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Journal bimestriel sur les OGM, les biotechnologies et les semences réalisé et publié par l'association Inf'OGM.

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  • BIMESTRIEL D'INFORMATIONS CRITIQUES ET INDPENDANTES SURLES OGM

    Journal dit

    par l'association

    ACTUALITE UE : LA CULTURE DU MAS TRANSGNIQUE EN BAISSE

    P.3 UE - VERS UNE DFINITION COMMUNE DU SANS OGM ? P.4

    SEMENCES RESSEMER ET VENDRE SES SEMENCES : UN DROIT

    (RE)CONQURIR P.7 TRIBUNE FACE AU CHAOS CLIMATIQUE : DES

    OGM OU REMETTRE L'HUMAIN SAPLACE ? P.10

    ThomasAbbs

    NOVEMBRE / DECEMBRE 201 5 - 4 euros l'unit

    N1 37

  • LE CHIFFRE DU BIMESTRE

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    BRVES

    2

    L'entreprise de Saint-Louis, aux tats-Unis, a annonc dbut

    octobre, qu'el le al lait supprimer 2600 postes dans les 1 8 pro-

    chains mois, soit un peu moins de 1 0% de son personnel. Ce

    leader des plantes transgniques prcise qu'i l a perdu, au

    cours du quatrime trimestre de l 'exercice 201 5, 495 mil l ions

    de dollars en raison de la chute des prix des graines et de

    lourdes charges juridiques et de restructuration. Sur l 'anne,

    le bnfice de Monsanto a chut de 1 5,5%, pour atteindre

    2,31 mil l iards de dollars. Quant son chiffre d'affaire, i l a t

    tabli 1 5 mil l iards de dollars, soit une baisse de 5,4% par

    rapport l 'anne prcdente.

    Les militants anti-OGM font entendre leurs voix

    MOBILISATION

    Dbut septembre, se tenait

    Yaound, au Cameroun, le

    premier forum national sur les

    OGM, intitul Enjeux et

    dfis des OGM pour un dve-

    loppement durable du Came-

    roun . Partenaire du forum :

    le semencier biotech Bayer. . .

    Sponsors : Nestl, qu'on ne

    prsente plus. . . et la Sodeco-

    ton, l 'entreprise nationale qui

    gre la fi l ire coton et qui a

    dj exprim son envie d'in-

    troduire le coton GM Bt. . . Lors

    de ce forum, la Sodecoton an-

    nonce avoir recu l 'autorisation

    de mener pendant trois ans

    des essais en champs de co-

    ton Bt avec Bayer. Autre

    information : 25% des pro-

    duits qui existent au Came-

    roun sont GM (. . . ) [dont] des

    crales telles que le riz, les

    farines pour enfants, et des

    huiles faites base de soja,

    tous des produits imports .

    Si du riz GM est prsent au

    Cameroun, ce serait alors de

    facon i l lgale car cette c-

    rale n'a jamais t autorise

    au niveau mondial. . . Grand-

    messe, avec la prsence de

    cinq ministres, et de nom-

    breux universitaires, ce forum

    manquait cruel lement de d-

    bat. Un exemple parmi tant

    d'autres : la question des bre-

    vets et autres COV tait pr-

    sente uniquement par une

    responsable de l 'organisation

    africaine de la proprit

    industriel le. D'autres acteurs

    auraient p amener un peu

    de diversit intel lectuel le. . .

    Dommage quand on sait que

    l 'un des buts de ce forum

    n'tait autre que de pro-

    duire des lments pour une

    communication simplifie sur

    les OGM .

    Ainsi, le col lectif Attention

    OGM - SAILD/La Voix Du

    Paysan (partenaire de SOS

    Faim), ACDIC, RELUFA,

    CRAC et Actions Paysannes -

    a manifest de manire

    spectaculaire et marquante

    par un stand-up en salle et

    dans le hall avec tee-shirt et

    pancartes .

    Si aucun animal gntiquement modifi n'a encore reu d'au-

    torisation commerciale en vue d'tre consomm par des hu-

    mains, nous avons dj not de nombreuses expriences pour

    faire produire par des animaux transgniques des molcules

    thrapeutiques ou industriel les. Nous avons aussi voqu les

    petits poissons bigars et fluorescents, destins aux aqua-

    riums. Ces derniers sont toujours interdits dans l 'Union euro-

    penne, pourtant la Belgique vient de tirer nouveau la

    sonnette d'alarme devant la prol ifration de saisies de ces

    poissons GM ses frontires en provenance, notamment, du

    Sri Lanka. Un nouvel animal transgnique de compagnie est

    sur le point d'tre mis sur le march, en Chine, pour la mo-

    dique somme de 1 430 euros : un cochon nain qui reste vrai-

    ment nain. Les scientifiques du Beij in Genomics Institut ont

    uti l is la technologie des TALEN pour dsactiver une des deux

    copies du gne responsable de la production de l 'hormone de

    croissance. Toujours en Chine, un autre animal domestique a

    t gntiquement modifi : des chiens de race Beagle. En uti-

    l isant les ciseaux ADN Crispr/Cas9, des chercheurs du

    Guangzhou Institutes of Biomedicine and Health ont russi

    (avec cependant un taux d'chec important) bloquer le gne

    responsable de la myostatine. I ls esprent produire des chiens

    plus muscls, qui courent plus vite afin de les vendre aux

    chasseurs. . . voire l 'arme. Dans l 'Union europenne, ni ce

    cochon ni ce chien GM ne sont autoriss. Mais pour autant, en

    resteront-i ls longtemps absents ?

    En septembre 201 5, un agri-

    culteur biologique austral ien

    a, nouveau, t dbout de-

    vant le tribunal d'Appel. Steve

    Marsh avait port plainte

    contre un voisin qui avait plan-

    t du colza gntiquement

    modifi. Du fait de la dissmi-

    nation incontrlable et sur de

    grandes distances du pollen

    de colza, le champ trans-

    gnique a contamin le

    champ biologique. Rsultat :

    le paysan bio a perdu, partiel-

    lement, sa certification biolo-

    gique pendant trois ans.

    L'anne dernire, la Cour su-

    prme de l'tat d'Austral ie de

    l 'Ouest avait considr que le

    voisin, Michael Baxter, ne

    pouvait tre responsable des

    vents qui auraient transport

    les transgnes. I l n'a commis

    aucune ngligence.

    Avec lappui de la Safe Food

    Foundation, Marsh examine

    dsormais la possibi l it de

    porter l 'affaire devant la Cour

    suprme d'Austral ie. Pour

    eux, i l est impratif que

    ltat veille ce que la

    population continue avoir la

    possibilit de choisir si elle

    veut consommer des aliments

    gntiquement modifis ou

    non .

    BESTIAIRE

    La mode des cochons nains passera-t-elle par les OGM ?

    CRAC

    L.Oliveira

  • ACTUALIT 3

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    Enfin, si on regarde la situation des OGM transgniques dans les

    champs, on constate l encore un manque d'enthousiasme no-

    toire pour le MON81 0 Au niveau europen, la part du mas

    transgnique par rapport la sole globale de mas (mas grain et

    fourrage) n'a jamais dpass 0,3%, score atteint en 2000. De-

    puis, ce ratio se situe autour de 0,1 %. En 201 5, i l est pass sous

    la barre de 0,1 %, en faible diminution par rapport 201 4

    (0,1 2%).

    En Roumanie, un des pays phares de la masiculture euro-

    penne, les surfaces GM ont quasiment disparu. Seuls 2,5 hec-

    tares ont t dclars officiel lement par un institut de recherche

    agronomique. Ainsi, les quatre premiers pays en terme de sur-

    face cultive en mas (et notamment destin la production de

    semences) France (23,7% de la sole europenne en 201 4),

    Roumanie (1 5,4%), I tal ie (1 1 ,8%), Hongrie (11 ,7%) soit eux

    quatre, plus de 62% de la sole europenne (4) ne cultivent pas

    (ou plus) de mas MON81 0. D'ai l leurs, mme du temps o cer-

    tains de ces pays en cultivaient, la proportion entre transgnique

    et conventionnel n'a jamais dpass 0,25% de la sole roumaine

    (61 30 ha en 2006), et 0,75% de la sole franaise (21 686 ha en

    2007).

    Seuls l'Espagne et le Portugal.. .

    Roumanie, Slovaquie (1 04 ha) et Rpublique tchque (997 ha)

    n'ont plus que quelques hectares de mas GM cultivs. Reste

    donc la pninsule ibrique. . . Le Portugal est le deuxime pays en

    termes de surface, mme si ces surfaces restent faibles et en di-

    minution par rapport l 'anne dernire (-6,1 5%) et atteignent

    801 7 ha, soit 4,4% de la sole de mas portugais. La part OGM /

    non OGM reste stable, du fait de la baisse des cultures globales

    de mas.

    Enfin, en Espagne, le pays qui a rellement cultiv du MON81 0,

    la baisse des cultures de mas entre 201 4 et 201 5 est importante

    (-1 8%) mais la part des OGM dans la masiculture espagnole a

    L'UNION EUROPENNE A AUTORIS UNE SEULE VARIT TRANSGNIQUE LA CULTURE, LE MAS MON81 0. CE MAS, QUI PRODUIT

    UN INSECTICIDE CONTRE LA PYRALE, EST CULTIV DEPUIS 1 999, MAIS N'A JAMAIS T ADOPT LARGEMENT PAR LES AGRICUL-

    TEURS EUROPENS. ENTRE 201 4 ET 201 5, LES SURFACES CULTIVES AVEC DU MAS MON81 0 ONT DIMINU DE 1 8,3%, PAS-

    SANT DE 1 43 01 6 HECTARES 11 6 870 HECTARES, ALORS QUE LA SOLE EUROPENNE DE MAS (DANS LES 28 TATS) DIMINUAIT

    TRS LGREMENT (MOINS DE 2%) POUR ATTEINDRE 1 5,1 MILLIONS D'HECTARES, SELON LES DONNES DE L'AGPM.

    Les cultures de mas transgnique dans l 'Union europenne

    n'ont jamais vraiment dcoll et sont mme en baisse en 201 5.

    Les rcentes dcisions des gouvernements et le manque d'en-

    thousiasme des agriculteurs poussent les entreprises se

    dsengager, du moins officiel lement, des OGM. En janvier 201 3,

    BASF retirait ses trois demandes dautorisation dposes pour

    les pommes de terre GM ; et en jui l let 201 3, Monsanto retirait

    tous ses dossiers (mas, soja et betterave) l 'exception de la de-

    mande de renouvellement de ce fameux MON81 0. Bayer aussi a

    retir trois dossiers (deux colzas et un coton). En octobre 201 5,

    c'est au tour de Syngenta de retirer deux dossiers, celui du

    MIR602 et celui du Bt11 xMIR604xGA21 Raison officiel le : la

    dcision du retrait a t prise dans le cadre de la rvaluation du

    potentiel commercial de ces produits en Europe . Reste donc

    dans les tuyaux de la Commission cinq demandes pour la culture

    manant de Mycogen, Dow Agro Science et Pioneer (mas 1 507,

    591 22, 1 507x591 22) et Syngenta (mas Bt11 et mas GA21 ).

    Les gouvernements ont eux aussi exprim cette anne, avec for-

    ce, le rejet des mas transgniques. Plus de la moiti des tats

    membres (et quatre rgions) ont demand formellement aux

    entreprises d'exclure leur territoire de l 'autorisation du MON81 0

    et des sept (devenues cinq) demandes d'autorisation en attente.

    Les entreprises ont 30 jours ( compter de la date d'envoi de la

    lettre de ltat membre par la Commission) pour refuser cette

    demande. Actuel lement, selon la Commission europenne, la

    Wallonie, la Hongrie, l 'Autriche, la Croatie, la France, la Lettonie,

    et la Grce ont vu leurs demandes acceptes.

    L'UE et les OGM

    Moratoire avant 201 5

    Moratoire opt-out

    Moratoire hors UE

    Culture de MON81 0 (-x% = diffrence des surfaces entre 201 5 et 201 4)

    moins baiss et reste importante (de 24,75% en 201 4

    22% en 201 5). Le mas GM espagnol est trs sou-

    vent consomm sur place pour les levages de porcs

    hors-sol, et l 'Espagne n'a jamais adopt de mesures

    administratives ni de coexistences contraignantes,

    contrairement aux autres pays europens. Or ces

    mesures sont, selon les ministres tchque et slova-

    que, une des raisons de l 'abandon des PGM.

    Ces chiffres ne doivent pas masquer deux autres ra-

    l its : la prsence massive de soja transgnique

    import dans les levages hors-sol. Et l 'arrive sour-

    noise et latente d'autres OGM, comme des colzas ou

    des tournesols muts rendus rsistants des herbi-

    cides. . .

    CHRISTOPHE NOISETTE

    Carte labore par C. Noisette, Inf'OGM

  • Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    ACTUALIT

    4

    Manger sans OGM ? Sur le principe, de nombreux consom-

    mateurs sont d'accord et ne souhaitent pas retrouver de tels al i-

    ments dans leur assiette (1 ). Dans la ralit, ont-i ls vraiment les

    moyens de mettre en uvre ce choix ?

    Plusieurs tats europens ont tent de dfinir ce qu'tait un label

    sans OGM en laborant un tiquetage national volontaire.

    D'un pays l'autre, les diffrences sont parfois grandes. Les dif-

    ficults qui peuvent en rsulter sur le march europen (2),

    poussent aujourd'hui la Commission europenne envisager

    d'harmoniser cet tiquetage. Les entreprises rclament un cadre

    uniforme pour pouvoir vendre leurs produits sans ala juridique.

    Cette volont n'est pas nouvelle (3). En 2011 , la Commission a

    command auprs d'ICF International, un cabinet d'tude (4), un

    bilan des diffrents tiquetages existants. I l a t publi i l y a

    quelques semaines, alors mme que le rapport tait final is ds

    201 3. La Commission europenne n'explique pas ce retard de

    publication. C'est sur cette base qu'el le va vraisemblablement

    laborer une proposition d'harmonisation de l 'tiquetage.

    Les consommateurs, vis--vis du sans OGM , s'attendent

    principalement ce qu'un tel label garantisse effectivement

    l 'absence d'OGM dans l 'al iment concern (cf. encadr ci-des-

    sous). Mais avec un cahier des charges trop exigeant, peu de

    producteurs s'aventureront tiqueter effectivement leur produit

    pour ne pas risquer de se retrouver dans une situation fraudu-

    leuse du fait des contaminations fortuites qui peuvent survenir

    tout au long de la chane alimentaire. L'absence de seuil signifie-

    rait la mise en place de fi l ires parfaitement distinctes pour un

    cot prohibitif. Les produits contamins et non conformes, retirs

    du march, aggraveraient encore la situation financire de ces fi-

    l ires. Des contaminations d'autant plus diffici lement vitables si

    les cultures transgniques venaient se rpandre, comme le

    prouve la situation actuel le aux tats-Unis.

    A l 'oppos, si le cahier des charges du sans OGM est trop

    laxiste, les consommateurs pourraient se dtourner d'un tique-

    tage qui admet trop d'exceptions, ou qui ne dfinit pas de seuil

    de contamination et dans lequel i ls n'auraient que peu de

    confiance.

    La rflexion sur le sans OGM doit donc

    trouver un quil ibre entre ce qui est techni-

    quement ralisable pour les producteurs et

    transformateurs et ce qui est acceptable pour

    le consommateur. En bout de course, c'est

    l 'existence et la prennit de la fi l ire sans

    OGM qui est en jeu.

    Les industriels pro-OGM pourraient, eux,

    avoir intrt ce que cette fi l ire ne soit pas

    viable, notamment par la mise en place d'un

    seuil trop exigeant. C'est pour cette raison

    que, lors des dbats franais sur l 'laboration

    du sans OGM, les lobbies pro-OGM r-

    clamaient la mise en place d'un seuil

    0,01 %.

    Les multiples dfinitions du sans OGM

    Aux Pays-Bas, les produits peuvent tre tiquets prpars

    sans gnie gntique depuis 1 999. En thorie, cet tiquetage

    peut concerner aussi bien les al iments que les boissons, vg-

    taux et produits issus d'animaux nourris aux OGM. Un label qui

    se veut exigeant pour ne pas induire en erreur les consomma-

    teurs. La rglementation ne prcise, par exemple, pas de seuil ,

    permettant une certaine tolrance en cas de contamination, le

    0% tant l 'objectif atteindre (cf. encadr page 4). Pour les pro-

    duits issus d'animaux, leur al imentation doit tre sans OGM de-

    puis leur naissance. Les additifs GM ne sont pas tolrs ni les

    mdicaments produits partir d'OGM. L'exigence de l'tiquetage

    nerlandais est tel le qu'i l n'est, aujourd'hui, revendiqu que pour

    un seul produit : un complment al imentaire pour sportif base

    de protine de soja. Une quinzaine d'autres produits, issus de

    l 'agriculture biologique, communiquent sur l 'absence d'OGM

    sans uti l iser la dnomination et la certification officiel le. Le sans

    OGM est de ce fait, soul igne le rapport, trs peu connu et n'est

    pas recherch pas les consommateurs nerlandais. La Finlande

    a, el le aussi, des rgles assez restrictives quant l 'uti l isation de

    cet tiquetage.

    De l'autre ct de l 'chiquier, plusieurs pays - Autriche, Alle-

    magne, France et Luxembourg - disposent d'un systme qui fa-

    ci l ite la mise sur le march de ces produits.

    Le sans OGM existe depuis 1 998 pour l 'Autriche et depuis

    2004 pour l 'Al lemagne. Et dans ces deux pays, les produits

    sans OGM sont prsents dans de nombreuses enseignes et

    sur une large gamme de produits (5). De fait, la rglementation

    est, en effet, beaucoup plus incitative car moins stricte. I l est par

    exemple prcis par catgorie de produit (uf, lait, diffrentes

    viandes. . . ) une priode limite pendant laquelle l 'animal doit man-

    ger effectivement sans OGM. Allant de six semaines pour la pro-

    duction d'uf (soit 1 /8 de la vie d'une poule pondeuse) aux trois

    quarts de la vie d'un bovin. Et concrtement, dans ces deux

    EN SEPTEMBRE 201 5, LA COMMISSION EUROPENNE A PUBLI UN RAPPORT FAISANT LE TOUR DU SANS OGM DANS L'UNION

    EUROPENNE (UE) (1 ). LES DIFFRENTES CONCEPTIONS QUI CO-EXISTENT LAISSENT ENTREVOIR LES DIFFICILES DISCUSSIONS

    VENIR DANS L'HYPOTHSE D'UNE HARMONISATION DE CET TIQUETAGE.

    UN TIQUETAGE OGM , POUR QUOI FAIRE ?

    Dans l'UE, tout produit qui contient plus de 0,9 % d'OGM par ingrdient doit tre ti-

    quet comme tel. Exception notable : les produits issus d'animaux nourris aux OGM

    (viande, lait, uf) ne sont pas concerns. Et tant pis si prs de 80 % des OGM

    imports dans l 'UE sont destins l 'al imentation animale I l ne semble pas que la

    Commission europenne soit intresse pour remdier rapidement ce manque de

    transparence.

    L'tiquetage sans OGM peut donc offrir une alternative pour informer le consom-

    mateur notamment sur la question des produits issus d'animaux. L'enjeu est ainsi de

    permettre cette fi l ire de se dvelopper en valorisant sa production. L'existence

    mme de cette fi l ire est la seule permettre un vritable choix au consommateur.

    Faire ses courses, c'est aussi un moyen de s'exprimer sur la question des OGM et

    le type d'agriculture que l 'on souhaite.

  • ACTUALIT 5

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    pays, les produits sans OGM se sont imposs

    petit petit toute la fi l ire. En 201 0, c'est toute

    la production nationale d'uf et de lait qui est ain-

    si devenue sans OGM en Autriche. L'levage

    de volai l le devrait rapidement suivre la marche.

    Dans ces deux cas, la rglementation a fait l 'objet

    d'une rvision, aprs quelques annes

    d'existence, pour assouplir cette rglementation et

    rendre plus facile l 'uti l isation de cet tiquetage par

    les producteurs. Un assouplissement qui a permis

    l 'tiquetage du sans OGM de se retrouver sur

    de nombreux produits (6).

    L'Autriche rclame la certification par un tiers,

    mais la prsence invitable d'OGM est tolre si

    le producteur prouve qu'i l a tout fait pour les viter

    (obl igation de moyens et non de rsultats). En Al-

    lemagne, pas de contrle obligatoire. Les produc-

    teurs doivent pour autant fournir l 'organisme en

    charge de cet tiquetage les preuves documen-

    taires que les ingrdients uti l iss sont effectivement sans

    OGM (traabil it documentaire).

    France : un label sans OGM trs prcis

    L'tiquetage sans OGM la franaise est, lui aussi, assez

    incitatif vis--vis des producteurs, tout en ayant quelques particu-

    larits qui le rendent cependant plus exigeant. Le lgislateur

    franais a distingu plusieurs al lgations pour valoriser dif-

    frentes dmarches. Ainsi, i l distingue notamment plusieurs

    seuils - 0,1 % et 0,9% - pour les produits animaux (7). Plus rcent

    (dcret de jui l let 201 2), i l ne connat pas encore le mme succs,

    mais plusieurs grandes marques s'y sont mis (Fermier de Lou,

    Auchan, Carrefour, Fleury Michon), une liste qui devrait encore

    s'al longer. I l n'existe pas en France de certification par un tiers

    obligatoire pour uti l iser le logo sans OGM . La DGCCRF fait

    des contrles ponctuels sur ce type de production. Pour les pro-

    duits animaux, c'est le respect du processus de production qui

    est contrl. Concernant les vgtaux, c'est l 'absence finale

    d'OGM dans le produit qui sera vrifie.

    I l existe une troisime catgorie d'tats membres : ceux qui

    interdisent l 'uti l isation d'un tiquetage sans OGM : la Bel-

    gique et la Sude. L'impossibi l it technique et pratique de con-

    trler individuel lement chaque produit, ce que requiert l 'tique-

    tage sans OGM selon la Belgique, justifie cette interdiction. En

    Sude, l 'tiquetage sans. . . sur un aliment ne peut concerner

    que les caractristiques nutritionnelles du produit ou l 'absence

    d'ingrdients al lergnes. Dans les deux cas, la volont de ne pas

    tromper le consommateur est au centre du dbat sur le sans

    OGM . Mais force est de constater que cette approche trs ri-

    goriste pour ne pas tromper le consommateur aboutit aussi en

    dfinitive, ne pas lui donner le choix de manger sans OGM.

    Les aliments lgalement produits et commercial iss dans un tat

    de l 'UE doivent tre reconnus comme tels par les autres tats

    membres. Peuvent donc tre l ibrement commercial iss des pro-

    duits sans OGM franais en Allemagne et vice-versa, mme

    si leur tiquetage ne correspond pas exactement la mme

    chose. Les produits sans OGM franais peuvent donc gale-

    ment tre lgalement commercial iss en Belgique ou en Sude,

    bien qu'i ls aient interdit cet tiquetage. En pratique, le rapport

    note que c'est encore peu le cas. Les produits sans OGM

    tant principalement destins au march de ltat o ils sont pro-

    duits. Cela freine l 'intgration du march commun que souhaitent

    les grandes entreprises.

    Le sans OGM , un march plein d'avenir ?

    Le rapport command par la Commission europenne confirme

    l'opinion ngative des consommateurs europens vis--vis des

    OGM et leur intrt pour les al iments garantis sans OGM .

    Pour eux, les al iments issus de PGM peuvent avoir des impacts

    sanitaires, mais aussi environnementaux ou socio-conomiques

    (prsence de brevet, notamment) (8). I l reste cependant diffici le

    d'valuer avec exactitude la demande des consommateurs pour

    de tels produits. En effet, est-i l prcis, les rponses dans le

    cadre d'un sondage ne refltent pas ncessairement leurs choix

    effectifs en situation relle. Dans un cadre thorique, la personne

    interroge a tendance faire des rponses qu'el le estime plus

    socialement acceptables et attendues d'el le. Dans la ralit, le

    prix de la denre alimentaire reste l 'un des premiers critres

    considrs Le rapport cite notamment une tude sur le

    commerce quitable et la diffrence entre la volont affiche des

    consommateurs d'acheter de tels produits, et les ventes effec-

    tives de ces produits qui restent relativement basses (9).

    Pour autant, le rapport soul igne qu'i l existe un vritable march

    pour le sans OGM . S'i l n'est pas toujours ais d'valuer avec

    prcision l 'influence de cet tiquetage, de nombreux producteurs

    al lemands ont mentionn une augmentation de leurs ventes suite

    la mise en avant de l 'absence d'OGM dans leurs produits.

    Laugmentation de plusieurs indicateurs concernant le bio (vente

    des produits, augmentation des surfaces cultives) montre

    plus indirectement l 'intrt des consommateurs pour le sans

    OGM , entre autres critres. Un sondage men en 2008 indique

    que pour prs de la moiti des personnes interroges, ces der-

    nires nachteraient pas du bio si les OGM taient autoriss

    dans son cahier des charges (1 0).

    Alors que les consommateurs affirment tre prts payer un peu

    plus pour un produit sans OGM , producteurs et transforma-

    teurs prfrent pour l 'instant absorber les surcots. Dans la

    grande distribution, les produits sans OGM restent compti-

    tifs par rapport aux produits non tiquets, selon Carrefour, Lou,

    Rewe et COOP Ital ia. Mais en fonction du produit concern, les

    surcots peuvent s'avrer plus ou moins importants et relative-

    ment fluctuants d'une anne sur l 'autre. En 201 2, en Autriche,

    par exemple, le prix du soja sans OGM pour nourrir le btai l

    a plus que doubl en l 'espace d'un an (passant de 30 euros

    60-70 euros la tonne) (11 ).

    EuropeanParliament/PietroNaj-Oleari

    Mobilisation des dput-e-s europen-ne-s

  • ACTUALIT

    6

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    formateur d'voluer dans un cadre ralisable pour lui, et accep-

    table pour le consommateur. Ds lors que les OGM ont t intro-

    duits, le 0% n'est plus tenable.

    cette question mal pose, les avis entre le oui et le non

    des parties prenantes sont partags. Sans tre explicite, ces

    rponses apparaissent de toutes faons comme tant vides de

    sens.

    4- Un tiquetage avec ou sans exception ? Les parties prenantes

    interroges prfrent viter au maximum les exceptions. Moins

    de 30% des parties interroges estiment par exemple que des

    exceptions pour les additifs et enzymes seraient souhaitables

    lorsqui l n'y a pas d'alternatives possibles autres que GM.

    5- Dure de l'al imentation sans OGM pour les animaux : comme

    c'est le cas dans certains pays, les scnarios envisags vont

    d'une alimentation depuis la naissance jusqu' une diffrencia-

    tion espce par espce en fonction de la production. Seulement

    25% des tats membres et 1 3% des parties prenantes souhaite-

    raient une diffrenciation en fonction des espces.

    6- Concernant la mise en place de contrles, le rapport rappelle

    les deux approches envisages : le contrle du produit ou de son

    process de fabrication. Le rapport ne donne pas la position des

    parties prenantes sur cette question particul ire.

    Un rapport et aprs ?

    Sur la base de ce rapport, la Commission europenne va

    maintenant envisager, ou non, une proposition pour dessiner les

    contours d'un tiquetage sans OGM pour l 'ensemble de l 'UE,

    et pour cela faire son march entre les diffrents scnarios mis

    en avant.

    Un dbat important qui influera directement sur l 'existence et la

    prennit de la fi l ire sans OGM .

    voir si la France arrive imposer sa dfinition du sans

    OGM et sa vision qu'el le qualifie de juste mil ieu entre exi-

    gence et ralit. Ce dbat ne doit pas faire oublier que pour

    prenniser les fi l ires sans OGM il est surtout essentiel de com-

    plter l 'tiquetage obligatoire existant. Les produits animaux

    nourris aux OGM doivent aussi faire l 'objet d'un tiquetage obli-

    gatoire pour influencer vritablement la fi l ire et permettre aux

    consommateurs de vritablement choisir le modle agricole qu'i ls

    souhaitent.

    PAULINE VERRIRE

    1 , Eurobaromtre : http: //ec.europa.eu/public_opinion/index_fr.htm

    2, http: //www.infogm.org/spip.php?article5742

    3, http: //www.infogm.org/spip.php?article5051

    4, State of play in the EU on GM-free food labell ing schemes and

    assessment of the need for possible harmonisation , ICF Internatio-

    nal, http: //ec.europa.eu/food/plant/docs/gmo-traceabil ity-

    gm-final_report_en.pdf

    5, l iste des produits al lemands uti l isant la dnomination officiel le :

    http: //www.ohnegentechnik.org/fi leadmin/ohne-gentechnik/

    dokumente/vlog_siegelnutzer_mitgl ieder.pdf

    http: //www.ohnegentechnik.org/das-siegel/

    produktdatenbank-siegelnutzer/

    6, Rapport sur les tudes de cas, page 5 pour

    l 'Autriche et page 31 pour l 'Al lemagne

    7, http: //www.infogm.org/spip.php?article4999

    8, page 48 du rapport

    9, page 51 du rapport

    1 0, page 53 du rapport

    11 , page 55 du rapport

    1 2, http: //www.infogm.org/spip.php?article5382

    1 3, http: //www.donausoja.org/en-en/

    1 4, page 75 du rapport

    Face ce constat, les supermarchs britanniques estiment qu'i l

    sera de plus en plus diffici le l 'avenir de s'approvisionner en

    sans OGM un cot raisonnable et ont donc commenc

    abandonner certaines fi l ires sans OGM (1 2). Cette dcision ne

    masque-t-el le un manque de volont politique ? Ont-i ls essay

    de ngocier avec les grandes entreprises de ngoce agricole,

    comme Cargil l ? En effet, ce constat sur les possibles difficults

    d'approvisionnement venir a pouss d'autres acteurs cono-

    miques s'organiser. Ces derniers sont en train de dvelopper

    une fi l ire europenne de soja sans OGM autour du Danube,

    Donau Soja (1 3). L'objectif est daccrotre l indpendance euro-

    penne en protines vgtales sans OGM ncessaires

    l 'levage. C'est en effet via le soja principalement que les OGM

    arrivent dans les ports europens.

    Le rapport de la Commission europenne naborde pas la

    question cl pour le dveloppement des fi l ires tiquetes

    sans OGM : que les cots induits par la culture d'OGM soient

    enfin valus et supports par ceux qui ont fait le choix de cette

    agriculture. Et pas par ceux qui veulent l 'viter. La question de la

    comptitivit entre produits avec (y compris les produits issus

    d'animaux nourris aux OGM) et sans OGM se posera alors en

    des termes plus quitables D'une faon gnrale, si on expri-

    mait dans les produits al imentaires tous les cots induits (cots

    pour dpolluer les nappes phratiques, soigner les diffrentes

    maladies, etc.), alors la nourriture industriel le ne serait pas du

    tout comptitive.

    Les diffrents scnarios d'un tiquetage harmonis

    Le rapport envisage plusieurs scnarios plus ou moins contrai-

    gnants autour de l 'harmonisation du sans OGM , sur la base

    de six critres diffrents. I l considre l 'ensemble de ces scna-

    rios sans prendre position pour l 'un ou l 'autre. Les diffrentes

    parties prenantes - reprsentants des tats membres, reprsen-

    tants de l 'agro-al imentaire, associations de consommateurs,

    ONG, producteurs, revendeurs. . . - ont t invits se positionner

    sur les diffrentes options possibles.

    1 - Le rapport constate que cet tiquetage peut tre encadr de

    faon plus ou moins contraignante par une rglementation ou

    des lignes directrices : les parties prenantes ne prennent position

    pour aucune de ces options.

    2- Elles s'entendent en revanche pour que le champ de cet ti-

    quetage soit relativement large et couvre aussi bien les produits

    animaux que vgtaux.

    3- La question du seuil retenir est au cur du dbat. C'est as-

    sez maladroitement que le cabinet d'tude l'origine du rapport

    interroge les parties prenantes : Pensez-vous que seuls les

    produits qui ne contiennent pas d'OGM, ou ne sont pas produits

    partir ou l'aide d'OGM, peuvent tre tiquets en tant que

    produits sans OGM ? (1 4). La dfinition des seuils n'est pas

    l pour autoriser un peu d'OGM. I ls permettent que le produit

    puisse continuer tre vendu en cas de contamination fortuite

    ou invitable. Pour autant, le producteur doit tout faire pour viter

    cette contamination. Un seuil permet donc au producteur/trans-

    0%, 0,01%, 0,1 % ET 0,9 % ?

    Pourtant revendiqu par certains pays vis--vis du sans OGM , i l n'est technique-

    ment pas possible de garantir un seuil de 0%. La prsence d'OGM ne peut tre d-

    tecte que lorsqu'i l y en a plus de 0,01% dans un produit. partir du seuil de 0,1 %,

    i l est possible de savoir le type d'OGM concern. Le seuil de 0,9 % pour la prsence

    obligatoire d'OGM dans un produit est le rsultat d'un choix politique europen. I l

    reste ce jour le seuil le plus bas au niveau mondial. D'autres pays ont retenu un

    seuil plus important, comme Tawan (3%) ou encore le Japon (5%). . .

  • SEMENCES 7

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    Avant. . . disons, avant l 'apparition du premier catalogue officiel

    obl igatoire, c'tait simple : les paysans semaient des graines

    qu'i ls avaient obtenues soit de leur rcolte prcdente, soit de

    celle de leurs voisins, soit, la marge, de revendeurs plus ou

    moins autoriss (2). Aujourd'hui, c'est--dire moins de cent

    ans plus tard, en France et dans les autres pays industrial i-

    ss, la majeure partie des agriculteurs uti l isent des semences

    commerciales (3) (qu'i ls achtent ou qu'i ls reproduisent la

    ferme en s'acquittant des droits), et le paysage juridique s'est

    complexifi pour ceux qui souhaitent produire leurs se-

    mences, les vendre ou les changer.

    Produire ses semences : un droit trs encadr

    Tout d'abord, les paysans qui continuent produire leurs

    propres semences (et tous ceux qui retrouvent aujourd'hui cette

    pratique) peuvent librement les cultiver, mme si elles n'appar-

    tiennent pas une varit inscrite au catalogue des varits (cf.

    plus bas), sauf videmment s'i l s'agit de plantes gntiquement

    modifies (PGM), d'espces non autorises la culture (tabac et

    autres psychotropes), si des rgles sanitaires s'y opposent ou en-

    core si elles appartiennent une varit protge par un certificat

    d'obtention vgtale (COV) ou un droit de marque (Pomme Gran-

    ny, par exemple). Ce qui est interdit, c'est le commerce ou

    l'change, titre onreux ou gratuit (sic), de semences issues

    de varits non inscrites au catalogue (4). Ainsi, les semences

    appelles populations (slectionnes et multiplies en

    poll inisation libre et/ ou en slection massale)(5), par dfinition la

    plupart du temps non inscriptibles au catalogue, car non

    homognes, peuvent tre changes lorsqu'elles sont destines

    l'exprimentation, la slection ou la conservation (6). I l ne s'agit

    alors pas, pour le lgislateur, d'une exploitation commerciale de la

    varit. C'est ce que font les membres d'AgroBio Prigord, par

    exemple. Libre aussi l'agriculteur qui a reu un lot de semences

    destin l'exprimentation, de reproduire et de slectionner ses

    propres populations sur sa ferme et de les util iser pour sa propre

    production (7).

    Les semences n'appartenant pas une varit inscrite au cata-

    logue peuvent aussi tre commercial ises accompagnes d'une

    indication claire qu'el les sont destines au jardinage amateur

    (l 'autoconsommation de la rcolte n'est pas une exploitation

    commerciale de la varit). I l faut videmment alors que les

    quantits changes ou commercial ises correspondent ce qui

    est ncessaire pour l 'uti l isation revendique. El les peuvent enfin

    tre commercial ises sans indication de varit (8) (cf. enca-

    dr page 9).

    Catalogue : le contrle de qualit drive

    en monopole des semenciers

    Pour, entre autre, lutter contre la fraude et la mauvaise qualit

    des semences, un premier catalogue des espces et varits

    cultives en France est tabl i en 1 932, mais i l ne concerne

    que quelques espces de grandes cultures agricoles et n'est

    pas encore obligatoire pour pouvoir commercial iser des se-

    mences. I l le deviendra en 1 949 et sera ensuite progressivement

    tendu l'ensemble des plantes cultives (9). Pour que des se-

    mences soient commercial ises, voire changes, la varit

    laquelle el les appartiennent doit aujourd'hui tre inscrite au cata-

    logue (1 0). Et pour tre inscrite au catalogue, une varit doit

    avoir pass avec succs les tests de distinction, d'homognit

    et de stabil it (dit aussi critres DHS), ce qui exclut donc de fait

    la majeure partie des populations (11 ). A ces trois critres, i l

    faut ajouter pour les plantes de cultures agricoles (1 2) les cri-

    tres appels VATE pour Valeur Agronomique, Technologique et

    Environnementale (1 3).

    I l existe deux statuts pour les varits agricoles inscrites au ca-

    talogue : cel les qui sont dans le domaine public, et cel les qui

    sont couvertes par un droit de proprit industriel le appel certi-

    ficat d'obtention vgtale (COV) (1 4) dpos par l 'entreprise se-

    mencire qui les a mises au point ou qui en a achet les droits

    d'exploitation. Explication : dans l 'Union europenne, un obten-

    teur dpose un COV sur chacune de ses varits (1 5) et les ins-

    crit au catalogue. Mais le COV a une dure limite de 25 30

    ans selon les espces (1 6). Aprs ce dlai, la varit tombe

    dans le domaine public. El le peut alors tre maintenue au cata-

    logue par l 'obtenteur initial ou par une autre personne physique

    ou morale, sous rserve qu'el le puisse se procurer des se-

    mences de base (1 7). Ces semences peuvent alors continuer

    tre commercial ises, comme c'est le cas aujourd'hui pour 450

    varits, qui sont inscrites au catalogue mais totalement l ibres

    de droits (1 8). Ces dernires peuvent tre ressemes gratuite-

    ment et vendues comme semences (sous rserve d'un agr-

    ment par le Groupement national interprofessionel des

    semences et plants (GNIS). Mais la plupart du temps, el les sont

    PAS FACILE DE S'Y RETROUVER DANS CES NOTIONS DE PROPRIT INDUSTRIELLE SUR LE VIVANT. CE QUI EST CERTAIN, C'EST QUE

    LES PAYSANS SONT LA PLUPART DU TEMPS POURSUIVIS COMME DES FRAUDEURS LORSQU'ILS VEULENT CHANGER LEURS

    SEMENCES (1 ). ET QU'IL EST JURIDIQUEMENT DIFFICILE POUR EUX DE RETROUVER UNE MARGE DE MANUVRE POUR PRODUIRE

    LEURS PROPRES SEMENCES ET ENCORE PLUS POUR LES CHANGER OU LES VENDRE. CATALOGUE OFFICIEL ET DROITS DE

    PROPRIT INDUSTRIELLE SONT EN EFFET AUTANT DE FREINS POUR LA PRODUCTION DE SEMENCES PAR LES PAYSANS ET POUR LES

    PAYSANS. L'ARRIVE MASSIVE DES BREVETS SUR DES TRAITS GNTIQUES DE PLANTES AGGRAVE ENCORE LE PROBLME EN

    CONFISQUANT LE VIVANT, AU DTRIMENT DES PAYSANS ET MME DE CERTAINS SEMENCIERS. EXPLICATIONS.

    Bl : graines ou semences ?

    Lunasinestrellas

  • SEMENCES

    8

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    l 'absolu, la rponse est non, i l ne serait coupable que s'i l avait

    vendu des semences. Mais i l a vendu du grain pour les poules.

    Et i l n'est pas habil it contrler ce qu'en fait son acheteur. Le

    GNIS prcise cependant que la rponse cette question est

    aussi base sur la bonne foi du vendeur, bonne foi estime selon

    diffrents critres. Le plus fort est sans aucun doute le prix au-

    quel ces grains ont t vendus : si c'est au prix de la semence (et

    non du grain), le soupon est automatique. D'autres critres

    d'apprciation de la bonne foi sont possibles, comme par

    exemple d'avoir dtai l l sur la facture la nature de la varit : si

    ce dtai l n'apporte rien l 'al imentation des poules, mais au

    contraire va dans le sens d'une semence adapte un certain

    type de terroir, alors la bonne foi peut tre mise en cause.

    Quant celui qui a sem les grains au lieu de les donner aux

    poules, que risque-t-i l ? Rien du tout, car i l peut faire ce qu'i l veut

    de ce qu'i l a achet (sauf bien sr s'i l s'agit d'une varit prot-

    ge : i l doit alors payer des droits de l icence). Par contre, i l ne

    pourra pas se retourner contre celui qui lui a vendu du bl si par

    exemple les semences ne germent pas, puisqu'i l a achet du

    grain et non des semences.

    On ignore parfois que la semence est protge !

    Le systme du COV est rgi au niveau international par l 'Union

    pour la Protection des Obtentions Vgtales (UPOV) qui englobe

    aujourd'hui 73 pays sur 1 93 (25). Mais i l coexiste avec un autre

    systme de protection industriel le : le brevet. Dans certains pays

    on peut dposer un brevet sur une varit (c'est le cas notam-

    ment des tats-Unis, mme s'i ls sont galement membre de

    l'UPOV). Dans d'autres, comme dans l 'Union europenne, les

    brevets sur les varits et les races animales sont interdits.

    Mais, et c'est l que tout se complique, on peut aussi, dans

    beaucoup de pays et notamment en Europe, dposer un brevet

    sur une squence ou un trait gntique (ou pour faire court un

    gne ) contenu dans la plante (ou dans un animal ou un mi-

    cro-organisme) si on respecte quatre critres : i l faut avoir iden-

    tifier sa nouvelle fonction, que cette information gntique ne

    soit pas dj connue, qu'el le ne soit pas rserve une

    seule varit et qu'el le puisse avoir une

    application industriel le. Aux yeux de la

    loi, un tel brevet privatise les plantes qui

    contiennent cette squence gntique au

    profit du dtenteur du brevet. Ce qui peut

    donc avoir la consquence surprenante

    suivante : tel le varit, en tant que vari-

    t, n'est pas brevetable ; mais toutes les

    plantes qui la constituent peuvent de fait

    tre brevetes si el les contiennent une

    squence gntique brevete qui ex-

    prime sa fonction ! Ce que l'Office

    europen des brevets (OEB) rsume

    avec un schma (26) qui montre en

    exemple que si l est impossible de

    breveter la varit Golden delicious, i l est

    par contre possible de dposer un brevet

    sur toutes les plantes contenant un taux

    lev de vitamine C, en tant quinvention.

    Ds lors, toutes les varits de pommes

    avec un taux lev de vitamine C, comme

    par exemple la varit Belle de Boskoop,

    sont incluses dans cet ensemble de

    plantes et sont donc de facto couvertes

    par la protection de ces brevets.

    La consquence du brevetage de ces

    gnes, et qui plus est de gnes pr-

    radies du catalogue parce que la maintenance nest plus as-

    sure par aucun obtenteur (1 9). El les ne peuvent alors plus tre

    commercial ises, mais peuvent malgr tout se retrouver dans un

    champ si un agriculteur en demande un petit lot une banque de

    semences qui les aurait conserves au pralable.

    Un agriculteur qui achte des semences d'une varit qui est

    non seulement inscrite au catalogue mais aussi protge par un

    COV paye un droit de les uti l iser factur avec le prix d'achat. I l

    s'agit de premires royalties verses l'obtenteur. L encore,

    deux cas de figure se prsentent. En rgle gnrale, un agricul-

    teur rachte chaque anne la semence protge l'obtenteur

    (ou un semencier sous l icence avec ce dernier). I l est obl ig de

    le faire lorsqu'i l uti l ise des hybrides F1 . Mais, pour 34 (20) es-

    pces drogatoires (21 ), un agriculteur peut ressemer une partie

    de sa rcolte lorsqu'i l s'agit de varits non hybrides F1 . I l doit

    alors s'acquitter d'une cotisation volontaire obligatoire (CVO) (22)

    (cf. encadr page 8). Seul le petit agriculteur ne paye pas la

    CVO, ou celle-ci lui est rembourse. Petit agriculteur ? C'est celui

    qui rcolte moins de l 'quivalent de 92 tonnes de crales, ce qui

    reprsente, en France, plus ou moins 1 5 ha de crales suivant

    les rgions (23).

    A noter qu'un slectionneur, ou un agriculteur qui souhaite faire

    sa propre varit, peut uti l iser n'importe quelle autre varit,

    mme protge par un COV, pour en slectionner une autre et

    obtenir une nouvelle varit, qui doit remplir son tour les cri-

    tres DHS pour que ses semences puissent tre commercial i-

    ses (24) et tre suffisamment distincte de la prcdente pour

    pouvoir dposer un nouveau COV.

    Voyons un cas concret : un cultivateur de bl sme une popula-

    tion (sans COV) ou une varit du catalogue libre de droit I l

    peut vendre son grain qui i l veut, peut ressemer sa rcolte et

    continuer ainsi toute sa vie. Mais si la personne qui i l a vendu

    son grain, disons pour l 'al imentation de ses poules, le sme au

    lieu de le donner ses poules, que se passe-t-i l lgalement ? Le

    cultivateur de bl est-i l coupable d'avoir vendu une semence

    n'appartenant pas une varit inscrite au catalogue ? Dans

    LA SEMENCE DE FERME : UN DROIT QUI SE PREND

    Les semenciers justifient le systme du COV en arguant du cot de dveloppement

    des nouvelles varits ; et certains paysans le rejettent en arguant du pil lage pralable

    de leurs ressources par les semenciers, sans contreparties, pour mettre au point ces

    varits (1 ). Du coup, ces derniers lgitiment le fait de garder, pour ressemer dans leur

    ferme, une partie de leur rcolte. Ceci est techniquement possible pour les semences

    de varits multipl ies en poll inisation l ibre. Ces varits gardent en effet une bonne

    partie de leurs caractristiques initiales et peuvent mme parfois voluer vers une

    meil leure adaptation locale. Le paysan rcolte des graines qui donneront, globalement,

    la mme rcolte pendant un nombre d'annes variable suivant les qualits de la varit

    initiale et pour peu qu'i l fasse un minimum de slection. Certains paysans gardent donc

    ces semences, appeles semences de ferme , soit lgalement en ayant pay un

    droit pour les 34 espces sus-mentionnes, soit i l lgalement tant qu'i ls ne sont pas

    pris, tant i l est compliqu pour un semencier de prouver ce qu'aux yeux de la loi on ap-

    pelle une contrefaon ! Ce qui pourrait changer avec l 'introduction dans les vari-

    ts de marqueurs molculaires , sorte de signature gntique de l'entreprise, faciles

    dtecter

    Pour les plantes allogames ( fcondation croise), comme le mas, le caractre hy-

    bride F1 de la plupart des semences commerciales donnera, la gnration suivante,

    une production htrogne, moins productive. Mais i l existe aussi pour ces espces

    quelques varits populations qui peuvent se ressemer, sans dgnrer.

    1 , I ls rajoutent qu'un slectionneur qui vend des animaux reproducteurs n'exige pas de

    royalties sur sa descendance, mais se contente de le vendre plus cher qu'un animal destin

    l 'engraissement ou l 'abattage.

  • SEMENCES 9

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    existants l 'tat naturel (appels aussi gnes natifs ), est

    simple : une entreprise peut s'approprier toutes les plantes de la

    Plante qui possdent tels ou tels gnes qu'el le a brevets. Et

    donc interdire aux paysans de les cultiver et d'en commercial iser

    la rcolte sans payer au pralable une redevance. Situation scan-

    daleuse aux yeux de tous les paysans, mais aussi de certaines

    entreprises semencires qui ne peuvent plus util iser librement les

    varits de leurs concurrents ou les ressources gntiques des

    banques de semences sans au pralable s'assurer - mais com-

    ment ? - qu'elles sont totalement libres de droits. En effet, i l n'y a

    pas d'obligation d'indiquer sur les sacs de semences si ces der-

    nires renferment des squences gntiques brevetes. I l faut

    donc mener l'enqute, ce qui a un cot exorbitant.

    Comment sortir de l'appropriation du vivant ?

    De plus en plus de voix s'lvent contre la brevetabil it des

    gnes natifs. Il y a une quasi unanimit des acteurs contre la

    brevetabilit des gnes natifs, l'exception des grosses entre-

    prises de semences, assurait Franois Burgaud, directeur des

    relations extrieures du GNIS, au journal Le Monde (27). La

    science fait tant de progrs qu'il va tre de plus en plus facile

    d'isoler tel gne correspondant telle fonction. S'ils sont syst-

    matiquement brevets, c'est la fin des mthodes classiques de

    slection par croisement . Les semenciers du GNIS protgent

    en effet leurs semences par des COV, et non des brevets. C'est

    pourquoi, contre le brevet, i ls soul ignent volontiers leur accord

    avec les dnonciations du Rseau Semences Paysannes (RSP),

    mme s'i ls proposent des solutions diffrentes. Mais le RSP d-

    DES PAYSANS PEUVENT-ILS S'CHANGER TITRE GRACIEUX DES SEMENCES ?

    Les changes de semences sont rgis par le Dcret n81 -605 du 1 8 mai 1 981 (1 ) qui concerne la production en vue de la commercia-

    lisation ainsi que la commercialisation de semences et de plants . Apparat le mot commercial isation , donc a priori cela ne concerne

    pas les changes gratuits. Dtrompez-vous ! Car, reprend le texte, au sens du prsent dcret, par commercialisation, on entend la

    vente, la dtention en vue de la vente, l'offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d'une exploitation

    commerciale, de semences ou de plants, que ce soit contre rmunration ou non . Contre rmunration ou non ! Alors, mme gra-

    tuitement, on ne peut changer les semences ? C'est ainsi, mais i l existe quelques exceptions.

    L'article 1 .1 de ce dcret prcise deux exemples de ce que peut tre une exploitation non commerciale d'une varit : l 'exprimentation

    et l 'inspection par des organismes officiels, et la fourniture de semences des prestataires de services, en vue de la transformation ou

    du conditionnement (2). Et pour les producteurs (article 1 .3), i ls peuvent commercialiser des semences et plants () s'il s'agit :

    a) De petites quantits de semences et de plants, dans des buts scientifiques ou pour des travaux de slection ;

    b) Des quantits appropries de semences et de plants destines d'autres fins, d'essai ou d'exprimentation, dans la mesure o ils

    appartiennent des varits pour lesquelles une demande d'inscription au catalogue national a t dpose .

    L'article 2 indique :

    - Ne peuvent tre mis sur le march en France sous les termes "semences" ou "plants" suivis d'un qualificatif les produits qui ne r-

    pondent pas aux conditions suivantes [suivent trois conditions dont la premire ci-dessous] :

    1 Appartenir l'une des varits inscrites sur une liste du Catalogue officiel des plantes cultives ou, dfaut, sur un registre annexe

    (. . . ). Cette condition n'est pas exige pour les semences et plants vendus sans indication de varit.

    I l est donc possible de vendre des semences n'appartenant pas une varit inscrite au catalogue pour peu qu'on n'indique aucun nom

    de varit.

    Enfin, l 'article 3.1 de ce mme dcret prvoit des conditions particulires de commercialisation (. . . ) fixes, en tant que de besoin, par

    arrt du ministre de l'Agriculture en ce qui concerne :

    - les semences ou les plants traits chimiquement ;

    - la conservation in situ et l 'uti l isation durable des ressources gntiques des plantes ;

    - les semences ou plants adapts la culture biologique ;

    - les mlanges de genres, d'espces ou de varits . . .

    1 , appel prcisment Dcret n81 -605 du 1 8 mai 1 981 pris pour l 'application de la loi du 1 er aot 1 905 sur la rpression des fraudes en ce qui

    concerne le commerce des semences et plants

    2, Ne relvent pas de la commercialisation les changes de semences qui ne visent pas une exploitation commerciale de la varit, telles que

    les oprations suivantes :

    - la fourniture de semences des organismes officiels d'exprimentation et d'inspection ;

    - la fourniture de semences des prestataires de services, en vue de la transformation ou du conditionnement, pour autant que le prestataire de

    services n'acquire pas un titre sur la semence ainsi fournie .

    fend aussi, depuis prs de 1 5 ans, le droit des paysans de slec-

    tionner, changer et vendre leurs propres semences paysannes,

    avec des critres plus ouverts que ceux du catalogue (28).

    Dernire prise de position en date : cel le des organisations pay-

    sannes observatrices au Trait international sur les ressources

    phytogntiques pour l 'agriculture et l 'al imentation (Tirpaa), qui

    menacent de ne plus verser leurs ressources gntiques aux

    collections, afin de ne pas facil iter la biopiraterie et finalement

    l 'interdiction pour eux de continuer les cultiver (29). La runion

    de l 'Organe directeur du Tirpaa (5-9 octobre 201 5 Rome) a t

    l 'occasion d'une clarification des positions de chacun, sans pour

    autant que l 'Organe directeur du Trait ne dnonce lui-mme la

    biopiraterie (30) permise par le squenage massif des se-

    mences et plants dposes dans le Trait (programme Divseek

    (30)). Ce que condamne le syndicat international de petits pay-

    sans La Via campesina, qui attend des nombreux gouverne-

    ments, qui ont dcouvert Rome ces dtournements

    inadmissibles des objectifs du Trait, une vive raction destine

    le remettre dans la bonne direction. La Via Campesina espre

    que la prochaine consultation sur les droits des agriculteurs (art.

    9 du Trait) organise en 2016 par l'Indonsie fera de ces droits

    une priorit garantissant la souverainet alimentaire contre le vol

    des semences par les droits de proprit industrielle de l'indus-

    trie (32).

    FRDRIC PRAT

    QUI REMERCIE GUY KASTLER (RSP) POUR SA PRCIEUSE RELECTURE

    1 , Les notes de cet article sont : http: //www.infogm.org/article5864

  • TRIBUNE

    1 0

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    Face des changements cl imatiques qui mettent en pri l la sur-

    vie mme de l'humanit et notamment les populations les plus

    fragiles, de nombreuses organisations, l 'instar de la Confd-

    ration Paysanne, de la Via Campesina, ou encore d'Oxfam, d-

    noncent l irresponsabil it de poursuivre une agriculture

    industriel le qui acclre ces changements. Ces organisations en

    appellent un changement radical de modles agricoles et d-

    fendent une agriculture qui n'exploite pas la Nature, mais au

    contraire enrichit le sol, protge la biodiversit et ne voit pas les

    autres espces comme un simple garde-manger . Ces or-

    ganisations dnoncent le manque de volont politique et l 'inac-

    tion (3) des gouvernements, incapables de prendre la mesure de

    la catastrophe venir En matire agricole, le Protocole de

    Kyoto n'a eu aucun effet sur la production de gaz effet de serre

    mais a permis de faire entrer dans la finance carbone les plantes

    gntiquement modifie (PGM).

    PGM et climat : quelles relations ?

    Aprs seize annes de travail en tant que veil le citoyenne

    dinformations, Inf'OGM constate que les PGM s'inscrivent dans

    la droite l igne de l 'agriculture industriel le et chimique. Si cette

    agriculture a contribu, dans un premier temps, augmenter le

    nombre de calories disponibles, rien ne dit qu'une agriculture

    paysanne et cologique n'aurait pas russi En revanche,

    comme l'ont dj dnonc de nombreux agronomes, comme

    Marc Dufumier, cette agriculture hors-sol a provoqu de nom-

    breux dgts environnementaux, sociaux et culturels : confisca-

    tion des ressources (terres, eau, semences), concentration du

    capital, pol lutions diverses, appauvrissement des sols, destruc-

    tions des liens entre les hommes, leur environnement et le vivant

    (plante ou animal). . .

    Annonces comme la solution aux dgts de l 'agriculture

    industriel le (4), on constate que globalement les PGM ont des

    impacts sanitaires, environnementaux et sociaux qui recoupent

    ceux de l'agriculture industriel le. De mme, la promesse de

    PGM, capables de s'adapter aux perturbations cl imatiques en

    cours (scheresse ou inondation) tout en ayant un impact colo-

    gique moindre, n'est pas nouvelle. Ds le dbut des annes

    2000, des chercheurs annonaient avoir trouv le gne de r-

    sistance au changement cl imatique . Quinze ans plus tard, une

    varit de mas tolrant une pluviomtrie rduite est commercia-

    l ise sur des surfaces anecdotiques. Dans les champs, on re-

    trouve majoritairement du soja tolrant un ou plusieurs

    herbicides. Les entreprises ont vendu aux responsables poli-

    tiques ces PGM comme capables de rduire de faon vertigi-

    neuse les missions de gaz effet de serre, al lant jusqu' faire

    de l 'al l iance sans labour + herbicide , le parangon de l'agricul-

    ture cologique. Or, nous constatons, au contraire, que la culture

    transgnique a, notamment, particip la destruction de forts

    natives (5) et de l 'humus du sol, l ibrant ainsi dans l 'environne-

    A LA VEILLE DE LA COP 21 , LA SOCIT CIVILE VIENT DE LANCER UN APPEL POUR QUE LES NERGIES FOSSILES RESTENT DANS LES

    SOUS-SOLS (1 ). AINSI, CHERCHEURS ET MEMBRES DONG ALERTENT SUR LES CHOIX POLITIQUES FAITS OU FAIRE ET LEURS

    CONSQUENCES. POUR LES SIGNATAIRES, POURSUIVRE LEXTRACTION DE CES RESSOURCES DANS LTAT ACTUEL DES

    CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES APPARAT COMME UNE ATTITUDE CRIMINELLE (1 00 MILLIONS DE PERSONNES SERONT VICTIMES DU

    CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LES PROCHAINES ANNES, ESTIME L'ORGANISATION HUMANITAIRE DARA (2)). CET APPEL

    SOULVE LA QUESTION DES RESPONSABILITS QUE DOIVENT PORTER LES AUTEURS DE DCISIONS ET DACTES QUI NE TIENNENT PAS

    COMPTE DES LIMITES DE LA PLANTE ET DES BESOINS FUTURS.

    ment de grandes quantits de carbone En une phrase : les

    PGM sont des plantes qui ont besoin d'engrais, de pesticides,

    d'herbicides et de machines de plus en plus puissantes pour

    les pandre sur de vastes monocultures.

    Les PGM permettent de breveter le vivant

    Les PGM et les nouvelles techniques de transformation du vivant

    sont galement, voire surtout, un prolongement et une accentua-

    tion de cette agriculture sur le plan des droits de proprit indus-

    triel le. L'agriculture est ne de l'change de semences entre

    agriculteurs ou communauts, puis sont arrives les varits

    protges par des certificats d'obtention vgtale (COV) qui r-

    duisaient juridiquement ces changes (cf. page 7) Avec les

    PGM, ce sont les brevets, derniers avatars dans cette course

    la privatisation du vivant, qui se sont imposs et qui sont dpo-

    ss aujourd'hui sur les gnes natifs , c'est--dire prexistants

    l 'tat naturel. Ces brevets derniers cris permettent aux semen-

    ciers d'interdire aux paysans de semer ou ressemer les plantes

    conventionnelles dans lesquels ces gnes brevets sont pr-

    sents. Actuel lement, les entreprises tentent de breveter de nom-

    breuses squences gntiques issues de plantes traditionnelles,

    qui pourraient leur servir mettre au point des varits capables

    de rsister au changement cl imatique. Pour Navdanya, une ONG

    indienne, cette nouvelle forme de biopiraterie menace directe-

    ment les revenus et les moyens de subsistance des agriculteurs,

    plus particul irement dans les pays en dveloppement (6).

    Des PGM pour capter des crdits carbone

    En septembre 201 4, un sommet des Nations unies sur le cl imat a

    t l 'occasion de lancer une All iance mondiale pour une agri-

    culture intel l igente face au climat ( Global All iance for Climate-

    Smart Agriculture )(7). Inf'OGM s'interrogeait alors : lagricul-

    ture intelligente face au climat [n'est-elle pas] le nouveau cheval

    de Troie de lagriculture industrielle et des OGM, responsable, en

    partie, de ce drglement climatique ? . Une question lgitime

    au regard d'un rapport publi conjointement par la FAO et le

    Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale

    (CGIAR) qui prsentait seize succs agricoles : aucun projet

    dagro-cologie, alors que plusieurs concernaient des varits

    hybrides ou transgniques, etc.

    Dj en 201 2, les PGM taient mises sur le devant de la scne

    climatique, comme solution Le secrtariat de la Convention

    cadre des Nations unies sur le changement cl imatique (CC-

    NUCC), dont dpend le Protocole de Kyoto, accordait ainsi

    l entreprise tasunienne Arcadia BioScience l 'inscription de sa

    technologie qui vise amliorer l efficacit de luti l isation de

    lazote par les plantes (en anglais : Nitrogen Use Efficiency

    NUE), comme ligible au crdit carbone dans le cadre des m-

    canismes de dveloppement propre (8). Et Monsanto, paul

  • TRIBUNE 11

    Inf'OGM, le Journal, n1 37, novembre / dcembre 201 5 - http: //www.infogm.org

    alors par WWF international, souhaitait faire reconnatre son soja

    Roundup Ready comme durable , alors mme qu'i l a t pen-

    s pour absorber de fortes pulvrisations d'herbicides. . . les-

    quelles ont favoris l 'mergence d'adventices rsistantes cet

    herbicide. Au final, les pulvrisations n'ont fait qu'augmenter en

    quantit et en toxicit (9).

    Changer de cadre de pense est devenu impratif

    A l'instar de l 'agriculture industriel le, les PGM sont dpendantes

    des nergies fossiles, requirent une certaine organisation so-

    ciale, favorisent la concentration des ressources naturel les. . . Par

    le pass, Inf'OGM avait dj fait le constat, ce jour jamais d-

    menti, que la coexistence OGM/non OGM est impossible, que

    l 'valuation des OGM avant mise sur le march est biaise et

    que le dbat public est dficient (1 0) ; Inf'OGM raffirme au-

    jourd'hui que la culture dans laquelle volue les socits

    occidentales, fonde sur le rductionnisme et une volont de

    puissance technique et de domination par l 'Homme d'une nature

    pense extrieure lui-mme, a atteint son paroxysme Le d-

    bat sur les changements cl imatiques a dj fourni l 'occasion

    Inf'OGM de montrer que ces PGM participent du rchauffement

    cl imatique au lieu de l 'attnuer (11 ).

    Le l ien entre changement cl imatique et guerre est de plus en

    plus document (1 2) : rfugis cl imatiques et rfugis de guerre

    peuvent avoir une origine commune quand ce qui est au cur du

    confl it est l accs aux richesses naturel les. Lengrenage qui

    conduit l effondrement de lagriculture suite la guerre est, de

    manire trs schmatique, celui-ci : dplacement des popula-

    tions, perte des semences dans la fuite, perte du l ien entre

    l homme, son environnement et la plante, impossibi l it de trans-

    mettre les savoir-faire traditionnels, arrive de laide alimentaire

    (nourriture gratuite), reconstruction de l 'agriculture avec introduc-

    tion dintrants chimiques et de semences modernes. Ce schma

    se confirme partout dans le monde : en Irak, en Syrie, au Sou-

    dan Ce sont aussi des pays o la crise cl imatique sera la plus

    violente. Or les co-systmes sont d'autant plus fragil iss quand

    les paysans, vritables gardiens d'un patrimoine sculaire qu'i ls

    empruntent aux gnrations futures, cdent le pas la seule ra-

    tional it conomique. Une fragil isation qui induit son tour exode

    rural et fuite. . . Ainsi, l 'abandon progressif du pturage ou du

    pastoral isme, au profit des rations de soja + mas, a permis de

    concentrer les levages Consquence : dsertification rurale,

    augmentation des risques de catastrophe dite naturel le

    (avalanche, feu de fort, inondation), des missions de m-

    thane. . . Cette dconnection entre la production alimentaire et le

    territoire, dj l 'uvre avec l'agriculture industriel le, s'est

    accentue avec les PGM.

    Ainsi, certaines organisations n'hsitent pas parler d'cocide,

    ou de crime climatique . Qui est coupable ? Un tribunal inter-

    national des Droits de la Nature, port par la Global All iance des

    Droits de la Nature en partenariat avec End Ecocide on Earth,

    NatureRights et Attac se runira pour la troisime fois les 4 et 5

    dcembre la Maison des Mtal los (Paris 11 ), concomitamment

    la COP21 (1 3). Cette initiative citoyenne entend non seulement

    tmoigner publiquement de la destruction des conditions de vie

    sur Terre, mais aussi statuer sur des cas emblmatiques, en se

    basant sur les cadres juridiques mergeant du Droit de la Ter-

    re (Dclaration Universel le des Droits de la Terre-Mre, propo-

    sition damendements au Statut de la Cour Pnale Internationale

    sur le crime dcocide, en sappuyant sur le Droit des Commu-

    naux Globaux). Si la notion de Droit de la Nature ou de la Terre

    peut s'avrer problmatique qu'est-ce qu'un droit sans de-

    voir ? - l 'ide de ce tribunal est de montrer le l ien troit et sub-

    stantiel entre la vie en bonne sant mentale et physique des

    femmes et des hommes, et le maintien, la prservation et la r-

    gnration des co-systmes, et de dfendre le droit de tous

    vivre dans un monde sain.

    Si Inf'OGM rappelle aujourdhui ces constats effectus sur les

    PGM, le caractre irrversible du rchauffement impose de ne

    plus penser le monde avec les mots du XIX sicle, avec les

    concepts d'un monde o l'tre humain, paul par la techno-

    science, n'admet aucune limite son dsir de puissance. Ainsi,

    nous serons critiques, dans les annes venir, sur les solu-

    tions ancres dans la continuit paradigmatique qui les

    condamnent l 'avance. Et, a contrario, nous montrerons que de

    vraies solutions existent, des solutions qui, el les, s'inscrivent

    dans un autre cadre de pense. . . Par exemple, un cadre dans

    lequel i l aurait t dcid que les nergies fossiles restent dans

    les sous-sols.

    JEAN AZAN, BNDICTE BONZI, JACQUES DANDELOT,

    CHRISTOPHE NOISETTE, FRDRIC PRAT

    1 , http: //350.org/cl imate-crimes-fr/?pk_campaign=

    Infolettre-365&pk_kwd=crimesclimatiquesstop-org

    2, http: //daraint.org/

    3, Les prcdents sommets sur le cl imat n'ont jamais conduit

    des recommandations contraignantes

    4, L'AFBV demande aux gouvernements qui se runiront Paris

    en novembre, de consacrer un mil l iard d'euros par an pendant

    dix ans la recherche biotechnologique.

    5, Voir notamment notre article sur le dveloppement du soja GM

    en Argentine : http: //www.infogm.org/spip.php?article571 6

    6, http: //www.infogm.org/article411 4

    7, http: //www.infogm.org/article5721

    8, http: //www.infogm.org/article5302

    9, http: //www.infogm.org/article4697

    1 0, http: //www.infogm.org/-Mission-et-valeurs-

    11 , http: //www.infogm.org/article5844

    1 2, http: //www.monde-diplomatique.fr/201 5/08/SINAI/53507

    1 3, http: //www.naturerights.com/blog/?p=11 26

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    ISSN : n1 624- 8872

    CPPAP : 111 6 G 85457

    DIRECTRICE DE PUBLICATION

    BNDICTE BONZI

    RDACTEUR EN CHEF

    CHRISTOPHE NOISETTE

    SECRTAIRE DE RDACTION

    FRDRIC PRAT

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    FRDRIC JACQUEMART

    GUY KASTLER

    HERV LE MEUR

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    Goldsmith, Terra Symbiosis, Patagonia, Lea Nature, Satoriz, Distriborg, au Crdit Coopratif, et aux ministres de l 'cologie

    et de l 'Agriculture (via, entre autres, les rserves parlementaires de EELV et du PS) pour leur soutien.

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