Innovation Société Sélection végétale · depuis 2012, il dirige le module "Modification et...

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Goethe-Institut – 17 avenue d’Iéna – 75116 PARIS AFBV – 6 ème Colloque des Biotechnologies Végétales Innovation – Société – Sélection végétale Mardi 27 septembre 2016 9h00 – 17h15 Programme Présentation des orateurs o Curriculum vitae o Résumé des interventions

Transcript of Innovation Société Sélection végétale · depuis 2012, il dirige le module "Modification et...

Goethe-Institut – 17 avenue d’Iéna – 75116 PARIS

AFBV – 6ème Colloque des Biotechnologies Végétales

Innovation – Société – Sélection végétale

Mardi 27 septembre 2016 9h00 – 17h15

Programme

Présentation des orateurs o Curriculum vitae o Résumé des interventions

Goethe-Institut – 17 avenue d’Iéna – 75116 PARIS

Goethe-Institut – 17 avenue d’Iéna – 75116 PARIS

Curriculum vitae des orateurs et résumé de leur présentation

Alain DESHAYES

Alain Deshayes est Ingénieur Agronome et ancien Directeur de Recherche à l’INRA où il a fait l’essentiel de sa carrière. Adjoint au Directeur Scientifique des Productions Végétales de 1986 à 1993, il fut, en particulier, en charge des biotechnologies végétales.

Après une année passée à la Direction des Stratégies Industrielles au Ministère de l’Industrie, il a rejoint la R&D d’un grand groupe de l’agroalimentaire.

Jean BIZET

Sénateur de la Manche depuis 1996, Jean Bizet est Président de la Commission des Affaires européennes du Sénat depuis octobre 2014, fonction qu’il avait précédemment occupée de 2009 à 2011, et membre de la Commission du Développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Il est par ailleurs Vice-Président de la Mission commune d’information sur le nouveau rôle et la nouvelle stratégie pour l’Union Européenne dans la gouvernance de l’internet, membre de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), dont il a été Vice-Président de 2011 à 2014, et membre du groupe français de l’Union Interparlementaire (UIP).

Il a également été délégué représentant le Sénat auprès de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) de mai 2013 à octobre 2014 et Président du groupe de travail chargé de suivre le nouveau cycle de négociations commerciales internationales au sein de l’OMC, de 2002 à 2010.

Docteur vétérinaire, lauréat de la Faculté de Médecine de Créteil et de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort (1972), Jean Bizet a auparavant été Maire de Le Teilleul (1983-2014), Président du Syndicat Mixte du Pays de la Baie du Mont Saint-Michel (2008-2014) et Conseiller Général de la Manche, canton de Le Teilleul (1985-2011).

Conférence introductive de Jean BIZET : « Précaution versus innovation »

Il y a 11 ans, la France adoptait la Charte de l’Environnement, montrant ainsi la très haute importance que notre pays accordait à l’environnement.

En constitutionnalisant le principe de précaution à l’article 5 de cette Charte, les pouvoirs publics réaffirmaient leur volonté de protéger l’environnement et la santé de nos concitoyens, largement traumatisés, notamment par les affaires de l’amiante, de la vache folle ou du sang contaminé.

Après 11 années d’application, force est de constater que le principe de précaution a dans l’ensemble été mal appréhendé et souvent dévoyé, à tel point, que pour certains, il est devenu un principe flou et incapacitant, contribuant à créer un environnement hostile à la recherche.

Le principe de précaution souffre, au fond, d’une usure prématurée. Son usage, à tort et à travers, l’a transformé en principe d’émotion. Il a ainsi conduit les autorités publiques à prendre des décisions irrationnelles pour se protéger ou répondre à la pression de l’opinion publique.

Le principe de précaution a vu son interprétation dériver vers la recherche vaine du risque zéro, au lieu d’impliquer un véritable système de gestion des risques et des mesures proportionnées.

Or, le progrès ne se décrète pas. Il s’obtient par l’innovation, résultat de la recherche, qui demeure, par essence, incertaine. Nous ne pouvons pas accepter de laisser l’inaction devenir un état d’esprit et gouverner notre société.

Puisque, au-delà du juridique, c’est l’émotion qui gouverne, nous devons apporter une réponse politique. Nous devons redonner la priorité à l’innovation.

6ème Colloque AFBV – 27 septembre 2016

C’est pourquoi j’ai voulu présenter une proposition de loi constitutionnelle en 2014, adoptée par le Sénat, visant à préciser dans la Constitution que le principe de précaution ne doit pas nuire à la recherche et l’innovation.

Ma PPLC reposait alors sur 2 grandes orientations :

d’une part, mettre fin définitivement à toute ambiguïté quant à l’interprétation du principe de précaution ;

d’autre part, renforcer l’information du public et promouvoir l’innovation auprès de nos concitoyens.

Conclusion : l’intitulé de cette table-ronde est « précaution versus innovation ». Je dirais plutôt « innovation et précaution ». L’objectif n’est pas d’imposer un principe par rapport à un autre. Il ne s’agit pas de privilégier l’innovation au détriment de l’environnement. Nous devons au contraire faire en sorte que ces 2 principes, précaution et innovation, puissent ne faire qu’un. La recherche conduit à l’innovation, l’innovation conduit à la recherche en faveur du développement durable, cette dernière permettant de nouvelles innovations.

Jean WEISSENBACH

Jean Weissenbach a dirigé le Genoscope - Centre National de Séquençage au sein de l'Institut de Génomique du CEA (1997-2015). Il a joué un rôle pionnier de l'exploration et de l'analyse de génomes, notamment du génome humain. Ses recherches actuelles portent sur la génomique et les capacités biochimiques des microorganismes de l'environnement. Il est particulièrement intéressé par l'exploration de la biodiversité biocatalytique des systèmes vivants.

Jean Weissenbach est membre de l'Académie des Sciences, médaille d'or du CNRS et a reçu de nombreux prix et distinctions en France et à l'étranger.

L'effort de séquençage des plantes : dans quel but ?

Jean Weissenbach, France Denoeud, Patrick Wincker CEA/Genoscope/UMR CEA-CNRS-Université d'Evry Génomique Métabolique Au départ, le projet de séquençage du premier génome de plante, Arabidopsis thaliana, était clairement orienté vers des objectifs de recherche fondamentale. Il devait fournir un inventaire de gènes d'un organisme modèle, servir d'assise à l'identification par clonage positionnel de gènes mutés contrôlant un phénotype particulier et constituer une référence de comparaison pour étudier l'évolution chez les plantes et au-delà. Cette séquence complète devint aussi un outil exceptionnel pour la détermination de fonctions inactivées par mutagénèse insertionnelle (transposons et T-DNA). En outre, elle ouvrait la voie en fournissant un outil génétique pour l'amélioration de plantes cultivées. On lui trouva rapidement d'autres usages, notamment pour servir de guide pour les croisements entre lignées (smart breeding, Genome assisted selection etc.).

Sans conteste, le génome de l'arabette fut un remarquable accélérateur de la recherche en biologie moléculaire végétale. De surcroît, notamment du fait de la qualité de son annotation, c'est une référence incontournable pour les génomes de plantes et des comparaisons avec des génomes d'autres eucaryotes uni- et surtout multicellulaires.

Le séquençage d'autres génomes de plantes cultivées et/ou modèles (riz, peuplier, vigne, sorgho, maïs, soja, pommier, cacao, etc.) suivit rapidement et s'est accéléré depuis l'introduction des nouvelles techniques de séquençage haut-débit. Les objectifs de ces projets "génomes" sont principalement centrés sur des aspects plus appliqués. Parmi ces objectifs, citons la recherche de facteurs génétiques contrôlant des traits comme le développement des plants, la qualité des organes d'intérêt (fruits ou autres), la résistance aux pathogènes, la biomasse, la période de floraison etc. Ces projets de séquençage ont aussi pour résultats de fournir aux sélectionneurs des outils génomiques pour l'identification des cultivars, la sélection variétale, pour un pilotage efficace des croisements de variétés (smart breeding) pour l'introgression de caractères particuliers.

Genoscope a participé aux projets de séquençage des génomes modèles (arabette et riz) dans le cadre de consortiums internationaux, puis s'est impliqué, en collaboration avec des équipes de l'INRA, du CIRAD et de l'IRD dans une dizaine de projets de séquençage de génomes de plantes cultivées. Quelques faits saillants de certains de ces projets seront présentés.

6ème Colloque AFBV – 27 septembre 2016

Fabien NOGUE

Fabien Nogué a une formation de généticien des plantes. Après des études à l'Université Pierre et Marie Curie de Paris, il réalise une thèse à l'INRA de Versailles puis un stage post-doctoral à Canberra, en Australie, où il étudie le mode d'action des cytokinines chez Arabidopsis thaliana. En 2000, il rejoint l'équipe "meiose et recombinaison" dans le laboratoire de Georges Pelletier, à Versailles, où il travaille sur les mécanismes de réparation de l'ADN et la recombinaison chez les plantes modèles Arabidopsis thaliana et Physcomitrella patens. Le groupe de Fabien Nogué a également un intérêt particulier pour les nouvelles technologies d'édition des gènomes (TALEN, CRISPR) et, depuis 2012, il dirige le module "Modification et Remplacement de Gènes" du projet Grand Emprunt GENIUS (2012 à 2019, coût total de 21,6 M €, 8 Instituts, 19 groupes scientifiques). Les objectifs de ce projet sont de mettre en place des méthodes efficaces (amiRNA, TALENs, CRISPR) pour la régulation ciblée ou la modification des gènes de plantes et d'utiliser ces techniques pour la génération de nouveaux traits dans des espèces d'intérêt agronomique.

Fabien Nogué est également expert dans le groupe de travail du panel OGM de l'EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments). Le rôle de ce panel est de fournir à la Commission Européenne des conseils scientifiques indépendants sur la sécurité des plantes génétiquement modifiées.

Ingénierie du génome et amélioration des plantes : impact sur la découverte de nouveaux traits et leur développement

INRA AgroParisTech, IJPB, UMR 1318, INRA Centre de Versailles, Route de Saint Cyr, 78026 Versailles Cedex, France

De nouvelles méthodes d’ingénierie génétique sont apparues récemment. Elles sont basées sur l’utilisation de différents types d’enzymes (des méganucléases, des nucléases à doigts de zinc, des TALEN, des CRISPR/Cas) et permettent de reconnaître comme site de coupure une séquence de nucléotides suffisamment longue pour être unique dans un génome donné. En utilisant l’une de ces enzymes, il est virtuellement possible de provoquer des cassures de l'ADN positionnées à n’importe quel endroit choisi dans le génome.

L’utilisation de ces enzymes permet d’envisager les applications suivantes :

1. inactiver un gène (knock-out) : coupure dans le gène et sélection d’un évènement naturel de réparation défectueuse. Cette technique équivaut à une mutation ciblée. C’est la seule application qui ne nécessite pas l’introduction dans le noyau d’un ADN matrice ;

2. modifier un allèle (knock-in) : coupure dans le gène et réparation en utilisant comme matrice l’allèle que l’on veut introduire. Cela permet par exemple de remplacer un allèle muté porteur d’anomalie par un allèle « sain » (en biologie humaine) ou un allèle d'intérêt (en amélioration des plantes). Chez les plantes ou les animaux, on obtient le même résultat qu’en réalisant des croisements, mais dans un délai infiniment plus court ;

3. Introduire un gène « étranger » à un endroit déterminé du génome : coupure et réparation en utilisant comme matrice la séquence du gène « étranger ». Il peut s’agir d’un gène codant pour une protéine dont on veut assurer la production en contrôlant son site d’intégration dans le génome.

Si on s'intéresse plus précisément au potentiel que ces nouvelles techniques présentent pour l'amélioration des plantes, il apparait que l'ingénierie des génomes ouvre la porte à une gamme presque illimitée de possibilités en termes de combinaison de nouveaux allèles.

Cependant, l'utilisation optimale de cette technologie ne pourra se faire qu'à 3 conditions :

1. que les scientifiques et les sélectionneurs soient capables d'identifier de manière fiable et efficace les gènes qui sous-tendent les caractères d'intérêt (QTLs) et qu'ils soient capables d'être pro-actifs pour la recherche de nouveaux allèles ("allele mining") ;

2. que les scientifiques et les sélectionneurs soient capables de délivrer ces enzymes (sous forme ADN ou protéine) de manière efficace dans la cellule et, ce, plus seulement dans des espèces ou variétés modèles, mais également dans des lignées élites ;

3. que le cadre réglementaire qui sera appliqué à des produits commerciaux issus de ces nouvelles technologies d'ingénierie des génomes ne soit pas trop contraignant. Pour l'Europe, la question reste ouverte sur le

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fait que ces plantes et leurs produits seront considérés en vertu de la législation sur les OGM, ou si elles seront soumises à un cadre juridique atténué, voire complètement déréglementé.

Alain TOPPAN

Responsable du développement des OGM pour le groupe Limagrain.

Après une formation universitaire, Alain Toppan intègre le CNRS et mène des recherches sur le végétal et les interactions plantes-pathogène. Il participe ensuite à des projets appliqués, puis dirige le laboratoire d’un groupe industriel privé, pharmaceutique et semencier, qui a investi très tôt dans la transformation génétique.

La cession des activités semencières de ce groupe lui permet de rejoindre des groupes coopératifs agricoles, Euralis puis Limagrain au travers du laboratoire Biogemma créé en 1997. Fortement impliqué depuis lors dans des projets de développement d’OGM pour des espèces de grande culture, d’abord en Europe puis au niveau mondial.

Innovation scientifique et production agricole

Dès la sédentarisation des chasseurs-cueilleurs, la culture a permis de sécuriser une alimentation jusqu’alors incertaine. Un processus de progrès, totalement non-raisonné, a prévalu, conduisant à la sélection de plantes mutantes et, in fine, à la création il y a 10 000 ans de variétés issues de l’intervention humaine. Une première innovation, dont les conséquences dépassent la simple production agricole, favorisant la socialisation des groupes qui ont développé des savoir-faire d’agriculteurs.

Ensuite, c’est une lente progression, clairement marquée par des découvertes souvent techniques, qui ont permis des sauts quantitatifs importants. Des exemples connus sont le collier d’épaule, la charrue et le coutre, la maîtrise des assolements et des amendements.

Plus près de nous, c’est un ensemble d’innovations, et de connaissances agronomiques qui, dès les 17ème et 18ème siècles, ont conduit à sécuriser et fortement augmenter les productions de céréales, complétées notamment par les espèces introduites à partir de l’Amérique.

Le machinisme agricole se développe au 19ème avec des instruments de travail du sol et de récolte, suivis par la motorisation (machines à vapeur). Les sélections végétales et animales, s’appuyant sur des bases scientifiques, font des progrès considérables, la fertilisation et les premiers produits de traitement des plantes sécurisent les productions.

Aujourd’hui, après un processus de constante amélioration qui se traduit par une augmentation des rendements, des quantités et de la qualité des produits, la situation n’a jamais été aussi complexe et, par bien des côtés, incertaine. La nécessité de production alimentaire doit allier performance économique, acceptabilité sociale et respect de l’environnement dans un concept de « durabilité » parfois confus. De nombreuses et nouvelles contraintes apparaissent, et il est évident que seule l’innovation peut aider à résoudre cette équation.

Le constat nous montre une agriculture qui a intégré toutes les révolutions du 20ème siècle : génétique, machinisme, fertilisation, produits phytosanitaires et qui a accès à un catalogue innovant de produits et services qui n’a jamais été aussi complet. Objets connectés, robotique, cartographie et GPS, agriculture de précision, outils d’aide à la décision, « big data », réalité augmentée, drones et bien d’autres technologies composent aujourd’hui la « ferme numérique ». Si certains agriculteurs sont particulièrement en pointe, tous utilisent, peu ou prou ces nouveaux outils.

Est-ce suffisant pour assurer les besoins de production que l’évolution de notre population et de nos modes de vie vont requérir? Comment concilier la demande sociétale parfois irraisonnée ? L’innovation sera un élément indispensable, mais est-on sûrs qu’elle sera à la hauteur et mise en pratique ? Des exemples actuels peuvent faire douter : les OGMs et les variétés issues des nouvelles technologies de sélection se heurtent à des positions de refus idéologique ; les produits de la phytopharmacie font l’objet d’interdictions de plus en plus fréquentes. Les positions politiques européennes sont parfois déroutantes. Les mêmes techniques sont parfois plébiscitées pour certaines activités mais décriées lorsqu’il est proposé de les appliquer en agriculture. Enfin, quel sera l’impact de ces innovations sur les structures agricoles ?

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Jean-Paul KRIVINE

Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef de Science et pseudo-sciences, revue de l'Association française pour l'information scientifique – AFIS.

Innovation : de « bonnes » raisons pour des craintes infondées ?

Le développement et le déploiement de certaines technologies rencontrent parfois une forte hostilité d’une partie de la population qui invoque des risques pour la santé où l’environnement, malgré une connaissance scientifique en général bien établie et plutôt rassurante. Ces attitudes ne sont pas sans conséquences, qu’elles soient d’ordre sanitaires (se priver de moyens efficaces au profit de solutions bien moins établie, voire complètement inopérantes), économiques (coûts démesurés de chasse aux risques illusoires, prise en charge des conséquences sanitaires d’une non-décision) ou politiques (« populisme précautionniste »). Les exemples abondent, illustrant cette problématique : vaccination, statines, ondes électromagnétiques et téléphonie mobile, OGM, pesticides, énergie…

On peut invoquer, pour expliquer ce phénomène, des attitudes irrationnelles ou un manque d’information. Si l’argumentation scientifique reste indispensable, elle n’est pas suffisante : il existe en effet des « bonnes raisons pour des craintes infondées » qu’il importe de comprendre et d’analyser et qui appellent à la promotion et au développement de l’esprit critique.

L’acceptation ou le refus d’une innovation ou d’une technologie renvoie à l’utilité perçue, qu’elle soit individuelle (quel profit ou intérêt vais-je en tirer ?) ou collective (quel impact perçu pour la société ?). Très souvent, on observe une corrélation entre refus de certaines innovations et perception d’un faible intérêt. Ensuite, il y a les innombrables biais qui influencent notre mode de raisonnement et notre prise de décision. Ces biais peuvent relever de nos ressources cognitives forcément limitées qui nous font mal évaluer les risques et les bénéfices réels. Mais ils impliquent aussi nos valeurs, nos motivations et nos émotions qui fonctionnent alors comme une grille de lecture dont il est difficile de s’extraire. Le tout est exacerbé par Internet qui joue un rôle démultiplicateur. Enfin, il y a, en écho, la rhétorique des acteurs des controverses qui adoptent des déterminants différents, où le « bien » et le « naturel » contre le « mal » sont autant de facteurs émotionnels décisifs.

Patrick TALLON

Patrick Tallon est journaliste agricole. Il a eu huit ans la responsabilité du service « Productions végétales » à l’hebdomadaire La France Agricole où il a côtoyé de près les agriculteurs et leur environnement, leurs contraintes et les aléas de leur profession. Il est actuellement rédacteur en chef des actualités de l’Intranet du ministère de l’agriculture (MAAF) et correspondant interministériel communication de crise pour le MAAF. Il souligne qu’il adhère à l’AFBV et participe à ses activités à titre strictement personnel.

Ingénieur en agriculture (EI Purpan – Toulouse) après un premier cycle universitaire (DUES Chimie Biologie – Biologie Géologie), il est aussi titulaire du DEA d’amélioration des plantes de Paris Sud 11 - Orsay. Il a commencé sa vie professionnelle comme généticien chez Limagrain (amélioration du matériel de base de sélection du maïs) pendant sept ans et s’est occupé de relations-presse et de communication à l’INRA sept ans également.

Michel GRIFFON

Agronome, Economiste.

Ancien Directeur Scientifique du CIRAD, ancien Directeur Général Adjoint de l'ANR, ancien Président du Fonds Français pour l'Environnement Mondial.

Actuellement expert pour l'Union Européenne sur la Bioéconomie, Président de l'Association Internationale pour une Agriculture Ecologiquement Intensive, Président du Comité Développement Durable du GIS-BV.

Auteur de "Nourir la Planète" 2006, "L'homme viable" 2011, "Pour un monde viable" 2012, "Qu'est-ce que l'agriculture écologiquement intensive" 2013.

6ème Colloque AFBV – 27 septembre 2016

Luc GUYAU

Ancien Président de la FNSEA et de l'APCA, ancien Président du conseil de la FAO, co-fondateur de Terrthique et d’EFCM (Ensemble contre la Faim et la Malnutrition), membre de l'académie d'Agriculture de France.

Christian LEVEQUE

Docteur ès Sciences - Directeur de Recherches émérite à l’IRD (Institut de recherches pour le développement, ex ORSTOM).

Président Honoraire de l’Académie d’Agriculture, Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer depuis 2006 – section 4, Membre de l’Académie d’Agriculture depuis 2003 - section 6. Secrétaire du Groupe Eau, Médaille Nauman-Thieneman décernée par la Société Internationale de Limnologie (2001).

Il a été Délégué Permanent à l'Environnement de l’ORSTOM de 1993 à 1996 ; Directeur adjoint de la Direction des Stratégies et de la Programmation (ORSTOM) de 1996 à 1998 ; Directeur du GIP Hydrosystèmes (BRGM, CNRS, CEMAGREF, IFREMER, INRA, ORSTOM, Office International de l'Eau) de 1992 à 1996 ; Directeur Scientifique Adjoint, Institut des Sciences de l'Univers-CNRS, chargé du Programme Environnement, Vie et Sociétés de 1998 à 2003 ; Président du Comité Scientifique du GIP Seine Aval, et animateur du Groupe Eau de l’Académie d’Agriculture

Il est actuellement Membre du Conseil Scientifique de l’Agence de l’eau RMC, du Conseil scientifique de l’Agence de L’eau Seine Normandie, membre du Comité littoral de la Fondation de France.

Publications d’ouvrages récents :

Lévêque C. & Sciama Y., 2008. Développement durable : nouveaux développements. Dunod, Quai des Sciences. Lévêque C. 2008. Faut-il avoir peur des introductions d’espèces ? Les Petites Pommes du savoir. Le Pommier. Lévêque C. & Mounolou J.C., 2008. Biodiversité. 2ème édition. Masson Sciences. Dunod, Paris.248p. Lévêque C., 2008. La biodiversité au quotidien. Le développement durable à l’épreuve des faits. Editions QUAE Balian E., Lévêque C., Sengers H., Martens K. (éditeurs), 2008. Freshwater Animal Diversity assessment. Development in Hydrobiology, 198. Springer. Beisel L.N. & C. Lévêque, 2010. Les introductions d’espèces dans les milieux aquatiques. Faut-il avoir peur des invasions biologiques ? Editions QUAE, 232 pp. Lévêque C., 2011. La nature en débat. Cavalier bleu, collection idées reçues. Paugy D., Lévêque C., Mouas I., 2012. Poissons d’Afrique et peuples de l’eau. Ed. IRD. Lévêque C., 2013. L’écologie est-elle encore scientifique ? Ed QUAE Lévêque C., 2016. Quelles rivières pour demain ? Ed. QUAE

Jean-Marc MEYNARD

Jean-Marc Meynard, 61 ans, Directeur de Recherche à l'INRA.

Agronome spécialiste de la conception de systèmes de culture, de la parcelle au paysage.

Enseignant-chercheur à l'INAPG de 1979 à 1990.

Responsable du Département de Recherche INRA Sciences pour l'Action et le Développement de 2003 à 2012.

Travaux de recherche actuels sur le processus d'innovation et sur la transition agroécologique.

Membre correspondant de l'Académie d'Agriculture de France.

6ème Colloque AFBV – 27 septembre 2016

Jean BRICMONT

Jean Bricmont est docteur en sciences (1977) de l'université catholique de Louvain (Belgique). Il a travaillé comme chercheur et enseignant aux universités de Rutgers et de Princeton, ainsi qu'à l'Institute for Advanced Study (Princeton). Il a fait le reste de sa carrière comme professeur de physique théorique à l'université catholique de Louvain, dont il est aujourd'hui professeur émérite. Il est également membre de l'Académie Royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique.

Ses travaux portent essentiellement sur la mécanique statistique, la physique mathématique, les systèmes dynamiques et les équations aux dérivées partielles. Il s'intéresse également à l'interprétation de la mécanique quantique.

Il a écrit, entre autres :

"Impostures intellectuelles", avec Alan Sokal (Paris, Odile Jacob, 1997) "À l'ombre des lumières : Débat entre un philosophe et un scientifique", avec Régis Debray (Paris, Odile Jacob, 2003) "Déterminisme, chaos et mécanique quantique, in Les Matérialismes (et leurs détracteurs) ", Paris, Syllepse, coll. "Métériologiques", 2004 "Philosophie de la mécanique quantique", avec Hervé Zwirn (Paris, Vuibert, 2009) "Making Sense of Quantum Mechanics", Springer, 2016

Quel expert croire et pourquoi ?

N'étant absolument pas spécialiste des sciences de la vie et encore moins des biotechnologies, je me contenterai de présenter des arguments qui peuvent être compris par les non-spécialistes comme moi et les amener à accepter les innovations biotechnologiques, dont on sait qu'elles suscitent un assez vif rejet dans le public, y compris « cultivé ».

Il faut d'abord distinguer entre l'attitude que peuvent avoir des scientifiques qui sont capables d'évaluer directement la vérité ou la plausibilité des discours de leurs collègues et le citoyen lambda qui n'a pas cette capacité et est donc obligé de s'en remettre aux experts.

La question est donc de savoir s'il est rationnellement justifié de faire confiance à l'autorité scientifique, c'est-à-dire de faire confiance à la parole de gens dont on est incapable de vérifier directement si ce qu'ils disent est vrai ou faux.

Le principal argument qui puisse justifier cette confiance réside dans les succès empiriques des sciences et surtout des technologies. Je commencerai par expliquer en détail cet argument.

Mais j'indiquerai également les limites de cet argument en ce qui concerne les théories scientifiques sans applications immédiates (Big Bang, théorie de l'évolution) ou les technologies futures.

Virginie TOURNAY

Biologiste de formation, Virginie Tournay est chercheur au CNRS (directrice de recherche à compter du 1er octobre 2016) en science-politique au CEVIPOF, à SciencesPo Paris.

Elle a obtenu la médaille de bronze du CNRS en 2011 pour ses travaux dans le domaine de la sociologie des institutions et de la régulation des biotechnologies. Sa thématique de recherche concerne les politiques du vivant. Elle a été membre du comité opérationnel d’éthique du CNRS (COPE), du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) de 2009 à 2013 et membre de la commission Bartolone-Winock sur l’avenir des institutions (2014-2015).

Elle s’intéresse aux médiations science/citoyens et aux nouvelles technologies numériques.

https://virginietournay.wordpress.com http://www.cevipof.com/fr/l-equipe/les-chercheurs/chercheurs/bdd/equipe/186

6ème Colloque AFBV – 27 septembre 2016

Gérer les choix technologiques. L’expert, l’institution et l’opinion publique

Cette communication porte sur la notion d’opinion publique, sur le sens que chacun accole à ce terme quand il est question de choix scientifiques et technologiques et sur les dispositifs qui la font parler : les enquêtes d’opinion. Que signifie l’acceptabilité sociale des nouvelles technologies ? Qu’entend-on par la confiance/la défiance de l’opinion publique ? Quelle pertinence donner à ces mesures ? Si la mesure de l’opinion par l’intermédiaire des sondages est un outil indispensable à la compréhension de la vie politique et fournit de très bonnes analyses de marketing politique et de suivi de la structure d’opinion dans le temps (baromètre de confiance politique CEVIPOF par exemple), la thèse développée va à l’encontre du sens commun qui revendique la prise en compte de la mesure de l’opinion publique en matière de choix scientifiques et technologiques en contexte d’incertitude. Par exemple, les organismes génétiquement modifiés, la biologie de synthèse ou les ondes électromagnétiques constituent des thématiques marquées par un horizon prédictif au-delà duquel on ne peut rien dire en l’état des connaissances scientifiques. En effet, soit on est en présence de technologies émergentes dont on ne sait pas grand-chose précisément parce qu’elles émergent comme le furent le train à vapeur ou la pilule contraceptive en leur temps. Soit on a affaire à des technologies stabilisées, qui ne sont pas plus dangereuses que la moyenne mais dont on ne peut rien dire sur la longue durée car, par définition, rien ne peut être anticipé sur le long terme. Ces thématiques sont bien différentes des situations dans lesquelles les risques techniques sont connus et qui peuvent nécessiter des concertations élargies aux communautés concernées afin de s’en prémunir (exemple de l’amiante). Appliquée aux situations d’incertitude technique, la critique est double et porte sur les types de questions que le sondeur détermine et sur les effets performatifs de ce type d’enquête. Premièrement, il s’agit de montrer que les questionnements liés à la perception des risques ne relèvent pas de cet outil qui s’avère inutile et inadapté pour évaluer l’état de l’opinion. Deuxièmement et indépendamment de son utilité, cette mesure de l’opinion n’est pas dénuée de conséquences sur un plan politique.

Discuter de la connaissance fiable de l’opinion publique et de l’outil adapté à sa mesure n’est pas uniquement un enjeu savant. En effet, les données de l’opinion sont des indicateurs susceptibles d’être mobilisés dans la prise de décision politique. Aussi, une attention excessive aux indicateurs de confiance retentit également sur la culture institutionnelle des choix scientifiques et technologiques. Le fait que certaines technologies soient décodées comme menaçantes ex-ante encourage les décideurs à promouvoir l’engagement des citoyens dans les délibérations afin de restaurer une proximité politique et une relation de confiance. Il y a là un biais cognitif énorme à vouloir établir un lien entre la mesure de l’état émotionnel d’une opinion et ce que l’on présuppose de son intentionnalité. L’idée que « la population a peur des OGM, donc elle veut intervenir dans sa régulation » est une erreur à la fois logique et sociologique. De nombreux travaux montrent qu’en situation de paix, plutôt qu’être demandeurs de participation, les individus souhaitent se mettre en retrait des affaires publiques.

Brigitte LAQUIEZE

Philosophe, Docteur en Sciences de l’Information et de la communication.

Professeur (ER) de l’enseignement supérieur agronomique et Directrice honoraire de l’Ecole nationale de formation agronomique de Toulouse.

Enseignant-chercheur en Sciences Humaines et Sociales, membre de l’Académie d’Agriculture de France (section 4 – SHS).

Conférencière sur les thèmes :

- Science et Société, notamment acceptabilité sociétale des recherches et découvertes scientifiques et des innovations technologiques, compréhension des controverses

- Science et éthique - Sciences et médiatisation de la science - Evolutions et gestion des transitions sociétales (notamment questions sur l’alimentation)

6ème Colloque AFBV – 27 septembre 2016

Science, expertise et société : de l’esquive à la parade, de la parade à la riposte

29 juin 2016, 107 prix Nobel, de toutes disciplines, signent un appel aux responsables politiques du monde entier et au grand public en faveur de l’autorisation de la culture des PGM et notamment celle du riz doré. Ils demandent que soient pris en compte les résultats de la recherche, validés par les institutions scientifiques et les « agences scientifiques et réglementaires ».

Cette initiative inédite appelle plusieurs commentaires. Nombre d’entre eux ne sont ni biologistes ni médecins. Cette prise de position ne relève ni de leur discipline, ni de leur champ d’expertise. Il s’agit donc, in fine, moins de prendre parti en faveur de l’utilisation des OGM que de réagir vigoureusement, avec leur statut de scientifiques reconnus, aux attaques incessantes que le monde de la recherche, notamment celui de la génétique, de la biologie et des biotechnologies, subit depuis 25 ans. Il s’agit de s’insurger contre le dogmatisme et les discours « anti-scientifiques », d’en signaler le danger et l’irresponsabilité.

Pour la première fois sous cette forme, c’est une contre-attaque orchestrée et « offensive » du monde de la recherche, une affirmation de la validité de ses résultats, de la rigueur de ses méthodes. C’est une « riposte », pour prendre le vocabulaire de l’escrime. Pendant des années, des décennies d’agressions, d’accusations, de suspicion systématique, au nom de croyances ou d’idéologies face auxquelles les chercheurs de bonne foi se trouvaient désemparés, il a été préféré d’abord « l’esquive » et l’idée de vivre heureux en vivant caché. Puis est venu le temps de la « parade ». Les institutions se sont organisées, au niveau local, national, international, ont travaillé sur des chartes de déontologie, ont initié des débats avec les opposants, ont tenté de prendre en compte l’expertise citoyenne, ont créé des comités d’éthique, ont fait des communiqués communs, interdisciplinaires, inter-académiques….

Le temps est venu de quitter la position défensive, de répondre à l’attaque des détracteurs, de passer de la parade à la riposte. Cet appel de personnalités prestigieuses, pour réconfortant qu’il soit, ne suffira probablement pas à convaincre du bien-fondé, de l’intérêt, des bénéfices pour l’humanité des organismes améliorés par les biotechnologies, mais le changement de posture est décisif.

Nos sociétés vivent à l’ère du grand soupçon, suspicion générale qui touche tout autant les personnalités politiques, les chercheurs, les « élites » ; ère des amalgames, des raccourcis et des théories du complot, « on ne nous dit pas tout », « tous pourris, tous vendus, tous menteurs… »… Les controverses scientifiques ou philosophiques deviennent difficiles parce qu’immédiatement exploitées, plus de place pour l’erreur salutaire, encore moins pour « l’esprit critique » compagnon indissociable de l’ « enthousiasme » du chercheur selon Louis Pasteur. C’est le temps de l’immédiat et de l’emballement médiatique. Le débat a fait place au combat et la science ne s’était pas armée pour cela.

Par ailleurs, la société, pas toujours « civile », a besoin au quotidien de réponses rapides, pragmatiques, d’avis, de conseils, d’aides éclairées pour décider et pour agir. Pour cela, au lieu de se tourner vers un monde scientifique, trop lent à donner des réponses définitives, trop divisé aussi, les institutions et les medias préfèrent solliciter à outrance, quitte à la dévoyer, l’expertise.

L’expertise se fondait traditionnellement, sur des normes, sur la vérification de conformité, sur la connaissance du sujet et l’expérience de l’expert (béni soit mon plombier !). Elle se traduisait dans un rapport, un avis, un conseil circonstanciés. Elle est aujourd’hui sollicitée à toute occasion, se confond dans l’esprit du public avec l’expérience, voire avec le simple témoignage, pour ne pas dire avec le micro-trottoir. Discours non-étayés, affirmations sans preuve, points de vue non référencés, les experts défilent dans les médias, toutes les paroles ont le même poids, le même statut, pas de hiérarchisation au nom d’une égalité de valeur qui confond la valeur des personnes avec celle de leurs connaissances et de leurs discours.

Le temps est donc peut-être venu d’un changement de stratégie des savants, des saints et des sages, au nom de la vérité, au nom de la morale, au nom de la raison, au nom de l’intérêt commun, au nom du bien public, avec toute la force et toute l’intelligence des hommes de bonne volonté, chercheurs, experts et citoyens.

Cela concernera l’éducation, les médias, les décideurs. Cela demandera combativité, patience et courage.