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INNOVATION / DISRUPTION : RISQUE OU OPPORTUNITÉ POUR LE SECTEUR DE L’ASSURANCE

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INNOVATION / DISRUPTION : RISQUE OU OPPORTUNITÉ

POUR LE SECTEUR DE L’ASSURANCE

A propos d’Eurogroup Consulting

Créé en 1982, Eurogroup Consulting est un cabinet de conseil indépendant d’essence européenne, spécialiste en stratégie, management et organisation.

Il s’est imposé comme un acteur majeur du monde du conseil auprès des compagnies d’assurances, des bancassureurs, des mutuelles d’assurances, des mutuelles 45, des institutions de prévoyance, des grands cabinets de courtage et des fédérations professionnelles.

Fort de ses 300 consultants en France, il intervient sur des projets de transformation digitale, d’amélioration de la qualité de service, d’excellence opérationnelle, de performance managériale et d’adaptation aux évolutions réglementaires.

L’accompagnement de ses clients s’appuie également sur les expériences partagées de son réseau international, au travers de ses missions auprès des compagnies étrangères.

Eurogroup Consulting est à l’initiative de NextContinent, premier réseau international de cabinets de conseil indépendants présents dans 29 pays et 34 bureaux avec 1 100 consultants en Europe, Amérique Latine, Amérique du Nord, Afrique, Moyen Orient et Asie.

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SOMMAIRE

Préface ..................................................................................................... 5Maxime LETRIBOTAssocié, Eurogroup Consulting

L’uberisation de l’assurance est pour demain ........................... 9Adrien COURETDirecteur général délégué en charge de la stratégie, de la performance et des risques, Macif

Pour se réinventer, l’assurance doit prendre des risques ... 27Stéphane DEDEYANDirecteur général délégué, Generali France ; Président de la Commission Assurances de personnes, Fédération Française de l ’Assurance (FFA)

Le digital, vecteur majeur d’innovation dans l’assurance 41Jean-François LEQUOYMembre du Comité de direction générale ; Directeur du pôle Assurances, Natixis

Les innovations perpétuelles de l’assurance française ...... 51Laurent OUAZANAPrésident, CIPRÉS Assurances

La disruption par l’usage et le rôle de la technologie dans l’émergence d’un nouveau modèle d’assurance ....................... 67Raphaël RIVIÈREExpert Digital ; Chef de cabinet du directeur général adjoint, Google FrancePhilippe VINCENSDirecteur du pôle Finance, Google France

Penser et réussir l’assurance de notre temps ............................. 83Magaly SIMÉONMembre du Comex en charge des activités protection sociale et services, CNP Assurances

Biographies .......................................................................................... 103

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PRÉFACE

Maxime LETRIBOTAssocié, Eurogroup Consulting

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La disruption est un terme à la mode dans la bouche ou sous la plume des journalistes, glissé bien souvent par les consultants ou autres acteurs du marché qui ont trouvé ici une nouvelle vague sur laquelle surfer. L’émergence et la « surexploitation » de ce mot traduisent toutefois un questionnement des acteurs du secteur sur l’évolution du business model de l’assurance face à des transformations technologiques et comportementales toujours plus impactantes.

Une fois de plus, dans cette collection, Eurogroup Consulting s’attache à recueillir les voix de dirigeants du secteur et de ceux qui s’y intéressent, pour qu’ils livrent et développent dans ces pages leur point de vue argumenté concernant ce risque (ou cette opportunité) de disruption du secteur de l’assurance.

Au-delà de la disruption du secteur, nous avons aussi souhaité comprendre comment les acteurs abordent aujourd’hui l’innovation. Quelle stratégie, quels territoires, quel management  ? Autant de questions qui challengent les acteurs traditionnels du secteur sur leur agilité et leur capacité à mouvoir leurs organisations dans un marché où les mutations s’accélèrent.

Innovations, disruptions, l’assurance française en a déjà connu de nombreuses au cours des dernières décennies. Le développement des mutuelles d’assurances dans les années 1960, l’arrivée des bancassureurs depuis les années 1980 ont été, parmi d’autres, des sources de bouleversement d’un secteur qui a finalement toujours su s’adapter. L’assurance est probablement l’un des secteurs les plus en prise avec l’évolution de la société puisqu’il touche quasiment tous les sujets (la mobilité, le logement, la santé, l’épargne, la retraite…). Jusqu’ici, elle a toujours su

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renouveler ses approches et ses modèles, adapter ses offres aux évolutions sociétales, des réglementations qui les régissent à l’évolution des business models des sous-jacents couverts. La période actuelle voit la quasi-totalité de ces domaines requestionnés en même temps, traversés par la révolution digitale ; les acteurs de l’assurance sauront-ils encore s’adapter ? Et surtout, s’adapter avant que d’autres ne se positionnent ?

Certains diront que l’ultraréglementation du secteur est une barrière à l’entrée. Pourtant, ce serait oublier que c’est l’assurance automobile obligatoire qui a permis l’arrivée des mutuelles d’assurance ou, plus récemment, l’Obamacare qui a rendu le terrain fertile à la naissance d’Oscar aux États-Unis.

Les nouvelles capacités de gestion de la data, la blockchain ou encore la robotisation, figurent parmi les avancées technologiques qui vont révolutionner notre quotidien de demain en tant que citoyen. Cela aura un impact sur l’assurance. Les acteurs actuels seront-ils capables d’intégrer ces évolutions avant que d’autres ne proposent les solutions qui y répondront ?

Auront-ils le temps, l’agilité et les compétences ? Concernant ce dernier point, par exemple, les grands groupes (tous secteurs d’activité confondus) avouent souvent avoir du mal à recruter des profils experts sur ces sujets et technologies, ces derniers préférant intégrer des start-ups ou des structures plus agiles.

Toutes ces questions sont abordées dans ce livre par des dirigeants qui partagent avec nous leurs idées, points de vue et vision. Je les remercie à nouveau très chaleureusement de s’être prêtés au jeu et je suis certain que vous prendrez autant de plaisir à les découvrir que j’en ai eu à discuter avec eux en préparant ce recueil.

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L’UBERISATION DE L’ASSURANCE EST POUR DEMAIN

Adrien COURETDirecteur général délégué en charge de la stratégie, de la performance et des risques, Macif

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C’est un fait  : l’uberisation appartient désormais au langage courant. Au-delà du réflexe journalistique qui n’aime rien tant que les néologismes flous, qui sait si la révolution digitale n’a pas enfin trouvé son nom de baptême ? Jusqu’à présent, Internet s’est développé comme une extension complémentaire de la vie réelle : complémentaire de l’économie traditionnelle avec le e-commerce ou la publicité en ligne ; complémentaire de la « vraie vie » sociale avec les réseaux sociaux et le Web 2.0. Par les phénomènes d’uberisation que l’on voit poindre puis se développer à grande vitesse depuis trois ans, c’est la synthèse de cet ensemble qui est en train de se jouer ; l’émergence de modèles économiques qui ne sont plus de seuls compléments aux modèles préexistants, mais qui visent bien à s’y substituer.

Circuit court et court-circuitBien que le terme serve aujourd’hui à qualifier des phénomènes variables dans des secteurs eux-mêmes très différents, deux caractéristiques communes singularisent fondamentalement les mouvements d’uberisation : la logique du circuit court et la logique du court-circuit.Le circuit court, c’est la rencontre des changements d’usages et du pouvoir démultiplicateur des nouvelles technologies  : les plateformes digitales qui catalysent les comportements de share, l’intelligence artificielle (assise sur la robotisation et le big data) qui assouvit le besoin cumulé, autrefois incompatible, de personnalisation et d’immédiateté.Le court-circuit, c’est la dynamique de développement de ces nouveaux business : au lieu de créer leur marché en suscitant des besoins inédits, ils s’implantent sur des secteurs existants et taillent des croupières aux acteurs installés soit en les prenant

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de vitesse, soit en les intermédiant, dans tous les cas en les ringardisant. C’est pour cela que l’uberisation se reconnaît aussi à ses victimes et à leurs protestations : taxis déroutés par Uber, TGV dépassés par BlaBlaCar, hôtellerie siphonnée par Airbnb, maisons d’édition remplacées par Amazon… Nous voilà bien en pleine « destruction créatrice », et la brutalité de ces bascules est admise comme une évidence en première page du tout récent Observatoire de l’uberisation  : «  Uberisation (n.  f.)  : changement rapide des rapports de force grâce au numérique ». Une définition qui relève presque du manifeste politique.

Et le secteur de l’assurance, dans cette perspective  ? Ledit Observatoire n’en fait pas même mention, réservant plutôt ses exemples au secteur bancaire, crowdfunding et peer-to-peer lending en tête. Nous autres assureurs bénéficierions-nous d’une position si particulièrement préservée  ? Il s’agit ici de se convaincre du contraire. En effet, sans être aujourd’hui particulièrement touché, le secteur de l’assurance est mûr pour l’uberisation, car d’une part  la position stratégique des assureurs est prenable et d’autre part les « uberisateurs » sont déjà là. Aux assureurs d’anticiper la vague qui vient, et nous verrons avec quelles convictions le groupe Macif, l’un des leaders français de l’assurance des particuliers et mutuelle de premier plan, compte s’y mesurer.

1. La position stratégique des assureurs est prenable

Certains secteurs se prêtent mieux que d’autres à l’uberisation. C’est en particulier le cas de ceux dont l’expérience client, ou plus prosaïquement le rapport qualité/prix, sont jugés décevants (on peut citer à nouveau l’exemple des taxis ou de

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l’hôtellerie parisienne) ; mais la situation se présente aussi pour des secteurs jugés opaques dans leur fonctionnement, et donc dans leur partage de valeur, justifiant l’ouverture de la « boîte noire  » par des modèles directs jugés plus éthiques et plus transparents (par exemple, la banque de détail).

1.1. Le secteur de l’assurance peut avoir l’impression d’être à l’abri

Sur cette base, le secteur de l’assurance pourrait s’estimer mieux protégé que d’autres. Au-delà du poncif « assureur voleur », l’expérience client proposée par le marché français –  en particulier pour les acteurs mutualistes – est de bon niveau ; l’image institutionnelle des assureurs, comparativement à celle des banques, est satisfaisante. La première année de « test client » sous le régime de la loi Hamon, avec des impacts somme toute limités sur les taux de résiliation, semble l’attester.

S’ajoutent à cela deux autres protections fréquemment citées. Celle du prix, les primes d’assurance dommages françaises figurant parmi les plus basses d’Europe, notamment du fait de l’intensité concurrentielle élevée. Celle de la réglementation – exigences prudentielles, conformité... On ne pénètre pas si aisément le secteur de l’assurance française.

1.2. Des assureurs mal positionnés à l’heure du « tout client »

Pour autant, il existe une fragilité fondamentale pour les assureurs, que le digital et la généralisation de l’approche client vont rendre encore plus évidente et risquent de dramatiquement accentuer. Cette fragilité se situe dans le modèle relationnel des assureurs, qui est un modèle de relation discontinu, à contretemps de l’usage, et généralement passif.

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La discontinuité de la relation d’assurance tient essentiellement à la nature de la prestation qui est aléatoire et ponctuelle. Elle génère une faiblesse naturelle du nombre d’interactions entre l’assureur et l’assuré, concentrée sur l’équipement en contrats et la gestion des sinistres. Quand tout va bien, on ne pense pas à son assureur et à la protection pourtant essentielle qu’il délivre. Or, dans un monde de plus en plus connecté, le temps relationnel que l’on n’occupe pas risque toujours d’être pris par un autre, et à dessein.

Le contretemps de la relation d’assurance provient de la position aval de l’assurance dans la chaîne de consommation. Dans l’ordre des choses, on se soucie d’abord de trouver un bien, puis de le financer, avant de réellement se préoccuper de l’assurance. L’assureur est alors en position de subir à deux niveaux  : sur la prescription d’assurance, remontant aux producteurs de biens, aux financeurs, ou de plus en plus demain aux fournisseurs d’usages ; sur l’évolution même de la nature des risques portés par les biens ou les usages, comme le laissent présager l’émergence puis la diffusion programmée des véhicules autonomes dans le parc automobile, lourde d’impacts pour l’assurance.

Enfin, la «  passivité  » dans la relation d’assurance. Celle-ci est liée à la nature même du produit, et joue tant du point de vue de l’assuré que de l’assureur. L’assuré se protège davantage par obligation que par plaisir. L’assureur souhaite que ses interventions soient aussi peu fréquentes que possible. Comment créer alors les termes d’une expérience client positive ?

Ces trois fragilités du modèle relationnel des assureurs sont loin d’être nouvelles. On peut regretter, a posteriori, que le

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secteur dans son ensemble n’ait pas réussi à trouver les recettes structurelles pour les compenser, soit en densifiant la relation par davantage de services, soit en remontant la chaîne de consommation par des partenariats. Sans doute était-ce difficile à réaliser  ; sans doute l’aiguillon de la concurrence n’était-il pas assez fort. Depuis vingt ans, les assureurs sont donc restés pour l’essentiel des assureurs et, s’ils ont vu quelques nouveaux entrants échouer (grande distribution, constructeurs automobiles), ils se sont déjà fait court-circuiter, lentement mais sûrement, par le secteur bancaire, désormais solidement implanté sur leurs terres. Et tout cela, avant l’arrivée des « nouveaux barbares ».

2. Les uberisateurs sont déjà dans la place

Aborder les facteurs de rupture dans un secteur aussi solidement installé sur ses bases que l’assurance expose à un risque et à une critique potentiels : celui de verser dans le sensationnalisme, grossissant les causes et les effets. Alors, comment s’assurer que l’on ne crie pas au loup ?

2.1. Trois mouvements de fond qui convergent

S’il n’y a jamais de certitudes réellement acquises, la convergence de trois mouvements de fond rend tout à fait crédible le développement d’une « uberisation » de l’assurance :

– Un mouvement de fond sociétal, porté par les jeunes générations et certaines catégories sociales, bouleversant les codes de la consommation de biens et de services : plus vite, moins cher, moins intermédié, en marge des grandes entreprises traditionnelles ;

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– Un mouvement de fond technologique, qui rend possibles ces nouveaux modes de consommation par la mise à disposition de plateformes d’échanges, d’algorithmes de personnalisation, d’automatisation de services ;

– Un mouvement de fond financier, qui nourrit le développement de ces technologies et des modèles d’affaires associés : deux tiers des start-ups aujourd’hui valorisées à plus d’un milliard de dollars n’existaient pas il y a cinq ans.

En ce qui concerne l’assurance, ces trois tendances se manifestent par le foisonnement exceptionnel des FinTech et des InsurTech, c’est-à-dire des sociétés portant une innovation dans les modèles d’activité du secteur des services financiers et de l’assurance. À titre d’illustration, le nombre d’opérations financières visant le développement des InsurTech a été multiplié par dix en trois ans ! Mais au-delà des chiffres, le plus intéressant est d’essayer d’anticiper au travers de ce panorama de sociétés innovantes l’exercice du métier d’assureur de demain.

2.2. Vers un éclatement de la chaîne de valeur traditionnelle de l’assurance ?

En effet, en projetant les innovations portées par les FinTech et les InsurTech vers un certain niveau de maturité, on parvient à imaginer que les maillons de la chaîne de valeur aujourd’hui fortement intégrés chez les assureurs seront demain chacun concurrencés par des propositions nouvelles, potentiellement plus performantes, prêtes à être externalisées.

Commençons par la prescription. Aujourd’hui, le réflexe répandu d’un consommateur souhaitant s’assurer est de se

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tourner logiquement vers un assureur, avec une forte prégnance de la communication de masse et du bouche-à-oreille. Mais demain ? Avec le développement des plateformes numériques de mise en relation autour des usages ou des communautés, mais aussi avec la révolution technologique à venir de l’hyperconnectivité, voire de l’autonomisation des biens (véhicules, maison…), c’est toute une nouvelle économie de la prescription qui devrait prendre son essor : assurance de l’usage, assurance personnalisée, assurance communautaire, assurance localisée… Un modèle à rebours de la consommation de masse sur laquelle la distribution et le marketing des assureurs sont globalement assis.

L’avantage concurrentiel dont bénéficient aussi les assureurs traditionnels en matière d’évaluation des risques, avec leurs bases de données propriétaires, stables et profondes, risque fort d’être battu en brèche par la captation de multiples données nouvelles de comportements qui se cachent sous le terme générique de big data. Par ce biais, les anomalies tarifaires générées par les modèles standards (bons risques mal tarifés et inversement) vont se révéler et rompre l’équilibre établi des courbes de mutualisation. Demain, plus besoin d’être un assureur pour proposer un niveau de prix et de protection adéquat au risque.

Venons-en enfin aux opérations de production, de gestion et d’indemnisation réalisées par les assureurs, et qui sont bien souvent la seule traduction concrète du service perçu par les clients. La très grande majorité de ces opérations comprend aujourd’hui des actes simples, déjà soumis à deux tendances de fond  : la diminution régulière du nombre de sinistres, qui provoque une diminution du nombre de dossiers et la

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digitalisation des opérations, qui réduit de fait l’intervention humaine dans les traitements.

Émergent aujourd’hui parmi les FinTech et les InsurTech des sociétés innovantes qui, en combinant le potentiel prédictif du big data et la capacité de gestion du digital, constituent des intelligences artificielles apprenantes, capables de gérer avec efficacité, rapidité et qualité une grande partie des opérations non complexes dont s’occupent aujourd’hui les assureurs. Et qui déterminera ces modèles définira en grande partie les nouveaux standards de l’expérience client.

Par ces développements externes, les assureurs voient potentiellement leur légitimité concurrencée à trois niveaux : légitimité d’apporteurs de solutions assurantielles, légitimité de spécialistes du risque, légitimité d’opérateurs. Forçant le trait – ce n’est jamais inutile en prospective – on pourrait se prendre à anticiper une évolution des assureurs, progressivement court-circuités sur leur chaîne de valeur par ces nouveaux opérateurs innovants, pour ne conserver que la partie la plus technique et financière de leur métier : le portage du risque.

Scénario de science-fiction  ? En tout cas l’un des chemins possibles pour le secteur, et qu’il revient d’abord aux assureurs d’éviter.

3.  L’innovation collective pour dépasser l’uberisation  : les convictions du groupe Macif

Ce qui se joue ces prochaines années, c’est le devenir d’un secteur de l’assurance qui soit autonome  : autonome vis-à-vis des nouveaux producteurs de technologie, des nouveaux producteurs de données et des financeurs qui les

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soutiendront. Pour un groupe mutualiste comme la Macif, cette autonomie économique est indissociable d’un projet éthique et social : l’idée que l’assurance est l’expression d’une solidarité et la condition de l’émancipation d’une population au travers d’offres transparentes, d’un traitement équitable, d’une relation bienveillante  ; l’idée que la forme mutualiste d’entreprise offre les conditions propices à la préservation de l’intérêt des assurés.Toutefois, la condition première de cette autonomie, c’est de prendre au sérieux les évolutions en cours et le risque d’uberisation qu’elles contiennent, et de ne pas nier l’indispensable adaptation des modèles existants. Il s’agit d’un défi incroyablement stimulant et, avant tout, d’une exhortation, pour un acteur français de premier plan comme le groupe Macif, à repenser sa stratégie sous l’angle de l’innovation et de la différenciation.

3.1. D’abord, se penser comme un uberisateurPourquoi la nouveauté serait-elle l’apanage des nouveaux entrants  ? La promesse client proposée par les uberisateurs, à bien y réfléchir, n’a rien de révolutionnaire en tant que tel. Leur grande force est de mettre l’innovation technologique au service de cette promesse, avec une rapidité d’exécution affranchie des pesanteurs de groupes plus grands et plus anciens – et des financements rapides permis par les marchés de capitaux.À sa création en 1960, le groupe Macif a été à sa façon un uberisateur. En utilisant le plein potentiel d’une mutuelle sans intermédiaire à l’époque des réseaux d’agents commissionnés, en imposant une construction technique des tarifs différenciée

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selon le risque, Jacques Vandier a alors secoué le marché de l’assurance automobile par des primes jusqu’à 50  % moins chères que celles des concurrents installés. Puis, par la création du constat amiable et l’automatisation des flux conventionnels en cas de sinistres au travers de Darva, il a généralisé une innovation bénéfique à tous, assurés comme assureurs, et qui perdure jusqu’à aujourd’hui.Devenu, plus de 50  ans après, l’un des premiers groupes mutualistes français, le groupe Macif présente des atouts indéniables à valoriser dans l’émergence des nouveaux modèles de service.Premier atout  : à l’heure de l’économie des plateformes, le groupe Macif en est lui-même déjà une. Plateforme de 5,2 millions de sociétaires et clients qui s’assurent entre eux, prescrivent les meilleurs garages, réparateurs, professionnels de santé vers qui s’adresser en cas de problème, mettent en commun leur capacité de négociation pour obtenir des avantages en tant que consommateurs (au travers de Macif Avantages et Services)  ; plateforme de 2  000  délégués de terrain et d’une multitude d’associations partenaires qui déploient chaque année plusieurs milliers d’actions de solidarité, d’actions sociales et de prévention, sur tout le territoire ; plateforme de 10 000 collaborateurs à l’expertise reconnue, fidèles à l’entreprise et soucieux de l’excellente relation client qui fait la marque de fabrique du Groupe.Cette dimension presque native de plateforme, le groupe Macif l’a développée simplement en lien avec ses valeurs et sans préméditation de la belle résonnance qu’elle trouve aujourd’hui avec les nouveaux modes de consommation et d’usage. Elle lui ouvre désormais un champ d’intervention

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plus large dans la vie des sociétaires, en s’appuyant sur son second atout : une image de confiance qui fonde une très forte légitimité à proposer des services d’accompagnement et, plus encore, à devenir le « compagnon de vie » de ses clients.

L’économie de « l’uberisation » est par nature immatérielle ; elle repose sur une facilité d’usage digitale et des services pour la plupart évalués à chaud, par des systèmes de notation sociale – autrement dit « de réputation ». Le socle de cette économie, c’est la confiance – confiance dans les conducteurs proposés par BlaBlaCar pour le covoiturage, par exemple. Régulièrement reconnu comme l’assureur préféré des Français ou comme l’assureur qui génère le plus de confiance, le groupe Macif est à cet égard notoirement bien positionné, sans doute plus que tout autre, pour proposer, directement ou indirectement, de nouveaux services proches de son cœur de métier de protection et de prévention. Sur cette base, un futur possible consiste alors à évoluer d’une marque identifiée comme assurance à une marque assimilée plus largement à un usage, en continu : usage Macif en situation de conduite, usage Macif dans la continuité de la vie à domicile, usage Macif pour devenir autonome aux différents âges de l’existence. La Macif n’est certes pas le seul assureur à aspirer à un tel positionnement, mais sa dimension éthique, lorsqu’il s’agit de rentrer davantage dans l’intimité des gens, parfois même avec l’appui un peu déroutant de la technologie, la distingue plus que tout autre. L’assurance de l’usage, qui a beau constituer un vrai business émergent, n’est au fond qu’un réflexe de survie face aux mouvements d’uberisation ; la vraie adaptation, la vraie assimilation, c’est de devenir soi-même un usage.

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3.2. Devenir l’intégrateur d’un écosystème

Ne pas laisser cette belle intention lettre morte appelle toutefois quelques prérequis : une évolution significative de l’interface relationnelle – vers plus de continuité et d’interactivité – et un fond de services suffisamment malins dans leur construction, cohérents dans l’offre qu’ils composent et surtout suffisamment utiles pour sortir de l’embouteillage que rencontrent déjà la boîte à lettres et l’Apple Store du consommateur français lambda.

Aucun assureur ne peut aujourd’hui sérieusement vouloir développer ces prérequis par lui-même – question de rapidité de mise en marché, de mobilisation de compétences nouvelles, d’incertitudes technologiques, de systèmes internes pas forcément adaptés. Se posent la question de l’acquisition à l’externe (start-ups, prestataires) de ces composantes nouvelles de l’activité et, quasi simultanément, celle de la nouvelle chaîne de valeur de l’assureur. Partant de ce point de vue, deux grandes options de place commencent schématiquement à se dessiner.

La première, privilégiant la rapidité de la mise en marché de nouveaux services, le développement régulier et somme toute assez quantitatif de partenariats commerciaux où la « vieille marque » se rajeunit au contact d’une plus récente, vise d’abord un objectif de communication interne et de communication externe corporate, qu’il ne faut pas négliger  : après tout, un repositionnement stratégique se construit aussi avec ce genre de choses. Achats de prestations, conventions partenariales légères, prises de participations assez minoritaires  sont les supports de cette stratégie Canada Dry d’open innovation qui

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aboutit certes à la constitution d’un écosystème de partenaires étendu, rapidement visible, mais somme toute assez peu intégré. Passée l’écume des annonces, quel résultat concrètement obtenu sur la profondeur de la relation ou bien sur l’évolution du cœur de réacteur assurantiel ? Le temps le dira.

La seconde option, on l’aura compris, prend le parti inverse : la valeur ne se crée pas dans le nombre de start-ups accrochées au tableau de chasse, ni dans la sensation médiatique qui en découle, mais dans la constitution d’une véritable interface d’intégration entre l’assureur et la société innovante. Car les deux mondes sont tout sauf naturellement compatibles, et les greffes avortées que l’on observe déjà dans le secteur ont des causes enracinées dans des modes de fonctionnement radicalement différents  : rapport au temps, à la prise de décision, à la prise de risque, au degré de complexité toléré par les organisations. Dépasser ces obstacles nécessite donc de créer les conditions d’un partenariat durable et intégré entre l’institution et la start-up  : engagement réciproque des dirigeants, dialogue stratégique sur le chemin commun, espaces d’expérimentation dédiés, souplesse informatique et budgétaire et, enfin, contractualisation qui lie le sort des personnes et des sociétés avec des avantages respectifs. Ainsi, toute start-up d’un écosystème assurantiel intégré a vocation à se développer dans un premier temps comme laboratoire de sa société partenaire, puis comme composante à part entière de sa chaîne de valeur. C’est à ce modèle que croit davantage le groupe Macif – même s’il n’est pas exclusif –, dans la mesure où c’est celui qui permet le mieux au modèle industriel et relationnel d’évoluer dans une approche spécifique à sa stratégie, et donc au maintien de sa différenciation.

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3.3. Il n’y a pas d’idée géniale : tout part du client

L’adaptation des assureurs à l’uberisation passe donc par l’innovation, belle évidence. Mais comment y parvenir ? La tentation, devant les formes, digitales, techniques, calculatoires des modèles d’affaires de l’uberisation, serait d’aborder le sujet de façon essentiellement technologique, en espérant tomber sur une pépite avant-gardiste ou une future licorne. Or, dans l’idée qu’un groupe mutualiste comme la Macif se fait de l’innovation, celle-ci est avant tout humaine, managériale et culturelle. Ce sont ces lignes qui dans la mise en œuvre d’une dynamique interne d’innovation doivent prédominer.

Dans une mutuelle, l’innovation est avant tout humaine, parce qu’elle part des observations des pratiques réelles  : le besoin doit susciter l’offre et non l’inverse. La création de valeur est d’abord destinée aux sociétaires actuels ou futurs, et à ceux qui les servent. Dès lors, les situations d’insatisfaction ou d’irritation que ceux-ci rencontrent sont la première source d’une amélioration à mettre en œuvre, et potentiellement d’innovations à rechercher. Dispositifs d’écoute des clients ou des utilisateurs, sélection des situations vécues sur lesquelles travailler, mobilisation transverse de toutes les créativités internes  : l’innovation dans laquelle nous croyons s’initie davantage en mobilisant l’intelligence collective que des bureaux d’étude. Elle part du principe que le bottom-up nourrit le top-down dans cet ordre, et sans chercher à s’y substituer.

Pour autant, cet équilibre ne s’atteint pas spontanément. La taille significative des assureurs bien installés sur leur marché, leur organisation spécialisée, filialisée, voire compartimentée, créent des contraintes à la mobilisation de l’intelligence

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collective au service du client. Sur un plan managérial comme sur un plan culturel, sortir du cadre, oser s’aventurer au-delà de son périmètre ou de sa fonction suppose un réel effort, alors qu’il s’agit pourtant d’un vecteur d’engagement, d’acquisition de compétences, d’épanouissement au travail. Il faut donc impulser, selon une volonté qui part du haut de l’entreprise, une véritable politique d’intrapreneuriat qui valorise les changements de comportement et leur donne le moyen de s’exprimer, selon trois principes :

– La participation : quel que soit son métier ou sa compétence d’origine, chacun doit pouvoir contribuer à s’associer aux temps de créativité et de projet qui correspondent à la stratégie et à la capacité de l’entreprise ;

– La souplesse : l’entreprise prévoit des conditions facilitantes de projets d’expérimentation internes, et les suit étroitement dans une double approche de coaching et d’étapes de validation, pour garantir un résultat final favorable au client et généralisable en interne ;

– L’envie : il y a du dépassement de soi chez toute personne qui innove, et cette attitude positive sur un plan individuel comme sur un plan collectif doit être reconnue et fêtée  ! C’est aussi le sens de performances spectaculaires comme les hackathons, qui célèbrent dans une autre forme la joie de travailler ensemble, et d’accomplir autrement le dessein de l’entreprise.

Conclusion

L’uberisation de l’assurance est pour demain, mais il n’est pas question pour les assureurs de se laisser marginaliser par leurs

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faiblesses relationnelles bien connues. Pour autant, il n’y aura probablement pas de stratégie générique d’adaptation, car chacun n’a pas les mêmes atouts à faire valoir ni les mêmes objectifs à atteindre. Pour le groupe Macif, les tendances technologiques et sociétales à l’œuvre derrière les mouvements d’uberisation sont autant d’occasions de valoriser et concrétiser sa différence singulière d’assureur mutualiste : une confiance perçue qui légitime d’accompagner plus intimement ses sociétaires, y compris par l’appui plus prégnant de la technologie ; un rapport au temps et au profit qui le dispose à travailler en partenariat intégré et durable avec des sociétés innovantes  ; une compétence et une intelligence collective à mobiliser vers une créativité au service des clients.

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POUR SE RÉINVENTER, L’ASSURANCE DOIT PRENDRE DES RISQUES

Stéphane DEDEYANDirecteur général délégué, Generali France ; Président de la Commission Assurances de personnes, Fédération Française de l ’Assurance (FFA)

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«  Séisme dans l’assurance  », titrait Le Monde avant l’été. Le mot n’est pas trop fort pour traduire les défis que notre métier doit relever. Mais aussi les opportunités qui s’offrent à lui, s’il ouvre en grand ses fenêtres à l’innovation. L’assurance affronte deux révolutions en une. La première, commune à toutes les entreprises, est la révolution digitale. La couverture des risques est une activité de services, fondée sur l’échange d’informations, qui n’est protégée par aucune barrière physique. Elle est donc encore plus vulnérable à la désintermédiation numérique. La seconde révolution, spécifique, est la réforme Solvabilité II. Combinées à des taux d’intérêt durablement bas, ces règles prudentielles imposent aux compagnies un pilotage plus subtil de leur capital et de leur activité. Ces deux révolutions se fondent en une seule : la révolution client. Celle-ci affecte bien plus que la relation commerciale traditionnelle (tarifs, distribution, sinistres…) ou la protection du consommateur (objet des attentions répétées du législateur). Elle oblige à réinventer les modèles économiques, les organisations et les comportements. Et elle invite dirigeants et managers à des remises en question radicales, mais passionnantes.

La transformation qui nous attend débute par un examen de conscience. L’assurance remplit ses missions avec professionnalisme. Mais sa culture ne la préparait pas à la révolution qu’elle doit réaliser dans son rapport avec ses clients. Approche exagérément technique ou paresse excessive ? Les compagnies, jusqu’à une date récente, entretenaient très peu de relations directes avec leurs assurés, préférant s’abriter derrière leurs réseaux de distribution. À ce modèle très intermédié s’ajoute un déficit paradoxal. Les assureurs souffrent d’une

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image dégradée alors qu’ils ont en charge la responsabilité la plus noble  : la protection des biens et des personnes (famille, santé, patrimoine…). Troisième difficulté, celle-là à la limite de l’infirmité  : la technique et le juridique dictent leur loi, organisant les compagnies par branches verticales (auto, MRH, emprunteur, retraite...), ce qui conduit à isoler les besoins des clients les uns des autres et ne permet pas toujours de les traiter comme ils le mériteraient. Au mieux, les meilleurs du métier offrent une excellente relation contrat (souscription aisée, gestion fluide, traitement des sinistres exemplaire). Mais cela ne suffit plus  : la relation client que nous devons réinventer sera bien plus et bien mieux que cette simple relation contrat.

Cette promesse sonne comme un slogan. En réalité, elle est au centre de la « disruption » que nous avons engagée à Generali France et de cette convergence cruciale qui relie révolution digitale, révolution prudentielle et révolution client. Il ne suffit pas de la proclamer, il faut en démontrer la pertinence. Ce qu’il est aisé de faire de trois manières : par la technique, par le commerce et par l’organisation.

1. Technique : le pilotage par la valeur du client et par le capital remplace le pilotage par la rentabilité du contrat.

Solvabilité II nous impose un théorème implacable  : plus le client est équipé en contrats différents auprès de la même compagnie, plus les risques attachés à sa personne sont diversifiés et moins le montant de capital « consommé » au titre de ces contrats est élevé. La diversification client par client représente une exigence beaucoup plus forte qu’une diversification par activités. Le pilotage par branches de jadis,

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combinant au mieux le couple croissance-rentabilité sur chaque contrat, cède donc la place à un pilotage plus sophistiqué, guidé par deux marqueurs liés : la valeur client, appréhendée comme un tout global, et la consommation de capital.

Changement de perspective complet. Le marqueur « valeur client  » découle de la somme des revenus générés par ses contrats. Mais elle se monétise de bien d’autres façons  : la capacité à fidéliser le client  ; ou bien l’aptitude de celui-ci à recommander la compagnie à son entourage (95  % des nouveaux assurés sont recrutés par ce truchement). Élevé au rang de priorité stratégique, le multi-équipement oblige à concevoir différemment les offres. Par exemple, le all in one, qui rassemble dans une même enveloppe des garanties de natures différentes, sera pour l’assurance ce que le triple play est déjà pour les opérateurs des télécoms.

Le marqueur « consommation de capital » pousse la complexité du pilotage technique encore plus loin, comme l’illustrent deux exemples. Tout d’abord, l’assurance-vie. Jadis, en régime de « capital figé », l’objectif était simple : arbitrer les fonds en unités de comptes contre les fonds euros. Sous l’empire de Solvabilité II, le critère de la volatilité entre en jeu et l’arbitrage se fait entre fonds euros, unités de comptes à faible volatilité, et unités de comptes à forte volatilité. L’assurance dommages, ensuite. Auparavant, il suffisait de calculer la rentabilité moyenne des contrats sur cinq ans. Aujourd’hui, la moyenne ne suffit plus : le coût en capital est fonction de la volatilité de cette rentabilité et oriente à la fois la politique de souscription et la stratégie de réassurance. Mais la technique peut bien dire ce qu’elle veut et Solvabilité  II battre la mesure, sans l’assentiment du client, rien n’est possible !

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2. Commerce : l’échange permanent avec le client remplace le contact ponctuel et désincarné

Comme toutes les activités, l’assurance n’échappe pas à la loi d’airain du digital : la moindre insatisfaction du consommateur est relayée, amplifiée et parfois déformée, et elle abîme l’image de la compagnie. Mais celle-ci subit une double peine, ce qui la distingue de la plupart des autres entreprises. En effet, la couverture en capital du risque de réputation fait partie de l’arsenal de Solvabilité  II  – nouvelle illustration de la convergence entre révolution digitale, révolution prudentielle et révolution client.

Du coup, l’enrichissement de la relation client est primordial. Il ne peut se produire que si la compagnie et l’assuré multiplient les points de contact, tout au long de la vie du contrat, et pas seulement à la souscription ou lors du règlement des sinistres. Le premier objectif de cette relation perlée est d’adapter les garanties à l’évolution des besoins du client, provoquée par les changements de son existence. Adaptation que la révolution digitale facilite autant qu’elle l’impose. Le deuxième objectif, déjà cité, est de faire de l’assuré un promoteur de la marque. Le dernier objectif découle de la manière d’aborder de nouveaux risques  : cyber risques, nanotechnologies (santé), risques climatiques, économie du partage,... En l’absence d’historique statistique ou du fait d’un modèle traditionnel mis à mal (économie du partage), la prévention et l’assistance jouent un rôle croissant pour appréhender ces risques. Ni la prévention ni l’assistance ne datent d’hier. Mais qui ne voit pas que ces deux « bouts de la chaîne » entraînent les compagnies et leurs assurés dans une relation d’une autre nature que le « milieu de la chaîne », la couverture assurantielle classique ? Relation

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de partenariat qui repose, là encore, sur un degré poussé d’intimité et invite à repenser la production, la gestion et la distribution.

3. Organisation : la relation transparente client-distributeur-compagnie remplace la double relation client-distributeur et distributeur-compagnie

Le développement du multi-équipement, justifié par les attentes du consommateur, par les règles de Solvabilité  II et par la nécessité d’optimiser (monétiser) la valeur client, ébranle le modèle de distribution intermédié, dominant dans l’assurance. En effet, sans être totalement monoproduit, les grands réseaux (salariés, agents, courtiers, partenaires) sont spécialisés par garanties (dommage vs épargne) ou par clientèles (particuliers vs entreprises). Le chiffre varie selon les compagnies, mais il ne dépasse pas deux contrats par client en moyenne, ce qui témoigne du potentiel qu’une organisation différente permettrait de développer.

Une solution consisterait à faire de chaque réseau un multispécialiste. Elle n’est ni réaliste  : trop longue, trop coûteuse ! Ni souhaitable : le client veut le meilleur de tout, et ce qu’un distributeur gagnerait en largeur de l’offre, il risquerait de le perdre en profondeur de conseil. La réponse que nous privilégions à Generali France consiste à mettre à la disposition des différents réseaux des plateformes d’expertise et de vente à distance leur permettant d’offrir à leurs clients la totalité de la gamme des produits et services de la compagnie. Chaque distributeur est relié à la plateforme par un interlocuteur dédié, avec qui il partage la responsabilité d’offrir la meilleure expérience-client. Réseaux et plateformes ne sont

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pas concurrents, mais partenaires. L’information circule de manière fluide et transparente. Transparentes également, les règles de partage de la valeur. Le tout garanti par un contrôle-qualité rigoureux.

Une nouvelle fois, la révolution digitale, grâce aux possibilités offertes par le big data, permet d’aller encore plus loin, en faisant du multi-équipement un objectif plus réaliste, et donc accessible aux différents réseaux. L’exemple le plus parlant est l’augmentation du nombre des garanties souscrites auprès d’un professionnel. Il fallait jadis le mitrailler d’une batterie décourageante de questions. Aujourd’hui, le seul numéro Siret, combiné à une base de clients performante et à l’expérience engrangée dans un portefeuille bâti au fil des ans, suffit à renseigner 90 % des données nécessaires.

Au total, à la triple révolution –  digitale, prudentielle, client – répond donc une triple transformation – technique, commerciale, organisationnelle. Mais les compagnies prêtes à relever ces défis, comme l’a fait Generali France, doivent trancher entre deux dilemmes. Le premier est assez simple : c’est celui de leur positionnement. Le modèle décrit ici suppose une élévation du niveau de jeu ou, en termes plus techniques, de la valeur ajoutée. Le premium est la seule option permettant à la fois d’augmenter la satisfaction du client et de protéger les marges contre les aléas du contexte financier ou les excès d’une concurrence exclusivement fondée sur les prix. Le second dilemme est autrement plus complexe : comment s’y prendre pour réussir des changements aussi radicaux ? Deux stratégies semblent se dessiner : la transformation par le cœur et la transformation par la périphérie.

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4. Transformation par la périphérie ou transformation par le cœur : la plus visible n’est pas la plus efficace

La transformation par la périphérie consiste à sacraliser, à grands bruits médiatiques, les efforts de créativité et de modernité de l’entreprise, mais en les sanctuarisant à ses frontières. La compagnie qui fait ce choix rachète des start-ups pour accéder à de nouvelles techniques, recrute les petits génies du digital et fait tourner fièrement le compteur de ses investissements. Une extension de la transformation par la périphérie, fondée elle aussi sur un argument de séduction, est la stratégie consistant à tout miser sur l’enrichissement de la relation contrat : pay as you drive, maison connectée, assurance-vie avec tous les actes en ligne,... Ces deux options ne sont pas inintéressantes, et aucune compagnie ne peut les négliger. Mais elles contournent la difficulté. L’expérience contrat reste dans la logique verticale d’antan et empêche le multi-équipement et la monétisation de la relation client. Quant à la transformation par la périphérie, elle crée une compagnie à deux vitesses. Les grands bataillons de collaborateurs restent à l’écart du mouvement général. Et le travail, complexe, coûteux et ingrat, de la base des clients historiques est sacrifié à l’accueil « aux petits soins » des nouveaux clients.

L’autre option, choisie par Generali France, est la transformation par le cœur. Pour la compagnie qui s’y engage, c’est un défi entrepreneurial majeur en raison de la révolution technique, informatique, sociale, managériale, culturelle qui en découle. Il s’agit d’actualiser, sans renier son identité, un héritage accumulé au fil du temps et de fusions à répétition. La valeur ajoutée étant le moteur de la transformation par le cœur, celle-ci est globale et conduit à un degré poussé d’intégration.

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Mais elle emprunte la voie la plus escarpée, précisément parce qu’elle ne transige pas sur les changements à opérer. La contrepartie, c’est qu’elle se donne aussi toutes les chances de les réussir.

Deux exemples de cette complexité : le nécessaire mariage de la technique et des métiers du marketing et du commerce ; et le changement de paradigme des systèmes d’information. Le pilotage technique demeure une pierre angulaire du métier, mais, comme il a été dit, il est guidé par les deux marqueurs de la valeur client et de la consommation de capital. La capacité à instaurer un nouveau niveau de collaboration entre technique et commerce, par nature concurrents (voire frères ennemis), est décisive. Dorénavant, le technicien et le commerçant se parlent en permanence pour piloter de concert la totalité des contrats d’un client, et pas seulement pour vérifier si le conducteur indiscipliné ne serait pas aussi un entrepreneur exemplaire. L’enjeu informatique n’est pas moindre. Fabriquer des bases clients exhaustives et mises à jour en temps réel ou transformer des systèmes verticaux (conçus pour les branches) en outils de pilotage transversaux, ce sont des centaines de milliers de jours/homme. « Plus de simplicité pour le client = plus de complexité pour la compagnie » : telle est l’équation à résoudre.

5. Le tempo de la transformation  : la tortue en remontre au lièvre

Comme pour tous les changements de modèle, la question du rythme est une des plus aiguës. Transformation par la périphérie et transformation par le cœur rejouent la fable du lièvre et de la tortue. Réussir rapidement la seconde est une gageure  : les coûts des investissements (qui s’ajoutent

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aux dizaines de millions d’euros des opérations de mise aux normes et d’harmonisation au titre de la lutte antiblanchiment et antifraude fiscale) et le temps incompressible des évolutions organisationnelles et humaines interdisent le sprint. Pourtant, la tortue peut s’offrir quelques victoires rapides qui témoigneront aux clients comme aux collaborateurs que le changement fait sentir ses premiers effets.

À Generali France, nous avons fait du Net Promotor Score® (NPS®) l’instrument à effet immédiat et sensible de la révolution client. Il ne se contente pas de mesurer par échantillonnages, comme les baromètres traditionnels, la satisfaction client. Il instaure une logique transactionnelle en permettant d’interroger le client aussitôt après un acte commercial ou de gestion et de rappeler systématiquement les clients mécontents. C’est toute l’entreprise, direction comprise, qui s’implique dans cet exercice salutaire de contact humain avec les clients. Le NPS® est aussi irremplaçable pour pister les changements à opérer. À Generali France, par exemple, les scores sont plutôt élevés, mais révèlent une insatisfaction sur la difficulté de nos clients à joindre l’interlocuteur utile. C’est donc sur l’accessibilité que portent nos efforts, en priorité.

Le NPS® ouvre la voie à une révolution conceptuelle de plus grande ampleur dans la manière de calculer la rentabilité des investissements. Ériger la valeur client (et sa monétisation) en marqueur central du modèle suppose de pouvoir mesurer la satisfaction client, mais aussi de lui donner un prix permettant de justifier les investissements consentis pour la faire grandir et de les prioriser dans un univers contraint où tout n’est pas possible, surtout pas tout de suite. À quand l’adjonction au

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bon vieux return on investment (ROI) d’un nécessaire return on satisfaction (ROS) ?

6. Au cœur de la transformation par le cœur : les hommes et les femmes, emmenés par leurs managers

D’origines technique, digitale, commerciale, prudentielle, la révolution actuelle de l’assurance se résume, in fine, par une révolution humaine, managériale et de la vie au travail. Le modèle décrit ici implique une telle élévation du niveau de jeu qu’il s’accompagne d’une valorisation, au même degré, de l’intelligence individuelle et collective. Mais celle-ci se travaille et ne se décrète pas. Encore moins dans un secteur qui n’a pas toujours brillé, dans le passé, par la modernité de ses politiques de ressources humaines. La communauté managériale de Generali France, emmenée par une équipe dirigeante au sein de laquelle les femmes occupent un tiers des fonctions, assume pleinement cette responsabilité de plus en plus exigeante. Pour assurer la compréhension par les équipes de la stratégie, régler le bon rythme et veiller à la cohérence des chantiers engagés. Et, plus encore, pour savoir déjouer les résistances naturelles au changement, qui s’expriment parfois jusque dans ses propres rangs.

Le nouveau modèle managérial est étroitement connecté au nouveau modèle économique. Les clients ne sont plus des dossiers, mais des personnes. Les distributeurs des partenaires de confiance et non des vendeurs tentés de jouer en solo. Et les collaborateurs sont mis en position, par les vertus de l’empowerment, de mieux servir le client dans des organisations matricielles, plus souples, plus transversales que les silos valorisés depuis des lustres par la culture technique du métier.

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Pour négocier ces différents virages, les managers doivent travailler sur leurs propres comportements et leurs états d’esprit et accepter de profondes remises en question dans l’exercice de leur autorité. La coopération, la co-construction, la créativité et le dialogue direct (surtout en cas de désaccord) sont les maîtres mots. Un nouveau contrat social s’instaure dans l’entreprise. Et ce dernier est tout sauf symbolique, comme en témoigne l’accord signé au début de cette année entre la direction et les syndicats de Generali France, qui offre aux clients une plus grande flexibilité dans l’accès aux services de la compagnie et aux collaborateurs une plus grande flexibilité dans la manière d’organiser leur travail. Cette symétrie des attentions sans laquelle rien n’est possible…

Conclusion : et si l’assurance ne faisait pas sa révolution…Devant l’ampleur des défis à relever, il est permis de trembler… Mais guère plus de temps que n’en a le marin qui prend la mer par temps couvert. Ni le statu quo ni l’échec de la transformation ne sont des options envisageables. L’idée parfois entendue (comme jadis dans l’hôtellerie ou le transport de voyageurs !) selon laquelle l’assurance serait insubmersible à la déferlante numérique est une folie. Le poids du capital et celui de la réglementation sont peut-être dissuasifs à la création de compagnies de plein exercice. Mais ils n’empêcheront pas l’émergence de nouveaux acteurs (Google candidat  ?), plus puissants que les acteurs historiques et imposant à ces derniers ce partage inégalitaire : à nous la relation client, à vous l’héritage (legacy), la technique et les obligations réglementaires. À l’image, toutes choses égales par ailleurs, de Free avec Orange ou de RFF avec la SNCF. Pour l’assurance, un tel Yalta serait suicidaire. Il accentuerait le principal défaut du modèle ancien,

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consistant à couper la compagnie de ses clients. L’existence d’un portefeuille constitué au fil des ans peut aussi être considérée comme une barrière à l’entrée. Mais il suffit qu’un seul acteur conclue un partenariat avec un nouvel entrant positionné sur la relation client et la digue s’écroule.« Séisme dans l’assurance » ? Nous y sommes, en effet. Métier de protections pour ses clients, il doit renoncer aux siennes et prendre des risques pour se réinventer. Seule sa mission est immuable, qui attirera de plus en plus de jeunes collaborateurs, si nous savons les convaincre de la sincérité de la mutation en cours : l’assurance, c’est la vie !

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LE DIGITAL, VECTEUR MAJEUR D’INNOVATION DANS L’ASSURANCE

Jean-François LEQUOYMembre du Comité de direction générale ; Directeur du pôle Assurances, Natixis

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Le modèle de bancassurance est fondé sur la proximité entre le client et le chargé de clientèle, générée par la fréquence des contacts liée à la gestion des comptes et à la pluralité des besoins en matière financière. Il s’exprime au travers de la fourniture de produits simples, couvrants, et de processus industriels qui garantissent une forte qualité de service. Ce modèle repose donc sur le fait qu’il est naturel, logique et efficace pour un conseiller bancaire de parler d’assurance à son client lorsqu’il vient en agence. La croissance enregistrée depuis 20 ans dans le marché de l’assurance non-vie par les bancassureurs témoigne de la force du modèle.

Pourtant, la révolution digitale est susceptible d’enrayer cette croissance, car elle pourrait transformer la relation entre le client et son assureur.

Jusqu’à présent, l’assurance n’a pas vu émerger de concurrents de rupture comme Airbnb pour les hôteliers, BlaBlaCar pour les transporteurs ou Uber pour les taxis, et cela pourrait nous laisser penser que nous sommes moins concernés que d’autres secteurs par la transformation digitale. La réalité est que l’assurance est concernée en profondeur, et nul doute que de nouveaux acteurs s’attacheront à faire évoluer, pour répondre toujours mieux aux attentes des clients, tous les maillons de la chaîne de valeur de l’assurance.

Ces entreprises susceptibles de bousculer le modèle traditionnel de souscription de l’assurance pourraient être des acteurs du digital parce qu’ils sont intimement liés aux smartphones et sont renseignés sur nos comportements et nos besoins. Les InsurTech sont également des concurrents – ou des partenaires – potentiellement redoutables par leur agilité

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et leur capacité à repenser l’expérience client au-delà de nos schémas traditionnels. Enfin, les acteurs capables d’installer des objets connectés et d’en collecter les données pourraient dans certains secteurs, automobile par exemple, avoir un avantage compétitif fort, susceptible de bousculer nos modèles de tarification.

Pour faire face à ces mutations, les assureurs doivent donc aujourd’hui adapter et faire évoluer leurs compétences, leurs méthodes et leurs services.

Ceci est vrai pour tous les assureurs, mais la problématique a encore une autre dimension chez les bancassureurs. La transformation d’un bancassureur, c’est bien sûr celle de l’assurance, mais également celle de la banque. L’enjeu de l’innovation pour les bancassureurs est d’inventer le modèle de bancassurance de demain qui soit aussi performant que le modèle de bancassurance d’aujourd’hui. Ceci passe donc par la transformation de son modèle qui doit prendre en compte deux tendances majeures.

La première, c’est la modification de la nature des contacts entre les banques et leurs clients. Cette relation est de plus en plus digitale. Les clients vont aujourd’hui et iront demain de moins en moins voir leur conseiller dans leur agence. Le nombre de visites pourrait même être divisé par deux à moyen terme, et celles-ci seront réservées à des conseils à forte valeur ajoutée. A contrario, ils privilégieront les contacts digitaux, avec une attente forte de pouvoir réaliser eux-mêmes la plupart des opérations et de pouvoir obtenir l’information dont ils ont besoin à partir de leur mobile. À ce titre, il est anticipé un nombre de contacts sur mobile multiplié par trois, d’ici 5 ans.

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La seconde tendance, c’est la « modularisation » de la banque. Le digital challenge le modèle de banque universelle. La simplicité pour un client, c’est de centraliser ses opérations auprès d’une seule banque. Demain, ce ne sera plus vrai. Des acteurs nouveaux de plus en plus nombreux se positionnent en effet pour offrir des prestations bancaires ciblées aux consommateurs, dans le domaine du crédit immobilier, du crédit à la consommation, des paiements, sans complexité additionnelle perçue par le client… En intermédiant la relation entre la banque et ses clients, ils modifient potentiellement profondément le business model des banques. Le comportement de nos clients favorise cette émergence puisqu’ils se renseignent sur les produits et services, comparent avant d’aller en agence. À titre d’exemple, ils réalisent très fréquemment un devis avant d’aller en agence pour une souscription d’assurance.

L’innovation va donc prioritairement cibler les objectifs suivants.

1. Entretenir une relation de proximité digitale en capitalisant sur les interactions entre banque et assurance

Aujourd’hui la plupart de nos clients ont installé l’application bancaire sur leur smartphone, et c’est une base favorable pour que les bancassureurs maintiennent une réelle proximité avec eux et interagissent en temps réel. Nous avons déjà souligné que la digitalisation s’accompagne d’une explosion des contacts par mail, SMS, ou utilisation des applications mises à disposition des clients. L’enjeu est donc de capitaliser sur tous ces contacts et de les utiliser comme support de la relation d’assurance. Cela s’est déjà beaucoup développé. Dans un groupe comme le nôtre, la croissance des ventes à distance a été de 25 % en 2015 par rapport à 2014. Cette croissance est

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appelée à se poursuivre et nous amène à aller parler à nos clients d’assurance là où ils sont dans leur vie digitale. Cela va passer par des propositions simplifiées accessibles sur smartphone au moment où le client est en phase de recherche d’un produit d’assurance ou d’un produit assurable. Il pourrait devenir tout à fait naturel qu’un client bancaire en phase de paiement reçoive une proposition d’extension de garantie par son bancassureur. Cela va aussi passer par une meilleure utilisation des données que le banquier peut collecter sur son client, dans le respect des dispositions réglementaires existantes sur le sujet et de leur vie privée. Une meilleure connaissance digitale permettra de faire des propositions plus personnalisées.

2. Continuer d’adapter les parcours clients

Les parcours doivent être ajustés pour que nos clients puissent disposer, là où ils sont, de la bonne information au moment où elle leur est utile, pour faciliter leur prise de décision en matière d’achat d’assurance. La première phase du processus d’achat d’une assurance non-vie est aujourd’hui sans doute trop longue, car la quantité d’informations demandées est importante si l’assureur veut pouvoir proposer à son client le devis le plus précis possible. Tous les clients n’ont pas forcément besoin d’un tel niveau d’exactitude lorsqu’ils sont en phase de recherche et souhaiteront plutôt connaître leur assurabilité et l’ordre de grandeur du prix avant d’aller plus loin. L’assureur doit leur proposer ce premier niveau de service.

3. Entretenir nos valeurs fondamentales

La valeur de nos marques et la haute qualité de service de bout en bout constituent des lignes de force qui ont fondé le succès

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de la bancassurance et qui doivent être maintenues pour servir de repère aux clients. Il s’agit de ne pas juger l’assurance sur le seul critère du prix de vente et de capitaliser sur la relation financière globale entre un client et son banquier. Le digital offre aux bancassureurs une opportunité certaine pour accroître leur notoriété dans le domaine de l’assurance auprès de leurs clients et ceci bien plus rapidement qu’en ne s’appuyant que sur leur réseau physique.

4. Rester à l’écoute de nos clients

La confirmation de la volonté des consommateurs de bénéficier d’une offre d’assurance personnalisée, à l’instar de ce que l’on observe dans le domaine de l’automobile ou de l’habillement, entraînera une transformation profonde de notre modèle pour passer d’une offre industrielle plutôt uniforme à une offre modulable, dont les coûts resteraient compétitifs et qui serait pertinente à la fois pour nos chargés de clientèle dans leur rôle de conseiller ajustant l’offre aux besoins réels de nos clients, et pour nos clients dans leur volonté de ne payer que pour leur propre consommation ou leur propre risque. Il faudra également apprendre à être plus lisibles et plus tangibles afin que les clients comprennent que l’assurance achetée a une valeur à tout moment et pas seulement lorsque le sinistre survient.

5. Poursuivre l’innovation dans nos produits

Les attentes des clients en matière de couverture d’assurance évoluent et il faut évoluer avec eux. Les principales attentes identifiées appartiennent à l’univers des services. Nos clients ne veulent plus attendre et nous demandent d’anticiper leurs besoins. Nous avons par exemple créé une application qui

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envoie un SMS à nos clients en cas d’événement naturel. Ce SMS contient un lien qui aiguille le client sur une prédéclaration de sinistre, si celui-ci a eu à subir des dégâts. Il est ensuite rappelé par une plateforme de gestion de sinistres. Ainsi, le client n’a plus de démarche particulière à faire dans un moment difficile et c’est l’assureur qui va à lui pour le prendre en main. L’univers des services est évidemment très large et il faut savoir choisir ceux qui apporteront une véritable plus-value et une différenciation, au moins temporairement.

6. Développer le « faire faire » par nos clients

Certains actes de gestion offrent une valeur ajoutée faible et certains clients préfèrent les réaliser eux-mêmes. C’est le cas par exemple de l’édition d’attestations ou de la modification de comptes de prélèvement. Le développement d’une option de cette nature contribue à améliorer la satisfaction de ces clients, à améliorer l’image du bancassureur et libère nos middle office pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.

7. Innover en améliorant nos processus

Le facteur prix reste majeur dans notre industrie de sorte que toutes les innovations ne peuvent se traduire en hausse de prix. Il est essentiel de conserver les frais de gestion les plus bas possible. Nos processus doivent donc être revus et adaptés pour contenir l’inflation des coûts, qu’elle provienne de facteurs réglementaires ou qu’elle soit la résultante de la personnalisation des services proposés. Nous avons commencé à déployer des processus de gestion sans papier de certains contrats d’assurance. Nous y gagnons en réactivité, en sécurité dans le traitement de l’information et en conformité.

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Ceci nous amène à la question de la gestion de l’innovation. En effet, comme on l’a vu, le champ de l’innovation est immense, et il est tentant de multiplier les initiatives. Pourtant, la question centrale de la compétitivité nous impose d’observer une discipline très stricte. Deux axes majeurs de construction des innovations ont émergé récemment, à nouveau rendus possibles ou obligatoires par le digital :

– La coconstruction : le format traditionnel d’élaboration de nouveaux produits ou de services a évolué assez sensiblement. Nous sommes à l’écoute de nos clients et prospects de manière beaucoup plus large, non seulement lors de la construction d’un nouveau produit, mais aussi en prenant en compte les commentaires de nos clients tout au long de la vie des produits, en les interrogeant sur les éléments qui leur paraissent vraiment importants. Les processus font également l’objet d’une attention particulière, car un produit ne peut plus aujourd’hui satisfaire nos clients si ses processus de souscription et de gestion ne correspondent pas aux attentes ou intuitions des clients. Les clients sont donc consultés sur les différentes étapes des processus ;

– Le développement agile : nos systèmes d’information sont souvent lourds et il est difficile de parvenir à fabriquer une application totalement aboutie sans y investir du temps et de l’argent. Or le cycle d’innovation s’est considérablement raccourci. Il est donc indispensable de tester les idées et innovations rapidement, quitte à ce que celles-ci ne soient pas totalement intégrées dans nos processus, afin de les valider. Lorsqu’une idée nous paraît pertinente, nous démarrons très vite les développements, sans avoir la vision définitive de chaque étape de la construction. Le métier et

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l’informatique travaillent en commun, le projet est divisé en plusieurs sous projets développés, testés et ajustés en parallèle. Une première version peut être testée pour valider le concept, vérifier l’accueil par les clients et éventuellement recueillir leurs suggestions pour améliorer le service. Nous avons récemment testé un suivi sur smartphone des parcours réalisés par les apprentis conducteurs dans le cadre de la conduite accompagnée, en lien avec quelques auto-écoles partenaires. Ce test a été satisfaisant et sa généralisation a pu être décidée. Entre l’idée et la mise en test, il s’est écoulé moins de quatre mois.

Notre secteur se transforme en profondeur. Les habitudes de nos clients évoluent très rapidement et ils nous demandent d’évoluer avec eux. L’innovation est donc un impératif pour rester compétitif et faire évoluer le modèle de bancassurance. Nous avons vu que l’innovation touche pratiquement toutes les branches de notre activité. Pour le moment, nos modèles de tarification sont restés relativement à l’écart de ce processus d’amélioration continue. Avec l’avènement des objets connectés et du big data, il est probable qu’il constituera dans les années à venir un nouveau champ d’innovation au bénéfice de nos clients.

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LES INNOVATIONS PERPÉTUELLES DE L’ASSURANCE FRANÇAISE

Laurent OUAZANAPrésident, CIPRÉS Assurances

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Comment le secteur de l’assurance, un des plus vieux métiers de ce monde (xive siècle), peut-il encore innover en 2016 ?

Si le Larousse précise qu’«  innover commande d’introduire quelque chose de nouveau pour remplacer quelque chose d’ancien », alors le secteur de l’assurance n’a cessé d’innover depuis une quarantaine d’années. Car sans doute pouvons-nous parler de ruptures déjà vécues dans plusieurs domaines de l’assurance (image, qualité, marketing, modèle) :

– Doit-on rappeler le travail essentiel de Gérard ATHIAS (cofondateur de l’Association française d’épargne et retraite –Afer, en 1976) sur les mécanismes et l’image de l’assurance-vie ? ;

– Doit-on rappeler la création du nouveau modèle de courtier grossiste, inventé par Solly AZAR (fondateur de l’entreprise éponyme en 1977), modèle désormais ancré dans le paysage et qui apporte de la valeur ajoutée pour toute la chaîne de distribution, à commencer par le client assuré ? ;

– Doit-on rappeler que la marque AXA, sous l’impulsion de son fondateur Claude BÉBÉAR et de son successeur, Henri de CASTRIES, véhicule depuis 1985 l’excellence de l’assurance française à travers le monde ? ;

– Doit-on enfin rappeler le travail de Bruno ROUSSET (fondateur d’April en 1988) dans le marketing et la qualité de service appliqués à l’assurance ?

Ces exemples montrent que le secteur de l’assurance a été capable de se remettre en question, de vivre des ruptures, toutes motivées par l’apport de dimensions nouvelles dont les assurés ont pu à chaque fois bénéficier.

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L’accélération que nous vivons depuis qu’Internet a envahi le monde en général et l’assurance en particulier ne rend-il pas obligatoire l’émergence d’innovations, voire de disruptions, pour reprendre le terme viral d’aujourd’hui ?

1. L’hyper concurrence de l’industrie de l’assurance françaiseBien que très ancien et économiquement fondamental, le secteur de l’assurance française est resté concentré et complexe. Il représente pour l’année passée une collecte de cotisations de près de 250 milliards d’euros soit l’équivalent des 2/3 du budget de la France, « captée » par trois familles d’acteurs assureurs (compagnies, institutions de prévoyance – IP et mutuelles), et « seulement » près de 200 000 salariés et 15 000 non-salariés y évoluent chaque jour au sein de : – 1 000 organismes assureurs porteurs de risque ; – Une population de 50 000 commerciaux « debout » (réseaux

salariés, agents généraux, courtiers) ; – 25 000 guichets (banques et Poste) ; – Acteurs du Web.

Il est intéressant de constater la capacité de ces milliers d’opérateurs, qui étaient presque tous actifs sur le marché des particuliers, à se mobiliser et à réviser leur positionnement naturel  puisqu’ils ont su, après une nouvelle et récente réglementation (Accord national interprofessionnel – ANI sur la généralisation de l’assurance santé complémentaire dans les entreprises1), s’adapter pour venir sur le marché des TPE en

1. Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

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santé complémentaire aujourd’hui, et sur tous les risques TPE sans doute demain.

Si on cumule le portefeuille de tous les risques à assurer, tant obligatoirement que facultativement, alors c’est 100 % de la population française qui est concernée par l’assurance. Que faut-il penser de cette hyper concurrence  ? Favorise-t-elle l’innovation ?

La concurrence, ce mot qu’on oublie trop souvent, est nécessaire et garante de la protection des assurés (particuliers, professionnels ou entreprises), le terme «  protection  » étant entendu dans son sens le plus large.

Il faut rappeler, par exemple, que de nombreux acteurs se sont battus en 2013 pour la concurrence survive au moment où le gouvernement souhaitait «  offrir  » le marché de l’assurance santé complémentaire aux groupes paritaires, gouvernés comme leur nom l’indique par les syndicats professionnels qui pilotent également les branches professionnelles, lesquelles « désignaient » autrefois leurs assureurs sans contrôle véritable. Le 29 mars 2013, alors qu’un transfert des contrats individuels vers les contrats collectifs s’annonçait dans le cadre de l’ANI souhaité par le Gouvernement, l’Autorité de la concurrence a rappelé son souci qu’un tel basculement s’accompagne d’une vraie dynamique concurrentielle.

Cette «  dynamique concurrentielle  », parfois «  hyper  », s’applique bien pour toutes les branches d’assurance. Certains diront que cette hyperconcurrence pousse à un dumping malsain, que nous entrevoyons déjà après quelques mois d’observation de l’offre santé complémentaire pour les TPE, pour revenir sur cet exemple récent.

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Si pour le cas d’espèce, les écarts constatés (du simple au double) peuvent apparaître déraisonnables, ne prenons pas les dirigeants de TPE pour des débutants ou des écervelés, surtout s’ils sont conseillés par des intermédiaires experts d’assurance. Car la concurrence permet à chaque TPE de résilier annuellement son contrat si le prix ne lui convient plus, et cette concurrence régule ce marché comme elle en régule d’autres, dont certains très réglementés.

Mais le prix est-il le seul critère de choix sur ce marché, comme sur bien d’autres branches d’assurance ?

Cette hyperconcurrence pousse aussi et surtout à l’innovation produit et à l’innovation service, au profit des TPE comme de leurs salariés. Il ne faut donc pas que nos responsables nationaux la redoutent, car elle permet à un assuré insatisfait de changer de contrat, d’assureur ou d’intermédiaire quand il le souhaite. Pour fidéliser et amortir le coût grandissant d’acquisition des clients, tous les acteurs sont désormais condamnés à innover. Mais le peuvent-ils encore ? Comment et sur quoi ?

2. L’innovation en assurance : en amont ou en aval ?

Même si on aime passionnément le métier d’assureur, ce métier d’échanges, d’analyse et de conseils, force est de constater que les moments d’échanges avec un client final sont rares :

– À l’adhésion (régulièrement dictée par un besoin fort et/ou réglementaire) ;

– Lors du paiement des cotisations ;

– Lors du renouvellement annuel ;

– Lors du règlement d’un sinistre.

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Comment, alors, l’image de l’assureur peut-elle se conjuguer avec un moment heureux, à une époque où un des grands objectifs du digital est d’infuser du plaisir dans tous les actes de la vie  ? C’est au cours de ces rares moments d’échanges que l’innovation « service » doit être forte. Il est acquis que les nouvelles technologies et le digital vont bouleverser les process habituels de gestion avec une question récurrente : comment rendre la vie d’un assuré la plus simple possible  ? Peut-il d’ailleurs vivre une expérience agréable en s’assurant ?

En amont de ces échanges, au moment de la prospection, de la segmentation de la cible, l’assureur analyse les risques et imagine le programme assurantiel qui correspond au client. L’innovation produit est à ce stade possible, dans la conception même de l’offre, ou dans le processus d’adhésion proposé.

D’ores et déjà des innovations disruptives ont été constatées à ce stade. Si l’innovation disruptive est de transformer un produit ou un service complexe, coûteux et réservé à une élite, en le rendant simple et peu onéreux, donc accessible au plus grand nombre, alors l’assurance a déjà entamé la trajectoire de la disruption, sans forcément coller un mot ou une expression sur les révolutions qu’elle vit chaque année.

3.  La surenchère réglementaire  : un danger ou une opportunité pour innover ?

En France et en Europe, le secteur de l’assurance est « gâté » en matière de textes et normes le réglementant.

Le secteur du bâtiment répondra alors qu’il a toujours été en « pôle position » en matière de normes, sauf que, quand les tuiles qui recouvrent les maisons se voient attribuer trois nouvelles

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normes (européennes ou nationales) plus contraignantes qu’auparavant comme en 2006, personne ne demande la démolition des toitures des maisons déjà construites. Le secteur de l’assurance accepte, lui, de mettre en conformité son stock quand une nouvelle norme modifie les contrats vendus, en « reparamétrant », donc en modifiant les conditions contractuelles de millions de contrats en cours dans une incompréhension totale des assurés. C’est ce que nous vivons avec la réforme des contrats d’assurance santé responsables.Au niveau de l’Union économique européenne, qu’il s’agisse de protéger au maximum les assurés consommateurs (Directive sur l’intermédiation en assurances  – DIA, Directive sur la distribution d’assurances – DDA) – au point de se demander, à la lecture de certains alinéas, si ces assurés ont un cerveau – ou qu’il s’agisse de protéger contre eux-mêmes les organismes assureurs (Solvabilité II) – au point de se demander à la lecture de certains articles s’ils sont gouvernés par des enfants  –, les directives européennes fleurissent depuis le début des années 2000, et la crise de 2007 a accéléré le mouvement.Sur le plan national, poussés par un consumérisme contagieux, déresponsabilisant pour certains, les gouvernements français successifs n’hésitent pas à ajouter leurs lots de textes supplémentaires  depuis 2000 également, bouleversant en profondeur les règles en vigueur : – Loi Chatel2 (résiliation des contrats tacitement

reconductibles) ;

2. Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur.

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– Loi Hamon3 (résiliation infra-annuelle, comparabilité des offres) ;

– Loi Duflot pour l’accès au logement et un urbanisme rénové4, dite loi « Alur » (garantie universelle des loyers –GUL) ;

– Loi sur la transparence des frais en assurance santé complémentaire ;

– Réglementation des réseaux de soins ; – Réforme des retraites…

Tous ces textes cités parmi tant d’autres modifient substantiellement le contenu assurantiel comme l’exercice du métier d’assureur et d’intermédiaire en assurance.Ne nous plaignons pas, ne nous réjouissons pas, mais profitons-en pour innover ! L’assurance est un secteur noble, et l’un des piliers de l’économie nationale. Le maillage de son intermédiation est une force et une chance, j’ai toujours insisté sur ce point.Pour revenir à la protection sociale complémentaire, les observateurs le notent après six mois de pédagogie auprès des TPE essentiellement  : sans l’intermédiation de proximité, d’une part, le nouveau cahier des charges des contrats santé responsables serait resté incompris des assurés, et d’autre part, la généralisation de la santé complémentaire sur cette cible aurait été un fiasco.

3. Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.4 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

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Les intermédiaires de proximité français assurent le service après-vente des textes réglementaires auprès des particuliers, des professionnels et des TPE, il faut désormais l’intégrer.

L’innovation produit, l’innovation service et, demain, l’innovation compliance seront permanentes et partagées entre tous les maillons de la chaîne, et si certains avaient prédit une «  uberisation/désintermédiation  » de l’assurance, elles réconcilieront obligatoirement le digital avec l’intermédiation.

Comme le répète souvent le président d’AXA en évoquant l’armée américaine, les US Marines restent fondamentaux dans la stratégie militaire dite « terrestre », ils sont toujours aussi nombreux sur le terrain, et ont toujours 35 kilos de matériel sur les épaules, mais ce n’est plus du tout le même matériel qu’il y a 50 ans. Tous les maillons sont connectés entre eux, l’efficacité globale de la chaîne est démultipliée.

4. L’ouverture des bases de gestion : innovation service

L’innovation gestion résidera dans la transformation des systèmes d’information des opérateurs d’assurance.

Les périmètres d’intervention seront modifiés et chacun reconsidérera les missions qui lui étaient dévolues auparavant :

– Le client assuré gérera ses données lui-même en mettant à jour son profil d’assuré, il disposera de toutes les informations et de la copie de chaque pièce en temps réel, une application mobile lui permettra de prendre en photo un document qui ira immédiatement s’intégrer au sein du système d’information du gestionnaire sans aucun recours à une messagerie ;

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– L’intermédiaire aura accès aux applicatifs lui permettant d‘effectuer, si besoin et en temps réel, des actes de gestion (une carte verte automobile, mais c’est déjà le cas, un contrat santé complémentaire collectif même complexe, un avenant de changement de garantie, une carte de tiers payant pour un salarié, toutes les attestations et documents imaginables...) ;

– Le gestionnaire5 qui offre déjà un accès extranet aux intermédiaires et aux assurés donnera un accès à ses assureurs porteurs de risque afin que ceux-ci puissent mesurer en temps réel leur exposition aux risques à partir de leur bureau, de la même manière que s’ils géraient eux-mêmes ;

– Sur une plateforme de commerce commune où des offres commerciales ciblées (risques simples, mais aussi complexes) seront « poussées » vers les espaces des assurés finaux, accompagnées de la pédagogie et du décryptage nécessaires, et de processus d’adhésion incroyablement simplifiés, les assurés finaux pourront acheter et être couverts en trois minutes s’ils le souhaitent.

Les assurés sont déjà très avertis grâce à l’influence grandissante des réseaux sociaux  ; les outils de demain consacreront ce phénomène en les rendant davantage acteurs des transactions et de leur gestion.Contracter simplement une offre d’assurance, la piloter, la gérer dans de parfaites conditions d’information, d’ergonomie et de

5. L’avenir nous dira si un organisme porteur de risque peut en même temps le gérer sans être en potentiel conflit d’intérêts, débat qui fait actuellement rage outre-Atlantique.

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rapidité, c’est finalement installer une dimension que personne ne voyait dans l’assurance : le plaisir, une belle innovation, en ligne avec les évolutions des marchés.

5. L’exploitation intelligente des données : la vraie chance ?

Au-delà des nouveaux services, du customer self-care qui envahira les relations assureur-intermédiaire-assuré et qui sera vertueux économiquement pour toute la chaîne, l’innovation attendue réside dans l’exploitation intelligente des données.

Intelligente, car pour notre secteur de l’assurance, le débat « prédiction vs prévention » doit être posé sereinement pour rassurer ceux qui ont des doutes. L’accumulation en cours de données par tous les opérateurs, anciens comme nouveaux, aboutira inévitablement à un recentrage de l’assurance sur le gros risque, en d’autres termes ce que les actuaires intègrent comme la combinaison de la faible fréquence avec un coût moyen très important.

Par analogie avec d’autres secteurs, le «  basique  » (le petit risque) ne va pas disparaître, loin de là ; mais il va être géré par de bonnes pratiques, par de la prévention, bref, les assureurs de demain contribueront à éliminer leurs aléas, donc leurs assurances, en misant gros sur la prévention. Après tout, chacun ne doit-il pas être plus responsable de la gestion de son risque (et de lui-même), alors même que la collectivité l’est pour ses conséquences financières ? Si la Sécurité sociale française –  le régime obligatoire  – n’a pas su imposer cette prévention, l’assurance facultative le peut sans doute par une incitation forte, afin de préserver la mutualisation des risques, garante de l’équilibre du système.

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Cette incitation forte basée sur l’analyse combinée de millions de données, et sur l’observation des comportements, passera par une démutualisation évidente de certains risques, pour mieux les cerner et mieux les couvrir, sans tomber dans le prédictif.Le mot « démutualisation » fait peur aux assureurs et ce n’est pas anormal, mais rappelons-nous que nous avons déjà vécu ce principe et personne ne s’en est plaint, car cette démutualisation doit toujours être opérée pour être vertueuse, donc pour le bien des plus faibles.Un peu d’histoire et trois exemples : – Pour s’assurer en assurance automobile obligatoire, il y a

30 ans, un malussé devait prendre contact avec le Bureau de tarification des risques aggravés (BTRA) qui le dirigeait vers un assureur, lequel acceptait de contracter « à reculons », moyennant un tarif indécent. Jusqu’au jour où un opérateur (un courtier grossiste) a eu l’idée de n’assurer que des malussés, partant du principe qu’au sein d’un groupe de « mauvais risques », il y a toujours du moins mauvais, voire du bon. Si le volume est important, on démutualise pour segmenter et remutualiser chaque segment ;

– Autre exemple plus récent avec les assurés malades qui n’arrivaient pas à souscrire une assurance emprunteur compte tenu de leur déclaration de santé, et malgré les conventions en vigueur pour les protéger, jusqu’au jour où un autre opérateur (encore un courtier grossiste, je crois) s’est spécialisé sur cette « cible », car toute population est mutualisable ;

– Enfin, sur le même principe, la société Ciprés Assurances a permis en 2001 à chaque dirigeant de TPE, qu’il soit

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salarié ou non-salarié, de bénéficier d’un haut niveau de couverture prévoyance complémentaire en validant une simple déclaration de santé (processus alors réservé aux effectifs d’entreprises), mais en interdisant à chaque assuré de choisir ses garanties (le principe industriel de la Ford T). Au-delà des statistiques particulières des dirigeants de TPE en garantie arrêt de travail par rapport à une population globale, le fait de proposer le même programme pour tous sans en changer une seule virgule (prenant le contrepied de la mode des choix de formules, options et autres plans cafétérias), évita une antisélection et permit de considérer une somme d’individus, assurée chaque jour comme un ensemble collectif, et donc de rompre avec les processus de sélection de risques passés.

Ces ruptures (pour ces trois exemples, les durées de process d’adhésion ne dépassent désormais pas cinq minutes quand elles se comptaient en jours ou semaines auparavant) montrent, si besoin était, que la démutualisation n’est pas à craindre si elle permet de mieux appréhender une catégorie de risques par la segmentation et l’analyse de données propres à cette catégorie.

L’innovation technique s’ajoute alors aux autres innovations possibles pour tendre vers une disruption actuarielle de l’assurance par l’exploitation intelligente des datas ces prochaines années. C’est la valeur ajoutée « sociétale » de l’assurance.

L’assurance des risques simples deviendra probablement connexe et accessoire à un achat de services ou de biens  ; mais l’assurance des risques complexes (le patrimoine des particuliers, les risques des professionnels et des entreprises), à engagement lourd, restera un acte principal.

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Elle innovera régulièrement en s’adaptant aux nouveaux comportements et aux nouveaux risques, et gardera sa vertu essentielle –  et pas toujours comprise – de lisser les risques importants inhérents à la vie de chacun, comme l’écrivait le philosophe Alain dès 1912  : « La loterie plaît, parce qu’elle tire l’inégalité de l’égalité ; l’assurance déplaît parce qu’elle fait justement le contraire. »

6. Et en interne ?

Je souhaite conclure cette contribution sur une dernière innovation, la moins spontanée sans doute quand on parle de disruption, mais la plus entrepreneuriale, celle concernant l’attention que nous devons avoir sur nos équipes.

L’innovation pour nous, assureurs, ne serait-ce pas de considérer nos salariés comme nos clients, en étant attentifs à leurs souhaits, à leurs envies et à leurs rêves, en les gâtant comme on gâte ses clients ?

Toutes les études le montrent : au-delà de l’image véhiculée sur nos entreprises d’assurance, le confort et l’épanouissement de nos collaborateurs sont directement proportionnels à la qualité du service rendu aux clients assurés, donc à la productivité de nos entreprises.

La transformation disruptive de nos business devra intégrer une dimension QVT (qualité de vie au travail) auprès des équipes.

Mais rendre ses collaborateurs heureux et fiers n’est pas toujours simple, j’en témoigne avec humilité 16 ans après avoir cofondé Ciprés Assurances, et bien des dirigeants du secteur le savent.

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Nos effectifs sont jeunes et moins jeunes, très avertis, de plus en plus zappeurs, difficiles et très exigeants. Paradoxalement, ils sont dans le même temps demandeurs d’un ancrage dans leur entreprise, et revendiquent leur attachement à une marque, à un état d’esprit de générosité et de communauté.Mais en évoquant « nos troupes », n’ai-je pas finalement défini le profil et le comportement de nos clients de demain ?

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LA DISRUPTION PAR L’USAGE ET LE RÔLE DE LA TECHNOLOGIE DANS L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU MODÈLE D’ASSURANCE

Raphaël RIVIÈREExpert digital ; Chef de cabinet du directeur général adjoint, Google FrancePhilippe VINCENSDirecteur du pôle Finance, Google France

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Près de vingt ans après leur apparition, il est formidable de constater à quel point les moteurs de recherche sont devenus le pouls digital de la réalité. À travers leurs requêtes, les internautes expriment plusieurs millions de fois par jour leurs intentions, que ce soit dans un but d’information, de divertissement ou même d’achat. Ces intentions sont autant de chances que nous avons d’observer l’évolution de la société, et notamment la manière dont elle est impactée par le digital.

1. Des ruptures d’usages émerge le bouleversement des paradigmesLe digital a bousculé énormément de codes. S’il y a dix ans, un diplôme du Massachusetts Institute of Technology (MIT) n’était à la portée que d’une poignée d’étudiants chaque année, il est aujourd’hui accessible à tous grâce aux MOOC. Nous avons tous accès en temps réel aux actualités internationales, et ce sur n’importe quel sujet. Il serait impensable de faire sans aujourd’hui. Ces changements sont innombrables, mais s’appuient tous sur deux ruptures d’usages fondamentales façonnées au cours des dix dernières années. Ces ruptures rebattent les cartes dans le monde des affaires, notamment dans l’industrie de l’assurance, et redéfinissent les règles du jeu du secteur pour les prochaines années.

1.1. Première rupture d’usage : le smartphoneDepuis 2007 et l’arrivée sur le marché du premier iPhone, chacun peut transporter Internet dans sa poche. En France, près de 40 % des requêtes sur Google sont effectuées depuis un smartphone ; dans le secteur de l’assurance, cette part est de 30 %6.

6. Données internes Google.

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Nous estimons qu’en 2018, plus d’une requête sur deux ayant trait au secteur de l’assurance sera faite depuis un smartphone. Ce sont autant de nouveaux signaux qui décrivent l’intention sous-jacente des consommateurs lors de leur utilisation du digital, ainsi que le contexte dans lequel ils évoluent. Cette explosion des points d’accès au Web et l’émergence d’une nouvelle classe de signaux digitaux mobiles sont les premières raisons de la digitalisation des parcours client. En 2015, chaque trimestre, ce sont 8 millions de parcours de souscription à un produit d’assurance qui sont effectués sur Internet en France, dont 30 % impliquent au moins deux devices7 (principalement ordinateur + smartphone). Ces tendances ont créé de nouvelles attentes pour les consommateurs. Par exemple, un prospect veut avoir accès à des informations à la fois simples et exhaustives sur les produits, les tarifs, les garanties, à partir de n’importe quel point de contact durant son parcours. Il veut également pouvoir souscrire sur n’importe quel canal de façon transparente et sans effort : 30 % des prospects s’attendent à trouver des fonctionnalités de prise de rendez-vous en ligne ou de Web call back8. Une fois décidé sur le type de produit qui l’intéresse, il veut aussi pouvoir négocier et personnaliser son contrat en fonction de sa propre situation.Depuis 2007 s’est creusé un écart entre ces attentes et la proposition de valeur digitale des assureurs. Les pages produits sont trop souvent peu claires et peu attractives, si ce n’est introuvables sur les sites Web : certains assureurs proposent

7. Étude Clickstream Google/Nielsen «  Parcours clients dans le secteur financier », 2015.8. Étude Consumer Survey Google « Expérience Utilisateur dans le secteur financier », mars 2016 (1 048 réponses).

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des parcours digitaux excédant dix clics, alors que les plus performants affichent toutes leurs pages produits à un clic de la page d’accueil du site. Trop souvent, souscrire en ligne est synonyme de low cost. Trop souvent, les produits d’assurance sont rigides et la personnalisation se fait par tranches trop imprécises.

Aujourd’hui, cet écart se comble par vagues, dans une dynamique tirée par des acteurs digital natives. Après les comparateurs, ce sont des acteurs issus de la FinTech, comme Inspeer en France ou Oscar aux États-Unis, qui émergent. Même si les marchés investis par ces acteurs sont aujourd’hui encore de petite taille en France (contrairement aux pays anglo-saxons), le digital joue un véritable rôle de caisse de résonnance, tant financière que de notoriété et leur permet de définir de nouveaux standards sur des maillons cruciaux de la chaîne de valeur, comme le service au client ou la gestion du risque.

1.2. Deuxième rupture d’usage : la donnée

La naissance de Facebook en 2004 a scellé le sort du Web 1.0. La dynamique des réseaux sociaux a amené les internautes à passer du rôle de spectateur du Web à celui de contributeur. En 2016, nous créons autant de données chaque jour que depuis l’apparition de l’homme jusque 2004. Photos ou vidéos postées sur Internet, données de géolocalisation, requêtes, connexions sociales, cookies… sont autant de signaux de l’activité digitale des individus. L’émergence plus récente des objets connectés a encore accéléré la génération de données en la diversifiant. Cette explosion de la donnée et la maîtrise de procédés algorithmiques avancés, tels que le deep learning, ont deux conséquences clés dans l’industrie de l’assurance.

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La première est l’opportunité qu’ont les assureurs de connaître de plus en plus finement les profils de risque de leurs clients. Pour autant, les propositions de valeur sont aujourd’hui encore en retard par rapport aux technologies existantes. Les algorithmes de machine learning permettant d’exploiter rapidement des sources de données jusqu’alors inexistantes sont trop peu utilisés dans le secteur. Les seules avancées observées aujourd’hui chez les acteurs traditionnels se matérialisent par des offres d’assurance auto semi-dynamiques dont les primes s’ajustent par paliers en fonction de certains paramètres du comportement de conduite des assurés. La logique de cette offre est par ailleurs assez factice, car elle consiste à majorer par défaut la prime, afin de pouvoir récompenser les bons conducteurs en ajustant la prime à la baisse en cas de bon comportement. Aucune offre ne propose un niveau de prime standard par défaut, avec augmentation des primes pour les mauvais conducteurs et baisse pour les bons. Encore moins en temps réel…

La seconde conséquence est la réduction systémique des risques assurés par les principaux produits (auto, MRH, santé). Les voitures sans chauffeur seront pleinement opérationnelles dans les prochaines années, faisant diminuer fortement les risques d’accidents. Les canalisations d’eau ou de gaz intelligentes, capables de s’autodiagnostiquer ou d’anticiper un problème, sont une priorité industrielle des grands acteurs des utilities. Le quantified self, ou « mesure de soi », est un important levier de recherche dans l’industrie de la santé, que ce soit sur la scène entrepreneuriale ou chez les acteurs traditionnels, comme en témoigne le récent partenariat Sanofi-Verily sur la création d’objets connectés à destination des diabétiques.

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2. Quels risques pour les prochaines années ?

Le secteur de l’assurance va devoir faire face à ces conséquences au cours des prochaines années. Les scénarios possibles issus de l’utilisation algorithmique de la donnée sont nombreux et leurs échéances se rapprochent au fur et à mesure que les digital natives émergent.

Nous envisageons trois perspectives dans l’évolution du secteur de l’assurance, possiblement consécutives, chacune devant amener les assureurs à se réinterroger sur leur proposition de valeur.

2.1. Première perspective : l’assurance ne change pas, mais sa valeur baisse

Cette évolution se fonde sur le constat de la situation actuelle : les assureurs ne réinventent pas leurs propositions de valeur. Les produits proposés respectent toujours le principe de dilution du risque par mutualisation entre des profils d’assurés extrêmement diversifiés.

Une conséquence directe de la baisse systémique du risque est la diminution régulière du montant des primes. Même si cette baisse s’accompagne naturellement d’une baisse des sinistres, sur des segments de marché où les ratios combinés sont déjà proches de l’équilibre, la menace sur la rentabilité est réelle, compte tenu de la part non négligeable de coûts fixes liés au cycle d’exploitation.

Les digital natives sont parfaitement armés pour s’adapter à cette évolution : peu d’employés, peu de structures physiques, des systèmes d’information maîtrisés, l’utilisation de leviers de notoriété peu chers, voire gratuits… La part des coûts fixes dans leurs business models est bien plus faible que dans celui

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des assureurs traditionnels. Le cas de Prêt d’Union en est une illustration typique : le marché du crédit en France est en plein bouleversement depuis plusieurs années (rachat de Cofinoga par BNP Paribas, loi Lagarde, baisse des taux…). Quelques acteurs font le marché : Cetelem, Sofinco, Cofidis en sont les leaders traditionnels. Le modèle d’acquisition est très simple : présence intense dans les médias de masse comme la télévision pour gagner la place de top of mind, et générer du trafic sur le site Web. L’acteur Prêt d’Union a pris le contrepied en utilisant au maximum les leviers de notoriété gratuits : prise de parole dans des programmes TV classiques (Capital, par exemple) et mise en place d’un marketing digital rentable, centré sur le retour sur investissement. Par conséquent, là où la concurrence doit supporter un énorme coût lié au marketing de la marque, Prêt d’Union ne dépense quasiment rien.

L’enjeu pour les assureurs traditionnels sera de trouver les moyens de réduire leurs coûts fixes, tout en préservant leurs actifs physiques, cruciaux dans leurs stratégies de distribution et, en parallèle, de trouver des leviers de revalorisation de leur offre. Cela pourrait notamment passer par le développement de nouveaux produits ou encore l’élargissement de l’offre de services aux clients.

2.2. Seconde perspective : la personnalisation de l’assurance

Dans un second temps, le marché pourrait passer d’une logique de mutualisation du risque à une logique de personnalisation de l’offre. La maîtrise de la donnée et l’intégration dynamique de plus en plus de signaux dans les modèles actuariels permettent de quantifier au cas par cas et en temps réel le niveau de risque associé à un contrat. À court terme, cela ne signifie pas

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forcément que la mutualisation n’existera plus  : cela peut se matérialiser par une mutualisation sur des profils beaucoup mieux qualifiés, et surtout beaucoup moins nombreux. Les gagnants seront ceux capables d’utiliser les données disponibles pour caractériser au mieux leurs profils de risques et de trouver de la rentabilité sur des groupes à taille réduite, bénéficiant d’une offre bien plus personnalisée qu’avant.

Ce scénario peut être une vraie menace pour la rentabilité des assureurs traditionnels. Si eux n’ont pas intérêt à sortir aussi vite du modèle de mutualisation à grande échelle, certains acteurs verticaux peuvent y voir un moyen de gagner des parts de marché : un constructeur automobile possédant l’ensemble des données liées à la construction et l’utilisation de ses véhicules sait mieux que quiconque quel est le niveau de risque associé à chacun de ses modèles (ce principe existe déjà sous la forme des périodes de garanties). Il lui suffira d’utiliser en plus des informations sur les conducteurs (notamment, le comportement de conduite ou des données de géolocalisation) et sur l’état, à un instant donné, des différentes pièces du véhicule, pour devenir apte à tarifer en temps réel une assurance automobile. La notion de « maintenance prédictive du véhicule » peut également être intégrée, afin de réduire encore davantage le risque de défaillance.

Cette même logique peut s’appliquer aux grands énergéticiens qui pourront ainsi connaître, en temps réel, le niveau de risque associé à un logement. La détection de la fraude et l’identification des responsabilités deviendront plus faciles, de même que les moyens de prévenir les sinistres. EDF pourrait, par exemple, identifier en temps réel les installations électriques à risque (prises électriques dénudées, consommation anormale d’un appareil…), prévenir le propriétaire grâce à une notification

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envoyée sur son smartphone, puis majorer la prime d’assurance habitation jusqu’à ce que les installations soient réparées. Un premier pas dans cette direction a déjà été fait avec les nombreux partenariats contractés entre les énergéticiens et les fabricants d’objets connectés, par exemple, entre Direct Énergie et Nest. Idem pour les administrateurs de biens qui pourraient se doter des mêmes capacités, non plus à l’échelle du logement, mais à l’échelle d’un patrimoine immobilier. Pour ces acteurs, l’assurance du bien et la valeur qu’elle ajoute par l’intermédiaire de son service de prévention jouent plus un rôle marketing que de réel complément de revenu. Dans ce cas, la différence entre la valeur financière de ce type d’assurance (faible, car directement reliée au risque de la situation assurée) et la valeur perçue du service associé par le client sera précisément l’effet de levier recherché, ce qui mettra de facto les assureurs traditionnels hors-jeu. L’individualisation du risque accroît également la capacité d’un assureur à le prédire. Cela pourrait ouvrir des perspectives inédites, personnalisées dans le domaine de la prévention, de l’assistance et de la gestion du sinistre : les initiatives de prévention pourront intégrer de façon plus précise des notifications intelligentes sur la météo ou l’état d’un appareil ménager défectueux, par exemple, tandis qu’une meilleure optimisation de la charge des différentes parties prenantes de la gestion de sinistres (experts, réseaux de garages partenaires, artisans…) permettra de couvrir le besoin de l’assuré beaucoup plus rapidement.

2.3. Troisième perspective : l’oligopolisation de l’assuranceÀ la suite, ou en parallèle de l’individualisation de l’assurance, pourrait s’opérer un phénomène d’oligopolisation, provoqué par

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de nouvelles ruptures d’usage. La voiture autonome en est un exemple. Un cas d’usage largement envisagé pour les véhicules autonomes serait la création de flottes de véhicules en libre-service, gérées par une seule intelligence artificielle, apprenant des situations rencontrées par chacun des véhicules. Dans ce cas, que devient le contrat d’assurance auto et qui doit-on assurer ? On pourrait passer d’un marché B2C, dans lequel le client est un conducteur, à un marché B2B, dans lequel le client est un éditeur de logiciels et qui se limiterait à 5-10 grands clients par pays. Dès lors, assurer la plus grande flotte garantirait la place de leader sur le marché. La réduction de la matière assurable, combinée à la baisse systémique du risque pourrait amener à la diminution massive des volumes d’affaires et, par conséquent, à une consolidation des acteurs en recherche de synergies. Au premier abord, cette perspective ne pourrait pas concerner tous les produits d’assurance. On voit mal l’assurance santé prendre ce chemin. Néanmoins, le transfert du risque d’une personne, physique ou morale, à un logiciel peut s’étendre plus loin que l’assurance auto, notamment dans certains types d’assurance professionnelle : si demain la logistique en entrepôts est gérée par un réseau robotique centralisé, le même principe peut s’appliquer.

3. Une remise en cause complète du modèle de l’assurance ?Nous ne connaissons pas l’avenir. De nombreuses ruptures d’usages non anticipées peuvent rebattre les cartes du secteur de l’assurance. Pour autant, nous pensons que les questions soulevées par ces ruptures sont davantage des sources d’opportunités que des sources d’inquiétude pour les assureurs,

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dont l’expertise, notamment en gestion du risque, est encore aujourd’hui inégalée à l’échelle mondiale. Il s’agit simplement pour les assureurs de s’y préparer. En tant qu’acteur du secteur technologique, Google parcourt chaque jour une route pavée de disruptions et d’innovations mettant en danger les business models existants. Notre expérience nous permet de comprendre quels sont les facteurs clés de succès permettant d’atteindre la maturité digitale nécessaire pour s’adapter aux futures règles du jeu. On peut les résumer en trois axes.

3.1. Premier axe : réapprendre à connaître ses clientsLes ruptures d’usages ont radicalement modifié les comportements et parcours clients. Comme évoqué précédemment, les parcours sont désormais majoritairement digitaux et multidevice. L’analyse de ces parcours nous permet de comprendre que la notion de « parcours type », si chère aux manuels de marketing traditionnel, au cours duquel chacun rentre dans un tunnel à sens unique où l’on passe de la notoriété à la conversion en passant par la considération, n’existe plus. Chaque parcours subit un contexte et une pression médiatique différents, qui, couplés à l’intention profonde du prospect, le rendront unique. Pour autant, nous pouvons mettre en évidence quatre grands points de passage cruciaux et communs à la majorité des parcours : – La recherche  : près de deux leads sur trois passent par

Google9 au cours de leur parcours de souscription à un

9. Étude Clickstream Google/Nielsen «  Parcours clients dans le secteur financier », 2015.

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produit d’assurance. Par ailleurs, les prospects passant par Google pendant leurs parcours sont près de deux fois plus enclins à convertir que les autres10. Être à l’écoute de cette demande est primordial ;

– Les comparateurs  : ils représentent entre 25  % et 33  % du trafic généré par les parcours de souscription en assurance11, principalement pour les produits incendie, accidents et risques divers (IARD). L’enjeu est ici celui du positionnement vis-à-vis de ces intermédiaires  : un assureur doit-il se défendre contre les comparateurs afin de mieux maîtriser ses prospects, ses leads et sa communication sur son offre, ou doit-il utiliser les comparateurs comme apporteur d’affaires, tout en sachant que les clients acquis par ce canal seront toujours retravaillés par les comparateurs, et donc en moyenne, moins fidèles ? ;

– Les actifs digitaux (sites Web, sites mobiles, applications) : les thèmes clés lorsqu’on parle des actifs digitaux sont « expérience utilisateur » et « omnicanal ». Les sites Web doivent offrir, sur ordinateur comme sur mobile, les parcours les plus simples et rapides pour faciliter la conversion, et également laisser l’utilisateur poursuivre son expérience sur n’importe quel canal de façon transparente, offline ou online. Cela peut passer par des formulaires rapides, des fonctionnalités de Web call back, de tchat… ;

– Les actifs physiques (agences, call centers)  : même si l’immense majorité des souscriptions a encore lieu dans les agences, leur rôle a changé. Ainsi, 65 % des Français

10. Ibid.11. Ibid.

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arrivent en agence en sachant déjà à quel produit d’assurance ils veulent souscrire  ; 52  % arrivent en agence avec une offre concurrente afin de négocier, et 66 % d’entre eux y arrivent12. Pour rester pertinent, l’agent doit donc passer d’un rôle de commercial à un rôle de négociateur capable de s’adapter et de répondre au besoin spécifique de la personne qui est en face de lui.

Si les messages provenant des deux premiers points de passage semblent évidents, les attentes des prospects sur les deux derniers sont nouvelles et de la façon d’y répondre dépend la capacité des assureurs à rester compétitifs dans les années à venir.

3.2. Deuxième axe : redévelopper ses compétences internes et flexibiliser son organisationL’émergence de licornes dans de nombreux secteurs bouleverse les échelles de temps dans les secteurs traditionnels. Par exemple, le secteur du transport de personnes a vu son échelle de temps passer de 5-10 ans à 3-6 mois en moins de deux ans. Pourquoi ? Uber doit constamment innover d’une part, pour distancer ses « clones » sur un marché aux barrières à l’entrée désormais inexistantes et, d’autre part, pour attirer et récompenser des investisseurs qui raisonnent en croissance et non en chiffre d’affaires. Uber redéfinit maintenant le standard du transport tous les six mois. Adapter ses compétences et flexibiliser son organisation est indispensable pour s’adapter à ces nouvelles échelles de temps.

12. Étude Consumer Survey Google « Expérience Utilisateur dans le secteur financier », mars 2016 (1 048 réponses).

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3.3. Troisième axe : innover vite et en ruptureLa rupture des échelles de temps a une conséquence très simple : les assureurs n’ont plus le temps de tergiverser. Le digital redéfinit perpétuellement les normes et pousse à réinventer les produits et services pour se positionner dans cette norme. Bien entendu, chacun a un devoir de veille et de curiosité vis-à-vis de la vague d’innovation portée par la scène entrepreneuriale. Mais chacun a également un besoin urgent d’y prendre part pour reconstituer un avantage compétitif. Il est donc crucial de s’autodisrupter, de mettre en danger ses propres produits, avant que d’autres ne le fassent. Cela peut prendre plusieurs formes : promouvoir le développement et l’innovation en interne ou encore créer des « labs d’innovation » à la manière d’AXA, pour protéger la liberté d’innovation et la laisser en dehors de toute lourdeur organisationnelle. Cela peut aussi passer par de la croissance externe ou du co-développement.

Les grands acteurs technologiques, dont Google fait partie, peuvent être des partenaires de choix dans une réflexion concrète sur l’innovation dans différents pans de la chaîne de valeur de l’assurance, notamment sur la prévention. Par exemple, plusieurs assureurs ont récemment décidé de capitaliser sur l’émergence de solutions connectées pour une maison plus intelligente, afin de proposer une offre d’assurance habitation, couplée avec des détecteurs de fumée Nest : une combinaison idéale pour réduire le risque d’incendie et pour proposer un tarif compétitif. D’autres ont travaillé avec Waze, en enregistrant des voix d’enfants pour les intégrer au GPS, afin d’augmenter la prise de conscience des conducteurs sur leur comportement au volant.

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Pour élargir la réflexion, prenons un dernier exemple. Les assureurs traditionnels possèdent un actif essentiel : leur réseau d’agences, qui est tantôt vu comme une force, car jouant le rôle de thermomètre de proximité de la relation client, tantôt vu comme un poids peu agile dans l’organisation. Aujourd’hui, ces réseaux font face à une baisse de la fréquentation, car les parcours se digitalisent, mais aussi, car les banques se positionnent de plus en plus fortement sur le marché de l’assurance dans une logique de multi-équipement. Faire revenir les Français dans leurs agences est un enjeu majeur. Une innovation en rupture pourrait consister à ne plus voir ce réseau comme un ensemble d’agences d’assurance, mais plutôt comme un maillage de proximité du territoire français. Dès lors, la mission de ce réseau ne se limite plus à la distribution de polices d’assurance, mais pourrait également proposer n’importe quel service nécessitant une présence de proximité. Sans tomber dans la caricature du Point relais, il existe de nombreux services connexes à l’univers de l’assurance pour lesquels la valeur perçue par le client serait grande : service de location de voitures, coffre-fort, stockage de doubles de clés, conseil juridique… Ce pourrait être un moyen simple d’améliorer la mauvaise expérience qu’ont les clients des moments clés de leur relation avec leur assureur : la gestion de sinistres et le renouvellement de contrats.

Se doter des moyens technologiques, humains et méthodologiques pour travailler sur ces trois axes est le meilleur moyen de prendre l’autoroute digitale pour, d’une part, combler l’écart constaté entre les attentes des consommateurs et la proposition de valeur des assureurs, et, d’autre part, prendre un avantage compétitif certain lorsque de nouvelles ruptures d’usages viendront à nouveau bouleverser le monde des affaires.

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PENSER ET RÉUSSIR L’ASSURANCE DE NOTRE TEMPS« IL N’EXISTE RIEN DE CONSTANT SI CE N’EST LE CHANGEMENT » (BOUDDHA)

Magaly SIMÉONMembre du Comex en charge des activités protection sociale et services, CNP Assurances

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Très en vogue depuis quelques années, le concept de «  disruption  » fait une apparition plutôt discrète dans le secteur de l’assurance. Ce terme au contenu évolutif repose principalement sur la croyance que de nouveaux entrants et des innovations notamment technologiques vont redéfinir en profondeur le rôle, les métiers et les activités des assureurs. Ils seraient même porteurs de ruptures majeures.Dans l’assurance, les partisans de la disruption constatent que quasiment tous les assureurs proposent les mêmes services. Or, pour eux, un nouveau monde est en train d’émerger. Ils s’appuient principalement sur le «  modèle nord-américain  » pour annoncer l’arrivée de nouveaux entrants (et donc de nouvelles pratiques). Google ou Walmart n’ont-ils pas obtenu des licences pour vendre des produits d’assurance aux États-Unis ? Nombreux sont les cabinets d’études qui préviennent que des intervenants aussi différents que des distributeurs, des opérateurs de téléphonie mobile ou des fournisseurs d’accès vont proposer des produits d’assurance afin notamment d’optimiser leurs investissements et de fidéliser leurs portefeuilles de clients. Certains vont jusqu’à pronostiquer d’importantes baisses de primes d’assurance. Par exemple, l’apparition des voitures autonomes réduirait les primes autos de 20 % en quatre ans, voire de 80 % en moins de sept ans13. Pour ses partisans, la disruption a d’ailleurs de nombreux effets bénéfiques. Elle favoriserait le décloisonnement de certaines expertises. Elle faciliterait un accès massif et aisé à des produits et services pouvant être personnalisés et gérés aisément par les utilisateurs (selfcare). Elle créerait une pression forte sur les

13. Rapport Celent, mai 2012.

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coûts et les prix. Elle serait aussi susceptible d’engendrer de nouveaux marchés.

Mais la disruption n’est pas une découverte pour les assureurs. Elle a toujours existé dans la profession et est présente sous diverses formes. Elle a été par exemple portée par la technologie (pensez au choc – maintenant oublié – que fut le passage des machines à écrire et des cartes perforées à l’informatique), mais aussi par l’arrivée de nouveaux acteurs (MSI, bancassureurs, vente directe…), par le désir du législateur (garantie des accidents de la vie  – GAV, fonds eurocroissance, normalisation…) ou tout simplement par les besoins d’un marché en perpétuelle mutation (e-réputation, vol de données, robotique…).

Par essence, les assureurs ne cessent de s’adapter aux risques et à leur environnement. C’est leur métier, mais aussi la condition même de leur survie. Ils ont tenu compte et intégré dans leurs garanties des réalités aussi différentes que le pacte civil de solidarité (Pacs), les trithérapies, les médecines douces, le covoiturage, les objets connectés… Parce que leur rôle est éminemment sociétal.

Contrairement à de nombreuses croyances, l’assurance a toujours été agile et n’a cessé de proposer des solutions pour couvrir et porter des risques. C’est dans l’ADN même de ce métier. La disruption n’est pas un problème. Par contre, elle peut l’être pour certaines entreprises d’assurance qui ont perdu au fil des temps le contact avec les réalités du métier.

Le regain d’intérêt pour la disruption provient en fait de la superposition de trois mutations majeures dans l’univers de l’assurance :

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– La mutation du métier ;

– Le changement des organisations et du fonctionnement qui impacte tous les types d’entreprises ;

– L’évolution des relations humaines.

Le résultat est une modification importante et irréversible de notre métier d’assureur.

1. La mutation du métier

Le métier d’assureur est naturellement exogène (catastrophes, sinistres, accidents, maladie, risques…). C’est même une des rares professions où le client et son fournisseur ne souhaitent pas se revoir, preuve que tout va bien. Malgré d’importants efforts accomplis, les contrats d’assurance sont toujours perçus comme étant trop rigides et techniques.

1.1. La vision du métier

Certes, ces contrats deviennent plus agiles et mieux centrés sur les utilisateurs (besoins, comportements…). Certes, les technologies de communication permettent une meilleure présence et réactivité. L’enjeu ne se situe plus dans la forme et les moyens. Il se déplace sur un autre plan : le regard que les assureurs doivent avoir et porter sur les assurés.

Soyons plus positifs et rassurants. Sachons passer de l’assuré sujet et suspect à celui de partenaire qui a besoin de nous à un moment peu facile pour lui. Pourquoi ne pas aller jusqu’à être présent dans tous les événements de sa vie ? C’est certainement un de nos plus grands challenges que de réussir cette mutation. À nous de trouver le langage, les comportements

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et les méthodes appropriés pour montrer concrètement que l’assurance est d’abord un service rendu aux assurés.

De leur côté, la vision des assurés change aussi. Ils attendent de plus en plus des solutions concrètes plutôt que de simples remboursements. Ce passage (en cours) de la logique de l’indemnisation et de la réparation à celle de l’accompagnement va avoir des impacts considérables dont il est encore difficile de mesurer l’ampleur et la variété.

Les assureurs auront tendance à généraliser progressivement une culture de la responsabilisation des assurés grâce notamment à divers mécanismes basés sur des actions de prévention, des récompenses, des incitations… Un rappel : le bonus-malus a été inventé par les assureurs. La promotion des objets connectés en santé ou dans les habitations s’inscrit bien dans cette démarche.

1.2. Le champ de l’assurance

Jamais la matière assurable n’a été aussi variée, importante et évolutive. Les assureurs sont sollicités pour apporter de la sécurité, de la confiance et des solutions dans un nombre croissant de domaines : nanotechnologies, risques climatiques, garanties accidents de la vie, e-réputation, bien-être des personnes, cybercriminalité, assurance contre le terrorisme, protection juridique…

Le champ d’intervention de l’assurance ne cesse de croître et les attentes exprimées montent en exigence, en réactivité et en concrétisation. Les assurés veulent être « couverts » pour des risques de plus en plus divers et parfois aux impacts méconnus. Ils attendent de l’assureur qu’il soit à la fois un tiers de confiance

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(on peut compter sur lui) et un opérateur qui ne se contente pas d’un simple remboursement, mais bien qu’il répare, conseille, voire les accompagne tout au long de la vie.

Ce qui est également nouveau, c’est l’élévation du niveau d’exigence. Ces demandes/attentes/besoins doivent être réalisés le plus simplement possible, au meilleur coût et avec une très grande réactivité. Les assureurs ont un ensemble de défis à relever dans un contexte économique, financier et technologique complexe où la pression normative et concurrentielle atteint des niveaux jusque-là inconnus.

La conséquence est que l’assureur ne se contente plus de « rembourser » ; il est aussi celui qui apporte des prestations en nature capables de rendre le service attendu. Il s’agit d’un passage d’une obligation de moyens qui tend à se rapprocher d’une obligation de résultats (réparer…) de plus en plus qualitative (vivre mieux, plus de sécurité…).

L’assureur de notre temps est nécessairement et naturellement orienté client et proactif. Ses capacités d’anticipation des événements de vie de ses clients et de leur environnement l’amènent à rechercher et à apporter des solutions pratiques destinées à améliorer leur confort et leur sécurité.

À titre d’illustration  : outre le passage au digital, CNP Assurances a adapté ses contrats en proposant des prestations complémentaires. Par exemple, les garanties chômage proposent des solutions originales comme des services d’assistance et d’aide au retour à l’emploi. En créant Lyfe, notre plateforme digitale de services, l’objectif est de faciliter la vie des assurés qui ont besoin par exemple de prendre des rendez-vous urgents avec des professionnels de santé de

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qualité ou de bénéficier d’un complément d’information lors du diagnostic d’une pathologie grave…

1.3. La mutation du positionnement

Dans ce contexte très évolutif et cumulatif en mutations variées, les assureurs se trouvent confrontés d’une façon inattendue à une question identitaire : en quoi consiste maintenant le métier d’assureur ?

Fabriquer des produits d’assurance et les gérer ne posent pas de problèmes particuliers. Dans les années 1980, la profession a réussi à développer massivement les produits d’épargne soumis à la fiscalité de l’assurance-vie. La mise en œuvre de prestations en nature connexes comme l’assistance, la protection juridique, l’étude de devis… s’est passée sans difficulté. Mais si les réseaux commerciaux des assureurs proposent des offres de plus en plus hétérogènes et que celles-ci deviennent progressivement une part importante de leurs activités, les assureurs concernés seront-ils encore de «  vrais assureurs  » dans les prochaines années ? N’auront-ils pas changé de métier dans les faits ?

Certes la profession a inventé depuis longtemps les produits «  packagés  » (les fameuses multirisques que tout le monde connaît)  et est aussi à l’origine des prestations en nature. Ce qui est nouveau, c’est l’élargissement du champ à des professions de plus en plus nombreuses et variées (maisons de retraite, domotique, objets connectés…) et à la cohabitation de cultures très hétérogènes. Cet élargissement du champ conduit mécaniquement à une redéfinition du métier.

La plupart des assureurs deviennent progressivement des agrégateurs d’offres provenant de prestataires et de fournisseurs

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de solutions issus de professions aux statuts divers et aux métiers très différents. Outre l’intégration des offres et des métiers, il faut aussi savoir organiser et gérer les relations entre les « payeurs » qui peuvent devenir multiples, les « apporteurs de solutions » et les « bénéficiaires ». Les assureurs doivent être capables de diffuser leurs offres (et celles de leurs partenaires) sur les bons canaux de distribution au bon moment et de la bonne façon. L’arrivée du multimédia va d’ailleurs bouleverser des pratiques commerciales trop souvent basées sur l’écrit. Dans un laps de temps court, les assureurs doivent réinventer la façon d’exercer leur métier et de présenter leurs offres, ce qui va nécessairement avoir des impacts sur le pilotage de la marge et les résultats.Des arbitrages deviennent nécessaires. Peut-on être et rester excellent sur les trois grands piliers de la chaîne de valeur que constituent la création de produits, la gestion et la distribution ? Chaque assureur aura à faire des choix stratégiques qui seront porteurs de partenariats, d’alliances, de spécialisations… C’est dans ce contexte que se développe une forme de crise identitaire dans l’assurance, qu’aggravent quatre autres réalités : – Les technologies et les comportements de consommation

poussent à l’individualisation et à la personnalisation des offres d’assurance, alors que le fondement même du métier est la mutualisation. Un point d’équilibre reste à trouver qui variera selon les cibles, les segments, les métiers, les moments, les effectifs en cause et la culture d’entreprise ;

– Paradoxalement, ces mêmes technologies favorisent les réseaux, les appartenances et les communautés. Elles créent de nouveaux phénomènes de groupes ou collectifs propices

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aux achats groupés et à l’émergence de formes originales de mutualisation (l’affinitaire) ;

– La confrontation des temps atteint directement l’assureur qui doit tenir compte que son temps long n’est pas forcément compatible avec le temps de plus en plus court des assurés, qui vivent souvent dans un environnement contraint, incertain et fluctuant ;

– Enfin, les incertitudes juridiques, fiscales et normatives caractérisent les sociétés actuelles et rendent souvent aléatoires certaines prévisions.

2. Le changement des organisations et le fonctionnement des entreprises

Les compagnies d’assurances sont aussi des entreprises comme les autres confrontées aux évolutions des modes d’organisation et de fonctionnement portées par les technologies et les nouveaux comportements des différents acteurs (collaborateurs, clients, fournisseurs). Parmi ces évolutions, trois représentent pour les assureurs un véritable challenge.

2.1. L’économie collaborative

Les technologies numériques via les plateformes permettent de rapprocher les offreurs et les utilisateurs. La crise économique et financière oblige les particuliers à faire des économies et à rechercher des sources de revenus complémentaires. Le cadre fiscal a suscité l’autoentrepreneuriat. Il existe parfois une sous-utilisation de biens et d’infrastructures chez les particuliers, mais aussi chez des professionnels ou dans les entreprises. De nouveaux comportements se développent comme la

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recherche d’une consommation responsable, la lutte contre les gaspillages, la priorité donnée à l’usage des biens plutôt que leur possession. Tous ces facteurs favorisent le développement de l’économie collaborative. Elle ne se limite pas aux échanges entre personnes physiques qui utilisent des plateformes numériques. Elle ne se résume pas non plus à un mot devenu célèbre : Uber.

Selon le rapport du pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame) d’octobre  2015, la France fait partie des trois pays où l’économie collaborative s’est le plus développée. Elle se situe derrière les États-Unis et l’Espagne. Ainsi, 5,2 % de la population française tirerait plus de 50 % de son revenu de la consommation collaborative. Cette proportion atteint 12 % parmi les jeunes (25-34  ans)  ; 29  % des Français ont déjà proposé leurs services de particulier à particulier. Il ne s’agit donc plus d’un phénomène marginal.

Pour les particuliers comme pour les entreprises, l’économie collaborative touche tous les aspects de leur vie comme :

– L’hébergement  : location entre particuliers, colocation, échange d’appartement, habitat participatif, prêts de locaux à une start-up… ;

– Le transport  : location de véhicules entre particuliers, échange ou revente de billets de transport, covoiturage, livraison collaborative… ;

– L’équipement divers : vente ou achat de matériel d’occasion, prêt de matériel ou d’outillage, échange ou location de matériel, d’appareils… ;

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– Les services d’aide : courses, bricolage, gardiennage, soins aux animaux… ;

– La formation et l’enseignement  : cours en ligne, soutien scolaire, formation technique…

Un même assuré peut être à la fois salarié d’une entreprise, autoentrepreneur pour une activité, il peut louer son appartement à des touristes, prêter ses outils à une autre personne, voyager en covoiturage, profiter de prix intéressants grâce à des achats groupés… Les frontières traditionnelles tombent entre ce qui est gratuit et payant, entre ce qui est professionnel ou amateur… Les assurés sont concernés, mais aussi nos collaborateurs qui vivent la même situation.

C’est la raison pour laquelle CNP Assurances a entrepris plusieurs actions afin de répondre à ces nouvelles réalités. Nous avons des savoir-faire qui peuvent intéresser des partenaires variés. Des fonctions d’entreprise comme le marketing, les études, la communication, le commercial, l’actuariat, le juridique… pourraient aider des associations, des mutuelles, des créateurs d’entreprises… voire des particuliers. Nous avons aussi des assurés, des collaborateurs et des partenaires qui disposent de savoir-faire, de compétences, d’expertises… qui peuvent nous intéresser. Nous sommes en train de rapprocher ces univers de plusieurs façons. Notre plateforme Lyfe est orientée vers le bien-être et la santé. Elle apporte des solutions à des personnes qui doivent faire face à des situations difficiles notamment en dépendance. Nous avons aussi créé un extranet original qui permet notamment un recensement de nos savoir-faire qui pourraient intéresser nos partenaires pour les aider à mieux se développer. Le but est aussi d’élargir

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cet espace collaboratif au plus grand nombre afin que chacun puisse librement présenter, proposer et utiliser des expertises.

Dans tous les cas, l’économie collaborative contribue à l’accélération de la digitalisation de notre profession, mais aussi de nos assurés. Elle permet aussi à des collaborateurs d’exprimer des talents et des compétences qui profitent au plus grand nombre. L’économie collaborative est une réalité qui s’impose à tous.

2.2. La blockchain

La blockchain est d’une nature un peu différente de celle de l’économie collaborative, bien qu’elle se situe dans la même logique. Le principe repose sur un système informatique sécurisé et partagé par les différents utilisateurs qui permet la validation, le stockage et la transmission d’informations et de documents. Les enregistrements sont protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage. Il n’est plus besoin de recourir à des intermédiaires.

Pour les assureurs, la technologie blockchain a plusieurs impacts. Voici trois exemples d’effets directs :

– Elle permet de construire de nouveaux systèmes de gestion des polices d’assurance et des réclamations des assurés qui seraient autogérés. Concrètement, les vérifications, le déclenchement de l’indemnisation… se font automatiquement, d’où une diminution des coûts de structure tout en fiabilisant et en accélérant les processus de décision ;

– Elle favorise le développement des contrats intelligents (smart contracts) qui sont en fait des «  programmes

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informatiques  » qui se créent sans aucune intervention humaine. Par exemple  : si le propriétaire d’une voiture achetée à crédit cesse d’effectuer les versements, le smart contract peut rendre automatiquement le contrôle de la clé du véhicule à la banque. Ce type de contrats peut aussi identifier et transférer automatiquement des fonds en déshérence… ;

– Elle facilite le travail entre des acteurs différents issus de métiers variés autour d’un même projet ou d’une même activité en disruptant la blockchain pour en faire un vrai système collaboratif.

Le déploiement de la logique blockchain va nécessiter d’importants efforts d’investissements, de rationalisation et de transformation. Une partie de l’activité de l’assureur deviendra « mécanique » et « autonome », d’où l’importance d’identifier les vulnérabilités potentielles et d’en mesurer les impacts.

La blockchain pourrait par exemple être l’élément déclencheur de la grande mutation des produits banalisés d’assurances destinés aux particuliers (auto, MRH, santé…). Les bancassureurs comme les mutuelles IARD sont directement concernés.

Il est donc très important que la profession puisse mieux connaître, tester et utiliser cette technologie. Elle apporte de la simplicité et de la rapidité au service de l’assuré pour un coût plus réduit et avec une gestion plus transparente. Compte tenu de ses expertises en relations clients (plus de 36 millions d’assurés en prévoyance/protection et plus de 13 millions en épargne/retraite dans le monde à fin 2015), CNP Assurances est un observateur vigilant et responsable de la mise en œuvre concrète de la blockchain.

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2.3. La gestion de la relation

Les assurés ne raisonnent plus en termes d’«  assurances  », mais de « besoins », et ces besoins peuvent se trouver assouvis par des solutions de plus en plus non assurantielles. Pour les « jeunes » générations (les digital natives), les assurances restent un produit largement incompris. Environ la moitié de ces assurés considère les polices d’assurance comme étant trop complexes et pas suffisamment expliquées.

Pourtant, les assurés n’ont jamais été autant acteurs de la relation avec leur assureur. Grâce aux réseaux sociaux et aux outils mis à leur disposition, ils peuvent non seulement « consommer », mais aussi questionner, remettre en cause, critiquer, partager ou recommander. Le passage d’une vision pyramidale de la relation à une vision horizontale est en cours. Les acteurs de l’assurance se trouvent sous la pression constante pour devoir tenir leurs engagements.

C’est la raison pour laquelle CNP Assurances met en œuvre une politique active d’enquêtes et d’études de satisfaction client complétée par une série d’initiatives, comme la rencontre sur le terrain avec des assurés, des prospects et/ou leurs représentants. Par l’écoute active, il devient possible d’identifier les menaces et de repérer des opportunités. Le but est de devenir actif auprès des assurés acquis et potentiels, de coller aux événements de leur vie afin de renforcer notre légitimité et notre utilité, conditions indispensables à la confiance. C’est la raison pour laquelle, il faut améliorer sans cesse la connaissance et l’expérience client, quitte à rechercher dans d’autres professions (benchmark) de nouvelles et meilleures pratiques.

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Cette orientation client met en évidence des enjeux inattendus pour les assureurs. Par exemple, via la captation d’informations et leur consolidation, « l’Internet des objets » ouvre le marché de l’assurance à une nouvelle typologie d’acteurs qui peuvent prétendre à occuper une place importante sur ce marché. La tentation est forte pour les  pure players, ces entreprises qui ont pour particularité d’exercer leurs activités uniquement sur Internet, de venir proposer des offres d’assurance. Les tenants de la disruption n’hésitent pas à mentionner l’exemple américain et rappellent les effets qu’a eu la vente directe au Royaume-Uni, il y a vingt ans.

En fait, les objets connectés mettent en évidence la valeur et les enjeux que représentent ces actifs immatériels que sont les données. Leur propriété, leur stockage, leur protection et leur utilisation constituent de nombreux défis à relever. Les assureurs ne gagneront pas seuls la bataille des données et devront coopérer avec d’autres acteurs. Il leur faudra cependant trouver les meilleurs partenaires possible (professionnalisme, indépendance, sécurité, réactivité, taille…).

Le métier de l’assureur va s’ouvrir à des partenariats multiples dans le but d’apporter un meilleur service, d’être toujours plus innovant et réactif. Ce souci les conduira à investir de plus en plus dans le monde de la recherche et développement, afin d’aider les start-ups innovantes, tant dans le domaine technologique que celui de la relation sociale.

À titre d’exemple, CNP Assurances est entrée au capital de Lendix, qui est la première plateforme française de prêts. Elle permet aux PME françaises d’emprunter jusqu’à 1 M€, directement auprès d’investisseurs particuliers, entreprises ou

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institutionnels. CNP Assurances figure d’ailleurs parmi les 50  premiers investisseurs institutionnels mondiaux dans le non-côté et parmi les tout premiers en France.

3. L’évolution des relations humaines

Les mutations sociétales et économiques impactent tous les profils d’intervenants  : les dirigeants et leurs collaborateurs, mais aussi les clients et les prospects, sans oublier les partenaires et les fournisseurs. La connaissance de ces impacts est indispensable pour l’assureur, car ils concernent une partie non négligeable de la matière assurable.

3.1. L’effet générationnel

Selon l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance, 17 % des 143 661 salariés du secteur de l’assurance (2014) ont plus de 55  ans. Ces baby-boomers sont plus nombreux que les moins de 30 ans –  la génération Y – qui se situent aux alentours de 14,3 %. Le report de l’âge de départ à la retraite est la principale explication à cette situation.

La génération  X  (30-55 ans) constitue donc la plus forte population en nombre de salariés. Ils sont entrés massivement dans la profession au moment du développement de l’épargne-vie individuelle, de l’informatisation de la profession et du marketing de masse. Leurs profils sont variés (comptables, informaticiens, financiers…). Ils sont très typés par leur formation et par leur façon d’exercer leur métier. Cette génération va durablement impacter la vie de l’assurance. De son côté, la génération Y se concentre surtout dans des fonctions commerciales et le digital.

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Contrairement aux croyances, les départs des baby-boomers ne seront pas compensés intégralement par de nouveaux recrutements. Les rapprochements d’entreprises et le souci de rentabilité conduisent les assureurs à réduire leurs effectifs. Les recrutements sont centrés principalement sur certaines fonctions comme le commercial, le digital et l’actuariat. La profession devrait globalement perdre en capacité d’emplois et connaître un vieillissement régulier de ses effectifs où prédominera la culture X.

Le taux de féminisation demeure très important dans l’assurance (60 %) et les inégalités de répartition se réduisent puisque 47,9  % des cadres recrutés sont des femmes. Cependant, celles-ci restent sous-représentées dans les instances de direction.

Dans ce contexte démographique marqué par le vieillissement des actifs, la cohabitation de générations très différentes et des nécessités de natures économique et financière différentes, les assureurs vont devoir inventer et développer des modèles d’organisation et de fonctionnement plus souples et plus réactifs.

Paradoxalement, la culture dominante parmi leurs effectifs (la génération X) est celle qui semble être la moins prédisposée à répondre à ces nouvelles exigences par son profil d’expert. Réussir cette évolution interne est pourtant stratégique pour les assureurs, car ils courent le risque d’être en décalage avec leurs marchés.

CNP Assurances soutient un certain nombre d’initiatives. Par exemple, elle anime des ateliers lors de réunions professionnelles (Réavie par exemple) et/ou participe

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activement à des clubs de réflexion associant notamment des entreprises, des organisations syndicales… Notre entreprise est partie prenante d’études, de travaux et d’expérimentations concernant aussi bien la silver economy que la génération Y ou les plus démunis (micorassurance). Le but est de favoriser le « mieux vivre ensemble » dans l’intérêt commun.

3.2. La nouvelle place des collaborateurs

Pour les assureurs de notre temps, un de leurs grands défis consiste à réinventer leurs modes de travail et de relation avec leurs propres collaborateurs. Ils constituent un véritable actif immatériel souvent mal connu et sous-évalué.

Les nouvelles organisations du travail portées par la digitalisation, la spécialisation, les pressions concurrentielles, les normes… ont des impacts importants et durables sur les personnels (nouvelles formes de travail, nouveaux profils, nouveaux métiers, télétravail, multiplication des procédures de contrôle…).

Les nouvelles générations amènent avec elles des exigences et des pratiques très différentes. Des mots (tous anglo-saxons pour l’instant) comme slashers –  qui traduit la banalisation des travailleurs ayant au moins deux jobs –, ou blurring – qui désigne l’effacement de la frontière entre la vie professionnelle et la vie privée – sont déjà une réalité dans de nombreuses entreprises. Ils vont venir heurter une profession qui est encore restée très « administrative » (en termes de statut, de classe, de grade…) dans son état d’esprit.

Les capacités d’adaptation, de mobilisation et d’entreprendre (intrapreneuriat) des collaborateurs enrichissent l’entreprise.

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De nouvelles formes de travail sont à inventer dans nos milieux où le télétravail peine encore à se développer. La mixité générationnelle, y compris dans des postes à responsabilité, devient un enjeu. CNP Assurances favorise le recrutement de seniors, mais aussi de jeunes. Nous avons un des plus hauts taux de contrats en alternance de la profession.

Il est important pour tout dirigeant et manager d’anticiper et de commencer, dès à présent, à expérimenter de nouvelles façons de travailler sachant que nul n’est prophète en son pays. Si les assureurs sont agiles pour s’adapter aux marchés, à leur environnement, ils doivent prouver qu’ils le seront aussi en matière d’organisation et de fonctionnement.

Conclusion

L’assurance est naturellement disruptive et l’innovation y est permanente, même si elle n’est guère spectaculaire ni médiatiquement relayée. Le véritable enjeu pour la profession est de conserver cet état d’esprit innovant, contrarié parfois par une accumulation de règles et de normes diverses.

Notre profession doit en permanence se rappeler que notre utilité et notre légitimité proviennent de notre capacité à apporter de la confiance à nos assurés et à leur simplifier la vie, surtout à certains moments peu faciles de leur existence.

Métier d’experts, ouvert sur les réalités du monde depuis l’origine, l’assurance va évoluer en quelques années plus qu’en un siècle. C’est une période passionnante qui s’ouvre. Des hommes et des femmes vont construire une autre façon de faire ce métier qui est le seul présent dans tous les métiers.

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L’assurance de demain comme celle d’aujourd’hui ou d’hier restera fidèle à sa vocation : rendre service aux assurés. N’est-ce pas une formidable vocation ?

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BIOGRAPHIES

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Adrien COURETDirecteur général délégué en charge de la stratégie, de la performance et des risques, Macif

Adrien COURET est diplômé de l’École des hautes études commerciales (HEC) Paris. Intégrant le groupe Macif en 2008, il occupe les fonctions de chargé de mission à la direction générale puis de directeur de la coordination stratégique avant de devenir en 2015 directeur général délégué en charge de la stratégie, de la performance et des risques.Il est par ailleurs administrateur du groupe OFI.

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Stéphane DEDEYANDirecteur général délégué, Generali France ; Président de la Commission Assurances de personnes, Fédération Française de l ’Assurance (FFA)

Stéphane DEDEYAN est diplômé d’HEC et de l’Institut des actuaires français. Il débute sa carrière professionnelle en 1990 comme consultant chez Eurosept Assurances. En 1994, il rejoint AT Kearney en tant que manager, puis intègre le cabinet de courtage Legendre  SA en qualité de directeur commercial et administratif. Il rejoint Generali en mai 1999 comme inspecteur des risques professionnels au sein de Generali Proximité ; il est nommé successivement directeur des entreprises et des partenariats, directeur commercial et directeur général adjoint de Generali Proximité. En février 2006, il est nommé directeur général de Generali Patrimoine. Il est aujourd’hui directeur général délégué de Generali France, en charge des activités d’assurance.Depuis le 14 juin 2011, Stéphane DEDEYAN est également président de la Commission plénière des Assurances de personnes de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), et depuis mars  2015, président de la Commission Assurances de personnes de la Fédération française de l’assurance (FFA).

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Jean-François LEQUOYMembre du Comité de direction générale ; Directeur du pôle Assurances, Natixis

Jean-François LEQUOY est diplômé de l’École polytechnique (Corps de contrôle des assurances), de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) et de l’Institut des actuaires. Il a commencé sa carrière comme commissaire contrôleur des assurances à la direction des assurances du ministère des Finances et du Budget (1986-1991).

Sous-directeur à la direction des assurances de la Compagnie de Suez de 1991 à 1994, il a ensuite été managing director du groupe de courtage d’assurances J & H Marsh & Mc Lennan au sein des sociétés Faugère & Jutheau puis Cecar & Jutheau de 1994 à 1998 avant d’être administrateur et directeur général de La Mondiale Partenaire (anciennement La Hénin Vie) de 1998 à 2001.

Il a rejoint le groupe AGF en 2001 en qualité de directeur financier puis a rejoint le Comité exécutif en 2003 avant de devenir, en 2004, directeur général adjoint en charge de la comptabilité, de la fiscalité, du pilotage et du contrôle des risques ainsi que des placements d’assurance et du corporate finance, puis de prendre en 2006 la responsabilité du pôle Vie et services financiers et en 2007, la responsabilité de l’unité Assurances de personnes et services financiers d’AGF France puis de l’unité Métiers. Il était jusqu’à décembre 2008 directeur général adjoint et membre du Comité exécutif des AGF.

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De décembre 2008 à février 2014, il a occupé les fonctions de délégué général de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFA).Depuis mars 2014, Jean-François LEQUOY est directeur du pôle Assurances de Natixis, membre du Comité de direction générale de Natixis.

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Maxime LETRIBOTAssocié, Eurogroup Consulting

Diplômé de Paris IX Dauphine, Maxime LETRIBOT débute sa carrière chez Ernst & Young en tant que consultant au sein de l’équipe assurance. Lors de la fusion avec Cap Gemini, il intègre l’équipe Strategic and management consulting de la division Finance, qu’il quittera en 2002 pour rejoindre le pôle Assurance et protection sociale du cabinet Eurogroup. Il devient associé d’Eurogroup Consulting à l’été  2008 et se voit confier l’animation de la practice assurance. Il publie régulièrement des articles et études sur les problématiques et l’évolution du secteur. Il organise et anime par ailleurs le Baromètre annuel des décideurs de l’assurance.Il a conseillé et accompagné tout au long de sa carrière un grand nombre d’acteurs du secteur dans les différentes familles qui le composent. Il intervient plus spécifiquement sur les problématiques d’excellence opérationnelle, de performance commerciale, de stratégies et organisation multicanal, d’amélioration de la qualité de service et de performance managériale.Maxime LETRIBOT a par ailleurs dirigé les publications Les clés de la réussite sur le marché de l’assurance de particuliers, paru en juin 2013, La révolution digitale dans le secteur de l’assurance, paru en juin 2014 et Loi Hamon : impact et stratégie de réponse des assureurs, paru en septembre 2015.

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Laurent OUAZANAPrésident, CIPRÉS Assurances

Diplômé de l’École nationale d’assurances (ENAss), Laurent OUAZANA a occupé des postes de direction au sein de compagnies d’assurance comme La Baloise/Swiss Life ou Norwich Union/Abeille Vie Courtage, avant de rejoindre la direction du groupe Molitor en 2000. Cofondateur et directeur général de Ciprés Vie en 2001, il développe cette activité grossiste et devient président de Ciprés Assurances fin 2014.En 2007, il réunit les principaux courtiers grossistes français et est à l’origine de la création du Syndicat 10. Il est vice-président de l’Association pour la promotion de l’assurance collective (Apac) et a mené un combat actif pour défendre le libre choix des entreprises dans le dossier de l’Accord national interprofessionnel (ANI) et des clauses de désignations. En 2015, il participe à la création de Planète courtier, syndicat français du courtage d’assurance, et en est élu président en novembre de la même année. Il est également membre du Conseil d’orientation scientifique de l’Institut de la protection sociale (IPS) et membre de l’association Réavie.

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Raphaël RIVIÈREExpert Digital ; Chef de cabinet du directeur général adjoint, Google France

Raphaël RIVIÈRE est ingénieur diplômé de l’École centrale Paris. À partir de 2008, il travaille plusieurs années au sein des cabinets Oliver Wyman et The Boston Consulting Group, en tant que consultant auprès des directions générales de groupes internationaux, dans un grand nombre de secteurs : finance, télécommunications, grande distribution, médias…En 2011, il rejoint l’incubateur Rocket-Internet pour fonder en France la start-up Westwing, spécialisée dans la vente événementielle d’objets d’art de vivre, aujourd’hui présente dans une vingtaine de pays. En 2013, il participe au développement d’une activité de conseil en retournement au sein du cabinet Deloitte et collabore avec des entreprises mid-cap en difficulté et des fonds d’investissement, pour les assister dans leurs enjeux stratégiques et opérationnels. Raphaël RIVIÈRE rejoint Google en 2014, en tant qu’expert digital sur le secteur de la finance. Son rôle consiste à conseiller les grands comptes de Google dans leur transformation digitale. En 2015, son périmètre est étendu aux secteurs des télécommunications, des médias, du divertissement, de la pharmaceutique, du secteur public et énergie. Il travaille également avec l’entité [X], anciennement Google X, dans le développement de partenariats industriels pour les projets futuristes du groupe Alphabet (Loon, Makani, Self Driving Car...).

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Magaly SIMÉONMembre du Comex en charge des activités protection sociale et services, CNP Assurances

Magaly SIMÉON est diplômée de l’École Supérieure de Commerce (ESC) de Toulouse et de l’université Paris VIII (en psychologie et en coaching).Elle intègre CNP Assurances en 1989 en tant que responsable de l’activité Audit en clientèle puis prend en charge le service des Établissements financiers spécialisés.En 1999, elle rejoint le groupe Gras Savoye où elle occupe plusieurs fonctions, dont celle de directrice des projets stratégiques et de la transformation (2011-2012).En 2012, elle est nommée directrice du département Assurances de personnes et membre du Comité exécutif.

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Philippe VINCENSDirecteur du pôle Finance, Google France

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur industriel du Georgia Institute of Technologie et d’un MBA d’Harvard Business School, Philippe VINCENS est le directeur du pôle Banque et assurance de Google France, depuis février  2015. Il a commencé sa carrière chez Google en juin  2014, comme responsable de la stratégie commerciale des solutions mobiles en Europe du Sud, Moyen Orient et Afrique. Auparavant, Philippe VINCENS a été entrepreneur à Paris. Il a lancé un réseau social de covoyageurs dans la sphère de l’économie collaborative. Il a également été manager chez McKinsey & Co et a géré la supply chain européenne de Whirlpool.

Cet ouvrage a été composé et mis en pages chez Soregraph (Nanterre)

Achevé d’imprimer en Septembre 2016 sur rotative numérique Prosper par Soregraph à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Imprimé en France

L’imprimerie Soregraph est titulaire de la marque Imprim’vert® depuis 2004. Ce livre est imprimé sur des papiers issus de forêts gérées durablement.

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INNOVATION / DISRUPTION : RISQUE OU OPPORTUNITÉ

POUR LE SECTEUR DE L’ASSURANCE

A propos d’Eurogroup Consulting

Créé en 1982, Eurogroup Consulting est un cabinet de conseil indépendant d’essence européenne, spécialiste en stratégie, management et organisation.

Il s’est imposé comme un acteur majeur du monde du conseil auprès des compagnies d’assurances, des bancassureurs, des mutuelles d’assurances, des mutuelles 45, des institutions de prévoyance, des grands cabinets de courtage et des fédérations professionnelles.

Fort de ses 300 consultants en France, il intervient sur des projets de transformation digitale, d’amélioration de la qualité de service, d’excellence opérationnelle, de performance managériale et d’adaptation aux évolutions réglementaires.

L’accompagnement de ses clients s’appuie également sur les expériences partagées de son réseau international, au travers de ses missions auprès des compagnies étrangères.

Eurogroup Consulting est à l’initiative de NextContinent, premier réseau international de cabinets de conseil indépendants présents dans 29 pays et 34 bureaux avec 1 100 consultants en Europe, Amérique Latine, Amérique du Nord, Afrique, Moyen Orient et Asie.

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