Impérialisme et anti-impérialisme

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IMPERIALISME ET ANTI-IMPERIALISME VINCENT GOUYSSE Mai 2007 Pour le 90 ème anniversaire de la Révolution Socialiste d’Octobre !

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  • IMPERIALISME

    ET

    ANTI-IMPERIALISME

    VINCENT GOUYSSE

    Mai 2007

    Pour le 90me anniversaire de la Rvolution Socialiste dOctobre !

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    1re dition Texte tir de ldition numrique du 11/07/2007

    Edition augmente de deux annexes :

    Aperu sur le marxisme (mai 2006)

    La dmocratie malade : inscurit, discriminations, immigrationet racisme (juin 2006)

    WWW.MARXISME.FR

    Copyright Vincent Gouysse, avril 2008. Diffusion libre deldition numrique : reproduction totale ou partielle dutexte autorise pour tous les pays sous rserve dindiquerla source. Pour la traduction, sadresser lauteur.

    Illustration de la couverture : Travailleurs de tous les pays et descolonies opprimes, levez-vous sous le drapeau de Lnine ! Affiche sovitique de 1932.

    Citations de la couverture : Karl Marx A propos du systmenational de lconomie politique de Friedrich List (1845) et Discourssur le libre-change (1848) Editions numriques.

    ISBN 978-1-4092-0321-6

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    PREFACE

    En ce dbut de 21me sicle il tait temps, pour les communistes, defaire le mnage.

    De compromis en compromissions, du socialisme rel labandonde tous les outils forgs par Marx, Engels, Lnine et Staline, lescommunistes, le communisme, ntaient mme plus une hypothse .

    Il faut dire que fonder le premier Etat de Dictature du proltariat, puisgagner la guerre contre larme nazie, tout cela ne rendit pas la tchefacile aux peuples et au Parti Communiste de lUnion Sovitique. Onoublie trop facilement ces choses nous qui, depuis des annes, vivonsdans le calme apparent de la dmocratie bourgeoise.

    Alors il est facile, depuis des annes aussi, de parler sans fin de ce queles communistes auraient du faire si

    Mais la voie de la Rvolution ne commence pas par il tait unefois , ce nest pas un conte, ni un schma pr-tabli. Elle est tout saufun dogme.

    Et, bien sr, les falsificateurs ne manquent pas. Du gauchiste agit enpassant par toutes les teintes de ceux qui parlent de socialisme , sansoublier lennemi de classe direct : la bourgeoisie ; tous semploient avecleurs moyens rviser lhistoire, brouiller les cartes. Ils taient dj l enRussie en Mars 1917, en 1938-1939 en France, en Mai 1968.

    La voie de la Rvolution est complexe, elle demande de la rigueurpour soi, comme envers les autres. Elle requiert de ltude et delengagement. De la thorie et de la pratique. De prendre des risques etdtre apte les mesurer.

    Lauteur de cet ouvrage nous livre ce qui nous manquait. Un outilprcieux pour comprendre le monde daujourdhui. Un outil prcieuxdonc pour transformer ce monde.

    De bout en bout la dmarche est rigoureuse. On part des faits, on lespasse au crible des outils du matrialisme dialectique, on labore un axede travail. La suite ? : Passer laction pour crire lhistoire, pour la faire.

    Voici donc entre nos mains ce qui doit dabord treconsciencieusement tudi, si possible plusieurs, car rien de plusstimulant que la discussion et la contradiction. Sans thoriervolutionnaire, pas daction rvolutionnaire.

    Et laction justement ? Quest-ce un communiste sinon une personnequi engage sa vie dans un acte volontaire, celui de vouloir renverser cetOrdre qui broie, hommes, femmes, consciences, de part le monde.

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    Alors, et lauteur nous le dit, dans cette poque de guerre et de crisesans prcdent du capital financier, lorganisation des communistes revtle caractre dune ncessit vitale.

    Pour navoir pas rsolu correctement la question de ldification duparti communiste, nos camarades allemands des annes 20 du siclepass, nos camarades indonsiens plus tard lont pay, par centaines demilliers, de leur vie. Pour le peuple allemand on connat la suite, pourlIndonsie aussi. Et nous ne sommes pas labri de cette ventualit tantle degr danantissement idologique auquel recourt la bourgeoisie rendtoujours plus actuel le mot dordre socialisme ou barbarie .

    Nous savons, aussi, dsormais ou conduit la troisime voie : soitau cimetire, soit la collaboration rformiste.

    Lauteur nous donne les cls pour comprendre notre poque. Un desntres, le Communard Jules Valls, rsuma parfaitement les sautsqualitatifs ncessaires pour passer de la rvolte la rvolution.

    Ces deux voix assembles puissent-elles rsonner encore auprs deceux qui choisiront de vivre leurs rves de justice arms delindispensable manteau glac de la raison .

    Jaime ceux qui nont en partage que leur rage et leur dgot. Ceux lnont pas besoin despoir pour se battre.

    Jaime ceux qui habillent leur rage et leur dgot du manteau glac de laraison. Ceux-l nont pas besoin de chance pour lemporter.

    Jaime ceux qui vtent la raison des fleurs parpills de leurs rves. Ceux lnont pas besoin de dieux pour btir.

    Jules Valls, 1881.

    G.L. France Avril 2008

    Vive le Communisme !

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    TABLE DES MATIRES :

    IMPERIALISME ET ANTI-IMPERIALISME

    AVANT-PROPOS (p. 6)

    PARTIE 1 IMPERIALISME ET ANTI-IMPERIALISME : RAPPELS A LALUMIERE DU MARXISME-LENINISME (p. 8)

    PARTIE 2 LE SOCIAL-IMPERIALISME SOVIETIQUE : DE LA GENESE ALEFFONDREMENT (p. 41)

    PARTIE 3 LE SOCIALISME A LA CHINOISE : SOCIALISME OUNATIONALISME BOURGEOIS ? (p. 90)

    PARTIE 4 LE NON-ALIGNEMENT ET LE TIERS-MONDISME : ARMESAU SERVICE DE LIMPERIALISME (p. 145)

    1 Les origines et les fondements du non-alignement (p. 145)

    2 Le caractre de la rvolution cubaine (p. 171)

    PARTIE 5 RIVALITES INTER-IMPERIALISTES CONTEMPORAINES :QUAND LA CHINE ENTRE DANS LA COUR DES GRANDS, LE MONDETREMBLE (p. 190)

    1 Les fondements de la puissance conomique de limprialismechinois (p. 190)

    2 La gauche et la voie au socialisme latino-amricaines (p. 241)

    PARTIE 6 PERSPECTIVES DAVENIR : LA PHASE TERMINALE DELIMPERIALISME (p. 263)

    1 Tertiarisation et crash dmographique, facteurs daggravation de lacrise gnrale de limprialisme (p. 263)

    2 Les marxistes-lninistes et leurs tches nationales et internationales(p. 282)

    NOTES (p. 333)

    ANNEXES :

    APERU SUR LE MARXISME (p. 348)

    LA DEMOCRATIE MALADE : INSECURITE, DISCRIMINATIONS,IMMIGRATION ET RACISME (p. 373)

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    IMPERIALISME ET ANTI-IMPERIALISME

    Avant-propos

    En traitant de la question gnrale de limprialisme et de la lutte mener contrecelui-ci, nous nous sommes efforcs de nous lever au-dessus des clichs habituels etde les dmystifier ds quils nous semblaient reprsenter une dformation desprincipes marxistes-lninistes amenant une vision unilatrale et fragmentaire de laralit contemporaine du systme mondial de limprialisme.

    Dans ce travail, nous avons demble cart une approche exclusivementthorique et fige, consistant dans le ressassement de principes gnraux, fussent-ilsjustes, pour nous concentrer davantage sur leur application vivante la ralit enmouvement que cette ralit appartienne au pass, au prsent, ou au futur , envue de dmontrer la ncessit actuelle de lanalyse matrialiste dialectique dans lalutte pour lunit des communistes marxistes-lninistes, conscients que cette unit estla premire condition pour raliser nos tches rvolutionnaires.

    Bien entendu, vu limmensit du champ dinvestigation et vu la masse quasi-infinie de faits et de documents qui mriteraient de figurer dans une analyse delvolution du systme mondial de limprialisme, prise dans ses aspectsconomiques, sociaux, politiques et militaires, nous avons du nous borner mettre enlumire ses traits les plus gnraux ainsi que le moteur fondamental de son volution.Si cette analyse gnrale est ncessaire pour nous aider mettre en place le fildirecteur nous guidant dans notre travail pratique, afin de ne pas travailler laveuglette, il est certain que dautres analyses complmentaires et plusapprofondies seront tout aussi ncessaires pour nous aider rsoudre les problmesparticuliers du renversement du joug de lexploitation capitaliste-imprialiste.

    Outre lanalyse du caractre de rvolutions dites socialistes en Chine et Cubaen particulier , nous avons rserv dans cette tude une place importante ce quise passe actuellement en Amrique latine. Dabord parce que cela ne laisse personneindiffrent. Pour beaucoup de militants de la mouvance se rclamant ducommunisme et de la lutte anti-imprialiste, les vnements rcents tendraient prouver que les peuples dAmrique latine seraient en train de commencer selibrer du joug imprialiste et de prendre leur destin en main. Une tonnanteunanimit rgne sur cette question, et les points de divergence sont mineurs, commenous allons le dmontrer par la suite. Depuis les dmocrates petit-bourgeois enpassant par les altermondialistes, les trotskistes, les rvisionnistes eurocommunisteset jusqu un grand nombre dorganisations se rclamant aujourdhui du marxisme-lninisme, tous soutiennent (parfois mme sans condition) ce tournant gauche et voient en lui, surtout aprs la dfaite provisoire du socialisme qui a marqu ladeuxime moiti du 20me sicle, la preuve quun autre monde est possible .

    En tant que marxistes-lninistes, il nous a sembl essentiel de regarderobjectivement les faits et de ne pas cder au sentimentalisme sur ces questions,dautant quelles occupent une grande partie de lactualit dite progressiste et de gauche , influenant donc grandement la nouvelle gnration de jeunestravailleurs qui, en butte au agressions du monde capitaliste, en viennent sintresser la politique et au communisme.

    Dans ltude matrialiste des vnements qui secouent lAmrique latine, il nousa sembl fondamental de procder quelques rappels bass sur lexprience

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    ngative et positive du mouvement communiste international , rappels qui, on auraloccasion de le voir, sont loin dtre inutiles et superflus puisquils nous aideront dmontrer que si lAmrique latine est bien en mouvement, ce nest nullement versle socialisme , en tout cas avec les gouvernements qui y sont actuellement aupouvoir. Cest dans cette optique que nous expliquerons en quoi consistent lesfondements de limprialisme, du colonialisme et du socialisme.

    Nous largirons galement sensiblement notre champ dinvestigations lanalysedes traits principaux de lvolution actuelle du systme imprialiste mondial et de sescontradictions internes.

    Nous montrerons ainsi comment les outils de comprhension marxistes-lninistesont t galvauds et dforms par les rvisionnistes qui les ont transformes en outilsrouills, incapables de nous aider comprendre la ralit objective, et par consquentde nous indiquer les moyens capables de la transformer.

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    PARTIE 1 Imprialisme et anti-imprialisme :rappels la lumire du marxisme-lninisme

    Selon la conception matrialiste marxiste, lessentiel, ce qui dtermine la formedune socit, cest la reproduction de la vie immdiate, la manire dont les hommesproduisent et changent les moyens de subsistance.1

    Selon la conception matrialiste, le facteur dterminant, en dernier ressort, dansl'histoire, c'est la production et la reproduction de la vie immdiate .2

    Ce qui reproduit le proltariat comme proltariat et la bourgeoisie commebourgeoisie, ce sont les rapports de production bourgeois, la proprit prive desmoyens de production : le proltariat ne possde en propre que sa force de travailquil vend la bourgeoisie dtentrice des moyens de production de son existencecontre lobtention des moyens ncessaires sa survie. Mais le proltariat nobtientjamais plus que de quoi reproduire sa condition desclave salari, tandis que labourgeoisie renforce son monopole conomique sur les moyens de production, quandbien mme quand elle accorde quelques adoucissements lexploitation de sesesclaves. On nous dira certainement que nous nonons des banalits . Pourtant,la porte pratique relle de ces banalits reste incomprise des rvisionnistes.

    Un pays imprialiste se pose face un pays capitaliste plus faible comme unpropritaire des moyens de production, tandis que ces pays conomiquement plusfaibles se posent invitablement face lui comme tant exclusivement possesseursdune force de travail. En investissant dans ces pays, limprialisme agit comme lecapitaliste agit dans le cadre national, tandis que la bourgeoisie indigne lie limprialisme cest--dire la bourgeoisie compradore joue un rle decontrematre et profite donc des retombes de lexploitation des travailleurs de sonpays.

    Sous le capitalisme, la reproduction largie du Capital social se fait difficilement,par -coups et de manire disproportionne : le territoire national offre un dbouchtrop troit sil est limit la consommation des esclaves salaris. Pour pallier cesproblmes, la bourgeoisie dispose de plusieurs solutions : 1 laugmentation de laproduction des objets de luxe destins la consommation parasitaire des classesexploiteuses, 2 la militarisation croissante de lconomie, utile autant pour diminuerla proportion des objets de consommation en surproduction relative, que pourdynamiser la consommation intrieure, puisque la production darmes, bien que nonproductive, engage de nouvelles forces de travail. Ainsi, du fait du dsquilibrecroissant entre production et consommation, le capitalisme a tendance augmenter lapart du Capital non productif, comparativement au Capital productif, et donc dvelopper les emplois non productifs. Tout ceci permet certes le plus souvent labourgeoisie de raliser la reproduction largie du Capital social, mais de manireralentie, car ces orientations provoquent invitablement la baisse du taux de profitmoyen qui dpend de la masse de la plus-value produite dans le secteur productif, lesautres secteurs de lconomie ne faisant que se repartager cette plus-value.

    Lnine remarquait trs justement que laugmentation de la productivit du travailimpliquait la hausse de la composition organique du capital et donc la baisse du tauxde profit.3 Aussi, sous le capitalisme, la bourgeoisie nest contrainte daugmenter laproductivit du travail que dans la mesure o les capitalistes individuels doiventdiminuer la part du capital variable incluse dans la production afin den abaisser lecot et de vendre leurs marchandises face aux concurrents. Mais en diminuant la part

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    du Capital variable, ils diminuent le nombre des ouvriers ou leurs revenusindividuels. Au final cette tendance entre en contradiction avec la hausse rapide de lademande solvable et contribue aggraver encore la lutte concurrentielle, outre le faitquelle cre la possibilit de ruptures brutales entre la sphre productive et celle de laconsommation (crises).

    Aussi sous le capitalisme, la hausse de la demande est dordinaire ralise grce la consommation parasite des capitalistes et laugmentation des dpensesimproductives : ainsi une part croissante du revenue national est transmise, parvoie de paiement de ce qu'on appelle les services, dans les branches nonproductives , videmment au dtriment du volume de laccumulation , sousdimensionn par rapport aux possibilits et aux besoins de la socit. Pour limiter laconcurrence et viter la baisse du taux de profit, car tout le reste est secondaire pourle bourgeois individuel, les capitalistes essaient ds quils le peuvent de raliser desententes commerciales, videmment au dtriment des travailleurs. Limprialismecaractris par la domination dune poigne dentreprises monopolistes offre desconditions particulirement favorables ces ententes au sommet : Lnine en donnaitde nombreux exemples et aujourdhui il nous suffira de citer le secteur desentreprises de nouvelles technologie o les ententes illicites sur les prix sontmonnaies courantes : en 2006 de nombreux cas de pratiques anti-concurrentielles desplus grandes marques ont t rapports par des sites dactualits informatiques, quece soit dans le domaine de la fabrication de composants informatiques (mmoirevive, CPU, puces graphiques) avec des tnors comme Hynix et Samsung, Intel etAMD, Nvidia et Ati, ou celui de la tlphonie mobile (en dcembre 2006, la Courdappel de Paris a confirm la condamnation dOrange, Bouygues et SFR uneamende dun demi milliard deuros pour stre entendus afin de fixer des prixartificiellement levs au dtriment de tous les utilisateurs ). Mme avec cetteamende, les fraudeurs restent gagnants puisque lUFC a estim le prjudice ,cest--dire les surprofits, environ 1,4 milliards deuros Tous les procs dumonde narriveront jamais bannir ces pratiques anti-concurrentielles des entreprisesmonopolistes, et pas davantage leur formation :

    Le parlement des Etats-Unis a mis au point tout un code destin empcher laformation des grands trusts. Aucun autre pays ne dispose de textes aussi svres.Et bien sr, l'Amrique n'en est pas moins le paradis des monopoles .4

    Seules lconomie et la socit socialistes, en liminant les classes exploiteuses,permettent daccrotre dans des proportions voisines la production et laconsommation. Durant la priode 1950-1983, le budget de lEtat socialiste albanaisest pass de 0,85 8,20 milliards de leks. Durant le mme temps, la circulation desmarchandises destines la consommation intrieure est passe de moins de 0,60 plus de 6,90 milliards de leks. Dj dans le Manifeste du Parti communiste, Marxremarquait quune fois le capitalisme renvers, laccumulation servait largir,enrichir et embellir lexistence des travailleurs. Marx remarquait que sous lecapitalisme, la hausse de la composition organique du Capital rendait superflue unepartie sans cesse croissante du proltariat et que par consquent tandis que lesrichesses saccumulent dans les mains dune minorit dexploiteurs, saccumulaitparalllement au ple oppos, de misre, de souffrances, d'esclavage, d'ignorance,d'abrutissement et de dgradation morale .5 On comprend parfaitement lesproportions colossales que prend le chmage dans les pays dpendants qui nedisposent pas de surprofits pour occuper leur main duvre des tchesimproductives destines satisfaire les caprices de la grande bourgeoisie. Sous le

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    capitalisme, le travail ne sert qu enrichir les exploiteurs et ne profitequaccessoirement ceux qui crent la richesse, tandis que sous le socialisme lesfruits du travail profitent rellement aux travailleurs. Sous le capitalisme, lestravailleurs sont donc des esclaves enchans un travail au profit dautrui, tandisque sous le socialisme, le travail devient le moyen de leur libration conomique,politique et sociale.

    les capitalistes n'ont jamais travaill eux-mmes et ils n'ont jamais rienproduit, car seuls les ouvriers et les paysans travaillent et produisent. Sous cetangle, ce sont des parasites, ils vivent aux dpens des autres, ils exploitent letravail et les talents de l'ouvrier et du paysan travailleurs, et s'en approprient lesfruits .6

    Sous le capitalisme, la hausse de la productivit du travail aboutit jeter une plusgrande masse de marchandises sur le march en employant toujours moins detravailleurs, aggravant la disproportion entre consommation et production. Aucontraire sous le socialisme, la hausse de la productivit du travail permet daccrotrela production sociale et de rduire les tourments du travail excessif tout enenvisageant la satisfaction de nouveaux besoins : la croissance de la richesse socialesert llvation du bien-tre matriel et culturel de ceux qui la produisent. Ainsi,des choses revtant une forme identique peuvent avoir deux contenusfondamentalement diffrents, tout dpend des conditions conomiques et sociales. Cenest pas le travail qui est aboli sous le socialisme, mais le travail exploit par autrui :seul le but de la production change car lactivit sociale reste ncessaire lareproduction de la vie des tres humains, mme sous le socialisme et lecommunisme.

    Sappuyant sur les travaux de Marx sur la reproduction largie de la productionsociale, Lnine soulignait que la condition ncessaire de cette accumulation rsidaitdans la ncessit de produire d'abord des moyens de production et donc dlargir la section de la production sociale qui fournit les moyens deproduction .7 Sous le socialisme, la satisfaction croissante des besoins matriels etculturels des travailleurs nentre nullement en contradiction, mais prsuppose aucontraire la ncessit de procder laccroissement prioritaire (plus rapide) de laproduction des moyens de production par rapport la production des objets deconsommation 8, puisquun volume daccumulation lev permet daccrotre lesfutures capacits productives de lensemble des branches de lconomie dont ledveloppement acclr satisfait toujours mieux les besoins des travailleurs. Lestenants anti-staliniens (cest--dire anti-communistes) de la thorie du capitalismedEtat et de lEtat ouvrier dgnr ne sont rien dautre que des petit-bourgeoiskeynsiens qui admettent possible pour le Capital de raliser laccroissementacclr de la richesse sociale au moyen des dpenses non productives, et quicherchent appuyer la croissance conomique au moyen du gonflement dun secteurtatique non socialiste. Une telle conception est en contradiction flagrante avec lestravaux de Marx et Lnine sur la reproduction largie de la richesse sociale : cetteorientation, si elle permet bien de dpenser ce dont les travailleurs sont dpouills, nersout pas la contradiction entre Travail et Capital ni ne peut enrayer la baissetendancielle du taux de profit.

    Cette tendance gnrale de la production capitaliste reflte le fait que son but,

    le profit toujours plus grand, entre en contradiction avec le moyen d'atteindrece but, l'largissement de la production .9

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    Staline avait donc parfaitement raison de voir dans la recherche du maximum deprofit la loi conomique fondamentale du capitalisme monopoliste, lequel

    ne peut se contenter du taux moyen qui, au surplus, a tendance diminuer parsuite du relvement de la composition organique du capital. L'actuel capitalisme demonopole ne demande pas le profit moyen, mais le maximum de profit, ncessairepour raliser plus ou moins rgulirement la reproduction largie .10

    Pour tenter de relever le taux de profit (ce qui ncessite daugmenter la part duCapital productif), la bourgeoisie essaie donc de stimuler lcoulement desmarchandises sur le march extrieur, accroissant par l mme la consommationintrieure. Lnine soulignait ainsi quun march extrieur est ncessaire aux paysbourgeois

    parce que la production capitaliste a ceci de propre qu'elle tend l'extensioninfinie .11

    Le placement de capitaux ltranger rpond au mme besoin : celui de trouverle dbouch le plus rentable aux capitaux excdentaires . En effet, placer lescapitaux en vue de laccroissement du Capital non productif dans les mtropoles estbien moins rentable que de placer ses capitaux dans des industries ltranger surtout dans les pays dpendants o la composition organique du Capital est laplus basse et le cot de la force de travail infrieure, ce qui assure par consquentaux capitalistes un taux de profit bien plus lev. Cependant, mme dans ce cas qui est le plus favorable au Capital , lextension de la production doit se heurter ltroitesse du march extrieur o le capitalisme tend aussi faire stagner et diminuer la consommation des masses, la loi de la valeur se chargeant dy ramenerles salaires au plus bas niveau possible. Cette tendance entre ncessairement enconflit avec le besoin pour le capitalisme de dvelopper toujours davantage laproduction pour la production, cest--dire la production en vue de lextorsion duprofit maximal, la production dtache du but social et sy opposant. Cest une desmanifestations concrtes de lopposition irrductible entre les intrts du Travail etceux du Capital, opposition contenue en germe dans le travail salari lui-mme.

    Comme on le voit, la recherche de dbouchs sur le march extrieur ne rsoutrien quant la difficult fondamentale pour les capitalistes de raliser la reproductionlargie du Capital social, cette recherche ne fait que dplacer le problme et luidonner des proportions encore plus gigantesques.

    La participation du commerce extrieur ne fait que dplacer la question d'unpays sur plusieurs pays, mais le fond du processus de ralisation n'est nullementmodifi .12

    Tout ceci dtermine le caractre putride du capitalisme, caractre exacerb quandil parvient au stade imprialiste de son dveloppement. Les pays bourgeois dontlconomie est la plus dveloppe ont donc massivement recours au placement decapitaux ltranger, essentiellement pour essayer de compenser les bas taux deprofit quils obtiennent en mtropole.

    A linverse des trotskistes pour lesquels la dcomposition de limprialismesignifie une stagnation absolue dans le dveloppement des forces productives de lasocit et un dveloppement relativement uniforme du capitalisme (au moins dansles pays imprialistes), les marxistes-lninistes ont toujours considr que l'ingalitdu dveloppement conomique tait une loi du dveloppement de limprialismemondial. Lconomie des pays imprialistes en dclin voit un ralentissement dudveloppement des forces productives13, tandis que certains pays imprialistespeuvent continuer de se dvelopper plus rapidement. Lnine insistait dj sur le fait

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    que lorsque le rapport de forces inter-imprialistes se modifiait, ceci amenait les paysimprialistes se faire la guerre, citant mme lindustrie du ptrole comme un desobjets principaux de cette lutte pour un nouveau partage des colonies.14 Cest sur labase de lingalit du dveloppement conomique que Lnine conclut lessenceractionnaire du mot dordre trotskiste de Etats-Unis dEurope, qui rejoignait lesconceptions kautskistes du super-imprialisme .15 Cest galement sur cette baseque Lnine en vnt conclure que la victoire de la rvolution socialiste tait possibledans les pays o se concentraient les contradictions du capitalisme et delimprialisme mondial, mme quand ces pays taient conomiquement retardatairescomme la Russie, contrairement aux allgation trotskistes hrites du social-dmocratisme selon lesquelles le socialisme ne pouvait pas tre viables dans les paysconomiquement retardataires dans les conditions de lencerclement imprialiste.Ainsi, pour tout marxiste-lniniste il est vident que l'ingalit du dveloppementrend au plus haut point invraisemblable la cration simultane d'une situationrvolutionnaire dans tous les pays capitalistes les plus importants . Par consquent,

    Celui qui nie l'accentuation de l'ingalit du dveloppement l'poque del'imprialisme et la possibilit de construire le socialisme dans un seul pays, nie enfait la possibilit de la rvolution proltarienne. () Les chefs social-dmocratestrompent la classe ouvrire en disant qu'ils ne sont pas contre la rvolution, maisqu'on ne peut pas la commencer parce que les ouvriers des autres pays ne lacommencent pas. Une telle position de la question signifie un renoncementcomplet la rvolution .16

    Ces conceptions marxises par Kautsky, conduisait sa thorie du super-imprialisme selon laquelle le dveloppement conomique du capitalisme mondialpoussait la bourgeoisie des pays imprialistes rechercher davantage les ententesque les conflits, aboutissant lexploitation pacifique et concerte des payscoloniaux, mais ses rveries prenaient pour hypothse le dveloppement gal despays imprialistes. Ce postulat tait videmment faux et il lest toujours aujourdhui,comme nous le verrons ensuite, car lconomie des pays imprialistes ne sedveloppe pas de faon gale, leur rapport de force volue et doit amener unrepartage des sphres dinfluences coloniales et semi-coloniales. Pour Lnine, sous lecapitalisme, il ne peut pas exister dautre moyen que la guerre pour assurer cerepartage. Aussi, les thories kautskistes, reprises par Khrouchtchev et tous lespacifistes petit-bourgeois, constituent un grand danger pour le mouvement ouvrier,en dtournant son attention de la ncessit de renverser le capitalisme pour conjurerle danger de guerre. En matrialiste, Lnine remarquait que le danger de guerre deprenait nullement sa source dans la sclratesse particulire des capitalistes, maisdans le degr de concentration de leur conomie qui les oblige s'engager danscette voie afin de raliser des bnfices . Aussi, toute la bonne volont du monde nepeut amener les milieux dirigeants des pays imprialistes renoncer la guerrequand celle-ci devient pour eux une ncessit conomique. Prtendre le contraire,cest navoir rien compris au marxisme et cest mystifier les travailleurs.

    Staline na jamais prtendu autre chose quand au dbut des annes 1950, ilavertissait que lessor du mouvement dmocratique-bourgeois pour la paix nesuffisait pas carter le danger de nouvelles guerres : pour lui, la guerre taitcontenue en germe dans les rivalits inter-imprialistes qui navaient pas tsupprimes. Et Staline den conclure que pour supprimer le caractre invitable desguerres, il faut dtruire l'imprialisme .17 En 1928, Staline dnonait la faussepropagande de la paix et les discours hypocrites des pacifistes bourgeois de laSocit des Nations (aujourdhui ceux de lONU) et de la social-dmocratie qui en

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    fait aidaient la bourgeoisie imprialiste prparer les guerres coloniales ainsi que lesguerres inter-imprialistes et empchaient le proltariat de se mobiliser efficacementcontre le fascisme.18

    Mme contraint sallier avec les imprialistes anglo-amricains, afin de tenterde diviser les forces de limprialisme nazi, Staline nen continuait pas moins deconsidrer les allis anglo-amricains comme des imprialistes. Il savait que leuropposition au fascisme ne rsultait que de leurs intrts conomiques antagonistesavec ceux de limprialisme allemand, italien et nippon : Churchill avait ainsi lui-mme admis contrecur que Staline a fait en sorte que nous, les pays quilappelait imprialistes, nous nous battions les uns contre les autres . Lesmarxistes-lninistes sovitiques nont jamais oubli que cette alliance militairentait que conjecturelle et que les milieux imprialistes doccident avaient tout faitpour encourager les ambitions imprialistes dHitler lEst. Ils navaient pas oublinon plus lintervention trangre des puissances imprialistes coalises contre lajeune URSS, ni les plans occidentaux pour maintenir lconomie hrite par la jeuneURSS dans un tat semi-colonial cens offrir des dbouchs aux capitaux des paysimprialiste doccident.

    En investissant dans les pays dpendants, les pays imprialistes y dveloppentdes branches dindustrie.

    Les exportations de capitaux influent, en l'acclrant puissamment, sur ledveloppement du capitalisme dans les pays vers lesquels elles sont diriges. Sidonc ces exportations sont susceptibles, jusqu' un certain point, d'amener unralentissement dans l'volution des pays exportateurs, ce ne peut tre qu'endveloppant en profondeur et en tendue le capitalisme dans le monde entier .19

    Cest prcisment ce qui caractris le dveloppement du systme imprialistemondial partir des annes 1970 qui a vu un grand nombre de pays dpendants setransformer en pays industriels. Si certes Lnine dfinissait lpoque imprialistecomme tant celle o lexportation de Capitaux prenait lascendant sur lexportationde marchandises, il nen affirmait pas moins que les entreprises monopolistes,utilisaient ordinairement lexportation de capitaux comme un moyen dencourager l'exportation des marchandises .20

    Sappuyant sur les remarques de Marx et Engels qui observaientlembourgeoisement du proltariat anglais et de lensemble de ses chefs politiques etsyndicaux, du fait du monopole commercial de lAngleterre sur le march mondial,Lnine dfinissait les partis ouvriers opportunistes des pays imprialistes commetant des partis ouvriers bourgeois . Pour Lnine, le partage du monde entregrandes puissances imprialistes rendait la constitution de partis ouvrier bourgeois invitable et typique pour tous les pays imprialistes , mais dans les conditionsdes luttes inter-imprialistes acharnes, marques par le dclin de certains paysimprialistes et lessor dautres, il tait improbable qu'un tel parti puisse triompherpour longtemps dans plusieurs pays .21 Lnine a toujours rattach directement letriomphe de lopportunisme dans le mouvement ouvrier des pays bourgeois leur essor conomique.

    Tel avait t le cas pour le Royaume-Uni au milieu du 19me sicle, puis pourlAllemagne partir de 1870 dont le mouvement ouvrier tomba alors dans les mains d'une poigne de gredins fieffs, de la canaille la plus immonde vendue auxcapitalistes .22 La transformation du capitalisme en imprialisme la fin du 19me

    sicle accentua la domination du rformisme entretenu par le pillage des payscoloniaux.

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    Cette domination saccentua encore davantage au 20me sicle, les vieux paysimprialistes transformant leurs colonies et semi-colonies en pays ateliers. En 1916,Lnine remarquait que le dveloppement du capitalisme dans les pays coloniauxouvrait une perspective dvolution nouvelle pour le dveloppement du systmeimprialiste mondial : celui de la transformation des pays coloniaux en pays ateliersexportant des biens de consommation destins aux mtropoles. Cette perspectiveaboutirait la cration

    de petits groupes de riches aristocrates recevant des dividendes et despensions du lointain Orient, avec un groupe un peu plus nombreux d'employsprofessionnels et de commerants et un nombre plus important de domestiques etd'ouvriers occups dans les transports et dans l'industrie travaillant la finition desproduits manufacturs. Quant aux principales branches d'industrie, ellesdisparatraient, et la grande masse des produits alimentaires et semi-ouvrsaffluerait d'Asie et d'Afrique comme un tribut .23

    Nest-ce pas exactement ce qua produit la dlocalisation de lindustriemanufacturire dans les pays dpendants ? Pour Lnine, cette perspective signifiait un immense danger de parasitisme occidental sur le corps des peuples despays dpendants et la rsistance ce processus ne pouvait tre oppose que par leproltariat rvolutionnaire, et seulement sous la forme d'une rvolution sociale !Peut-on tre plus limpide ? Les partis ouvriers bourgeois des pays imprialistestaient videmment incapables de sopposer ce processus, anims quils taient parlesprit de conciliation avec leur propre bourgeoisie, pensant mme pouvoir en retirerdes avantages matriels supplmentaires. Celle-ci a donc pu librement renforcerlaspect parasitaire de limprialisme, lui permettant ainsi dlargir durablement labase matrielle et sociale de lopportunisme dans lensemble des pays imprialistes,malgr leurs rivalits et le dclin relatif de certains. Aujourdhui plus que jamais,limprialisme conserve ses principaux traits, ceux que Lnine systmatis il y apresque un sicle : l'imprialisme est (1) le capitalisme monopoliste ; (2) lecapitalisme parasitaire ou pourrissant ; (3) le capitalisme agonisant .24 Endlocalisant lindustrie manufacturire dans les pays dpendants, ces traits delimprialisme se sont accentus un degr inou. Enfin, en faisant merger unegigantesque puissance imprialiste concurrente, lagonie des vieux pays imprialistesne peut que sacclrer et prendre une ampleur des plus aigus.

    Pour Lnine, le capitalisme monopoliste dEtat est l'chelon historiquequ'aucun autre chelon intermdiaire ne spare de l'chelon appel socialisme . Enquoi donc les revendications anti-monopolistes des petit-bourgeois et desrvisionnistes constituent-elles un progrs ? Sont-elles autre chose quuneidalisation de lpoque du capitalisme de la libre concurrence ?25

    Staline soulignait ainsi que la tendance du capitalisme l'internationalisationdes moyens de production et d'change, la suppression de l'isolement national, aurapprochement conomique des peuples constituait un facteur de progrs dansla mesure o elle prparait les prmisses matrielles de la future conomiesocialiste mondiale , mais noubliait pas de souligner les limites de cettedpendance rciproque : la subordination de tels peuples tels autres, parl'oppression et l'exploitation des peuples moins volus par les peuples plusvolus .26

    Quel est le moteur de cette dpendance conomique ? Dans ses derniers crits,Lnine avait soulign la ncessit pour la jeune URSS de relever la grande

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    industrie sans laquelle nous sommes condamns disparatre en tant que paysindpendant et laquelle il rattachait toute luvre ddification du socialisme.

    En 1925, alors que les trotskistes sacharnaient prdire que la construction dusocialisme dans un seul pays tait impossible et quil fallait reculer, cest--direpermettre le dveloppement du capitalisme et cder en concession au Capitaltranger nombre dindustries clefs27, Staline a rpondu de manire limpide cettequestion quil jugeait relever du domaine des vrits lmentaires que doitconnatre tout marxiste :

    Si nous en restons ce stade de dveloppement, o nous ne produisons pas nous-mmes notre outillage, mais o nous sommes forcs de l'importer de l'tranger, ilne nous sera pas possible d'empcher la transformation de notre pays en unappendice du systme capitaliste. C'est pourquoi nous devons travailler activement produire nous-mmes les moyens de production dont nous avons besoin. ()Renoncer cette politique, c'est renoncer la construction socialiste, c'est uvreren faveur de la dawisation de notre pays .28

    Pour Staline, il ne faisait aucun doute que si cette tendance exprime par lestrotskistes prenait le dessus au sein du PCUS (b) elle empcheraitl'industrialisation de notre pays, qui se transformerait ainsi en appendice dusystme capitaliste. Ce n'est pas l notre ligne .29 Ou bien construire le socialismeen comptant avant tout sur les propres forces intrieures de lURSS, ou biensintgrer la division internationale du travail et ne pas construire le socialisme touten prissant en tant que pays indpendant. Tels taient les enjeux de la lutte politiquemene par Staline contre les opportunistes et les capitulards qui cherchaient fairepasser leur thorie de la dsesprance permanente pour de linternationalisme !

    Par dawisation , on peut donc entendre semi-colonisation et no-colonisation (pour nous, ces trois termes sont synonymes), car cest bien le mmemcanisme qui est luvre. Quel est donc le principe gnral de la dawisation ?Rien dautre que la division internationale du travail qui fait de tel pays unproducteur de moyens de production et de tel autre pays un appendice de sonsystme productif, et qui reproduit constamment cet tat de dpendance.

    En marxiste, Lnine a toujours lutt autant contre la forme coloniale dedomination imprialiste, que contre la forme semi-coloniale (no-coloniale). Pourlui, la lutte contre limprialisme ne se rsumait pas la lutte contre le colonialismeet les agressions armes de limprialisme, mais tait indissociable de la lutte contrela tonte des coupons dcoulant de larriration conomique de certains paysbourgeois.

    Le no-colonialisme nest pas une politique strictement nouvelle delimprialisme : les pays que Lnine et Staline nommaient pays semi-coloniauxtaient des pays no-coloniss ; cest--dire nappartenant nommment aucunepuissance imprialiste, mais dpendants du commerce international et desinvestissements trangers, et appartenant donc lensemble des pays imprialistes.Cependant, durant la premire moiti du 20me sicle, ces pays semi-coloniaux taientune minorit : la plupart taient accapars au moyen de mthodes coloniales. Jusquce quclate la Seconde Guerre Mondiale, limprialisme a utilis la forme colonialecomme forme de domination principale sur ses aires dinfluence. Lavantage taitvidemment pour telle ou telle puissance imprialiste, un contrle exclusif sur cesrgions.

    Le no-colonialisme nest pas un fait nouveau, n durant ces dernires dcennies,il est n en mme temps que limprialisme, la fin du 19me sicle.

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    Ce qui est nouveau, cest la gnralisation des mthodes semi-coloniales commemthodes de domination prfres des puissances imprialistes, et en particulier desplus dynamiques dentre elles.

    La seule nouveaut consiste donc dans sa large utilisation dans nombre de paysdpendants et coloniaux ayant proclam leur indpendance formelle : ce type dedomination a par exemple t largement employ aprs 1945 au cours du mouvementde pseudo dcolonisation. Cest dans ce sens seulement quun marxiste-lniniste peutparler de no-colonialisme. Les marxistes-lninistes albanais remarquaient quaprs1945, un grand nombre de pays dpendants secourent la dpendance colonialedirecte . Le colonialisme ancien, conqurant et brutal fut remplac par uneautre forme, soi-disant plus dmocratique, mais tout aussi oppressive et exploiteuse base sur une coopration soi-disant quitable, pacifique et mutuellementavantageuse accordant aux peuples des pays dpendants une libert et uneindpendance illusoires servant camoufler le joug du capital local et celui ducapital tranger . Cest pourquoi dnonant limprialisme humanitaire deseurocommunistes, Enver Hoxha insistait sur le fait que l'exportation des capitaux constituait le trait fondamental du no-colonialisme .30

    Au contraire, par no-colonialisme , les rvisionnistes nentendent pas ladpendance financire et commerciale des ex-pays coloniaux, mais entendent lasubstitution de la prsence coloniale conomique, administrative et militaire directepar le soutien apport une clique indigne anti-populaire, faisant officedintermdiaire dfendant les intrts imprialistes.31 Pourtant, mme cette mthode no-coloniale , nest pas proprement parler nouvelle , comme en tmoignentces lignes de Staline.

    Dans l'Inde mme, on ne compte pas moins de 800 nationalits, et l'Angleterre adcid : Plutt que de m'embarrasser de 800 nationalits distinctes, mieux vautchoisir quelques nations, leur accorder quelques privilges et administrer les autrespar leur intermdiaire. Car, en premier lieu, le mcontentement des autres nationssera dirig en ce cas contre ces privilgis, et non contre l'Angleterre ; et, ensecond lieu, il en cotera moins cher de s embarrasser de deux ou trois nationsque de 800 .32

    Ces mthodes sont encore aujourdhui employes par les puissancesimprialistes, linstar de limprialisme franais en Franafrique o la bourgeoisieimprialiste a provoqu (et continue de provoquer) de nombreux conflitsethniques meurtriers, chaque puissance imprialiste choisissant de soutenir telle outelle ethnie contre son concurrent cest pourquoi, pour Staline, il tait vident quelexacerbation des rivalits inter-imprialistes conduisait la dsagrgation desEtats coloniaux multinationaux .33

    De la mme faon que sous limprialisme la bourgeoisie opte pour le fascismeds que le maintien des liberts politiques formelles devient incompatible avec lasauvegarde de sa domination conomique et politique, de la mme faon labourgeoisie des pays imprialistes opte pour la forme coloniale doccupationmilitaire quand elle nest plus en mesure dassurer sa domination conomique sur sessphres dinfluence par les moyens pacifiques de la dpendance commerciale etfinancire. Aussi est-il vident que le colonialisme est au no-colonialisme ce quele fascisme est au dmocratisme bourgeois. Du fait de lassentiment des partisouvriers bourgeois des mtropoles, il est courant quun pays imprialiste dont lEtatest du type dmocratique-bourgeois ( lintrieur) adopte les mthodes fascistes ducolonialisme ( lextrieur), ou mlange les mthodes coloniales et semi-coloniales.

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    En tmoigne le fait que la bourgeoisie imprialiste entremle les deux formes dedomination, en apportant son soutien des rgimes pseudo-dmocratiques fantoches,comme les puissances imprialistes avec leur tte les USA lont fait rcemment encherchant soi-disant promouvoir la dmocratie et la coopration conomiqueinternationale avec lIrak et lAfghanistan, aprs avoir mis ces pays feu et sang,dans loptique videmment dessayer de couper lherbe sous le pied la rsistancearme contre loccupant et la bourgeoisie compradore indigne.

    Un tel mlange peut mme se produire au sein de pays imprialistes. EnverHoxha remarquait ainsi que la bourgeoisie pouvait tre amene faire voluer sesrgimes fascistes ses ordres, comme la mort de Franco, en sattachant donnerdes airs dmocratiques des vieux franquistes comme Suarez et le roi JuanCarlos.34

    Cependant, comme dans le cas de la rpublique dmocratique-bourgeoise, lesmystifications semi-coloniales ne sauraient durer indfiniment : de la mme manireque dans nimporte quelle rpublique bourgeoise le joug conomique du Capitalpesant comme un fardeau sur les paules des travailleurs fait de ces vux pieuxdmocratiques-bourgeois une illusion, de la mme manire les changescommerciaux internationaux entre les pays imprialistes et leurs no-coloniesperptuent la domination conomique des pays les plus puissants dots duneindustrie lourde de production des moyens de production sur ceux conomiquementretardataires qui en sont dpourvus, les transformant en un appendice de la divisioninternationale du travail et faisant deux de simples fournisseurs de matirespremires, de simples ateliers dassemblage et de transformation dont le Capitaltranger retire des surprofits fabuleux et qui servent monnayer leur indpendance politique.

    Plus le commerce international se dveloppe, plus lemprise du Capital trangerse renforce sur les pays no-coloniaux, et plus lindpendance conomique etpolitique apparat donc comme formelle face lingrence et au pillage croissantsauxquels se livrent les grands groupes monopolistes parfois appels allis ;dautant plus que ces derniers semblent tre les seuls pouvoir apporter la croissanceet le dveloppement. Cette illusion est invitable pour un pays soumis au marchinternational, dont le faible cot de la force de travail engendre une trs faibledemande intrieure qui freine le dveloppement du march intrieur capitaliste : la solution semble alors toute trouve dans lextension du commerce extrieur

    A lpoque de Lnine o la bourgeoisie employait le colonialisme comme formeprincipale de sa domination sur les pays dpendants, lutter contre limprialisme,ctait avant tout lutter contre le colonialisme. Cependant, devant le dangerreprsent par la lutte anti-imprialiste rvolutionnaire, la bourgeoisie imprialisteainsi que les rgimes bourgeois-compradore qui lui taient soumis, furent forcs desubstituer aux formes coloniales de domination imprialiste, les formes semi-coloniales qui avaient lavantage de concder une indpendance politique formelle.

    Pour autant, les pays imprialistes nabandonnrent jamais compltement lesmthodes de domination coloniales. Lutter contre limprialisme ncessite donc dslors de lutter au premier chef contre les mthodes de domination semi-coloniales etdonc de dnoncer les rgimes bourgeois-compradore constituant linstrument serviledes pays imprialistes. La lutte anti-colonialiste nest quune fraction de la lutte anti-imprialiste. La vritable lutte anti-imprialiste passe ncessairement par la lutteconjugue la fois contre le colonialisme et contre le no-colonialisme.

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    Oublier ceci au dbut du 20me sicle avait encore des consquences limites,mais aujourdhui, oublier ceci, cest souscrire la domination imprialiste de typesemi-coloniale quelle soit commerciale et/ou financire mme sous couvert de lutter contre limprialisme ! Nous y reviendrons.

    La divergence entre tel ou tel charognard imprialiste ne se fait videmment passur le fait de savoir sil faut ou non possder des zones dinfluence, qui lui sont aussincessaire que la possession desclaves salaris le sont au Capital, mais pour savoirde quel faon chacun essaiera dtendre ses zones dinfluences au dtriment de sesconcurrents, et ainsi quelles mthodes utiliser pour parvenir ce but. La questionfondamentale se ramne donc celle-ci : quelle forme doit revtir la dominationimprialiste ? La forme dingrence coloniale et militaire traditionnelle (cellequadoptent volontiers les pays imprialistes les plus puissants militairement) ou bienla forme no-coloniale que les change commerciaux internationaux suffisent mettre en place, qui prsente en outre comme immense avantage de donner auxpeuples sous le joug imprialiste limpression trompeuse de vivre librement (dunpoint de vue strictement formel) et qui de par ce caractre mystificateur, aide teindre les lutte de libration anti-imprialistes ? Cest le rapport de forces inter-imprialiste, commercial et financier, qui en dcide.

    En thorie, les pays imprialistes ont intrt privilgier la forme no-colonialede domination, plus douce et infiniment plus sre lexploitation tant masquesous des apparences plus dmocratiques et libertaires quoique toujours aussiasservissantes la domination politique et militaire brutale du colonialisme. Maisil y a un hic de taille : lexploitation pacifique et concerte des colonies estimpossible quand chaque pays imprialiste cherche, chacun de son ct (parfois souslgide de coalitions quand les intrts de plusieurs dentre eux convergent unmoment donn), tendre ses dbouchs marchands et capitaux, et quand dans cetteguerre conomique plantaire apparaissent de nouveaux prtendants lhgmoniemondiale, qui obligent remettre en jeu les sphres dinfluence conomiques.Les pays imprialistes sur le dclin dont les USA sont le meilleur exemplecontemporain utilisent alors leur puissance militaire pour contrebalancer leuraffaiblissement commercial et financier.

    Lessentiel ne pas perdre de vue, cest que la question des formes dedomination imprialistes ne doit pas nous faire oublier que leur contenufondamental reste inchang : lexploitation conomique des pays dpendants par unepoigne de pays imprialistes. Pour Lnine, ceux qui substituent la question ducontenu des luttes et des transactions entre les groupements capitalistes la questionde la forme de ces luttes et de ces transactions , sont des sophistes . Pour lui, laforme de ce repartage aujourd'hui pacifique, demain non pacifique, aprs-demain de nouveau non pacifique est une question secondaire qui nadimportance quau point de vue de la tactique rvolutionnaire, mais qui ne modifieen rien les rapports dexploitation entre les mtropoles et les pays dpendants.35 Celadevrait faire rflchir tout marxiste-lniniste, car cest ainsi quon peut valuer ceque cest qutre vritablement anti-imprialiste !

    Si un pays socialiste nest pas capable de produire les moyens de subsistance oules moyens de production de ces moyens de subsistance, il subira les pressionsconomiques, politiques et militaires du monde capitaliste hostile.

    Quil reste dpourvu dune industrie lourde et dune puissante industrie deproduction des moyens de production, et cest le no-colonialisme qui pointe : caralors il faut acheter continuellement aux pays imprialistes les produits de lindustrie

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    lourde et de toutes les branches de lindustrie et de lagriculture qui en dpendent,cest le moteur de lendettement des pays dpendants. Un pays dpourvu de moyensde productions se proltarisera puisque ces moyens seront alors dtenus par labourgeoisie imprialiste trangre. Ce pays sera donc condamn lui servir datelieret de fournisseur de matires premires Le colonialisme ne se limite donc pas auxagressions militaires, mais stend la faon dont commercent et investissent lespays. Un pays socialiste qui chercherait baser son dveloppement conomiquesur le commerce extrieur serait vite amen comprendre que sur le marchinternational, lessentiel est de vendre la mme marchandise moins chre que lesautres producteurs !

    En 1925, Staline insistait sur limportance de lindustrie, fondement dusocialisme et senthousiasmait de lessor de lindustrie mtallurgique en particulier,industrie quil dfinissait comme le ressort principal de toute industrie en gnral et la clef de vote de toute industrie sans laquelle il ne peut tre question demettre sur pied ni petite industrie, ni transport, ni combustible, ni lectrification, niagriculture . Staline rattachait galement cet essor industriel la dmonstrationpratique de la puissance du socialisme, qui prouvait la classe ouvrireinternationale non seulement sa capacit dtruire lordre exploiteur bourgeois, maisgalement construire une socit nouvelle, prospre et affranchie du joug delexploitation, dmonstration qui serait invitablement amene influer grandementsur le dveloppement du mouvement rvolutionnaire dans le monde entier.36

    Cette porte internationale de lessor de lconomie socialiste a parfaitement tconfirme, puisque confronte la crise gnrale des annes 1930 la bourgeoisie naeu dautre recours que celui du fascisme pour tenter dcraser les forcesrvolutionnaires. Cette porte internationale souligne par Lnine et Staline a demanire vidente t sous-estime par les partis communistes doccident, eteffectivement les communistes dOccident ont men une propagande faible pourfaire connatre ces ralisations, se bornant affirmer leur soutien , le plus souventde manire purement sentimentale.

    LURSS et lAlbanie socialiste avaient clairement en vue le problme dudveloppement prioritaire de lindustrie lourde : pour elles, la construction duneindustrie de production des moyens de production tait une ncessit vitale quiconditionnait lavenir du socialisme. Cest cette ncessit vitale pour lavenir dusocialisme que Lnine et Staline ont toujours expos. Dans sa brochure Karl Marx,Lnine remarquait que la production sociale tait divise en deux grandes sections etque laccumulation ncessitait de mettre laccent sur le dveloppement prioritaire dela section de la production des moyens de production.37 Ceci lamenait naturellement conclure que

    La base matrielle du socialisme ne peut tre que la grosse industrie mcanise,susceptible de rorganiser aussi l'agriculture. Mais on ne saurait se borner ceprincipe gnral. Il importe de le concrtiser. Une grosse industrie de niveau avecla technique moderne et susceptible de rorganiser l'agriculture, c'estl'lectrification du pays entier .38

    Dans le Manifeste du Parti communiste, Karl Marx insistait dj sur la ncessitpour le proltariat victorieux de centraliser tous les instruments de production entre les mains de son Etat pour augmenter au plus vite la quantit des forcesproductives . Ctait une tche dune telle vidence que Lnine nhsitait pas affirmer quil ne valait pas la peine de perdre ft-ce deux secondes parler avecceux qui, tels que les anarchistes et une bonne moiti des socialistes-

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    rvolutionnaires de gauche , navait pas compris limportance de ces tchesddification et dorganisation pour la transformation des rapports de productioncapitalistes et pour ldification du socialisme.39 Et Staline de dfendre cetteconception marxiste-lniniste en affirmant face lopposition trotskiste-zinoviviste :

    Nous ne devons et ne pouvons rduire l'industrie lourde aux seules fins dedvelopper le plus amplement l'industrie lgre. Cette dernire, d'ailleurs, ne peutse dvelopper sans un essor rapide de l'industrie lourde .40

    Ce sont ces vrits lmentaires , comme les dnommaient Lnine et Staline,que les trotskistes et les capitulards navaient pas comprises ou craignaient decomprendre, puisque se voyant eux-mmes incapables de mener son terme cettetche ardue , qui sont aujourdhui toujours aussi peu comprises par limmensemajorit des marxistes et marxistes-lninistes autoproclams, y trouvant desjustifications leurs thories et pratiques anti-marxistes.

    Ceux qui voient ceci comme un point de dtail , ou un aspect secondaire de ldification de la base matrielle du socialisme ne sont pas des marxistes, maisdes philistins petit-bourgeois ! Ceux-ci jugent le socialisme selon les seuls acquissociaux alors que cette approche est soit incomplte et errone (quand on sen sertcomme rfrent pour expliquer les acquis du socialisme), soit franchementmystificatrice (quand on prtend sen servir de critre pour juger de la ralitconomique et sociale dun pays bourgeois-rvisionniste), ne font que rendre service la bourgeoisie en occultant ce qui doit constituer le fondement essentiel de la vieconomique et sociale sous le socialisme et ce qui permet de juger telle ou tellesocit non selon les belles paroles de ses dirigeants, mais selon les faits objectifs lesplus fondamentaux, et non des statistiques conomiques partielles ou des donnesbrutes auxquelles on peut faire dire tout et son contraire.

    Le socialisme de march dfendu par les rvisionnistes de tout acabit ne peutrien avoir en commun avec le socialisme pour lequel les marxistes-lninistes sebattent. Staline soulignait dj que laisser la direction conomique au march, outrela signification de la perptuation de lesclavage salari, cest laisser la loi de lavaleur le soin de rpartir les investissements dans les diffrentes branches delconomie. Cela ne pouvait aboutir qua relguer au second plan la tchefondamentale quest lindustrialisation socialiste ( travers la priorit donne lindustrie lourde), et abandonner les transformations conomiques et socialessocialistes, au profit ( court terme seulement) du dveloppement de lagriculture etde lindustrie lgre plus basse composition organique de capital et donc jugesplus rentables. Peu importe aux rvisionnistes si ce choix 1 entrane moyen-longterme le ralentissement de la croissance conomique, lapparition de disproportionsentre les diffrentes branches de lconomie, si ce choix 2 rend impossible lamcanisation des campagnes (Chine, Cuba, Vietnam, etc.) et la liquidation desdernires classes exploiteuses, mme aprs plusieurs dcennies de socialisme etsi ce choix 3 renforce la dpendance conomique vis--vis des puissancesimprialistes, puisque ce choix permet de prserver le front uni avec la bourgeoisienationale indigne.

    Les rvisionnistes substituent la grande force matrielle que constituelapplication du schma marxiste de reproduction largie du produit social, leursrveries idalistes petite-bourgeoises qui, soit font abstraction du rle fondamentaldu dveloppement conomique, soit lui substituent les prjugs des conomistesbourgeois en mettant la charrue avant les bufs en relguant le dveloppement de

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    lindustrie lourde au second plan. La dialectique de ldification socialiste est lasuivante : le dveloppement prioritaire de lindustrie lourde qui ne peut tre que lersultat de la dictature du proltariat renforce lindpendance conomique etpolitique ainsi que la dictature du proltariat. LAlbanie ne comptait que 15 000ouvriers en 1938 dont une majorit travaillait en outre dans de petits ateliers (sur 1,0 millions dhabitants) et plus de 572 000 en 1983 (sur 2,8 millionsdhabitants). Prtexter de ltat arrir de lconomie dun pays pour se drober sestches, cest capituler et se comporter comme les trotskistes en URSS dans lesannes 1920.

    Chacun sait que nous sommes actuellement obligs d'importer des moyens deproduction. Mais Sokolnikov transforme cette ncessit en principe, en thorie, enperspective gnrale de dveloppement. C'est l son erreur .41

    Mais ce qui pouvait encore tre une erreur chez Sokolnikov, alors que lepremier Etat socialiste explorait les voies conduisant ldification du socialisme, nepeut tre que de lopportunisme et du rvisionnisme depuis que lURSS a fourni ladmonstration pratique que la lutte contre la dawisation tait la condition ncessairede la sauvegarde de la rvolution socialiste. Quand les rvisionnistes au pouvoir etleurs dfenseurs oublient ou nient cette ncessit, ils dmontrent donc quilsnont rien de rvolutionnaires communistes ! Que serait une rvolution socialiste qui maintiendrait une dpendance conomique vis--vis de limprialisme ?

    Toujours au cours des dbats sur lindustrialisation, Staline remarquait que toutesles mthodes dindustrialisation bourgeoises (commerce extrieur, pillage colonial,concessions, emprunts, etc.) conduisaient la cration d'Etats industrielscapitalistes impliquant l'afflux de capitaux supplmentaires de l'extrieur,comme condition indispensable de la formation de ces Etats . Il soulignait quenoutre, un Etat bourgeois pouvait parfaitement recourir simultanment ousuccessivement plusieurs de ces mthodes, citant lexemple des USA. De mme, laRussie tsariste, bien quelle tomba dans une situation de demi-colonie du fait des concessions et emprunts trangers , nen avait pas moins elle-mme desprtentions imprialistes. Au contraire, un pays socialiste ne peut emprunter aucunede ces voies, et doit emprunter une voie nouvelle : celle du dveloppement de lagrande industrie sans crdit extrieur, sans affluence du capital tranger .42

    Ici nous voulons nous arrter sur ce quon appelle le Capitalisme dEtat et qui estutilis par la bourgeoisie et les rvisionnistes pour dfinir le systme conomique delURSS sous la direction de Staline. Lnine insistait dabord sur le fait que leCapitalisme dEtat ne concernait pas la proprit dEtat, ce dernier tant proltarien.Sous le capitalisme en revanche, on peut parfaitement appeler le secteur public ducapitalisme dEtat, puisque les nationalisations des rgimes bourgeois se ramnent enfait la concentration des capitaux et au contrle de lEtat bourgeois, endett vis--vis du Capital priv et qui ne supprime donc pas les rapports dexploitation.

    Staline soulignait que les entreprises du secteur Capitaliste dEtat taientreprsentes par les entreprises laisses en concession au Capital tranger, etnavaient par consquent aucun caractre socialiste , les concessionnaires yexploitant le proltariat. Pour Lnine, si ce secteur fut tolr pendant les annes de laNEP, ctait uniquement parce que lEtat proltarien dtenait non seulement laterre, mais aussi toutes les branches les plus importantes de l'industrie 43, ce qui luipermettrait videmment de refouler puis de liquider les lments capitalistes danslensemble de lconomie. Dans la jeune URSS, il fallait dabord redresser laproduction des biens de consommation dans les annes de la NEP, en permettant au

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    petit Capital priv national de se redresser. Ensuite, dans le cadre international,lexistence de ce secteur rpondait un impratif purement stratgique : celuidencourager les Etats bourgeois hostiles rtablir leurs relations commerciales enaccordant quelques entreprises en concessions au Capital tranger et ainsi forcer leblocus conomique. Durant les annes 1920, ces entreprises reprsentaient une partinfime de la production industrielle. Rien dtonnant cela puisque ce n'est paspour nous remettre volontairement sous le joug de l'tranger, au lendemain de notrevictoire dans la guerre civile, que nous avons, pendant trois ans, combattu, les armes la main, les imprialistes de tous les pays ! La forme conomique dominante danslindustrie tait celle des entreprises socialistes dEtat o seule la classe ouvrireest reprsente et o l'excdent recueilli par l'entreprise sur les salaires sert audveloppement de l'industrie, c'est--dire l'amlioration de la situation matrielle detoute la classe ouvrire . Ces entreprises sont donc sans aucun doute de caractresocialiste, malgr les survivances de bureaucratisme que nous avons conservesdans les organes dirigeants de nos entreprise .44

    Le trs faible volume du commerce extrieur de lURSS des annes 1930-1940tmoigne dailleurs de manire loquente que lexcdent du travail servait bien amliorer loutil productif et satisfaire les besoins des travailleurs, contrairementaux pays bourgeois-rvisionnistes o la production marchande trouve peu dintrt augmenter le niveau des salaires, mais prfre produire pour lexportation ou investir ltranger

    On voit par l que ces conceptions ont exerc une influence ngative lchelleinternationale, quand bien mme le trotskisme avait t formellement rejet, parceque si certes lURSS restait officiellement lexemple suivre, le contenu descombats politiques livrs par Staline qui avaient permis de construire le socialismenavait pas t assimil par la grande masse des communistes. Cette indigencethorique sest aggrave au fil des annes, surtout quand la direction sovitique a tusurpe par les rvisionnistes qui, soucieux de se crer une aire dinfluence no-coloniale, nont eu de cesse dappuyer les rgimes nationalistes bourgeois quicherchaient se parer des couleurs du socialisme et mme du marxisme-lninisme . Ici apparat donc clairement la ncessit de saffranchir de lafalsification trotskiste-rvisionniste du marxisme-lninisme.

    Les communistes albanais nont jamais cess davoir ceci en vue et chaque planquinquennal a donc eu pour souci premier daccrotre lindpendance conomique etpolitique de lAlbanie socialiste. Dans le domaine des relations extrieures, ils onttoujours fait une nette distinction entre le commerce de marchandises et le commercede capitaux, comprenant la ncessit du premier dans les circonstances dun paysarrir, et le grand danger du second.

    En fait, les albanais ne font pas de confusion entre changes commerciaux etacceptation d'aides et de crdits : ce sont l deux choses distinctes, sans lien entreelles .45

    Mme dans le domaine du commerce extrieur, les communistes albanais se sonttoujours montrs trs prudents. Staline lui aussi, avait trs tt affirm labsoluencessit denregistrer un excdent dans le domaine du commerce extrieur, plusforte raison encore dans un pays conomiquement arrir, sans quoi ctait sexposer une dpendance conomique et la dvaluation de la monnaie.46

    Lconomie albanaise, aussi arrire fut-elle ses dbuts, na jamais bas sondveloppement sur le commerce extrieur, comme cest le cas pour les paysdpendants dont lconomie est extravertie .

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    Ensuite, ses importations taient caractrises par un important soucidquipement (machines-outils, tablissements industriels), tandis quelle avait poursouci permanent damliorer la structure de ses exportations.

    En Albanie socialiste, les exportations reprsentaient une faible part de sonproduit social. Cest pourquoi Enver Hoxha soulignait en 1971 que mme dans le casde l'importation de machines et de mcanismes haut rendement , il ne faudrait jamais dpasser les capacits de notre conomie : Il s'agit de faire en sorteque la mcanisation grande chelle de la production se ralise essentiellementgrce nos possibilits intrieures .47 Le souci des marxistes-lninistes albanais atoujours t de mettre sur pied une industrie diversifie (nergtique, extractive,manufacturire, sidrurgique, mcanique, chimique), mme lorsque nos ennemisessayaient de prouver qu'elle n'tait pas rentable .48 Qua apport cette ligne lAlbanie socialiste ?

    L'Albanie n'a aucune dette ou obligation conomique extrieure ou de quelqueautre nature. Surtout notre pays est indpendant parce que le peuple albanais estmatre de ses richesses, il est souverain et dcide lui-mme de la manire de lesexploiter. Suivant les enseignements du camarade Enver Hoxha, dans les situationso nous difions le socialisme, il faut que nous obtenions dans le pays tout ce quenous pouvons produire nous-mmes : bl et mas, coton et tournesol, nergie etmachines technologiques, acier et ferrochrome mais aussi des moyens artisanauxordinaires. Produire le pain dans le pays ou plus de 90 pour cent des marchandisesde consommation courante, le ptrole et l'nergie lectrique, environ 95 pour centdes pices de rechange, exporter 10 pour cent du produit social pour importerd'autres marchandises indispensables etc., ne sont pas l des indices d'undveloppement autarcique, comme nos ennemis nous en accusent, mais uneexpression significative de l'indpendance conomique et politique du pays .49

    Pour les marxistes-lninistes albanais, ladoption de cette voie juste etnaturelle tait conditionne et dicte par la ncessit historique de rattraper dansun laps de temps relativement bref le retard sculaire de lAlbanie et de construire la base matrielle et technique du socialisme dans les conditions delencerclement capitaliste.50 Pour tout marxiste un pays socialiste qui baserait sondveloppement sur lessor du commerce extrieur est une chose impensable : lescapitaux trangers ne sont pas la seule forme dexploitation du Travail par leCapital : une marchandise exporte renferme en elle-mme un profit. Venir parler desocialisme aussi longtemps que le commerce extrieur domine la vie conomiquerelve donc de la tromperie et de la mystification. Procder comme les paysdpendants semi-coloniss dont Cuba tait partir des annes 1960 lexempletype qui basent leur dveloppement sur la croissance du commerce extrieur avecles pays bourgeois nest ni anti-imprialiste, ni socialiste !

    L'appui total sur ses propres forces revt une importance exceptionnelle lorsquele socialisme est difi dans les conditions de l'encerclement et du blocusimprialistes et rvisionnistes. La trahison des rvisionnistes khrouchtchviens etchinois a accru les difficults de l'dification du socialisme dans notre paysgalement. Dans les conditions de ce double encerclement, les ennemis extrieurset intrieurs, qui agissaient sur le mme plan et visaient semer le doute sur lapossibilit de la marche en avant par nos propres forces, et renverser lesocialisme en Albanie, intensifirent leur action. Comme notre Parti l'a soulign,tant le conflit avec les putchistes dans l'arme, avec les ennemis et les saboteursdans l'conomie, que celui dans le domaine de l'idologie et de l'art, touchaient laquestion fondamentale : pouvait-on difier le socialisme et dfendre la patrie encomptant exclusivement sur ses propres forces ou fallait-il tendre la main auxtrangers ? 51

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    Les marxistes-lninistes albanais ont toujours dfini le principe de l'appui surses propres forces comme une ncessit objective pour chaque pays, grand oupetit, avanc ou arrir, un principe applicable dans les luttes de libration et dans larvolution proltarienne comme dans l'dification du socialisme et la dfense de lapatrie et un principe de valeur universel pour la rvolution et ldification dusocialisme , afin dtre en mesure de rsister aux multiples orages, menaces,pressions et blocus du monde imprialiste-rvisionniste, car tant que la victoiredu socialisme l'chelle mondiale n'est pas assure existe le danger de retour enarrire . Dans les conditions de ldification socialiste, ce principe ne consiste pas rompre toutes les relations conomiques et diplomatiques avec les pays nonsocialistes, mais empcher quun pays socialiste ne devienne un appendice dusystme imprialiste mondial en perdant son indpendance conomique et politique.Or selon le marxisme-lninisme

    l'indpendance politique fraye la voie au renforcement de l'indpendanceconomique et que, son tour, l'indpendance conomique renforce et consolidel'indpendance politique. C'est pour cette raison que le Parti du Travail d'Albanies'en est toujours tenu inbranlablement la ligne de l'appui sur les ressourcesintrieures pour construire une conomie autonome, diversifie, dote d'uneindustrie lourde et lgre, d'extraction et de transformation, d'une agriculturedveloppe dans les zones de plaines et de montagnes, capable de garantir lamarche ininterrompue du socialisme, pour pouvoir dvelopper une culture, unenseignement, une science et un art solidement tablis sur le fond national etassurer une dfense puissante mme de faire face toute agression et attaqueventuelle des ennemis imprialistes et rvisionnistes .52

    Le principe socialiste de lappui sur ses propres forces vise difier uneconomie et une socit socialistes dans le contexte de lencerclement imprialiste et prserver lconomie socialiste de la dpendance trangre : un marxiste peut-ilsrieusement prtendre quune entreprise Capital tranger ou mixte cest--dire la fois tranger et tatique puisse ne pas tre un instrument delimprialisme ? Le schma de reproduction largie de la production sociale sous lesocialisme ncessite que toutes les ressources soient utilises de la manire la plusefficiente, et lintrieur mme du pays, servant lextension du fond fixe productifqui sert lui-mme de base lamlioration continue du bien-tre matriel et cultureldes travailleurs. Les relations commerciales avec ltranger ne sont alors ncessairesque pour se procurer les devises ncessaires lachat de mcanismes hautrendement ou de marchandises que nest pas encore en mesure de produirelconomie socialiste, et non couler un surplus de marchandises et de capitauxcomme cest ncessairement le cas sous le capitalisme pour stimuler la productionnationale... Pour autant, il ne faut pas confondre le principe socialiste de lappui surses propres forces la pratique bourgeoise du protectionnisme conomique : ungouffre les spare. Ne faisons pas comme les idologues bourgeois et trotskistes-rvisionnistes qui aiment faire lamalgame pour mieux porter aux nues lasupriorit du march libre . Au contraire, au moyen du protectionnismeconomique, la bourgeoisie vise protger ses marchs ou ses producteurs de laconcurrence trangre juge inquitable , sans pour autant renoncer conqurirles marchs de ses concurrents : l encore, cest la froide ncessit conomique de lareproduction largie de la production sociale sous le capitalisme qui ncessite lerecours de telles pratiques. Sans cette internationalisation de la productionmarchande, sans les changes conomiques et investissements croissants entre pays

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    bourgeois, cela fait longtemps que le systme capitaliste aurait craqu sous le poidsde ses propres contradictions.

    Hors de ceci, le mot dordre compter sur ses propres forces se ramne duverbiage creux. Cest pourquoi en Albanie socialiste la constitution interdisait l'octroi de concessions, la cration de socits et d'autres institutions conomiqueset financires trangres ou en participation avec les monopoles et les Etatscapitalistes, bourgeois et rvisionnistes et l'acceptation de crdits de ces derniers .53

    Les imprialistes et sociaux imprialistes connaissent bien limmense dangerreprsent pour eux par un pays sappuyant sur ses propres forces. Il faut dire que lapratique de ldification du socialisme en URSS sous la direction de Staline en admontr la puissance et a laiss chez les imprialistes un profond traumatisme.

    Quand dans les annes 1920 et au dbut du premier plan quinquennal le pouvoirsovitique accorda quelques entreprises en concession aux pays imprialistes, il ne lefit pas pour une autre raison que pour les encourager rtablir le commerce aveclURSS. Les imprialistes, se souvenant des prdictions trotskistes, furent alorspersuads que ce quils navaient pu obtenir par lintervention arme, ils allaientlobtenir par les chanes du commerce et des investissements. Mais les capitulardstrotskistes avaient t vincs et ces quelques concessions accordes par le pouvoirsovitique visaient seulement encourager le rtablissement de relationscommerciales avec le monde capitaliste hostile. Contrairement ce que rclamaientles trotskistes pour lesquels la colonisation de lURSS tait invitable vu ltatarrir de son conomie et qui demandaient donc quon prit les devants enaccordant soi-mme en concession au Capital tranger lossature industrielle dupays, les entreprises laisses en concession au Capital tranger, non seulement nereprsentaient quune infime partie de la production industrielle, mais ntaient pasdes industries clef, telle lindustrie de production des moyens de production. Le faitdaccorder quelques entreprises en concession au capital tranger ne reprsentaitdonc pas un grand danger pour un immense pays socialiste comme lURSS oexistait une base industrielle assez large, mais avait en revanche des effets trspositifs sur son commerce extrieur : les imprialistes baissrent leur garde ,relchrent leur blocus conomique et se mirent commercer avec lURSS, pensantque plus vite ils tendraient le commerce avec elle, plus vite elle se transformerait enpays dpendant. Ils noublirent quun dtail : ds 1925, peine Staline avait-ildfait les influences trotskistes capitulardes dans le Parti, quil avait labor lastratgie du dveloppement conomique de lURSS et combattu les dernierstrotskistes camoufls, partisans de la dawisation de lURSS, cest--dire de sasemi-colonisation. Compter sur ses propres forces ne signifie pas un dveloppement autarcique ni ne pas commercer seuls les imprialistes et leurs laquaispeuvent affirmer ceci , mais seulement privilgier le facteur intrieur et veiller ceque les importations ne remettent jamais en cause lindpendance conomique, veiller ce que ces importations aident la cration dune industrie de production demoyens de production et non vienne sy substituer

    Comme le remarqurent plus tard les idologues bourgeois les plus intelligents, lecommerce extrieur sovitique avait eu avant tout un rle technique , lURSS necherchant pas de dbouchs commerciaux et tant uniquement soucieuse de vendre pour financer ses achats : limportation doit fournir tout ce qui manqueau march intrieur pour la ralisation du Plan . Sous la direction de Staline, etparticulirement durant la priode 1927-1935 durant laquelle avait t difie uneindustrie lourde branches multiples, le commerce extrieur sovitique avait donc

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    t domin dune faon absolue par les soucis dquipement visant produiretout ce qui tait possible en URSS mme.54 Ce ntait pas une surprise pour lesmarxistes, car Staline avait trs tt trac cette perspective, mais cen fut une trsdouloureuse pour la bourgeoisie des pays imprialistes, laquelle navait vu dans cesambitions annonce en 1925 que de la propagande bolchevique , et voyaitquelques annes plus tard natre un gant compltement autonome, ne craignant plusles pressions et les blocus conomiques. Cette ralit se reflte dans la croissance ducommerce extrieur sovitique : son volume global tant pass de 0,7 1,4 milliardsde dollars entre 1938 et 1948, cest--dire augmentant moins rapidement que lerevenu national sovitique. En outre, une grande partie du commerce extrieursovitique se faisait vers les pays socialistes en 1948. Et pas plus en 1938 quen1948, le commerce extrieur sovitique navait souffert dune balance commercialedficitaire : en 1938 et en 1948, lexcdent commercial se chiffrait respectivement 26 et 163 millions de dollars.

    On cest--dire les idologues bourgeois ainsi que des conomistes petit-bourgeois parfois dguiss en marxistes , nous rtorquera peut-tre quabolirle commerce extrieur est impossible . Certes, sous le capitalisme. Mais un payssocialiste, dont le processus de reproduction largie du produit social se faitharmonieusement, sans dtournement dune fraction de ce produit par une classedexploiteurs et dans le but de satisfaire les besoins matriels et culturels croissantsdes travailleurs, contrairement la socit bourgeoise, na pas en thorie de ncessitimprative de commercer avec dautres pays.

    Cest affirmation thorique nest videmment vraie que lorsque les circonstancespratiques ne sy opposent pas : si les travailleurs victorieux dans un pays dcidaientde ne pas commercer avec les pays bourgeois les entourant, malgr le fait que cespays soient plus forts conomiquement et militairement, ils ne tarderaient pas devenir les victimes des vises coloniales de limprialisme. Dans les circonstancesconomiques et gopolitiques concrtes de la lutte de classe internationale,synonyme dencerclement imprialiste, un pays socialiste conomiquementretardataire (mme dun point de vue relatif vis--vis des pays bourgeois lentourantet non absolu, dans le cas o les rapports de production socialistes sont dj la basede lordre social et que les forces productives ont dj atteint un haut niveau dedveloppement), doit donc chercher sassimiler la technique nouvelle, pourrattraper et dpasser les pays bourgeois reprsentant un danger dagression militaireet faire triompher dfinitivement des survivances de lidologie bourgeoise qui sontaussi alimentes par la diffrence relative du dveloppement conomique.

    Seul un pays socialiste qui est la pointe des sciences et de la technique auniveau international, peut donc soffrir le luxe de ne plus commercer (ou demoins en moins) avec les pays bourgeois. Ctait le cas de lURSS de Staline : en1950 le volume du commerce extrieur sovitique se chiffrait 1,6 milliards deroubles dont plus des quatre cinquimes tait fait vers les pays socialistes cequi reprsentait moins de 0,4 % du budget de lEtat sovitique pour la mme anne !

    Peut-on envisager, mme en thorie, un pays bourgeois dvelopp sur le planindustriel dont le commerce extrieur reprsente une si faible part du produit social ?Non, bien videmment, car sous le capitalisme, la tendance llargissement infinide la production se heurte lexploitation du travail salari qui engendrencessairement une masse de marchandises surnumraires quil faut chercher couler sur le march extrieur.

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    Depuis les annes 1930, la bourgeoisie imprialiste-rvisionniste fait tout sonpossible pour restreindre le commerce extrieur avec les pays socialistes et mmeavec des pays bourgeois dpendants quelle estime pouvoir un jour devenir unemenace, cherchant avant tout exclure de ce commerce les biens dquipementdestins lindustrie de production des moyens de production.

    Depuis les annes 1930, les possibilits pour un pays socialiste dtablir uncommerce quitable avec les pays bourgeois cest--dire un commerce o lavente des moyens de production nest pas soumise des restrictions , se sont doncconsidrablement rduites, et seules certaines circonstances particulires, comme larcession et la crise conomique du monde rvisionniste-bourgeois, peuventcontraindre la bourgeoisie imprialiste vendre ces biens dquipement. Lecommerce extrieur de lEtat socialiste albanais avait le mme caractredquipement et sil est bien un enseignement essentiel retirer des relationsconomiques entre deux pays, cest de dfinir le caractre de leur coopration conomique.

    La bourgeoisie elle-mme sait bien le danger pour elle quil y a construire lesocialisme par ses propres forces. Lencyclopdie en ligne Wikipdia souligne ainsique sous la direction de Staline lURSS tait largement autosuffisante et commerait peu par rapport sa force conomique . Ce nest que sousKhrouchtchev et Brejnev que le commerce extrieur prit une vaste extension au pointque dans les annes 80, lURSS tait pleinement intgre au march mondial et ensubit les oscillations . La mme encyclopdie souligne que lhistoire de lAlbanie a t profondment marque par les quarante cinq annes du rgime autoritaire etautarcique mise en place par Enver Hoxha . Tandis quun cours dconomiedispens au Cgep du vieux Montral dfinit lAlbanie socialiste comme tant lepays le plus ferm du monde : cet tat socialiste autoritaire taitpratiquement autosuffisant , lencyclopdie de Microsoft prcise :

    Le rgime dEnver Hoxha, prtendant une stratgie de dveloppementconomique et politique indpendant, se ferme alors au monde en continuant deproclamer la possibilit de construire le socialisme dans un seul pays , selon lathse stalinienne. La dictature en place est lune des plus dures de toute lEuropede lEst .55

    Et un expert bourgeois des pays de lEst de dduire de cette ligne gnrale que

    le rgime [Hoxha] est, sans aucun doute possible, le plus dur de tous lesrgimes communistes .56

    Dans la bouche dun expert bourgeois, le plus reflte un niveau plus lev,non seulement quantitativement, mais galement et surtout qualitativement. Lescommunistes albanais soulignaient que ce niveau qualitatif suprieur consistait dansle refus de se transformer en un appendice du systme conomique de limprialistemondial, ce que Staline appelait dawisation :

    Le monde bourgeois et rvisionniste considre que nous sommes un pays isol.C'est l regarder les choses d'un oeil capitaliste et rvisionniste. Les imprialisteset les rvisionnistes jugent isol un pays qui a ferm ses portes l'invasion sous laforme des crdits asservissants, des touristes et des espions, de la culture dcadenteet de la dgnrescence. De ce point de vue, nous sommes vraiment et nousresterons consciemment un pays isol. Mais cela n'apporte notre pays que dubien et aucun mal. Notre pays progresse et s'panouit, notre peuple vit trs bien.Toute autre faon d'agir entranerait pour nous l'asservissement .57

    Le principe socialiste de lappui sur ses propres forces ne se rsume donc pas exporter plus quon importe : il sagit de savoir do proviennent les capitaux

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    investis dans lconomie : des propres fonds daccumulation du pays, ou dun autrepays ? Dans ce dernier cas, cest le principe de lexportation des capitaux

    l'indpendance conomique revt une importance vitale pour ledveloppement de tout pays. Elle est la base de sa souverainet nationale, de salibert et de son indpendance complte. D'aucuns peuvent prtendre qu'il est trsdifficile un petit pays pauvre de conqurir rapidement son indpendanceconomique. Naturellement, il est confront des difficults, mais elles ne sontpas insurmontables .58

    Ds la libration du pays du joug de loccupant fasciste, Enver Hoxha martelacette vrit que le front de ldification conomique tait devenu le principal front delutte, puisque si la victoire militaire avait t assure, toutes les conqutes quelleavait apportes nen pouvaient pas moins tre ananties de manire pacifique :

    N'oublions jamais, et le triste pass est l pour nous le rappeler, que si nousn'amliorons pas notre conomie, nos obligations envers notre peuple et envers lesEtats avec lesquels nous avons des relations commerciales nous conduiront aussi une dpendance politique .59

    Lappui sur ses propres forces fut donc logiquement le principe gnral sur lequelsappuyrent les communistes albanais. Si en 1950, lAlbanie couvrait seulement 29% de ses importations par ses exportations, elle en couvrait dj 68 % en 1963.Durant le plan quinquennal 1971-1975, le total des changes commerciaux delAlbanie avec les pays de lEst sest mont 335 millions de dollars dimportationset plus de 365 millions de dollars dexportations, soit un excdent commercial. En1975, la balance commerciale de lAlbanie tait positive, mme vers les paysimprialistes doccident, les importations se montant 44 millions de dollars et lesexportations 61 millions de dollars. Durant la priode 1970-1979, la balancecommerciale albanaise a affich un excdent commercial hauteur de 2 % de lavaleur des importations. Le budget dun Etat socialiste doit ncessairement trequilibr et lgrement excdentaire et sa balance du commerce extrieure ne pastre structurellement dficitaire : en effet lendettement traduit une dpendance vis--vis des cranciers nationaux comme internationaux qui finissent par devenir de factopropritaires des moyens de production.

    Cest grce au dveloppement prioritaire de lindustrie de production des moyensde production que les marxistes-lninistes albanais taient parvenus remporter detels succs. Les spcialistes bourgeois ne sy trompaient pas en soulignant que lesouci prioritaire des communistes albanais qui taient conscients des difficultsquil y a moderniser et industrialiser une conomie primitive sur la base du principedautosuffisance, principe frquemment raffirm dans les discours et articles , nentait pas moins de crer une industrie lourde moderne .60

    La mise sur pied de la base matrielle et technique du socialisme est troitementlie la cration d'une puissante base mcanique appele produire au dbut lespices de rechange ncessaires pour la rparation des nombreuses machines del'industrie, de l'agriculture, des transports, de la construction, etc., pour passer plustard, comme elle a du reste commenc le faire, la production en srie decertaines machines, d'outils et quipements devant pourvoir aux besoins desdiffrentes branches de l'conomie populaire. () Par suite de l'heureuseapplication du programme du Parti du Travail en vue de l'industrialisationsocialiste il s'est cr dans notre pays une industrie lourde et lgre branchesmultiples qui s'appuie sur les matires premires fournies par le pays et qui nedpend plus de l'tranger .61

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    Ces enseignements sont aux antipodes des rapports conomiques et commerciauxperptus par limprialisme : sous limprialisme, les pays les plus puissantsprofitent de leur monopole dans la production des moyens de production pourenchaner et se soumettre les conomies retardataires, et les convertir en zonesdinfluence o ils se procurent des matires premires moindre cot pour leurindustrie et leur agriculture, et o ils trouvent des dbouchs pour lcoulement deleurs produits manufacturs victimes de la mvente sur leurs marchs nationaux.

    Toute autre espce de socialisme nest pas du socialisme, mais durvisionnisme, avec tout ce quil a de mou, de difforme et dclectique. Ou bien lesocialisme scientifique de Marx-Engels-Lnine-Staline, ou bien le rvisionnisme quisert masquer la continuit de lexploitation, il faut choisir ! Nen dplaise certains Il y a socialisme et socialisme ! De mme, il y a anti-imprialisme et anti-imprialisme !

    Est-ce pour autant que les marxistes-lninistes soient opposs au commerceinternational dans labsolu ? Non, la condition que ce commerce ne perptue pasles rapports dexploitation quil peut cacher. Le principe du commerce extrieurcapitaliste-imprialiste est le suivant : trouver des dbouchs lexportationsuffisants (et toujours plus importants dans le cas o lon espre une croissanceconomique) pour couler la masse des marchandises invendues sur le marchintrieur mvente dont la base objective est constitue par les rapportsdexploitation dans le cadre national62 , et sapprovisionner en matires premiresau plus bas prix possible. Le commerce extrieur socialiste, lui, est aux antipodes dece type de commerce international : lexemple de lURSS et de lAlbanie socialistesont mis en vidence le fait que le commerce socialiste sert non pas trouver desdbouchs une masse de marchandises invendues comme cest le cas pour lecapitalisme, mais se procurer les devises ncessaires lachat de produits et surtoutdquipements que lconomie socialiste nest pas encore en mesure de produire elle-mme. Un pays socialiste dont le niveau technique serait gal ou suprieur celuides pays bourgeois les plus dvelopps conomiquement, pourrait ainsi cesser decommercer sans aucun dommage pour son conomie. En 1930, devant le 6me

    Congrs du Komintern, les marxistes-lninistes sovitiques prcisrent de manirelimpide la ligne gnrale de lindustrialisation socialiste, ainsi q