, respectant les intérêtsvitaux des deux nations. C’est à ce prix seul que l’Europe connaitra la paix pour longtemps. »

Le journal l’Auto ne semble pas hostile à la collaboration avec l’Allemagne nazie.Cependant cela est plus compliqué. Il est indéniable que Jacques Goddet soit maréchaliste.Il accepte de publier des communiqués allemands dans l’Auto, qui est un journal sportif(mais la rubrique « savoir-vite » existait avant la guerre et avait été créée pour contrer lejournal d’obédience communiste Ce Soir qui laissait une large part à sa rubrique sportive).Ce soutien au maréchal Pétain ne concerne pas seulement l’aspect sportif de la RévolutionNationale du régime de Vichy, révolution prônant le thème de la « régénérescence » de lanation française, sujet cher, nous l’avons montré, au journal l’Auto…

Quelques exemples sortis des articles publiés dans ses colonnes :1. 4 novembre 1940 : « En 1940, la France commence une autre vie. Le maréchal va

lui donner un bain de purification »2. 7 novembre 1941 : « Quand le maréchal a fait don de sa personne à la France, il

a pris comme devise symbolique trois mots qui doivent caractériser l’avenir : patrie, travail,famille. Chacun d’entre nous doit se pénétrer de cette devise. »

3. 19 novembre 1941 : « Non, mille fois non ! Le procès de Riom n’est pas politique.Dans l’esprit du maréchal, il s’agit de punir ceux qui ont commis des fautes, or un procèspolitique est un procès à tendance et le maréchal Pétain entend faire justice, rien d’autre. »

Emile Besson, journaliste communiste et résistant pendant la guerre, a un avis trèstranché sur Jacques Goddet :

« Deux conclusions. La première c’est que Jacques Goddet, dans ses écrits,s’est longtemps réclamé du maréchal Pétain. Il l’a fait avec un ton prudent, maisil l’a fait quand même ! La seconde, c’est que l’Auto a scrupuleusement publiétous les communiqués de la propagande nazie ! Je peux vous montrer certainesunes qui sont sans équivoque. Par exemple où l’on informe les lecteurs que ledénommé ‘Henri Honoré d’Estienne d’Orves’ a été fusillé ce matin même pour

espionnage… » 29

Jacques Goddet et son journal l’Auto semblent bien avoir collaboré pendant l’Occupation,que ce soit avec les autorités allemandes pour lesquelles le journal jaune a accepté depublier les communiqués de la Propaganda-Staffel (même si cela était alors obligatoire pourcontinuer à paraître), ou bien avec le régime de Vichy, le journal faisant l’éloge de sonchef, le maréchal Pétain. Pour Jacques Goddet, « l’histoire ne devra pas confondre, à monavis, Pétain et Vichy, les vraies intentions patriotiques du vieux soldat avec l’action politiquemenée par le’gouvernement’ en place, surgi du gouffre. » 30

2 - les simulacres de tours

A) le circuit du Tour de France

29 Christophe Penot – J’écris ton nom Tour de France, collection Grands Témoins – éditions Cristel – Saint Malo 200230 L’équipée belle, op.cit. p 37

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Car si Jacques Goddet soutient bien le vainqueur de Verdun, il n’en est pas moinscritique envers les autorités de Vichy, et plus particulièrement avec le commissariat généralà l’éducation générale et aux sports. Cette administration est dirigée par le tennisman JeanBorotra, ami de la famille Goddet. Cela n’empêche pas le rédacteur en chef de l’Auto des’opposer à la politique mise en place qui réduit la liberté des associations, notammentsportives et s’attaque au professionnalisme dans le sport. Les relations entre les deuxhommes vont se détériorer a tel point que Borotra hésitera même à faire arrêter Goddetpour opposition à la politique de Vichy. Les tensions s’amplifieront encore lorsque Borotrasera remplacé par le colonel Pascot.

Parallèlement à cela, les autorités allemandes veulent voir réorganiser le Tour deFrance, symbole de normalité dans la France occupée. Les Allemands ont même promisd’autoriser le passage de la zone occupée à la zone libre, et aussi de fournir le ravitaillementnécessaire – Vélos, pneus, carburant et alimentation pour les coureurs et suiveurs – afinque la Grande Boucle revoit le jour. De plus, le régime de Vichy encourage lui aussi la remisesur pied de l’épreuve. Jacques Goddet refuse alors cette proposition, qui pour lui est unevéritable compromission :

« Mon acte de résistance le plus marquant, à mon sens, fut un acte négatif : lerefus d’organiser, en ces temps de mensonge et de faux-semblant, le Tour deFrance. C’était l’idée des allemands de trouver des occasions à retentissementpublic pour laisser croire au monde entier que la vie française était normale sousle régime d’occupation, que les français restaient paisibles, concernant leursrites les plus traditionnels. Alors imaginez, le Tour de France, fête populaire,

symbole d’une nation heureuse, délivrée de ses soucis ! » 31

Ici encore on constate l’importance symbolique du Tour de France dans l’imaginaire français.Le Tour de France, c’est « la paix de juillet ». Et il faut rappeler que la course n’a pas eu lieuseulement en période de crises graves, c'est-à-dire pendant la Première Guerre Mondiale,

31 L’équipée belle, op.cit. p 37

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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et en 1940 et 1941. Les autorités allemandes désirent donc montrer que l’occupation en1942 n’est pas trop rude voire même relativement bien acceptée par la population française.Le rédacteur en chef de l’Auto refuse donc les appels du pied des forces allemandes. Et c’estl’ancien « favori » de Desgrange, Jean Leulliot, ex-journaliste à l’Auto, alors responsable dela rubrique des sports du journal la France Socialiste, qui saute sur l’occasion par ambitionpersonnelle. Soutenu par l’Allemagne nazie et le régime de Vichy, il entreprend d’organiserune course ressemblant au Tour de France. Il la baptise « le circuit de France », c’est lapremière copie du Tour. L’épreuve se déroule du 28 septembre au 4 octobre 1942 : sept joursde course et 1515 kilomètres (il devait faire 1650 km au départ mais fut raccourci) plus tard,l’événement s’avère être un échec et le Circuit ne sera pas reconduit les années suivantes.Dans ses mémoires, Jacques Goddet ne semble pas en tenir rigueur à Leulliot : « De toutévidence, et sans le savoir, vous me délivriez définitivement de cette contrainte qui pesaitsur moi : je n’avais plus à me dérober pour organiser le Tour de France ! […] [C’est] pourquoi

je ne vous ai jamais, depuis, manifesté de rancune ? » 32 Il semble cependant que malgré

ce que dit Goddet, il en voulait encore à son ancien rival d’avoir tenté de récupérer le Tourpendant l’Occupation. Dans une série d’entretiens filmés, conservés aux archives d’AmaurySport Organisation mais, pour le moment, jamais rendu publique, Jacques Goddet auraitdéclaré que Leulliot aurait du être fusillé à la Libération…33

B) les classements de l’AutoCependant, si le journal jaune n’organise pas le Tour de France, Jacques Goddet ne peutlaisser un autre tenter de subtiliser le bien hérité de Desgrange, et tente donc d’entretenirla légende de la course.

Comment ? Il lance un référendum dans l’Auto et demande aux 100 000 lecteurs quelscoureurs ils auraient vu dans l’équipe de France si le Tour de France 1942 avait eu lieu.Ce sondage permet de mobiliser le lectorat tout en revendiquant la légitimité du Tour deFrance. Fort de cette expérience, le journal organisera la « course du Tour de France » parpoints. En tenant compte des résultats des huit courses cyclistes organisées par l’Auto, (ilfaut ici rappeler que les courses par étapes sont interdites à partir de 1943) un challengedésignait le vainqueur du Grand Prix du Tour de France, c'est-à-dire le coureur le mieuxclassé. Donc à défaut d’organiser une course à étapes, l’organisateur de la Grande Bouclecontinue cependant de mettre sur pied les autres courses cyclistes comme Paris-Roubaix…Le Grand Prix du Tour de France sera de nouveau organisé en 1944, mais sera interrompul’année suivante pour cause… de Libération.

3 - le journal et la question de la résistanceDans un entretien avec Christophe Penot, Pierre Chany, sans doute l’un des plus grandsjournalistes sportifs, qui fut résistant, a déclaré concernant Jacques Goddet :

« Je ne veux pas juger Jacques Goddet. Ce n’est pas mon rôle. Ce n’est mêmepas mon droit ! Mais à ceux qui voudraient le salir, je voudrais, moi, répondrececi : Jacques Goddet n’a donné personne. Jacques Goddet, pendant la guerre,a exploité son affaire, a fait tourner sa boutique. D’une certaine manière, c’est32 idem33 Réf : entretien avec Jacques Marchand, in j’écris ton nom Tour de France, op.cit. p 37. A noter que l’existence de cette cassettea été confirmée par d’autres personnes.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

30 Demouveaux Gautier - 2007

sûr, il était passif vis-à-vis de l’occupant. Mais il ne l’était pas moins que 98% des

français en 1940. » 34

Comment qualifier l’attitude du rédacteur en chef de l’Auto et le fait que le journal ait continuéà publier, en 1940 en zone occupée, et après 1942, lorsque l’Allemagne occupa aussila zone sud ? L’intéressé déclare dans ses mémoires qu’il n’avait pas le choix : « Chefd’entreprise, j’avais charge d’âmes. Et de corps. » 35 Jean-Luc Bœuf et Yves Léonard dans

leur livre la République du Tour de France 36 décrivent Goddet comme « un français de

l’an 40 » : soutenant le maréchal Pétain mais hostile aux « excès » du régime de Vichy,opposé à l’Occupant – il menace de renvoyer le représentant du régime nazi mis en placepar la Propagada-Staffel – l’homme Goddet n’est rien d’autre qu’une personne essayantde traverser la période troublée sans se faire remarquer. Il l’avouera même à l’un de sesconfrères, bien des années plus tard : « Et puis, savez vous ce que c’est que la peur ?Nous avions peur ! J’ai fait parti de cette génération qui a eu peur. Que voulez vous fairecontre ça ? » 37

« L’alibi » du réseau ?Jacques Goddet n’a pas été inquiété à la Libération malgré son maréchalisme.

Cependant l’Auto est interdit, nous le verrons, et les biens du journal sont placés sousséquestre.Dans ses mémoires, le rédacteur en chef du « jaune » exprime sa joie de seretrouver dans les réunions d’anciens résistants et « reste fier d’appartenir au réseau

Alibi… » 38 . Drôle de nom pour un mouvement de résistance. Certains affirment qu’il

porte bien son nom et qu’il permit au directeur du journal une « couverture » pour laLibération. Mauvaises langues ? Il est impossible de vérifier, puisque le bateau qui rapatriaitles archives du Conseil National de la Résistance s’est abimé en mer lors de la traverséede la Manche. L’organisme demanda alors aux réseaux de lister de nouveau, sur l’honneur,leurs membres… Goddet s’est-il retrouvé à cette occasion sur la liste du fameux réseau« alibi » ? L’histoire ne le dit pas. Mais y a-t-il eu une résistance au sein des locaux dujournal ? La réponse est oui. Goddet était-il au courant ? Encore affirmatif. Si le patron del’Auto n’a pas pris une part active à la lutte contre l’Occupant, il n’en a pas moins laissé faireses employés, en les aidants même parfois. Dans ses mémoires il cite les noms de cesrésistants : Jean Laffite, le secrétaire de rédaction, membre de « Libération-Nord », PatriceThominet, administrateur de l’Auto était lui membre du comité directeur du réseau « Ceuxde la Libération-Vengeance », ou encore Roger Roux, chef du service de composition, quiimprimait des tracts et autres journaux résistants…

C’est aussi pendant l’occupation que Goddet rencontre des « personnalités » de larésistance comme Emilien Amaury qui est alors l’un des chefs du groupe de résistance« organisation civile et militaire » et qui se retrouvera à la libération à la tête du journal leParisien Libéré. Que se faisait-il au 10, rue du faubourg Montmartre ? Impression d’affiches,de tracts et de journaux, nous l’avons dit, mais aussi réalisation de faux-papiers. Une boite

34 Christophe Penot – Pierre Chany, l’homme aux 50 Tours de France, collection Grands Témoins, éditions Cristel, Saint

Jean le Blanc 199635 L’équipée belle, op.cit. p 3736 La République du Tour de France, op.cit. p 1537 J’écris ton nom Tour de France, op.cit. p 37, dans l’entretien avec Philippe Brunel

38 L’équipée belle, op.cit. p 37

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1ère Partie : le Tour de France : une création politique

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aux lettres – lieu de passage permettant la réception de messages, la tenue de réunion…– avait aussi été créée à l’adresse du journal l’Auto.

Conclusion de la première partieLe Tour de France, créé en 1903, prend assez vite son indépendance vis-à-vis deses organisateurs. Ainsi, la Grande Boucle transcende les clivages politiques et chacuntrouve en lui ce qu’il veut. L’Auto, journal organisateur du Tour de France, est clairementd’obédience barrésienne, proche de la droite nationaliste. Et jusqu’en 1945, cela seconfirme : patriotisme exacerbé, fascination pour les régimes totalitaires dans les années1930, et enfin soutien au maréchal Pétain. Mais le Tour de France a aussi une facetteopposée à cette idéologie de droite. En effet, les partis de gauche, et notamment leParti Communiste Français, après quelques hésitations dues à l’origine de l’événement,célèbrent très vite ceux qui font la course, les coureurs et le public.

En 1945, il est clair que le Tour de France, qui appartient pourtant au journal l’Auto,s’est inscrit dans la mémoire collective française en temps que patrimoine national. Il estrevendiqué alors par la gauche et par la droite. Et les événements de 1939-1945 vontredistribuer les cartes. Plusieurs journaux vont tenter de récupérer la Grande Boucle. Unelutte entre les titres communistes et gaullistes va durer pendant un an et demi, le tout dansun climat politique qui évolue pendant cette période. Au final, c’est l’avenir du Tour et lemonopole dans la presse sportive dans le paysage de la presse française qui sont en jeu. Onpeut parler ici de la prolongation des luttes d’influence qui ont eu lieu au sein de la résistancependant la guerre : une résistance de gauche contre une résistance de droite, ayant pourbut la même chose, libérer le territoire, mais avec une idéologie totalement différente… Lesmouvements de résistance arriveront à s’unir après de nombreuses concessions de part etd’autres, et à la Libération une unité de façade sera présentée, mais volera très vite en éclat.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

32 Demouveaux Gautier - 2007

2ème partie : la lutte autour de laréorganisation du Tour de France à laLibération, 1944-1947

Chapitre 1 : la renaissance de la presse sportive et laquestion du Tour

Juin 1944 – Après quatre ans d’occupation, les armées alliées débarquent en France etcommencent la libération du territoire, avec l’aide de la résistance intérieure. Contrairementà l’armistice de 1918, où les combats ont cessé en un seul jour, la Libération a étéprogressive. Le 6 juin les troupes alliées débarquent en Normandie, le 25 août Paris estlibéré. La France redevient souveraine et passe du côté allié avec la reconnaissance dugouvernement provisoire de la République Française créé à Londres par de Gaulle et qui semet en place par la suite à Alger. Le pouvoir de Vichy, lui, est désavoué et se désagrège trèsvite. Le maréchal Pétain est en fuite, il se trouve en Allemagne avec les derniers membrescollaborationnistes du gouvernement de l’Etat Français.

Sur tout le territoire l’épuration a commencé. Les résistants et la population se venge– parfois avec excès et sans autre forme de procès – sur les personnes désignées (à tordou à raison) comme des collaborateurs. Le gouvernement provisoire tente de réguler cetteflambée de violence spontanée et interdit le lynchage populaire. Des tribunaux spéciauxsont mis en place dans les départements, suite à la promulgation des ordonnances d’Alger.Ainsi, dirigeants politiques, fonctionnaires, entrepreneurs, artistes, journalistes, etc. sontjugés, les sentences allant de la relaxe à la peine de mort. Entre septembre 1944 et avril1945, 160 000 personnes sont emprisonnées, environ 36 000 seront relâchées quelquesjours après leur arrestation. 160 287 dossiers seront traités et 73 501 non-lieux prononcés.26 289 seront condamnés à de la prison, 13 211 à des travaux forcés et 7037 recourrontla peine maximale : la mort. Les deux tiers des condamnés à mort sont en fuite. Aufinal, seulement 767 personnes seront vraiment exécutés.39 L’épuration professionnelle,elle, ordonnera des peines allant de l’interdiction de travailler à la révocation, dans lesadministrations publiques mais aussi les personnes morales, c'est-à-dire les entreprises quiont collaboré d’une manière ou d’une autre avec les Allemands…

1 - le journal l’Auto est interdit

A) l’épuration dans la presse39 Cf. Le XXe siècle, op.cit p 32

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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L’ordonnance du 6 mai 1944 promulguée par le gouvernement provisoire de la RépubliqueFrançaise prévoit l’épuration dans la presse. En effet, tous les journaux ayant continuéà paraître sous l’occupation sont interdits de reparution. Une nouvelle ordonnance vientconfirmer cette mesure le 30 septembre 1944.

Deux dates sont retenues : sont touchés tout d’abord les journaux qui sont parus aprèsle 25 juin 1940 dans la zone nord, puis ceux qui ont continué à publier après que lesAllemands aient occupé l’ensemble de la France, le 11 novembre 1942. La date choisie pourla deuxième période sera le 26 novembre 1942, permettant au journal le Figaro de sauversa peau, après que ce titre se soit sabordé à cette date. C’est le seul journal qui a continuéà sortir sous l’Occupation qui sera autorisé à reparaître après la guerre. Quoi qu’il en soit,les titres sont interdits et leurs biens – bureaux et autres – sont confisqués. Ces dernierssont redistribués à la presse clandestine résistante.

La situation de la presse française est alors tout à fait inédite. On voit la majorité destitres d’avant-guerre disparaitre. Il y a un véritable renouvellement du paysage éditorialfrançais, les journalistes collaborateurs étant remplacés par des hommes issus de larésistance, qui à l’époque ne sont pas forcément journalistes. De nombreux titres issus dela lutte clandestine sortent enfin au grand jour. Cependant très vite le pays se retrouve enpénurie de papier, et le nouveau ministère de l’information ordonne alors la suspensionde publication de certains des nouveaux journaux, autorisant seulement la parution desjournaux d’information générale.

B) le cas de l’AutoSi Jacques Goddet n’est pas inquiété à la Libération, son journal est interdit dès le 17 août1944, et ses biens sont mis sous séquestre. En d’autres termes, si Goddet est libre, l’Autone peut plus paraître pour cause de collaboration, et son siège, le 10, rue du faubourgMontmartre est saisi, comme l’ensemble des licences d’organisation des épreuves sportivesappartenant au journal. Le Tour de France fait parti de ces biens.

Le rédacteur en chef du « jaune », persistait dans ses mémoires, publiées en 1991, àqualifier ce procédé comme étant injuste « lorsque, comme se fut le cas, les propriétairesavaient été eux-mêmes spoliés par les occupants et exclus, dès le premier jour de

l’occupation, de leur propre maison. » 40 Mais il faut rappeler que le journal l’Auto était

passé sous le contrôle allemand puisque la majorité des capitaux du titre appartenait alors àun groupe industriel germanique. De plus, l’interdiction du journal ne visait pas directementGoddet – même si ce dernier passait aux yeux d’une partie de la résistance (particulièrementcelle de gauche) pour un traitre collaborateur – comme le montre le cas de la société duParc des Princes. Cette entreprise, dont Goddet était copropriétaire, possédait l’ensembledes vélodromes parisiens. Elle n’a pas été placée sous séquestre à la Libération, alors quec’est elle qui possédait le Vélodrome d’Hiver, plus connu sous le nom de Vel d’hiv, qui esttristement passé à la postérité non pas pour ses courses cyclistes mais pour la rafle de lapopulation juive de Paris organisée à l’initiative de la police française… Bien entendu cebâtiment avait été réquisitionné et les propriétaires ne pouvaient, même s’ils l’avaient voulu,s’opposer à ce que l’enceinte du vélodrome ne serve à parquer les personnes arrêtées.

Jacques Goddet a cependant des projets pour la Libération. Dans ses mémoires ilrappelle qu’il avait participé à la formation du capital d’un journal - Carrefour, mis sur piedpar Emilien Amaury - qui verra le jour dès fin 1944. Mais le patron de l’Auto interdit dépose

40 L’équipée belle, op.cit. p 37

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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un recours pour récupérer son titre, avant d’en être dissuadé par Amaury, qui lui conseillede changer le nom, le titre de l’Auto étant alors trop sulfureux. Il commence donc son étudepour une nouvelle formule de journal. Le premier titre envisagé est Vitesse. Le temps passeet seuls les journaux d’information générale sont autorisés à paraître.

2 - Une ère nouvelle pour la presse sportive en France

A) La renaissance des journaux sportifsLa situation est plus inédite pour la presse sportive en France. En effet, plusieurs titresattendent l’autorisation du ministère de l’information pour sortir. Avant guerre un seul journalsportif quotidien existait, c’était l’Auto d’Henri Desgrange. Le journal résistait à l’apparition dela radio et de la concurrence des journaux de presse quotidienne généraliste, dont certainsavaient une rubrique des sports fortement développée. De plus, les journaux paraissant lesoir pouvaient publier les résultats de l’étape le jour même, enlevant l’exclusivité au journaljaune. Cependant l’Auto avait son lectorat et organisait la majorité des événements sportifs,dont les épreuves cyclistes et en particulier le Tour de France.

A la Libération, l’Auto est interdit et plusieurs équipes de rédaction se créent. Trois titresvont voir le jour : Sports, Elans et l’Equipe. Le premier n’est autre que le journal sportif dela résistance, d’obédience communiste. Ce journal, alors intitulé Sport Libre, « l’organe dessportifs antinazis », est créé en 1944. Il est obligé par le ministère de l’information d’arrêterde publier en juin 1945 à cause du manque de papier. Sports veut récupérer les locaux del’Auto et voit d’un mauvais œil la mise en place d’une rédaction avec les anciens membresde ce titre. L’équipe de Sports compte de jeunes journalistes issus de la résistance commeJacques Marchand ou Pierre Chany, qui deviendront des références dans le paysage dela presse sportive par la suite. Mais cette équipe de rédaction comporte aussi des anciensjournalistes du journal l’Auto comme Jacques Blondel ou Albert Baker d’Isy.

De son côté, Jacques Goddet ne reste pas inactif et après avoir renoncé à ressortirl’Auto, recherche un nouveau titre pour son futur journal. Il compte d’abord intituler cedernier Vitesse, mais le mot figurait déjà dans le sous-titre du journal jaune, et s’il veut avoirl’autorisation de reparaître, il faut que son journal ne rappelle en rien son prédécesseur,pour éviter la filiation avec un journal interdit et pour éviter de fausser la concurrence. C’estpour cela que si Jacques Goddet est le directeur officieux du nouveau titre, il n’apparait pasau début dans l’organigramme du journal. Il raconte cette période dans ses mémoires :

« Le mot l’Auto, bien qu’il se fût mondialement imposé, possédait un sensterriblement restrictif pour un quotidien traitant de tous les sports. Néanmoins,il me paraissait nécessaire d’en évoquer le sens même afin de regrouper tousses lecteurs et de rejoindre sa notoriété mondiale. Vitesse fut choisi parce quela signification de ce vocable s’appliquait aussi bien à tout acte sportif qu’àl’automobile. Il figurait d’ailleurs en sous-titre de la manchette de l’Auto. Mais ils’avérait que d’autres candidatures pour la publication d’un quotidien de sport se

manifestaient. Le privilège de toute exclusivité était banni… » 41

Entre temps, le titre de Vitesse a filtré et est déjà considéré comme la suite de l’Auto. Goddetdécide donc, avec les membres de son équipe de rédaction qui sont restés à ses côtés,de nommer son journal, justement pour leurs rendre hommage, l’Equipe. L’idée de ce titre

41 L’équipée belle, op.cit. p 37

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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n’est pas de Goddet mais vient de l’imagination de Jacques May, ancien collaborateur deDesgrange qui rejoint les rangs de Goddet après les avoir désertés lors la guerre, pendantlaquelle il dut se cacher, étant juif. Goddet est soutenu par Emilien Amaury (qui vient d’hériterde l’Agence Havas et qui se retrouve patron du Parisien Libéré, journal qu’il a aidé à créerpendant la résistance), mais aussi de Pierre Luis Dreyfus, compagnon de la Libération, quisouhaite investir dans un journal de sport. Ce dernier offre donc une participation financièreet entre dans le capital de l’Equipe.

Un troisième titre se prépare alors. Sous le nom d’Elans, ce journal est créé par PierreSkawinski, ancien athlète. Ce dernier quotidien recrute aussi des anciens journalistes del’Auto.

Toutes les rédactions attendent le feu vert de l’administration pour paraître. Cette dateest sans cesse reportée par les différents ministres de l’information qui se succèdent, alorsque les journaux généralistes appellent de leurs vœux la sortie de ces quotidiens sportifs.Sports, le journal d’obédience communiste obtient finalement le premier l’autorisation desortir, le 23 février 1946. Il paraît une semaine avant les autres pour le récompenser d’avoirédité sous l’Occupation de manière clandestine. Elans et l’Equipe sortent eux le 28 février dela même année. Bien entendu, dès la sortie des trois titres, la concurrence est rude, d’autantplus que les compétitions sportives sont limitées. Les relations sont particulièrement tenduesentre Sports et l’Equipe, le premier accusant le second, nous le verrons, de n’être qu’unjournal de collaborateurs issus de l’Auto, interdit. Entre ces deux titres, qui sont marquéstous les deux plus ou moins politiquement, Elans tente de trouver sa place. Il n’y parviendrapas et très vite (après seulement 100 jours d’existence et 77 numéros) fusionnera avecl’Equipe.

Il est dit plus haut que Sports et l’Equipe sont alors plus ou moins marquéspolitiquement. Explication : nous l’avons vu, le premier titre est créé avec l’aide du PartiCommuniste Français. Le second est quant à lui proche des cercles gaullistes. N’oublionspas que Goddet entretient une tradition de droite et qu’il soutenait le maréchal Pétain. Al’époque, il a comme soutiens – dont certains sont actionnaires – des hommes partageantles idées du général de Gaulle, alors à la tête du gouvernement provisoire. Même si cetteinfluence est plus subtile, il n’en reste pas moins que ce journal peut être classé commeétant à droite de l’échiquier politique.

B) La question du Tour de FranceDès le début 1946, alors que le calendrier cycliste international se met en place, la presseannonce la tenue du Tour de France 1946. La licence d’organisation, encore sous lapropriété de l’Auto-Sports, la société gérant les organisations du journal l’Auto, est placéesous séquestre. Elle relève donc de l’administration des Domaines, chargée de gérerces biens, c’est donc cet organisme qui s’occupe de la question du Tour de France.Officiellement, le journal l’Equipe ne peut revendiquer cette organisation, puisque le titres’est engagé à ne pas faire transparaitre le moindre lien de filiation avec l’Auto. Le journalessaie bien de récupérer les biens sous séquestre mais se fait conspuer par la pressecommuniste, certains titres, comme Ce Soir, proposant même une organisation collégialede l’épreuve par l’ensemble de la presse sportive. C’est par le biais de la société du Parc desPrinces que Goddet va tenter de récupérer l’héritage de Desgrange. En effet, cette sociétéorganisait conjointement le Tour avec le journal l’Auto avant la guerre. La société obtientdonc de l’administration des Domaines la licence d’organisation. Reste alors à financer lacourse. L’Equipe ne peut pas revendiquer le patronage d’une épreuve marquée Tour deFrance. La société du Parc, dirigée officiellement par Charles Joly, (qui écrit dans l’Equipe),

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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et officieusement par Jacques Goddet, contacte Emilien Amaury pour que son journal, leParisien Libéré, accepte le patronage du Tour 1946. Entre temps, la Fédération Française deCyclisme (FFC) limite le nombre de jours pour les courses à étapes pour cause de problèmed’approvisionnement. En effet, la France fonctionne encore à l’époque avec les tickets derationnement. Les épreuves ne pourront donc pas dépasser 5 jours de courses. Très vitel’Equipe parle de Monaco-Paris, que le journal qualifie parfois de Tour de France réduit. Cedernier est toujours organisé par le Parisien Libéré, qui ne l’annoncera à ses lecteurs quefin mai 1946, soit à peine un mois et demi avant le départ de la course.

De son côté, Sports, après la requête du quotidien généraliste Ce Soir, préparel’organisation de la Ronde de France, qui se déroulera entre Bordeaux et Grenoble.C’est bien Ce Soir qui est à l’origine de l’épreuve, et le concours de Sports n’arrive quetardivement. Il est annoncé début juin alors que la course débute en juillet.

La Ronde de France

La Ronde de France se déroule donc entre Bordeaux et Grenoble, du 10 au 14juillet. L’épreuve se court par équipes de marques, comme le Tour de France avant 1930,mais l’organisation autorise ces marques à aligner deux équipes, l’une française et l’autrecomposée de coureurs étrangers. Ainsi 7 équipes françaises et 6 étrangères prennent ledépart.

Bien entendu le journal Ce Soir se réfère très vite au Tour de France. Ce quotidienorganise déjà d’autres courses cyclistes à étapes. En mai il met sur pied une nouvelleédition de Paris-Nice, première course par étapes organisée après la guerre. Cettemanifestation est bien entendu relayée dans les journaux sportifs l’Equipe et Sports. Lestitres communistes ne cessent de faire des parallèles avec les Tours de France d’avant-guerre, le but étant de prouver leurs capacités d’organisation et de briguer, pour l’annéesuivante, l’organisation du Tour.

Il est difficile de savoir comment s’est déroulée l’épreuve d’un point de vue technique,« l’histoire étant écrite par les vainqueurs ». A travers les articles de journaux d’époque :Ce Soir, Sports (les organisateurs), l’Equipe, le Parisien Libéré (les détracteurs), ainsi que

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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Combat et l’Humanité (journaux « neutres » pour le moment) nous allons cependant tenterd’étudier le retentissement de cette course. Bien entendu l’histoire retient que cette dernièrea été un fiasco, et c’est pour cela que les titres organisateurs n’ont pas pu récupérer le Tourde France. Cependant cela semble plus compliqué. En effet, à part le journal l’Equipe, tousles autres quotidiens ne relèvent pas les « erreurs » de l’organisation, même s’il est reconnuque les conditions sont difficiles, la France subissant encore des restrictions. La course sedéroule malheureusement pendant le Tour de Suisse, mais les jeunes coureurs – tels queLazaridès ou Robic – et les anciennes vedettes d’avant-guerre – notamment Vietto ou Maes– sont présents. Les Français se montrent et remportent deux des cinq étapes mais sontsurclassés par les coursiers Italiens. La victoire finale revient à un coureur peu connu, GiulioBreschi. Côté public, il semble être au rendez-vous, c’est ce que les articles traduisent, misà part ceux de l’Equipe.

La Course du Tour de FranceMonaco – Paris, nom officiel de la Course du Tour de France, encore appelé le Petit

Tour de France, se déroule du 23 au 28 juillet 1946. La course reprend le principe deséquipes nationales et régionales, mis en place depuis 1930 sur le Tour de France. L’épreuvepossède sensiblement le même plateau que la Ronde de France, mais les Français ne selaissent pas faire et l’équipe de France domine l’ensemble de la compétition. C’est d’ailleursl’un de ses coureurs, Apo Lazaridès qui remporte la course. La Course du Tour de Franceest un succès populaire – même si à leurs tours, les journaux Sports et Ce Soir contredisentcette vision. Il semble en tout cas que la course soit au moins aussi populaire que la Rondede France. L’organisation est elle aussi décriée par les titres communistes qui exploitent lamoindre erreur de la part des organisateurs. Ceci est bien évidemment de bonne guerrepuisque l’Equipe n’a rien laissé échappé lors de Bordeaux – Grenoble. Ainsi une erreurde fléchage fait couler beaucoup d’encre chez Sports et Ce Soir, tout comme l’entorse aurèglement fait par les organisateurs pour favoriser Vietto, capitaine de l’équipe de France,qui, suite à une chute, a changé de vélo, ce qui est à l’époque interdit par le règlement etqui se traduit par une pénalité, qu’il n’aura pas alors.

En dehors des critiques que se lancent à la figure les journaux ayant de près ou de loinparticipés à l’organisation de l’une des deux courses, les autres titres – en l’occurrence iciCombat et l’Humanité, deux des journaux étudiés dans le corpus – saluent l’organisation deces deux courses, nécessaires selon eux pour le renouveau du cyclisme. Ces quotidiensse positionneront plus tard et prendront parti dans le débat qui s’ouvre en cette fin de moisde juillet 1946 concernant l’organisation du Tour de France 1947. Pour le moment, Ce Soiret Sports, quotidiens communistes d’un côté, et l’Equipe (qui refuse de voir ces journauxrécupérer l’organisation) soutenu par le Parisien Libéré qui n’est pas encore le parrain officielde la Grande Boucle (Si ce journal a organisé la Course du Tour de France, c’est pourremplacer l’Equipe qui ne pouvait pas à l’époque réclamer le patronage autrefois dévolu àl’Auto) campent sur leurs positions. Les uns dénoncent la volonté d’anciens collaborateursde récupérer leur bien par des moyens détournés, les autres accusent l’arrière-penséepolitique des premiers…

Fin 1946, la situation est ambigüe. Alors que le calendrier international est en coursd’élaboration, et que les différents organisateurs déposent les dates des épreuves qu’ellessouhaitent mettre sur pied, Ce Soir dépose une requête pour la Ronde de France, prévue du20 juin au 14 juillet et comptant 20 étapes. La société du Parc des Princes dépose quant àelle sa demande pour le Tour de France, organisé lui aussi en trois semaines, du 24 juin au20 juillet. Deux grands tours de la France sont prévus à la même période… La chose poseproblème pour la Fédération Française de Cyclisme (FFC) et l’Union Cycliste Internationale

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

38 Demouveaux Gautier - 2007

(UCI). Chacun des deux organisateurs réclame l’attribution de la licence d’organisationdu Tour de France, encore gérée par l’administration des Domaines, qui elle ne s’est pasprononcée. En décembre 1946, le congrès de l’UCI tranche en faveur du Tour de France,dont la licence d’organisation – c'est-à-dire le côté technique de celle-ci – a été accordéeentre temps à la société du Parc des Princes, qui contacte alors le Parisien Libéré pourpouvoir apporter les garanties financières à une telle entreprise.

3 - 1947, la question du Tour de France toujours en suspend

A) La contre-attaque des journaux communistesL’Equipe, dont Jacques Goddet a repris officiellement la direction courant 1946, a marquéun point face à son rival Sports, mais aussi face à Ce Soir qui voulait récupérer le Tour deFrance ou tout du moins remplacer la Grande Boucle par la Ronde de France. Après avoirposé un recours à l’UCI, Ce Soir renonce à organiser son épreuve. Mais les deux journauxcommunistes n’ont pas dit leur dernier mot et refusent de voir le Tour revenir dans lesmains de leur ancien propriétaire. Bien obligé d’accepter la décision de l’administration desDomaines qui accorde la licence d’organisation – la mise en place technique de l’épreuve– à la société du Parc des Princes, les deux titres décident de contre-attaquer. Si la sociétédu Parc des Princes, dirigée par Joly et Goddet, n’a pas été interdite à la Libération, 49,5%du capital de cette dernière appartiennent au journal l’Auto qui a été interdit. Entre temps,l’administration des Domaines, qui gère les biens sous séquestre – dont le Tour de France –encourage la création de la SNEP (Société nationale des entreprises de presse) qui héritede l’ensemble des biens sous séquestre. Cet organisme, qui travaille avec la FédérationNationale de la Presse Française (FNPF) récupère donc les droits du Tour ainsi qu’un peumoins de la moitié du capital de la société du Parc des Princes. Sports et Ce Soir font doncpression sur la FNPF pour que cette dernière organise elle-même le Tour de France 1947.Une commission est créée et elle est dirigée par … l’ex-responsable de l’organisation dela Ronde de France ! Plusieurs idées quant au financement sont à l’étude : souscriptionvolontaire, fonds venant de l’ensemble des journaux français, provinciaux et parisiens,ou encore un financement public. Certains journaux crient au scandale, c’est le cas bienentendu de l’Equipe, du Parisien Libéré, mais aussi de Combat.

Les débats font rage entre les journaux communistes et ceux d’obédience gaullistes.A la fin du mois de janvier 1947, la chose semble entendue : la Fédération Nationale de laPresse organisera le Tour. Elle confirme l’attribution de la licence d’organisation à la sociétédu Parc des Princes pour les questions techniques. Cette société est aussi chargée detrouver les financements nécessaires pour la mise en place de l’événement. La FNPF fixecependant les règles à cette recherche de fonds : la société du Parc des Princes ne peutattribuer le patronage de l’épreuve à un seul journal ou à un groupe de journaux, ceci afind’éviter qu’un quotidien n’ait un avantage sur les autres.

B) les débats autour du TourAinsi, les journaux communistes tentent d’imposer leur vision de l’organisation. Il ressorten effet à travers les articles de Sports et Ce Soir que ces derniers reprochent lacréation de la caravane publicitaire, symbole selon eux du manque d’indépendance del’épreuve. Ils souhaitent donc trouver d’autres moyens de financement pour éviter que lescoureurs deviennent à nouveau des « hommes – sandwiches ». L’existence de la caravanepublicitaire entrainait-elle une quelconque influence sur la course ? Rappelons ici pourquoi

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Desgrange avait décidé de créer cette caravane en 1930. A cette époque le Tour se courtpar équipes de marques, et les ententes entre les différentes marques de cycle faussent lacourse. Le directeur du Tour décide alors de faire courir l’épreuve par équipes nationales,avec des machines neutres, l’ensemble des moyens techniques des équipes étant prisen charge par l’organisation. Or les fabricants de bicyclettes finançaient une partie del‘organisation de l’épreuve. Pour retrouver son indépendance vis-à-vis du déroulement dela course, Desgrange décida donc de mettre en place une caravane dans laquelle desentreprises paieraient pour présenter leurs produits au public du Tour. Paradoxalement, lestitres communistes prônent en 1946 un retour aux équipes de marques, qui elles aussisont des entreprises. Difficile alors de mettre en avant la critique du capitalisme dans cettevolonté de supprimer la caravane publicitaire.

Mais un autre débat, latent celui-ci, semble bien plus important. En effet en poussant laFNPF à financer le Tour de France par le biais des journaux qui le souhaitent, la question dela concurrence entre un journal « officiel » et les autres s’annule. Ainsi avec un patronagecommun, aucun journal n’est avantagé. La chose est d’autant plus vraie que la concurrenceentre les deux journaux sportifs qui restent, l’Equipe et Sports, est acharnée. En effet, pources deux titres, les temps sont rudes, et malgré un lectorat stable, les difficultés financièresse font ressentir. L’Equipe reçoit le renfort du troisième journal sportif, Elans, qui fusionneavec le premier titre après seulement trois mois d’existence. Les deux journaux restants secritiquent et Sports fait tout pour empêcher que l’Equipe ne récupère le patronage du Tourde France. Le journal communiste va même jusqu’à imiter l’Equipe au moment de la refontede sa maquette en décembre 1946, en reprenant l’iconographie du titre du successeur del’Auto : un rectangle à font rouge sur lequel les lettres apparaissent en blanc et en italique.Après une semaine et une plainte du journal copié, Sports doit changer la couleur du fondde son titre qui devient bleu foncé. Mais le quotidien sportif communiste rencontre desproblèmes de financement, et fin mars 1947, le journal passe d’un format quotidien à unformat bi-hebdomadaire. Il reprendra sa fréquence de sortie initiale le temps du Tour deFrance, mais l’Equipe a gagné la bataille et se retrouve le seul journal quotidien sportiffrançais.

Pendant ce temps, la société du Parc des Princes, malgré les contraintes imposéespar la Fédération Nationale de la Presse et la Société Nationale des Entreprises de Presse,continue l’élaboration du Tour de France 1947. Elle éprouve des difficultés cependantà trouver les financements nécessaires, peu de journaux régionaux souhaitent en effetparticiper à l’aventure. Mauvaise volonté de la part de la société de Goddet, opposée à ceprocédé de patronage commun à l’ensemble des journaux dont la zone d’influence voit lepassage du Tour de France ? Peut-être, c’est en tout cas l’opinion d’une partie de la FNPF,qui nomme deux de ses membres pour démarcher les potentiels coorganisateurs. Le tempspasse et le financement n’est toujours pas assuré. Goddet réussit alors un coup de maitre. Ilarrive à retourner la direction de la SNEP, alors propriétaire du Tour de France, en sa faveur,grâce à l’aide de son ami Emilien Amaury, personnage influent dans le monde de la pressemais et surtout dans celui de la politique. En effet, la décision d’attribution de la licenceappartient au commissaire du gouvernement nommé par ce dernier et chargé de régler lecontentieux à propos de la grande épreuve. Ce commissaire est placé sous l’autorité duministre de l’information, seul à pouvoir accorder ce privilège. En juin 1947, soit un moisavant le départ de la course, la SNEP et LA FNPF donne tous les pouvoirs à la société duParc des Princes en matière de financement. Cette dernière est donc autorisée à attribuerle patronage de l’épreuve, ce qu’elle fait. L’Equipe récupère le parrainage, en partenariatavec le Parisien Libéré. Il semble que le journal d’Emilien Amaury ait servi de « cautionmorale » pour cette attribution. Cette décision provoque un tolet dans la presse communiste.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Deux des titres ont d’ailleurs à l’époque déposé une demande d’organisation, au cas où ladécision de la SNEP (interdire le patronage exclusif d’un journal) serait annulée. Ainsi CeSoir et l’Humanité tentent de récupérer le Tour de France. Malgré leurs protestations, le Tourde France, sous le patronage de l’Equipe et du Parisien Libéré débute le 25 juin de Pariset sera remporté lors de la dernière étape par Jean Robic, le petit breton, qui gagnera laGrande Boucle sans avoir porté le maillot jaune.

Chapitre 2 : les débats de presseLes débats de presse autour de l’organisation du Tour de France sont très virulents et fontappel à différents modes d’expression. De plus, il est intéressant de remettre l’ensembledes extraits d’articles dans une perspective plus globale. Ainsi nous essaierons de voir si lesévénements politiques de 1946 et 1947 ont eu des influences sur l’attribution de la licenced’organisation. Nous rechercherons aussi à mettre en lumière l’évolution de l’opinion desdifférents titres étudiés…

1 - les journaux du CorpusLe corpus s’appuie sur les articles et extraits d’articles tirés de six quotidiens. Une lectureexhaustive de ces journaux a été faite pour la période suivante : de janvier 1946 à juillet1947, ceci en tenant compte des articles qui traitaient du débat concernant la question duTour de France. Bien entendu je me suis intéressé aux journaux prenant une part activedans ce débat, c'est-à-dire les deux groupes essayant de récupérer l’organisation, Ce Soiret Sports d’un côté, et l’Equipe et le Parisien Libéré de l’autre. Grâce aux conseils de SergeLaget, journaliste au journal l’Equipe et spécialiste de l’histoire du cyclisme, je me suis aussiconcentré sur les titres l’Humanité et Combat, qui prendront peu à peu une place importantedans le débat.

Avant de commencer à étudier les articles issus de ces différents titres, arrêtons-nousun peu sur l’histoire de ces journaux, pour mieux comprendre leur prise de position…

A) l’EquipeL’Equipe est le quotidien omnisport le plus ancien au monde (qui soit encore en activité).Ce journal prend la suite du journal l’Auto, qui a continué de paraitre sous l’occupation etqui est interdit, nous l’avons vu, à la Libération.

Jacques Goddet, qui hérite du journal à la mort d’Henri Desgrange décide de ressortirun titre. En février 1946 l’Equipe voit donc le jour. Journal plutôt d’obédience gaulliste, ilrachète très vite l’un de ses deux concurrents, Elans. Début 1947, le journal se trouve enposition de monopole sur le marché de presse quotidienne sportive.

L’Equipe est un véritable moteur pour la vie sportive internationale, le journal est en effetà l’initiative de nombreux événements sportifs. En 1965 le titre est racheté par le Grouped’Emilien Amaury. Aujourd’hui le journal connait un succès non démenti et est le premierquotidien national français.

B) Sports

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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Sports est un journal issus de la résistance. A l’origine sont titre est Sport-Libre et avait poursous-titre « le seul journal de sport dans la clandestinité ». Ce journal atypique est fondépar JC Beaumont et traite alors des sportifs résistants. Il parait dans la clandestinité dansle courant de l’année 1944, et doit arrêter de paraître en avril 1945 à cause des restrictionsde papier.

En 1946, il ressort donc avec un nouveau titre. Il est clairement marqué à gauche,d’obédience communiste. Prônant le sport indépendant, il organise dès l’année 1946 descompétitions sportives. Concurrent direct de l’Equipe, il essaie de l’imiter tant sur le fondque sur la forme. Mais le journal rencontre des difficultés financières et passe d’un formatquotidien à un format bi-hebdomadaire. Il disparaitra définitivement à la fin de l’année 1948.

C) Le Parisien LibéréLe Parisien libéré est fondé par trois membres d’un groupe de résistants appeléOrganisation Civile et Militaire (Émilien Amaury, Claude Bellanger et M. Bloch-Mascar). Lejournal récupère les locaux du Petit Parisien, le plus grand journal populaire d’avant-guerre(un million d’exemplaires en 1939), interdit à la Libération pour avoir continué de paraîtreofficiellement sous l’Occupation. Le premier numéro sort le 22 août 1944.

Le Parisien Libéré se veut un journal « populaire de qualité » et est plutôt classé àdroite de l’échiquier politique (Amaury est gaulliste). Sous l’impulsion d’Émilien Amaury, ilprend les options stratégiques qui lui permettent d’atteindre les premiers rangs de la pressenationale et régionale. En 1965, il fait également l’acquisition de l’Équipe.

Actuellement, le Parisien - Aujourd’hui en France (c’est son titre actuel) existe ausein du groupe Amaury, qui regroupe un pôle presse (dont fait aussi parti l’Equipe) et ungroupe d’événementiel sportif, le premier en Europe, appelé Amaury Sport Organisation(qui organise notamment le Paris-Dakar, le Tour de France ou le marathon de Paris.42

D) Ce SoirCe soir est un journal quotidien du soir, d’information générale, créé par le Parti Communiste

en 1937 pour tenter de concurrencer Paris-Soir. Le premier numéro sort le 1e mars1937 à 100 000 exemplaires, chiffre important à l’époque pour un lancement (en 1939 ilatteint 250 000 exemplaires). Il est alors dirigé par deux écrivains célèbres, Louis Aragon etJean-Richard Bloch. Le quotidien prend assez vite ses distances avec le Parti Communiste,il se veut indépendant et refuse d’être catalogué comme organe de ce dernier, ce qu’estdéjà l’Humanité.

Journal d’actualité de qualité, Ce Soir n’hésite pas à s’attacher les services de reporters-photographes comme Robert Capa. C’est l’un des premiers quotidiens à publier desreportages photos, offrant par exemple un regard inédit sur la guerre civile espagnole.Considéré proche du Parti Communiste, Ce Soir est interdit le 25 août 1939 commel’ensemble des publications de ce parti suite à la signature du pacte germano-soviétique.

Il ressort à la Libération, le 25 août 1944, et en septembre Aragon en reprend la directionet est rejoint en 1945 par Jean-Richard Bloch qui rentre de Moscou. Ce dernier sera éluau Conseil de la République (c'est-à-dire le Sénat) en 1946. Le journal prend alors uneconnotation politique encore plus importante. La démission des ministres communistes ainsi

42 Cf Encyclopédie Encarta – Microsoft 2003

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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que le début de la guerre froide discréditent peu à peu le journal, qui voit son lectorats’effriter. Il disparaitra le 2 mars 1953.

Du côté des organisations sportives, Ce Soir met sur pied de nombreuses épreuves. En1946, nous l’avons vu, le journal essaie de prouver ses talents d’organisateurs pour tenter deconcurrencer l’Equipe et le Parisien Libéré, ceci afin de récupérer la licence d’organisationdu Tour de France. Déjà instigateur de Paris-Nice et les Boucles de la Seine, il mettra surpieds la Ronde de France.43

E) CombatCombat est un quotidien d’information qui voit le jour pendant l’Occupation, en décembre1941. Journal clandestin né de la fusion de Vérités et de Liberté, deux journaux publiés enZone Libre, le rôle de Combat grandit avec l’arrivée à Lyon de Jean Moulin, lequel apportede Londres espoir et argent frais à la Résistance. Le ralliement de Combat à de Gaulle estlent, mais il est symbolisé dès 1942 par l’apparition d’une croix de Lorraine dans le titre. Lejournal pense l’avenir en termes de révolution, « une révolution de tous les Français pourtous les Français » écriront Jacques Dhont, Claude Bourdet, Henri Frenay et André Hauriou,les principaux responsables de la publication. Sous la houlette d’André Bollier se met enplace une imprimerie clandestine qui permet à Combat de devenir un organe de pressede dimension nationale. Agissant officieusement pour les Mouvements unis de Résistance(MUR), il doit installer sa direction à Paris après l’arrestation de Jean Moulin le 21 juin 1943.C’est Pascal Pia, journaliste et homme de lettres, qui en prend alors les commandes.

A la Libération, fin août 1944, Combat prend possession des anciens locaux del’Intransigeant. Un an après son apparition au grand jour, il ne peut prétendre rivaliseravec les autres grands quotidiens et son tirage commence déjà à s’effriter, passantde 185 000 exemplaires en janvier 1945 à 150 000 en août de la même année.Au cours de l’année 1946, la publication, qui s’oppose au jeu des partis comme vecteurs dela reconstruction de la France, se rapproche du général de Gaulle sans pour autant devenirla voix officielle de son mouvement. L’hiver 1946 et le début de l’année 1947 sont desmoments décisifs : les comptes sont déficitaires ; Bourdet étant rentré de déportation, Pialui propose de reprendre sa place dans le journal ; Frenay, devenu ministre, est fortementcritiqué par les communistes. Camus, qui avait pris ses distances avec le quotidien, revienten novembre 1946. Las des interminables négociations entreprises pour la reprise dujournal, en particulier par la Voix du Nord, Pia quitte la rédaction. Pendant quelques mois, en1947, Camus est seul aux commandes, mais il ne peut empêcher la reprise du quotidien quia finalement lieu au terme d’un accord entre Claude Bourdet et Henri Smadja, un hommed’affaires, résistant et homme de presse tunisien.

Toujours en phase avec les grands enjeux de l’époque, Combat va accueillir, pourdes collaborations souvent passagères, des noms comme Roland Barthes, Boris Vian ouMaurice Nadeau. Fidèle à ses origines, il cherchera à être le lieu d’expression de ceux quipersistent à croire qu’on peut créer en France un mouvement populaire de gauche noncommuniste.

À la direction du journal, Louis Pauwels remplacera Bourdet en 1949. Le 20 janvier1951, ce n’est plus « de la résistance à la révolution, » mais « Journal de Paris » que l’onpeut lire désormais comme sous-titre. Avec l’arrivée de Philippe Tesson en 1960, HenriSmadja trouve l’homme qu’il pense contrôler à sa guise, mais, mis à mal par le régimetunisien, sa situation personnelle se dégrade. Il préfère tout perdre plutôt que de renoncer

43 Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ce_soir

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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à sa publication. En mars 1974, Tesson crée le Quotidien de Paris. Le 14 juillet de la mêmeannée, Smadja se suicide et Combat cesse définitivement de paraître un mois plus tard.44

F) L’HumanitéL’Humanité est un quotidien politique et d’information français fondé par Jean Jaurès quiparaît pour la première fois le 18 avril 1904. Il s’impose dès l’origine comme l’organe dela SFIO. Ardent défenseur de la classe ouvrière, le journal se passionne pour les luttessociales et la défense de la paix. Même si son tirage (60 000 exemplaires en 1905) n’estpas comparable à ceux des quotidiens de grande diffusion, son influence est forte, et iljoue un rôle majeur dans le débat politique, surtout avant-guerre, où il incarne le courantantimilitariste et pacifiste de gauche. Après le congrès de Tours (1920), l’Humanité devient« l’Organe central » du Parti communiste. La politisation de la presse dans l’entre-deux-guerres, puis la conjoncture du Front Populaire, lui permettent de doubler ses ventes en dixans (500 000 en 1937). Dirigé par Marcel Cachin à partir de 1918 et profitant de signaturesprestigieuses (André Malraux, Julien Benda, Jacques Soustelle, Jean Guéhenno…), ilaccentue sa force de frappe (renforcée par l’autre grand quotidien communiste : Ce Soir).Installé au quatrième rang des tirages nationaux, c’est alors le premier quotidien politiqueen France.

L’Humanité est interdit le 29 août 1939 après la signature du pacte germano-soviétique.Il reparaît cependant clandestinement dès octobre, puis durant toute la guerre.

Après-guerre, c’est l’un des rares quotidiens existants avant-guerre (avec le Figaro, laCroix, le Populaire) à ressortir publiquement, à la date du 21 août 1944. Sous la directionde Marcel Cachin (jusqu’en 1958), il retrouve de sa superbe, dans un contexte propiceoù le Parti Communiste réunit un quart environ de l’électorat français. Chaque année, enseptembre, artistes, sportifs, intellectuels, communistes et sympathisants participent parcentaines de milliers à la traditionnelle « fête de l’Humanité ». Nonobstant, la crise delangueur qui affecte l’électorat communiste et, par ailleurs, la diffusion des quotidiens,entraîne le recul de ses tirages : 400 000 en 1946, 209 000 en 1965, 140 000 en 1975,109 000 en 1988, puis 67 000 en 1996. En 1999, le quotidien lance une nouvelle formule,afin d’endiguer sa perte de lecteurs.Aujourd’hui, l’Humanité tente de survivre, mais alorsque le Parti Communiste Français s’est effondré, on reproche au titre d’être encore trop liéà ce dernier.45

2 – analyse de discours et étude du Corpus

A) la logique rhétorique des journaux communistes pour marquer la filiationentre l’Auto et l’EquipeDès la sortie de l’Equipe, les journaux communistes sont hostiles au successeur officieux del’Auto, pour ce qu’il représente, c'est-à-dire un ancien titre collaborateur, mais aussi commeun concurrent direct à l’un de leurs journaux, Sports. A cela s’ajoute l’héritage du Tour deFrance…

Tableau :

44 Cf. Encyclopédie Encarta, op. cit. p 6145 Cf. Encyclopédie Encarta, op. cit. p 61

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Désignations par les journaux communistes de l’Auto, l’Equipe et de leur directionLes journaux communistes ont plusieurs moyens de définir le titre l’Auto, son

successeur l’Equipe et leurs directeurs. Ils utilisent différents champs lexicaux bien précisdans le paradigme désignationnel de ces journaux et dirigeants, avec un but avoué : montrerque le journal l’Auto, interdit à la Libération, existe encore au travers de l’Equipe et de sesdirigeants, le mêmes que sous l’Occupation.

Les différents moyens de désignation : les titres communistes utilisent tout d’abord lenom du journal ou de la personne désignée (l’Auto, l’Equipe, M Goddet…) mais peuventparfois utiliser l’une des caractéristiques pour la qualifier dans son ensemble (l’ex-Auto, lejournal jaune…) Ce dernier procédé peut traduire du mépris envers le titre concerné (lejaune).

Le mode de désignation utilisé majoritairement est cependant celui démontrant lacollaboration. Le journal l’Auto est le plus souvent accompagné de références qui rappellentque le journal a été interdit car il a continué de sortir sous contrôle allemand. L’Equipe quantà lui est marqué par ce lien de filiation, mis en valeur par les mots (l’ex-Auto, le successeur

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de l’Auto, dont les liens avec l’Auto sont connus de tous…) mais aussi par les personnes,ses dirigeants qui sont les anciens directeurs de l’Auto (les dirigeants de l’Equipe sont ceuxde l’Auto…) Ainsi Sports, Ce Soir et l’Humanité tentent de discréditer l’Equipe en prouvantà leurs lecteurs que derrière le nouveau titre se cachent d’anciens collaborateurs.

Si les références à l’Occupation concernent principalement le journal l’Auto, l’Equipeconnait un autre mode de désignation spécifique au journal Sports, son concurrentcommuniste. En effet, dans ce dernier titre, l’Equipe est désigné comme « ceux d’en face »,« des concurrents plus ‘Heureux’ »… Par ces expressions, on ressent la lutte que se livrentles deux quotidiens. Ici Sports fait des sous-entendus par le biais des guillemets, ce qui meten avant l’ironie (« heureux »). En utilisant ce procédé, Sports veut montrer implicitementque la chance de l’Equipe n’est pas naturelle est fait appel à d’autres choses (aides d’autresjournaux ou de partis politiques…) Si Sports connait des difficultés (l’expression citée estutilisée dans l’éditorial qui explique les difficultés financières du journal communiste), c’estparce que ce titre, lui – par comparaison à son concurrent – est honnête et ne se financequ’à l’aide du produit de ses ventes.

B) une célébration commune de la gloire du Tour de FranceConcernant le Tour de France, l’ensemble des journaux du corpus utilisent dans l’ensembleles mêmes expressions pour désigner l’événement. Mobilisant des superlatifs, les différentstitres célèbrent le Tour comme un événement « mythologique » dans le sens où seul lesouvenir positif de la course reste dans les mémoires. Ici encore, le Tour de France est vucomme un objet symbolique.

Le fait que tout le monde se réfère au Tour avec des qualificatifs élogieux prouve unenouvelle fois que le Tour de France est entré dans la mémoire collective de l’ensemble dela société française. Comme certains journaux le font remarquer (ils utilisent ce terme pourqualifier l’événement), le Tour de France fait parti du patrimoine national français.

On comprend alors mieux l’engouement qui a entrainé l’Equipe et le Parisien Libéréd’un côté et Sports et Ce Soir de l’autre dans la lutte pour obtenir l’organisation de la course,haute en prestige à l’époque. Ainsi, les quatre protagonistes vont mettre sur pied deuxcompétitions se référant au Tour de France, dans le but d’inscrire leur organisation dans lacontinuité légitime de la course d’avant-guerre.

Les journaux n’hésiteront pas à comparer leur épreuve respective avec le Tour deFrance, tout en critiquant celle du concurrent. Tous les moyens sont permis, nous le verrons :comparaisons avec le Tour, descriptions qui se veulent objectives, tout cela en n’hésitantpas, des deux côtés, à avoir recours à la polémique et à l’ironie dans le but de discréditerl’adversaire. L’usage des témoignages de personnages (reconnus ou non) permet aussi,nous le verrons, de légitimer l’une ou l’autre des organisations.

Tableau :

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Paradigme désignationnel du Tour de France dans les journaux étudiés

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La Ronde de France dans le journal Sports

La Ronde de France dans le journal Ce SoirLa Ronde de France dans le journal l'Humanité

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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La Ronde de France dans le journal l'Equipe

La critique de l’organisation Les témoignages- 10 juillet 1946 : « Mis au point des droits… etdes faits : il n’y a qu’un Tour de France. Dansle but de jeter la confusion, les organisateursde la course Bordeaux-Grenoble n’hésitentpas à déclarer et à écrire que leur épreuve,dénommée ‘la Ronde de France’, est le ‘Tourde France’. […] Un seul Tour de France en faiten droit, celui, en raison de la décision de laFFC limitant toute épreuve routière pour 1946à 5 étapes, empruntera l’itinéraire classiquedu Tour de France de la Méditerranée à lacapitale. Son esprit, son éclat, l’ont d’ailleursparfaitement différenciée du Bordeaux-Grenoble

- 11 juillet 1946 : « Pau –une personnalité du cyclismebordelais nous confiait audépart : ‘Drôle d’idée d’avoirfait une course entre Bordeauxet Grenoble. […] » - 15 juillet1946 : « […] Pas un panneauindicateur sur la route déserte.Un calcul mental rapide,d’après les vagues indicationsde l’itinéraire officiel… » -16 juillet 1946 : « […] Onfit parler aussi un directeur

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qui commence aujourd’hui. » - 11 juillet 1946 :« Nous savons d’ailleurs que l’ahurissantrèglement qui a sectionné en deux les équipesde marques et a la prétention d’interdire auxdeux tronçons toute collusion, n’aide guère àla conduite logique de la bataille » « La listedes engagés en main, on se faufile à motosur le flanc du peloton, mais l’attribution desnuméros de dossards a subi des modificationsdiverses, objet de retouches successives de la

sportif. Ce fut M Venineaux,qui ne mâche pas ses mots.‘Je ne suis pas un hommede paroles, mais un hommed’action. Les organisateursont commis des erreurs. Nousvoulons bien passer l’éponge.Mais nous les directeurssportifs, nous avons fait notre

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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liste des partants. Si bien que les spectateurs,selon l’édition qu’ils ont entre leurs mains,acclament au passage Canavesi ou Cerini,par exemple… Ce qui n’en fait pas moinsplaisir au numéro 37 qui s’appelle Bresci.Ceci précisé, naturellement, sauf rectificationultérieure ou erreur de notre part… » - 12juillet 1946 : « Toulouse – Nous nous sommesprécipités au départ de cette deuxième étape avec une demi-heure de retard sur l’horaire.Les coureurs étaient encore là (chose quenous avions prévu) mais la plupart des paloisétaient absents. Ce qui nous a surpris. Nousnous sommes dit d’abord – ‘les palois ne sontpas matinaux les jours de course’. Mais unagent auquel le service d’ordre laissait desloisirs, a rectifié : ‘pensez vous ! Ils n’ont pasla patience. Ils sont retournés se coucher.’ […]Hécatombe de boyaux. Aussi, le haut-parleurdu stade a-t-il réclamé des couturières et desmécanos pour venir aider les organisateursà remettre dans la soirée et dans la nuit lematériel en état. ‘Pourvu qu’il y ait beaucoupd’abandons’ gémissait l’un des officiels. Il futexhaussé largement. […] Est-ce la chaleur ? Lapropagande fut-elle suffisante ? Il n’y avait pasgrand monde au vélodrome. Un confrère belgesupputait calmement : ‘C’est juste le public pourune réunion d’athlétisme. » - 14 juillet 1946 :« Montpellier – Les organisateurs se sont tenusun raisonnement judicieux : ‘Puisque la fatalitéfait que nous avons donné, jusqu’ici, les départsavec trois quarts d’heure de retard, faisons cettechose bien simple : décrétons que le départde Toulouse, prévu en principe à 8h45, seraofficiellement donné à 9h30. Mais cette margede 45 minutes s’est encore avérée insuffisante.Il vient d’être prévu que le départ de Montpellierserait irrévocablement, et à titre définitif, fixéavec un décalage de 51 minutes. […] Lacaravane commence à former une petite familleet chacun sait que les querelles de famille sontle piment de l’existence. Tandis que les coureursse rassemblaient au départ avec une lenteurfixée par l’expérience, Sylvère Maes exprimaittrès haut sa surprise en avisant un autre coureurflamand : ‘Comment ! … Je l’ai vu terminerdans une voiture, hier, et il va prendre le départaujourd’hui ?’ Petit malentendu, bien sûr, et oneût vite fait de convaincre l’ex-vainqueur duTour de France. Puisqu’il avait vu le collèguedans une voiture, il n’était plus question de leretrouver en rival sur la route. […] La découvertede dernière heure des organisateurs : ledépart sera officiellement avancé à 7h45 pouréviter les grosses chaleurs aux concurrents.Pourquoi diable ne pas avoir fait simplementpartir à l’heure lors des trois premières étapes.Maintenant calculons un peu : 7h45 plus les45 minutes de retard désormais classiques.Il se confirme que l’heure de départ ne serapas changée… » - 15 juillet 1946 : « […] Pasun panneau indicateur sur la route déserte.Un calcul mental rapide, d’après les vaguesindications de l’itinéraire officiel… » - 16 juillet1946 : « Puis les organisateurs annoncèrent queleur épreuve aurait lieu l’an prochain sur 10 etpeut-être 15 étapes, et qu’elle s’inspirerait, plusque jamais, d’une épreuve qui… Bref, d’unecourse connue que… De quelle course aufait ? Celle que les organisateurs ont nommécent fois dans leurs articles, celles qu’ils sesont forcés d’imiter avec les moyens du bordet pas toujours très heureusement. Car il n’estpas toujours facile, même au moyen d’uneéquivoque, de faire confondre le produit d’avantguerre avec un produit de remplacement. Vous savez bien… Comme tous les invités dubanquet le savaient… Mais d’où vient alors,puisque tout le monde a bien compris, que lesorganisateurs de la Ronde de France, devantune assistance de champions, de dirigeantset de journalistes, n’ont tout de même pas osénommer le Tour de France ? »

devoir et les coureurs ont faitplus que leur devoir… »

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La Ronde de France dans le journal le Parisien Libéré

La Ronde de France vue par les journalistes- 11 juillet 1946 : « […] et maintenant place à la montagne : dans l’Aubisque etle Tourmalet nous verrons certainement de beaux exploits. Malheureusementla montagne se trouvera à 180 km de l’arrivée, et la plaine aura sans doutepermis aux lâchés de revenir avant le but. Pour faire une très grande étape,il eût fallu l’Aspin… » - 16 juillet 1946 : Lazaridès : « j’ai reconnu les Alpesen vue de la course du Tour. » Fin de l’article : « Bordeaux-Grenoble était, enquelque sorte, un hors d’œuvre. Avec la course du Tour, dont nous ne sommesplus maintenant qu’à 8 jours, ce sera le plat de résistance de la saison cyclistefrançaise. »

La Ronde de France dans le journal CombatLa Ronde de France est la première course à étapes qui se revendique du Tour

de France. Les avis sont bien entendu partagés. Les journaux communistes n’hésitentpas à inscrire la Ronde de France dans l’héritage du Tour de France, à l’aide dedescriptions censées rappeler l’ambiance de l’épreuve d’avant-guerre. D’abord implicite,certains journalistes dépassent ces comparaisons pour parler de la Ronde comme une sortede Tour de France 1946, ce qui ne plait pas au journal l’Equipe. Jusqu’ici, Combat comme leParisien Libéré sont loin d’être virulents envers l’épreuve de Ce Soir et de Sports. En effet,en juillet 1946, à part quelques critiques, le Parisien Libéré, à qui a été officiellement attribuéle patronage du Tour de France 1946, ce dernier ne pouvant se dérouler puisque les coursessont limitées à 5 jours, ne semble pas tenir rigueur aux comparaisons répétées de Bordeaux– Grenoble faites par les journaux communistes. Cela confirme ici que le journal d’EmilienAmaury ne patronne la Course du Tour de France (l’autre épreuve se référant au Tour) quepour « dépanner » - à ce moment - le quotidien de Goddet. L’Equipe ne peut récupérer lesanciennes organisations de l’Auto. Pour protéger le Tour de France, la société du Parc desPrinces (dirigée elle aussi par Goddet), à qui est dévolue la licence d’organisation, confieau quotidien parisien le patronage de sa Course du Tour de France.

Quatre des journaux étudiés utilisent les témoignages pour légitimer leurs arguments.L’Humanité comme l’Equipe utilisent la parole du public (« C’est bien toujours le même Tourde France’ nous dit un soldat au pied de la vieille Carcassonne. » ou « une personnalitédu cyclisme bordelais nous confiait au départ : ‘Drôle d’idée d’avoir fait une course entreBordeaux et Grenoble. ») afin de montrer que le public ne s’y trompe pas. Ceci fonctionnepour l’une ou l’autre opinion partagée sur la Ronde de France. Les titres communistes,dont Ce Soir et Sports, qui co-organisent l’épreuve, ont recours eux aux témoignagesd’anciennes personnalités sportives, reconnues dans le monde du cyclisme, qui racontentdans les journaux leurs souvenirs des Tours d’antan. Le but est de faire assimiler auxlecteurs la continuité – même implicitement – du Tour d’avant guerre et de la Ronde deFrance.

Enfin, les journalistes de l’Equipe utilisent les témoignages, pendant et après la course,de coureurs et de directeurs sportifs afin de confirmer que Bordeaux – Grenoble ne peutpas revendiquer l’héritage du Tour.

Seul le journal l’Equipe critique tout d’abord les organisateurs de la Ronde de France, ouplutôt l’épreuve elle-même. Pourquoi ? Parce que la course se réclame comme l’héritière del’épreuve inventée par Henri Desgrange ! Très vite donc, les articles dénoncent les erreursd’organisation : retard, manque de public, approximation de l’organisation (changement de

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la liste des partants à la dernière minute, difficulté de distinguer la ligne d’arrivée…) A cesfaits, réels – et exploités à bon compte par l’Equipe – s’ajoute une polémique ouverte par lejournal sportif qui ne supporte pas que Bordeaux – Grenoble se réfère au Tour de France.

Les autres journaux – le Parisien Libéré et Combat – appellent la course organisée parles deux titres communistes dans la majorité du temps par le nom des villes qu’elle relie :Bordeaux – Grenoble, et parfois par son titre, la Ronde de France.

La Course du Tour de France dans le journal l’Equipe

La vision de la Course du Tour de France comme le Tour 1946- 29 et 30 juin 1946 : « […] Comment constituer une équipe française d’un‘Tour’ qui, pour être réduit au parcours Monte-Carlo-Paris, n’en présente pasmoins les caractéristiques de la ‘Grande Boucle’ d’avant-guerre. » - 3 juillet1946 : « René, vous allez faire partie de l’équipe nationale du Tour de France.Qu’en pensez-vous ? … » - 10 juillet 1946 : « Mis au point des droits… et desfaits : il n’y a qu’un Tour de France » « Il sera légalement organisé du 23 au28 juillet sur le Parcours de Monaco-Paris. […] Pour l’édification des sportifs,il est intéressant de donner les précisions suivantes : le Parc des Princes,qui assure donc l’organisation technique du seul Tour de France, a obtenule concours financier du journal ‘Le Parisien Libéré’, lequel est légalementdevenu, pour cette année, l’organisateur du Tour de France. Un seul Tour deFrance en fait en droit, celui, en raison de la décision de la FFC limitant touteépreuve routière pour 1946 à 5 étapes, empruntera l’itinéraire classique duTour de France de la Méditerranée à la capitale. Son esprit, son éclat, l’ontd’ailleurs parfaitement différenciée du Bordeaux-Grenoble qui commenceaujourd’hui. » - 15 juillet 1946 : « Dans huit jours, de Monte-Carlo, partirala ‘Course du Tour de France’, titre qui couvre respectueusement le Tour deFrance 1946 limité, par décision de la FFC, à cinq étapes. Après sept ansd’interruption, la magistrale épreuve réapparait telle que son créateur la voulutet la façonna. Le Parisien Libéré qui l’organise avec le concours techniquedu Parc des Princes, l’a reconstituée avec les soins les plus attentifs. » - 16juillet 1946 : « La Course du Tour qui, à partir de mardi prochain, sera laréplique de l’épreuve d’Henri Desgrange et nous conduira de Monaco à Paris,nous informera définitivement sur la possibilité des coureurs actuels. Sur leurmentalité aussi. » - 20 juillet 1946 : « Le ‘Tour’ renaissant rendra hommage à lamémoire d’Henri Desgrange. Pour la première fois depuis 1939, des championsvont se réunir sous la banderole de départ à l’appel du Tour de France… » -22 juillet 1946 : « l’œuvre d’Henri Desgrange renait… La ‘Course du Tour’répétition générale du grand Tour » « La meilleure sélection internationale en10 équipes de 8 hommes s’aligne demain mardi, à Monte-Carlo, dans l’épreuvecycliste la plus importante organisée depuis le Tour de France 1939 » Articlede Goddet : « son absence l’a grandi » « Monaco – Sept années, sept annéesde vie fantastique qui ont embrasé le monde et l’ont rendu fou. Sept années,trop souvent soumises au règne implacable de l’oubli et de la mort. […] le Tourrenait, plus vigoureux, plus aimé qu’il ne fut jamais.» […] « Monaco – ‘Tiens,les gars du Tour de France !’ C’est ainsi que les voyageurs partant en vacancescheminots, porteurs et sportifs se désignaient, samedi soir, gare de Lyon, unequarantaine de concurrents de la ‘Course du Tour de France’, venus prendrele train pour Monaco… » - 23 juillet 1946 : « J’ai retrouvé le Tour, par DanteGianello » « Le soir vient à grands pas. Le port de Monaco et sa promenade

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d’asphalte baignée de soleil reçoivent aujourd’hui, après sept ans d’arrêt,les ‘géants de la route’. […] Je retrouve les instants pleins d’émotion qui mefont revoir les visages et les gestes habituels de la veille du départ du Tour.Du grand Tour ! » - 26 juillet 1946 : « une vraie performance de vrai Tour deFrance » - 30 juillet 1946 : « premier bilan de la ‘Course du Tour de France’,enseignement en vue du Tour 47 »

La Course du Tour de France dans le journal le Parisien Libéré

La vision de la Course du Tour de France comme le Tour 1946- 14 juin 1946 : « Monaco-Paris (Tour de France 1946) organisé par leParisien… » - 19 juin 1946 : « Du 23 au 28 juillet prochain aura lieu, dans lesdécors les plus caractéristiques du ‘Tour’ l’événement routier 1946. »

La Course du Tour de France dans le journal Combat

La course vue comme leTour

Comparaison avec leTour

Critiques

- 13 février 1946 : « Tourde France réduit du23 au 28 juillet » - 14février 1946 : « larenaissance du Tour deFrance » « Evidemmentfaire disputer un Tourde France normal cetteannée eut été courir à unfiasco. La décision prisepar les organisateursde la ‘Grande Boucle’de maintenir le Tour deFrance pour 1946, en leramenant uniquement à5 étapes parait des plussage et des plus logique. Il fallait en effet que laplus grande épreuve

- 20 juillet 1946 : « Lamajorité des coureursqui prendront le départmardi matin, à Monaco,de l’épreuve Monaco-Paris en 5 étapes,‘la Course du Tour’organisée par notreconfrère ‘la ParisienLibéré’ vont partir ce soirpour la Côte d’Azur. […]Tout est prévu pourque cette courserappelle aux sportifsfrançais ce qu’étaitle Tour de Franced’Henri Desgrange :champions, matériel,mécaniciens etc., etc.

- 30 juillet 1946 : « Laformule ‘par équipes’ estantisportive. Robic en futla victime et Lazaridès lefavorisé. La ‘Course duTour de France’ a vécu etnous souhaitons ne pasla revoir l’an prochain. » -31 juillet 1946 : « Nousavons toujours dit ici quela Course du Tour deFrance était nécessaire.Maintenant qu’elle s’estdéroulée, nous continuonsà le croire plus quejamais. Elle fut pleind’enseignements. Mais cesenseignements ne sont

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routière internationale,celle où se confirmèrenttant de purs champions,il fallait qu’elle revive[…] » - 23 juillet 1946 :« la course du Tour deFrance nous désignerales successeurs deMagne, Leduc, Maeset Bartali » « Monaco,22 juillet : Quand en1903, Henri Desgrangecréa le premier Tour deFrance, s’était-il doutéqu’un jour son œuvre setrouverait arrêtée ? quependant sept annéesdurant, elle ne serait pluscourue ; que, pour lafaire revivre, il faudraitjouer d’astuces et dedoigté ? Cette année onle dénomme : ‘la Coursedu Tour de France’.On a voulu avant toutsauver son nom. Il étaitimpossible matériellementpour les organisateurset physiquement pourles coureurs de resteren selle plus de 30 jours.[…] L’œuvre du regrettéHenri Desgrange va doncrevivre cette année trèspetitement. Mais noussommes pauvres et lesorganisateurs ont eu centfois raison de ne fairedisputer cette reprise quede Monaco à Paris… »

On n’a rien négligé,nous disait hier l’un desorganisateurs. » - 21juillet 1946 : « Durantle jour de battement,chacun s’emploieraaux ultimes préparatifsque nécessite une telleépreuve. Car il faut bienle dire, c’est un peu leTour de France qui varevivre ». - 24 juillet1946 : « […] Déjà lundisoir on retrouvait dansMonaco l’ambiance duTour de France, mais oùon la trouvait d’avantageencore, ce fut hier matin,quelques heures avant ledépart. »

pas sans critiques et c’estnormal ! »

Ces trois titres qualifient dans leurs articles la course Monaco – Paris comme le « Tourde France 1946 ». Cependant si les organisateurs (officiels et officieux) l’Equipe et leParisien Libéré font tout pour comparer leur épreuve avec les Tours d’avant-guerre, lejournal Combat, lui, semble – si ce n’est plus objectif – plus neutre. Il n’hésite pas à critiquerl’organisation de Monaco – Paris, allant même jusqu’à retirer ce titre de Tour 46 et enqualifiant la Course du Tour comme un ersatz.

Le Parisien Libéré comme L’Equipe utilisent aussi le témoignage comme moyen delégitimer la filiation entre le Tour de France de Desgrange et celui de 1946. Sont pris à

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témoins des personnes du public, des anonymes, comme des personnalités reconnues.Nous avons vu que les journaux communistes avaient procédés de la même manière pourdéfendre la Ronde de France…

La Course du Tour de France dans le journal Sports

Critiques directes ironie- 24 juillet 1946 : « Monaco – Parisn’est pas le Tour de France, maisce n’est pas non plus Armagnac-Paris : aucune neutralisation n’avaitdonc été prévue dans le règlementde l’épreuve… » - 25 juillet 1946 :« Nous avons retrouvé aujourd’hui legrand Vietto et su Monaco-Paris peutfaire évoquer l’épreuve d’avant-guerre,c’est certainement au cours de cetteétape où l’on retrouve les grands cols,ceux de jadis… » - 26 juillet 1946 :« Aujourd’hui, le Galibier mis à part,et c’était le plus facile, le parcours necomportait que des cols hors Tour deFrance, mais auxquels on avait faitappel parce qu’on avait voulu en mettrele maximum dans le ‘comprimé’ des 5jours imposés. […] Comme il est loinde la magnifique organisation matérielledu Tour de France ! Les mânesdu père Desgrange doivent frémird’indignations en entendant accoler aunom de Tour un Ersatz » - 29 juillet1946 : « Lazaridès est le vainqueur‘occasionnel’ de Monaco-Paris » « Lavictoire du gréco-cannois est cellede l’équipe de France alors que l’ona du faire appel aux ‘volontaires’italiens, aux ‘touristes’ hollandais etau suisse de service pour conserverà ce ‘Tour’ au petit pied du caractère

international… » - 1 e août 1946 :« Sports avait raison – Vietto déclasséau profit de Robic » « Seul de toutela presse du matin, ‘Sports’, samedidernier, révélait aux sportifs françaisle scandale d’Aix les Bains. Nousnous élevions contre l’abus de pouvoirdes organisateurs de Monaco-Parisqui s’étaient opposés à une décisionlégitime des commissaires… » « ‘On a

- 16 juillet 1946 : « supprimera-t-onles cols dans Monaco-Paris ? » « Lavictoire des italiens dans la Ronde deFrance a fait réfléchir les organisateursde Monaco-Paris. C’est ainsi qu’ilsenvisagent sérieusement de faciliterla tâche des concurrents et qu’il estquestion d’éviter, dans Briançon-Aix les Bains, les cols de Port, duBucheron et de Grenier pourtantau prévus jusqu’à ce jour. Pourquoine pas remonter directement par lavallée du Rhône ? » - 18 juillet 1946 :« Monaco-Paris serait elle une coursede second plan ? » « La Ronde deFrance ne plaisait pas à tout le monde.Aux gens ‘d’en face’ en particulier.Il fut mis en œuvre – en pure perted’ailleurs – pour saper l’épreuve de‘Sports’ : ‘c’est une course de secondplan’, tel était leur principal argument.Or les organisateurs de Monaco-Parisont sélectionné Cognan, De Muer,Diot, Fachleitner et lazaridès pourfigurer dans l’équipe de France. 5coureurs de la Ronde, que faut-il endéduire ? » - 24 juillet 1946 : « Paslongue la première ! » « Tout juste 185km ! Mais nous en avons eu pour notreargent ; un défilé carnavalesque sur laplace du palais à Monaco, une erreurde parcours après Nice, un arrêtd’une demi-heure en pleine natureprovençale, et un deuxième départ

au 37 ème km, avec les cigalespour seuls spectatrices. […] En toutcas, une chose avait été vraimentoubliée, là, pas de doute. C’est deflécher le parcours. Et de mettre lescommissaires aux virages litigieux ! […]Va-t-on faire étape à Toulon ? Non carla gaffe apparait tout à coup et c’estpar une petite route à droite que l’on

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assassiné Jean Robic’ nous dit RomainBellanger »

renvoya tout le monde sur le chemin deGrasse. […] Ca ne dura qu’une petitedemi-heure, le temps de bavarder…Assis sur l’herbe et de classer leshommes en différents pelotons, quel’on allait lâcher ensuite, avec desécarts plus ou moins fantaisistes. »

La Course du Tour de France dans le journal Ce Soir

Critiques directes ironie- 24 juillet 1946 : « uneinvraisemblable erreur deparcours oblige les organisateursà neutraliser avant Grasse lapremière étape de Monaco-Paris » - 28-29 juillet 1946 : « -entourloupettes ! C’est le motqui s’agglutinait très souventà celui du Tour, quand celui-ciméritait vraiment son nom et sonprestige. […] C’est celui (ce mot)qu’on pensait bien ne plus avoirjamais à évoquer, et notammentà propos d’une manifestationqu’on prétendait rénover dansson esprit et dans ses mœurs.C’est pourtant celui qu’il nousfaut invoquer aujourd’hui… » - 4et 5 août 1946 : interview de MVenineaux, directeur des cyclesProchet : « Après la Ronde deFrance, j’avais 3 reproches à

- 25 juillet 1946 : « modèle réduit » « Unsport a été pratiqué sur une grande échellecette nuit à Digne, c’est la chasse auxpunaises ! Mais le récit des batailles serréeslivrées par les privilégiés possesseurs desrares chambres disponibles a quelque peuconsolé ceux qui ayant pratiqué la chasseaux chambres, s’étaient retrouvés à quelques50 kilomètres du lieu de l’Etape. Ceschambres ou plus exactement ces « sallesà manger » et « salons » transformés enchambres étaient plutôt des chambres où lespaillasses jetées à même le sol rappelaientd’épiques tâtonnements. Fort heureusementaucun perturbateur autre que les punaisesne vint troubler le calme du dortoir. […] Enpénétrant dans le restaurant où plusieurséquipes prennent le repas matinal, un petitforcené se précipite vers nous. C’est MMallet :vous avez le classement ?et de nousarracher des mains puis d’exploser.Nonmais vous vous rendez compte ! Bavion( ?) m’a battu d’un pneu et il compte 1’39

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vous adresser, après Monaco-Paris, j’en ai 20… »

sur moi ! pour si minime écart […]Inutiled’ajouter que la nuit a été mal digéréepar certains, et on le comprend. Ce qu’oncomprend moins, c’est la différence detraitement entre les équipes régionales et lanationale. Ces régionaux n’ont ni conseillers,ni mécaniciens attitrés et ce matin, tandisque les tricolores étaient rassemblésautour de B, ils écoutaient placidementses subtilités tactiques, les sud-est euxdevaient mettre les bouchées doubles pouravoir le temps de préparer leur monture. » -28-29 juillet 1946 : « Au moment où nousfaisons irruption dans l’hôtel, les coureursse dirigent vers le passage à niveau de laroute d’Annecy où sera donné le départ :une autre caravane se forme dans la ville.Des hommes et des femmes en peignoir, desspectateurs enthousiastes ? Que non, maisune ribambelle de rhumatisants et perclus dedouleurs qui, après avoir bien ripaillé la veilledans les hôtels de la ville, s’en vont le matinse désintoxiquer à l’établissement thermald’Aix les Bains » - 30 juillet 1946 : « De plusen plus matinale, de plus en plus longue…C’est le signe sous lequel se disputaient lesétapes de Monaco-Paris. Sur ce chapitrede l’organisation n’est vraiment montéeà la hauteur d’une réputation vacillantesur plusieurs autres points […] C’est bienentendu pavés des meilleures intentions queles responsables de l’épreuve avaient faitemprunter aux coureurs la route de Troyespour rallier Dijon à Paris. Car cette route làne compte jamais qu’une quarantaine dekilomètres en plus que l’autre, l’ordinaire etla classique. Alors pourquoi ce crochet ?Honni soit qui mal y pense. […] Et tandisque Monaco-Paris s’achève dans la griseriedes parfums qu’exhalent des monceaux defleurs dont on ne s’est pas montré chiche,dans celle des tours d’honneurs si nombreuxqu’ils peuvent tourner les têtes, eux aussi ;tandis que nous retrouvons nos habitudeset notre tour Eiffel, but de ralliement de tousles postulants à la gloire, contentons nous deconclure par une simple prière… »

La Course du Tour de France dans le journal l’Humanité

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la Course du Tour vue par l’Humanité- 24 juillet 1946 : « Sur l’incident de parcours : « il fallut arrêter les fugitifset la course par la faute d’un gendarme qui avait mal placé les affiches defléchage » - 26 juillet 1946 : « Certes, il faut qu’une épreuve par étapes, quifut inspirée du Tour de France, soit dure. Mais il ne faut pas tomber dansl’excès… »

Le journal l’Equipe avait été virulent, et ne s’était pas privé de critiquer l’organisation dela Ronde de France. Magnant l’ironie comme leur confrère, Sports et Ce Soir ne se priventpas de rendre coup pour coup les attaques faites la semaine précédente. Ils mettent enavant les problèmes d’organisation avec un humour cinglant : horaires de départ, erreursde parcours, logement à l’arrivée…

Ces deux titres singent donc cette course qui se réfère au Tour de France, tout enessayant de se démarquer par rapport à elle. Une fois encore les témoignages servent àétayer les propos des journalistes (« Après la Ronde de France, j’avais 3 reproches à vousadresser, après Monaco-Paris, j’en ai 20… ») Les deux journaux communistes règlent leurcompte avec l’Equipe. Dans les différents articles le Parisien Libéré n’est pas visé par lesattaques. Seule l’organisation de la Course du Tour de France attire les foudres des deuxquotidiens, l’organisation technique dévolue à la société du Parc des Princes, c'est-à-direJacques Goddet, le directeur de l’Equipe.

Une seule fois le Parisien Libéré va réagir aux critiques concernant l’organisation deMonaco – Paris. Dans un article de Félix Lévithan daté du 19 juillet 1946, le journalistequi deviendra en 1947 le directeur adjoint du Tour de France en temps que représentantdu journal d’Emilien Amaury donne une véritable leçon de journalisme à ses confrères quiattaquent l’épreuve qui se trouve sous le patronage du quotidien pour lequel il travaille :

« Partirons, partirons pas … »« A la veille de voir s’élancer sur les routes de France les concurrents de la course du

Tour, qu’on nous permette de donner un conseil désintéressé aux futurs organisateurs decourses à étapes : qu’ils s’abstiennent s’ils ont une maladie de cœur ou s’ils ne sont pasdoués d’une extraordinaire dose d’optimisme.

Dieu merci ! Nous ne sommes ni cardiaques ni pessimistes. Et c’est ainsi que nousn’avons pas été le plus moins du monde émus par les dépêches de ‘correspondantsgénéralement bien informés’ qui ont fait courir le bruit, depuis deux jours, que la marque‘France-Sport’ interdisait à ses représentants de participer à l’épreuve du Parisien Libéré.

[…] C’est surement un petit jeu plaisant auquel il nous amuserait de participer si nousn’avions le souci, fort louable au demeurant, on en conviendra, de nous faire l’écho que denouvelles préalablement contrôlées et puisées à la source… »

Contrairement à ses confrères, l’Humanité – journal communiste lui aussi – est quant àlui beaucoup plus nuancé dans sa critique sur Monaco - Paris. Les journalistes ne prennentpas pour prétexte, par exemple, l’erreur de parcours.

C) Les différents registres employés dans les articlesNous l’avons vu, les journalistes des deux camps utilisent différents registres dans leursarticles pour d’un côté défendre leur organisation et de l’autre critiquer la concurrence.Ainsi on voit dans leurs écrits l’usage de témoignages, de descriptions rappelant la course

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d’avant-guerre, de comparaisons avec cette dernière, mais aussi de l’ironie pour discréditerl’autre.

Dans ces critiques, un registre est particulièrement utilisé : la polémique. Elle estprésente dans l’ensemble des journaux. Ces derniers s’attaquent les uns les autres et serépondent dans leurs colonnes respectives. Choses sans doute troublantes pour les lecteursqui ne sont pas forcément au courant des antagonismes qui existent entre des différentsquotidiens, sportifs ou non. Plusieurs polémiques voient donc le jour entre juillet 1946 etjuillet 1947.

La polémique à propos de la sortie de l’EquipeNous l’avons vu plus haut, les journaux communistes sont très virulents lors de la sortiede l’Equipe, quotidien qui reprend la suite de l’Auto. Avant même que celui-ci ne sorte,l’Humanité et Ce Soir dénoncent le fait que Jacques Goddet, qu’ils considèrent commecollaborateur, soit derrière ce nouveau journal. Prenons comme exemple un extrait del’humanité du 8 janvier 1946 : « il y a des relents de ‘jaune’ dans l’air ».46

Parallèlement à ces critiques, le Parisien Libéré et Combat ne semblent pas troubléspar l’un ou l’autres des nouveaux journaux sportifs, même si le dernier titre cité estime quele nombre de titres consacrés au sport est excessif :

« Embarras du choix » « Pour avoir de la patience, les sportifs vont êtrerécompensés. Depuis bientôt deux ans, il n’y avait plus de presse sportive, maismaintenant nous voyons tout en grand et les sportifs auront le choix entre 7journaux : Elans, Sports et l’Equipe paraitront trois fois par semaine à partird’aujourd’hui, alors que les hebdos But et Record sortiront demain et Sport-vu

mardi prochain. » 47

La polémique autour des deux épreuvesEn fait, les deux épreuves se référant au Tour de France ont déclenché une série depolémiques ! En Effet, nous l’avons vu, l’Equipe attaque dans ses articles l’organisation dela Ronde de France et Ce Soir et Sports répliquent lors de la Course du Tour de France.

Exemples :« Mis au point des droits… et des faits : il n’y a qu’un Tour de France » « Il seralégalement organisé du 23 au 28 juillet sur le Parcours de Monaco-Paris. Dansle but de jeter la confusion, les organisateurs de la course Bordeaux-Grenoblen’hésitent pas à déclarer et à écrire que leur épreuve, dénommée ‘la Ronde de

France’, est le ‘Tour de France’. » 48 « On nous disait depuis des mois, ‘le Tour

de France est mort, n’essayez pas de la faire revivre, vous n’y parviendrez pas…’Nous voudrions aujourd’hui avoir près de nous nos pessimistes par profession. »49

46 Cf le tableau page 6647 Cf Annexes, journal Combat n° 536 du 27 février 194648 Journal l’Equipe n° 97 du 10 juillet 194649 Journal Sports n° 99 du 10 juillet 1946

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

60 Demouveaux Gautier - 2007

Par journaux interposés les polémiques fleurissent. Des chroniqueurs se répondentd’ailleurs : Dans l’Equipe Constantin Brive et ses « Ronds de … » brosse avec ironie ethumour la Ronde de France.

« Rond de Jambes » « Toulouse – Nous nous sommes précipités au départ decette deuxième étape avec une demi-heure de retard sur l’horaire. Les coureursétaient encore là (chose que nous avions prévu) mais la plupart des paloisétaient absents. Ce qui nous a surpris. Nous nous sommes dit d’abord – ‘lespalois ne sont pas matinaux les jours de course’. Mais un agent auquel le serviced’ordre laissait des loisirs, a rectifié : ‘pensez vous ! Ils n’ont pas la patience.Ils sont retournés se coucher.’ […] Est-ce la chaleur ? La propagande fut-elle suffisante ? Il n’y avait pas grand monde au vélodrome. Un confrère belge

supputait calmement : ‘C’est juste le public pour une réunion d’athlétisme. » 50

En réplique on trouve Georges Pagnoux pour Ce Soir et Jacques Blondel pour Sports quine se privent pas eux non plus de mettre en relief les points faibles de la Course du Tourde France.

« Tout juste 185 km ! Mais nous en avons eu pour notre argent ; un défilécarnavalesque sur la place du palais à Monaco, une erreur de parcours aprèsNice, un arrêt d’une demi-heure en pleine nature provençale, et un deuxième

départ au 37 ème km, avec les cigales pour seuls spectatrices. Avouons qu’ily a de quoi meubler une première étape et faire attendre sans ennui les colsalpins… […] On espère plus, depuis longtemps, voir la voiture du directeur de la

course diriger quoi que ce soit. » 51

L’organisation est bien entendu décortiquée de part et d’autre, et la moindre erreur estexploitée par les détracteurs alors que les organisateurs essaient de minimiser le problème.Prenons quelques exemples :

- les erreurs de classement :dans la Ronde de France :

« Sylvère Maes exprimait très haut sa surprise en avisant un autre coureurflamand : ‘Comment ! … Je l’ai vu terminer dans une voiture, hier, et il vaprendre le départ aujourd’hui ?’ Petit malentendu, bien sûr, et on eût vite fait deconvaincre l’ex-vainqueur du Tour de France. Puisqu’il avait vu le collègue dans

une voiture, il n’était plus question de le retrouver en rival sur la route… » 52

dans la Course du Tour de France :« En pénétrant dans le restaurant où plusieurs équipes prennent le repas matinal,un petit forcené se précipite vers nous. C’est M Mallet - vous avez le classement ?et de nous arracher des mains puis d’exploser. - Non mais vous vous rendez

50 Journal l’Equipe n° 99 du 12 juillet 194651 Journal Sports n° 111 du 24 juillet 194652 Journal l’Equipe n°100 du 14 juillet 1946

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

Demouveaux Gautier - 2007 61

compte ! Bavion m’a battu d’un pneu et il compte 1’39 sur moi ! Pour si minime

écart […] » 53

Les procédés sont les mêmes entre les journaux, et ce qui est reproché à l’un desorganisateurs trouve souvent sa répartie dans le journal concurrent. Il faut rappeler queles journaux qui s’affrontent sont ceux qui veulent à tous prix récupérer le Tour de Francepour l’année suivante. Leur but est donc de convaincre l’opinion publique et les instancesdirigeantes, c'est-à-dire l’administration des Domaines et le ministère de l’information.

- l’erreur de fléchageLors de la première étape de Monaco-Paris, la course doit être interrompue car les coureursont été aiguillés sur le mauvais itinéraire. Ici encore, on constate quatre types de réactions.Tout d’abord celle des journaux « neutres » (ici l’Humanité et Combat) qui relèvent à peinel’événement, l’ironie dans Sports, la critique virulente dans Ce Soir et la minimisation dansl’Equipe.

Dans le journal l’Equipe :« Evidemment l’erreur de parcours n’est pas le procédé le plus souhaitable pourenrichir le pittoresque d’une course, mais comment garder rancune au bravegendarme auteur de cette plaisanterie innocente. […] Les coureurs ont pris leschoses très philosophiquement et certains confrères arboraient un sourire d’uneoreille à l’autre ; sans doute ils pensaient trouver dans cet épisode une occasion

de rire un brin. Comme vous le voyez, c’est raté. » 54

Dans le journal Ce Soir :« une invraisemblable erreur de parcours oblige les organisateurs à neutraliser

avant Grasse la première étape de Monaco-Paris » 55

Dans le journal Sports :« En tout cas, une chose avait été vraiment oubliée, là, pas de doute. C’est deflécher le parcours. Et de mettre les commissaires aux virages litigieux ! Tantet si bien que Comellini et Néri volaient comme des zèbres en direction deCannes ! La voiture du directeur de la course filait sur la route plate et, quelquesminutes après était derrière le peloton. Va-t-on faire étape à Toulon ? Non car lagaffe apparait tout à coup et c’est par une petite route à droite que l’on renvoyatout le monde sur le chemin de Grasse. […] Ca ne dura qu’une petite demi-heure, le temps de bavarder… Assis sur l’herbe et de classer les hommes endifférents pelotons, que l’on allait lâcher ensuite, avec des écarts plus ou moins

fantaisistes. » 56

Dans le journal l’Humanité :

53 Journal Ce Soir n° 1512 du 25 juillet 194654 Journal l’Equipe n° 109 du 24 juillet 194655 Journal Ce Soir n° 1511 du 24 juillet 194656 Journal Sports n° 111 du 24 juillet 1946

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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« Il fallut arrêter les fugitifs et la course par la faute d’un gendarme qui avait mal

placé les affiches de fléchage » 57

- A propos de « l’affaire Vietto »

A l’arrivée de la 3e étape, jugée à Aix les Bains, éclate un scandale : le leader de l’équipede France, René Vietto, n’a pas été sanctionné par les commissaires de la course pour lechangement de bicyclette, procédé non autorisé. Le coureur doit normalement écoper d’unepénalité. Il n’en est rien. Les journaux communistes se saisissent de l’affaire. D’autant plusqu’un autre coureur, Jean Robic, membre de l’équipe de Bretagne, aurait dû alors récupérerle maillot jaune de leader. La course se trouve donc faussée.

Dans le journal Ce Soir :« -entourloupettes ! C’est le mot qui s’agglutinait très souvent à celui du Tour,quand celui-ci méritait vraiment son nom et son prestige. […] C’est celui (ce mot)qu’on pensait bien ne plus avoir jamais à évoquer, et notamment à propos d’unemanifestation qu’on prétendait rénover dans son esprit et dans ses mœurs. C’est

pourtant celui qu’il nous faut invoquer aujourd’hui… » 58

Dans le journal Sports :« Seul de toute la presse du matin, ‘Sports’, samedi dernier, révélait aux sportifsfrançais le scandale d’Aix les Bains. Nous nous élevions contre l’abus depouvoir des organisateurs de Monaco-Paris qui s’étaient opposés à une décisionlégitime des commissaires… » « ‘On a assassiné Jean Robic’ nous dit Romain

Bellanger » 59

La polémique enfle…Dans le journal Combat :

« Après la décision sur Vieto-Robic » « Les champions cyclistes n’ont pasbesoin d’être ridiculisés » « Nous nous étonnons que certains confrères seplaisent à faire courir des bruits fantaisistes, plus ou moins désagréable pourcertains coureurs, dont Vietto. Ces confrères n’en veulent pas spécialement àVietto, mais aux organisateurs de Monaco-Paris. Le plus lamentable de cettehistoire, c’est que Vietto supporte les frais de ces querelles entre journauxsportifs. […] Vraiment les journaux sportifs se moquent, les uns des coureurs,

les autres des lecteurs. » 60

Réponse dans Sports :« On a retrouvé l’assassin » « ‘On a assassiné Robic’. Tel était le titre d’un denos récents articles. Sans plus attendre, certains confrères en ont profité pourentamer une polémique qui menace de s’éterniser. ‘On veut opposer Vietto à57 Journal l’Humanité du 24 juillet 194658 Journal Ce Soir n° 1515 du 28 et 29 juillet 194659 Journal Sports n° 118 du 1e août 194660 Journal Combat n° 672 du 2 août 1946

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Robic’. Tel est la thèse choisie pour ces mécontents. Et d’entamer, à ce sujet,de longues diatribes. Hélas ! Nous regrettons de le préciser, il aurait fallu lireavant de critiquer. Il était question, si notre mémoire est bonne, de l’inégalitéde traitement entre les équipes régionales et la formation nationale. Quant àl’affaire Vietto, il n’en était nullement question dans ces lignes. Cela quelques unsl’ont oublié, ou plus simplement, et pour des raisons qu’il est inutile de préciser,cherchent un sujet en or pour plagier. Une preuve nouvelle, s’il en était encore

besoin, de leur mauvaise foi. » 61

Une fois encore la polémique est violente et les journalistes s’accusent mutuellement. Lesorganisateurs sont traités de tricheurs (« Ainsi cette épreuve, qui voulait ressembler au Tour

de France, en a surtout retenu les mauvaises méthodes, contraire à l’esprit sportif. » 62 )

L’Equipe et le Parisien Libéré ne prennent pas part au débat, c’est Combat qui se chargede répondre aux journaux communistes…

La polémique entre Sports et l’EquipeAu moment de son changement de maquette, le journal communiste Sports tente de copierson concurrent l’Equipe. S’en suit un débat qui fait ressortir les rancœurs présentes dès lasortie des deux titres…

L’explication du changement dans le journal Sports :« Renouveau » « Ce matin, en demandant leur journal, les lecteurs de ‘Sports’ont pu être quelque peu surpris par un titre flambant neuf et une présentationdifférente. ‘Sports’ a en effet fait peau neuve. Ainsi qu’il l’avait annoncé dansses numéros précédents, il s’est installé en plein centre de la presse, rue duLouvre. Bien qu’il appartienne à la glorieuse famille des journaux ayant paru dansla clandestinité, il a fallu attendre jusqu’à ce jour pour obtenir des conditionsnormales d’existence. Car les sportifs ne doivent pas oublier que ‘Sports’réclama 20 mois durant l’autorisation de paraitre et que, celle-ci obtenue, aucuneaide ne lui fut apportée par le ministère de l’information pour lui trouver un localet une imprimerie. Voici donc ‘Sports’ placé au cœur de Paris. Avec son titreen couleur (que l’ancien imprimeur ne pouvait lui faire), il se détachera, à sontour, parmi les quotidiens du matin. Bénéficiant de moyens supérieurs, il pourraprésenter un journal amélioré. Un journal encore plus complet, un journal vivantet agréable. Un journal fait pour tous les sportifs, un journal au rayonnementmondial, un journal indépendant. ‘Sports’ continuera à être un journal parlantlibrement du sport et dont le principal objectif sera d’agir inlassablement afinque le nombre de sportifs augmente sans cesse. ‘Sports’ sera le journal de lajeunesse dont l’enthousiasme et l’épanouissement comptent pour une large partdans les destinées de notre pays. Tels sont les principaux buts que s’est assigné‘Sports’ depuis ses débuts. Que les gens voient là une orientation politique, libreà eux, leurs soucis ne sont pas les nôtres. Fort de la confiance de ses fidèleslecteurs, sûr de l’appui de nombreux amis, comptant sur ceux qu’anime une foi61 Journal Sports n° 120 du 3 et 4 août 194662 Journal Ce Soir n° 1519 du 2 août 1946

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désintéressée en la cause sportive, notre journal entend gagner la bataille du

sport. » 63

La réponse du journal l’Equipe :« Méfiez vous des contrefaçons » « L’Equipe-Elan n’a absorbé aucun confrère.S’il suffisait, pour devenir le quotidien sportif à la plus forte vente, de tracer lenom de n’importe quelle feuille en blanc sur un joli fond rouge cerise… Ca sesaurait. Battu sur tous les terrains dans une concurrence loyale de notre part,le quotidien sportif dont les envoyés spéciaux à l’étranger siègent à Colombes,vient d’essayer ce dernier procédé. Il espère, grâce à cette confusion, tromper lessportifs et faire monter un peu ses ventes parmi les lecteurs qui se refusent à voirdans le sport un simple instrument politique. Nous recommandons vivement ànos lecteurs de veiller, chez nos dépositaires et marchands, à ce qu’on ne leurprésente pas, par erreur, la contrefaçon. Le plagiat est toujours l’hommage rendupar le médiocre à la qualité. L’Equipe-Elan, le plus fort tirage, la plus forte vente

de journaux sportifs. Ni parti, ni parti pris… » 64

Ces deux articles traduisent bien la lutte acharnée que se livrent les deux titres de la pressequotidienne sportive. On constate ici que l’aspect idéologique, notamment à propos de lavision du sport, joue un rôle primordial dans cette opposition. Le journal communiste se veutle défenseur du sport libre et indépendant de l’argent. Il accuse son concurrent de bénéficierd’aides financières et politiques, ce qui explique selon lui la meilleure santé de ce dernier.

De son côté l’Equipe dénonce, lui, la tentative de plagiat et accuse Sports d’être unjournal de second plan, dont les journalistes sont « médiocres » et « menteurs » (lesconsultants étrangers siégeant à Collombes…). De plus, il accuse son confrère d’êtrepolitisé, ce qui explique la faiblesse de son nombre de lecteurs, ces derniers refusant –toujours selon l’Equipe - que le sport soit récupéré par la politique…

La polémique autour de la lutte pour récupérer le TourUne fois les deux épreuves passées, les débats de presse se calment jusqu’à l’automne1946. La mise sur pied du calendrier cycliste de la saison 1947 va relancer le débat surl’attribution de la licence d’organisation du Tour de France. Il faudra attendre début juin 1947pour que la question du Tour soit définitivement réglée. La partie se jouera en trois temps…

- L’échec de Ce SoirAlors que les organisateurs doivent déposer leurs candidatures en novembre 1946, lejournal communiste Ce Soir propose trois courses : Paris-Nice, les Boucles de la Seineainsi que la Ronde de France. Cette dernière rend perplexe les membres de la FédérationFrançaise de Cyclisme ainsi que les autres journaux. En effet, l’épreuve qui a été organiséepour la première fois en 1946 passe d’un format de 5 à 20 étapes, et ses dates chevauchentcelles du Tour de France, épreuve déposée par la société du Parc des Princes. Les débatsreprennent de plus belle…

Dans le Journal L’Humanité :63 Journal Sports n°229 du 9 décembre 194664 Journal l’Equipe n° 228 du 10 décembre 1946

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« On parle beaucoup en ce moment d’un Tour de France qui serait disputéen 21 étapes et qui débuterait le 24 juin 1947. Mais il est une chose que nousaimerions savoir, aurait-on déjà attribué à un journal ou à une société quelconquece tour qui, jusqu’à preuve du contraire, appartenant à l’Auto. Or l’Auto, journalcollaborateur, est toujours sous séquestre, et le calendrier officiel ne doit

être établi que le 25 novembre par la FFC. Alors… » 65 « Il faut toutefois

rappeler que les organisateurs, en l’occurrence l’Auto, qui avait gâché l’intérêtsportif en développant outre mesure le côté commercial. L’Auto ensuite,s’est mis au service des propagandistes nazis, et pour cette raison n’a pas eul’autorisation de reparaitre après la libération. Ses biens étant actuellementsous séquestre, il n’y a aucune raison pour que le Tour de France soit remis surpied par une organisation plutôt qu’à une autre. Or le Parc des Princes et sonjournal l’Equipe en parlent comme si le Tour était leur propriété. Ils s’identifientdonc publiquement au ‘Jaune’ (si toutefois certains en doutaient encore !)alors que l’Equipe n’a été autorisé à paraitre qu’à condition… de ne reprendreaucune caractéristique de l’Auto, journal collaborateur suspendu. Qu’attenddonc le ministre de l’information pour intervenir et rappeler à l’Equipe sonengagement ? Quant au Tour, signalons que le calendrier français ne peut être

établi officiellement avant le 25 novembre. » 66

Dans le journal Sports :« Rien n’est réglé pour le Tour de France » « Dans toute la presse, on a annoncéle Tour de France 1947 avec quelques détails sur les étapes futures. C’est aller unpeu vite en besogne. Les déplacements de Jacques Goddet en Italie ne changentrien au fait que le Tour de France appartenant à ‘l’Auto’, journal collaborateur, estconsidéré comme bien sous séquestre et nul ne peut en disposer. Le directeurde l’Auto, qui fut au service des allemands pendant 5 ans, n’a pas qualité pourorganiser une épreuve qui fait partie du patrimoine national. D’ailleurs deuxdemandes ont été déposées pour le Tour cette année. L’une par M Joly, directeurdu Parc des Princes, l’autre par notre confrère ‘Ce Soir’, qui organisa l’annéedernière ‘la Ronde de France’. Il est certain qu’en principe il ne peut y avoir deuxTours de France, reste à savoir comment sera attribuée une épreuve qui ne peut,en aucun cas, revenir sous une forme ou une autre aux anciens organisateurs. L’affaire du Tour de France 1947 n’est pas réglée d’autant plus que le calendrier

officiel ne sera établi que le 25 novembre. D’ici là, du nouveau nous attend. » 67

Une nouvelle fois les journaux communistes n’hésitent pas à faire appel au symbole dela collaboration pour défendre Ce Soir contre la société du Parc des Princes. Les articlesn’hésitent pas à faire l’amalgame entre l’Auto, l’Equipe et la société du Parc des Princes,chose d’autant plus facile que c’est Jacques Goddet qui dirige les trois entreprises… Lesdeux titres tentent d’imposer aux lecteurs cette idée : la Société du Parc des Princes ou

65 Journal L’Humanité n° 697 du 4 novembre 194666 Journal l’Humanité n° 702 du 9 novembre 194667 Journal Sports n° 202 du 7 novembre 1946

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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l’Equipe ne peuvent récupérer le Tour de France, manifestation qui appartient à la nation etdonc au peuple. Il est inconcevable pour eux que l’épreuve revienne à un journal interdit à laLibération, et par patron qu’ils jugent collaborateur. Derrière cette façade de la Résistancequi continue, c’est bien les enjeux économiques et idéologiques que représentent le Tour deFrance qui motivent les quotidiens communistes. Si la Ronde de France arrive à supplanterle Tour de France, ces journaux posséderont la plus grande manifestation française, cequi permettra aussi d’augmenter les ventes et de faire circuler les idées politiques plusfacilement. De plus, le public sur le bord des routes de France est pour une grande majoritécelui du Parti Communiste, premier parti politique à l’époque !

Au début l’Equipe refuse de rentrer dans la polémique et prend acte du dépôt decandidature de la Ronde de France :

« Aux grandes épreuves sur route déjà annoncées pour 1947, il y a lieu d’ajouter3 demandes déposées par notre confrère ‘Ce Soir’. […], (dont) la Ronde deFrance en 20 étapes, du 20 juin au 14 juillet. Le Tour de France étant annoncé du24 juin au 20 juillet, la question de deux grandes courses par étapes à la même

époque se trouve donc officiellement posées devant les pouvoirs sportifs. » 68

Quant au journal Combat, il ne comprend pas l’obstination de Ce Soir :« Le Tour de France : un quotidien sportif annonce qu’il fera disputer l’épreuvechère à Henri Desgrange et Jacques Goddet, du 26 juin au 20 juillet. La chosen‘est pas pour surprendre puisque Jacques Goddet appartient à ce journal. Maisl’affaire se corse ! Voici qu’un journal du soir veut organiser une de ses troisépreuves : ‘la Ronde de France’ en 20 étapes, du 12 juin au 14 juillet. Il est évidentque l’une des deux courses autour de la France devra céder le pas sur l’autre. Amoins que l’une soit réservée aux professionnels et l’autre aux amateurs. Il n’enreste pas moins curieux et même choquant de voir avec quelle sûreté certains

s’obstinent à s’approprier le bien d’autrui… contre toute logique. » 69

Quelques jours plus tard l’Equipe fait part de son exaspération sur la surenchère concernantles demandes d’organisation pour le Tour de France :

« Henry Desgrange dépassé – Le Tour de France sera désormais permanent »« Le Tour de France 1947 nécessitera un investissement de 20 à 25 millions àpeine. La presse française étant – comme chacun sait – dans la misère, la FFCa reçu seulement 3744 demandes de la part de journaux désirant l’organiser ou,à la rigueur, mettre sur pied une épreuve disputée sur le même itinéraire, à lamême date, mais habilement appelée : circuit, boucle, cercle, voire : ronde, valse,farandole, etc. Enfin Henri Desgrange fait donc, à titre posthume, l’unanimité.Célébrons la réabilitation du père du Tour. Il n’est plus exploiteur de la sueurhumaine, mais un ami de l’humanité. Il n’est plus un mercanti du sport, maisun apôtre des sports. Ce matin comme ce soir, tous honorent sa mémoire.De notre temps, Albert Londres n’aurait pas écrit ‘Tours de souffrance’ mais‘Tours de Franche…ise’. La FFC se réjouit fort d’un pareil triomphe pour le sportdont elle a la charge. Après une interminable délibération, qui dura au moins

68 Journal l’Equipe n° 218 du 28 novembre 194669 Journal Combat n° 777 du 30 novembre 1946

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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1 minute 20, entre son président et M. Joinard, elle prit la décision suivante : 3744 Tours de France disputés tous à la fois auraient peut-être présenté chacunun lot un peu maigre au départ. Par conséquence, après avoir soigneusementexaminé les titres des organisateurs candidats et n’avoir écarté qu’une seuledemande ne paraissant vraiment pas sérieuse – demande émanant d’un certainM. Joly, directeur du Parc des Princes – les 3743 tours seront mis bout à bout etconstitueront en une seule épreuve continue : le Tour de France permanent… » 70

- L’organisation de la Fédération Nationale de la Presse FrançaiseLa Ronde de France de Ce Soir est mal partie. Face au Tour de France, elle ne peut faire lepoids. L’épreuve inventée par Desgrange possède une renommée internationale. Ce Soirest vaincu, mais la presse communiste n’a pas dit son dernier mot. Si elle ne peut remplacerle Tour de France, ni l’organiser, elle fera tout pour que l’Equipe ne récupère pas la licenced’organisation. Aucun journal ne doit pouvoir tirer de bénéfice de l’organisation de la GrandeBoucle. Les titres communistes vont donc convaincre la Fédération Nationale de la PresseNationale (FNPF) de prendre elle-même en charge le Tour de France. Cette idée avait déjàété émise en janvier 1946 par … Ce Soir !

Sports est le premier à dévoiler l’idée…« Un seul Tour de France, organisé par l’ensemble de la presse » Et le morceauchoisi, la perle des perles si l’on peut dire, c’est encore la France qui le possède.Mieux, M Joinard arrivera en Suisse avec dans ses valises deux demandesd’organisation pour une épreuve à plus de 15 étapes : le Tour et la Ronde deFrance. Et la situation s’annoncerait en vérité bien confuse si le président dela FFC ne possédait pas, depuis quelques jours, par devers lui, des élémentsqui lui permettent sans doute d’éviter une situation cornélienne. Certainsont pu se demander la raison de cette similitude d’épreuves. De même qu’àla lecture des journaux, et notamment hier de notre confrère ‘Paris-Presse’,le public n’a pas très bien compris pourquoi l’administration des domainesétait mêlée à une organisation qui ne relève vraisemblablement pas de son…domaine. ‘Les Domaines’ c’est l’administration chargée de veiller à la gestiondes biens placés sous séquestre, parce qu’appartenant à des sociétés ayanteu une activité collaboratrice. Le Tour de France propriété commerciale de‘l’Auto’, journal relevant de cette mesure, a donc suivi le sort de tous les biensde son organisateur. L’administrateur des domaines – dont la tâche est dedéfendre ces biens qu’il gère provisoirement – accorde l’an dernier la licenced’organisation au Parc des Princes. Mais cela n’alla pas sans provoquer descontestations car, en fait, le Parc des Princes est constitué en société anonyme,dont l’Auto’ possédait 49,5% des actions. De plus le président du conseild’administration du Parc se nomme Jacques Goddet, également directeur dujournal ‘l’Equipe’ qui bénéficiait ainsi d’un avantage par trop évident sur sesconcurrents. Pour atténuer les protestations, le Parc des Princes fit entrer lejournal d’information le ‘Parisien Libéré’ dans une organisation dont M Goddet70 Journal l’Equipe n° 224 du 5 décembre 1946

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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conserva d’ailleurs la direction technique. Mais il ne s’agissait que du ‘petitTour de France’… Si bien que Monaco-Paris – son autre appellation – se déroulafinalement sans incident. Cette année, il en ira tout autrement. Les conditionsmatérielles améliorées et l’autorisation fédérale accordée, le Tour pourra sedérouler normalement. Les Domaines, sans même chercher à monnayer lalocation du titre et pour se débarrasser d’une affaire quelque peu ennuyeuse ontcédé à nouveau leurs droits à la société du Parc des Princes. Or comme on l’avu, le Parc des Princes c’est l’Equipe, journal qui s’était engagé à ne reprendre nidirectement ni indirectement les épreuves de l’Auto. Or peut-on penser que c’estpour faire échouer cette tentative de monopolisation d’épreuves qui relèvent,en vérité, du domaine national, que notre confrère ‘Ce Soir’ a sollicité et obtenude donner plus d’ampleur à la Ronde de France, disputée la saison passéede Bordeaux à Grenoble. Il faut croire que les arguments de notre confrère nemanquaient pas de poids puisque la fédération nationale de la presse – quiregroupe l’ensemble des journaux français – a élevé près de la direction desdomaines une protestation admise par celle-ci. Pour éviter tout favoritisme,la fédération nationale de la presse a même fait une proposition d’organiserelle-même le Tour de France, proposition que l’administration – première –intéressée – a transmise au ministère avec avis favorable. On voit mal pourquoile ministre n’accéderait pas à un tel désir. Les divers organes intéressés étantd’accord – sauf, évidemment, ceux qui comptaient tirer la couverture à eux – ilest donc permis de penser que c’est l’effort collectif de tous les journaux quidonnera au Tour un éclat encore jamais atteint. Et l’on peut conclure que lesresponsables de la Ronde de France ayant obtenu les garanties de régularité etd’impartialité nécessaires, désireux également de ne pas nuire à une épreuvefrançaise dont le retentissement s’annonce mondial, reviendront sur leursintentions premières. Encore une fois, tout dépend du ministre… » Encadré :« C’est par une lettre en date du 29 novembre que M Ch. Mourot, directeur adjointaux Domaines de la Seine, a fait connaitre que M Bayet, président de la FNPF, que‘la direction des domaines avait déjà fait savoir, dès le 21 novembre, au ministre,seul compétant pour décider, que la direction des domaines se ralliait à l’idéeenvisagée d’organiser, sous l’égide de la fédération de la presse, les épreuves

sportives de l’Auto pour l’année 1947 et notamment le Tour de France. » 71

… suivi dès le lendemain par l’Humanité :« Le Tour de France aura-t-il lieu ? Oui c’est certain, mais qui l’organisera,puisque plusieurs journaux ou sociétés ont déposé une demande d’organisation. Avant la guerre, le Tour de France appartenait à l’Auto. A la libération, tous lesjournaux collaborateurs, dont l’Auto, furent suspendus et leurs biens placéssous séquestre. Les Domaines furent chargés de gérer le Tour. Pour 1947,on prête à l’administration des Domaines l’intention d’accorder au Parc desPrinces la licence d’organisation du Tour. Or le Parce des Princes, c’est l’Equipe,c'est-à-dire l’Auto, puisqu’on retrouve les même hommes à leur direction : MMGoddet, Joly, Faroux, etc. Ainsi le Tour, qui appartenait à l’Auto, serait organisé71 Journal Sports n° 235 du 13 décembre 1946

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par … l’Auto ! La fédération nationale de la presse l’a bien compris et a élevéune protestation énergique à l’administration des Domaines et a émis le vœud’organiser elle-même le Tour de France. Les Domaines ont transmis cetteproposition au ministère avec avis favorable. Il ne reste plus qu’au ministre àdécider. Espérons que celui-ci comprendra toute l’importance de cette grandeorganisation nationale qui doit être autre chose qu’une entreprise de publicitéréservée à un journal ‘caméléon’ et ne doit servir uniquement qu’à la propagande

sportive.» 72

Alors que les journaux communistes ont semble-t-il fait le deuil de la Ronde de Franceorganisée leur confrère Ce Soir (ils réclament même que ce dernier retire sa candidature,en suspend), les autres journaux quant à eux prennent simplement note du choix fait lors ducongrès de l’Union Cycliste internationale (UCI) lors du congrès consacré au calendrier dela saison 1947, sans relever, pour le moment, la décision de la FNPF de gérer elle-mêmel’organisation du Tour.

Ainsi dans le Parisien Libéré on peut lire :« Le Tour aura lieu du 25 juin au 20 juillet. L’ancienneté du Tour a normalementplaidé en sa faveur et le président de l’UCI a défendu ainsi une cause justequi ne souffrait pas de discussion. Les membres du congrès ont d’ailleursunanimement suivi le président Collignon dans son raisonnement et la « Rondede France » appelée à doubler le Tour – qui n’a pourtant ni besoin d’imitateurs,

même lointains – a été écarté du calendrier. » 73

Alors que l’ensemble des journaux prennent acte de la date du Tour de France, seule grandecourse à étapes en France, et de l’éviction de l’épreuve de Ce Soir, la Ronde de France,les réactions sont diverses. Sports rappelle que l’ensemble des journaux français organisele Tour pour 1947, et publie un « document officiel »74 en Une, une lettre de l’Administrationdes Domaines acceptant la proposition du Société Nationale des Entreprises de Presse(SNEP). L’Equipe prend acte quant à lui de la sélection – évidente – de choisir le Tour plutôtque la Ronde mais condamne tout de suite la décision de la SNEP et de la FNPF d’organiserle Tour de France. Il dénonce une manipulation de la part des journaux communistes :

« Batailles autour du Tour ! » « L’UCI ne pouvait évidemment pas accepter quele calendrier international fut encombré par deux épreuves de plus de vingtétapes, organisées dans le même pays. La Ronde de France devra donc êtremise sur pied, en 1947, de telle sorte qu’elle ne concurrence pas le Tour. Lespouvoirs sportifs ont ainsi, à l’instance supérieure, pris une décision qui metun peu de clarté dans la situation passablement confuse. Cette confusiona été volontairement créée par un groupe – lequel était jadis le plus violentdétracteur du Tour ! – désireux de s’emparer de la grande épreuve d’une manièreou d’une autre. Qu’on en juge : 1. D’un côté on pose la candidature de laRonde de France laquelle en 1946 est présentée par ses promoteurs commeétant le Tour de France, avec maillot jaune, grands cols et tout le tralala…

72 Journal l’Humanité n° 735 du 14 décembre 194673 Journal le Parisien Libéré n° 731 du 15 et 16 décembre 194674 Cf annexes, journal Sports n° 235 du 16 décembre 1946

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Dans le cas où l’administration des domaines, séquestre des biens de l’Auto,n’aurait pas été vigilante et n’avait décidé de préserver les droits du Tour, onlui enlèverait… gentiment l’épreuve en la copiant sans vergogne. 2. D’un autrecôté, on revendique, par un autre journal du même groupe, le Tour de Francelui-même. Histoire de voir ! 3. Et puis on s’en va, ensuite, suggérer au présidentde la fédération nationale de la presse de réclamer l’organisation du Tour deFrance, en lui expliquant, le plus sérieusement du monde, que les bénéficesdu Tour de France serviront à assurer le financement des œuvres sociales dela presse. Car, n’est ce pas, l’excellent M Bayet n’est pas forcé de savoir quele Tour a toujours coûté de l’argent, à ceux qui l’organisent. Les cinq étapesde Monaco à Paris se sont cette année, soldée par un déficit de 2 millions etdemi. Le Tour 1947 devrait, lui, aboutir à une perte avoisinant les 10 millions… Le ministère de l’information est appelé à se prononcer. Henri Desgrange, quin’était pas un si mauvais organisateur, se mettait au travail le lendemain mêmede l’arrivée du Tour. Aujourd’hui, rien n’est commencé pour le Tour 1947. Voilàprès de cinq mois perdus, à l’époque où tous les problèmes d’organisation se

sont dangereusement multipliés. » 75

La polémique continue entre les différents titres : alors que les journaux communistesannoncent que la SNEP et la FNPF ont trouvé des solutions pour financer le Tour de France,les autres titres dénoncent les procédés proposés.

Dans Sports : le journal annonce que la question du financement est réglée,l’organisation sera prise en charge par les titres provinciaux et nationaux :

« La fédération de la presse prépare le Tour de France 1947 – le financement del’épreuve est d’ores et déjà assuré » « Un décret du gouvernement, signé hiermatin, a dévolu à la SNEP les biens du journal l’Auto, parmi lesquels figurentles organisations cyclistes. Sans perdre de temps, la fédération nationale dela presse a réuni, hier après midi, les représentants des journaux afin qu’ilsexaminent ensemble l’avenir des courses cyclistes. Etant donné l’importance duTour de France, le conseil s’est rallié au projet de M Bensan qui présidait cetteréunion et a décidé d’organiser lui-même, avec le concours de tous les journauxfrançais, la grande épreuve fixée, on le sait, du 25 juin au 20 juillet, au calendrier1947. - Une loterie - Pour assurer le financement, une loterie, comportant de un àdeux millions de billets de 20 francs, sera lancée par la presse. Le concours desvélodromes et des villes-étapes et des journaux régionaux sera aussi demandé. Le temps pressant, une prochaine séance aura pour but la désignation d’unsecrétaire général qui s’appuiera sur un comité technique en liaison avec laFFC. Ajoutons que l’administration des domaines, chargée précédemment duséquestre de l’Auto, avait déjà confié pour cette année l’organisation du Tour auvélodrome du Parc des Princes, mais celui-ci, appartenant pour 49,5% de sesactions à l’Auto, se trouve maintenant en partie sous le contrôle de la SNEP.Son désistement et celui du Parisien Libéré, qui devait organiser l’épreuve pourson compte, ne peuvent faire de doute. Ainsi le Tour de France 1947 prendra

75 Journal l’Equipe n° 233 du 16 décembre 1946

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un caractère vraiment national et sera dégagé de contingences commerciales si

souvent critiquées avant guerre. » 76

Ce Soir apporte d’autres éléments pour confirmer cette nouvelle. Le journal cite le décretdu Gouvernement publié au Journal Officiel. C’est encore une fois une manière de prouveraux lecteurs que ce qui est avancé par le journaliste est vrai et que la décision est officielledonc que cette dernière ne peut pas être contesté (par les autres journaux) :

« Or ce matin un décret paru dans le journal officiel chargeait la société nationaledes entreprises de presse d’administrer les biens du journal « l’Auto ». Ainsila fédération nationale des entreprises de presse peut d’ores et déjà passer austade de la ‘construction’ du prochain Tour de France et confiera le patronageà l’ensemble des journaux régionaux. Deux commissions d’organisation serontnommées à bref délai qui opéreront en accord avec la FFC. Pour assurer à lagrande épreuve nationale son plein relief, une loterie serait organisée, au titre de

subvention. On peut lui prédire le plus grand succès. » 77

Dans Combat : le journal répond aux quotidiens communistes ayant annoncé l’organisationdu Tour par la SNEP et LA FNPF, en expliquant qu’aucune décision n’a été prise pour lemoment, et que le choix de financer l’organisation par les titres de presse nécessite l’accorddes ses dernier !

« L’organisation du Tour de France par la fédération de la presse ? Peut-êtremais par certain ! » « La nouvelle est survenue hier, lancée par deux journaux :le Tour de France sera organisé, comme prévu, du 25 juin au 20 juillet, nonplus par un journal, ni par la direction du Parc des Princes (qui avait déposé le11 octobre les licences et caution nécessaires), mais par l’ensemble de tousles journaux de France et de Navarre. Soit, plus exactement, par la fédérationnationale de la presse. Nos confrères ajoutaient que les 25 millions nécessairesà l’organisation de la grande épreuve seraient obtenus grâce à une subventiondemandée aux conseils généraux de chaque département traversé, soit parune tombola, ou mieux, par un sweepstake de la loterie nationale. La société‘l’Auto-sport’ héritière du Tour de France de Desgrange n’a pas encore passéen jugement, et ses organisations sportives, gérées par l’administration desDomaines, sont devenues le bien de la Société Nationale des Entreprises dePresse. Voici la raison pour laquelle la fédération de la presse est mêlée à cettehistoire qui ne devrait pas sortir du domaine sportif. Nous nous sommes étonnés,avec d’autres confrères, que des décisions impliquant la participation de tousles journaux aient pu être prises sans qu’aient été convoqués les représentantsde tous les grands journaux et, surtout, sans qu’ait eu lieu auparavant, uneréunion d’étude de cette organisation en commun, qui intéresse les rubriquessportives de tous les journaux sans exception. C’est pour répondre à ces justesréclamations que la commission exécutive de la fédération nationale de la pressea communiqué l’ordre du jour suivant voté le 3 janvier et qui met les choses aupoint : ‘La commission exécutive précise que la décision du bureau, en date du

76 Journal Sports n° 252 du 4 et 5 janvier 194777 Journal Ce Soir n°1653 du 5 et 6 janvier 1947

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26 décembre, en ce qui concerne le Tour de France, ne comporte pas autre choseque l’étude des possibilités techniques et financières de cette entreprise sousl’égide de la fédération. Une déclaration devra, en tout état de cause, interveniren séance de bureau, puis de la commission exécutive pour laquelle plusieursjours d’avance, la question aura été régulièrement inscrite à l’ordre du jour.Enfin, la commission exécutive précise expressément qu’avant toute prise deposition définitive, chaque syndicat devra être consulté sur le point de savoir siles journaux sont ou non d’accord pour accepter que la fédération prenne, en leur

nom, quelque engagement que ce soit en ce domaine.’» 78

Les autres journaux ne sont pas en reste, l’Equipe dénonce lui aussi la précipitation dansl’annonce de ses concurrents quant à l’organisation du Tour. A la formulation affirmativeprésente dans les titres communistes, le quotidien de Goddet joue une nouvelle foissur le registre du complot, tout en tentant de tourner ses adversaires en ridicule. Avecironie, le journaliste démontre que seul l’appât du gain motive les journaux communistes.En effet, l’idée de financer le Tour par une contribution volontaire ou une participationgouvernementale (via un impôt, touchant la population) parait paradoxal du point de vuedu journaliste (qui se place dans la logique communiste – enfin l’image qu’il s’en fait), lamanifestation étant totalement gratuite avant-guerre. Ainsi il tente d’expliquer aux lecteursque le parti qui se réclame du peuple fait peser sur ce dernier, en période difficile, (la Francefonctionne encore sous restrictions), des dépenses supplémentaires.

« Le Tour ne tourne pas rond » « 1 – vendredi, il a été déclaré à une mystérieusecommission que la fédération nationale de la presse organisera le Tour ; 2 –Samedi, quelques journaux annoncent précipitamment la nouvelle ; 3 – Dimancheon apprend que la commission exécutive de la fédération nationale de la pressea voté un ordre du jour restrictif… Le clan qui avait rêvé de le supplanter parla contrefaçon de la Ronde de France, ayant échoué, s’efforcent d’engager lafédération nationale de la presse dans l’aventure. Les mêmes qui se proposaientd’effacer le Tour et de le remplacer au profit de leur groupe, veulent maintenants’emparer des leviers de commande sous le couvert de la fédération de lapresse, mal avertie de pareils problèmes, incomplètement ou mal informés,et qui doit actuellement faire front à des problèmes plus graves sur le planprofessionnel. Il ne fut donc pas difficile de monter dans l’ombre et le mystèreune petite commission dont le rôle, lors d’une première réunion, vendredi, seréduisit à l’audition de celui qui l’avait convoquée, et qui était précisémentl’organisateur de la Ronde de France ! : « Le public devra-t-il financer le Tour ? »]L’orateur, lâché en liberté, n’eut aucun mal à décréter que la fédération de lapresse allait donc mettre sur pied le Tour. Un hic : le financement. Rien de plussimple. Trois solutions : 1. Subvention du sous secrétariat à l’éducation physique(proposition sérieuse au moment où ledit secrétariat n’a pas de quoi payer lesterrains de sport nécessaires au pays) 2- Tranche d’une loterie. On doute quecela puisse couvrir le montant du déficit. 3- Sweepstake spécial. 40 000 000 àprélever sur la bourse des citoyens. Retenons que les procédés ‘commerciaux’d’Henri Desgrange, lesquels consistaient à faire précéder de deux heures lacourse par des camions publicitaires, valaient bien du point de vue moral, la78 Journal Combat n° 809 du 5 janvier 1947

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création d’une colossale entreprise de jeu à propos d’une épreuve sportive. Etla mission hautement éducative de notre presse ? […]Le public paiera-t-il ? Ilest certain, en tout état de cause, et le dernier paragraphe le spécifie clairement,que beaucoup de journaux n’accepteraient pas d’engager leur responsabilitédans une entreprise qu’ils considèrent ne pas être dans l’objet d’une fédérationde presse. L’organisation de courses cyclistes et de loteries ne semblent pasêtre du rôle de leur syndicat professionnel. Ils n’entendent pas prendre de risquecollectif ni du point de vue financier, ni du point de vue technique, ni du pointde vue moral. L’affaire, qui en est donc à ‘l’étude des possibilités techniques etfinancières’ suit son cours. Le Tour, lui, ne tourne pas… Rendons hommage, àl’heure de ces réformes, au Père du Tour. La grande idée d’Henri Desgrange avaitété d’offrir au public une extraordinaire distraction gratuite. Cette fois le publicserait invité d’abord à payer. C’est un progrès sérieux et dont les contribuables

sportifs seront reconnaissants envers les hardis réformateurs.» 79

De plus, pour répondre au « communiqué officiel » de l’administration des Domaines,le journal publie à son tour un communiqué émanant de la SNEP. Enfin elle réitère sesaccusations de complot monté par les communistes : ces derniers ont convaincu la SNEPet la FNPF d’organiser le Tour de France, épreuve qui contrairement à l’idée reçue – dixitl’article – ne génère aucun bénéfices, bien au contraire :

« Sur la foi d’informations émanant d’une personne qui semblait mandatée parla fédération nationale de presse, certains de nos confrères ont donc annoncécomme officielle la décision de cette fédération d’organiser le Tour de France.Mais la majorité des journaux, absolument tenus dans l’ignorance de cesopérations, écartés de la mystérieuse commission, demandèrent le soir même àla commission exécutive de leu fédération de mettre la situation au point. Et noslecteurs en seront informés quand ils auront pris connaissance de l’ordre du joursuivant : La commission exécutive précise que la décision du bureau, en date du26 décembre, en ce qui concerne le Tour de France, ne comporte pas autre choseque l’étude des possibilités techniques et financières de cette entreprise sousl’égide de la fédération. Une nouvelle délibération devra, en tout état de cause,intervenir en séance de bureau, puis de la commission exécutive pour lesquelles,plusieurs jours d’avance, la question aura été régulièrement inscrite à l’ordre dujour. Enfin, la commission exécutive précise expressément qu’avant toute prisede position définitive, chaque syndicat devra être consulté sur le point de savoirsi les journaux sont ou non d’accord pour accepter que la fédération prenne, en

leur nom, quelque engagement que ce soit en ce domaine. » 80

Le Parisien Libéré quant à lui joue une nouvelle fois les moralisateurs vis-à-vis de sesconfrères, en rappelant la base du métier de journaliste, la rigueur :

« Plusieurs de mes confrères, sans toujours faire montre d’une rigoureuseexactitude dans leurs déclarations, ont beaucoup parlé du Tour de France aucours de la semaine écoulée. Certains d’entre eux ont ainsi annoncé à grand

79 Journal l’Equipe n° 251 du 6 janvier 194780 Idem

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fracas que la fédération nationale de la presse avant décidé d’assumer elle-même l’organisation du Tour. Or l’ordre du jour de la commission exécutive dela fédération voté à l’unanimité le 3 février remet les choses au point, qu’on enjuge : La commission exécutive précise que la décision du bureau, en date du 26décembre, en ce qui concerne le Tour de France ne comporte pas autre choseque l’étude des possibilités techniques et financières de cette entreprise, sousl’égide de la Fédération. Une nouvelle délibération devra, en tout état de cause,intervenir en séance de bureau, puis de la commission exécutive pour lesquelles,plusieurs jours d’avance, la question aura été régulièrement inscrite à l’ordredu jour. Enfin, la commission exécutive précise expressément que, avant touteprise de position définitive, chaque syndicat devra être consulté sur le pointde savoir si les journaux sont ou non d’accord pour accepter que la fédérationprenne, en leur nom, quelque engagement que ce soit en ce domaine. Il convientdonc d’attendre les prochaines délibérations de la commission exécutive pour

connaitre la position définitive de la fédération nationale de la presse. » 81

Nouvelle réplique de Sports qui répond à ses détracteurs en utilisant des témoignages – enl’occurrence le trésorier de la FNPF – en lui faisant dire que l’Equipe, dont la filiation avecl’Auto est connue, ne peut récupérer les biens de ce dernier titre. On retrouve une fois deplus l’utilisation du sujet de la collaboration comme moyen de persuasion :

« Bien avant l’heure, le Tour de France 1947 aura fait couler beaucoup d’encre.Nous voici arrivés à quelques 6 mois de la grande épreuve, époque où l’ondoit passer aux réalisations concrètes et, en dépit d’une mauvaise foi évidenteaffichée par une minorité, un fait est acquis : le Tour de France sera organisépar l’ensemble de la presse. Cette nouvelle, on le conçoit fort bien, n’a pas étépour satisfaire tout le monde. En particulier certains éléments qui, jusqu’alors,avaient considérés les grandes organisations du cyclisme comme étant leurpropriété personnelle. Leur réaction a été vive. Au moins égale à l’amertumeque leur a causée cette mesure de justice. Ainsi est-il nécessaire, avantd’aborder le vif du sujet, de jeter un regard rétrospectif sur les années passéeset d’analyser les différents stades d’une évolution dont le premier résultat a étéde donner au patrimoine national une épreuve qui lui revenait de droit. - l’héritageimpossible - A cet effet, nous avons rendu visite à M Gaston Bensan, trésorier dela fédération nationale de la presse, mandaté par celle-ci pour établir un projetd’organisation et de financement du Tour. Sans attendre, M Bensan enchaîna :‘- En 1940, la direction du défunt journal l’Auto, propriétaire du Tour, venditaux allemands la majorité de ses actions, ce qu’aurait certainement désavouéHenri Desgrange, dont on se rappelle le patriotisme ombrageux. Cette tractationet la parution du journal pendant toute l’occupation motivèrent sa mise sousséquestre. L’administration des domaines, chargée alors de la direction desbiens confisqués, confia en 1946 l’organisation du Tour à la société du Parcdes Princes, dont 49,5% des actions appartenaient à l’Auto et, partant, auxallemands. Le Parc des Princes, par un accord secret, donna le parrainage deMonaco-Paris à un journal parisien, ce qui entraina de vives protestations de la81 Journal le Parisien Libéré n° 750 du 7 janvier 1947

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part des autres journaux. C’est pour éviter le retour de tels faits que la SNEP,maintenant seule propriétaire de l’épreuve en vertu de la loi du 11 mai 1945,accueillit avec intérêt l’idée de ‘participer à l’organisation de la Grande Bouclesous l’égide de la fédération nationale de la presse’. Un semestre à peine noussépare du matin où le Tour de France prendra à nouveau le départ. C’est justeassez pour mettre au point tous les détails d’une grandiose organisation qui,ces dernières années, manqua au cyclisme. Interrogé à ce sujet, M Bensannous donna une idée des projets actuellement à l’étude. ‘- Financièrement,l’épreuve est plus facile à organiser actuellement qu’avant guerre. Débarassé decertaines contingences commerciales qui obligeaient les anciens organisateursà de nombreuses négociations avec les municipalités. […] Quant aux journauxparisiens et provinciaux, ils seront appelés, dans la mesure choisie par chacun,à apporter leur collaboration active à l’organisation. Nous pouvons donc sur lafoi de ces décisions, envisager l’avenir avec sérénité. Le Tour, celui de tous lessportifs, aura bien lieu. Sans marchandage, sans boycottage, ce qui sera fortbien. Ainsi, la collaboration entre la FFC, la FNPF, la SNEP et le haut patronagedu sous secrétariat aux sports, aura pour but de rehausser encore le prestige du

Tour, pour le rayonnement du sport en général. » 82

De plus, Sports publie un document officiel pour appuyer son argumentation. Le journalreprend le décret cité par Ce Soir deux jours auparavant. Cette fois-ci le journal ne secontente pas d’en parler et le publie textuellement dans son intégralité :

« Voici le décret paru au Journal Officiel du 5 janvier 1947 » « Décret n°47-14du 4 janvier 1947 portant application de l’article 3 de la loi du 11 mai 1946 à desentreprises de presse et d’information. Le président du gouvernement provisoirede la République, Sur rapport du sous secrétaire d’état à la présidence ; Vul’article 3 de la loi du 11 mai 1946, portant transfert et dévolution des bienset éléments d’actif d’entreprise de presse et d’information. Décrète : Article 1– Il est fait application des dispositions de l’article 3 de la loi du 11 mai 1946susvisée aux entreprises de presse et d’information ci-après désignées : Sociétédu journal l’Auto, société anonyme au capital de 1 600 000 francs, dont le siègesocial est à Paris, 10 faubourg Montmartre, inscrite au registre du commerce deParis sous n° 284-563 B Société l’Auto-Sports, société anonyme au capital de15 millions de francs dont le siège social est à paris, 10, faubourg Montmartre,inscrite au registre du commerce de Paris sous le n° 219-223 B Article 2 : - lesecrétaire d’Etat à la présidence du conseil est chargé de l’exécution du présent

décret, qui sera publié au Journal Officiel de République Française. » 83

La polémique dure sur plusieurs jours et fait rentrer en compte différents moyensde persuasion utilisés par les deux camps. Les journaux communistes emploient latournure affirmative et appuient leurs déclarations sur des documents officiels (décrets,communiqués et autres lettres). Face à cela, les autres titres ont recours à la rhétorique ducomplot, au conditionnel (rien n’est fait) et à l’ironie en tournant l’adversaire en dérision. Ils

82 Journal Sports n° 254 du 7 janvier 194783 Idem

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ont aussi recours aux documents officiels. Au final, la situation s’éclaircie, et les journauxtombent d’accord – pour le moment.

Le Tour de France qui appartient à la SNEP sera financé par la FNPF, c'est-à-dire parles journaux de province et les titres parisiens, l’organisation technique étant une nouvellefois dévolue à la société du Parc des Princes, entreprises dont 49,5% appartient égalementà la SNEP (cette dernière ayant récupérée tous les biens de l’Auto dont ses parts dans lasociété).

- La licence accordée à l’Equipe et au Parisien LibéréAprès des mois de débats, les journaux communistes réaffirment que l’organisationde l’événement se déroule bien alors que les autres titres dénoncent le problème dufinancement de l’épreuve. Le groupement professionnel des coureurs cyclistes est pris àtémoins de part et d’autres. Des réunions sont organisées, la SNEP et la FNPF confirmentà chaque fois leur intension de mettre sur pied le Tour de France, alors que la société duParc des Princes fait part de ses difficultés à trouver l’argent pour la mise sur pied d’untel événement. Très vite les journaux communistes accusent le Parc des Princes de nepas faire les efforts nécessaires auprès des différents quotidiens susceptibles de participerà cette entreprise, et ceci dans le but de pousser la SNEP et la FNPF à abandonner lepatronage à un groupe de journaux, en l’occurrence l’Equipe et le Parisien Libéré.

« le Parc est démasqué » « Ainsi grâce à notre vigoureuse intervention et malgréles cris de l’Epoque et de l’Aurore, le Parc des Princes n’a pas pu agir à sa guiseet attribuer le ‘Tour’ à l’Equipe en prétextant un manque de finances. En effetla commission de contrôle de la fédération de la presse, dans sa séance demercredi dernier, s’est aperçue que les négociations entreprises par le Parc nevisaient qu’à un but, faire échouer la décision adoptée par tous : le patronagedu Tour par l’ensemble de la presse française. Voici comment le Parc avaitprocédé : aux journaux régionaux, il avait demandé 400 à 500 000 francs sansleur offrir en contrepartie le droit de confectionner des éditions spéciales etd’avoir une voiture suiveuse de propagande. Quant aux journaux parisiens,il les avait sollicités par une vague circulaire. Pour pallier à cette carence, lafédération de la presse a donc chargé deux de ses membres d’entreprendre denouvelles démarches auprès des journaux. Et ces négociations aboutissant,l’organisation technique étant en bonne voie, rien ne s’opposera à ce que le Tourait lieu à la date prévue et dans les conditions acceptées par tous. L’Humanitése ralliera donc à ce qui avait été décidé de prime abord, mais elle déclaresolennellement qu’elle s’élèvera contre toute nouvelle initiative de sabotage duTour et revendiquera l’honneur, selon le vœu de tous les sportifs, de remplacer

les organisateurs défaillants, si cela est nécessaire. » 84

Pourtant, différents titres n’hésitent pas à déposer leur candidature dans l’optique où laSNEP et la FNPF abandonnent leur ligne de conduite : le refus d’accorder l’organisation àun journal ou un groupe de journaux. Trois quotidiens ont ainsi déposé une requête pourrécupérer la licence : Le Parisien Libéré, Ce Soir et l’Humanité.

84 Journal l’Humanité n° 823 du 2 mai 1947

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Une commission composée de membres de la FNPF est donc chargée de relancer lesdémarches pour obtenir les financements nécessaires à l’organisation du Tour. Cependantle temps passe et si certains quotidiens acceptent de parrainer une étape, le budget est loind’être bouclé. Durant le mois de mai, les dirigeants de la SNEP et de la FNPF réitèrent leurvolonté de ne pas accorder l’organisation du Tour à un seul journal pour éviter une situationde monopole. Cette information se retrouve bien entendu dans les quotidiens communistes,alors que l’Equipe n’en fait pas mention…

Dans le journal Ce Soir :« le financement du Tour » « Ce matin s’est tenu à Paris une nouvelle réunionconcernant le Tour de France. Le budget et les moyens propres à trouver l’argentnécessaire à l’organisation de l’épreuve ont fait l’objet d’un nouvel examen.Pour y voir clair il apparait qu’il faudra attendre les résultats des démarches quiseront faites auprès des journaux régionaux, dimanche prochain, à l’occasion del’assemblée générale de la presse. Au cas où cela n’aboutirait pas, il aurait été

envisagé de voir pour un patronage collectif. » 85

Dans le journal l’Humanité :« la question du Tour » « Hier, au cours d’une conférence, Pierre Bloch, présidentde la SNEP, abondant dans notre sens, a déclaré que le Tour ne saurait être lemonopole d’un journal ou d’un parti. Ainsi se trouvent déjouées les manœuvresdu Parc des Princes et de l’Equipe tendant à faire attribuer l’épreuve à un journalou un groupe de journaux dont les liens avec l’Auto sont connus de tous.

L’Humanité veillera à ce que cette décision ne soit jamais enfreinte. » 86

Dans le journal l’Equipe :« La SNEP confirme : le Tour aura lieu » « Les organisateurs considèrent d’unœil optimiste les difficultés qui rentent à vaincre. D’ailleurs la Société Nationaledes Editions de Presse confirmait cette bonne impression en transmettant auxjournaux hier dans la soirée le communiqué suivant : Bonne nouvelle pour lessportifs. Dans la conférence de presse tenue le lundi 12 mai, M Pierre Bloch,PDG de la SNEP, a affirmé que le Tour de France, dont la SNEP est propriétaire,aurait lieu en toute éventualité, quels que soient les bruits qui ont pu courir à cesujet. Il a ajouté que l’intérêt du sport français et les participations étrangèresdéjà acquises à la grande manifestation cycliste faisaient un devoir à la SNEPde ne pas décevoir l’attente des sportifs de tous les pays. Il a indiqué, en suite,que d’après les renseignements en sa possession, le Tour de France s’annonçait

comme un très grand succès. » 87

On remarque ici que la position de l’Humanité se détache de celle des autres journauxcommunistes. Sports et Ce Soir se placent derrière les dirigeants de la SNEP et de laFNPF pour éviter de prendre partie dans le débat (à priori pour éviter d’être accusé parles autres journaux de vouloir à tout prix empêcher l’Equipe de récupérer le patronage de

85 Journal Ce Soir n° 1728 du 10 mai 194786 Journal l’Humanité n° 832 du 13 mai 194787 Journal l’Equipe n° 327 du 13 mai 1947

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l’épreuve, suite à l’échec de la tentative de Ce Soir avec la Ronde de France…) L’Humanité,moins exposé que ses confrères, peut se permettre de se placer en défenseur du Tour deFrance. En effet les reproches adressés par les adversaires (surtout la question de l’enjeuéconomique, car l’enjeu idéologique ne peut être absent chez ce journal !) s’appliquent dansune moindre mesure à l’Humanité.

Cependant au mois de juin 1947 la question du financement pose encore problème.La SNEP et la FNPF, revenant sur leur décision, donnent les pleins pouvoirs à la sociétédu Parc des Princes qui s’empresse de donner le patronage de l’épreuve à l’Equipe et auParisien Libéré. Cette décision provoque un tolet dans les colonnes des titres communistes.

Dans le journal Ce Soir :« De quel droit ? » « M Melliz, ce journaliste sportif dont les attaches avec lesgens de ‘l’Auto’ se précisent chaque jour a été chargé de lancer un ballon d’essai.Ce Tour de France, dit-il, serait attribué au Parisien Libéré et à l’Equipe, c'est-à-dire remis par un détour savant aux anciens organisateurs pourtant disqualifiéspar leur collaboration à l’Auto des Nazis. M Pierre Bourdan démolisseur de laloi du 11 mai sur laquelle d’ailleurs il ne s’est pas encore expliqué, malgré deuxlongues séances à l’Assemblée Nationale, n’a aucune qualité pour disposer desbiens de la SNEP. Si le Parc des Princes a saboté le financement du Tour deFrance ou s’il n’a pas réussi à l’assurer contrairement à ses promesses, on nesaurait à plus forte raison confier à ses représentants le patronage de l’épreuve.D’autres journaux qui offrent les garanties nécessaires se sont mis sur les rangs.M Pierre Bloch, nous l’espérons, ne laissera pas mettre en cause l’impartialité de

la SNEP en entérinant une décision entachée de favoritisme. » 88

Dans le journal l’Humanité :« Non ! Le Tour ne doit pas revenir à l’Auto ! » « Selon une information paruesamedi dans un journal du soir, M pierre Bourdan, ministre des sports et de lajeunesse, prendrait incessamment la décision de confier l’organisation du Tourde France à l’Equipe, avec le concours du Parisien Libéré. Ainsi, grâce à uneruse du Parc des Princes – qui en a saboté le financement – le Tour reviendraiten partie à ses anciens tenants, puisque les dirigeants de l’Equipe sont ceuxde l’Auto, journal paru sous l’occupation et condamné comme tout journalcollaborateur. Or Pierre Bloch, président de la SNEP, a déclaré récemment que leTour ne saurait être attribué à un seul journal. S’il a changé d’avis depuis, on nevoit pas comment il expliquerait son favoritisme puisque d’autres journaux – etaux premiers rangs de ceux-ci l’Humanité – ont offert les garanties nécessairesà l’organisation de cette grande épreuve. Pierre Bloch se doit d’apporter au

plus tôt un démenti. » 89 « Le Tour est attribué » « La nouvelle est maintenant

officielle. Malgré nos protestations justifiées, malgré les engagements pris parceux qui avaient le Tour en charge, cette épreuve a été confiée pour 1947 au Parcdes Princes. Ce dernier s’est empressé, comme prévu, de placer le Tour sousle patronage du Parisien Libéré et de l’Equipe. Ainsi les garanties offertes par88 Journal Ce Soir n° 1747 du 1 et 2 juin 194789 Journal l’Humanité n° 850 du 3 juin 1947

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l’Humanité n’ont pas été prises en considérations et le Tour revient en partie àses anciens tenants, à l’Auto, journal collaborateur déchu de ses droits et dont

les dirigeants, tels M Goddet et M Oger sont ceux de l’Equipe. » 90

Dans le journal Sports :« Ombre sur le Tour » « Le Tour de France va de nouveau remuer des foulesincalculables, la Grande Boucle reste en effet l’épreuve la plus populaire detous les temps. Du 25 juin au 20 juillet, traversant plaines et montagne, l’élite ducyclisme mondial fera vibrer intensément tous ceux que l’effort viril, la volontétenace passionnant. Après une interruption de 7 ans la ronde enchantée sortirales enfants des écoles, les fidèles des églises, les travailleurs des bureaux et desfabriques. Les paysans accourront sur le bord des routes applaudir les exploitsdes géants. Ainsi pendant un mois jeunes et vieux discuteront des méritesrespectifs des Faber, Pélissier, Magne par rapport aux jeunes qui se lancentcette année dans la grande aventure. Pourquoi faut-il qu’une ombre plane surl’organisation de cette épreuve à laquelle tant de sportifs sont attachés et quirayonne sur le monde entier ! En effet, malgré les promesses de MM Pierre Blochet Pierre Bourdan, le patronage du Tour a été confié à 2 journaux dont l’un n’estautre que l’Equipe. Ainsi ce qui ne pouvait être pensé vient d’être fait : M JacquesGoddet est directeur du Tour, lui qui a été directeur de l’Auto’ allemand, lepremier journal à être revenu de zone sud, le seul journal qui ait eu l’autorisationdes allemands d’être diffusé dans les deux zones. M Jacques Goddet qui a laissésouiller l’œuvre d’Henri Desgrange et qui ose s’en réclamer. M Jacques Goddetqui a entendu la consécration de Pierre Bourdan pour oser avouer sa qualité dedirecteur de l’Equipe. Nous allons revoir M Jacques Goddet dirigeant le Tour,le même homme qui a osé trahir la mémoire du créateur de ce Tour en écrivantdans l’Auto le 16 août 1941 : Nos adversaires d’hier seront nos amis de demains’ils rencontrent des français de caractère, lucides, compréhensifs et volontaires.Henry Desgange eut aidé à la réconciliation. Il eut fâché l’attentisme, lequel nevoudrait d’ailleurs, DANS L’HYPOTHESE QUE FONT CEUX QUI CROIENT A UNEVICTOIRE DE L’ANGLETERRE que mépris et moquerie de la part de celle-ci.Le Tour de France après la libération est remis entre les mains du directeur del’Auto. Les engagements les plus solennels des représentants du gouvernementet de M Pierre Bloch, PDG de la SNEP, propriétaire du Tour, sont ainsi ‘violés’.Trois autres grands quotidiens avaient posé candidature pour financer le Tour.Ils ont été écartés délibérément au profit de deux concurrents. Ainsi, au momentoù on espérait, avec tous les sportifs que les combinaisons commercialesseraient écartées du Tour, ce sont les combinaisons d’intérêt savammentmontées qui remettent le Tour aux anciens dirigeants de l’Auto. Le favoritismeseul explique la désignation des tuteurs du Tour ! Le sport, école de droiture,d’enthousiasme, mérite d’autres maîtres que celui qui vient d’être désigné pour

90 Journal l’Humanité n° 852 du 5 juin 1947

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le Tour de France dont on a dit avec raison qu’il était partie intégrante de notre

patrimoine national. » 91

Ce Soir et Sports jouent sur le registre habituel, celui de la Collaboration. Ils rappellent unenouvelle fois les liens de parenté entre l’Auto et l’Equipe. Le quotidien Sportif communisten’a cependant jamais été autant virulent à propos de Jacques Goddet. Le journal va mêmejusqu’à citer un article de ce dernier, publié dans l’Auto pendant la guerre, dans lequel ilprône la collaboration. Je n’ai pas pu vérifier si ces propos étaient bien ceux de l’intéressé.

L’Humanité joue sur un autre registre. Le journal ne revient pas sur le thème de lacollaboration, mais dénonce le fait que sa candidature ait été préférée à une autre…

De leurs côtés, l’Equipe et le Parisien Libéré se réjouissent de la nouvelle touten exprimant leur fierté d’avoir été choisis. Ils montrent une certaine gravité en ce quiconcerne l’héritage qu’ils reçoivent. Le ton est très solennel. Les deux titres ne montrentpas d’hostilité vis-à-vis des titres communistes mais ressentent la nécessité de prouver quecette décision n’est pas due à un quelconque favoritisme et autre pression mais qu’elle estreconnue au contraire par l’ensemble de la profession. Ainsi les deux quotidiens publientles communiqués de la SNEP et de la FNPF.

Dans le journal le Parisien Libéré :« Il y a un an, quand il fut question de rendre à la France son prestige sportifinternational, le Parisien Libéré s’offrit, malgré les difficultés de l’heure pourorganiser à nouveau le Tour de France. la FFC ayant alors décidé de na paspermettre l’organisation d’épreuves de plus de 5 étapes, le Tour de France sefit donc partiellement sur le parcours de Monaco-Paris. C’était certes un Tourréduit, mais qui, par sa formule des équipes nationales et parle profil du parcourschoisi, rappelait en tout point la grande course créée par Henri Desgrange, dontelle prenait officiellement la suite. C’était, au surplus, un premier pas vers le grand Tour de France et, dès octobre dernier, nous nous offrions à nouveau d’enassumer la lourde charge, commençant même à mettre sur pied les bases deson organisation complète. Hier M Maurice Kaouza, préfet, conseiller municipalde Paris, désigné par M. Pierre Bloch, président directeur général de la sociéténationale des entreprises de presse, en tant que commissaire du gouvernementpour le Tour de France 1947, publiait le communiqué suivant : Au cours d’uneréunion tenue avant-hier mardi 3 juin 1947, au ministère de l’information età laquelle assistaient M. Pierre Bourdan, ministre de la jeunesse, des arts etlettres, M. Pierre Bloch, PDG de la SNEP, M. Salmon, inspecteur général dela SNEP, et M. Albert Bayet, président de la FFC, Il a été étudié la situationactuelle du Tour de France 1947, pour ce qui concerne son financement. On serappelle que l’organisation du Tour de France a été confiée à l’administrationdes domaines, dès le mois d’octobre dernier, à la société du Parc Princes. Lasociété nationale des entreprises de presse à qui furent plus tard dévolus lesbiens du journal l’Auto, propriétaire du Tour de France, a confirmé en accordavec la fédération nationale de presse, la société du Parc des Princes, dans sa

mission d’organisateur du 34 e Tour de France. Dès cette époque, la questiondu financement de l’épreuve se posait, l’organisation du Tour de France devant91 Journal Sports n° 310 du 8 juin 1947

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être inévitablement déficitaire. La fédération nationale de la presse françaiseavait alors indiqué que le financement de l’épreuve pourrait être assuré parles contributions partielles des journaux régionaux, dont la zone d’influenceétait traversée par le Tour de France, et éventuellement par les journaux deParis qui auraient accepté de patronner certaines étapes. Après deux mois dedémarches auprès des journaux désignés, la direction du Parc des Princes fitsavoir à la SNEP qu’elle avait pratiquement échoué, les concours qu’elle avaitobtenus représentant un apport insignifiant en fonction des besoins financiers del’épreuve. La fédération nationale de la presse saisie à nouveau de la questiondélégua alors deux de ses membres afin que ceux-ci procèdent eux-mêmes,au nom de la fédération, à des nouvelles démarches auprès des journaux deprovince ou de Paris susceptibles d’apporter leur concours. Ces jours derniers,il apparut que leurs démarches n’apporteraient absolument aucun résultatnouveau. A trois semaines du départ de l’épreuve, il restait ou bien à annulerle Tour de France, ce qui aurait été inadmissible vis-à-vis de l’opinion publiquede notre pays et de celle des pays étrangers dont les coureurs participent auTour de France, ou bien opter pour une autre formule immédiatement applicable. Dans ces conditions, MM Pierre Bourdan et Pierre Bloch, considérant que lasociété du Parc de Princes est entièrement responsable de l’organisation et parconséquent de ses charges, ont décidé qu’ils laissaient à la direction du Parc desPrinces le soin d’opter pour telle formule de son choix, laquelle serait susceptiblede lui assurer les garanties financières indispensables. Cette décision ayantété communiquée immédiatement à la direction du Parc des Princes, celle-ci afait savoir, hier, au commissaire du gouvernement, qu’elle a obtenu la garantiefinancière de deux journaux, le Parisien Libéré et l’Equipe. C’est grâce auconcours du Parisien Libéré que la direction du Parc des Princes avait pu, en1946, mettre sur pied le Tour de France « réduit » (de Monaco à Paris), et grâce àla nouvelle garantie que le Parisien Libéré avait accordé dès le mois d’octobre

dernier, que le Parc des Princes avait pu inscrire à temps le 34 e Tour de Francedans le calendrier international. D’autre part, le concours de l’Equipe, le journalquotidien spécialisé, a paru indispensable aux différentes parties en cause. Lechoix de cet organe, dont le caractère est apolitique, doit maintenir le Tour deFrance sur un plan purement sportif, ce qui correspond aux vœux des pouvoirsdirigeants du cyclisme en France et à l’étranger. Le Parisien Libéré est heureuxde s’associer pleinement à l’effort entrepris par la direction du Parc des Princespour rendre à la grande course internationale ciselée par Henri Desgrange,tout l’éclat du passé. Cette épreuve, qui compte parmi les plus importantescompétitions mondiales et qui est l’une des gloires de la France sportive, nepouvait mourir. Il y a quarante-huit heures encore, on se posait la question :« le Tour de France aura-t-il lieu ? » Aujourd’hui nous pouvons affirmer : le Tourde France aura lieu. Le Parisien Libéré comme l’Equipe recevront cette foisà leurs côtés ceux de leurs confrères de la presse de Paris et de province quiavaient déjà accepté le patronage d’étapes. Notre journal est particulièrement

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satisfait d’avoir permis au renouveau du Tour, si populaire, et d’être désormais

directement associé à son organisation, à son succès. » 92

Dans le journal l’Equipe :« Au service du Tour » « Après de long mois durant lesquels il fut en vain

chercher de multiples systèmes viables pour assurer le financement du 34 e Tour de France – dont l’organisation se soldera inévitablement par un déficitde plusieurs millions – la solution définitive a été adoptée. Le communiquéque nous publions si dessous, émanant de M. Maurice Kaouza, Commissiaredu Gouvernement pour le Tour de France, contient la genèse de ‘l’affaire duTour’ et les raisons qui ont motivé les décisions prises. Il fut toujours clair, pournous, que la charge financière du Tour de France ne pouvait être supportée parun grand nombre de journaux à la fois. Il est compréhensible, de la part de nosconfrères, qu’ils estiment ne pas pouvoir tirer, d’un couteux patronage partiel, dejustes contre-parties de propagande et de vente. Il fallait donc, inévitablement,aboutir au choix d’un seul journal ou, à la rigueur, de deux journaux de caractèrecomplémentaire. L’Equipe est, au côté de notre confrère et ami le ParisienLibéré, l’un de ces deux journaux. Notre journal a considéré que la place qu’iloccupe dans la presse de notre pays lui faisait un devoir malgré les difficultésqui pèsent si lourdement sur l’exploitation de la presse française, d’accepterune pareille mission. Nous en ressentons une grande fierté. Mais, dans lemême moment, nous sommes conscient de nos responsabilités vis-à-vis : - dupublic […] ; - des participants […] ; - des pouvoirs sportifs […] ; - du ministrede la jeunesse, des arts et lettres, lequel se trouve être précisément chargé del’information et des sports ; de la SNEP, gardienne des biens de presse dévolue ; - de tous nos confrères enfin, à qui nous déclarons ici, en toute cordialité

sportive, que l’Equipe comme le Parisien Libéré considèrent que le 34 e Tourde France, auquel ils ont accepté d’apporter leur garantie financière, reste unévénement national mis à la disposition de la presse française et de la presseétrangère. C’est dans cet esprit que l’Equipe et le Parisien Libéré seront heureuxde conserver le concours de ceux de leurs confrères qui avaient antérieurementpris des accords avec la direction du Parc des Princes pour patronner certainesétapes ou parties d’étapes. En nous mettant ardemment à la tâche, aux côtésdu Parisien Libéré, auprès de la direction du Parc des Princes, nous tenons àsaluer, avec un grand respect et une émotion sincère, la mémoire du ‘Père duTour’. C’est un fardeau écrasant qu’a légué Henri Desgrange, tant il avait parfaitson œuvre, élevée à la hauteur des moyens de ce français exceptionnel. Nous

chercherons à nous inspirer de cet exemple. » 93

La question du Tour de France est enfin réglée, et finalement l’organisation de la GrandeBoucle revient à la société du Parc des Princes, l’Equipe et le Parisien Libéré. Deux deces entreprises sont issues directement du journal l’Auto, interdit à la Libération. Depuis

92 Journal le Parisien Libéré n° 845 du 5 juin 194793 Journal l’Equipe n° 347 du 5 juin 1947

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janvier 1946, le débat faisait rage entre ceux qui acceptaient que les biens du journal interditreviennent à une nouvelle entité, se voulant neutre, et les autres qui refusaient de voirattribuer les biens de l’Auto à un journal reprenant les caractéristiques de ce dernier. Cettelutte s’est traduite à travers la question de l’organisation du Tour de France.

Les journaux communistes vont très vite faire le deuil de leur volonté d’organiserl’épreuve. Ils ne remettront pas en cause la décision une fois que le Tour de France auracommencé, fin juin 1947. Sports ironisera une dernière fois sur le règlement de l’épreuve,alors qu’une ultime polémique éclatera entre l’Humanité et l’organisation du Tour à propos deFrancis Pélissier, chroniqueur et directeur sportif d’une équipe de marque… Mais l’ensembledes débats sont clos et le Tour de France 1947 est célébré par l’ensemble de la pressefrançaise. Les journaux communistes se retrouvent dans le coureur Vietto, capitaine del’équipe de France, sympathisant communiste qui jouera une nouvelle fois de malchance.Il sera décrit comme un héros tragique. A l’arrivée à Paris, le Tour permettra à la France deretrouver une certaine normalité, et tous les journaux salueront le renouveau de ce Tour deFrance, patrimoine national réaffirmé par son succès…

D) l’incidence des événements politiques sur les débats de presseNous l’avons vu, la politique n’est pas absente des débats qui concernent le Tour de France.On peut tout d’abord dire que les différents courants issus de la Résistance règlent leurscomptent une fois la Libération du pays accomplie. Les luttes d’influence existent danstoutes les parties de la société, et donc elles ne sont pas absentes de la presse, mêmesportive.

Malgré l’entente de façade entre les différents partis politiques, l’unité n’existe d’oreset déjà plus dans le gouvernement provisoire. Tout d’abord De Gaulle quitte la présidencedu GPRF au courant de l’année 1946, et le tripartisme vole en éclat un an plus tard.Les ministres communistes, opposés à la politique menée par la France, sont exclus dugouvernement le 5 mai 1947, alors que le pays est en proie à des grèves (notamment chezRenault).

Dans ces conditions, la décision d’accorder l’organisation du Tour de France a-t-elleétait influencée par les événements politiques ? La question peut-être posée. Cependantrien ne permet de prouver, en tout cas à travers les articles du corpus, qu’une quelconquedécision politique ait interférée dans le choix de l’Equipe et du Parisien Libéré. Cependantla politique est bien présente dans les débats concernant le Tour, d’une manière impliciteou non…

Sport LibreDès l’origine Sport Libre – qui deviendra par la suite Sports – inscrit la confrontation avecle successeur de l’Auto dans un contexte politique :

« La fédération nationale de la presse fait droit à la demande de ‘Sport Libre’ etconfirme toujours unanimement, le 2 novembre 1944 et le 2 janvier 1945, l’avisdonné précédemment, le CNR, le comité parisien de libération, les FUJP appuientnotre requête. M Sarrailh, directeur général à l’éducation physique et aux sportsintervient personnellement auprès de Teitgen, ministre de l’information, pourla parution normale de notre journal. Mais M Teitgen ne tient pas compte desdroits gagnés au temps du malheur et reconnus de vœux répétés. Il sanctionne le

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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journal, met en action contre lui le 2 ème Bureau, le fait saisir, fait pourchasserses vendeurs. Et les menaces continuent, Sport Libre, le seul journal propre dessportifs qui n’a pas prôné le STO à la jeunesse pendant la guerre, qui n’a pasvanté le maréchal félon, qui a crié la vérité quel qu’en soit le prix demandé, etnon pas les mensonges rétribués, répétés à coup de ‘Savoir-vite’, Sport Libre àpeine sorti de l’illégalité y est précipité de nouveau. Pourquoi cela ? Voyons !La société ‘Auto-Sports’, que M l’administrateur des domaines, soucieux desintérêts de l’Auto, a désigné comme gérant provisoire de ce journal, peut, unenote officielle le dit, organiser les grandes épreuves classiques. En cyclisme,Paris-Tours, Bordeaux-Paris, Paris-Roubaix voire le Tour de France, sont certifiéscomme une propriété intouchable. Et pour défendre cette monstrueuse comédie,l’administration des domaines se fait représenter pour la société ‘l’Auto-Sport’par MM Joly, Tillet et Garnault, les même qui faisaient le journal jaune et pourqui la France et sa place dans le monde sont négligeables, ou plutôt fonctiond’intérêts. Ajoutons à cela que l’UVF, la même qu’autrefois bien sûr, la mêmequi demandait pour la place et l’avenue de la République le nom de MaréchalPétain, se plie devant les représentants des domaines. Voilà le problème posé,Sport libre dont on redoute l’honnêteté, dont on craint les idées saines, hardies,Sport libre que les pionniers ont écrit avec leur sang, est sacrifié à une pressedéshonorée, à un trust de marchands de sport. Après cela parler de crise dupapier, ne prouve rien autre que l’hostilité sourde de certains services enversl’unité forgée dans la lutte. Concluons : notre lutte est la lutte d’une conceptionsaine du sport, c’est la lutte d’une jeunesse qui veut vivre, rire, chanter, sedévouer et défendre sa patrie, contre des formes rétrogrades, des puissances

malfaisantes. Elle est nécessaire parce qu’elle sert le progrès. » 94

Dès cette date le titre d’obédience communiste dénonce les ministres gaullistes quidéfendent – selon le journal – d’anciens collaborateurs face à d’authentiques résistants.Il dénonce la rupture de l’union sacrée née pendant la résistance (« l’hostilité sourde decertains services envers l’unité forgée dans la lutte »). Sport Libre se défend de touteinfluence politique et se réclame d’une neutralité en matière de sport. Selon le journal, leprétexte de la pénurie de papier n’est qu’un moyen de censure. Le titre n’hésitera pas àfaire le parallèle entre la décision du ministre de l’information, gaulliste, et celle qu’aurait puprendre un membre issu du régime de Vichy :

« Sport Libre qui parvenait à paraitre dans la clandestinité, qui assurait la liaisondes sportifs résistants et qui ainsi de l’avis unanime, avait largement conquis ledroit de paraitre après la libération, a été interdit par le ministre de l’information ;

il a été pourchassé par la police française, comme naguère par la Gestapo. » 95

Sports et l’EquipeLe Tour de France est un enjeu de taille pour les deux titres de la presse sportive. En effet,celui qui remportera l’organisation de la Grande Boucle disposera d’un atout primordial sur

94 Journal Sport Libre n° 16 du 16 février 194595 Journal Sport Libre, dernier numéro, juin-juillet 1945

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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son concurrent, ce dernier étant à coup sûr condamné… En Décembre 1946, Sports etl’Equipe s’affrontent sur une histoire de maquette.96 Dans cette polémique qui les oppose,les deux quotidiens s’accusent mutuellement d’avoir une orientation politique :

Dans le journal Sports :« Un journal indépendant. ‘Sports’ continuera à être un journal parlant librementdu sport et dont le principal objectif sera d’agir inlassablement afin que lenombre de sportifs augmente sans cesse. ‘Sports’ sera le journal de la jeunessedont l’enthousiasme et l’épanouissement comptent pour une large part dans lesdestinées de notre pays. Tels sont les principaux buts que s’est assigné ‘Sports’depuis ses débuts. Que les gens voient là une orientation politique, libre à eux,

leurs soucis ne sont pas les nôtres. » 97

Dans le journal l’Equipe :« Il espère, grâce à cette confusion, tromper les sportifs et faire monter un peuses ventes parmi les lecteurs qui se refusent à voir dans le sport un simpleinstrument politique. Nous recommandons vivement à nos lecteurs de veiller,chez nos dépositaires et marchands, à ce qu’on ne leur présente pas, par erreur,la contrefaçon. Le plagiat est toujours l’hommage rendu par le médiocre à laqualité. L’Equipe-Elan, le plus fort tirage, la plus forte vente de journaux sportifs.

Ni parti, ni parti pris… » 98

Accusations Justifiées ? On l’a montré, Sports est clairement marqué à gauche, ce journala été créé par le Parti Communiste Français. Mais qu’en est-il de l’Equipe ? On sait queson directeur est Jacques Goddet est un ancien maréchaliste mais résistant de la dernièreheure, décoré cependant après la Libération de la Croix de Fer et de la médaille de laRésistance… Ce dernier a noué des liens avec des personnalités de la résistance, pour lagrande majorité des gaullistes, qui sont dès fin 1944 placés dans les hautes sphères del’Etat… On peut donc affirmer que si les marques d’appartenance politique sont beaucoupplus subtiles, le journal qui succède à l’Auto est ancré à droite et est d’obédience gaulliste.

L’Humanité et CombatCes deux journaux semblent neutres dans la question de l’organisation du Tour de Francedurant l’année 1946 (même si l’Humanité critique la sortie de l’Equipe que le journal n’hésitepas à marquer comme l’héritier de l’Auto). Combat est un journal de centre gauche qui serapproche du Général de Gaulle au moment où ce dernier crée son parti, le Rassemblementdu Peuple Français (RPF) au courant de l’année 1946. De son côté, l’Humanité est le journalofficiel du Parti Communiste. Ces deux journaux n’interviennent pas directement dans ledébat sur le Tour de France en 1946, mais cela change en 1947 à l’initiative de Combat, aumoment où l’Humanité montre ses prétentions vis-à-vis de la Grande Boucle :

« Quand la politique s’en mêle… A 10 jours de Paris-Tours, on ignore encoresi la grande classique aura lieu. Quant au Tour de France, c’est encore pire !On revient toujours au même dilemme : faut-il confier cette organisation à des96 Cf page 8597 Journal Sports n° 229 du 9 décembre 194698 Journal l’Equipe n° 228 du 10 décembre 1946

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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journaux sportifs ou à des journaux politiques ? C’est là une autre guerre. Un deces derniers est prêt à combler le déficit de six millions à lui tout seul. Bravo…

Mais ce journal saurait-il organiser une telle épreuve ? » 99

Combat critique la volonté du journal communiste de vouloir organiser à son propre comptel’épreuve cycliste. L’aspect idéologique est soulevé dans l’article mais la question de lacapacité d’organisation prime apparemment ici.

Dans le journal l’Humanité :« La nouvelle indiquant que nous revendiquons l’honneur de mettre sur piedcette grande épreuve réjouit les sportifs mais mécontente l’Equipe, qui se fâchetout jaune. On se demande d’ailleurs pourquoi, puisque ce journal clame bien

haut qu’il n’est pas candidat. » 100

… et la réponse de Combat :« le Tour ne doit pas être un instrument politique »

« Cette après-midi la commission de contrôle de l’organisation du Tour de Franceprendra une décision pour savoir à quel groupe de journaux sera attribué lepatronage de cette grande épreuve. ‘L’Humanité’ qui avant guerre trouvait quecette épreuve était immorale, tient à faire le trust de toute l’organisation. Maisnous faisons confiance à MM Bourdan, Kaouza et même M Pierre Bloch pour que

le Tour ne devienne pas l’instrument d’une propagande politique. » 101

Cette fois-ci Combat dénonce la volonté de l’Humanité de vouloir se servir du Tour deFrance comme instrument de propagande politique. Suite à cette première confrontation,les dirigeants de la SNEP réaffirmeront leur choix de ne pas voir un parti ou un journalrécupérer le Tour de France. Paradoxalement ce communiqué sera repris par l’Humanitéqui entre temps aura épousé cette idée…

« Hier, au cours d’une conférence, Pierre Bloch, président de la SNEP, abondantdans notre sens, a déclaré que le Tour ne saurait être le monopole d’un journalou d’un parti. Ainsi se trouvent déjouées les manœuvres du Parc des Princeset de l’Equipe tendant à faire attribuer l’épreuve à un journal ou un groupe dejournaux dont les liens avec l’Auto sont connus de tous. L’Humanité veillera à

ce que cette décision ne soit jamais enfreinte. » 102

Entre la première revendication de l’organisation et cet article, la situation politique a évolué.Dans un contexte de Guerre Froide naissante, les ministres communistes ont été contraintsde quitter le gouvernement. L’Humanité, dont l’opinion est connue de tous, change doncici de stratégie en se ralliant à la position du président de la SNEP. On peut penser que lecommuniqué s’adressait en particulier au titre communiste. Ce dernier retourne l’accusationcontre la société du Parc des Princes. Cette société est-elle neutre ? On sait que parl’intermédiaire d’Emilien Amaury, Jacques Goddet arrive à retourner en sa faveur la direction

99 Journal Combat n° 871 du 25 avril 1947100 Journal l’Humanité n° 821 du 29 avril 1947101 Journal Combat n° 875 du 30 avril 1947102 Journal l’Humanité n° 832 du 13 mai 1947

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2ème partie : la lutte autour de la réorganisation du Tour de France à la Libération, 1944-1947

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de la SNEP et de la FNPF. Il faut dire qu’Emilien Amaury est très influent. Il connait bienPierre Bayet, le président de la FNPF, homme que craint Goddet, qui qualifie ce dernier de« Saint Just de la libération » 103. Amaury convainc Goddet de présenter une candidaturevia le Parisien Libéré – donc par lui – en lui expliquant qu’ainsi cela aura beaucoup plus dechance d’aboutir. C’est ainsi qu’Amaury s’octroie 50% du Tour de France.104

De plus, Emilien Amaury est proche des milieux gaullistes et de la gaucheanticommuniste. Il arrive donc facilement à obtenir le consentement du commissaire dugouvernement et celui du ministre de l’information, sans qui la SNEP et la FNPF ne peuventaccorder la licence du Tour. Derrière le climat de tension et la peur de voir un événementde renommée internationale tomber dans les mains des communistes, et l’impasse danslaquelle se trouve l’organisation du Tour, à moins d’un mois avant le départ de celui-ci, il n’ya aucune hésitation. Malgré les promesses faites et répétées par les dirigeants de la SNEPet de la FNPF, le Tour est dévolu à l’Equipe et au Parisien Libéré.

Conclusion de la 2e partieA la sortie de la guerre, le paysage de la presse française est en pleine reconstruction.Alors qu’on s’attend à une « paix des braves » entre les différents courants idéologiques etpolitiques issus de la Résistance, et derrière une unité qui se fissure, la presse se retrouve enpremière ligne dans ces luttes d’influence. On aurait pu penser que la presse sportive seraitépargnée, puisque le sport semble neutre vis-à-vis de la politique. C’est tout le contrairequi se passe. Alors que le gouvernement « tripartite » gouverne encore la France, lesluttes politiques s’expriment insidieusement au travers de la presse, même sportive. Deplus, le symbole transcendant qu’est le Tour de France est pris pour cible. Les journauxd’obédience gaulliste comme communiste vont se déclarer une véritable guerre pour obtenirl’organisation du Tour de France. Ce dernier est d’autant plus important qu’il représenteaussi un aspect économique et médiatique loin d’être négligeable. En effet, le journal sportifqui arrivera à obtenir le patronage du Tour pourra écraser son concurrent.

Ainsi tous les coups sont permis. Les journalistes n’hésitent pas à utiliser la polémiquetout en se référant au patrimoine laissé par Desgrange. Les journaux communistes perdentune longueur ? Ils répliquent en proposant un parrainage collectif. Les sphères d’influences’affrontent, c’est à savoir qui arrivera à convaincre la Société nationale des Entreprises dePresse et la Fédération Nationale de la Presse Française à qui est dévolue la gestion desbiens de l’Auto. Justement, ces dirigeants se retrouvent entre deux feux, ils écoutent lesuns puis les autres avant de régler le problème, poussés par l’urgence de l’échéance et lecontexte politique du pays…

103 L’échappée belle, op.cit. p 37104 Cf. la république du Tour de France, op.cit. p 15

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Conclusion generale

Le Tour de France a toujours été un objet politique. Comme l’ensemble du sport, cetévénement ne peut être neutre et n’échappe pas aux influences qui l’entourent. Oui, laGrande Boucle est politique ! L’épreuve est née indirectement de l’affaire Dreyfus, inspiréepar un homme partageant les idées nationaliste de Barrès. Mais le Tour de France a étéassocié au Front Populaire, inscrit dans la mémoire collective de la gauche socialiste etcommuniste.

Le Tour de France ne pouvait donc pas échapper aux luttes intestines après laLibération. Il paraît presque normal, lorsqu’on étudie de près l’histoire du Tour, que les deuxprincipaux courants issus de la Résistance se disputent l’héritage de la course populaired’avant-guerre. Cette lutte a été imprégnée des conflits politiques naissants. Le Tour deFrance était l’enjeu.

Mais ce combat entre journaux, ces débats, ne sont pas restés dans l’histoire. Mêmedans les écrits spécialisés, cette période – trouble – fait tout au plus quelques pages. Onreste évasif… Rappelons une nouvelle fois ici ce que disait Napoléon – personnage quifascinait le père du Tour – « l’histoire est écrite par les vainqueurs ». Ainsi aujourd’huipersonne ne se souvient que les communistes aient essayé de récupérer l’organisationdu Tour de France. Or cette période est cruciale pour comprendre la situation actuelle.En effet, le groupe Amaury Sport Organisation, l’organisateur actuel du Tour, est issudirectement de la conséquence de ces événements. En effet, pour sauver son épreuve,Goddet réclame l’aide d’Emilien Amaury, qui sert de caution morale. Ce dernier acceptemais à un certain prix. Son journal devient alors coorganisateur du Tour. L’empire d’EmilienAmaury se construit, et petit à petit devient une entreprise à plusieurs branches, mêlantévénementiel et médias. Aujourd’hui le groupe Amaury est l’un des groupes de presseles plus solides en France, de même que la première entreprise d’événementiel sportif.Actuellement l’organisation du Tour de France est autonome, elle ne dépend plus ni duParisien ni de l’Equipe.

Le Tour de France reste ce monument constitutif de la mémoire nationale, celle du XXesiècle. On peut se demander si le Tour a toujours autant d’impact et d’influence qu’au siècledernier. Il est toujours aussi populaire mais semble moins déchainer les passions. Quantà la question de la politique…

Le Tour de France n’est plus politique au sens des années 1946 et 1947. Cependantil conserve cet aspect : le Tour est toujours un outil qui compte dans la politiqued’aménagement du territoire comme un moyen de communication sans précédent. C’estpourquoi les collectivités locales se battent pour pouvoir l’accueillir. De même, le fait queles hommes politiques se pressent pour s’y montrer n’est pas anodin : le Tour de Francepossède encore une résonnance médiatique incontestable. Au mois de juillet, quasimentpersonne ne peut échapper à son actualité.

Le Tour de France a connu de nombreuses crises dans son histoire, nous l’avons vu.Aujourd’hui certains affirment que la crise du dopage poussera l’épreuve dans la tombe.Cette manifestation est arrivée à l’un de ses moments décisifs. Elle doit combattre ce fléauafin de recouvrer sa crédibilité. La Grande Boucle doit aussi redevenir une chose qui faitrêver. Elle doit s’adapter à la société actuelle et se poser les bonnes questions : les articles

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Conclusion generale

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publiés cet été le prouvent : « Pourquoi le Cyclisme reste un sport de blancs » titrait parexeple le Parisien le 11 juillet 2007105. Actuellement le cyclisme ne reflète pas la sociétédans laquelle nous vivons… Les choses évoluent, il faut les accélérer. Le salut de cetteépreuve centenaire est à ce prix…

Quant au Tour de France et l’histoire… Tant de choses restent à faire. En effet, il seraitintéressant de regarder les relations entre les hommes politiques et le Tour, entre le Touret la politique extérieure de la France… Un travail sur les syndicats et le Tour s’imposeaussi… Un moyen de traiter avec un angle différent l’histoire et la société dans laquellenous vivons…

105 Le Parisien « Pourquoi le Cyclisme reste un sport de Blancs », dossier paru le 11 juillet 2007

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

90 Demouveaux Gautier - 2007

Annexes

HistoriquePrincipales dates qui ressortent après l’étude du corpus

16 février 1945 : Sport Libre. Le journal réclame les biens et locaux de l’Auto, ce querefuse le Gouvernement Provisoire.

Juillet 1945 : Sport Libre. Le ministre de l’information, M Teitgen, interdit la parution dutitre pour cause de pénurie de papier. Le journal crie au scandale

C’est le dernier numéro de ce journalJanvier – février 1946 : Ce Soir et l’Humanité réclament l’autorisation de la presse

sportive, tout en critiquant l’un des titres, le successeur du journal l’Auto. Cette dernière estsans cesse reportée.

23 février 1946 : sortie de Sports28 février 1946 : sortie de l’Equipe et d’ElansMars 1946 : débat sur la presse au sein de l’Assemblée Constituante10 au 14 juillet 1946 : la Ronde de France, Bordeaux-Grenoble organisée par Ce Soir

et Sports23 au 28 juillet : la Course du Tour de France (ou petit Tour de France), Monaco-Paris

organisée par le Parisien Libéré et la société du Parc des Princes16 octobre 1946 : le Parisien Libéré annonce que le Tour de France 1947 aura bien lieu4 novembre 1946 : l’Humanité annonce que rien n’est réglé pour l’organisation= confirmé les jours suivant dans Sports30 novembre 1946 : question de Combat, pourquoi Ce Soir s’obstine à vouloir obtenir

l’organisation du Tour de France ?5 décembre 1946 : dans l’Equipe : article ironique sur le nombre de prétendants au Tour9 décembre 1946 : Sports change de formule10 décembre 1946 : l’Equipe réplique : « méfiez vous des contrefaçons »12 décembre 1946 : Sports doit revoir sa nouvelle maquette pour « éviter » de copier

à l’Equipe13 décembre 1946 : annonce dans l’ensemble de la presse, il n’y aura qu’un Tour de

France, la Ronde est écartée.Dans les jours qui suivent, l’Humanité et Sports annoncent que le Tour sera organisé

par l’ensemble de la presse

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Annexes

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4 janvier 1947 : Sports donne plus de détails sur l’organisation du Tour par la fédérationnationale de la presse

5 janvier 1947 : Combat met des nuances sur cette annonceLe même jour un décret accordant les biens de l’Auto à la SNEP parait au Journal

Officiel6 janvier 1947 : Ce Soir confirme que FNPF prend en charge l’organisationL’Equipe déplore le retard pris dans l’organisation7 janvier 1947 : le Parisien Libéré : rien n’est encore faitSports : le Tour de France aura lieu avec la SNEP et la FNPFL’Equipe : publication de témoignages qui montrent le scepticisme des différentes

parties (coureurs, managers, officiels…)Combat : même stratégie8 janvier 1947 : Sports annonce que l’organisation du Tour par la SNEP et la FNPF

est une bonne chose pour le cyclisme17 janvier 1947 : Sports : le Tour aura lieuCombat : on attend encore la décision de la SNEPJanvier 1947 : réunion du groupement des pros (représentant les coureurs) et les

différentes parties, FNPF et société du Parc des Princes (à qui est dévolue l’organisationtechnique)

27 janvier 1947 : l’Equipe, dénonce les manigances de ses concurrents Sports et CeSoir

6 février 1947 : publication du communiqué de la SNEP7 février 1947 : le parcours du Tour de France 1947 est annoncé24 mars 1947 : Sports annonce qu’il rencontre des difficultés financières24 avril 1947 : polémique, le Tour aura-t-il lieu ?25 avril 1947 : Combat, dénonce les arrière-pensées politiques de certains29 avril 1947 : l’Humanité avoue ses vues sur le Tour30 avril 1947 : Combat refuse que le Tour devienne un objet politique2 mai 1947 : l’Humanité dénonce la mauvaise volonté du Parc des Princes dans la

recherche de financement10 mai 1947 : Ce Soir annonce que la question du financement est encore en suspend13 mai 1947 : l’Humanité reprend à son compte le communiqué de la SNEP et dénonce

la volonté économique et politique de la société du Parc des Princes1 juin 1947 : la SNEP et la FNPF, avec l’autorisation du ministre de l’information, laisse

les mains libres au Parc des PrincesLes journaux communistes s’insurgent5 juin 1947 : l’Equipe et le Parisien Libéré annonce officiellement qu’ils organisent le

Tour de France

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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16 juin 1947 : Sports critique le nouveau règlement. Polémique autour du sous-titreque prend le journal (« le journal du Tour »)

25 juin 1947 : polémique entre l’Humanité et Jacques Goddet autour de sonchroniqueur Francis Pélissier

25 juin 1947 : départ du Tour de France, éditorial de Goddet dans l’Equipe

Corpus

Journal Ce Soir1 janvier 1946 – n° 1339

P2, article de G.Pagnoud« Une presse sportive, mais pas n’importe laquelle »Critique de l’Auto et de son successeur19 janvier 1946 – n°1355« Comme ce Soir l’avait demandé, la presse sportive va reparaitre.Le ministre de l’information a communiqué hier :En accord avec le ministère de l’éducation nationale, le ministre de l’information a

décidé de lever l’interdiction générale de parution des journaux sportifs.A partir du 31 janvier, un premier train de journaux recevra l’autorisation de paraitre de

manière à assurer la diffusion des informations sportives sur l’ensemble du territoire.Nous ne rappellerons que pour mémoire la campagne entreprise par ce Soir pour que

les sportifs obtiennent cette satisfaction. Elle ne parait pas avoir été inutile. C’est tout ceque nous demandions. »

2 février 1946 – n°1365Article p3, rubrique « d’hier à ce soir », parle de la mise en place du calendrier cycliste

1946. => critique de l’Auto et de sa volonté de vouloir récupérer le Tour.8 février 1946 – n°1370P2, rubrique « d’hier à ce soir »Article sur la sortie des 3 journaux sportifs16 février 1946 – n°1377P2 article « à propos de la grande boucle »Parle de la mise sous séquestre du Tour6 juin 1946 – n°1470P2, article « dans la lignée du Tour de France »

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Annexes

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Parle du Tour comme un élément constitutif du patrimoine français. Question del’organisation. Suite à Paris-Nice organisé la semaine d’avant par le journal, ce Soir estimeavoir « montré ses capacités d’organisation. »

11 juin 1946 – n°1474P2, article : « Learco Guerra, spécialiste des Tours de France, dirigera une équipe

italienne sur la Ronde.Fin de l’article : « ce n’est pas le cas des autres épreuves. »12 juin 1946-n°1475A propos de la Ronde : « la Belgique veut voir ses jeunes grimpeurs à l’œuvre dans

la Ronde. »20 juin 1946-n°1482P2, titre : « la Ronde de France, épreuve phare de 1946 »« Passage par les lieux mythiques du Tour de France. »21 juin 1946-n°1483« Depuis 1939, aucune épreuve ne s’était déroulée simultanément entre les Pyrénées

et les Alpes. »26 juin 1946-n°1487P2, « la nécessité, la formule et les équipes de la Ronde de France se fixent dans

l’histoire. »« Epreuve nouvelle mais s’inspirant d’une grande »= marques de cycles et esprit national6 juillet 1946-n°1496En Une, photo + légende « la Ronde comme le Tour »7 juillet 1946-n°1497Article avant le départ : en attendant l’arrivée à Pau, grand enthousiasme dans la ville

selon le maire.10 juillet 1946-n°1499Une : « la Ronde de France, la plus grande épreuve par étapes courue depuis la

guerre »P4 : article de Lucile Augeron, une des premières femmes journalistes à couvrir une

épreuve cycliste.11 juillet 1946-n°1500« Foule à Bordeaux »P4, article « échos de la Ronde : on a retrouvé avec la Ronde de France l’atmosphère

des grandes courses à étapes et – pourquoi ne pas le dire – celle du Tour de France. »13 juillet 1946-n°1502Article : « il y a ce matin au départ de Toulouse une foule et une animation très ‘Tour

de France’ »14 juillet 1946-n°1503

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

94 Demouveaux Gautier - 2007

Article p4 : « un immense succès… qui est un plébiscite. »= réponse à l’article critique de J Goddet.18 juillet 1946-n°1506P4, chronique « d’hier à ce soir »Réponse à la chronique de l’Equipe, « ronds de jambes »24 juillet 1946-n°1511P4, titre : « une invraisemblable erreur de parcours oblige les organisateurs à neutraliser

avant Grasse la première étape de Monaco-Paris »Pas de mention de l’intitulé de l’épreuve, « la course du Tour de France »25 juillet 1946-n°1512Article polémique (celui au dessus traite exclusivement de la course)« Modèle réduit » G PagnoudUn sport a été pratiqué sur une grande échelle cette nuit à Digne, c’est la chasse aux

punaises ! Mais le récit des batailles serrées livrées par les privilégiés possesseurs desrares chambres disponibles a quelque peu consolé ceux qui ayant pratiqué la chasse auxchambres, s’étaient retrouvés à quelques 50 kilomètres du lieu de l’Etape.

Ces chambres ou plus exactement ces « salles à manger » et « salons » transformésen chambres étaient plutôt des chambres où les paillasses jetées à même le sol rappelaientd’épiques tâtonnements.

Fort heureusement aucun perturbateur autre que les punaises ne vint troubler le calmedu dortoir. […]

En pénétrant dans le restaurant où plusieurs équipes prennent le repas matinal, un petitforcené se précipite vers nous. C’est M Mallet (?)

vous avez le classement ?et de nous arracher des mains puis d’exploser.Non mais vous vous rendez compte ! Bavion ( ?) m’a battu d’un pneu et il compte 1’39

sur moi ! pour si minime écart […]Inutile d’ajouter que la nuit a été mal digérée par certains, et on le comprend.Ce qu’on comprend moins, c’est la différence de traitement entre les équipes régionales

et la nationale. Ces régionaux n’ont ni conseillers, ni mécaniciens attitrés et ce matin,tandis que les tricolores étaient rassemblés autour de B.( ?) ils écoutaient placidement sessubtilités tactiques, les sud-est eux devaient mettre les bouchées doubles pour avoir letemps de préparer leur monture. »

28-29 juillet 1946-n°1515Article sur l’étape[…] Au moment où nous faisons irruption dans l’hôtel, les coureurs se dirigent

vers le passage à niveau de la route d’Annecy où sera donné le départ : une autrecaravane se forme dans la ville. Des hommes et des femmes en peignoir, des spectateursenthousiastes ? Que non, mais une ribambelle de rhumatisants et perclus de douleurs qui,après avoir bien ripaillé la veille dans les hôtels de la ville, s’en vont le matin se désintoxiquerà l’établissement thermal d’Aix les Bains »

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Annexes

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2ème article, G Pagnoud« Entourloupettes ! »« -entourloupettes ! C’est le mot qui s’agglutinait très souvent à celui du Tour, quand

celui-ci méritait vraiment son nom et son prestige. […]C’est celui (ce mot) qu’on pensait bien ne plus avoir jamais à évoquer, et notamment

à propos d’une manifestation qu’on prétendait rénover dans son esprit et dans ses mœurs.C’est pourtant celui qu’il nous faut invoquer aujourd’hui… »

= concerne le repêchage d’un coureur italien mis hors course la veille, et ce pourprotéger le leader de la course, R Vietto, contre lequel la fédération italienne a portéréclamation pour irrégularité.

30 juillet 1946-n°1516Article de G Pagnoud« Modèle réduit… et grand champion »« De plus en plus matinale, de plus en plus longue… C’est le signe sous lequel se

disputaient les étapes de Monaco-Paris.Sur ce chapitre de l’organisation n’est vraiment montée à la hauteur d’une réputation

vacillante sur plusieurs autres points […]C’est bien entendu pavés des meilleures intentions que les responsables de l’épreuve

avaient fait emprunter aux coureurs la route de Troyes pour rallier Dijon à Paris. Car cetteroute là ne compte jamais qu’une quarantaine de kilomètres en plus que l’autre, l’ordinaireet la classique. Alors pourquoi ce crochet ? Honni soit qui mal y pense…

[…]Et tandis que Monaco-Paris s’achève dans la griserie des parfums qu’exhalent des

monceaux de fleurs dont on ne s’est pas montré chiche, dans celle des tours d’honneurssi nombreux qu’ils peuvent tourner les têtes, eux aussi ; tandis que nous retrouvons noshabitudes et notre tour Eiffel, but de ralliement de tous les postulants à la gloire, contentonsnous de conclure par une simple prière… »

4 Aout 1946-n°1517Titre et photo page des sports : « c’est à ‘ce Soir’ que les vainqueurs de Monaco-Paris

ont terminé leur journée »Dans l’article : « visite d’amitié »5 août 1946 – n° 1518Titre : « la Ronde de France et Monaco-Paris ont fait perdre de vue le maillot tricolore. »« 3 épreuves d’importance primordiale ont eu lieu cette année sur notre territoire. Paris-

Nice, la Ronde de France (toutes 2 organisées par ‘Ce Soir’) et Monaco-Paris, mis surpied par le ‘Parisien Libéré’. Elles ont vraiment remué les foules et pas seulement celless’intéressant ordinairement au sport ; tant il est vrai que leur succès a atteint toutes lesmasses profanes, enthousiastes pour tout ce qui peut rappeler le Tour de France. Car leTour de France, monument de notre sport, dû à Henry Desgrange, était une épreuve auretentissement incomparable.

Il se peut que la Ronde de France et Monaco-Paris se soient fait une concurrenceouverte, ce fut en tout cas une concurrence loyale et qui, avec cette limitation des épreuves

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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par étapes, à 5 jours de course, a permis au public de retrouver l’ambiance qui lui était sichère, autrefois.

Bien entendu, cette concurrence a été jugée inutile ou nécessaire, suivant les confrèresqui en ont jugé. Nous dirons nous que rien n’est jamais inutile quand l’effort d’un journal estporté pour la recherche d’un idéal. L’affluence extraordinaire qui a enflammé la Ronde deFrance ne s’est retrouvée nulle part. Ce serait déjà une raison pour déduire que le publicavait pensait comme nous. »

2 août 1946 – n°1519Suite à la polémique du règlement dans Monaco-Paris, à propos de la décision de

déclasser Vietto.conclusion de l’article : « Ainsi cette épreuve, qui voulait ressembler au Tour de France,

en a surtout retenu les mauvaises méthodes, contraire à l’esprit sportif. »3 août 1946 – n° 1520Article : « Mauvaise foi »« Il y a mauvaise foi évidente de la part du collaborateur de l’Equipe qui a fait dire à

Vietto parlant à Lazaridès. ‘N’essaie pas de te préparer sur des courses secondaires. J’aieu (illisible) pas, de te dire de ne pas forcer sur leur Bordeaux – Grenoble !’

Car toutes comparaisons faites Bordeaux-Grenoble a bien valu Monaco-Paris et,d’autre-part, voilà que Vietto a dit en vérité à Lazaridès devant nous et plusieurs témoins : ‘sij’avais été là, tu aurais beaucoup mieux fait dans la Ronde de France’.

Mais la mauvaise foi est à (illisible) des orgueilleux qui estiment que ce qu’ils font estobligatoirement supérieur à ce que font les autres et n’hésitent pas à déformer la vérité.Est-ce bien ‘fair-play’ ? »

4 et 5 août 1946 – n° 1521Article : interview de M Venineaux, directeur des cycles ProchetExtrait : « Après la Ronde de France, j’avais 3 reproches à vous adresser, après

Monaco-Paris, j’en ai 20… »5 et 6 janvier 1947 – n°1653Titre : « la presse française organise le Tour de France »« La chose est donc pesée et entendu, la fédération nationale de la presse assumera,

cette année, l’organisation du Tour de France 1947.En effet, ainsi que nous avions été les premiers à l’annoncer, la fédération nationale de

la presse, avec l’accord de l’administration des domaines, avait demandé au ministère del’information ratification d’un projet laissant l’ensemble des journaux de la résistance et dela libération l’organisation du Tour.

Or ce matin un décret paru dans le journal officiel chargeait la société nationale desentreprises de presse d’administrer les biens du journal « l’Auto ». Ainsi la fédérationnationale des entreprises de presse peut d’ores et déjà passer au stade de la ‘construction’du prochain Tour de France et confiera le patronage à l’ensemble des journaux régionaux.Deux commissions d’organisation seront nommées à bref délai qui opéreront en accordavec la FFC. Pour assurer à la grande épreuve nationale son plein relief, une loterie seraitorganisée, au titre de subvention. On peut lui prédire le plus grand succès. »

F.T

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 97

5 février 1947 – n° 1674Brève : « la fédération de la presse prête à organiser le Tour »« Le bureau de la fédération française de la presse a annoncé qu’il se trouvait en mesure

de donner les garanties techniques et financières à la FFC au sujet de l’organisation duTour de France 1947.

Les membres de l’UCI seront donc rassurés sur ce point lors du prochain congrès,tandis que se formera le comité ayant pour tâche de commencer les travaux. »

10 mai 1947 – n°1728Brève : « le financement du Tour »« Ce matin s’est tenu à Paris une nouvelle réunion concernant le Tour de France. Le

budget et les moyens propres à trouver l’argent nécessaire à l’organisation de l’épreuve ontfait l’objet d’un nouvel examen. Pour y voir clair il apparait qu’il faudra attendre les résultatsdes démarches qui seront faites auprès des journaux régionaux, dimanche prochain, àl’occasion de l’assemblée générale de la presse. Au cas où cela n’aboutirait pas, il auraitété envisagé de voir pour un patronage collectif. »

14 mai 1947 – n°1731Brève : « nous aurons notre Tour »« M Pierre Bloch, directeur général de la SNEP, a annoncé hier, dans sa conférence

de presse, que le Tour de France aurait lieu.Ces nombreux bruits qui ont couru à ce sujet ne sont donc basés sur aucun fondement.

Aussi faut-il se réjouir de voir la grande épreuve routière française reprendre sa place aprèsune éclipse de 8 ans. »

21 mai 1947 – n°Publication des étapes du Tour1 et 2 juin 1947 – n°1747Brève : « de quel droit ? »« M Melliz, ce journaliste sportif dont les attaches avec les gens de ‘l’Auto’ se précisent

chaque jour a été chargé de lancer un ballon d’essai. Ce Tour de France, dit-il, seraitattribué au Parisien Libéré et à l’Equipe, c'est-à-dire remis par un détour savant aux anciensorganisateurs pourtant disqualifiés par leur collaboration à l’Auto des Nazis.

M Pierre Bourdan démolisseur de la loi du 11 mai sur laquelle d’ailleurs il ne s’est pasencore expliqué, malgré deux longues séances à l’Assemblée Nationale, n’a aucune qualitépour disposer des biens de la SNEP.

Si le Parc des Princes a saboté le financement du Tour de France ou s’il n’a pasréussi à l’assurer contrairement à ses promesses, on ne saurait à plus forte raison confierà ses représentants le patronage de l’épreuve. D’autres journaux qui offrent les garantiesnécessaires se sont mis sur les rangs. M Pierre Bloch, nous l’espérons, ne laisserapas mettre en cause l’impartialité de la SNEP en entérinant une décision entachée defavoritisme. »

12 juin 1947 – n°1756Publication des équipes régionales du TourOn parle du Tour normalement

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

98 Demouveaux Gautier - 2007

29 et 30 juin 1947 – n° 1771P4 : grand titre : « René (Vietto), nous sommes avec toi ! » lorsqu’il prend le maillot

jaune.

Journal Combat13 février 1946 – n° 524

Article sur le calendrier cycliste : « grand choix pour les routiers »Référence à la « Course du Tour de France » : l’article parle d’un Tour de France réduit

du 23 au 28 juillet14 février 1946 – n° 525Titre : « la renaissance du Tour de France »« Evidemment faire disputer un Tour de France normal cette année eut été courir à un

fiasco. La décision prise par M Joignard [le président de la FFC] et les organisateurs de la‘Grande Boucle’ de maintenir le Tour de France pour 1946, en le ramenant uniquement à5 étapes parait des plus sage et des plus logique.

Il fallait en effet que la plus grande épreuve routière internationale, celle où seconfirmèrent tant de purs champions, il fallait qu’elle revive […] »

Y. Petit Breton27 février 1946 – n° 536Titre : « embarras du choix »« Pour avoir de la patience, les sportifs vont être récompensés. Depuis bientôt deux

ans, il n’y avait plus de presse sportive, mais maintenant nous voyons tout en grand et lessportifs auront le choix entre 7 journaux : Elans, Sports et l’Equipe paraitront trois fois parsemaine à partir d’aujourd’hui, alors que les hebdos But et Record sortiront demain et Sport-vu mardi prochain. »

[ il manque le titre du 7ème journal, non cité]10 juillet 1946 – n° 652Article sur la Ronde de France, purement sportifIdem pour le 11 et 12 juillet12 juillet 1946 – n° 654Article toujours sportif, constat du manque d’endurance des coureurs, mis en valeur

selon le journaliste par la Ronde de France.La course est qualifiée dans l’article comme la « plus grande course par étapes d’après-

guerre »(ici la sans aucun doute la première depuis 1945)16 juillet 1946 – n° 657Bilan sportif de la courseTitre : « triste constatation après Bordeaux – Grenoble : Lazaridès, Cognan, Fachleitner

seuls parmi les routiers français pourraient finir un Tour de France »

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 99

20 juillet 1946 – n° 661Encadré page 4 : titre : « en route pour Monaco »« La majorité des coureurs qui prendront le départ mardi matin, à Monaco, de l’épreuve

Monaco-Paris en 5 étapes, ‘la Course du Tour’ organisée par notre confrère ‘la ParisienLibéré’ vont partir ce soir pour la Côte d’Azur. […]

Tout est prévu pour que cette course rappelle aux sportifs français ce qu’était le Tour deFrance d’Henri Desgrange : champions, matériel, mécaniciens etc., etc. On n’a rien négligé,nous disait hier l’un des organisateurs.

21 juillet 1946 – n° 662Article : « Dimanche de transition entre le Tour de Suisse et la Course du Tour »Extrait : « Durant le jour de battement, chacun s’emploiera aux ultimes préparatifs que

nécessite une telle épreuve. Car il faut bien le dire, c’est un peu le Tour de France qui varevivre.

Y. Petit-Breton23 juillet 1946 – n° 663Titre : « la course du Tour de France nous désignera les successeurs de Magne, Leduc,

Maes et Bartali »« Monaco, 22 juillet : Qaund en 1903, Henri Desgrange créa le premier Tour de France,

s’était-il douté qu’un jour son œuvre se trouverait arrêtée ? Que pendant sept années durant,elle ne serait plus courue ; que, pour la faire revivre, il faudrait jouer d’astuces et de doigté ?

Cette année on le dénomme : ‘la Course du Tour de France’. On a voulu avant toutsauver son nom. Il était impossible matériellement pour les organisateurs et physiquementpour les coureurs de rester en selle plus de 30 jours. […]

L’œuvre du regretté Henri Desgrange va donc revivre cette année très petitement. Maisnous sommes pauvres et les organisateurs ont eu cent fois raison de ne faire disputer cettereprise que de Monaco à Paris…

24 juillet 1946 – n° 664Article : « de la première étape de la ‘Course du Tour’ »Extrait : « […] Déjà lundi soir on retrouvait dans Monaco l’ambiance du Tour de France,

mais où on la trouvait d’avantage encore, ce fut hier matin, quelques heures avant ledépart. »

(Le reste de l’article est un résumé sportif de l’étape)Mardi 30 juillet 1946 – n° 669Titre : « Après le double succès français dans Monaco-Paris »« La formule ‘par équipes’ est antisportive. Robic en fut la victime et Lazaridès le

favorisé.La ‘Course du Tour de France’ a vécu et nous souhaitons ne pas la revoir l’an prochain.

Le Tour de France n’était-il pas beaucoup plus spectaculaire que ces épreuves - ersatz quenous venons de suivre ?

Mais indiscutablement, il fallait faire revivre un tant soit peu ce ‘Tour’ si cher à HenriDesgrange. Chacun, il faut le dire, s’y est employé de son mieux en mettant sur piedBordeaux – Grenoble et Monaco – Paris. Ni pour l’une ni pour l’autre épreuve nous ne

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

100 Demouveaux Gautier - 2007

critiquons l’organisation car le maximum d’efforts a été fait pour la pleine réussite de cesépreuves. Chacune a servi la cause du cyclisme. N’est ce pas là ce que nous attendions ? »

La fin de l’article affirme que Robic a été défavorisé par la formule du Tour. Le journalistecritique aussi Vietto (‘le roi’) : « Il ne suffit pas d’être couvé et désiré, il faut avant tout avoirde la classe et vouloir gagner. »

Mercredi 31 juillet 1946 – n° 670Titre : « Monaco-Paris a été une réadaptation pour les suiveurs comme pour les

coureurs »Introduction de l’article : « Nous avons toujours dit ici que la Course du Tour de France

était nécessaire. Maintenant qu’elle s’est déroulée, nous continuons à le croire plus quejamais. Elle fut plein d’enseignements. Mais ces enseignements ne sont pas sans critiqueset c’est normal ! »

2 août 1946 – n° 672Titre : « Après la décision sur Vietto-Robic »Sous titre : « les champions cyclistes n’ont pas besoin d’être ridiculisés »« Nous nous étonnons que certains confrères se plaisent à faire courir des bruits

fantaisistes, plus ou moins désagréable pour certains coureurs, dont Vietto.Ces confrères n’en veulent pas spécialement à Vietto, mais aux organisateurs de

Monaco-Paris. Le plus lamentable de cette histoire, c’est que Vietto supporte les frais deces querelles entre journaux sportifs. […]

Vraiment les journaux sportifs se moquent, les uns des coureurs, les autres deslecteurs. »

30 novembre 1946 – n° 777Titre : « A qui appartient le record de l’heure et le Tour de France ? »« Depuis plusieurs mois déjà, les journaux sportifs remuent deux grands sujets se

rapportant au cyclisme.[…]Le second sujet : c’est le Tour de France. Un quotidien sportif annonce qu’il fera disputer

l’épreuve chère à Henri Desgrange et Jacques Goddet, du 26 juin au 20 juillet. La chosen‘est pas pour surprendre puisque Jacques Goddet appartient à ce journal. Mais l’affairese corse !

Voici qu’un journal du soir veut organiser une de ses trois épreuves : ‘la Ronde deFrance’ en 20 étapes, du 12 juin au 14 juillet. Il est évident que l’une des deux coursesautour de la France devra céder le pas sur l’autre. A moins que l’une soit réservée auxprofessionnels et l’autre aux amateurs.

Il n’en reste pas moins curieux et même choquant de voir avec quelle sûreté certainss’obstinent à s’approprier le bien d’autrui… contre toute logique.

Y. Petit Breton5 janvier 1947 – n° 809Titre : « l’organisation du Tour de France par la fédération de la presse ? Peut-être mais

par certain ! »

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 101

« La nouvelle est survenue hier, lancée par deux journaux : le Tour de France seraorganisé, comme prévu, du 25 juin au 20 juillet, non plus par un journal, ni par la directiondu Parc des Princes (qui avait déposé le 11 octobre les licences et caution nécessaires),mais par l’ensemble de tous les journaux de France et de Navarre. Soit, plus exactement,par la fédération nationale de la presse.

Nos confrères ajoutaient que les 25 millions nécessaires à l’organisation de la grandeépreuve seraient obtenus grâce à une subvention demandée aux conseils généraux dechaque département traversé, soit par une tombola, ou mieux, par un sweepstake de laloterie nationale.

La société ‘l’Auto-sport’ héritière du Tour de France de Desgrange n’a pas encore passéen jugement, et ses organisations sportives, gérées par l’administration des Domaines, sontdevenues le bien de la Société Nationale des Entreprises de Presse. Voici la raison pourlaquelle la fédération de la presse est mêlée à cette histoire qui ne devrait pas sortir dudomaine sportif.

Nous nous sommes étonnés, avec d’autres confrères, que des décisions impliquantla participation de tous les journaux aient pu être prises sans qu’aient été convoqués lesreprésentants de tous les grands journaux et, surtout, sans qu’ait eu lieu auparavant, uneréunion d’étude de cette organisation en commun, qui intéresse les rubriques sportives detous les journaux sans exception.

C’est pour répondre à ces justes réclamations que la commission exécutive de lafédération nationale de la presse a communiqué l’ordre du jour suivant voté le 3 janvier etqui met les choses au point :

‘La commission exécutive précise que la décision du bureau, en date du 26 décembre,en ce qui concerne le Tour de France, ne comporte pas autre chose que l’étude despossibilités techniques et financières de cette entreprise sous l’égide de la fédération.

Une déclaration devra, en tout état de cause, intervenir en séance de bureau,puis de la commission exécutive pour laquelle plusieurs jours d’avance, la questionaura été régulièrement inscrite à l’ordre du jour. Enfin, la commission exécutive préciseexprécemment qu’avant toute prise de position définitive, chaque syndicat devra êtreconsulté sur le point de savoir si les journaux sont ou non d’accord pour accepter que lafédération prenne, en leur nom, quelque engagement que ce soit en ce domaine.’

Avant-guerre, Henri Desgrange avait coutume de jeter les bases de l’organisation duTour de France sitôt qu’il venait d’en faire courir un. Il n’y a donc pas de temps à perdre sil’on veut que le Tour ait lieu cette année. D’autant plus que repartir à zéro, sans les facilitésd’avant-guerre et sans celles qu’accordait aussi la routine de longues années. »

7 janvier 1947 - n° 810Titre : « Les routiers italiens ne courront le Tour de France que s’il est organisé

normalement… a déclaré M. Bertolino » [président de l’Union Vélocipédique Italienne]Extraits : […] « l’Italie enverra t elle une équipe nationale sur le Tour de France ? E.M.

Bertolino de nous répondre, sans l’ombre d’une hésitationsi les organisateurs sont compétents nous feront certainement un effort. Sinon nous

nous abstiendrons, ne voulant pas que nos coureurs se lancent dans une aventure…17 janvier 1947 – n° 813Titre : « on attend toujours une décision pour le Tour de France et les 24 H du Mans »

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

102 Demouveaux Gautier - 2007

Extrait : […] « Et ceci nous fait penser au Tour de France cycliste 1947. Voici plus de15 jours que la fédération nationale de la presse en a la charge et rien n’a encore été mis àl’étude. On sait simplement que dans les coulisses de la fédération on murmure quelquesnoms d’organisateurs probables : des gens assez peu compétents…

Une réunion de presse sportive devait avoir lieu : on l’attend toujours ! Je sais que lafédération a eu ces temps derniers d’autres chats à fouetter, et c’est bien pour cette raisonqu’il parait lui être impossible de s’occuper d’une telle organisation.

Le parc des Princes et notre confrère le Parisien Libéré ont organisé en 1946 la ‘Coursedu Tour’, de Monaco à Paris. Ils se sont bien tirés d’affaire sans aller demander à la massefrançaise les huit millions qui leur furent nécessaires.

Il est donc prouvé qu’ils étaient des organisateurs. Ils ont d’ailleurs toujours la licenced’organisation que la FFC leur a attribué et ont versé à la dite fédération les cautionnementsnécessaires. Alors pourquoi vouloir renverser la vapeur ?

Si nous ne comprenons pas, nous ne sommes pas les seuls : la presse belge et lapresse italienne déclarent :

-‘Nous éviterons que nos coureurs aillent disputer une épreuve organisée par despersonnes non qualifiées.’

La FFC, seule ‘maître et juge’ de toutes les affaires du cyclisme français ne doit pasaccepter qu’une tierce personne ou organisation vienne contredire ou contrecarrer ce qu’ellea décidé ou accordé. »

Y. Petit Breton7 février 1947 – n°831Titre : « un Tour de France tout simple… »« La parc des Princes, satisfait de lui voir revenir l’organisation du Tour de France, que

certains ont essayé de lui ravir, a immédiatement repris ses ultimes démarches dès hier.Il faut trouver 22 millions pour mettre sur pied cette grandiose manifestation sportive,

mais nous sommes certains que ces organisateurs ne feront pas appel aux contribuables,et encore moins à la loterie nationale et que le Tour de France 1947 marquera la grandereprise internationale du cyclisme. »

8 février 1947 – n° 832Article : « le Tour de France a toujours des détracteurs, mais à Luxembourg, les

délégués étrangers font confiance aux organisateurs »ne fait pas référence aux journaux mais aux directeurs sportifs des maisons de cycles,

contre la formule des équipes nationales et régionales.18 mars 1947 – n° 838Encadré sur les prémisses du parcours24 avril 1947 – n° 870Titre : « le Tour aura-t-il lieu cette année ? La parole reste à la SNEP »« Après la prise en charge par la FFC de l’organisation de Paris-Tours, on nous annonce

qu’en raison de difficultés financières nombreuses qui surgissent, le Tour de France a duplomb dans l’aile.

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 103

M Kaouza, délégué du gouvernement, chargé de contrôler l’organisation de la ‘Grande’,a confié hier à un de nos confrères qu’il manquait encore six millions de francs pour quecette course puisse se dérouler dans des conditions normales.

Et il ajoute M Kaouza, qu’en aucun cas, il ne tolérerait que le gouvernement comble cedéficit. Mais il ajoute qu’il soutiendra la candidature de deux quotidiens (dont un sportif) quiacceptent de fournir les fonds, à condition toutefois que l’organisation leur en soit confiée.

La parole, en dernier ressort appartient à la SNEP. Acceptera-t-elle ? Si elle refuse leTour n’aura pas lieu. Il serait temps qu’une décision intervienne rapidement car les maisonsde cycles, comme les coureurs, se préparent pour la grande randonnée. Soyons optimistesmalgré tout. »

25 avril 1947 – n° 871Titre : « Paris-Tours, le Tour de France, les championnats du Monde ? »Extrait : « Quand la politique s’en mêle… A 10 jours de Paris-Tours, on ignore encore

si la grande classique aura lieu. Quant au Tour de France, c’est encore pire ! On revienttoujours au même dilemme : faut-il confier cette organisation à des journaux sportifs ou àdes journaux politiques ? C’est là une autre guerre. Un de ces derniers est prêt à comblerle déficit de six millions à lui tout seul. Bravo… Mais ce journal saurait-il organiser une telleépreuve ? »

30 avril 1947 – n° 875Encadré : « le Tour ne doit pas être un instrument politique »« Cette après-midi la commission de contrôle de l’organisation du Tour de France

prendra une décision pour savoir à quel groupe de journaux sera attribué le patronage decette grande épreuve.

‘L’Humanité’ qui avant guerre trouvait que cette épreuve était immorale, tient à faire letrust de toute l’organisation. Mais nous faisons confiance à MM Bourdan, Kaouza et mêmeM Pierre Bloch pour que le Tour ne devienne pas l’instrument d’une propagande politique. »

2 mai 1947 – n° 876Encadré : « Pour le Tour, chacun reste sur ses positions » nous dit Charles Joly[…] Personne ne veut prendre la responsabilité quant à la destiné du Tour de France.

Et la dernière réunion qui a eu lieu mercredi n’a rien apporté de neuf.Mais M Joly, administrateur du Parc des Princes et chargé de l’organisation nous

confiait :‘- La SNEP interdit que l’organisation revienne à un journal ou un groupe de journaux,

pour moi tout est prêt mais l’argent manque toujours du fait que je n’ai que ( ?) étapespatronnées par Franc-Tireur et trois journaux de province. Mais la SNEP affirme toujoursqu’elle trouvera les fonds nécessaires. »

8 mai 1947 – n° 881Article sur le Tour : ne concerne que l’aspect sportif5 juin 1947 – n° 905Titre : « le Tour de France dans sa phase décisive »« Il ne pouvait guère en être autrement : MM Bourdan, ministre des sports, P. Bloch et

Salmon, de la SNEP, et Bayet de la fédération nationale de la presse ont enfin décidé de

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

104 Demouveaux Gautier - 2007

confier la complète organisation du Tour de France à la direction du Parc des Princes, à quiétait déjà dévolu au début de l’année, l’organisation technique.

Il incombe donc au Parc des Princes d’établir maintenant le budget financier de laGrande Boucle. Ce qui est certes fait depuis longtemps comme il se devrait d’ailleurs !

On sait déjà que le départ de ce Tour de reprise sera donné mercredi 25 juin de l’avenued’Iéna, que sur les 150 candidats il n’y a que 50 places prévues, dont une sélection officieusefut faite hier soir. [référence ici vraisemblablement aux villes étapes] »

7 juin 1947 – n° 907Titre : « le Tour de France approche »L’article définit les fonctions officielles des responsables du Tour.A partir du 25 juin, la une et la page 4 font référence au Tour de France

Journal L’Equipe28 février 1946 – n°1

Editorial : « l’Equipe »« Comment est né ce journal ? Quelques hommes d’expérience se sont réunis qui

s’étaient rencontrés dans le même sentiment, au cours d’une épreuve douloureuse. Leurambition est d’aider à la formation d’une génération vaillante, capable de réparer dansl’amour de la patrie les fautes de celles qui l’ont précédée.

Un moyen d’expression, un mode d’action nous est permis : le journal.Voici ce journal : ‘l’Equipe’Faut-il justifier ce titre ? L’avenir seul, pense-t-on avec raison, y peut prétendre.Du moins, pouvons-nous tenter de faire comprendre ce qui nous a guidés : la volonté

de servir. Nous traversons une période cruelle, dans la vie d’une société où, si on ne s’yoppose, la passion dominante sera l’égoïste désir. Beaucoup, déjà, ne songent qu’à s’éleverau dépend d’autrui. La victoire, après de telles luttes sans scrupules, échappe toujours àla véritable supériorité.

Contre un mal, si menaçant pour la communauté, nous lutterons au nom de la solidarité.A l’individu, nous substituerons la cellule, l’équipe.

[…]Ce beau vocable : ‘l’Equipe’ exerce sa noble influence au sein même de notre groupe.

Il l’exerça déjà, au temps de la rage et des espoirs, quand notre action commune servaitla résistance. »

Article : « A rayon rompu »« Contrairement à ce qui a été annoncé, il n’est pas certain que le ‘Tour de France’

1946 parte de Monaco. Marseille et Dignes est envisagé comme première étape. »3 avril 1946 – n° 16Rubrique cyclisme : « Pour la première fois, dimanche, une voiture de ‘l’Equipe’

paraissait derrière une grande épreuve, sur les routes de l’Ile de France. Elle connut unindiscutable succès de sympathie. Il s’agissait d’une 402… »

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 105

6 et 7 avril 1946 – n° 17Gaston Deferre, ministre de l’information, autorise la publication quotidienne des

journaux de sport.Le journal mentionne Paris-Nice (course organisée par ‘Ce Soir’)23 avril 1946 – n° 31Article : « Van Steenbergen et la tarte aux prunes » d’A. Van Louthem.référence après Paris-Roubaix« Il est d’ailleurs assez piquant de constater que les deux grandes courses de la saison

actuelle ont eu, au point de vue belge, deux conséquences identiques dans leur reflet sur lesdeux plus importantes courses de l’année : le championnat du Monde et le Tour de France,même réduit à Monaco-Paris. »

1er au 4 mai 1946 : série d’articles sur Paris-Nice, course organisée par ‘Ce Soir’7 mai 1946 – n° 42Rubrique cyclisme : « s’il fallait former une équipe belge pour le Tour de France ? »

suite à Paris – Nice.citation d’un journaliste belge : « je me demande bien ce que l’on ferait s’il fallait

constituer, demain, une équipe belge pour un ‘Tour’ quelconque …»24 mai 1946 – n° 57Rubrique cyclisme ‘A rayons rompus’« Entendant se réserver pour le ‘Tour de France’ réduit à Monaco-Paris, Bartali ne

courrait pas le Tour d’Italie. »… en parcourant les articles : il y a déjà des épreuves sportives patronnées par le journal

l’Equipe : en Automobile, Athlétisme, voile… (29 mai, régates internationales à Lagny, le 9juin, patronage ‘l’Equipe’)

14 juin 1946 – n° 75Une : On ne parle plus de Tour de France mais de la « course du Tour »15 juin 1946 – n° 76Numéro spécial Bordeaux-Paris : « le nom de Goddet réapparait ! »18 juin 1946 – n° 78Nouveau titre du journal : « L’Equipe – Elans »27 juin 1946 n° 86Article p2 : « la course du Tour de France »« … comporte 5 étapes de grande allure et près d’un millions de prix. »« Nous revivrons du 23 au 28 juillet les belles heures d’avant guerre, avec la course du

Tour de France, organisée par le ‘Parisien Libéré’ et le parc des princes. 5 étapes dont leparcours est maintenant définitivement arrêté mèneront les concurrents de Monte Carlo àParis en passant par les Basses Alpes, les Hautes Alpes, la Savoie, l’Isère, la Haute Savoie,Ain, Jura, Côte d’Or, Aube, Yonne, Seine et Marne et enfin la Seine et Oise et la Seine. »

[…]

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

106 Demouveaux Gautier - 2007

les prix : « de quoi satisfaire les plus difficiles. »28 juin 1946 – n° 87L’Equipe parle de la Ronde de FranceArticle à ‘rayons rompus’ : sur 8 colonnes à la une« Léonardo Guerra, devenu directeur sportif d’une importante maison de cycle, voudrait

aligner une équipe italienne dans la ‘Ronde de France’ (Bordeaux-Grenoble)Dernière page traitant de cette course.29 et 30 juin 1946 – n° 88Dernière page : « première sélection en vue de la course du Tour de France »[…] « Une information officielle, diffusée hier par les soins du Parisien Libéré,

organisateur de Monte Carlo – Paris, la Course du Tour de France, a renseigné la presseen ce qui concerne la participation française à la grande compétition…

[…] Comment constituer une équipe française d’un ‘Tour’ qui, pour être réduit auparcours Monte-Carlo-Paris, n’en présente pas moins les caractéristiques de la ‘GrandeBoucle’ d’avant-guerre. »

3 juillet 1946 – n° 91Titre en une : « Heureux et grisé par sa sélection dans la ‘course du Tour’, Lazaridès

ne veut courir qu’avec René Vietto son maître »Extrait : […] « René, vous allez faire partie de l’équipe nationale du Tour de France.

Qu’en pensez-vous ? … »4 juillet 1946 – n° 92Article sur la course du Tour = liste équipe et parcoursPas de mention de Bordeaux-Grenoble9 juillet 1946 – n°96Une : « Par son intransigeance, Olivieri a su conserver une équipe qui peut permettre

à Galliussi d’enlever Bordeaux-Grenoble »Extrait : […] « Plus que quiconque, nos confrères Ce Soir et Sports peuvent, aujourd’hui,

regretter amèrement le manque de cohésion et de compréhension mutuelle qui présidaà l’élaboration du calendrier routier international. Le Bordeaux-Paris, qu’ils organisent encommun et dont le départ sera donné demain pour se poursuivre jusqu’au 14 juillet […]souffre en effet de la concurrence du Tour de Suisse, le premier à se disputer avec deséquipes nationales et pour lesquelles les fédérations étrangères ont délégué – bien entendu– leurs meilleurs éléments. Ce qui fait que nous avons l’impression de nous trouver devantune grande épreuve de prospection où quelques grands noms du passé serviront à donnerle ton une ligne sur les jeunes et les nouveaux qui ne manqueront pas de se révéler enmontagne… »

Albert de Wetter10 juillet 1946 – n°97Encadré en Une : « Mis au point des droits… et des faits : il n’y a qu’un Tour de France »« Il sera légalement organisé du 23 au 28 juillet sur le Parcours de Monaco-Paris.

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 107

Dans le but de jeter la confusion, les organisateurs de la course Bordeaux-Grenoblen’hésitent pas à déclarer et à écrire que leur épreuve, dénommée ‘la Ronde de France’, estle ‘Tour de France’.

Pour l’édification des sportifs, il est intéressant de donner les précisions suivantes : leTour de France est une épreuve qui appartient au patrimoine de la société du journal ‘l’Auto’actuellement sous séquestre. L’administration des domaines, qui a reçu mission de gérercette société, a concédé l’organisation du Tour de France pour l’année 1946 à la sociétédu stade vélodrome du Parc des Princes, sur la piste duquel sont jugées les arrivées de lapopulaire épreuve. Le Parc des Princes, qui assure donc l’organisation technique du seulTour de France, a obtenu le concours financier du journal ‘Le Parisien Libéré’, lequel estlégalement devenu, pour cette année, l’organisateur du Tour de France.

Un seul Tour de France en fait en droit, celui, en raison de la décision de la FFC limitanttoute épreuve routière pour 1946 à 5 étapes, empruntera l’itinéraire classique du Tour deFrance de la Méditerranée à la capitale.

Son esprit, son éclat, l’ont d’ailleurs parfaitement différenciée du Bordeaux-Grenoblequi commence aujourd’hui. »

Une sur Bordeaux-Grenoble, la rubrique cyclisme parle des deux courses11 juillet 1946 – n°98Une sur Bordeaux-Grenoble (pas de citation de la Ronde de France)Critique de Goddet sur le règlement de la Ronde[…] « Nous savons d’ailleurs que l’ahurissant règlement qui a sectionné en deux les

équipes de marques et a la prétention d’interdire aux deux tronçons toute collusion, n’aideguère à la conduite logique de la bataille »

Page 4 : article : « Ronds de plume » - Constantin Brive« Pau – une personnalité du cyclisme bordelais nous confiait au départ : ‘Drôle d’idée

d’avoir fait une course entre Bordeaux et Grenoble. […]La liste des engagés en main, on se faufile à moto sur le flanc du peloton, mais

l’attribution des numéros de dossards a subi des modifications diverses, objet de retouchessuccessives de la liste des partants. Si bien que les spectateurs, selon l’édition qu’ils ontentre leurs mains, acclament au passage Canavesi ou Cerini, par exemple… Ce qui n’enfait pas moins plaisir au numéro 37 qui s’appelle Bresci. Ceci précisé, naturellement, saufrectification ultérieure ou erreur de notre part… »

12 juillet 1946 – n°99Une et page 4 sur Bordeaux – Grenoble (pas de référence à la Ronde)Page 4 : article « Rond de Jambes »« Toulouse – Nous nous sommes précipités au départ de cette deuxième étape avec

une demi-heure de retard sur l’horaire. Les coureurs étaient encore là (chose que nousavions prévu) mais la plupart des palois étaient absents. Ce qui nous a surpris. Nous noussommes dit d’abord – ‘les palois ne sont pas matinaux les jours de course’. Mais un agentauquel le service d’ordre laissait des loisirs, a rectifié : ‘pensez vous ! Ils n’ont pas la patience.Ils sont retournés se coucher.’

[…] Hécatombe de boyaux. Aussi, le haut-parleur du stade a-t-il réclamé descouturières et des mécanos pour venir aider les organisateurs à remettre dans la soirée et

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

108 Demouveaux Gautier - 2007

dans la nuit le matériel en état. ‘Pourvu qu’il y ait beaucoup d’abandons’ gémissait l’un desofficiels. Il fut exhaussé largement.

[…] Est-ce la chaleur ? La propagande fut-elle suffisante ? Il n’y avait pas grand mondeau vélodrome. Un confrère belge supputait calmement : ‘C’est juste le public pour uneréunion d’athlétisme. »

Encadré : « Que d’erreurs ! - par un de nos envoyés spéciaux » ( pas de nom)« Toulouse – Il ne faut pas imputer aux seuls coureurs les erreurs techniques de la

journée. Si la plupart nagèrent pour le choix et l’utilisation de bons développements, si laplupart burent immodérément et se douchèrent in considérablement avec de l’eau glacée,n’oublions pas qu’ils étaient des novices.

Les voitures des directeurs sportifs et aussi celles des officiels étaient, en général, peupréparées pour la montée des cols. Beaucoup de conducteurs n’avaient aucune notion dece que peut être le travail imposé à un moteur, dans des conditions aussi particulières. L’aideaux coureurs ne put être, de ce fait, aussi efficace qu’il eût été nécessaire.

Le morceau de bravoure fut une recommandation pathétique et si fort bien intentionnéedu directeur de la course, la veille de l’étape, afin d’inciter les suiveurs à la plus extrêmeprudence dans un Aubisque, assurait-on, quasiment impraticable.

A la vérité, il y avait longtemps que les rares habitués du Tour avaient vu, malgré lestravaux d’empierrement, une aussi bonne route…

Malheureusement la recommandation avait, en particulier, effrayé Pahin, directeursportif de Peugeot, à raison de l’encombrement de sa camionnette. Il crut sage d’éviter le colet de passer par la vallée. Et, pendant son absence, deux de ses coureurs, Bon et Danchez,accidentés, restèrent sans matériel de rechange et durent abandonner. »

14 juillet 1946 – n°100Une : Ronde de France : polémique « mauvaise banderole »Titre : « Parce qu’il connaissait parfaitement l’arrivée à Montpellier, Louviot gagne sous

la bonne banderole »[…] « Les néophytes de l’échappée à sept se pourfendirent pour sprinter sous une

banderole quelques hectomètres avant les allées. Les deux ancêtres, Louviot et Lowie,ayant conservé la boussole, n’eurent plus qu’à se livrer un duel poli pour la véritable arrivée.

Accident purement anecdotique d’ailleurs, dont il convient de tirer une seule conclusion :le drapeau rouge qui précède l’arrivée d’un km, vieille pratique, demeure indispensable. »

Page 4 : rond de jambes« Montpellier – Les organisateurs se sont tenus un raisonnement judicieux : ‘Puisque la

fatalité fait que nous avons donné, jusqu’ici, les départs avec trois quarts d’heure de retard,faisons cette chose bien simple : décrétons que le départ de Toulouse, prévu en principeà 8h45, sera officiellement donné à 9h30. Mais cette marge de 45 minutes s’est encoreavérée insuffisante. Il vient d’être prévu que le départ de Montpellier serait irrévocablement,et à titre définitif, fixé avec un décalage de 51 minutes.

[…] La caravane commence à former une petite famille et chacun sait que les querellesde famille sont le piment de l’existence. Tandis que les coureurs se rassemblaient au départavec une lenteur fixée par l’expérience, Sylvère Maes exprimait très haut sa surprise enavisant un autre coureur flamand : ‘Comment ! … Je l’ai vu terminer dans une voiture, hier,et il va prendre le départ aujourd’hui ?’ Petit malentendu, bien sûr, et on eût vite fait de

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 109

convaincre l’ex-vainqueur du Tour de France. Puisqu’il avait vu le collègue dans une voiture,il n’était plus question de le retrouver en rival sur la route…

[…] La découverte de dernière heure des organisateurs : le départ sera officiellementavancé à 7h45 pour éviter les grosses chaleurs aux concurrents. Pourquoi diable ne pasavoir fait simplement partir à l’heure lors des trois premières étapes. Maintenant calculonsun peu : 7h45 plus les 45 minutes de retard désormais classiques. Il se confirme que l’heurede départ ne sera pas changée… »

Constantin Brive15 juillet 1946 – n°101Une : Ronde de FranceCourse du Tour de France : création du trophée Henry DesgrangeTitre : « A la mémoire du ‘père du Tour’, le trophée Henri Desgrange est créé à l’occasion

de la Course du Tour de France »[…] « Dans huit jours, de Monte-Carlo, partira la ‘Course du Tour de France’, titre qui

couvre respectueusement le Tour de France 1946 limité, par décision de la FFC, à cinqétapes.

Après sept ans d’interruption, la magistrale épreuve réapparait telle que son créateurla voulut et la façonna. Le Parisien Libéré qui l’organise avec le concours technique du Parcdes Princes, l’a reconstituée avec les soins les plus attentifs.

[…] Ainsi, grâce à cette pieuse initiative, le nom d’Henri Desgrange sera perpétué dansl’épreuve inégalée qui faisait l’admiration du monde entier. »

Page 4 : article : « ronds de flan »[…] Pas un panneau indicateur sur la route déserte. Un calcul mental rapide, d’après

les vagues indications de l’itinéraire officiel… »16 juillet 1946 – n° 102Articles page 4 :« Trop petits pour la montagne » Jacques Goddet[…] La Course du Tour qui, à partir de mardi prochain, sera la réplique de l’épreuve

d’Henri Desgrange et nous conduira de Monaco à Paris, nous informera définitivement surla possibilité des coureurs actuels. Sur leur mentalité aussi.

Bordeaux-Grenoble, né tard dans la saison, a surpris les différents acteurs de l’épreuve.Un détail : le matériel voiture, en particulier, n’était pas prêt pour l’escalade des cols… »

« Ronde autour du Tour » de Constantin Brive« Grenoble – Le dernier bulletin officiel communiqué par les organisateurs donnait

le classement de la dernière étape, le classement général, les derniers abandons, lesclassements par équipes et les primes. [...] Heureux gaillard, il savait bien qu’il avaitempoché au passage le montant de la prime au sommet du Galibier. […]

200 francs ! On aurait tout de même pu nous prévenir au départ de l’étape ! Peut-êtrebien que, moi aussi, j’aurais tenté ma chance...

[…]On fit parler aussi un directeur sportif. Ce fut M Venineaux, qui ne mâche pas ses mots.

‘Je ne suis pas un homme de paroles, mais un homme d’action. Les organisateurs ont

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

110 Demouveaux Gautier - 2007

commis des erreurs. Nous voulons bien passer l’éponge. Mais nous les directeurs sportifs,nous avons fait notre devoir et les coureurs ont fait plus que leur devoir…’

[…] Puis les organisateurs annoncèrent que leur épreuve aurait lieu l’an prochain sur10 et peut-être 15 étapes, et qu’elle s’inspirerait, plus que jamais, d’une épreuve qui… Bref,d’une course connue que…

De quelle course au fait ?Celle que les organisateurs ont nommé cent fois dans leurs articles, celles qu’ils se sont

forcés d’imiter avec les moyens du bord et pas toujours très heureusement.Car il n’est pas toujours facile, même au moyen d’une équivoque, de faire confondre le

produit d’avant guerre avec un produit de remplacement.Vous savez bien… Comme tous les invités du banquet le savaient… Mais d’où vient

alors, puisque tout le monde a bien compris, que les organisateurs de la Ronde de France,devant une assistance de champions, de dirigeants et de journalistes, n’ont tout de mêmepas osé nommer le Tour de France ? »

18 et 19 juillet 1946Articles sportifs sur la course du Tour en une et en page 420 juillet 1946 – n° 106Encadré en une : « Une minute de silence »« Le ‘Tour’ renaissant rendra hommage à la mémoire d’Henri Desgrange.Pour la première fois depuis 1939, des champions vont se réunir sous la banderole de

départ à l’appel du Tour de France… »22 juillet 1946 – n° 107Titre de une : « l’œuvre d’Henri Desgrange renait…La ‘Course du Tour’ répétition générale du grand Tour »« la meilleure sélection internationale en 10 équipes de 8 hommes s’aligne demain

mardi, à Monte-Carlo, dans l’épreuve cycliste la plus importante organisée depuis le Tourde France 1939 »

Article de Goddet : « son absence l’a grandi »« Monaco – Sept années, sept années de vie fantastique qui ont embrasé le monde

et l’ont rendu fou. Sept années, trop souvent soumises au règne implacable de l’oubli etde la mort.

Le Tour, le Tour de France d’Henri Desgrange, cette épreuve qui réussissait le miracleannuel d’effacer pendant un mois durant les préoccupations du pays et de tenir le peuple enliesse, de braquer tous les projecteurs du monde sur la magnificence de nos campagnes, denos mers et de nos montagnes, le Tour renait, plus vigoureux, plus aimé qu’il ne fut jamais.

Jadis, il avait ses détracteurs : romanciers dont l’imagination même était dépassée parla violence de l’effort, par la douleur des hommes ; grands reporters apitoyés sur le sort –n’est ce pas Albert Londres ? – ‘des forçats de la route’ […]

Desgrange et son Tour, parvenus au fait du succès connaissent aujourd’hui cetteconsécration supplémentaire qu’est l’épreuve du temps et celle du silence. Bien mieux, cemoment d’arrêt a raboté le zèle des détracteurs. Tout n’est plus que louange. Le Tour est sibeau que, si l’on ne se retenait trop, chacun se mettrait à organiser le sien…

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 111

Mais il ne s’agit pas encore du Tour intégral. […] Il est bien sage que 1946 ait été unepériode de réadaptation. Le Tour ne peut, lui, supporter la médiocrité. […] le récent Bordeaux– Grenoble a prouvé au moins l’impréparation des derniers, impréparation mentale, autantque physique et matérielle. [Il parle ici des organisateurs et des coureurs…]

[…] Il [Henri Desgange] ne sera pas, hélas, avec nous. Mais le Tour de France vivra… »Article page 4, d’Albert de Wetter :[…] « Monaco – ‘Tiens, les gars du Tour de France !’ C’est ainsi que les voyageurs

partant en vacances cheminots, porteurs et sportifs se désignaient, samedi soir, gare deLyon, une quarantaine de concurrents de la ‘Course du Tour de France’, venus prendre letrain pour Monaco… »

23 juillet 1946 – n° 108Une : publication du communiqué du comité du monument H. Desgrange« Le monument Desgrange pour le Tour 1947 »Article page 4 : « J’ai retrouvé le Tour, par Dante Gianello »« Le soir vient à grands pas. Le port de Monaco et sa promenade d’asphalte baignée de

soleil reçoivent aujourd’hui, après sept ans d’arrêt, les ‘géants de la route’. […] Je retrouveles instants pleins d’émotion qui me font revoir les visages et les gestes habituels de la veilledu départ du Tour. Du grand Tour ! »

24 juillet 1946 – n°109Une + page 4« un Tour dans le Bocage » C. Brive[…] « Evidemment l’erreur de parcours n’est pas le procédé le plus souhaitable

pour enrichir le pittoresque d’une course, mais comment garder rancune au bravegendarme auteur de cette plaisanterie innocente. […] Les coureurs ont pris les choses trèsphilosophiquement et certains confrères arboraient un sourire d’une oreille à l’autre ; sansdoute ils pensaient trouver dans cet épisode une occasion de rire un brin. Comme vous levoyez, c’est raté. »

26 juillet 1946 – n° 111Pages 1, 2 et 4 :Titre en une : « une vraie performance de vrai Tour de France »Pendant toute la durée de l’épreuve, l’entête de la page 4 est un bandeau noir sur lequel

est marqué en blanc ‘Le Tour’30 juillet 1946 – n° 114Bilan avant le Tour 1947…Titre : « premier bilan de la ‘Course du Tour de France’, enseignement en vue du Tour

47 »12 et 13 octobre 1946 – n° 178Rubrique cyclisme : « en pensant au Tour de France 1947… »Article relatant la visite de Lazaridès et Vietto à ‘l’Equipe’. Les deux font du Tour 47

leur objectif.5 novembre 1946 – n° 198

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

112 Demouveaux Gautier - 2007

Article : « 4 inédites du cyclisme et 2 reprises… »Page 2 : « […] Le calendrier 1947 sera à peu près le même que celui de cette année,

sauf en ce qui concerne les courses par étapes que l’on prévoit moins nombreuses. Le vraiTour de France, lui, y reprendra place. »

pas de référence à l’abandon de la Ronde de France.28 novembre 1946 – n° 218Encadré rubrique cyclisme : « Aux grandes épreuves sur route déjà annoncées pour

1947, il y a lieu d’ajouter 3 demandes déposées par notre confrère ‘Ce Soir’. […], (dont) laRonde de France en 20 étapes, du 20 juin au 14 juillet. Le Tour de France étant annoncédu 24 juin au 20 juillet, la question de deux grandes courses par étapes à la même époquese trouve donc officiellement posées devant les pouvoirs sportifs. »

5 décembre 1946 – n° 224Page 4 : « Henry Desgrange dépassé – Le Tour de France sera désormais permanent »« Le Tour de France 1947 nécessitera un investissement de 20 à 25 millions à peine.

La presse française étant – comme chacun sait – dans la misère, la FFC a reçu seulement3744 demandes de la part de journaux désirant l’organiser ou, à la rigueur, mettre sur piedune épreuve disputée sur le même itinéraire, à la même date, mais habilement appelée :circuit, boucle, cercle, voire : ronde, valse, farandole, etc.

Enfin Henri Desgrange fait donc, à titre posthume, l’unanimité. Célébrons laréhabilitation du père du Tour. Il n’est plus exploiteur de la sueur humaine, mais un ami del’humanité. Il n’est plus un mercanti du sport, mais un apôtre des sports. Ce matin commece soir, tous honorent sa mémoire. De notre temps, Albert Londres n’aurait pas écrit ‘Toursde souffrance’ mais ‘Tours de Franche…ise’.

La FFC se réjouit fort d’un pareil triomphe pour le sport dont elle a la charge. Après uneinterminable délibération, qui dura au moins 1 minute 20, entre son président et M. Joinard,elle prit la décision suivante :

3744 Tours de France disputés tous à la fois auraient peut-être présenté chacun un lotun peu maigre au départ. Par conséquence, après avoir soigneusement examiné les titresdes organisateurs candidats et n’avoir écarté qu’une seule demande ne paraissant vraimentpas sérieuse – demande émanant d’un certain M. Joly, directeur du Parc des Princes – les3743 tours seront mis bout à bout et constitueront en une seule épreuve continue : le Tourde France permanent… »

10 décembre 1946 – n° 228Encart en une : « méfiez vous des contrefaçons »« L’Equipe-Elan n’a absorbé aucun confrère. S’il suffisait, pour devenir le quotidien

sportif à la plus forte vente, de tracer le nom de n’importe quelle feuille en blanc sur un jolifond rouge cerise… Ca se saurait.

Battu sur tous les terrains dans une concurrence loyale de notre part, le quotidien sportifdont les envoyés spéciaux à l’étranger siègent à Colombes, vient d’essayer ce dernierprocédé.

Il espère, grâce à cette confusion, tromper les sportifs et faire monter un peu ses ventesparmi les lecteurs qui se refusent à voir dans le sport un simple instrument politique.

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 113

Nous recommandons vivement à nos lecteurs de veiller, chez nos dépositaires etmarchands, à ce qu’on ne leur présente pas, par erreur, la contrefaçon. Le plagiat esttoujours l’hommage rendu par le médiocre à la qualité.

L’Equipe-Elan, le plus fort tirage, la plus forte vente de journaux sportifs. Ni parti, niparti pris… »

16 décembre 1946 – n° 233Une : « pas de chevauchement de grands Tours»Article sur le calendrier routier international 1947[…] « Un seul Tour de France. En même temps que le Tour de France dont la licence

d’organisation était demandée pour la période du 24-25 juin au 20 juillet, une autre demande– nous l’avons dit en son temps – était formulée pour la Ronde de France, envisagéepour être disputée en 20 étapes de 20 juin au 14 juillet. Plusieurs des délégués desnations étrangères exprimèrent leur surprise qu’il puisse être envisagé de pouvoir fairecourir deux grandes courses ‘étapes’ à la même époque dans le même pays. Et l’unanimitédes délégations étrangères – la France s’étant abstenue de prendre part au vote – suffitpour déclarer que seul le Tour de France ‘père de tous les Tours nationaux’ pour reprendrel’expression d’un délégué, pouvait être inscrit à son époque habituelle dans le calendrierinternational. M. Joinard indiqua que les organisateurs de la Ronde de France lui avaientdemandé de chercher une autre époque possible pour leur épreuve si le Tour avait la priorité.Le président Collignon, appuyé par plusieurs délégués, dit qu’il ne paraissait pas souhaitablede voir deux épreuves similaires par le nombre des étapes se succédant dans le même pays[…] Finalement la FFC a invitée à faire pour la Ronde de France une nouvelle propositionde dates et de nombre d’étapes… »

Charles JolyArticle page 2 : « batailles autour du Tour ! »« L’UCI ne pouvait évidemment pas accepter que le calendrier international fut

encombré par deux épreuves de plus de vingt étapes, organisées dans le même pays.La Ronde de France devra donc être mise sur pied, en 1947, de telle sorte qu’elle neconcurrence pas le Tour.

Les pouvoirs sportifs ont ainsi, à l’instance supérieure, pris une décision qui met unpeu de clarté dans la situation passablement confuse. Cette confusion a été volontairementcréée par un groupe – lequel était jadis le plus violent détracteur du Tour ! – désireux des’emparer de la grande épreuve d’une manière ou d’une autre. Qu’on en juge :

a. D’un côté on pose la candidature de la Ronde de France laquelle en 1946 estprésentée par ses promoteurs comme étant le Tour de France, avec maillot jaune, grandscols et tout le tralala… Dans le cas où l’administration des domaines, séquestre des biensde l’Auto, n’aurait pas été vigilante et n’avait décidé de préserver les droits du Tour, on luienlèverait… gentiment l’épreuve en la copiant sans vergogne.

b. D’un autre côté, on revendique, par un autre journal du même groupe, le Tour deFrance lui-même. Histoire de voir !

c. Et puis on s’en va, ensuite, suggérer au président de la fédération nationale de lapresse de réclamer l’organisation du Tour de France, en lui expliquant, le plus sérieusementdu monde, que les bénéfices du Tour de France serviront à assurer le financement desœuvres sociales de la presse. Car, n’est ce pas, l’excellent M Bayet n’est pas forcé de savoirque le Tour a toujours coûté de l’argent, à ceux qui l’organisent. Les cinq étapes de Monaco

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

114 Demouveaux Gautier - 2007

à Paris se sont cette année, soldée par un déficit de 2 millions et demi. Le Tour 1947 devrait,lui, aboutir à une perte avoisinant les 10 millions…

Le ministère de l’information est appelé à se prononcer. Henri Desgrange, qui n’étaitpas un si mauvais organisateur, se mettait au travail le lendemain même de l’arrivée duTour. Aujourd’hui, rien n’est commencé pour le Tour 1947. Voilà près de cinq mois perdus,à l’époque où tous les problèmes d’organisation se sont dangereusement multipliés. »

6 janvier 1947 – n° 251Une : sur-titre : « Jadis, le ‘Fourrier’ commençait sa tournée… »Titre : « le Tour ne tourne pas rond »« 1 – vendredi, il a été déclaré à une mystérieuse commission que la fédération

nationale de la presse organisera le Tour ;2 – Samedi, quelques journaux annoncent précipitamment la nouvelle ;3 – Dimanche on apprend que la commission exécutive de la fédération nationale de

la presse a voté un ordre du jour restrictif…A cette époque, jadis, Henry Desgrange lançait sur la route le fourrier du Tour. Le

règlement était déjà édité, accepté par les organismes officiels du sport, promulgué. Lescoureurs du Tour, les vrais, ceux qui surgissaient, en juillet, dans l’Izoard ou le Tourmalet,préparaient leur âme et leur corps dans le secret, par une vie d’endurcissement.

Aujourd’hui le Tour de France se déchire. Il piétine. Pire, il s’enlise. Le clan quiavait rêvé de le supplanter par la contrefaçon de la Ronde de France, ayant échoué,s’efforcent d’engager la fédération nationale de la presse dans l’aventure. Les mêmes qui seproposaient d’effacer le Tour et de le remplacer au profit de leur groupe, veulent maintenants’emparer des leviers de commande sous le couvert de la fédération de la presse, malavertie de pareils problèmes, incomplètement ou mal informés, et qui doit actuellement fairefront à des problèmes plus graves sur le plan professionnel.

Il ne fut donc pas difficile de monter dans l’ombre et le mystère une petite commissiondont le rôle, lors d’une première réunion, vendredi, se réduisit à l’audition de celui qui l’avaitconvoquée, et qui était précisément l’organisateur de la Ronde de France !

[Suite en page 2 sous le titre : « Le public devra-t-il financer le Tour ? »]L’orateur, lâché en liberté, n’eut aucun mal à décréter que la fédération de la presse allait

donc mettre sur pied le Tour. Un hic : le financement. Rien de plus simple. Trois solutions :1. subvention du sous secrétariat à l’éducation physique (proposition sérieuse au

moment où ledit secrétariat n’a pas de quoi payer les terrains de sport nécessaires au pays)2. tranche d’une loterie. On doute que cela puisse couvrir le montant du déficit.3. Sweepstake spécial. 40 000 000 à prélever sur la bourse des citoyens. Retenons

que les procédés ‘commerciaux’ d’Henri Desgrange, lesquels consistaient à faire précéderde deux heures la course par des camions publicitaires, valaient bien du point de vue moral,la création d’une colossale entreprise de jeu à propos d’une épreuve sportive. Et la missionhautement éducative de notre presse ?

Etude – Sur la foi d’informations émanant d’une personne qui semblait mandatée parla fédération nationale de presse, certains de nos confrères ont donc annoncé commeofficielle la décision de cette fédération d’organiser le Tour de France. Mais la majorité desjournaux, absolument tenus dans l’ignorance de ces opérations, écartés de la mystérieuse

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 115

commission, demandèrent le soir même à la commission exécutive de leu fédération demettre la situation au point. Et nos lecteurs en seront informés quand ils auront prisconnaissance de l’ordre du jour suivant :

La commission exécutive précise que la décision du bureau, en date du 26 décembre,en ce qui concerne le Tour de France, ne comporte pas autre chose que l’étude despossibilités techniques et financières de cette entreprise sous l’égide de la fédération.

Une nouvelle délibération devra, en tout état de cause, intervenir en séance de bureau,puis de la commission exécutive pour lesquelles, plusieurs jours d’avance, la question auraété régulièrement inscrite à l’ordre du jour.

Enfin, la commission exécutive précise expressément qu’avant toute prise de positiondéfinitive, chaque syndicat devra être consulté sur le point de savoir si les journaux sont ounon d’accord pour accepter que la fédération prenne, en leur nom, quelque engagementque ce soit en ce domaine.

Le public paiera-t-il ?Il est certain, en tout état de cause, et le dernier paragraphe le spécifie clairement,

que beaucoup de journaux n’accepteraient pas d’engager leur responsabilité dansune entreprise qu’ils considèrent ne pas être dans l’objet d’une fédération de presse.L’organisation de courses cyclistes et de loteries ne semblent pas être du rôle de leursyndicat professionnel. Ils n’entendent pas prendre de risque collectif ni du point de vuefinancier, ni du point de vue technique, ni du point de vue moral.

L’affaire, qui en est donc à ‘l’étude des possibilités techniques et financières’ suit soncours. Le Tour, lui, ne tourne pas…

Rendons hommage, à l’heure de ces réformes, au Père du Tour. La grande idée d’HenriDesgrange avait été d’offrir au public une extraordinaire distraction gratuite. Cette fois lepublic serait invité d’abord à payer. C’est un progrès sérieux et dont les contribuables sportifsseront reconnaissants envers les hardis réformateurs. »

Claude Tillet7 janvier 1947 – n° 252Page 2 : « Points de vue autour du Tour »« M Joinard, président de la FFC : ‘la FFC est faite pour contrôler, non pas organiser’.M Joinard, président de la FFC, à qui nous parlions hier du Tour, nous déclara : ‘ Je n’ai,

jusqu’à présent, été pressenti d’aucune façon. Je ne connais la question que par les articlesde presse. Si la fédération est pressenti officiellement, je réunirai mon comité de direction[…] Je suis quant à moi d’avis que la FFC est faite pour contrôler et non pour organiser.

M. Marini, commissaire de l’UVI en France. ‘Le Tour est au premier plan de nospréoccupations, mais nous voudrions savoir…

M Bertolino, qui repartait le soir même pour l’Italie, nous a rendu visite à l’Equipe.[…] l’une des questions qui semble retenir au tout premier chef l’attention des dirigeantstransalpins et celle du Tour de France. […] ‘Nous ne pourrons prendre aucune décisiondéfinitive avant d’avoir reçu toutes garanties relatives à la régularité de l’épreuve.’ Car àl’étranger, on ne comprend pas très bien les discussions suscitée par l’organisation de laGrande Boucle. […]

M Charles Joly, directeur du Parc des Princes : ‘Je suis en règle’

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

116 Demouveaux Gautier - 2007

‘Les Domaines ayant comme l’an dernier, et, depuis le 11 octobre, confié la licenced’organisation du Tour de France au Parc des Princes, j’ai dans les limites imposées, tantpar la FFC que par l’UCI, accompli les formalités réglementaires pour que le Tour de Francesoit inscrit officiellement à sa date habituelle dans le calendrier international. Je suis donc,quant au Parc des Princes légalement en règle.

Si les Domaines ne m’avaient pas comme l’an dernier confié la licence d’organisationdu Tour de France, que serait-il arrivé ? Que la date n’aurait pas été retenue ou plutôt qued’autres organisateurs s’en seraient emparés. Je pense donc que les Domaines et moi-même avons assuré et protégé le Tour. Qui ne s’organise pas en quelques semaines commeune course de ville à ville’. »

9 janvier 1947 – n° 254Page 2 : Rubrique cyclisme : Titre : « le Parc des Princes s’est déjà occupé du Tour

de France »Interview de M Joly, directeur du Parc des Princes, à propos de l’organisation technique

et du parcours.27 janvier 1947 – n° 263Page 2 cyclisme : « où en est la question du Tour de France ? »La fin de la semaine dernière a été marquée par deux faits intéressants en ce qui

concerne l’organisation du Tour 1947vendredi le groupement des professionnels de la FFC a pris contact avec la direction du

Parc des Princes, titulaire de la licence d’organisation. Le Parc, nous l’avons dit, est toujoursdisposé à mettre sur pied la grande épreuve.

Samedi MM Beaupuis, L.Véron, G.Cuvelier, E. Christophe, P. Maye, délégués par lesusdit groupement et reçus par la fédération de la presse, ont exposé qu’il était nécessairequ’une décision fût prise à brève échéance, exprimé le désir de recevoir des organisateursune garantie financière couvrant les sommes devant revenir aux concurrents ( 5 millions),insisté pour qu’une réponse leur soit donnée à la fin de cette semaine, c'est-à-dire avant lecongrès de l’UCI, à Luxembourg. »

28 janvier 1947 – n° 264Une et page 2 : « La FFC veut pouvoir dire à l’UCI : le Tour de France aura lieu »[…] « Soucieux de voir la grande épreuve mise sur pied en temps utile et avec toutes

garanties nécessaires, le groupement professionnel de la FFC […] évidemment désireuxde voir revivre le Tour, a posé successivement aux dirigeants du Parc des Princes et auxdirigeants de la fédération nationale de la presse française des questions précises sur leursintentions et possibilités concernant l’organisation du Tour de France. […]

La position très nette du Parc des PrincesLa direction du Parc des Princes a fait un exposé complet de sa position. Il peut se

résumer ainsi :Il est le seul détenteur légal de la licence d’organisation pour 1947, et ce fait n’est plus

contesté par personneC’est grâce à son action que le Tour de France a été sauvé contre la tentative des

organisateurs de la Ronde de France qui, en 1946 comme en 1947, cherchèrent à lesupplanter.

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 117

Il a réussi à mettre sur pied, dans un délai extrêmement bref, la Course du Tour et ena assumé le financement.

Fort du droit accordé par l’administration des Domaines, il a commencé dès octobredernier l’organisation du prochain Tour et a en particulier, avec des négociations avec lesorganisateurs étrangers, sauvegardé la place du Tour au calendrier international.

Il a complètement stoppé cette organisation, il y a deux mois, lorsqu’intervint auprèsde l’administration des domaines, un membre de la fédération de la presse, lequel… parhasard, était l’organisateur de la Ronde de France. cette intervention ayant eu pour résultatde faire interdire le Parc des Princes de traiter avec quiconque pour le parrainage del’épreuve et le financement qui en résulte sans l’avis du ministère de l’information.

Le Parc des Princes, privé soudainement des garanties financières qui sontindispensables et qu’il avait obtenues, ne veut pas reprendre le travail, et attend ladésignation de l’organisme qui assumera cette responsabilité.

Le Parc des Princes a déclaré, dès le mois de décembre, qu’il acceptait l’organisationtechnique pour le compte de l’organisme qui serait désigné à la condition que les garantiesfinancières nécessaires soient données, et le soient en temps voulu.

Enfin, dans le cas où la fédération nationale de la presse ne donnerait pas suite auprojet présenté par le membre qui l’a alerté sur la question, le Parc se dit prêt, malgré leretard ainsi apporté à reprendre le travail, à mettre sur pied le Tour 1947 dans les meilleuresconditions techniques et à en faire assurer le financement sans rien demander aux pouvoirspublics eux-mêmes.

La fédération de la presse ne peut donner de réponse préciseFa fédération nationale de la presse est une sorte de parlement, et les opinions n’y sont

pas forcément identiques. Il ne semble pas que les délégués du groupement des pros aientpu obtenir dans cette première séance qui ne se résumait qu’à une audition, beaucoup deprécisions et de garanties. […]

Nous avons voulu connaitre le point de vue des délégués à la suite de leu doubleaudience. […] ‘Non seulement nous voulons savoir qui est qualifié pour organiser le Tour,mais encore nous désirons que cette organisation soit entreprise dans des conditions tellesque l’épreuve conserve sont envergure, son éclat, son prestige. Pour nous, en effet, unemise sur pied tardive serait annonciatrice d’un demi-échec qu’il convient d’éviter. […] Si deuxpartis continuaient à se disputer l’épreuve ce serait finalement les ‘pros’ qui en subiraientles conséquences, et cela nous parait inadmissible. »

6 février 1947 – n° 272Encadré en Une : titre « Le Tour vers sa solution définitive ? »« Le Parc des Princes confirmé dans sa qualité d’organisateur technique doit donner

sa réponse aujourd’hui.Depuis hier soir, l’épineuse question du Tour de France est entrée dans sa phase

décisive. […][Communiqué de la Fédération nationale de la presse française]‘D’accord avec la SNEP la fédération nationale de la presse avait envisagé dans le

but d’ôter tout caractère commercial à une compétition de renommée mondiale, d’organiserelle-même le Tour de France, en finançant cette grande épreuve par une loterie nationale.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

118 Demouveaux Gautier - 2007

Cette solution qui a soulevé des objections dans les milieux sportifs, n’a pas été retenue.La fédération, tout en poursuivant l’étude de son projet initial pour 1948, invite la SNEP,propriétaire de l’épreuve, à confier l’organisation du Tour de France 1947, sous le contrôlede la FNPF et de la SNEP, à l’un des organismes sportifs qui sont prêts à en assumer laresponsabilité, celui-ci ne devant en aucun cas placer l’épreuve dans son ensemble sousle patronage d’un seul journal ou d’un groupe de journaux.

Le bureau de la fédération souhaite que l’organisation du Tour de France serve endehors de tout intérêt commercial particulier, le prestige du sport français.’

D’autre part, à 11 heures, la FFC publia également un communiqué dont voici le texte :‘Le groupement des coureurs cyclistes professionnels enregistre les dispositions prises

par la fédération nationale de la presse française concernant le Tour de France. en accordavec la fédération de la presse, il prend la responsabilité de l’organisation du Tour de France.il demande à la SNEP en accord avec le bureau de la FFC à en confier l’organisation à lasociété du Parc des Princes.’

7 février 1947 – n° 273Une : « l’organisation du Tour repart ! »« Le Parc des Princes accepte…A Luxembourg, Ch. Joly prend les contacts indispensables avec les fédérations

étrangères.Effervescence dans les rédactions sportives, hier. Assaut téléphonique axé sur la

direction du Parc des Princes… Les informations relatives au Tour de France ont soudainréveillé le monde cycliste en plein hivernage.

Les pessimistes commençaient à penser et à dire que le Tour ne pourrait avoir lieu cetteannée… Les optimistes consultaient avec inquiétude de plus en plus grande les colonnesdu calendrier. Quelle position allait prendre le Parc ? On le sut dans l’après midi. La missiond’organiser la grande boucle était acceptée, le communiqué de la fédération de presseservant de base.

[…] On apprenait, d’autre part, que des négociations allaient être immédiatemententamées avec les journaux régionaux susceptibles d’apporter leur contribution aufinancement de l’entreprise. Il est évidemment indispensable de connaitre les dispositionsdans lesquelles se trouvent nos confrères provinciaux vis-à-vis du Tour, puisqu’il s’agit deréunir – uniquement en ce qui les concerne – une somme de l’ordre de 10 millions de francscorrespondant à l’effort précédemment prévu par un groupe de journaux. »

Claude Tillet14 février au 16 mars : grève, non parution.17 mars 1947 – n° 279Page 4 : Annonce du parcours : « le Tour de France par Bruxelles… »13 mai 1947 – n° 327Titre en une : « La SNEP confirme : le Tour aura lieu »[…] « Les organisateurs considèrent d’un œil optimiste les difficultés qui rentent à

vaincre. D’ailleurs la Société Nationale des Editions de Presse confirmait cette bonneimpression en transmettant aux journaux hier dans la soirée le communiqué suivant :

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 119

Bonne nouvelle pour les sportifs. Dans la conférence de presse tenue le lundi 12 mai,M Pierre Bloch, PDG de la SNEP, a affirmé que le Tour de France, dont la SNEP estpropriétaire, aurait lieu en toute éventualité, quels que soient les bruits qui ont pu courir àce sujet.

Il a ajouté que l’intérêt du sport français et les participations étrangères déjà acquisesà la grande manifestation cycliste faisaient un devoir à la SNEP de ne pas décevoir l’attentedes sportifs de tous les pays. Il a indiqué, en suite, que d’après les renseignements en sapossession, le Tour de France s’annonçait comme un très grand succès. »

20 mai 1947 – n° 333Une, titre : « les 5 premiers sélectionnés du Tour »Articles en Une et en page 2, rubrique cyclisme. L’itinéraire est aussi énoncé.5 juin 1947 – n° 347Page 2 : publication du communiqué du commissaire du gouvernement pour le Tour

de France 1947.Titre : « Au service du Tour »« Après de long mois durant lesquels il fut en vain chercher de multiples systèmes

viables pour assurer le financement du 34e Tour de France – dont l’organisation se solderainévitablement par un déficit de plusieurs millions – la solution définitive a été adoptée.

Le communiqué que nous publions si dessous, émanant de M. Maurice Kaouza,Commissaire du Gouvernement pour le Tour de France, contient la genèse de ‘l’affaire duTour’ et les raisons qui ont motivé les décisions prises. Il fut toujours clair, pour nous, quela charge financière du Tour de France ne pouvait être supportée par un grand nombre dejournaux à la fois. Il est compréhensible, de la part de nos confrères, qu’ils estiment ne paspouvoir tirer, d’un couteux patronage partiel, de justes contreparties de propagande et devente.

Il fallait donc, inévitablement, aboutir au choix d’un seul journal ou, à la rigueur, dedeux journaux de caractère complémentaire. L’Equipe est, au côté de notre confrère et amile Parisien Libéré, l’un de ces deux journaux. Notre journal a considéré que la place qu’iloccupe dans la presse de notre pays lui faisait un devoir malgré les difficultés qui pèsent silourdement sur l’exploitation de la presse française, d’accepter une pareille mission.

Nous en ressentons une grande fierté. Mais, dans le même moment, nous sommesconscient de nos responsabilités vis-à-vis :

du public […] ;des participants […] ;des pouvoirs sportifs […] ;du ministre de la jeunesse, des arts et lettres, lequel se trouve être précisément chargé

de l’information et des sports ; de la SNEP, gardienne des biens de presse dévolue ;de tous nos confrères enfin, à qui nous déclarons ici, en toute cordialité sportive, que

l’Equipe comme le Parisien Libéré considèrent que le 34e Tour de France, auquel ils ontaccepté d’apporter leur garantie financière, reste un événement national mis à la dispositionde la presse française et de la presse étrangère.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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C’est dans cet esprit que l’Equipe et le Parisien Libéré seront heureux de conserver leconcours de ceux de leurs confrères qui avaient antérieurement pris des accords avec ladirection du Parc des Princes pour patronner certaines étapes ou parties d’étapes.

En nous mettant ardemment à la tâche, aux côtés du Parisien Libéré, auprès dela direction du Parc des Princes, nous tenons à saluer, avec un grand respect et uneémotion sincère, la mémoire du ‘Père du Tour’. C’est un fardeau écrasant qu’a légué HenriDesgrange, tant il avait parfait son œuvre, élevée à la hauteur des moyens de ce françaisexceptionnel. Nous chercherons à nous inspirer de cet exemple. »

Au cours d’une réunion tenue avant-hier mardi 3 juin 1947, au ministère de l’informationet à laquelle assistaient M. Pierre Bourdan, ministre de la jeunesse, des arts et lettres, M.Pierre Bloch, PDG de la SNEP, M. Salmon, inspecteur général de la SNEP, et M. AlbertBayet, président de la FFC,

Il a été étudié la situation actuelle du Tour de France 1947, pour ce qui concerne sonfinancement.

On se rappelle que l’organisation du Tour de France a été confiée à l’administration desdomaines, dès le mois d’octobre dernier, à la société du Parc Princes.

La société nationale des entreprises de presse à qui furent plus tard dévolus les biensdu journal l’Auto, propriétaire du Tour de France, a confirmé en accord avec la fédérationnationale de presse, la société du Parc des Princes, dans sa mission d’organisateur du 34e Tour de France.

Dès cette époque, la question du financement de l’épreuve se posait, l’organisation duTour de France devant être inévitablement déficitaire.

La fédération nationale de la presse française avait alors indiqué que le financement del’épreuve pourrait être assuré par les contributions partielles des journaux régionaux, dontla zone d’influence était traversée par le Tour de France, et éventuellement par les journauxde Paris qui auraient accepté de patronner certaines étapes.

Après deux mois de démarches auprès des journaux désignés, la direction du Parc desPrinces fit savoir à la SNEP qu’elle avait pratiquement échoué, les concours qu’elle avaitobtenus représentant un apport insignifiant en fonction des besoins financiers de l’épreuve.

La fédération nationale de la presse saisie à nouveau de la question délégua alors deuxde ses membres afin que ceux-ci procèdent eux-mêmes, au nom de la fédération, à desnouvelles démarches auprès des journaux de province ou de Paris susceptibles d’apporterleur concours.

Ces jours derniers, il apparut que leurs démarches n’apporteraient absolument aucunrésultat nouveau

A trois semaines du départ de l’épreuve, il restait ou bien à annuler le Tour de France,ce qui aurait été inadmissible vis-à-vis de l’opinion publique de notre pays et de celle despays étrangers dont les coureurs participent au Tour de France, ou bien opter pour uneautre formule immédiatement applicable.

Dans ces conditions, MM Pierre Bourdan et Pierre Bloch, considérant que la sociétédu Parc de Princes est entièrement responsable de l’organisation et par conséquent de sescharges, ont décidé qu’ils laissaient à la direction du Parc des Princes le soin d’opter pourtelle formule de son choix, laquelle serait susceptible de lui assurer les garanties financièresindispensables.

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Annexes

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Cette décision ayant été communiquée immédiatement à la direction du Parc desPrinces, celle-ci a fait savoir, hier, au commissaire du gouvernement, qu’elle a obtenu lagarantie financière de deux journaux, le Parisien Libéré et l’Equipe.

C’est grâce au concours du Parisien Libéré que la direction du Parc des Princes avaitpu, en 1946, mettre sur pied le Tour de France « réduit » ( de Monaco à Paris), et grâce àla nouvelle garantie que le Parisien Libéré avait accordé dès le mois d’octobre dernier, que

le Parc des Princes avait pu inscrire à temps le 34 e Tour de France dans le calendrierinternational.

D’autre part, le concours de l’Equipe, le journal quotidien spécialisé, a paruindispensable aux différentes parties en cause. Le choix de cet organe, dont le caractère estapolitique, doit maintenir le Tour de France sur un plan purement sportif, ce qui correspondaux vœux des pouvoirs dirigeants du cyclisme en France et à l’étranger.

5 juin 1947 – n° 347Apparition de la rubrique : « le Journal du Tour » en page 29 juin 1947 – n° 3501ere pub : « le Tour de France, une organisation l’Equipe – le Parisien Libéré »

A partir du 10 juin, le Tour est traité en partie sur la une et sur la 4ème page19 juin 1947 – n° 359Page 4 : parcours« le père du Tour »« Henry Desgrange, le ‘Père du Tour’, dont on admire le masque énergique sur le front

même de ‘l’épreuve unique’, polissait et repolissait sans cesse le règlement du Tour deFrance… »

25 juin 1947 – n° 364Une sur le départ du Tour : édito de GoddetTitre : « un acte de foi »« Alors que notre pays, brisé par tant de dures années, grince et gémit, supportant les

convulsions qui le secouent, le Tour de France, cette grande fête populaire, reprend place.Le Tour, c’est un message de joie et de confiance. Son existence même évoque intensémentl’idée de paix. Parce que, au moins, l’une de ses missions est d’apaiser les nerfs et lesesprits. Parce qu’il remet en mouvement cette énorme machine dont le moteur accélèrel’économie de notre pays. Parce qu’il plaque sur tous les décors radieux de notre pays lafrise émouvante, enthousiasmante, étonnante, d’une chevauchée héroïque dont la haineest exclue. Oui, nous le savons bien, ceux qui ne sont pas touchés par la grâce sportivesourient déjà de nos superlatifs, de nos émois, du lyrisme qui ornemente les ‘papiers’ dessuiveurs du Tour. Allez ! Nous avons beau nous méfier de nous-mêmes, nous recommanderla prudence de nos réactions ; nous sommes déjà des prisonniers du Tour…

Nous recevons depuis deux jours tous ceux qui, à l’appel lancé par le Parisien Libéré etl’Equipe, accourent de tous les points d’Europe. Les anciens, parmi eux les journalistes etles officiels, ont dans le fond de la prunelle cette petite flamme qui dévoile l’énorme brasierque contient leur cœur. […]

Il y a une mystique Tour de France. Il y a un moral Tour de France.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Il va falloir réapprendre la leçon patiemment enseignée par l’usage. La course en 26jours, sur terrains variés, est farcie d’embuches. Il ne s’agit plus de foncer tête baissée, depousser comme une brute d’une arrivée à l’autre. Le Tour a crevé le cadre du sport pours’installer sur un plan totalement humain… »

Journal Le Parisien Libéré13 février 1946 - n° 464

Sport : annonce du calendrier FFC« 2 grandes organisations du Parisien : Paris-Tours et le Havre-Cherbourg »Pas de mention de l’organisation du Tour par le journal.« Un petit Tour de France sera couru cette année… en 5 étapes seulement et du 23

au 28 juillet. »C’est la seule référence, pas de référence non plus à la Ronde de France.Du 9 au 14 mai 1946, le journal ne parle que de sa course, Paris-Tours23 mai 1946 – n°Titre en une : « Tour réduit… Mais avec Vars, Allos, l’Izoard et des équipes nationales ! »L’article parle des courses à étapes et fait référence à Paris-Nice (passé) et des autres

épreuves dont Bordeaux-Grenoble (le titre de Ronde de France n’est pas cité)« […] mais le point culminant de la série sera constitué par le Tour de France, réduit,

cette année, à un Monaco-Paris. Quelles seront les villes étapes ? On parle de Dignes,Briançon, Genève, Dijon…

Quelle sera la formule ? On opine, généralement, pour un ensemble d’équipesnationales et régionales. Comment seront sélectionnés les concurrents ? Rien de précisà ce sujet. A vrai dire, ce qui intéresse le plus les sportifs, c’est de savoir si l’on montera,cette année, Allos, Vars, Izoard, le Galibier, l’Iseran, les Aravis et autres cols de haute etde grande renommée. »

C.Tilletpas de référence à l’organisation du Parisien30 mai 1946 – n° 555Changement : page 4, ¼ de page spécialannonce la décision d’organiser le Tour – Monaco-Paris14 juin 1946 – n°Petit article sur Monaco-Paris à propos d’une équipe belge.« Monaco-Paris (Tour de France 1946) organisé par le Parisien… »19 juin 1946 – n° 573Article : « Un million de prix pour la course du Tour »« L’organisation de Monaco-Paris, la course du Tour de France bat son plein et bientôt

nous serons en mesure de publier les itinéraires détaillés des 5 étapes. Mais il est unpoint important sur lequel le Parisien Libéré tient à donner dès aujourd’hui des précisions

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Annexes

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souhaitables : c’est plus d’un million de prix et primes qu’auront à se partager sélectionnésnationaux et régionaux. Ainsi la course du Tour sera l’épreuve cycliste la plus richementdotée de la saison actuelle. On s’en rendra compte à la lecture de la liste ci-dessous.

Chaque jour nous apporte des demandes d’inscription ou de visites de coureurs anxieuxde ne pas être oubliés. Du 23 au 28 juillet prochain aura lieu, dans les décors les pluscaractéristiques du ‘Tour’ l’événement routier 1946. »

Différents articles sur les coureurs et les équipes participant à la Course du Tour28 juin : publication de l’itinéraire détaillé29 juin : photos et publication de la liste des équipesEt tout les jours un encadré sur la course11 juillet 1946 – n° 593Article sur la première étape de Bordeaux-Grenoble. Fin de l’article sur l’étape du

lendemain, soft.« […] et maintenant place à la montagne : dans l’Aubisque et le Tourmalet nous verrons

certainement de beaux exploits. Malheureusement la montagne se trouvera à 180 km del’arrivée, et la plaine aura sans doute permis aux lâchés de revenir avant le but. Pour faireune très grande étape, il eût fallu l’Aspin… »

16 juillet 1946 – n° 597Fin de Bordeaux-Grenoble. Article après la victoire de Lazaridès : « j’ai reconnu les

Alpes en vue de la course du Tour. »Fin de l’article : « Bordeaux-Grenoble était, en quelque sorte, un hors d’œuvre. Avec

la course du Tour, dont nous ne sommes plus maintenant qu’à 8 jours, ce sera le plat derésistance de la saison cycliste française. »

Articles tous les jours sur la course19 juillet 1946 – n°Article : « Partirons, partirons pas … », leçon de journalisme de la part de Félix LévitanExtraits :« A la veille de voir s’élancer sur les routes de France les concurrents de la course du

Tour, qu’on nous permette de donner un conseil désintéressé aux futurs organisateurs decourses à étapes : qu’ils s’abstiennent s’ils ont une maladie de cœur ou s’ils ne sont pasdoués d’une extraordinaire dose d’optimisme.

Dieu merci ! Nous ne sommes ni cardiaques ni pessimistes. Et c’est ainsi que nousn’avons pas été le plus moins du monde émus par les dépêches de ‘correspondantsgénéralement bien informés’ qui ont fait courir le bruit, depuis deux jours, que la marque‘France-Sport’ interdisait à ses représentants de participer à l’épreuve du Parisien Libéré.

[…] C’est surement un petit jeu plaisant auquel il nous amuserait de participer si nousn’avions le souci, fort louable au demeurant, on en conviendra, de nous faire l’écho que denouvelles préalablement contrôlées et puisées à la source… »

F.Lévithan(Pendant la course du Tour, une et page 4 consacrés à la course)16 octobre 1946, n° 677

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

124 Demouveaux Gautier - 2007

Brève : « le Tour de France aura lieu en 1947 du 24 juin au 20 juillet »« C’est aujourd’hui officiel, le Tour de France aura lieu l’an prochain. Et ce sera un grand

Tour de France tel que l’avait conçu Henri Desgrange, avec ses 20 étapes, l’ascension desAlpes et des Pyrénées et, naturellement, les équipes nationales. Les dates sont arrêtées :du 24 juin au 20 juillet.

Le groupement cycliste professionnel en a pris bonne note hier soir, après avoirconstaté que la direction du Parc des Princes qui détient la licence d’organisation avait, toutd’abord, choisi les anciennes dates du Tour (1-27 juillet) qu’elle fut contrainte d’abandonnerpour ne pas concurrencer les championnats du Monde prévus pour la fin juillet.

Le Parisien Libéré est heureux d’avoir contribué à la renaissance de la « GrandeBoucle » en organisant l’été dernier Monaco-Paris. Ses efforts n’auront pas été vains, etle Parisien Libéré ne manquera pas de manifester à nouveau son attachement à la plusimportante compétition cycliste du monde. »

15-16 décembre 1946 – n° 731Article : « l’UCI a décidé : une seule course par étapes »« Le Tour aura lieu du 25 juin au 20 juilletZurich – Le congrès du calendrier de l’UCI, réuni hier matin à Zurich, s’est prononcé sur

l’épineuse question du Tour de France et de la Ronde de France. Le président de l’UCI MAlban Collignon proposa à ses collègues de ne fixer qu’une date, celle du Tour de France.

L’ancienneté du Tour a normalement plaidé en sa faveur et le président de l’UCI adéfendu ainsi une cause juste qui ne souffrait pas de discussion. Les membres du congrèsont d’ailleurs unanimement suivi le président Collignon dans son raisonnement et la « Rondede France » appelée à doubler le Tour – qui n’a pourtant ni besoin d’imitateurs, mêmelointains – a été écarté du calendrier.

Le Tour de France a donc pris date officiellement, du 25 juin au 20 juillet. Il reste auxpromoteurs de la « Ronde de France » la possibilité de faire à nouveau fixer ses datesà l’occasion du congrès de Luxembourg, en février prochain. Ce ne sera, en tout état decause, que pour une Ronde avec un nombre d’étapes bien inférieur à celui primitivementprévu. Le Tour de Belgique, le Tour de Suisse, le Tour d’Italie et le vrai Tour de Francesuffisent, n’est-il pas vrai ? à la gloire du cyclisme routier international. »

24 décembre 1946 – n° 738Titre : le Tour de France seul, au calendrier« Organisateurs et représentants fédéraux ont établis, hier après-midi, dans le meilleur

esprit, le calendrier cycliste routier 1947. Une seule modification imprévue : la Ronde deFrance, qui devait compter 20 étapes, n’aura pas lieu […]

Il n’y aura donc plus aucune confusion cette fois. Le Tour de France restera la seulegrande course française par étapes. »

7 janvier 1947 – n°750Titre : « Autour du Tour »« Plusieurs de mes confrères, sans toujours faire montre d’une rigoureuse exactitude

dans leurs déclarations, ont beaucoup parlé du Tour de France au cours de la semaineécoulée. Certains d’entre eux ont ainsi annoncé à grand fracas que la fédération nationalede la presse avant décidé d’assumer elle-même l’organisation du Tour. Or l’ordre du jour

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de la commission exécutive de la fédération voté à l’unanimité le 3 février remet les chosesau point, qu’on en juge :

La commission exécutive précise que la décision du bureau, en date du 26 décembre,en ce qui concerne le Tour de France ne comporte pas autre chose que l’étude despossibilités techniques et financières de cette entreprise, sous l’égide de la Fédération. Unenouvelle délibération devra, en tout état de cause, intervenir en séance de bureau, puisde la commission exécutive pour lesquelles, plusieurs jours d’avance, la question aura étérégulièrement inscrite à l’ordre du jour.

Enfin, la commission exécutive précise expressément que, avant toute prise de positiondéfinitive, chaque syndicat devra être consulté sur le point de savoir si les journaux sont ounon d’accord pour accepter que la fédération prenne, en leur nom, quelque engagementque ce soit en ce domaine.

Il convient donc d’attendre les prochaines délibérations de la commission exécutivepour connaitre la position définitive de la fédération nationale de la presse. »

23 janvier 1947 – n°758Titre : « les cyclistes organiseront-ils le Tour ? »« Enfin, les coureurs cyclistes ont la parole, en ce qui concerne le Tour ! Ce n’est pas

trop tôt !On sait en effet les vues de certains membres de la fédération nationale de presse à ce

sujet. Une ‘décision’ de ladite fédération avait été annoncée prématurément, il ne s’agissait,un ordre du jour officiel que nous avons publié l’a marqué, que d’une étude ! Mais les étudessont longues et les chances d’aboutir discutées.

Hier soir, le groupement des coureurs cyclistes professionnels, au nom des principauxintéressés, en accord avec le président de la FFC, a décidé d’intervenir ‘auprès deséventuels organisateurs du Tour’. MM Beaupuis, Christophe, Cuvelier, P.Maye et Léo Véronont été désignés pour opérer les démarches, et, avec l’appui de compétences, ont peutespérer que le Tour de France 1947 n’est pas encore irréalisable. Cependant, tout devraitêtre ‘démêlé’ avant le 9 février, date à laquelle le président de la FFC devra présenter uneorganisation rationnelle du Tour aux congressistes de l’UCI. Dans ces conditions, ont peutespérer que le Tour de France sera vraiment ‘organisé’. »

1er février 1947 – n°766Titre : « un avis très autorisé »Extrait : « L’organisation du prochain Tour de France inquiète beaucoup les coureurs

cyclistes qui en souhaitent ardemment la mise sur pied définitive… »6 février 1947 – n° 771Titre : « l’organisation du Tour de France » a été officiellement confiée au Parc des

Princes »Article : « Le Tour de France a été sur la sellette, hier après-midi, au bureau de la

fédération nationale de la presse qui a l’issus de la réunion, a publié ce communiqué sidessous :

‘D’accord avec la SNEP la fédération nationale de la presse avait envisagé dans lebut d’ôter tout caractère commercial à une compétition de renommée mondiale, d’organiserelle-même le Tour de France, en finançant cette grande épreuve par une loterie nationale.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Cette solution qui a soulevé des objections dans les milieux sportifs, n’a pas été retenue.La fédération, tout en poursuivant l’étude de son projet initial pour 1948, invite la SNEP,propriétaire de l’épreuve, à confier l’organisation du Tour de France 1947, sous le contrôlede la FNPF et de la SNEP, à l’un des organismes sportifs qui sont prêts à en assumer laresponsabilité, celui-ci ne devant en aucun cas placer l’épreuve dans son ensemble sousle patronage d’un seul journal ou d’un groupe de journaux.

Le bureau de la fédération souhaite que l’organisation du Tour de France serve endehors de tout intérêt commercial particulier, le prestige du sport français.

Peu après la publication de ce communiqué, le groupement professionnel se réunissaitau siège de la FFC et publiait, à son tour, le communiqué suivant :

« Le groupement des cyclistes professionnels enregistre les dispositions prisent par lafédération nationale de la presse française concernant le Tour de France.

En accord avec la fédération de la presse il prend les responsabilités de l’organisationdu Tour de France. il demande à la SNEP, en accord avec le bureau de la FFC, d’en confierl’organisation à la société du Parc des Princes. »

Ajoutons que la société du Parc des Princes, interrogées hier soir par les membres dugroupement, a demandé 24h de réflexion avant de faire connaitre son point de vue. »

7 février 1947 – n°772Titre : « Le Tour de France 1947 ? D’est en Ouest avec des équipes nationales et

régionales »« Le directeur du Parc des Princes prend contact, à Luxembourg, avec les dirigeants

des fédérations étrangères. Cette fois si c’est définitif… Le Tour aura lieu et à la date prévue :du 23 juin au 20 juillet. La direction du Parc des Princes ayant acceptée, hier soir d’enassurer l’organisation.

M Charles Joly, qui se trouve à Luxembourg, va en profiter pour alerter les fédérationsétrangères et leur présenter les grandes lignes de l’épreuve qui seront les suivantes […] Onparle de 24 étapes, mais soulignons le bien, toute précision à ce sujet serait prématurée, ladirection du Parc des Princes se réservant d’établir l’itinéraire de la course après avoir prisofficiellement contact avec les nombreuses personnalités régionales décidées à permettreau Tour de France 1947 d’être digne de tous ceux qui l’ont précédé. »

(A partir du mois d’avril, le journal parle de la composition des équipes)25 avril 1947 – n° 811Titre : « pour ‘dépanner’ le Tour, plusieurs candidats sont sur les rangs »« La commission de contrôle de la SNEP s’est réuni hier après-midi, en présence de

M Kaouza, représentant du Gouvernement, pour statuer sur le sort du Tour de France dontont sait que l’organisation a été confiée au vélodrome du Parc des Princes, à la suite destergiversations de la fédération nationale de la presse qui firent perdre presque 4 mois. Endéfinitive, il avait été proposé que chaque étape fût patronnée par un journal, mais l’équilibrefinancier se trouve à nouveau compromis - à deux mois de la grande épreuve nationale !– par la défection de la presse régionale sur laquelle les organisateurs comptaient pourboucler le budget.

Hier, fait nouveau, plusieurs quotidiens parisiens se sont mis sur les rangs en tempsqu’organisateurs, à la condition d’être seuls « en course ». Comme l’avait fait l’an passéle Parisien Libéré pour la Course du Tour de France (Monaco-Paris). Malgré les difficultés

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incessantes qu’il rencontre ainsi, le Parc des Princes n’en continue pas moins sespréparatifs en attendant qu’une décision définitive soit prise, ce qui demandera encorequelques jours ! »

5 juin 1947 – n° 845Page 4 – publication du communiqué du commissaire de la République sur

l’organisation du Tour par le Parisien et l’Equipe.Titre : « Le Tour de France 1947 aura lieu dans trois semaines, avec tout l’éclat du

passé »« Il sera organisé, du 25 juin au 20 juillet, par la direction du Parc des Princes avec le

concours du Parisien Libéré et de l’Equipe.Il y a un an, quand il fut question de rendre à la France son prestige sportif international,

le Parisien Libéré s’offrit, malgré les difficultés de l’heure pour organiser à nouveau le Tourde France. la FFC ayant alors décidé de na pas permettre l’organisation d’épreuves de plusde 5 étapes, le Tour de France se fit donc partiellement sur le parcours de Monaco-Paris.C’était certes un Tour réduit, mais qui, par sa formule des équipes nationales et parle profildu parcours choisi, rappelait en tout point la grande course créée par Henri Desgrange,dont elle prenait officiellement la suite. C’était, au surplus, un premier pas vers le grand Tourde France et, dès octobre dernier, nous nous offrions à nouveau d’en assumer la lourdecharge, commençant même à mettre sur pied les bases de son organisation complète.Hier M Maurice Kaouza, préfet, conseiller municipal de Paris, désigné par M. Pierre Bloch,président directeur général de la société nationale des entreprises de presse, en tantque commissaire du gouvernement pour le Tour de France 1947, publiait le communiquésuivant :

Au cours d’une réunion tenue avant-hier mardi 3 juin 1947, au ministère de l’informationet à laquelle assistaient M. Pierre Bourdan, ministre de la jeunesse, des arts et lettres, M.Pierre Bloch, PDG de la SNEP, M. Salmon, inspecteur général de la SNEP, et M. AlbertBayet, président de la FFC,

Il a été étudié la situation actuelle du Tour de France 1947, pour ce qui concerne sonfinancement.

On se rappelle que l’organisation du Tour de France a été confiée à l’administration desdomaines, dès le mois d’octobre dernier, à la société du Parc Princes.

La société nationale des entreprises de presse à qui furent plus tard dévolus les biensdu journal l’Auto, propriétaire du Tour de France, a confirmé en accord avec la fédérationnationale de presse, la société du Parc des Princes, dans sa mission d’organisateur du 34e Tour de France.

Dès cette époque, la question du financement de l’épreuve se posait, l’organisation duTour de France devant être inévitablement déficitaire.

La fédération nationale de la presse française avait alors indiqué que le financement del’épreuve pourrait être assuré par les contributions partielles des journaux régionaux, dontla zone d’influence était traversée par le Tour de France, et éventuellement par les journauxde Paris qui auraient accepté de patronner certaines étapes.

Après deux mois de démarches auprès des journaux désignés, la direction du Parc desPrinces fit savoir à la SNEP qu’elle avait pratiquement échoué, les concours qu’elle avaitobtenus représentant un apport insignifiant en fonction des besoins financiers de l’épreuve.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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La fédération nationale de la presse saisie à nouveau de la question délégua alors deuxde ses membres afin que ceux-ci procèdent eux-mêmes, au nom de la fédération, à desnouvelles démarches auprès des journaux de province ou de Paris susceptibles d’apporterleur concours.

Ces jours derniers, il apparut que leurs démarches n’apporteraient absolument aucunrésultat nouveau.

A trois semaines du départ de l’épreuve, il restait ou bien à annuler le Tour de France,ce qui aurait été inadmissible vis-à-vis de l’opinion publique de notre pays et de celle despays étrangers dont les coureurs participent au Tour de France, ou bien opter pour uneautre formule immédiatement applicable.

Dans ces conditions, MM Pierre Bourdan et Pierre Bloch, considérant que la sociétédu Parc de Princes est entièrement responsable de l’organisation et par conséquent de sescharges, ont décidé qu’ils laissaient à la direction du Parc des Princes le soin d’opter pourtelle formule de son choix, laquelle serait susceptible de lui assurer les garanties financièresindispensables.

Cette décision ayant été communiquée immédiatement à la direction du Parc desPrinces, celle-ci a fait savoir, hier, au commissaire du gouvernement, qu’elle a obtenu lagarantie financière de deux journaux, le Parisien Libéré et l’Equipe.

C’est grâce au concours du Parisien Libéré que la direction du Parc des Princes avaitpu, en 1946, mettre sur pied le Tour de France « réduit » ( de Monaco à Paris), et grâce àla nouvelle garantie que le Parisien Libéré avait accordé dès le mois d’octobre dernier, que

le Parc des Princes avait pu inscrire à temps le 34 e Tour de France dans le calendrierinternational.

D’autre part, le concours de l’Equipe, le journal quotidien spécialisé, a paruindispensable aux différentes parties en cause. Le choix de cet organe, dont le caractère estapolitique, doit maintenir le Tour de France sur un plan purement sportif, ce qui correspondaux vœux des pouvoirs dirigeants du cyclisme en France et à l’étranger.

Le Parisien Libéré est heureux de s’associer pleinement à l’effort entrepris par ladirection du Parc des Princes pour rendre à la grande course internationale ciselée par HenriDesgrange, tout l’éclat du passé. Cette épreuve, qui compte parmi les plus importantescompétitions mondiales et qui est l’une des gloires de la France sportive, ne pouvait mourir.Il y a quarante-huit heures encore, on se posait la question : « le Tour de France aura-t-illieu ? » Aujourd’hui nous pouvons affirmer : le Tour de France aura lieu.

Le Parisien Libéré comme l’Equipe recevront cette fois à leurs côtés ceux de leursconfrères de la presse de Paris et de province qui avaient déjà accepté le patronaged’étapes. Notre journal est particulièrement satisfait d’avoir permis au renouveau du Tour,si populaire, et d’être désormais directement associé à son organisation, à son succès. »

6 juin 1947 – n° 846Rubrique gazette du Tour : annonce des postes de l’organisation du Tour.7 juin 1947 – n° 847Rubrique gazette du Tour« Ainsi que nous l’avons annoncé, le Parisien Libéré et l’Equipe, coorganisateurs du

Tour, retrouveront à leur côté les confrères qui avaient déjà accepté le patronage d’étapes.

Et c’est ainsi que Franc Tireur patronnera la 1ère… »

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Annexes

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19 juin 1947 – n° 857Carte du Tour page 4Une : éditorial de F. LévitanTitre : (provocation ?) : « 25 juin, la grande ronde, le Tour »[…] Parodiant Maurice Raynal, on pourrait dire de lui qu’il est ‘le Tour, l’unique’. On l’a

copié, ici et là, mais ce ne furent jamais que des imitations… »

Journal l’Humanité8 janvier 1946 – n° 442 (nouvelle série – 43e année)

Page 2, article : « il y a des relents de ‘jaune’ dans l’air »« Tout le monde est d’accord, ‘Sport Libre’ qui a montré ses preuves dans la

clandestinité doit reparaitre, et les sportifs souhaitent que ce soit le plus vite possible.Dernièrement à l’Assemblée Constituante, à la demande de Fernand Grenier, le ministre del’information, M André Malraux, déclara que ‘Sport Libre’ recevra l’autorisation de paraitreen Janvier.

Depuis on ne voit rien venir. Par contre, certaines pressions ont lieu à la directiongénérale en faveur de ‘Vitesse’, successeur du trop voyant ‘Auto’. M Glarrobi sera-t-ilactionnaire du ‘Jaune’ pour faire preuve de tant de sollicitude envers lui ? »

18 janvier 1946 – n° 451Encadré : le ministre de l’information communique : »« En accord avec le ministre de l’éducation nationale, le ministre de l’information a

décidé de lever l’interdiction générale de parution des journaux sportifs.A partir du 21 janvier, un premier train de journaux sportifs recevra l’autorisation de

paraitre de manière à assurer la diffusion des informations sportives sur l’ensemble duterritoire. Ceci confirme notre information concernant la proche parution de ‘Sports’. »

1e février 1946 – n° 459Article « le calendrier cycliste routier 1946 »[…] « Quelques épreuves prévues : […] du 3 au 28 juillet, Tour de France (‘Ce

Soir’ a suggéré que cette épreuve soit désormais patronnée par l’ensemble de la pressefrançaise) »

Il n’y a alors aucune mention ni de Bordeaux-Grenoble, ni de Monaco-Paris5 février 1946 – n° 462« Nous avons maintes fois défendu la nécessité de la parution d’une presse sportive

libre et honnête. Le sous secrétaire d’Etat à l’information du nouveau gouvernement avaitpromis, malgré un lourd héritage ; que les journaux sportifs paraitraient dès le 31 janvier.Puis la date a été reportée au 7 février. Espérons cette fois que le maximum sera fait pourqu’il n’y ait plus de changement. »

En dessous de cet article se trouve une publicité annonçant la sortie de Sports pourcette date.

7 février 1946Annonce que la sortie de ‘Sports’ est encore décalée

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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13 février 1946 – n° 469Brève : « le Tour de France n’aura pas lieu »« Devant les difficultés actuelles de ravitaillement et d’hébergement le Tour de France

n’aura pas lieu. »14 mars 1946 – n° 494Article hors de la page sport :« Le débat sur la presse à l’assemblée constituante »Extraits : […] Jean Cristofol, député de Marseille. […]‘Maintenant on voit les traitres relever la tête et exploiter avec les complaisances dont

on a fait preuve à leur égard. Ils ont obtenu la création de nouveaux journaux, ressemblantà ceux de la trahison et qui s’installèrent dans les locaux occupés par les journaux nés dela résistance, qu’ils cherchent à étouffer. »

(Pas de référence à l’Auto ou à l’Equipe dans l’article)27 juin 1946 – n° 586Article sur les sélectionnés pour la Ronde de France« Du 10 au 14 juillet se déroulera sur le parcours de Bordeaux-Grenoble. La Ronde de

France organisée par ‘Ce Soir’. Déjà une première liste de sélectionnés désignés par lesdirecteurs sportifs… »

28 juin 1946 – n° 587« cyclisme permanent »[…] voici [la liste ?] pour juillet […] du 10 au 14 juillet, la Ronde de France recréera

l’ambiance du Tour de France avec ses étapes des Pyrénées et les Alpes, du 23 au 28,Monaco-Paris. »

29 juin 1946 – n° 588Encadré : « Sylvère Maes dans la Ronde de France »« Deux fois vainqueur du Tour de France en 1936 et 1939, le belge Sylvère Maes

comptait s’aligner de nouveau dans cette grande épreuve. Il pourra cette année réaliser sonvœu ou presque.

Hendrickx sélectionné dans l’équipe belge de ‘Mercier’ n’ayant pas confirmé sonengagement, Antonin Magne a décidé de le remplacer par Maes. Sylvère pourra doncretrouver du 10 au 14 juillet de vieilles connaissances telles que le Tourmalet, l’Aubisqueet le Galibier. »

4 juillet 1946 – n° 592Titre : « concurrents de la Ronde de France, l’Humanité vous offre deux prix »« Du 10 au 14 juillet, la plus grande course sur route de l’année, la Ronde de France,

va se dérouler sur 5 étapes, puisque c’est le nombre maximum autorisé cette année parla fédération.

Comme au temps des premiers Tours de France, l’épreuve se disputera entre équipesde marques comprenant 6 coureurs chacune. […]

Le parcours réussira se tour de force d’emprunter, sur 5 étapes, les cols fameux desPyrénées (Tourmalet, Aubisque) et des Alpes (Galibier, Croix de Fer…] […]

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Annexes

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L’Humanité a décidé de doter cette belle épreuve de deux prix spéciaux…6 juillet 1946 – n° 594Titre : « Avant la Ronde de France, Antonin Magne nous confie un souvenir du Tour

1931 »10 juillet – n°Photo en Une sur la Ronde de FrancePage 3 : carte du parcours et article :Titre : « De Bordeaux à Grenoble, par l’Aubisque et le Galibier, nous revivrons le Tour. »« Qui n’aura pas aujourd’hui cette petite au cœur que nous ressentions lorsque

nous attendions, immobiles et anxieux devant la vitrine du marchand d’articles de sports,l’affichage des résultats de l’étape du Tour.

Des années ont passé depuis que les géants de route ont clos la dernière ronde. Uneautre commence. Plus courte, certes, comportant ces difficultés, ces cols, qui nous rendaientencore plus impatients à lire les résultats. […]

[Nos Journalistes] vous parleront de a première étape de l’épreuve organisée par nosconfrères ‘Ce Soir’ et ‘Sports’ et vous rendrons à l’atmosphère de ces anciens Tours… »

P.Y13 juillet 1946 – n° 600Titre : « la Ronde de France à Montpellier »Rubrique « Echos » : « - ‘C’est bien toujours le même Tour de France’ nous dit un soldat

au pied de la vieille Carcassonne. »A part ces extraits, les articles ne sont que des résumés sportifs entre le 10 et le 14

juillet.16 juillet 1946 – n° 602Article : […] « c’est la dernière étape la plus dure qui permit à un jeune français de se

révéler : Lazaridès.Sur les routes de Gap à Grenoble, au sommet du Lautaret, du Galibier et de la Croix

de Fer, jamais la foule n’avait été si dense au plus jours du Tour de France… »Ensuite : des articles sur Monaco-Paris, neutres et uniquement sportifs :24 juillet 1946 – n°Sur l’incident de parcours : « il fallut arrêter les fugitifs et la course par la faute d’un

gendarme qui avait mal placé les affiches de fléchage »26 juillet 1946 – n°Concerne la victoire de Robic à Aix les Bains« Certes, il faut qu’une épreuve par étapes, qui fut inspirée du Tour de France, soit dure.

Mais il ne faut pas tomber dans l’excès… »4 novembre 1946 – n°697Encadré rubrique sport :

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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« On parle beaucoup en ce moment d’un Tour de France qui serait disputé en 21 étapeset qui débuterait le 24 juin 1947. Mais il est une chose que nous aimerions savoir, aurait-on déjà attribué à un journal ou à une société quelconque ce tour qui, jusqu’à preuve ducontraire, appartenant à l’Auto. Or l’Auto, journal collaborateur, est toujours sous séquestre,et le calendrier officiel ne doit être établi que le 25 novembre par la FFC. Alors… »

9 novembre 1946 – n° 703Titre : « à propos du Tour »« Le Tour de France est sans contexte la grande épreuve internationale qui a fait le

renom du cyclisme français. Il faut toutefois rappeler que les organisateurs, en l’occurrencel’Auto, qui avait gâché l’intérêt sportif en développant outre mesure le côté commercial.

L’Auto ensuite, s’est mis au service des propagandistes nazis, et pour cette raison n’apas eu l’autorisation de reparaitre après la libération. Ses biens étant actuellement sousséquestre, il n’y a aucune raison pour que le Tour de France soit remis sur pied par uneorganisation plutôt qu’à une autre.

Or le Parc des Princes et son journal l’Equipe en parlent comme si le Tour était leurpropriété. Ils s’identifient donc publiquement au ‘Jaune’ (si toutefois certains en doutaientencore !) alors que l’Equipe n’a été autorisé à paraitre qu’à condition… de ne reprendreaucune caractéristique de l’Auto, journal collaborateur suspendu.

Qu’attend donc le ministre de l’information pour intervenir et rappeler à l’Equipe sonengagement ?

Quant au Tour, signalons que le calendrier français ne peut être établi officiellementavant le 25 novembre. »

14 décembre 1946 – n° 735Titre : « coup de pompe : un seul Tour organisé par l’ensemble de la presse »« C’est aujourd’hui à Zurich que s’ouvre le congrès de l’UCI. Tous les pontifes

du cyclisme mondial seront présents et discuteront pour mettre au point le calendrierinternational : les grandes épreuves seront sur le tapis ! L’une d’entre elles particulièrementintéresse tous les sportifs français : le Tour !

Le Tour de France aura-t-il lieu ? Oui c’est certain, mais qui l’organisera, puisqueplusieurs journaux ou sociétés ont déposé une demande d’organisation.

Avant la guerre, le Tour de France appartenait à l’Auto. A la libération, tous les journauxcollaborateurs, dont l’Auto, furent suspendus et leurs biens placés sous séquestre. LesDomaines furent chargés de gérer le Tour.

Pour 1947, on prête à l’administration des Domaines l’intention d’accorder au Parc desPrinces la licence d’organisation du Tour. Or le Parce des Princes, c’est l’Equipe, c'est-à-direl’Auto, puisqu’on retrouve les même hommes à leur direction : MM Goddet, Joly, Faroux, etc.

Ainsi le Tour, qui appartenait à l’Auto, serait organisé par … l’Auto !La fédération nationale de la presse l’a bien compris et a élevé une protestation

énergique à l’administration des Domaines et a émis le vœu d’organiser elle-même le Tourde France. Les Domaines ont transmis cette proposition au ministère avec avis favorable. Ilne reste plus qu’au ministre à décider. Espérons que celui-ci comprendra toute l’importancede cette grande organisation nationale qui doit être autre chose qu’une entreprise depublicité réservée à un journal ‘caméléon’ et ne doit servir uniquement qu’à la propagandesportive.

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Annexes

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Ainsi il n’y aura qu’un seul Tour organisé par l’ensemble de la presse car… bienentendu, Ce Soir annulera ses projets d’organisation de la Ronde de France, afin que leTour, la plus grande épreuve cycliste mondiale, revête tout l’éclat nécessaire. »

R.C6 février 1947 – n° 778Publication du communiqué de la fédération nationale de la presse‘D’accord avec la SNEP la fédération nationale de la presse avait envisagé dans le

but d’ôter tout caractère commercial à une compétition de renommée mondiale, d’organiserelle-même le Tour de France, en finançant cette grande épreuve par une loterie nationale.

Cette solution qui a soulevé des objections dans les milieux sportifs, n’a pas été retenue.La fédération, tout en poursuivant l’étude de son projet initial pour 1948, invite la SNEP,propriétaire de l’épreuve, à confier l’organisation du Tour de France 1947, sous le contrôlede la FNPF et de la SNEP, à l’un des organismes sportifs qui sont prêts à en assumer laresponsabilité, celui-ci ne devant en aucun cas placer l’épreuve dans son ensemble sousle patronage d’un seul journal ou d’un groupe de journaux.

Le bureau de la fédération souhaite que l’organisation du Tour de France serve endehors de tout intérêt commercial particulier, le prestige du sport français.’

Titre : « le Tour doit servir uniquement le sport français »Au dessus de cet article, annonce : « l’Humanité organisera cette saison deux grandes

courses cyclistes »

Pour les amateurs : Brest-Paris (14e édition du grand prix de l’huma.)Pour les pros : Strasbourg-Paris (qualificatif pour le championnat de France)Pas de publication entre le 14 février et le 17 mars, grève

17 mars, publicité annonçant que l’Humanité organisera le 45e Paris-Roubaix17 avril 1947 – n°811Titre : « les engagements pour le Tour sont ouverts »Pas de référence à l’organisation29 avril 1947 – n° 821Titre : « le Tour »« C’est demain que la commission de contrôle doit prendre une décision sur le sujet

de l’attribution du Tour de France. La nouvelle indiquant que nous revendiquons l’honneurde mettre sur pied cette grande épreuve réjouit les sportifs mais mécontente l’Equipe, quise fâche tout jaune.

On se demande d’ailleurs pourquoi, puisque ce journal clame bien haut qu’il n’est pascandidat. »

2 mai 1947 – n°823Titre : « le Parc est démasqué »« Ainsi grâce à notre vigoureuse intervention et malgré les cris de l’Epoque et de

l’Aurore, le Parc des Princes n’a pas pu agir à sa guise et attribuer le ‘Tour’ à l’Equipe enprétextant un manque de finances.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

134 Demouveaux Gautier - 2007

En effet la commission de contrôle de la fédération de la presse, dans sa séance demercredi dernier, s’est aperçue que les négociations entreprises par le Parc ne visaient qu’àun but, faire échouer la décision adoptée par tous : le patronage du Tour par l’ensemblede la presse française.

Voici comment le Parc avait procédé : aux journaux régionaux, il avait demandé 400 à500 000 francs sans leur offrir en contrepartie le droit de confectionner des éditions spécialeset d’avoir une voiture suiveuse de propagande. Quant aux journaux parisiens, il les avaitsollicités par une vague circulaire.

Pour pallier à cette carence, la fédération de la presse a donc chargé deux de sesmembres d’entreprendre de nouvelles démarches auprès des journaux.

Et ces négociations aboutissant, l’organisation technique étant en bonne voie, rien nes’opposera à ce que le Tour ait lieu à la date prévue et dans les conditions acceptées partous.

L’Humanité se ralliera donc à ce qui avait été décidé de prime abord, mais elle déclaresolennellement qu’elle s’élèvera contre toute nouvelle initiative de sabotage du Tour etrevendiquera l’honneur, selon le vœu de tous les sportifs, de remplacer les organisateursdéfaillants, si cela est nécessaire. »

7 mai 1947 – n° 827Annonce des 21 étapes du Tour8 mai 1947 – n°828Article sur la sélection belge pour le Tour13 mai 1947 – n° 832Encadré : « la question du Tour »« Hier, au cours d’une enfance, Pierre Bloch, président de la SNEP, abondant dans

notre sens, a déclaré que le Tour ne saurait être le monopole d’un journal ou d’un parti.Ainsi se trouvent déjouées les manœuvres du Parc des Princes et de l’Equipe tendant

à faire attribuer l’épreuve à un journal ou un groupe de journaux dont les liens avec l’Autosont connus de tous.

L’Humanité veillera à ce que cette décision ne soit jamais enfreinte. »29 mai 1947 – n° 846Publicité : « souscrivez, faites souscrire des abonnements de propagande du Tour – 25

numéros de l’Humanité pour 50 francs »30 mai 1947 – n° 847Publicité : « qui gagnera le Tour ? Grand concours de pronostics de l’Humanité ! »3 juin 1947 – n° 850Titre : « non ! Le Tour ne doit pas revenir à l’Auto ! »« Selon une information parue samedi dans un journal du soir, M pierre Bourdan,

ministre des sports et de la jeunesse, prendrait incessamment la décision de confierl’organisation du Tour de France à l’Equipe, avec le concours du Parisien Libéré.

Ainsi, grâce à une ruse du Parc des Princes – qui en a saboté le financement – le Tourreviendrait en partie à ses anciens tenants, puisque les dirigeants de l’Equipe sont ceux del’Auto, journal paru sous l’occupation et condamné comme tout journal collaborateur.

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 135

Or Pierre Bloch, président de la SNEP, a déclaré récemment que le Tour ne saurait êtreattribué à un seul journal. S’il a changé d’avis depuis, on ne voit pas comment il expliqueraitson favoritisme puisque d’autres journaux – et aux premiers rangs de ceux-ci l’Humanité –ont offert les garanties nécessaires à l’organisation de cette grande épreuve.

Pierre Bloch se doit d’apporter au plus tôt un démenti. »5 juin 1947 – n° 853Titre : « le Tour est attribué »« La nouvelle est maintenant officielle. Malgré nos protestations justifiées, malgré les

engagements pris par ceux qui avaient le Tour en charge, cette épreuve a été confiée pour1947 au Parc des Princes.

Ce dernier s’est empressé, comme prévu, de placer le Tour sous le patronage duParisien Libéré et de l’Equipe.

Ainsi les garanties offertes par l’Humanité n’ont pas été prises en considérations et leTour revient en partie à ses anciens tenants, à l’Auto, journal collaborateur déchu de sesdroits et dont les dirigeants, tels M Goddet et M Oger sont ceux de l’Equipe. »

11 juin 1947 – n° 857Rubrique sport : « l’Humanité récompensera les meilleurs grimpeurs du Tour »15 et 16 juin 1947 – n° 857Une : « le premier journal de France et le premier à livrer les secrets du Tour, chaque

matin le plus complet »Tous les jours le journal compte une demi-page spéciale sur le Tour22 juin 1947 – n° 867Le journal offre la carte officielle du Tour de France. Annonce aussi des articles de

Francis Pélissier qui donnera son analyse de la course.25 juin 1947 – n° 869« Un intolérable abus de pouvoir : Jacques Goddet s’oppose au départ de ‘Francis’ »« Derrière cette scandaleuse décision, il se cache des choses… ‘Francis suit le Tour

pour l’Huma !’ La nouvelle a réjouit tous les sportifs qui connaissent l’indépendance d’espritet la haute compétence de Francis Pélissier en matière de cyclisme. Mais il faut avoir vucette brillante collaboration dont la rubrique sportive dans le journal du peuple s’était assurél’exclusivité a empêché de dormir quelques mauvais coucheurs.

En effet, hier vers 11 h du matin M Jacques Goddet lui-même convoquait enses bureaux, les représentants de notre journal qui arrivèrent bientôt, flanquant lepopulaire Francis, lequel soulevait sur son passage la sympathie bruyante de ses ferventsadmirateurs.

- un fallacieux prétexte juridique -Et maitre Jacques d’affirmer aussitôt péremptoirement en invoquant le règlement :

‘Francis ne peut suivre le Tour’. L’article 20 c’est le prétexte même, que dit-il ? Le voici dansson intégralité :

‘Tout véhicule aperçu suivant la route de la course, à quelque distance que ce soit descoureurs, et contenant des personnes tenant par un lien juridique quelconque, commercial,familial ou autre, même amical, aux coureurs, fera pénaliser le ou les coureurs suspects.’

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

136 Demouveaux Gautier - 2007

- intransigeance unilatérale -On brandit le règlement contre Francis, sous prétexte qu’il assume la direction sportive

d’une marque, alors que tous les coureurs montent pour le Tour des vélos ‘anonymes’ fournispar les organisateurs, et que par conséquent, la rivalité de marques ne peut intervenir.Parce qu’il s’agit de l’Humanité on pourfend un directeur sportif, alors que cette catégoriede suiveurs n’est pas spécialement visée par l’article 20, mais cette intransigeance estunilatérale.

- mettons les pieds dans le plat -Puisqu’on nous oblige à mettre les ‘pieds dans le plat’, nous le ferons : Leducq,

Speicher, Charles Pélissier, qui sont directeurs ou propriétaires de marques à leur nom,suivront la course, eux, comme rédacteurs sportifs ! Pourquoi Francis ne le pourrait-il pas ?

[…] Nous pourrions citer 20 autres exemples de suiveurs de ce cas.- la lettre et l’esprit -En vérité, ce qu’il faut voir, c’est non la lettre, mais l’esprit d’un règlement qui vise à

empêcher l’aide de suiveurs à leurs coureurs de prédilection. D’accord ! Mais en quoi laprésence de Francis dans la voiture de l’Humanité pourrait-elle fausser – si peu que ce soit –l’égalité des chances ? Nous avons même offert à bord de la voiture qu’emprunterait Francisl’hospitalité à un commissaire de course. Goddet s’est montré intraitable. C’est qu’en réalitéles raisons invoquées sont les mauvaises raisons.

- Francis indésirable sur le Tour -M Henri Boudart, un des commissaires de l’épreuve, au cours d’une entrevue

vespérale, a été plus franc lorsqu’il a déclaré : ‘La présence de Francis dans la courseest indésirable’. Comment peut-on sortir sans partialité pareille énormité ! Indésirable, unchampion qui a tant contribué au lustre du cyclisme français ? Que dire alors de ceux quiont écrit sous la dictée des allemands ?

- contre l’Humanité -On a voulu faire pièce à l’Humanité, tout simplement ! Après avoir frustré de

l’organisation d’une épreuve à laquelle elle pouvait légitimement prétendre, après avoirempoché les 200 000 francs de son trophée des grimpeurs, on a voulu la priver du concoursd’une plume vigoureuse et de la compétence vigilante d’un vieux renard qui a donné du filà retordre dans le passé à Desgrange lui-même.

- Un chantage odieux -Dans cette affaire Goddet et les siens n’ont pas hésité sur le choix des moyens. Ils

n’ont reculé devant rien. Après plus de 3 heures de délibérations secrètes, on s’est résoluà menacer de disqualification, de retrait de licence s’il s’obstinait à vouloir suivre le Tour…avec l’Humanité !

Et bien messieurs, ne vous en déplaise, Francis donnera tous les jours ici même, soncommentaire de l’étape. »

Maurice ChouryPendant le Tour, Vietto tiens une chronique

Journal Sports

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 137

Avant sa sortie en 1946, le journal ‘Sports’ paraissait sous le titre ‘Sport Libre, le seul journalde sport dans la clandestinité’

Le directeur en était JC de Beaumont16 février 1945 – n° 16Titre : « faisons le point »Extrait : […] La fédération nationale de la presse fait droit à la demande de ‘Sport Libre’

et confirme toujours unanimement, le 2 novembre 1944 et le 2 janvier 1945, l’avis donnéprécédemment, le CNR, le comité parisien de libération, les FUJP appuient notre requête. MSarrailh, directeur général à l’éducation physique et aux sports intervient personnellementauprès de Teitgen, ministre de l’information, pour la parution normale de notre journal.

Mais M Teitgen ne tient pas compte des droits gagnés au temps du malheur et reconnus

de vœux répétés. Il sanctionne le journal, met en action contre lui le 2ème Bureau, le faitsaisir, fait pourchasser ses vendeurs.

Et les menaces continuent, Sport Libre, le seul journal propre des sportifs qui n’a pasprôné le STO à la jeunesse pendant la guerre, qui n’a pas vanté le maréchal félon, qui acrié la vérité quel qu’en soit le prix demandé, et non pas les mensonges rétribués, répétésà coup de ‘Savoir-vite’, Sport Libre à peine sorti de l’illégalité y est précipité de nouveau.

Pourquoi cela ? Voyons !La société ‘Auto-Sports’, que M l’administrateur des domaines, soucieux des intérêts

de l’Auto, a désigné comme gérant provisoire de ce journal, peut, une note officielle ledit, organiser les grandes épreuves classiques. En cyclisme, Paris-Tours, Bordeaux-Paris,Paris-Roubaix voire le Tour de France, sont certifiés comme une propriété intouchable.

Et pour défendre cette monstrueuse comédie, l’administration des domaines se faitreprésenter pour la société ‘l’Auto-Sport’ par MM Joly, Tillet et Garnault, les même quifaisaient le journal jaune et pour qui la France et sa place dans le monde sont négligeables,ou plutôt fonction d’intérêts. Ajoutons à cela que l’UVF, la même qu’autrefois bien sûr, lamême qui demandait pour la place et l’avenue de la République le nom de Maréchal Pétain,se plie devant les représentants des domaines.

Voilà le problème posé, Sport libre dont on redoute l’honnêteté, dont on craint les idéessaines, hardies, Sport libre que les pionniers ont écrit avec leur sang, est sacrifié à unepresse déshonorée, à un trust de marchands de sport. Après cela parler de crise du papier,ne prouve rien autre que l’hostilité sourde de certains services envers l’unité forgée dansla lutte.

Concluons : notre lutte est la lutte d’une conception saine du sport, c’est la lutte d’unejeunesse qui veut vivre, rire, chanter, se dévouer et défendre sa patrie, contre des formesrétrogrades, des puissances malfaisantes. Elle est nécessaire parce qu’elle sert le progrès.

C.MartialJuin-Juillet 1945, dernier numéro de Sport LibreTitre : « la grande misère du sport » par Me WinardExtrait : […] « Sport Libre qui parvenait à paraitre dans la clandestinité, qui assurait

la liaison des sportifs résistants et qui ainsi de l’avis unanime, avait largement conquis ledroit de paraitre après la libération, a été interdit par le ministre de l’information ; il a étépourchassé par la police française, comme naguère par la Gestapo. »

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Sports23 février 1946 – n° 1Titre : « enfin la presse sportive ! »Extrait : […] « ‘Sport Libre’ qui défendait avec tant de courage les sportifs français dans

la clandestinité, contre les boches, reparait sous le titre de ‘Sports’, pour reprendre le boncombat […]

Uniquement au service du sport et des sportifs, voici notre ligne de conduite. »5 juin 1946 – n° 69Une, avec 2 photos : « avec le concours de Sports, ‘Ce Soir’ organise du 10 au 14 juillet

une course cycliste digne de l’avant guerre : La Ronde de France »« De Bordeaux à Grenoble par l’Aubisque, le Tourmalet, le Galibier, les 120 meilleurs

français et étrangers, groupés par équipes de marques, se disputeront la victoire.Au calendrier international figurait un Bordeaux – Grenoble sur lequel, jusqu’à présent,

on manquait de précision. Mais hier, les directeurs sportifs, convoqués par l’organisateur –notre confrère ‘ce Soir’ – ont donné leur plein accord à la formule de cette grande épreuve,qui devient ‘la Ronde de France’, et qui sera organisée avec le concours de ‘Sports’.

5 jours consécutifs, du 10 au 14 juillet, les champions français et étrangers s’affronterontsur le parcours même des plus belles étapes du Tour de France dont la Ronde de Francesera un raccourci saisissant.

[…] équipes de 6La course sera disputée par équipe de marques et sera donc marquée par la

réapparition des directeurs sportifs dans une épreuve par étapes de montagne. Ils pourront,après avoir été écartés depuis 1929 du Tour de France montrer de nouveau leur habiletéet rivaliser de tactique.

[…] Car la formule devrait plaire aux directeurs sportifs qui ont assuré ‘Ce Soir’ et‘Sports’ de la participation de leurs meilleurs champions.

Baker d’Isy6 juin 1946 – n° 70Titre : « accord complet des directeurs sportifs : la Ronde de France à réuni leurs

suffrages »« …Pour la course en 5 étapes qu’organise ‘Ce Soir’ avec le concours de ‘Sports’, du

10 au 14 juillet.Il était aisé de prévoir que l’annonce de la Ronde de France ferait sensation dans les

milieux cyclistes. L’intérêt qu’elle suscite dépasse des prévisions déjà fort optimistes. C’estque l’épreuve qu’organise ‘Ce Soir’ avec le concours de ‘Sports’ a ceci de particulier, ellecomporte cinq étapes, dont deux empruntent le parcours qui permit au Tour de Franced’illustrer ses plus belles pages.

[…] [ propos d’Antonin Magne]‘Car n’oubliez pas que la lutte des marques apporte un grand attrait dans une

compétition de l’envergure de la Ronde de France’. Avec ses deux étapes reines, celle desPyrénées et celle des Alpes, on peut d’ores et déjà avouer que le vainqueur sera un coureurcapable de courir le Tour de France… et de le gagner. »

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 139

Entre le 11 et le 23 juin, articles sur la Ronde de France purement sportifs…25 juin 1946 – n° 86Portrait d’un jeune coureur, résistant pendant la guerre qui souhaite courir la Ronde

de France.Titre : « l’ex-maquisard Roger Chupin veut courir la Ronde de France »26 juin 1946 – n° 87Une avec une photo : « 7 équipes françaises et 6 étrangères au départ de la grande

épreuve de ‘Ce soir’ et de ‘Sports’ »« Caput, Camellini et Dubuisson prendront le départ de la Ronde de France »Extrait : […] « Durant 5 jours les meilleurs routiers français et étrangers s’affronteront

sur un parcours particulièrement difficile. C’est, en effet, sur ces routes empruntées avantguerre par les étapes du Tour de France que les coureurs devront se disputer la victoire… »

P.Chany1er juillet 1946 – n° 91Encart en une pour un jeu concours, plus petit encadré : « A la veille de la Ronde de

France (10-14 juillet), Sports est heureux de publier à partir de demain ‘mes souvenirs surle Tour de France’ par Pierre Maisonnas, directeur sportif de JB Louvet de 1919 à 1931. »

+ page 2 : encart : « Sports crée un challenge par équipes pour la Ronde de France »2 juillet 1946 – n°92Titre en une : « Mes souvenirs sur le Tour de France »Sous-titre : « J’ai vu Petit Breton monter l’Aubisque à pied… mais pour la Ronde de

France, les routes de montagne seront – heureusement – en meilleur état »+ article après le Tour d’Italie sur la Ronde de France3 juillet 1946 – n° 93La moitié de la une est consacrée à la Ronde de France, mais sous un angle purement

sportif.4 juillet 1946 – n° 94Titre : « les directeurs sportifs ont donné hier soir leurs équipes définitives pour la Ronde

de France : 25 belges, 46 français, 18 italiens feront l’épreuve de ‘Sports’ la plus grandecourse de la saison »

Article : « Une course cycliste, surtout lorsqu’elle se déroule en plusieurs étapes,soulève de nombreux problèmes. Les spectateurs qui du 10 au 14 juillet se presseront surles routes pyrénéennes, provençales ou alpines pour y applaudir les ‘géants de la route’, nese douteront certainement pas des mille et une difficultés qui ont dû être surmontées pourmettre sur pied cette Ronde de France.

Car l’épreuve de ‘Sports’ n’est pas une course ordinaire. En plus de l’intérêt sportifqu’elle représente, nous retrouverons durant cinq jours l’ambiance qui fit, avant guerre, dela ‘Grande Boucle’, la manifestation la plus populaire du cyclisme.

Son retentissement dépasse, déjà, le cadre national. Et l’initiative des genevois quiviendront pour assister à l’arrivée à Grenoble reflète éloquemment de quelle façon nosvoisins s’intéresseront à la Ronde… »

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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P.Chany6 juillet 1946 – n° 96Titre : « Neuville entre dans la Ronde de France »« La Ronde de France approche. Dans les rues, dans le métro dans l’autobus, on parle

de plus en plus de la grande épreuve de ‘Sports’ ! Les équipes étrangères et les formationsnationales sont étudiées, commentées, épluchées, et chacun construit son petit pronostic.Voilà qui ressuscite l’ambiance du Tour, où les chances respectives des grimpeurs et deslocomotives faisaient l’objet de commentaires passionnés, du nord au sud de la France, etailleurs…»

F. Terbeen8 juillet 1946 – n° 97Une avec photo : « Et voici la Ronde de France »« Nous allons retrouver à partir de mercredi, l’ambiance du Tour de France avec la

grande épreuve de ‘Sports’ et ‘Ce Soir’ : la Ronde de France. 23 belges, 18 italiens, 46français monteront les cols qui firent le succès du Tour. Dans l’Aubisque, dans le Tourmalet,s’affirmeront de nouveaux grimpeurs… »

Le 9 juillet les articles relatifs à la Ronde de France sont purement sportifs.10 juillet 1946 – n° 99Sur-titre : « la Ronde de France ouvre la succession des Leducq, Speicher, Magne et

S. Maes »Article 1 : Titre : « Lazaridès au départ »« Bordeaux, 9 juillet (par téléphone) – L’accueillante cité bordelaise était devenue

aujourd’hui le port d’attraction du cyclisme. Demain matin, à 9h30, sur cette place desquinconces, devenue célèbre dans le landerneau de la ‘petite reine’, sera donné le départde la Ronde de France. Durant cinq journées, nous allons revivre les heures qui firent avant– guerre la grandeur du Tour de France. toute la troupe qui composera l’immense caravanede cette manifestation sportive était sur pied depuis 24 heures déjà. Nous allons, à votreintention, faire le récit de ce que fut cette veillée d’armes, où nous retrouvâmes une fièvreet une agitation depuis longtemps oubliées… »

P. ChanyArticle 2 : titre : « Avant d’aborder la montagne, les 96 concurrents se mesureront

aujourd’hui dans la première étape, Bordeaux – Pau »« Bordeaux, 9 juillet (par tel.) – Maintenant nous y sommes. Ç& coureurs,autant de

journalistes, de directeurs sportifs et de mécaniciens sont réunis à Bordeaux, où se règlenthâtivement les derniers préparatifs. Le départ ne sera donné que demain matin, mais, enfait, ce qu’il a fallu d’enthousiasme, d’opiniâtreté et de confiance pour mettre sur pied cettecompétition cycliste, la première digne des grandes courses par étapes d’avant guerre.

On nous disait depuis des mois, ‘le Tour de France est mort, n’essayez pas de la fairerevivre, vous n’y parviendrez pas…’ Nous voudrions aujourd’hui avoir près de nous nospessimistes par profession.

Ils comprendraient, en se promenant autour de la place du théâtre, en observant lesallées et venues, les préparatifs fébriles de plus de 200 personnes qui pendant une semaine

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Annexes

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vont vivre ensemble des Pyrénées aux Alpes, ils comprendraient, disons-le, que si le Tour deFrance est mort, son esprit ou plus exactement le meilleur de son esprit revit tout à coup.[…]

Tout est là. La ‘Ronde’ renoue aujourd’hui une tradition. Elle est le premier symptômedu retour aux époques heureuses, celles où il ne fallait ni ticket ni SP.

Bien sûr, ce n’est encore qu’un début et la Ronde cette année doit, elle aussi, se plierzux lois communes et souffrir un peu des restrictions.

[Suite de l’article page 2 – titre de reprise : A Bordeaux, branle-bas de combat]A Toulouse, nous connaitrons les ‘Hommes’ de la Ronde. On a beaucoup parlé de

certaines étapes homériques du Tour de France. De véritables drames dont seuls les garsles mieux trempés, tant physiquement que moralement, sortaient à leur avantage.

‘Pas une promenade de jeune fille’Il est possible que Pau-Toulouse rappelle, jeudi, les plus belles pages du Tour… »J. BlondelDu 11 au 15 juillet, la Ronde de France sous l’aspect sportif est traité en page 1 et 2,

avec le 12 juillet la page 4 consacrée à un reportage photo.16 juillet 1946 – n° 104Titre : « la Ronde de France a préparé les routiers complets pour l’avenir »L’article tire un bilan positif de l’épreuve.Extraits : […] « La Ronde 1946 que nous avons vécu avec tant d’intérêt, va devenir un

souvenir : quelques lignes au palmarès des grandes courses cyclistes. Mais elle restera unjalon posé sur le chemin du renouveau… »

Encadré : « supprimera-t-on les cols dans Monaco-Paris ? »« Grenoble, 15 juillet (par tel.) La victoire des italiens dans la Ronde de France a fait

réfléchir les organisateurs de Monaco-Paris. C’est ainsi qu’ils envisagent sérieusement defaciliter la tâche des concurrents et qu’il est question d’éviter, dans Briançon- Aix les Bains,les cols de Port, du Bucheron et de Grenier pourtant au prévus jusqu’à ce jour. Pourquoi nepas remonter directement par la vallée du Rhône ? »

18 juillet 1946 – n°106Page 2, article, titre : « Monaco-Paris serait elle une course de second plan ? »« La Ronde de France ne plaisait pas à tout le monde. Aux gens ‘d’en face’ en particulier.

Il fut mis en œuvre – en pure perte d’ailleurs – pour saper l’épreuve de ‘Sports’ : ‘c’est unecourse de second plan’, tel était leur principal argument.

Or les organisateurs de Monaco-Paris ont sélectionné Cognan, De Muer, Diot,Fachleitner et Lazaridès pour figurer dans l’équipe de France. 5 coureurs de la Ronde, quefaut-il en déduire ? »

23 juillet, article purement sportif sur Monaco-Paris (pas de référence à ‘la Course duTour de France)

24 juillet 1946 – n°111Une : titre : « Pas longue la première ! »« Tout juste 185 km ! Mais nous en avons eu pour notre argent ; un défilé carnavalesque

sur la place du palais à Monaco, une erreur de parcours après Nice, un arrêt d’une demi-

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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heure en pleine nature provençale, et un deuxième départ au 37ème km, avec les cigalespour seuls spectatrices.

Avouons qu’il y a de quoi meubler une première étape et faire attendre sans ennui lescols alpins…

[…] On espère plus, depuis longtemps, voir la voiture du directeur de la course dirigerquoi que ce soit.

[…] Fricker passe en tête du sommet de la Turbie. Bénéfice, 30 secondes debonification ! On a voulu, par là, marquer la reprise d’une méthode d’avant-guerre. Leseul ennui, c’est qu’on avait oublié qu’elle avait été institué pour égaliser les chances deshommes au départ, supprimer les différences de classes…

[…] En tout cas, une chose avait été vraiment oubliée, là, pas de doute. C’est de flécherle parcours. Et de mettre les commissaires aux virages litigieux !

Tant et si bien que Comellini et Néri volaient comme des zèbres en direction de Cannes !La voiture du directeur de la course filait sur la route plate et, quelques minutes après étaitderrière le peloton.

Va-t-on faire étape à Toulon ? Non car la gaffe apparait tout à coup et c’est par unepetite route à droite que l’on renvoya tout le monde sur le chemin de Grasse.

[…] Ca ne dura qu’une petite demi-heure, le temps de bavarder… Assis sur l’herbe etde classer les hommes en différents pelotons, que l’on allait lâcher ensuite, avec des écartsplus ou moins fantaisistes. »

J.B

2ème article en Une« Digne, le 23 juillet (par tel) – Monaco – Paris n’est pas le Tour de France, mais ce

n’est pas non plus Armagnac-Paris : aucune neutralisation n’avait donc été prévue dans lerèglement de l’épreuve… »

Albert Baker d’Isy25 juillet 1946 – n° 112Article en une (à propos de la victoire de Vietto qui reprend le maillot jaune)« Nous avons retrouvé aujourd’hui le grand Vietto et su Monaco-Paris peut faire évoquer

l’épreuve d’avant-guerre, c’est certainement au cours de cette étape où l’on retrouve lesgrands cols, ceux de jadis… »

26 juillet 1946 – n° 113 :Article en UneExtraits : […] Aujourd’hui, le Galibier mis à part, et c’était le plus facile, le parcours ne

comportait que des cols hors Tour de France, mais auxquels on avait fait appel parce qu’onavait voulu en mettre le maximum dans le ‘comprimé’ des 5 jours imposés.

A vrai dire, le col de la Croix de Fer aurait dû suffire après les résultats de la Ronde deFrance. […] On a voulu faire sinon mieux, du moins d’avantage et l’n en a rajouté… »

(Suite en page 2. titre de la chronique : « faites vos jeux »)

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Annexes

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[…] D’autres victimes d’ennuis mécaniques ont eu moins de chance que lui car lacamionnette-atelier à l’air d’être achalandée comme le moins débrouillard des marchandsde vélo. […]

Comme il est loin de la magnifique organisation matérielle du Tour de France ! Lesmânes du père Desgrange doivent frémir d’indignations en entendant accoler au nom deTour un Ersatz »

JB27 et 28 juillet 1946 – n°114Polémique suite à la violation du règlement par l’organisation, dans laquelle Vietto ne

se voit pas infliger une pénalité pour changement de vélo pendant la course.Normalement le maillot jaune revient à Robic.S’en suit un article ironique…29 juillet 1946 - n°115Titre : « Lazaridès est le vainqueur ‘occasionnel’ de Monaco-Paris »Extrait : […] « La victoire du gréco-cannois est celle de l’équipe de France alors que l’on

a du faire appel aux ‘volontaires’ italiens, aux ‘touristes’ hollandais et au suisse de servicepour conserver à ce ‘Tour’ au petit pied du caractère international… »

1e août 1946 – n° 118Article en Une : Titre : « Sports avait raison – Vietto déclassé au profit de Robic »« Seul de toute la presse du matin, ‘Sports’, samedi dernier, révélait aux sportifs français

le scandale d’Aix les Bains. Nous nous élevions contre l’abus de pouvoir des organisateursde Monaco-Paris qui s’étaient opposés à une décision légitime des commissaires… »

Article 2 : « ‘On a assassiné Jean Robic’ nous dit Romain Bellanger »« Deux courses françaises à étapes, empruntant les routes de montagnes, viennent

d’être disputées en moins d’un mois. Avec des fortunes diverses, les nôtres ont rencontrésleurs adversaires : italiens, belges ou suisses. A cette occasion, deux formules ont étéopposés : la course par équipes de marques ou celle par formations nationales.

Après cette reprise, qui fut un peu osée, il faut le dire, l’avis autorisé d’un ne pourraitmanquer d’être intéressant. C’est pour cela que nous avons rendu visite à Romain Bellenger,l’es-Tour de France devenu directeur sportif écouté. […]

Les anomalies d’une formule. […] Personnellement je suis adversaire des équipesuniquement nationales. En dehors des contradictions commerciales que ces dernièresentrainent obligatoirement, elles nuisent à la cohésion des teams qui habituellement danstoutes les épreuves de la saison courent pour un même but… »

3 et 4 aout 1946 – n° 120Encadré en une : « on a retrouvé l’assassin »« ‘On a assassiné Robic’. Tel était le titre d’un de nos récents articles. Sans plus

attendre, certains confrères en ont profité pour entamer une polémique qui menace des’éterniser.

‘On veut opposer Vietto à Robic’. Tel est la thèse choisie pour ces mécontents. Etd’entamer, à ce sujet, de longues diatribes. Hélas ! Nous regrettons de le préciser, il aurait

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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fallu lire avant de critiquer. Il était question, si notre mémoire est bonne, de l’inégalité detraitement entre les équipes régionales et la formation nationale.

Quant à l’affaire Vietto, il n’en était nullement question dans ces lignes. Cela quelquesuns l’ont oublié, ou plus simplement, et pour des raisons qu’il est inutile de préciser,cherchent un sujet en or pour plagier.

Une preuve nouvelle, s’il en était encore besoin, de leur mauvaise foi. »Pierre Chany6 août 1946 – n° 122Encadré – communiqué page 2 : concerne la mise au point des commissaires de

Monaco – Paris au sujet de l’affaire Vietto.« Les commissaires de Monaco – Paris nous ont communiqué hier soir le texte suivant :Pour répondre à toute polémique au sujet du cas Vietto, les commissaires de Monaco

– Paris font part à la presse.1 – qu’ils n’ont subi aucune pression des organisateurs[…] Et pour conclure, il est précisé qu’il ne faut pas oublier que les commissaires sont

des bénévoles, et que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les courses ne leurrapporte rien, que des ‘critiques’, qu’ils dédaignent parce qu’ils aiment le sport.

Le commissaire titulaire de Monaco-Paris, M. Dernoncourt »7 novembre 1946 – n° 202Article en Une : « Rien n’est réglé pour le Tour de France »« Dans toute la presse, on a annoncé le Tour de France 1947 avec quelques détails

sur les étapes futures. C’est aller un peu vite en besogne. Les déplacements de JacquesGoddet en Italie ne changent rien au fait que le Tour de France appartenant à ‘l’Auto’, journalcollaborateur, est considéré comme bien sous séquestre et nul ne peut en disposer.

Le directeur de l’Auto, qui fut au service des allemands pendant 5 ans, n’a pas qualitépour organiser une épreuve qui fait partie du patrimoine national.

D’ailleurs deux demandes ont été déposées pour le Tour cette année. L’une par MJoly, directeur du Parc des Princes, l’autre par notre confrère ‘Ce Soir’, qui organisa l’annéedernière ‘la Ronde de France’.

Il est certain qu’en principe il ne peut y avoir deux Tours de France, reste à savoircomment sera attribuée une épreuve qui ne peut, en aucun cas, revenir sous une forme ouune autre aux anciens organisateurs.

L’affaire du Tour de France 1947 n’est pas réglée d’autant plus que le calendrier officielne sera établi que le 25 novembre. D’ici là, du nouveau nous attend. »

René Rousseau28 novembre 1947 – n° 220Article page 2 : « M Joinard président du CCF ? »[…] « Parlons un peu du calendrier. Certains ont pu s’étonner du ton un peu ‘sec’ du

communiqué de la FFC concernant le calendrier publié dans un quotidien sportif avant-hier.Mais lorsqu’on apprend que ce calendrier a été ‘fauché’ sur un bureau de la fédération puistransformé au grès du journal qui l’a publié, certaines épreuves étant rayées et d’autresajoutées, il faut convenir que le secrétaire général – dont le rôle est parfois de jouer au

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Annexes

Demouveaux Gautier - 2007 145

ministre de l’information – était en droit de protester et de publier une mise au point dansla presse.

- La Ronde de France en 20 étapes -Afin de clore l’incident’ du calendrier notre confrère ‘Ce Soir’ a précisé hier qu’il

organisera en 1947 les 3 mêmes épreuves qu’en 1946 :la Ronde de France en 20 étapes, du 20 juin au 14 juilletParis – NiceLes boucles de la Seine »9 décembre 1946 – n° 229Changement de maquette du journal. Le logo change : jusqu’au 8 décembre, le titre du

journal était en majuscule, écrit en noir, en italique et souligné [ SPORTS ]. Dans le traitsous le titre on pouvait lire : « dans la clandestinité : ‘Sport Libre’ »

Le 9 novembre, le logo du journal de vient des lettres blanches, toujours en italiques,majuscules, mais inscrit dans un rectangle rouge… comme le journal l’Equipe.

Article page 3, Rubrique : « le sport comme il va »Titre : « Renouveau »« Ce matin, en demandant leur journal, les lecteurs de ‘Sports’ ont pu être quelque peu

surpris par un titre flambant neuf et une présentation différente.‘Sports’ a en effet fait peau neuve. Ainsi qu’il l’avait annoncé dans ses numéros

précédents, il s’est installé en plein centre de la presse, rue du Louvre.Bien qu’il appartienne à la glorieuse famille des journaux ayant paru dans la

clandestinité, il a fallu attendre jusqu’à ce jour pour obtenir des conditions normalesd’existence. Car les sportifs ne doivent pas oublier que ‘Sports’ réclama 20 mois durantl’autorisation de paraitre et que, celle-ci obtenue, aucune aide ne lui fut apportée par leministère de l’information pour lui trouver un local et une imprimerie.

Voici donc ‘Sports’ placé au cœur de Paris. Avec son titre en couleur (que l’ancienimprimeur ne pouvait lui faire), il se détachera, à son tour, parmi les quotidiens du matin.Bénéficiant de moyens supérieurs, il pourra présenter un journal amélioré. Un journal encoreplus complet, un journal vivant et agréable. Un journal fait pour tous les sportifs, un journalau rayonnement mondial, un journal indépendant.

‘Sports’ continuera à être un journal parlant librement du sport et dont le principal objectifsera d’agir inlassablement afin que le nombre de sportifs augmente sans cesse.

‘Sports’ sera le journal de la jeunesse dont l’enthousiasme et l’épanouissementcomptent pour une large part dans les destinées de notre pays.

Tels sont les principaux buts que s’est assigné ‘Sports’ depuis ses débuts. Que les gensvoient là une orientation politique, libre à eux, leurs soucis ne sont pas les nôtres.

Fort de la confiance de ses fidèles lecteurs, sûr de l’appui de nombreux amis, comptantsur ceux qu’anime une foi désintéressée en la cause sportive, notre journal entend gagnerla bataille du sport. »

Dubois-Cornick(Dès le 12 décembre 1946, soit 4 jours plus tard, le logo du titre change de nouveau,

le fond rouge est remplacé par un bleu foncé.)

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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12 décembre 1946 – n° 234Rubrique : « le point de vue des lecteurs »Titre : « combien de Tour de France ? »« Au moment de la confection du calendrier cycliste, ‘Sports’ a parlé du Tour de

France et de la Ronde de France. S’agit-il d’une organisation unique ou de deux épreuvesdistinctes ?

Car où je ne comprends pas en lisant aujourd’hui dans un journal de Nice où l’un devos confrères, M Tony Bessy, déclare ceci : ‘il n’en reste pas moins vrai que l’on comprendassez mal pourquoi ‘Ce Soir’, qui patronne déjà la course du soleil et la Ronde de France,tienne encore tellement avec cela à prendre le Tour de France sous sa coupe.’

Voulez-vous éclairer les lanternes de lecteurs mal renseignés comme moi et me dire,en définitive, combien de Tour de France passeront par exemple à Nice, ma cité natale ?

Au nom de beaucoup de lecteurs, merciJ. Simonardi, 44 rue du Colisée, Paris »13 décembre 1946 – n° 235Titre en une : « un seul Tour de France, organisé par l’ensemble de la presse »« Demain à Zurich le grand sanhédrin européen du cyclisme, l’UCI en l’occurrence,

mettre définitivement au point le calendrier routier pour l’année 1947. […]Et le morceau choisi, la perle des perles si l’on peut dire, c’est encore la France qui

le possède. Mieux, M Joinard arrivera en Suisse avec dans ses valises deux demandesd’organisation pour une épreuve à plus de 15 étapes : le Tour et la Ronde de France.

Et la situation s’annoncerait en vérité bien confuse si le président de la FFC ne possédaitpas, depuis quelques jours, par devers lui, des éléments qui lui permettent sans douted’éviter une situation cornélienne.

Certains ont pu se demander la raison de cette similitude d’épreuves. De même qu’à lalecture des journaux, et notamment hier de notre confrère ‘Paris-Presse’, le public n’a pastrès bien compris pourquoi l’administration des domaines était mêlée à une organisation quine relève vraisemblablement pas de son… domaine.

‘Les Domaines’ c’est l’administration chargée de veiller à la gestion des biens placéssous séquestre, parce qu’appartenant à des sociétés ayant eu une activité collaboratrice.Le Tour de France propriété commerciale de ‘l’Auto’, journal relevant de cette mesure, adonc suivi le sort de tous les biens de son organisateur.

L’administrateur des domaines – dont la tâche est de défendre ces biens qu’il gèreprovisoirement – accorde l’an dernier la licence d’organisation au Parc des Princes. Maiscela n’alla pas sans provoquer des contestations car, en fait, le Parc des Princes estconstitué en société anonyme, dont l’Auto’ possédait 49,5% des actions. De plus le présidentdu conseil d’administration du Parc se nomme Jacques Goddet, également directeur dujournal ‘l’Equipe’ qui bénéficiait ainsi d’un avantage par trop évident sur ses concurrents.Pour atténuer les protestations, le Parc des Princes fit entrer le journal d’information le‘Parisien Libéré’ dans une organisation dont M Goddet conserva d’ailleurs la directiontechnique. Mais il ne s’agissait que du ‘petit Tour de France’… Si bien que Monaco-Paris –son autre appellation – se déroula finalement sans incident.

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Annexes

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(suite en page 4 du journal, titre : « le ministre doit répondre – les journaux organiseront-ils en commun le Tour de France ? »)

Cette année, il en ira tout autrement. Les conditions matérielles améliorées etl’autorisation fédérale accordée, le Tour pourra se dérouler normalement.

Les Domaines, sans même chercher à monnayer la location du titre et pour sedébarrasser d’une affaire quelque peu ennuyeuse ont cédé à nouveau leurs droits à lasociété du Parc des Princes.

Or comme on l’a vu, le Parc des Princes c’est l’Equipe, journal qui s’était engagé àne reprendre ni directement ni indirectement les épreuves de l’Auto. Or peut-on penserque c’est pour faire échouer cette tentative de monopolisation d’épreuves qui relèvent, envérité, du domaine national, que notre confrère ‘Ce Soir’ a sollicité et obtenu de donner plusd’ampleur à la Ronde de France, disputée la saison passée de Bordeaux à Grenoble.

Il faut croire que les arguments de notre confrère ne manquaient pas de poids puisquela fédération nationale de la presse – qui regroupe l’ensemble des journaux français – aélevé près de la direction des domaines une protestation admise par celle-ci.

Pour éviter tout favoritisme, la fédération nationale de la presse a même fait uneproposition d’organiser elle-même le Tour de France, proposition que l’administration –première – intéressée – a transmise au ministère avec avis favorable.

On voit mal pourquoi le ministre n’accéderait pas à un tel désir. Les divers organesintéressés étant d’accord – sauf, évidemment, ceux qui comptaient tirer la couverture à eux– il est donc permis de penser que c’est l’effort collectif de tous les journaux qui donneraau Tour un éclat encore jamais atteint.

Et l’on peut conclure que les responsables de la Ronde de France ayant obtenu lesgaranties de régularité et d’impartialité nécessaires, désireux également de ne pas nuireà une épreuve française dont le retentissement s’annonce mondial, reviendront sur leursintentions premières. Encore une fois, tout dépend du ministre… »

Encadré 1 : « C’est par une lettre en date du 29 novembre que M Ch. Mourot, directeuradjoint aux Domaines de la Seine, a fait connaitre que M Bayet, président de la FNPF,que ‘la direction des domaines avait déjà fait savoir, dès le 21 novembre, au ministre,seul compétant pour décider, que la direction des domaines se ralliait à l’idée envisagéed’organiser, sous l’égide de la fédération de la presse, les épreuves sportives de l’Auto pourl’année 1947 et notamment le Tour de France. »

Encadré 2 : « il est prématuré d’écrire qu’après 1947, le Tour de France sera misaux enchères publiques. Car à cette époque, les biens de l’Auto considérés commebiens allemands, auront vraisemblablement été transférés, en vertu de la loi du 11 mai1946, à la Société Nationale des Entreprises de Presse, laquelle maintiendrait le systèmed’organisation collective prévue cette année. »

16 décembre 1946 – n° 235Article en Une : « unanimité à l’UCI – le Tour de France 1947 base de la saison »« Zurich, 15 décembre – Il n’y a eu au congrès du calendrier de l’UCI, la moindre

discussion concernant le Tour de France 1947.Nos amis suisses, observateurs impartiaux, s’étonnèrent même quelque peu de la

façon dont le président Alban Collignon ‘escamota’ la demande de notre confrère ‘Ce Soir’concernant la Ronde de France.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Tout d’abord, au début des débats, lorsque M Couvard, délégué de l’UC Suisse,demanda que l’on examine tout de suite les dates des Tours avant de s’enfoncer dans lemaquis du calendrier, on lui répondit qu’il était plus simple de suivre l’ordre chronologique.[…]

(suite en page 4, titre : « Belges, Italiens et Suisses ont appris avec joie que la FFC ettoute la presse seraient appelées à collaborer pour le succès du Tour 1947 »

[…] Puis lorsqu’on arriva au 20 juin, M Collignon déclara sans ambages qu’il ne pouvait-y avoir deux grandes courses par étapes en même temps et que la France ayant été àl’origine de tous les ‘Tours’ nationaux, l’UCI, à l’unanimité (sic) décidait de ne retenir quele Tour de France.

D’un voyage de M. Joly… Il est apparu clairement que la décision avait été prise avantla séance et que ce n’est pas pour rien que Charles Joly, directeur du Parc des Princes,organisateur ‘présumé’ du Tour, était venu à Zurich deux jours plus tôt.

Cela était si flagrant que m Joinard crut bon d’intervenir et de rectifier le vote : ‘Vouscomprendrez – dit-il – que la délégation française ne puisse que s’abstenir. Nous nousinclinons devant la décision’. Puis il défendit fort honnêtement la recherche d’une autre datepour la Ronde de France, ce qui n’apparut pas facile. […]

Ainsi les délégués de l’UCI se sont prononcés pour l’organisation, du 25 juin au 20 juillet,d’une compétition internationale par étapes et par équipes représentatives des grandesnations cyclistes : le Tour de France, pour conserver une appellation ‘contrôlée’ à l’étranger.Ils ont ainsi consacré le prestige de notre pays et les avantages que lui donnent sa positiongéographique et la variété de ses provinces.

Mais lorsque nous avons appris aux délégués belges, italiens et suisses qu’ilapparaissait – comme ‘Sports’ l’annonçait vendredi – que l’organisation d’une telle épreuveserait désormais confiée à l’ensemble des journaux français nés de la résistance et de lalibération – avec le concours de la FFC – nous ne recueillîmes que des ‘avis favorables’.

‘Quels que soient les organisateurs – nous dit M Smulders – la LV Belge tiendra àsélectionner elle-même l’équipe belge et son directeur afin de donner à notre représentationun caractère officiel’. Et j’apprends avec plaisir qu’il en sera de même désormais pour lesfrançais. Aux yeux des sportifs étrangers, il était en effet toujours apparu comme une hérésieque la sélection française du Tour puisse être faite par des particuliers et soit l’objet decombinaisons vélodromesques […]

Bref le nouveau Tour de France, celui de la ‘renaissance’ de notre pays est attendu avecune sympathie accrue par les éléments les plus représentatifs du cyclisme international. »

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Annexes

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Publication d’un « Document officiel » enUne, une lettre de la direction des Domaines :

25 décembre 1946Page 4 : « Dans la hotte de la mère Noël »Article humoristiqueSur-titre : « révélations sensationnelles sur un événement jalousement caché »Titre : « Comment le vieux gaulois lâcha l’enfant grec dans le Tour de France 1946 –Sensationnels abandons de Vietto et Francis Pélissier »« le Tour de France 1946 a été couru au mois de juillet dernier. Mais, pour des raisons

techniques qui n’échapperont pas à nos lecteurs, nous n’avons pu, jusqu’à présent, endonner le compte-rendu.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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L’épreuve, qui comportait 263 étapes et l’ascension de côtes redoutables : Villejuif,

Montreuil, Clamart, etc…, s’est terminé par la victoire d’Eugène Christophe [ 1er porteur dumaillot jaune en 1919], devant Lazaridès, Leducq, Robic, Philippe Thys et Charles Pélissier.

Voici le compte-rendu de la dernière étape, que nous transmet – avec un peu de retard– notre envoyé spécial Albert Baker d’Ailleurs.

[…] [conclusion de l’article] Et, c’est ainsi qu’Eugène Chistophe, dit le vieux gaulois, aremporté le Tour de France 1946, qui n’a pas eu lieu, devant Apo Lazaridès dit l’enfant grec.

La recette à l’arrivée fut de 16 252 000 francs pour 23 spectateurs. On avait légèrementaugmenté le prix des places au bénéfice de la maison de M Joinard. »

4 et 5 janvier 1947 – n° 252Une et page 4 – titre : « la fédération de la presse prépare le Tour de France 1947 – le

financement de l’épreuve est d’ores et déjà assuré »« Un décret du gouvernement, signé hier matin, a dévolu à la SNEP les biens du

journal l’Auto, parmi lesquels figurent les organisations cyclistes. Sans perdre de temps, lafédération nationale de la presse a réuni, hier après midi, les représentants des journauxafin qu’ils examinent ensemble l’avenir des courses cyclistes. Etant donné l’importance duTour de France, le conseil s’est rallié au projet de M Bensan qui présidait cette réunion eta décidé d’organiser lui-même, avec le concours de tous les journaux français, la grandeépreuve fixée, on le sait, du 25 juin au 20 juillet, au calendrier 1947.

- Une loterie -Pour assurer le financement, une loterie, comportant de un à deux millions de billets

de 20 francs, sera lancée par la presse. Le concours des vélodromes et des villes-étapeset des journaux régionaux sera aussi demandé.

Le temps pressant, une prochaine séance aura pour but la désignation d’un secrétairegénéral qui s’appuiera sur un comité technique en liaison avec la FFC.

Ajoutons que l’administration des domaines, chargée précédemment du séquestre del’Auto, avait déjà confié pour cette année l’organisation du Tour au vélodrome du Parc desPrinces, mais celui-ci, appartenant pour 49,5% de ses actions à l’Auto, se trouve maintenanten partie sous le contrôle de la SNEP. Son désistement et celui du Parisien Libéré, qui devaitorganiser l’épreuve pour son compte, ne peuvent faire de doute.

Ainsi le Tour de France 1947 prendra un caractère vraiment national et sera dégagé decontingences commerciales si souvent critiquées avant guerre. »

Albert Baker d’Isy7 janvier 1947 – n° 254Article en Une, titre : « A un semestre de l’épreuve, une certitude est acquise : le Tour de

France aura lieu nous a assuré M Bensan, trésorier de la fédération nationale de la presse »« Bien avant l’heure, le Tour de France 1947 aura fait couler beaucoup d’encre. Nous

voici arrivés à quelques 6 mois de la grande épreuve, époque où l’on doit passer auxréalisations concrètes et, en dépit d’une mauvaise foi évidente affichée par une minorité, unfait est acquis : le Tour de France sera organisé par l’ensemble de la presse.

Cette nouvelle, on le conçoit fort bien, n’a pas été pour satisfaire tout le monde. Enparticulier certains éléments qui, jusqu’alors, avaient considérés les grandes organisations

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Annexes

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du cyclisme comme étant leur propriété personnelle. Leur réaction a été vive. Au moinségale à l’amertume que leur a causée cette mesure de justice.

Ainsi est-il nécessaire, avant d’aborder le vif du sujet, de jeter un regard rétrospectifsur les années passées et d’analyser les différents stades d’une évolution dont le premierrésultat a été de donner au patrimoine national une épreuve qui lui revenait de droit.

- l’héritage impossible -A cet effet, nous avons rendu visite à M Gaston Bensan, trésorier de la fédération

nationale de la presse, mandaté par celle-ci pour établir un projet d’organisation et definancement du Tour.

Sans attendre, M Bensan enchaîna :‘- En 1940, la direction du défunt journal l’Auto, propriétaire du Tour, vendit aux

allemands la majorité de ses actions, ce qu’aurait certainement désavoué Henri Desgrange,dont on se rappelle le patriotisme ombrageux. Cette tractation et la parution du journalpendant toute l’occupation motivèrent sa mise sous séquestre. L’administration desdomaines, chargée alors de la direction des biens confisqués, confia en 1946 l’organisationdu Tour à la société du Parc des Princes, dont 49,5% des actions appartenaient à l’Autoet, partant, aux allemands.

Le Parc des Princes, par un accord secret, donna le parrainage de Monaco-Paris à unjournal parisien, ce qui entraina de vives protestations de la part des autres journaux. C’estpour éviter le retour de tels faits que la SNEP, maintenant seule propriétaire de l’épreuve envertu de la loi du 11 mai 1945, accueillit avec intérêt l’idée de ‘participer à l’organisation dela Grande Boucle sous l’égide de la fédération nationale de la presse’.

Un semestre à peine nous sépare du matin où le Tour de France prendra à nouveau ledépart. C’est juste assez pour mettre au point tous les détails d’une grandiose organisationqui, ces dernières années, manqua au cyclisme.

Interrogé à ce sujet, M Bensan nous donna une idée des projets actuellement à l’étude.‘- Financièrement, l’épreuve est plus facile à organiser actuellement qu’avant

guerre. Débarassé de certaines contingences commerciales qui obligeaient les anciensorganisateurs à de nombreuses négociations avec les municipalités. […]

Quant aux journaux parisiens et provinciaux, ils seront appelés, dans la mesure choisiepar chacun, à apporter leur collaboration active à l’organisation.

Nous pouvons donc sur la foi de ces décisions, envisager l’avenir avec sérénité. LeTour, celui de tous les sportifs, aura bien lieu. Sans marchandage, sans boycottage, ce quisera fort bien.

Ainsi, la collaboration entre la FFC, la FNPF, la SNEP et le haut patronage du soussecrétariat aux sports, aura pour but de rehausser encore le prestige du Tour, pour lerayonnement du sport en général. »

Pierre ChanyEncadré : « voici le décret paru au Journal Officiel du 5 janvier 1947 »« Décret n°47-14 du 4 janvier 1947 portant application de l’article 3 de la loi du 11 mai

1946 à des entreprises de presse et d’information.Le président du gouvernement provisoire de la République,Sur rapport du sous secrétaire d’état à la présidence ;

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Vu l’article 3 de la loi du 11 mai 1946, portant transfert et dévolution des biens etéléments d’actif d’entreprise de presse et d’information.

Décrète :Article 1 – Il est fait application des dispositions de l’article 3 de la loi du 11 mai 1946

susvisée aux entreprises de presse et d’information ci-après désignées :Société du journal l’Auto, société anonyme au capital de 1 600 000 francs, dont le siège

social est à Paris, 10 faubourg Montmartre, inscrite au registre du commerce de Paris sousn° 284-563 B

Société l’Auto-Sports, société anonyme au capital de 15 millions de francs dont le siègesocial est à paris, 10, faubourg Montmartre, inscrite au registre du commerce de Paris sousle n° 219-223 B

Article 2 : - le secrétaire d’Etat à la présidence du conseil est chargé de l’exécution duprésent décret, qui sera publié au Journal Officiel de République Française. »

8 janvier 1947 – n° 255Une : « le cyclisme ne s’en portera que mieux – ‘Plus d’entraves pour les coureurs’

nous a dit Pierre Bloch, PDG de la SNEP »« Avec une précipitation qui trahit un profond désarroi, les derniers défenseurs d’une

mauvaise cause – le Tour de France, instrument commercial – ont tiré la sonnette d’alarme.Les chevaliers servants d’une organisation qui enserrait le cyclisme français dans sesgriffes, ont enfourché leur meilleur cheval de bataille dans l’intention de créer une confusiondont ils ne manqueraient pas de tirer profit. Hélas ce cheval s’avère un peu vieillot en mêmetemps que cagneux.

Et bon gré, mal gré, ces ‘Messieurs’ sont bien obligés de s’incliner devant les faits. Unarrêté ministériel, en date du 7 janvier 1947, vient de donner au cyclisme la possibilité d’unnouvel essor.

C’est ainsi que les classiques routières du journal l’Auto viennent de passer sous ladirection de la SNEP. Il en est de même pour les actions (49,5%) concernant la société desvélodromes parisiens.

[…] Au sujet du Tour de France, que la SNEP organisera sous l’égide de la fédérationnationale de la presse, M Bloch avança une opinion des plus intéressantes. Il s’agissait dumode de sélection des équipes étrangères…

[…] Voilà ce qui est net et infirme certaines déclarations selon lesquelles les dirigeantsétrangers manqueraient, en la circonstance, de garanties et hésiteraient à engager leurfédération et leurs coureurs.

[…] Tant pis si ces réformes choquent certains esprits. Le cyclisme, les cyclistes et lesport français en général ne s’en porteront que mieux. »

Pierre Chany17 janvier 1947 – n° 257Titre : « Ouvrez le Tour aux jeunes – préconise Romain Bellanger »« Le Tour de France sera-t-il organisé en 1947 ? Telle était la question que se posaient

depuis quelques temps de nombreux sportifs. Aujourd’hui, en dépit des assurances donnéespar les nouveaux organisateurs, quelques sceptiques ne manquent pas de formuler desréserves.

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Annexes

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La grandeur de l’œuvre, la multitude de détails que nécessite une pareille organisation,l’appréhension d’un échec sont les arguments majeurs de ceux qui préfèrent l’évocationd’un passé plus ou moins rapproché, à l’entreprise fertile d’une tâche nécessaire pour lavie du cyclisme national… »

23 janvier 1947 – n°262Encadré sur la rencontre des représentants des cyclistes professionnels et la fédération

nationale de la presse.24 janvier 1947 – n° 263Page 4 : « la fédération nationale de la presse reçoit le ‘groupement des pros’ »« Le groupement des cyclistes professionnels, désireux de se documenter sur

l’organisation du futur Tour de France, a commencé hier ses consultations.La première eut lieu au siège de la FFC […]Les visiteurs, en l’occurrence MM Ch. Joly et Jacques Goddet, tous deux représentants

un jour le Parc des Princes, le lendemain le journal l’Equipe, selon que leur avantage setrouve dans l’une ou l’autre de ces deux positions, exposèrent leurs arguments.

Aujourd’hui, m Bayet, directeur de la fédération nationale de la presse et M Bensan,trésorier, recevront à leur tour le groupement.

Une décision ne saurait donc tarder. »27 janvier 1947 – n° 265Titre : « la fédération nationale de la presse et le Tour de France »« C’est samedi après midi qu’a eu lieu, au siège de la FFC, la seconde réunion de

consultation du groupement des cyclistes professionnels.[…] De cette entrevue sortirent les décisions suivantes :a. Les divers directeurs de journaux susceptibles de participer à l’organisation du Tour

seront contactés au cours de cette semaine.b. Une démarche sera faite auprès du ministre des finances dans le but de créer une

loterie dont le produit aiderait le financement de l’épreuve… »6 février 1947 – n° 274Titre : « le groupement cycliste professionnel et la fédération de la presse ont rendu

certaine l’organisation du Tour »Sous-titre : « les coureurs ne seront plus des ‘hommes-sandwiches’ – le Parc des Prince

assurera la partie technique »« Au premier étage d’un immeuble du passage violet s’est réglé, hier soir à 19 h, le

sort du Tour de France 1947. C’est à l’issus d’une entrevue réunissant les représentantsdu groupement cycliste professionnel […] et les membres de la fédération nationale dela presse, que le problème si délicat du Tour trouva une solution qui rendu possiblel’organisation de cette prestigieuse épreuve en 1947.

Au cours d’une réunion qui eut le privilège d’une ambiance favorable il fut décidé quela SNEP, seule propriétaire de l’épreuve, confierait, pour 1947, l’organisation technique duTour de France à l’organisme sportif prêt à en assurer la responsabilité.

La société du Parc des Princes – dont 49,5% des actions appartiennent également àla SNEP – avait depuis un certain temps déjà entrepris des démarches en ce sens. Ses

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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travaux étaient forts avancés et, d’un commun accord, il fut convenu délivrer, pour cetteannée, le mandat d’organisation.

La FNPF n’en poursuivra pas moins l’étude de son projet, désirant le concrétiser en1948.

- les difficultés s’aplanissent -Les difficultés qui avaient retardé le démarrage du Tour, au cours de ces dernières

semaines, avaient leur genèse dans l’intérêt commercial représenté par cette compétition.Ceux qui avaient fait du Tour une affaire publicitaire où les coureurs faisaient officed’hommes-sandwiches désiraient poursuivre leur mauvaise tâche. La FNPF s’y opposait.

Et là encore une solution juste a été trouvée : le Parc des Princes ne pourra, en aucuncas, placer l’épreuve sous le patronage d’un seul journal ou d’un groupe de journaux.

[…] MM Thominet de l’Equipe, Massot de Paris-Presse, Bensan de Ce Soir, et Duboisde Sports, Wurmster et Lajeunesse se rallièrent à cette thèse. L’ère des réunions est doncclose. »

Encadré : « Plusieurs journaux étaient prêts à assurer l’organisation du Tour (leParisien Libéré, l’Humanité et Ce Soir). Devant les difficultés éprouvées pour réaliser l’unitéindispensable et désireux d’éviter la mainmise d’un journal sur l’organisation, la FNPF et legroupement des ‘pros’ assumeraient la responsabilité d’organisation. »

Publication du communiqué officiel de la FNPF‘D’accord avec la SNEP la fédération nationale de la presse avait envisagé dans le

but d’ôter tout caractère commercial à une compétition de renommée mondiale, d’organiserelle-même le Tour de France, en finançant cette grande épreuve par une loterie nationale.

Cette solution qui a soulevé des objections dans les milieux sportifs, n’a pas été retenue.La fédération, tout en poursuivant l’étude de son projet initial pour 1948, invite la SNEP,propriétaire de l’épreuve, à confier l’organisation du Tour de France 1947, sous le contrôlede la FNPF et de la SNEP, à l’un des organismes sportifs qui sont prêts à en assumer laresponsabilité, celui-ci ne devant en aucun cas placer l’épreuve dans son ensemble sousle patronage d’un seul journal ou d’un groupe de journaux.

Le bureau de la fédération souhaite que l’organisation du Tour de France serve endehors de tout intérêt commercial particulier, le prestige du sport français.’

7 février 1947 – n° 275Annonce du parcours du Tour« La mise sur pied de la Grande Boucle exigera une dépense de 22 millions de francs.

12 millions seront récupérés par les recettes aux étapes, les journaux régionaux et parisiensintéressés par les diverses fractions du parcours combleront les 10 millions de déficit. »

24 mars 1947 – n° 287L’édito annonce que le journal rencontre des difficultés financières, « malgré ses 80 000

lecteurs » et un « tirage aujourd’hui atteign[ant] plus de 300 000 exemplaires ».Le journal va donc passer dans les semaines à venir à un format bi-hebdomadaire avec

6 pages.« Sports entend rester un grand journal parce que sérieux et fort de la confiance de

ceux qui voyait en lui le porte parole du sport non-commercialisé. Plus que jamais il est

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Annexes

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décidé à servir le sport, pas un seul instant il n’est prêt à abandonner le monopole de lapresse sportive à l’ex-Auto dont les soutiens et les buts sont bien connus… »

Dubois – Cornick25 mars 1947 – n° 288Encadré : « sports bi – hebdomadaire »[…] Etant donné notre souci de conserver notre indépendance et de refuser tout argent

dont la provenance serait invariable, nous avons préféré devenir bi – hebdomadaire. Nouslaissons à nos lecteurs le soin de juger notre attitude et de réfléchir sur la provenance desfonds accordés à des concurrents plus ‘heureux’… »

A partir du 29 et 30 mars, Sports devient donc bi –hebdomadaire et sort le Lundi (Sports– lundi) et le samedi (Sports – dimanche)

8 juin 1947 – n° 310Une : « ombre sur le Tour »« Le Tour de France va de nouveau remuer des foules incalculables, la Grande Boucle

reste en effet l’épreuve la plus populaire de tous les temps.Du 25 juin au 20 juillet, traversant plaines et montagne, l’élite du cyclisme mondial fera

vibrer intensément tous ceux que l’effort viril, la volonté tenace passionnant.Après une interruption de 7 ans la ronde enchantée sortira les enfants des écoles, les

fidèles des églises, les travailleurs des bureaux et des fabriques. Les paysans accourrontsur le bord des routes applaudir les exploits des géants.

Ainsi pendant un mois jeunes et vieux discuteront des mérites respectifs des Faber,Pélissier, Magne par rapport aux jeunes qui se lancent cette année dans la grande aventure.Pourquoi faut-il qu’une ombre plane sur l’organisation de cette épreuve à laquelle tant desportifs sont attachés et qui rayonne sur le monde entier !

En effet, malgré les promesses de MM Pierre Bloch et Pierre Bourdan, le patronagedu Tour a été confié à 2 journaux dont l’un n’est autre que l’Equipe. Ainsi ce qui ne pouvaitêtre pensé vient d’être fait : M Jacques Goddet est directeur du Tour, lui qui a été directeurde l’Auto’ allemand, le premier journal à être revenu de zone sud, le seul journal qui ait eul’autorisation des allemands d’être diffusé dans les deux zones. M Jacques Goddet qui alaissé souiller l’œuvre d’Henri Desgrange et qui ose s’en réclamer. M Jacques Goddet quia entendu la consécration de Pierre Bourdan pour oser avouer sa qualité de directeur del’Equipe.

Nous allons revoir M Jacques Goddet dirigeant le Tour, le même homme qui a osé trahirla mémoire du créateur de ce Tour en écrivant dans l’Auto le 16 août 1941 :

Nos adversaires d’hier seront nos amis de demain s’ils rencontrent des françaisde caractère, lucides, compréhensifs et volontaires. Henry Desgange eut aidé à laréconciliation. Il eut fâché l’attentisme, lequel ne voudrait d’ailleurs, DANS L’HYPOTHESEQUE FONT CEUX QUI CROIENT A UNE VICTOIRE DE L’ANGLETERRE que mépris etmoquerie de l part de celle-ci.

Le Tour de France après la libération est remis entre les mains du directeur de l’Auto.Les engagements les plus solennels des représentants du gouvernement et de M PierreBloch, PDG de la SNEP, propriétaire du Tour, sont ainsi ‘violés’.

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Trois autres grands quotidiens avaient posé candidature pour financer le Tour. Ils ontété écartés délibérément au profit de deux concurrents. Ainsi, au moment où on espérait,avec tous les sportifs que les combinaisons commerciales seraient écartées du Tour, ce sontles combinaisons d’intérêt savamment montées qui remettent le Tour aux anciens dirigeantsde l’Auto.

Le favoritisme seul explique la désignation des tuteurs du Tour !Le sport, école de droiture, d’enthousiasme, mérite d’autres maîtres que celui qui vient

d’être désigné pour le Tour de France dont on a dit avec raison qu’il était partie intégrantede notre patrimoine national. »

René Rousseau9 juin 1947 – n° 311Encart publicitaire« Sports, le journal du Tour – sera quotidien à partir du 21 juin. Mais dès samedi vous

trouverez dans chaque numéro la page du Tour. […] Le quotidien qui vous dira la vérité surle Tour de France. »

16 juin 1947 – n° 313Article page 4 : « le Tour violera-t-il la constitution ? »

« Le règlement général du 34e Tour de France cycliste ne compte pas moins de20 pages et 56 articles, eux-mêmes divisés en de nombreux paragraphes. Les studieuxsuccesseurs d’Henri Desgrange ont repris tout ce que 40 années d’expérience avaientsuggéré au père du Tour. De peur d’être pris de court, ils en ont encore rajouté. Tant et sibien qu’il est recommandé aux candidats lecteurs de se munir d’un tube d’aspirine avantd’aborder l’étude. […]

Etudions maintenant textuellement l’article 27 :L’entente entre coureurs en vue de protester contre tout ou une partie du règlement

[…] sera puni pour chacun des délinquants de l’amende maximum. […] Ce qui signifie,en langage clair, que la grève, sous quelque forme que ce soit, est interdite aux Tours deFrance.

Or le droit de grève est reconnu à tout français, noir sur blanc, par la constitution dela IVème République.

Le Tour de France 1947 violera-t-il la constitution et les coureurs feront-ils appel auConseil d’Etat ? Ce serait nouveau et inattendu. Ce serait, en tout cas un litige original. »

Jacques BlondelBrève : « le journal du Tour… »« … appelle quelques commentaires, ne serait-ce que pour fixer l’opinion de nos

lecteurs sur les procédés du confrère d’en face. Voici deux mois que le titre a été déposéau petit parquet et plusieurs semaines que les agents en ont eu connaissance par écrit.L’administrateur de l’Equipe le savait très bien puisqu’il le mentionne dans une lettreadressée à la fédération nationale de la presse. Et cependant on n’a pas, un seul instant,hésité à l’utiliser… »

Brève : « le journal du Tour quotidien… »

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« … a également donné lieu à de curieuses oppositions de la part de très rares membresdu syndicat de la presse parisienne. Pensez donc, Sports redevenant quotidien ! C’étaitperdre le monopole des plus intéressants !

Mais le bon sens et l’équité ont triomphé facilement de ces tentatives d’où était exclule fair-play si cher aux sportifs.

D’autant plus que Sports compte parmi les journaux qui peuvent se prévaloir d’uneexploitation uniquement basée sur le produit de ses ventes. »

Encart publicitaire : « Sports sera le journal du TourParce qu’il sera le plus complet, le mieux informé, le plus vivant, le plus objectif, le

mieux illustré… »A partir du 23 juin 1947 – n° 315Le journal prend le titre de « Sports, le journal du Tour »24 juin 1947 – n° 316Encadré : « Sports, le journal du Tour »« Et oui, Sports, à l’occasion du Tour de France, redevient quotidien. C’était le désir

impérieux de l’ensemble des sportifs qui connaissent les inconvénients d’un monopole dela presse sportive pendant le Tour de France…

Et c’est tant mieux pour tous ceux qui se passionnent pour la populaire épreuve : avec‘Sports’, le journal du Tour, ils sont assurés d’en suivre les péripéties avec des comptesrendus objectifs et non dictés par des considérations d’ordre commercial. […]

Le journal du Tour qui mettra tout en œuvre pour que soit la plus brillante possible larésurrection de la grande fête annuelle du cyclisme routier. »

Dubois – Cornick25 juin 1947 – n° 317Page 4, en pleine page, la carte du Tour 1947

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Les débats de presse autour de la réorganisation du Tour de France, après la libération 1945-1947

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Bibliographie

Ouvrages historiques et sociologiques :

Braudel Fernand, l’identité de la France, Espace et Histoire, tome 1, éditionsFlammarion, Paris, 1990

Defrance Jacques, sociologie du sport, 5e édition, collection repères-sociologie,éditions la découverte, Paris, 2006

Girardet Raoul, le nationalisme français, anthologie 1871-1914, collection Points-histoire, éditions du Seuil, Paris, 1983

Jeanneney Jean-Noël, Une histoire des médias des origines à nos jours, collectionPoints-histoire, éditions du Seuil, Paris, réédition 2001

Rémond René, le XXe siècle, collection le livre de poche-références histoire, éditionsFayard, 1996

Touchard Jean, la gauche en France, collection Points-histoire, éditions du seuil, 1977Yonnet Paul, Systèmes des sports, bibliothèque des sciences humaines, collection

NRF, éditions Gallimard, Paris 1998Ainsi que :

Mourre Michel, le petit Mourre, dictionnaire d’histoire universelle, éditions Bordas, 2004Microsoft, Encyclopédie Encarta, édition 2003Site internet Wikipédia : www.wikipedia.com

Ouvrages spécifiques utilisés pour ce mémoire:

Barthes Roland, « le Tour de France comme épopée » in Mythologies, collection Points-essais, éditions du Seuil, Paris, 1957

Blondin Antoine, Tours de France, chroniques de l’Equipe, 1954-1982, éditions de laTable Ronde, Paris, 2001

Bœuf Jean-Luc et Léonard Yves, la république du Tour de France, 1903-2003, éditionsdu Seuil, Paris, 2003

Boury Paul, la France du Tour, le Tour de France, un espace sportif à géographievariable, collection espaces et temps du sport, éditions l’Harmattan, Paris, 1997

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Bibliographie

Demouveaux Gautier - 2007 159

Bruno Giordano, le Tour de la France par deux enfants, manuel scolaire, éditionsLibrairie classique Eugène Belin, Paris, réédition 1976

Chany Pierre, la fabuleuse histoire du Tour de France, éditions Minerva, Genève, 2003

Gaboriau Philippe, le Tour de France et le Vélo, histoire sociale d’une épopéecontemporaine, collection histoire et temps du sport, éditions l’Harmattan, Paris, 1995

Goddet Jacques, l’équipée belle, collection Vécu, éditions Robert Lafont-Stock

Lagrue Pierre, Le Tour de France, reflet de l’histoire et de la société, collection espaceset temps du sport, éditions l’Harmattan, Paris, 2004

L’Equipe, ouvrage collectif, 100 ans du tour de France, édidions l’Equipe 2002

Marchand Jacques, les défricheurs de la presse sportive, éditions Atlantica, Biarritz,1999

Marchand Jacques, la presse sportive, collection connaissance des médias, éditionsCFPJ, Paris, 1989

Miquel Pierre, 1937, au lendemain du Front Populaire, éditions Denoël, Paris, 1997

Penot Christophe, Pierre Chany, l’homme aux 50 Tours de France, collection GrandsTémoins, éditions Cristel, Saint Jean Le Blanc, 1996

Penot Chrisophe, j’écris ton nom Tour de France, collection Grands Témoins, éditionsCristel, Saint Malot, 2002

Vigarello Georges, « le Tour de France », in Pierre Nora (dir.), les lieux de mémoire,volume 3, les France, éditions Gallimard, Paris, 1992

Welsh Marc, Tours de magie, 100 ans de reportages, éditions Nostalgia, Verviers, 2004Ainsi que les titres de presse :

L’Auto

Le VéloEt dépouillement systématique de l’ensemble des numéros, de janvier 1946 à juillet1947 de :

Ce Soir

Combat

Le Parisien Libéré

L’Equipe

L’Humanité

Sports