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I A S INSTITUT INTERNATIONAL DE L’AUDIT SOCIAL 3 e UNIVERSITÉ DE PRINTEMPS DE L’AUDIT SOCIAL Stratégies et Ressources Humaines ALGER, ALGÉRIE 19 et 20 mai 2001

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I A SINSTITUT INTERNATIONAL DE L’AUDIT SOCIAL

3eUNIVERSITÉ DE PRINTEMPS DE L’AUDIT SOCIAL

Stratégies et Ressources Humaines

ALGER, ALGÉRIE19 et 20 mai 2001

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5 INTRODUCTION

7 Jean-Yves AGARD, Norma MIEVEL PLALe métissage organisationnel à l’épreuve des faits : résultat d’une étude exploratoire

15 Abdelhalim BEDRANELeadership et changement stratégique : le style de leader dans la démarche de transformation

23 Laïla BENRAISS, Jean-Luc CERDIN, Eléonore MARBOT, Jean-Marie PERETTIEtude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

31 Laïla BENRAISS, Jean-Marie PERETTIL’équité : stratégies de comparaison et choix des référents. Cas des cadres marocains

41 Martine BRASSEURLes styles de management sont-ils sexués ? L’apport de la typologie de Myers-Briggs

49 Vincent CALVEZ, Bruno BOUCHARDDéviance organisationnelle et angoise du dirigeant : la recherche d’équilibre entre contrôle et efficacité

61 Vincent CHAGUÉValoriser les compétences des acteurs intranet. Un enjeu stratégique

69 Farid CHAOUKILes pratiques de recrutement des entreprises marocaines : Caractéristiques et implications

81 Miguel DELATTREGRH et stratégie : le chaînon manquant du professionnalisme ?

99 Ahmed EL AOUADILes stratégies d’enracinement des dirigeants d’entreprises : le cas marocain

113 Louis FORGETAudit du marketing de la DRH

121 Mohammed MATMATI, Dieter SCHMIDTLes NTIC dans le diagnostic interne des Ressources Humaines

139 Patrick MICHELETTILa multi polarité professionnelle dans le cadre de l’audit social

149 Margaret MUCY, Ingrid BRUNSTEINLa GRH à la française dans un département d’outre-mer, la Martinique

161 Yves NEGROL’impact des NTIC sur les compétences des commerciaux en milieu bancaire

173 Hadj NEKKAIntégration des ressources humaines à la stratégie d’entreprise : le cas d’une PME du secteur immobilier

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187 Jacques ORSONILa mise en réseau des petites entreprises à l’heure de la mondialisation : le modèle corse

195 Pascal PAILLÉCycle de vie professionnelle, attachement des salariés et satisfaction au travail : proposition d’un modèle d’anticipation des risques sociaux

205 Jérôme RIVEContribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commerciales

215 Aline SCOUARNECInformatisation de la gestion des ressouces humaines et comportement des acteurs au Maroc

227 Maurice THÉVENETContribution à la définition de nouvelles frontières pour l’implication dans le travail et dans l’entreprise

233 Hédia ZANNAD, François MANGINLa résistance au changement : de la partie émergée à la partie immergée de l’iceberg

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Stratégies et Ressources Humaines

La troisième université de printemps de l’audit social co-organisée les 19 et 20 mai2001 à Alger par l’ALGRH et l’IAS a comme thème «STRATÉGIES ETRESSOURCES HUMAINES».

Le thème retenu permet d’aborder les enjeux et les perspectives de l’audit dans lecadre d’une internationalisation rapide de l’économie. La convergence des pratiqueset l’analyse des évolutions managériales en Europe, au Maghreb et dans le mondesont également au centre de cette Université. L’ouverture des frontières renforce lebesoin d’audit social, méthode indispensable d’analyse des risques mais aussi desopportunités liées à ces nouvelles perspectives.

L’intégration des Ressources Humaines à la stratégie d’entreprise est un sujetd’actualité. A travers un programme riche d’ateliers, de symposiums, de conférencesplénières, tables rondes et débats, cette Université de Printemps a pour ambition dedévelopper les réflexions et de permettre de fructueux échanges. La préparation decette Université a été rendu possible grâce au travail du comité d’organisation. Nousvoudrions également remercier l’ensemble du Bureau de l’IAS.

La richesse et la qualité du programme et celle des 22 contributions sélectionnéespour être réunies dans ces actes grâce au concours du Groupe ESSEC sont le fruitdu travail du Comité Scientifique.

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Ce Comité Scientifique composé d’universitaires et de professionnels algériens,canadiens, espagnols, français, italiens, marocains et tunisiens a relu et évalué lescontributions soumises. Chaque papier a été évalué par deux personnes. Il aégalement évalué les modifications légères ou lourdes demandées. Que l’ensemblede ses membres trouvent ici l’expression de notre reconnaissance et nosremerciements. Que soit également remerciés Marie-Claude CAVILLON, qui aassuré le secrétariat du comité, et l’équipe de reprographie du Groupe ESSEC,particulièrement Christina MOUNDJI, qui a assuré avec rigueur et professionnalismela préparation, la mise en page et l’édition de ces actes.

Ces textes ont pu être réunis grâce au partenariat actif avec les principalesassociations professionnelles et académiques concernées par le thème de l’auditsocial. Que soient tout particulièrement remercié l’AGRH, très présente à travers detrès nombreuses communications d’enseignants-chercheurs francophones,l’ALGRH, l’AGEF et l’ARFORGHE, l’ANDCP.

L’ensemble des contributions rassemblées traduisent la richesse des travaux autourdu thème «Stratégies et Ressources Humaines». Ils abordent de nombreux aspectscomplémentaires et témoignent d’un effort de recherche et d’expérimentation sanscesse renouvelé. Ils ne reflètent cependant qu’imparfaitement la richesse attenduedes échanges dans le cadre de l’Université de Printemps avec de nombreuxintervenants dans les ateliers, les symposiums, les tables rondes, les débats, lesconférences et bien sûr les irremplaçables apports, témoignages, et interpellationsdes participants dont la qualité et l’implication contribuent au succès de cesjournées.

Créer en 1982 sous l’impulsion de Raymond VATIER, par un groupe de praticiensde l’audit social et d’enseignants-chercheurs désireux de mettre en commun leursexpériences pour approfondir le concept d’audit social, en définir le cadre deréférence, et à veiller à une mise en œuvre cohérente de ces pratiques dans le respectd’une éthique professionnelle, l’IAS démontre en 1999 sa vitalité et sa capacité àpoursuivre et à amplifier le projet de ses fondateurs.

L’audit social jouera alors pleinement son rôle au service des ressources humaines.

Jean-Luc CERDIN et Jean-Marie PERETTI

Professeurs au Groupe ESSEC

Comité d’Organisation de la 3e Université de Printemps

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Le métissageorganisationnel à l’épreuve des faits :résultat d’une étudeexploratoire

Jean-Yves AGARDResponsable du département management et affaires internationales

[email protected]

Norma MEVEL PLAResponsable Recherche Appliquée,département. management etaffaires internationales

[email protected]

Ecole Supérieure des Sciences Commercialesd’Angers – ESSCA

La mondialisation de l’économie, thème que la presse etla littérature ne cessent d’évoquer, a fait penser à certainsque les modes de pensée et les pratiques manageriales nepouvaient être elles aussi, qu’uniformes et planétaires.

Pourtant, lorsqu’à la suite de fusions et/ou d’acquisitions,des problèmes sont apparus dans les entreprises,économistes, sociologues et gestionnaires ont commencéà s’interroger sur la possible existence de «formesnationales» de développement. Dès l’acceptation de cetteéventualité, il était naturel de remettre en question laprétendue universalité des méthodes de management etdes outils de gestion, que prônent, encore aujourd’hui, laplupart des manuels de ces disciplines. Le taylorisme,tout puissant, était mis à mal par ceux qui soutenaient lanécessité de tenir compte des faits culturels pour managerles hommes, mais conservait tout de même des adeptesparmi les «universalistes».

Alors que dans les années 80 on pensait que lapréoccupation pour les questions interculturelles pouvaitêtre due à un effet de mode, l’idée de l’existence,notamment au sein des entreprises, de difficultés pouvantavoir une origine «interculturelle» n’a cessé de prendre del’ampleur. On fait si fréquemment état de «malentendusentre locaux et expatriés»1, que certains chercheurs etconsultants déclarent le débat clos et tirent, sur la questionde l’influence d’éléments culturels dans les organisations,des conclusions péremptoires, comme celles d’AndréLaurent : «Les effets de la culture – notamment nationale –sur les processus de management crèvent les yeux.[…]Certains auteurs continuent à se poser une questiondépassée : est-ce que la culture a vraiment un impact ?»2

Mais cette «question dépassée» en entraîne d’autres, quiportent sur la nature de ces différences culturelles et surleur façon de se manifester. C’est la question del’interculturel qui est ainsi posée.

C’est à partir de ces considérations que nous avons doncdécidé d’aller étudier, sur le terrain, comment ces«éventuels» éléments culturels étaient susceptibles dejouer un rôle dans la gestion des entreprises.

L’objet de ce papier est de présenter quelques-uns desrésultats obtenus à la suite de l’étude exploratoire3, quenous avons menée dans une entreprise métissée, que nousnommerons fictivement EURONORD, filiale du groupedu même nom, dont la maison mère se trouve en Europedu Nord. Nous appellerons «Nordistes» les ressortissantsde «Nordie», pays d’origine de la société.

Le rattachement disciplinaire de nos travaux estl’anthropologie sociale et culturelle, la psychologiesociale, la sociologie des organisations, dans leurapplication à l’entreprise, c’est-à-dire la gestion desressources humaines et la théorie des organisations.

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La question de recherche à laquelle nous souhaitonsapporter une réponse et celle de l’influence des élémentsinterculturels dans les organisations métissées.

Nous utiliserons le terme «d’entreprise métissée» dès lorsqu’il y a rencontre entre deux cultures nationales. Cephénomène est nommé en anthropologie culturelle et enpsychologie sociale «acculturation»4. Il s’agit, selon ladéfinition qu’en donne Roger Bastide (1996) «desprocessus qui se produisent lorsque deux cultures setrouvent en contact et agissent et réagissent l’une surl’autre»5.

Nous avons mené notre étude en utilisant les méthodesd’analyse interculturelle issues de l’anthropologie. Dansle cas présent, elles se caractérisent par une observationparticipante, la conduite d’entretiens semi-directifs etl’examen des documents à usage interne et externe del’entreprise. Ces méthodes possèdent, selon Desjeux etGarabuau (1997)6, une efficacité qui réside dans la miseen évidence des différences dans les modèles de prise dedécisions, de résolution de problèmes, de rapport auxrisques ou à la hiérarchie. Elles permettent également demesurer les enjeux et les intérêts en présence.

Par opposition aux théories prônant le déterminismeculturel qui expliquent les phénomènes par la seuleorigine culturelle, défendue par l’Ecole d’anthropologieculturelle américaine7, notre approche considèreégalement les éléments de contexte et leurs influences surla situation observée et enfin, les influences et lesconséquences de l’interaction. Il s’agit donc d’uneapproche culturelle situationnelle : «une étude de lacombinaison des interactions entre acteurs à un momentdonné, dans une situation donnée qui fournit desréponses sur les différences culturelles»8 (Desjeux,1994). Aussi, lors de notre analyse comparative, il nousincombera de révéler, non pas la culture en soi, mais bienles différentiels.

Reprenant la définition d’E.T. Hall (1971), la culture est«une dimension cachée9» ou bien celle de D. Desjeux(1994), «La culture : quelque chose de caché etd’inexplicable10», nous retiendrons comme postulat quela notion de culture renvoie aux comportements acquis ausein d’un groupe spécifique. En effet, suivant Levi-Strauss (1958)11 nous appellerons «culture» «toutensemble ethnographique qui, du point de vue del’enquête, présente, par rapport à d’autres, des écartssignificatifs.» Un groupe déterminé «relèvesimultanément de plusieurs systèmes de cultures :universel, continental, national, provincial, local, etc. ; etfamilial, professionnel, confessionnel, politique, etc.12».

Dans ce cadre, la démarche anthropologique, caractériséepar l’induction, consiste en l’observation13 participante etle repérage des pratiques dans les discours des acteurs.Cette démarche est corroborée par les propos deM. Thévenet (1993) qui confirme que : «s’occuper deculture, ce n’est pas s’intéresser à ce que pensent lesgens, mais à ce qu’ils font, c’est-à-dire aux référencesutilisées le plus souvent inconsciemment pour «faireavec» les différentes situations problématiques qu’ilsrencontrent dans leur activité»14.

En résumé, l’objectif central de notre étude est de repérer,dans les pratiques managériales, l’apparition demanifestations de métissage organisationnel, dans unestructure productive à deux composantes nationales.

Tout d’abord, à partir de l’organigramme, nous avonsdéterminé notre population d’investigation dans uneorganisation à cinq niveaux (opérateurs et employés,contremaîtres, responsables de service, directeurs dedépartement, directeur général). De septembre 96 àseptembre 97, nous avons réalisé vingt-trois entretienssemi-directifs d’une heure trente environ, l’analyse desdocuments internes de EURONORD et des observationsparticipantes au sein de l’entreprise.

S’agissant d’une étude exploratoire, nous avions choisid’interroger tous les «Nordistes» de l’entreprise, ainsi queles «Autochtones» travaillant en contact avec eux. Notreobjectif était de mettre en évidence de possiblesphénomènes de tension.

L’échantillon étudié se compose donc, d’une part dusommet stratégique (directeur général et directeurs desdépartements), et d’autre part d’une partie de la lignehiérarchique (responsables de service).

A l’époque où nous avons mené notre étude, le directeurgénéral et cinq directeurs de départements sur sept étaient«nordistes», deux directeurs (gestions des ressourceshumaines et maintenance)15, étaient «autochtones». Lesvingt-cinq responsables de service étaient «autochtones»dans leur totalité.

Puis, nous avons procédé à l’analyse de contenu et à soninterprétation, qui nous ont permis de dégager un certainnombre de résultats. Ils feront l’objet d’une premièrepartie dans laquelle nous exposerons tout d’abord laspécificité des évolutions de carrières dans la filialeétudiée pour le personnel d’encadrement. Dans notredeuxième partie, nous procéderons à l’interprétation desconstatations exposées.

Le métissage organisationnel à l’épreuve des faits : résultat d’une étude exploratoire

Jean-Yves AGARD, Norma MEVEL PLA

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I. L’évolution de carrièreEURONORD, filiale du groupe du même nom, est uneentreprise inaugurée au début des années 90 quicomportait, au moment de notre étude, environ cinq centssalariés. Son activité principale est d’assembler des biensd’équipement industriels, à forte valeur. L’organisation dela production se fait par «clusters» ce qui, dans lacommunication de l’entreprise, est présenté comme unsigne de modernité. Le discours, en interne comme enexterne, insiste sur une orientation de l’activité tournéevers la qualité et l’excellence. Au moment de notre étude, l’entreprise est organisée encinq niveaux hiérarchiques, à savoir opérateurs/employés (autochtones), contremaîtres16 («Autochtones»,uniquement en production), responsables de service(«Autochtones»), directeurs de départements (cinq«Nordistes» et deux «Autochtones») et un directeurgénéral («nordiste»). La gestion des ressources humaines,quant à elle, se veut innovante grâce à la mise en place dedispositifs tels que : l’intéressement du personnel auxrésultats à tous les niveaux hiérarchiques et la flexibilitédu temps de travail. Elle a régulièrement recours à desconseils externes et aux dernières formations aumanagement disponibles sur le marché.Nous ne traiterons ici, parmi les thèmes développés dansnos travaux, que celui de la gestion des carrières desresponsables de service autochtones qui appartiennent àla «ligne hiérarchique»17 de l’entreprise. La première partie des résultats fait état de l’impossibilitédes managers autochtones d’évoluer hiérarchiquementdans l’entreprise. La deuxième partie nous permettra demontrer que la pratique dominante en matière d’évolutionde carrières chez EURONORD, du fait des décisions desdirecteurs «nordistes», est la mobilité fonctionnelle plutôtque positive. Nous entendons par évolution positive uneévolution qui correspond à une augmentation de salaire,ou à une promotion (statut, échelon...).

1.1. Evolution hiérarchique

L’installation récente de EURONORD fait que lespremières préoccupations de progression de carrière ne sesont manifestées qu’au terme des cinq années d’activité.C’est à ce moment que le directeur qui avait présidé à laréalisation de l’usine est arrivé au terme de son mandat,pour céder la place à son successeur.

L’arrivée de ce dernier a coïncidé, non seulement avec unchangement de logique de production de l’usine (d’unmode de fabrication artisanale à celui d’une productionindustrielle en série), mais aussi avec l’introduction enbourse du GROUPE EURONORD.

La cotation sur les marchés boursiers a eu de nombreusesconséquences sur la politique générale du groupe, quis’est manifestée, au premier chef, par une mise enconcurrence des différents sites de production dans lesdifférents pays d’implantation, alors que la politiqueprécédente prônait la division du travail selon desprincipes de répartition des activités par types de modèleset de proximité de marchés cibles :

On a dit une chose très simple «On veut être la société la plus performante du groupe parmiles 3 autres unités». Comment faire ?

Ainsi, lorsque l’on revient sur les problèmes de gestion descarrières des personnels, le point de vue des acteursautochtones estime que l’évolution hiérarchique desresponsables de service doit les amener, à plus ou moinslong terme, aux postes de directeurs de départements. Etantdonné qu’il existe, bien entendu, moins de postes dedirection que de responsables de service, cette évolutiondevrait pouvoir se faire, pour certains d’entre eux, soit dansle cadre de la filiale étudiée, soit dans une autre filiale dugroupe, dans le pays d’accueil ou à l’étranger, voire à lamaison mère, en «Nordie». Or, toutes les candidatures auposte de direction de département venant des responsablesde service que nous avons étudiées, ont été rejetées.

Les candidats déboutés ont alors choisi, soit de rester àleur fonction initiale, soit de quitter l’entreprise. Cemouvement de personnel, inconnu jusqu’à cette périodedans l’entreprise, a fortement ému les salariés.

Les faits semblent montrer que les postes de directionsont exclusivement réservés aux directeurs de nationaliténordiste, sauf pour la direction des Ressources Humaines,occupée par un directeur de nationalité autochtone dèsl’origine de l’implantation de la filiale de productionconsidérée.

1.2. Evolution horizontale

Comme nous l’avons indiqué, EURONORD est enperpétuelle évolution et progression, le nombre d’unités àproduire par jour a constamment augmenté au fil desannées. L’organisation se doit de passer d’une logique deproduction de petite série, lors de la création del’entreprise, à une logique de production en grande série.Pour accompagner ce changement, des groupes projet ontété créés, qui sont chargés soit des innovations enproduction, soit d’innovations administratives.

La composition de ces groupes projet est souvent définiepar les chefs de service, qui proposent aux responsablesde département une liste de personnes qui peuventaccepter ou refuser d’en faire partie.

Le métissage organisationnel à l’épreuve des faits : résultat d’une étude exploratoire

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La plupart du temps, il n’existe pas d’appel àcandidatures officiel et publié.

C’est ainsi que des personnes désignées accomplissent,pendant un temps qui peut aller de six mois à plusieursannées, un travail qui initialement n’était pas prévu dansleur charge et leur fonction.

Tout au long de la vie du groupe projet, l’acteur acquiertun statut, par exemple un employé peut être chargé de laformation d’autres employés, après avoir été formé àl’étranger (courtes périodes). Les avantages obtenus parces salariés sont, outre l’éventuel prestige (que nousn’avons pas mesuré) une rémunération supplémentairesous forme de primes versées tout au long de l’existencedu groupe projet.

Jusqu’à une période récente (1996) ces groupes projetfonctionnaient correctement. Cependant, un certainnombre de groupes sont arrivés au terme de leur activité,notamment du fait de la réussite de la mission confiée.

Souvent, leurs membres, y compris le chef de projet, sontretournés à leur poste initial et ont vu disparaître lesavantages salariaux reçus antérieurement. Cette situationa engendré pour la première fois des tensions, d’une partentre la Direction des Ressources Humaines et les chefsde projet, et d’autre part entre la Direction des RessourcesHumaines, autochtone, et les autres directeurs«nordistes». L’intense polémique entre les directeurs desdeux nationalités en présence, dont nous avons ététémoins, n’a donné lieu à aucun changement.

Alors que les autochtones estiment que cette mobilitéhorizontale doit déboucher soit sur une promotionhiérarchique, soit sur une augmentation de salaire, lesdirecteurs «nordistes» la considèrent comme «uneévolution de carrière réussie, un enrichissementpersonnel», qui ne nécessite aucune autre contrepartie :

Oui je crois qu’on est assez mobile en Nordie : on change de poste, de responsabilités, c’est une façon de travailler et ça ne crée pasde problème. Pour les «Autochtones», c’est plus important d’être spécialiste, d’être reconnu pour ses compétences en tant que spécialiste. Pour les «Nordistes», c’est être généraliste, on a plutôt peur de restertrop longtemps dans un métier.

II. InterprétationDans cette deuxième partie nous effectueronsl’interprétation des résultats obtenus lors de notreenquête. Il s’agit de procéder à la lecture du réel(pratiques repérées) à travers un dispositifméthodologique. Nous traiterons tout d’abord, dans lecadre des évolutions de carrière, des représentations dupouvoir partagées par le personnel autochtone. Aprèscela, nous avancerons l’hypothèse de conceptionsdivergentes de la notion de l’évolution de carrière entreautochtones et «Nordistes«au sein de EURONORD.

2.1. Représentations stéréotypées

Nous allons utiliser ici le concept de «représentation»dans le sens d’une image mentale socialement élaborée etpartagée par les individus du groupe d’appartenance18, cequi, dans ce contexte, rend cette notion proche de celle de«stéréotype».

Il est apparu clairement lors de nos entretiens, que laplupart des personnes interviewées partageaient la mêmereprésentation du «Nordiste», comme un individu trèsrespectueux d’autrui,

Ce qui les caractérise [les Nordistes]c’est cette espèce d’humanité, de prise en compte de l’humain… Prendre les hommes et les femmes pour des gens intelligents.

faisant passer le bien-être général avant le sien propre, Un Nordiste est optimiste, il est calme. Il a de partson éducation le souhait d’aider les autres. […] Il aautrement le souci de ne pas enfoncer l’autre, del’aider.

fuyant le conflit et désireux d’obtenir un consensus defaçon à ne pas prendre de décision sur un modeautoritaire :

Face à un problème qui survient, les Nordistessont assez calmes, attendent de faire le tour du problème, et décident tranquillement de ce qu’on va faire, alors que nous, on s’agitecomme des puces.

Cette représentation a été confirmée et renforcée par lecomportement, le discours explicite et les décisions dupremier directeur :

Jusqu’à présent nous avions eu un directeur qui était rassurant à un point...Il pouvait y avoir le feu dehors, vous êtes chez EURONORD donc tout va bien.

Pour exemple les déclarations faites à plusieurs reprisesau personnel signifiant que «lorsque l’on rentre chez

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EURONORD, c’est pour la vie-…- ce qui compte chezEURONORD, c’est le respect des hommes et non pas larecherche du profit-…- chez EURONORD, si on fait bienson travail, on peut y progresser et y faire carrière». Cediscours était repris par les Ressources Humaines :

[….] quand je rencontre un candidat, je lui disqu’à EURONORD on a des objectifs en termesde qualité, délais, coûts, etc. etc., mais que cela nese fait pas au détriment ou sur le dos des salariés.A EURONORD il se passe quelque chose devraiment différent de ce qui peut se passer dansd’autres entreprises.

Or, la non-conformité du comportement du nouveaudirecteur avec le discours de son prédécesseur et surtout,avec les attentes suscitées par la force des représentationsexistantes, a jeté le trouble parmi le personnel deEURONORD. Le mécontentement du personnelautochtone s’est manifesté de façon énergique, y comprispar un arrêt de travail de quelques heures. L’une desrevendications des salariés était «qu’ils (les Nordistes)arrêtent de nous mentir !»

En réalité, le «mensonge» ainsi évoqué ne relevait pastant de promesses explicitement exprimées que dereprésentations collectives, non démenties jusqu’à cejour, et qui avaient acquis la condition de «conventions ».

La convention, processus cognitif collectif de mimétismerationnel généralisé, est, selon Gomez (1997), «unsystème de règles auquel les individus font référencelorsqu’ils justifient leur comportement, donnant du sensaux choix personnels»19. Elle permet d’établir desconvictions partagées sur la manière de rationaliser lescomportements.

Ainsi donc, les conventions en présence pendant les cinqannées de démarrage laissaient comprendre que toutefonction était ouverte à toutes nationalités en présence, encontrepartie d’une efficacité prouvée dans le domainetechnique concerné. Tant que la convention perçue étaitrespectée par le groupe objet de représentation, l’actionsociale pouvait se dérouler et les représentations,confirmées, se renforçaient encore. Pourtant, les faits ontmontré que les postes de directeur de département étaientpratiquement exclusivement réservés aux directeurs denationalité «nordiste», et ceci dans n’importe quel paysd’implantation d’EURONORD.

En définitive, tout permet de penser que, au-delà deséventuelles valeurs culturelles spécifiques «nordistes»,c’est la politique générale du GROUPE EURONORDqui, dans un souci de préservation de ses intérêts, aimposé les personnels susceptibles d’assurer le meilleurcontrôle. Nous serions donc en présence d’une relation depouvoir, de dominant à dominé, excluant touteconsidération interculturelle.

2.2. Mobilité fonctionnelle

L’une des difficultés de travailler sur des questionsinterculturelles est que «l’interculturel» n’est pasobservable en tant que tel. Il s’agit donc de relever despratiques et, dans une démarche comparative, de mettreen évidence les différences. On peut ensuite émettrel’hypothèse que celles-ci sont dues à des facteursculturels. C’est le cas pour les divergences que nousavons constatées quant à la conception des carrières àl’intérieur de EURONORD, particulièrement en ce quiconcerne l’évolution des postes qui n’est pas forcémentqualitative.

En effet, les «Nordistes» interviewés considèrent àl’unanimité que tout employé, après avoir participé à ungroupe projet, peut réintégrer sa fonction initiale, sansconservation de la prime, sans modification hiérarchique,et sans reconnaissance d’un statut particulier. Pour eux, ils’agit simplement d’une mobilité fonctionnelle, ayantcours dans les usines nordistes et ne représentant aucunproblème particulier.

Nous avons pu confirmer ce discours, en observant, dansl’évolution de carrière des cadres «nordistes», despratiques conformes à ces caractéristiques :

Ce n’est pas parce qu’on est venu trois ans commeexpatrié et à un poste à responsabilité, on a desexemples, que forcément on va grimper et allerbeaucoup pus haut plus vite.

Ces cadres, à la fin de leur séjour dans la filiale du paysd’implantation, occupent parfois, dans la maison-mère oudans d’autres filiales, des postes qui, pour les Nordistes,paraissent hiérarchiquement inférieurs à celui occupédans une filiale à l’étranger :

Je suis un peu déçu par la proposition qu’on a faiteà M.L.. [l’ancien directeur général de l’usinefrançaise] : un poste de directeur technique à Z [uneville nordiste], à mon avis, ce n’est pas digne de lui.Mais je ne sais pas s’il le vit mal, j’en doute, je nesuis pas sûr qu’il le vive mal.

En revanche, pour les personnels «autochtones», laparticipation à un groupe projet constitue une promotionqualitative, reconnue pendant la durée de vie du projet,qui «doit20» déboucher sur une nouvelle positionhiérarchique, un nouveau statut, un nouveau salaire.

Le refus de considérer ces arguments est catégorique dela part des directeurs nordistes et donne lieu à desréactions de xénophobie, dont nous avons été témoins.

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ?

Le métissage organisationnel à l’épreuve des faits : résultat d’une étude exploratoire

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Il est possible d’avancer que la mobilité fonctionnelle paropposition à une évolution positive des personnels est unedes caractéristiques de l’organisation d’EURONORD «àla nordiste».

Que ce soit pour des postes de direction (le cas del’ancien directeur de la filiale muté à un poste jugéinférieur par les salariés «autochtones»), ou pour lespostes d’opérateurs, le «sommet stratégique» comprendl’évolution d’une personne par la diversité des fonctionsqu’elle occupera au cours de sa carrière sans que celle-cin’obtienne, systématiquement, tout autre type degratification. En revanche, dans les organisations«autochtones», une «gratification» à la mobilité sesoldant par une évolution positive pour l’acteur ayantbien mené sa mission, serait la norme dominante.

En résumé, contrairement aux pratiques et conceptionsayant cours dans les unités de production du pays de lafiliale, il est considéré, par les directeurs de nationalité«nordiste», comme normal que l’évolution d’unepersonne puisse se faire sur sa seule mobilitéfonctionnelle, sans autre contrepartie.

Nous avons voulu montrer dans cette présentation deuxsituations exemplaires parmi celles que nous avonstraitées dans nos travaux. Ainsi donc, nous proposons ici,en résumé, notre conclusion générale. En matière deGRH et au regard des points précédents, ils nous estapparu que le métissage était davantage dans les«représentations» que dans les faits. Bien qu’il soitpossible d’avancer l’hypothèse de l’origine culturelle decertaines pratiques, c’est surtout à la relation de pouvoir(dominant-dominé) qu’il y a lieu d’attribuer une grandepartie des phénomènes observés.

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Le métissage organisationnel à l’épreuve des faits : résultat d’une étude exploratoire

Jean-Yves AGARD, Norma MEVEL PLA

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Notes1 Iribarne d’ Ph., Cultures et mondialisation, gérer par delà

les frontières, Le Seuil, Paris, 1998, p. 6.

2 Laurent A., «Réinventer l’art du management au carrefourdes cultures», Actes du 7e congrès SIETAR, Poitiers, 1997,pp. 40-47.

3 De septembre 96 à septembre 97, consistant en 23 entretienssemi-directifs, analyse des documents internes,observations participantes.

4 La définition d’acculturation, ancienne (de 1936) mais quifait encore autorité, tirée du fameux Memorandum pourl’étude de l’acculturation, de Herkovits, Linton et Redfield,présente celle-ci comme «l’ensemble des phénomènes quirésultent d’un contact continu et direct entre des groupesd’individus de cultures différentes et qui entraînent deschangements dans les modèles (patterns) culturels initiauxde l’un ou des deux groupe». In Cuche D., La notion deculture dans les sciences sociales, La Découverte, Paris1996, page 54.

5 Bastide R., «Acculturation», in Encyclopedia Universalis,1996, pages 114-119. Pour son acception appliquée à desrelations de type colonial, voir BALANDIER G., Sociologieactuelle de l’Afrique Noire, PUF, 1982.

6 Desjeux D., Garabuau I, «Ethnomarketing et anthropologiedes affaires», ANVIE, Sciences Humaines, n°72, 1997,pp.38-41

7 Linton, Kardiner, Benedict, Mead…8 Desjeux Dominique, Le sens de l’autre : Stratégie, réseaux

et cultures en situation interculturelle, L’Harmattan,collection Logiques sociales, Paris 1994.

9 Hall E.T., La dimension cachée, Seuil, Paris 1971.10 Desjeux, ibid. note 5

11 Levi-Strauss C., Anthropologie structurale, Plon, Paris1958, p. 325.

12 Ibid.13 «Les sciences de gestion se définissent comme des sciences

de l’action», Wacheux, Frédéric, Ibid., page 14. C’estpourquoi, l’observation des pratiques est le mode derecherche le mieux adapté.

14 Cf. article de Thévenet M., «Les relations entre cultured’entreprise et management interculturel», in BOSCHE etautres Le management interculturel, Nathan, Paris 1993,p. 155.

15 Des modifications importantes ont eu lieu récemment, sansconséquence sur les résultats de cette partie de notreenquête.

16 Ce niveau n’apparaît qu’en production, il n’existe pas dansles six départements administratifs.

17 Nous n’examinerons pas ici le cas des contremaîtres enproduction qui, eux aussi, font partie de la «lignehiérarchique» de l’entreprise, sous la dénominationgénérique de «managers».

18 Dans une démarche constructiviste, on peut considérer lesreprésentations à la fois comme connaissance etconstruction du réel, c’est-à-dire comme processus etproduits d’une élaboration à la fois psychologique et sociale(voir à ce sujet Doise Willem et Palmonari Augusto, Textesde base en psychologie : étude des représentations sociales,Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1986).

19 Gomez Pierre Yves, «Economie des conventions et sciencesde gestion», in Encyclopédie de Gestion, Joffre P., Simon Y.,p. 1060 Tome 1, Economica, 1997.

20 Dixit.

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Leadership et changement stratégique :le style de leader dans la démarche de transformation

Abdelhalim BEDRANEDoctorant, CEROG-IAE, Aix-en-Provence

En Europe, comme en Amérique du Nord, la survie desorganisations fait de plus en plus l’objet d’un examenminutieux, autant de la part des dirigeants, desconsultants, des syndicaux que du public en général.Cette préoccupation se reflète dans les multiplespublications de la littérature sur le changement(Mintzberg et Westley, 1992 ; Grouard et Meston, 1993;Hafi et Fabi, 1997; Hafsi et Demers, 1997;…) et dans lamultiplication des débats et des conférences organiséesici, en France, comme ailleurs.

Dans un monde où le changement tend à devenir la règleet la stabilité l’exception (I. Vandangeon-Demeruez,1998) les organisations syndicales les plus radicalesapplaudissent et encouragent le changement et lesgrandes écoles se précipitent pour la création desprogrammes concernant la gestion du changement.Conscients et responsables, les meneurs de l’enjeu dans lavie active de l’entreprise adoptent entièrement lechangement, et s’engagent à travailler ensemble pourl’initialiser, le suivre et le réussir.

Comme le souligne Hafsi et Fabi (1997), le changementest devenu une partie inévitable de la vie. Il est doncincorrect de se poser la question à savoir s’il faut ou nonchanger. La question pertinente est plutôt : Quellesdevraient être l’envergure, la rapidité et l’importance duchangement à entreprendre ? Pour les dirigeants, le défiest alors de déterminer où, quand et comment intervenir ?

Ce travail se situe dans la mouvance des travaux sur lemanagement du changement stratégique et qui montre lanécessité de s’intéresser au rôle fondamental à assumerpar le leadership. Plus spécifiquement, nous présenterons,dans la première partie, brièvement les différentesconceptions de l’origine du changement dans la littératureet notre définition du changement organisationnel d’ordrestratégique retenue dans ce travail. Dans la seconde partienous allons nous intéresser au style du leadership et sonrôle durant la démarche de transformation.

Nous nous attacherons particulièrement à souligner quece papier n’est qu’un début d’un travail sur lescaractéristiques et le comportement du leader-manager,que nous souhaiterons le faire prochainement dans lesecteur bancaire algérien.

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I. L’origine du changement dans la littératureLes travaux sur le changement organisationnel opposenttraditionnellement une conception déterministe duchangement et une approche volontariste des mécanismesde transformation des organisations.

Le changement organisationnel doit être conçu commeune solution permettant à l’organisation de répondre auproblème crucial de l’adaptation à l’environnement dontelle se nourrit et dont elle dépend.

1. La conception déterministe : le changement imposé

Cette conception considère les facteurs externes et lespressions de l’environnement comme le principal moteurdu changement. Dans ce cas l’entreprise se transforme enréaction aux évolutions de son environnement. Nousretrouvons ici les fondements de : n La théorie de la contingenceLes travaux de Lawrence et Lorsch (1967) et deThompson (1967) sont à l’origine de cette théorie quirepose sur l’alignement entre organisation et sonenvironnement. Selon cette théorie le changement est unetâche permanente qui exige de relier les exigences del’environnement aux caractéristiques de l’organisationdont l’objectif est de réduire l’incertitude et de rechercherla flexibilité.

n Les propositions de l’écologie des populationsOn retrouve les racines de cette théorie dans les travauxde Hannan et Freeman (1984). D’après ces derniers, lemode des organisations est très ressemblable au mondedes espèces en biologie. En fait, ces auteurs perçoivent lesorganisations de la même façon que les biologistesconsidèrent les drosophiles en terme de comportementcollectif. Les organisations finissent par se regrouperdans des niches distinctes de type écologique, où ellesrestent jusqu’à ce que les ressources se raréfient, ou queles conditions deviennent trop hostiles. Alors, ellemeurent (voir, Mintzberg, Ahlstrand et Lampel, 1999).Les écologistes des populations soutiennent l’idée que laplupart des changements dans les organisations sontsuperficiels et que les choix stratégiques des dirigeantssont accidentels où les marges de manœuvres sontminimes. La direction devient ainsi un élément passif,chargé de lire l’environnement et de faire en sorte quel’entreprise s’y adapte convenablement.

Cette approche conçoit les organisations comme desentités passives, ou plutôt réactives aux stimuli del’environnement.

CritiquesOn peut, comme le font Mintzberg et all.(1999), dire que :

n Les entreprises ne sont pas des drosophiles, et que leursdécisions ne sont pas programmées par un déterminismegénétique

n La relation de déterminant et déterminé est trèscontestable ; une entreprise peut mourir des coupsstratégiques que lui porte une autre entreprise, et non àcause de cette abstraction nommée environnement.

n Cependant, cette approche met l’accent sur le caractèreimposé du changement, mais elle néglige un élémentfondamental de l’école cognitive : «La réalité ne peutêtre considérée comme une donnée indépendante etl’organisation ne s’adapte pas à la réalité mais à laperception qu’en ont les acteurs»

n Enfin, on peut dire franchement que ce courant estévidement interrogateur puisqu’il annule presque le rôledes dirigeants. L’entreprise apparaît selon cette logiquecomme une firme commandée par l’environnement où lamarge de manœuvre des dirigeants apparaît faible dansla course à la compétitivité.

2. La conception volontariste du changement

A l’opposé de la première, l’approche volontariste voit lechangement comme l’affaire de l’acteur.

Pour illustrer les fondements de cette approche, on peutciter les rapports de la théorie du choix stratégique(Andrews, 1971 ; Child, 1972) et la théorie dudéveloppement Organisationnel (Lewin, 1951 ; Lippit,Watson et Wesley, 1958 ; Beckard, 1975 ; Porras etRobertson, 1987) :

n La théorie du choix stratégiqueCette théorie met l’accent sur la nécessité d’interventionde l’homme et insiste sur son rôle crucial dans ladynamique managériale. Elle attribue le changement del’entreprise aux actions et aux choix stratégiques desmanagers et/ou aux processus de décisions associés à cesactions et à ces choix.

n La théorie de Développement Organisationnel (OD)«l’OD est un effort planifié de la totalité de l’organisationdirigée du sommet pour augmenter l’efficacité del’organisation et sa santé, par l’intervention programméedans les processus de l’organisation utilisant le savoir dela science du comportement »1. Cette définition nouspermet de dire que le Développement Organisationnels’intéresse tout d’abord au changement qui permet àl’organisation d’améliorer sa capacité à trouver dessolutions pour ses propres problèmes. Il vise à mener

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l’organisation dans une direction particulière, vers unemeilleure capacité de réaction, une meilleure qualité devie au travail et une efficacité améliorée (T. Hafsi etB. Fabi, 1997). Dans le cadre de l’OD, le changement esthabituellement instauré et mis en œuvre par les hautsdirigeants de l’entreprise souvent avec l’aide deconsultants internes ou externes.

Les tenants de l’approche volontariste duchangement confirment que l’organisation produit sespropres règles, ses propres contraintes, et refusent doncles déterminants extérieurs du changement.

CritiquesLa conception volontariste a mis en lumière des aspectsimportants de l’origine du changement, en particulier sanature volontaire, ainsi que le rôle du leadershipvisionnaire. Pourtant cette approche présente plusieursdéfauts :

n A l’inverse des apports de la première, la conception del’environnement dans cette approche tend à êtrequelque chose d’absent, d’accidentel ou secondaire

n Elle marginalise l’influence des facteurs externescomme un déterminant du changement.

n Cette approche insiste sur le caractère volontaire duchangement, mais elle nie le rôle de l’équipe dirigeantecomme obstacle au changement. C’est le cas lorsque lesdirigeants ne trouvent pas la motivation nécessaire faceà l’incertitude et à la crainte de l’échec suscitées par lechangement.

n Cependant, la logique de diffusion du changement (parle sommet hiérarchique) dans la théorie duDéveloppement peut produire des conflits entre lesdécideurs et les exécutants, et entraîner desconséquences graves sur le déroulement du changement.

Ii. Le changement stratégiqueLe changement stratégique, dans ce travail, diffèrefondamentalement des changements ponctuels etgraduels qui ont pour but d’ajuster l’orientation existante,portant sur des questions de moindre importance, tellesque la résolution des conflits ou la mise en place denouveaux produits. Le changement qui nous intéresse iciamène à rompre avec la perspective établie2 et altère lanature qualitative de l’organisation.

D’après les spécialistes du changement (Nadler etTushman, 1986 ; Ledford, 1989 ; Hafsi et Demers, 1997)les changements stratégiques de grande envergureexigent des changements qualitatifs, et non de simples

changements continus et habituels. Ces changementsnécessitent selon eux des modifications du design et desprocessus de l’organisation. Le design organisationnelinclut les stratégies, les structures, les configurationstechnologiques, les systèmes formels d’information et deprise de décision ainsi que les systèmes de ressourceshumaines. Les processus organisationnels renvoientquant à eux aux flux d’information, d’énergie et decomportement, ce qui comprend la communication, laparticipation, la coopération et les jeux politiques.

La dimension la plus importante du changementstratégique est sans doute son ampleur. Toutefois, lestravaux sur ce sujet montrent que le changementstratégique est un changement qui concerne l’ampleur dela modification pour l’organisation. Il peut être vu commeun changement ayant des répercussions importantes sur lefonctionnement de l’entreprise.

Calori et Altamer (1989) vont plus loin et avec beaucoupde précision. Pour eux un changement est stratégiquelorsqu’il remplit l’une ou l’autre de ces conditions :

n Il est difficilement réversible : Une fois engagée,l’action devrait être accomplie car un retour en arrièreentraînerait la perte des investissements matériels etimmatériels des coûts pénalisant lourdementl’organisation.

n Son enjeu est important : Parce que l’incertitude desrésultats dans ce type de changement est forte, etl’espérance de gain et le risque de perte sont élevés.

n L’effet de système est significatif : On parle ici de sonampleur.

Ces définitions du changement organisationnel d’ordrestratégique nous permettre de comprendre les difficultésinhérentes au rôle des acteurs dans la conduite duchangement. On est en effet en droit de se demanderquelle sont les qualités humaines et intellectuellesnécessaires pour gérer un processus de transformationaussi délicat et complexe. Dans les paragraphes suivant,on va de proposer une palette de style de leadershipconvertible avec ce type de changement.

Iii. le leadershipAu cours des cinquante dernières années, la façond’exercer l’autorité s’est considérablement modifiée.Traditionnellement, le gestionnaire était d’abord et avanttout perçu comme un décideur rationnel. Ses décisionsétaient fondues sur une information strictementidentifiable et économique. Il devait ensuit faire exécuter

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ses décisions par ses subordonnés en utilisant son pouvoirlégitime dont est issu le pouvoir de contrôle et derécompense.

Depuis quelques années, suite aux changements socio-économiques et à l’intensification de la concurrence, lemonde des organisations est à la recherche d’ungestionnaire d’un autre type. Ce nouveau contexte exigede la part des futures gestionnaires qu’ils soient en mêmetemps des leaders.

La différence entre le gestionnaire et le leader se résumeen ces termes : «Le gestionnaire est celui qui fait bien cequ’il fait, alors que le leader fait la bonne chose. »Cettedistinction entre le gestionnaire et le leader nous permetde cerner la spécificité et la place du leadership dansl’organisation. Selon Warren BENNIS : le leadership,c’est ce qui confère à une organisation sa vision et sonaptitude à traduire cette vision en réalité : «lesorganisations ont besoin d’être dirigées pour combattreleur somnolence et pour s’adapter à l’évolution descirconstances…Sans cette traduction-échanges entrechefs et exécutants- il n’y a pas de cœur qui bat au seinde l’organisation.»3 Donc le leadership est la clé de voûtede toute organisation qui réussit.

Les spécialistes de l’organisation proposent un modèle demanagers conforment à une perspective paradoxale. Cetteperspective implique en particulier que les managersmanifestent une palette de comportement complexe etvarié, qu’ils utilisent au cours du processus duchangement.

Dans les pages suivantes on va essayer d’illustrer lesdifférents styles et rôles du leadership dans la démarchede transformation organisationnelle.

Vi. Styles du leadership dans la démarche de transformationAu cours d’une étude de cas sur la temporalité desprocessus du changement, et en appuyant sur les propos deMintzberg (1994), A. Cornet (1996) confirme que lesdirigeants investissent largement les premières étapes duprocessus mais portent peu d’intérêt sur l’implantation «Lamise en œuvre est souvent abandonnée à elle-même ; elleest le parent pauvre du processus». Pour cette raison on aadapté le processus de transformation décrit dans l’articlede Alain Rondeau (1999) pour décrire les styles du leaderavec les tâches à accomplir et le comportement à adopterdurant les phases de la transformation. Pour reprendre lespropos de A. Rondeau : «une transformation réussie ne peuts’improviser ni être laissée à la seule intuition de quelques

acteurs ; elle nécessite une certaine rigueur de conduite et detransparence» Dans ce modèle le scénario présente lapremière phase (la formulation) qui doit clarifier, à son tour,au moins quatre facettes de la conduite (la mise en œuvre) ; n Le plann L’encadrement n Les cibles n Le rythme.

1. Un leadership «architecte» pour un scénario ambitieux

Selon Romanilli et Tushman (1994), on identifiegénéralement trois forces principales à l’origine d’unetransformation organisationnelle :

1. Pressions externesIl existe plusieurs modèles qui considèrentl’environnement comme le principal facteur duchangement. Comme le font Hafsi et Demers (1997) onpeut résumer les propositions de ces modèles dans lespoints suivants :

ç Le modèle de Porter (1980) : tout changement dans lastructure concurrentielle d’une industrie (par exemple,accroissement du niveau d’intensité de rivalité, del’importance des barrières à l’entrée, du pouvoir desfournisseurs ou des clients et de l’attrait des produitssubstituts) accroît la pression pour le changement.

ç Le modèle de la contingence : Ce modèle met l’accentsur l’environnement comme une source d’incertitudeliée particulièrement au changement technologique, àl’instabilité et à l’hétérogénéité environnementales. Lesthéoriciens de la contingence (Lawrence et Lorsch,1967) concluent que tout accroissement dans le degréd’incertitude environnementale accroît la pression pourle changement.

ç La théorie de la dépendance des ressources : les auteursde cette théorie mettent l’accent sur le caractère politiquede l’environnement organisationnel. Ils voientl’environnement comme un contexte de ressources où ledegré de contrôle des organisations sur l’environnementest le déterminant de leur survie. Dans ce modèle leschangements dans la distribution du pouvoir dansl’environnement et des normes institutionnellesaugmentent les chances du changement.

ç Le modèle cognitif de l’environnement : Contrairementau précédents modèles développés, ci-dessus, quiconçoivent l’environnement comme une réalitéobjective, et comme le laisse entendre ce modèle«l’environnement n’existe pas en soi, il est construit»

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(voir A. C La pointe4,1991). Selon le modèle cognitif(Weick, 1969 ; dutton et Jackson, 1987) un changementde l’environnement est vécu comme une incohérenceentre ce que le gestionnaire prévoit, d’après soninterprétation, et ce qui se passe réellement. Cetteincohérence engendre une réinterprétation. Cechangement dans l’interprétation que font les dirigeantsde l’environnement accroît les pressions pour lechangement.

2. La performanceA l’instar des travaux de Meyer, Goes et Brooks (1993) etles études menés par Huber et Glick (1993), Hafsi etDemers (1997) concluent «qu’un changement significatifdans la performance d’une organisation, qu’il soit positifou négatif, accroît la pression pour le changement».Contrairement au changement associe à la baisse deperformance par rapport aux concurrents, le changementorganisationnel associé à l’amélioration de laperformance peut s’expliquer par la disponibilité desressources excédentaire nécessaire pour ledéveloppement de l’organisation.

3. Changement de l’équipe dirigeanteCertaines études, menées sur le changementorganisationnel et le recrutement des nouveauxresponsables, indiquent que les cadres supérieurs recrutésà l’extérieur ont une prédisposition trois fois plus grandeque l’équipe en place à procéder à des changements degrande envergure (Tushman et Virany, 1986). C’est ainsi,on comprendra l’importance de partage des rôles et despostes au sommet des organisations avant l’initiation etl’implantation du changement. Cette distribution du

pouvoir a pour objectif de mettre en place des leaderscrédibles, capables de servir de modèles pour les autresmembres de l’organisation.

Introduire la notion de leadership-architecte nous paraîtd’autant plus intéressante en voyant la différence entre lemanager et le leader que nous venons d’évoquer plushaut. Si les premiers ont pour objectif de réaliser la tâcheà l’intérieur d’un cadre déjà établi, les leaders dans ladémarche de transformation ont tendance à vouloirremettre en cause le cadre même dans les choses faites.C’est dans ces moments là qu’on découvre les qualités etle savoir-faire de ces leaders transformationnels quiveillent sur la préparation, la conception et la constructiondu scénario.

Comme le suggère A. Rondeau (1999) dans son modèle(Voir le schéma 1) construire une démarche detransformation, c’est en quelque sorte construire lescénario qui va guider le déroulement du changement afinde faire pénétrer l’intention stratégique au sein del’organisation. Le scénario, dans ce cas, est ce qui justifiele changement. Il va donc le guider continuellement etservir de référence durant toute sa mise en œuvre. Ilaborde tous ses aspects : origine du changement, objectifvisé et les grandes lignes des actions à engager.

Pour qu’un tel scénario soit utile, il doit clarifier au moinsquatre facettes de la conduite du changement, c’est-à-direson plan d’action à suivre, l’encadrement à donner à cetteaction, les cibles à atteindre et le rythme à respecter dansle déroulement de l’action.

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Encadrement

Rythme

Médiateur

Séducteur

Chef d’orchestre

VisionnairePlan CiblesScénario

Architecture

Style de leadership dans la démarche de transformation

Alain Rondeau «Transformer l’organisation, vers un modèle de mise en œuvre»Gestion, vol. 24, n° 23, automne 1999

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2. Un leadership «médiateur» pour un plan transparentLe plan d’action est la facette la plus importante duscénario de la transformation. Définir un tel plan, c’est enquelque sorte préciser les étapes du changement etl’échéancier des actions qui vont contribuer audéveloppement de la capacité à changer.Le learder-médiateur (mentor) est conscient, quant à lui,des besoins humains du système. Il joue un rôle d’écoute,il est juste, et il doit permettre de faciliter ledéveloppement des individus, car la réussite duchangement réside en grande partie dans sa capacité àcommuniquer la nécessité de transformation del’organisation, et à conduire celle-ci vers un état jugé plussatisfaisant. Son rôle est de faire comprendre l’ensembledu personnel du bien-fondé du Scénario du changementet de la nécessité de changer. Son défi est de transformerdes perdants, virtuellement adversaire au projet, engagnants potentiels.

3. Un leadership «séducteur»pour un encadrement efficaceTraditionnellement «Le séducteur est celui qui maîtriseces moyens et fait agir le séduit selon son propre plaisir,ou le domine. Son pouvoir repose sur la tromperie etl’artifice ; fausse promesses, appel aux désirs cachés duséduit» Avec la figure moderne de la séductiondéveloppée par J. Baudrillard (1979)5, le séducteurn’impose rien. La force de la séduction consiste àamener «l’autre à vouloir ce que je veux.»Dans cette nouvelle figure de la séduction développée parV. Perret et B. Ramanantsoa (1996), la séduction est unjeu où la défaite de l’autre est intangible. A l’inverse, dudiscours consensuel discret et le discours charismatiqueautoritaire, le discours du leader-séducteur se situe entreces deux extrêmes, à la fois faussement consensuel etfaussement charismatique. Son but est de créer un climatde confiance entre celui qui parle et ceux qui écoutent.

Dans cette phase d’encadrement la tâche du leaderséducteur consiste dans le partage des rôles et desresponsabilités entre les acteurs impliqués dans laconduite du changement, la mobilisation des membres etla dynamisation de l’organisation.

4. Un leadership «visionnaire» pour des cibles clairesLes cibles d’action ont trait à la fois aux objectifs visés etaux résultats escomptés par la transformation. Sous cerapport, il semble qu’une transformation réussie sera celleoù les objectifs visés sont clairs et demeurent bienperceptibles tout au long de la démarche de transformation.

Pour cela, les cibles doivent fournir un repère à tous lesmembres de l’organisation pour les aider à orienter leursactions. Si les cibles sont floues, c’est-à-dire s’ils nefournissent pas ce repère précis, les actions risquent de nepas focaliser sur le même objectif. Il est cependantindispensable que l’objectif soit réaliste sous peine dedémotiver les membres de l’organisation.

La tâche du leader visionnaire durant cette phase consisteà valider le projet du changement avec les différentsacteurs de l’organisation et d’affirmer les grands enjeuxdu processus de changement : les objectifs, le champ etles délais fixés.

5. Un leadership «chef d’orchestre» pour un rythme soutenu

Les études empiriques montrent que les organisations quiréussissent le mieux leur transformation sont celles quiassurent une progression soutenue de la mise en œuvre duchangement visé (A. Rondeau,1999). Il ressort en généralde ces études que des changements trop rapides qui n’ontpas le temps de construire une légitimité, ou leschangements trop lents qui tardent à produire les résultatssouhaités, ont des effets négatifs sur la mobilisation etl’adhésion des acteurs même les mieux disposés face auprojet. Cependant le leader-«chef d’orchestre» doit veillerà ce que le rythme corresponde aux aspirations et auxbesoins des membres de l’organisation (T. Hafsi etC. Demers, 1997).

Pour cela, la tâche du leader pendant le processus duchangement consiste à orchestrer et guider l’organisation.Son rôle est de garder le cap dans la tempête, et d’éviterles obstacles qui retardent la progression et la mise enœuvre du changement d’un côté, et qui affecte lacrédibilité du projet d’un autre côté.

ConclusionLe modèle présenté là-haut sur le style du leadershipdurant la démarche de transformation met l’action sur lefait qu’il faut que le leader connaisse intimement sonorganisation, ce qui n’est pas une tâche facile comptetenu de la complexité et de l’imprévisibilitéorganisationnelle. Cette nouvelle perspective duchangement, comme le souligne C. Demers (1999),ajoute donc aux outils traditionnels des dirigeants ( lastratégie, la structure, les systèmes) des outils plus subtilset plus informels (l’observation, le dialogue, l’écoute).Le modèle développé dans ce travail confirme laperspective paradoxale proposée par les spécialistes del’organisation sur le rôle de gestionnaire-leader dans la

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conduite du changement. Cette perspective implique enparticulier que les leaders manifestent une palette decomportement complexe et varié, qu’ils utilisent au coursdu processus du changement.

On peut dire donc, que le leader transformationnel detroisième millénaire sera un leader multidisciplinairecomme le confirme W. Bennis (1989)6 dans son travailsur les principales caractéristiques des leaders del’avenir : 3 Formation diversifiée3 Curiosité sans borne3 Enthousiasme sans borne 3 Valorisation des personnes et du travail en équipe3 Volonté de prendre des risques3 Dédié à la croissance à long terme plutôt que centré sur

les profits à court terme3 Engagé envers l’excellence3 A l’affût des occasions3 Vertueux3 Visionnaire

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stratégique, Ed. Transcontinental, Montréal.Lawrence, P. & Lorcsh, P. (1998). Adapter les structures

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Notes1 Beckhard (1975). Cité dans V. Perret et

B. Ramanantsoa «Un dirigeant-séducteur pour gérer lechangement», Revue Français de Gestion, Novembre-Décembre 1996, p. 143-151.

2 Miller, D. Grennwood, R et Hining, B. Mise sur le chaoscréateur ou évoluer dans la continuité : le schisme entreles perspectives normatives et universitaires duchangement organisationnel. Gestion, volume 24, n° 3,automne 99, p.158-164. La version originale de cetarticle a été publiée sous le titre «Creating chaos versusmunificent momentum» dans le Journal of ManagementInquiry, Vol.6, n° 1, p. 71-78.

3 Aubert, N. (1997) «Leadership», chapitre dans«Management : aspects humains et organisationnels»,Presse Universitaire de France, pp. 366-409.

4 Alain, C. Lapointe «Le concept d’environnementorganisationnel ; Ancrages et considérations épistémo-logiques», changement planifié et développement desorganisations, Tome 4, 1991, Presse universitaire duQuébec.

5 Voir le travail de Perret, V. et Ramanantsoa, B. (1996).Revue Françaie de Gestion. Nov-dec. 1996.

6 Cité dans :Yvan Tellier «Leadership et Gestion» dansla série «changement planifié et développement desorganisations», Tome 4, 1991, Presse de l’universitédu Québec.

Leadership et changement stratégique : le style de leader dans la démarche de transformation

Abdelhalim BEDRANE

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Etude de l’influence de l’équité sur lasatisfaction des employés

Cas d’une PMEmarocaine

Laïla BENRAÏSSEtudiante Doctorante,IAE, Aix en Provence, France

[email protected]

Jean-Luc CERDINProfesseurGroupe ESSEC, Cergy Pontoise, France

[email protected]

Eléonore MARBOTProgramme DoctoralGroupe ESSEC, Cergy Pontoise, France

Jean-Marie PERETTIPrésident IAS, Paris, France

[email protected]

Comment le travail pourrait-il être source de satisfactionalors que son étymologie latine évoque la contrainte et latorture ? La satisfaction au travail paraît en ce sensentièrement négative.

Contrairement à Rousselet (1974) qui intitule son livre«véritable allergie au travail», celui-ci peut quand mêmeêtre envisagé comme une source de fierté dont on peuttirer une sorte de satisfaction et d’épanouissement. Lasatisfaction étant un sentiment très subjectif, chaqueemployé définit ses propres critères et référents et se sentainsi plus ou moins satisfait. Parmi les critères les plussouvent cités comme déterminants de la satisfaction autravail, figure la rémunération. En effet, cette dernièredétermine en premier lieu la satisfaction à l’égard de larémunération qui influence largement la satisfaction autravail des employés.

La satisfaction à l’égard de la rémunération a étélargement discutée (Lawler, 1962, 1965 ; Roussel 1994,1999 ; Igalens et Roussel, 1996). Certains auteurs ontmontré que c’est l’écart perçu entre le montant de larémunération et celle espérée qui influence la satisfaction.D’autres chercheurs ont analysé que seule la valence de larémunération possède un pouvoir prédictif sur lasatisfaction à l’égard de la rémunération. Enfin, depuisAdams, l’équité a été introduite comme un des facteursinfluençant la satisfaction.

L’objectif de cet article est donc de tester, dans le cadrespécifique d’une PME marocaine, une partie du modèlede Summers et Hendrix (1991).

Pour ce faire, nous analyserons dans un premier temps lestravaux concernant l’équité, puis ceux effectués sur lasatisfaction à l’égard de la rémunération et enfin, ceux quianalysent la satisfaction au travail. Finalement, laméthode et les résultats de l’étude quantitative serontprésentés et discutés.

1. De l’équité à la satisfaction au travail

1.1. L’équité

Dans les recherches sur la rémunération, le processus decomparaison sociale constitue un déterminant majeur dela satisfaction (Festinger, 1954). La possibilité d’intégrercette notion d’équité à la théorie de la satisfaction àl’égard de la rémunération, fut proposée par Lawler(1971) qui intègre dans son modèle des comparaisonsavec les «autres».

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Ces éléments comparatifs sont empruntés à la théorie ditede l’équité d’Adams, qui l’a appliquée à la prédiction dela satisfaction (1963) comme à celle de l’efficience, à laqualité et à la quantité du rendement au travail (1965). Lathéorie sur la satisfaction à l’égard du salaire énonce quecelle-ci n’est entière que si les sujets «perçoivent» etestiment qu’il y a égalité entre le quotient contri-bution/rétribution chez eux-mêmes et chez d’autrespersonnes, essentiellement leur collègues de travail(Peretti, 1998). L’inégalité entre ces rapports peut êtrenégative. Le sujet perçoit alors un sous paiement et, de là,éprouve un sentiment d’inéquité (sous-équité), defrustration comparative (Francès, 1981) et uneinsatisfaction quant à son salaire. Si elle est positive (sur-équité), le sujet se sent surpayé et tend à être insatisfaitpar cette forme inverse d’inéquité génératriced’inquiétude, d’insécurité et finalement d’insatisfactionsalariale.

Les modèles de «stimulus – réponse» reprend cette notiond’équité. Pour une catégorie de travailleurs donnée, lasatisfaction est une fonction directe du montant perçu quiest considéré en comparaison avec «le salaire juste». Enpartant du salaire moyen, un point d’équité subjective estobtenu qui n’est ni «plus que juste», «ni moins que juste».Autour de ce salaire, l’employé définit une fourchette. Audelà ou en deçà des bornes de cette fourchette, le salaireest conçu comme disproportionné par rapport à l’emploi(Francès, 1986). Ce modèle se vérifie surtout (mais nonexclusivement) chez les employés qui se considèrentcomme «sous-payés».

Les limites et la difficulté d’interprétation de l’équitérésident dans l’absence, voire l’impossibilité d’avoir unréférent unique et universel en matière de critères

déterminant l’équité. Les individus établissent leurperception d’équité sur plus d’un référent et les réactionsvarient selon ces perceptions. La multitude de référentsdans la théorie de l’équité salariale a entraîné ladétermination de trois concepts ou politiques d’équité :l’équité interne, l’équité externe et l’équité individuelle(Milkovitch et Newman ; 1990, Tremblay, 1991 ;Thériault, 1991). L’équité interne est relative auxcomparaisons entre des emplois à l’intérieur d’une mêmeorganisation afin de déterminer la contribution relative dechaque emploi à la réalisation des objectifs del’entreprise. L’équité externe quant à elle, réfère à lasituation du niveau de la rémunération par rapport à labranche dans laquelle se trouve l’entreprise. Enfin,l’équité individuelle se rapporte à l’importance relativede certaines caractéristiques personnelles (ancienneté,scolarité, sexe, niveau d’instruction…) dans ladétermination de la rémunération (Tremblay, 1991).

1.2. Satisfaction et rémunération

L’aspect financier du rôle du travail «finalise» l’activitéde travail et la différencie d’une simple activité (Francès,1986). La satisfaction à l’égard de la rémunérationdésigne le phénomène psychologique correspondant àl’état émotionnel plaisant qui peut résulter du jugementque porte l’individu sur sa rémunération (Lawler, 1971 ;Miceli & Lane, 1991 ; Thériault, 1983).

La recherche des déterminants de la satisfaction desindividus à l’égard de leur rémunération a engendré, aucours des années, une multitude de travaux. Le tableausuivant synthétise sommairement quelques recherchesréalisées sur la question.

Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

Laïla BENRAISS, Jean-Luc CERDIN, Eléonore MARBOT, Jean-Marie PERETTI

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Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

Laïla BENRAISS, Jean-Luc CERDIN, Eléonore MARBOT, Jean-Marie PERETTI

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TABLEAU 1Synthèse de quelques recherches sur la satisfaction des individus à l’égard de la rémunération

AUTEURS

E.E. Lawler

DATE

1971

APPORTS

n Premier modèle d’analyse des déterminants de la satisfaction à l’égard de la rémunération (approcheunidimensionnelle) ayant engendré d’autres modèles fondés sur les mêmes théories :

l Théorie de la divergence : appréciation de la satisfaction de l’individu à l’égard de la rémunération parl’écart qu’il perçoit entre le montant du salaire qu’il devrait recevoir et le montant du salaire qu’il reçoiteffectivement.

l Théorie de l’équité : intégration de la variable «comparaison sociale «(comparaison avec les contributionset le niveau de salaire reçu par d’autres personnes prises en référence) dans l’explication de lasatisfaction des individus à l’égard de leur rémunération.

L. Dyer & R.Thériault 1976

n Tentative de validation du modèle de Lawler.n Intégration de la variable gestion du système de rémunération dans l’explication de la satisfaction des

individus à l’égard du salaire.

R.Thériault 1983n Proposition d’un «modèle intégré de satisfaction à l’égard des salaires ».n Reprise des mêmes principes de fonctionnement que le modèle de 1976 avec ajout de trois variables

explicatives de la perception de l’adéquation de la gestion de la rémunération.

R.Thériault 1983n Proposition d’un «modèle intégré de satisfaction à l’égard des salaires ».n Reprise des mêmes principes de fonctionnement que le modèle de 1976 avec ajout de trois variables

explicatives de la perception de l’adéquation de la gestion de la rémunération.

H. G.Heneman

& D.P.Schwab

1985

n Proposition d’un modèle multidimensionnel de la satisfaction des individus à l’égard de la rémunération.Identification de cinq facettes de la rémunération vis à vis desquelles l’individu adopte indépendammentdes attitudes spécifiques. Ces cinq facettes sont le niveau, le système, la structure, les règles et la gestionainsi que la forme de la rémunération.

n Conformément au modèle de Lawler, la satisfaction à l’égard de chacune de ces facettes est le résultat dudegré d’écart perçu par l’individu entre ce qu’elle devrait être et ce qu’elle est en réalité.

n Les facteurs influençant ces perceptions sont liés à la théorie de l’équité, aux caractéristiques de l’emploi,au montant et à la perception qu’à l’individu de ses contributions à l’entreprise.

H. G.Heneman

& D.P.Schwab

1985

n Proposition d’un modèle multidimensionnel de la satisfaction des individus à l’égard de la rémunération.Identification de cinq facettes de la rémunération vis à vis desquelles l’individu adopte indépendammentdes attitudes spécifiques. Ces cinq facettes sont le niveau, le système, la structure, les règles et la gestionainsi que la forme de la rémunération.

n Conformément au modèle de Lawler, la satisfaction à l’égard de chacune de ces facettes est le résultat dudegré d’écart perçu par l’individu entre ce qu’elle devrait être et ce qu’elle est en réalité.

n Les facteurs influençant ces perceptions sont liés à la théorie de l’équité, aux caractéristiques de l’emploi,au montant et à la perception qu’à l’individu de ses contributions à l’entreprise.

M. P. Miceli& M. C. Lane 1991

n Confirmation que la satisfaction des individus à l’égard de la rémunération est multidimensionnelle.Identification de cinq composantes préliminaire de la rémunération : le niveau de salaire, le système derémunération à l’intérieur des catégories d’emploi, le niveau des avantages divers, le système desavantages divers. La satisfaction des individus à l’égard de ces cinq composantes doit être assurée.

n Sur la base du modèle de Lawler, proposition d’un modèle des déterminants de chacune de ces cinqcomposantes préliminaires de la rémunération

P. Roussel

P. Roussel & J. Igalens

1994

1996

n Précision du lien entre les différentes composantes de la rémunération d’une part, la satisfaction et lamotivation d’autres part.

n Mesure de cet impact des rémunérations sur la satisfaction et sur la motivation des cadres et non cadres ;n Rôle de la rémunération individualisée des cadres : facteur de motivation au travail, et ce, sous certaines

conditions (augmentations des salaires traduisant les efforts individuels du cadre).n La rémunération flexible et les avantages divers ne motivent pas et n’accroissent pas la satisfaction au

travail. P. Roussel 1999 Les variables explicatives liées à la rémunération globale (directe, avantages ennature) expliquent mieux la satisfaction que la motivation au travail.

n Les concepts de motivation et de satisfaction sont à différencier dans l’élaboration d’une stratégie derétribution s’inscrivant dans la politique des ressources humaines d’une entreprise.

n Remise en cause du sens de la relation réciproque entre la satisfaction et la motivation au travail etproposition d’une relation asymétrique selon laquelle la motivation influencerait positivement lasatisfaction au travail.

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La satisfaction salariale peut être expliquée par différentsmodèles :

n modèles stimulus-réponse : plus le salaire reçu estimportant, plus la satisfaction serait grande.

n modèles multiplicatifs : par exemple, Vroom (1964)tient compte de la valence accordée au salaire – de lavaleur portée au salaire en lui même – et de soninstrumentalité – de sa valeur en tant qu’élémentpermettant d’acquérir d’autres biens.

n modèles de différence ou d’écart : la satisfaction serad’autant plus élevée que l’écart est moindre entre lesalaire attendu ou considéré comme légitime, et lesalaire perçu.

n modèles comparatifs : celui de l’équité d’Adams(1963), où la satisfaction salariale est fonction de lacomparaison entre le ratio investissement personnel /gain personnel et le ratio investissement d’autrui / gaind’autrui.

Ces différents modèles de la satisfaction à l’égard de larémunération ont été régis par deux grandes approchesqu’on peut classer suivant un ordre chronologique.

1.2.1. L’approche unidimensionnelleLawler (1971), s’intéresse à une seule dimension de larémunération : le montant du salaire. Heneman et Shwab(1985) la qualifient d’unidimensionnelle pour l’opposeraux approches multidimensionnelles qui étudient lasatisfaction par rapport au montant et au mode de gestiondu salaire.

Cette approche se fonde sur deux courants, il s’agit d’unepart de la théorie de la divergence, et d’autres part de lathéorie de l’équité.

La théorie de la divergence s’applique au contentementdes employés à l’égard d’une dimension de larémunération1. Elle stipule que la satisfaction d’un salariéest déterminée par sa perception de la différence entre cequ’il désire «retirer» de son travail et ce qu’il retireeffectivement. Plus l’écart est faible, plus il tend à êtresatisfait.

La théorie de l’équité a été développée dans la premièrede cette revue synthétique de la littérature. Il nous sembleimportant de préciser que le sentiment d’équité oud’inéquité qui se dégage de cette comparaison socialedétermine son état de satisfaction à l’égard de larémunération (Festinger, 1954).

1.2.2. L’approche multidimensionnelleLe modèle de Dyer et Thériault (1976) est situé dansl’approche multidimensionnelle puisque selon ses

auteurs, l’individu éprouve de la satisfaction à l’égard dedeux dimensions du salaire, son montant et son mode degestion.

Dans le cadre de l’étude multidimensionnelle de lasatisfaction à l’égard de la rémunération, le principe de lajustice organisationnelle (Greenberg, 1990), associe leconcept de justice distributive centré sur l’équité dumontant du salaire reçu au concept de justice duprocessus (Farlin, Sweeney, 1992), centré sur l’équité dumode de gestion des salaires et des moyens utilisés pourles déterminer. Le niveau de la rémunération (selon leprincipe de justice distributive) et la façon dont elle estgérée (selon le principe de justice du processus) sont ainsisupposés influencer la satisfaction des individus à sonégard (Dyer & Theriault, 1976 ; Theriault, 1983 ;Heneman & Shwab, 1989 ; Miceli & Lane , 1991).

La dimension gestion du système de rémunérationconstitue l’apport majeur du modèle de Dyer et Thériault(1976). En effet, la perception de l’équité du montant dusalaire reçu ne constitue pas la seule variable explicativedu phénomène de satisfaction à l’égard du salaire, il fautlui adjoindre la perception du mode et de la gestion de larémunération.

1.2. Satisfaction au travail :

L’étude de la satisfaction au travail est d’une grandeutilité pour l’entreprise dans la mesure où elle influenceles comportements des employés. Une non satisfactionpeut engendrer des comportements de retrait telsl’absentéisme, les retards, les départs volontaires del’entreprise (Locke 1969). Elle possède aussi un impactsur le retrait psychologique comme la passivité et ledésintérêt au travail, et même sur la «vie hors travail»2.

On peut définir la satisfaction au travail commel’expression d’«un état émotionnel qui résulte de lacorrespondance entre ce que la personne attend de sontravail et ce qu’elle perçoit en retirer» (Ripon, 1987). Unétat affectif positif résultant de l’appréciation de l’emploiou des expériences liées à l’emploi (Locke, 1969, 1976).

Par rapport à son travail, l’individu peut avoir des attenteset éprouver des souhaits ou des désirs dontl’accomplissement peut entraîner une satisfaction autravail (Roussel, 1994). De nombreuses études indiquentque la satisfaction au travail est constituée d’au moinscinq composantes : la tâche, les relations avec lessupérieurs hiérarchiques, les relations avec les collègues,les possibilités de promotion et la rémunération (Francès,1986, Miceli & Lane, 1991).

Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

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2. Méthodologie

2.1. Terrain de l’étude et échantillon

L’enquête a été réalisée dans une entreprise industriellede taille moyenne située à Marrakech (Maroc). Créée en1976, elle appartient au secteur privé. Les questionnairesont été administrés pour un échantillon de 100 personnes.Le taux de retour fut de 60 %.

La population interrogée est formée de salariés ayant descontrats à durée indéterminée. Elle est représentative dutaux de féminisation, et s’étale sur toute la longueur de lahiérarchie. L’ancienneté moyenne dans l’entreprise est de10 ans, mais elle n’a aucune signification puisquel’étendue entre le minimum et le maximum est trèsgrande, elle varie de 8 mois à 22 ans. L’âge varie de 20 à47 ans.

2.2 Modèle de la recherche

L’objectif de cette recherche étant d’étudier l’impact de laperception de l’équité sur la satisfaction à l’égard de larémunération et de celle-ci sur la satisfaction au travaildans un contexte marocain, nous avons repris une partiedu modèle de Summers et Hendrix (1991) pour le tester.

2.3. Mesure des variables

n Mesure de l’équitéLa perception de l’équité à été mesurée par 8 items. Cesquestions inspirées de celles de Summers et Heindrix(1991) et celles de Temblay (1991) repose sur l’hypothèseque l’équité ne peut s’évaluer que grâce à descomparaisons. Contrairement à Summers et al (1991),nous avons émis l’hypothèse que l’équité comporte 3notions : interne, externe et individuelle. Leur moyennerespective dans notre échantillon est de 3.33, 2.33 et 2.5.

Les répondants devaient indiquer sur une échelle de 1 à 5(très basse, basse, équitable, haute, très haute), commentils jugeaient leur rémunération par rapport à :n leur quantité de travail, leur expérience, leur

productivité, leur ancienneté et leur qualifications(équité individuelle)

n leurs collègues de travail, aux salariés de leursentreprises qui effectuent le même travail qu’eux(équité interne)

n par rapport à certaines personnes en dehors de leurentreprise (équité externe)

La perception de chacune de ces équités a été convertie enune mesure.

n Mesure de la satisfaction à l’égard de la rémunérationCette variable est mesurée par trois items : «je suis satisfaitde ma rémunération» ; «je suis satisfait du mode de calculde ma rémunération» ; «je suis satisfait du montant de marémunération». Les répondants, devaient indiquer leursniveaux de satisfaction sur une échelle de Lickert à 5 points.Le coefficient de fiabilité alpha est de 0.79.

n Mesure de la satisfactionNous avons opté, comme Roussel, Summers et Heindrix,pour le questionnaire MSQ3 qui constitue l’échelle la plusutilisée dans les recherches internationales. Il est appréciépour ses qualités de validité interne et externe puisqu’il

prend en compte le plus grand nombre de dimensions del’emploi (20 items). Le coefficient de fiabilité alpha quenous avons obtenu est satisfaisant puisqu’il est de 0.68.

2.4. Méthodologie

Notre objectif est de vérifier si, dans le cas de cette PMEMarocaine, l’équité explique la satisfaction à l’égard de larémunération, et si celle-ci possède une influence sur lasatisfaction générale au travail. Pour vérifier ces deux

Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

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FIGURE 1

Modèle de recherche

Equité :n internen externen individuelle

ç çSatisfaction

à l’égard de la rémunération

Satisfaction au travail

Les flèches traduisent les hypothèses suivantes :H1 : Le sentiment d’équité interne, externe et individuelle influe sur la satisfaction à l’égard de la rémunération.H2 : La satisfaction à l’égard de la rémunération influence la satisfaction globale au travail.

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liens de causalité, nous allons donc procéder à desrégressions. Nos variables étant mesurées par des échellesde Lickert, une des premières conditions de la régressionest satisfaite. Toutefois, avant d’entreprendre cetteanalyse, la condition de l’indépendance des trois sous-variables de l’équité (interne, externe et individuelle) doitêtre vérifiée, ainsi que les différentes hypothèsesconcernant la normalité de la distribution, à savoir :n la distribution des erreurs suit une loi normale ;n les erreurs sont indépendantes de toutes les variables

explicatives ;n absence de corrélation des erreurs entre elles.

L’utilisation du logiciel des traitement statistiques(SPSS), nous a permis de calculer le coefficient dedétermination (R2), de procéder au teste (F) de Fisher-Snedecor et de Student et enfin d’examiner la valeur desrésidus. Ces différents résultats seront présentés etcommentés dans la partie qui suit.

3. Résultats 3.1. L’équité n’est pas liée à la satisfaction à l’égard de la rémunération

Pour vérifier et évaluer l’importance de la liaison entre lestrois types d’équité, nous avons utilisé une régressionmultivariée. Malheureusement, l’examen préliminairedes corrélations entre les trois types d’équité montrequ’elles varient entre 0.53 et 0.721. La collinéarité étanttrès forte, la régression multiple ne peut être envisagée.Nous avons donc effectué une analyse en composantesprincipales. Une régression devient alors possible car lesnouveaux axes par construction sont alors indépendants.Les variables explicatives se réduisent à une composante.A partir de la deuxième variable (équité, interne etexterne), nous rencontrons un point d’inflexion : ces deuxvariables expliquent, à elles seules, 90% de l’équité.

La communalité étant très forte pour l’équité interne etexterne, cet axe, que nous utilisons pour la régression,représente donc bien ces deux variables.

Le test de l’hypothèse de l’existence d’une relationlinéaire entre l’équité et la satisfaction à l’égard de la

rémunération ne nous a pas permis de vérifier l’hypothèseH1. La satisfaction à l’égard de la rémunération n’est pasliée à la variable équité. Ceci infirme l’hypothèse dedépart qui établit cette relation.

3.2. La satisfaction à l’égard de la rémunération explique 41 % de la satisfaction au travail

L’hypothèse d’une relation de causalité entre lasatisfaction à l’égard de la rémunération et la satisfactionau travail a été vérifiée. La corrélation entre ces deuxvariables est élevée (0.47) et significativement différentede 0 (F=.001). La satisfaction à l’égard de larémunération explique 37% de la variation de lasatisfaction au travail. La liaison est évidemmentpositive, la valeur du F test étant très élevée, elle nouspermet de rejeter sans risque l’hypothèse nulled’indépendance entre ces deux variables. Naturellement,l’analyse des résidus répond aux hypothèsesd’application de la régression.

La partie suivante nous permettra d’expliquer cesrésultats dont l’un peut paraître surprenant.

4. Discussions, limites et conclusion

4.1. Discussions et limites

n Equité et satisfaction à l’égard de la rémunérationContrairement à Summers et Heindrix, l’équitén’influence pas la satisfaction.Les mesures de l’équité sont très discutées, par exempleBerkowtz (1987), montre que ce sont les avantagesmatériels associés au niveau de vie, les satisfactionsintrinsèques, qui représentent le plus l’équité et, qui, donccontribuent le plus à prédire la satisfaction. Or, nous

n’avons pas intégré ce type de variables dans notrequestionnaire sur l’équité. D’autres auteurs montrent quela valence de la paie est un bien meilleur prédicteur de lasatisfaction à l’égard de la rémunération que l’équité,Lawler (1971).

Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

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TABLEAU 2

Facteur Valeur propre Variance expliquée % Variance cumulée

Equité interne 2,38 79,42 79,42

Equité externe 1,89 11,29 90,72

Equité individuelle 0,86 9,28 100,00

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Comme nous l’avions précisé dans la partieméthodologie, l’équité à été mesurée par 8 items, lesemployés devant noter sur une échelle de 1 à 8 leurperception de l’équité. Cette méthode a été choisie dansun souci de respecter le critère d’objectivité. Toutefois,l’équité étant un concept totalement subjectif, il auraitpeut être fallu, comme Summers et Heindrix demanderaux interviewés, sur ces 8 critères quels étaient ceux quileur semblaient les plus importants dans l’évaluation deleur rémunération. Ceci afin de pouvoir donner un scoreà l’équité globale, qui, aurait été calculé en transformanten une seule et unique mesure les scores des trois critèresque les individus considéraient comme les plusimportants. Cette mesure aurait permis d’insister sur lefait que les référents de l’équité sont de nature trèsdifférente chez chaque individu. Parallèlement, lescritères de l’équité doivent aussi dépendre de la culture.Une étude qualitative préalable nous aurait permisd’intégrer des items liés à la culture dans cequestionnaire. Ainsi, Scholl et al (1987) ont montré que lepouvoir de prédiction de l’équité sur les comportementsau travail est fonction de la nature des référents.

L’infirmation de cette hypothèse pourrait aussi s’expliquerpar la nature de notre terrain d’étude. Les caractéristiquesdémographiques des salariés nous paraissent capitales :l’ancienneté moyenne est de 10 ans et, est très fortementcorrélée à l’âge qui varie de 20 à 47 ans. Cette entreprise aune pyramide d’âge en forme de poire écrasée (Benraïss,Marbot & Peretti, 2000). Or, Tremblay (1991) a prouvé quela perception de l’équité s’accentue et s’affine avec l’âge etl’ancienneté. Notre population étant très jeune, l’équité nesemble pas être un critère pertinent pour cette population.Dans notre précédent article, nous avions découvert que cessalariés possédaient des attentes spécifiques en matière depromotion et de carrière. Ces variables auraientcertainement dues être intégrées dans la mesure de l’équité.

Ce résultat peut aussi provenir des deux principaleslimites de notre étude.

La première est que notre questionnaire était trop long etdonc très difficile à administrer. C’est aussi la raison pourlaquelle, de nombreux questionnaires n’ont pas étéutilisables. Les réponses n’étaient pas complètes. Notreéchantillon est donc relativement faible

La deuxième réside dans le fait que, d’une part, notreenquête s’est déroulée dans une seule PME marocaine.Les résultats n’ont donc aucune validité externe. D’autrepart, elle ne concerne que les employés. Il aurait étéintéressant de l’élargir aux cadres et aux ouvriers.Parallèlement, une comparaison avec la France aurait étésouhaitable pour expliquer nos résultats par desdifférences culturelles dans la perception et la gestion del’équité.

Satisfaction à l’égard de la rémunération et satisfactionau travail :

Comme la majorité des études, notre recherche, aparfaitement établi et confirmé la relation entre lasatisfaction à l’égard de la rémunération et la satisfactionau travail (Roussel, 1996).

Toutefois, il aurait fallu affiner notre étude en comparantdans différentes catégories sociales, la part que lasatisfaction salariale explique dans la satisfaction autravail. Quoiqu’il en soit, même si la part de la varianceexpliquée n’est pas très forte, ce résultat nous semblepertinent puisque d’autres études ont montré que lesaspects intrinsèques liés au travail étaient les principauxdéterminant de la satisfaction au travail.

4.2. Conclusion

Cette étude nous a permis d’explorer un nouveau terrain.Nous n’avons pu valider qu’une partie du modèle testé. Cerésultat soulève la question primordiale de l’universalité del’équité. Si l’équité est une notion universelle, lequestionnaire et l’échantillon de notre étude sont à remettreen cause. Si la réponse est négative alors la spécificitéculturelle du Maroc exige des solutions innovantes pourconduire à la satisfaction envers la rémunération. Cestravaux pourraient alors entrer dans le cadre de la gestionprévisionnelle des emplois et des compétences etnotamment des «Parcours Professionnels Personnalisés»(Peretti, 1998) en démontrant qu’il est nécessaire deprendre en compte le caractère culturel, individuel etsubjectif de l’équité . En effet, les seuls leviers d’actionefficaces pour diminuer les conséquences négatives del’inéquité, c’est à dire, dans le cas de notre étude,l’insatisfaction, naissent de la connaissance par l’entreprisedes attentes de ses employés.

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Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

Laïla BENRAISS, Jean-Luc CERDIN, Eléonore MARBOT, Jean-Marie PERETTI

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Notes1 (Lawler 1971, Dyer & Theriault 1976, Weiner 1980,

Theriault 1983, Heneman & Schwab 1985, Miceli & Lane1991).

2 Pour Francès (1986), lorsque les travailleurs sont insatisfaitsde leur emploi, la corrélation entre l’importance qu’ils yattachent et la satisfaction hors travail est négative : moinscette importance est grande, plus ils sont contents de leur viehors travail.

3 i MSQ : Minnesota Satisfaction Questionnaire (Weiss, Dawis,England et Lofquist 1967-1977) version française :P. Roussel (1994).

Etude de l’influence de l’équité sur la satisfaction des employés. Cas d’une PME marocaine

Laïla BENRAISS, Jean-Luc CERDIN, Eléonore MARBOT, Jean-Marie PERETTI

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L’équité : stratégies de comparaisonet choix des référents. Cas des cadres marocains

Laïla BENRAÏSSDoctorante, CEROG, IAE, Aix-en-Provence)

[email protected]

Jean-Marie PERETTIProfesseur, ESSEC, Cergy Pontoise)

[email protected]

«Les biens en circulation sont réductibles à une échelle de mesure unique, les personnes en présence

semblent être des machines comptables uniformisées et abstraites,

«le marché de la justice» paraît transparent.» Homans (1961).

Les recherches sur les formes et le rôle du sentiment dejustice dans les relations sociales, et plus particulièrementdans des groupes restreints se sont multipliées. Ellestraitent des réactions à l’injustice, des perceptions variéeset conflictuelles du «juste», des corrélations entre typesde groupes et normes de justice et de l’impact des diverssystèmes de répartition sur la dynamique des relationsinterpersonnelles (Adams, 1963, 1965 ; Lawler, 1971 ;Walster et al., 1978 ; Thériault, 1983 ; Greenberg etCohen, 1982 ; Messick et Cook, 1983 ; Summers etHendrix, 1991 ; Igalens et Roussel, 1996 ; Blau,1999 ; …). Ces études recensées sont doublementoccidentales : par leur auteur et par leur terraind’observation. Il faut donc se garder d’extrapoler àd’autres cultures des modèles réalisés dans des conditionsparticulières et spécifiques à une population/culturedonnées.

La présente étude vient compléter une rechercheantérieure menée par Benraïss et al. au Maroc sur l’effetde l’équité sur la satisfaction au travail (Benraïss, Cerdin,Marbot et Peretti, 2000) . Ces auteurs n’ont pas pu établirce lien. Le questionnaire qu’ils ont administré (Summerset Hendrix, 1991) ne tient, en effet, pas compte desspécificités culturelles de ce pays : les règles de «justice»jugées légitimes changent du tout au tout. Les mesures del’équité, notion a très forte connotation subjective,doivent tenir compte de la culture et de l’identité propre àce pays et à ses entreprises.

Cet article se propose donc, à travers une étudequalitative, de faire ressortir les différentes figures del’équité propres à ce contexte, de mettre l’accent sur lesdiverses stratégies de comparaison mises en place par lescadres des entreprises marocaines, ainsi que le «parrapport à qui» ou le point de comparaison de cettecatégorie d’employés.

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I. La théorie de l’équité : définition et principeCette théorie stipule qu’une personne compare sescontributions et ses retributions à celles d’une autrepersonne considérée comme point de repère (Adams,1963). Un état d’inéquité existe au moment où quelqu’unperçoit que le ratio de ses contributions et de sesretributions n’est pas égal à celui de la personne à laquelleil se compare (Adams, 1984 ; Francès, 1981). Ce choix del’autre sera précisé plus loin. L’inégalité entre cesrapports peut être négative, le sujet perçoit un sous-paiement et, de là, éprouve un sentiment d’inéquité, defrustration comparative et une insatisfaction quant à sonsalaire. Si elle est positive, le sujet se sent surpayé et tendà être insatisfait par cette forme inverse d’inéquitégénératrice d’inquiétude et d’insécurité (Thériault, 1983).Quelle soit positive ou négative l’inéquité poussel’individu à chercher un moyen de la réduire. Parmi lesmoyens dont il dispose il peut :1. modifier ses contributions ou ses retributions ;2. quitter la situation qui provoque cet état de tension ;3. modifier psychologiquement ses contributions ou ses

retributions ;4. modifier psychologiquement les contributions ou les

retributions de la personne à laquelle il se compare ;5. forcer l’autre à quitter la situation dans laquelle il se

trouve ;6. changer de point de référence.

Toutefois, il subsiste un flou dans la notion centrale«l’équité» qui met en cause la rigueur de la théorie : n Elle ne dit rien des modalités de sélection des

contributions jugées subjectivement pertinentes àl’échange, ni des facteurs ou processus susceptibles demoduler ce choix.

n Elle omet aussi de tenir compte de l’ambivalence deséléments : un facteur donné (haut niveau deresponsabilité au travail, par exemple) peut êtreconsidéré aussi bien comme un aspect de la rétributionque comme une partie de la contribution.

n Elle postule, enfin, que les contributions sontréductibles à une même échelle métrique.

II. Le processus de comparaisonHomans (Austin, 1977 ; Shepelak & Alwin, 1986), situela comparaison principalement au plan local. Saperspective se limite donc à une comparaison faite dans

l’instant, avec telle ou telle personne se trouvant àproximité. Des travaux ultérieurs ont montrél’insuffisance de cette conception. En effet, ces points decomparaison peuvent tout aussi bien être composés d’unensemble de personnes à l’intérieur ou à l’extérieur del’organisation que de situations qui servent de normes àl’individu. Ces points de comparaison varient égalementen fonction des caractéristiques des individus(ancienneté, âge, sexe…).

Critères internes ou comparaison sociale

Dans leurs jugements de «justice», les acteurs recourenten fait à deux genres très différents de comparaison(Messé & Watts, 1983). D’une part, ils s’évaluentlocalement et globalement, par rapport à autrui ; d’autrepart, ils utilisent des critères internes, à savoir des attentesorganisées par l’expérience, soit très antérieurement àl’échange en cours, soit au cours des diverses phases decelui-ci. Il s’agit en quelque sorte, d’une référence à soi-même comme somme de divers rôles. On retrouve lamême idée chez Weick (1966) : il y a sentimentd’injustice, indépendamment de la comparaison avec untiers, si la rétribution est inférieure aux standardspersonnels. Y a t-il alors priorité d’une forme decomparaison sur l’autre ? Certains travaux d’Austin(1977), suggèrent que du moment qu’un acteur peut secomparer valablement à autrui, les critères internesdeviennent inopérants. Cependant, Messé & Watts(1983), ont montré que la comparaison sociale joue unrôle important dans le jugement de justice lorsque larétribution est sensiblement inférieure aux standardsinternes des sujets, mais qu’elle n’a qu’un faible impactlorsque la personne s’estime bien payée. Autrement dit,une rétribution donnée, perçue comme suffisante, n’estpas nécessairement jugée moins juste parce quequelqu’un d’autres a reçu davantage. Par contre, untraitement jugé injuste en soi est d’autant plus ressenticomme tel qu’autrui est mieux loti, (Kellerhals & al.,1988).

Comparaisons interpersonnelles

Il importe de distinguer deux types d’autrui les«semblables» et les «différents», selon qu’ilsappartiennent ou non à la même catégorie (groupeprofessionnel, sexe, classe d’âge etc.) Cette distinction estimportante dans la mesure où il en résulte diversesréactions à l’inéquité (Martin & Murray, 1983). Lacomparaison avec les semblables se traduit par unmécontentement et des réactions individuels. Lacomparaison avec les différents conduit plutôt à unpartage du mécontentement et à des réactions collectives(Kellerhals, Coenen-huther et Modak, 1988).

L’équité : stratégies de comparaison et choix des référents. Cas des cadres marocains

Laïla BENRAÏSS, Jean-Marie PERETTI

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Théorie du statut

Pour Berger & al. (1972), on rattache aux statuts lavalorisation de certains objectifs (goal-objects), decertaines rétributions, plutôt que d’autres. Des catégoriesd’acteurs sont vus comme appréciant le calme et ladouceur alors que d’autres préfèrent l’animation et lamobilité, quelques-uns aiment les responsabilités d’autresn’aspirent qu’à la routine, etc. C’est ainsi que lesrétributions potentielles ont des significations trèsdifférentes selon les statuts auxquels sont associés lesacteurs. L’équité est alors définie comme l’attribution derétributions adéquates (en terme de statut) à uneperformance jugée elle-même adéquate. L’idée deproportionnalité est remplacée par celle decorrespondance.

III. Méthodologie de l’étude

1. Modalités de l’enquête

L’enquête a été réalisée, par entretien semi-directif, pourlaisser la possibilité à l’enquêté d’exprimer son point devue relatif à sa propre perception de l’équité.

Les interviews, d’une durée de vingt à quarante cinqminutes, ont été effectuées pendant les périodes detravail, à l’heure que les interviewés ont choisi. Nousavons procédé à l’enregistrement des entretiens pouranalyser leur contenu ultérieurement.

Le guide d’entretien (voir annexe), comporte troisquestions clefs dont l’ordre diffère d’un sujet à l’autre.

1. La question : «selon vous, qu’est ce qu’unerémunération juste ?», nous a permis de déceler leséléments que le cadre prend en compte pour évaluer sarémunération, ainsi que tout ce qu’elle est censéeprendre en compte.

2. La question : «Quels sont les critères qui légitiment lesdifférences entre deux personnes occupant le mêmeposte en terme de salaire ?», ouvre un débat sur lescritères de légitimité des différences salariales au seinde l’entreprise.

La question : «Quand vous jugez votre rémunération parrapport à qui vous vous comparez ?» rend compte, quantà elle, du référent choisi par l’employé, ce qui nous apermis de comprendre sa stratégie de comparaison.

2. Procédure

L’enquête a été réalisée dans quatre entreprises situées àMarrakech (Maroc), trois d’entre elles sont de typeindustriel privé de taille moyenne, la quatrième est unOffice appartenant au secteur public.

Notre échantillon fut de 40 cadres contactés et interrogéssur le lieu de travail. L’âge moyen étant de 38 ans, et leurancienneté supérieure à 5 ans. Tous les cadres interviewéssont mariés avec ou sans enfants à charge.

TABLEAU 1Répartition des sujets interrogés par secteur,

par sexe et par âge

Le choix d’une population formée uniquement de cadresa été guidé par le souci de remédier aux différents biaisque peut poser la traduction des entretiens. En effet, lestatut cadre requiert un minimum de formation et doncune aptitude à parler couramment la langue française, cequi n’est pas le cas des ouvriers.

3. Exploitation des données qualitatives :l’analyse de contenu thématique

Pour mieux cerner la problématique de l’étude, le choixdes référents, et comprendre son fonctionnement dans cecontexte, nous avons opté pour une méthode d’analysecatégorielle thématique, une des méthodes d’analyse decontenu (Bardin, 1980), utilisant comme support lesentretiens réalisés. En effet, si les données quantitativesdonnent lieu à des «analyses de données», le matérielrecueilli par des études qualitatives donne lieu à des«analyses de contenu» : contenu du discours pour unentretien non directif ou semi-directif.

Selon Bardin (1980), «l’analyse de contenu est unensemble de techniques d’analyse des communicationsvisant, par des procédures systématiques et objectives dedescription des messages, à obtenir des indicateurspermettant l’inférence de connaissances relatives auxconditions de production/réception de ces messages».

L’équité : stratégies de comparaison et choix des référents. Cas des cadres marocains

Laïla BENRAÏSS, Jean-Marie PERETTI

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FemmeOffice

Tranche d’âge

30-40 ans

0

41-50 ans

0

> 50 ans

3

Total

3

HommePublic 4 4

3

4 12

FemmeEntreprises 5 1 9

HommePrivés 5 4 7 16

Total 14 11 15 40

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Il existe de nombreux types d’analyses de contenu. On ale plus souvent recours en sciences de gestion, à desanalyses catégorielles thématiques, où le thème est l’unitéde découpage, de codage puis d’analyse (Palmero, 1997).

C’est la méthode que nous retiendrons car elle s’appliqueparfaitement à l’objectif de cette phase qualitative : faireressortir les thèmes jugés pertinents.

IV. Résultats et discussion1. les déterminants d’une «rémunération juste»

Avant de les analyser en profondeur, commençons toutd’abord par résumer les entretiens réalisés.

Nous pouvons remarquer que la qualification, l’âge, lesbesoins ainsi que le sexe sont plus fréquemment citéscomme déterminants d’une «rémunération juste».

a. QualificationLe terme «qualification» revêt deux significationsdifférentes selon la tranche d’âge des cadres. Pour lesplus jeunes, (30-40 ans), il signifie «diplômes» et pour lesplus âgés, (plus de 50 ans), il signifie «expérience».Chacun revendique un meilleur salaire sous l’étiquettequalification mais pas pour les mêmes raisons.Indépendamment de la tranche d’âge à laquelle ilsappartiennent, les cadres aussi bien du privé que dupublic ont tendance à surestimer leur potentiel et à vouloirêtre rémunérés en prenant de plus en plus compte de cettecaractéristique : «pour moi, une rémunération juste doitavant tout tenir compte des qualifications de l’individu…de ce qu’on est capable de faire…»

b. Age et besoinsç Age et ancienneté :

A la question : «Quels sont les critères qui légitimentles différences entre deux personnes occupant le même

poste en terme de salaire ?», les plus de cinquante ansestiment qu’il est plus «juste» et plus légitime que larémunération prenne en compte l’âge et l’ancienneté.Alors que les plus jeunes estiment injuste, unerémunération privilégiant ces deux critères, et qu’ilserait plus équitable de les remplacer par lacompétence, la performance ou encore la qualificationdites «critères objectifs».

ç Age et satisfactionNous avons constaté une quasi-absence de référentsphysiques pour la catégorie d’employés de 50 ans et plus :«du moment que je suis arrivé à satisfaire mes besoins etceux des mes enfants, je suis très satisfait… nous avonstoujours mangé à notre faim». En effet, ils ressentent unimmense contentement de leur situation actuelle etn’aspirent pas à la changer du moment qu’elle leurpermet de subvenir à tous leurs besoins les plus basiques.

Pour ces employés, la pyramide de Maslow s’arrêterait-elle aux besoins physiologiques ? Les plus jeunesauraient-ils plus d’aspirations à réaliser des besoins plusélevés ?

En fait, ayant commencé leur carrière au début des annéessoixante dix, les cadres quinquagénaires d’aujourd’huin’ont pas connu que des périodes fastes. Ayant accédés àleur situation actuelle (cadre) à la suite de promotionssuccessives, le souvenir de ces périodes est toujoursprésent dans leur esprit ; d’où un critère de satisfactiontrès différent de celui exprimé par les jeunes cadres. Cesderniers n’ayant pas le même vécu semblent être plusexigeants.

A cette différence de vécu de cette tranche d’âge desquinquagénaires s’ajoute un rattachement plus fort à desvaleurs culturelles (mélange de tradition et de religion)qui font que l’individu soit très vite satisfait de sasituation (à ne pas confondre avec un manqued’ambition). Ces valeurs culturelles, beaucoup moinsprononcées, chez les jeunes cadres font que ces derniersexpriment plus leur insatisfaction.

TABLEAU 2Nombre de verbalisation de certains déterminants d’une «rémunération juste»

L’équité : stratégies de comparaison et choix des référents. Cas des cadres marocains

Laïla BENRAÏSS, Jean-Marie PERETTI

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Qualification(potentiel)

Travaileffectué Besoins Expérience

passée Age/ ancien. Sexe

9

Niv.hiérarchique

Office pub. 12 3 9 4 11 6

11Ent. privées 20 9 15 5 12 8

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c. Sexe68% des interviewés mariés, de sexe masculin ont faitréférence à leur épouse, estimant qu’il est «logique» queleur rémunération soit supérieure à celle de leur conjoint«si c’est elle qui gagne le plus, alors c’est elle l’homme!».En effet, ils estiment que la part d’influence que chaqueconjoint possède dans les décisions familiales estproportionnelle à ses apports en terme de salaire.Considérant le pouvoir comme une ressource rare parmid’autres et en suivant le raisonnement d’Adams, la partrevendiquée doit être proportionnelle aux apports. Or,Mirowsky (1985), a noté que la part d’influence quechaque conjoint estime juste d’avoir, dépend plus dustatut social et des normes culturelles que de la valeurobjective des contributions des époux.

Ce genre de points de comparaison, assez évoqué, est trèsdifficile à cerner par l’entreprise. En effet, chaqueemployé se positionne dans un référentiel propre à soncontexte socio-culturel. Le caractère inconnu des facteursqui suscitent l’établissement d’un tel référentiel rendentdifficile l’élaboration - par l’entreprise - d’une politiquecohérente de gestion des rémunérations.

Conclusion

Dans le contexte socio-culturel marocain, nous avonsmontré que le référentiel établi par les cadres pour jugerleur rémunération repose sur quatre déterminantsprincipaux : la qualification, l’âge, les besoins et le sexe.D’un point de vue managérial, une politique de gestiondes rémunérations doit tenir compte aussi bien de cesquatre déterminants que des processus, sous-jacents, deleur mise en place.

2. Le choix des référents

L’analyse des données recueillies auprès des cadres desquatre entreprises apporte d’importantes précisions ausujet des points de comparaison et des caractéristiquesindividuelles reliées à leur choix.

Il ressort de ce tableau que la notion d’individu invoquéepar Adams (1963, 1965), bien que pertinente, a une portéelimitée. Les points de comparaison ne sont pasuniquement d’autres personnes travaillant à l’intérieur ouà l’extérieur de l’organisation. En effet, le passé commele futur professionnel de l’employé ainsi que ses besoinssemblent être des points de référence importants.

Le choix de ces points de comparaison ne relève pas duhasard.

L’équité : stratégies de comparaison et choix des référents. Cas des cadres marocains

Laïla BENRAÏSS, Jean-Marie PERETTI

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TABLEAU 3Principaux points de comparaison des cadres

Points de comparaison Nombre Fréquence (%)

Autres personnes à l’intérieur de l’organisation 7 17.5

Autres personnes à l’extérieur de l’organisation 5 12.5

Passé professionnel 7 17.5

Futur professionnel 5 12.5

Besoins de l’individu 6 15

Valeur du cadre (selon lui) 5 12.5

Situation idéale (telle que perçue par le cadre) 3 07.5

Autres 2 05

Total 40 100 %

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TABLEAU 4Relations entre les divers points de comparaison

et certaines caractéristiques individuelles et organisationnelles

Le tableau suivant présente les principales relationsidentifiées entre un certain nombre de caractéristiquesindividuelles et organisationnelles et les divers points decomparaison.Il ressort de ce tableau que le choix des points decomparaison est relié d’une façon particulière auxcaractéristiques individuelles et organisationnellessuivantes :1. Autres personnes à l’intérieur de l’organisation :

individus ayant un niveau d’études relativement faible,une ancienneté moyenne, situés à un niveauhiérarchique assez élevé et ayant un salairerelativement bas.

2. Autres personnes à l’extérieur de l’organisation :individus ayant un niveau d’études relativement élevé,situé à un niveau hiérarchique supérieur et ayant unsalaire relativement élevé.

3. Passé professionnel du cadre : individus ayant unefaible estime de soi, assez âgés, à niveau d’études trèsmoyen et un salaire relativement faible malgré uneancienneté moyenne.

4. Futur professionnel du cadre : individus, jeunes, dontl’estime de soi est très élevée, à niveau d’études élevé,ayant peu d’ancienneté et un salaire relativement faiblemalgré qu’ils occupent des postes hiérarchiquesmoyens.

5. Besoins de l’individu : individus dont l’estime de soiest relativement faible, appartenant à la tranche d’âgedes plus de cinquante ans, à très fortes convictionsreligieuses.

6. Valeur du cadre à ses propres yeux : individus, assezjeunes, ayant peu d’estime de soi, peu d’ancienneté,très scolarisés, occupant un niveau hiérarchique élevéet recevant un salaire relativement faible.

7. Situation idéale perçue par l’employé : individus ayantde très hauts niveaux aussi bien d’études quehiérarchique et dont le salaire est conséquent à leursresponsabilités.

Ces résultats sont très importants dans la mesure où ilsnous permettent de constituer une typologie de cadresselon leur points de comparaison.

Conclusion

Nous avons établi l’existence de points de comparaisonchez la totalité des cadres interviewés. Dans lesentreprises de type privé, ce résultat n’était pas prévisiblepar les politiques mises en place. En effet, dans cesentreprises, nous avons noté la présence de ce que l’onpeut appeler «une politique de salaires secrets». Cettepolitique a été adoptée pour empêcher les comparaisonsentre les individus et limiter ainsi leurs insatisfactions. Nos résultats vont dans le sens de ceux prédits par lathéorie sur les comparaisons sociales (Festinger, 1954) etpar certaines études portant sur la notion d’équité(Homans, 1961 ; Adams, 1965). En effet, en l’absence depoints de comparaison objectifs, les individus onttendance à se comparer aux autres individus constituantpour eux un groupe de référence. Les caractéristiquespertinentes de ces individus sont alors évaluées ouestimées suivant les perceptions de la personne qui secompare. Ainsi, au lieu d’empêcher les comparaisons,une politique de salaires secrets les favorise et lesdiversifie en quelque sorte (Lawler, 1967).Dans l’office public étudié, les informations sur lessalaires sont disponibles et chaque cadre peut en fonctionde l’ancienneté et du grade estimer la rémunération deson collègue. Cependant, nous avons relevé – grâce à une

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36

Points de comparaison Estime de soi

Caractéristiques idndividuelles et organisationnelles

Âge Niveaud’études Ancienneté Niveau

hiérarchique SalaireValeurs

issues dela religion

Personne à l’intérieur de l’organisation - + + -

Personne à l’extérieur de l’organisation + ++ +

Passé professionnel - + -- + - -

Futur professionnel ++ - + - + -

Besoins de l’individu - ++ + ++

Valeur de l’individu à ses propres yeux - - ++ - ++ -

Situation idéale ++ ++ ++

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analyse en profondeur des entretiens - que malgré laprésence de l’information sur les salaires et donc despoints de comparaisons objectifs, les cadres continuent àse comparer à d’autres personnes à l’extérieur de leurorganisation en fonction de critères individuels établis parchacun d’entre eux. C’est ce qu’on appelle dans lalittérature, l’équité individuelle (Milkovitch et Newman,1990 ; Tremblay, 1991 et Thériault, 1991).

III. Conclusion généraleL’objectif de cette étude est de déceler les points decomparaison des cadres marocains en prenant en compteles facteurs culturels qui leur sont propres. D’une part,nous avons montré que chaque cadre établit ses proprescritères et caractéristiques personnelles pour juger del’importance relative de sa rémunération. Parmi tous lescritères recensés quatre semblent être importants : laqualification, l’âge, les besoins et le sexe. Le contexteculturel est à l’origine de la prédominance de ces quatrefacteurs.

D’autre part, nous avons établi une typologie de cadresselon leur points de comparaison. En effet, les cadresdéfinissent un point de comparaison spécifique enfonction de leurs propres caractéristiques individuelles etorganisationnelles ; chez les quarante cadres étudiés c’estl’équité individuelle qui domine.

Il serait pertinent d’étendre le terrain de cette étude enincluant des cadres appartenant à d’autres catégoriesd’entreprises (autres secteurs d’activité, autres tailles…).D’un point de vue managérial, ceci permettra auxdécideurs, en maîtrisant les facteurs à l’origine du sentimentd’équité chez les cadres, de mieux gérer cette catégoried’employés et de maximiser leur satisfaction au travail.

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ANNEXE 1GUIDE D’ENTRETIEN

Selon vous, qu’est ce qu’une «rémunération juste» ?

Qu’est ce qu’elle doit prendre en compte ?

Est-ce que, selon vous, deux personnes qui ont le même poste peuvent gagner différemment selon leur âge, ancienneté…?

Ou :

Quels sont les critères qui légitiment les différences entre deux personnes occupant le même poste en terme desalaire ?

Quand vous jugez votre rémunération, par rapport à qui vous vous comparez ?

ANNEXE 2FICHE DE RENSEIGNEMENTS.

Sexe

q Feminin q Masculin

Age

q moins de 30 ans q 30 à 40 ans q > à 50 ans

Ancienneté

q moins de 5 ans q de 5 à 10 ans q de 10 à 15 ans q supérieure à 15 ans

Situation familiale

q Célibataire q Marié

Enfants à charge

q Oui q Non Nombre d’enfants à charge ............................................

Niveau d’études

q < au Bac q de Bac à bac + 2 ans q de Bac +2 à + 4 q supérieur à bac +4

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Les styles de management sont-ils sexués ? L’apport de la typologiede Myers-Briggs

Martine BRASSEURCEROG, IAE d’Aix-en-Provence

[email protected]

La féminisation des postes de responsable dans lesentreprises françaises est indéniable. Malgré tout, laproportion de femmes managers reste encorerelativement faible en regard du pourcentage de femmesdétentrices d’un diplôme de niveau supérieur, et surtouten comparaison de ce même rapport pour les hommes.Ainsi en France, 37,4% des hommes ingénieursoccupaient en 1993 les fonctions de chef d’entreprise,d’indépendant, de PDG ou de directeur, pour seulement11.9% des femmes ingénieurs (Gadea, 1999). Cephénomène, dont l’explicitation donne lieu à de largesdébats de société, soulève parfois la délicate question ducaractère sexué des styles de management. Certains vontmême jusqu’à affirmer que les hommes, de par leurpersonnalité, ont plus de facilités que les femmes àdévelopper le savoir - être nécessaire pour assumer lespostes de manager.

Par delà son caractère péremptoire, plusieurs postulatssous-tendent cette affirmation. Nous nous proposons deles traduire en questions de recherche. Les premièresconcernent la confirmation ou non du caractère sexué dela personnalité. Peut-on en appui sur des questionnairesde personnalité validés, faire ressortir de façonsignificative des types de personnalité plus féminine et àl’inverse des types de personnalité plus masculine ? Pourtenter d’apporter des éléments de réponses et enrichir laproblématique, nous avons exploité les résultats de 81profils de cadres ou d’étudiants, ayant passé lequestionnaire de personnalité MBTI, élaboré par Myers etBriggs (Cauvin & Cailloux, 1994) sur la base des théoriesde Jung (1920). Dans un deuxième temps, nous avonsrapproché nos résultats d’une précédente recherchemenée en 1997 visant à identifier les profils depersonnalité MBTI des managers. Nous avons pu ainsitraduire en termes de compétences managériales, lesdifférents traits de personnalité caractérisant d’après nosrésultats ou suivant un processus d’attribution sociale, leshommes et les femmes. Nous tenterons ainsi de répondreà l’interrogation centrale de cette recherche : les styles demanagement sont-ils sexués ?

La personnalité est-elle sexuée ?Définie comme «les caractéristiques d’une personne quiexpliquent ses schémas habituels de comportement»(Perrin, 1993, p.3), la personnalité est généralementconsidérée comme figée vers la fin de l’adolescence«sous sa forme complexe qui persistera sans grandschangements au cours de la vie adulte» (Nicholson, 1997,p.VIII). Selon Jung (1920), il existe trois dimensions dela personnalité (voir schéma 1), se définissant chacunepar leurs deux pôles opposés : l’orientation de l’énergie

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Orientation de l’énergie

Mode de Jugement

81Nombre total 38

soit introvertie (I), soit extravertie (E) ; la perception avecune dominante soit intuition (N), soit sensation (S) et lejugement privilégiant soit la pensée (T), soit lessentiments (F). Isabel Myers (1962) en a ensuite introduitune quatrième pour spécifier un certain type decomportement et contribuer à déterminer la structure dela psyché des 16 types de personnalité du MBTI (voirannexe 1) : le mode de vie ou manière d’être au mondeavec une préférence soit pour le jugement (J), soit pour laperception (P). L’approche jungienne propose ainsi à lafois une grille de lecture globale des attitudes et descomportements à travers la définition des dimensionsstructurantes de la personnalité et leur dynamiquebipolaire, et un mode de repérage et d’explicitation desdifférences entre personnes en fonction de leurpréférences «naturelles» pour l’un des deux pôles dechacune des dimensions. Il est essentiel de préciser quetoute forme d’évaluation, d’étiquetage ou de discoursnormatif sont absents des propos de Jung, pour qui toutesles préférences étaient aussi valables les unes que lesautres (Casas, 1990).

L’hypothèse initiale de cette recherche était que lapersonnalité n’est pas sexuée. Pour la conforter, nousavons donc procédé à la collecte des profils depersonnalité de 81 étudiants ou cadres en formationcontinue, préparant un diplôme de gestion à l’université1.Si nos résultats pour trois des dimensions de lapersonnalité ne sont pas significatifs d’une différence depositionnement entre les hommes et les femmes, larépartition par sexe sur la dimension de «Jugement» faitapparaître des tendances opposées de préférence (voirtableau 1).

Ainsi de faibles tendances générales apparaissent sur lapopulation étudiée, mais sans distinction significativeentre les hommes et les femmes. Elles concernentl’orientation de l’énergie (55.6% d’introvertis), laperception (58.0% d’intuitifs) et la façon d’être au monde(51.9% préfèrent l’adaptation de la perception). Les chi-deux de ces répartitions sont nettement inférieurs à 2.71,définissant la valeur critique pour un degré de liberté de 1et un risque de 10%. Il ressortirait donc comme

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Martine BRASSEUR

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SCHÉMA 1Les quatre dimensions de la personnalité du MBTI

Orientation de l’énergieI – Introversion E - Extraversion

(puise son énergie en interne) (prend son énergie en externe)

PerceptionS – Sensation N - Intuition

(perception par les sens, concrète) (perception intuitive, abstraite)

JugementT – Pensée F – Sentiments

(décisions en appui sur la logique) (décisions en appui sur les valeurs)

Mode de vieJ – Jugement P – Perception

(maîtrise de l’environnement) (adaptation à l’environnement)

Femmes Hommes Ensemble Chi-deux

I - Introversion 57.9% 53.5% 55.6%0.159

E - Extraversion 42.1% 46.5% 44.4%

Mode de Perception

S - Sensation 39.5% 44.2% 42.0%0.184

N - Intuition 60.5% 55.8% 58.0%

T - Pensée 26.3% 74.4% 51.9%18.7

F - Sentiment 73.7% 25.6% 48.1%

Façon d’être au monde

J - Jugement 47.4% 48.8% 48.1%0.017

P - Perception 52.6% 51.2% 51.9%

TABLEAU 1Répartition par sexe sur chacune des quatre dimensions du MBTI

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hasardeux, avec nettement plus de 10% de chance de setromper, de considérer que les hommes et les femmes ontun mode de fonctionnement différent sur ces troisdimensions de la personnalité. Les stéréotypes culturelsprésentant les femmes par exemple comme plus bavardesdonc plus extraverties ou encore plus intuitives que leshommes sont donc remis en question par nos résultats,confortés par ailleurs, par d’autres études réalisées àl’aide du MBTI sur des échelles plus importantes(Cauvin, 1998 ; Demarest, 1999).

Par contre, 73,7% des 38 femmes de notre populationpréfèrent prendre leurs décisions suivant un mode de typeF-sentiment, alors que 74.4% des 43 hommes optent pourle mode de type T-pensée. Ces résultats accentuent encorela tendance déjà relevée par d’autres chercheurs. LarryDemarest (1999), à partir d’une collecte de profilsréalisée de 1995 à 1997 aux Etats-Unis, a ainsi constatéque 59,56% des 549 femmes de son échantillon avaientune orientation F-sentiment, tandis que 77.25% des 334hommes se positionnaient en T-pensée. Enfin, le chi-deuxde notre répartition (voir tableau 1) est de 18,7 (ddl=1),alors que la valeur critique pour un risque de 1% est de6.64. Il est donc très fortement probable que le mode defonctionnement de la majorité des hommes et de lamajorité des femmes n’est pas identique sur cettedimension de la personnalité.

Comment interpréter ces résultats ?

1) La majorité n’est pas la totalité. Ces résultats nepeuvent pas signifier que le mode de fonctionnement detype F est par nature féminin tandis que celui de type Tserait masculin. Les femmes de type T sont des femmeset les hommes de type F sont des hommes ;

2) La question de l’inné et de l’acquis resteentièrement posée. Comme pour les gauchers que l’onforçait à écrire de la main droite, les préférences pour unpôle dans chacune des quatre dimensions peuvent êtrecontrariées par l’environnement éducatif et social.Elisabeth Badinter (1992) a décrit les processus desocialisation qui conduisent les petits garçons à semontrer plus assertifs et les petites filles plus conciliantes,tout en soulignant la part de la génétique dans ledéveloppement de la combativité masculine.

3) Sur cette dimension, le comportement de lamajorité des hommes et de la majorité des femmes estdifférent (voir tableau 3). Si les personnes T-pensée onttendance à minimiser les problèmes relationnels et mêmeà se montrer blessantes, elles témoignent d’un soucid’objectivité et d’un esprit critique affûté. Les personnesF-sentiments cherchent à préserver l’harmonierelationnelle, à résoudre les conflits sans violence. Parcontre, elles risquent «d’éteindre» les discussions etd’éviter toute forme de confrontation d’idées. Ellespeuvent également éprouver des difficultés à évaluer lessituations ou les personnes.

Ces différences de positionnement sur une desdimensions de la personnalité du MBTI peuvent-ellessuffire pour conforter l’hypothèse de styles demanagement typiquement féminins ou masculins ?

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TABLEAU 3Attitudes et Comportements comparés des T-pensée et des F-sentiments

(1re partie extraite de Myers-Briggs, 1987, p.28)

T-penséeEn situation professionnellen n’aiment pas montrer leur émotion et

se sentent mal à l’aise lorsqu’ils sont confrontés aux sentiments des autres, … ;

n peuvent heurter les sentiments des autres sans le savoir ;

n aiment analyser et organiser les choses logiquement ;peuvent se passer de rapports cordiaux dans le travail ;…

n tendent à être fermes et décidés.

Objectivité, Principes, Fermeté, Impersonnel, Convaincre, Juste, Critique

F-sentimentEn situation professionnellen sont très attentifs aux autres et à leurs sentiments, … ;

n aiment faire plaisir aux gens même pour de petites choses ;

n aiment vivre en bonne entente ; l’efficacité peut être diminuée par les inimitiés de travail ; …

n sont toujours prêts à écouter les autres.

Harmonie, Valeurs, Tolérance, Personnel, Persuasion, Humain, Empathique

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Les styles de managementsont-ils sexués ?Une première analyse pourrait nous conduire à affirmerque non. Ainsi, si l’on se réfère à une première typologiedes styles de management réalisée en appui sur le MBTI,il ressort que les différences entre les hommes et lesfemmes ne peuvent pas être considérées commesignificatives (voir tableau 4). De la même façon, le styledominant est celui de l’innovateur (NP), témoignant à lafois d’une grande créativité et d’une capacitéd’adaptation. Viennent ensuite le profil du professionnel,rigoureux et organisé, et celui du stratège, structurantl’action, dont il projette les répercussions sur l’avenir,sans que là encore aucunes déductions ne puissent êtretirées des variantes de classement. Enfin, le profil depragmatique (SP) arrive en dernière position.L’explication nous semble résider dans les spécificités denotre population en cours de formation et fortementsollicitée pour prendre du recul par rapport au terrain.

Malgré tout, lors d’une précédente recherche, menée dansun premier temps au Québec par Gaëtan Boisvert (1996)auprès de 410 gestionnaires publics, puis dans un deuxièmetemps auprès de 101 étudiants et 67 cadres en formationdans notre université, complétés par 43 californiens, tous sepréparant ou se perfectionnant pour exercer un métier dansle domaine de la gestion, nous avions analysé les tendancesde positionnement sur les quatre dimensions du MBTI deces managers potentiels ou actuels. Il en était ressorti que leprofil STJ (sensation-pensée-jugement) était majoritaire etreprésentait entre 26.7% et 37.6% des différentes groupesde sujets étudiés. Cette préférence avait soulevé un certain

nombre d’interrogations sur la capacité de ces différentespromotions en formation dans nos écoles de gestion, àporter le changement et l’innovation dans les entreprises.En effet, les STJ sont des personnes responsables etefficaces qui aiment les faits concrets et se fient auxraisonnements logiques. Fiables par respect des principesou sens du devoir comme de l’engagement mais aussi parrigueur intellectuelle, elles deviennent facilement lesconservatrices de l’héritage dans une organisation. Bienorganisées et tenaces, elles n’aiment pas l’inconnu et lessituations ambiguës. Fermes et impartiales, elles sontgénéralement attachées à une conception hiérarchique desrelations professionnelles (Krebs-Hirsh, 1998). S’ils sedéfinissent comme des «professionnels», les points faiblesdes ISTJ et des ESTJ peuvent les amener à découragerl’innovation au motif qu’elle ne s’appuie pas assez sur desfaits concrets ou qu’elle n’a pas fait ses preuves dans lepassé. Leur sens de l’organisation peut se transformer enroutine et en bureaucratisation (Cauvin & Cailloux, 1994).Ils peuvent également se montrer réfractaires auchangement ( Kersey & Bates, 1984).

Si l’on examine aujourd’hui, la répartition des profils depersonnalité MBTI des 38 femmes et des 43 hommes,recueillis en 2001 (voir tableau 5), deux constats peuventêtre faits : 1)La proportion de STJ chez les hommes (20,9%) est

plus importante que chez les femmes (7,9%). Si leChi-deux du tableau 4 (2,716 pour un ddl=1) nousindique qu’en affirmant que ces différences sontsignificatives, nous prenons un risque de 10%, lesrésultats de Larry Demarest (1999) confirment cettetendance : 29% des hommes étaient STJ pour 17.7%des femmes avec cette fois un Chi-deux de 15.67.

TABLEAU 5Proportion des STJ par sexe

Femmes Hommes EnsembleProfil de type STJ 7,9% 20,9% 14,8%15 autres profils 92,1% 79,1% 85,2%

Nombre total (100%) 38 43 81

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TABLEAU 4Répartition par sexe et grands types de profil MBTI

Type de profil MBTI Femmes Hommes Ensemble

NP : Innovateur 39.5% 30.2% 34.6%

SP : Pragmatique 13.2% 20.9% 17.3%

NJ : Stratégique 21.1% 25.6% 23.5%

SJ : Professionnel 26.3% 23.3% 24.7%

Nombre total (100%) 38 43 81

(Chi-deux = 2,716, ddl=1)

(Chi-deux = 1.456, ddl=3)

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Les hommes seraient-ils plus professionnels que lesfemmes et les femmes plus porteuses d’innovation et dechangement ? Le fait que le premier tempéramentreprésenté chez les 38 femmes de notre enquête de 2001,soit le profil NFP, à l’opposé du STJ (voir tableau 6),semble le confirmer. De même que le profil STJ figure endeuxième position chez les hommes et en sixième pourles femmes.

2)La part de STJ dans la population totale a diminuédepuis 1997. Femmes et hommes confondus, le profilSTJ était le plus représenté dans toutes les populationsétudiées. Cela tenterait de confirmer l’une de nosprécédentes hypothèses sur une augmentation dans lesnouvelles générations des profils plus intuitifs (N), enquête d’harmonie sociale (F) et adaptatifs (P), sans quenos données de 1997 nous permettent de trancher entrel’annonce d’une évolution des profils de managers etl’existence d’une contre-culture, tempérant les excèsbureaucratiques des STJ.

En 1997, cette hypothèse avait été confortée par lepositionnement comparé des cadres en formationcontinue et des étudiants, représentant potentiellement«la relève» des gestionnaires en poste. En effet, si l’on seréférait à la classification des organisations proposée parIan Mitroff (1983), la conception dominante était«l’organisation bureaucratique» (ST) chez les plusanciens et «l’organisation matricielle» (NT), tournée vers

l’avenir et l’innovation, chez les nouveaux2. On pouvaitégalement observer un glissement vers «l’organisationadaptative» (NF), tout aussi novatrice mais sans parti prispour la critique permanente de ses propres pratiques etplus en quête d’harmonie aussi bien interne que dans sonenvironnement, et à la recherche de cohérence avec sesvaleurs et sa culture.Si aujourd’hui, nous positionnons les 81 profils depersonnalité collectés en 2001, des différences entre leshommes et les femmes ressortent nettement, confirméespar le chi-deux de la répartition présentée dans leschéma 2.

TABLEAU 6Comparaison par sexe de l’ordre de représentativité des 8 tempéraments du MBTI

Femmes

1eren %

NFP NFJ SFJ NTP SFP STJ NTJ STP

26.3 18.4 18.4 13.2 10.5 7.9 2.6 2.6

NTJ SJT NTP NFP STP SFP SFJ NFJ

25.6 20.9 16.3 14.0 11.6 9.3 2.3 0

2e 3e 4e 5e 6e 7e 8e

Les styles de management sont-ils sexués ? L’apport de la typologie de Myers-Briggs

Martine BRASSEUR

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Hommes

SCHÉMA 2Répartition par sexe et Classification de Mitroff

Femme : Homme :

NFAdaptive

SFBureaucratique

SFFamiliale

NFMatricielle

44.7 %14.0%15.8%41.9%

50%

28.9%11.6%10.5%32.5%

Chi-deux = 18.83ddl=3

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Conséquences de la dominante T-pensée chez leshommes, leur mode de management oscille en majoritéentre un style qualifié par Mitroff (1983) de «matricielle»(41.9%) et de «bureaucratique» (32.5%), l’un plusstratégique, l’autre tourné vers la gestion courante, maistout deux focalisés sur les objectifs organisationnels aurisque de minimiser pour les atteindre les aspectshumains et relationnels. Quant aux femmes, plus F-sentiments, leur style de management ressort nettementcomme «adaptatif» (44.7%), considérant avant tout quece sont les personnes qui font la performance desorganisations et projetant sur l’avenir des objectifscollectifs. Les styles féminins apparaissent également,mais dans une moindre mesure (28.9%) de type«familial», visant à préserver au quotidien une bonnecohésion interne et axait que les activités du court terme.

ConclusionLe recueil de 81 profils de personnalité MBTI a permisdans un premier temps de pointer toutes les similitudesentre les hommes et les femmes. La personnalité, définiesur la base des théories de Jung (1920), apparaît commenon sexuée sur trois de ses dimensions. Globalement,qu’ils s’agissent de l’orientation de l’énergie, des modesde perception ou de la façon d’être au monde, lesdifférences entre les hommes et les femmesn’apparaissent pas comme significatives. Il n’est donc pasétonnant qu’en situation professionnelle, hommes etfemmes se révèlent tout autant innovateurs, stratégiques,professionnels ou pragmatiques. A ce stade de l’analyse,les carrières féminines et masculines semblent n’avoiraucunes raisons relevant de l’existence de traits depersonnalité discriminants, d’être différentes.

Malgré tout, pour la quatrième dimension de lapersonnalité, le «jugement» définissant le mode de prisede décisions, il est indéniable que le fonctionnement deshommes et des femmes est différent : les premiersressortent de façon nettement majoritaire comme logiqueet rationnelle (T-pensée), les secondes en quêted’harmonie relationnelle et de cohérence avec leurspropres valeurs (F-sentiments). Si ces tendances ne

doivent être considérées ni comme universelles, nicomme définitives, elles se traduisent par l’émergence decomportements au travail typiquement féminins etmasculins. Par delà le listage des qualités et des pointsfaibles des uns et des autres, plusieurs enseignementspeuvent être tirés de ce constat. Tout d’abord, cesdifférences de personnalité peuvent expliquer lesincompréhensions relevées en situation professionnelle.Comment s’étonner, par exemple, que les femmes aient lesentiment «d’être davantage évaluée que les hommes»(Pigeyre, 1999, p. 7), alors que pour la majorité de cesderniers, la critique est naturelle et toujours légitime,tandis qu’elle heurte la plupart des femmes, qui réagissentémotionnellement et la vivent comme de l’agressivité ?De la même façon, et sans légitimation, bien des hommeshésitent à promouvoir des femmes car ils les jugent tropsensibles. A l’inverse, une responsable s’inquiètera del’attitude «carriériste», plus compétitive que coopératived’un membre de son équipe. Cet état des lieux ne peutêtre dissocié de la culture de la population étudiée.Comment ne pas s’interroger sur un résultat qui reflèteautant les modèles sociaux de masculinité et de féminité ?Combien de femmes se sont affirmées comme desdécideurs objectifs et impersonnels et ont été désignéescomme masculines ? Combien d’hommes se sont montréssensibles au climat relationnel ou ont privilégié leurqualité de vie au détriment de leur carrière et ont subidifférentes moqueries sur leur absence de virilité ? Sansremettre en question la sincérité des réponses livrées auquestionnaire MBTI, la pression sociale ne peutqu’apporter des biais difficilement mesurables, à ce typed’investigation. Enfin, l’analyse des styles demanagement induits par les différents modes defonctionnement des hommes et des femmes, confortel’idée plus ou moins militante d’une complémentarité dessexes. Une orientation exclusive des pratiques de gestionmasculines, qu’elles soient «matricielles» et«bureaucratiques», selon les termes de Mitroff (1983),pourrait notamment conduire à de graves crises socialesou des problèmes d’insatisfaction au travail. A l’opposé,l’exacerbation des tendances féminines pourrait, parexemple, étouffer les remises en question etcompromettre à termes la performance des organisations.En conclusion, si les styles de management s’avèrentsexués, cela ne peut qu’encourager les entreprises àdévelopper la mixité.

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1 TABLEAU 2 : Répartition de la population étudiée

Notes

Formation Continue

DPAE en 2 ans(niveau : bac+3)

DESS CAAE intensif (8 mois)

DESS MAS(gestion des services)

DESS CAAE(généraliste)

12Femmes 2 15 9 38

13Hommes 8 8 14

25

35Total

10 23

46

23

43

51

Etudiants 3e cycleTotal

2 TABLEAU 7 : Répartition des gestionnaires publics québécois en 1995 selon la classification de Mitroff

(Chi-deux=43.78)NF

AdaptativeNT

MatricielleSF

FamilialeST

Bureaucratique

Cadres (n=410) 13.9% 30.7% 46.6% 8.8%

Etudiants (n=55) 21.9% 41.9% 31.0% 5.4%

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0

7.0

Femmes (n=38)

Annexe 1Répartition par sexe de la population étudiée sur les 16 types de personnalité du MBTI

en % ISTJ ISFJ INTJ INFJ

Femmes (n=38) 7.9 7.9 2.6 10.5

Hommes (n=43) 14.0 2.3 11.6 0

Ensemble (n=81)

Femmes (n=38)

11.1 4.9 7.4 4.9

ISTP ISFP INTP INFP

0 5.3 10.5 13.2

Hommes (n=43) 7.0 4.7 7.0

Ensembles (n=81) 3.7 4.9 8.6 9.9

ESTJ ESFJ ENTJ ENFJ

0 10.5 0 7.9

Hommes (n=43) 7.0 0 14.0

Ensembles (n=81) 3.7 4.9 7.4 3.7

Femmes (n=38)

ESTP ESFP ENTP ENFP

2.6 5.3 2.6 13.2

Hommes (n=43) 4.7 4.7 9.3 7.0

Ensembles (n=81) 3.7 4.9 6.2 9.9

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Cette répartition n’est donnée qu’à titre indicatif. La population étudiée n’est pas assez importante pour qu’elle puisseêtre analysée comme potentiellement significative de tendances sur les 16 types de personnalité du MBTI.

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Dévianceorganisationnelle etangoisse du dirigeant :la recherche d’équilibreentre contrôle et efficacité

Vincent CALVEZPhD, Professeur, ESSCA, Angers, France

[email protected]

Bruno BOUCHARDM.Sc., CMA, Professeur, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Québec, Canada

[email protected]

La déviance organisationnelle et le contournement desrègles administratives et comptables doivent-ils être vuscomme une force d’appui à la performance socio-économique de l’entreprise ou plutôt comme des actes àproscrire par une instrumentation des conduites ? Uneentreprise sans dispositif de contrôle sera bien sûr, tôt outard, sujette à de nombreux dysfonctionnements, mais peut-on envisager une zone d’équilibre entre contrôle requis etdéviance organisationnelle nécessaire ? Voilà résumé, sousforme d’interrogations, le thème de notre étude qui vise àprésenter un cas d’entreprise exemplaire en ces matières.

Notre hypothèse de départ est la suivante : considérantqu’un surcroît d’appareillages de vérification et desurveillance risquent de déposséder les acteurs d’unecapacité de création de potentiel économique, quellesseraient alors, par rapport au contrôle, la place de ladéviance pour organiser, au sein d’une gestion desressources humaines, un équilibre entre performanceéconomique et performance sociale ?

Les années quatre-vingt-dix ont vu fleurir, en sciences dela gestion, les études d’impacts de la planificationstratégique sur les secteurs industriels, la rentabilité et lesorganisations.1 L’importante contrepartie de cet exerciceest le contrôle que tout manuel technique enadministration reproduit depuis Fayol ?2 Le contrôle,domaine fondamental d’activités humaines assurant lacoordination, la concertation et la communication desambitions d’un Sujet individuel ou collectif.

Si pour Fayol le contrôle consiste à vérifier le déroulementdu plan, de la planification ou du programme adopté,beaucoup de chantiers restent à entreprendre sur le thème decette importante composante de l’action socio-économique.3 Déjà Moscovici avait relevé notre myopie encette matière : «être de maîtrise», l’homme cherche, depuisdes millénaires, à domestiquer ses états de Nature ; del’activité inventive et reproductive à la conservation de lapremière par la seconde comme sceau de notre humanitude,nous oublions comment l’expérience - et particulièrementl’expérience technique, en tant que méthode analytique, estun ordre du monde rendu possible par l’acquisition decapacités, toujours mal comprises, de contrôle.4 Le contrôleet le contrôle foucaldien, à titre de technique du pouvoir, nereprésente-t-il pas ce qui «fabrique des individus», ce qui«les dresse» et ce qui permet, à la longue, de les faire tenirensemble ?5

Dans les organisations, à titre de techniques privilégiéesde la direction, les contrôles instituent et restructurent enpermanence les rationalisations et les subjectivations dechaque collectif. Les technologies du contrôle

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s’enracinent donc dans les complémentarités et lesoppositions entre la Raison du pouvoir d’une directiond’entreprise et les ambitions du Sujet individuel etcollectif qui font corps avec une culture et une histoire. Sila question du contrôle en entreprise nous préoccupe tantc’est autant pour l’efficacité de l’administration deschoses économiques qu’elle vise que pour le type degouvernement des hommes auquel elle renvoie quand onaborde ses excès qui se manifestent, entre autres dans desphénomènes de déviance.

Maintenant, par rapport à la déviance, pourquoi,fréquemment, les savoirs en gestion sont-ils élevés aurang de lois qui empêchent d’agir au-delà des sphèresqu’elles délimitent ? Pourquoi, trop souvent, les pratiquesde gestion que l’on ne comprend pas sont caractériséescomme déviantes ? Est-ce pour mieux unifier l’ensembledes rationalisations divergentes ou découragersubtilement l’autonomie individuelle et collective ?Enriquez nous dirait peut-être que c’est parce que lesdirigeants pressentent (et s’en inquiètent) que l’entrepriseest le lieu de l’imaginaire où se joue l’identité, le désir dereconnaissance et d’estime de chacun des acteurs, qu’ilsélaborent des dispositifs de contrôle pour contrer cessources archaïques de la déviance. Le phénomène ducontrôle organisationnel serait-il donc une extrapolationtechnologique du complexe pulsionnel des individus ?

Enfin, qu’est-ce que la déviance en gestion ? Terme dontl’origine remonte au bas latin deviare, proprement«s’écarter du droit chemin», d’où au figuré «ne passuivre son cours normal», la déviance désigneaujourd’hui, dans son sens générique, le comportementd’une personne qui s’écarte d’une norme psychosociale.D’un certain point de vue, le milieu de l’entreprisecontemporaine est structuré par une mosaïque complexede normes psychosociales dont les traductions techniquesvont des plans stratégiques aux politiques générales enpassant par les normes comptables. Or, qui construit cesrègles de fonctionnement psychosocial en entreprise,avec quel type de savoir, de légitimité et pour quelleforme instrumentale et conséquence sur la vie des acteurséconomiques ? Et pourquoi pas, osons cette question àlaquelle nous répondrons plus loin dans le texte : qui à lepouvoir et les compétences de fabriquer le déviant dansl’entreprise ?6

Cette dernière interrogation nous apparaît importantepuisqu’elle relève d’un constat tiré de notre expérience dechercheurs : la connaissance technique des gestionnaires,et particulièrement celle inhérente au contrôlestratégique, directionnel et opérationnel, semble de plusen plus perdre de vue, au fil de ses opérations, le milieu« anthropohistorique » des individus qui la porte et qui enoriente son application.

Notre ambition

Dans ce texte, nous entendons démontrer comment desacteurs d’une entreprise nord-américaine du secteur ducartonnage-emballage, réussissent à mettre à distancel’emprise des dispositifs techniques érigés habituellementpar un management dont le but est, selon Weber,d’assurer, en finalité, le maximum de calculabilitécomptable des capitaux investis.7 Nous montrerons dequelle manière les usages du savoir technique desgestionnaires ne surimposent pas leur charte auxconduites productives. Elles se subordonnent plutôt à unmilieu organisationnel qui possède sa densité historique,ses acteurs et leurs structures mentales, ses relais culturelscomme ses blocages symboliques.

Dans ce compte rendu d’une recherche ethnographique,nous interrogerons le contexte général des phénomènesde déviance de la Société «L» dans le but de mettre enrelief la possibilité ou l’impossibilité (de même quel’utilité) d’un contrôle technique à caractère administratifet comptable.8 Nous montrerons pourquoi et commentcette entreprise est plus profitable que ses concurrents etcela, dans un secteur très concurrentiel dans lequelbeaucoup d’entreprises ont disparu au cours des quinzedernières années. Ce point est essentiel pour ne passusciter une compréhension tronquée des dynamiquesorganisationnelles à l’oeuvre chez « L ».

Problématisation et délimitation du cas Notre première porte d’entrée théorique sur l’universconceptuel de la déviance donne sur la «technique» engestion. La deuxième sur une définition du «contrôle».Enfin, une troisième porte présentera au lecteur unevision de ce que nous entendrons ici par «déviance». Unefois ces axes établis, nous présenterons sous une formemonographique nos observations empiriques.

De l’intention théorique

Il eût été possible de traiter du thème de la déviance engestion sous son aspect strictement psychologique. Nousaurions pu faire ressortir alors comment une attitude horsnormalité se dessine chez un employé de cette entrepriseet comment, après présentation de quelques motifs, unetelle déviance arrive à s’incarner et à l’insu dumanagement. Nous aurions aussi pu exposer un certainparadoxe sociologique au regard de l’insertion d’unerègle à travers cette culture organisationnelle et discourir

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ensuite sur les bases théoriques de la déviance commephénomène réactif de contre-contrôle d’une classe socialeface à une classe dominante. Nous avons plutôt choisi deprendre le cas d’une entreprise comme réalité vivante etactuelle en brossant un tableau empirique de l’idée de ladéviance face aux théories des organisations. Pour cela, ilfaut passer par son double conceptuel, ce qui peut laprovoquer et ce contre quoi elle s’élève : le contrôle et latechnique d’où il est issu.

a) L’importance de la techniqueLa «question de la technique», pour parler commeHeidegger, n’a plus à être posée dans les termes de laphilosophie. Même en gagnant en popularité dans lesdisciplines sociales, curieusement, ce qui en fait lasubstance humaine est vite reléguée au profit d’unenotion plus assurée d’un succès immédiat : latechnologie.9 Toutefois, même si le monde la gestion estun univers technicien particulièrement imposant, outrequelques travaux sur l’innovation en management, peu dechercheurs se sont intéressés à réfléchir sur les valeursfondatrices de la Technique, pourtant inscrite au cœur desexpertises en gestion.

Nous voulons participer à ce chantier pour la raisonsuivante : la Technique transforme corps, esprits, outils,collectifs et sociétés.10 Elle constitue le noyau dur despratiques et des outils de contrôle déployés pour contrerles dérivations des conduites des acteurs économiques.D’une manière imagée, elle est l’amant jaloux et puissantde sa compagne, la déviance. Ils sont faits pour s’unir, setoiser et se provoquer constamment.

La Technique est une possibilisation d’un désir provenantdes représentations d’organisations de moyens, elledonne matérialité et réalité à une vue de l’esprit. Elleconstitue, dans notre domaine d’étude, la «mesure mêmedes choses» à produire pour atteindre efficacement desfinalités économiques. Une technique de gestion dans lafonction contrôle est ce qui fait émerger à la fois résultatset possibilités nouvelles. Grâce à la Technique, unadministrateur se donne une capacité «de rendrepossible» projets, ambitions et réels : Elle se pose commelien des moyens et des fins.

Donc, à titre de Médiatrice, la Technique en gestion offreun lieu privilégié pour penser les « contrôlabilités »requises dans la systématisation des moyens autour desfins. À travers une technique de contrôle budgétaire, celled’un standard comptable ou encore par l’entremise del’outil «tableau de bord», un gestionnaire est en mesured’exercer un contrôle à distance.

b) L’importance d’une vue sur le contrôle Outre quelques aspects psychanalytiques, la question ducontrôle quant à elle n’a pas suffisamment fait l’objet

d’une attention spécifique de la part des philosophes.Toutefois, Foucault l’a heureusement nouée,indirectement, avec l’idée de la discipline : en un certainsens, disait-il, les contrôles sont «des techniques pourassurer l’ordonnance des multiplicités humaines.»11

Nous pouvons donc anticiper l’apport de ce point de vue :un contrôle se fait instrument utile à la réalisation d’unéquilibre entre une diversité de faits sociaux. Nous avonsdéfini ailleurs le contrôle comme une «activité techniqued’étude de symétrie».12 Mais quel type de contrôle, àquelle dose et pour quel but réel ?

c) L’équivoque de la déviance Un peu comme l’a fait pour nous Cohen, nous entendronspar là tout autant la transgression des règles normativesque les comportements qui unissent un individu ou ungroupe contre l’oppression, exercée par un individu ou ungroupe, ou tout objet propice à une motivation déviante.13

Reconnaissons que cette déviance organisationnelleentr’aperçue renvoie à tout «fait d’entreprise» qui sembleinvalider les principes généralement reconnus d’une« saine » gestion.

Cette déviance désigne un acte ou un phénomène qui està contre-courant du savoir institutionnalisé enmanagement. Enfin, nous garderons à l’esprit cette phraseclé de Goffman : «la possession confirmée d’une positionélevée [au sein d’un groupe] peut s’accompagner de laliberté de dévier, autrement dit, d’être un dévieur.»14

Contrairement aux idées reçues, la déviance (en gestion)serait-elle l’apanage des acteurs en situation dedomination ?

À l’observation pratique

À l’automne 1992, nous roulons en direction d’une régiondu Québec nommé « XXXXX » à près de XXX km deMontréal. Nous avons rendez-vous avec le directeur desopérations d’une entreprise singulière au vu de son stylede gestion. Après quelques présentations d’usage,Raymond B. désire nous faire « comprendre » ce dont-ilparle à l’aide d’une visite d’usine. Dans l’usine, le bruitdes machines est assez élevé : leurs cadences sontimpressionnantes. Et pourtant, nous observons lesemployés se chamailler, nous toiser et pour le plaisir,taquiner un tel sur la couleur de ses vêtements ou un autresur ses airs de petit chef. Entre ces individus détendus etces monstres de fer, nous repérons, étrangement,plusieurs chaises et fauteuils paraissants des plusconfortables. À nos premières questions sur cesinstallations, des employés nous confirment en plus quelors des éliminatoires de hockey, des téléviseurs sontinstallés auprès des machines. Il est normal, ici, de ne rienperdre des matchs importants de ce sport national !

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Ces habitudes et pratiques détonnent pour l’oeil extérieur.D’autant plus qu’elles sont difficilement concevablesailleurs. Comment ne pas croire à une fainéantisecoûteuse à l’entreprise à la vue de ces fauteuils ? Face auxstandards admis dans l’organisation du travail en usine,chaque détail (peut) parler ; signes de déviance que toutcela ? Pendant des mois, nous irons d’étonnements ensurprises quant aux manifestations de la liberté et dudegré élevé d’autonomie accordés aux employés. Lecommentaire précédent de Goffman est visible à l’œil nu :les employés travaillent avec les privautés de dévier.Nous observerons même une complicité affirmée dumanagement envers ces conduites. Plus tard, nousremarquerons qu’il y a eu intégration de cette connivencedans les dispositifs techniques de gestion.

Mais cette coopération ne s’est pas faite sans difficulté.De plus, il nous apparaît maintenant que la période de jeude ce groupe de dévieurs était quelque peu comptée, toutsimplement pour cause de croissance de l’entreprise :parce que le volume des activités n’est plus à échellehumaine. L’indiscutable succès financier de cette usine ladirigeait normalement vers un rôle accru des techniquescomptables et de gestion au sein de l’organisation de cecollectif de travail. Devons-nous nous attendre à larentrée d’un plus grand nombre d’experts dans lesprocessus décisionnels ? L’étude reste à faire.

Mise en contexte historique de l’organisation

L’entreprise «L» se développe depuis des années parl’intermédiaire d’un système très abouti de gestionparticipative. Celui-ci comporte de nombreuses instancesde décision dans lesquelles siègent une majorité d’ouvriers.Relation souvent d’égal à égal,tutoiement, interpellation de la direction,questions pertinentes et impertinentes ; enclair, il y a là quelques uns des ingrédientsnécessaires à la production de ce que R.Sainsaulieu appelle la production d’une« société du face à face ». Non pas le faceà face comme prélude à uneconfrontation, mais plutôt celui, plus rareen gestion, propre à une fructueuseinteraction de la connaissance des uns etdes autres.

La création de l’entreprise «L» remonteà la grande crise socio-économique desannées ‘30 en Amérique. Parallèlementà son travail pour une compagnie detransport ferroviaire, Georges E. L.acheta une modeste machine à étiqueter,une première activité appelée à évoluer

vers des travaux de petite impression. Et puis, s’il s’estfait entrepreneur, c’est aussi pour donner du travail à sesenfants.

En ce temps là au Québec, l’infrastructure routière peudéveloppée et l’éloignement des grands centres furentdeux conditions structurant l’émergence d’une petite baseindustrielle locale avec des modes de relations de travailmarqués par un fort esprit communautaire. Fraternité etconvivialité étaient déjà des trames culturellesspécifiques à ce milieu. Cette force morale du premiergroupe de travailleurs et de l’entrepreneur sera d’ailleursnécessaire pour passer au travers d’embûches majeures.En effet, des incendies dévasteront l’usine et chaque fois,le fondateur, ses fils et les employés relèveront le défi derebâtir, agrandir et réorganiser l’entreprise.

Aujourd’hui, l’usine est devenue l’une des deux ou troisplus importantes en Amérique du Nord dans le domainede l’impression et la fabrication de boîtes pliantes. Eneffet, avec ses 400 employés, un chiffre d’affaires de prèsde 100 millions de dollars canadiens et un taux debénéfice net après impôts qui avoisinent les 11%, laSociété «L» a connu une croissance de près 400 % de sesactivités et de sa rentabilité sur une période d’à peine dixans. Tout cela, précisons-le, dans une période destagnation du marché et d’intensification de laconcurrence. Une contre-argumentation ne peut donc pasêtre crédible en se basant sur l’aspect « micro-rural » etdonc tout à fait secondaire de cette expérience.

GRAPHIQUE DE LA CROISSANCE DES VENTES DE « L »

Déviance organisationnelle et angoisse du dirigeant : la recherche d’équilibre entre contrôle et efficacité

Vincent CALVEZ, Bruno BOUCHARD

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Croissance des ventes

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

80,0

1960

1970

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

73,873,3

66,0

55,252,7

47,545,4

35,732,4

23,8

19,2

13,111,610,79,67,46,45,2

1,10,5

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En décembre 1993, cette entreprise familiale fut rachetéepar une multinationale américaine possédant près de 80usines dans toute l’Amérique et dont les activitéscouvrent l’emballage, la production de cartons, de papierset de boîtes pliantes. Dès la première année du rachat, lesnouveaux propriétaires n’hésitèrent pas à investir 15millions de $ pour amener de nouveaux équipements15.Les Américains, envers leurs idées préconçues en matièrede critères financiers et organisationnels, découvrirent unriche potentiel de développement qui fut la raison de leurchoix : ils investirent là où chaque dollar pouvaitrapporter le plus (voir tableau).

La proximité des fabricants de carton ou les salairescompétitifs en vigueur n’étaient toutefois pas des facteursdéterminants dans cette décision d’achat etd’investissements massifs. C’est bien davantage laqualité de la participation des employés à la gestion et àl’organisation des opérations. C’est d’ailleurs uneinterprétation qui fut proposée à l’ancien propriétaire, àsavoir, que les Américains ont acheté la « qualité degestion » de l’entreprise. Devant cette interprétation, ilacquiesça vivement.

Les propriétaires américains comprendront assezrapidement que la qualité d’une gestion et de sonencadrement pouvaient générer une valeur ajoutéeindéniable. D’ailleurs, fait très rare dans les opérations derachat de ce type, ils ne délégueront aucun gestionnairede la maison mère pour superviser directement lesopérations de leur nouvelle acquisition.

Précédant la vente, la première visite des Américains chez«L» est riche d’enseignements sur leur capacité à passeroutre les manquements aux codes de règles managérialeshabituels. Dubitatifs, tant devant un management laissantliberté aux employés en matière de production, ressourceshumaines, ingénierie des systèmes et relations clients que

devant l’absence de procédures et systèmes de contrôlecodifiés, les Américains tranchèrent avec pragmatisme.Ils ne se reconnaissaient pas dans les dispositifs de « L »,il leur était difficile d’évaluer le risque d’affaires, mais ilsvoulaient voir l’usine... Durant la visite des installations,en voyant les employés à l’œuvre, ils furent convaincus etpurent saisir intuitivement la portée économique descomportements de concertation observés.

Ils avaient la preuve que cette méthode novatrice degouvernement des actes productifs par ajustementsmutuels venait aisément combler l’absence apparented’organes de surveillance et de procéduresadministratives. Leur appréciation du haut degréd’interdépendance entre les hommes et les machines, lesmétiers, les (rares) cadres, la réalité quotidienne desindividus et leur fine compréhension des exigenceséconomiques, était une donnée stratégique suffisante pourjustifier l’acte d’achat. Dans leur registre, même si leschiffres étaient déjà très bons, ils n’allaient pas refuser deconsidérer l’affaire parce qu’il manquait les systèmes degestion habituels.

Retour sur la création d’une dynamiqueorganisationnelle

Au début des années’70, Pierre L., le petit fils dufondateur, revint au village afin d’occuper la direction del’entreprise. Malgré son manque d’enthousiasme pour cechoix, cet homme, pourvu d’une intelligence pratique peucommune, prit les choses en main tout en se faisant undevoir, au préalable, de se faire accepter par les ouvriers.Ils le voyaient arriver avec une inquiétude certaine et leperçurent comme un «jeune baveux»16 aux idées dedéveloppement laissant présager le pire pour leur confortet leur sécurité.

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COMPARAISON DES RÉSULTATS DE L AVEC LA DIVISION “FOLDING” DU GROUPE AMERICAIN

Nombre d’usines dans la division : 23Au 30 septembre 1997

Montant des ventes

Profits

Pourcentage de profits/ventes

La Division

556 897 714 $ (US)

18 435 266 $

3,31 %

L

52 986 694 $ (US)

5 121 175 $

9,67%

Pourcentage de L au sein de la division

9,51 %

27,78 %

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Sensibilité et sens du concret lui permirent de faire undiagnostic des forces et faiblesses dont disposaitl’entreprise afin de pouvoir entreprendre les changementsrequis auxquels il pensait. Le type de gestion alors enplace allait servir de base (de terreau fertile même) auxchangements à venir. Marqué par le paternalisme rural deses premiers dirigeants, une gestion «à la bonnefranquette» se transformera donc dans les années ‘80 enune gestion authentiquement participative doublée d’unemachine à profits en maintenant et en développant à toutles niveaux l’esprit des débuts. Cet esprit où tout peut sedire et pratiquement rien n’a besoin d’être écrit à titre depolitiques d’entreprise. Les règles existent bien sûr,comme le contrôle et l’auto-contrôle implicite, mais ilsfont appel à la bonne volonté et à la compréhensionpartagée plutôt qu’à un manuel de procédures à suivre.

Dans le désordre pressenti par l’observateur étranger,Pierre L. expérimentait son style singulier de gestion.Précisons de plus que le désordre « déviant » était mêmeressenti à l’intérieur de son entreprise où la frilosité parrapport au style de management provenait aussi desouvriers. Ces derniers disaient, lors des premièresréunions du comité d’usine où étaient présentées toutesles données financières : « On en a rien à faire de tesmaudits chiffres ». Mais le propriétaire persévéra etconvainquit son monde.

Un autre exemple de l’implication et de l’auto-organisationcréée par le style participatif concerne les compétencesrequises par la nature du travail et leur mode d’acquisition.Chez « L » les employés furent, depuis les débuts, tousformés sur le tas (c’est-à-dire sans formation aux artsgraphiques). Cela malgré les compétences techniques quesupposent le maniement de presses à imprimer, toujoursplus complexes et hautement informatisées. Pour pallier àce manque de formations dans les écoles techniquesreconnues (ce qui était la norme lors de l’embauche chez lesconcurrents) le bouche à oreille ainsi qu’une forme decompagnonnage industriel se développa.

Une des histoires que l’on se raconte chez L. et qui colleprécisément à notre propos est la suivante : Desconcurrents assez proches de L. distants d’à peine unetrentaine de kilomètres avaient fait l’acquisition de ladernière presse à imprimer ultra-moderne. Leursemployés avaient été formés à l’Ecole des arts graphiquesde la région. Pourtant, la presse à imprimer ne sera jamaisopérationnelle et son utilisation présentera de nombreuxet récurrents problèmes. Une machine semblable arriveraquelque temps après chez L. et les employés, formés surle tas, la mettront en marche rapidement et avec très peude dysfonctionnements lors de la période de rodage.

Les employés de la Société «L», encouragés par le typede gestion participative et responsabilisante de Pierre L.,

se sont donc donnés les moyens de générer eux-mêmesles habiletés requises en discutant avec tout un chacun,les fournisseurs, les clients, etc. Une de ses phrase-clefsde Pierre L. était d’ailleurs : « miser sur l’implicationjusqu’à ce que la technologie prenne le relai ! ». Il voulaitque les employés acquièrent d’abord eux-mêmes, par leurintelligence, la connaissance d’une activité ou d’unphénomène. Ensuite seulement la mémoire desopérations constituée pouvait être déléguée, c’est-à-direcristallisée en partie dans des dispositifs machiniquespertinents (automatisation de la production,informatisation de l’administration, etc.).

De fait, grâce à cette valorisation de l’implication desemployés, Pierre L. était en mesure de proposer à uneclientèle diversifiée une grande qualité du produit, desprix compétitifs et un service à la clientèle exemplaire carles employés devenaient de véritables hommes de métier,au sens des artisans du compagnonnage. Dans cetteindustrie, il était très peu courant de voir un dirigeantenvoyer les ouvriers visiter leurs collègues ouvriers chezles clients17 afin de discuter des problèmes techniques.Ou encore, combien de fois a-t-il suscité l’étonnement enamenant avec lui des travailleurs lors de réunions avecdes banquiers et financiers.

Graduellement, son sens commun des choses et desindividus allait s’avérer profitable. Pas à pas, l’entreprisegrignotait des parts de marchés, ajoutait des machines,embauchait et s’agrandissait sans cesse pendant queplusieurs concurrents déposaient leur bilan. Cetteimplication de l’employé comme philosophie de gestion,outre le fait qu’elle se tissa et se renforça au fil desannées, était basée sur un contrat organisationnel tacite,respectant les règles d’or suivantes : équité, participation,prise de responsabilité, prise de risques, rétributions.

Cette croissance rapide imposa néanmoins deschangements multiples et généra des crises normales decroissance, peut-être d’ailleurs plus intensément vécues àcause du climat de confraternité qui y régnait18. C’estdans ce contexte que Pierre L. rencontra Raymond B.pour lui proposer un poste de dirigeant.

L’arrivée d’un professionnel avec ses techniques et ses croyances

Le propriétaire recrute donc, en 1991, un vice-présidentopérations, chargé de l’épauler, notamment dans laformalisation des procédures occasionnée par le passagede l’entreprise du stade artisanal au stade industriel. Àcinquante deux ans, avec plus de trente ans passées dansdes entreprises traditionnelles du secteur de l’imprimerie,Raymond B. arrive en étranger dans ce village de lacampagne québécoise, dans ce lieu où tous, ou presque,se connaissent.

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Son constat, après quelques mois, fut le suivant. Nous lecondensons sous forme de phrases clefs19

Ce tableau reflète une petitepartie des événements vécus parRaymond B. qui nous livra, « invivo », ses premiers sentimentssur cette organisation. C’étaitbien à ses yeux une entrepriseatypique, à l’organisation dutravail déviante, mais aussi,selon son sens à lui, aumanagement déviant. Uneentreprise qui avait des pratiquesde gestion telles que lespersonnes coutumières d’unenvironnement managérial plustraditionnel perdaient leursrepères. Les repères habituelsindiquant que tout est ordonné,hiérarchisé, structuré et danslequel le pouvoir s’exerce endirectives administratives selondes chaînes de commandementétablies et respectées.

Dû à une absence d’encadrementformel, il fit embaucher unevieille connaissance à lui,Laurent D., un surintendant âgé,expérimenté et pétri deconnaissances utiles sur leplancher de l’usine. Malgré sesincontestables qualités de finconnaisseur des systèmestechniques, ce dernier fit toutd’abord des ravages chez lesemployés de la production. Despremiers jeux de confrontationquant à la légitimé du pouvoir dedécision et de contrôle dansl’usine allaient se transformer enfoires d’empoigne, engueulades, jurons à tort et à travers,menaces aux ouvriers et autres nombreux heurts.Cependant, il vivait, lui aussi, un choc culturel ; cespratiques et habitudes d’autonomie chez les ouvriers luiparaissaient à la fois inacceptables et improductives.

Donnons un sens général à tout cela avec un aveu deRaymond B. fait aux chercheurs, quelques temps aprèsque son acclimatation l’eut fait cheminer :

« Il m’a fallu entre six mois et un an pour vraiment saisirla subtilité de cette gestion, à mettre dans ma têtequ’avant de faire quelque chose ou de prendre une

décision, tu dois la discuter, la déterminer ou la décider,mais avec les employés. En tout cas, c’est vraiment

spécial cette situation. Mêmeencore, dans ma tête, parfoisc’est difficile à comprendre,mais je sais que c’est le bonsystème. Je le sais parce queje vois que je peux partir,comme débuter des travaux,augmenter la quantité detravail ou faire installer unenouvelle machine etfinalement, ça semble marchertout seul. Il n’y a pas vraimentde contrôle. Lors de lapériode des vacances, j’avaisbesoin d’employés, j’ai justeeu à le leur dire et tout afonctionné sans que je fassequoi que ce soit d’autres. Je levois et je le mesurepleinement, surtout parcequ’autrefois, dans les autresusines, dans mes autresexpériences de directeur,quand j’avais la hiérarchiedes cadres dans les jambes etbeaucoup de contremaîtres àgérer, j’avais énormément dechoses à régler sur un planbureaucratique et au moinsautant d’erreurs à redresser,des problèmes de gestion sansfin au quotidien qui demandaitdu temps, etc. Encore avant-hier, un ami est venu ici. Ilavait travaillé avec moi,autrefois, et je lui disais(même que ça m’épate encore): «Regarde l’usine fonctionnetoute seule ! Pas decontremaîtres et ça roule aux

bonnes vitesses», À lui, je pouvais en parler parce quec’est un gars du milieu, il pouvait le voir et comprendre...Mais je vous dis que, moi-même, encore aujourd’hui, jeregarde ça et je me dis...incroyable !»

Bien loin d’être inefficace, la philosophie de Pierre L., ouplutôt ses choix organisationnels et stratégiques, s’ilspassaient pour déviants aux yeux de ses pairs dans larégion, étaient, au contraire, très pragmatiques et surtoutdes plus cohérents face au contexte et à l’histoire. Citonsun autre passage tiré d’un entretien avec Pierre L.. quiillustre les incompréhensions de praticiens habitués à

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«Cette entreprise n’est pas dirigée»,

«C’est un nuage de feuilles mortes que le ventcharrie n’importe où»

«Je ne sais pas vraiment comment se prendune décision ni qui doit la prendre»

«Comment des ouvriers de l’usine peuvent seretrouver au conseil d’administration ?»

«Comment des ouvriers peuvent quitter leurposte de travail n’importe quand sans prévenirun contremaître ?»

«En fait, pourquoi n’y a-t-il pas decontremaîtres ?»

«Comment un ouvrier peut interrompre uncomité de direction simplement pour parlerd’un problème de production ?»

«Les membres du conseil d’administration ontdit au directeur général qu’il s’en allait droitdans le mur avec son style de managementsans contrôle»

«Comment se fait-il que les ouvriersprocèdent eux-mêmes au recrutement de leurscollègues ?»

« Dans les réunions du comité d’usine, tu nepeux jamais savoir quelles questions ils vontte poser.»

« Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vuça : des ouvriers invités avec les directeurs àdes expositions internationales de machines àimprimer ! »

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juger avec des idées toutes faites : « Même avec de trèsbons profits pour notre secteur, l’argument qu’on meservait toujours pour disqualifier notre manière de gérerétait : «Tu aurais pu faire encore davantage de profits sites gars avaient fait moins d’erreurs ou si tu avaisdavantage serré la vis !» » Encore une fois, le manque decontrôle comptable était perçu immédiatement comme unpoint négatif par les experts en gestion. Toutefois, face àces arguments Pierre L. ajoutait « Ils ne me disaientjamais qu’en serrant la vis nous aurions également pufaire beaucoup moins d’argent ».

Cet argument était d’ailleurs utilisé par le vieuxsurintendant, Laurent D., qui n’acceptait pas que lesouvriers opérateurs de machine « gâchent » du carton paressai/erreur afin de peaufiner leurs ajustements. Pourtant,une seconde lecture de cet exemple permet une autreinterprétation. Ce gaspillage fait partie de l’apprentissagedu travail et sans lui, pas d’implication. La tolérance àl’erreur est ici inhérente au système de gestion mis enplace. Refuser cette tolérance, c’est empêcherl’apprentissage et passer à côté de la création d’unpotentiel économique des plus stratégiques pour l’avenir.C’est aussi être obligé d’embaucher des contremaîtressupplémentaires afin de surveiller le travail et rendremoins responsables les employés. En un mot c’estaugmenter les coûts de structure et les coûts cachés pournon création de potentiel d’affaires à long terme.

Depuis le rachat par les Américains, les choses ontévidemment évolué. Ce n’est pas seulement lechangement de propriétaire qui a bousculé l’ordre établimais bien la croissance soutenue des activités. Dansl’interprétation des modifications du management de« L », il s’agit donc de ne pas sous-estimer les effets dusà l’augmentation de la taille. Inévitablement, unemodification importante de la structuration de la demande(plus de gros clients stables et plus rentables que denombreux petits clients) exige une certaine « mise auxnormes » de l’organisation du travail et des pratiques degestion.

Par exemple, les grandes entreprises maintenant clientessouhaitent obtenir les certifications et les garanties dequalité reconnues (ISO, etc.). Ce phénomène derapprochement et de partenariat inter-entreprises induitforcément une pression pour normaliser les échangeséconomiques et pour établir des procédures de contrôleentre différents intérêts économiques. Cela expliquerait-ille nombre de cadres embauchés récemment parRaymond B. ? Doit-on s’attendre à un développementaccru de l’appareillage administratif et comptable quiobligerait à accroître le contrôle technique sur la vie desacteurs ? Comme nous l’avons précédemment dit, l’étudereste à faire.

Elements d’interprétationpsychosociologiquesL’augmentation des contrôlabilités techniquesd’entreprise ne sont pas, en général, le résultat uniqued’une augmentation du volume d’affaires. Elles ne sontpas non plus mises en place scientifiquement pour contrertout écart aux normes économiques d’une entité. Nousposions en début de notre texte le raisonnement suivant :pourquoi certains praticiens et observateurs éprouvent-ilsle besoin de classer systématiquement une entreprise enfonction d’un savoir connu et valorisé en gestion par leplus grand nombre ? Pour mieux disqualifier sonmanagement à partir des canons de la science et de latechnique en usage ? Dans le cas qui nous concerne, c’estune des questions qu’il faut se poser et à laquelle on peutmême répondre par l’affirmative. Mais poussons plus loinle raisonnement.

Pourquoi de plus, est-on souvent tenté d’associerdéviance à inefficacité ? Enfin, pourquoi, dans le cas quinous intéresse, de nombreux experts avaient-ils des idéespréconçues et un jugement erroné concernant les ressortsde la rentabilité de cette entreprise ?

Ce retour interrogatif sur les données de notre étude nousservira de base à une brève analyse qui cherche avant toutà sensibiliser sur quelques motifs sous-jacents à des actesde contrôle en gestion. Rappelons au lecteur que lesmembres du Conseil d’administration de l’entreprise(avant son rachat par les Américains) ont toujours étéréfractaires quant au style de management de Pierre L.Leur tolérance s’expliquait, selon les acteurs en présence,par la seule vérité des profits générés. La preuvecomptable et le taux des profits étaient, en effet, d’unepuissance discursive indéniable.

La question qui résume bien des enjeux est à nouveaucelle-ci: pouvait-on espérer plus de profit et plus dechiffre d’affaires avec un contrôle plus serré surl’organisation du travail ? L’implantation rapide d’unetelle logique aurait sans doute eu le désavantage debousculer les pratiques enracinées depuis des années etles conventions établies sur la confiance, la clarté etl’équité organisationnelle.20

Et si cette propension à vouloir cerner une situationéconomique perçue inefficace relevait d’autresdimensions de la nature humaine ? Et si l’imposition d’uncontrôle comptable et administratif répondait à desbesoins qui ne sont pas exclusivement de natureéconomique ? Selon Enriquez, psychosociologue etclinicien, ce désir rémanent des gestionnaires à imposerdes structures d’actions sous contrôle expert par le biaisd’objectifs, de normes et de mesures des résultats

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s’explique, entre autres, par la situation suivante : « Pourfreiner la naissance et la croissance de mouvementsconsidérés comme irrationnels dans l’entreprise, et quisont générateurs d’anxiété, se sont donc mises en placedepuis le début du siècle et plus particulièrement depuisces vingt-cinq dernières années, des séries de pratiquesayant pour but d’encadrer solidement les hommes dansl’organisation et de favoriser leur intégration affective,intellectuelle et sociale. »21 Selon Enriquez, le métier dedirigeant et ses activités techniciennes sont traversés pardes angoisses, souvent tacites mais manifestes, opéranteset sous-jacentes aux dires et faires. Ces angoisses sontdonc responsables de bien des opinions, décisions,rationalisations et mises en oeuvre des instrumentationsde contrôle a posteriori. Ainsi, dans les entreprises et àpropos des pratiques de gestion, invoquer la « règle », la« rationalité », « l’efficacité », tout ces argumentsd’autorité ne doivent pas être exempt de précis décodageset analyses, avant toute validation.

Face aux réactions trop teintées d’émotions suscitées parle style de gestion de l’entreprise étudiée, nous avons jugéadéquat d’utiliser une grille d’interprétation susceptibled’expliquer ce type de comportements. Sa dimensionpsychosociologique vise à élucider les ressorts cachés desréactions et justifications prsentées ci-haut.

Toujours d’après Enriquez, l’une des premières angoissesà saisir est la «peur de l’informe». En effet, pour ledirigeant ou l’observateur extérieur, une organisation doitrapidement être perçue et jugée selon des points derepères familiers. Elle doit alors être identifiable à l’aidede critères en usage dans les sciences de la gestion. Dansnotre exemple, nous savons que nombre d’observateursont tenté de cerner l’entreprise à l’aide de sa structureorganisationnelle, son secteur industriel, sonorganigramme, ses ratios comptables, ses responsablessectoriels, par la distribution du pouvoir de décision, etc.Face à ces critères normatifs qui sont maîtrisés dès lasortie des écoles de gestion, la Société «L» donnait en faitpeu d’emprise à une classification par l’œil expert engestion. Même si les technicités comptables etmanagériales ont pour but de donner corps et formes à denombreux aspects immatériels de la vie organisationnelle,elles n’y arrivent que très partiellement.

Une seconde angoisse du dirigeant est «la peur despulsions». L’objectif de bon nombre d’organisations estde stabiliser les comportements en les rendantmaîtrisables, prévisibles. Dans la Société «L», unmanager borné à ses compétences techniques aurait étédécontenancé d’apprendre que le fondateur annonçait detemps à autre, et sans prévenir : «On ferme l’usine et ons’en va à la pêche !» Il avait effectivement un «camp depêche» et il invitait ses ouvriers lorsque le travail pouvait

attendre, mais non pas au détriment des exigences desclients. Et les exemples de ce genre, nombreux, ont étéobservés dans les pratiques de Pierre L. et de Raymond B.

La «peur de l’inconnu» est une troisième angoisseidentifiée par Enriquez. La littérature en gestion regorgede situations où des entrepreneurs et des gestionnaires neveulent pas partager leur pouvoir. Ils souhaitent garder lecap sur l’avenir de leurs projets en ayant bien en main lecontrôle des leviers d’action. Dans le cas qui nousconcerne, l’inconnu perçu par les praticiens étrangers à laculture de «L», provient d’abord de la complexificationdes rôles et de la transformation opérée sur les modes deprise de décision.

Une quatrième angoisse du dirigeant est «la peur desautres et de leurs différences». Nous redoutons l’Autre àchaque première rencontre. Pour plusieurs, l’Autre estune épreuve. Chaque relation oblige à la découverte et àla compréhension et à la remise en question ce que noussommes. À titre d’illustration, écoutons des dirigeantsd’entreprise qui ont fait observer à Pierre L., pendant desannées, à peu près ceci : «Si tu continues, tu t’en vas droità la faillite avec des gens que tu connais à peine et quifont fonctionner à ta place ton usine.» La règle, la normeou la mesure dont la substance est de nature technique,offre-t-elle ce grand avantage d’agir à distance sans lestensions ressenties dans une relation humaine ?

La peur de la parole libre, proche de la peur de l’Autre, estaussi analysée par Enriquez comme un phénomènecommun et bien ancré chez les dirigeants. À ses débuts,Raymond B. redoutait ces réunions du «comité d’usine»dans lesquelles tout le monde avait le droit de parole etpouvait poser n’importe quelle question. La parole libre àl’œuvre, c’est aussi l’inconnu, la possibilité d’êtreinterpellé, contesté, remis en question. C’est la possibilitéd’être contraint à être redevable envers ses engagements,envers sa propre parole22. Dans le cas de la Société «L», ily a inversement des rôles : le dirigeant doit répondre auxquestions et rendre des compte de ses activités et décisions.

Cette grille de lecture nous fait prendre conscience que laSociété «L» peut aisément faire peur aux gestionnaires« communs ». La tâche de dirigeant dans ce contexte estd’ailleurs un peu plus ardue qu’ailleurs. Elle demandeune palette de compétences plus variée et étendue : descompétences techniques permettant de parler le mêmelangage que celui des ouvriers, des compétencesrelationnelles pour faire vivre le système participatif enplace depuis des années. Enfin, des compétences degestionnaire pour donner une direction à cetteconcertation présente dans toute l’organisation. Aussi, onimagine la difficulté de savoir quand recourir à deshabiletés d’expert en gestion et quand faire usage de senscommun.

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Chez « L », jusqu’à maintenant, les tendances dudéveloppement des innovations technologiques enmatière de dispositifs de contrôle administratif oucomptable s’enracinent d’abord sur ce collectif detravailleurs et non sur les angoisses personnelles desgestionnaires. Si beaucoup voient dans la nouveauté despratiques de gestion (qualité totale, commerceélectronique, etc.) des solutions toutes faites auxproblématiques d’entreprise, selon toute apparence nousavons affaire ici à un progrès technologique dumanagement qui ne perturbe pas les conditions généralesd’exercice des rôles professionnels des travailleurs. Entoute logique, la série de modèles de contrôle quis’élaborent habituellement sur les angoisses normales dudirigeant n’a pratiquement aucune effectivité.

Du fondateur à Pierre L. jusqu’à Raymond B., nous avonsaffaire ici à ce qu’Enriquez nomme «le dirigeantmosaïque», un profil marqué par celui qui accepte lesquestions des autres car il n’est plus effrayé par lessiennes propres. C’est celui qui a le profond désird’apprendre et de faire grandir ses collaborateurs plutôtque de se servir d’eux pour sa propre gloire. Sous cettecondition, une telle vision de l’entreprise et de la gestiondonne écho à l’aphorisme de Nietzche : «Il faut avoir duchaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse».L’étoile qui danse, c’est, dans notre cas, une certaineénergie libérée, qui naît de la participation équilibrée.Quant au chaos en soi, c’est le métier de dirigeant, sanscesse remis sur l’ouvrage des apprentissages intimes23.

ConclusionL’entreprise «L» a aujourd’hui encore l’avantage deposséder un dispositif de contrôle organisationnel quirepose sur un phénomène élémentaire : le contrôle desuns par les autres. Reposant sur des valeurs de confiance,de clarté et d’équité, cette polyfonctionnalité du contrôledes conduites et des objectifs financiers fait que lesdécisions humaines jouent tout autant sinon plus que lescontraintes matérielles et symboliques issues dessystèmes de règles, de normes et de mesuresgénéralement élaborés par un management pour stabiliserune entreprise. Les contrôlabilités requises dans lesactivités productives sont toujours assurées par le jeu desacteurs de l’usine. C’est de l’harmonie requise dans lesrelations entre eux et entre les impératifs économiquesdes investisseurs que l’on peut déceler les microactivitéscontribuant au maintien des symétries responsables dufonctionnement de l’ensemble.

Il n’est évidemment pas facile d’identifier clairement enquoi cette organisation souffrirait d’un problème général

d’optimisation. L’efficacité comptable maximale seprésente-t-elle comme la seule norme qui compte dansl’évaluation de la qualité d’un management et d’uneentreprise ? Elle n’est qu’une vue de l’esprit tant qu’ellene s’est pas matérialisée en résultats. Et cette visée secomplique dans le passage de l’intention à sa réalisationqui, dans notre cas, pourrait être générateur dedysfonctionnements (voir note 20).

Le cas de la Société «L» est exemplaire :depuis toujours,ses dirigeants cultivent l’initiative, l’implication, laparticipation et la décision partagée. Ce sont des pertes detemps et surtout des coûts que toutes les entreprises nepeuvent assumer diront certains24. C’est peut-être vrai, sil’on tient compte des critères de rentabilité, exagérémentaxés sur le court terme. Mais la tâche d’une direction neconsiste-t-elle pas, justement, à mettre en place desstratégies plus actives et créatives afin d’assurer ledéveloppement et la survie d’une entreprise à longterme ?

Le déviant n’existe trop souvent que dans l’oeil de celuiqui regarde et qui juge. La démocratie entraînel’établissement de lois communes, leur application et lecontrôle de leur respect. Il est ainsi plus aisé de savoir quiest en dehors des lois. Pour ce qui concerne l’objet de cetarticle, la caractérisation de pratiques de gestion, l’affairen’est pas simple. Nous avons pu démontrer que la normeultime change selon « l’expert » qui se prononce et lesangoisse qui le traverse. Pour les acheteurs américains, leprincipe de réalité était au contraire, le taux de profit etl’organisation optimale des ressources internespermettant d’en générer d’autres. Dans l’oeil desAméricains, le déviant, c’est une organisation qui nerapporte pas de profits. Dans ce cas présent, le déviantn’est pas l’ennemi de la « saine gestion », bien aucontraire, il est son allié essentiel par les voiesprometteuses qu’il ouvre.

Toutefois, le danger lié à ce type singulier de gestionconcerne l’obligation du succès qui peut aussi êtregénérateur d’angoisses. Nous avons également vu quel’apprentissage de nouveaux rôles et responsabilités, tantchez les ouvriers de production, contremaîtres etdirigeants, ne se fait pas sans difficultés liées àl’acclimatation. Un autre danger est la difficulté de durerdans sa singularité dans un environnement industriel etcommercial appelant souvent au conformisme et àl’uniformité des pratiques.

En tant que chercheur, il s’agit donc d’analyser davantagela manière dont se construit ce type de gestion afind’établir les alternatives fructueuses qu’il propose faceaux systèmes bureaucratiques s’auto-justifiant par leurspropres règles, encore trop souvent dysfonctionnelles.

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Séris, J.-P. (1994) La technique, Paris, PUF.

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Weber, M. (1971) Économie et Société, Paris, Plon.

Notes1 Mintzberg, H. (1994) Grandeur et décadence de la

planification stratégique, Paris, Dunod.2 Fayol, H. (1979) Administration industrielle et

générale, Paris, Dunod.3 Simons, R. (1995) Levers of Control, Boston, Harvard

Business School Press.4 Moscovici, S. (1977) Essai sur l’histoire humaine de

la nature, Paris, Flammarion.5 Foucault, M. (1975) Surveiller et punir, Paris,

Gallimard.6 Voir notamment, à ce sujet, McDougall, J. (1978)

Plaidoyer pour une certaine anormalité, Paris,Gallimard.

7 Weber, M. (1971) Économie et société, Paris, Plon. 8 Notre étude et ses conclusions sont tributaires de

plusieurs perspectives théoriques qui, à nos yeux, secomplètent, même si – et probablement pour cetteseule raison – elles ressortissent de préoccupations etd’un esprit des plus dissemblables. Cet article est lepremier résultat d’un projet de recherche plus vaste quiréunit, entre autres, les démarches intellectuelles etempiriques de nos deux thèses de doctorat. Celle deBruno Bouchard intitulée sommairement :«L’organisation sociale des faits techniques encontrôle de gestion» (en cours à HEC-Montréal) etcelle de Vincent Calvez : «L’entreprise équitable : oucomment se construit une gestion de qualité. Exempleet contre-exemple». Ecole polytechnique 1998. Leterrain, qui a fait l’objet de la seconde thèse, a duréplusieurs mois et le recueil de données se poursuitencore aujourd’hui. Les méthodes de rechercheutilisées durant les présences de plusieurs moisallièrent notamment : l’entretien, l’observation, laparticipation à des réunions, le dépouillement dedocuments. Quelques dizaines d’heures d’entretiensont été enregistrées et ensuite retranscrites. Pour deplus amples précisions, consulter la thèse de V. Calvez.

9 Séris fait remarquer : «L’attention aux techniques, etdonc au technique, n’a jamais été aussi envahissanteque dans nos sociétés post-industrielles. Sous ladouble forme, propice à toutes les ambiguïtés, de laconfiance aveugle à l’efficacité des ressourcestechniciennes, et du sentiment de dépossession enprésence de la «la technocratie» ambiante. […] On arecours à technologie parce que le terme paraît chargéd’une dignité que technique n’a pas. Différence devaleur : seuls auront droit à l’appellation les procédésles plus révolutionnaires, les méthodes les plussophistiquées, mobilisant les ressources scientifiquesles plus diverses et les développements les plus récentsde la recherche de pointe. L’usage trahit un besoindiffus de valoriser, par l’adjonction naïve du suffixetechno-logie, une technique reconnue de plus en pluscomme non seulement affaire de spécialistes […],mais comme relevant d’une entreprise intellectuelleheuristique […] La fortune du mot apporte untémoignage intéressant sur l’état présent des mentalitésà propos des techniques et des sciences.» Séris, J.-P.(1994) La technique, Paris, PUF.

10 Ellul, J. (1990) La technique ou l’enjeu du siècle,Paris, Économica.

11 Op. cit., p. 254.12 Voir les postures conceptuelles de la thèse de Bruno

Bouchard, op. cit.13 Cohen, A. (1966) Deviance and Control, Englewood

Cliffs, Prentice-Hall.14 Goffman, E. (1975) Stigmate, Paris, Minuit, p. 163.

Déviance organisationnelle et angoisse du dirigeant : la recherche d’équilibre entre contrôle et efficacité

Vincent CALVEZ, Bruno BOUCHARD

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15 En fait ce montant représentait une part énorme desinvestissements annuels totaux de la multinationalepour toutes ses usines de la division cartonnage.

16 En «québécois», et dans ce contexte, un baveux estsynonyme de prétentieux.

17 Afin, précisément, de voir comment le produitfabriqué chez « L », la boîte de carton, se comportaitsur les lignes de montage de l’acheteur et afin derepérer rapidement les défauts potentiels à corriger.Cette disposition étonnait et ravissait les clients.

18 Par exemple, un des points de débat concernaitjustement une conséquence de la croissance : « lesétrangers » à savoir les employés provenant du villageou de la ville voisins. Entendons par là, les craintesquant aux modifications du climat domestique,patiemment tissé et potentiellement menacé derupture.

19 Ses phrases clefs se retrouvent dans le cas présentédans la thèse de Vincent Calvez précédemment citée.

20 Voici un exemple allant en ce sens. Raymond B. a lui,acquis son expérience au sein d’autres typesd’entreprises et un certain naturel revient peser sur sesdécisions actuelles en matière d’efficacitéorganisationnelle. Par exemple, l’historique del’entreprise veut qu’il n’y ait pas de rotation desemployés d’un quart de travail à un autre. Ce qui veutdire que, sur les trois périodes de travail que composeune journée de 24 heures, les employés de nuit sontceux possédant le moins d’ancienneté et d’expériencetout court. L’équipe de jour regroupe les employés les

plus expérimentés. L’ordonnancement des différentscontrats doit se faire en tenant compte du manqued’expérience des équipes de nuit, ce qui n’est pas sanscauser certains soucis à la direction. L’un des buts deRaymond B. était à une époque de faire exécuter unerotation de chiffres à tous les employés d’usine et celaquelle que soit son ancienneté. Il croyait bien faire encherchant l’équité entre chacun. Tollé des anciens quirefusaient ce diktat. Pour eux c’était «revenir enarrière» et ne pas considérer qu’ils avaient déjà donnéamplement de ce côté en ayant, en leur temps, eux-mêmes commencé en travaillant de nuit. Surl’insistance du dirigeant, ils ont menacé : en casd’imposition de cette nouvelle règle, ils court-circuiteraient le système en abaissant, par exemple, lerythme des machines ou en refusant d’écouter d’autresdemandes de flexibilité dans l’organisation du travail.

21 Op. cit., p. 22.22 On ne peut passer à côté du beau texte de Chanlat, A.

et Bédard, R. « La gestion une affaire de parole » dansChanlat, J.F. L’individu dans l’organisation : lesdimensions oubliées », ESKA 1990.

23 Les trois tomes « d’Imaginaire et leadership » deLaurent Lapierre, éditions Québec-Amérique, sont uneincontournable porte d’entrée à ces questions.

24 Lire notamment l’entretien quelque peu démagogique(et reflétant au fond bien les angoisses du dirigeant)accordé par le PDG de Nestlé : Gérard, A. « HelmuthMaucher : la démocratie d’entreprise est une illusiondangereuse », Le nouvel économiste, n°1022,10/11/95, pp.64-65

Déviance organisationnelle et angoisse du dirigeant : la recherche d’équilibre entre contrôle et efficacité

Vincent CALVEZ, Bruno BOUCHARD

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Valoriser les compétencesdes acteurs avec intranet. Un enjeu stratégique

Vincent CHAGUÉMaître de Conférences en Sciences de GestionIUP Management et Gestion des Entreprises,Université de LimogesERSG – Université de LimogesCEREGE – IAE de Poitiers

Le milieu des années 80 est caractérisé par unetransformation de l’environnement concurrentiel avecune accélération des changements des positions acquisespar les entreprises. L’incertitude et la complexité del’environnement économique, technologique etinstitutionnel des firmes les obligent à concevoir leurstratégie autrement. Stalk, Evans et Shulman du BostonConsulting Group écrivaient en 1992 : «Dans cetenvironnement nouveau, le but de la stratégie consiste àparvenir à identifier et développer des compétencesdifficilement imitables par d’autres de manière à ce que laclientèle vous distingue de vos concurrents». Au coursdes dernières années, le concept de compétence s’estconsidérablement développé et a fait l’objet de plusieursarticles et ouvrages.

Si les entreprises sont conscientes de la nécessité deposséder des compétences, il n’est pas facile pour elles deles identifier et, surtout de les valoriser. L’apport desnouvelles technologies de l’information et de lacommunication ouvre de nouvelles perspectives dans lavalorisation des compétences de l’entreprise. Ce travaila pour objectif de montrer l’apport de l’outil intranetdans la gestion et la valorisation des compétences del’entreprise.

A partir de la théorie des ressources, proposée enstratégie, le concept de compétence est considéré commeune variable stratégique dans la mesure où il peutprocurer un avantage concurrentiel durable à l’entreprise.Ce sera l’objet de la première partie qui montrera, qu’au-delà d’une dimension stratégique, les compétencesconcernent à la fois l’acteur et l’organisation. Ceconcept devient transversal dans la mesure où l’enjeustratégique ne peut occulter des problèmes de gestiondes ressources humaines.

Les compétences doivent alors être valorisées dansl’entreprise. Partant du fait que les compétencesdépendent à la fois d’aspects organisationnels et decaractéristiques individuelles, la deuxième partie met enévidence un élément fédérateur : le transfert desconnaissances. Elle montre alors que l’outil intranetfacilite ce transferts des connaissances et contribue àla valorisation des compétences. Plusieurs exemplesillustrent le fait que l’intranet a une double utilitétemporelle et spatiale qui ouvre des possibilitésnouvelles dans la gestion des compétences del’entreprise.

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1. Compétences clés et gestion des ressources humainesLes Sciences de Gestion soulignent de plus en plusfréquemment la transversalité qui existe entre différentesdisciplines. La notion de compétence est une notion quel’on retrouve aussi bien en stratégie, avec la théorie desressources, qu’en gestion des ressources humaines avec lagestion prévisionnelle des compétences. Nous allonsmontrer que la pensée stratégique a fait du concept decompétence un concept central dans les années 90. Parmices compétences, nous mettons en relief des compétencesclés, intangibles et non imitables qui concernent autantl’acteur que l’organisation de l’entreprise. Cescompétences clés deviennent alors transversales dans lamesure où elles intéressent tout particulièrement lagestion des ressources humaines.

a. De la théorie des ressources à la théoriedes compétences

L’évolution de la pensée stratégique voit ainsi apparaître,dans la décennie 90, l’analyse par les ressources qui meten avant la maîtrise de compétences internes commefacteur de compétitivité. Elle s’inscrit dans la lignée destravaux de Penrose (1959) et a été popularisée dans lesannées 90 par les écrits de Hamel et Prahalad (1990). Lathéorie des ressources est fondée sur l’hypothèse que lesentreprises sont différentes car elles possèdent desressources différentes qui sont hétérogènes (c’est-à-direspécifiques à chaque firme) et immobiles1. Pour que desressources soient stratégiques et deviennent un avantageconcurrentiel durable, elles doivent satisfaire à quatreconditions :n les ressources doivent être rares ;n les ressources doivent être difficilement imitables, ce

qui est en partie dû à l’histoire unique de chaqueentreprise. Aurégan, Joffre et Le Vigoureux2(1997)soulignent l’importance de l’ambiguïté concernant lanature des connexions entre les actions menées et lesrésultats obtenus par l’entreprise ;

n les ressources doivent être difficilement substituables etéchangeables ;

n les ressources doivent procurer de la valeur aux yeuxdes clients et accroître la valeur perçue par ces derniers.

Comme le soulignent Amit et Schoemaker (1993), lecœur de la théorie des ressources est non seulement de

constater une dotation différente des entreprises en actifset ressources, mais surtout de souligner comment descapacités organisationnelles distinctes permettront àcertaines de construire des avantages concurrentielssignificatifs et durables.

Dans la foulée, une série de travaux a visé à construireune théorie de la stratégie fondée sur la compétence. Leterme de compétence est alors entendu comme englobanta priori les actifs et les ressources, mais aussi lesdifférentes formes de connaissances et de pratiquesmaîtrisées par l’entreprise. Hamel et Heene (1994),Sanchez, Heene et Thomas (1996) ainsi que Heene etSanchez (1997) ont de cette façon progressivement tentéd’élaborer un cadre théorique cohérent. Comme lesouligne Durand (2000), la logique sous-jacente à cesperspectives liées aux ressources et aux compétencesreste cependant fondamentalement la même : l’entreprisemobilise des actifs et des ressources auxquels elle a accèset les combine au service de son offre et de ses clients, enfaisant appel à des connaissances et des processusorganisationnels qui lui sont propres3.

Il apporte cependant une remarque pertinente en seréférant aux travaux de Porter (1991). Celui-ci considèreque tout actif ou ressource tangible est par natureidentifiable et donc achetable, c’est-à-dire imitable.L’avantage concurrentiel potentiellement associé à cetactif ou à cette ressource ne saurait être durable. C’estpourquoi, selon Durand (2000), la théorie de lacompétence permet une avancée significative. Si lesressources tangibles ne peuvent guère, sauf exception,satisfaire aux critères de non-imitabilité, c’est ailleursqu’il faut aller chercher des sources d’avantageconcurrentiel. Il nous faut définir le concept decompétence et voir s’il apporte des élémentscomplémentaires à l’analyse.

Définir les compétences est difficile dans la mesure oùelles englobent différents éléments. Penan (1999) nousrappelle qu’elles se développent à partir de trois types deressources : les ressources matérielles (équipement,technologie, localisation, …), les ressources humaines(les compétences des individus) et les ressourcesorganisationnelles (structure, système de coordination etde contrôle)4. La littérature identifie par ailleurs denombreuses décompositions du concept de compétence etles dualités existantes.

Finalement, après cette revue de la littérature, nousproposons de construire une matrice des compétencesselon deux dimensions : tangible/intangible etimitable/non imitable.

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compétence simplemachines

non imitable

Cette matrice fait apparaître trois types de compétences :

n La compétence simple est un élément tangible etimitable comme une machine outil. Même si uneentreprise ne souhaite pas vendre une nouvelle machineà ses concurrents, tôt ou tard elle fera l’objet d’uneimitation. Il en sera de même pour tout élémenttangible.

n Cela nous conduit à considérer qu’il n’y a pas decompétence tangible et non imitable. En reprenantl’argument de Porter (1991), toute compétence tangibleest par nature identifiable et donc achetable et imitable,ce qui lui enlève la possibilité de constituer un avantageconcurrentiel durable.

n La compétence complexe est un élément intangible etimitable. Nous la qualifions de complexe dans lamesure où, la plupart du temps, elle résulte d’unprocessus qui fait appel à la connaissance et à latechnologie, mais aussi à d’autres variables plus flouescomme l’apprentissage ou la connaissance du marché.On peut citer à titre d’exemple les logiciels ou lesmarques.

n La compétence clé est un élément intangible et nonimitable ou tout le moins difficilement imitable. Ellecorrespond, par exemple, au savoir-faire ou aucomportement de l’acteur dans l’entreprise. C’est laseule compétence qui peut procurer à l’entreprise unavantage concurrentiel durable. Elle répond ainsi auxambitions de la théorie des ressources.

Nous retiendrons les compétences clés dans la suite de cetravail, dans la mesure où elles sont les seules à permettrede construire un avantage concurrentiel durable. Elles ontainsi un caractère transversal, ce que nous allonsdévelopper maintenant.

b. D’un concept multidimensionnel à un concept transversal

Il s’agit de définir de manière plus précise lescompétences clés de l’entreprise. Intangibles et nonimitables, elles s’apparentent à un conceptmultidimensionnel qui s’attache soit à l’individu, soit aucollectif. Dans la littérature récente5, on trouve plusieursdimensions des compétences clés.

Durand (2000) propose un référentiel de la compétenceselon deux axes, l’un individuel, l’autre collectif. L’axeindividuel correspond à des compétences cognitives quienglobent la connaissance (le savoir), la pratique (lesavoir-faire) et l’attitude (le savoir-être)6. Mack écrivaitdéjà en 1995 que la compétence est «un réservoir deconnaissances appliquées, de savoir-faire, de savoir-êtreaussi, qui permettent à l’individu de faire son travail avecqualité»7. L’axe collectif s’intéresse à l’organisation àtravers plusieurs éléments comme la culture ou l’identitéde l’entreprise, les processus organisationnels et lastructure. L’auteur souligne que les compétencesindividuelles et collectives sont deux facettes d’unemême réalité organisationnelle. «Il devient stérile dechercher à les opposer. Le passage de l’individuel aucollectif n’est plus un saut mais une lecture différente dela même réalité»8.

Sveiby (2000), pour sa part, considère la compétence del’acteur et la compétence de l’entreprise qui constituentdes actifs incorporels de l’entreprise. Il note que lacompétence d’un acteur peut être considérée comme étantconstituée de cinq éléments interdépendants : laconnaissance explicite, l’aptitude, l’expérience, lejugement de valeur et le réseau social. La compétence del’entreprise est une dimension collective. Elle est le fait

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GRAPHIQUE 1Matrice des compétences

imitablecompétence complexe

logiciels

tangible intangible

compétence clésavoir-faire

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d’un certain nombre d’acteurs immergés dans un contextedonné dont le climat est régi par le dirigeant. Cettedimension collective explique en quoi la gestion de cetactif intangible est fondamentalement stratégique : unconcurrent peut chercher à s’en inspirer, mais il ne pourrapas la copier. L’auteur ajoute que les compétences cléssont en partie indépendantes des individus. Certainesd’entre elles subsistent même si un grand nombre decollaborateurs quitte l’entreprise.

Everaere (2000) admet le principe de la compétencecomme la rencontre hypothétique d’un individu et d’unesituation de travail, les deux étant spécifiques. «Si lacompétence appartient en propre à chaque individu, ellene peut s’exprimer que par la rencontre concrète avec unesituation de travail particulière» 9. Ainsi, aucunecompétence n’est égale à une autre et elle n’eststrictement reproductible à l’identique. En considérant lacompétence comme étant à l’intersection de l’individu etde la situation de travail, l’auteur reconnaît sa dimensioncollective.

L’ensemble des auteurs s’accorde donc pour dire queles compétences clés se définissent autour de deuxdimensions, une dimension liée à l’acteur et unedimension liée à l’organisation. La dimensionindividuelle comme la dimension collective de ce conceptfont appel à la gestion des ressources humaines. SelonAmadieu, cette discipline se définit comme «un ensemblede pratiques et de réflexions, issues de disciplines

diverses mais formant un tout assez cohérent, dont l’objetest d’aider à comprendre et à résoudre les problèmesd’organisation et de régulation du facteur travail»10. Orles compétences clés sont dépendantes des ressourceshumaines de l’entreprise. Elles proviennent de la manièredont les compétences individuelles sont intégrées àtravers des mécanismes de coordination. Lescompétences clés sont donc des compétencescollectives qui résultent d’un processus decombinaison-reconstruction à partir duquel lesdifférentes ressources internes de l’entreprise sontagrégées.

Comme nous l’avons vu précédemment, les compétencesclés sont considérées comme facteur de compétitivité et,à ce titre, sont stratégiques. Il est alors possible, dans ungraphique, de montrer que les compétences clés sontun concept multidimensionnel qui concerne l’acteur etl’organisation, mais aussi un concept transversal,puisqu’il intéresse la stratégie comme la gestion desressources humaines.

La notion de compétence permet la translation entre lagestion des ressources humaines et la stratégie autour del’identification des compétences clés de l’entreprise. Lagestion des ressources humaines doit gérer et valoriser lescompétences des acteurs et de l’organisation. Ellecontribuera ainsi, en collaboration avec la stratégie, à laconstruction d’avantages concurrentiels durables.

GRAPHIQUE 2

Les compétences clés

Valoriser les compétences des acteurs avec intranet. Un enjeu stratégiqueVincent CHAGUÉ

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Stratégie

Compétences clés

GRH

Acteur Organisation

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2. Valoriser les compétences clés avec l’intranetNous avons vu que le fait d’introduire la notion decompétence clé apparaît comme le moyen de parler à lafois d’aspects organisationnels et de caractéristiquesindividuelles. La notion de compétence permet latranslation de la dimension individuelle vers la dimensioncollective au sens où un individu ne peut être à lui toutseul porteur du savoir nécessaire à l’entreprise. Ainsi, lavalorisation des compétences clés doit intégrer ces deuxdimensions. Un nouvel outil apparaît progressivementdans les entreprises françaises : l’intranet. Même s’il selimite encore à des entreprises de taille importante etsouvent à dimension internationale, il favorise lerapprochement entre les acteurs et l’organisation et nepeut que contribuer à valoriser les compétences clés.

Après avoir expliqué les différents éléments de lavalorisation des compétences clés, nous montrerons, àtravers plusieurs exemples, l’aide que peut apporterl’intranet dans la valorisation de ces compétences.

a. Compétences clés : un transfert de connaissances

Dire que l’entreprise doit valoriser ses compétences clés,c’est reconnaître qu’elle doit être capable de les mobiliseret de les exploiter. Les compétences clés, qui font appelaux acteurs et à l’organisation, dépendent d’un élémentfondamental : le transfert de connaissances.

Sveiby nous rappelle que les connaissances peuvent êtretransférées d’une personne à une autre de deux manièresdifférentes : par l’information ou par l’apprentissage.

n L’information transfère la connaissance indirectementpar l’intermédiaire de moyens de communication. Touteinterprétation de l’information est fondée surl’expérience, le contexte et les situations, et elle estinfluencée par les émotions. Ainsi, chaque interprétationest unique et propre à chacun. L’information est donc

une méthode non fiable pour transférer la connaissanced’un individu à un autre car ce sont les destinataires, etnon les émetteurs, qui donnent son sens à l’information.Finalement, la connaissance correspond à ce que devientl’information lorsqu’elle est interprétée.

n L’apprentissage fondé sur la pratique transfère laconnaissance directement, d’un individu à un autre.Cela semble plus efficace dans la mesure où lebénéficiaire participe au processus11.

Les travaux de Peter Senge (1992) apportent un éclairagesupplémentaire à la valorisation des compétences clés. Ilconçoit l’entreprise comme une collectivité apprenantecapable d’acquérir de la connaissance et de constituer descompétences collectives. Il propose les «disciplines pourapprendre» qui sont au nombre de cinq12. L’apprentissageen équipe constitue le premier niveau de l’apprentissagecollectif. Le principe de départ est que les membres d’uneéquipe peuvent apprendre les uns des autres, notammentpar la pratique du dialogue. L’équipe constitue alors unesorte d’instrument de perception et d’exploration dont lacapacité est supérieure à la somme des capacitésindividuelles.

Ces transferts de connaissances impliquent des échangesentre les acteurs, c’est-à-dire une volonté de coopérer.Everaere (2000) souligne d’ailleurs que «la compétences’exprime par la capacité à nouer des coopérationsdurables ou éphémères dans des collectifs homogènes ouavec d’autres professionnalités»13.

La valorisation des compétences clés implique quel’entreprise soit capable de mobiliser et d’exploiter sesconnaissances, c’est-à-dire de les transférer :n d’un acteur à un autre,n au sein d’une équipe ou, plus largement, de

l’organisation,n dans le temps,n dans l’espace.

L’outil intranet facilite considérablement le transfertdes connaissances et l’échange entre les acteurs, enrépondant favorablement aux exigences ci-dessus.

Valoriser les compétences des acteurs avec intranet. Un enjeu stratégiqueVincent CHAGUÉ

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Ce graphique montre que l’intranet peut intervenir dans lavalorisation des compétences clés en facilitant la circulationdes informations, l’apprentissage par la pratique et enfavorisant les échanges entre les acteurs. C’est ce que nousallons maintenant voir dans un dernier point.

b. L’intranet accélère le transfert des connaissances

L’intranet utilise la technologie Internet sur un réseau privé.Cet outil est en train de révolutionner la gestion desressources humaines dans la mesure où il concernepotentiellement tous les acteurs de l’entreprise. D’abordconsidéré comme un simple moyen de communication avecla messagerie interne, l’intranet devient ainsi un véritableoutil de travail, à mesure que les utilisateurs découvrent sespotentialités. Il existe désormais des solutions pour couvrirtous les aspects de la gestion des ressources humaines :formalités administratives (absences, accidents du travail,prévoyance, changement de situation familiale des salariés,…), rémunération, évaluation, recrutements, gestion decarrière, formation…

Le temps gagné dans la gestion du personnel avec lesnouvelles technologies, et la prise en compte de l’acteurcomme une ressource et non un coût, amènent la gestiondes ressources humaines à s’intéresser de plus en plus à lagestion des compétences. L’intranet apporte alors uneaide précieuse.

L’intranet a deux utilités essentielles : temporelle etspatiale. Celles-ci interviennent alors à plusieurs niveauxet contribuent très largement à faciliter les transferts deconnaissances et la valorisation des compétences clés.S’il est difficile de donner une liste exhaustive desavantages liés à l’utilisation de l’outil intranet, plusieurs

exemples peuvent illustrer significativement cesavantages.

n Intranet permet de stocker des informationsaccessibles à tous les acteurs et en tous lieux.L’équipementier automobile Faurecia a révolutionnéles méthodes de travail, à partir d’intranet, enpermettant l’échange des connaissances entre deséquipes souvent éloignées géographiquement(l’entreprise compte 35000 salariés répartis dans 27pays). Sur le réseau, les salariés ont accès à plus de30000 documents, dont plusieurs dizaines de millierssont utilisés quotidiennement. C’est un concentré dessavoirs de l’entreprise : catalogues de procédures,données techniques, guides de conception assistée parordinateur…

n Intranet facilite les échanges entre les acteurs et lacoopération. Lors d’une panne chez un client, letechnicien de l’entreprise Hervé Thermique peut surfersur l’intranet à partir de son portable et dispose alorsdes plans de l’installation en trois dimensions et dudescriptif de chaque pièce utilisée. La rapidité dudiagnostic s’est accélérée en envoyant par mail unephotographie de l’installation accidentée au collègue leplus compétent sur le sujet.

n Intranet permet de construire et de diffuserrapidement des référentiels de compétences. Il s’agitde référentiels normatifs qui constituent des documentsà partir desquels chacun acquiert le complément decompétence dont il a besoin pour agir. C’est ce que faitle technicien de l’entreprise Hervé Thermique lorsqu’ilintervient chez un client. Le référentiel normatif est uneoccasion d’exploiter les compétences de chacun, de lesrendre accessibles et utilisables pour les autres acteursde l’organisation.

Valoriser les compétences des acteurs avec intranet. Un enjeu stratégiqueVincent CHAGUÉ

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GRAPHIQUE 3Du transfert des connaissances à la valorisation des compétences

Information Apprentissage par la pratique

Transfert de connaissances

Echanges entre acteurs

INTRANET

Valorisation des compétences clés

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n Intranet permet de mobiliser rapidement descompétences. Lorsque la Lyonnaise des eaux emporteun appel d’offre pour construire un réseau dedistribution d’eau en Chine ou en Jordanie, elle doitêtre capable de mobiliser rapidement des équipes dequalité, prêtes à partir à l’autre bout du monde enurgence. Pour l’aider à réunir ces compétences,l’entreprise dispose depuis mars 1999 d’un nouvel outildéveloppé sur l’intranet du groupe : Aquaris, un vivieroù les 5000 cadres de la Lyonnaise peuvent déposerleur curriculum vitae, détailler leurs domainesd’expertise et préciser s’ils sont volontaires pour desmissions à l’étranger.

n Intranet améliore l’utilisation des compétences enfacilitant la mobilité interne. Chez Alcatel, lesrenseignements saisis dans un formulaire par un salariéqui souhaite évoluer dans l’entreprise déclenchent unprocessus qui pousse l’information vers le managersusceptible d’être intéressé par sa candidature.

n Intranet valorise les compétences clés par unemeilleure formation des salariés. Chez SiemensFrance, une série de services ont été mis au point sur leréseau pour faciliter la formation des salariés :consultation du catalogue de formation, inscription enligne, notes d’évaluation. Une seconde étape estmaintenant prévue. Il s’agit de permettre aux salariésd’accéder directement aux formations depuis leurspostes de travail.

n Intranet stimule la créativité des acteurs en leuroffrant un espace de libre expression. L’entrepriseHervé Thermique encourage chaque salarié às’exprimer sur l’intranet et favorise ainsi la créativité.Elle a choisi de ne jamais censurer les contributions surl’intranet pour ne pas brider l’innovation.

Ainsi, l’outil intranet répond favorablement auxexigences de la valorisation des compétences clés enpermettant un meilleur transfert de l’information et del’apprentissage et en facilitant les échanges entre lesacteurs. Les progrès rapides des nouvelles technologiesde l’information et de la communication laissent à penserque ce mouvement ne pourra que s’accélérer dans lesannées à venir. Par exemple, le haut débit facilite letéléchargement de fichiers de plus en plus importants.

L’apport essentiel de l’outil intranet est de faciliter leséchanges entre les acteurs en tout lieu et à tout moment,ce qui contribue à valoriser les compétences clés del’entreprise. Il constitue, par ailleurs, un nouvel espace decommunication qui devrait accélérer le processus decombinaison-reconstruction évoqué précédemment. Eneffet, les compétences clés n’ont de valeur qu’à travers lamobilisation de l’ensemble de l’organisation.

Pour terminer, l’intranet donne à la direction del’entreprise un espace de communication, accessible àtous les salariés, afin de lui permettre d’expliciter seschoix stratégiques et d’obtenir l’adhésion de tous lesacteurs.

Pour conclure, ce travail met en évidence, parmi lescompétences de l’entreprise, des compétences qualifiéesde «clés» dans la mesure où elles sont intangibles et nonimitables. Cela leur confère un caractère stratégique carelles peuvent procurer à l’entreprise un avantageconcurrentiel durable.

Les compétences clés sont à la fois un conceptmultidimensionnel et un concept transversal.Multidimensionnel, parce qu’elles intéressent autantl’acteur que l’organisation. Transversal, parce qu’ellesfont appel à la stratégie et à la gestion des ressourceshumaines.

Il est alors important pour l’entreprise de valoriser cescompétences clés. Elle peut le faire par le transfert desconnaissances et ce de deux manières : par l’informationet par l’apprentissage. L’apport de l’outil intranet permetd’accélérer ce transfert et de susciter des échanges plussystématiques entre les acteurs.

S’il n’est pas possible aujourd’hui d’anticiper toutes lesapplications possibles de cet outil, il contribue néanmoinsà fédérer deux disciplines fondamentales de la gestiond’entreprise : la stratégie et la gestion des ressourceshumaines.

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Valoriser les compétences des acteurs avec intranet. Un enjeu stratégiqueVincent CHAGUÉ

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2 Aurégan P., Joffre P. et Le Vigoureux F., (1997), p. 2050.3 Durand T., (2000), p. 85.4 Penan H., (2000), p. 151.5 Nous considérons ici essentiellement la vision des

auteurs en stratégie. La gestion des ressources humainesa largement défini le concept de compétence à traverstrois dimensions principales : individuelle, cognitive etsociale. On pourra voir la synthèse de Scouarnec A.(2000), La compétence : concept, pratiques de gestion eteffets sociaux, Xve journées nationales des IAE.

6 Durand T., (2000), p. 96.7 Mack M., (1995), p. 46.8 Durand T., (2000), p. 96.9 Everaere C., (2000), p. 53.10 Amadieu J.-F., (1999), p. 1087.11 Sveiby K. E., (2000), p. 95.12 La maîtrise personnelle, l’apprentissage en équipe, les

modèles mentaux, la vision partagée et la penséesystémique.

13 Everaere C., (2000), p. 66.

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Les pratiques de recrutement desentreprises marocaines :Caractéristiques et implications

Farid CHAOUKICREQUniversité Cadi AyyadFaculté de Droit et d’Economie

[email protected]

Dans un contexte en rapide changement, lesorganisations n’ont d’autres choix que de favoriserl’harmonisation de leurs pratiques de gestion desressources humaines. Parmi ces activités, le recrutementrequiert une attention particulière, en raison de son degréd’influence sur ces pratiques.

Bien que fournisseur exclusif des ressources humainespour l’organisation, le recrutement se développe sousl’influence, à la fois, des caractéristiques internes etexternes aux entreprises. En effet, pour une étudeexploratoire, concilier les deux ensembles de variablespermet une compréhension élargie du processus derecrutement et facilite son diagnostic.

Par ailleurs, face à des contingences d’ordreéconomique, institutionnel, de taille et de structureorganisationnelle, etc, les activités du recrutement ainsique le caractère disparate de leur critère, ne peuventqu’être le résultat de l’influence de tous ces paramètres.Ou encore le caractère imprécis des pratiques derecrutement est-il dû au manque de formalisation ou est-il lié aux aspirations propres aux dirigeants ? .

Ce papier a pour objectif de présenter les premiersrésultats d’une recherche qui s’oriente davantage vers lespratiques de gestion des ressources humaines. Il est guidépar un triple souci : décrire, puis analyser et enfinproposer des solutions

Je tiens à remercier les équipes de recherche impliquées dans l’action intégrée pilotée par

le Centre de Recherche en Economie Quantitative (CREQ) et l’Equipe de Recherche sur les Marchés,

l’Emploi et la Simulation (Paris II) : les professeurs: Ballot B, Bensalem E, Bougroum M, Eymard-Duvernay F, Igalens J, Ibourk A, Rhellou A

et les doctorants, Chatioui E, Oukhrit M. L’exploitation informatique est effectuée

à l’aide du professeur Bougroum.M.

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La problématique de ce papier est de mettre en évidenceles liens qui peuvent exister entre le choix des pratiquesde recrutement par les entreprises marocaines et leurscaractéristiques internes et externes. L’intérêt s’expliquepar deux logiques de réponses des entreprises à leurenvironnement :La première est que les entreprises doivent faire face à unenvironnement de plus en plus turbulent secoué pardifférentes mouvances. Face à cet environnement, lesentreprises sont appelées à instaurer une logiqued’adaptation continue. Seul mode qui leur permet detransformer les contraintes éventuelles en opportunités.Cette notion d’adaptation traduit le fait que le processus degestion dépend à la fois des exigences de l’environnementet des conditions internes aux organisations.

La seconde concerne le statut accordé au facteur humainen tant qu’élément déterminant de la performance del’entreprise. Ainsi, l’une des différences entre lesentreprises actuellement est le fait de se doter d’uneéquipe de travail compétente et dynamique.

Ainsi, parmi les activités principales de la gestion desressources humaines(GRH) apparaît le recrutement. Eneffet, pour assurer une meilleure qualité des embauches,celui-ci doit être précédé par une solide planification desentrées. Cette démarche est liée à une gestion adéquate del’information, qui repose sur la collecte et la diffusion derenseignements sur le marché du travail.

En ce qui concerne l’entreprise elle-même, une erreurdans l’embauche a une incidence sur la productivité àlong terme ainsi que sur de nombreux facteurs decompétitivité (Larrivée et d’Amboise, 1989). Leproblème devient crucial et durement ressenti au niveaudes PME (Cliquet, 1992 ; d’Aboville et Bernée, 1991).Ces dernières, pour réussir, ont besoin d’une force detravail compétente et motivée ; Car elles sont déjàpénalisées sur le plan financier. Par conséquent, ellesdoivent mettre en œuvre une GRH appropriée.

De cette façon, il semble que le recrutement ne peut êtreappréhendé que dans le cadre d’une approche élargie quipermet d’intégrer, dans l’analyse, l’ensemble des facteursqui sont susceptibles d’influencer toute décision relativeà cette activité. c’est-à-dire de présenter le recrutementcomme le processus allant de la planification à l’avancedes ressources humaines jusqu’à l’intégration définitivede l’individu dans l’organisation. Cette activité combineà la fois :n Le processus de recrutement proprement ditn Les éléments qui déterminent les relations d’emploi entre

l’individu et l’organisation (dimension contractuelle)n L’ensemble des paramètres en fonction desquels

l’entreprise choisit ses sources et ses critères derecrutement (dimension organisationnelle)

L’objectif de ce papier est de rendre compte de quelquesaspects des pratiques de recrutement, comme activitéfondamentale de GRH, dans deux régions différentes.Pour illustrer cette étude, nous avons fait appel à uneenquête que nous avons réalisée en 1998 auprès d’unéchantillon d’entreprises (113 au total) réparties sur cinqsecteurs d’activité.(voir encadré n°1).

Nous montrerons, dans un premier temps, pourquoi etcomment analyser le recrutement dans un cadre élargi.Ensuite ; et à partir d’une enquête exploratoire, nousallons chercher à repérer les pratiques et perceptions duprocessus de recrutement. C’est-à-dire sous quels aspectss’exerce cette activité. Plus précisément ; il s’agit dedécrire et d’analyser le comportement des entreprises del’étude en matière de recrutement. Enfin, nousproposerons, quelques moyens de gestion de recrutementintégrant non seulement les paramètres contextuels, maisaussi les conséquences opérationnelles.

1. Présentation de cadre conceptuelLe recrutement est l’ensemble des activités qui visent àpourvoir des postes vacants dans une organisation(Sekiou et al, 1993). Les manuels de GRH font durecrutement une démarche rigoureuse, ponctuée d’unensemble séquentiel d’étapes (lamart, 1991, Peretti, 1989,Martory et Crozet, 1987). Schématiquement, lerecrutement comprendrait quatre moments forts ; 1/l’analyse des besoins, 2/ la recherche des candidats, 3/ lasélection, 4/ l’accueil et l’intégration de la personnechoisie.

La description du fonctionnement des hommes au sein del’organisation détermine un jeu paradoxal dans troisniveaux complémentaires : au niveau des interactionsentre les personnes, au niveau de la compréhension queles individus ont d’eux-mêmes et au niveau des liaisonsentre ce qui est vécu de l’intérieur et ce qui se passe dansle monde explicite (Louart, 1990). Cette conceptionparadoxale du fonctionnement des individus dansl’organisation semble plus pertinente pour appréhenderl’ensemble des mécanismes qui concourt au processus derecrutement.

Dans le même ordre d’idées, est ce que cette diversité defaçons et de méthodes s’explique par une sorte de ruptureavec l’idée de l’existence d’un modèle de recrutementidéal et d’un processus de recrutement universel (tel qu’ilest décrit dans les ouvrages et manuels) ?. Lerenouvellement des acteurs, des structures, descomportements et des situations exige-t-il une approcheélargie de recrutement ?.

Les pratiques de recrutement des entreprises marocaines : Caractéristiques et Implications.

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Les pratiques de recrutement étant plus complexes queles modèles élaborés pour les comprendre cherchent à lesexpliquer. Deux dimensions semblent indispensablespour appréhender le recrutement : une dimension denature contractuelle et une dimension de natureorganisationnelle.

1.1. La dimension contractuelle

Le recrutement est une pratique qui requiertl’établissement d’un contrat de travail. Celui-ci précise laforme et la durée de l’engagement entre le salarié etl’employeur (Delamote et Marchand, 1993, Ray,1993).

Les développements récents de l’analyse économiqueconcernant la relation d’emploi dans le cadre d’un contratde travail justifient une perspective élargie. Pour uncertain nombre d’auteurs, l’essence de l’entreprise est larelation d’emploi, celle-ci s’exprime dans le contrat detravail (Williamson, 1986, 1981) et la transaction qu’ilsuscite est économiquement efficace dés lors qu’ils’inscrit dans le cadre d’une durée stable (Arow, 1976,Simon, 1957). L’objet de contrat du travail n’est pas unequantité «définie et objective» de travail, mais unepromesse de travail et donc un droit d’usage temporairesur la capacité productive de l’employé.

Compte tenu d’une situation économique de crise,marquée surtout par un chômage accentué, lesresponsables d’entreprises sont conscients des difficultéset du risque d’un tel recrutement. Dans ce cas, la périodedu recrutement apparaît très longue. C’est-à-dire, despériodes de stage qui précèdent le recrutement, mais aussiles périodes d’essai qui le suivent. Il semble donc quec’est l’abondance de «compétence» sur le marché dutravail qui rend longue cette période. De cette façon, leschefs d’entreprises gardent le contrôle de leur décisiond’embauche au regard des évolutions conjoncturelles.

Concrètement, la confirmation de recrutement est définiecomme le processus qui commence dés la décision deprè-embauche, qui se poursuit par la décision derecrutement et qui s’achève par une stabilisationcontractuelle et une intégration organisationnelle durable(c’est à dire en fin de période d’essai ou lorsqu’un CDDest suivi d’un CDI). Ceci sous-entend que la confirmationde recrutement se situe à tout niveau et à tout moment derecrutement.

1.2. La dimension organisationnelle

Le recrutement passe par une insertion progressive del’individu dans l’organisation. La littérature anglo-saxonneparle d’inclusion dans le système social pour décrirel’ensemble des mécanismes conduisant un individu externe

à devenir membre à part entière de l’organisation (Rowlandet Ferris, 1982). Dans cette optique, largement inspirée parle courant de la «corporate culture», l’insertion apparaîtcomme un processus de socialisation ou d’acculturation dunouvel embauché par lequel s’effectue le partage desnormes, des valeurs de référence conduisant à développerdes sentiments d’appartenance, d’affiliation etd’identification à l’organisation (Deal et kennedy, 1982).

Le recrutement s’inscrit dans une logique généraled’apprentissage organisationnel. Celui-ci se construitessentiellement autour de trois aspects : une socialisationgénérale, une construction du rôle lié à l’emploi tenu etun certain nombre d’acquisitions techniques et de savoir-faire collectifs.

Donc le recrutement n’est pas neutre. Il participelargement à la construction de la personnalité et l’identitédes individus par la mise à jour de leurs compétences.Comme étant un cadre juridique et institutionnel, lerecrutement agit également comme un «espace» qui doittendre vers un équilibre personnel. Cet espace fondé surdes degrés de confiance et d’authenticité jugée acceptablepar les parties contractantes, doit permettre à l’individude construire son identité sociale.

L’enjeu est de taille, car la nature des relations définies aucours du processus de recrutement induit des rapportsconfiants ou défiants par rapport au monde du travail,entraînant une capacité, plus ou moins grande à maîtriserl’emploi et ses évolutions, autrement dit, l’employabilitéfuture (Brete, Reynes et Gerhart, 1993).

Donc, seule une approche élargie permet de comprendrel’ensemble du processus de confirmation et de montrercomment l’intégration de l’individu à l’organisationpasse par une stabilisation contractuelle et unapprentissage organisationnel.

2. Description des comportements desentreprises en matière de recrutementNous avons cherché, à appréhender de manièreempirique, la démarche recrutement dans les entreprisesde l’échantillon. L’objectif est de caractériser le processusde recrutement mis en place, en apportant des réponsesaux questions suivantes: existe-t-il une planification etune analyse de poste pour identifier les besoins ? A quelsmodes s’adressent prioritairement les entreprises ? enfonction de quels critères choisissent-elles ses sources ?quels critères privilégient-elles pour choisir lescandidats ? A qui revient les décisions en la matière ?

Les pratiques de recrutement des entreprises marocaines : Caractéristiques et Implications.

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2.1 Les sources de recrutement privilégiées

Considérant les sources du recrutement auxquelles lesentreprises font appel pour pourvoir leurs postes vacants,il s’avère qu’elles font recours principalement aux modesde recrutement externes.

Des différences nettes apparaissent entre le degréd’utilisation des sources de recrutement pour chaquecatégorie du personnel. Ainsi, les relations strictementpersonnelles, les relations professionnelles sont lesprincipales sources utilisées. Ces sources, que nousappelons le dispositif informel, représentent 66% desmodes fréquentés. A ce mode de recrutement s’oppose unautre qui repose sur le dipositif formel (32%). Nousprécisons que le taux d’utilisation de ces modes prend enconsidération toutes les catégories du personnel.

Cette attitude est le reflet du comportement desentreprises étudiées, peu importe la catégorie dupersonnel. Elle relève de la préoccupation première duresponsable à trouver le candidat qui répond mieux auxexigences recherchées.

L’absence dans les entreprises d’une politique derecrutement formalisée peut en partie expliquer cettesituation: les organisations ne pratiquant pas de

planifications à l’avance de leurs ressources humainesauront des difficultés à réussir l’adéquation des profils, deposte et de l’individu. Ceci conditionne largement le choixaussi bien des sources que des critères de recrutement.A l’inverse, le recrutement par les services spécialisés estune pratique très peu courante, surtout lorsqu’il s’agit desouvriers, parfois des techniciens et des employés (2%).En effet, ces tendances sont valables pour toutes lesentreprises.

2.2. Quelques raisons du choix des sources

Les résultats obtenus nous conduisent à faire les constatssuivants: le délai de réaction représente la raison la plusexplicative des choix des sources de recrutement par lesentreprises de l’échantillon. Par conséquent, 48%d’entreprises déclarent avoir choisi leurs modes derecrutement des ouvriers en raison de ce facteur, 40%justifient leurs choix des cadres moyens de la mêmefaçon. Une telle situation peut s’expliquer parl’abondance des demandeurs d’emploi ainsi que ledéséquilibre important entre l’offre et la demanded’emploi. Ce comportement favorise le développementdes relations directes de proximité en matière derecherche d’emploi.

Les pratiques de recrutement des entreprises marocaines : Caractéristiques et Implications.

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FIGURE N°1

Les modalités de recrutementRECRUTEMENT PAR RESEAU FORMEL

32 %RECRUTEMENT PAR RESEAU INFORMEL

66.8%

CIOPE (organisme d’intermédiaire) varie en fonction de la CSP

9,7ouvrier10,3non cad8,4 %

5,3cadres

CABINETS DE CONSEILaugmente sur l’échelle de la CSP

0ouvrier2,9non cad5 %

12,3cadres

RELATIONS FAMILIALESdiminue sur l’échelle de la CSP

23ouvrier16,5non cad19 %18,6cadres

RELATIONS PROFESSIONNELLESaugmente sur l’échelle de la CSP

20,3ouvrier22,3non cad22,3 %24,5cadres

ANNONCES PRESSEvarie en fonction de la CSP

5,7ouvrier21,8non cad18,6 %28,3cadres

FORUMSaugmente avec la CSP

0ouvrier0non cad0,05 %

0,16cadres

CANDIDATURES SPONTANEES

32,3ouvrier19,0non cad22,6 %18,6cadres

AFFICHES DANS L’ENTREPRISEvarie en fonction de la CSP

2,60ouvrier2, 0non cad2,41 %2,65cadres

LE CHOIX DES MODES

délairéactionspécificité

29,6429,1915,71coûts engagé

LE CHOIX DES PERSONNES

ExperienceDiplôme

58,1034,3617,24Recommandation10,17Trait personnalité4,81Exigence salarial

varie en fonction de la CSP

Mise en relationindirecte

54,7 %

Mise en relation

directe

44,1 %

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Privilégié l’un ou l’autre canal du recrutement est enfonction de certaines conditions comme la taille del’entreprise, la nature du poste à pourvoir et parfois desconditions spécifiques à l’entreprise.

Concernant le choix des sources de recrutement descadres, la spécificité du poste occupe le premier rang(46%). Cependant, cette diversité des déterminants deschoix est liée aux exigences des profils recherchés.

Il est claire que le délai de réaction constitue la principaleraison des choix adoptés par les entreprises del’échantillon en matière du recrutement des ouvriers etdes non cadres. La spécificité du poste, si elle est généraledans l’explication des choix effectués en la matière pourtoutes les catégories d’emploi, elle est beaucoup présentedans le cas des cadres.

Les coûts générés par le recrutement expliquent engrande partie le non recours des entreprises enquêtées auxcabinets de conseil, aux forums ainsi qu’aux annonces.De plus, l’absence d’une culture d’efficacité etd’évaluation en est l’autre explication. En effet, lemanque de planification et d’analyse de postedéterminent la prédominance de l’analyse à court terme etde l’esprit de gain rapide. De cette façon, la mentalité desdirigeants est orientée «marché» plutôt que «production».

S’agissant d’autres critères de choix tels que lesdifficultés de recrutement, ils représentent seulement10% des préoccupations des responsables.

2.3. Les exigences en matière du choix des candidats

L’analyse des résultats permet d’affirmer quel’expérience professionnelle est la clé de voûte de choixdes individus. Les entreprises de l’échantillon préfèrentmultiplier les sources de recrutement que les critères duchoix des individus.

Le choix des cadres passe le plus souvent par lacombinaison de plusieurs critères surtout l’expérienceprofessionnelle (70%). Ce critère représente pourl’encadrement moyen 80%, alors qu’il est de 31% pourles ouvriers.(voir encadré n°4).

Le diplôme vient en deuxième position comme critère dechoix des individus, avec 62% pour les cadres, 55% pourles non cadres et 10% pour les ouvriers.

Selon Peretti (1998), l’un des objectifs fondamentaux de lasélection est de réunir toutes les informations relatives àl’expérience et aux qualifications des candidats. Le choixdes modes de recrutement témoignent de la pertinence desmoyens utilisés pour la collecte des ces informations.

A ce titre, une seconde remarque s’impose sur l’influencedes modes de recrutement sur les critères du choix desindividus. Bien que la majorité des entrepreneursreconnaissent l’utilité de la sélection et son effet surl’intégration des recrus, ils n’assument pas toute laresponsabilité de cette ultime étape en privilégiant leréseau relationnel. De cette façon, ils délèguent une partiede leurs responsabilités liées à ce domaine.

En choisissant ce type de réseau comme mode derecrutement prioritaire, les chefs d’entreprises enquêtéessemblent privilégier la confiance plutôt que lacompétence.

Par ailleurs, l’importance relative accordée au diplômecomme critère de choix des candidats (après l’expérienceprofessionnelle) nous conduit à s’interroger sur la naturede celui-ci en fonction des catégories socio-professionnelles.

Ainsi, L’analyse suivante porte sur les spécificités decertaines catégories socioprofessionnelles et leurcaractéristiques plus ou moins différentes: l’éventualitéd’être sélectionné par le biais d’un diplôme est d’autantplus forte que l’on se situe à une échelle élevée de lacatégorie socioprofessionnelle.

En effet, pour les ouvriers, le meilleur procédé derecherche déterminé concerne les candidaturesspontanées. Certains supports ont été égalementidentifiés, notamment le réseau relationnel. Pour cettecatégorie du personnel aucun diplôme n’est exigé àl’entrée, sauf pour les ouvriers qualifiés dont la majoritédes recrus sont issus de la formation professionnelle(40%). Dans une situation économique marquée par unchômage accentué et en absence du contrat du travail, untaux relativement élevé du turn over est généralementaccepté, il est le cas surtout des entreprises dont l’activitéest quasiment saisonnière (l’agro-alimentaire).

Pour la catégorie intermédiaire, le processus derecrutement vise généralement la mesure des aptitudestechniques et manuelles. Il est évident donc, pour notrecas, que la recherche passe par le biais des écoles de laformation professionnelle (63%). Ceci est d’autant plusvraie pour les techniciens qui doivent faire preuved’aptitudes incomparables avec les ouvriers (48%).

Pour les cadres, la démarche adoptée en matière derecherche du futur embauché, identifiée précédemment,donne une idée sur les qualités recherchée chez lescandidats. L’importance accordée au réseau relationnel(faible et fort)1, d’une part, et l’exigence de l’expérienceprofessionnelle, d’autre part, renforce l’hypothèse que laconfiance et la confidentialité sont préférées au détrimentde la compétence.

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les différences dégagées concernent, semble-t-il, nonseulement les procédures d’évaluation mises en œuvres,mais aussi les supports qui véhiculent l’annonce. De cettefaçon, les diplômes de la formation professionnelle sontprivilégiés pour les non-cadre (63%), contre 52% pour lesbac +2. Pour les cadres, le bac +4 est le plus exigé (75%),les non réponses pour cette catégorie représente 45%. Ilest d’une importance capitale de signaler à cet égard queles objectifs assignés au recrutement dépendent de lacatégorie du personnel concernée.

Si l’on cherche à dépasser ce stade de jugement, on peutcependant se donner un certains nombre de pistesd’explications. Par exemple, on peut se référer àl’ensemble des facteurs de contingence présentés dans lecadre conceptuel: la taille de l’entreprise, la structureorganisationnelle et le chiffre d’affaires à l’exportation.

Les pratiques de recrutement des entreprises marocaines : Caractéristiques et Implications.

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ENCADRÉSPrésentation des variables

Encadré n° 1 : Présentation de l’enquête

Objectif: enquête exploratoire en matière de gestion des ressources humainesEchantillon: 113 entreprises au total réparties sur cinq secteurs d’activité : agro-alimentaire, textile et cuir, chimieparachimie, mécanique et électricitéChamp géographique : deux régions différentes; Marrakech et Settat.Réalisation: juillet, août, septembre 1998.

Encadré n°2 : le choix des sources de recrutement

les modalités du choix des sources de recrutement

le délai de réaction, les coûts engagés, la spécificité du poste, autres et les non-réponse.

Encadré n°3 : le choix des individus

les modalités du choix des individus:

l’expérience professionnelle, le diplôme, l’âge, le sexe, les exigences salariales, les recommandationsprofessionnelles, les recommandations familiales, l’origine géographique, le passé professionnel, la culture générale,les traits de personnalité, autres et les non-réponse.

Encadré n° 4 : les variables expliquées

les modalités des sources de recrutement.CIOPE (centre d’information et d’orientation pour l’emploi), les annonces presse, les affiches dans l’entreprise,les relations familiales, les relations professionnelles, les cabinets de conseil, les candidatures spontanées, lesforums, les non-réponses et autresles catégories socioprofessionnelles.les manœuvres, les ouvriers qualifiés, les techniciens, les employés, les cadres moyens et les cadres.les deux ensembles de variables sont regroupés de la manière suivante:les relations familiales et les relations professionnelles, les candidatures spontanées, les affiches dans l’entreprise,les dispositifs informelsles CIOPE, les annonces, les cabinets de conseil, les forums= les dispositifs formels.les manœuvres et les ouvriers qualifiés = catégorie des ouvriers (G1)les techniciens, les employés et les cadres moyens = catégorie intermédiaire (G2)les cadres = catégorie des cadres.(G3)

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3. Analyse des déterminants des activités du recrutementLes précédentes analyses statistiques avaient pourobjectif de décrire les phénomènes observés en matièrede pratiques de recrutement. L’examen de l’ensemble desinformations recueillies a permis de mettre à jourquelques tendances générales, et de confirmer certainsrésultats de l’enquête nationale menée par le CNJA2 en1994 relative à l’encadrement de l’entreprise privée auMaroc.

S’il n’existe pas de modèle unique, nous avons cherché,par le biais des tris croisés à dégager certains styles decomportement ayant trait à la mission particulièred’acquisition des ressources humaines.

3.1 Quelques caractéristiques des entreprises de l’échantillon

Cette analyse nous permet d’identifier parmi les facteursdéterminants les suivants: la structure organisationnelle(structure chargée de la gestion des ressources humaines),la taille de l’entreprise (effectif du personnel) et le chiffred’affaires à l’exportation (ventes à l’intérieur et àl’extérieur du pays). En parallèle à l’enquête, les visitesque nous avons effectuée à toutes les entreprises ainsi quenos contacts directs avec les responsables, nous ont permid’établir un dossier descriptif sur le comportement desindividus au travail. Ainsi, les caractéristiques desentreprises de l’échantillon vues sous cet angle sontprésentées dans le tableau suivant:

Compte tenu de la structure chargée de la gestion desressources humaines, les entreprises enquêtées serépartissent de la manière suivante: pour 43% c’est ladirection générale qui s’occupe des problèmes dupersonnel. Les entreprises qui disposent au sein de leursstructures d’un service personnel représentent seulement33,5%. Tandis que le service des affaires sociales estprésent dans moins d’1% d’entreprises.

La répartition des entreprises selon la taille fait apparaîtretrois groupes. 59% d’entreprises ont un effectif qui estcompris entre 10 et 49 salariés, 18% ont un effectif allantde 50 à 99 individus. Les entreprises dont le personneldépasse 100 personnes représentent 23%.

L’interprétation préliminaire des résultats permet designaler que la taille des entreprises est une variabledéterminante au niveau de la structure chargée de lagestion des ressources humaines. En effet, 76% desentreprises dont la direction générale s’occupe durecrutement ont un effectif moins de 50 salariés. Parcontre, 6% des entreprises de plus de 100 salariés ont lamême structure qui traite les problèmes dupersonnel.(graphique n°8).

L’examen de ces résultats fait appel à la constatationsuivante: le niveau de formalisation (existence d’unestructure) s’accroît directement avec la taille del’entreprise (32% des entreprises de moins de 50 salariésont un service du personnel, 65% pour les entreprises deplus de 100 employés).

LE GRAPHIQUE N°1

La structure chargée de la GRH en fonction de la taille

3.2 La nature des déterminants

A première vue, l’intensité du recours au réseau pour lesactivités du recrutement varie en fonction, à la fois, du typed’emploi, et des variables organisationnelles identifiées.

Pour la catégorie des ouvriers, le réseau formel (15,5%)est moins fréquenté que le réseau informel (69,7%).

Les pratiques de recrutement des entreprises marocaines : Caractéristiques et Implications.

Farid CHAOUKI

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Taille de l’entreprise - de 50 personnes Entre 50 et 99 personnes plus de 100 personnes

Pourcentages 59 % 18 % 23 %

Structure de l’entreprise Direction générale

Pourcentages 43 %

Service personnel

33.5 %

Service des affaires sociales

0,88 %

autres

11.5 %

Chiffre d’affairesà l’exportation inf. à 25 %

Pourcentages 70 %

25 % > CA > 50 %

7,08 %

sup. à 50 %

8,85 %

égale à 100 %

13,27 %

0

20

40

60

80

100

inf à 50 de 50à99

sup à100

nombre de personnes

po

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Directionservivce personnel

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L’emploi de cette catégorie est surtout temporaire dans lamajorité des entreprises (les entreprises agro-alimentaireset les entreprises du bâtiment). Cette mobilité intense de lamain d’œuvre réduit l’attention portée par les responsablesà l’organisation et au volume d’emploi dans l’avenir.

Pour la population intermédiaire, les fréquencesd’utilisation du réseau formel représentent 16% contre67% pour le réseau informel. Il apparaît que lesprévisions quantitatives et qualitatives de ces emploisdemeurent limitées, voire très limitées, sinon absentesdans certaines branches.

Enfin, l’emploi des cadres semble s’effectuer aussi parvoie informelle (58%) au détriment de celle formelle(40%). En effet, l’absence de la réalisation des études surle contenu des emplois, et la prédominance desentreprises de petites et moyennes tailles, limitefortement l’emploi des cadres. Ces deux résultatsexpliquent, en quelque sorte, le taux d’encadrement trèsbas des entreprises enquêtées.

Si on prend en compte la structure chargée de la gestiondes ressources humaines dans les entreprises del’enquête, celle-ci est répartie entre deux dénominationsimportantes, à savoir la direction générale (43%) et leservice du personnel (44%). A ce niveau, l’utilisation duréseau semble moins influencée par cette variable,puisque l’existence du service personnel n’en diminue enaucun cas la fréquence d’utilisation. De plus, aucunedifférence n’est dégagée entre l’utilisation de réseauformel et informel.Il importe de signaler que l’effet relativement médiocrede la structure de l’entreprise sur les pratiques derecrutement met en valeur le poids décisionnel dudirigeant en la matière. En réalité, la taille de l’entreprise,l’importance fondamentale du dirigeant dans tout leprocessus décisionnel, le niveau de formalisation despratiques de GRH, ainsi que le poids particulier des autresfacteurs (marché du travail, l’environnement juridique,etc) affectent à des degrés divers et non négligeables lesactivités de recrutement réellement appliquées dansl’entreprise.

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LE GRAPHIQUE N°2Les modalités de recrutement en fonction des paramètres organisationnels

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direction

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F Co: dispositifs formels pour les ouvriers.

F Ci dispositifs formels pour la catégorie intermédiaire

F Cc: dispositifs formels pour les cadres

ICo: dispositifs informels pour la catégorie ouvriers

I Ci: dispositifs informels pour la catégorie intermédiaire

ICc: dispositifs informels pour la catégorie cadre

direction

service personnel

< 50 salariés

entre 50 et 99

> 100

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Les considérations de la taille des entreprises del’échantillon en matière de préoccupation de recrutementsont capitales. Cette variable s’avère déterminante quelleque soit la nature du support mis en place (formel et/ouinformel) pour toutes les catégories du personnel(population cadre et non-cadre).

Par ailleurs, le pourcentage des entreprises de taille 3(plus de 100 salariés) évolue en fonction del’augmentation sur l’échelle de la catégoriesocioprofessionnelle. Cependant, on remarque uneévolution totalement contraire pour les entreprises depetite taille (moins de 50 salariés). Ceci est vrai aussi bienpour l’utilisation du dispositif formel que pour ledispositif informel. Pour les entreprises de taillemoyenne, aucune différence notable n’apparaît pas entrel’utilisation des deux dispositifs, sauf une légèreaugmentation de l’informel par type d’emploi.

Il importe de préciser pour cette analyse l’influence de lanature d’activité sur l’utilisation de l’un ou l’autre réseau.Ainsi, les entreprises dont l’activité est 100% destinée àl’exportation préfèrent le réseau formel pour tous lestypes d’emploi. A contrario, les entreprises à 0% chiffred’affaires à l’exportation font appel au réseau informel.Entre les deux cas de figure, des comportements trèsdiversifiés apparaissent.

De plus, il faut nécessairement comprendre que tous cesfacteurs n’exercent pas la même pression sur ledéveloppement des pratiques de recrutement observées.Que ce soit en taille (nombre d’employés), ou en volumede vente (chiffre d’affaires à l’exportation) ou enstructure.

Il faut préciser que cette enquête attire notre attention surun certain nombre de points:

D’abord, quel que soit le recrutement que les entreprisesveulent réaliser, les sources les plus utilisées sont lesdispositifs informels. Les autres sources font l’objetd’une utilisation beaucoup plus dispersée.

Ensuite, on peut constater que le choix de ces deux modess’explique presque de la même manière. Ainsi, le délai deréaction et la spécificité de poste sont les raisons du choixles plus avancées. De même, les critères de sélection descandidats semble dépendre des choix effectuésprécédemment.

Enfin, les activités de recrutement des entreprises sontfortement personnalisées et centralisées avec une nettepréférence de l’expérience professionnelle au détrimentdu diplôme.

Plusieurs raisons sont à l’origine de cette situation: l’unedes plus importante est que la plupart des entreprises nedisposent pas de services chargés de la gestion desressources humaines.

D’un autre point de vue, il semble qu’il y ait aussi deslacunes dans la diffusion et la collecte des informationssur l’offre et la demande d’emploi, mais aussi sur laprévision et l’organisation des opérations de recrutement.Ce sont là autant de facteurs ayant un impact direct sur lacompétitivité de l’entreprise.

3.3. Discussion

L’étude du terrain, ainsi que les contacts que nous avonsétablis avec la plupart des responsables d’entreprisesenquêtées, nous ont permis de déceler, ou du moinspressentir: d’abord, la priorité accordée à l’entrepreneur(propriétaire, dirigeant, patron), ensuite, la sensibilité dece dernier quant à l’ouverture de sa vision versl’intégration de son entreprise dans les systèmesmodernes de gestion et enfin, la délégation de certainesresponsabilités en la matière. Dés que l’entrepreneurcommence à déléguer et à décentraliser, même en partie,certaines décisions en matière de GRH, des différencesnettes et positives apparaissent au niveau des pratiques derecrutement. Cette attitude est valable pour les autrespratiques de GRH. Ce transfert de responsabilitédébouchera vers la fin sur l’intégration systémique decette activité dans la stratégie globale de l’entreprise.

Au regard de l’ensemble des informations collectées,ainsi que les investigations menées en parallèle àl’enquête, il apparaît que les entreprises ne perçoivent pasencore l’utilité à formaliser, à anticiper les emplois, tantsur le plan quantitatif que qualitatif. Il semble aussi quel’analyse de l’impact des facteurs influant ces activitésqui fasse défaut. Ce dernier constat est la conséquence dupremier.

Les grandes orientations observées, pour la totalité del’échantillon, en matière de recherche et d’acquisition des«compétences» sont analogues pour l’ensemble dupersonnel. En effet, en privilégiant le réseau relationnel àces deux niveaux, le recrutement des ressources humainesest plutôt fonction de confiance, comme l’avouentplusieurs responsables, que de compétence.

Dans ce contexte, cette étude révèle l’urgent besoin d’unchangement de méthodes et de style de recrutement. Parconséquent, le gage de développement de la fonctionressources humaines au Maroc se résume dans lasensibilité des acteurs et des décideurs pour l’acceptationd’un changement de mentalité et de conception, ainsiqu’à la renonciation aux logiques de pouvoircontraignantes.

A ce titre, les préoccupations et les considérations desresponsables des entreprises de l’enquête dans le domained’acquisition des ressources humaines sont à rapprocherde l’un des comportements suivants:

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Pour la population des non-cadres et des ouvriers, cettemission d’acquisition des ressources humaines n’a aucuncaractère prévisionnel et le recrutement des salariés estorganisé en faisant appel au marché externe, en exploitantplus précisément le réseau informel. Le personnel dansl’entreprise n’étant généralement pas informé par voieinterne de la vacation d’un poste. Cette politiqued’acquisition des ressources humaines est qualifiéed’«aléatoire».Pour la population des cadres, seulement certainesentreprises mènent des réflexions sur les besoins et lesdisponibilités des ressources humaines. Plusparticulièrement pour des profils précis comme lesingénieurs. Cette volonté d’anticipation mènera à laformalisation du processus de recrutement, c’est unetendance vers une politique d’acquisition des ressourceshumaines «planifiée».

Conclusion : appréciationsLa culture d’entrepriseSur la base des contacts effectués au moment del’enquête, un rapport descriptif a été rédigé en parallèle àcelle-ci. Ce dernier avait pour objectif principal dedécrire, avec un degré d’approfondissement, lescirconstances de déroulement de l’enquête tout en sefocalisant essentiellement sur les comportements desindividus rencontrés sur le terrain, quelque soit leurniveau de responsabilité au sein de l’entreprise. Cerapport nous a servi de base pour expliquer certainsrésultats de l’étude.En effet, chaque organisation se caractérise par unensemble de rites, de coutumes et de valeurs, parfois fixéspar le patron. Par conséquent, il est absurde de ne pasprendre en considération ces paramètres pour décrire lemonde du travail de ces organisations. A ce titre, lessociologues considèrent le processus de recrutementcomme créateur et reflet de culture d’entreprises. (deuxentreprises exerçant dans le même domaine d’activité,l’une à coté de l’autre, ayant relativement le mêmeeffectif, ont des comportements et un environnement dutravail très opposé, toutes choses égales par ailleurs).Comme créateur d’une culture, le recrutement visel’intégration des salariés qui sauront s’adapter à desnormes collectives de comportement. A l’inverse,l’objectif d’une politique de recrutement peut viserl’intégration de profils nouveaux qui feront évoluer leshabitudes internes.Le recrutement est le reflet d’une culture d’entreprise, carle choix des outils, le mode d’intervention des acteurs enprésence ne sont pas neutres. Ceux-ci traduisent le moded’organisation interne, les rapports de pouvoir, les

circuits de décisions, les critères de sélection, etc.(l’accèsà la direction de certaines entreprises est complètementinterdit à toute personne étrangère).Si le processus de recrutement varie en fonction du moded’organisation de l’entreprise et répond donc aux besoinsdictés par la culture de celle-ci, l’analyse de ce processusest également un révélateur intéressant des valeurs etdonc de la culture. Il suffit parfois d’examiner quiintervient dans le choix des candidats et comment, pourcomprendre comment fonctionne l’entreprise enprofondeur.

La situation sur le marché du travailGénéralement, le marché du travail couvre plusieurscomposantes à savoir par exemple: les qualifications, ledegré de féminisation, le caractère multiethnique de lamain d’œuvre...etc. En s’intéressant aux qualifications, età l’instar de certains travaux (Pichaut et Zinet, 1998), ils’est avéré que la faible qualification de la main d’œuvresoit favorable au développement de certains mode derecrutement comme les candidatures spontanées etl’importance du turn over qui en découle. Ceci traduit lefait que la compétence n’occupe guère de place centrale.A cela s’ajoute l’absence des organismes d’inter-médiation sur le marché du travail. Cette défaillance dumarché du travail marocain contribue au développementde réseau relationnel et limite bien évidement l’accès auxcompétences qui y existent.

La réglementation socialeLa nature de l’intervention publique dans le domainesociale participe au développement des différentscomportements en matière de recrutement. En effet,l’absence de règles strictes de gestion des départs et decontrat du travail, l’inexistence d’une réglementationsérieuse des conditions du travail, favorisent ledéveloppement des comportements tels que le recourstrès fréquent aux démarches informelles à tous lesniveaux dans le domaine du recrutement.

La sensibilité d’essence gestion des ressources humaines.Les résultats de l’étude permettent également de formulerune idée préliminaire sur la sensibilité d’essence gestiondes ressources humaines. Les appellations de la fonctionressources humaines ainsi que la culture d’entreprise nesont que des indicateurs pertinents sur la conception et laphilosophie de gestion des ressources humaines.L’appellation fonction personnel présente dans desentreprises (33,5%) reflète le caractère encoreadministratif de ces activités (gérer le quotidien, fairerespecter l’ordre et la discipline...). Cette logique detraitement des hommes dans les entreprises de l’étudepermet d’affirmer que la vision des entrepreneurs vis-à-vis de leurs «ressources humaines» est loin d’êtrequalitative.

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Notes1 Par réseau faible nous entendons les relations

professionnelles, le réseau fort concerne les relationspersonnelles et les relations familiales

2 Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir.

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GRH et stratégie : le chaînon manquant du professionnalisme ?

Miguel DELATTRE Docteur en sciences de gestionUniversité Lumière Lyon 2 / [email protected]

Cet article présente une réflexion sur le professionnalismedes acteurs dans une organisation à partir d’une analyse dela relation entre GRH et stratégie. La prise en compte desressources humaines est ambivalente dans les stratégiesorganisationnelles. Il existe un décalage entre les discours etles réalités que renforce une conception implicite sur lanature de la contribution des ressources humaines à lastratégie d’une organisation.Des courants comme celui du management desconnaissances contribuent à consolider l’articulationentre les ressources humaines et la stratégie d’uneorganisation en s’intéressant à l’interface entre la mise enœuvre d’un projet et la contribution des acteurs. Leprojet d’une organisation s’enracine dans sonpotentiel humain. Celui-ci constitue la premièreressource active pour mobiliser son énergie (prise dedécisions et mises en actes), pour animer les élémentsnécessaires à l’atteinte d’un futur désiré (projet(s)) sousemprise d’une stratégie jugée pertinente : elle assure lacohésion de l’espace des acteurs et la cohérence dupositionnement de l’organisation dans son environnement(Lorino, 1996). L’hypothèse de cet article est qu’il est illusoire d’afficherla primauté de la contribution du potentiel humain à unestratégie organisationnelle si cette reconnaissance nes’inscrit pas dans un dispositif piloté de couplage pour lamise en œuvre. La notion de professionnalisme desacteurs en organisation permet de développer lacompatibilité entre les niveaux de la stratégie d’uneorganisation et celui d’une contribution individuelle souscontraintes collective.

IntroductionL’environnement, caractérisé par une multitude dechangements rapides (la mondialisation et les mutationsdes marchés, les reconfigurations des réseaux dedistribution,…) semble imposer aux entreprises et auxorganisations un nouvel impératif pour assurer leurpérennité, celui de la mobilisation de leurs ressourceshumaines.

Pour une entreprise mobiliser ses ressources humainessignifie les rassembler et utiliser, comme moyen dedéveloppement, leurs intelligences, leurs idées et leursmotivations. Il est nécessaire de s’interroger sur lesleviers disponibles pour développer la qualité de lacontribution des individus au fonctionnement del’organisation. Cela consiste à développer leprofessionnalisme des acteurs en les repositionnant aucœur des processus de réalisation d’une activité, endéveloppant leurs capacités de prises de décisions et depassage à l’acte dans le cadre d’espaces de libertésidentifiés dans un fonctionnement collectif.

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La perception du professionnalisme s’inscritclassiquement dans l’appréciation de la résultante del’action individuelle alors que celle-ci est de plus en plusconditionnée par un niveau collectif de mise en œuvre. Eneffet, les modes de production sont de plus en pluscomplexes et nécessitent une part croissante decoopération au sein de l’organisation. Leprofessionnalisme résulte d’une intentionnalité desacteurs mais aussi, et de plus en plus, de la qualité del’articulation des dimensions individuelle et collectivedans la mise en œuvre de la coopération.

Le statut des ressources humaines dans la stratégie desorganisations est ambigu (1). Il existe un décalage entreles discours et les réalités (1.1) que renforce uneconception implicite sur la nature de la contribution desressources humaines à la stratégie d’une organisation(1.2). Le développement du professionnalisme dans uneorganisation revient à réconcilier la prise en compte de lacontribution du potentiel humain au regard de la stratégied’une organisation (2). Les individus constituent larichesse première d’une organisation en ce sens qu’ilsconditionnent le niveau et la qualité de la mobilisationdes autres ressources (2.1) parce qu’il réalise des actesdans le cadre d’une intentionnalité négociée (2.2). Leprofessionnalisme dans une organisation se situe dans lepilotage de l’interface entre la dimension collective duprojet de l’organisation (stratégie poursuivie) et de ladimension individuelle, le(s) projet(s) des acteurs (3). Apartir des résultats d’une recherche-intervention (3.1),une proposition de développement instrumentée duprofessionnalisme dans une organisation est réalisée (3.2)pour enfin, repositionner la notion sur les pratiques desindividus (3.3).

1. Le statut ambigu de la gestion des ressources humaines dans les stratégies organisationnelles L’ambiguïté de la gestion des ressources humaines dansune organisation tient au fait, qu’il existe un décalage,entre les discours et leur mise en actes dans les pratiquesprofessionnelles et que la relation entre la gestion desressources humaines et la stratégie repose sur unearticulation implicite (Duyck : 1999).

Nous traiterons dans un premier point du décalage entreles discours et les réalités. Les ressources humainesreprésentent dans les discours un actif précieux mais leurcontribution en tant que variable d’ajustement dans lespratiques des entreprises montrent qu’elles n’ont pas

encore obtenu le statut que leur accordent de nombreuxauteurs en gestion des ressources humaines. Nousopérerons dans un second point, une mise en perspectivede l’articulation implicite entre GRH et stratégie dans lecadre de laquelle les ressources humaines ne peuvent êtrequ’un élément secondaire pour la définition et la mise enœuvre d’une stratégie.

1.1. Un décalage entre les discours et les réalités

La créativité de la ressource humaine, essence même dela création collective qui suppose la reconnaissance del’homme par l’homme (Perroux : 1964) ne semble pasremise en cause dans les entreprises et les organisations.Les modalités de son activation dans les entreprises et lesorganisations s’inscrivent aujourd’hui dans des pratiquesen décalage avec les discours. La ressource humaine,semble être le plus souvent, la variable d’ajustementprivilégiée et parfois unique lorsqu’il s’agit d’adapterl’organisation. L’enjeu pour la fonction de la Gestion desRessources Humaines est de faire face, ce qui la met aupremier rang de l’action et valorise ainsi sa contributionaux performances économiques et sociales del’entreprise. Le remplacement du mot personnel parl’expression ressources humaines traduit le passage dustatut de cette ressource de frais généraux à celui devariable stratégique (Savall : 1975,1980, Frombonne :1992). Cette nouvelle dénomination est porteuse d’unnouveau langage devant faciliter le passage de l’idée auxpratiques professionnelles.

Les gestionnaires des ressources humaines développent ladimension stratégique de leur fonction en l’inscrivantdans des dispositifs de réaménagements organisationnels.La dimension administrative et technique évolue vers unemission d’orchestration des différents dispositifs pouroptimiser la gestion des compétences, mobiliser etresponsabiliser davantage les salariés en engageant desplans de formation ou en contribuant à un aménagementet à une réduction du temps de travail. La gestion desressources humaines doit jouer un rôle déterminantd’accompagnement dans la mise en œuvre del’autonomisation des acteurs à tous les niveaux de lahiérarchie (Peretti : 1996). Les approches discursivesconvergent vers une reconnaissance de la dimensionstratégique des ressources humaines mais il n’y a pasencore un consensus sur l’approche et le positionnementà adopter. Une typologie de la dimension stratégique desressources humaines distingue trois catégories d’auteurs(Duyck : 1999). Les enthousiastes pour lesquels ladimension stratégique des ressources humaines est avéréeou sur le point de l’être (Besseyre des Horts : 1987, LeBerre : 1995, Peretti : 1994). Les prêcheurs pour lesquelsla place stratégique des ressources humaines est une

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nécessité et qui formulent le souhait qu’elles prennentcette place (Laufer : 1978, Weiss : 1992). Lesopérationnels pour lesquels la gestion des ressourceshumaines se structure d’abord grâce à la mise en placed’outils (Martory : 1984, Amblard : 1990, Le Gall :1998).

Le développement du rôle de la fonction des ressourceshumaines révèle l’ambiguïté de la notion de participationdans l’entreprise (Thévenet : 1992). Celle-ci, entenduecomme la participation des salariés aux décisions, estparfois perçue comme un piège destiné à leur faireaccepter plus facilement la pression extrême des marchésmondialisés. Dans cette optique, l’implication despersonnes réside en une opération de marketing social :vendre en interne la mise en œuvre d’actions pours’adapter en se restructurant. Les pratiques demobilisation du personnel notamment vis-à-vis despersonnels non cadres sont inégales, car plus on descenddans la hiérarchie, moins les organisations mettent enplace des pratiques pour mobiliser leurs ressourceshumaines (Barraud : 1998). L’idée n’est pas nouvellepuisque depuis l’origine, la gestion des ressourceshumaines ne traite pas de façon identique tous les salariés(Igalens : 1997). La mobilisation des salariés et employésrepose encore trop souvent sur des dispositifs devolontariat. D’autres approches, telle celle développéepar notre équipe de recherche, reposent sur une action demobilisation de l’ensemble de l’entreprise. Cette actionvise l’activation de l’ensemble des niveaux hiérarchiqueset de leurs collaborateurs. Elle permet une mobilisationenracinée et une transformation progressive puisqu’elles’inscrit dans l’ensemble du périmètre de l’entreprise. Lamission d’orchestration concrétisée par le développementde dispositifs impliquant des relais dans l’organisation estassociée à la représentation de la valeur ajoutéequ’apportent les acteurs à celle de l’organisation. Lesdifficultés rencontrées pour mettre en œuvre une stratégieconstituent un cadre propice pour une remise en cause decette dernière. En effet, la contingence del’environnement ne suffit pas toujours à épuiser toutes lescauses de contre performances et la ressource humaineest hélas trop souvent assimilée au dernier maillon d’unechaîne de causalités que sanctionnent des réductionsd’emplois.

Le terme de ressources humaines est porteurd’ambiguïtés : s’agit-il de gérer des ressources humainesou des ressources des humains ? S’agit-il de chercher àtransformer le travail en performance collective oud’optimiser les charges de personnel en vue d’améliorerla rentabilité à court terme de l’entreprise (Plane : 2000)? Pour une organisation en situation de contre-performance, les impératifs de compétitivité canalisentsouvent la mise en œuvre d’un plan de survie etfragilisent la zone de compatibilité entre les objectifs

poursuivis par un management de la performanceconcurrentielle et ceux du management de la contributiondes hommes à une valeur ajoutée collective.

La terminologie d’actif stratégique des ressourceshumaine est ambivalente puisqu’elle (se) justifie dans lesdiscours en gestion des ressources humaines, d’unevariable clé de succès de la réussite d’une stratégie. Larelation entre la gestion des ressources humaines et lastratégie repose sur l’implicite de sens et de contenu querecouvre le terme de stratégie.

1.2. L’articulation implicite de la gestiondes ressources humaines à la stratégie d’une entreprise

Les restructurations d’entreprises se poursuivent avec desplans sociaux médiatisés (Renault Vilvorde, Michelin etplus récemment Danone), cependant en l’état actuel desconnaissances, la légitimité de ces réductions d’effectifsest mal connue : la réduction du corps social est jugéecomme un moyen nécessaire pour relancer laproductivité. Les licenciements économiques semblentplus liés à des artefacts de gestion et à des procéduresbudgétaires qu’à la nécessité industrielle (Chevalier,Dure : 1994). Ceux-ci conduisent à laisser penser que laressource humaine n’est prise en compte du point de vuede la stratégie d’une organisation que dans la phase demise en œuvre par l’intermédiaire de structuresd’animation des hommes ou de gestion des compétencesnécessaires (Martinet : 1984). La ressource humaine estrarement perçue comme un avantage concurrentiel etn’est jamais vue comme un obstacle insurmontable à lastratégie générale de la firme (Desreumaux : 1993).

De ce point de vue, la gestion des ressources humaines estalors une fonction d’entreprise qui vise à obtenir uneadéquation efficace et maintenue dans le temps entre sessalariés et ses emplois, en termes d’effectifs, dequalification et de motivation. Elle a pour objectifl’optimisation continue des compétences au service de lastratégie de l’entreprise, dans la définition de laquelle elleintervient (Le Gall : 1998). La GRH serait finalementqu’une fonction instrumentale de l’entreprise assujettie àune stratégie qui l’exempte des choix opérés. Dans cetteoptique, c’est un organe de régulation privilégié. A titred’exemple, le downsizing est présenté comme un moyend’améliorer la performance d’une organisation. Il s’agitd’un processus comprenant trois éléments : l’intentiond’une direction d’entreprise suivie d’une démarcheréactive ou proactive d’améliorer la performanceorganisationnelle, une réduction de l’effectif del’entreprise et la reconception de l’organisation du travail.(Cameron, Freeman : 1994). Dans la pratique la mise enœuvre de ce concept s’est souvent limité à une réduction

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de la force de travail (downsizing économique)révélatrice d’une stratégie à court terme (licenciementséconomiques, préretraites, départs volontaires,…).

Le passage d’une stratégie par adaptation (strategic fit) àune stratégie par intention (strategic intent) (PrahaladHamel : 1990) ou par projet (Savall, Martinet : 1979) enadéquation avec les changements mouvants del’environnement se développe. La contingence descontraintes de l’environnement ne sont plus considéréescomme des variables déterminantes de la définition d’unestratégie d’entreprise. Celle-ci dispose d’une marge demanœuvre pour négocier un projet avec sonenvironnement, même si bien entendu, certainescontraintes réelles s’impose à elle. Le licenciementreprésente alors l’ultime contribution du potentiel humainà la survie de l’entreprise. Il est possible d’éviter lesrestructurations coup de poing, traumatisantes pour lesacteurs de l’entreprise en effectuant davantage derestructurations progressives, plus douces. La visionprédominante du marché configure une vision à courtterme et la mise en œuvre de stratégies technico-économique qui reposent sur le triptyque produit-marché-technologie. Les stratégies centrées sur l’adaptation auxmarchés entraînent une uniformisation des entreprises. Leprix constituant le critère principal de la lutteconcurrentielle. Les autres variables constituent ungisement mobilisable, notamment le potentiel humain,perçu comme un centre de coût et non comme vecteur devaleur ajoutée. Nombre de restructurations d’entreprise sesont inscrites dans des scénarios à court terme deretournement de conjoncture sans anticiper la perte depotentiel liée à une nouvelle fluctuation de ses marchés.La dimension immatérielle qui concerne la création depotentiel et une vision à moyen et long termes de lastratégie sont atrophiées. Le déficit de vision à termeprivilégie les résultats immédiats alors même que le soldede la balance à terme d’une restructuration brutaled’ajustement aux marchés est négatif si l’on comptabiliseles coûts sociaux directs et indirects ainsi que les coûtséconomiques de relance de la compétitivité (Bonnet,Coste : 1998).

Le rôle de gestionnaire de tensions s’affirme de plus enplus central. C’est un rôle d’arbitrage, de conciliation etd’accompagnement entre les rationalités technico-économique et les rationalités socio-politiques (Louart :1995). Ainsi, la mise en œuvre d’une stratégie corresponddans les faits à une négociation sans cesse renouvelée duprojet désiré avec les parties prenantes, internes etexternes pour la mise en actes et la prescription deressources ou d’économie de coûts (salariés, clients,fournisseurs, collectivité locales, aides publiques).L’environnement source de contraintes est aussi porteurd’opportunités. Les ressources humaines comme moteurde la mise en œuvre d’une stratégie restent assujetties à la

conception qu’a le dirigeant ainsi qu’aux marges demanœuvre que lui laisse le niveau des relations plus oumoins dégradées avec l’environnement. Promouvoir lastratégie d’une entreprise comme un processus denégociation permanent d’un projet simultanément avecles acteurs internes et externes permet de dépasser lesdiscours des enthousiastes, d’expérimenter ceux desprêcheurs et d’améliorer l’approche des opérationnels.

2. Le développement du professionnalisme pour renforcerla compatibilité de la contribution du potentiel humain à la stratégied’une organisationLa mobilisation des ressources nécessaires à laproduction d’une organisation pour maintenir sa relationavec son environnement devient centrale dans la prise dedécision stratégique. Ce phénomène conduit à unefocalisation sur les ressources visibles et par extensionentérine une prise en compte partielle de la contributiondu potentiel humain pour la mise en œuvre et l’animationde la stratégie de l’organisation. Après avoir montrél’importance de la dimension immatérielle de lamobilisation des ressources d’une organisation à l’aide dela grille de lecture du management des connaissances(2.1) nous traiterons dans un second temps de la place del’intentionnalité pour mobiliser les ressourcesconformément au projet stratégique (2.2).

2.1. Une perception partielle de la contribution du potentiel humain

Dans une stratégie d’entreprise l’inventaire desressources existantes pour effectuer la mise en oeuvretraduit généralement une focalisation sur les ressourcesmatérielles afin d’optimiser le retour sur investissements.Les actions sur les ressources matérielles sontprivilégiées pour obtenir de nouvelles ressources(logiques quantitatives des ratios). Un investissementmatériel peut ne pas déboucher immédiatement sur desgains de productivité puisque la qualité d’utilisation desressources est indispensable tant au stade de la mise enœuvre que de l’émergence technologique. Il est doncnécessaire de considérer le couple investissementmatériel-investissement immatériel pour améliorer laperformance globale de l’entreprise. Le potentiel humainest un facteur énergétique essentiel. C’est une source

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d’avantages concurrentiels économiquement porteur s’ilest le support d’actions récurrentes de stimulation pourtransformer en résultats immédiats futurs lesinvestissements en création de potentiel.

La valeur de création de potentiel représente la quantitéde ressources que l’organisation affecte audéveloppement de son offre de produits, pour intégrer etmettre au point des technologies nouvelles et développerla compétitivité à long terme. Ces actions consistent àaccroître la compétence des hommes selon des processusd’apprentissage réalisés sur le lieu de travail pour faireévoluer les comportements humains, en termes deréactivité d’adhésion et de dynamisme. Le potentielhumain constitue une ressource qu’il est possible demobiliser en favorisant l’acquisition de compétences,leurs mise en œuvre, la réalisation de tâches pluscomplexes mais permettant plus d’initiatives et de prisesde responsabilités, la participation directe à des actions decommunication, d’information, de formation etd’organisation personnelle et collective du travail (Savall,Zardet : 1995).

La grille de lecture du management des connaissancespermet d’expliquer la prise en compte partielle de lacontribution du potentiel humain à la stratégie d’uneorganisation. La connaissance comprend à la fois leproduit de l’activité cognitive et le processus par lequel seconstruit la connaissance. Connaissance et action sontindissociables c’est pourquoi l’on peut considérer laconnaissance comme quelque chose que les gens fontplutôt que comme quelque chose que les gens ont(Blackler : 1995). Produire des actes, ne comprend passeulement une dimension énergétique, mais égalementune capacité d’interprétation, de traduction etd’agencement d’actes dans un contexte. Lesconnaissances s’enrichissent dans l’action. Lamatérialisation des connaissances ne peut être quepartielle car elles sont vastes, insaisissables et en

perpétuelle évolution (Bachelard : 1925). C’est dansl’action que la connaissance organisationnelle prend sonsens, pour que des connaissances acquièrent unesignification, les gens doivent la relier à leurs problèmes

et activités courantes (Starbuck : 1992). Uneconnaissance organisationnelle est par définition uneconnaissance pertinente pour son action, c’est-à-diresusceptible de modifier le comportement del’organisation (Huber : 1991), ou qui plus ou moinsprofondément, plus ou moins durablement, modifie lagestion des situations et les situations elles-mêmes(Koening : 1994). Une connaissance organisationnellen’est pas une connaissance détenue par l’ensemble desindividus mais ne peut se faire sans eux car toute créationde connaissances passe par les individus. L’organisationpeut apprendre indépendamment de n’importe quelindividu spécifique, mais ne peut apprendreindépendamment de tous les individus. La clé d’entrée dela connaissance réfute la personnification del’organisation pour rendre compte de manière opératoirede la qualité de production d’actes en situation de gestion.

Le deuxième niveau de lecture se situe dans les notions desavoir et de savoir-faire. Le savoir individuel estl’ensemble des croyances d’un individu sur lesrelations de cause à effet entre les phénomènes. Paranalogie, on définit le savoir organisationnel commel’ensemble des croyances partagées au sein d’uneorganisation sur les relations causales entre lesphénomènes. Les savoirs sont des référentiels d’analysedes codes et des métacodes susceptibles d’être mobiliséspour l’action et relèvent de l’ordre du pourquoi (Pelletier :1996). La notion de savoir-faire peut être entendue ausens large comme la transformation d’un ensemble deconnaissances (Hedlund et Nonaka : 1992), implicites ouexplicites (Hall : 1992), en action dans le cadre d’uncontexte. La notion de savoir faire peut aussi se définir

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FIGURE N° 01La distinction entre les ressources visibles et cachées

Domaine d’hypersensibilité

Ressources f inancières

Moyen d’obtenir d’autres ressourcesou de consolider les ressources

disponibles ç

Domaine d’insensibilité

Autres ressources potentielles à disposition

Humaines

Temps Energie Savoir-faire

Matérielles

Immatérielles

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selon un sens plus étroit et plus directement centré surl’individu : le savoir-agir. Le savoir agir est l’ensembledes facultés d’un individu qui se révèlent par des actes,dans l’exercice d’une activité de production souscontraintes. Les savoir-agir sont les facultés auxquellesune personne fait appel pour lui permettre de comprendre,d’être, de faire-comprendre et de faire-être dans le cadrede la réalisation d’une ou plusieurs opérations (Faure,1996). Ainsi définie, la notion de savoir agir positionnela notion de savoir-faire au niveau du comportementde l’acteur. Le savoir-agir est la mise en œuvre parl’acteur de ressources intangibles qui résultent d’unecompétence distinctive (Hall : 1992). Le savoir-agir esttransversal aux opérations de l’activité professionnelle,entendues comme la réalisation d’opérations selon unprocessus algorithmique. Il relève d’un processusheuristique de mise en œuvre des connaissances d’unacteur et pas de la seule dimension technique. En ce sens,le savoir agir permet de définir les savoir-faire comme lacapacité à accomplir une tâche que d’autre ne peuvent pasaccomplir (Baumard : 1996).

Le troisième niveau de déclinaison des connaissances pourla production d’actes est celui où une évaluation estréalisable : les compétences. La notion de compétencescomme l’ensemble des savoirs mobilisés en situation detravail (Joras : 1996) renvoie à différents niveaux d’analysed’une organisation. Les compétences peuvent êtreappréciées au niveau collectif, c’est-à-dire comme unmoyen de la stratégie de l’organisation et de la mobilisationde son potentiel humain. La compétence est alors uneintelligence individuelle et collective des situationsproductives, considérées dans l’ensemble de leurcomplexité et de leur relative nouveauté (Zarifian : 1994).Les compétences dépendent des possibilités de mise enœuvre dans le cadre de «situations de travail» et non del’aptitude d’un homme à utiliser des moyens de façon àatteindre un objectif (Gélinier : 1984). Les compétencessont définies dans l’analyse socio-économique comme unensemble de connaissances théoriques et pratiquesdétenues par un acteur, mises en œuvre dans l’exercice deson activité professionnelle dans une ou plusieursspécialités ; une combinaison de savoir théorique etpratique qui produit une valeur ajoutée (Savall : 1975). Lescompétences sont la capacité d’une personne à réaliserune opération avec un niveau de qualité satisfaisant(celui qui permet la réalisation d’une action qui produit leseffets escomptés). Les compétences relèvent de l’ordre ducomment et sont un savoir agir reconnu : on ne se déclarepas soi-même compétent, cela dépend d’une appréciationsociale (Wittorski : 1998). C’est pourquoi les compétencesne peuvent être définies en terme de potentialités : habiletéset savoir-faire, susceptibles d’être mobilisés par l’acteur(Pelletier : 1996) car il n’y a de compétence que decompétence en acte (Le Boterf : 1994).

Le courant du management des connaissances a permisd’agrandir le périmètre, les ressources matérielles etfinancières mobilisées par les individus relèvent d’unedimension immatérielle. La qualité de la contribution desacteurs à la stratégie d’une organisation est conditionnéepar le degré de professionnalisme d’une collectivitéd’individus. Il s’agit de favoriser le passage d’un espacecommun à un espace partagé.

2.2. La négociation pour enracinerla stratégie dans l’espace organisationnel

Cultiver la connaissance dans l’entreprise, c’est créer lareprésentation partagée qui permet d’envisagercollectivement l’avenir (Prax : 2000). Le modèlerelationnel sous jacent aux théories du « knowledge-based » est souvent basé sur une coopération sans failleentre les individus, une progression commune etpacifique vers des objectifs dits consensuels (Alter :1995). L’observation des organisations vivantes tend àentériner l’hypothèse selon laquelle l’état spontané d’unsystème social est conflictuel (Savall : 1980). Le conceptdu « BA » issu de la philosophie japonaise désigne unespace partagé, constituant une fondation aux processusde création des connaissances (Nonnaka, Konno : 1998).Cette perception d’un espace partagé propice auxprocessus de création des connaissances nous renvoie auxlogiques des individus supports, plus qu’à celle del’organisation. De nombreux auteurs soulignent que lecaractère téléonomique des êtres vivants nous oblige àreconnaître que dans leur organisation, dans leurperformance, et même dans leur structure, les êtresvivants poursuivent un projet (Sartre : 1951, Perroux :1963, Mauss : 1968, Monod : 1970, Morin : 1973 Savall :1975, Chanlat : 1990). Une représentation stratégique dudéploiement individuel des connaissances peut constituerune grille de lecture féconde d’un espace partagé où touteconnaissance est liée à l’action de connaître un objet ouun événement, utilise en l’assimilant un schéma d’action(Von Glaserfelt : 1988). Nous empruntons à F. Perroux(1975) la modélisation de l’unité active pour rendrecompte de la capacité téléonomique plénière desindividus en organisation. Une unité active a unecapacité de décision finalisée par un projet, une capacitéà mobiliser des ressources et une capacité à s’organiser enrelation avec un environnement par formation ettransformation des moyens d’actions dont elle se dote. Lacréation de connaissances s’inscrit alors dans la capacitéqu’ont les acteurs de négocier et renégocier, de manièrecollective et/ou individuelle, formelle et/ou informelle,les modalités de leur contribution dans une situation decoopération finalisée. L’enjeu réside dans ledéveloppement de la capacité de négociation des acteurs(Savall : 74-75), de fertilisation des intelligences

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(Zarifian : 1993) pour créer, renforcer une diffusion desconnaissances, savoirs et compétences pour développer ledegré de professionnalisme de l’ensemble.

L’organisation est tout à la fois un espace d’acteurs, sil’on se positionne au niveau des individus, et une entité sil’on considère la résultante de leur action conjuguée. Lescaractéristiques de l’unité active s’appliquent aux deuxniveaux. Le potentiel humain constitue la premièreressource active pour mobiliser son énergie (prise dedécisions et mise en actes), pour animer les élémentsnécessaires à l’atteinte d’un futur désiré (projet(s)) sousemprise d’une stratégie jugée pertinente. Celle-ci assurela cohésion de l’espace des acteurs et la cohérence dupositionnement de l’organisation dans son environnement(Lorino, 1996). Selon ce positionnement la dimensioncollective de l’organisation se décompose en quatredomaines d’actions. Le cadrage stratégique détermine leprojet et ses modalités de mise en œuvre, notamment lagestion des ressources nécessaires à sa réalisation. Lasynchronisation des activités et des hommes articule lesniveaux individuel et collectif, et la structuration traitedes interrelations et interactions au sein de l’organisation.La dimension locale de l’organisation est constituée del’espace hétérogène des acteurs dotés eux aussi demoyens d’action. La compatibilité stratégique marque ledegré d’adéquation entre le projet de l’acteur et celui del’organisation. Les moyens ressources sont des élémentsmobilisés par les acteurs pour réaliser une activité.L’organisation des flux réside dans l’articulation d’unecontribution individuelle à la production d’un résultatcollectif. La visibilité et l’ajustement canalisent lacapacité de correction des actions réalisées par lesindividus.

Traiter du professionnalisme consiste à développer uneapproche globale de l’organisation en effectuant une miseen relation de ses dimensions individuelle et collective.Une approche centrée sur les relations qui alimententl’articulation des pôles individuel et collectif, permet desaisir la qualité de la production d’actes pour la mise enœuvre dans et par l’organisation.

Le professionnalisme concerne donc un ensemble depersonnes et peut être appréhendé à la fois au niveauglobal (entité) et à celui de ses composantes (individus).La représentation est différentielle car elle intègre deuxdimensions complémentaires individuelle et collective, etdynamique parce qu’elle s’inscrit dans un processusrécursif. Les deux niveaux s’alimentent mutuellement : leniveau global est conditionné par des individus évoluantdans l’organisation, tandis que l’espace des individus setrouve canalisé par la collectivité qu’ils constituent. Leprofessionnalisme n’est pas ancré dans l’organisation entant que tel. Il s’enracine sur un ensemble de projetsindividuels et il est le résultat d’une capacité denégociation individuelle et collective facteur de cohésion.Autrement dit, le professionnalisme d’une organisationne peut pas se définir par une sommation des capacitésprofessionnelles (connaissances, compétences), ni parune personnification de l’organisation, mais bien parl’articulation des dimensions individuelles et collectives.

La capacité à gérer le(s) projet(s) s’impose ainsi comme ledéfi de toute organisation vivante pour assurer sa survie etson développement. Renforcer les conditions de pérennitéd’une organisation sous-tend, dans son mode defonctionnement, de canaliser la contribution (actions,décisions) des acteurs au projet collectif de l’organisation.

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FIGURE N°02L’approche interactionniste et stratégique d’un espace d’acteur partagé

Suivre

Unité(Entité)

Unité active

Espace(individus)

Guider

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La place du projet est centrale dans cette représentationd’un espace organisationnel partagé. Il est à la fois sourcede cohésion et de tensions entre les acteurs et influence unperfectionnement permanent pour assurer dans le temps un«entretien» du fonctionnement organisationnel.

3. Les déterminants partiellementvisibles et spectre partiellement cachédu cadre collectif du déploiement du professionnalisme des acteursNous présentons dans cette partie les résultats d’unerecherche-intervention portant sur le pilotage duprofessionnalisme de cinq organisations. Après avoirexposé la méthodologie (3.1), nous proposons unearchitecture pour améliorer le couplage entre un niveauattendu de réalisation de la stratégie et la contribution desindividus (3.2). Enfin, la notion de professionnalisme desacteurs est revisitée selon une logique comportementale(3.3).

3.1. Le professionnalisme en organisation

Ce développement s’appuie sur les résultats d’unerecherche-intervention conduite selon la méthodologie denotre équipe de recherche, dans cinq organisationspubliques ou privées à but lucratif ou non(Delattre : 1998).

La présentation des organisations est réalisée de façonsynoptique. L’objectif est de favoriser une vision globaleet comparative de celles-ci plus que de présenter desmonographies.

n L’organisation [O1] : un groupe de librairiesC’est une société anonyme filiale d’un grand grouped’édition, sa création en 1988 est le résultat durapprochement par fusion de trois sociétés anonymes dugroupe qui avaient la même activité. Le chiffres d’affaires

de l’entreprise représentait 15,5 % de celui du groupe.L’entreprise a quatre magasins localisés dans trois centresville. L’effectif de l’entreprise était de 161 personnes etson activité de service concerne : la librairie, la boutique(papeterie, activités manuelles, cadeaux), le disque, lavente aux collectivités. La problématique de la recherche-intervention était de contribuer à accroître les résultatsimmédiats et la rentabilité de l’entreprise en développantla qualité de service au clients et en mobilisant lepotentiel humain à l’intérieur de l’organisation.

n L’organisation [O2] : une entreprise de traitementde métal pour cuisines

C’est une société anonyme, créée en 1987 suite à unescission d’activité dans une entreprise métallurgique créeen 1913 ; elle correspond à une exploitation autonomed’une micro-activité. Son chiffre d’affaires était de 175millions de francs. L’implantation géographique de laproduction est sur un seul site. L’effectif était lors de larecherche-intervention de 230 personnes. L’activitéconcerne la réalisation et la construction de mobiliers(self-service, étals à poisson, banques réfrigérantes ouchauffantes, étagères, ... ) et d’équipements de cuisinescollectives (inox, plastique). La problématique de larecherche-intervention était de préparer la certification(ISO 9002) par une mobilisation du potentiel humain.

n L’organisation [O3] : une grande entreprisede télécommunications

C’est une unité d’une grande entreprise publique detélécommunications créée le 1er janvier 1991 (loi du 2juillet 1990). L’entreprise est territorialement subdiviséeen régions et en groupements d’établissements.

L’intervention a concerné un groupement d’établissementqui réalise une activité de prestations de services detélécommunication et de vente de matériel à partir de 3établissements (construction de lignes, commutation etcommercial). Le chiffre d’affaires était de 748 millions defrancs. L’effectif de la plaque était de 389 personnes. Laproblématique de l’intervention était de renforcer le rôlede l’encadrement pour faire face aux mutations à venirdans l’entreprise (privatisation partielle).

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FIGURE N°03Le positionnement des 5 organisations

selon le critère du secteur d’appartenance et du statut de la production

Secteurs Lucratif Non lucratif

Privé [01][02] [05]

Public [03] [04]

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n L’organisation [O4] : un établissement techniqueet d’essais

C’est un établissement public du secteur de l’armementrattaché à la Direction Générale de l’Armement. Lebudget de fonctionnement s’élevait à 3 021 millions defrancs, pour un effectif de 1 100 personnes.L’implantation géographique est un polygone de 35 kmde long sur 15 km de large, sur lequel sont répartis leslocaux pour des raisons de sécurité. L’activité consiste àréaliser des essais et des expertises pour la DirectionGénérale de l’Armement et le cas échéant, pour desclients extérieurs. La problématique de la recherche-intervention était de préparer l’établissement à assurer samission avec une baisse de son budget de fonctionnementen mobilisant les réserves de potentiel humaindisponibles.

n L’organisation [O5] : une organisation produisantdes services sportifs

C’est une association loi 1901, créée en 1925, rattachée à lafédération française de football. Elle produit des servicessportifs. L’association réalise son activité sur deuxdépartements, gère un effectif de 26 000 licenciés répartisentre un siège et 266 clubs affiliés, avec un budget de 2,4millions de francs. L’activité de 130 personnes étaitnécessaire pour faire fonctionner le siège. Seules 4personnes n’étaient pas des acteurs bénévoles lors del’intervention : deux secrétaires salariées de l’association etdeux conseillers techniques départementaux détachés parl’administration de la Jeunesse et des Sports auprès del’association. L’activité de cette association est d’organiser,développer et contrôler la pratique de l’activité sportive dufootball dans la limite de son champ de compétenceterritoriale en relation avec la ligue de compétencerégionale. La problématique de la recherche-interventionétait d’améliorer le pilotage de l’association en développantla qualité de service aux clients (licenciés).

Nous avons réalisé une analyse comparative de cinqorganisations que nous avons qualifiée de spectrale.L’analyse spectrale est une analyse qui approfondit enpermanence les mises en relations qu’elle opère avec lesréalités. L’analyse spectrale permet de dépasser l’image

d’une représentation pour s’inscrire dans une constructionstructurale de l’objet. Le spectre est la mise en évidence(représentation) des caractéristiques de la reconstruction del’interprétation (structure) d’un phénomène. Le traitementdes matériaux expérimentaux conduit, selon cetteméthodologie, à les positionner sur un spectre quicaractérise pour chaque variable une position distincte ausein de la totalité dans laquelle elles s’inscrivent. Plusieurslectures unidimensionnelles du professionnalisme d’uneorganisation peuvent être faites.

La zone A présente une lecture de l’organisation selonl’angle des conditions de vie des acteurs dans l’organisation(grille de lecture socio-économique). La zone B présenteune lecture de l’organisation en fonction des domaines depilotage (dimension collective), de la qualité du mode defonctionnement collectif ressentie par les acteurs. Lazone C présente une lecture du mode de fonctionnement del’organisation basée sur les perturbations du déploiement del’action des acteurs dans l’organisation (dimensionindividuelle). L’analyse spectrale se concrétise par lepoint de vue (D) qui illustre une lecture bi-dimensionnelle.La dialectique visible-caché réside dans l’articulation desdimensions collective et individuelle de l’organisation. Lagrille de lecture socio-économique s’attache à investir ladimension qualitative de la vie dans l’organisation par lerecensement des dysfonctionnements ressentis par lespersonnes. Les phrases témoins (expressions des acteurs)collectées dans le cadre d’un diagnostic socio-économiquesont imputées sous des idées-clés qui constituent desexpressions génériques de dysfonctionnements. L’objectifpoursuivi est d’augmenter dans le cadre d’une recherche-intervention à vocation transformative, le partage par lesacteurs d’une «image» des perturbations qu’ils subissent(technique de l’effet miroir), préalablement à la mise enœuvre d’actions d’amélioration. Les dysfonctionnementsexprimés sur la qualité de vie dans l’organisation, etrattachés à une idée-clé, ont été exploités selon une logiquede double coordonnées. Le retraitement des matériaux peutêtre lu dans la figure suivante en ligne par domaines (entité)et en colonnes par les leviers (espace) de pilotage comme leprésente la figure suivante.

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FIGURE N°04Le point de vue différentiel de l’analyse spectrale

Les domaines de pilotageLa dimension collective du

fonctionnement de l'organisation

Conditions de vie dansl'organisation

Les leviers de pilotageLa dimension individuelle du

fonctionnement de l'organisation

A

B CIC

D

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Au centre de la figure, nous positionnons notre matériauexpérimental de base, l’idée-clé expression générique etreprésentative des dysfonctionnements exprimés par lesacteurs. A partir d’un même ensemble d’idées-clés et auterme d’un retraitement, une base support est obtenuepour effectuer une analyse spectrale. La figure suivantematérialise les images spectres produites après leretraitement des idées-clés permettant de dissocier lesdimensions collective (gauche) et individuelles (droite)mais aussi de distinguer dans l’espace des acteursl’expression des cadres et des non cadres.

La visualisation de l’image spectre du pilotage comprendun degré de contraste renforcé par une définition à troiscoordonnées : deux zones spécifiques à chaque sous-

population : P1 Ç P2 = {Ø} et une zone de convergence :{P1 U P2}. Le contraste produit augmente la perceptionglobale des ressentis des individus de l’organisationconcernant les freins qu’ils rencontrent pour passer àl’acte. Trois chevauchements limites sont à relever pourchaque dimension du spectre. Le chevauchement decohésion (l) : la zone de convergence est totale entre lesdeux sous-populations. Il caractérise un retrait généralisédes acteurs, un renoncement collectif pour inventer,concevoir et mettre en œuvre des actions pour surmonterun contexte d’activité qui semble s’imposer à eux. Celui-ci correspond au sentiment d’extranéité mis en évidencepar Seeman (1959) dans ses travaux sur l’aliénation autravail. Trois organisations ont ce type de chevauchement

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FIGURE N°05La base des matériaux expérimentaux

[O3]

Moyens/Ressources

Organisation des Flux

Comp. stratégique

Visibi. AjustementCADRAGE STRAT.

STRUCTURATION

SYNCRHONISATION

GEST RESS

Légende

P1P2Convergence P1 + P2

[O1]

Moyens/Ressources

Organisation des Flux

Comp. stratégique

V is ibi. A justementCA DRA G E STRA T.

STRUCTURA TION

SYNCRHONISATION

GEST RESS

[O4]

Moyens/Ressources

Organisation des Flux

Comp. stratégique

V is ib i. A justementCADRAGE STRA T.

STRUCTURA TION

SY NCRHONISA TION

GEST RESS

[O5]Moyens/Ressources

Organisat ion des F lux

Comp. stratégique

V is ib i. A justementCA DRA G E STRA T.

STRUCTURA TION

SY NCRHONISA TION

GEST RESS

[O2]

Moyens/Ressources

Organisat ion des Flux

Comp. stratégique

V is ibi. A justementCADRAGE STRAT.

STRUCTURA TION

SY NCRHONISA TION

GEST RESS

Dimension individuelle

LEVIERS Moyens Organisation Compatibilité VisibilitéRessources des flux stratégique ajustementDOMAINES

Gestion des ressourcesSynchronisation

StructurationCadrage stratégique

Idées-clés

Dimension collective Qualité de vie dans l’organisation

FIGURE N°06Une représentation spectrale de l’organisation vivante : deux niveaux différenciés d’unités actives imbriquées

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[O3] sur la dimension collective, [O4] et [O5] sur ladimension individuelle. Les deux autres chevauchementsillustrent des perceptions différentielles. Lechevauchement de partage ([) : la zone de convergence estcomplétée à la marge par un positionnement différentiel desdeux sous-populations. Le chevauchement différentiel(m) : la zone de convergence est le socle de deuxpositionnements différentiels marqués. Ces deuxchevauchements pointent des zones de tensions, desdifférentiels de perception dans la manière de déchiffrer lessituations et/ou de réaliser une tâche ou une activité. Ilsillustrent une diffusion partagée de connaissances négociéesdans le cadre des inter-relations entre les acteurs. L’imagespectre produite fige en un instant « t » les négociationsindividuelles et collectives entre les acteurs.

3.2 La dynamique du développement du professionnalisme des acteurs

La reconnaissance de l’individu doté d’un projet etporteur de connaissances n’est pas suffisante pour activeret développer la qualité du passage à l’acte des acteurdans une organisation. Nous mobilisons deux modèles, lepremier est celui des modes de création de laconnaissance de Nonaka et le second est celui duprocessus de conduite du changement de l’analyse socio-économique pour rendre compte d’un processus deperfectionnement collectif. Ce couplage nous semble

opératoire pour alimenter une réflexion instrumentée surl’amélioration du professionnalisme des acteurs dans uneorganisation. Le modèle dynamique de gestion de lacréation du savoir organisationnel repose sur la relationen boucle entre savoir tacite et savoir explicite.

Quatre étapes caractérisent ce processus. La premièrephase de création de savoir organisationnel débute par laphase de socialisation. Elle correspond à la transformationdu savoir tacite individuel en savoir tacite collectif. Ceprocessus de socialisation repose sur l’interaction entre lesindividus et l’ajustement de l’intersubjectivité. Il estpossible sans langage car il repose sur l’expériencepartagée. La seconde phase est celle de l’externalisationqui transforme le savoir tacite collectif en savoir explicite.Ce processus consiste à rendre transmissibles etexploitables les savoirs tacites créés dans l’organisation et

permet de valoriser les compétences acquises en multipliantleurs usages. La troisième phase, la combinaison, est lamise en commun de savoirs explicites et s’opère au traversde processus sociaux supportés par un langage commun :échange de documents, réunions,… La dernière phase,l’internalisation de savoirs explicites est un processusd’appropriation par expérimentation des acteurs (learningby doing). La création du savoir peut être représentée par unprocessus en spirale qui s’élargirait en partant du niveauindividuel pour passer au niveau collectif du groupe et del’organisation. La création de connaissances nouvellesdécrit toujours un chemin, passant successivement par lesquatre quadrants de la matrice. Pour cet auteur laconnaissance est l’unité de base pour expliquer lecomportement de l’organisation, et cette dernière est vuecomme un système non seulement de traitement deconnaissance, mais aussi de création de connaissance.

Selon une optique plus globale, l’analyse de laconnaissance pour expliquer le comportement del’organisation peut se coupler avec celle des individus quisupportent la première et composent la seconde. Laperspective permet, par l’introduction des acteurs, decoupler au modèle de création de la connaissance celuid’une conduite de changement progressive. La figuresuivante (figure 08) présente le couplage entre le modèlede la connaissance et celui de la conduite du changement.Une action de changement dans la démarche socio-

économique comporte trois dimensions. La premièrerecouvre un processus de résolution de problèmes, laseconde décline des outils de management pour amélioreret développer l’efficacité du fonctionnement et latroisième présente l’énergie de prise de décisions et lavolonté de changement. Cette dimension introduit dans leprocessus de changement la capacité de pilotage des acteursdécisionnels formels et informels de l’organisation. Leprocessus de résolution de problèmes s’inscrit dans unedémarche participative. Il comporte une phase dediagnostic, de recherche et de mise en œuvre d’actionsd’innovation pour réduire les dysfonctionnements. Leprocessus se termine par une phase d’évaluation qui permetde réamorcer un cycle. Les actions sont conduitesconcomitamment sur les trois dimensions pour obtenir uneamélioration des performances.

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FIGURE N°07Les quatre modes de création du savoir (Nonaka 1994)

Du Savoir tacite

Au

Savoir explicite

Savoir Tacite (1) Socialisation (2) Externalisation

Savoir explicite (4) Internationalisation (3) Combinaison

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Les étapes du processus de résolutions de problèmestiennent compte du caractère variable et instable de laformalisation des connaissances. Une connaissanceformalisée, verbalisée voire tacite est évolutive au regardde sa mobilisation dans l’action. Les trois axes duchangement socio-économique décrivent un processus deperfectionnement collectif mû selon une architecturepartiellement visible. Le concept d’architectured’information correspond à la reconnaissance de lacoexistence d’une représentation globale et dereprésentations locales (Reix : 1987). La notiond’architecture traduit un processus d’activation de lacapacité d’équilibration de l’organisation. L’analysedes dysfonctionnements permet de détecter des gisementsde potentiel inexploités dans l’organisation (déperditionaux interfaces et dans les interrelations) pour visibiliserles filières de propagations des perturbations de la qualitéde vie dans l’organisation. Le cycle de résolution deproblèmes est une méthode de transformation douce quipermet de réactiver les interactions et les inter-relationsdéfectueuses entre d’une part, des interfaces del’organisation et d’autre part, entre les acteurs et leurenvironnement physique et humain. L’instrumentationpermet de stabiliser une représentation collective auxinterfaces de l’organisation. La dimension instrumentaleest la plus privilégiée dans la littérature dans le cadred’élaboration de conceptualisations. La création mêmedes outils est structurée et filtrée par les jeux d’acteurs ;d’autre part, leur usage devient conditionné par les effetsde la transparence qu’ils produisent (Moisdon : 1997).Les instruments de gestion sont nombreux et ils prennentdes formes aussi variées que des procédures (comptables,

financières), des grilles (de classification, derémunération), des modèles ou des concepts. Cesinstruments ont comme but implicite d’aider auxdécisions de gestion et apparaissent comme desauxiliaires discrets des intentions et des volontés qui ontprésidé à leur élaboration (Berry : 1983). Selon nous, lesoutils et les dispositifs sont sur un continuum : les outilset les arrangements entre acteurs s’alimententmutuellement, c’est pourquoi il est nécessaire dedévelopper une approche globale sur les deux pendantsde l’instrumentation. Nous souscrivons aupositionnement de Savall et Zardet pour qui les outilsparticipent à l’enracinement, la connaissance etl’intériorisation des décisions stratégiques par lesdifférentes catégories de «personnel». Une fois accepté leprincipe de l’outil de management, il paraît nécessaire des’interroger sur son mode de construction et d’utilisation.La littérature met l’accent sur la nécessité de mettre enplace des outils simples (nous dirons contextualisés),concrets et souples. Ils doivent donc être conçus avec dusens et générer du sens : l’articulation des dimensionsindividuelle et collective de l’organisation. Les outilsdoivent donc s’inscrire dans un processus derenégociation permanent des règles du jeu collectif quiconditionne le sens et est porteur de sens pour les acteurs.Les outils renforcent la capacité de visualisation etd’action des acteurs, ils stimulent le passage à l’acte(décisions, actions) des comportements individuels etcollectifs des acteurs dans le cadre du cycle de résolutionde problèmes. Les décisions politiques impriment etguident la nature des interactions de l’organisation.L’interaction des trois axes permet une augmentation de

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Socialisation

Externalisa

tion

combinaison

Internalisa

tion

Décisions politiques

Processus de résolutions de problèmes

Instrumentation

FIGURE N°08Couplage connaissance - individu – fonctionnement

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l’état d’équilibre de l’organisation. L’équilibrations’inscrit dans une dynamique de portage partagée del’activation du potentiel de l’organisation.

La (re)contextualisation dynamique consiste àdévelopper, renforcer et canaliser une zone de consensusentre les acteurs d’une organisation pour la mise enœuvre. Elle réside à la fois dans l’explicitation de lacompréhension (interprétation de Lorino, intelligibilité deLe Moigne) des variables qui conditionnent l’action d’unacteur (individuel ou collectif) que dans la constructiond’une méthode opératoire de lisibilité des composantes deces variables dans des situations d’interactions. Savall etZardet développent la notion d’interactivité cognitive, laquestion n’est pas de savoir comment les acteursinterprètent une image mais il s’agit de définir sonprocessus de construction, non pas du point de vue del’acteur, ni du point de vue de la collectivité mais dansl’interaction des deux. C’est le degré de représentationqui permet le dialogue et l’échange entre les acteurs, ence sens elle est dynamique. Le champ de l’observationévolue et il existe toujours un reliquat entre uneperception individuelle échangée, donc formulée etnégociée au niveau d’une collectivité, et l’appréciationpar l’acteur de sa qualité de vie dans l’organisation. Cereliquat constitue le capital de base de la dynamique duprocessus. L’analyse spectrale a mis en évidence dans

l’organisation [O5] une atrophie du potentiel des acteurssur les leviers d’actions : il n’y a pas de différentiel entreles sous-populations, alors que le champ des domainesfait apparaître entre les deux sous-populations deux«images» qui coexistent. Il est possible d’activer lacontribution des acteurs en jouant sur les deuxdimensions.

Le pilotage global d’une organisation s’inscrit dans lecadre d’une architecture partiellement visible, qui irriguela conduite de l’action collective organisée au-delà desdispositifs formels dont les individus de l’organisation sesont dotés. Le processus de conduite du changement estle processus référent du pilotage. Il impulse ets’imprime dans les autres processus dans le cadre d’unearchitecture. Aux processus visibles du pilotagecorrespondent d’autres qui le sont moins et qu’il semblepossible de mettre en avant à partir des enseignements del’analyse spectrale réalisée. Dans cette perspective lanotion de pilotage s’élargit et se définit comme une miseen œuvre des acteurs (actants) réalisée par(re)contextualisation de processus sous contrainte(s).Nous avons identifié 4 processus : un processus dechangement, un processus de (re)négociationpermanent, un processus d’extraction, un processusde mise en compatibilité.

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Ê Processus de conduite du changement

Ë Processus de(re)négociation

ÌProcessus de mise encompatibilité

Í Processus d'extraction

individuel

collectif

domaines leviers

visiblecaché

11

2

3

4

1diagnostic

projet

politique

outils

évaluation

mise en oeuvre

FIGURE N°09La proposition d’une architecture pour développer le professionnalisme

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Un processus de (re)négociation permanentCe processus consiste pour les acteurs à renégocier demanière récurrente la norme sociale désirée dufonctionnement de l’organisation. Pour Savall (1980) lanorme sociale s’entend par rapport aux dysfonctionnementsqui marquent une dérive vis-à-vis d’une «norme» sociale etle renoncement des acteurs à la défendre. Pour lui la dérivepar rapport à la norme sociale est une dynamique auto-entretenue par les complicités actives et passives, ce quipose immédiatement la question de la négociation sociale.Selon Moisdon (1997), dans la problématique del’apprentissage organisationnel le rôle de l’instrumentationapparaît comme le support d’une construction progressivede représentations partagées, à partir duquel se structurentles négociations et les débats contradictoires, et in fine, sepilote le changement. Le processus de (re)négociationpermet de relativiser le poids des logiques localesnotamment dans le cadre d’une organisation trèsdélocalisée.

Un processus de mise en compatibilitéCe processus est volontariste, la mise en compatibilité apour finalité de développer, de multiplier et d’intensifierla qualité des interactions au sein de l’organisation entreles dimensions individuelle (leviers) et collective(domaine). La construction d’un processusd’amélioration du pilotage peut tenir compte d’éléments(David : 1996) tels que le fait de décloisonnerl’organisation de ses particularismes locaux (dimensioncollective) et de repositionner l’apport de la contributionl’acteur dans l’organisation (dimension individuelle).

Un processus d’extractionIl conditionne et est la résultante des autres processus :il en assure le bouclage. Le processus de changements’enracine et est fécondé par les ingrédients d’actionsentre l’ensemble des acteurs de l’organisation, mais aussien confrontation avec des acteurs de l’environnement. Leprocessus de (re)négociation s’alimente et repose sur unebase de connaissance sans cesse renouvelée : unenégociation se sclérose si tous les champs du possiblesont déterminés. Tout n’est pas négociable mais leséléments de la négociation ne sont pas finis. Le processusde mise en compatibilité de l’organisation s’alimente duprocessus d’extraction. Il existe des signaux(dysfonctionnements) en amont de la production finale del’organisation : le processus de mise en compatibilitéirrigue le processus de production de l’organisation.L’information mutuelle (qualitative, quantitative etfinancière) des processus d’extraction et de mise encompatibilité permet d’améliorer le professionnalismedes acteurs. Il contribue à l’échange entre les acteurs pourleur passage à l’acte dans le cadre d’une action collective.Selon Moisdon (1997), comme Janus, l’outil de gestionpossède deux faces : l’une tournée vers la conformation,

sous forme d’une prescription ou d’une incitation, l’autretournée vers la connaissance, puisqu’un outil de gestionconstitue toujours une représentation simplifiée, mêmeimparfaite, de la situation à laquelle sont confrontés lesacteurs qui sont censés l’utiliser ou le subir.

Le développement de la problématique du managementdes connaissances implique un positionnement plus fortsur l’individu en organisation. Elle ouvre des perspectivesfécondes pour susciter des mutations et passer d’uneperception de l’organisation conceptuellement conforméeà celle intelligente, où le sens de l’action de ses élémentsne serait pas seulement agit.

3.3. La dimension comportementaledu professionnalisme des acteurs

Le professionnalisme ne peut plus se concevoir sans unsupport de mise en œuvre, à savoir l’activité des personneset son modèle d’organisation du travail. Selon le critère dedéploiement de l’activité, ce sont les conduitescomportementales des acteurs sous contraintes collectivesqui expliquent leur manque de professionnalisme. Unedéfinition comportementale nous semble plus adaptée parcequ’elle intériorise dans la vie de l’organisation la mise enœuvre de la contribution des acteurs.

Le professionnalisme d’une personne est la mise enœuvre d’un comportement (factuel) lors de son passage àl’acte. Il correspond à la réalisation d’actions par unacteur (individuel ou collectif) sous contraintescollectives et soumis au jugement des tiers (Girin : 1990).Il est centré sur l’acteur, la situation de coopération et surle sens de l’action collective (objectifs poursuivis).L’acteur est analysé à travers sa capacité à réaliser desactes décisifs : déclencher des actions, passer à l’acte. Lasituation de coopération renvoie à la capacité de lapersonne a insérer son activité dans des situations ou desniveaux de performance attendus au regard de l’activitéd’autres acteurs. En situation de coopération, c’est lesavoir-faire de production d’actes qui importe, c’est-à-dire la référence à un niveau de qualité négocié avecd’autres acteurs dans un cadre d’activité collectif.L’appréciation du professionnalisme des acteurs selon ledegré de déploiement de leurs actions dans l’organisationsous-tend des critères comportementaux.

Le professionnalisme est au cœur des dispositifs decoopération et s’inscrit dans la réalisation d’une activitécollective facteur de contraintes : le jugement de l’acteurpar des tiers. Un acteur fait preuve de professionnalisme,si son comportement correspond à des critèresd’effectivité synonyme de passage à l’acte, de qualité :l’action et ses impacts ne sont pas perçus commedysfonctionnels et de production d’actes congrus c’est-à-dire d’actions réalisées sous contraintes.

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Le déclenchement est saisi par le passage à l’acte.L’individu est doté d’une dimension énergétique quidépasse la vision mécanique de la force de travail.Assimiler l’acteur à une unité active (Perroux : 1975)permet de relativiser la contrainte et d’émettrel’hypothèse de l’incidence des volontés agissantes desacteurs, l’énergie humaine. L’énergie humaine se définitcomme les ressources physiques et mentales dont est dotéun être humain, lui permettant de prendre des décisions etde les mettre en œuvre. Le passage à l’acte implique unedépense d’énergie, une transformation des informationsen actions ou la matérialisation des intentions expriméesou inexprimées dans des actes de mise en œuvre. Il estcanalisé par le jugement de tiers, aussi bien au niveauglobal de l’organisation qu’au niveau de l’ensemble desacteurs qui la constitue, et dans l’interaction des deux.Produire des actes ne comprend pas seulement unedimension énergétique, mais également une capacitéd’interprétation, de traduction et d’agencement d’actesdans un contexte : le savoir-agir et des compétences.

Le dernier point du professionnalisme des comportementsdes acteurs est la référence au contexte de l’action : l’actecongru. La référence théologique renvoie à une relationproportionnée pour un effet donné alors que la référenceecclésiastique a généralisé la notion de portion congrue quiest une contribution dont la visée est la subsistance. L’acteréalisé est congru s’il répond à trois caractéristiques : il estpertinent c’est-à-dire contextualisé par une situation,cohérent donc proportionné dans son intensité ou sadurée et convenable soit porteur de valeur ajoutée pour laperformance globale d’une organisation. La terminologiede l’acte congru a été préférée à celle d’acte efficace oud’acte efficient. L’efficacité et l’efficience relèvent de ladimension collective d’une organisation ce qui conduit àdéresponsabiliser l’acteur comme volonté agissante sur sonenvironnement et à minimiser sa contribution ou sa part deresponsabilité dans la vie de l’organisation. Leprofessionnalisme d’une personne pris dans une dimensioncomportementale est fonction d’une mobilisation desingrédients du professionnalisme [(I), (II), (III)] dans unesituation donnée. Un acteur avec un savoir-agir donné

peut manifester un comportement non professionnel. Laperception du passage à l’acte acquise, il peut manquer àl’acteur des moyens et des ressources utilisées pard’autres ou non disponibles. Ce peut être le scénario del’action qui n’est pas défini, mal compris ou ignoré. Uncomportement plus professionnel se traduit par unesubstitution des réponses inventées en temps réel pourdes problèmes nouveaux à des réponses routinisées à desproblèmes dont on cherche vainement à faire l’inventaire(Degot : 1986). Il s’agit d’impulser une modification del’engagement des individus vis-à-vis de l’organisationpour passer d’une contractualisation du geste à unecontractualisation des comportements (Savall : 1975) etdes attitudes (Courpason : 1997).

ConclusionLe débat sur le professionnalisme des ressourceshumaines est une impasse, s’il se limite à un argumentairede position. Pour les gestionnaires des ressourceshumaines la promotion de la dimension stratégique desressources humaines pour la mobilisation des ressourcesde l’organisation correspond implicitement à la volontéd’une reconnaissance de la dimension stratégique de lafonction. Autrement dit, il semblerait que la question soiten réalité de rehausser la fonction dans lesorganigrammes des organisations. Pour les auteurs enstratégie, la gestion des ressources humaines se situe dansune problématique de mise en œuvre d’une stratégieactuelle et /ou prévisionnelle. Dans les deux approches,les modalités d’une mise en œuvre fondée sur leshommes de l’entreprise restent lacunaires.

L’hypothèse forte qui a guidé nos développements a étéde dépasser le stade de l’énoncé des discours sur lemanque de professionnalisme pour se recentrer sur lespratiques des individus. Une définition comportementaleenrichit la représentation du professionnalisme par le lienqu’elle opère avec le déploiement d’activité despersonnes (GRH) et l’analyse des contraintes du pilotagestratégique d’une organisation.

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Déclenchement,Passage à l'acte

Savoir produiredes actes

Engager desressources

(I)(II)

(III)

(P+)

(P-)

(P-)(P-)

FIGURE N°10Les critères comportementaux du professionnalisme des acteurs

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GRH et stratégie : le chaînon manquant du professionnalisme ?

Miguel DELATTRE

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Les stratégiesd’enracinement desdirigeants d’entreprises :le cas marocain

Ahmed EL AOUADIDoctorant au CEROG, IAE d’Aix-en-Provence

[email protected].

Les dirigeants d’entreprises peuvent utiliser leur positionstratégique à la tête de la firme et la latitude managérialequi en découle pour accroître leur pouvoir ou pouraugmenter leur rémunération ou tout simplement pour semaintenir en place.

La théorie de l’enracinement semble offrir un cadred’étude approprié à l’analyse des stratégies opportunistesdes dirigeants et de leurs conséquences sur les systèmesde contrôle et sur la performance de l’entreprise. Cettethéorie essaie de montrer comment des acteurs ou desmodes organisationnels qui ne sont pas efficientscontinuent d’exister sur des marchés supposésconcurrentiels (Hill, C.W.L. et Jones, T.M. 1992). Elleexplique également comment des mécanismes supposésrenforcer l’efficience des organisations peuvent êtreutilisés par les acteurs pour s’enraciner dans leursfonctions (Alexandre H. et Paquerot, M. 2000).

A travers notre travail, nous nous proposons d’étudier,dans une première partie, les approches ou stratégiesmultiformes permettant aux dirigeants de s’enraciner.Nous nous posons par la suite la question sil’enracinement des dirigeants des entreprises - dans le casspécifique du Maroc – a, ou non, un impact sur laperformance de ces derniers et donc sur celle del’entreprise. Nous essayons enfin de déterminer lescaractéristiques de cet enracinement.

Pour ce faire, nous nous référons à un modèle basé sur lanotion des réseaux relationnels qui s’inspiresubstantiellement de celui élaboré par Pigé, B. (1998),moyennant quelques adaptations spécifiques à notrecadre d’étude.

I. Le cadre conceptuelL’enracinement traduit la volonté du dirigeant des’affranchir, au moins partiellement, du contrôle desactionnaires, en vue de conserver sa position, d’accroîtresa liberté d’action et/ou de maximiser ses rentes.

Le dirigeant développe ainsi des stratégies lui permettantd’agir sur son environnement et d’augmenter son pouvoirsur les actionnaires1 et - dans une acception plus large -sur l’ensemble des stakeholders2. Ceci passe par laneutralisation du système de gouvernement imposé audirigeant et principalement le conseil d’administrationconsidéré comme un mécanisme formel de contrôle induitpar le marché3.

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1. Les stratégies d’enracinement des dirigeants

La stratégie de neutralisation des mécanismesdisciplinaires est multiforme. La littérature en distinguetrois styles majeurs :n Les investissements spécifiques aux dirigeants ;n la manipulation de l’information par les dirigeants ;n et les réseaux relationnels.

n Les investissements spécifiques aux dirigeants Le dirigeant peut procéder à la réalisation d’investis-sements peu reproductibles, qui lui sont spécifiques4 etdont il essaiera de maximiser la valeur5. Le P.D.G.cherche ainsi à rendre son remplacement coûteux pour lesactionnaires, ce qui lui permet de réduire au minimum lerisque de sa révocation. Il est donc en mesure des’approprier du maximum de rentes au dépend desactionnaires. Boot A.W.A. (1992) a pu démontrer que lesfirmes ayant des actifs très spécifiques font l’objet demoins de prises de contrôle que celles ayant des actifsmoyennement spécifiques.

n La manipulation de l’information par les dirigeants Le dirigeant peut profiter de son avantage informationnelpour accroître la dépendance des actionnaires etl’ensemble des autres partenaires de la firme. Ainsi,Stigliz J.E. et Edlin A.S. (1992) ont remarqué qu’undirigeant peut investir par exemple dans des activités devisibilité faible6 ce qui rend difficile leur contrôle et leurévaluation. Cette situation accroît l’incertitude perçue parles autres dirigeants concurrents, qui par la même, sontmoins incités à remplacer le dirigeant en place(Charreaux, G. 1997a). Par ailleurs, le dirigeant peut chercher à rendrel’information d’appréhension très complexe (Paquerot,M. 1997), et ce, en modifiant les structures en place(Charreaux, G. 1997a), en favorisant la croissance del’entreprise (Paquerot, M. 1997 et Rose & Shepard, 1997)ou en développant des contrats implicites avecl’ensemble des partenaires de l’organisation (Charreaux,G. 1997b)7. Enfin, le dirigeant peut pratiquer la rétentiond’information, notamment celle qui lui est préjudiciableet favoriser le foisonnement des informations mettant enavant son capital humain.De toute manière, l’asymétrie d’information représenteun vrai dilemme pour les administrateurs qui, n’ayant pasréussi à déjouer à temps les stratégies d’enracinement desdirigeants qu’ils doivent contrôler, tenteront de couvrirleur inefficience en soutenant l’équipe managériale enplace (Alexandre H. et Paquerot, M. 2000).

n Les réseaux relationnelsUn autre moyen d’enracinement de plus en plus étudié estcelui des réseaux relationnels (formels et informels)développés par le dirigeant et basés sur des contrats(implicites ou explicites) passés par ce dernier avec lesdifférents acteurs intervenant dans la vie de la firme.

Si les contrats explicites peuvent permettre ledéveloppement de l’enracinement du dirigeant comme lefait remarquer Charreaux G. (1997b), il n’en demeure pasmoins vrai que leur cadre formel en garantit l’exécution,et ce, malgré un éventuel remplacement du dirigeantmême. L’idéal pour le P.D.G. serait donc d’établir desrelations informelles basées sur leur capital réputationnel(Charreaux, G. 1997b) ou sur une relation de confiance(Breton A. et Wintrobe, R. 1982). Dans tous les cas defigure, le dirigeant veillera à ce que le maintien de cesrelations repose sur sa présence à la tête de la firme.

Le dirigeant va donc essayer de tisser un réseaurelationnel avec ses collaborateurs et avec les salariés8, etce, en accordant beaucoup d’avantages en nature ou dessursalaires ou encore en promettant des promotionsabondantes. Ce qui le conduit souvent à accroître la taillede la firme et le nombre des échelons hiérarchiques, voireà investir dans des activités où il détient avec ces acteursun avantage comparatif (Charreaux, G. 1997b). Il va desoi que ces salariés ont intérêt à ce que le dirigeant ne soitpas remplacé, et peuvent même œuvrer pour son maintienà la tête de l’organisation.

Une autre stratégie relationnelle consiste pour le dirigeantà nouer des liens avec les administrateurs de la firme.Pichard-Stamford J-P. (1998) a montré que l’importancedes connexions du conseil d’administration fait bénéficierle dirigeant d’un réseau relationnel élargi, notamment sil’on sait que le P.D.G. est souvent lui-même Président duconseil d’administration.

De même, les dirigeants réputés ont tendance à êtrechoisis comme administrateurs d’autres entreprises(Carminatti-Marchand, G. 1999 ; (Charreaux G. et Pitol-Belin, 1990), ce qui crée des imbrications assezcomplexes dans lesquelles les dirigeants de certainesentreprises se trouvent être les administrateurs d’autressociétés où leurs administrateurs sont dirigeants et vice-versa. Ce qui crée une vraie économie d’échange entredirigeants et administrateurs dont «les uns sontredevables aux autres» (Pichard-Stamford, J-P. 1998)9.Ceci permettant au dirigeant de s’enraciner puisqu’il saitqu’il est affranchi du contrôle exercé par son conseild’administration.

Par ailleurs, le dirigeant peut privilégier un enracinementbasé sur le réseau relationnel actionnarial, et ce, en liantdes relations avec un ou plusieurs groupes d’actionnaires

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ou encore en augmentant sa participation dans le capitalde l’entreprise qu’il dirige ,etc. (Paquerot, M. 1997).Enfin, il est à noter que le développement des réseauxrelationnels peut concerner l’ensemble des partenaires dela firme, et non pas seulement ceux qui viennent d’êtrecités10.

Les stratégies d’enracinement ayant été passées en revue,la question qui se pose est de savoir si l’enracinement ades impacts ou non sur la performances des dirigeants.

2. Les effets de l’enracinement des dirigeants d’entreprises

L’enracinement a souvent été considéré comme étant unesource d’inefficacité. Ainsi, ShleiferA. et Vishny R.W.(1989), Morck, R. Shleifer A. et Vishny R.W. (1990),Paquerot G. (1997) ont constaté que l’enracinement a deseffets négatifs sur la richesse des actionnaires. Cecis’explique par la spoliation de ces derniers par lesdirigeants, puisqu’en réalisant des investissements non-optimaux (sur ou sous-investissements)11, les dirigeantsprivilégient leurs intérêts personnels et font passer lamaximisation de la valeur de l’entreprise au second plan.Ce qui est préjudiciable pour l’entreprise.

D’autres auteurs ne voient pas nécessairement enl’enracinement une altération de la performance desdirigeants. Ainsi, Castanias et Helfat (1992) mettentplutôt l’accent sur les rentes managériales qui ne sontcréées que grâce aux capacités (spécifiques) desdirigeants, lesquelles capacités sont liées au capitalhumain et au capital social12 du dirigeant. D’autre part,les stratégies opportunistes préjudiciables auxactionnaires sont nettement freinées par le mécanisme dediscipline externe que représente le marché des prises decontrôle.

Castanias R.P. et Helfat C.E. font remarquer que lesdirigeants ne sont incités à développer des activitésgénératrices de valeur que s’ils se sentent protégés contrel’expropriation des rentes managériales dont ils sont à lasource. Donc, les mesures anti-prise de contrôle ou laforte présence des dirigeants dans les conseilsd’administration ne peuvent être perçues que comme desmoyens d’alignement des intérêts des dirigeants avecceux des actionnaires. Enfin, selon Hirshleifer, D. (1993),Garvey, G.T. et Swann, P.L. (1994), ainsi que Charreaux,G. et Desbrières, P. (1997), l’enracinement n’est passynonyme d’inefficacité.

Quant à Pigé, B. (1998), il avance l’hypothèse selonlaquelle il existerait un seuil d’enracinement à partirduquel l’enracinement devient préjudiciable et en dessousduquel il ne l’est pas13.

3. Modèle

Nous nous proposons d’étudier l’effet de l’enracinementdes dirigeants sur la performance de ceux-ci, en prenantcomme indice de performance, celle de l’entreprise.

Nous partons du principe qu’un dirigeant ayant réalisédes performances positives est favorablement évalué parles stakeholders. Il sera donc sujet à moins de contrôle.Par contre, si les performances passées du P.D.G. ne sontpas bonnes, il sera fortement contrôlé et donc sonenracinement en sera affaibli. D’où la première hypothèsedu modèle :

Hypothèse 1 : La performance passée d’un dirigeantinflue positivement sur son niveau d’enracinement.Le nombre de mandats cumulés par le P.D.G. estimportant pour la poursuite de la stratégie d’enracinement(Paquerot, M. 1997). Ainsi, plus le dirigeant passe detemps à la tête de l’entreprise, plus il arrive à établir descontrats implicites avec l’ensemble des partenaires, ce quiélargit son espace discrétionnaire et accroît son avantageinformationnel. D’où :

Hypothèse 2 : Le niveau d’enracinement d’un dirigeantdépend positivement de la durée de ses fonctions en tantque P.D.G.D’autre part, le fait pour un dirigeant d’avoir travaillédans l’entreprise avant d’y être nommé P.D.G. lui permetde côtoyer de près les rouages de l’organisation14. Cetteexpérience lui permet par ailleurs de créer et dedévelopper des contrats informels qu’il aurait du mal àcréer une fois nommé à la tête de l’entreprise. Ce qui neva pas sans conforter sa légitimité interne (et mêmeexterne)15.

Hypothèse 3 : L’ancienneté du dirigeant au sein de lafirme avant qu’il n’en soit nommé P.D.G. influepositivement sur son niveau d’enracinement.Par ailleurs, Pigé, B. (1998) a développé son modèle enmettant en avant l’importance des réseaux relationnelsexternes liés aux formations communes. Il fait ainsiréférence aux grands corps comme l’ENA, XMines etXponts. En effet, le fait d’être diplômé d’une écoleprestigieuse fait bénéficier le futur dirigeant d’un réseauorganisé des anciens diplômés souvent eux-mêmesoccupant des postes clés dans des grandes entreprises ouau niveau de l’économie nationale même. Pour le cas duMaroc, un phénomène comparable est tout à faitobservable, et pour cause, ces mêmes formationsfrançaises prestigieuses sont constituées en corps demétiers dans le pays. En plus des formations citées plushaut, nous prenons en considération, les formationsfrançaises comme les grandes écoles de commerce (HEC,ESSEC,etc.), qui sont constituées en associationsd’anciens. En effet, l’enquête La Vie Economique-

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Sunergia (1998) sur les cadres au Maroc a montré que73% des P.D.G. marocains avaient un diplôme étranger.Dans une enquête moins récente de l’Economiste (1995),on relève que la France, à elle seule, a formé 55% descadres ayant effectué une formation à l’étranger. Pourrevenir à l’enquête de La Vie Economique-Sunergia(1998), celle-ci montre que 30% des P.D.G. sont issus degrandes écoles de commerce et 23% d’écolesd’ingénieurs. Les formations marocaines retenues dansnotre étude sont : L’Ecole Hassania des Travaux Publics(EHTP), L’Ecole Mohammedia des Ingénieurs (EMI),l’Ecole Nationale d’Administration Publique (ENAP), etl’Institut Supérieur de Commerce et d’Administration desEntreprises (ISCAE). En effet, ces écoles sont organiséesen corps de métiers et associations très influentes, et « parl’excellence de leur formation les diplômés de ces écolespossèdent un pouvoir charismatique certain»16.

Toujours dans le cadre relationnel externe, nous retenonsaussi le facteur important d’un dirigeant ayant déjàoccupé un poste clé dans le gouvernement ou dansl’administration marocains. En effet, beaucoup plus quela formation d’origine, ce genre d’emplois ouvre audirigeant de larges perspectives relationnelles externes,notamment dans le contexte spécifique du Maroc17.

Hypothèse 4 : Le niveau d’enracinement d’un dirigeantdépend positivement de son appartenance à un réseaurelationnel externe.Dans le modèle développé par Pigé, B. (1998), l’absencepour un P.D.G. de capital humain éducationnel, qu’ilqualifie sous le terme «dirigeant autodidacte», est unindice de l’absence d’un réseau relationnel externe. Eneffet, un dirigeant n’ayant pas suivi de formationsupérieure (post-baccalauréat notamment), a plus dedifficultés à faire valoir ses compétences sur le marchémanagérial. D’où la nécessité pour ce type de dirigeantsde développer un réseau relationnel évoluant autour et ausein de l’entreprise (Pigé, B. 1999).

Hypothèse 5 : Un dirigeant n’appartenant à aucunréseau relationnel externe cherchera à développer aumaximum son réseau informel interne et à travers lui sonenracinement.18

Enfin, nous retenons la possibilité de l’existence d’unseuil en deçà duquel l’enracinement, soit n’a aucun effet,soit il a un effet positif, et au-dessus duquel il devientpréjudiciable aux actionnaires. En effet, un dirigeantnouvellement nommé et donc peu enraciné cherchera à sevaloriser auprès de l’ensemble des partenaires del’entreprise à travers la réalisation de bonnesperformances (Paquerot, M. 1997). Une fois qu’il aurafait ses preuves, le dirigeant verra son pouvoir s’accroître,son réseau relationnel élargi et le danger de laconcurrence externe amoindri. Il sera donc enclin à

fournir moins d’effort. La dernière hypothèse du modèlese présente donc ainsi :

Hypothèse 6 : Il existe un seuil d’enracinement à partirduquel, les dirigeants d’entreprises ne cherchent plus àêtre performants.Nous avons retenu comme indicateur d’enracinement, unindicateur annuel mesurant le maintien ou non dudirigeant. Ceci se justifie par la périodicité annuelle de laprésentation - au Maroc - des comptes et résultats del’entreprise par le dirigeant ainsi que de l’approbation descomptes et de la gestion par l’assemblée générale. Demême, nous considérons que la décision de poursuite del’enracinement est une décision annuelle. N’est pasexclue, l’existence de facteurs autres que l’enracinementqui expliqueraient la décision de maintien ou deremplacement du dirigeant. Tout au plus, nous posons leprincipe selon lequel l’âge ainsi que la performance dudirigeant expliquent en partie cette décision de maintien.L’âge : Parce qu’un dirigeant ayant atteint ou dépassél’âge de retraite est plus susceptible d’être remplacéqu’un dirigeant n’ayant pas encore atteint cet âge. Demême, une performance élevée accroît la probabilitéd’être maintenu, alors qu’une performance faible entraîneun effet inverse (Pigé, B. 1996).

Ainsi, l’enracinement initial19 (Y0) au moment t = 0(nomination du P.D.G.) dépend de l’appartenance dudirigeant à des réseaux relationnels externes et internesainsi que de l’ancienneté du dirigeant avant sanomination en tant que P.D.G. (hypothèses 3, 4, et 5).Ainsi :

Y0 = a1 X1 + a2 X2 + a3Ln(X3 + 1)Avec :

X1 Variable muette mesurant l’appartenance dudirigeant à un réseau relationnel externe ;

X2 Variable muette qui représente le facteur «dirigeantautodidacte». X2 prend la valeur 1 quand le dirigeant est autodidacte et 0 autrement ;

X3 Variable mesurant, en nombre d’années,l’ancienneté du P.D.G. dans l’entreprise avant d’être promu P.D.G. (et à travers elle l’expériencedu dirigeant)20.

A l’issue de l’année t, du mandat du dirigeant,l’enracinement de ce dernier dépend du niveaud’enracinement en début d’année, de l’ancienneté dudirigeant dans ses fonctions de P.D.G. (hypothèse 2) ainsique de la performance réalisée au cours de l’année(hypothèse 1).

Yt = Yt-1 + a4t + a5Ln(X4,t)21

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Avec ; X4,t : Variable mesurant la performance dudirigeant à travers la performance boursière del’entreprise relative au marché pour une année t.

Nous présumons au fait que la gestion et la vision d’undirigeant a un impact direct sur la performance del’entreprise, notamment celle financière. Nous justifionsle choix de la rentabilité boursière annuelle commeindicateur de performance, en partie, par le fait quel’utilisation des données comptables ou basées sur lacréation de valeur pour les actionnaires ne peut êtreenvisagée du fait de l’inexistence d’une loi sur laconsolidation des comptes au Maroc22. Enfin, nousutilisons une rentabilité relative pour éliminer l’impact dela situation économique générale. Nous définissons larentabilité boursière relative annuelle en annexe 1. L aperformance réalisée lors de l’année du changement dedirigeant est attribuable au P.D.G. sortant.

L’équation générale s’écrit comme suit :

En supposant que le niveau d’enracinement estindirectement reflété dans la décision de maintien ou deremplacement par le conseil d’administration du dirigeanten question, et en considérant la variable binaire«Maintien» correspondant à la décision de maintien(valeur 1) ou de remplacement (valeur 0) du dirigeant aucours de l’année, la décision de maintien s’écrit alorscomme suit :

Ainsi, on peut estimer la fonction de maintien à l’aided’une régression logistique grâce à l’introduction desvariables X4,t (Performance boursière) et X5,t (âge dudirigeant). Le résidu résultant de la régression logistiquecorrespond pour une partie à l’enracinement du dirigeant(variable Yt-1) et pour une autre partie à d’autres facteursnon-pris en considération.

X5,t étant une variable mesurant l’âge du dirigeant enannée t ;

ε1,t est la part non-expliquée de la décision de maintien oude remplacement.

La fonction de mesure de l’âge du dirigeant est commesuit :

Ceci s’explique par le fait que 60 ans est l’âge légal de laretraite au Maroc. En effet, nous supposons que l’âge dedépart d’un dirigeant est très lié à l’âge de la retraite23.

Pour déterminer l’importance relative des différentsfacteurs d’enracinement, nous procédons à une régressionlinéaire. Les résidus de notre première régressionlogistique constitueront la variable dépendante. Nousobtenons ainsi une estimation des coefficientsd’enracinement. Ces coefficients servent ensuite àdéterminer le niveau d’enracinement théorique dudirigeant en fin d’année permettant ainsi de vérifierl’existence, et d’une relation entre le niveaud’enracinement et la performance, et d’un optimumd’enracinement. Ainsi :

Pour t > 0

pouvant être définie de deux manières :

; B1 > 0 :

Il existe une fonction linéaire croissante entre laperformance réalisée par une entreprise au cours d’uneannée et le niveau d’enracinement du P.D.G. en débutd’année.

; B1 < 0 :

Il existe une fonction linéaire croissante entre laperformance réalisée par une entreprise au cours d’uneannée et le niveau d’enracinement du P.D.G. en débutd’année tant que ce niveau d’enracinement n’a pas atteintun seuil critique, et une fonction linéaire décroissante dèsque le niveau d’enracinement à dépassé le seuil critique.Le seuil critique d’enracinement est exprimé ici par B2.

ε 2,t est la part de la performance annuelle non expliquéepar le niveau d’enracinement du dirigeant en débutd’année.

II. Etude empirique

1. Constitution de l’échantillon

L’échantillon porte sur la décision de conseilsd’administrations de renouveler ou non le mandat desPrésidents d’entreprises marocaines. Les entreprisessélectionnées sont celles qui étaient cotées de façoncontinue entre 1993 et 1998 au Casablanca StockExchange. Le choix de la date 1993 s’explique par le fait

G Y B B Y Bt t− −− + −1 0 1 1 2b g

G Y B B Yt t− −− +1 0 1 1b gG Yt −1b g

tttt YGRrelX ,21,4 )(1 ε+==− −

( )

≤=

SinonX

ansXsiXF

t

tt

60

600

,5

,5,5

ttttt XLnaXFaYZ ,1,47,561 )()( ε+++= −

)( ,41

51

40 t

n

i

n

tt XLnataYY ∑∑

==

++=

Les stratégies d’enracinement des dirigeants d’entreprises : Le cas marocain.

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Entreprises marocaines

que cette année a marqué le début du processusd’assainissement du marché financier marocain à traversl’adoption de textes réglementaires et juridiquesrigoureux et innovants, qui ont été à la base de l’amorcede l’activité moderne et transparente de la placecasablancaise. (Bensouda, S. et Bellamine, S. 1998).

Les données boursières ont été collectées à partir dubulletin de la cote publié par la S.B.V.C. (Société de laBourse des Valeurs de Casablanca). Ces donnéesboursières concernent les cours boursiers et dividendesversés au titre desdits exercices et servent à calculer laperformance relative des entreprises de l’échantillon.

Les autres données renseignées sont relatives à certainescaractéristiques des dirigeants et à leurs carrières; àsavoir : l’âge, la durée passée dans l’entreprise avant lanomination en tant que P.D.G., la durée passée à la tête del’entreprise, la formation et l’appartenance à un corps demétiers ou à une association d’anciens, ainsi que le faitpour un dirigeant d’avoir travaillé dans un postegouvernemental ou administratif clé.

Ces données ont été en partie collectées à partir del’annuaire «Who’s Who in Morocco». Une autre partie aété recueillie au niveau des bases de données de C.F.G.24,d’Upline Securities25, ou même au niveau des entreprisesconcernées. Sans oublier les coupures de pressespécialisée, notamment l’Economiste (CD-ROM 1991-1998), La Vie Economique et Finances News.

L’échantillon final comprend ainsi 44 P.D.G. concernant30 entreprises pour un total de 220 observations26. Lesdonnées ne sont donc pas exhaustives à cause de ladifficulté de communication des données par certainsresponsables (freins psychologiques).

2. Résultats empiriques et interprétations

n Pour ce qui est des variables explicatives de la décisionde maintien, les résultats de la régression logistique27

font apparaître que la décision de maintien ou deremplacement du dirigeant s’explique de façonsignificative par les variables de l’âge du dirigeant et dela performance boursière28.

Ceci corrobore l’hypothèse que nous avons émise auniveau de l’âge de départ à la retraite. En effet, quandle dirigeant atteint l’âge de la retraite, il voit le risquede son remplacement devenir de plus en plus importantau fur et à mesure qu’il avance dans l’âge. Par ailleurs,nous pouvons conclure également qu’une mauvaiseperformance boursière accroît également le risque delimogeage du dirigeant29.

n L’estimation des coefficients des facteurs de la fonctiond’enracinement à travers la régression linéaire30 estsignificative, puisque nous obtenons un ration Fsignificatif. Ceci dit, le modèle est de pouvoir explicatiftrès moyen, puisque nous obtenons un R² de faiblevaleur31. Par ailleurs, la matrice de corrélation32 montreune faible corrélation entre les coefficients explicatifs.

Nous retenons donc la significativité des coefficients decorrélation obtenus, et ce, si nous prenons enconsidération la taille de l’échantillon (220 observations),face à un nombre réduit de variables explicatives33.D’autre part, la décision de maintien ou de remplacementdu dirigeant est une décision assez complexe où plusieursfacteurs non-identifiables, aussi bien subjectifsqu’objectifs s’imbriquent les uns les autres. Cettedécision peut donc être sujette à des influences du secteurd’activité, de la situation économique, de l’atmosphèreinterne (sociale et politique), mais aussi à des «aléaspersonnels au dirigeants»34 ou même aux partiesprenantes influentes, etc.

Nous présentons ci dessous, les résultats obtenus, encomparant ceux-ci avec ceux trouvés par Pigé en 1998:

Les stratégies d’enracinement des dirigeants d’entreprises : Le cas marocain.

Ahmed EL AOUADI

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Hypothèse 1 (performance boursière passée) Confirmée Confirmée

Infirmée Infirmée

Infirmée Confirmée

Confirmée Infirmée

Confirmée Confirmée

Confirmée Confirmée

Pigé 1998 (France)

Hypothèse 2 (durée du mandat en tant que P.D.G.)

Hypothèse 3 (expérience du dirigeant)

Hypothèse 4 (réseau relationnel externe)

Hypothèse 5 (autodidacte : absence réseau externe)

Hypothèse 6 (existence d’un optimum d’enracinement)

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Ainsi, l’hypothèse 1 relative à la performance boursièrepassée est confirmée, ce qui signifie que la décision demaintien est significativement influencée par lesperformances passées du dirigeant. Ceci rejoint l’analysefaite, selon laquelle un dirigeant récemment nommédirigera ses efforts vers la réalisation de bonnesperformances boursières afin de se valoriser vis-à-vis desactionnaires et du conseil d’administration35.

Nous rejoignons donc Pigé (1998) pour la logique selonlaquelle les dirigeants les plus enracinés sont ceux qui ontpu réaliser d’excellentes performances dans le passé.

Par contre, l’hypothèse 2 n’est pas confirmée. Ceci peuts’expliquer par la conséquence importante de l’usure dupouvoir des dirigeants qui semble prendre le pas sur leprocessus de maintenance, de développement et deconsolidation des contrats implicites. On ne peut doncretenir cet élément comme facteur d’enracinement. Toutau plus, on peut dire que ce facteur est pris enconsidération par le conseil d’administration quand ilprend sa décision annuelle de maintien ou deremplacement du dirigeant. Nous trouvons ainsi le mêmerésultat que Pigé, B.

Pour ce qui est de l’hypothèse 3, elle est infirméeégalement. Il semblerait donc qu’une bonne expériencedu dirigeant dans la firme n’influe pas sa stratégied’enracinement. Cela tiendrait peut être du fait que lestyle de management des entreprises marocaines estquelque peu traditionnel, où le dirigeant tend à être «laseule et l’unique tête pensante». Donc, ce facteur ne rendpas plus légitime un dirigeant nommé en interne, demême que ses capacités n’en sont pas pour autantreconnues. Pigé, B. (1998) avait trouvé un coefficientpositif à ce niveau. Ceci s’expliquant par «la grandeexpérience» que le dirigeant acquiert quand il passe unedurée donnée dans la firme avant d’y être nommé P.D.G.

D’autre part, l’hypothèse 4 est confirmé, ce qui prouve queles grands corps de métiers et associations d’anciens retenussont parfois directement liés à l’entreprise même, ainsi qu’àson environnement. Aussi, les formations reconnuesreprésentent-elles non seulement une clé d’accès à despostes prestigieux, mais elles servent aussi de rempart deprotection pour tout membre du corps, en ce sens où nonseulement les dirigeants diplômés de ces écoles ont unpouvoir charismatique certain sur leurs conseilsd’administration (Caminatti-Marchand, G. 1999), mais ilspartagent avec leurs administrateurs même cetteappartenance commune. Ce qui crée des liens trèsprivilégiés entre P.D.G. et administrateurs, notamment dansle cas marocain, où une poignée d’administrateurs et de

P.D.G. se partagent respectivement des siègesd’administration ou la direction de la plupart des grandesentreprises du Royaume. Une réflexion analogue peut êtrefaite pour les dirigeants ayant exercé un postegouvernemental ou administratif clé. Ce genre de postescrée des connexions avec des organisations aussi puissantesque diversifiées, qui permettent aux dirigeants dedévelopper des relations étroites avec beaucoup d’acteurspouvant largement influencer les décisions des organes decontrôle. Le dirigeant peut y avoir recours pour conforter saposition36.

Quant - à l’hypothèse 5, elle tend à affirmer lesconclusions tirées de l’hypothèse précédente. En effet,l’absence de réseau externe (pour un dirigeantautodidacte) représente un manque pour le dirigeant qui,pour se protéger contre le risque de remplacement, vaessayer de s’enraciner beaucoup plus dans l’entreprise.Un dirigeant marocain autodidacte et n’ayant jamaisoccupé un poste gouvernemental ou administratif clé, sesentira dans le besoin de créer des réseaux relationnelsdenses, et essaiera donc de s’enraciner encore plus.

Pour ce qui est de l’hypothèse 6, et afin de déterminerl’existence - ou non - d’un optimum d’enracinement,nous avons procédé par tâtonnements en introduisant deseffets de seuils au niveau de la fonction (G)37. Nous avonsainsi pu trouver des régressions significatives pour deuxmodèles, avec un pouvoir explicatif toujours faible. Lasignificativité du ratio F s’améliore pour les deuxmodèles obtenus.

Par contre, la non significativité des coefficients dumodèle de base de (G), prouve que le niveaud’enracinement à lui seul ne peut expliquer laperformance boursière de l’entreprise. Tout au plus, nouspouvons dire que le niveau d’enracinement influequelque peu sur la richesse des actionnaires puisque noustrouvons des coefficients significatifs.

La variation de b2, correspondant à un effet de seuil, acomme conséquence l’apparition de coefficientssignificatifs, ce qui dénote de l’existence d’un niveaud’enracinement optimal pour le dirigeant. Plus ons’éloigne de ce point, plus le sous ou surenracinementaltère la performance boursière de la firme. Le sous-enracinement peut s’expliquer par le fait que le P.D.G. n’apas encore pu développer les réseaux relationnels à mêmede conforter ses décisions et actions. De même, unsurenracinement s’explique par des comportementsmanagériaux opportunistes privilégiant les intérêtspersonnels et avantages connexes, au dépend del’entreprise. L’hypothèse 1 semble donc être vérifiée.

Les stratégies d’enracinement des dirigeants d’entreprises : Le cas marocain.

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A partir des estimateurs calculés (â1, â2, â3, â4 et â5), nouspouvons estimer la fonction théorique d’enracinementdes dirigeants d’entreprises marocaines :

Avec :

Nous ne prenons pas en considération le facteur de ladurée passée dans l’entreprise, puisque l’estimateur â4 estde signe négatif. Il ne peut donc expliquer le processusd’enracinement du dirigeant.

ConclusionLa présente étude a permis de modéliser et d’étudier leniveau d’enracinement des dirigeants d’entreprisesmarocaines selon le modèle des réseaux relationnels.

Nous trouvons ainsi qu’il existe un optimumd’enracinement, en ce sens où dépassé un certain niveaud’enracinement, le dirigeant opte souvent pour unestratégie privilégiant ses intérêts personnels au détrimentde l’objectif de maximisation de la valeur de l’entreprise.

Par ailleurs, l’existence d’un réseau relationnel externereprésente un facteur important d’enracinement, de mêmeque l’absence de ce réseau pour un P.D.G. autodidacte estressentie par ce dernier comme un risque, ce qui le pousseà s’enraciner encore plus dans l’entreprise.

D’autre part, la décision de maintien est influencée par lesperformances passées du dirigeant. Par contre, lesrésultats montrent l’existence d’une «usure du pouvoir»du P.D.G. liée au nombre d’années passées à la tête de lafirme. En outre, une bonne expérience au sein de la firmeavant d’être promu P.D.G. n’influe pas sur l’enracinementdes dirigeants des entreprises marocaines.

Les limites de cette étude sont principalement liées à lataille relativement petite de l’échantillon et à la duréeconsidérée, mais aussi au nombre limité de variablesexplicatives. Ces dernières ne prennent pas non plus enconsidération l’influence et le pouvoir des autrespartenaires de la firme.

Une extension de cette étude consisterait à tenir comptede ces facteurs dans le modèle, mais aussi à y intégrerl’ensemble des mécanismes opportunistes à dispositiondu dirigeant. De même, la stratégie d’enracinement dudirigeant étant fort complexe, il s’agit également decomprendre et d’analyser les modèles et construitsmentaux des dirigeants mêmes.

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210 141,0129,0 XXY +=

+= ∏

=− t

n

tt XLnYY ,4

1

101 159,0

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Notes1 Paquerot M. 1997.

2 Une définition des stakeholders consisterait à y incluretous les agents qui sont «parties prenantes» audéveloppement de l’entreprise. (Hyafil, 1997, p1977)

3 Charreaux, G. 1997a.

4 Un investissement est dit spécifique au dirigeantquand il subit une perte de valeur en cas de départ duP.D.G.

5 Shleifer A. et Vishny, R.W. (1989).

6 Parmi ce type d’investissements, on peut citer lesinvestissements en Recherche et Développement ou eninnovation.

7 Vu l’importance de ce sous mode d’enracinement lié àl’information, et vu qu’il ne comporte pas que deséléments informationnels, nous le considérons commestratégie d’enracinement à part.

8 Notamment ceux à capital humain fortementspécifique à l’entreprise.

9 Carminatti-Marchand G. (1999) a montré que laformation scolaire (l’exemple de l’ENA et de l’EcolePolytechnique) des administrateurs et des dirigeantspeut représenter un moyen important de création deréseaux relationnels étroits.

10 Par exemple, Charreaux G. (1997a) reprend le cas desprêteurs avec lesquels une longue relationcontractuelle permet aux dirigeants d’assouplir lescontraintes traditionnelles posées.

11 Cas des investissements spécifiques ou de visibilitéfaible qui sont souvent non-optimaux.

12 Le capital social s’entend dans le sens des ressourcestirées à travers la création, le maintien et ledéveloppement par le dirigeant de réseaux relationnelsdenses. Pigé (1998) en se basant sur les travaux deColeman J.S. (1988) le définit comme étant «lesressources disponibles par le biais de réseaux sociauxou d’institutions élitistes qu’un individu peut utiliserpour renforcer sa position».

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13 Il est à noter que tous les auteurs s’accordent à dire quele dirigeant est amené à gérer sous une contrainte derentabilité minimum (même s’il ne maximise pas pourautant la valeur de l’entreprise).

14 Pour Carminatti-Marchand (1999), plus le dirigeant estexpérimenté, plus il a de pouvoir sur sesadministrateurs et leur comportement au sein duconseil d’administration au sens de l’avantageinformationnel dont il bénéficie.

15 Pour Pigé, B. (1998), ces réseaux informelsreprésentent un appui non négligeable en cas dedésaccord avec les membres du conseild’administration non internes à l’entreprise.

16 La Vie Economique-Sunergia (1998), l’Economiste(1995).

17 Dherment-Ferere I. et Pigé, B. (1999) parlent delégitimité externe en faisant référence à l’enracinementlié au fait de travailler dans une fonctiongouvernementale importante (L’exemple donné par lesauteurs est celui de Marcel Dassault en tant que députéauprès du gouvernement français).

18 Cette hypothèse conforte ainsi celle précédente. Ainsi,un dirigeant «autodidacte» et n’ayant pas déjà étéamené à occuper un poste gouvernemental ouadministratif important n’a pas de réseau relationnelexterne fort.

19 correspondant à l’enracinement d’un P.D.G.nouvellement nommé

20 Une mesure adaptée de cette ancienneté est lelogarithme puisque l’ancienneté a une forteimportance dans les premières années, mais sonimportance croît avec un rendement décroissant par lasuite (Pigé, B. 1998).

21 t[1.,…,n] est un indice mesurant le nombre d’annéesciviles depuis que le P.D.G. est en poste.

22 Il est à noter que l’utilisation des cours boursierscomme moyen de mesure de la performance –notamment dans le cadre de l’évaluation des dirigeants- est fort controversée. Cf. Charreaux, G. (1998) etIgalens, J. & Pillard, J.F. (1996).

23 Le dépassement de l’âge de la retraite pourraitconstituer un argument derrière lequel un conseild’administration se passerait des services de sonP.D.G. De même, un dirigeant n’ayant pas encoreatteint l’âge de la retraite sera peu enclin à quitter sesfonctions sauf s’il trouve un poste plus prestigieux, cequi reste assez rare et risqué (Pigé, B. 1998).

24 Casablanca Finance Group : Société de bourse gérantles titres des 25 sociétés ayant la plus grandecapitalisation et sur des critères de liquidité et dereprésentativité économique du pays.

25 Société de bourse agréée gérant le second indiceboursier de la place (USI).

26 Sur les 38 sociétés cotées entre 1993 à 1998. A noterqu’en 1998, le nombre de sociétés cotées auCasablanca Stock Exhange était de 58 entreprises.

27 Voir tableau I.

28 Au fait c’est du logarithme de la performanceboursière dont il s’agit.

29 Il faut cependant reconnaître que le modèle reste depouvoir discriminatif assez faible.

30 Conférer tableau II

31 Pigé (1998) avait trouvé une valeur significativepresque égale pour F ainsi qu’un R² faible aussi.

32 Voir tableau III

33 5 en tout dont 2 variables muettes. D’ailleurs cettemême remarque a été faite par Pigé, B. (1998) pour1747 observations.

34 Pigé, B. (1998).

35 Ce que Paquerot, M. (1997) nomme la phase devalorisation des dirigeants.

36 Pigé, B. (1998) en citant les réseaux externes parlemême de garantie de reclassement en cas d’échec oude différends avec les actionnaires.

37 Conférer tableau VI.

38 La méthode de calcul de la rentabilité boursière étantaussi controversée, nous avons retenu celle qui prenden considération la richesse des actionnaires.Jacquillat, B. et Solnik, B. (1997), Grar, A. (1997),Renault, E. (1997), Pigé, B.(1998), Dherment-Ferère I.et Pigé, B. (1999).

39 Pour B2, Pigé (1998) avait trouvé une valeur de 0.01.

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ANNEXES

ANNEXE 1

Définition de la rentabilité boursière relative annuelle :

La rentabilité boursière relative annuelle :

Avec :

La rentabilité boursière d’une entreprise i en une année t38 :

Pi,t et Pi,t-1 : Les cours des actions au 31 décembre des années t et t-1 ;

Di,t : Le dividende versé au cours de l’année t.

La rentabilité boursière moyenne des Nt entreprises :

ANNEXE 2

TABLEAU I

Principaux résultats de la régression logistique

1)1(1

, −+= ∏=

Nt

Nt

iittM RR

11,

,,, −

+=

−ti

tititi P

DPR

11

1

,

,, −

++

=tM

titiREL R

RR

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Variables explicatives

Constante

Résidu de l’âge

Ln de la performance

Fonction

-

F (X6,t)

Ln(X5,t)

Coefficient

2,3326

-0,982

1,1182

Valeur de Wald

267***

27***

53***

Significatifs respectivement aux seuils de : ♦=10%, *=5%, **1%, ***=0,1%

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Variables explicatives

Constante

Hypothèse Estimateur Variables Coefficient t

- - - -1,326 -0,37♦

∏−

=t

n

t

XLn ,5

1

1

n n+1 2b g /

Ln X 3 1 2+b g /

Ln de la performanceantérieure H 2 â 5 1,079 2,951**

Durée corrigée

Ln (ancienneté + 1)

H 3

H 4

â 4

â 3

â 1

â 2

-

-

-0,717

-0,225

-3,715***

-1,75**

X1

X2

-

-

Formation et poste clé

Autodidacte

R2 ajusté

Ratio F

H 5

H 6

-

-

2,959

2,049

7 %

4,62***

1,39**

0,74*

-

-

perf_pa

man_corr

d_av_nom

réseau

autodida

perf_pa

1

0,362

-0,215 0,068

-0,122

0,293

-0,223

0,533 -0,059

0,072

-0,029

1

1

1

1

man_corr d_av_nom réseau autodida

ANNEXE 3

TABLEAU IIRésultats de la régression linéaire

ANNEXE 4

TABLEAU IIIMatrice de corrélation

Perf_Pa : La performance passée ;Man_Corr : Durée du mandat corrigée ;D_Av_Nom : Expérience du dirigeant (durée passée dans l’entreprise avant d’être promu P.D.G.) ;Réseau : Réseau relationnel externe (à travers la formation et les postes clés déjà occupés) ;Autodida : Variable mesurant l’absence de réseau externe à travers le fait pour un dirigeant d’être autodidacte.

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ANNEXE 5

TABLEAU IVIntroduction d’effets de seuils par tâtonnements : modèles obtenus

Variables explicatives de la performanceannuelle X5,t

Constante

Enracinement théorique

R2 ajusté

Ratio F

Modèle (A)b0+b1Yt-1

Coeff. t Coeff. t Coeff. t

0,825 20.2*** 0,782 17,01*** 0,785 17,04***

-0,211

2,3%

3,92*

-1,03* -0,695**

2,45%

5,37**

-2,39** -0,759

2,86

5,95**

-2,76**

Modèle (B)b0+b1|Yt-1-b2|

Avec b2=0

Modèle (c)b0+b1|Yt-1-b2|Avec b2=0,03

Significatifs respectivement aux seuils de : ♦ = 10%, * = 5%, ** 1%, *** = 0,1%

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Audit du Marketing de la DRH

Louis FORGETAuditeur socialProfesseur à l’ESSEC M.E. et à l’Ecole de Psychologues PraticiensConsultant

Nous nous proposons d’étudier, à travers une approchespécifique marketing, la fonction RH dans son rôle departenaire, stratégique et opérationnel de l’entreprise ETde ses salariés, ainsi que de moteur d’échangesmutuellement satisfaisants entre eux.

Cette approche fournit des repères pertinents pourstructurer, à partir des éléments mis en évidence, certainschamps d’audit de la D.R.H. à travers sa démarchemarketing.

Il s’agit d’explorer en les appliquant à la Direction desRessources Humaines quatre approches habituelles enmarketing :

n Le marketing : une philosophie basée sur quatrechamps d’actions.

n La composition du marketing-mix.n La notion de couple produit-marchén La relation attractivité-compétitivitéLe concept de marketing a été abondamment utilisé dansles domaines de la gestion de ressources humaines pourétablir, développer et structurer la relation client-fournisseur qui doit être la sienne.

«Le marketing est le mécanisme économique et social parlequel individus et groupes satisfont leurs besoins etdésirs au moyen de l’échange de produits et autres entitésde valeur pour autrui».1

La notion de «création de valeur» a tendance à s’imposercomme une démarche constructiviste dominante, mais ilfaut ne pas perdre de vue que cette notion doit êtreporteuse de capacités à satisfaire un ensemble hétérogènede besoins plus ou moins partagés.

La création de valeur, en principe, amplifie et optimise defaçon continuelle les flux de produits ou de services parrapport aux flux de satisfaction en provenance du marché(couple attractivité/compétitivité, que nous allonsdévelopper dans le domaine social).

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Bien que l’homme soit au cœur de ce processus decréation de valeur, les intérêts des actionnaires, ceux desclients et ceux des salariés ne sont évidemment pasressentis comme convergents !

Vaste chantier dans lequel la DRH a certainement un rôleessentiel.

Le marketing est un mot, souvent mal compris, danslequel on met habituellement trois acceptionsprincipales : 1. Un système, ayant pour but de développer et fabriquer

de nouveaux produits ou services en réponses adaptéeset optimisées aux besoins et désirs, actuels et futurs, enfaisant parfois émerger ces derniers,

2. Une multitude d’outils d’analyse,

3. Un ensemble d’actions et même de moyens de pressionet de commercialisation plus ou moins agressifs etsatisfaisants.

Derrière ces trois vues schématiques on peut identifiertrois dimensions caractéristiques :

1. Une dimension idéologique.

2. Une dimension analytique.

3. Une dimension action.

On doit reconnaître que, pour beaucoup de DRH, le «nezsur le guidon», la pression du court terme, empêchent trèssouvent l’attribution des efforts et des temps suffisants ala première, voire aux deux premières dimensions.

Le marketing stratégique est lié principalement à ladémarche idéologique et à la démarche analytique. Ilaboutit essentiellement à une stratégie de développement,c’est-à-dire à un choix par l’entreprise : d’opportunitésprofitables, de méthodes à utiliser et de ressources, enparticulier humaines, à mobiliser.

Pour cela l’entreprise doit déterminer les compétencesdistinctives, disponibles, mobilisables, ou à acquérir, quipeuvent être à la base d’avantages compétitifs.

Le marketing opérationnel est principalement lié à unedémarche volontariste. Il aboutit donc à la mise en œuvrede planifications, d’actions et de systèmes de contrôle.

Le marketing interne reprend tous ces concepts dansl’étude des rapports de l’entreprise avec ses salariés, desrapports hiérarchiques, des services et des hommes enrelation client-fournisseur entre eux, etc. Ce n’est pasnouveau ! (Gélinier 1979 !)

1. Le Marketing : une philosophie et quatre champs d’actions

Il faut souligner le fait que ce couple besoins/désirs estindissociable.

En fait, affectivité, subjectivité, sont toujours présentschez l’acheteur, dans le groupe décideur, chez levendeur ; mais aussi chez le salarié, chez le recruteur,chez le manager… Comment les mesurer ?

Une telle approche repose donc sur :

n Une philosophie (ou un credo, acte de foi : je crois quesi je sais identifier, anticiper etc.)

n La mise en place de la structure, de l’organisation et dusystème d’informations nécessaires.

n Des actions volontaristes et cohérentes avec l’ensembledu système.

n La mesure des résultats.

MARKETING : Philosophie de l’entreprise, et de chacun,

basée sur la croyance que les objectifs de l’entreprise seront atteints de façon optimale si elle sait et si elle met en œuvre l’organisation,

les méthodes et les moyens pour :

IDENTIFIER(Etudes de marché. Enquêtes.

Segmentation du marché. Ciblage…)

ANTICIPER(Analyses et études économiques.

Prévisions technologiques. Veille technologique et surveillance de la concurrence…)

ORIENTER(Communication. Publicité. Promotion.

Action des commerciaux, Ethique…)

SATISFAIRE(Service après vente. Enquêtes satisfaction.

Assurance qualité…)

LES BESOINS ET LES DESIRS

Audit du Marketing de la DRH

Louis FORGET

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2. Le Marketing de la D.R.H. (Champs d’action/champs d’audit)Philosophie de la D.R.H et de chacune de ses composantes, basée sur la croyance que ses objectifs en matière deRessources Humaines seront atteints de façon optimale si elle sait et si elle met en œuvre l’organisation,les méthodes et les moyens pour :

Audit du Marketing de la DRH

Louis FORGET

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IDENTIFIER les besoins et les désirs

Participer aux decisions de directionConnaître et comprendre, de façon suffisante, le «Système Entreprise»Elaborer et optimiser les systèmes d’information et d’analyse R.H. ; avoir les contributions et l’aide des managersExploiter les entretiens individuelsUtiliser des moyens tels que : audit social, observatoire social etc.Avoir des relations et discussions signifiantes avec les partenaires sociauxPrendre en compte l’historique, les évolutions individuelles et collectives, la culture, les valeurs, etc.

ANTICIPER les besoins et les désirs

Participer à l’élaboration de la stratégie de l’entrepriseEtudier les conséquences probables de l’évolution des technologies et de l’accroissement des gains de productivitéElaborer des scénarios de Gestion Préventive, Prévisionnelle ... de l’EmploiMettre en place un politique de recrutement en fonction du futurPrévoir et suivre les évolutions individuelles, mesurer les potentiels et gérer les carrièresAssurer une gestion prévisionnelle des compétences et en prévoir les conséquences en matière de formationDévelopper l’employabilité et la polyvalenceChoisir de former des managers en fonction de leur capacité à décider en intégrant les autres

ORIENTER les besoins et les désirs

Elaborer une politique, des actions et mettre en place des moyens de communication internePrendre en compte et influencer la communication externe, image de l’entrepriseConnaître besoins, désirs, compétences et capacités de chacunOrganiser un système d’offre et de demande interne d’emploisDévelopper le rôle de conseil et de coaching des managersOptimiser le recrutement, les mutations et les flux de personnelFaire connaître les autres métiers et les autres emplois de l’entreprise, utiliser l’outil formation

SATISFAIRE les besoins et les désirs

Optimiser l’organisation, les coûts et la gestion de la DRHEtre soucieux de la qualité du système «Gestion des Ressources Humaines»Assurer des relations contribution/rétribution répondant aux impératifs d’équité, sur les plans individuels et collectifsMettre en place des méthodes et des moyens efficaces de motivationet de rétributionFaire évoluer les systèmes de management dans un sens participatif, développer la responsabilisation etl’implication par le choix des «bons» managersAssurer des réponse, dans tous les cas, avec les explications nécessaires, aux besoins/désirs exprimésAgir pour améliorer les conditions de travail (CHSCT, DP, demandes ... etc.)Etablir une politique de formation capable de développer les compétences utilisées en situation de travail etde répondre de façon

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3. Le Marketing MixIl s’agit d’une notion classique en marketing. C’est lastructuration de l’offre de l’entreprise sur son marché àtravers cinq variables habituelles, liées entre elles, dont lacomposition influe sur les résultats et peut entraîner lesuccès ou l’échec.

Ces cinq composantes sont interdépendantes, le faitd’agir sur l’une d’entre elles à des conséquences sur lesautres (mix comme mixer !)

Les ouvrages de marketing distinguent habituellement lescinq paramètres suivants :

Produit, Prix, Communication et actions de vente,Canaux de distribution, Service et Qualité.

De la même façon, nous pouvons élaborer un «marketingmi» pour la fonction Ressources Humaines en explicitantcinq variables qui pourraient structurer l’offre parrapport au marché des capacités et des compétences :

n L’Emploi, (poste, fonction)

n La Rétribution (au sens large)

n La Formation (en particulier le développementprofessionnel et personnel)

n L’Environnement (physique et relationnel)

n Les Perspectives d’évolution, et de mobilité.

4. Le Marketing Mix de la fonction R.H. ses 5 variables interdépendantes

Quelques éléments constitutifs du marketing-mix :A chacun de ces éléments peuvent être associés indicateurset clignotants d’audit. A - Emploi

n Valeur perçuen Intérêt et satisfaction éprouvés dans le travailn Qualité du managementn Aspects relationnels, équipe

B - Rétributionn Valeur perçuen Composantes directes et indirectes de la

rémunérationn Participation, interessement, association aux

résultatsn Avantages divers

C - Formationn Approfondissement des savoirs et savoir-faire

spécifiques au métiern Prise en compte de projets personnels et

personnelsn Ouverture vers d’autres techniques et d’autres

métiersn Souci de l’employabilité

D- Environnement et Conditions de travailn Conditions de travail, n Temps de travail, flexibilité, horaires,n Sécurité, qualité etc... n Qualité et pertinence de l’’informationn Moyens à disposition et organisation

E - Perspectives d’évolution et de mobilitén Prise en compte du potentiel personneln Possibilités de promotionn Possibilités de mobilité géographique et/ou

fonctionnelle

Audit du Marketing de la DRH

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LE MARKETING MIX DE LA FONCTION RESSOURCES HUMAINES

A - Emploi B - Rétribution C - FormationD - Environnement

Conditions de travail

E - Perspectivesd’évolution

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Une approche parallèle a été abordée sous le nom de«personnel mix» par B.Martory et D.Crozet2, avec deséléments constitutifs, différents et plus globaux.

Les fondements de la démarche «stratégie du mix» sontles mêmes :

n Nécessité de cohérence dans les conduites despolitiques sociales qui concernent plusieurs élémentsdu mix

n Importance des choix et de la hiérarchisation desactions sur les 5 paramètres en fonction des contraintesde temps, de la législation, de l’environnement, desressources financières…

n Prévision de l’évolution souhaitable des composants dumarketing mix, dans un avenir plus ou moins proche,en fonction de la stratégie de l’entreprise et du marchéde l’emploi

5. Notion de couple produit/marchéUn nouveau produit ou service ne devrait être développéet commercialisé que s’il peut occuper une positioncompétitive profitable sur un marché.

Un marché attractif pour l’entreprise doit entraîner de lapart de celle-ci l’offre du produit ou du service adapté aumieux à cette demande, maintenant et dans le futuraccessible.

Peut-on passer de la notion : Couple Produit/Marché à la même notion en GRH :

FONCTIONS-COMPETENCES REQUISES

QUALIFICATIONS-COMPETENCES PERSONNELLES

La compétence est contingente, son cadre est la situationde travail et la relation homme-poste à court terme estévidemment très réductrice.

Compétences individuelles, collectives, partagées,pluridisciplinaires ; potentiels d’acquisition de nouvellescompétences, organisations qualifiantes…Toutes cesapproches sont pluridimensionnelles et variables dans letemps. Comment les optimiser, pourquoi, et pour quoi ?

Le modèle causal habituel va dans le sens stratégie ç compétences requises ç compétences acquises.

Et si on faisait le contraire ? Compétences potentielles

ç Orientation ou émergence de stratégies éventuelles ?

Une telle approche peut être d’autant plus pertinente quel’environnement devient perturbé et incertain.

Il s’agit bien d’une démarche d’innovation managérialemais :

n comment fonder la réponse de l’entreprise auxpourquoi ? ainsi que aux pour quoi ?

n comment assurer la cohérence avec l’ensemble dusystème, en particulier en matière de rétribution,c’est une grande question de rémunération descompétences !

n comment assurer et gérer la continuité à terme ?

La Direction des Ressources Humaines est la plaquetournante au centre du système d’informations «lesHommes», elle a donc, évidemment, un rôle important àjouer dans toute participation à l’orientation de lastratégie de l’entreprise.

6. La relation attractivité-compétitivité3

Il s’agit pour l’Entreprise d’analyser et de quantifierl’opportunité économique que peut représenter unmarché : attractivité. De la même façon sa probabilité desuccès sur ce marché dépend de sa capacité à êtremeilleure que ses concurrents : compétitivité.

La performance économique entraîne la performancesociale… mais elle en dépend également (il y a rétroaction)

Pour les Hommes, il faut les attirer (attractivité), lesretenir et faire évoluer les meilleurs (compétitivité deceux-ci)

Le tableau ci-dessous propose un certain nombre deparamètres qui peuvent entrer dans ces deux notionstelles qu’elles sont vécues ou ressenties par uncollaborateur.

Bien entendu, il faudrait utiliser chacun de ces paramètrespour structurer un Audit Social permettant d’analyserattractivité et compétitivité.

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ATTRACTIVITE

Dans quelle mesure l’entreprise m’intéresse ?

Rétribution au sens largeNature et spécificité de mes activités par rapport

à mes attentesIntérêt de mon postePossibilités de carrièreConsidération ressentieFlexibilité de mon emploi, organisation du tempsPossibilités de développement personnelPrestige de l’entreprise, image, cultureStratégie de l’Entreprise et ses perscpectives

de développementSolidité, continuité, développement passéMobilité possible, ouverture vers d’autres métiers ou

d’autres secteurs géographiquesPrésence de beaucop de personnes avec qui j’ai envie

de travaillerQualité des relations et communicationsAttractivité de l’entreprise pour mes prochesFormation possibleLieu et environnement géographique

COMPETITIVITE

Dans quelle mesure j’intéresse l’entreprise ?

Ma contribution au sens largeMes compétencesMes performances présentes et passéesMon «potentiel»Mes capacités de développementMon implicationMon enthousiasmeMes capacités à être «manager»Mes qualités relationnellesMon adaptabilitéMa mobilitéMon image de marque, ma crédibilitéMa fiabilité et ma fidélitéMon rapport «qualité-prix»Mon intégrité, mes valeurs moralesMa carte de visite...

Attractivité de l’entreprise, intérêt de celle-ci pour le collaborateur

Le tester ailleurs ?Efforts à faire ...

Investir sur lui pour qu’il améliore ses performances :

formation, coaching ...

Optimiser en particulier le couplecontribution/rétribution.

Choix : investir sur luiou le pousser à partir ?

Employabilité ?

Comme beaucoup !Réponses : formation,

communication, mobilité, etc.A impliquer et à faire évoluer.

Problème évident !Employabilité ?

Choix : le réveiller ou le pousser à partir

Employabilité ?

Quelles sont ses motivations ?Y a-t-il évolution

ou mobilité possible ?(risque de départ éventuel)

Compétitivité du collaborateur

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7. Créativité et communication(Deux mots en guise de conclusion)

Etre créatif, innover

L’offre crée la demande ; à des offres nouvellescorrespondent des demandes nouvelles. La constructionde l’entreprise se fait à partir de demandes internes etexternes satisfaites, suivies par d’autres demandes àvaleur ajoutée supérieure, comme les vagues d’une merqui monte…

On attribue souvent au DRH la dimension «architectesocial» A lui de créer et d’entrenir la dynamiqueinnovante nécessaire au maître d’œuvre qu’il doit être.

Communiquer

En marketing, les coûts de la communication, comme sonefficacité, sont importants mais difficiles à évaluer. Lescoûts de la force de vente en représentent la majeurepartie.

Qui compose la force de vente en RH ? En grande partieles managers de contact.

La communication n’est pas uniforme dans la mesure oùelle s’adresse à des segments différents : direction,managers, partenaires sociaux, personnel en général…Objectifs, politiques, contenus, doivent donc êtrecohérents et continus, tout en étant différenciés.

«La communication interne est à la fois un BESOIN, une CROYANCE, une VOLONTE»4

Communication d’imageç attitudes et réponses affectives.

Communication informative ç connaissance de «ce qui se passe» et du futurprobable

Communication interactive ç réponses comportementales.

Pour auditer et «orienter les besoins et désirs» lacommunication est un outil essentiel. Les technologiesactuelles la rendent plus efficiente mais le DRH doit enêtre le grand stratège.

Notes1. Kotler Dubois, (1992). Marketing Management, Publi-

Union.

2. Martory,Crozet (1998) Gestion des ressources humaines,Nathan

3. Lambin. J.J. (1994). Le Marketing Stratégique, Ediscience.

4. Thévenet M. par exemple : (1988) Le Marketing Interne,Revue Française du Marketing, ADETEM

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Les NTIC dans le diagnostic internedes Ressources Humaines

Mohammed [email protected]

Dieter [email protected]

Professeurs de management à l’ESC Grenoble

La Gestion des Ressources Humaines dans l’entrepriseest une fonction en pleine évolution sous l’influence deplusieurs facteurs :

n la prise de conscience que le personnel d’une entrepriseest une ressource sûre créatrice de valeur,

n la nécessaire contribution de la fonction RessourcesHumaines à l’accroissement de la création de la valeurdans l’entreprise ;

n et, l’apparition des technologies de l’information et dela communication.

L’évolution ves une fonction créatrice de valeur pourl’entreprise s’est traduite par la redéfinition des missionsde la GRH ; le modèle d’Ulrich est une des manifestationsde cette redéfinition qui est accompagnée de la mise enœuvre du partage de la fonction avec les managersopérationnels et de l’adaptation des pratiques de gestion.Dans ce cadre, l’audit social est une des pratiques quis’est largement développée au cours des vingt dernièresannées.

Les technologies de l’information et de la communicationont, en pénétrant la fonction Gestion des RessourcesHumaines, apporté des nouvelles formes d’organisationdu travail, des solutions dans les pratiques RH mais ellesont mis en évidence la nécessité de mettre en œuvre denouveaux modes de management des organisations.

L’objet de cette communication est de présenter lerésultat d’un travail qui a permis d’allier une démarche dediagnosttic des pratiques managériales dans lesRessources Humaines avec les technologies del’information. Il s’agit de présenter un outil opérationnelde diagnostic des compétences managériales dans laGestion des Ressources Humaines de l’entreprise, plusprécisément des pratiques de la fonction RH. Cet outil -un logiciel utilisant les NTIC- permet ensuite de pouvoircomparer ces compétences et pratiques avec la stratégieRH de l’entreprise et dans un deuxième temps d’initier unbenchmarking externe avec d’autres entreprises.

La communication abordera :

n la problématique du diagnostic social et de lanécessité du benchmarking,

n la méthodologie appliquée pour construire l’outil et levalider,

n les résultats obtenus. Une démonstration peut-êtrefaite aux participants du colloque.

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IntroductionLa Gestion des Ressources Humaines dans l’entrepriseest une fonction en pleine évolution sous l’influence deplusieurs facteurs :

n la prise de conscience que le personnel d’uneentreprise est une ressource sûre créatrice de valeur ,

n la nécessaire contribution de la fonction RessourcesHumaines à l’accroissement de la création de la valeurdans l’entreprise ;

n et, l’apparition des technologies de l’information et dela communication.

L’évolution vers une fonction créatrice de valeur pourl’entreprise s’est traduite par la redéfinition des missionsde la GRH ; le modèle d’Ulrich est une des manifestationsde cette évolution qui est accompagnée de la mise enœuvre du partage de la fonction avec les managersopérationnels et de l’adaptation des pratiques de gestion.Dans ce cadre, l’audit, notamment l’audit social, est unepratique qui s’est largement développée au cours desvingt dernières années éclairant la prise de décisionsstratégiques par une bonne connaissances de la réalité dessystèmes de gestion. Les technologies de l’information etde la communication ont apporté des nouvelles formesd’organisation du travail, de nouvelles pratiques à laGRH et mis en évidence la nécessité l’émergence denouveaux modes de management des organisations.

L’objectif de cette communication est de présenter lerésultat d’un recherche qui a permis la «conception et lavalidation d’une démarche d’auto-diagnostic et debenchmarking des pratiques managériales dans lesressources humaines. Cette démarche s’appuie sur unoutil utilisant les technologies de l’information et de lacommunication.

Cette recherche - élaborer une plate-formed’autodiagnostic (self assessment toolkit) - est uneinitiative de la DG III de la Commission Européenne.L’outil d’auto-diagnostic présenté ci-dessous a été conçupar un groupe de chercheurs coordonné par EuropeanFoundation for Management Development (EFMD)1

venant de 8 Business Schools européennes. Aprèsplusieurs mois de travail sous divers formes, les résultatsfurent présentés lors d’une conférence annuelle del’EFMD à un large public composé d’universitaires,représentants d’entreprises et professionnels du conseils.L’ensemble de la démarche est accessible (en anglais) surle site Internet de l’EFMD.2. Dans la phase de traductionet d’adaptation en français, l’occasion nous été donné devalider encore une fois chaque étape de progression de ladémarche de Benchmarking interne en collaboration avec

le directeur d’un site de production et le directeur desressources humaines d’une grande entreprise du secteurinformatique.

Plus précisément, il s’agit, pour nous, de présenter ladémarche, le contenu et la mise en œuvre de l’outilopérationnel d’auto-diagnostic des compétencesmanagériales et des pratiques de gestion de la fonctionRH dans l’entreprise. Cet outil, disponible sur Internet,permet après l’auto-diagnostic de pouvoir comparer lescompétences et pratiques des managers dans un premiertemps avec la stratégie RH de l’entreprise et dans undeuxième temps d’initier un benchmarking interne entrestructures de l’entreprise suivi d’un benchmarkingexterne avec les pratiques d’entreprises performantes. Lacommunication s’articule autour de trois points :

n l’évolution de la GRH sous la double contrainte desnécessité économiques et des technologies del’information et de la communication entrainant ledévelopement des pratiques de diagnostic et d’audit;

n une présentation de l’outil d’auto-diagnostic :méthodologie d’élaboration et contenu

n Les apports de cet outil au management de l’entrepriseet des ressources humaines.

1. Les évolutions de la GRH

1.1. Orientation vers des missionsstratégiques

La Gestion des Ressources Humaines a connu deprofondes transformations au cours des deux dernièresdécennies. Les mutations technologiques,l’internationalisation et l’accentuation de la concurrence,les mutations socioculturelles et l’action des hommes desRessources Humaines dans l’entreprise mais aussi dansd’autres espaces - les universités, les écoles de gestion,les cabinets de conseils et audit, les associationsprofessionnelles - ont contribué à l’évolution rapide desmissions et pratiques de la GRH.

D’une fonction « suiveuse » chargée de mettre en œuvredans le domaine du personnel les décisions stratégiquesde l’entreprise et de réaliser la gestion administrative dessalariés, la GRH a évolué vers une fonction stratégiqueayant pour finalité la contribution à la création de lavaleur au sein l’entreprise.

C’est en assumant des missions comme « manager lastratégie Ressources Humaines, conduire le changement,

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motiver les employés et gérer les tâchesadministratives du personnel 3» que la GRH a réussi àtransformer sa place et son rôle dans le dispositif demanagement de l’entreprise. Le partage de la fonction4

avec les managers opérationnels apparaît pour leshommes des Ressources Humaines comme un facteur cléde succès qui implique des actions de la part des DRH endirection des managers : « pour que chaque responsablehiérarchique prenne les bonnes décisions en matière deGRH et contribue à développer les ressources de chacunde ses collaborateurs, il est nécessaire de veiller à lesensibiliser, le former, l’informer, l’assister et le valoriserdans ce domaine5 ». Ce partage implique pour fonctionRessources Humaines l’accroissement de l’efficacité deses prestations à ses clients internes6, efficacité qui doit setraduire dans la qualité, le coût et le respect des délais.

Ces évolutions managériales de la GRH – orientation surdes missions stratégiques, partage de la fonction,recherche de l’efficacité des prestations – ont induits ledéveloppement de deux nouvelles approches de gestion :

La gestion des compétences ;

Le diagnostic social .

1.2. La gestion des compétences

Le concept de « gestion des compétences » est apparudans le discours et les pratiques du management depuisune dizaine d’années. L’accroissement de la compétitivitérésultat de l’accélération du processus de mondialisationde l’économie et du développement rapide destechnologies, les technologies de l’information, acontraint les entreprises à plus d’efficacité dans ladéfinition de leur stratégie et la gestion des ressourcesmobilisées pour atteindre leurs objectifs stratégiques. Ceconcept a fait irruption dans le management avec deuxacceptions, l’une traditionnelle et se rapportant auxsavoir-faire d’un salarié comme membre d’uneorganisation, l’autre se rapporte à l’entreprise et à laconstruction de sa stratégie.

Compétence individuelle, compétence collective,compétence stratégique : quels contenus pour chaqueconcept ? Quels liens existent-ils entre ces compétencesde l’entreprise ? Quels dispositifs de gestion nouveauxnécessitent-ils? Quel rôle pour la DRH et les autresfonctions de l’entreprise ? Telles sont quelquesinterrogations auxquelles nous tenterons, tout au long deces lignes, d’apporter des éléments de réponse.

La compétence est un concept qui donne lieu, dans lespublications et les rencontres spécialisées, à unfoisonnement de définitions alimentant un vaste débat où

les termes poste, qualification, savoir-faire, aptitude,connaissance sont analysés et comparés. Sans reprendretous les éléments du débat, il nous semble utile d’ensouligner les principaux éléments.

De Montmolin (1984), définit la compétence comme un«ensemble stabilisé de savoirs et de savoir-faire, deconduites types, de procédures standards, de types deraisonnement que l’on peut mettre en oeuvre sansapprentissage nouveau »7

Le Boterf (1995) considère la compétence comme un «savoir-agir responsable et validé dans un contexteprofessionnel 8». Le «savoir-agir» est, pour l’auteur,constitué d’un ou plusieurs savoir-faire appuyés le plussouvent sur des connaissances spécifiques. Dans cettedéfinition, la notion de validation soulève desinterrogations chez de nombreux auteurs dans la mesureoù elle pose le problème de l’outil de validation maissurtout de comment qualifier l’acquis intellectuel etprofessionnel antérieur à la validation.

Bruno Sire9, quant à lui, dépasse l’aspect terminologiepour proposer une typologie en quatre catégories descompétences pouvant être détenues par une personne.L’intérêt de cette nomenclature réside dans son caractèreopératoire qui indique une voie possible pourl’élaboration de référentiels de compétences del’entreprise et la définition de portefeuilles decompétences d’une personne.

Dans l’ensemble des définitions proposées, deux critèressont utilisés :

n les connaissances théoriques et professionnellesrésultantes de la formation initiale ou acquises dansl’exercice du travail ;

n les capacités à mettre en oeuvre observables àl’occasion de situations de travail.

La compétence serait, donc, une synthèse entre desconnaissances et des capacités, synthèse construite dansun processus d’apprentissage dynamique et cumulatif. Lacompétence apparaît, dans tous les cas, comme «uneabstraction » portée par une personne ou un groupe depersonnes mais une «abstraction » ayant un potentielopératoire.

Toutes les définitions ci-dessus et les débats qui lesentourent rendent plutôt compte des compétencesdétenues par des individus ; or l’entreprise est un systèmequi met en rapport des personnes dans des situations detravail pour produire des biens ou services afin desatisfaire la demande du marché. En fait, les compétencesne sont rien en dehors des personnes et d’un un cadreorganisationnel permettant leur mise en action ; d’où les

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deux concepts : compétence individuelle et compétencecollective.

Si la compétence individuelle est détenue par unepersonne, la compétence collective est, quant à elle, uneréalité définie comme étant le savoir-faire (ou les savoir-faire) de l’entreprise, c’est à dire sa capacité à mettre surle marché des produits ou services compétitifs et àconquérir des parts de marché à partir de la combinaisondes différentes compétences individuelles de sesmembres.

La compétence collective est, donc, le produit de lacombinaison des différentes compétences individuellesmises en situation de travail dans une dynamiqueorganisationnelle favorisant à la fois l’apprentissageindividuel et collectif mais également la synergie desdifférents acteurs intervenant dans un processus deproduction de valeur. Elle se construit dans l’expérience,la résolution des problèmes notamment lesdysfonctionnements, les conflits et la recherche denouvelles solutions, c’est à dire dans l’action collectivecontinue pour réaliser les objectifs de l’organisation. Lescompétences collectives sont ancrées dans la culture del’entreprise et les comportements de son personnel.

Dans la littérature anglo-saxonne, les définitions de la

compétence reposent sur les recherchent de Mc Clelland(1973). Ce dernier a montré que les aptitudesacadémiques, les tests de connaissances et les diplômesne permettent pas de prédire de façon adéquate laperformance dans l’emploi. Il a distingué cinqdimensions :n les connaissances, n les savoir-faire, n l’image de soi (confiance en soi, perception de soi-

même), n les traits de personnalité, n les motivations.

A partir de ces travaux, Woodruff (1991) a classé ces cinqdimensions en deux types de compétences : les « hardcompetences » correspondant aux connaissancex etsavoir-faire et les « soft competences », c’est-à-direl’image de soi, les traits de personnalité, la motivation.Cette approche diffère de l’approche française de lacompétences que nous avons présentée ci-dessus. Onpréfère, en France, parler de savoir, savoir-faire et savoir-être. Les deux approches, l’anglo-saxonne et la française,ont fait l’objet d’une analyse comparative par MichelTremblay et Bruno Sire (1999) synthétisée dans letableau 1 ci-dessous :10.

Les NTIC dans le diagnostic interne des Ressources Humaines

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Tableau 1Rapprochement des approches anglo-saxonnes et françaises

Michel TREMBLAY, Bruno SIRE, (1999)

Approcheanglo-

saxonne

Dimension de la compétence

«Hard» competences(compétencesessentielles)

«Soft» competences(compétencesdifférentielles)

Approchefrançaise

Dimension de la compétence

Savoir(compétences théoriques)

Savoir-faire(compétences pratiques)

Savoir-être(compétences sociales et

comportementales)

Knowledge

Skills

behaviours

Traits

Motives

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Au de là des débats théoriques, les spécialistes de la GRHont réussi dans le temps à donner un contenu de plus enplus opérationnel au concept de compétence. C’est ainsique de nombreuses entreprises sont passées dans lagestion des emplois d’une « logique de postes » à une« logique compétences » qui s’est concrétisée dans :

n l’élaboration de référentiel de compétences ;

n une politique de développement des compétences ;

n une clarification des règles de mobilité et de gestiondes carrières ;

n une politique de rémunération basée surl’individualisation.

La gestion des compétences reste un débat ouvert autantsur le plan théorique que sur le plan opérationnel.

1.3. Le développement des pratiques dediagnostic

Les pratiques de diagnostic sous des formes diverses sesont développés dans le management des organisations. Ilest devenu important, voire fondamental, pour lesdirigeants des entreprises d’éclairer le processus dedécision par une bonne connaissance de la réalité autantinterne que de l’environnement. Si les managers ont unbesoin de plus en plus fort de connaissance et d’analysede la réalité de l’entreprise, c’est par nécessité des’appuyer, entre autre, sur cette réalité pour construire desstratégies d’entreprise qui leur permettent de conserverou développer leurs avantages concurrentiels et leurcompétitivité dans un environnement aux évolutionsrapides. La connaissance de la réalité est, aussi, pourdécider des politiques à mettre en œuvre pour que soientpris en charge par les ressources clés de l’entreprise, c’està dire les ressources humaines, les objectifs de la stratégieadoptée. L’enjeu est donc très important pour lesdirigeants d’où le développement des pratiques dediagnostic comme instruments dans le pilotage del’entreprise.

Les pratiques de diagnostic sont appliquées à toutes lesactivités et fonctions de l’entreprises (finance,commercial, production, social, organisation…) etprennent plusieurs formes allant de la simple observationà des pratiques « normées » comme l’audit. Elle sontréalisées soit en interne sous forme d’auto-diagnostic soitpar appel, dans un cadre contractuel, à des spécialistesexternes à l’entreprise.

Dans le domaine de la GRH, ces pratiques se sontlargement développées. Igalens et Loignon (1997)présentent cinq pratiques actuellement utilisées par les

entreprises et les administrations: le diagnostic social,l’audit social, la veille social, le contrôle de gestionsociale, l’observation sociale11. Chacune de ces pratiquesrépond à des objectifs précis et fait appel à des méthodeset des compétences différentes. Mais la connaissanced’une réalité asociale et organisationnelle aussi complexeet mouvante que celle d’une entreprise nécessite la miseen œuvre combinée de certaines de ces pratiques .

Parmi ces pratiques d’aide à la décision apparues au coursdes vingt dernières années, l’audit social apparaît commela pratique qui a connu un développement rapide. Commele soulignent les auteurs de l’Encyclopédie desRessources Humaines/Térence (1993) « Les raisons del’émergence de l’audit social résident de plus en plus dansla volonté de tester la qualité d’un système de gestion.Plus qu’un outil de gestion, l’audit devient pour lemanager, une méthodologie de connaissance et d’analysede la réalité. »12. Dans cet esprit l’audit social permet auxmanagers de connaître le niveau de mise en œuvre despratiques de gestion, l’efficacité de ces pratiques auniveau managériale et l’impact des pratiques et politiquessociales au niveau stratégique.

Peretti et Vachette (1984) ont jeté les basesméthodologiques de l’audit social en précisant 13:n la place et les objectifs de l’audit social dans la

stratégie de l’entreprises, n le champ et les missions de l’audit social, n les outils de l’audit social,.

Ce cadre méthodologique s’inspire des acquis de l’auditfinancier et comptable mais aussi des méthodes utiliséesen science sociales et des outils statistiques.

La synergie entre les travaux des auditeurs sociaux dansles entreprises et les travaux de recherche effectués dansle cadre de l’université de l’audit social organiséeannuellement par l’IAS14 a contribué à crédibiliser cettepratique de gestion auprès des managers des entrepriseset à renforcer ses fondements théoriques et ses méthodes.

1.4. L’impact des NTIC

L’apparition des technologies de l’information et de lacommunication a constitué pour la GRH une nouvelleopportunité de mutations importantes de ses pratiques.L’intranet, le groupeware, le télétravail mais égalementles autres applications comme le commerce électroniqueet les logiciels type ERP, le knowledge management, lagestion électronique des documents ont introduit destransformations dans l’entreprise au niveau des processusmodifiant ainsi son organisation, transformé lescompétences et les emplois. mis en évidence des

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situations de travail nécessitant de nouveaux modes demanagement. Les premières analyses de l’utilisationintensive des TIC par la fonction GRH15 mettent enévidence les prémisses d’un nouveau modèle de GRH16

.La fonction RH est profondément interpellée dans sespratiques et dans son positionnement au sein del’entreprise. Les développements récents destechnologies de l’information et de la communicationoffrent à la fonction Ressources Humaines desopportunités de construire un système d’information desressources humaines performant et intégré au systèmed’information de l’entreprise. Le 3 ci-dessous montrentl’impact de quelques applications des technologies del’information - l’intranet, le groupeware et le télétravail –sur la gestion des ressources humaines. Dans laproblématique « gestion des compétences », les TIC ontun impact à deux niveaux:

n Dans les pratiques de gestion des compétences

Dans ce domaine, les innovations sont nombreuses :- l’intranet a facilité la gestion des compétences

individuelles ; les référentiels de compétences sont deplus en plus nombreux à être en ligne, les employéspeuvent ainsi « construire » leur portefeuille decompétences dans le cadre d’un projet de carrière, lescurriculum-vitaë des salariés de l’entreprise sontaccessibles aux chefs de projets comme est accessibleaux salariés l’information sur les emplois libres ;

- l’identification des pôles et réseaux de compétencesmais aussi leur gestion sont aujourd’hui possibles sansconstruire des dispositifs lourds comme ceux de laGPEC.

n Dans le développement de nouvelles compétences

A ce niveau, la mise en œuvre des applications des TICapporte des innovations majeures. C’est ainsi que :- les TIC ont introduisent de nouvelles compétences tant

au plan individuel que collectif ; de nombreux métierssont aujourd’hui en cours de transformation y comprisdans la fonction RH ; de nombreuses compétencesapparaissent autant dans la gestion de ces nouvellestechnologies que dans le management des modes detravail qu’elles induisent au sein des organisations ;

- le développement des compétences individuelles etcollectives sont facilitées par les fonctionnalités del’intranet comme la formation en ligne et les logiciels deknowledge management ;

- les pôles et réseaux de compétences se renforcent grâceaux possibilités qu’apportent aux personnes travaillanten équipes projet grâce aux applications de typegroupeware consolidant ainsi les compétencescollectives

- de nouveaux modes de management assis sur descritères de type responsabilisation et autonomie dessalariés sont mis en œuvre du fait du développement dutélétravail et du travail à distance des équipes projetstant dans les modes synchrone et asynchrone.

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1.5. Le «Benchmarking»

Les entreprises sont engagées dans un processusperpétuel de changement de leur organisation au pointque certains parlent de changement permanent dont lerythme s’est accéléré avec la mondialisation des échangeset l’apparition des technologies de l’information.L’aptitude au changement devient un facteur déterminantdans la compétitivité et le développement commercial etorganisationnel de l’entreprise. Le «Benchmarking» estreconnu comme un levier efficace pour améliorer lesperformances des entreprises à condition d’être menéavec méthode. Il constitue, avec l’échange d’informationdans un contexte international, le fondement del’amélioration permanente des performances desl’entreprises.

Fondé sur le principe de « prendre exemple sur lesmeilleurs », cette technique, très prisée auxEtats-Unis etau Japon, a gagné petit à petit les entreprises européennes.Un sondage réalisé, sur cette pratique managériale par laCommission européenne auprès de 3600 entreprises amontré que plus de 90% des entreprises interrogéesétaient intéressés par un échange d’information sur leursmeilleures pratiques.

Pourquoi faire un benchmarking interne ?

Si une démarche de benchmarking a pour objectif globall’amélioration significative des performances del’entreprise, sa mise en œuvre s’inscrit dans le cadre d’unplan d’action devant permettre l’atteinte d’objectifsstratégiques comme :n donner un avantage compétitif à l’entreprisen initier une démarche participative du management des

ressources humaines n faciliter la fusion entre deux groupes, deux entreprises ;n développer de nouvelles compétences stratégiques n rendre un maximum de services aux clientsn introduire des changement pour mettre l’organisation

en mouvement

Quels sont les fondements et les pratiques du benchmarcking ?

Pour Karlöf (1995), «Le benchmarking est une méthodepour améliorer la performance. Par essence, il consiste àobserver et à apprendre des autres, par comparaison avecsoi-même.»17 .La démarche de benchmarking relève dubon sens managérial. Elle exige, néanmoins, de laméthode, une mobilisation des ressources humaines et dela continuité dans l’action.

La démarche s’appuie sur plusieurs étapes : n identifier la performance à améliorer (l’objet du

Benchmarking), n sélectionner les partenaires de benchmarking avec une

double préoccupation- en interne ou externe,excellentes performance par rapport à l’objet debenchmarking retenu - ;

n rechercher de l’information ; cette étape exigel’élaboration d’un questionnaire, la recherche del’information dans l’entreprise et chez les partenairessélectionnés. L’information ne doit pas se limiter à deschiffres (rations, etc…) mais doit porter sur lesprocessus et les modalités de réalisations des activitésdes processus retenus ;

n le traitement de l’information recueillie dans l’objectifde mettre en évidence les écarts de performance pourl’objet de benchmarking ;

n la dernière phase correspond à la conception et la mise enœuvre d’un plan d’action pour atteindre les objectifs deperformance retenus pour l’objet de benchmarking . Ceplan d’action doit rechercher le partage par les équipesconcernées des objectifs de performance, des actions àmettre en œuvre, des moyens à mobiliser et du planningretenu. Une démarche de type «gestion projet» constituepour cette phase une garantie de réussite.

Les différentes formes de Benchmarking :

n à l’intérieur d’une entreprise (entre département,divisions, sites)

n à l’intérieur du même secteur ou de la même industrie(exemples : les processus de logistique)

n à l’extérieur du secteur ou de l’industrie (exemples : lesprocessus marketing)

Avec les résultats du Benchmarking, nous sommes enmesure de déterminer la catégorie dans laquellel’entreprise se range. Sur la courbe de la valeur (Tuval2000)18 ci-dessous, nous pouvons situer certainescompétences manageriales. Si l’entreprise arrive à lestransformer en produit et services, on obtient l’ossaturede l’entreprise. En mettant ces produits et services sur lemarché, l’entreprise atteint la moitié de la courbe. Si deplus l’entreprise se focalise sur le client (analyse desbesoins, études de satisfaction des clients) elle passe à lamoitié supérieure. Connaître les clients est essentiel. Celasignifie les connaître assez bien pour être capabled’anticiper leurs attentes. Il faut pour cela un degréd’imagination et d’empathie que possède rarement lemanager moyen. Et en dernier lieu, si l’entreprise arrive àcréer de la valeur pour les clients, elle se trouve parmi lescréateurs. Ce travail de synthèse est bien entendu àréaliser par les dirigeants.

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Les analyses qui précèdent, doivent permettre au final decréer une visibilité accrue de l’environnement interne duprojet stratégique et/ou de changement. Lesconnaissances produites par le Benchmarking interne, enles classant selon le schéma suivant, par catégorie, mieuxpar processus voir même par pratique, peuvent aider àfixer les mesures prioritaires pour un plan d’action àcourt, moyen et long terme, en étroite collaboration entreresponsables fonctionnels, d’unité et DRH. Ce faisant,l’entreprise s’approchera un peu plus d’un managementstratégique des ressources humaines (Ulrich, 2000).

Ce travail, outre son utilité en interne, permet de prépareren même temps l’identification de besoins clés pour laconfrontation de ceux-ci à l’exercice difficile dubenchmarking externe qui doit porter sur domaines etprocessus identiques.

Les conditions de réussite du benchmarking

Une telle démarche doit être mise en œuvre à l’initiativede la direction générale qui doit affecter les moyens

nécessaire et intégrée la DRH dans la démarche. La miseen œuvre d’une démarche de benchmarking impliquel’analyse du marché, le positionnement stratégique del’activité et le suivi des actions planifiées. Ces activitésrelèvent du top-management de l’entreprise commerelèvent de ce niveau de responsabilité les actions de :n Créer les partenariats avec d’autres entreprises ;n Tutorer, coacher les acteurs de l’entreprise impliqués

dans le benchmarking.

Le Benchmarking peut-être appliqué à plusieurs domainesdu management de l’entreprise :1. Benchmarking de Produits 2. Benchmarking de Processus 3. Benchmarking Stratégique 4. Benchmarking de Culture.Si les entreprises maîtrisent les techniques deBenchmarking du niveau 1 & 2, il est encore difficile defaire face aux besoins exprimées dans le domaine pour lesniveaux 3 à 4.

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Compétences

Produits et/ou services

Marchés

Clients

Valeur

Résultas globaux interne répartis dans la matrice SWOT ci-dessous :

Peu important Important

Performant (forces) Fausses forces Forces à entretenir, excellentes pratiques

Peu performant (faiblesses)Faiblesses à combattre, doit se traduire par un plan d’actionet de mis en œuvre précis

Faiblesses à combattre, doit se traduire par un plan d’actionet de mis en œuvre précis

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2. L’outil de diagnostic et de benchmarking

2.1. La méthodologie de l’étude

Les 3 principaux objectifs poursuivis par le groupe detravail composé d’experts de l’EFMD sous lacoordination scientifique de CREATE 19sont lessuivants :

conception d’une plate-forme d’auto-diagnostic quipermet aux entreprises de mesurer leurs écarts parrapports à de bonnes pratiques identifiées et lesencourage à s’approcher de l’excellence.n création d’un réseau d’entreprises européennes

impliquées dans les différentes phases d’élaboration etvalidation du projet

n identification d’un certain nombre de bonnes pratiquesreconnues dans des secteurs différents.

Une première formalisation de la problématique a étédéveloppée grâce au concours des experts et mise encommun des différentes approches et expériences. Dans undeuxième temps, les chercheurs de 6 ‘Business School’ de6 pays européens20 ont été intégrés dans le projet pouridentifier un premier niveau de bonnes pratiques et pouravancer au niveau de la création d’une plate-forme d’auto-diagnostic articulée autour de 6 domaines clés considéréscomme importants dans des actions de reegnineering et demanagement du changement.

Ce choix se justifie dans un premier temps par le fait quele management des ressources humaines joue un rôlefondamentale dans les situations et contextes évoqués. Ilse justifie dans un deuxième temps par les résultats del’enquête préalable auprès des entreprises selon laquelleles répondants se sont montrés particulièrement intéresséspar l’échange d’informations sur des pratiquesmanagériales concernant l’organisation dans sonensemble.

La conception de l’approche de benchamarking et dessupports a été réalisée en trois grandes étapes :n la récolte d’information, étude documentaire sur les

bonnes pratiques connues et reconnues dans le domaineattribué à chaque expert.

n la création d’un premier support permettant auxentreprises de faire un auto-diagnostic et de valider unpremier projet pilote du support.

n la sélection d’un certain nombre d’entreprisesintéressés par le projet21. Organisation de séances devalidation.

Les résultats de l’analyse des commentaires issus de cestests de terrain à la fois au niveau du fond et de la formeont été intégrés de manière concertée dans l’outildéfinitif. Cette deuxième phase du projet européen adonné lieu à une version papier du ‘SAT’ - SelfAssessment Toolkit (Outil d’autodiagnostic). Cedocument a servi de point de départ pour un projetsoutenu par le ministère français de l’industrie dans lecadre des fonds d’appui au développement de la gestiondes compétences. C’est dans ce cadre que deux travauxont été effectués :adaptation au contexte social français ,création d’un support informatique sur base ACCESS -accessible sur Internet.

2.2. Description de l’outil d’auto-diagnostic

La définition des domaines et processusd’auto-diagnostic

La démarche de Benchmarking interne est uneméthodologie qui s’adresse dans un premier temps auxdifférents managers concernés et impliqués dans lemanagement en général et particulièrement dans lemanagement des organisations et des hommes. Selon leurdécision, elle peut se transformer en une démarched’auto-diagnostic interne en proposant successivementdifférents niveau d’auto – évaluation de leur perceptiondes pratiques managériales.

En analysant les pratiques réelles de l’entreprise enmanagement des ressources humaines, cette méthode deBenchmarking interne permet de valider les pratiques demanagement face à la stratégie de l’entreprise, auxchangements d’organisations, à l’internationalisation deséquipes, aux nouvelles technologies, aux exigences desmarchés et également aux attentes et motivationsexistantes du personnel.. Il appartient dans tous les cas àl’équipe dirigeante de décider du niveau de profondeur del’auto-diagnostic interne. C’est cette équipe qui doitdésigner les personnes, les catégories professionnelles,les fonctions à intégrer dans la démarche.

La question clé dans cette conception est la suivante : àquoi ressemblera la gestion des ressources humainesde votre entreprise dans 1 an ? 3 ans ? 5 ans ?Lesrésultats du Benchmarking interne (identification desmeilleurs pratiques en interne et leur qualification)permettent d’aider l’organisation à élaborer un projet dedéveloppement. Les 6 domaines clés identifiés dans notreméthodologie sont les suivants :n La planification des ressources humaines (ou la

gestion prévisionnelle des emplois et descompétences), qui consiste fondamentalement en laprévision des besoins et des ressources.

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n La mobilité des personnes et des compétences parceque nous pouvons dire aujourd’hui que le changementest permanent dans les organisations et que la mobilitéfait partie des tendances ‘naturelles’ de chaqueorganisation, qu’ils soient voulus par les managers oupratiqués plus ou moins consciemment sur le terrain.L’art consiste à trouver une adéquation entre les besoinsidentifiés de l’organisation et les besoins des personnes.

n La formation et les différentes méthodes d’apprentissageà vie, formels et informels, par qualifications et grâce àl’expérience constituent un point central dans le dispositifde développement vers l’excellence. L’actualisation desconnaissances et des savoirs-faire relève d’un enjeuprimordial dans une politique d’empowerment etd’employabilité du personnel.

n La culture et tout particulièrement la culture localedans cette entreprise, voire cette unité, représente lesystème de valeur et de représentation qui pousse lesacteurs à agir de telle ou telle sorte. A la façon dontsurvit seulement une culture capable de fournir unréférentiel fort pour y trouver une capacité à s’adapter

à de nouveaux environnements. Un domaine entier luiest consacré dans l’outil et ce domaine figure en 5e

position.

n L’évaluation juste et appropriée des résultats et desperformances doit faire partie intégrante de toutes lesactivités de management. Dans une logique deproduction de connaissances dans une organisationapprenante le rôle de l’évaluation est central.

n La restructuration, actuellement 6e et dernierdomaine qui regroupe un certain nombre de pratiques,qui sont en réalité la réponse ou au moins une partie deréponse, aux écarts constatés précédemment. Cespratiques sont les réponses innovantes de décideurs quigardent à l’esprit leurs conséquences négatives etpositives. Le downsizing n’est qu’un exemple d’ungrand nombre de pratiques applicables.

Pour une présentation graphique de la relation entre lesdifférents domaines, le schéma ci-dessous place lesdécisions stratégique au cœur des préoccupations et del’articulation des domaines :

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Formation

Culture

Evaluation

Restructuration

Planification

Mobilité

Positionnementstratégique

Nouvelleplanification

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Chaque domaine clé est ensuite subdivisé en processusce qui s’explique par un triple rôle des processus«…essentiel pour rendre l’entreprise apte à exécuter sastratégie. Tout d’abord, ils doivent être performants pourque l’apport initial (input) produise le résultat maximum(output) et ce, de manière répétitive et continue (jusqu’àremise en cause du processus). Cette fiabilité faciliteconsidérablement la mesure et en faisant la maîtrise descoûts et la production des bénéfices. Ensuite, ils doiventêtre conçus pour éliminer les anomalies etdysfonctionnements, techniques ou humaines, unecapacité qui sera confirmée à l’usage et en utilisant lesoutils de mesure appropriés ; une fois testés, cesprocessus constituent un filet de sécurité, une assurancecontre l’erreur humaine, y compris managériale. Enfin,ils doivent garantir l’efficacité en codifiant les méthodesles plus favorables à la mise en œuvre de la stratégie del’entreprise. L’efficacité et la performance sont deuxchoses totalement différentes : un processus peut êtreperformant mais seulement au regard des attentesinternes. Pour être efficace, il doit être aligné au plusprès des besoins existants ou futurs des clients.» 22

Dans ce contexte organisationnel les processusreprésentent une approche codifiée du travail qui estindispensable pour pouvoir instaurer des règles. Sans cettecodification, une entreprise ne peut pas changer, conduirele changement ni même réagir efficacement à l’évolutionde l’environnement puisqu’elle ne peut pas être conscientede ce qu’elle sait et, pis encore, de ce qu’elle ignore. Ne seconnaissant pas ou insuffisamment, une telleo rganisationsera réduite à imiter ses concurrents. Ou bien elle ne pourraacquérir des savoirs qu’en rachetant une autre entreprise.Mais gérer des processus permet aux managers d’avancerà un grand pas vers l’entreprise ‘apprenante’, où le savoiret l’expérience de chaque individu et de chaque entitépeuvent être partagés et appliqués par d’autres acteurs, encas de besoin.

Nous avons opté pour le choix des processusopérationnels puisqu’ils peuvent être un outil essentielpour recueillir et diffuser le savoir à l’intérieur del’entreprise sous quatre formes :

Tout d’abord les processus opérationnels constituent unmodèle formel qui guide l’action dans un ou plusieursdomaines dans la même fonction, où ils présentent lesavoir-faire individuel et collectif.

Ensuite, à chaque amélioration apportée dans l’exécutiondes tâches, missions ou projets, les processus peuvent êtreactualisés, les dossiers et les programmes de formationpeuvent être modifiés en conséquence.

Puis on définit des mesures qui permettent d’observerl’efficacité de ces processus et d’apporter lesrectifications éventuellement nécessaires.

Enfin, lorsqu’on décide d’aller à contre-courant, onidentifie les processus qu’il est nécessaire d’inventer oumodifier et ceux qui doivent être conservés tels quels ousupprimés.

Une trop grande convergence des processus avec ceuxdes entreprises du même secteur doit amener lesdirigeants à se poser la question suivante : jusqu’où nosflux et nos processus d’information peuvent–ils êtresimilaires à ceux de nos concurrents sans que nous necommencions à saper nos propres sources dedifférenciation ? Ci-dessous les processus par domaine :

1. Planification1. Évaluer la performance globale de GRH 2. Prévoir les compétences et les potentiels3. Recrutement et sélection4. Développement du parcours professionnel

2. Mobilité5. Système de récompense matérielle6. Système de récompense immatérielle 7. Gestion de l’incertitude8. Gestion de la mobilité

3. Formation9. Rapprochement avec la stratégie de l’entreprise10. Planification des actions de formation 11. Mise en œuvre des actions de formation12. Évaluation et mesures correctives

4. Culture13. Diagnostic du besoin du changement14. Profil et planification du changement de culture15. Conduite du changement16. Mise en place et consolidation du changement

5. Evaluation17. Evaluation de la mission18. Evaluation du potentiel 19. Evaluation des compétences20. Evaluation des performances

6. Restructuration21. Préparation d’une restructuration22. Maximisation des solutions de rechange aux

licenciements22. Manager des alternatives aux licenciements23. Management des «survivants» et du changement

de l’entreprise

Cette méthode permet d’analyser un grand nombre dechamps opératoires des pratiques en Ressources Humaines.

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Le questionnaire et son utilisation

Un questionnaire permet d’identifier les pratiques de management de l’entreprise. Ce questionnaire a été élaboré grâceau concours de centres d’études de Management de Londres, Turin, Berlin, Grenoble, Amsterdam, Barcelone, Stockholmet Bruxelles. Il a été éprouvé auprès des Directions de Ressources Humaines de Volkswagen, Caisse d’Epargne deCatalogne, Ikea, Volvo, Olivetti.

L’outil de diagnostic

Cet outil sera présenté à travers les étapes du déroulement de l’auto-diagnostic, le questionnaire de recueil d’informationet la methode d’utilisation :

Les trois étapes de la démarche d’auto-diagnostic :

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IDENTIFIERç Les sources internes et externes du changement,ç Les convergences et disparités dans la mise en œuvre

des pratiques de management,ç Les attentes des acteurs par rapport au changement,ç Les activités couronnées de succès et de satisfaction

ç Les liens avec la Stratégie de l’entreprise,ç Les capacités mobilisables des acteurs,ç Le poids du passé,ç Les difficultés entre niveau stratégique et opérations,

et dans l’élaboration des objectifs dans le temps,ç Les objectifs du plan de progrès à mettre en place,ç La confrontation aux «Best Practices».

ç Enrichir le Bon sensç Retenir les pistes d’amélioration et s’assurer du concours

du management opérationnel,ç Savoir apprendre des bonnes pratiques en interne,ç Elaborer le plan d’action (amélioration ou ruptures),ç Soutenir le processus de changement,ç Evaluer et mesurer les progrès.

COMPRENDRE

AGIR

Ce questionnaire permet de dérouler une interrogation fine sur différents processus clés deRH : la Planification, la Formation, la Mobilité, l’Evaluation, la Culture, laRestructuration. Il recueille la « vue » du manager ou des collaborateurs sur chacune despratiques proposées.

Les Résultats permettent de disposer de statistiques de réponses et d’évaluationsconcernant : les pratiques d’excellences, les insuffisances, la cohérence des réponses, lesprocessus dominants… Une typologie de l’entreprise est confrontée aux principauxcourants de pensée de management. Une synthèse « on line » facile d’accès est délivrée àchaque participant et un résultat consolidé est élaboré pour l’entreprise.

1

Une base de données de Meilleurs Pratiques (à enrichir au fur et à mesure des résultas)Cette base de données est un service en ligne sous Internet. Des pratiques exprimées pardes experts et des managers de tous types d’entreprises y sont enregistrées. Les MeilleursPratiques sont accessibles par mots clés. Elles permettent sur tout sujet de disposer deréférences, d’exemples ou d’indications qui peuvent alimenter son propre Bon Sens etfaire évoluer les pratiques de l’entreprise, socialement et économiquement.

3

2

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Dans chacun des processus des six domaines on identifieune liste de pratiques. Sur chacune de ces pratiques, lerépondant est appelé à donner sa perception du niveau deréalité de la pratique proposée dans l’entreprise. Lerépondant dispose de 6 réponses possibles :1. le répondant n’est pas au courant de l’existence de

cette pratique dans l’organisation ;2. le répondant est au courant de l’existence de cette

pratique, mais cette dernière est absente des pratiquede l’entreprise ;

3. le degré de réalisation de la pratique est très faible dansl’organisation ;

4. le degré de réalisation de la pratique est plutôt faibledans l’organisation ;

5. le degré de réalisation de la pratique est suffisant ;6. le degré de réalisation est excellent .

Le parcours proposé des 6 domaines, pour une évaluationprogressive et structurée, constitue un cycle commeindiqué dans le schéma ci-dessus. Il part de laplanification des ressources humaines, intègre en secondlieu le domaine de la mobilité des personnes suivi de laformation. Le tout doit être vu à l’intérieur de la culturespécifique de l’entreprise.

2.3. Les output de l’outil de diagnostic

Présentons d’abord les outputs du Benchmarking interne :n Le premier niveau de retour donne une vue d’ensemble

de la réalité des pratiques de management, perçue parun répondant, le manager des ressources humaines parexemple.

n Un deuxième niveau d’analyse permet de restituer laconsolidation des vues des divers répondants del’entreprise.

n Un troisième niveau, et c’est le début du Benchmarkingexterne, permet de comparer ces pratiques avec lesbonnes pratiques d’autres entreprises du même oud’autres secteurs, et d’en déduire des éléments pour unplan d’action pour l’amélioration du Management desressources humaines et pour le développement del’organisation.

Ci-dessous copie des écrans de présentation :

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Ensemble des scores d’excellence par Domaine

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Détail de l’excellence par Process sur un Domaine

Autre forme d’un Détail de l’excellence par Process sur un Domaine

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Une photographie de l’existant au niveau de la perceptiondes pratiques en Management des ressources humaines etdes priorités de l’organisation. Cette photographie peutêtre, selon les intentions de l’entreprise, une photo uniquefaite par un individu ou les résultat d’une perceptioncollective plus ou moins large.

Le processus fourni des informations et une connaissanceformalisée du degré d’excellence (et les autres pratiquesplus faibles) des pratiques dans l’entreprise. Ces résultaspeuvent faire l’objet d’une analyse fine concerté entreacteurs et préparer une prise de décision.

Les Résultats permettent de disposer de statistiques deréponses et d’évaluations concernant : les pratiquesd’excellences, les insuffisances, la cohérence desréponses, les processus dominants… Une synthèse « online » facile d’accès est délivrée à chaque participant et unrésultat consolidé est élaboré pour l’entreprise.

2.4. Les conditions de mise en œuvreUne volonté des dirigeants de l’entreprise à se soumettreà une interrogations critique est absolument nécessaire. La démarche de Benchmarking interne est uneméthodologie qui s’adresse plutôt aux différents managersconcernés et impliqués dans le Management en général etparticulièrement dans le management des ressourceshumaines. La stratégie la plus efficace, pour réussir le

changement, est d’accompagner les individus et lesorganisations dans leur parcours. Le Benchmarking internepermet d’aider l’organisation à élaborer un projet dedéveloppement.En analysant les pratiques réelles de l’entreprise enmanagement des ressources humaines, cette méthode deBenchmarking interne permet de valider les pratiques demanagement face à la stratégie de l’entreprise, auxchangements organisationnels, à l’internationalisationdes équipes, aux nouvelles technologies, aux exigencesdes marchés et également, et ce n’est pas la moindre desexigences, aux attentes, motivations et perceptionsexistantes du personnel.Il appartient dans tous les cas à l’équipe dirigeante dedécider du niveau de profondeur du diagnostic interne.C’est cette équipe qui doit indiquer quelles sont lespersonnes, les catégories, les fonctions etc. à intégrerdans la démarche.

Grâce à l’auto évaluation, de la part des acteurs, sur leniveau d’appréciation de l’exercice d’un grand nombre depratiques, on peut mesurer le degré de satisfaction généraledu personnel de l’unité avec les méthodes, pratiques etprocessus mis en place. On peut, en retour et en mêmetemps, donner des informations aux managers/décideurssur leur propres compétences à jouer l’interface entredécisions stratégiques et mises en œuvre opérationnelles.

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EVALUATIONE_Mission

E_Compétences

E_Performance

E_Potentie l

RESTRUCTURATION

R_Alternatives

R_Rechange

R_Restructuration

PLANIFICATION

P_Développement

P_Évaluer

P_Prévoir

P_RecrutementMOBILITEM_Incertitude

M_Mobilité

M_Récompense immatérielle

M_Récompense matérielle

FORMATION

F_Corrections

F_Mise en oeuvre

F_Planification

F_Stratégie

CULTURE

C_Besoin

C_Conduite

C_Consolidation

C_Planification

Résultats par Domaine et Process

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3. Les apports de l’outilau management des RHCet outil et cette démarche permettent d’identifierrapidement sur le plan individuel et collectif les pratiquesmanagériales perçues comme excellentes, bonnes, moinssatisfaisantes, pas du tout satisfaisantes et absentes dansl’organisation. Cela permet d’identifier un certain degréd’excellence dans la perception d’un certain nombre depratiques et également, en contrepartie un certain degréde non excellence. Il rend possible l’identification desproblèmes précis à résoudre.

Cet outil permet, également, aux managers d’uneentreprise dans leur réflexion de prendre conscience desproblèmes de management des ressources humaines. Ilprésente l’intérêt de proposer une méthodologie qui peutaider les entreprises à prendre conscience de leursdifficultés, mais également de leur points d’excellencetout en définissant une stratégie de ressources humaines.Avec cet outil , l’entreprise s’engage dans une démarchede progres et de développement. C’est un point de départpour analyser des dysfonctionnements opérationnels etplus particulièrement des dysfonctionnements entre laperception des managers de la fonction ressourceshumaines et celle des managers opérationnels.

Il est possible d’impliquer (ou non) l’ensemble del’entreprise dans la démarche de diagnostic, selon leniveau souhaité de profondeur de l’analyse ou selon ledegré de délégation des responsabilités dans le domainedu Management des Ressources Humaines. La démarcherationalise les questions RH et soulève de nouvellesproblématiques (vision à long terme).

La structure de la méthode pousse l’entreprise às’interroger sur ses buts fondamentaux, à se fixer desobjectifs et à imaginer les moyens à mettre en œuvre pourles atteindre. Cet outil stimule la créativité de chaqueacteur de l’entreprise ainsi que l’innovation managériale.Cela permet d’obtenir un état des lieux complet del’entreprise, ce qui n’est pas toujours facile pour uneentreprise qu’elle soit petite ou grande.

Éléments pour un plan d’action :

Un certain nombre de pistes peuvent être formulées pourassurer une continuité opérationnelle à l’analyse.

1.Définir avec la grille de l’analyse de la valeur lesdomaines, processus voire les pratiques susceptibles desatisfaire les attentes et besoins du plus grand nombrede groupes.

2.Améliorer le recueil de réponses : Passer de 13réponses complètes à une centaine, en mettant undispositif incitatif et de continuité offrant desperspectives d’avenir quant à la compétence desmanagers (Bulletin hebdomadaire, suivi, dynamisationdes répondants, état global en ligne, interview en ligne,intégration dans des outils du type ‘gestion descompétences …).

3.Formaliser la stratégie en la traduisant à l’échelle del’établissement par des objectifs réalistes :

- faire une typologie (client, organisation)- valider les caractéristiques supports de cette stratégie, .- établir le profil managériale compatible (moteur, ..)

avec la stratégie, - valider les objectifs, et les placer dans le temps- mettre en place les modalités d’évaluation des résultats

de l’action

4.S’appuyer sur les points forts : chaque entreprise a desstructures contingentes et des systèmes qui rendentcertains changements difficiles. Mais en analysant bienles points forts existants et les obstacles, on s’apercevraqu’ils constituent des leviers de changement.

5.Mieux caractériser et aménager la mobilité techniqueen caractérisent les diverses activités et réaliser desprofils de mobilités.

6.Valoriser l’accroissement de perception du service :actions pilotes, organiser l’amélioration, axes demanagement d’une entité service, valorisation desactions de service au profit de la compétence et dudéveloppement individuel.

Les finalités

Outre l’établissement d’un plan d’action pour unmanagement stratégique des ressources humaines, l’auto-diagnostic interne permet de mesurer la satisfaction dupersonnel

Au-delà de cet aspect, le but est de satisfaire toutes lesparties qui jouent un rôle dans la destinée de l’entreprise.Dans toutes les entreprises, 3 autres groupes sontconcernés au premier chef : les clients, les actionnaires etles fournisseurs. Dans les très grandes entreprises, enparticulier celles qui opèrent dans le monde entier,viennent ensuite trois autres groupes : les cadres à hautpotentiel, les partenaires stratégiques et les organes decontrôle. Le rôle des dirigeants est de définir pour chacunune offre porteuse de valeur.

Les NTIC dans le diagnostic interne des Ressources Humaines

Mohammed MATMATI, Dieter SCHMIDT

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BibliographieConti. Tito (1998). L’autodiagnostic de l’entreprise,

Editions JV&DS, Paris.Couret A., Igalens J. (1994). L’audit social, PUF,

collection Que sais-je ?Encyclopédie des Ressources Humaines/ Terence (1993).

Ouvrage collectif (4 tomes), Les Editionsd’Organisation.

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Tuval Yuda (2000). Le défi : contourner la concurrence,Village Mondial.

Notes1 La mission de l’EFMD se défini comme un rôle de

coordination entre les différentes établissementd’enseignement à la gestion en Europe, les entrepriseseuropéennes et dans une moindre mesure les cabinetde conseil. L’EFMD propose un certain nombre deservices destinés au différents membres de cetteassociation.

2 http://www.efmd.be/3-4 Dave ULRICH : Human Resource champions,

Editions Havard Business Scholl Press, 1996.5 Voir sur ce thème l’ouvrage collectif sous la direction

de Jean-Marie Peretti et préfacé par JacquesIGALENS, sous le titre « Tous DRH », les Editionsd’Organisations, 1996.

6 Peretti, J.M. (sous la direction de) : Tous DRH, lesEditions d’Organisations, 1996.

7 Peretti, J.M :La fonction ressources humaines et sesclients internes, L’art du management, VillageMondial, 1997.

8 M. de Montmolin : L’intelligence de la tâche, Berne ,P. Lang, 1984.

9 Le Boterf. G : De la compétence, les Editionsd’Organisation, Paris 1995.

10 Sire Bruno : Clarifier l’évaluation des compétences,Personnel, N°371, juillet 1996.

11 Cette analyse a été présenté par Bruno Sire à la journéed’études sur les compétence organisée à l’EcoleSupérieure des Affaires de Grenoble en juin 2000.

12 Igalens J., Loignon C. : Prévenir les conflits etaccompagner les changements, l’observation socialeau service des entreprises et des administrations,MAXIMA, 1997.

13 Encyclopédie des Ressources Humaines/Terence :ouvrage collectif (4 tomes), Les Editionsd’Organisation, 1993.

14 Peretti J.M., Vachette J.L. (1984). Audit social , LesEditions d’Organisation

15 AS : Institut International de l’Audit Social <http://www.audit-social.com>.

16 Brasseur M., Picq T. La Silicon Valley : modèleprécurseur ou marginal ? Revue Française de Gestion,N°127, janvier-février 2000.

17 Matmati M. (2000) : Les NTIC induisent un nouveaumodèle de GRH, Management et Conjoncture Sociale,N° 580, mai 2000, p 21-30.

18 Karlöf & Partners : Pratiquer le benchmarking, Leséditions d’organisation, Paris 1995.

19 Tuval Yuda: Le défi – contourner la concurrence,Village Mondial, 2000.

20 Center for Research in Employment and Technology inEurope Bristol UK

21 EindhovenUNiversity of Technology ; NL,GroupeESC Grenoble : F, IESE ; E,, Swedish Institue ofManagement – IFE, S, London Business School ; GB,Bocconi ; I, Wissenschaftszentrum Berlin fürSozialforschnung ; D

22 Volkswagen, Caisse d’Epargne de Catalogne, Ikea,Volvo, Olivetti, Hp en France

23 Tuval Yuda: Le défi – contourner la concurrence,Village Mondial, 2000.

Les NTIC dans le diagnostic interne des Ressources Humaines

Mohammed MATMATI, Dieter SCHMIDT

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La multi polaritéprofessionnelle dans le cadre de l’audit social

Patrick MICHELETTIConsultant Enseignant-Chercheur(Groupe École Supérieure de CommerceMarseille-Provence

[email protected]

1. Le constatFace à la pression de l’environnement professionnel etéconomique, les structures employeurs qu’elles soientpubliques ou privées font d’une part, le constat deslimites d’évaluation du potentiel de leurs salariés tout enréalisant qu’il n’y a pas de véritables méthodesd’évaluation globale incluant les compétences, lescapacités ainsi que les qualifications professionnelles etpersonnelles de leurs salariés, d’autre part, le constat queleurs salariés ne peuvent également peu ou pas faire étatde ces mêmes éléments; engendrant donc un état demanque et de dysfonctionnement qui pourrait être éliminépar une méthode visant à résoudre ces problèmes.

Cette observation s’effectue dans un contexted’évolution de l’Aménagement et de la Réduction duTemps de Travail et de l’aspiration des salariés à mieuxvivre leur vie professionnelle. En d’autres termes, si l’onse place par exemple, dans le cadre de l’audit socialnous sommes en présence de questions crucialesauxquelles nous devons apporter des réponses en termesd’innovation de l’organisation;

Par exemple, accomplir le même travail avec 10% detemps en moins avec comme seule prise enconsidération l’augmentation des effectifs repose sur unpari de l’impossible qu’il est difficilement envisageablepour beaucoup de postes, de plus, ne considérerl’individu et la structure que de façon figée et immuableest un handicap lourd de conséquences.

On entend par compétences, capacités ainsi quequalifications professionnelles et personnelles, toutélément objectif ou purement subjectif d’un salariépouvant servir à lui-même ou à la structure, du présentjusqu’à un avenir plus ou moins lointain.

A l’heure actuelle, il existe des méthodes d’évaluationprofessionnelle qui donnent d’excellents résultatsnotamment pour le court terme en tenant compte del’aspect purement technique du poste de travail. Or, laquestion essentielle réside dans la mise en évidence desbesoins de la structure et de ses salariés en termes demobilisation et d’action sur le terrain de l’activitéquotidienne et de la recherche de solutions innovantespour y répondre. L’observation nous permet de dire que laperformance passe par la réactivité et l’intelligencecollective de l’organisation. En effet, une prise deconscience de cette question ne peut s’opérer que par uneconcertation de la structure (Direction) et de ses salariés.

De ce fait, La Gestion Prévisionnelle des Emplois etCompétences est apparue d’emblée comme un moyenpratique et un cadre général efficient pour développernotre méthode.

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Toutefois pour ne pas rester sur des concepts tropgénéraux liés à la nature même de la mise en place d’uneprocédure de Gestion Prévisionnelle des Emplois etCompétences que l’on peut justifier par la définitionsuivante «la concertation et l’élaboration sur la mise enœuvre de plans de développement professionnel àcaractère stratégique pour la structure et à caractèredynamique pour le salarié dans une perspective dereconnaissance, de motivation et d’implication». Il estapparu nécessaire de prolonger les travaux sur deschamps ou des schèmes plus précis afin de contribuer àun enrichissement de la démarche de GestionPrévisionnelle des Emplois et Compétences plus prochede nos préoccupations.

Pour ces raisons, cette méthode porte sur le thème de la«Multi Polarité Professionnelle» en partant de laconception traditionnelle de la polyvalence à laquelle ilest fait référence à une démarche globale derecomposition de l’organisation du travail et descompétences individuelles.

La polyvalence trouve son expression dans deuxdimensions :

ç horizontale : elle reflète l’expression d’une compétencequi s’élargit à la maîtrise des techniques d’un métiervers d’autres métiers.

ç verticale : elle reflète l’expression d’une compétencequi permet l’intégration d’une fonction vers d’autresfonctions à d’autres niveaux.

Cependant, le terme de polyvalence bien qu’étantl’essence même du refondement Taylorien de la divisiondu travail reste toujours ambiguë voire péjoratif car il nefait pas référence à une fonction ou un métier précis dansla nomenclature des emplois.

On part donc de ce constat pour arriver à dégager unconcept plus précis la «multi polarité professionnelle»approprié aux exigences économiques et sociales del’évolution des organisations mais aussi de l’aspirationdes personnels à vivre des notions telles que

la flexibilité, la validation des acquis, la transmission desavoir, la transversalité, l’articulation de la vieprofessionnelle en plusieurs phases, l’aménagement et laréduction du temps de travail, la formation continue, lagestion des carrières. Systématiquement réclamée par lesdécideurs et comprise par les personnels, la multi polaritéprofessionnelle s’accélère dans mode de gestion desressources humaines au point qu’il devient nécessaire del’authentifier afin d’éclaircir l’image désuète du conceptde polyvalence pour un concept plus approprié.

2. La problématiqueLa nécessité d’identifier et d’authentifier des visionsconcrètes de l’individu (agent) dans la structure(entreprise, institution publique, …) relève donc demultiples raisons.

En fait, elle est demandée par la structure qui peut avoirbesoin :

n d’équipes volantes à caractère polyvalent afin deremédier à des situations exceptionnelles ou derépondre à des choix d’organisation souple,

n d’individus aptes à intervenir ponctuellement ou parintermittence sur des aspects particuliers de laproduction,

n d’une meilleure flexibilité de la production notammentdans le cadre de l’Aménagement et de la Réduction dutemps de travail,

n d’une réelle connaissance de potentialités d’individusaptes à œuvrer sur plusieurs tâches ou activitésdifférentes à des moments différents,

n de prendre en compte les aspirations de développementde carrière de la part d’individus disposés à êtremobiles en terme de spécialisation ou de polyvalence,

n de dresser un état complet de l’ensemble des situationsprofessionnelles des individus évoluant ou à recruter ausein de la structure.

Elle est également demandée par l’individu (lui-même)qui peut avoir besoin :

n de présenter ou/et connaître l’état de ses compétences àun moment précis de sa vie professionnelle avec unevision de son futur,

n de présenter ou/et d’évaluer l’état de ses connaissanceset savoirs acquis en dehors de sa vie professionnelle,

n de présenter ou/et de faire apprécier l’état de sesaptitudes et qualifications acquises sur d’autres typesou terrains d’activités professionnelles habituelles,

n d’avoir un état de reconnaissance officiel des capacitésréelles mises en œuvre ou des capacités réelles àposséder afin de répondre à ses propres impératifsprofessionnels et aux impératifs économiques etsociaux de la structure au sein de laquelle il évolue.

La multi polarité professionnelle dans le cadre de l’audit social

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3. Le butLe but de cette application réside dans l’homologation etla certification. Ceci s’inscrit dans la détermination desstructures et des personnels à mettre en œuvre un état devaleurs élaboré, accepté et appliqué et à veiller au respectdes dispositions qui l’entourent.

Le terrain d’application choisi a été: l’hôpital public,toutefois la méthode de la multi polarité professionnellepeut s’appliquer à toute autre structure publique ouprivée.

A l’étape finale, la certification est le moyenindispensable à une meilleure connaissance de l’individudans sa structure. Elle s’établit à partir d’un langagecommun, d’un référentiel reconnu.

La force se retrouve donc dans :n la transparence,n la clarification des missions et fonctionsn la rigueur et l’évolution des pratiquesn l’engagement réciproque.

Certifier une structure par des procédures internesapparaît comme un pas important en matière d’autoévaluation et de certification par un organisme extérieur.Y inclure le personnel en élaborant une norme commune(structure –individu) engageant les deux parties sur desobjectifs communs en fait une élévation originale del’enjeu et de l’intérêt commun.

Cet aspect bicéphale rend les deux parties dépendantesl’une de l’autre. Le niveau d’exigence est unecombinaison avouée de la bonne volonté et de l’envie deprogresser dans un objectif commun.

En définitive la démarche vise à détecter des individus àmulti polarité professionnelle et à mettre en œuvre lesmoyens nécessaires pour les aider à acquérir une réellereconnaissance en leur donnant une dimension enconformité avec leurs aspirations tout en assurant lasatisfaction des besoins d’organisation de la structure.

4. MéthodologieC’est une conception multiple qui a été choisie afin derépondre à des impératifs relevant du caractère particulierde la méthode.

Ces impératifs au nombre de 3 peuvent être résumésainsi :

n Évaluer

n Valider

n Certifier

Ils s’articulent dans une conception dynamique del’emploi selon une considération de l’individu évoluantdans une structure changeante (1) avec en plus unecomplémentarité de fait, car l’individu ne subit pasexclusivement la méthode ; il l’enrichit, il en est partieintégrante par son implication personnelle dans leprocessus d’authentification et de certification.

Les impératifs vont donc produire 4 effets distincts etadditifs :

n effet modificatif (changement)

n effet extensif (variabilité croissante)

n effet cumulatif (apport supplémentaire)

n effet cognitif (évolution)

5. La démarcheC’est-à-dire la mise en œuvre de la méthode, secaractérise par une succession d’étapes techniques afind’harmoniser le système d’évaluation, de validation et decertification.

La chronologie suivie tient compte des préalablesindispensables à toute recherche ou étude en ce sens quedes recueils d’informations sont établies afin, d’une partde respecter les travaux déjà effectués par les équipestechniques et la Direction des Ressources Humaines,

c’est ainsi que l’on partira d’éléments existants etemployés pour les compléter par les éléments nécessairesà la démarche; d’autre part, pour alléger la méthode enincluant le travail déjà accompli.

Ce premier travail constitue donc l’étape 1 de ladémarche. (voir détails ci-après).

(1) On retrouve la méthode ETED (Emploi type étudiédans sa dynamique) de Nicole MANDON – Ed CEREQ

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5.1. Les étapes de la démarche de MultiPolarité Professionnelle

Étape 1 : Recueil d’informations

Étape 2 : Évaluation des compétences professionnellesavec analyse des écarts

Étape 3 : Évaluation des connaissances d’autressecteurs d’activités de la structure

Étape 4 : Évaluation des compétences professionnellessur d’autres métiers

Étape 5 : Évaluation des qualifications personnelles àbut professionnel

Étape 6 : Évaluation des besoins en compétencesprofessionnelles pour le futur

Étape 7 : Validation de la démarche

Étape 8 : Certification de la démarche

La mise en application

Étape 1Recueil d’informations

Nous partons de l’emploi type (1) tel qu’il est défini ausein d’une classique démarche Gestion Prévisionnelle desEmplois et Compétences. Beaucoup de structurespubliques ou privées ont déjà établi des fiches d’emploistypes à partir de la nomenclature des emplois duMinistère de l’Emploi et du Répertoire Français desEmplois du CEREQ (Centre d’Etudes et de Recherchessur les qualifications). Il s’agit donc d’une base de travailintéressante car elle permet dès le départ de fixer lestravaux sur des éléments concrets, réels approuvés par lesautorités supérieures constituant ainsi une référenceessentielle permettant d’asseoir l’ensemble des élémentstechniques ayant traits aux métiers observés. Cependantl’emploi type est insuffisant car il est la simplephotographie d’un métier codifié sur un ensemble decaractéristiques générales liées à la notion de savoirsissus du diplôme de base ou de qualificationsindispensables à posséder pour pouvoir exercer. Parcontre, cela a le mérite de généraliser à l’ensemble desprofessionnels de toute la fonction publique hospitalièrefrançaise un niveau de connaissance suffisant et unecompétence minimale reconnue et acceptée parl’ensemble des établissements du territoire.

En ce sens, de nombreux organismes appliquent déjà cetype de nomenclature (ANPE, APEC, etc…) donnantainsi une image fidèle de la représentation d’un métier àtravers des critères objectifs, définis et acceptés parl’ensemble des professionnels des secteurs considérés.

Beaucoup de structures, sous l’impulsion des Directionsde Ressources Humaines, ont également établi desdescriptifs de poste (2) dont la base est l’emploi typeévoquée ci-dessus avec des particularités reliées àl’identification du poste en fonction du milieu et ducontexte de la structure dans lequel on le trouve.C’est ainsi que l’on crée une spécificité donnant unequalification appropriée supplémentaire et représentativedu poste. Ceci a pour avantage de sortir de la généralité de l’emploitype et d’affirmer l’analyse du poste afin d’en saisir lescaractéristiques essentielles que l’on ne retrouvera pasforcément ailleurs au sein de la structure. Cette analysepouvant également s’appliquer pour le même poste dans uncontexte (secteur) identique au sein d’une autre structure.L’intérêt du descriptif de poste réside essentiellementdans la volonté des personnels agents et de leurhiérarchie, de délimiter et qualifier le poste de façon plusprécise afin de lui donner un commencement d’identitépar rapport à l’anonymat absolu de l’emploi type.Les conséquences sont importantes car une classificationparticulière est créée par rapport au contexte. On modifiepartiellement les éléments de base afin de les structurerdans une configuration conforme aux attentesprofessionnelles exigées. On transforme donc la rigiditéde l’emploi type en une souplesse d’exécution par ledescriptif de poste. Cette transformation est une étapeimportante car elle implique déjà une meilleureconnaissance du métier de base avec la présence decontraintes d’exécution liées aux performances attenduespar l’ensemble des acteurs en liaison avec le poste décrit.Le descriptif de poste prend en compte non seulement leséléments endogènes du poste, mais en plus les élémentsexogènes relatifs au milieu particulier dans lequel il setrouve.A ce stade là, on fait déjà référence à la notion decompétence requise car il y a un niveau d’exigenceindéniable représentant la sécurité professionnelle duniveau indispensable pour exercer une activité au seind’une structure telle que l’hôpital.Cependant, le descriptif de poste n’est pas encorenominatif, il n’est que le prolongement de l’emploi typesans toutefois identifier un individu en particulier.Avec le descriptif de poste on lève une partie du voile del’anonymat mais on n’est pas pour autant dans lapersonnalisation du poste.Or, dans l’approche de la multipolarité professionnelle,afin de répondre aux questions qui en découlent, on se doitd’entrer dans les caractéristiques propres à l’individu. Ilfaut ainsi rappeler que la démarche est double, elle estconduite à la fois par la structure et par l’individu dans unbut d’amélioration des deux parties. Il est égalementimportant de souligner que l’ensemble des informations est

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communiqué et connu de chacune des parties, car elles sonttoutes deux maîtres d’œuvre du système.A la fin de l’étape 1, on aura donc pu recueillir l’ensembledes informations disponibles au sujet du poste. Leséléments tels que l’emploi type et le descriptif de posteconsistent à obtenir l’ensemble des informationsobjectives, relatives au poste sans se préoccuper del’individu qui l’occupe ou l’occupera. Le maximumd’objectivité est donc nécessaire afin de bâtir de solidesbases pour l’étape suivante.

Etape 2Evaluation des compétences professionnelles des écarts

Il s’agit d’élaborer un référentiel de compétences :processus complexe, car il faut définir les compétencessouhaitées et faire une analyse d’écarts avec lescompétences observées chez un agent occupant le poste.(voir tableau)L’intérêt est de transformer les données issues de l’étape1 et leur donner un poids en terme qualitatif avec unecotation *.Pour des raisons de simplification, on regroupe lesmissions spécifiques sur les 4 éléments majeurs del’emploi type auxquels on rajoute 3 types de capacitésmajeures.

L’analyse des écarts d’évaluation de compétencesprofessionnelles peut également servir de base pourl’entretien annuel d’appréciation ou d’évaluation.

Étape 3Evaluation des connaissances

d’autres secteurs d’activité de la structureA ce niveau de la démarche, il s’agit de savoir si l’agentconnaît d’autres secteurs d’activités (Directions,Services, sous-services) de la structure (Entreprise,Établissement public etc.). Ces informations fournies parlui-même permettent d’évaluer les connaissances qu’il apu acquérir par son passé ou ses contacts professionnelsdans la structure ou au sein d’une structure similaire.L’objectif étant de préciser son niveau de connaissancessur tout ou partie des missions spécifiques et s’il disposedes capacités requises pour une affectation temporaire(polyvalence) ou permanente dans d’autres secteursd’activités de la structure.

Le réajustement effectué par les responsables des secteursconcernés ayant pour but de remettre à niveau (à la hausseou à la baisse) l’auto évaluation de l’agent par rapport auniveau requis.

Étape 4Evaluation des compétences professionnelles

sur d’autres métiersAfin de mieux cerner la personnalité de l’agent évoluant ausein de la structure, il est intéressant de se pencher sur sescompétences professionnelles sur d’autres métiers. Eneffet, si l’on veut élargir l’angle de vision par lequel onobserve un poste, on s’aperçoit que celui-ci tend à débordersur d’autres métiers, c’est le cas de beaucoup d’emploistype avec en plus une inconnue majeure que l’on se doitd’éclaircir, à savoir : les connaissances et les compétencesprofessionnelles de l’agent sur d’autres métiers.

Les avantages sont multiples car ils permettent à l’agentde démontrer ses possibilités sur d’autres métiers et enplus de le faire savoir à sa hiérarchie qui reçoitl’information et peut ainsi la rendre objective par rapportà des besoins ponctuels (polyvalence) ou permanent(affectation, promotion, flexibilité).

A noter que ceci est valable aussi bien pour des agentsgénéralistes que spécialisés, et ce quel que soit leurniveau hiérarchique.

Étape 5Evaluation des qualifications

personnelles à but professionnelSi l’on agrandit la focale d’observation du poste enélargissant le champ d’investigation, on peut sepositionner sur des données personnelles à l’individu.Il est souvent remarquable de constater que les structuresignorent les potentiels des agents en activité et que cesderniers n’ont pas toujours les moyens d’en faire état.Or, dans le cas de multi polarité professionnelle tous lesaspects personnels (qualifications, connaissances,compétences) hors du champ habituel de l’activitéprofessionnelle peuvent être pris en compte à conditionque l’agent, lui-même, les fasse connaître et les déclareexploitables.L’avantage principal réside sur le fait que la structuredispose de nouvelles informations pour poursuivre desdéveloppements et des réorganisations de travail et quel’agent puisse également bénéficier de retombéesintéressantes.

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* Cotation pour les missions spécifiques

niveau 0 = aucune connaissanceniveau 1 = connaissance du vocabulaire de baseniveau 2 = exécutionniveau 3 = maîtriseniveau 4 = analyse (encadrement)niveau 5 = autonomie, prise de décision, créativiténiveau 6 = expertise

* Cotation pour les capacités et les qualifications

niveau 0 = faible ou non requisniveau 1 = moyenniveau 2 = fortniveau 3 = excellent

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Étape 6Evaluation des besoins

en compétences professionnelles pour le futurLa méthode s’inscrivant dans la Gestion Prévisionnelledes Emplois et Compétences, il était logique des’intéresser au futur en déterminant les besoins futurs enmatière de compétences professionnelles.

De ce fait, il apparaît utile de faire des comparaisons avecle présent en y ajoutant des tendances majeures sur lespoints observés.

Ceci a pour effet de faire une extrapolation du présent enfonction d’éléments connus et étudiés en tenant compted’éventuelles distorsions que l’on pense possibles dansl’avenir.

Les avantages sont multiples notamment le positionnementd’agents dans la structure à des niveaux différents de ceuxatteints dans le présent mais aussi l’apparition d’unemeilleure lisibilité des emplois du futur même si celareste imparfait. Il est évident qu’un réajustement annuelest souhaitable afin de mieux cibler les besoins et décelerles potentiels.

Réflexion sur les étapes 1 à 6

D’un point de vue formel, beaucoup de structures n’ontjamais dépassé l’étape 1, ce qui se traduit par uneconnaissance incomplète de leurs agents tant sur le planprofessionnel de base que sur toutes autre formesd’organisation du travail (polyvalence, flexibilité). Deplus les agents sont souvent demandeurs pour connaîtreles possibilités présentes ou futures de changementsponctuels ou définitifs et soucieux de faire connaître leurscompétences sur des éléments autres que ceuxhabituellement traités.De plus à ce stade là, on peut tirer les enseignementssuivants :La formation est un vecteur de développement car elle vaêtre complémentaire à la démarche et ainsi combler lesécarts en apportant aux deux parties un objectif denégociation sur des éléments bien définis.De même, que l’expérience peut être valorisée et mise enévidence par des estimations ou des évaluations concrètesnotamment par la transmission de savoirs aux nouveauxentrants ou pour les générations futures avec unecapitalisation formelle.Enfin, le sentiment pour les agents d’être embarqués surun vaisseau professionnel dont le cap et la destination nesont pas toujours évidents est remplacé par le sentimentde prise en considération et de partage de maîtrise del’avenir par des repères précis.

Etape 7La validation de la démarche

La validation est une étape nécessaire dans cettedémarche car elle confère une portée générale àl’ensemble du processus en impliquant :

ç une méthodologie de travail reconnue par l’ensemblede acteurs,

ç une implication des agents et de la hiérarchie de lastructure sans pour autant s’interdire les avis d’experts,consultants, chercheurs et représentants de l’autoritésupérieure,

ç une régularité et reproductibilité dans le temps avec desajustements nécessaires,

ç une adhésion globale sans remise en cause d’avancéeset d’acquis sociaux,

ç une volonté commune d’évolution et deperfectionnement,

ç la recherche de résultats satisfaisants et d’une meilleureprise en charge du client (personne hospitalisée),

ç une reconnaissance de fait d’un processus a viséequalitative et quantitative

ArticulationLa mise en place de la démarche s’opère par :

Le Comité de Pilotage :c’est l’instance de mise en œuvre et de surveillance dela démarche.Il est composé de membres de la Direction, enparticulier de la Direction des Ressources Humaines,de membres représentant les agents et d’experts.

Les Groupes de travail :Ils sont l’élément moteur de la démarche. Ce sont euxqui déterminent les éléments primordiaux à évaluer. Ilssont composés de responsables hiérarchiques (Cadres)et de représentants des agents de chaque secteur de lastructure et d’experts.

Les litiges se règlent par le « Conseil des Conflits de laMulti Polarité Professionnelle » composé du Directeurdes Ressources Humaines, du cadre Supérieur le plushaut placé dans le secteur en question de la structure et dedeux représentants de l’agent concerné.

La validation est donc une procédure interne, basée surdes évaluations internes, ce qui n’empêche pas de faireappel à des organismes extérieurs pour valider des acquis,faire reconnaître des niveaux de compétences ou établirdes attestations.

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Etape 8La certification de la démarche

De façon similaire à l’évaluation et la validation, lacertification est une procédure interne à la structure ; Ellen’en constitue pas moins une étape supplémentaire enauthentifiant la démarche de la multi polaritéprofessionnelle lui conférant ainsi un caractère« officiel » dépassant le simple stade de l’expérimentationou des multiples projets à jamais enterrés.

La certification renvoie à la vision de la durée abandonnantl’éphémère pour l’acceptation et la reconnaissance.

Dans le cadre des hôpitaux, il faut signaler la procédured’accréditation* introduite au sein du système français parl’Ordonnance n° 96.346 du 24 Avril 1996 portant réformehospitalière et précisée par le Décret n° 97.311 du 7 Avril1997, l’accréditation est une procédure d’évaluationexterne du fonctionnement et des pratiques desétablissements de santé privés et publics, assurée par desprofessionnels des établissements de santé, indépendantedes établissements et de leurs organismes de tutelle. Ellevise à s’assurer que les établissements développent unedémarche continue de la qualité et de la sécurité des soinsdélivrés aux patients.

Dans la procédure d’Accréditation, un des référentiels esten partie consacré à la Gestion des Ressources Humaines«Référence 4 – La politique de gestion Prévisionnelle des

Ressources Humaines, l’adaptation des ressourceshumaines aux évolutions de l’établissement».

On peut donc, sans pour autant parler de procédure decertification officielle, exprimer le souhait d’intégrer ladémarche de Multi Polarité Professionnelle au sein d’uneGestion des Ressources Humaines par le biais de laGestion Prévisionnelle des Ressources Humaines.

Pour les établissements privés (Entreprises) il estnécessaire de procéder à une réelle certification de ladémarche en instituant un Certificat de Multi PolaritéProfessionnelle ayant une portée en interne tout enconférant au porteur un statut qui dans premier peut êtrecantonné à la simple reconnaissance interne dedispositions particulières dans le cadre de futuresadaptations ou mobilités mais qui pourrait aussi biendépasser les frontières de l’entreprise pour constituer uneauthentification solide.

Cette réflexion déjà entamée au sein de groupes derecherches commence à porter ses fruits au sein degroupes d’entreprises structurés en filiales pour arriver àdes accords multilatéraux.

Il est donc apparu le terme de Transférabilité poursouligner l’importance de ne pas rester au stade dequelques expériences mais plutôt de faciliter lagénéralisation d’un système qui reçoit l’aval etl’enthousiasme de ceux qui l’ont déjà mis en œuvre.

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* Définition donnée par l’ANAES – Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé.

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Résumé La multi polarité professionnellepar Patrick Micheletti

Modèle de concertation et d’avancée sociale, la MultiPolarité Professionnelle présente la recherche desatisfaction combinée de la structure et de l’individu. Cenouveau concept part de l’ancien concept de polyvalenceprofessionnelle pour arriver vers une définition plusprécise de l’adaptation d’un individu à des missions liéesà la transversalité et la flexibilité. Démarche originaledans une époque de changement rapide de l’organisationet de diminution du temps de travail.

Connaître les potentialités de chacun mais aussi permettreà chacun de connaître les potentialités de la structure enévoquant les aspects professionnels et personnels enconstitue l’objectif principal.

Le nouveau concept de Multi Polarité Professionnelle sedéfinit plus précisément par l’adaptation d’un individu àdifférentes tâches transversales avec une batterie decritères issue de la Gestion Prévisionnelle des Emplois etCompétences dans un souci d’évolution et dereconnaissance au sein du monde du travail qui en estdemandeur.

Evaluer, valider et certifier rend la démarchepragmatique et inscrite dans la durée afin de mieuxréussir la transférabilité et la généralisation future.

Evaluation type sur secteur pour métier de base(Etapes 2, 3, 6)

ouEvaluation type sur autre(s) métier(s)

(Etape 4)ou

Evaluation type des qualifications personnelles à butprofessionnel (Etape 5)

La multi polarité professionnelle dans le cadre de l’audit social

Patrick MICHELETTI

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Eléments à évaluer Niveau requis Auto évaluation Evaluation

Cotation Cotation Cotation

1) Missions spécifiques (Etapes 2, 3, 6)

ç Fonctions de base (technicité) 0 à 6 0 à 6 0 à 6

ç Information 0 à 6 0 à 6 0 à 6

ç Relations Humaines (communication) 0 à 6 0 à 6 0 à 6

ç Gestion (contribution économique) 0 à 6 0 à 6 0 à 6

2) Capacités

ç Capacités intellectuelles et psychiques 0 à 3 0 à 3 0 à 3

ç Capacités pédagogiques 0 à 3 0 à 3 0 à 3

ç Capacités physiques 0 à 3 0 à 3 0 à 3

3) Qualifications personnelles à but professionnel

ç Langues 0 à 3 0 à 3 0 à 3

ç Informatique 0 à 3 0 à 3 0 à 3

ç Techniques 0 à 3 0 à 3 0 à 3

ç Sciences 0 à 3 0 à 3 0 à 3

ç Lettres, arts, sports, etc. 0 à 3 0 à 3 0 à 3

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Zarifian, P, .(1997) «La Compétence en débat» LeMonde, 8 octobre, p.3.

Notes(1) 4 éléments majeurs sont pris en compte pour l’emploi type :

La technicité - L’information - La contribution économique -La communication In Gestion Prévisionnelle et Préventivedes Emplois et des Compétences en milieu hospitalier –Nicole Raoult – Ed l’Harmattan

(2) Plusieurs autres appellations génériques existent comme parexemple : Fiche de poste -Fiche de fonction- Profils de poste

La multi polarité professionnelle dans le cadre de l’audit social

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La GRH à la françaisedans un départementd’outre-mer,la Martinique

Margaret MUCY et Ingrid BRUNSTEIN

La Martinique occupe une position particulière surl’échiquier géo-politique mondial. Elle constitue undépartement français d’outre-mer à 7 000 km de lamétropole et fait partie de l’Union Européenne en tantque région «ultrapériphérique». Son climat tropicaltempéré, son insularité entre la mer des Antilles et l’océanAtlantique, ainsi que son histoire esclavagiste et colonialeen font une entité aux caractéristiques fortes et totalementdifférentes de celles qu’on trouve dans la «mère patrie».

Peut-on s’imaginer appliquer les principes de la GRH(Gestion des Ressources Humaines) à la française auxhommes et aux femmes dans les entreprisesmartiniquaises ?

Nous tenterons de répondre à cette question en examinantd’abord le contexte factuel et le contexte culturel pourensuite décrire, sous ces éclairages, les spécificités decette GRH, à la fois proche par les contraintes légales etgestionnaires et lointaine dans ses fondements humains.

Notre étude est basée sur une analyse menée parMargarette Mucy dans le cadre de sa recherche doctoraleet par Ingrid Brunstein lors de l’implantation d’uneformation de troisième cycle, le DESS RessourcesHumaines et Dialogue Social aux Antilles 1. Nousessayerons de contribuer à la compréhensioninterculturelle des raisons, des modalités, des conditionset des effets des différentes pratiques de la GRH dans cecontexte.

1. Le contexte factuelLe contexte martiniquais est le fruit d’une construction

socio-économique et culturel singulière qui se caractérisepar une grande continuité au niveau de sa structureéconomique, sociale et culturelle marquée par l’histoire,c’est-à-dire par l’économie de plantation colonialeconstruite durant la période de l’esclavage. C’est donc àla lumière du mouvement historique de la colonisationqu’il importe de considérer le problème de la culture(Lucrèce, 1994 ; Cabort-Masson, 1998). L’aspiration àune culture propre y prend d’emblée le sens d’uneprotestation contre les conséquences profondes de lacolonisation (Brossat, 1981) ; le procès et les pratiquesculturels s’articulent fonctionnellement aux rapportssociaux esclavagistes, donc dans un rapport de servitude.(Brossat, 1981).

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1.1. L’économie de plantation

La mission assignée à la Compagnie des Iles d’Amérique,constituée par des marchands avec le patronage deRichelieu, fut de coloniser des terres nouvelles. C’est dansla première moitié du XVIIe siècle que des Français prirentnotamment possession de la Martinique et de laGuadeloupe. La colonisation de la Guadeloupe et de laMartinique par les Français, à partir des années 1630,constitue, de par l’ampleur et la permanence de sesincidences, le fait majeur et le fondement de leur histoiremoderne et contemporaine (Matthieu, 1993). Durantplusieurs siècles, l’économie de ces îles était dominée parl’exclusif commercial et la production sucrièred’exportation à destination du continent européen. Pourdévelopper cette culture, outre les «engagés»2, il fallait uneimportante main-d’œuvre que l’on amena d’Afrique,enchaînée. Le modèle d’exploitation antillais était donc enplace dès le milieu du XVIIe siècle ; il prospéra un siècleet demi et chancela pendant un demi-siècle avant de setransformer sensiblement avec l’abolition définitive del’esclavage par Victor Schoelcher pendant la IIeRépublique (Matthieu ; 1993).

Comment est organisée la vie sociale dans cette sociétéesclavagiste ? La vie quotidienne est scandée par lesobligations de l’habitation. Dutrône La Couture (1790)3

dépeint une habitation-sucrerie comme «une sociétéd’hommes réunis en un ensemble de bestiaux et debâtiments fixes sur une propriété. C’est un petitgouvernement dont le propriétaire est le maître et qui estrégi sous la loi du souverain... Ce gouvernement présentetrois objectifs principaux : la terre et le labour ; leshommes, les bestiaux et les bâtiments ; l’espèce de cultureet la récolte...».

Cette configuration complexe qui forme l’organisation dela plantation, nécessite néanmoins quelques précisions :seuls l’habitant ou le maître et sa famille constituent leshommes. Quant aux biens, ils sont composés par desimmeubles, des meubles et des animaux, l’esclave étantun bien meuble par destination. Cet esclave, acteurprincipal sur lequel repose l’économie sucrière (Debien ;1974) est considéré comme un facteur de productionimportant, mais conçu souvent par et mêmephysiquement par, un autre acteur : l’habitant ou lemaître. C’est l’instauration de la société de plantation.

La dynamique du système esclavagiste était en effet baséesur l’intensité des rapports entre individus et non degroupes, marquée par des relations individuelles entre lemaître et l’esclave. Au niveau du quotidien, la relationindividuelle personnalisée qui va se traduire par le droitd’obéissance qui est un droit absolu de l’esclave trouvantainsi sa justification dans l’idée de liberté. Ainsi, le maîtreva instaurer entre ses esclaves et lui une relation

paternaliste : l’esclave est un bien meuble qui doitreconnaître les bienfaits prodigués par le maître(Phamphile, 1981).

Gauthier (1995) relève que sur l’habitation, la solidarité,soutenue par l’entraide et l’échange entre esclaves ainsiqu’en réaction à l’esclavage, tend à faire oublier lesbrimades quotidiennes et les conditions de vie exécrables ;les liens sont nombreux et étroits (Brossat, 1981),caractérisés par un univers oral, essentiellement qualitatifet relationnel. G. Chazi4 revèle, à ce titre, que sur lesplantations -malgré les rassemblements proscrits par leCode Noir- cette tradition orale, héritée de l’Afrique auraitsurvécue grâce aux contes narrés dans les veillées.

Pour résister à la servitude, poco à poco, la formationstratégique des «clans» laisse entrevoir une certaineforme de résistance passive où la sécurité, les obligations,l’entraide sont fournis par le groupe (Lucrèce, 1996).

1.2. Une économie békécratique

La Martinique se distingue par une grande continuité auniveau de sa structure économique et sociale. En effet, lesblancs créoles (les békés) qui possédaient et géraient lesexploitations sucrières au XVIIe et au XVIIIe sièclesdurant la période esclavagiste, conservent encore de nosjours une place prépondérante au sein de l’économieinsulaire (entre 70 à 80 % de l’économie martiniquaise(DDTE 1999 ; Gabort-Masson, 1998). Formant uneminorité économiquement dominante qui revendique sacréolité tout en voulant maintenir son homogénéitéraciale distinctive, les békés qui s’organisent en «caste»sociale, s’efforcent, encore de nos jours, de maintenircette oligarchie tout en gardant une distance raciale etsociale par rapport à l’ensemble de la population.

1.3. Une société par essence conflictuelle

Les rapports sociaux ponctués par la référence récurrenteà l’histoire esclavagiste se singularisent par une bi-construction ; d’une part, la double stratification : enclasses sociales et en groupes «raciaux» caractérise lepaysage martiniquais (Giraud, 1983 ; Kovats-Beaudoux,1983 ; Gabort-Masson, 1998) et d’autre part, uneconfiguration pluri-ethnique cloisonnée graduellementsur les différences phénotypiques. Ainsi, cetteracialisation sociale a secrété une configurationconflictuelle des rapports sociaux et cette sédimentationjouteuse est d’autant plus féconde que c’est précisémentet uniquement sur le lieu de travail –la sphère productive-que les protagonistes en présence se côtoient. Laprotestation économique, sociale et raciale se matérialisesystématiquement et immédiatement par une radicalitéconflictuelle qui résonne comme un glaive fatal.

La GRH à la française dans un département d’outre-mer, la Martinique

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2. Le contexte culturel : la GRHconfrontée aux problèmes d’identité,de deuil et d’authenticitéLe souhait exprimé lors de la création du DESS RH devoir apparaître en Martinique une véritable GRH baséesur le dialogue social s’explique par le haut niveau deconflictualité dans les relations sociales. Il révèle unevolonté de changement. Des deux côtés, on recherche lapacification des relations sociales excessivementconflictuelles. On espère que le changement créera unrapprochement interactif entre une culture de baselargement disparue et néanmoins existante d’un côté et laculture jusqu’ici dominante de l’autre.

Ceci nous amène à distinguer entre des sociétés à culturesdifférentes face au changement souhaité et à détecter desdomaines où des rapprochements possibles se dessinentpour la Martinique.

2.1. Une douloureuse amnésie identitaire

Riadh Zghal (1994) dans son livre sur la dignité et le flouorganisationnel comme caractéristiques du mondetunisien, distingue entre quatre types de cultures. Troisparmi elles émanent du passé. Nous aimerions en rajouterune quatrième qui reflète la situation actuelle dans lesAntilles. Au-delà de ces quatre types de sociétés, il y a dessociétés qui sont davantage tournées vers l’avenir. Cesont celles qui se trouvent à la recherche d’unereconquête de leur autonomie. Ce dernier modèle sembleanticiper sur l’avenir martiniquais en termes de GRH. Onen trouvera les premières traces dans la dernière partie decette communication.

n Commençons par notre propre société française quitrouve sa place dans le groupe des sociétés autonomes.La culture qui lui est propre y est valorisée par toutessortes de moyens. Elle n’est pas nécessairement visibleet les habitants n’en ont que rarement conscience. Unjugement de valeur généralisé et tacite supposerait quenotre culture soit la meilleure.

La culture, ici comme dans les autres modèles, estcontenue dans les représentations. Le panoramasymbolique des sociétés autonomes possède une certainecohérence interne et est véhiculé de façon réitérative parune large majorité de la population. Par leurcomportement, ils renforcent les artefacts, valeurs etconvictions de base (Schein, 1985). En harmonie avecleurs comportements et leurs représentations à la fois, lespratiques éducatives, légales et sociales sont légitimées

par ceux-ci et les légitiment à leur tour. Le réel etl’imaginaire, le psychologique et le technique, moi etl’autre se rencontrent sur un même terrain. Dans un effortcollectif permanent, ce terrain est protégé contre desintrus. Les stratégies de changement y sont développéesen interne sur la base d’une très belle assurance. «Asituation comparable, les Français sont les plus forts»(Jacques Chirac devant le Conseil de l’Europe àStrasbourg).

n Ensuite Riadh Zghal présente les sociétés agressées,c’est-à-dire celles qui, autonomes à l’origine, ontsuccombées à l’agression. Ces sociétés, déchirées entreune envie désespérée de maintenir la culture d’origineet une prise de conscience de la nécessité de changer,sécrètent envers et contre tout «une carapace protectricedu noyau culturel» . Le changement est alors fortementfreiné.

n En troisième lieu, on trouve les sociétés dominées,celles qui ont accepté la prédominance de systèmesculturels étrangers. Le changement y a lieu parl’importation de modèles extérieurs plaqués sur un fondde culture d’origine petit à petit aliénée.

n A cette liste, nous ajoutons les sociétés déconnectées,telles que l’on peut les trouver dans les Caraïbes et plusparticulièrement en Martinique. Nous appelons«sociétés déconnectées» celles qui sont profondémentmarquées par l’esclavage lequel concernehistoriquement la grande majorité de la population. Cessociétés ont pour première caractéristique ladéconnexion totale par rapport aux lieux d’originegéographique (l’Afrique). Cette déconnexion estcouplée avec et renforcée par la coupure du filhistorique : pour ceux qui veulent remonter à leursorigines, depuis l’arrivée des esclaves en Martinique oudans les Caraïbes, le fil histoire est coupé au-delà destrois générations précédentes : les esclaves, vendus etachetés, ont été transbahutés d’une plantation à l’autreet d’une île à l’autre (Maragnès, 1993). Il y a donc ladouble impossibilité géographique et historique desavoir avec un minimum de précision d’où on vient, ausens propre comme au figuré.

Par contre, on a une connaissance et une conscienceexacerbée, quant aux causes et aux conséquences de cettedouble coupure. Elles se nomment chaîne, fer, joug,asservissement, domination, dépendance, oppression,servitude, tyrannie et, si visiblement, aussi négritude. Levide d’un passé originel (l’Afrique) se trouve rempli parle souvenir d’un passé plus récent (l’esclavage) qui jouxtele présent (la société industrielle). Les violences subiesjusqu’à la fin du XIXe siècle provoquent aujourd’huil’impression douloureuse d’être incompris par lesreprésentants de la société dominante et de ne pas être

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reconnu comme victime d’injustice et d’humiliation. Cecifait naître des croyances encombrantes liées au doute, à lapeur, à l’impuissance et à l’inévitabilité d’unedépendance toujours croissante à l’égard d’autrui.

En outre, et comme nous venons de le dire, tout souvenirprécis de la culture d’origine a disparu par l’esclavage.Cette absence de souvenir se trouve à l’origine d’uneculture qui continue à tenir les esprits en esclavage. Lamémoire individuelle et collective, faute de mieux,s’ancre dans l’esclavage qui devient l’événementmémoriel original dont on n’arrive point à se défaire.

L’absence d’une mémoire identitaire apparaît alorscomme une souffrance telle que les efforts de changementparaissent vains. Elle intervient comme une sorted’anesthésie qui met l’organisme dans un étatd’indifférence à tout ce qui se trouve en dehors de ce malde fond. Elle pollue toute tentative de changement.

2.2. Le travail de deuil comme catharsis : la seule issue

Seul le deuil de ce «trou de mémoire» représente unesortie possible. La notion de deuil revêt alors uneimportance capitale.

La théorie du deuil est une théorie psychanalytique. Ellevoit dans le deuil une manifestation émotive et violente,liée à une rupture narcissique qui ébranle l’identité. Letravail de deuil dépasse la perte d’un être cher et concernetout renoncement essentiel. Dans notre cas, lerenoncement à un passé irrécupérable en fait partie. Letravail de deuil aménage le nécessaire passage d’un modede vie à un autre, ainsi que l’apprentissage d’une nouvelleréalité (Faure, 1995). Appliquer cette théorie auxproblèmes d’identité culturelle paraît tout à fait pertinent,dans le contexte des sociétés déconnectées.

L’article «Propositions sur les conditions d’applicationde la théorie du deuil dans les sciences de gestion»(Pailot, 1995) éclaire les liens entre approchepsychanalytique et gestionnaire. Aux Etats Unis, cetteassociation entre les deux disciplines remonte à Kets deVries et Miller (1985) qui sont les premiers représentantsde ce courant. En France, les orientations particulièresqu’a pris la psychanalyse sous l’impulsion de Lacan,teintent sans l’altérer la même démarche (Bonnal etSimon, 1992 ; Enriquez, 1992). Même si les différentesétapes du processus de deuil divergent dans leurs détailsselon que le regard soit celui du psychanalyste ou celui dugestionnaire, il y a un consensus sur l’issue à envisager :la souffrance peut être le vecteur d’une croissance. A celail y a une condition : il faut accepter consciemmentl’impossibilité de changer la cause de la souffrance. C’est

la perte consentie (Comte-Sponville, 1995). Se dire etdire «je n’y changerai jamais rien», permet enfin de seconstruire autrement et de trouver une nouvelle identité.

2.3. La construction d’une identité : vers une authenticité nouvelle

C’est ainsi qu’il peut y avoir une prise de conscience de soiet de son authenticité nouvelle5 ; une amélioration descontacts avec autrui et une nouvelle autonomie deviennentalors possibles, face à «l’autonomie imposée» par lamétropole.

Admettre sans retenue ni gène l’extrême rareté des liensoriginels et donc leur fragilité, dire l’impossibilité d’uneidentité forte et rassurante cela permet d’accéder à uneforme d’authenticité dont l’autorité, la vérité et la réaliténe peuvent être mises en doute. Cette authenticité,contrairement à l’identité précaire, ne s’entoure d’aucunehésitation car elle exprime avec une sincérité inébranlableune vérité vraie. Elle donne alors accès à une maturitéd’adulte (Viorst 1988). L’idéal d’authenticité (Taylor,1994) permet de réaliser les potentialités qui sont le biende l’individu et à travers desquelles il peut retrouver sadignité.

Peut-on dire que l’idéal d’authenticité comporte lesmêmes possibilités virtuelles pour toute une société ? Y a-t-il un lien entre l’individu et le groupe? Tout commechaque personne prise individuellement, chaque groupe,c’est-à-dire chaque entité culturelle, a sa façon d’êtrehumain (Anzieu, 1984). Le groupe représente le noyauqui permet «de démultiplier pour restaurer et consoliderdes identifications défaillantes et de développer descapacités de sublimation» (Kaes, 2000). Il permetd’assurer la catharsis des conflits. Si l’idéal d’authenticitése manifeste au niveau d’un grand nombre d’individus, etnous en avons vu des révélations encourageantes enMartinique (confirmé par Auvergnon et Le Moal, 2000),alors il est présent collectivement comme moteur d’unchangement positif devenu possible.

Cet idéal peut favoriser la reconquête d’une autonomieavec une ouverture à des courants culturels variés,comme décrite dans le dernier modèle proposé par RiadhZghal (1994). En prolongement de ces réflexions nouspouvons envisager la coexistence pacifique de deuxsociétés autonomes, martiniquaise et métropolitaine,capables d’un rapprochement interactif sincère pour uneGRH féconde impulsée par des volontés communes dechangement social.

Les pratiques de GRH en Martinique s’inscrivent dans cecontexte à composantes plurielles dotées de spécificitéssingulières. Les particularités locales, qu’elles soient

La GRH à la française dans un département d’outre-mer, la Martinique

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factuelles ou culturelles, affectent la vie des entreprisesmartiniquaises et plus précisément la gestion des hommesde différentes manières. Pour éclairer les principalesdimensions de la GRH, nous avons privilégié une grilled’analyse thématique à travers plusieurs dimensions de laGRH (le recrutement, le style de management, lacommunication, les relations professionnelles, larémunération). L’influence des contextes apparaît danstous ces domaines.

3. Les particularités de la GRH en Martinique

Cette partie n’abordera que les premières tendanceslourdes et pertinentes qui émergent des entretiens menésdans le cadre de la recherche doctorale. Elles mettentl’accent sur les activités de «gestion des hommes» etillustrent l’impact des réalités historiques, sociales etculturelles citées auparavant. En filigrane, les différentescomposantes de la GRH s’influencent mutuellement : lespratiques de recrutement sont en interaction avec cellesde la communication et ces dernières avec celles del’organisation du travail et avec la formation tout en ayantdes imbrications avec les relations sociales et le style demanagement etc..

3.1. Le recrutement : la force des réseaux

Le recrutement, selon plusieurs responsables dupersonnel et cadres opérationnels, s’opère généralementsoit par le bouche-à-oreille sur la base d’échos informelsou de recommandations obtenues dans le cadre deréseaux de connaissances interpersonnels, soit parcooptation de préférence familiale ou amicale. Dans cecontexte de pénurie de l’emploi, d’insularité, deproximité sociale, le lien familial élargi joue un rôleessentiel (Lesel, 1995) d’autant plus que la sociétémartiniquaise est notamment marquée par la référencecommunautaire et affective qui ponctuait les rapportshumains dans la société coloniale (Gutman et Genevèse,1980).

L’existence de différents réseaux : familial, amical,cultuel, ethnique, associatif, politique, consolident lasolidarité jouant ainsi un rôle prépondérant en Martinique(Hilaire, 1997). Ces réseaux de soutien servent defondement pour toutes les stratégies économiques etsociales. Dans ce registre, le système de don et contre-donmis en lumière par l’anthropologue Marcel Mauss est unélément majeur hérité du passé africain. Il ponctue lesliens sociaux martiniquais et se concrétise par l’intitulé

«rendre un service» assumant ainsi un ensemble de droitset d’obligations. Cette notion est présente tant au niveaufamilial et social qu’au niveau organisationnel.

Si le réseau joue une fonction sociale, il a le mérited’assurer un ensemble de relations spécifiques :collaboration, soutien, conseil, contrôle ou encoreinfluence (Berkowitz, 1982, Ferrand, 1987). EnMartinique, le recrutement en réseau est une édificationinstitutionnelle souvent au détriment des compétences ;d’ailleurs, le terme en créole «filon» désignespécifiquement ce mode privilégié de recrutement. Cesanalyses corroborent celles de E.M. Hernandez (1998)dans son article sur l’entreprise informelle africaine quidémontre l’importance des réseaux sociaux en matièreéconomique. Le réseau est un système fiable, performantet surtout incontournable pour accéder à l’emploi. Cetteanalyse du réseau martiniquais renvoie à l’expression deG. Hyden (1985) lorsqu’il parle d’ «économie del’affection» traduisant ainsi l’importance des réseauxsociaux en matière économique qui renforce la notion deconfiance. Comme l’a justement exprimé Gauthey et soncollaborateur (1990) «c’est l’appartenance à desinterrelations familiales et sociales qui définitl’individu»6.

Toujours selon Mauss, le don dans les sociétéstraditionnelles, est fondé sur une triple obligation :donner, recevoir et rendre. De même, à la Martinique,cette forme particulière d’échange ouvre en réalité ledomaine de l’alliance dans une «économie affective» oude connivences affectives, comme l’a observé G. Hyden(1985), traduisant de cette manière la puissance desréseaux sociaux dans la vie économique africaine. Or, enMartinique, chacun est bien conscient qu’entraide etassurance communautaires sont fondées sur l’obligationde réciprocité : la communauté est mutuelle. Dans la viequotidienne, le système de «sou-sou»7 est un exempleflagrant de ce contexte solidaire.

Ces formes d’interactions économiques concrètes entreacteurs réels construisent et mobilisent des ressources àtravers des réseaux de contacts et s’inscrivent dans lalignée des recherches de Granovetter (1974, 1983, 1985,1995, 2000) consacrées au concept d’ «embeddedness»traduit par Huault (1998) par la notion d’encastrementdes dimensions des institutions économiques dans dessystèmes légaux, sociaux et politiques singuliers. Demanière significative et à travers ses premiers articles surles marchés du travail (1974, 1981, 1988), l’intention del’auteur consiste à démontrer que lorsque les personnesrecherchent un emploi, elles privilégient les informationsquelles obtiennent par contact personnel plus que par voieformalisée. En ce sens, le type d’action analysé n’est pasconstitué par les comportements rationnels d’agents qui

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maximisent mais par les représentations d’acteursinsérées dans un réseau de relations en faisant référence àla force des liens faibles et forts dans la recherched’emploi. Partant du même postulat, Hernandez (1998)affirme dans son article consacré à la GRH informelleafricaine, que dans cette société, on observe le mêmephénomène : les logiques économiques sont encastréesdans des relations sociales.

De telles pratiques interrogent fondamentalement lesnouvelles formes de plus en plus répandues derecrutement via Internet. Dans un contexte fondé sur laproximité sociale et l’oralité, ces Nouvelles Technologiesde l’Information et de la Communication nous paraissentinadaptées.

3.2. Un management paternaliste fondé surun rapport personnalisé et affectif

Le style de management qui émerge des entretiens etl’analyse des pratiques est celui d’un rapportinterpersonnel empreint de paternalisme qui secaractérise par un lien affectif entre le dirigeant et lesalarié. Par conséquent, nous sommes en présence d’unegestion individuelle voire personnalisée, débordantparfois le fonctionnel jusqu’au domaine de la vie privée(participation au baptême, communion, mariage dusalarié…). En cas de difficultés, financières ou autre, lesalarié n’hésitera pas à se référer à son dirigeant voire aupropriétaire pour lui exposer explicitement son problème.

Le patron paternaliste martiniquais s’estime investi d’uneresponsabilité sociale qui le pousse à s’immiscer dans lavie privée de ses salariés en lui octroyant régulièrementun prêt, des jours de congés exceptionnels, d’avantagesmatériels… (De Coster et al., (1999). Dans la société deplantation, contrairement à ce qui se passe dans lesgrandes plantations brésiliennes ou américaines(Balandier, 1981), il n’y avait pas en Martiniqued’absentéisme des maîtres et donc de distanciation entremaîtres et esclaves. «La relation de face à face dans ungroupe restreint est plus humaine, souvent pluspaternaliste» (Benoist, 1972 ; Achéen, 1983). L’ensembledu patronat martiniquais privilégie des liens paternalistesconsensuels avec leurs salariés et évite corrélativementtoute insatisfaction du personnel. Alors que les loissociales sont, d’une manière générale, scrupuleusementappliquées en Métropole, ici, la fréquence des rapportsinterpersonnels paternalistes gomme l’application de lalégislation sociale.

Cette forme d’organisation sociale du travails’accommode bien avec des relations contractuellesaffectives. En effet, les entreprises martiniquaises, nousl’avons largement exploré, sont des entreprises à

orientation communautaire, les salariés sont dépendantsde leurs supérieurs et attendent d’eux une prise en chargeémotionnelle complète où le tutoiement est largementusité. A titre anecdotique, plusieurs dirigeants et cadreshiérarchiques nous ont confessé que leur style decommandement et d’autorité se concrétisent par destermes récurrents et congruents empreints d’affectivités’articulant selon l’ordre «fais ça pour moi». Il ne s’agitpas pour ces derniers d’une sollicitation quelconque maisbien d’un ordre… mêlé d’affectivité. Ils reconnaissentl’importance de la relation émotionnelle dans le travail etla difficulté pour certains cadres métropolitains des’adapter à une relation hiérarchique affective. Certainsd’entre eux, n’hésitent pas à parler de choc culturel et lanécessité, en amont, d’une préparation interculturelle.Dans ces rapports productifs, il existe bien une osmoseentre cette gestion affective des hommes et les valeursmartiniquaises.

La dynamique du système esclavagiste était en effet baséesur l’intensité des rapports entre individus et non degroupes, marquée par des relations individuelles entre lemaître et l’esclave. Au niveau du quotidien, la relationindividuelle personnalisée qui va se traduire par le droitd’obéissance qui est un droit absolu de l’esclave trouveainsi sa justification dans l’idée de liberté. Le maître vainstaurer entre ses esclaves et lui une relationpaternaliste : l’esclave est un bien meuble qui doitreconnaître les bienfaits prodigués par le maître(Phamphile, 1981). Cette dépendance individuelle,physique, matérielle, spirituelle, affective dontl’apothéose est l’affranchissement, ne se réalise que par letruchement du maître marquant ainsi l’empreinte d’unesubjectivité incontestable.

3.3. Une communication fondée sur l’oralitéet un fonctionnement polychrone

Dans un tel environnement, la relation dans toute sonampleur est davantage privilégiée dans des espacesinformels où l’oralité prédomine. De plus, les relationssont ponctuées par une communication riche accentuéepar l’implicite. L’oralité a une incidence surl’organisation du travail. Au pouvoir hiérarchique sesuperpose le pouvoir de la parole (Brunstein, 1996). Parailleurs, les collaborateurs consacrent beaucoup de tempsaux réunions, ils discutent longuement de questionssouvent redondantes. Les informations circulent trèsrapidement dans un contexte riche en communication(Hall, 1979) par le truchement du «bouche-à-oreille» quiconstitue un instrument de communication par excellenceet d’une grande efficacité. Un cadre du personnel nousconfiait qu’il s’est rendu compte, à plusieurs reprises, queses notes de service et ses convocations n’étaient jamais

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lues puisque la majorité des concernés ne venaient jamaisaux réunions. Maintenant, ses convocations à l’attentiondes instances représentatives du personnel sont effectuéesconjointement par courrier et par voie orale privilégiantde ce fait, le relationnel. A cet égard, Gauthey et Xardel(1990) notent que selon les classifications établies parHall (1979), «les pays insulaires et les pays orientaux sontcaractérisés par un contexte riche en communication»8.

Les attitudes par rapport au temps sont très importantespour les entreprises. Depuis les travaux de Edward Hall(1979), on connaît la différence entre les culturesmonochrones et polychrones. Les premières s’organisentautour d’une définition des tâches abordéesséquentiellement selon un calendrier préétabli (Boche,1993), donnant une priorité à la tâche par le biais d’uneformalisation et d’une organisation maximales. Al’inverse, les secondes, se structurent par une gestionsimultanée de leurs tâches différentes. Gauthey et Xardel(1993) précisent que «les interruptions, les imprévus sontfréquents, les tâches, les priorités sont traitéessimultanément, … le relationnel, les amis, la famille…sont prioritaires par rapport aux tâches»9, et laponctualité fait souvent défaut.

Les entreprises martiniquaises se situent plutôt dans unrapport au temps polychrone où la vision traditionnelle dutemps est cyclique. Bon nombre de cadres nous ontmentionnés que les délais de livraison sont très flexibleset que la gestion du temps est le problème principal deleurs entreprises, puisque la majorité des salariéss’octroie des espaces de liberté. La notion de laproductivité est une notion vague et le temps en lui-mêmen’est pas une variable à prendre en compte. De surcroît,les entreprises martiniquaises n’ont pas cette visionlinéaire du temps qu’exige une prévision des tâches,c’est-à-dire une planification et une conception desstratégies à moyen et long terme qui nécessite alors unecapacité à matérialiser le futur. C’est justement sur cedernier élément que les managers martiniquais ont le plusde mal à opérationnaliser leur mode de gestion conçu surune vision à très court terme, caractérisant de manièreconcrète leurs difficultés à maîtriser cette orientation versle futur.

Dans cette société polychrone, des outils de GRH commeune définition des objectifs managériaux selon uncalendrier strict, la planification des stratégies et destâches, la mise en place de progiciels de gestion du tempset des activités ou l’élaboration d’un plan de formationpluriannuel, s’imposent très difficilement.

Des pratiques de créolisation ont été construites au coursde la société de plantation10 comme instrument régulateurde la vie sociale des esclaves. Elles accusent une certaine

continuité dans la société contemporaine, car lesprotestations –prémisses du caractère conflictuel desrelations sociales d’aujourd’hui- s’organisèrent ça et làsur les habitations et fustigèrent déjà la logique del’autorité patronale.

3.4. Des relations sociales conflictuelles

Les relations sociales conflictuelles sont l’expressionmême de la lutte des classes soutenues par unsyndicalisme de revendication qui se complexifient par lepoids de l’histoire. En effet, les relations de classe dans lasociété martiniquaise, d’origine coloniale, se trouventhypostasiées en relations de race (Guiraud, 1981). De cefait, les luttes de classes s’enracinent dans uneconcordance de luttes raciales où la revanche surl’histoire esclavagiste rythme les conflits sociaux11. J.Bertholle, ancien directeur départemental du travail(Martinique) et ancien président de la commissionrégionale de conciliation, dans ses réflexions sur lesconflits sociaux en Martinique souligne que cette formede lutte singulière se matérialise systématiquement par lebarrage des routes stratégiques provocant le blocage del’économie. Par ailleurs, ces tensions sociales quiengendrent inévitablement des rancœurs, rancunes,dissensions, amertumes, semblent être aiguisées par lepoids de l’histoire : la période esclavagiste qui retentitsans cesse et qui façonne encore le présent. Le processusdu deuil non encore accompli comporte une phase decolère, de déni, de révolte et de désorganisation. Nous lapointons ici comme interprétation possible des conflits.

Cette lecture est confirmée d’une certaine façon parFortuné (1996) qui repère trois niveaux ou stratessociologiques et psychologiques qui singularisent lemouvement protestataire martiniquais. La première strateest l’opposition classique de lutte de classe entreemployeur, représenté par sa direction, et syndicatmandaté par le salarié. Si le conflit s’intensifie, ledeuxième niveau se réfère à la phénotypie, laconfrontation de la sujétion «blanc-noir». Le blanc étantreprésenté soit par le béké, soit par le métropolitain ou parle mulâtre, c’est dans cette même veine que tout lepatronat est assimilé au blanc. Si le noir s’indigne de ladomination du blanc en matière de management, le blancquant à lui, fustige cette tentative de prise de pouvoir dunoir. En dernier lieu et si la tension persiste, l’émergencede l’histoire, du souvenir du passé où la résonancementale des oppositions se met en devoir de rappeler quelors d’un conflit, ce n’est pas seulement le capitalistehonni qu’on en face, ce n’est pas seulement le blanc quiest toujours aux commandes, c’est l’ancien maître face àl’ancien esclave dans l’état colonial, où le seul rapportd’extériorité endogène/exogène règle les conduites et les

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relations sociales. Corroborant nos analyses, G. Gombe(1995) s’évertue à clarifier que «la persistance desvaleurs culturelles du système classique de la plantationexpliquerait dans une large mesure les profondes crisessociales et le climat conflictuel permanent des rapportsde production dans les entreprises depuis la fin del’esclavage jusqu’à nos jours»12. C’est dans ce contexteconflictuel intergroupe donc inter-race que le syndromede la plantation stigmatise les rivalités présentes.

a) Une syndicratie martiniquaise marquée par sa «culture solidaire» Le poids des organisations syndicales est indéniable enMartinique. contrairement à l’affaiblissement du pouvoirsyndical métropolitain. Amadieu (1999) dans sonouvrage consacré aux syndicats français en comparaisonavec les autres modèles étrangers, met l’accent sur une«tendance séculaire à l’émiettement»13 marquée par lesscissions. Dans quel paysage syndical sommes-nous enMartinique ? Nonobstant les mêmes traitscaractéristiques : scission, luttes internes (Karila-Cohen,1998) que celles des organisations métropolitaines, laforce des syndicats locaux réside dans une donnéeculturelle marquante : la solidarité dans lesrevendications sociales façonne ainsi une coalitionprotestataire de longue tradition.

La solidarité, première parmi les valeurscommunautaires, retentit comme un cri derassemblement. Cette valeur pilote les luttes syndicales etestampille l’histoire des revendications. A titred’exemple, la première grande grève générale quimobilisa toute la Martinique en février 1900 reste gravéedans la mémoire collective tant la violence y futprésente.14 L’injustice sociale qui a successivementmarqué la société martiniquaise a dû trouver un exutoiredans les grèves qui ont marqué le paysage socialmartiniquais.

Dans un tissu où la conflictualité sociale est structurelle,il est d’ailleurs légitime de penser que c’est autour decette donnée culturelle essentielle c’est-à-dire lasolidarité dans les luttes de classes et les revendicationsouvrières que se sont structurées, au cours du temps, lesrelations sociales et les luttes syndicales.

Le taux de syndicalisation est très élevé en Martiniqueentre 25 % et 30 %15 alors que Donnadieu et Dubois(1995) et d’autres auteurs mettent en évidence un déclinquasi-général du taux de syndicalisation métropolitain àpartir de 1980 avec pour 1996, un taux inférieur à 10 %16.Instances représentatives de la classe ouvrière (il n’y apas d’organisations syndicales des cadres), lesorganisations syndicales locales au nombre de quinze ont

un pouvoir important et orientent souvent les pratiques deG.R.H.. Dans certaines entreprises, concernant lerecrutement, le choix du candidat doit être validé par lessyndicats qui entérinent la cooptation ou qui encouragentle népotisme.

b) Des organisations syndicales …*en quête de dialogue social

Pour enrayer la situation conflictuelle des relationssociales, plusieurs réflexions ont été menées récemmentpar le Secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer en étroitecollaboration avec l’Institut National du Travail de Lyonet la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi etde la Formation Professionnelle de Martinique durantl’année 2000 afin d’instaurer un dialogue social pour ledéveloppement économique de ce département. A ceteffet, deux études (Auvergnon et Le Moual, oct. 2000 ;Mucy, avril 2000) ont mis en évidence une carencesignificative au niveau du dialogue social. Elle est dueaux pesanteurs sociologiques, historiques et économiquesdes rapports sociaux productifs. Ceux-ci sont à leur tourponctués par un modèle de gestion des hommes fondé surle système de plantation marqué par un rapport«maître/esclave». Il est impulsé par le groupeéconomique dominant, c’est-à-dire les békés, lesdescendants des anciens maîtres d’esclaves. Ce modèlepersiste encore de nos jours au sein des entreprisesmartiniquaises puisqu’il constitue le modèle de référencepour l’ensemble des dirigeants locaux, souvent audétriment de l’application du droit.

C’est ainsi que les protagonistes (patronat et salariés) sesont lancés, depuis avril 2000 dans une démarchecollective saine afin de jeter les premières pierres de laconstruction d’un dialogue social pérenne fustigeant ainsiles pratiques «plantocratiques» de la gestion des hommes.Cette construction se décline selon les trois principessuivants : principes de reconnaissance identitaire, derespect mutuel et de représentation (reconnaissancemutuelle des organisations syndicales d’employeurs et desalariés, respect mutuel, respect des représentations) ;principes de dialogue permanent (application du droit dutravail, reconnaissance des institutions représentatives dupersonnel) ; principes de prévention et de gestion desconflits. Elle marque véritablement le début d’unerévolution sociale en Martinique.

3.5. La détermination de la rémunération :existence de plusieurs facteurs locaux

Même si la parité du SMIG, intervenue en 1996,représente le salaire de base, les pressions syndicales dessalariés lors des N.A.O. (Négociations AnnuellesObligatoires) sont telles qu’elles contraignent les

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entreprises à accorder un salaire légèrement supérieur auSMIG (+ 5% environ). De plus, l’attractivité salariale desfonctionnaires favorise cette tendance à la hausse. Lepoids des N.A.O. est indéniable. Généralement trèsredoutées par les dirigeants, les N.A.O. constituentl’espace revendicatif privilégié pour les organisationssyndicales. C’est dans le cadre de ces N.A.O. que sontnégociées –souvent avec virulence et acharnement-prioritairement les augmentations collectives des salaires.Par ailleurs, l’absence de la participation aux bénéfices–obligatoire pour les entreprises de + de 50 salariés-témoigne d’un certain laxisme dans l’application decertaines législations sociales.

Ainsi, l’histoire esclavagiste a également laissé sa marquedans le domaine de la rémunération : le salaire est unsigne de reconnaissance «d’hommes libres» pour lemartiniquais qui se souvient que dans l’économie deplantation, sa force de travail était exploitée sans êtrerémunérée (Chauleau, 1986).

Conclusion : Le dialogue social comme supportà la quête identitaireLa principale caractéristique du fonctionnementéconomique et gestionnaire de la Martinique est le hautdegré de conflictualité. Elle trouve son ancrage historiquedans l’esclavage. Aujourd’hui, la métropole, par sastratégie d’une pénétration économique de plus en plusperformante, exerce une forte pression vers le respect desnormes qui sont les siennes. En Martinique, cette pressionest ressentie comme une menace sur l’originalitémartiniquaise, une menace d’autant plus inquiétante quel’originalité est si fragile et partielle. La demandeinsistante de dialogue social s’explique avant tout parl’impression d’une non-reconnaissance, doublée de lapeur crispante de perdre le peu d’originalité qui a pu êtrepréservée, a provoqué une sorte d’incapacité à être soi,tout naturellement. Comme si le contact moral etauthentique avec soi-même et la parole constructiveenvers l’autre était inaccessible.

Si nous avions voulu faire une étude sémantique enprenant les termes utilisés pour désigner les principalespréoccupations des employeurs et salariés en Martinique,le dialogue social aurait, en effet, occupé la premièreplace. Ceci nous a amené à réfléchir sur la significationprofonde de cette demande insistante.

Il s’agit d’abord de distinguer entre deux notions proches

dont surtout la deuxième nous intéresse ici : négociationsociale et dialogue social.

n Le premier concept nous renvoie à un processusd’échange en vue d’une coopération (Thuderoz, 2000).La négociation sociale a souvent un caractèrestratégique ; elle est alors structurée et vise un objectif :la résolution d’un litige, la production d’un accord oul’élaboration d’un compromis là où des intérêtsdivergeants sont en jeu. - Apparemment, c’est lanégociation sociale qui fait défaut en Martinique et,pourtant, c’est le dialogue social qui est réclamé.

n Cette deuxième notion recouvre plutôt un étatd’échange social non motivé par une issue précise, maisorienté principalement vers la communication, versl’entente et un rapport interpersonnel satisfaisant(Thuderoz, 2000). Mais pour que le dialogue socialpuisse avoir lieu il faut qu’il y ait reconnaissancemutuelle de l’identité de l’autre (Lange, 1999).

L’explication d’une préférence de nos partenairesmartiniquais pour le dialogue social semble, en effet, setrouver là : dans le couple reconnaissance/identité. Peut-être même y-a-t-il une sorte d’inversion dans cettedémarche et reflète-t-elle l’espoir d’accéder à lareconnaissance de l’identité sociale à travers le dialoguesocial. Si le dialogue social réussit à se déployer dans lesentreprises, si les salariés peuvent s’exprimer et participerà l’élaboration de leurs conditions de travail, alorsespèrent-ils, peut-être inconsciemment, leur existencetrouvera une reconnaissance et une légitimité qui à leursyeux fait souvent douloureusement défaut.

La manifestation constante d’un déficit d’identité socialefrappe le métropolitain qui arrive aux Antilles avec sescertitudes identitaires. Notre identité à nous permet dedécliner qui nous sommes et d’où nous venons. Toutprend sens à partir de cela et le dialogue pourra s’engagersur cette position identitaire. En même temps, il faut direque l’identité n’existe jamais dans le vide, mais dépendvitalement des relations dialogiques que nous entretenonsavec autrui. «La découverte de (notre) identité signifieque (nous) la négocions par le dialogue, partiellementextérieur, partiellement intérieur, avec d’autres» (Taylor,1994).

La demande de plus de dialogue social telle qu’elle estformulée par les Martiniquais est à lire commel’expression d’une quête identitaire non aboutie. Avant deconcevoir un programme de formation à la GRH et avantde mettre en œuvre certaines (et pas d’autres) de sespratiques, il faut donc clarifier les problèmes d’identité ettenter d’approfondir l’audit social qualitatif dont ce textene représente qu’une étape.

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Notes1 On verra que l’intitulé de cette filière qui émane du DESS

RH à l’IAE de Strasbourg et fonctionne en étroitecollaboration avec l’AMDOR à Fort de France, reflète bienles préoccupations des salariés et employeurs martiniquais.

2 Colons venus de France et qui recevaient de la terre et unpécule à l’issue d’une période de trois années de travail.

3 J.F. Dutrône La Couture, Précis sur la canne et sur lesmoyens d’en extraire le sel essentiel, Paris, Ed. Duplain,1790 cité par E. Okamba, «Hommes et industrie sucrièreaux Antilles : de l’Ancien Régime à nos jours», Entrepriseet Histoire, 1998, n° 18, p. 87

4 J.G. Chazi, «Les contes et veillées de la Caraïbe : un espacede communication et de significations» in Les Cahiers duCeralec, CARILANG, 1997, p. 88-94

5 à ne pas confondre avec «l’homme neuf» dont rêve Fanon(1961) et qui devrait se dresser contre la domination desBlancs d’Europe et d’Amérique du Nord. La nouvelleauthenticité n’émerge pas contre, mais agit pour.

6 F. Gauthey, D.Xardel, Le management interculturel, PUF,Paris, Que sais-je ?, 1990

7 Le «sou-sou» est l’équivalent de la tontine en Afrique quiconsiste à un système d’association d’épargne informel oùchaque «membre» verse la même somme à une caissecommune dont le montant est remis mensuellement et àtour de rôle à chaque membre.

8 Idem, p. 839 Idem, p. 7810 La société de plantation désigne la période esclavagiste où

sur l’habitation du maître, les esclaves regroupés à 5 ou 6dans des «cases» organisaient leur vie sociale après letravail des champs. Les contes rythmaient leurssoirées (l’oralité) ; la solidarité était le seul moyen derésister à la servitude. Cf. Glissant, 1981, Fanon, 1983,Giraud, 1981

11 Le nombre de conflits sociaux les plus importants enjournées de grève et mobilisation du pays (barrage desroutes, blocage du port, fermeture des hypermarchés…)pour 1999 s’élève à 7 dont 5 ont duré plus de 5 semainesconsécutives. Cf. chiffres de la DDTE décembre 1999.

12 G. Gombe «L’explosion conflictuelle : de la significationdes conflits sociaux», Etudes Guadeloupéennes, n° 5, 1992,pp. 36-49, cité par E. Okamba, «Hommes et industriesucrière aux Antilles : de l’ancien régime à nos jours» inEntreprises et Histoire, N° 18, Editions Eska, Paris, 1998,pp. 73-94

13 J.F. Amadieu, Les syndicats en miettes, Le Seuil, Paris,1999

14 Cette grève qui dura plus d’un mois se termina par la mortde plusieurs grévistes.

15 Chiffres communiqués par 3 organisations syndicalesCGTM, CDMT, CGTM-FSM

16 D. Condroyer, «Maladies infantiles du syndicalismefrançais» in L’histoire n° 195, janvier 1996, affirme que cetaux est bien moindre encore s’il ne prend en compte que lesecteur privé.

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L’impact des NTIC sur les compétences des commerciaux en milieu bancaire

Yves NEGROProfesseur à l’Université d’Auvergne Clermont I

Après la perte de leur rôle d’intermédiaire financier1 et lebesoin en conséquence de trouver de nouvelles sources derevenu, les banquiers2 se trouvent aujourd’hui confrontésà un nouveau problème, celui de l’intégration desNouvelles Technologies de l’Information et de laCommunication à la panoplie actuelle de leurs outils dedéveloppement commercial. Si, dans leur grandemajorité, les décideurs sont plutôt d’accord pour suivreles évolutions en la matière, convaincus de ce quel’avenir donnera, demain, vraisemblablement raison àceux qui auront osé aujourd’hui, beaucoup d’entre euxs’interrogent sur ce que concrètement cela signifiecomme remise en cause.

L’introduction des technologies nouvelles vaindubitablement perturber les pratiques actuelles descommerciaux. Vendre par téléphone, par exemple, n’estpas aussi simple que certains pourraient le penser, aussiles craintes des managers à l’égard des réticences auchangement de leurs équipes sont-elles tout à faitfondées . Elles le sont d’autant plus, de notre point devue, que la problématique de l’introduction des nouvellestechnologies dans la banque ne se limite pas aux seulesdifficultés rencontrées par les commerciaux dans lapratique compétente de ces nouveaux outils. Elle englobeaussi le fait que le téléphone, Internet, ont fait des clientsde véritables acteurs de la satisfaction de nombre de leursbesoins. Ils peuvent à présent aussi bien suivre l’état deleurs avoirs que procéder à des virements de compte àcompte, etc., c’est-à-dire développer une autonomie vis-à-vis de leur banquier avec comme conséquence lareconstruction de la relation avec celui-ci. Introduire lesNTIC dans la banque c’est donc accepter de repenser sarelation avec ses clients, c’est-à-dire s’apprêter à releverun défi beaucoup plus important.

Cela va réclamer des efforts conséquents de la part despersonnels concernés. Il va leur falloir exercer leur métierdifféremment, en passant de la logique produit à lalogique client, et, pour ce faire, accepter de repositionnerde façon significative3 (Negro,1996) leurs savoirs et leurssavoir-faire, aux plans, à la fois, de l’acquisitiond’informations beaucoup plus variées que par le passé (1)et de la transformation de ces dernières en valeur4 pour leclient, et, ce faisant, pour la banque (2).

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1. Savoir se doter de la bonne informationL’activité bancaire, et nouvellement celle debancassurance5, réclame de plus en plus d’information, à lafois, parce que les «produits» vendus sont pour l’essentielconçus à partir d’informations et parce que pour les vendreil faut chaque jour davantage connaître ses marchés. Agir defaçon performante, aujourd’hui, réclame donc de la part desacteurs concernés, d’une part, de savoir «collecter» lesinformations importantes eu égard à la réalisation desobjectifs fixés, et, d’autre part, de savoir «traiter» cesdernières afin de les rendre «intelligentes».

1.1. Savoir collecter les informationsimportantes

Depuis les années 30, époque à laquelle certains auteurssituent son apparition en France, l’ «étude du marché» a vuson statut se développer auprès des professionnels (Schafer,1962). Le détour par la connaissance ayant montré sonutilité concrète, de nombreux décideurs l’ont adopté.

1.1.1. S’intéresser à son client Mus par le souci d’être efficaces, les décideurs ont par lepassé cherché, par différents moyens, à savoirprécisément : «QUI» étaient leurs clients. Il était d’usagealors de s’intéresser : à l’age, à la catégorie socio-professionnelle, au revenu, etc., des clientèles visées,autant de variables socio-économiques à partir desquellesles experts cherchaient à expliquer les attitudes et lescomportements des clients anciens et actuels. Devant lanécessité d’améliorer la pertinence de l’explication auregard des objectifs de vente sous contrainteconcurrentielle, chercheurs et professionnels ont ensuiteœuvré pour introduire de nouveaux critères d’analyse.Les études en termes de style de vie (Valette-Florence,1994) ont ainsi vu le jour, leur mérite résidantessentiellement dans la volonté d’approfondirl’explication des comportements des consommateurs parla prise en considération des «attitudes», des «intérêts»,des «opinions» de ces derniers.

Des progrès importants ont ainsi pu être réalisés, tant, ilest vrai, que l’explication de l’achat de nombreux biens etservices réside souvent davantage dans les désirs de lapersonne concernée par l’acquisition, voire de ceux de sesproches, que de son niveau revenu, par exemple. Pourautant, les résultats obtenus en termes de «types», c’est-à-dire de regroupements d’individus en termes desimilitudes, tant par la trivialité fréquente de leurdénomination (jeunes cadres dynamiques, etc.) que parl’insuffisante pertinence des critères participant à leurdéfinition, après un engouement du à un effet de mode,

ont vu leur intérêt sensiblement décroître chez leursutilisateurs potentiels. Ce faisant, l’apprentissage de laconnaissance du client s’est peu à peu estompé, lesresponsables préférant «Agir» (campagnes de publicité,etc.) que «Connaître», le coût des études de marché leurparaissant prohibitif au regard des avantagesconcrètement obtenus.

1.1.2. S’intéresser aux informations utiles La pression concurrentielle, la cherté des action sur leterrain, les exigences nouvelles des consommateurs, ontdepuis peu redonné aux études le statut qu’elles avaientun peu perdu. Se développer commercialement,aujourd’hui, réclame en effet tout autant, voire davantage,de «viser juste», «d’agir vite», de «faire siennes» lesnouvelles contraintes de l’environnement, etc., que de«frapper fort», force publicités et actions promotionnellessouvent insuffisamment fondées. La logique : «Savoirplus» pour «Décider et Agir mieux» est redevenud’actualité (Negro, 1996).

Mais la question que se pose les professionnels estcelle de : «Savoir Quoi ?», précisément. Mieux connaîtreson marché : assurément. Mieux apprécier les forces etles faiblesses de ses concurrents locaux, nationaux etinternationaux, sans aucun doute. Mais, ce quel’expérience a par dessus tout enseigné à ceux qui ontréussi sur les marchés modernes, est l’impérieusenécessité de connaître et plus encore de comprendre son«Client». C’est de ce dernier que dépend la réussite oul’échec de toute action. C’est donc sur lui qu’il fautprioritairement mobiliser les ressources de l’entreprise.Interrogé par le Mckenna Group pour le compte d’IBM,un échantillon d’entreprises de divers secteurs d’activitéa clairement fait ressortir la «relation client» comme lacondition principale de la réussite de leurs projets dedéveloppement (56%) ; les préoccupations logistiques,par exemple, se révélant de moindre importance (21%)(Deschareaux et Suzet-Charbonnel, 2000, p.36).

Il ne s’agit évidemment pas dans cet article d’énumérerde façon exhaustive les informations utiles à l’entreprise.Tel n’est pas notre propos. Il est par contre plus importantd’esquisser le spectre des informations indépendantes ouliées susceptibles de fonder toute action et donc, à ce titre«stratégiques», afin de souligner la variété et la quantitédes informations à considérer. Trois groupes principauxd’informations doivent mobiliser l’attention desdécisionnaires et des opérationnels, et les conduire às’interroger sur ce que chaque client(e) ou prospect :«EST», «A» et «FAIT».

Il ressort clairement du schéma ci-après que chaquepersonne doit être appréhendée de façonmultidimensionnelle et que, négliger l’une de sesnombreuses facettes, peut priver l’entreprise sans que

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celle-ci s’en rende vraiment compte d’une voire, deplusieurs opportunités d’action. C’est donc dans la variétéde ses «facettes» et des «liens» entre celles-ci qu’il fauts’attacher à découvrir chaque client afin de disposer dumaximum de possibilités de procéder à une transaction.

Un même homme peut en effet être, à la fois :n client de la banque X pour ses moyens de paiement,

avoir domicilié son traitement mais pas celui de sonépouse ;

n époux d’une dame de 55 ans, commerçante et désireused’agrandir ses locaux ;

n père d’un fils qui souhaite changer sa moto actuelle, etd’une fille qui envisage de poursuivre ses études àParis, la famille résidant actuellement à Clermont-Ferrand ;

n soucieux du devenir proche de son patrimoine financierpersonnel, construit avec les banques X et Y ;

n chargé de réaliser une acquisition immobilière précisepour son frère cadet, client des banques X et Z, lui mêmechargé d’une vente pour le compte de sa belle famille;

n responsable financier de son entreprise, celle-cicherchant à procéder au plus vite à une croissanceexterne ;

n président d’une équipe de sport en compétitionnationale à la recherche d sponsors ;

n membre bénévole d’une association de secourismedésireuse de se doter de moyens d’action nouveaux,etc.

C’est la prise en compte de ces informations dans leurglobalité et dans la complexité de leurs liens qui vapermettre de tisser la toile la plus complète desopportunités d’affaire. Les spécialistes qualifient de«ventes croisées» (Micheaux, 1997, p.206) les ventesainsi réalisées, principalement lorsqu’elles concernentdes métiers différents dans la banque. Cette personne est,en effet, à la fois : «cliente» pour certains produits,« prospect » pour d’autres, frère d’un «client» de cettemême banque pour certains services et pas pour d’autres,et époux d’une personne «prospect pur» pour celle-ci.

Ce cas, banal en soi, montre clairement «le manque àagir » et donc « le manque à gagner» imputable à uncomportement peu professionnel en matière deconnaissance et de compréhension de ses clients. Lesmarges de manœuvre des personnels tant décisionnairesqu’opérationnels sont donc considérables. Mais comptetenu du poids des routines, l’exploitation de ce gisementd’affaires nécessite une remise en cause, qui, danscertains cas, confine à une véritable «révolution» enmatière de «renseignement», tant dans les esprits quedans les savoirs et les savoir-faire mis en œuvre par lesprofessionnels de la banque. Pour toutes ces raisons, lerecours à la collecte d’information devient une conditionabsolument nécessaire à la réussite de tout projet defidélisation et de conquête de nouveaux clients.

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Aux plans..

1. Personnel

2. Familial

3. Professionnel

4. Vie sociale

Connaître..

1. La « Situation » :Qui est-il ?

2. Le « Patrimoine » :Que possède t-il?

3. Les « Contacts » :Quels types decontacts a-t-il?

En termes de..

1. Etat civil :âge../ situation de famille nucléaireet élargie../ professions../ autresresponsabilités (électives.)..

2. Statut commercial :suspect, prospect, petit client, grosclient, partenaire chez nous../ à laconcurrence..

3. Patrimoine général :habitation principale, secondaire../cabinet, bureau../ actuels, en projet..

4. Patrimoine financier :moyens de paiement../ PEL../actions../ assurances-vie../ IARD..

5. Réseau relationnel général :contacts importants amicaux etprofessionnels../ fréquences de cescontacts..

6. Réseau relationnel financier:types de contacts avec nous, avec laconcurrence../ fréquence descontacts avec nous, avec les autres..

n Les facettes d’un individu dans une logiquemultidimensionnelle de collecte d’information

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1.2. Savoir rendre ces informations«intelligentes»

Cette condition n’est toutefois pas suffisante. Le risqueest, en effet, réel de voir les personnels concernés, par unsursaut d’orgueil ou contraints plus fortement par leurhiérarchie, collecter des informations dans le seul but deles posséder, de les stocker, de façon quasi inerte, alorsmême que la connaissance et la compréhensionaméliorées des clients ne présentent d’intérêt qu’en tantque détour productif, c’est-à-dire en tant que moyen deparfaire la prise de décision et la conception des actionsconcrètes. Les informations collectées doivent donc être«traitées», à dessein.

1.2.1. La segmentation de marché Dans cette perspective active, il faut raisonner en termesde segmentation de clientèles6 (Lefebure et Venturi,2000 ; Helfer et Orsoni, 1995) afin de déterminer descibles précises pour l’atteinte desquelles les entreprisesvont préparer et mettre en place des programmes précis.A la segmentation traditionnelle, les spécialistespréconisent toutefois de préférer la segmentationprédictive7. L’idée consiste, par un raisonnement entermes de modélisation, à rechercher les critères les pluspertinents pour anticiper avec le plus de précisionpossible les réponses des clients et des prospects, parexemple : au lancement d’une nouvelle offre, à lafacturation d’un service, ou à une campagne de prise derendez vous pour la conquête d’un marché.

Le fondement des méthodes est l’analyse desinformations présentes et passées. Traitées à l’aide dedivers outils statistiques (régression linéaire, analysediscriminante, régression logistique, etc.) ces donnéespermettent, en anticipant les comportements des clientsou prospects sollicités, de créer d’emblée des «profils declientèles» (Micheaux, 1997, p.92 ; Hagel III et Singer,2000, pp.121-141) avec comme conséquence, à la fois,l’amélioration des taux de concrétisation des actionsmises en œuvre et la baisse des coûts de ces dernières, enparticulier pour ce qui est des coûts de «rétention» etd’ «attrition»8. Le problème concret le plus important querencontrent les banques sur ce plan est celui de lacompétence nécessaire à la manipulation de toutes cesdonnées. Peu d’entre elles disposent à ce jour des savoirset des savoir-faire nécessaires à l’acquisition d’unavantage comparatif significatif dans ce domaine.

1.2.2. Le data miningCela est d’autant plus fâcheux que la tendance actuelle estau développement du «data mining», c’est-à-dire à«l’exploration et l’analyse de grandes quantités dedonnées afin de découvrir des formes et des règlessignificatives en utilisant des moyens automatiques et

semi-automatiques» dans le but «de permettre à uneentreprise d’améliorer ses fonctions de soutien aumarketing, aux ventes et au service client à travers unemeilleure compréhension de ses clients» (Berry et Linoff,1997, p.6 ; Lantigny, 2000)).

La réponse aux nombreuses questions que doivent seposer les entreprises, comme, par exemple :n Quels sont les clients qui risquent de nous quitter dans

un proche avenir ?n Quel type d’accueil telle catégorie de clients va

réserver à notre nouvelle campagne de service ? n etc. ;nécessite donc, outre le fait de se poser les bonnesquestions, de mettre de l’ «intelligence» dans les donnéescollectées et archivées, c’est-à-dire de rechercher etd’analyser tous les liens existant entre elles, nonperceptibles d’emblée, susceptibles de faire apparaîtredes informations nouvelles, et, ce faisant, de donnernaissance à des propositions plus pertinentes eu égard auxcaractéristiques des clients visés.

L’utilité de la démarche est grande. Si le responsable duréseau, par exemple, veut comprendre pour agirefficacement dans le cadre du départ de certains clients,par exemple, il lui faut identifier ceux qui vontvraisemblablement clore leur compte et intervenir defaçon appropriée avant l’acte de clôture. Dans cetteperspective, il conviendra non seulement qu’il identifieles clients prêts à partir, mais également qu’il les scindeen groupes précis sur la base des motifs de leur départ.Avec la compréhension de ces motifs comme fondement,il pourra alors demander aux commerciaux concernés debâtir les argumentaires, spécifiques à la nature de chacunedes différentes catégories d’individus ainsi mises enévidence, susceptibles de convaincre individuellement,chaque personne, de prolonger sa relation présente avecsa banque plutôt que d’y mettre un terme.

Différentes tâches doivent ainsi être réalisées(classification, estimation, prédiction, etc.), selon lanature de la situation à laquelle on cherche une solution,grâce aux nombreux outils disponibles pour ce faire(statistiques normales, analyse du panier de la ménagère,réseaux neuronaux, etc.). Tous les moyens techniquesexistent à ce jour, pour, en mieux connaissant son clientou son prospect, construire l’offre la plus convaincantedans la logique actuelle d’une stratégie de«personnalisation massive» (Berry et Linoff, 1997, p.9 ;Lemaire, 2000). Faut-il encore que les personnelsconcernés aient la volonté de procéder selon cette logiqueet disposent des compétences nécessaires à la pratiquedes outils disponibles.

Il y a toutefois encore loin de la coupe aux lèvres, ce quiest d’autant plus regrettable que l’ensemble destransactions réalisées avec les clients sont à la base de la

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création et du développement d’une «mémoire» del’entreprise (véritable «patrimoine»)10 qui, seule, peutaider celle-ci à faire la bonne offre, au bon moment, defaçon concurrentielle. Les progrès à réaliser sontnombreux. Ils concernent aussi bien les commerciaux de«front office» dans leurs savoirs et leur savoir-faire enmatière de capacité de conviction, par exemple, que lesservices vente et marketing dans leurs nécessaires etdifficiles relations synergiques, que le management desbases de données qui, pour être utiles, doivent par dessustout être pratiques d’utilisation lors de la préparation del’acte de vente, de sa réalisation et de son suivi. En fait,le succès réclame que toutes les actions soient conduitesavec comme point de convergence : la création de valeurà l’intention du client.

2. Savoir transformer l’informationdisponible en valeurSi mettre à disposition des opérationnels l’information utilen’est pas toujours chose aisée, pour des raisonsd’organisation, souvent, la transformation de celle-ci envaleur semble tout aussi compliquée à concevoir et à mettreen œuvre. La survie, et a fortiori le développement desentreprises en général, et des banques, en particulier, pource qui concerne notre propos, réclament donc des progrèssignificatifs sur ce plan. Dans cette perspective, il faut queles personnels concernés soient capables de tirer le meilleurparti de tous les types de contacts11 qu’ils peuvent avoir avecleurs clients, c’est-à-dire que, par delà le recours à la qualitédes produits et des services qu’ils ont à disposition poursatisfaire leurs clientèles, il leur faut être capables de«puiser» dans la variété des canaux actuels de distributionles moyens d’une performance accrue. L’acquisition dessavoirs et des savoir-faire idoines s’impose donc àchacun(e). Mais, quels que soient les efforts réalisésindividuellement dans ce sens, nombreux sont les experts àaffirmer que l’avenir devrait davantage sourire à ceux qui,en plus, auront su faire de l’organisation commerciale leterreau des progrès de chacun(e). En d’autres termes, il nousparaît que la création de valeur maximale est égalementconditionnée par la mise en place d’un managementcommercial repensé.

2.1. Savoir créer de la valeur dans le cadred’une politique multicanal12

La réflexion sur ce plan est tout à fait importante dans lamesure où les avis sont souvent contrastés entre lestenants, d’une part, de la «substituabilité», et d’autre part,de la «complémentarité», entre les canaux traditionnelsde distribution et les nouveaux canaux. L’hypothèsegénérale qui guide notre propos sur cette question est que

c’est dans la complémentarité entre canaux qu’il fautrechercher la maximisation de la création de valeur àl’intention du client, et, ce faisant, à celle de l’entreprise.Nous préconisons de ce fait, de considérer les deuxcatégories de canaux, certes, dans leurs spécificités, maisplus encore dans leur utilité conjointe.

2.1.1. La création de la valeur dans l’approchetraditionnelle du canal de distribution Dans le domaine de la banque, le canal dit traditionnel estcelui de l’ «agence», avec comme composante principale larelation de «face à face», véritable cheville ouvrière de laproduction de service. C’est donc sur ce premier plan queles commerciaux doivent prioritairement progresser,puisant autant que nécessaire dans les informationsarchivées à leur intention, afin, en satisfaisant mieux leursclients, de créer voire de développer une relation de fidélité.

Mais, pour être efficace, il faut que l’action menée par lecommercial s’inscrive précisément dans la «chaîne devaleur du client»13 (Porter, 1992), c’est-à-dire dans leprocessus qui conduit ce dernier de la première sensationd’un besoin à satisfaire à sa satisfaction, suite parexemple à l’acquisition et à la consommation de lasolution proposée par le vendeur. Savoir transformer envaleur les informations disponibles dans les bases dedonnées revient donc à savoir les utiliser pour créer de lavaleur à l’intention du client lors de chacune des étapesimportantes de la relation créée et développée avec lui.

Ainsi, lors d’un entretien de face à face, il faudra, à partirde l’information disponible, créer de la valeur aux tempsprincipaux du processus de vente, à savoir, par exemple:

1. Au premier temps de l'entretien (Accueil) :- en attirant son attention ;- en suscitant un intérêt ;- en lui donnant envie d'aller plus avant dans

la recherche d'une solution, etc.

2. Au second temps de l'entretien (Décision) :- en l'aidant à comprendre ;- en l'aidant à choisir ;

- en l'aidant à acheter, etc.

3. Au troisième temps de l'entretien (Conclusion) :

- en le convaincant d'acquisitions additionnelles ;- en le convaincant d'établir ou de poursuivre

une relation d'affaires ;- en le convaincant d'établir un véritable

partenariat, etc.

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Créer de la valeur consiste donc pour le vendeur, à partirde l’information stockée : «Client venant d’acheter unevoiture particulière», par exemple, à attirer son attentionsur les conditions offertes par la banque en matièred’assurance (produit complémentaire), entrée en matièrequi, si elle est l’occasion de susciter un intérêt chez lui,pourra lui donner envie de mieux connaître l’ensemble dela gamme des produits d’assurances proposés aux clients(assurances multirisques habitation, assurancesprévoyance voire assurance-vie).

Elle pourra également consister à attirer son attention surle fait que la banque lançe une campagne de crédit pourl’aménagement des garages (produit lié à la voitureautomobile), susciter l’intérêt de profiter des avantagesofferts à cette occasion, et voir avec lui comment, lier, parexemple : assurance automobile, prêt, assurance garantiede prêt et assurance multi-risques habitation. Une réellecompétence en la matière aura pour utilité, outre d’êtreperçu comme un signe de professionnalisme (ce qui estrassurant pour le client), de supprimer ou d’atténuer leseffets négatifs de nombreuses objections, avec commeconséquence, la concrétisation plus aisée de latransaction, et l’espoir de procéder à une multivente14,immédiatement ou de façon différée.

Les entretiens de face à face conduits par les conseillersde clientèles de particuliers, par exemple, doiventcependant être scindés en deux grandes catégories : lesentretiens dits «structurés» qui sont l’occasion durantquelque 50 à 60 minutes, de conduire une vente fondéesur une découverte approfondie de l’interlocuteur, et lesentretiens dits de «vente rapide», la découverte étant pources derniers réduite par rapport aux précédents de façon àinscrire la démarche dans un espace temps d’unequinzaine de minutes, environ.

Ces entretiens sont différents l’un de l’autre. Certains yvoient même deux canaux à distinguer dans la mesure oùl’on ne vend pas la même chose de façon structurée ou defaçon rapide. Dans les deux cas, cependant, un entretienréussi est un entretien qui est le théâtre de la créationd’une valeur réelle pour le client, perçue et acceptée parlui15 (Aurier, Evrard et N’Goala, 1998) qui va le satisfaireà cent pour cent de ses attentes, aussi bien pourl’obtention d’une carte de paiement que pour celle d’uncrédit à la construction, par exemple. Cette exigence duconsommateur nécessite donc que le vendeur sache tirerparti des différents canaux actuellement pratiqués par lemonde bancaire.

Si la vente structurée, qui est l’occasion del’approfondissement de la connaissance du client lors dela phase de découverte, informations qui viendrontparfaire, dans la base données, celles déjà archivées, estsouvent préférée par les commerciaux parce que plus

rassurante, en général, il faut noter que pour des raisonsde productivité, il est demandé aux vendeurs modernesd’agir de plus en plus vite, pour le moins, toutes choseségales par ailleurs en termes de création de valeur. Laseule solution à envisager pour vendre plus vite sansbaisse de qualité de prestation consiste à anticiper lesréactions des clients, ce qui donne bien sûr tout sonintérêt à la logique proposée par les spécialistes du datamining.

Les commerciaux d’aujourd’hui, et plus encore ceux dedemain, devront en effet agir vite, le temps étant devenula variable reine, aux dires des spécialistes, pour se doterd’un avantage compétitif. Pour y parvenir, on attendd’eux qu’ils sachent recourir chaque fois que cela estnécessaire aux informations au stockage desquelles ilsont contribué, et à l’actualisation desquelles ils sont sivivement invités. Par une connaissance et unecompréhension approfondies de leurs clients, ils pourrontaller «plus vite au fait», par exemple, dès le début del’entretien de face à face, dégageant ainsi le maximum dutemps imparti pour convaincre et pour inscrire larencontre dans un cycle de contacts maîtrisé16 (Micheaux,1997, p.194 ; Peppers et Rogers, 1998, p.201). Telles sontles compétences à acquérir, eu égard aux canauxtraditionnels de distribution, pour œuvrer efficacement àla réussite de la stratégie d’ «orientation-client», quebeaucoup appellent de leur vœux mais que peu sont à cejour en mesure de mettre concrètement en œuvre.

2.1.2. La création de la valeur dans la logiquemulticanalLe face à face, aussi important soit-il, n’est pas le seulcanal à la disposition des commerciaux. Du «mailing» à«Internet» en passant par le «téléphone», la gamme desmoyens d’agir sur les clients est variée. Certains, commele téléphone, ne sont pas nouveaux en termestechnologiques mais le sont encore souvent au regard deleur usage performant. D’autres, par contre, commeInternet, le sont sur tous les plans.

Les nouvelles compétences à acquérir sur ce point ontpour fondements principaux, de notre point de vue :n le fait que la «manière de vendre», c’est-à-dire le canal

de distribution privilégié, est créatrice pour le clientd’une valeur supplémentaire à celle apportée par leproduit ou le service ;

n que la satisfaction du consommateur ne relève pas tantde l’acquisition du produit que de celle du couple«produit-canal» ;

n que la maximisation de la valeur pour l’entreprise passepar la maîtrise du pilotage d’une «politiquemulticanal», à la fois, volontaire et systématiquementsoucieuse de la valeur créée pour le client.

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Il n’est pas de notre propos, ici, de développer cesdifférents points. D’autres écrits y ont contribué (Negro,2000). Il nous paraît, par contre, utile d’insister sur leursconséquences aux plans des savoirs et des savoir-faire despersonnels concernés. L’enjeu étant la fidélisation desbons clients et la conquête des prospects à potentiel, et lerisque encouru étant d’être moins performants que sesconcurrents pour y parvenir, il revient donc auxcommerciaux, non seulement de faire la bonne offre«produit» au bon moment, mais plus encore de faire labonne offre «produit-canal» au bon moment.

Pour y parvenir, il importe de renseigner la base dedonnées, client par client, aux plans des attitudes, desdésirs, etc., de ceux-ci en termes de canal de distributionet plus précisément en termes de couple «produit-canal».En effet, la tentation est forte, chez les responsables debanques, de choisir les canaux en fonction de leur intérêtpropre, à savoir principalement : l’amélioration desmarges par la baisse des coûts, plutôt que de privilégier,certes sous contrainte de rentabilité, le point de vue deleurs clients (Alard et Dirringer, 2000).

Il faut ainsi privilégier la vente par téléphone non pasparce que celle-ci coûte moins cher au banquier, maisparce que la vente par téléphone fait gagner du temps auclient (ressource aussi onéreuse pour lui que pour sonbanquier), et que de ce fait (s’il est sensible au temps, ceque la base de données doit pouvoir indiquer), il vachoisir le téléphone, avec comme conséquence : unesatisfaction conjointe pour lui et pour son prestataire deservice. La réussite de cette démarche, nécessite bien sûrde la part du commercial la maîtrise de la vente par diverscanaux : le «face à face en vente structurée» pour telproduit, la vente «par téléphone» pour tel autre, etc.

Dans certaines situations la complexité est plus grandeencore. Afin de mieux satisfaire son client, le commercialpourra être amené, par exemple, à :n vendre le rendez-vous, par téléphone ;n confirmer celui-ci, par courrier ;n procéder à la vente, en vente rapide de face à face ;n lui fixer un second rendez-vous, pour un face à face

ultérieur, à date convenue, en vente structurée, en luiproposant en attendant de se renseigner sur tel ou telaspect du problème sur Internet, etc.

La variété des canaux doit donc être considérée, par delàcelles des produits et des services, comme un moyenpertinent pour construire une relation solide et profitablepour chacune des parties en présence, mais à la conditiontoutefois que, par un recours préalable à la base dedonnée, le commercial ait pris la précaution, aussiprécisément que possible, d’anticiper les réactions de sonclient à l’égard des différents canaux de distribution(Granger, 2000). Il pourra ainsi, quelle que soit lasituation, agir en efficacité maximale.

Chaque commercial, de l’accueil à l’expertise, doit doncfaire le nécessaire en ce sens, dans son «périmètre demétier»17, ce qui implique qu’il améliore continûment sespropres compétences au regard de cette nouvelle exigenceméthodologique. Les progrès attendus en la matièrereposent de ce fait sur une prise de conscience et uneréaction individuelles. Ils reposent aussi, de notre point devue, sur une refonte collective des attitudes et descomportements à l’égard des savoirs et des savoir-faire àacquérir et à développer, ce que seul un managementcommercial efficace peut autoriser dans les faits.

2.2. Savoir parfaire la création de valeurpar un management repensé

Quel que soit le talent de chacun, en effet, et la traductionde celui-ci en résultats, c’est de l’activité de l’ensembledes membres des équipes commerciales que dépend infine le développement de l’entreprise bancaire et non passimplement de celle de quelques vendeurs considéréscomme «surdoués». La mise en place d’un managementcommercial nouveau s’impose donc dans la mesure où lescritiques formulées à son endroit sont nombreuses :management trop loin du terrain, prises de décision troptechnocratiques, incompétences commerciales, etc., pourn’en citer que quelques unes.

Pour être concret, nous allons limiter notre propos à cellesqui, à l’intérieur d’une organisation à la complexitégrandissante, s’adressent à l’un des maillons «clés» de lachaîne hiérarchique, à savoir : le «Directeur d’Agence»,qui, en tant que manager «intermédiaire» et de«proximité» (Trouvé, 1998, pp.7-12 ; Courpasson, 1998,pp.175-193), œuvrant à l’intérieur d’un réseaucommercial, est peut être le plus immédiatementconcerné par les changements induits par ledéveloppement d’une stratégie de «relation-clientèle».

2.2.1. Du management par le «combien»au management par le «comment»Le principal reproche fait aux directeurs d’agence, à cejour, est d’avoir comme représentation de leur métier celle :d’un «gestionnaire» aux obligations par trop centrées sur lesuivi quotidien des résultats de chacun(e) au regard desobjectifs visés. En tant que responsables hiérarchiques deleurs agences, ces derniers sont bien évidemmentcomptables des résultats commerciaux de leurs équipes.Des quotas de vente leur sont fixés, après négociation. Ilsdoivent rendre compte à leurs directions de réseau, en finde période, du niveau de réalisation de ceux-ci. Il s’agit làd’une facette incontestable de leur métier.

Ce qui pose problème, aujourd’hui, et qui nécessite dereconsidérer certaines des pratiques actuelles, est que,compte tenu de l’intensification de la concurrence et de lavolatilité accrue des clientèles, les objectifs de vente

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doivent «absolument» être atteints au risque de mettrel’entreprise en péril. Implorer les dieux ne suffit doncplus pour que les résultats soient conformes auxprévisions. Le management moderne réclame à présent demaîtriser le «comment» afin de piloter le «combien», cequi nécessite bien sûr des compétences nouvelles de lapart de ceux qui en ont la charge.

Dans cette perspective, le directeur d’agence doit toutd’abord rechercher dans ce que ses collaborateurs ont fait(ou pas) l’explication du niveau des résultats constatés, etnon pas se contenter d’observer ceux-ci dans leurconformité (ou pas) à ce qui avait été prévu. C’est engénéral, tout simplement parce que les commerciauxconcernés n’ont «pas assez téléphoné» qu’ils n’ont «pasatteint» le pourcentage de rendez-vous qui leur a étédemandé d’obtenir par téléphone. De façon empirique, ilressort donc pratiquement toujours un lien entre :l’importance de l’effort produit pour l’atteinte d’unobjectif et le résultat obtenu in fine.

De la même manière, et plus précisément pour notrepropos, c’est parce que les conseillers financiers n’ont«pas assez recherché d’information» sur leur client qu’ilsn’ont «pas atteint le taux de multivente» qui leur avait étédemandé. La première tâche du manager de proximitémoderne est donc, afin de réagir avec l’efficacité que l’onest en droit d’attendre de lui, de rechercher dans lescarences manifestées par ses collaborateurs en termesd’activité (le «comment») le(s) moyen(s) d’améliorer lesrésultats obtenus (le «combien»). Ainsi, au lieu deconstater l’échec, il pourra l’anticiper et, chaque fois quepossible, l’éviter. Telle est, de notre point de vue, lapremière nouveauté méthodologique à introduire dans lemétier de directeur d’agence. Il faut pour cela les former.

Mais ce progrès, s’il est nécessaire, n’est pas suffisant car,si les commerciaux concernés dans notre premierexemple n’ont «pas assez téléphoné», c’est peut-être parnégligence ou par paresse, mais aussi souvent parce queceux-ci «ne savent pas prendre de rendez-vous partéléphone». IL s’agit alors, pour le directeur d’agence,dans un second temps, de chercher, pour y remédier, àexpliquer les carences de ses collaborateurs au plan des«activités» (nombre d’appels téléphoniques) par leursinsuffisances à celui de leurs «capacités» (savoirs etsavoir-faire à l’égard de cet outil). C’est donc en leurapprenant à prendre des rendez-vous par téléphone quel’on pourra «exiger» d’eux des efforts précis en termesd’appels téléphoniques à réaliser, avec commeconséquence : les résultats attendus.

De la même manière, si les conseillers pris précédemmenten exemple n’ont pas «assez recherché d’information»avec comme conséquence la non atteinte du taux demultivente attendu, c’est parce qu’ils ne savent pas, à

l’observation:n utiliser les bases de données mises à leur disposition,

certains ne sachant même pas que celles-ci existent;n quel(s) usage(s) faire, en termes de méthode de vente,

des informations additionnelles ainsi obtenues ;n s’organiser pour libérer le temps nécessaire à la

réalisation de cet indispensable détour productif parl’information.

C’est donc en agissant d’abord sur les compétences puissur les activités, que les commerciaux seront en mesured’obtenir les résultats que l’on attend d’eux. Telle est laseconde nouveauté méthodologique à considérer. Ensomme, le directeur d’agence doit repenser son métier enfaisant sienne l’idée selon laquelle: c’est de sa capacité àmaîtriser le «comment» que dépend sa capacité à piloterle «combien».

2.2.2. Du métier de «gestionnaire» à celui d’ «animateur»L’effort qui lui est demandé est d’autant plus importantque, pour être réellement efficace, l’application de ceprincipe de management de proximité nécessite que lesinsuffisances en matière d’activités et de capacités, quel’analyse des chiffres peut permettre d’inférer, soientclairement validées par les faits, lors de vente réelles, etsuivies de préconisations précises pour être utiles à leurrésorption rapide. Il ne s’agit donc pas uniquementd’indiquer aux commerciaux quelques pistes à suivrepour progresser suite à des carences supposées de façonplus ou moins fondée, mais, continûment et sur le terrain,de les accompagner de façon constructive dans leurprocessus de progrès personnel, ce que d’aucunsqualifient de «coaching»18 (Albert et Emery, 1999).

Aider un des conseillers financiers, pris en exempleprécédemment, à progresser dans la réalisation d’un tauxde multivente plus conforme aux objectifs fixés, nécessitedonc, successivement :n tout d’abord, d’être présent lors de l’une au moins de

ses prestations face à un client, par exemple, afin devalider in situ, en temps réel, les insuffisances enmatière d’activités et de capacités présupposées lors del’analyse des résultats ;

n puis, lors d’un entretien, en fin de journée, par exemple,de lui faire partager l’appréciation faite en termesd’insuffisances, afin, qu’en les faisant siennes, il puissepsychologiquement être prêt à entamer une démarchede progrès ;

n pour enfin, à l’issue du précédent entretien ou lors d’unentretien spécifique, de lui proposer pour acceptation unprogramme d’apprentissage articulé autour : del’acquisition des savoirs jugés utiles eu égard àl’insuffisance à traiter, d’une part, et de la mise enapplication de ses savoirs à un rythme établi, d’autre part.

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Ces trois temps sont indispensables à l’obtention durésultat escompté. L’observation permet de valider par le«diagnostic», sans contestation possible: la capacité àrecourir aux bases de données disponibles, par exemple,d’une part, et la maîtrise : de l’outil informatique idoine,du bon usage de l’information puisée dans la base dedonnées et/ou de l’organisation personnelle permettant laréalisation performante de ce détour productif, d’autrepart. Les deux entretiens suivants sont pour le directeurd’agence l’occasion, par l’échange, outre de parfaire cettevalidation, d’entamer puis de développer le processus decorrection.

Cette démarche rigoureuse, indispensable à la crédibilitéet donc à l’efficacité de l’action de coaching, peut êtreconduite : n soit par le directeur d’agence lui-même, ce qui

nécessite de sa part, à la fois : les compétences requisesà toutes les étapes indiquées et une organisation précisede son temps de travail ;

n soit par un spécialiste19 délégué par le siège à cette fin,mais avec le consentement et la participation active dudirecteur d’agence, conditions vérifiées commeindispensables, dans les faits, pour la réussite del’opération.

La mise en relief des insuffisances indiquées n’a devéritable utilité que dans la mesure où elle est ledéclencheur d’un processus d’apprentissage visant àdonner à chacun(e) les compétences requises eu égardaux missions fixées. Aussi, si le temps du diagnostic estindispensable, celui de la formation l’est tout autant.C’est-à-dire que , s’il est important pour les conseillersfinanciers d’avoir une appréciation extérieure compétenteà l’égard de leurs activités et de leurs capacités (il estdifficile d’être juge et parti), il l’est également de se voirproposer, soit individuellement soit en groupe, unprogramme de formation précis, à la mesure des progrèsqui leur sont demandés.

Sur la base des résultats de diagnostics réalisés surl’ensemble du réseau d’agences, des formations peuventêtre organisées pour l’ensemble des personnelscommerciaux, à l’occasion du lancement d’un nouveauproduit, ou de la mise en place d’une nouvelle méthodede vente, par exemple. Outre l’amélioration des savoirsde chacun(e), ces formations permettent l’harmonisationde ces savoirs sur un territoire élargi, ce que les stratégiesd’image d’enseigne réclament au plan des forces devente.

Mais ces formations, pour des raisons de coûts autant qued’efficacité, ne sont pas les seules à envisager. Sicertaines formations sont effectivement à appréhender auplan du réseau, pour les raisons sus indiquées, d’autres

doivent l’être au niveau de l’agence. A ce titre, une bonneagence bancaire est une agence : «apprenante»20

(Moingeon et Ramanantsoa, 1995), c’est-à-dire un lieu oùcontinûment, de façon aussi tacite qu’explicite, aussiverticale qu’horizontale, les savoirs et les savoir-faires’acquièrent sous l’impulsion volontaire et compétente deson responsable : le directeur d’agence. De façon courteet hebdomadaire en début de matinée, parfois pluslonguement si nécessaire, ce dernier doit, non seulementinformer ses collaborateurs des décisions de la directiondu réseau, mais, plus encore, favoriser la formation detous et de chacun par la pratique en groupe d’exercicesdivers visant la correction d’erreurs précisémentobservées lors des sortie sur le terrain et intéressant toutel’équipe dans ses indispensables complémentarités àl’égard du traitement de la relation-client. Nul doute que,dans cet esprit, les savoirs et les savoir-faire en matière deconsultation des bases de données préalablement à touteprise de contact, d’usage performant des informationsface aux clients, d’organisation personnelle du travail,etc., se développeront rapidement, de façon tacite(Nonaka et Takeuchi, 1997) principalement, pour faire durepositionnement des compétences de chacun un réalitéconcrète et profitable pour tous. Ces apprentissagesseront plus pertinents encore si, par son management auquotidien, le directeur d’agence arrive à créer lesconditions d’un échange informel entre les différentsmembres de son équipe, véritable source d’apprentissagecollectif.

De «gestionnaire» de son agence, le directeur doit doncen devenir l’«animateur», véritable ambassadeur de ladirection du réseau et de la direction générale au regarddes orientations stratégiques de celles-ci, et garant auquotidien des progrès du «comment» dans la perspectived’un «combien» continûment amélioré.

ConclusionEn définitive, l’introduction des N.T.I.C. dans l’activitédes banques, comme d’ailleurs dans celle de la plupartdes assurances, est une étape nouvelle, au franchissementde laquelle les professionnels de la finance vont devoirs’atteler, afin de se doter, au plus vite et au meilleur coût,des moyens d’évoluer : d’une logique de «défense deleurs positions» fondée sur la qualité de leurs produits etservices, à une stratégie de «conquête de parts de clients»(Peppers et Rogers, 1998 ; Peppers, Rogers et Dorf, 1999)articulée sur la pertinence de leur relation avec ceux-ci.Le défi qui leur est lancé est grand. Les banques sontcapables de le relever, mais à la condition de faire de : lavalorisation, instantanée et durable, de tout type de

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contact avec ses clients et prospects, dans le cadre d’unerelation formalisée21, la préoccupation quotidienne detous, en «front office» comme en «back office», quels quesoient les métiers et les statuts, ce qui va requérir dechacun(e) l’acquisition des compétences idoines.

Compte tenu du caractère nouveau de certaines destechnologies évoquées, les apprentissages se feront, dansun premier temps du moins, le plus souvent de façontacite, entre professionnels . Il importe donc, sur ce point,que la contribution du directeur d’agence soit exemplaire.Dans cette perspective, il lui faut donc acquérir au plusvite les savoirs et les savoir-faire indispensables à toutesconfrontations avec ceux de ses collaborateurs. Il y va desa crédibilité personnelle tout autant que de laperformance de ses équipes. Mais, il n’y suffira pas. Pourêtre tout à fait efficace, aux dires des spécialistes,l’apprentissage doit aussi être collectif, sur deux plans, àla fois : celui de l’agence, tout d’abord, celui du réseau,ensuite (lorsqu’il existe). Dans les deux cas, le rôle dudirecteur d’agence est déterminant. Il doit êtrel’instigateur du maximum d’échanges utiles en interne(intra-agence) et en externe (inter-agences). Ainsi, sonrôle habituel de gestionnaire du «combien», après avoirévolué vers celui de l’animateur du «comment»progressera t-il petit à petit vers celui de «Manager descompétences»22 (Kœnig, 1994 ; Doz, 1994 ; Ballay, 1997 ;Jolis, 2000 ; Deschareaux et Suzet-Charbonnel, 2000 ; LeBoterf, 1998).

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Notes1. Cf. la nouvelle loi bancaire de janvier 1984, mettant fin à

spécialisation bancaire en vigueur depuis 1945.

2. Notre propos est également valable pour les assurances, bienque les origines du problème soient autres.

3. Le positionnement est : «la mise en position du produit dansle champ des croyances déterminantes de consommateurssélectionnés, de façon durable et profitable, compte tenu desactions présentes et à venir des concurrents» (Negro,1996),p.118. Par extension, nous utilisons ici ce concept pour les«Savoirs et Savoir-faire» ; le repositionnement consistant enun positionnement à nouveau.

4. Il s’agit, pour tout commercial, d’utiliser ces informationspour vendre, c’est-à-dire pour concevoir une offresusceptible de retenir l’attention du client auquel elle estadressée, et d’être acquise par celui-ci au prix proposé.

5. Nous entendrons par bancassurance, dans cet article, lavente de produits bancaires et d’assurances par les réseauxbancaires.

6. «La segmentation est la division des clients en des groupeshomogènes d’individus aux comportement identiques faceaux variables du marketing-mix» (Lefébure R. et Venturi G.,2000), p.103.

7. «La segmentation prédictive divise une population engroupes homogènes par rapport à un comportementparticulier. Par exemple, par rapport à leur propension àrépondre à une action de marketing direct. Les méthodes desegmentation prédictive non seulement déterminent lescaractéristiques des segments, mais leur donnent un rang»,(Lefébure R. et Venturi G., 2000), p.109.

8. Le coût de rétention est : «le coût des démarches entreprisespour empêcher le départ d’un client». Le coût d’attritionest : «le coût de rupture de la relation clientèle» (LefébureR., G. Venturi, 2000), p.121.

9. «La personnalisation massive désigne la productiond’articles personnalisés sur une base individuelle à partird’un grand ensemble de composants normalisés», (Berry M.J.A. and Linoff G., 1997), p.9.

10. Cette mémoire, que certains considèrent comme un capitalpour l’entreprise, peut également être appréhendée entermes de patrimoine, attendu que l’on peut à son égard seposer la question de sa transmission en interne comme enexterne.

11. La condition fondamentale, aujourd’hui, pour sedévelopper, est d’être capable de tirer parti de façonmarchande de tous les contacts, aussi bien créés que subis,que l’ on peut avoir avec ses clients et prospects. De ce fait,nous définirons le Développement commercial comme : lascience de la valorisation instantanée et durable de tout typede contact avec ses clients et prospects, dans le cadre d’unerelation formalisée.

12. La politique multicanal peut être appréhendée comme : ladécision de recourir à l’ensemble des canaux de distributionactuellement disponibles, afin, en mieux satisfaisant sesclients par leur usage approprié, d’atteindre ses objectifscommerciaux de la façon la plus efficiente.

13. Ce concept est utilisé par extension au client de celui dechaîne de valeur appliqué à l’entreprise. Cf., (Porter M.,1992), «La chaîne de valeur et l’avantage concurrentiel»,Chapitre 2, pp. 49-82.

14. Le taux de multivente est l’indicateur de nombre de produitset des services vendus à un client lors d’un même entretiende vente, quelle que soit la nature de ce dernier.

15. Il convient, en effet, de ne pas confondre : valeur voulue(par la banque), valeur perçue et attendue (par le client) ; cesnuances étant importantes à considérer pour unecompréhension pertinente de l’interaction : banque-client.

16. Dans la logique de Développement Commercial par lavalorisation de tous les contacts suscités et subis, que nouspréconisons, l’indicateur de résultats a longtemps été lemontant des ventes réalisées lors d’un même entretien. Sicet indicateur permet de saisir l’efficacité du commerciallors de ses entretiens, il traduit mal la valeur du client pourl’entreprise, celle-ci étant mieux appréciée, sur une périodeplus longue, à savoir un ensemble d’entretiens successifs,sur une période donnée, un exercice comptable, parexemple, que nous qualifions de «cycle de contacts».

17. Nous dénommons «périmètre de métier» : l’ensemble finides attributions de chacun(e) dans l’exercice de saprofession (le périmètre de métier du «guichetier», parexemple : vente de produits simples comme les cartesbancaires, etc.).

18. «Le coaching est un accompagnement individuel ayant pourobjectif d’aider à la mise en place de changementscomportementaux», (Albert E., Emery J-L., 1999), p.14.

19. Ce spécialiste est appelé : «Animateur des ventes» ou«Moniteur des ventes», selon les établissements bancaires etla nature de la mission qui lui est confiée.

20. Nous parlons d’ «agence apprenante» par extension duconcept d’entreprise apprenante, c’est-à-dire d’entrepriseorganisée de telle sorte que les compétences de tous et dechacun puissent évoluer de façon individuelle et collective.

21. Définition que nous donnons du : «Développementcommercial».

22. Cette logique de repositionnement du métier de directeurd’agence est très importante. Elle fait de notre part,aujourd’hui, l’objet de travaux précis publiésprochainement.

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Intégration des ressources humaines àla stratégie d’entreprise : le cas d’une PME du secteur immobilier

Hadj NEKKAIUT/LARGO, Université d’AngersAngers, France

La nécessité d’intégrer le facteur humain dans les choixstratégiques des entreprises n’est plus aujourd’hui àdémontrer. Les réflexions dans ce domaine doivent plusque jamais porter sur les manières d’inclure cettedimension fort complexe dans les grands choix desentreprises. En disant cela, on ne fait que rejoindrecertains observateurs, sur ce point les entreprises ont bienconscience que leur compétitivité s’organise autour depôles de savoirs, mais elles aimeraient bien que leschercheurs ne se contentent plus de le répéter et qu’ilsleur proposent des solutions. Pour répondre à ces attentes,il faut accepter le paradigme de l’intention stratégique quidébouche sur de nouvelles propositions quant auxfondements de l’action collective nécessaire à l’atteintedes objectifs de la firme (Castro et al., 1998). Autrementdit, il faut dépasser la distinction entre conception et miseen œuvre de la stratégie, et explorer d’autres pistes ens’inscrivant dans des démarches systémiques dufonctionnement des organisations.

Il ne s’agit pas ici de réclamer une quelconque originalitéthéorique, mais plutôt de montrer que le terrain estpropice pour procéder à des expérimentationsempiriques. D’ailleurs, on ne peut qu’être incité à le fairecompte tenu des orientations de la recherche académique.En effet, il semble nécessaire de questionner ce qui existesans pour autant tomber dans des simplificationsabusives. Les pistes récentes développant le concept deprocessus et soutenant que la stratégie peut être définie etidentifiée par les processus destinés à la mettre en œuvre(Lorino et Tarondeau, 1998), nous paraissentprometteuses. Pour apporter des réponses aux menaces etaux opportunités de l’environnement, les entreprisesadoptent nécessairement un processus d’action. Cesprocessus1 peuvent être répétitifs et stables, mais lerythme d’évolution de l’environnement fait qu’elless’orientent plutôt vers la forme projet. Le processusnécessite des compétences et en produit à son tour, ilconstitue de ce fait à la fois un lieu d’apprentissageprogressif et d’apprentissage de rupture. Il est cependantregrettable que ces approches à caractère global soientrevendiquées théoriquement et non validées en tant quetelles empiriquement. Même s’il est parfois tentant deprocéder à des validations partielles en réduisant la notionde processus à une partie de l’activité de l’entreprise(Ferray, 1999), on laisse probablement la place au doutequant aux possibilités d’amélioration de la gestion descompétences. Le risque de ces orientationsméthodologiques, c’est qu’elles nous offrent la possibilitéde bien préciser l’objet de la recherche pour ne restituerque des recommandations statiques, inadaptées, à notresens, à une véritable gestion des compétences.

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Ayant déjà procédé à un traçage du cadre conceptuels’intégrant dans une perspective de fonctionnementglobal des organisations, notre objectif principal iciconsiste à tester sa validité à partir d’une étude empiriqueportant sur une PME du secteur immobilier. Le cadrageproposé prend en considération à la fois les choixstratégiques, organisationnels et le style de managementdes dirigeants, pour apprécier la place des ressourceshumaines à travers le fonctionnement global del’organisation. S’il est communément admis que lessciences de gestion sont les sciences de l’action, les troisdimensions sont les choix à partir desquels s’élaborent etse concrétisent les actions. Elles produisent et nourrissentà travers leurs interactions le fonctionnement desorganisations. Cette tentative pour cerner le cadre de lagestion des compétences, non seulement se justifiethéoriquement, mais semble être également conforme auxsouhaits des entreprises. Dans le contexte français,l’approche par les compétences consiste à mettre en placedes dispositifs suscitant le développement descompétences plutôt que d’avoir une démarche proactivesur tel ou tel aspect (Tremblay et Sire, 1999).

Le choix de l’entreprise était motivé par ce secteurd’activité. Dans ce dernier, la mobilisation de l’ensembledes ressources disponibles favorise la croissance aumoins de manière équivalente à celle que l’on attribuehabituellement aux facteurs exogènes (exigences desclients ou pression concurrentielle). Cette rechercheapporte des résultats qui renforcent l’intégration des troisdimensions dans le fonctionnement global del’organisation. Deux types d’analyse viennent confortercette hypothèse. La première est fondée sur l’analyse ducontenu thématique des discours et elle nous a permis deconstater la place importante occupée par lescompétences dans la compétitivité du secteur immobilier,la stratégie n’étant que le moyen permettantl’identification des compétences nécessaires. Le sensaccordé à l’organisation semble être riche et fortement liéà la stratégie et au style de management. Le style est auservice du bon fonctionnement organisationnel et lastratégie n’est, en un sens, que le reflet d’un statut. Ladeuxième analyse s’appuie sur l’analyse factorielle descorrespondances et confirme les affirmations de lapremière démarche, même à partir des positions dedivergences perceptives.

I. Articulation stratégie-ressourceshumaines : vision théoriqueNous voulons procéder ici à un positionnement de notrecontribution par rapport à quelques travaux existants,selon qu’ils ont une orientation théorique (1) ouempirique (2). Il ne s’agit pas pour nous d’être exhaustifmais de poser les fondements de notre réflexion.

1. Travaux à caractère conceptuel

Les théoriciens de la ressource, et en première ligne, E.Penrose considèrent que chaque firme dispose d’unportefeuille spécifique de ressources lui fournissant desavantages dans la mise en œuvre de sa stratégie. De cefait son développement s’expliquera également à partird’éléments endogènes si elle arrive à exploiter lespossibilités offertes par l’interaction entre les ressourcesmatérielles et le personnel. Ce travail s’inscrit dans laconception de la firme qui privilégie, l’explication desperformances à partir des compétences disponibles etmobilisables. Même si nous devons rappeler brièvementses fondements théoriques, notre objectif principalconsiste toujours à vérifier l’étendue de son enracinementdans les entreprises. C’est d’ailleurs la seule légitimitépour défendre cette même idée aujourd’hui en secontentant pas qu’elle soit seulement appliquée maisréellement comprise.

Les courants défendant l’approche par les ressources secaractérisent par une profonde hétérogénéité (Koenig,1999)2. Les tenants de la «Resource-Based View» situentles origines de l’avantage concurrentiel du côté de lachance et de l’anticipation et mettent l’accent surl’ensemble des ressources rares. Les autres courantsnotamment celui des compétences fondamentales(développé par Hamel et Prahalad) et des capacitésdynamiques (initié par Teece et son équipe) réservent uneplace importante à l’apprentissage et considèrent que lesfondements de tout avantage stratégique résident dans ledéveloppement des compétences. Dans cette perspective,Lorino et Tarondeau (1998) laissent entendre quel’environnement des firmes appartenant à un mêmesecteur pourrait être homogène ou hétérogène. Selon lesthéoriciens de la concurrence, il est homogène, carl’ensemble des firmes présentes dans une industrie setrouvent soumises aux mêmes contraintes structurelles etpar conséquent adoptent les mêmes comportements. Enrevanche, les théoriciens de la ressource considèrentl’environnement de ces firmes comme hétérogène carchaque entreprise possède sa propre combinaison deressources et de compétences spécifiques3.

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D’une façon générale, ce travail s’inscrit dans l’approchepar ressources dans son ensemble dans la mesure où ilconsidère que les choix stratégiques reposent sur lesressources internes, créatrices de richesse, bien plus quesur l’exercice d’un quelconque pouvoir de marché. Maisnos propos s’accordent, plus particulièrement, avec lesthéories privilégiant les ressources intangibles. Ainsi,nous mettons l’accent sur les salariés en tant queressource et nous contribuons de surcroît à uneproblématique précise, celle de l’apprentissageorganisationnel. Dans cette optique, la compétence sedistingue par un contenu, un caractère transférable ou nonet permet aux dirigeants d’envisager son intégration àleur stratégie, d’où une mise en évidence du lien entrel’approche par les ressources et son application auxressources humaines. Ce champ de référence présente undouble avantage en termes de conception de la stratégie.Il permet d’admettre une relation systémique entre leséléments qui devraient être mis en jeu lors del’élaboration de la stratégie, et il renforce les réflexionsconsidérant que l’activité stratégique ne peut se cantonnerà l’entité chargée de la conduire. Au delà d’un examendes modalités d’articulation entre stratégie et ressourceshumaines, nous préférons considérer la stratégie commeétant la mobilisation des compétences distinctives. Ainsi,nous pouvons avancer avec Koenig (1999) qu’ «uneinvention, une évolution du goût des consommateurs, unaccroissement de la demande pour un produit particulierne vont inciter à la croissance que certaines firmes, parcequ’elles disposent de ressources adéquates capablesd’embrayer sur telle variation de l’environnement». Dansun domaine aussi important, il faut éviter les articulationscaricaturales et réfléchir à des formes pouvant couvrirl’ensemble du fonctionnement organisationnel4.

2. Orientation des travaux à caractère empirique

On peut citer ici les travaux de l’ISEOR, partant duconstat selon lequel les entreprises ont plus de mal àréaliser leurs intentions stratégiques qu’à les choisir. Pourqu’elles augmentent leurs chances de les atteindre, il fautqu’elles intègrent l’élaboration des objectifs dans unmode participatif, favorisant ainsi une articulation étroiteentre le développement de la firme et la gestion de sespropres ressources humaines. Dans cette perspective, laréflexion stratégique apparaît comme la technique la plusélaborée de mobilisation du personnel, puisqu’elles’appuie davantage sur la communication interne pour

augmenter les chances de succès. Cette démarche a étéconstruite à partir de multiples chantiers menés par leschercheurs de l’ISEOR et elle a été testée dans denombreuses entreprises de diverses tailles. Cetteapproche propose tout un éventail de techniquespermettant la stimulation des ressources humaines.

Les critiques reprochent à cette approche de requérir uneorganisation lourde en termes de coût et de vigilance,voire peu compatible avec les processus derestructuration récurrents engagés par les grandesentreprises. Ces critiques peuvent être relativisées. On aainsi de plus en plus tendance à dénoncer les nouvellesformes organisationnelles5 qui ne sont avantageuses quepour les clients et les actionnaires. Dans cette optique, laproblématique du capital humain et du capital marquenous paraissent similaires et par conséquent nousadhérons aux propos de Aaker et Lendrevie (1991). Nousconsidérons avec eux que même si, dans la plupart desentreprises, le management est soumis à de fortespressions des actionnaires qui veulent percevoirrapidement des dividendes pour obtenir des résultats àcourt terme, ce qui importe c’est de mieux comprendreles liens entre la valeur actuelle des actifs d’une marqueet ses performances futures pour pouvoir expliquer etjustifier des politiques à long terme de valorisation ducapital marque.

On peut également relativiser ces critiques en lesconfrontant aux observations empiriques concernant lesentreprises orientées marché. En plaçant le client aucentre, elles permettent à leurs salariés, quelque soit leurniveau hiérarchique, de savoir ce qu’il faut faire pourmériter durablement la fidélité du client. Dans cetteperspective, certains associent la satisfaction des salariéset celle des clients en se basant sur des constats formuléspar des cabinets conseil. Par exemple, les propos deWhiteley et Hessan (1997) indiquent que les cours desactions des entreprises ayant fait l’objet d’un downsizingsont inférieurs à 26% à ceux des entreprises comparablesqui n’ont pas réduit leur effectifs.

Même ceux qui mettent en garde contre la liberté queprennent les dirigeants par rapport aux critères derentabilité sous prétexte d’impératifs stratégiques,admettent qu’il faut continuer les prospectionsempiriques par diverses entités de recherche pour mieuxasseoir l’articulation stratégie-ressources humaines6. Lalogique de compétence, de par sa seule existence, crée lesconditions d’une réflexion enrichie sur les organisations(Castro et al., 1998).

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II. Un cadrage de l’articulationstratégie-ressources humainesElles sont au nombre de trois et englobent plusieurs niveauxd’analyse. Il s’agit plutôt de grandes dimensionssynthétisant l’action et pouvant être cernées par quelquesmodalités principales. D’autres modèles existent, ils sontstimulant pour la réflexion mais à cause de l’ambiguïté desconcepts qu’ils mobilisent, ils sont difficiles à testerempiriquement. Nous pensons au «modèle des 3C» quipropose un système de relations entre trois dimensions(confiance, coopération, compétence) considérées commefondatrices de l’action collective (Castro et al., 1998).

1. La dimension stratégique

A ce niveau nous faisons plus particulièrement allusionau concept de métier. Celui-ci met l’accent sur lescompétences, les savoir-faire qui sont du ressort dessalariés. Nous laissons ainsi de côté les notions desegment ou de domaine d’activité qui se définissent parrapport au marché, à la technologie et aux produits(Stratégor, 1988). Dans cette perspective, la relationstratégie-resources humaines prend tout son sens car laperception que l’on a du métier guide fondamentalementnos choix stratégiques. Nous rejoignons les auteurs deStratégor pour souligner que le métier est une réalité quise vit et que, même s’il y a un côté objectif, le côtésubjectif demeure dominant.

Depuis longtemps, certains chercheurs proposaient desdémarches pratiques7 pour comprendre les comportementsd’une personne ou d’un groupe dans l’entreprise afin defaciliter la mise en œuvre stratégique (Enrègle, 1985).Ainsi, dans certaines entreprises, le dirigeant consulte lesouvriers à propos de nouveaux équipements ou denouvelles implantations ; il publie une déclarationd’intention sous forme de bulletin interne qui expose leurpoint de vue sur les améliorations structurelles possibles etqui recueille les avis des personnes concernées. Cesaméliorations ne restent pas dans le domaine des projetssans suite, mais font partie d’un large processus permanentde changement. La participation demande un surcroît detravail à tout le monde et l’encadrement sera certainementamené à mesurer de façon permanente le degréd’implication de son équipe et à investir de grandesquantités d’énergie à chaque fois qu’il sentira l’ennuigagner ses subordonnés. Dans ce cas, on s’aperçoit que lestyle de management joue un rôle car tout dirigeant réticentpeut arrêter ses efforts de changement : ceux-ci impliquentnécessairement l’intervention des ouvriers dans la prise dedécision, ce qui en fait la meilleure chose qui puisse arriverà une entreprise et à ceux qu’elle emploie.

2. La dimension organisationnelle

Les organisations apprennent en créant des relations entreles compétences préexistantes (Koenig, 1999). Pour obtenirune compétitivité accrue par une meilleure qualification etune meilleure motivation Rhône-Poulenc industrialisation aintégré un volet homme-organisation dans le projetd’investissement. Son objectif a été atteint, mais après laphase de projet, la routine s’est installée à nouveau. Il fautintroduire la notion de projet permanent pour maintenir unedynamique de progrès. La notion d’organisation dépasseaujourd’hui le cadre interne de l’entreprise et intègreégalement des formes de communication et d’interactionavec certains aspects de l’environnement externe8. Lesenquêtes de terrain indiquent que les innovationsorganisationnelles sont une réalité et que le problème decertains chercheurs est de cerner leur sens pour éviter ledésordre qui règne au niveau de l’interprétation desmutations observées (Moati, 1997)

Concernant les formes organisationnelles, la littératureest suffisamment riche pour apporter des éléments deréponse aux praticiens. Les chercheurs dans ce domainesont aptes à mobiliser des cadres d’analyse intégrant desaspects politiques, matériels et cognitifs de la dynamiquedes configurations organisationnelles. Même s’il y a desformes organisationnelles qui sont présentées comme dessources de réussite, dans la pratique les entreprises s’endémarquent et font preuve d’originalité dans le traitementdes dilemmes de coordination auxquelles elles sontconfrontées (Beaucourt, 1996). On considère avec cettedernière que «les formes organisationnelles relèventautant des logiques d’investissements extérieurs que desmodalités d’insertion et d’interaction des acteurs au seindes entreprises concernées». Il semble que laproblématique organisationnelle ne se pose plus dans cestermes pour les entreprises et le plus difficile pour ellesc’est d’en prendre conscience. Elles ont pu tolérer lesdégâts humains du taylorisme tant qu’ils ne mettaient pasen cause leur production. Ceux-ci deviennent moinsfacilement acceptables à l’heure où l’entreprise a besoin,face en particulier à la concurrence internationale, detravailleurs motivés, responsables, exerçant pleinementleur intelligence à propos de leur métier, développant unevue d’ensemble de leur travail (Weiszfeld, Roman etMendel, 1993).

3. Le style de management

Cette dimension devient de plus en plus importante dansun contexte où la pensée rationnelle du dirigeant n’a plustoute la puissance qu’on lui prêtait naguère (Laroche etNioche, 1994). L’évolution des entreprises impose auxdirigeants d’avoir une perception globale des problèmeset d’être capables de cerner les facteurs de changement

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afin de bâtir leurs stratégies. Pour cela, il faut qu’ilspossèdent des qualités de leaders et de managers. Dansles organisations, il faut constituer au bout d’un momentune base de connaissances personnelles pour pouvoirfaire confiance aux autres et communiquer efficacementavec eux (Drucker, 1988).

Le style de management revêt une importance capitale etson impact doit se faire sentir dès l’accueil des salariés. Ledirigeant doit commencer par s’assurer que les candidatsretenus pour un poste comprennent bien leur mission. Lesdécisions concernant le personnel révèlent les compétencesdes dirigeants, leurs valeurs et le sérieux avec lequel ilsaccomplissent leur travail (Drucker, 1988). Le style demanagement indique la manière dont on gère ses salariés etle type de relations que l’on instaure avec les partenaires del’entreprise. Il est très important notamment dans lesorganisations qui veulent développer le travail en équipe oul’organisation par projet. Le manager doit veiller à ce queles normes de l’entreprise n’entravent pas l’expression destyles personnels sans pour autant libérer les différences aupoint de laisser foisonner des individualités impossibles àgérer (Le Saget, 1992).

Le style peut être une source de contradiction pouvantdétériorer la qualité du climat social et exercer uneinfluence négative sur la qualité de gestion des compétencesdans l’organisation. Deux comportements contradictoirespeuvent être identifiés (Beaucourt, 1996). Le premiercomportement consiste à indiquer les tentatives devalorisation des compétences lorsqu’elles sont un atoutstratégique pour l’entreprise, et au contraire à les nierlorsqu’elles suscitent des comportements routiniers ou deshabitudes de fonctionnement jugées rigides. Le secondcomportement consiste à s’opposer à tout changementorganisationnel. Les travaux existants montrent que cecomportement est presque naturel dans l’évolution desorganisations9. Les dirigeants seront amenés à développerdes stratégies de défiance tactique par rapport à laflexibilité. Au moment de leur transformation, lesentreprises sollicitent l’engagement et l’adaptation de leurssalariés ; en revanche, quand le changement est acquis, ellesreviennent à des formes plus rigides favorisant le pouvoirdes décideurs. Ainsi, en cherchant à se protéger, les salariéscontribuent à la méconnaissance des mécanismes informelspar la hiérarchie, mais la tendance de cette dernière àdévaloriser les modes de fonctionnement qu’elle n’a pascontribué à définir alimente également cette ignorance(Koenig, 1999).

Pour réduire le volume des diverses contradictionsindiquées, il faut considérer le style de management dans sadouble dimension individuelle et organisationnelle (Blakeet Mouton, 1987). Selon ces derniers, sur le plan individuel,le style de management se définit comme la façon dont unmanager utilise ses propres ressources ainsi que les

ressources matérielles et humaines dont il dispose, et sur leplan de l’organisation, il correspond au style de culture quiva déterminer l’efficacité de l’utilisation des ressourceshumaines et du capital technique, mesurée en termes deproductivité et de satisfaction du personnel. Cettedimension est primordiale dans la mesure où les entreprisessont trop exigeantes à l’égard de leurs salariés. Ellesdemandent en plus d’un savoir-faire et d’un savoir être, unvouloir-faire10. Dans cette perspective, le dirigeant a besoinde savoir utiliser son intuition et d’être apte à repérer lesleviers sur lesquels agir pour donner satisfaction auxaspirations des salariés et aux exigences de l’entreprise.

4. Pertinence de la vision théorique

Une vision à court terme pose des problèmes d’ajustementset de régulation des activités de l’entreprise. Ainsi,l’organisation devient un lieu propice cultivant lesincohérences génératrices de troubles et favorisantl’inefficacité des actions correctrices. Cette situation peut sedévelopper du faiut de l’absence d’une forme créatrice derepères, ce qui amène à prendre en compte une série dedétails peu importants. La cohérence managérialerecherchée doit conduire à un apprentissage de constructionformelle pour économiser les énergies indispensables à lasurvie et au développement de l’entreprise. Unedétermination intelligente des cadres d’action, à partird’expériences et du vécu organisationnel, canalise les forceset les ressources rares et les oriente vers plus d’efficacité etde progrès.

En partant des travaux fondateurs de E. Penrose, on utilisela notion de système de ressource qui, à travers unedynamique propre, constitue avec l’environnementextérieur un facteur de développement de l’entreprise. Lavariable organisationnelle apparaît comme une variabled’ajustement fondamentale. Les choix stratégiques ainsique le style de management gagneront en clarté etévolueront positivement à condition que l’organisation desactivités productives de biens ou de services puisse êtretoujours réinventée pour assurer son rôle d’élémentrégulateur, voire stimulateur. Cette tentative est nécessairepour ne pas favoriser une mesure disponible, mais aucontraire privilégie des concepts d’analyse ayant reçu unsupport théorique et permettant d’envisager de manièresatisfaisante le problème traité. Sur le plan méthodologique,nous pouvons améliorer notamment la qualité des résultatsempiriques en étudiant la nature des liens existant entre lestrois dimensions. La méthodologique retenue consiste àrecueillir des informations auprès de dirigeants chargés demettre en place les principaux choix de l’entreprise etcapables d’indiquer la structure correspondante de leur miseen œuvre. Les propos ainsi recueillis ont été ensuiteconfrontés aux informations obtenues à partir du vécu desresponsables des différents services.

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Les interactions entre la stratégie et les ressourceshumaines précisent essentiellement la nature descompétences qu’il faut préserver et développer, les liensentre la structure et les ressources humaines indiquentque la compétence est un attribut inséparable dessituations concrètes du travail et enfin les relations entrele style et les ressources humaines se matérialisent àtravers les modes de motivations et les incitations dedépassement de soi. Ce cadre d’analyse, même s’ils’inscrit dans une logique valorisante des ressourceshumaines, ne doit être considéré ni comme la solutionidéale ni comme l’origine des difficultés. Au contraire, ilpeut être soit un support favorisant le développement del’entreprise à partir de ses propres compétences, soit unmoyen favorisant le dialogue nécessaire à la recherche desolutions négociées. Les exemples ne manquent pas.Celui des Ciments Lafarge montre que la volontéorganisationnelle, quand elle trouve le courage des’exprimer clairement, aboutit à des solutions réellementspectaculaires. Autre exemple, Citroën, qui apportemême à ses fournisseurs son savoir-faire en matièred’organisation pour améliorer leurs compétences et créerainsi une sorte d’harmonie entre son propredéveloppement et le développement de ses partenaires.Certains développements théoriques semblent d’ailleursaller dans ce sens. Par exemple, Lorino et Tarondeau(1998) avancent qu’une réflexion sur la stratégie en tantque processus n’est pas du tout en contradiction avec lesthéories de la ressource. Ainsi, nos propos rejoignentd’une certaine façon leur conclusion dans la mesure où ilsconsidèrent que les processus stratégiques sont créateursde valeur et visent à modifier les conditions du mode decouplage firme-environnement en exploitant desressources et des compétences pouvant dans certains cas,générer des avantages compétitifs durables. Autrement

dit, la notion de processus stratégique associe fortementles structures internes aux exigences externes qu’ellesdoivent satisfaire ; cela crée les conditions favorables àl’apprentissage, à la réactivité et à l’anticipationnécessaires surtout en cas d’incertitude, voire decomplexité.

III. Articulation stratégie-ressourceshumaines dans une agenceimmobilièreAprès avoir abordé les questions relatives à laméthodologie (1), nous présenterons les résultats del’enquête et leurs interprétations (2 et 3).

1. Méthodologie de la recherche

Le choix de l’entreprise étudiée peut s’expliquer par deuxprincipales raisons. La première est de nature analytiquetandis que la seconde tient à l’importance du secteur desservices dans l’économie actuelle. D’une part, en termesd’analyse, cette entreprise est peu étudiée, ce quipermettra de cerner l’action managériale à la fois dans sescontradictions et ses cohérences tout en laissant peu deplace aux a priori et aux représentations personnelles duchercheur. D’autre part, elle fait partie du secteur desservices qui, en termes de capacité et de volontéd’investissement, l’emporte sur les activitésindustrielles11.

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SCHÉMA (1)

Les contours du cadre d’analyse relatifs à une meilleure intégration des compétences

Structure

StyleStratégie

Compétences

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En ce qui concerne le choix de la méthode de collected’information, nous avons délibérément écarté une étudede cas classique. Dans une étude de cas, on ne peutqu’analyser l’existant et on se place en observateurcontemplatif d’une situation (Avenier, 1989). Par rapportà la problématique étudiée, une méthodologie accordantbeaucoup de place aux représentations que lesindividusont de la réalité qu’ils vivent reste tout de mêmefructueuse. Il ne s’agit pas de considérer les propos desindividus comme des sources d’information sans failles,mais d’admettre que le construit organisationnel est unpur résultat des rapport sociaux qui se nouent entreacteurs. Un tel postulat permet de montrer leschangements de forme selon la diversité des sensconstruits pour légitimer ce qui existe12.

Quant au processus de collecte et de traitement del’information, il s’est déroulé en trois étapes. D’abord, lacollecte de l’information a débuté par un entretien nonstructuré avec le directeur de l’agence. L’analyse decontenu thématique de cet entretien, nous a permis dedéterminer un contenu pour chacune des trois dimensionsde l’étude. Ensuite, les items regroupés en trois pôles(Stratégie-Strucutre- Style) ont servi de trame pour bâtirun guide d’entretien structuré. Celui-ci devait permettreune collecte d’information globalement homogène auprèsdes salariés et envisager par la suite une confrontationavec le discours du dirigeant. Ainsi, l’ensemble dessalariés de l’agence ont été interrogés séparément et lesentretiens ont duré au moins 30 minutes. Les entretiensont été enregistrés, et ils ont fait l’objet d’une analyse decontenu thématique. Enfin, à partir des deux étapesprécédentes et en s’appuyant sur les expressionsthématiques dégagées à travers toutes les réponsespossibles, on a identifié au total 131 items. On peutégalement préciser que ces expressions thématiques serépartissaient autour des trois pôles de façon à peu prèséquilibrée13.

2. Les représentations du dirigeant et des salariés

Le but n’est pas de repérer une juxtaposition de penséemais de considérer l’existence d’un système de penséecommun qui définie et articule les différents aspectsconcernant les questions stratégiques auxquellesl’organisation est confrontée. Pour atteindre un telobjectif, nous avons décidé de confronter qualitativementet quantitativement la vision des salariés avec celle dudirigeant de l’entreprise. Une telle démarche nous apermis de retenir une certaine vision du développementstratégique et une certaine vision de la firme. Nous nousinscrivons ainsi dans une logique de développementincrémental, où les nouvelles actions stratégiques

s’ajoutent aux précédentes et à l’ensemble plus ou moinsbien consolidé des actions stratégiques passées (Lorino etNioche, 1994). Dans cette perspective, l’organisationreste convenablement associée à son environnementgrâce à la qualité de sa structure cognitive centrale. Laprofondeur d’une éventuelle inadéquation provoque laremise en cause de la trame culturelle en présence et laremise en question de ceux qui la portent, conduisantainsi à une révolution stratégique. Nous sommes dans unelogique stratégique où les repères sont constamment misà l’épreuve par l’ensemble des membres del’organisation.

2.1. La notion de compétenceCompte tenu de la nature du débat sur la notion decompétence, il serait utile d’indiquer la manière dont elle estperçue par nos interlocuteurs, ainsi que le mode adopté poursa gestion. L’analyse du contenu des discours nous permetde mettre en évidence trois significations attribuées à lanotion de compétence. Premièrement, la compétence peutêtre désignée par l’ensemble des qualités professionnellesnécessaires à la réalisation d’un métier donné. Cette formepeut englober un contenu tacite ; la compétence conduitalors à un résultat ex-post mesuré par des indicateurs dequalité, par le degré de satisfaction des clients, ou toutsimplement par le niveau du chiffre d’affaires réalisécomme c’est le cas en ce qui concerne le servicenégociation. Par rapport au contenu explicite du savoir-faire, c’est la fidélité avec laquelle on applique lesexigences du métier qui constitue l’indicateur de mesure leplus approprié. Certains considèrent que l’entreprise a uneresponsabilité à ce niveau car le désir et la volonté dessalariés de progresser ne suffisent pas à eux seuls. Ilssuggèrent que l’entreprise doit aider en fournissant desmoyens matériels et en aménageant le temps de travail14.Selon Tremblay et Sire (1999), ces propos vont dans le bonsens en considérant que ce type de compétences peut êtreacquis par la formation et le développement personnel.Deuxièmement, la compétence comme un contenu objectifet subjectif de savoir-faire renvoie à la fois à la nécessité demaîtriser un savoir-faire bien déterminé et aux effortsdéployés par les salariés ou aux exigences qu’ils ont vis-à-vis d’eux-mêmes pour personnaliser un contenu standard detravail. Enfin, la compétence peut être perçue commerelation de confiance et de reconnaissance à l’égard desupérieurs hiérarchiques. Les normes de qualité sont alorsconsidérées comme des référentiels d’action qui sesubstituent en partie à la coordination hiérarchique. Dans lapremière approche de la compétence, on retrouve d’une partdeux dimensions de la classification des compétencesproposée par McClellend (1973) à savoir les «knowledge»et les «skills», et d’autre part la notion de «hardcompetences» développée par Spencer et al. (1990). Lasuite des perceptions du concept de compétence complète la

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typologie de McClellend (1973). Ainsi, la deuxième visionse rapproche des notions de «behaviours» et de «traits»,tandis que la troisième semble évoquer l’idée de «motives».La deuxième et la troisième approche relèvent de ce queSpencer et al. (1990) appellent les «soft competencies».

Ce cas semble confirmer la stérilité du débat à propos del’organisation qualifiée ou qualifiante. La distribution desrôles s’effectue au travers de mouvements decompétences initialisés par l’entreprise elle-même via dedémarches suffisamment flexibles.

2.2. La dimension stratégiqueLes thèmes caractérisant le discours du dirigeant auniveau de l’orientation stratégique de l’entreprise mettentla ressource humaine au premier plan. Cela ne paraît pasprovisoire car l’activité est bien engagée et les projets dedéveloppement s’inscrivent plutôt dans la continuité. Lavision stratégique globale du dirigeant indique quel’entreprise a acquis une maturité lui permettantd’identifier avec plus ou moins de précision lescompétences qu’elle doit développer. Les propos tenuspar le dirigeant ne laissent aucun doute au développementdes compétences existantes et aux possibilitésd’acquisition de nouvelles qualifications. Il est clair quedans cette entreprise, le sens de la notion de compétencerelève entièrement de la vision stratégique de l’entreprise.

D’ailleurs, on ne peut qu’être surpris de constater que lescaractéristiques de l’environnement favorisent unecertaine forme de solidarité entre les dirigeants et lessalariés. En effet, il faut toujours satisfaire les clients, ycompris les plus récalcitrants, et faire face à une certainemauvaise image du métier due à l’impression du gainfacile qu’il véhicule. Nous pensons que le contexte dusecteur pousse les différentes agences à développer desstratégies similaires, basées sur le développementautonome, et ne diffèrent que dans la façon dont ilconstruisent cette trajectoire et le rythme à travers lequelils parviennent à accéder aux ressources rares. Ce sontsurtout les caractéristiques de la coalition dirigeante enplace dans chaque agence qui fera la différence en termesde conservation et d’acquisition des compétences.

Dans le cas étudié, il paraît qu’il n’y a pas de souci à sefaire au moins à court terme. Les salariés se perçoiventcomme étant au cœur de l’activité de l’entreprise. Ilsutilisent des termes indiquant les rôles de conseil, detransmission de l’image de l’entreprise, et la nécessitéd’entreprendre en valorisant un patrimoine. En effet, leclient reste au centre de leurs préoccupations et ladiversité des activités apparaît dans ce contexte commeincontournable dans la mesure où elle facilite sasatisfaction. La forte intégration des activités garantit lapérennité de l’entreprise et assure la fidélité de la

clientèle. Ceci est d’autant plus vrai dans un secteur quin’a de raison d’être qu’à partir de sa capacité d’obtentiond’un nombre conséquent de produits. Ce qui lui permetd’offrir un choix intéressant aux clients. D’ailleurs, oncherche à développer au maximum les «produits captifs».C’est-à-dire qu’on vise à mieux satisfaire l’acheteur pourqu’il devienne une source d’approvisionnement lorsqu’ildécide de vendre son bien.

Les trois activités n’ont rien d’hasardeux aux yeux dessalariés ; la complémentarité entre les services est vécuecomme une évidence et semble même avoir desavantages pour les salariés. La diversité des activitésfavorise la découverte d’autres facettes du métier, créedes opportunités de carrières, fait gagner du temps,enrichit les expériences des individus et rend possiblel’atteinte d’une taille humaine15. Plusieurs salariés vontjusqu’à la concevoir comme un moyen d’envisager desprojets de mobilité professionnelle. Une minorité insistesur son caractère attractif et avantageux pour les clients.

L’amélioration des compétences des salariés se concrétiselorsque l’entreprise combine trois effortscomplémentaires : mobilisation des moyens matériels etfinanciers (outils de travail et la formation), mise enœuvre d’un cadre organisationnel adéquat (favorisantl’autonomie des salariés et développant l’esprit deresponsabilité), et utilisation de certaines qualitésmanagériales favorisant l’écoute mutuelle et l’ententeentre l’ensemble des salariés. Ce troisième type departicipation se trouve renforcé par le fait que les salariésconsidèrent leur environnement de travail commefavorable au progrès et au développement descompétences. En effet, les individus mettent l’accent surles manœuvres stratégiques de l’entreprise telles que lesfusions ou les rachats d’agences réalisées ou en cours, lacirculation de l’information et les moyens mis en placeainsi que la qualité des relations au travail. Il estintéressant de remarquer que les quelques interlocuteursmécontents du style du management considèrent quel’effort de l’entreprise concernant l’amélioration descompétences, non comme une réalité, mais comme unensemble de promesses non tenues.

La première forme de participation revient le plussouvent dans les propos tenus par l’ensemble des salariés.La seconde forme mérite d’être nuancée. Même si elle estconsidérée comme un cadre propice au développementdes compétences, dans la mesure ou elle encouragel’apprentissage sur le tas ou introduit de nouvellesméthodes de travail acceptées par les salariés, il faut queles dirigeants soient capables d’apprécier jusqu’où onpeut aller dans le maintien de cette voie et à quel momentil faut envisager les acquisitions de nouvellescompétences par la voie du recrutement. On considère

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que cette entreprise a réussi sa stratégie d’intégration, etque le moment est venu pour elle de se concentrertotalement sur ses activités. Sa priorité demeurel’amélioration de ce qui existe. Dans cette perspective, leschoix stratégiques effectués par l’entreprise semblentpréserver les intérêts des salariés et ceux de l’entreprise.On peut admettre, avec prudence, les facultés de cetteagence immobilière en matière de stratégie même si ellene dispose pas de la panoplie correspondante des outils dediagnostic et d’analyse de l’environnement. Globalement,la stratégie consiste à étendre le plus possible la gammedes services offerts, et exprime la représentation quel’agence immobilière se fait des attentes des clients plusqu’elle ne résulte d’une analyse systématique desdonnées du contexte pour laquelle l’outillage fait défaut.Nous pensons que même si l’entreprise définit son métierpar rapport à une analyse interne visant à rechercher lescompétences spécifiques, il faut qu’elle arrive à faire lepas vers une analyse externe qui lui permettra uneidentification plus objective des facteurs clés de succès.

2.3. La dimension organisationnelleSur le plan organisationnel, trois lectures sont possibles. Lapremière vision est stratégique dans la mesure où elles’intéresse au couplage entre l’entreprise etl’environnement. En mettant l’accent sur une dimensioncomportementale à la fois individuelle et collective16 ainsique sur certaines pratiques conventionnelles dans le secteur,elle confirme la maîtrise du métier évoquée précédemment.La deuxième vision accorde à la notion d’organisation lesens d’entité économique. En soulignant l’évolution del’entreprise d’un statut artisanal vers un statut d’entreprise,elle renforce également les propos relatifs à la stratégie.Enfin, la troisième vision aborde la notion d’organisation entant qu’agencement d’entité. Ce dernier sens mérite à notreavis une attention plus particulière. Selon les modalitésobtenues lors de l’analyse, il nous semble que ce sensinterfère à la fois avec le style et avec la stratégie. Leparrainage des nouveaux arrivés, la délégation et lapolyvalence s’associent davantage avec le style demanagement17 tandis que la qualité renvoie à la réalisationdes activités, donc à la stratégie.

En décentralisant son contrôle au plus près descompétences nécessaires pour prendre les décisions,l’entreprise semble suivre les recommandations relativesà la mise en place du changement organisationnel. Ainsi,on repère les règles existantes en combinant unraisonnement qui part des acteurs et un autre quiredescend vers eux afin de contextualiser l’ordreconstruit, on agit ensuite sur les énergies ou les niveauxde sens en dégageant des disponibilités psychologiques etorganisationnelles au profit du changement, et enfin onlaisse une certaine incomplétude des règles et des modes

d’ajustement, ce qui conduit au maintien permanent desprocessus de négociation. Cette démarche favorisel’apprentissage collectif, mais une responsabilisationaccrue de certains salariés ouvre la voie à la dépréciation,voire à l’exclusion, des personnels à faible valeurstratégique. Ce qui n’est pas sans incidence sur la qualitédu climat social.

2.4. Le style de managementEn tant que lieu de réalisation des performances,l’entreprise impose d’une certaine façon a ses salariés derechercher la meilleure façon de devenir efficace. Le styleest considéré ici comme étant un plus par rapport au cadreorganisationnel. Il constitue le moyen par lequel ledirigeant peut faire accepter aux salariés la réalisationd’objectifs élevés pour obtenir un rendement qui dépassel’exécution minimale dont doit se contenter celui qui n’ad’autre ressource que l’autorité formelle (Aubert, 1991).Le style de management se caractérise par un certainéquilibre tout au moins d’après les items issus del’analyse du discours. D’un côté, on fait preuve d’uneouverture totale en allant jusqu’à exprimer sa volonté desupprimer les barrières hiérarchiques, et d’un autre côtéon indique la nécessité du rappel à l’ordre. Ce constatrejoint les observations de Fiedler (1972) qui estimequ’un style directif convient aux situations extrêmes alorsqu’un style orienté vers la relation interpersonnellecorrespond davantage à des situations intermédiaires.C’est-à-dire pour les subordonnés que la situation n’est nisuffisamment bonne, ni suffisamment mauvaise pourjustifier un style autoritaire. Dans ce cas, il faut composeret surtout convaincre (Aubert, 1991).

Une telle orientation va tout à fait dans le sens de lalocalisation des compétences. D’ailleurs, on peut sedemander à quel point la compréhension du métier peutavoir une certaine incidence sur le style ? En outre, il n’ya aucun doute quant à l’interférence du style avec le cadreorganisationnel. On peut même ajouter qu’il y a unecohérence entre le type voulu de coordination des tâcheset les formes d’incitations suivies. Autrement dit, ledirigeant affirme clairement qu’il encourage ses salariés àprendre des responsabilités tout en tolérant le droit àl’erreur, voire en prenant leur défense en cas de nécessité.

3. Confrontation des représentationssalariés-dirigeant

La confrontation quantitative a nécessité un travailsupplémentaire de préparation. L’analyse de contenu apermis de déterminer l’ensemble des réponses possiblesconcernant les trois dimensions de notre approche.Ensuite, l’équilibre constaté entre les variablescaractérisant les trois pôles et l’analyse de l’articulation

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Fournir les moyens (org)Apporte le chgt (org)

Moyen matériels (s)Bon cadre (s)

Rel. confiance (st)Professionnels (st)Concertation et com (org)

stratégie-ressources humaines, nous ont amené àconstruire un tableau de contingence de (131x12) avec uncontenu binaire afin de pouvoir utiliser une analysefactorielle de correspondance. Précisons que la taille del’échantillon ne justifie pas par elle-même le recours àune quelconque méthode statistique. En revanche, lenombre de variables dégagées par l’analyse de contenuest suffisant et une utilisation de méthodes statistiquesappropriées pourrait permettre au chercheur d’apprécier,surtout si cela fait partie de ses objectifs, les liens pouvantexister entre le style, la stratégie et la structure.

Ainsi, pour effectuer une comparaison entre les propos dudirigeant part et et ceux des salariés, il nous a semblénécessaire de réaliser cette pondération afin d’attribuer unpoids identique aux deux parties. Nous avons transforméle précédent tableau de contingence pour obtenir unematrice (131x2) au lieu de (131x12). Pour arriver à cerésultat, nous avons pondéré les réponses du dirigeant enmultipliant par 11 et en faisant la somme des réponses des

salariés. Ceci est plus ou moins conforme à l’approchecognitive de la stratégie dans laquelle le contenu et lesmécanismes de la pensée du dirigeant constituentl’unique clef ou presque du processus stratégique(Laroche et Nioche, 1994). Cette transformation nous apermis de réaliser une AFC sur un mono-axe (fig. 2).Cette méthode présente l’avantage de synthétiser et dediscuter l’ensemble de l’information. Chaquecombinaison individu/variable est en relation avecchacune des autres mais aussi avec l’ensemble des autres.Sur chacune des extrémités de l’axe se positionnentrespectivement le dirigeant et les salariés. Quant lesexpressions thématiques sont proches du centre de l’axe,on conclut qu’il s’agit d’un consensus, et inversementdans les autres cas.

Nos interprétations se limitent ici aux objectifs derecherche fixés. Dans cette optique, il est intéressantd’observer les zones de consensus et les zones dedésaccord dirigeant -salariés et salariés-dirigeant.

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FIGURE (2)Confrontation de la vision du dirigeant avec celle des salariés

Changement est naturel (org)Organ. adaptée (org)

Qualité = contraintes (org)Objectifs surélevés (org)

Influence du dirigeant (org)Répartition des missions (org)Approbation des salariés (org)

Qualité bénéfique (org)Capacité d’initiative (st)

Désir d’agir (st)Rép. aux besoins(s)

Relation/motivation (st)Délégation réalité (st)Info. amélioration (st)

Compréhensif (st)Délégation importante (st)

Info. circule (st)

Objectif qualité (s)Effectif (s)

Complémentarité (s)Exécutant (s)

Les salariés sont en oppposition avec leur dirigeant

Le dirigeant est en position consuelleavec les salariés

Le dirigeant est en consensus relatifavec les salariés

Le dirigeant est en opposition totaleavec les salariés

Salariés

Dirigeant

0

8Organisation (s)Qualité (s)

Formation (s)Choix (s)

Apprentissage (s)

Indique lignes (org)Responsabilité (s)

Formation (s)Gamme sces (s)

Impose son mode (org)Changement (s), Recruter (s)

Remise en cause (s)Encourage initiative (org)

Délég. Compétence (st)Initiative (st)Confiance (st)

Droit à l’erreur (st)Amélioration (st)

Responsabilité (st)Compétence (st)

Contact facile (st)Autonomie (st)t obj (st)

5,88

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3.1. Les zones de consensus

Nous distinguons ici deux cas. Le consensus net et leconsensus relatif.

3.1.1. Le cas du consensus net Le style réserve une place importante à la délégation dupouvoir et tout le monde s’accorde à souligner soncaractère réel et permanent. Elle s’exerce plutôt dans uncontexte relationnel détendu et riche où chacun s’estimeperdant si les rapports entre les salariés sont amenés à sedégrader. La compréhension existe dans les relationsentre le dirigeant et les salariés mais les rapportshiérarchiques demeurent présents. La nécessité deréserver une place au progrès dans ce domaine esttotalement partagée. Par exemple, même si l’informationcircule, on reconnaît que son processus mérite d’êtreamélioré. Globalement, on observe un style classiqueconforme aux situations plus ou moins stables avec uneorientation favorisant un jeu gagnant-gagnant.

Le caractère diversifié du métier de l’entreprise est perçucomme exclusivement pourvu d’avantages. Pour ledirigeant son intérêt réside dans les retombées en termesd’image suite aux possibilités de création d’emplois, etpour les salariés, il permet d’élargir le champ desrelations professionnelles, pour qu’elles deviennent plusriches. Cette vision positive provient certainement d’uneperception commune de la complémentarité des activités,toute dispersion ou anarchie est ainsi définitivementécartée des esprits. Une telle situation n’a pas uncaractère provisoire dans la mesure où l’entreprisemobilise les moyens et offre un cadre propice à l’exercicede son métier. D’ailleurs, dans ces conditions il n’est pasétonnant de constater une certaine unanimité des acteurspour avancer que la compétence permet à celui qui ladétient de dépasser les objectifs chiffrés.

Enfin, concernant la structure, l’entreprise est considéréecomme ayant un rôle fondamental dans la déterminationdes modes organisationnels. Pour pouvoir parvenir à jouerce rôle, elle doit indiquer les voies à suivre, apporter lesidées et mettre à la disposition des salariés les moyensaccompagnant le fonctionnement retenu. Les moyensdoivent être également immatériels et poussent ainsil’entreprise à favoriser la concertation et la communicationtout en veillant à l’adéquation entre l’organisation mise enplace et l’évolution de l’environnement.

La zone de consensus semble mettre l’accent sur laresponsabilité de l’entreprise en matière de développementde ses ressources humaines. Cette responsabilité ne peutêtre respectée que si elle se manifeste à chaque moment oùl’entreprise est amenée à prendre des décisions stratégiques.

3.1.2. Le cas du consensus relatifLe dirigeant considère les salariés comme desprofessionnels et adopte un style de management quifavorise la création de relations de confiance. Le métiers’exprime à travers l’ensemble des compétencesmobilisées par l’entreprise. L’enjeu stratégique pourcelle-ci est d’être capable d’améliorer les compétencesdisponibles. Pour y parvenir, elle doit mener des actionssur le lieu de travail (amélioration des conditionsmatérielles de travail) et managériales (formation;organisation qualifiante, exigence qualité). Quant àl’organisation, les indices s’inscrivant dans cette logiquefont allusion à une forme d’organisation laissant uneplace prépondérante à la coordination mutuelle. Lesnormes de qualité sont considérées comme desréférentiels d’action et se substituent en partie à lacoordination hiérarchique.

A la limite, c’est cette approche qui illustre parfaitementl’existence d’une stratégie basée sur les ressources.Même si ces propos ne sont pas totalement tranchés, onne peut que se réjouir de constater cela dans uneentreprise française.

3.2. Les zones de désaccord dirigeant-salariéDans ce cas, le style apparaît dominé par la délégation despouvoirs dans l’organisation. Le dirigeant semble sedistinguer par rapport aux salariés quant au sens qu’ilattribue à la notion de délégation. Pour lui, elle signifiel’autonomie, la responsabilité, la confiance, la compétenceet la capacité à prendre des initiatives et ce contenu doit êtreaccompagné du droit à l’erreur. Il intègre également le faitque les salariés ont besoin d’être rassurés à travers uncontact facile pour qu’ils évacuent la pression et à partird’une évaluation objective de leurs actes. Dans cetteperspective, on s’aperçoit qu’elle est un véritable outil demanagement dans l’esprit du dirigeant. Il est évident que lessalariés ne s’opposent pas à cette vision de la délégationainsi qu’à la manière dont elle est managée. Lacontradiction s’explique plus par la logique spécifiqueadoptée par chacun des acteurs. Le dirigeant s’inscrit dansune approche managériale de la question et les salariés dansune logique que l’on peut qualifier d’individuelle.Autrement dit, les salariés ne s’expriment pas à partir desretombées économiques de la délégation mais surtout àpartir des contraintes qu’elle leur impose.

Le style tel qu’il se dégage de cette position semble mettrel’accent sur la divergence en terme de hiérarchie despriorités entre le dirigeant et les salariés. Il s’agit d’unproblème classique relevant de la contradiction entre lesintérêts des salariés et ceux de l’entreprise. Tout de même,il demeure difficile d’envisager une parfaite adéquationentre les enjeux des uns et des autres. En tout cas, il ne fautjamais fixer cela comme un objectif à atteindre.

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Le dirigeant semble assigner clairement des objectifs entermes d’amélioration voire de création de compétences àla diversité de l’activité. Dans cette perspective, laresponsabilité de l’entreprise est totalement engagée.Celle-ci doit être capable d’inculquer une culture dechangement à ses salariés et le réflexe de remise en causede soi. La démarche est d’abord interne sous forme demise en place des programmes de formation et ensuiteexterne sous forme de recrutement de nouvellescompétences non encore disponibles. En choisissant cettedémarche, il n’est pas surprenant de voir quelquescontradictions en matière de choix organisationnels.Ainsi, l’entreprise opte à la fois pour un dirigisme fixantles grandes lignes à suivre, un encouragement desinitiatives et des libertés pour les individus et les groupes,mais aussi une forme de contrainte en imposant certainsmodes d’organisation.

La contradiction apparaît ici comme un moyen de gérer lacomplexité. Il semble que l’entreprise parvienne àintégrer convenablement des formes de gestionaccompagnant à la fois la stabilité et l’instabilité del’environnement. Peut être l’articulation stratégie-ressources humaines n’est que la condition nécessairepermettant de gérer la complexité.

3.3. Les zones de désaccord salariés-dirigeant

Les divergences concernent le style, le métier etl’organisation de l’entreprise. Par rapport au style, lessalariés indiquent qu’ils ont la possibilité de prendre desinitiatives dans le cadre de leur travail et qu’ils ontconstamment la volonté d’agir lorsqu’ils découvrent lesdysfonctionnements. Ces premières indications, même sielles ne sont pas partagées par le dirigeant, permettent demettre en évidence une appréciation favorable du style demanagement appliqué à l’organisation. Quant à lamaîtrise de leur métier, les salariés considèrent qu’elle semesure à partir de leur capacité à répondre aux exigencesdes clients. Enfin, c’est l’organisation du travail quisemble être le plus grand domaine de désaccord perceptif.Dans la pratique, les divergences constatées à ce niveaune pourront pas être à l’origine de difficultés immédiatesou potentielles. Les salariés approuvent la légitimité dudirigeant en matière de choix organisationnels etreconnaissent la nécessité d’évoluer dans ce domaine.Cette vision est acceptable dans la mesure où ilssoulignent d’un côté la capacité de leur dirigeant à faireles bons choix, et de l’autre côté la présence deconcertations et de prise en compte de leur propos enmatière d’organisation du travail. Le fait de confier àchaque salarié une mission bien précise semble être unbon choix organisationnel même si les salariés arrivent àdévelopper facilement une capacité d’estimation desmoyens nécessaires à l’atteinte des objectifs. Leur propos

concernent la démarche qualité de l’entreprise, semblebien résumer leur vision de l’organisation. Tout enreconnaissant les contraintes qu’elle impose, ilscontinuent tout de même à la considérer commebénéfique à leur entreprise.

En définitif, ce qui est rangé sous la rubrique de lacontradiction ne fait que renforcer l’intégration des troisdimensions dans le fonctionnement de l’organisation etceci même chez les salariés. Ces derniers s’exprimentavec leurs propres termes et cela n’enlève rien à lacohérence du projet de l’entreprise.

ConclusionCe travail, se situe dans une approche constructiviste, etles résultats ou les informations obtenues doivent êtreconsidérés comme des représentations intelligiblesplausibles de phénomènes, destinées à susciter lequestionnement et stimuler la réflexion (Avenier, 1989).L’approche méthodologique que nous proposonsconfronte les visions des salariés et du dirigeant sur desdimensions fondatrices du fonctionnement desorganisations et accorde de ce fait une place importante àl’approche cognitive de la stratégie. Ainsi, notrecontribution se trouve sur une voie prometteuse commel’indiquent Laroche et Nioche (1994) : la problématiquecognitive monorationnelle a permis d’enrichir le modèleanalytique de la décision, l’approche cognitive de lastratégie peut à son tour enrichir notre compréhension desprocessus produisant la stratégie. Il faut envisagerl’utilisation de méthodes pouvant inclure le champ dunon-exprimé, comme le réclame Baumard (1996). Cedernier, en partant des travaux de Nonaka ou Polanyi,avance que le tacite, ce que les acteurs savent sanspouvoir l’exprimer ou sans vouloir l’exprimer, est aucœur de l’entente tout autant que du conflit, au cœur de lacognition tout autant que de la conceptualisation. Entermes de perspectives, il serait utile d’inclure cesméthodes afin de donner tout son sens à l’approchecognitive de la stratégie.

Notre contribution se veut aussi pratique en précisant quele problème de la gestion des compétences se pose plus entermes de cadre d’analyse qu’en termes d’outils. On saitmême qu’il existe des «livres-outils» écrits par despraticiens pour des praticiens (Eray, 1999 ; Ropert etHaspeler, 1996). Globalement, même si ces derniersproposent un dispositif d’outils riche et varié, ils soulèventnéanmoins la nécessité d’aller plus loin dans l’anticipationet dans les moyens afin d’aboutir à une plus grandevisibilité organisationnelle. Bien sûr, il faut continuer àprogresser dans ce domaine en donnant aux solutions

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existantes des conceptualisations intégrées, et des proposqui puissent être validés scientifiquement. Ce travail mérited’être poursuivi dans une problématique généraled’évolution des organisations. Il faudrait pouvoir expliquerles différentes trajectoires d’évolutions d’organisationconfrontées à un contexte similaire, les façon de faireprogressivement adhérer un ensemble d’acteurs à uneorientation stratégique, le rôle des dotations initiales enressources en matière de trajectoire d’évolution et desphénomènes d’inertie qui sont à l’œuvre.

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Notes1 Ces auteurs considèrent le processus comme un

ensemble d’activités organisées en réseau, de manièreséquentielle ou parallèle, combinant et mettant enœuvre de multiples ressources, des capacités et descompétences, pour produire un résultat ayant de lavaleur pour le client externe.

2 Nous renvoyons le lecteur intéressé aux travaux del’auteur pour obtenir des explications sur lesproblématiques de chacun des courants et pour cernerleurs différences les plus significatives.

3 Nous retenons ici la distinction entre ressources etcompétence évoquée par certains théoriciens de laressource comme Lorino et Tarondeau (1998). Laressource peut faire l’objet de transaction tandis que lacompétence ne s’échange pas. Nous entendons parcompétence la ressource qui puise ses forces dans lescaractéristiques du contexte où elle est mobilisée.

4 Les critiques formulées par Castro et al. (1998) à l’égarddu modèle des compétences prouvent que dans cedomaine, on peut même se situer à une échelle sociétale.

5 La pression du marché, les nouvelles exigences desclients ont remplacé la pression des responsableshiérarchiques, encourageant les démarches de fluxtendus et de qualité totale qui ont permis la chassesystématique au travail inutile, aux rebuts, aux stocks,etc. Ces gains de productivité ont permis de supprimerdes emplois sans les remplacer, objectif essentiel desopérations de reengineering (beaucoup plus rentableque l’automatisation, gourmande en capital).

6 Nous pensons à Sylvain Wickham.7 La démarche reste psychologique car il s’agit de

repérer les salariés ayant une mauvaise perception deleur climat de travail et, le cas échéant, les aider à s’ensortir pour qu’ils soient efficaces et motivés.

8 Des travaux empiriques relatifs au contexte françaismettent l’accent sur la multiplicité des configurationsappliquées. La variété des formes en présence a poussépar exemple Moati et al. (1997) de procéder à leurclassification selon qu’elles portent sur l’organisationinterne de l’entreprise ou sur ses relations avec sonenvironnement.

9 On admet que les oscillations entre participation etexclusion des salariés marquent l’impossibilité deconcilier simultanément tous les enjeux (Beaucourt,1996). Cet auteur considère qu’il est possible d’apporterdes réponses aux objectifs à la fois complémentaires etconcurrents que sont la coopération et la créativité. Ellepropose la mise en place de procédures d’ajustementnécessitant en permanence une gestion des significationsproduites par l’action collective.

10 Le Saget (1992) considère que le salarié est bombardéd’informations et de sollicitations, courant toujoursaprès le temps, faisant face aux imprévus, gardant soncalme même sous les assauts d’un client agressif,tenant les délais, prenant les concurrents de vitesse,etc. Elle estime qu’une telle cadence nécessite unsupplément de motivation faisant intervenir toutes lescapacités psychologiques et psychiques des individus.

11 D’après les propos des économistes, on indique mêmeune augmentation croissante, notamment dans lesannées 70 jusqu’à la fin des années 80, de la part destechnologies de l’information dans le stock total decapital par activité (Gallouj et Gallouj, 1996). Cesauteurs indiquent que dans le secteur des services, oncherche à produire de nouveaux services et nonseulement à améliorer l’efficacité ou la qualité desanciens. Dans un premier temps, le secteur desservices, plus que d’autres, apporte sans aucun douteles éléments nécessaires pour tester notre approche.

12 La démarche permet également de favoriser l’émergencede nouvelles formes d’implication et d’utilisation descompétences. Ce point ne relève pas des objectifs decette étude et il ne sera donc pas traité ici.

13 38% des items sont liés à la stratégie, 32% àl’organisation et 29% au style de management.

14 Le service gestion de patrimoine indique que dans leprocessus d’acquisition des compétences le salariéjoue un rôle volontairement actif en s’impliquant dansl’élaboration des plans de formation, mais aussiinvolontairement actif en étant poussé par lesimpératifs du travail. Dans ce cas, les salariés estimentqu’ils n’ont pas le choix, et qu’ils doivent faire face aumanque d’effectifs par l’amélioration de leurscompétences en faisant preuve d’imagination.

15 Bien évidement, il faut se placer dans le contexte decette activité économique. Dans ce genre d’activité lenombre de salariés ne dépasse pas dans le meilleur descas 10 personnes par agence. Alors que dans l’agenceétudiée le nombre de salariés atteint 13 personnes etceci grâce au développement de nouvelles activités.Certains salariés plus anciens estiment que lesrelations professionnelles sont désormais plusenrichissantes.

16 La dimension comportementale individuelle etcollective renvoie respectivement aux comportementsdes clients et à l’image du métier.

17 Ceci est d’autant plus envisageable lorsquel’organisation choisie n’est que l’expression d’uncompromis susceptible d’être remis en question dèsqu’il perd sa légitimité.

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La mise en réseau des petites entreprises à l’heure de la mondialisation : le modèle corse

Jacques ORSONIProfesseur à l’Université de Corse,Directeur de l’Institut d’Administration des Entreprises

Une nouvelle vulgate s’est constituée au cours desdernières années; elle magnifie le rôle des petitesentreprises (PE), et se fonde principalement sur lescapacités de réaction et d’adaptation que procurerait unetaille réduite. On considère par exemple qu’à budget égal,les PE innovent beaucoup plus rapidement que lesgrandes entreprises (GE) : le délai moyen de mise enoeuvre d’une innovation serait de deux ans dans une PEet de trois ans dans une GE. Au plan économique, les PEsont réputées plus motivées et plus aptes à saisir lesévolutions locales et à s’engager dans le développementde la région en créant un système «auto-adaptatif’ simpleet efficace. De là à en déduire que 1 ‘heure des PE asonné, que l’avenir leur appartient, il n’y a qu’un pas queles zélateurs du small is beautiful franchissentallègrement, et qu’il convient sans doute de franchir aveceux, mais avec précaution et à condition de ne pas en tirerdes conclusions abusives~ comme celle qui consiste àconsidérer que les GE sont en train de plier sous les coupsdes PE et qu’il suffit d’être petit aujourd’hui pour devenirun vainqueur demain.

En effet, loin d’être le résultat d’un affaiblissement desGE, cette «miniaturisation» des firmes est au contraireprovoquée par les stratégies mises en place par les GEpour adapter leurs activités aux nouvelles conditionsqu’elles ont elles-mêmes créées. Ce phénomène conduit àla mondialisation, que du même coup les GE contribuentà accélérer. Pareilles stratégies se fondent sur l’idéed’extemalisation d’activités. Elles consistent, pour lesGE, à transférer une partie de leurs activités vers d’autresacteurs: des PE prêtes à les accepter et souvent mieux àmême de les accomplir de manière efficace. La notion demise en réseau d’entreprises au sens de maillage desactivités joue un rôle essentiel dans ces stratégies et, parconséquent, dans le processus de mondialisation del’économie. Dans pratiquement tous les secteursd’activité, on assiste depuis quelques années à la mise enoeuvre de telles stratégies qui aboutissent à réduire lesGE, et à leur substituer des réseaux de PE organisésautour de ces GE réduites

Dès lors, se pose la question de savoir comment lesterritoires d’où sont ab- sentes les GE pourront assurerleur développement. Comment nos régionsméditerranéennes, la Corse par exemple, dont l’économien’est formée que de très petites entreprises (TPE) souventarchaïques pourront remédier à l’appauvrissement qui estl’une des causes des maux politiques et sociaux quenombre de ces territoires connaissent depuis desdécennies ?

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I. Hors du réseau point de salut à l’heure de la mondialisationLa mondialisation abolit les anciennes frontièreséconomiques qui coïncidaient sensiblement avec lesfrontières politiques et leur substitue une nouvelle lignede partage qui traverse de manière invisible, mais ôcombien effective, tous les territoires de la planète. Lephénomène sépare les acteurs économiques en deuxcatégorie :

n les entreprises locales qui y participent. Celles-cicontribuent à étendre et à intensifier le processus demondialisation de l’économie, parce qu’elles sontsuffisamment compétitives pour en tirer avantage,croître et se développer, ou, du moins, s’enaccommoder et survivre. Pour ces raisons, nousappellerons ces firmes acteurs de la mondialisation, ouencore acteurs mondialisés; celles qui n’en sont pascapables, parce qu’insuffisamment compétitives, ouacteurs non mondialisés.

De même, le terme marché, tel que nous l’entendons ici,désigne le volume de biens ou de servicescommercialisables dans un secteur donné, chacun desmarchés du territoire étant divisé en deux parts :

n la part mondialisée, conquise par des acteurs de lamondialisation locaux et non locaux, qui ne cesse decroître en raison de la compétitivité supérieure de cesacteurs ;

la part non mondialisée, qui ne cesse de diminuer, ce quifait des acteurs locaux non mondialisés des victimespotentielles de la mondialisation.

On peut alors parler de mondialisation d’un territoire dedeux points de vue: celui des marchés et celui des acteurs.Plus les marchés d’un territoire sont mondialisés plushaut est le niveau de vie moyen de ses habitants. Plus lesacteurs d’un territoire sont mondialisés, plus il estéconomiquement développé, et, en particulier , meilleurey est la situation de l’emploi. Il est essentiel cependant debien comprendre ce qui différencie acteurs et victimespotentielles de la mondialisation. Il est clair que c’est surle terrain de la compétitivité que s’opère cettedifférenciation. Les acteurs de la mondialisation sont lesGE et des PE qui ont su ou pu s’intégrer dans desstratégies d’externalisation de GE, alors que les victimespotentielles de la mondialisation sont des PE qui n’ensont pas capables.

A. La compétitivité dans le contexte de la mondialisation

La compétitivité, c’est d’abord la productivité, quiconsiste, dans le sens en- tendu ici, à assurer à toutmoment aux produits une qualité et des prixconcurrentiels dans les marchés où l’on opère. Mais laproductivité ne peut plus être aujourd’hui le seul critèrede la compétitivité. L’environnement des entreprises,surtout leur environnement économique, mais même leurenvironnement institutionnel et administratif, est de nosjours caractérisé par une instabilité et une complexitécroissantes qui résultent de la mondialisation. Lesmarchés en particulier constituent un environnementhautement évolutif dans lequel aucune position, sifavorable soit-elle à un moment donné, ne peut êtreconsidérée comme définitivement acquise. Il faut savoirs’y remettre en question en permanence et faire évoluerl’offre et la productivité en temps voulu et dans ladirection souhaitée. Dans un tel contexte, la survie et ledéveloppement des entreprises dépendent de plus en plusde leur capacité à réagir, à créer et à restructurer leursactivités rapidement.

L’efficacité qui est exigée des appareils productifs etcommerciaux d’une entreprise pour assurer le niveau deproductivité requis ne va pas sans une gestion rigoureuseau quotidien, ou «gestion opérationnelle» de l’entreprise.Mais, avoir à un instant donné la productivité voulue nepeut plus assurer qu’à court terme la compétitivité d’uneentreprise et ne saurait garantir à moyen et long terme nisa survie ni, a fortiori, son développement. Ceux-ciexigent de la part des dirigeants de pou- voir prendre enpermanence les bonnes décisions à moyen et long termeen ce qui concerne d’une part les produits et les marchésde l’entreprise et, d’autre part, l’organisation et lesressources nécessaires de tous types, en particulier lesressources humaines, les compétences et les métiers.Prendre de telles décisions, c’est-à-dire définir etredéfinir en permanence la stratégie de l’entreprise, estaujourd’hui la préoccupation et la tâche premières desdirigeants de toutes les grandes firmes et de bon nombredes dirigeants de PME-PMI. Une telle activité constituel’objet d’un second type de gestion de l’entreprise, lagestion stratégique. Une entreprise qui se veut pleinementcompétitive ne peut plus se contenter de pratiquer la seulegestion opérationnelle, fût-ce de la manière la plusrigoureuse et la plus efficace. Il lui faut également mettreen oeuvre la gestion stratégique de façon permanente etsystématique. Les grandes entreprises y consacrentd’ailleurs des ressources humaines et techniques trèsimportantes. C’est cette double pratique de la gestionstratégique et de la gestion opérationnelle que le motmanagement désigne aujourd’hui, le terme gestiontendant, lui, à désigner de plus en plus la seule gestion

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opérationnelle, c’est- à-dire la gestion à court termeseulement. il résulte de ce qui précède que touteentreprise qui se veut un acteur de la mondialisation doitêtre «managée», c’est-à-dire bénéficier de la gestionstratégique, et que toute entreprise qui n’est que «gérée»,en d’autres termes qui ne bénéficie d’aucune forme degestion stratégique, est à terme une victime potentielle dela mondialisation.

L’obligation dans laquelle la mondialisation a mis lesempires industriels de maintenir et, si possible,d’accroître leur compétitivité les conduit à abandonnerl’organisation pyramidale, trop rigide de la très grandeentreprise, car cette structure est devenue insuffisammentréactive. Empire signifie désormais avant tout chiffred’affaires, ou parts de marché, ou profits, ou unecombinaison de ces trois paramètres, et nonnécessairement comme auparavant la possession enpropre de tous les moyens techniques et humainsnécessaires. La quête permanente de la com-pétitivité desempires qu’elles contrôlent conduit les GE à mettre enoeuvre des stratégies de réaménagement des activités qui,souvent, consistent pour elles à se concentrer sur leursmétiers en abandonnant ou en externalisant les activitésqui ne leur semblent pas y être directement attachées. Ilen résulte que les empires indus- triels adoptent de plus enplus souvent la forme plus souple, plus réactive, plus«auto-adaptative», et donc plus compétitive, d’un réseaud’entreprises organisé au- tour d’une GE. Dans un telréseau, un premier niveau de maillage peut être discernéqui correspond aux relations nouées entre la grandeentreprise et ses satellites, des PE chez lesquelles ont étéexternalisées une partie plus ou moins importante desfonctions de production (les PME-PMI sous-traitantes) etde commercialisation ( distributeurs ou concessionnaires)

Un second niveau de maillage correspond àl’organisation que la GE elle- même tend de plus en plusà adopter et qui fait d’elle une «entreprise-réseau», à sa-voir celle d’un réseau d’unités (départements, divisions,filiales, etc.) de la taille d’une PE, dotée d’une autonomiede gestion aussi grande que possible. Un niveau supérieurde décision subsiste toutefois, celui de la directiongénérale, qui coiffe l’ensemble des unités, et dont lamission consiste à élaborer une stratégie d’ensembleconforme aux objectifs de la GE. Puis elle organise etcoordonne la mise en reuvre par les différentes unités. Ilen résulte que si ces dernières diffèrent des entreprisessatellites par le statut juridique, les deux typesd’organisations occupent en fait des positions similairesdans l’organisation et le fonctionnement de l’empire.

Un troisième niveau de maillage est observable. Ilcorrespond à l’ externalisation d’un certain nombre defonctions autres que celles de production et de

commercialisation que nous avons évoquées jusqu’àprésent. Il se pratique en général avec des entreprises quel’on ne peut pas classer comme satellites de la GE aucoeur du réseau, car elles peuvent avoir plusieurs clientsde ce type.

B - La notion de dimension stratégique

De plus en plus, la productivité et la gestionopérationnelle sont l’affaire des partenaires, tandis la GEse concentre sur la gestion stratégique d’ensemble. Or unvolume minimum de ressources est requis pour que la GEsoit en mesure d’assurer au mieux cette mission. Il y adonc, dépendant du secteur d’activité, un niveau deressources stratégiques que toute entreprise doit atteindrepour être un acteur de plein rang de la mondialisation.

Cette notion de dimension stratégique nous amène àsubstituer au critère habituellement utilisé pourdépartager les GE des PE -à savoir le nombre d’employésou le chiffre d’affaires -une nouvelle frontière selonlaquelle sont considérées comme GE les entreprises quiont la dimension stratégique et comme PE celles qui nel’ont pas. Si on admet qu’à l’heure de la mondialisationles GE sont les entre- prises qui ont la dimensionstratégique, la conclusion annoncée précédemments’impose. C’est bien le monde des PE que traverse laligne de démarcation séparant acteurs et victimespotentielles de la mondialisation.

C - L’émergence des PE mondialisées

Se trouvent du «bon côté» de cette ligne les PE acteurssecondaires de la mondialisation ou, plus simplement, lesPE mondialisées, qui, ayant pu nouer des partenariatsavec des GE, sont à juste titre jugées «performantes». Lenombre de ces PE croit par l’effet combiné de lacroissance de la part mondialisée de l’économie, qui estcréée par les GE, et des stratégies d’externalisation quecelles-ci mettent en oeuvre. Il est donc vrai que lamultiplication de PE performantes est synonyme deprogrès économique. Mais il convient d’inverser larelation de cause à effet que les zélateurs de la PE croientpouvoir en déduire. Ce n’est pas la multiplication des PEqui engendre le progrès économique. C’est le progrèséconomique, lui-même résultat du progrès managérialaccompli par les GE, qui est à l’origine de lamultiplication des PE. Il convient de même de relativiserle rôle que jouent ces PE dans le domaine de l’emploi. Enréalité, les emplois engendrés par la multiplication de PEsuffisamment performantes pour être mondialisées nefont que remplacer ceux qui disparaissent dans les GE.Les gains de productivité dégagés au passage font que lesolde d’emplois est négatif tant que la croissance de la

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part mondialisée de l’ économie est inférieure à un certainseuil. L’aggravation du chômage trouve là l’une de sesexplications majeures.

Il est par conséquent naïf de croire que la créationspontanée de PE peut résorber le chômage. Ce, d’autantplus que seule une faible minorité des PE nouvellementcréées peut se retrouver d’emblée et de manière durabledu «bon côté» de la ligne de démarcation. La plupartrejoignent en effet le lot des entreprises situées du«mauvais côté», celui des victimes potentielles de lamondialisation. il s’agit des autres PE, les PE nonmondialisées, donc esseulées, qui se disputent des partsde marché encore non mondialisées et sans cesse érodéespar les progrès de la mondialisation. Leur avenir est parconséquent de plus en plus incertain.

Pour ces PE, la meilleure manière d’assurer durablementleur salut serait évidemment de se mondialiser, deparvenir à franchir la ligne de démarcation pour devenirelles aussi des acteurs de la mondialisation. Nous sommesalors conduits à distinguer deux cas: celui des PE qui ensont intrinsèquement incapables et celui des PE qui ensont éventuellement capables.

Quels que soient les progrès de la mondialisation, desbesoins subsisteront toujours, et de nouveauxapparaîtront, dont la satisfaction fera l’objet de marchésnon ou difficilement mondialisables parce que desnotions telles que la spécificité ou la proximité y jouentun rôle trop important, et que des PE non mondialisables,à la vocation et aux capacités purement locales, seront parconséquent mieux à même de servir que les entreprisesmondialisées. De telles PE peuvent survivre dans lecontexte de la mondialisation, à condition, d’une part, despécialiser leurs activités dans la production de bien ou deservices répondant à ce type de besoins, mais aussi,d’autre part, à condition de trouver des débouchéssuffisants à proximité de leur lieux d’implantation. De cepoint de vue, le sort de ces entreprises est en fait lié à lamondialisation. Le développement économique engendréne se répartit pas de manière uniforme, mais à partir depôles de développement, lieux où se concentrent lesentreprises mondialisées (GE en tête, qui en forment lemoteur économique), les infrastructures publiques etprivées, les emplois, la population, les revenus, et parconséquent les marchés, ceux qui sont mondialisés, maisaussi ceux qui ne le sont pas et qui font vivre les PE nonmondialisables. Cette concentration entraîne ladésertification progressive des territoires trop distants deces pôles de développement, et donc l’érosion desmarchés qui y sont détenus par des PE locales nonmondialisables. A condition de se positionnercorrectement, les PE non mondialisables ont ainsi intérêtà ce que la mondialisation gagne les territoires où ellessont implantées.

Sont considérées comme PE mondialisables les firmesnon mondialisées, mais dont la production de biens ou deservices s’adresse à des marchés déjà mondialisés, ou àdes marchés éventuellement mondialisables et dont lesalut ne peut être assuré que par leur mondialisation.Deux stratégies sont théoriquement envisageables ; cesont des stratégies de mise en réseau:

n La première, la moins ambitieuse, consiste à tenter dedevenir un acteur secondaire de la mondialisation encherchant à nouer des liens avec des GE existantes, et às’intégrer à leurs stratégies et à leurs réseaux .

n La seconde, plus conquérante, suppose une démarchecollective menée par plusieurs PE aux activités et auxmoyens similaires ou complémentaires, en tout cassuffisamment compatibles entre eux pour être fédérés,de manière à acquérir collectivement la taille critique etles moyens du management conférant à leur en- semblela dimension stratégique indispensable.

La mise en oeuvre de l’une ou l’autre de ces deuxstratégies se heurte à des obstacles structurels propres àces PE. Il leur est impossible en général de surmonter parelles-mêmes ces barrières, ce qui explique pourquoi, bienque mondialisables, elles ne sont pas mondialisées. Dansl’un comme dans l’autre cas, leur faire accomplir lamutation que représente leur mondialisation est un projetstratégique qui exige de la part de leurs dirigeants unensemble de qualités entrepreneuriales, de compétenceset de moyens que très peu, sinon aucun, sont à même deréunir. Il leur faut en effet d’abord prendre conscience dela nécessité d’un tel projet, avoir la volonté de s’yengager et pouvoir s’y consacrer. Il leur faut ensuiteposséder la culture et les moyens du managementnécessaires pour le concevoir et le mener à bien. On nes’improvise pas en effet manager. Il faut non seulementune formation, mais également et surtout une expérienceet une pratique qu’ils n’ont guère eu l’occasion d’acquérirdans l’environnement d’entreprises gérées et nonmanagées qui a toujours été le leur. Par ailleurs, lemanagement exige des moyens humains -un enca-drement formé à ses disciplines, et des moyenstechniques -une utilisation appropriée des technologies del’information, que les hommes n’ont jamais possédés.Dans ces conditions, ces dirigeants ne peuvent pour laplupart qu’être dissuadés de s’en- gager dans de telsprojets, même dans le cas où ils auraient pris pleinementconscience de la nécessité de les mondialiser. Ils nepeuvent le faire et ne le feront éventuellement que s’ils ysont aidés

Un premier type d’aide à l’émergence de tels projetsdevra avoir pour objectif de surmonter l’obstacle majeurque représente l’insuffisance de la culture managérialedes dirigeants. Il est concevable de leur faire acquérir les

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connaissances de base indispensables par le biais deformations au management, conçues et organisées demanière à prendre en compte leurs contraintes et lesbesoins de leurs projets.

Mais de telles formations ne sauraient suffire à les rendrepleinement capables de mener à bien leurs projets. Il leurmanquera l’ expérience indispensable que seule la pratiquepeut leur apporter. Ils ne pourront donc pas assumer ce rôlenouveau pour eux sans une certaine assistance. D où lanécessité d’accompagner les projets au moins dans leursphases initiales de définition et de mise en œuvre.

Toutefois, ces formations et l’accompagnement desprojets ont un coût, qui, s’il devait être supporté entotalité par les entreprises, a toutes les chances de leurparaître excessif, donc dissuasif, parce que, d’abord, ilexcèdera très nettement leurs capacités propresd’investissement, et aussi parce qu’il semblera toujourstrop lourd à des gens qui, pour la plupart, n’auront jamaiseu à envisager des investissements immatériels de cettenature à la hauteur qui serait ici nécessaire. D’où lanécessité d’aides financières prenant en charge une partiesuffisamment impoi1ante des ces dépenses.

Ces conditions étant réalisées, examinons comment ellespeuvent s’appliquer concrètement.

II. L’application de ces principes au développement économiques de la CorseNous avons observé que le développement économiqued’un territoire passait par la mondialisation de sessecteurs productifs. Deux voies seulement sontenvisageables :

n L’implantation sur le territoire de nouveaux acteursproductifs qui soient d’emblée mondialisés, c’est-à-diredes GE et des PE acteurs secondaires de lamondialisation, soit par la création d’entreprises(spontanée, ou à l’initiative de GE), soit par ladélocalisation d’entreprises depuis d’autres territoires.

n la mondialisation des PE mondialisables existantes.

Toute politique de développement économique d’unterritoire comprend des mesures destinées à faciliter lamise en oeuvre de l’une ou de l’autre de ces deux voies,ou les deux simultanément. il semble qu’en France on ait

eu jusqu’à présent tendance à privilégier la première et ànégliger la seconde, ce qui est regrettable à plus d’un titre.En n’aidant pas à se mondialiser des entreprisessusceptibles d’y par- venir, on les laisse végéter dans lafraction non mondialisée de l’économie avec pour seuleperspective au mieux une survie précaire, et au pire ladisparition. En d’autres termes, on les laisse demeurerdans la fraction de l’économie où se concentrent tous leseffets pervers de la mondialisation, effets pour lesquelson ne met en place que des traitements sociaux, dont lecoût est en définitive à la charge de la fractionmondialisée de l’économie.

Aider ces entreprises à se mondialiser aurait pour effetsbénéfiques d’abord d’assurer le salut de celles qui yparviendraient, ensuite de réduire l’ampleur des effetspervers de la mondialisation. Par ailleurs, il existe, enMéditerranée, des territoires pour lesquels la premièrevoie est sinon interdite, du moins peu praticable, et dontle développement économique exige de ne pas continuerd’ignorer la seconde, mais au contraire de l’ouvrir enmettant à la disposition des PE des aides à leurmondialisation du type de celles décrites plus haut. C’esten particulier le cas de la Corse.

L’économie de cette île possède deux caractéristiquesmajeures: une forte mondialisation de ses marchés, et unefaible mondialisation de ses entreprises.

Plus de 90 % en valeur de ce qui est consommé en Corseest importé, ce qui suffit à démontrer que les marchéslocaux y sont fortement mondialisés. D’autres données,comme les taux d’équipement des ménages et le revenumoyen par habitant, montrent que les Corses ont unniveau de vie proche de la moyenne nationale et doncrelativement satisfaisant, ce qui est cohérent avec la fortemondialisation des marchés. En revanche, la faible valeuret surtout la structure du PIE régional sont le signe d’unfort déficit de compétitivité des secteurs productifs et parconséquent d’une faible mondialisation de leurs acteurs

L’analyse menée dans la première partie de cette étudeconfirme et explique ce diagnostic. Les acteurs dessecteurs privés non productifs se sont, eux, relative- mentmondialisés, en premier lieu les secteurs de ladistribution, dont le fonctionnement ne diffère pasfondamentalement de celui de leurs homologuescontinentaux. Par contre, la très faible mondialisation dessecteurs productifs est évidente lors- qu’on prend encompte les caractéristiques structurelles propres à leursentreprises et au tissu économique qu’elles composent.On n’y recense en effet aucune véritable GE, et seulementquelques PE mondialisées du type acteur secondaire. Plusde 95 % des entreprises restent en fait des TPE dont lefonctionnement est celui de PE non mondialisées décritplus haut.

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Ces deux caractéristiques majeures de l’économie de laCorse seraient contradictoires, si seuls les lois et lesmécanismes de l’économie de marché et d échangesprésidaient à son fonctionnement. Or, comme chacun lesait, ce n’est pas le cas, en raison de l’assistanceextérieure qu’elle reçoit de l’Etat et, depuis quelquesannées, de l’Europe. De fait, les secteurs productifscorses ont YU, au cours du temps, leurs activités stagnerou décliner globalement. Notre analyse explique pour-quoi il ne peut guère en être autrement. Pendant que lesmarchés dans lesquels ils opèrent se mondialisaient, lesTPE corses sont restées non mondialisées dans leur quasi-totalité. Il en est résulté un déficit de compétitivité, unretard global de développement et des difficultés pourleurs entreprises qui sont allés croissant, d’où la nécessitéd’augmenter le volume de l’assistance. On a doncprolongé la survie des firmes défaillantes et l’on amanqué l’effet escompté. Le résultat le plus manifesteconsiste en une Il tertiarisation Il excessive de l’économiedont le moteur a été le développement du secteur publicadministratif.

Si pareil système a le mérite d’avoir pu procurer jusqu’àprésent aux Corses un niveau de vie décent, il présente degraves inconvénients, qui résultent de ce qu’il impliquenon seulement un maintien de l’assistance, mais sonaccroissement. C’est en particulier dans le domaine del’emploi, que se manifestent les carences du système. Onrecense en Corse 15000 chômeurs et 8000 RMIstes, soitenviron un quart de la population active sans travail, sanscompter le nombre d’emplois précaires que re- présententles emplois saisonniers et temporaires. Il est évident quece n’est plus désormais sur le développement d’unsecteur public déjà pléthorique, ni sur celui des secteursprivés non productifs que l’on peut compter pourrésoudre un problème de cette ampleur. Seul un véritabledéveloppement des secteurs productifs le permettrait.

A - Dans quelle mesure la mondialisationdes secteurs productifs est-elle possible ?

Si l’on doute de la capacité des firmes existantes à semondialiser, on peut d’abord espérer convaincre des GEextérieures de délocaliser en Corse certaines de leursactivités. On peut aussi compter sur la création localed’entreprises qui, d’emblée, seraient des acteurs de lamondialisation. Ce serait d’abord admettre que lesentreprises existantes sont irrémédiablement nonmondialisables. On accepterait leur condamnation aunom d’une logique économique qui, de victimespotentielles, en ferait des victimes certaines. Socialementet politiquement, l’idée semble difficilement acceptable.Mais il est surtout illusoire de penser que cette voiepourrait ra- pidement aboutir à des résultats suffisamment

significatifs, dotant ainsi la Corse du moteur économiquedont elle a besoin.

En ce qui concerne l’implantation d’activités nouvellesou la délocalisation d’activités existantes à l’initiative deGE extérieures, outre les obstacles de nature politique quise présentent immédiatement à l’esprit et quicontinueront de se dresser tant que la Corse demeure ensituation de non-développement, des obstacles d’ordreéconomique s’y opposent. Les firmes qui investissent loinde leurs bases le font aujourd’hui soit dans les pôles dedéveloppement qui leur offrent les infrastructures et lesservices dont elles ont besoin, soit dans des pays commeceux de l’Europe de l’Est ou de l’Asie du Sud-Est, oùelles trouvent des marchés potentiels importants et unemain d’ reuvre abondante, qualifiée, et surtout peucoûteuse. La A Corse ne possède aucun de ces atouts pourles y attirer. Quant à la création locale d’entreprises, il estpeu probable qu’elle puisse dans l’immédiat produire desacteurs de la mondialisation en nombre significatif. Pourpouvoir se risquer et s’affirmer dans la compétitionmondiale, les jeunes entreprises ont besoin à leurs débutsde marchés locaux. L’étroitesse de ceux de la Corse leuroffre un contexte peu prometteur .On peut certes fonderdes espoirs sur les nouvelles technologies, le multimédia,les autoroutes de l’information ou le télétravail, quipermettent, en principe, de surmonter les obstacles liés àl’éloignement et d’implanter des activités nouvelles àhaute valeur ajoutée en n’importe quel point du globe.Mais il convient de ne pas oublier que l’acquisition de cestechnologies constitue de moins en moins un atout et deplus en plus une obligation. Elle n’affranchit en rien leursutilisateurs des autres obligations de compétitivité, bienau contraire, car plus haute est la va- leur ajoutée attachéeà un secteur d’activité et plus féroce est la compétition quiy règne.

Ces considérations n’impliquent pas qu’il faille renoncerà cette voie, mais seulement qu’elle est pour le momentpeu praticable et que, pour le devenir, elle exige undéveloppement préalable de l’économie dont le moteurne peut se trouver que sur place. Concrètement, pareilprogrès passe par la mondialisation des PE locales, plusexactement par la mondialisation de celles qui sont leplus immédiatement mondialisables. De plus en plusnombreux sont ceux qui, en Corse, prennent consciencede ce qu’il s’agit en premier lieu des entreprises liées autourisme, et en second lieu, de celles attachées à laproduction agroalimentaire locale à forte spécificité, end’autres termes des firmes traditionnelles, auxquelles leterritoire procure des atouts compétitifs identitaires. Leurnon-développement résulte de ce que ces atouts sontdemeurés insuffisamment exploités, plus exactement,exploités de manière encore trop traditionnelle et parconséquent trop peu mondialisée.

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B - Pourquoi la mondialisation des secteurs productifs existants a-t-elle étédifférée jusqu’àprésent ?

La réponse est simple : personne ne s’en est suffisammentoccupé, ni même préoccupé, ni les entreprises elles-mêmes, ni le dispositif mis en place par la puissancepublique pour aider leur développement.

En ce qui concerne les entreprises, on peut observerdepuis quelques années, dans certains secteurs productifs,une indéniable prise de conscience de la nécessité demieux s’adapter aux marchés et de se regrouper pour lefaire. Mais, dans leur très grande majorité, les entreprisesdemeurent soit des PE non mondialisables, dont la surviedépend d’une mondialisation suffisamment poussée desautres, soit des PE mondialisables, mais pour lesquelles ilest pratiquement impossible de se mondialiser. Elles nel’entreprendront que si elles y sont incitées et aidées.

Quant au dispositif d’aide au développement desentreprises, ce n’est que tout récemment qu’il a commencé

de prendre en compte ce type de besoins. Il est alors àcraindre que l’insuffisance de la culture économique etmanagériale des dirigeants des entreprises concernées neconstitue un obstacle majeur à leur application.

En conclusion, la mise en place d’un dispositif d’aide aufinancement des actions nécessaires, si bien ciblées soient-elles, ne peut pas suffire à provoquer l’émergence dunombre de projets nécessaires au développement del’économie insulaire. Il faut compléter ce dispositif demanière à rendre capables d’en tirer parti des entreprisesqui, dans leur très grande majorité, en sont pour le momentintrinsèquement incapables. Il convient pour cela deproposer à leurs dirigeants un encadrement de leursinitiatives. Concrètement, cet encadrement pourrait êtrefourni par une structure d’accueil fonctionnant comme unincubateur de projets de mondialisation d’entreprises. Cetorganisme aurait pour vocation de mettre en réseau lesentreprises et pour mission de sensibiliser les dirigeants, derecruter des projets, de former leurs porteurs et d’encadrerleur accompagnement.

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Cycle de vieprofessionnelle,attachement des salariéset satisfaction au travail :proposition d’un modèled’anticipation des risquessociaux

Pascal PAILLÉUniversité du Maine, IUT de Laval

[email protected]

L’objet de cette étude est de montrer l’intérêt quereprésente le concept de cycle de vie professionnelle àl’audit des risques sociaux. Dans la suite, la notion derisque social est entendue comme un terme générique serapportant aux comportements sociaux dysfonctionnelsobservables en situation économique. Si dans laperspective développée ci-après, ces derniers semanifestent principalement sous la forme de retards,d’absences ou de départs, nous ne voulons pas dire pourautant qu’ils sont les seuls types de comportementssusceptibles d’appréhender de façon certaine lesphénomènes sociaux dysfonctionnels. Nous nouslimiterons à cette catégorie de comportements parcequ’ils sont la marque d’une forme particulière d’intérêtsde la part des managers.

Certains spécialistes ont défendu l’intérêt d’opérer unedissociation entre la nature volontaire et involontaire detels comportements. Dans le premier cas, on a affaire àune stratégie délibérée. Dans le second cas, lesexplications avancées sont d’ordre pathologique(maladie) ou juridique (rupture de contrat).

Le rapprochement des travaux de Kets de Vries et al.(1984) aux connaissances dont nous disposons surl’attachement au travail peut faire l’objet d’un modèlequ’on appellera désormais A-S-C (Attachement –Satisfaction - Comportement). Le modèle ASC s’appuiesur l’hypothèse que l’articulation dynamique del’attachement au travail à la satisfaction des salariésdonne le moyen de prévenir en déterminant leur nature lesrisques sociaux induits selon la phase du CVP considérée.Le CVP apporte une grille d’analyse pertinente maissurtout facilite l’établissement d’un diagnostic plusréaliste qui tient compte de la complexité de ladynamique des rapports qu’entretiennent les salariés enfonction de leur âge à l’égard de leur sphèreprofessionnelle.

I. Construction du modèle ASC

1.1. Eléments de définition sur le cycle de vie professionnelle

Dans son esprit, le cycle de vie professionnelle – CVP -applique aux ressources humaines un modèled’appréhension qui fait recette dans d’autres disciplinesdes sciences de gestion telles que le marketing oul’innovation. Malgré une grande proximité conceptuelle,le CVP conserve sa spécificité. Le CVP traduit sous laforme d’un modèle la trajectoire globale des salariés.Dans cette veine, l’approche de Kets de Vries et

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collaborateurs (1984) en donne une bonne appréciation.Ces derniers décomposent le parcours professionnel d’unsalarié en cinq étapes. Ces dernières correspondent selonles définitions attribuées par les chercheurs (1) au choc dela réalité, (2) à la socialisation et au développementprofessionnel, (3) à une crise professionnelleexistentielle, (4) à un regain d’intérêt professionnel et,enfin (5) à un retrait professionnel. Entrons un peu plusdans le détail.

n Etape 1Le choc de la réalité correspond aux premières annéesd’emploi dont la borne supérieure est fixée à environ 30ans. Pour la plupart d’entre eux, les jeunes salariésentrent dans un schéma de frustration professionnelleen partie expliquée par le décalage parfois brutal entreune image de l’emploi occupé ex-ante idéalisée et unesituation professionnelle ex-post dont le réalismedénature les stéréotypes organisationnels. Cephénomène, malgré la réalité, amplifieconsidérablement les écarts entre les aspirationsprofessionnelles, légitimées par un parcours deformation initiale, et la palette des contributions reçues.

n Etape 2La phase de socialisation et de développementprofessionnel, elle se poursuit lentement durant latrentaine. Cette dernière correspond à une importantephase de transformation marquée par un retour duréalisme professionnel. Les attentes et les aspirationsprofessionnelles sont tout à la fois précises, concrètes etpragmatiques. A cette maturation professionnelle seconjugue l’apparition d’intérêts personnels, externes àla vie de l’organisation (famille, associative, etc.), quisemblent former avec le système de gratificationprofessionnelle un juste équilibre qui participe d’unecohérence harmonieuse entre les souhaits de l’individuet ce qu’il obtient de la vie en général.

n Etape 3Intervient, ensuite, à partir de la quarantaine, unepériode de crise professionnelle existentielle révéléepar une conjonction d’événements intra et extraprofessionnels : tels que, par exemple, la stagnationdans la carrière, la disparité de plus en plus manifesteentre les ambitions et les réalisations ou encorel’apparition des premiers problèmes de santé, etc. C’estune seconde période critique durant laquelle lesindividus prennent de plus en plus conscience d’unecertaine inertie dans le déroulement de leur carrière, etplus particulièrement des limites professionnelles quis’imposent à eux.

n Etape 4La crise existentielle de la quarantaine, cède peu à peula place à une nouvelle période de réminiscence

professionnelle qui s’amorce avec le passage à lacinquantaine. On assiste durant cette phase à unrenouveau personnel qui concorde finalement avecl’acceptation de ce qu’est sa vie. On observe undéplacement des centres d’intérêts personnels. Ceux-ci,s’éloignent progressivement du travail comme unélément central de leur vie. Ils reportent leur intérêt surdes secteurs extra-organisationnels.

n Etape 5Enfin, à l’issue de cette période, se profile pourl’individu une période de retrait professionnel. Onobserve un accroissement de la désillusion vis-à-vis del’organisation qui multiplie les incitations au départ,sans tenir compte du dévouement et des années deservice que peuvent revendiquer les individus. Cettephase est par ailleurs marquée par l’appréhension de laretraite.

Les propositions de Kets de Vries et al (1984) présententl’avantage de combiner, au travers des cinq étapes quistructurent le cycle de vie professionnelle des individus,des éléments internes à l’organisation à un ensembled’éléments qui lui sont externes. Il y a dans ce modèle untélescopage entre les univers professionnel et domestiquequi traduit bien la réalité des tensions aux originesdiverses auxquelles sont en permanence soumis lesindividus tout au long de leur carrière professionnelle.Nous allons montrer que ces tensions trouvent leurorigine dans l’évolution des intérêts professionnels. Cesderniers sont des invariants. On les rencontre quels quesoient l’âge, l’expérience et le champ professionnel danslequel évoluent les salariés. Ils sont rassemblés au seind’une structure des intérêts professionnels.

1.2. La structure des intérêts professionnelset sa dynamique

Une analyse en terme de CVP doit s’appuyer surl’hypothèse que les intérêts professionnels nourris par lessalariés sont profondément différents selon l’étape de latrajectoire dans laquelle ils se situent au moment del’audit. Deux mécanismes jouent un rôle fondamental parl’action qu’ils exercent sur la trajectoire professionnelled’un individu.

Le mécanisme d’identification. L’identification est unprocessus psychosocial de construction de l’identitéprofessionnelle. L’identification individuelle offre deuxperspectives à la fois cloisonnées et complémentaires(Mucchielli, 1994). L’identification détermine ainsi soitl’action qui consiste pour une personne d’identifier, soitl’action qui correspond pour cette même personne às’identifier. En premier lieu, l’action d’identifier consistepour une personne à reconnaître parmi un ensemble

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variable d’éléments ceux qui présentent une identitéd’objet. L’opération d’identification peut donc porter surdes groupes, voire des ensembles culturels plus larges :c’est ce que Mucchielli appelle l’identification d’autrui.En second lieu, l’identification désigne un mécanismepsychologique au moyen duquel une personne montre lavolonté d’acquérir par appropriation les traits jugés parelle comme les plus caractéristiques d’un objet inaniméou non : il s’agit de l’identification à autrui. Pour une plusgrande précision, et dans un souci didactique, posons Acomme le sujet qui s’identifie, et B l’objet sur lequelporte l’opération d’identification. Nous obtenons ainsideux configurations. Dans le cas de l’identificationd’autrui, A identifie B sur la base d’éléments luipermettant de donner un sens concret à B, de telle façonque A placera B dans une catégorie définie par lui commeun système de classement logique et pertinent. Dans celuide l’identification à autrui, A s’identifie à B par unensemble de réactions étroitement liées correspondantchacune aux éléments d’une chaîne séquentielleorganisée selon les modes du repérage, de l’intégration,puis de l’assimilation de traits caractéristiques de B, sanspour autant que cette opération porte sur la totalité de cestraits, de sorte que A embrasse progressivement à des finsde ressemblances les facteurs les plus pertinents de B,tout en assurant le plus possible de converser ses proprestraits distinctifs cautionnant son intégrité.

Ainsi, le mécanisme de l’identification facilite-t-il lacompréhension de la dynamique par laquelle un individuconstruit sa relation à l’égard d’un objet à l’origine d’uninvestissement émotionnel. C’est au travers de sonidentification qu’une personne développe son sentimentd’appartenance à l’égard de l’entreprise qui l’emploie.Cette appartenance se construit sur différentes manières.Le meilleur exemple sur le rôle de l’identification nousest donné par les résultats d’une étude réalisée par Hall,Schneider et Nygren (1970). Ainsi, l’identificationfavorise-t-elle avec le temps la substitution des attentesintrinsèques aux attentes extrinsèques. Cette substitutions’opère globalement au bout d’une quinzaine d’annéesd’expériences. Cependant, elle ne relègue pas pour autantchez les individus les attentes extrinsèques au rang desintérêts subalternes. S’ils deviennent secondaires, ils n’enconservent pas moins une importance relative. Cecis’explique par le fait que plus l’expérience des individuss’accroît plus ils savent ce qu’ils peuvent attendre de leurparcours. Les ambitions du début de trajectoire

professionnelle cèdent peu à peu la place à la raison. Ceprincipe nous conduit directement au second mécanisme,celui de la conversion .

Le mécanisme de conversion. Ce mécanisme a pourfonction une transformation progressive par substitutiondes intérêts professionnels extrinsèques aux intérêtsprofessionnels intrinsèques. Dans la suite, on vas’attacher à décrire le processus par lequel se produit cettetransformation. Nous appelons Structure Internes desAttentes Professionnelles (S.I.A.P.) le premier de cesdeux systèmes, et Structure des AlternativesProfessionnelles Externes (S.A.P.E.) le second de cessystèmes.

ç La S.I.A.P. regroupe les attentes professionnellesnourries par les salariés tout au long de leur trajectoireprofessionnelle. Le nombre de ces attentes est stabledans le temps. Elles sont les mêmes en début ou en finde trajectoire. Lorsqu’elles ne sont pas expriméescomme des attentes importantes pour les salariés etqu’elles ne sont pas sollicitées, elles restent en état desommeil.

ç La S.A.P.E. collectionne l’ensemble des signauxenvironnementaux susceptibles d’engendrer la mobilitéd’un salarié de son entreprise vers une autre entreprise.Ces signaux sont de natures différentes. Leurs contenuspeuvent être professionnels ou non-professionnels.Dans ce dernier cas, il s’agit de l’ensemble des signauxqui ne présentent pas de lien direct avec la sphère detravail de l’individu. Dans la suite, on s’intéresseraessentiellement aux signaux professionnels. Noussavons depuis les travaux de Simon que l’informationdisponible par un acteur est par nature imparfaite.Lorsque cet acteur occupe un rôle de salarié cetteinformation est essentiellement orientée vers lesaspects de la sphère du travail.

De la confrontation de ces deux systèmes naît un champde tension (au sens Lewinien du terme), et de ce champde tension se dégage un front qui se déplaceprogressivement au gré des forces en mouvement, c’est-à-dire pour l’essentiel les attentes nourries par les salariéset les alternatives professionnelles extérieures (Paillé,2000). L’accumulation des expériences individuelles,professionnelles et sociales est un vecteur de stabilisationdu champ de tensions. Ces dernières sont de moins enmoins vives.

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Ainsi que le suggère le schéma 2 ci-dessus, lesmécanismes d’identification et de conversion sontintimement liés. En effet, la conversion ne peut se mettreen place tant que l’identification ne produit pas sespremiers effets sur la structure des préférences dessalariés. Ces deux mécanismes sont liés entre eux par unprocessus d’étayage réciproque.

Par étayage, il faut comprendre l’action par laquelle lemécanisme de conversion se construit en réaction auxrésultats produits par celui de l’identification. Selon ceprincipe, il ne peut y avoir de conversion tant quel’identification n’est pas entrée dans une phase quiconduit l’individu à l’appropriation de certains deséléments de son environnement professionnel. De même,l’identification d’un salarié suppose l’existence d’agentsorganisationnels suffisamment attractifs. La dynamiquede l’ensemble est mue par un principe d’auto-organisation : le mécanisme d’identification alimentecelui de la conversion qui lui-même contribue aurenforcement de l’identification.

1.3. Introduction des variables de satisfaction et d’attachement

Pour apprécier l’apport du CVP à la compréhension desrisques sociaux, thème développé ci-après dans ladeuxième partie, il nous faut introduire à ce stade del’analyse les deux facteurs suivants que sontl’attachement au travail et la satisfaction des salariés.L’utilité de ces deux attitudes à la compréhension des

risques sociaux est soulignée par l’importance que leuront accordé les chercheurs depuis plusieurs dizained’années.

L’attachement au travail - On a par habitude de présenterl’attachement au travail comme une relation entre unsalarié et l’entreprise qui l’emploie (Meyer, 1997 ;Mowday et al., 1982 ; Thévenet, 1992). L’attachementd’un individu à l’entreprise correspond à une interfaceentre le système de ses valeurs et les comportementsadoptés lorsqu’il évolue dans son environnementprofessionnel. Selon l’âge des salariés, la nature de cetteinterface est soit affective soit rationalisée sur laperception de l’issue de l’échange entre les avantagesreçus et les contributions versées. Ainsi, à la suite de Russ& McNeilly (1995), remarque-t-on chez les salariés lesplus jeunes une forte propension pour les récompenses detype extrinsèque, tel que par exemple le salaire, le statutassocié à l’emploi occupé ou les diverses possibilités depromotion offerte par l’entreprise. La satisfaction de cesattentes engendre une implication à l’égard del’entreprise aussi longtemps que l’individu estimera en safaveur l’équilibre entre les contributions versées et lesrécompenses obtenues. Ce mécanisme à été décrit parBecker (1960) comme une implication par défaut. Lesjeunes salariés s’impliquent tant qu’ils estiment retirerdes bénéfices de leur participation à la vie de l’entreprise.Pour leur part, les salariés plus expérimentés accordent ungrand intérêt pour les récompenses de type intrinsèque,telle que la reconnaissance professionnelle ou encorel’empowerment. Ces attentes sont à l’origine d’uneimplication qui engendre une relation affective durable.

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SCHÉMA 1le processus d’étayage réciproque

Mécanisme de conversion

Processus d’étayage réciproque

Mécanisme d’identification

Intégration Assimilation

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Pour des raisons différentes, ces deux types de stabilitéssont essentiels pour le développement de toute entreprise.La stabilité construite sur la recherche des récompensesextrinsèques produit des comportements d’efficacité,tandis que la stabilité basée sur les récompensesintrinsèques garantit l’entreprise de la loyauté de sessalariés.

La satisfaction des salariés – Tout comme l’attachementau travail, la satisfaction des salariés a généré un nombreconsidérable de travaux (Levy-Leboyer, 1994 ; Roussel,1994). Il n’est pas possible ici d’en proposer une synthèseet, ce faisant, il nous semble préférable de renvoyer lelecteur aux références précédentes. Néanmoins, onadmettra la satisfaction comme la somme des attentes que

nourrit un salarié à l’égard de son environnementprofessionnel. Cinq attentes professionnelles ont plusparticulièrement été étudiées. De façon convenue, cesdernières représentent les principales sources desatisfaction qui animent le salarié tout au long de sonparcours professionnel. Deux d’entre elles, larémunération, les possibilités de promotion sontqualifiées d’attentes professionnelles extrinsèques. Lestrois dernières, le contenu du travail, les relations avec lescollègues et le style de supervision appartiennent augroupe des attentes professionnelles intrinsèque.

Les insatisfactions passagères, celles qu’un salarié ressent àl’encontre de l’emploi occupé ou encore de l’organisationpour le compte de laquelle il travaille, sont le lot quotidiendes activités professionnelles et peuvent être compenséespar une satisfaction d’un autre type. Il est possibled’éprouver une amertume dans son travail sans remettre encause son adhésion aux objectifs généraux del’organisation. Plus problématiques sont les insatisfactionsprofondes qui s’expriment conjointement à l’égard del’emploi occupé et de l’organisation, puisque dans ce cadreaucun mécanisme compensatoire n’est possible.

Comment discerner les insatisfactions passagères, sansgrande conséquence sur la pérennité relationnelle entrel’individu et l’organisation, des insatisfactions plusprofondes, dont la rupture définitive est bien souvent laseule issue ?

Pour sa part, l’étude de Kets de Vries et al. (1984) a lemérite de montrer l’existence d’une dissociation entre lasatisfaction issue du travail et celle engendrée parl’organisation. Ce résultat est important, mais, pour desraisons que nous ignorons, il n’a pas été relevé par leschercheurs. Ce résultat est retranscrit sous la forme d’unedouble séquence dans le tableau précédent. Laconfrontation de ces séquences montrent l’existence detrois effets :

ç L’effet de synergie caractérise les phases 2, 3 et 6. Cesdernières correspondent respectivement aux périodesde socialisation et de développement professionnelle etde réminiscence professionnelle. Cet effet de synergierenvoie aux périodes durant lesquelles l’individu estcertainement, sinon le plus productif, au moins le plusefficace du point de vue social.

ç L’effet compensatoire caractérise les phases 4 et 8. Ellesrenvoient pour leur part aux deux périodes de criseprofessionnelle existentielle et de retrait professionnel.Ici, nous pouvons remarquer qu’en fonction des périodesl’une ou l’autre des deux satisfactions joue le rôle depalliatif. Un sentiment de satisfaction à l’égard du travailpar exemple peut aider le salarié à supporterl’insatisfaction passagère ressentie à l’égard del’organisation, et ce, quelle qu’en soit l’origine.

ç L’effet pervers représenté par les trois zones griséesdans le tableau 2, explique les phases 1, 5 et 7, etcorrespondent aux deux périodes nommées «choc de laréalité» et «retrait professionnel». Au cours de ces deuxphases les individus ressentent une profondeinsatisfaction globale. Ces deux périodes représententle degré de risque le plus élevé qu’aura à supporterl’entreprise.

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TABLEAU 1Les sources de satisfaction et d’insatisfaction selon les phases du CVP

Etape duC.V.P.

Espaces desatisfaction

IO

IE SE SE SE IE SE IE IE

SO SO IO IO SO IO SO

Choc de la réalité

Socialisation etdéveloppement Crise existentielle Regain

d’intérêt Retrait professionnel

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Au travers de cette première partie, nous avons posé lesjalons conceptuels sur lesquels s’élabore le modèle ASC.Si l’attachement des salariés, la satisfaction au travailoccupent un rôle important dans son élaboration, ilsn’auraient aucune force heuristique s’ils ne s’appuyaientsur le concept de cycle de vie professionnelle. Il s’agitdésormais de montrer l’intérêt d’un tel modèle pour lacompréhension des risques sociaux.

II. La contribution du modèle ASC àla compréhension des risques sociaux2.1. Pour une intégration des connaissances :introduction au modèle A-S-CDans la mesure où les conséquences de la satisfaction et del’attachement au travail engendrent des comportementssimilaires, on peut légitimement se demander si leurmobilisation conjointe au sein d’un modèle ne relève pasd’une démarche superflue. Notre position est que cetteredondance est utile à la lecture des situationsdysfonctionnelles. En effet, l’ancrage temporel plaide en faveur de lacomplémentarité de ces deux variables. Les études quiadoptent une méthodologie longitudinale montrent sansambiguïté la nature instable de la satisfaction. On observeen effet que les phases de satisfaction et d’insatisfactionse succèdent tout au long de la trajectoire professionnelle(Kets de Vries et al., 1984 ; Raelin, 1985). En revanche, l’attachement des salariés apparaît commeune attitude professionnelle de loin beaucoup plus stable.La raison d’une telle différence peut s’expliquer par lefait qu’un salarié façonne son attachement sur unensemble de valeurs qu’il considère importantes pour lui(Kidron, 1978). Le façonnage par les valeurs garantit enquelque sorte la stabilité des conduites professionnelles.Tandis que la satisfaction est le résultat d’attentesprofessionnelles comblées ou non. Or, ainsi que nousl’avons observé, les attentes nourries par une personne àl’égard de son environnement professionnel sont parnature évolutives (Hall, Schneider & Nygren, 1970). Nous avons montré plus haut que la nature del’attachement des salariés variait selon leur âge. En effet,entre le moment où l’individu intègre le marché du travailet celui où il en sort définitivement, l’attachement autravail, attitude qui règle ses rapports professionnels,subit une transformation substantielle. Si bien que lastructure (S1) de l’attachement au travail au moment del’intégration est différente de la structure (S2) de sonattachement à la fin du parcours professionnel. Il s’agitdésormais de comprendre le processus qui permet depasser de S1 à S2.

2.2. La dynamique de l’attachement des salariés

La plupart des travaux sur l’attachement des salariéspostulent l’indépendance des dimensions affective etrationnelle. Leurs corrélations sont le plus souventcomprises entre 0 et 0, 20. De plus, l’identité des typesd’attachement est renforcée par l’étude des déterminants.Alors que les jeunes salariés développent un attachementde type rationnel centré sur les récompenses extrinsèques,les salariés les plus expérimentés génèrent pour leur partun attachement de type affectif centré sur lesrécompenses intrinsèques. On s’aperçoit ainsi que lesfacteurs qui agissent sur la dimension affective del’attachement n’agissent pas sur sa dimension rationnelleet inversement. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’unepersonne ne peut éprouver simultanément de sentimentsopposés à l’égard d’un même objet d’investissement.Ainsi, il semble difficile d’admettre d’un salarié quelleque soit la nature de ses objectifs professionnels unattachement fondé conjointement sur un rapport affectifet continu. Mais, selon l’hypothèse proposée par O’Reilly& Chatman (1986), il semble fortement probable qu’unerelation durable entre un salarié et son entrepriseengendre les conditions susceptibles de permettre lasubstitution des types d’attachement. Les deuxchercheurs estiment en effet que «les nouveaux employéssemblent échanger des comportements contre desrécompenses extrinsèques. Plus tard, ces derniers peuventcomprendre et apprécier les buts et les valeurs del’organisation, la fierté de l’affiliation peut sedévelopper». C’est ce que permet par ailleurs d’expliquerle mécanisme de conversion (voir plus haut le schéma 1).

Le meilleur exemple sur l’évolution de la structure dusystème attitudinal nous est apporté par les résultatsobtenus dans certaines études sur l’attachement dessalariés à l’égard de leur organisation.

Les premiers mettent en évidence la différence lors del’intégration des salariés dans les organisations. Cefaisant, O’Reilly & Chatman (1986) développentl’hypothèse que «les nouveaux employés semblentéchanger des comportements contre des récompensesextrinsèques. Plus tard, ces derniers peuvent comprendreet apprécier les buts et les valeurs de l’organisation, lafierté de l’affiliation peut se développer». Ainsi, Cadwell,Chatman & O’Reilly (1990) ont-ils cherché : «à examinercomment le recrutement et le processus de socialisationsont en mesure d’influencer l’implication des individusenvers leur organisation». Il s’est agit pour ces derniersd’établir une relation entre les pratiques de socialisationet la nature de l’attachement développé par un individu.Menée auprès d’un groupe de 323 employés del’industrie manufacturière, les résultats de l’étudemontrent qu’il existe une relation entre le contenu des

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pratiques et le type d’attachement développé par lessalariés. Les politiques d’intégration et les procédures desélection présentent pour chacune d’elles une influencesur l’attachement des salariés. Néanmoins, remarquonsque les phases de sélection sont moins efficaces que ne lesont les pratiques d’intégration. Comme on peutlégitimement s’y attendre, le système de récompensesmontre un lien statistique significatif et positif avec ladimension rationnelle de l’attachement. Ceci montre ledegré relatif de responsabilité qui incombe àl’organisation dans le choix des pratiques lui permettantd’assurer une intégration rapide des jeunes salariés. Lerecours de certaines pratiques engendre un effet perverspuisqu’elles sont directement à l’origine de l’apparitionchez l’individu d’un attachement fondé sur le calcul.

Cependant, dans leur étude, Cadwell, Chatman &O’Reilly s’en tiennent exclusivement aux individus dontle parcours professionnel montre une faible expérience del’organisation. A cet effet, Bauer & Green (1994) ont testéun modèle de socialisation qui accorde une place nonnégligeable aux individus dotés d’une expérience solide.Il s’agit pour ces derniers d’estimer si l’expérienceaccumulée par les impétrants avant un recrutement,formalisé dans le modèle des deux chercheurs par lesétapes d’apprentissage et d’accommodation, permet deprédire les effets des pratiques sur leur comportement, etplus particulièrement sur leur efficacité. Réalisée auprèsd’un échantillon de 233 jeunes chercheurs, l’étude visepremièrement à mettre en évidence que : «plus lesimpétrants ont une expérience et un aperçu réaliste de larecherche, plus ils seront engagés dans leur travail» ;deuxièmement, à montrer que : «plus les impétrants ontune expérience et un aperçu réaliste de la recherche, plusils seront impliqués et performants» ; et, troisièmement àdéterminer que : «plus les impétrants sont engagés dansleur travail, plus forte sera leur implication et leurperformance». Les résultats valident l’existence d’un lienentre l’expérience accumulée hors de l’organisation quiprocède au recrutement et le niveau d’attachement révélépar les individus dans leur nouvelle organisation. Parailleurs Bauer & Green admettent une relation de cause àeffet significative et positive entre l’attachement desindividus et les critères de la performance (dansl’exemple la soumission et la publication d’articles dans

des revues scientifiques). L’issue de ces résultats peutparaître convenue, voire redondante, puisqu’il va de soiqu’une personne qui présente une certaine expériencesera, en certaines circonstances, plus efficace qu’unindividu qui en est partiellement ou totalementdépourvue. L’habitude, les réflexes et les repèresprofessionnels permettent à l’individu d’établir uncontact plus rapide avec les exigences de l’emploinouvellement occupé. Mais, le résultat qui reste de loin leplus important montre que l’expérience accumulée parailleurs favorise chez le salarié la mobilisation de ladimension affective aux dépens de la dimensionrationnelle de son implication.

Les seconds résultats insistent sur l’articulation entre lesattentes professionnelles et les dimensions affective etrationnelle de l’attachement des salariés. Russ &McNeilly (1995) ont récemment partiellement validécette hypothèse ; leur étude révèle que les jeunes cadresrecherchent la satisfaction des attentes extrinsèques et semontrent moins impliqués que les salariés les plusanciens qui accordent une plus grande importance auxattentes intrinsèques tout en étant plus impliqués.L’évolution du système «attachement au travail» estcomparable à un processus génétique. C’est-à-dire qu’onobserve un développement du système par stade(Reichers, 1985). L’effacement progressif de lacomposante rationnelle au profit du renforcement de lacomposante affective conduit à une transformationfondamentale de la structure du système attitudinal. Cettetransformation ainsi que nous allons l’exposer dans lapartie suivante provoque à son tour une modification dansla nature des dysfonctionnements sociaux.

2.3. Attachement, satisfaction et risquesocial

L’articulation des variables de l’attachement des salariéset de la satisfaction au travail au cycle de vieprofessionnel contribue à la construction du modèle ASCque synthétise le tableau 2. De nombreux travaux nouspermettront d’estimer l’état d’esprit des salariés. Ils nouspermettront également de qualifier le type et la nature desrisques sociaux induits selon les phases de CVP.

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L’étude du déroulement de la biographie professionnellemontre le rôle actif de l’évolution des attentesprofessionnelles. Ainsi que nous l’avons souligné cetteévolution contribue activement à l’apparition des sourcesde satisfaction et d’insatisfaction. Elle s’accompagne parailleurs, et de façon concomitante, de la transformationdes facteurs centraux de l’attachement au travail. Cefaisant, l’ajustement de la dynamique de l’attachementdes salariés aux deux séquences de satisfaction apporteun cadre pertinent à l’étude des risques sociaux. Commenous le rappellent March & Simon (1979), l’appréciationde l’attente des salariés et des comportements qui leursont associés est relativement simple à déterminer pourceux des salariés qui entrent et partent définitivement del’organisation, c’est-à-dire dans notre modèle lesindividus concernés par les phases du «choc de la réalité»et du «retrait professionnel».

n Etape 1Nous avons observé au début de cette étude que lapremière expérience professionnelle était comparable àun sentiment nommé par certains observateurs commecelui du choc de la réalité (Buchanan, 1974 ; Davis,1956 ; Dean, 1983 ; Kets de Vries et al., 1984). Lestravaux sur les dynamiques de carrière montrent trèsclairement la difficulté d’adaptation des jeunes salariésaux contraintes nouvelles pour eux que leur impose

l’environnement professionnel. Certaines de cesdifficultés sont de types socio-économiques, d’autresrelèvent de données psychologiques. Dans son ouvragesur les jeunes cadres, Bernard (1991) nous rappellent queleurs motivations s’orientent très largement sur descentres d’intérêts valorisants. Les attentesprofessionnelles concernent essentiellement le champ descritères extrinsèques. Niveau élevé de rémunération,conditions d’emploi idéalisées et accès rapide auxresponsabilités sont très fortes. Pour la plupart des jeunescadres, ces attentes sont idéalisées par les trajectoiresbrillantes relayées par la presse managériale spécialisée.Les individus situés dans la phase du «choc de la réalité»représentent une population professionnelle à haut risquesocial. Le tableau 2 résume cette situation. On peutobserver l’existence d’une combinaison entre l’effetpervers induit par une insatisfaction ressentie tant àl’égard de l’organisation qu’à l’égard de l’emploi à unattachement rationnel. Leur réceptivité pour les attentesprofessionnelles extrinsèques rend ces salariés sensiblesaux opportunités d’emploi externes à leur entreprise. Letype de comportement le plus probable est le départvolontaire sous la forme de démission. Nous devonstoutefois noter que si cette caractéristique est largementvérifiable elle ne s’applique pas à tous les individusconcernés par cette situation. Le modèle decomportement développé par March & Simon (1979)

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Perverset

compensatoire

Dimension del’attachement

TABLEAU 2Le modèle ASC : articulation entre les étapes du CVP, les attentes professionnelles,

l’attachement des salariés et les risques sociaux

Etapes du CVP Nature des attentesprofessionnelles

Effets induits par l’articulation

entre E/O

Type de comportement

socialNature du retrait

Choc de la réalité Extrinsèques Pervers Rationnelle Départ Volontaire

Socialisation et développementprofessionnel

Extrinsèques Synergie RationnelleRetard

et absence

Involontaire

Crise existentielleExtrinsèques

ou intrinsèques

Compensatoire et

pervers

Rationnelleou

affective

Absence ou

départ

Involontaire ou

volontaire

Regainprofessionnelle Intrinsèques Synergie Affective

Retard et

absenceInvolontaire

Retrait professionnel Intrinsèques Affective Départ

Involontaire ou

volontaire

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nous indique lorsque le programme de recherched’alternatives professionnelles échoue que les individusrevoient leurs aspirations à la baisse. Les deux chercheursajoutent que l’équilibre entre l’avantage perçu et lacontribution versée s’adapte. Le mécanisme deconversion se met en marche, les individus entrentprogressivement dans la deuxième phase de leur CVP.

n Etape 2L’entrée dans la phase de Socialisation et dedéveloppement professionnel diffère vraisemblablementselon les salariés. La transition de la phase du «choc deréalité» à la phase de «socialisation» est selon nousconditionné par l’impossibilité de quitter l’entreprise aumoment souhaité par l’individu. Toutefois, si elles ont étéreconfigurées, les attentes extrinsèques conservent unpouvoir structurant très élevé de la dynamiqueprofessionnelle. De sorte que l’attachement continued’être rationalisé sur ces attentes. Nous pouvons fairel’hypothèse que la satisfaction éprouvée conjointementpar l’organisation et l’emploi empêche l’individu d’entrerdans un programme de recherche d’alternatives d’emploi.La possibilité de réaliser certaines de ces attentes a pourconséquence d’engendrer l’identification organisationnelle(March & Simon, 1979). L’identification des salariés à leurorganisation a pour effet de stabiliser les comportements enneutralisant leur volonté de la quitter volontairement(March & Simon, 1979). Par ailleurs, ainsi que nous l’avonsnoté l’environnement extra-organisationnel joue un rôleimportant. Alors qu’elle apparaît peu probable chez le jeunecadre (Bernard, 1991), pour la plupart des salariés de cettephase, la stabilité familiale est celui des facteurs de cetenvironnement qui présente la plus grande inertie. Cecialimente l’interaction entre les mécanismes de conversionet d’identification (schéma 2). Les comportements sociauxconcernent pour l’essentiel les retards et les absences.L’hypothèse d’une cause pathologique reste la plus forte. Lerisque social est faible et les comportements observésrecouvrent une nature involontaire.

n L’étape 3 de «la crise existentielle» montre une ruptureavec l’étape précédente de «Socialisation». Cette phasedu CVP est celle qui coïncide avec le milieu de carrièredont nous savons avec les résultats des travaux de Hall,Schneider & Nygren (1970) qu’il correspond au momentoù les attentes intrinsèques se substituent aux attentesextrinsèques. On peut émettre l’hypothèse que les salariéssont susceptibles d’opérer une résistance à la résignationdans la mesure où le mécanisme de conversion lesconduits à renoncer à un certain idéal de carrière. Placésdans cette situation psychologiquement inconfortable, unsursaut d’orgueil peut se déclarer. Certains salariéspeuvent espérer relancer leur trajectoire professionnelleen développant une attention soutenue aux alternativesprofessionnelles. A la lecture du tableau 2, on remarqueque le contraste porte sur l’indétermination des éléments

sur lesquels est construit le modèle ASC. En fait, il noussemble que les individus sont confrontés à l’alternativesuivante : rester ou partir. Les risques sociaux induits parune telle incertitude sont très élevés pour l’entreprise. Eneffet, soit les salariés réussissent à quitter leurorganisation pour une autre, éventuellement pours’installer à leur compte et bénéficier ainsi du capital deleur propre expérience, et dans ce cas ce départ amputel’entreprise de compétences, soit pour différentes raisonsils ne réussissent pas à partir, et dans ce cas, il leur est toutà fait possible de chercher une forme de compensation parl’adoption de comportements de retrait volontaires, telsque par exemple des absences répétées. Dans un cascomme dans un autre nous sommes face à d’importantsfacteurs dysfonctionnels dont les effets collatérauxpeuvent avoir un impact non négligeable sur l’efficacitéde l’entreprise. Mais, comme nous allons l’observer, cetype de comportement n’est pas durable.

n Etape 4Une fois pris le choix de rester, les salariés se trouventalors dans une position singulière à l’égard de leurenvironnement professionnel. Lorsqu’ils entrent dansl’étape identifiée par Kets de Vries et ses collaborateurscomme celle d’un regain professionnel, les salariéssemblent développer un intérêt pour de nouveaux rôles. Lesentiment d’appartenance est ici très probablementalimenté par l’inertie que l’environnement personnel faitpeser sur l’individu. Les intérêts professionnelsintrinsèques occupent désormais une fonction beaucoupplus importante qu’au cours des étapes précédentes. C’estpendant cette phase qu’émergent plus particulièrementl’intérêt pour l’espace social dont les collègues constituentle principal support. Le tableau 2 montre que l’articulationentre l’effet de synergie engendré par la satisfaction àl’égard de l’emploi et de l’entreprise, d’une part, etl’intérêt pour les attentes intrinsèques, d’autre part,coïncide avec un attachement construit sur une relationaffective. Les travaux sur la mobilisation des salariés deplus 50 ans (Guérin et al., 1996) montrent très clairementl’intérêt nourri de ces derniers pour l’accompagnementsous la forme de tutorat à l’encontre des jeunes salariés.Pour la dynamique de l’entreprise ceci est important. Cetaspect offre la possibilité de conserver la mémoireorganisationnelle dans la mesure où on peut postulerl’existence de mécanismes plus ou moins formalisés d’untransfert de compétences sous la forme de savoir-faire oude connaissances. Ces différents aspects ont d’importantesconséquences sur le type et la nature du risque socialinduits. On peut ici émettre l’hypothèse que le risquesocial relèvera d’une nature involontaire et que le retard etl’absence seront les types les plus communs. Plusprécisément, si ces deux types de comportementsreprésentent incontestablement un coût pour l’entreprise,leur conséquence reste malgré tout limitée.

Cycle de vie professionnelle, attachement des salariés et satisfaction au travail : proposition d’un modèle d’anticipation des risques sociaux.

Pascal PAILLÉ

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n Etape 5Enfin, le retrait professionnel marque pour le salarié sonentrée dans une relation singulière à l’égard de entreprise.Selon les propositions de Kets de Vries et al. (1984),reprises du tableau 1, on voit bien la différence entrel’emploi et l’organisation sur la satisfaction procurée. Ledépart définitif est le seul horizon professionnel. Ledispositif juridique français offre une palette de possibilitésintéressantes pour l’une et l’autre des parties. Le départpeut par exemple être négocié sous la forme de départanticipé à la retraite ou de cessation progressive d’activité.Le modèle présenté dans cette étude se proposed’articuler plusieurs notions fondamentales des conduiteshumaines en situation professionnelle. Celui-ci estconstruit sur la base d’un corpus de recherches dont ils’est agi d’exploiter le fruit de l’articulation. Il reste àpasser du cadre théorique à l’évaluation pragmatique parla confrontation du modèle aux données empiriquesissues du terrain.

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Contribution de la fonction RH à la gestion des ressourceshumaines commerciales

Jérôme RIVEATER à l’IAE de Lyon

[email protected]

La fonction de commercialisation est une fonctioncapitale pour la performance et la création de valeur desentreprises. Aussi, la gestion des vendeurs estfondamentale, et ce d’autant plus que l’élargissement del’horizon temporel et l’inscription plus relationnelle de lavente conduisent à des évolutions des modes de gestiondes vendeurs. Si les manières de gérer les vendeurs sontgénéralement peu étudiées dans les domaines dessciences de gestion, les recherches relatives aux acteursde cette gestion sont quasiment inexistantes. Le thème dela contribution de la fonction RH à la gestion desressources humaines commerciales est ainsi très peutraité, bien qu’il comporte des enjeux importants tout à lafois pour la fonction de commercialisation et pour lafonction personnel.

Cette communication a pour objet, à l’appui d’une étudeempirique réalisée en France auprès de 158 entreprises,d’apporter quelques éclairages exploratoires en la matière.En se focalisant sur les acteurs en charge de la gestion desvendeurs, la présentation des résultats s’articule autour desfonctions et rôles tenus dans les actions et décisions degestion des ressources humaines commerciales. Cesobservations, combinées à des éléments propres àl’évolution de l’implication des services fonctionnels RHdans la gestion des vendeurs au cours des dernières années,conduisent alors à avancer des réflexions quant aux actionsde la fonction ressources humaines pour la gestion desressources humaines commerciales.

1. De la vente aux acteurs de la gestion des ressources humainescommerciales

La vente

Si la vente a toujours constitué une fonctionfondamentale de l’activité d’une organisation, leschangements rencontrés par ce domaine au cours desdernières années sont nombreux et profonds [Darmon,1997]. L’accroissement lourd de l’orientation vers lavente relationnelle (vente orientée client, par opposition àla vente centrée sur le produit), l’augmentation del’importance stratégique allouée à la fonctioncommerciale et la prise de conscience du caractèrestratégique de la vente, la volonté de fidélisation des plusgros clients par une gestion des grands comptesparallèlement à un essor du télémarketing,l’accroissement tant de la disponibilité que de l’utilisationdes nouvelles technologies de l’information et de la

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communication dans le travail quotidien des vendeurs etl’élargissement de l’horizon temporel de la venteimpliquent des évolutions des modes de gestion desacteurs opérationnels de la fonction vente. De façongénérale, le résultats de ces nombreux changements estque le travail aujourd’hui effectué par les vendeurs n’estplus le même que celui que ceux-ci effectuaient il y a 10ou 15 ans, les modifications induites en termes d’activitésde vente étant très nombreuses [Marschall et al., 1999].

La fonction commerciale doit désormais tout à la foisassurer un chiffre d’affaires à court terme garantissant lasurvie de l’entreprise, dégager des marges pour lesinvestissements, protéger les parts de marché, etconstruire et entretenir les bases de partenariats stables.Ce qui implique la conciliation d’attitudes de forteréactivité à court terme, notamment dans la défense desparts de marché, et des perspectives à long terme propresaux relations de partenariat [Bauer et al., 1998]. Cetterecherche de conciliation d’attitudes influence les modesde gestion des vendeurs par leur encadrement, notammentdu point de vue de la définition organisationnelle de laperformance d’un vendeur. Elle implique également deporter une plus grande attention à la marge d’autonomiedont le vendeur bénéficie dans l’exercice de son activitéde vente, et donc d’élaborer des dispositifs de contrôletoujours plus sophistiqués et des politiques d’animationet de développement se devant d’accompagner lesvendeurs dans l’évolution de leurs fonctions. Cesmodification rendent également nécessaire l’élévation duniveau de qualification des vendeurs. Devant vendre dessolutions adaptées au client-partenaire, l’acteur de lavente doit posséder des compétences d’analyse et dedécision intégrant des connaissances en matière destratégie, tant de son entreprise que de l’entreprise aveclaquelle les relations de partenariat sont établies.

Les acteurs de la vente

Si la variété des types et des situations de vente se combineà une forte diversité des activités et fonctions commerciales,les fonctions commerciales se regroupent néanmoins autourd’un même objectif principal : vendre. L’hétérogénéité desfonctions de vente, y compris au sein d’une même force devente et d’une même entreprise, est ainsi contrebalancée parune spécificité des rôles et des missions des vendeurs, etnotamment par la gestion plus ou moins intensive etcomplexe des informations commerciales [Darmon, 1998].Les rôles du vendeur sont en effet :

n d’établir des contacts personnels visant des actes devente et des partenariats, et,

n d’être pourvoyeur d’informations vers la clientèle, maisaussi vers son organisation et sa hiérarchie.

Parmi les populations constituant le personnelorganisationnel, les forces de vente apparaissent commeparticulièrement spécifiques, et ce à de multiples niveaux[Walker et al. 1975 ; Bagozzi, 1980 ; Darmon, 1993] :contact direct avec la clientèle, incidence directe descomportements sur le résultat de la transaction, lasatisfaction de la clientèle, la qualité de l’imageorganisationnelle projetée, pression des objectifsconstituant une ligne de fuite permanente, mission dereprésentation et de défense de l’organisation face aumonde extérieur, position organisationnelle frontièreconduisant à une large autonomie dans le développementdes comportements, autonomie spatiale particulière dansle cadre de la vente itinérante (hors du champ de contrôlephysique du manager), perceptions de rôle (défini à lafois par des attentes intra-organisationnelles et extra-organisationnelles) variables et dynamiques, fréquentesingularité du mode de rémunération, ... Ces différents éléments font que les vendeurs semblentalors se distinguer physiquement, socialement etpsychologiquement des autres types de personnels[Dubinsky, 1986]. Ainsi, le caractère spécifique desressources humaines commerciales apparaît clairement etest renforcé par une culture particulière au monde de lavente, facteur de cohésion interne des forces de vente,mais également de difficultés dans les relations aux autresmondes organisationnels.Ces différents éléments, tout en soulignant l’importancede la gestion des ressources humaines commerciales,indiquent également une possible différenciation de leurssystèmes de gestion, de par le caractère spécifique de cesressources humaines.

La gestion des vendeurs : une gestion de ressources humaines La gestion des ressources humaines peut être considéréecomme l’ensemble des activités d’acquisition, dedéveloppement et de conservation des ressourceshumaines visant à fournir aux organisations une maind’œuvre stable, productive et satisfaite. Comme toutsystème de gestion, la gestion des ressources humainesvise l’élaboration d’outils et de procédures permettant lepassage des intentions politiques aux pratiques [Lemelin,1999]. La gestion des ressources humaines correspondalors à un ensemble de processus d’activités finalisées eninteraction. Ces activités de gestion des ressourceshumaines sont liées à des procédures, des outils et desinstruments visant à optimiser l’utilisation des ressourceshumaines dans le sens des intentions politiques retenues.Elle peut ainsi être abordée sous la forme d’un système degestion, subissant l’influence de facteurs de contingence[Cadin et al., 1997] et conduisant selon les principesdirecteurs retenus à différents modes de gestion desressources humaines [Romelaer, 1993].

Contribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commercialesJérôme RIVE

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Les pratiques sociales, soit les décisions relatives auxacteurs organisationnels, sont plus ou moins à l’image dela politique définie. Cette correspondance varie enfonction du système de gestion des ressources humainesélaboré et notamment de son degré de développement etde précision en termes de procédures et d’outils mis à ladisposition des acteurs organisationnels impliqués dans lagestion. La gestion des ressources humaines corresponddonc également à la définition, la conduite et le contrôled’un processus de prise de décision, afin que lesdécisions affectant les ressources humaines soient prisesen temps opportun, par les personnes les mieux placées etayant autorité pour les prendre, en intégrant toutes lesdonnées et paramètres nécessaires de ces décisions[Galambaud, 1991]. Une telle optique implique alors toutà la fois contingence et partage des rôles.

La fonction personneli, à la différence des autresfonctions, peut être considérée comme transversale, cartous les acteurs organisationnels sont concernés par sesactions. De plus, selon les niveaux politiques, système degestion et pratiques, elle fait appel à de multiples acteurs,et se trouve donc être une fonction partagée. Cettespécificité de fonction partagée entre différents acteursfait que la fonction RH apparaît comme purementfonctionnelle et d’appui aux fonctions opérationnelles…qui parfois (notamment dans le domaine de la vente)s’interrogent sur sa raison d’être !

Mais la question posée est alors celle de l’importancerelative des différents acteurs dans l’exercice de leursresponsabilités en termes de gestion des ressourceshumaines. La tendance actuelle souhaite un renforcementdu rôle des responsables hiérarchiques directs, et, de fait,une décentralisation de la gestion des ressourceshumaines [Peretti, 1996 ; Weiss, 1999]. Il convientnéanmoins de s’interroger sur le niveau de ladécentralisation (politique, système de gestion et/oupratiques), tout comme sur les raisons qui la sous-tendent,et enfin sur les domaines d’activités concernés. Dans laplupart des cas, les pratiques et décisions concrètesaffectant les individus étant confiées depuis longtempsaux responsables hiérarchiques, la fonction ressourceshumaines a pour responsabilité de mettre en place et fairefonctionner le système de pilotage et de contrôle. Et,malgré des discours enjoués, le rôle du responsable de lafonction ressources humaines est, fort souvent, beaucoupplus un rôle instrumental que celui d’un acteur dechangement.

La question reste néanmoins posée vis-à-vis desressources humaines commerciales. Qu’en est-il du pointde vue de ces ressources humaines spécifiques, tant entermes de raisons que d’acteurs et d’activités ? Il faut bienconcevoir que reconnaître un professionnalisme aux

acteurs ressources humaines revient à leur accorder unterritoire et, de fait, un pouvoir, que les hiérarchiesopérationnelles ne sont fort souvent pas prêtes ni àreconnaître, ni à accepter . C’est tout au moins un étatd’esprit qui semble assez présent dans les discours desresponsables de la fonction commerciale…

Ce questionnement renvoie à un questionnementcomplémentaire relatifs aux politiques socialessegmentées, dans lesquelles la décentralisation de lagestion des ressources humaines n’est effectuée que pourcertaines populations organisationnelles. Les ressourceshumaines commerciales semblent en effet faire partie desressources humaines les plus confrontées à la question dela segmentation en GRH. Il semble ainsiii que de par lescaractéristiques particulières fondant leur spécificité, lesressources humaines commerciales sont confrontées à uncertain nombre de pratiques de gestion spécifiques, quece soit en termes de rémunération, d’appréciation, destimulation, de mobilisation, mais également an matièred’acteurs en charge de ces pratiques.

les acteurs de la gestion des ressourceshumaines commerciales

Si la gestion des ressources humaines représentehabituellement une activité partagée entre différentsacteurs, il paraît fondamental dans l’étude des systèmesde gestion des ressources humaines commercialesd’observer les acteurs en charge de cette gestion. Lemodèle d’investigation que nous avons décidé de retenirpour appréhender la dimension des acteurs en charge dela gestion des ressources humaines commercialess’articule autour de la nature des acteurs et des rôles tenusdans les actions et décisions de gestion des ressourceshumaines commerciales.

Nous avons aussi souhaité observer quels acteursintervenaient, et à quel niveau, dans les différentespratiques de gestion des ressources humainescommerciales. Souhaitant éviter des réponses tropgénérales, nous avons chercher à appréhender ceséléments pour les différentes pratiques de gestion desressources humaines que représentent le recrutement, lapromotion, la formation, l’évaluation des performances,la rémunération et l’organisation du travail. Les acteursproposés étaient le dirigeant commercial, la directiongénéral (ou comité de direction), l’encadrement direct descommerciaux, le spécialiste ressources humaines et uncabinet extérieur. Il s’agissait alors de savoir quels étaientles acteurs décideurs, chargés de la conception et de laconduite de ces différentes pratiques de gestion. Les rôlesenvisagés pour ces acteurs furent donc un rôle dedécideur, un rôle de concepteur et un rôle de chargé de laconduite de l’activité.

Contribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commercialesJérôme RIVE

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De façon complémentaire, nous avons souhaité connaîtrel’évolution du degré d’implication des servicesfonctionnels ressources humaines dans la gestion desvendeurs durant les cinq dernière années. Il nous semblaitégalement utile de connaître l’opinion des dirigeantscommerciaux quant à l’évolution de leur pouvoir, vis-à-vis des fonctions de direction générale, de marketing et deressources humaines. Au travers des réponses à cesdiverses interrogations, il nous semblait alors possibled’émettre un jugement quant aux actions de la fonctionressources humaines en matière de gestion des ressourceshumaines commerciales.

2. Etude empirique des acteurs de la gestion des ressources humainescommerciales dans 158 entreprisesDans la seconde partie de cette communication, noussouhaitons exposer des résultats relatifs aux acteurs de lagestion des vendeurs, issus d’une étude portant sur lessystèmes de gestion des ressources humainescommerciales. Cette étude, menée entre juin 1999 et avril2000, s’appuie sur une enquête effectuée auprès dedirigeants commerciaux. Le questionnaire, élaboré suite àune douzaine d’entretiens exploratoires, a été construit enpartenariat avec un magazine spécialisé du domaine. Lacampagne d’administration, par insertion dans le

magazine spécialisé et par mobilisation de réseaux dedirigeants commerciaux, a permis d’obtenir 158questionnaires exploitables, représentant des élémentsd’information quant à la gestion de 222 forces de venteiii.

La présentation des résultats abordera tout d’abord lanature des acteurs intervenant dans les pratiques degestion des vendeurs, puis ensuite les rôles tenus par cesacteurs.

Les acteurs de la gestion des ressourceshumaines commerciales

Dans un premier temps, nous souhaitons indiquer lesproportions d’entreprises dans lesquelles chaque acteuridentifié plus haut intervient dans l’activité proposée, quece soit à titre de concepteur, de décideur, ou de chargé dela conduite de l’activité. Ces proportions d’entreprisessont fournies dans le tableau 1.

Contribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commercialesJérôme RIVE

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FIGURE 1.Modèle d’investigation des fonctions et rôles des acteurs intervenant

dans la gestion des ressources humaines commerciales

Directiongénérale Conception

Décision Conduite

Spécialiste RH

Cabinetextérieur

Dirigeantcommercial

Encadrementdirect

Systèmede pratiquesde gestion

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Rôles du dirigeant commercialdans le système de :

promotion

A la lumière de ces résultats, il apparaît que :n Le dirigeant commercial intervient dans les activités

de recrutement pour 81 % des entreprises de notreéchantillon. Le spécialiste ressources humainesintervient dans 47 % des cas.

n Le spécialiste ressources humaines n’intervient dansles activités de promotion que dans 24 % des cas, tandisque la direction générale intervient dans 57 % des cas.

n Le dirigeant commercial et l’encadrement direct desvendeurs interviennent dans les activités de formationpour respectivement 74% et 47 % des cas.

n Le spécialiste ressources humaines intervient dans lesystème d’évaluation des performances dans seulement11 % des cas. Le dirigeant commercial intervient dans78 % des cas.

n La direction générale intervient dans le système derémunération dans 64 % des cas.

n Le dirigeant commercial intervient dans le systèmed’organisation du travail dans 74 % des cas.

Le rôle des acteurs dans la gestion des ressources humaines commerciales

Dans un deuxième temps, nous souhaitons appréhenderles rôles tenus par les acteurs intervenant dans lespratiques de gestion des ressources humainesiv.

Le dirigeant commercial intervient pour chaque activitédans plus de 4 cas sur 5. Quand il intervient dans uneactivité, il a dans plus de 4 cas sur 5 un rôle de décideur,dans un peu moins d’un cas sur deux un rôle deconcepteur, tandis qu’il est chargé de la conduite del’activité dans seulement un peu plus d’¼ des casd’intervention.

Contribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commercialesJérôme RIVE

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TABLEAU 1

Nature des acteurs intervenant dans les pratiques de gestion des vendeurs de 156 entreprises

Intervention en matière de

Direction générale

recrutement

41 % 57 % 22 % 18 % 64 % 19 %

Dirigeant commercial 81 % 79 % 74 % 78 % 83 % 74 %

Encadrement direct des vendeurs 44 % 33 % 47 % 53 % 31 % 56 %

Spécialiste ressources humaines 47 % 24 % 42 % 11 % 35 % 8 %

Cabinet extérieur 22 % 2 % 12 % 1 % 1 % 0 %

formation évaluationperformances rémunération organisation

du travail

Le tableau se lit de la façon suivante :

«le dirigeant commercial tient un rôle de décideur dans 86 % des entreprises où il intervient en matière de recrutement.Il occupe un rôle de concepteur du système de recrutement dans 43 % des cas, et il est chargé de la conduite durecrutement dans 28 % des cas».vi

promotion

Décideur

recrutement

86 % 77 % 89 % 90 % 76 % 87 %

Concepteur 43 % 45 % 42 % 46 % 46 % 51 %

Chargé conduite 28 % 29 % 23 % 37 % 29 % 31 %

Base de calcul 5 103 entreprises

99 entreprises

97entreprises

93entreprises

100 entreprises

93 entreprises

formation évaluation rémunération organisation

Base de calcul : 156 entreprises

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Contribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commercialesJérôme RIVE

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Rôles de la direction générale dans le système de : promotion

Décideur

recrutement

91 % 99 % 89 % 70 % 91 % 81 %

Concepteur 20 % 12 % 19 % 43 % 15 % 41 %

Chargé conduite 5 % 12 % 4 % 26 % 6 % 7 %

Base de calcul 55 entreprises

73 entreprises

27entreprises

23entreprises

81 entreprises

27 entreprises

formation évaluation rémunération organisation

La direction générale intervient principalement en matière de rémunération, de promotion et de recrutement. Son rôleest alors fondamentalement un rôle de décideur.

L’encadrement direct des vendeurs intervient principalement en matière d’organisation du travail, d’évaluation desperformances et de formation. Ses rôles sont variés selon les cas, mais il est fréquemment chargé de la conduite desactivités.

Rôles de l’encadrement directdans le système de : promotion

Décideur

recrutement

44 % 33 % 31 % 48 % 21 % 52 %

Concepteur 37 % 47 % 49 % 34 % 30 % 52 %

Chargé conduite 51 % 49 % 57 % 63 % 65 % 74 %

Base de calcul 57 entreprises

43 entreprises

61entreprises

62entreprises

43 entreprises

66 entreprises

formation évaluation rémunération organisation

Rôles du spécialiste ressourceshumaines dans le système de : promotion

Décideur

recrutement

16 % 3 % 13 % 6 % 19 % 25 %

Concepteur 53 % 53 % 72 % 76 % 44 % 50 %

Chargé conduite 56 % 74 % 54 % 53 % 75 % 50 %

Base de calcul 64 entreprises

35 entreprises

54entreprises

17entreprises

48 entreprises

12 entreprises

formation évaluation rémunération organisation

Le spécialiste ressources humaines intervient principalement en matière de formation, de recrutement et de rémunération.Il faut souligner les faibles pourcentages d’interventions, tout particulièrement en matière d’organisation du travail etd’évaluation des performances (y compris en conception). Quand il intervient, il est principalement chargé de conceptionet de conduite des activités.

Si les actions du spécialiste ressources humaines se limitent à deux champs parmi le recrutement, la formation ou larémunération dans près de 19 % des cas, il convient de noter une absence totale d’action dans 45 % des entreprises del’échantillon. En observant les profils de ces entreprises caractérisées par une absence totale d’action du spécialisteressources humaines en matière de gestion des vendeurs, il apparaît que ces entreprises ne sont pas que des PME, puisquel’on retrouve dans ce groupe 47 PME, 12 moyennes entreprises et 11 grandes entreprises

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Il doit être enfin relevé que 30 % des entreprises fontappel à un prestataire extérieur dans le cadre de leursactivités de gestion des ressources humainescommerciales, principalement en matière de formation etde recrutement. Le prestataire est chargé de la conduitedu recrutement, tandis que pour la formation, il estégalement fréquemment concepteur du système.

Implication des services fonctionnelsressources humaines et pouvoir des dirigeants commerciaux

Durant les cinq dernières années, les servicesfonctionnels ressources humaines sont considérés commes’étant moins impliqués par rapport aux forces de ventedans 19 % des cas, comme s’étant plus impliqués dans 27% des cas, mais également comme n’ayant pas évoluédans 54 % des casvii. Il faut alors noter que certainsrépondants ont mentionné aucune évolution tout enindiquant que l’implication des services fonctionnelsétait soit totalement absente soit nulle, notamment dans4 cas de grandes entreprises.

Nous avons ensuite cherché à connaître les perceptionsdes perspectives d’évolution du niveau de pouvoir desdirigeants commerciaux par rapport à certaines fonctionsde l’entreprise.

Pour environ 3 répondants sur quatre, les dirigeantscommerciaux auront à l’avenir plus de pouvoir parrapport à la Direction Générale, et par rapport à lafonction Marketing. Un tel résultat semble aller dans lesens de l’accroissement du rôle stratégique de la fonctionvente, notamment souligné par M. Bergadàa [1997].

Par contre, plus de 40 % estiment qu’ils auront moins depouvoir par rapport à la fonction Ressources Humaines.Ce dernier résultat peut être interprété diversement, maisil peut notamment indiquer la perception d’un rôle futuraccru de la fonction RH dans la gestion des vendeurs. Lesévolutions rencontrées par le domaine de la vente, etparticulièrement la professionnalisation de ses acteurs,tout comme sa plus grande intégration organisationnelle,renforcent en effet le besoin d’un rôle accru de lafonction RH.

Le changement de conception de la vente implique uneévolution de l’idéologie des systèmes de gestion desressources humaines commerciales, afin que ceux-cisoient adaptés à la stratégie commerciale adoptée.Inscrire une politique commerciale dans une optiquerelationnelle impose des changements dans le système degestion des vendeurs et encourage la communication et ledialogue sur le système de gestion des vendeurs. De plus,tous les marchés ne requérant pas une optiquerelationnelle, il est nécessaire de prévoir la coexistence dediverses structures de vente. Une structure de venterelationnelle et d’apport de solutions-clients sembleimposer des pratiques de gestion des comportementsrequis par une telle optique, tout en nécessitant unrenforcement des dispositifs de contrôle, mais égalementdes dispositifs d’animation attenants. Ainsi, la gestion desressources humaines commerciales s’étoffe par lesévolutions que rencontre le domaine de la vente.

Ces évolutions, et notamment l’adoption d’une optiquerelationnelle, imposent un changement de temporalité dessystèmes de gestion des vendeurs, tant en matière desystème de contrôle que de système d’animation. Or, cesecond point, tendant vers une gestion des emplois plussoutenue et davantage prévisionnelle, se heurte àl’horizon temporel des directions commerciales, quicomme beaucoup de directions opérationnelles ont unhorizon au terme assez restreint. C’est ici que le rôle duspécialiste RH semble pouvoir être utile et requis. Unetelle optique nécessite néanmoins une acceptation departage de champ de responsabilités et de pouvoir pourles directions commerciales, et une inscription desspécialistes RH dans une démarche de service auxactivités opérationnelles, c’est-à-dire dans une logique defonction orientée service et business, vers un modèle de

consultant interne [Bouchez, 1999]. L’importance relevéedes interventions de cabinets extérieurs en matière derecrutement et de formation des vendeurs soulignecombien l’adoption d’une telle logique est nécessaire aurisque pour la fonction RH de manquer cette opportunitéd’avoir un rôle davantage actif, pro-actif et coopératif enmatière de gestion des vendeurs et de voir la gestion desressources humaines commerciales passer d’unedécentralisation de fait quasi-entière à une externalisationgrandissante.

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Dirigeants commerciaux par rapport à :

Direction générale

Plus de pouvoir

73 % 23 % 4 %

Marketing 76 % 21 % 3 %

Ressources humaines 56 % 41 % 3 %

Base : 126 entreprises

Moins de pouvoir Identique

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A la lumière des résultats de cette enquête, il apparaît quela gestion des ressources humaines commerciales faitintervenir de multiples acteurs, mais que la fonctionressources humaines est assez peu impliquée dans cettegestion, y compris dans des entreprises de taille moyenneou grande. La nature des répondants à l’enquête, desdirigeants commerciaux, peut avoir une incidence sur untel résultat, qui néanmoins va dans le sens desobservations que nous avions pu effectuer lorsd’entretiens exploratoires menés avec des acteurs de lafonction ressources humaines.

Le rôle important de l’encadrement direct dans lespratiques de gestion des vendeurs souligne de plusl’importance de la ligne hiérarchique dans la gestion deces ressources humaines spécifiques. Il est à noterd’ailleurs que dans près de 3 cas sur 4, l’encadrement estjugé par les dirigeants commerciaux comme l’une desdeux clés de réussite d’un système de gestion desvendeurs, tandis que, contrairement à une idéecouramment répandue, le système de rémunération nefigure pas parmi ces deux clés dans plus de 40 % des cas.

La gestion des vendeurs semble plus contingente que lessystèmes classiques de gestion de ressources humaines.Cette dimension de gestion segmentée des ressourceshumaines semble devoir être approfondie par les intérêtsqu’elle comporte, notamment face aux tendances de lagestion des ressources humaines en général. En effet, lamise en place et l’organisation de pratiques particulièreset segmentées de gestion, la volatilité classique desressources humaines commerciales, l’importance del’appréciation de la performance individuelle dans leurssystèmes de gestion font écho aux changements prévuspour la fonction ressources humaines [Bournois, 2000].Nous pensons aussi qu’en cela, l’approfondissement del’étude de la gestion des vendeurs peut apporter desexpériences utiles à la GRH, à la fonction RH et àl’architecture de base des dispositifs RH.

Il est peu contestable que les vendeurs constituent desressources humaines spécifiques. Par contre, les pratiquesde gestion des vendeurs sont parfois particulièrementspécifiques, ce qui souligne alors la segmentation decertaines pratiques de GRH.

Or, les thèmes de la segmentation et de la spécificité desystèmes de gestion ne sont pas sans interrogerprofondément l’activité et la discipline GRH, au delà del’axe de tension traditionnel centralisation-décentralisation. La GRH fait indéniablement face, de

façon croissante, à une population organisationnellehétérogène du fait de la diversité tant des statuts desacteurs, des identités professionnelles que des situationsde travail. Face à une telle hétérogénéité, une politiquestrictement indifférenciée semble vouée à l’échec, et unepolitique différenciée, tenant compte des particularismesapparaît nécessaire. Mais, s’il semble falloir une réponsesegmentée et différenciée de la gestion des ressourceshumaines pour répondre aux besoins d’un public métissé,dont l’identité ne se caractérise plus par son identitéculturelle [Lemelin, 1999], la gestion des ressourceshumaines se trouve alors confrontée à une situationparadoxale. En effet, la recherche d’unité et de cohésionfait partie des missions traditionnelles de la gestion desressources humaines. Or la nécessité de différenciation etde segmentation questionne cette mission de base, etcontraint à expérimenter et réinventer des mécanismes decoordination dans un contexte où les acteurs sont de plusen plus liés dans des relations de processus. Cela nesemble être qu’une nouvelle forme du dilemmeintégration - différenciation de R. Lawrence et J. Lorsch.Pour faire face aux exigences d’activité etd’environnement, une autonomie de gestion de plus enplus large doit être attribuée aux hiérarchies, bien quecela n’aille pas ce sans poser de problèmes de cohésiond’ensemble.

Les services fonctionnels RH se doivent d’inventer alorsde nouvelles structures et de créer des conditions de miseen relation d’acteurs se côtoyant de moins en moins dansle cadre de logiques fonctionnelles. Ces évolutionsconcourent de plus en plus fréquemment à l’installationd’une hybridation des rôles et des statuts de la GRH. Enfonction des urgences perçues et des sensibilitésambiantes à privilégier, des choix sont opérés, conduisantà l’intégration, la promotion d’une culture et d’un langagecommun, ou inversement, à la segmentation des publics,la différenciation des actions et l’individualisation desréponses, à la construction d’un projet d’entreprise fort etvisant l’unité, ou inversement, à l’incitation à l’ouvertureet au partage d’expériences avec des partenaires enréseau, à l’utilisation des cultures fonctionnelles et demétier ou à la mobilisation d’équipes transversales, à laconstruction des compétences, soit sur des spécialitésfonctionnelles et de métier, soit sur des professionnalitéstransversales et d’interfaces.

En définitive, ainsi que l’exprime P. Louart, la GRH peutêtre un régulateur de l’action collective, en même tempsqu’elle accepte les conflits de valeurs, d’enjeux et dereprésentations.[Louart, 1993]

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Contribution de la fonction RH à la gestion des ressources humaines commercialesJérôme RIVE

213

Notesi Nous l’entendons ici au sens de l’activité

fondamentale, et c’est la raison pour laquelle nousutilisons le terme de fonction personnel, préférantréserver l’usage du terme fonction ressourceshumaines pour désigner les services fonctionnels encharge de la gestion des ressources humaines.

ii Notamment à l’appui des entretiens que nous avonspu avoir sur ce thème tant avec des dirigeantscommerciaux que des dirigeants de la fonctionressources humaines.

iii Le profil des entreprises sur lesquelles se basel’analyse est fournis ci dessous :.

iv Il faut remarquer que certaines entreprises n’ontindiqué que les acteurs intervenants, sans indiquerleur rôle, c’est pourquoi les bases de calcul sont plusfaibles dans certains cas.

v La base de calcul renvoie au nombre d’entreprisedans lequel l’acteur intervient pour la pratiquementionnée et dans lesquels le rôle tenu a été indiqué.

vi La somme des pourcentage par colonne dépasse 100,étant donné qu’un acteur peut tenir plusieurs rôles.

vii Base : 136 entreprises

Secteur d’activité Industrie : 50 % Services : 50 %

Taille - de 250 salariés : 45 % 250 - 1000 salariés : 26 % + de 1000 salariés : 29 %

Technique : 51 % Commerciale 42 % Financière : 7 %

Moins de 10 vendeurs : 25 % 10 - 50 vendeurs : 47 % Plus de 50 vendeurs : 28 %

Culture

Nombre de vendeurs

Base : 158 entreprises

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Informatisationde la gestion des ressources humaineset comportement des acteurs au Maroc

Aline SCOUARNECM.C.F., C.I.M.E., Université de [email protected]

«Le management, art de la pratique s’il en est, n’est pasl’application d’une doctrine mais la réponse donnée à desproblèmes et à des contradictions réelles» (1989). LeMaroc s’est engagé, depuis quelques années, dans unvaste mouvement de modernisation qui s’est notammenttraduit par de réelles évolutions dans quelquesdimensions particulières de la gestion des ressourceshumaines. Cependant, le concept global de gestion desressources humaines n’est pas encore complètementintégré, ni dans ses principes, ni dans les pratiques. Eneffet, les entreprises marocaines restent fortementimprégnées d’une culture de gestion administrative dupersonnel, même s’il existe un sentiment réel, quoiqueencore diffus, de la nécessité d’aller vers de nouvellespratiques. Cette évolution est devenue encore plusincontournable dans le contexte socio-économiqueactuel. C’est dans ce contexte que l’entreprise ROCMA amis en place une direction des ressources humaines à partentière. Et ceci dans le but d’accompagner cette évolutionqui consiste à basculer de la gestion du personnel à unevéritable gestion des ressources humaines.L’objet de cette étude est de s’interroger sur les effets del’informatisation des ressources humaines chez ROCMA.En effet, il nous est apparu intéressant de déceler lesfacteurs de réussite d’une démarche d’informatisationd’une Direction des Ressources Humaines dans uncontexte marocain. Nous allons nous attacher, dans unpremier temps, à présenter la politique de ressourceshumaines de ROCMA. Puis, nous aborderons les aspectsliés à la conception du projet. Enfin, nous nousattacherons à mettre en évidence les effets del’informatisation des ressources humaines à différentsniveaux. Nous analyserons successivement les effetsorganisationnels, puis sociaux que ce changement a pugénérer au sein de l’entreprise étudiée.

1. La politique RH de ROCMAL’entreprise ROCMA n’échappe pas à des considérationsgénérales. En effet, les réalisations de gestion des hommes,telles qu’elles sont pratiquées participent, pour un certainsnombre d’actions, d’une logique traditionnelle de gestiondu personnel et pour d’autres, d’une véritable logique degestion des ressources humaines. Il est vrai que l’on peutappréhender simultanément ou successivement la GRHselon plusieurs niveaux ou plusieurs visions. Ces niveaux(Administration du personnel / Politique du personnel /Management global des Ressources Humaines)correspondent à la distinction entre les niveauxopérationnels, politiques et stratégiques. Nous allonsprésenter les grandes distinctions classiques des politiquesde ressources humaines avant de préciser le stade dedéveloppement actuel de ROCMA en matière deRessources humaines.

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La vision I : le minimum administratif(niveau opérationnel)

Il s’agit d’un ensemble de charges tout à fait essentiellesau fonctionnement humain de l’entreprise. Dans cetteoptique, les personnes en charge du personnel (internesou externes à l’entreprise) ont à effectuer une série detâches d’exécution plus ou moins codifiées et précisesselon des échéanciers, des règles juridiques ouconventionnelles et les directives émanant du dirigeant.

Choix relatifs à la vision I

n Enregistrement et suivi des données individuelles etcollectives

n Tenue des documents et registres imposées par laréglementation (registre unique du personnel,registre des salaires, registre médical…)

n Déclaration et documents à adresser à l’inspectiondu travail (règlement intérieur, horaires de travail,déclaration mensuelle des contrats de travail…)

n Affichage de renseignements (adresses del’inspection du travail et de la médecine du travail,avis d’existence d’une convention collective,règlement intérieur…)

n Rédaction des contrats de travail (CDI ou CDI…)

n Calcul des rémunérations, des primes, des chargesdiverses respectant les conventions collectives, lesaccords d’entreprise et les directives patronales…

n Calcul des charges sociales (sécurité sociale,retraites, mutuelles…)

n Calcul de l’intéressement défini contractuellement

n Calcul des charges afférentes à la formation

n Calcul des indemnités de licenciement

n Déclaration nominatives des salaires établieannuellement sur imprimé DADS (déclarationannuelle des salaires)

n Mise en œuvre des dispositions légales concernantla sécurité, l’hygiène, les conditions de travail et laformation

n Organisation des élections des délégués dupersonnel (si plus de 10 à salariés)

n Documentation sur le droit du travail et le droitsocial (abonnement et mise à jour…)Ces tâchespourront être effectuées manuellement si l’entrepriseest de petite taille. Le recours à des traitementsinformatiques se révélera rapidement très utile. Il existe en effet de nombreux logiciels qui facilitentla gestion de la paie et des fichiers individuels.

Il faut souligner que l’administration du personnelest essentielle à l’entreprise et que la qualité de saprise en compte ne manquera pas d’avoir desrépercussions sur le climat de l’entreprise toutentier. Bien que nécessaire, l’administration dupersonnel ne peut être suffisante, ou alors celasignifie que l’entreprise et conséquemment sondirigeant ne privilégie qu’une approche coût etréglementaire de la gestion des personnes.

Vision II : Politique du personnel (niveau politique)

Dans cette optique, l’ensemble des activités relevant del’administration du personnel telles que nous venons deles voir sont incluses. Mais au-delà est égalementconsidéré ce qui relève des politiques de personnel. Par«politique du personnel», nous entendons l’ensemble deschoix effectués par la direction générale ou par unresponsable désigné par elle dans tous les domainestouchant aux personnes à titre individuel ou collectif. Lesprincipaux domaines sont ceux de l’emploi, de larémunération, de la valorisation et des relations sociales.

Choix relatifs à la vision II

A. Politique d’emploin Choix du niveau d’effectif

n Choix des procédures de recrutement (interne ouexterne, centralisée ou déléguée…)

n Choix des niveaux de qualification

n Recours à la sous-traitance interne (par le biais depersonnel intérimaire ou de personnel extérieur misà la disposition par une entreprise prestataire deservice)

n Recours à la sous-traitance externe (pour éviterd’embaucher)

n Attitude prévisionnelle à court terme, moyen termeou long terme en matière d’effectif et de profild’emploi

B. Politique de rémunérationn Adoption d’un accord d’entreprise comportant des

clauses plus favorables au personnel

n Choix de systèmes particuliers de rémunérationincitatifs : adoption de rémunérations fixes +variables…, modalités de progression au mérite, àl’ancienneté ou mixtes.

n Adoption de systèmes d’intéressement

n Choix d’une hiérarchie des salaires

n Initiatives en matière de hausse

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C. Politique de valorisation

Formationw attitude à l’égard des obligations légales, attitude

à l’égard des pratiques de la profession, poids dela formation dans l’entreprise (% de la massesalariale), opinion sur l’importance de la formation(formation = investissement ; formation =contrainte ; formation = opportunité…), incidencedes stages accomplis sur les évolutions de carrière,planification des stages de formation, choixdes bénéficiaires de la formation (catégories depersonnel), facilités accordées aux salariés (priseen charge sur le temps de travail…), attitudeà l’égard des congés individuels de formation

Conditions de travailn L’ambiance physique du travail (bruit, chaleur,

lumière…)n La charge physique (gestes, postures…)n La charge mentale (contrainte de temps, complexité,

vitesse, attention, minutie)w le temps de travail : durée et horaires de travail,

congés et repos (dans la semaine, sur l’année),aménagement du temps de travail (ATT, flexibilité)

w la sécurité : investissement sécurité (matériel,formation)

w Action sur les commodités de travail (cantine,logement, transport, services socioculturels,sportifs…)

w analyse des conditions de travail

Contenu du travail individuel et/ou collectifn Définition des tâches, des postes, des fonctions, des

spécialités, des polyvalencesn Organisation individuelle ou par groupen Etendue de responsabilité de délégation (initiative,

statut social, possibilités de communication,possibilités de coopération, identification duproduit), analyse du contenu du travail

Appréciation et politique de promotionn Prise en compte de la qualité du travail, de

l’expérience, de l’assiduité, de la fidélité…n Reconnaissance de l’acquisition d’expérience, de

savoir-faire et des savoir-faire extra-entreprisen Attitude concernant le devenir des personnels, leur

réalisation personnelle, l’espoir de promotion, leurplan de carrière…

n Nature des promotions, des changements de statut,analyse des conditions d’emploi, modalités del’évaluation dans l’entreprise (entretiens avec lesresponsables hiérarchiques, appréciationsunilatérales…)

D. Politique de relation sociales et d’information

Les relations institutionnalisées :n Mise en place ou carence des institutions

représentatives du personnel dans l’entreprisen Attitude à l’égard des représentants du personneln Organisations des relations sociales en général

(réunions, rencontres…)n Présence syndicale dans l’entreprisen Conclusion d’accords d’entrepriseLes politiques d’information et de communication :n Information au quotidienn Réunion avec le personneln Réunions informellesn Nature de l’information descendanten Nature de l’information ascendante

Vision III : Management global des RH(niveau stratégique)

C’est l’ensemble des choix d’organisation et demanagement général portant sur les cadres et lescontextes de l’animation sociale. Place accordée aux RHdans le cadre des orientations stratégiques de l’entreprise.Ici sont considérés l’organisation générale de l’entreprise,le style de commandement, les choix de participation, demobilisation du personnel par ceux qui ont un pouvoird’influence sur le dynamisme ou la passivité. A ce niveaula fonction RH dépasse la notion de service du personnel.Il s’agit de gestion des ressources humaines, mais deGRH rarement déléguée au responsable du personnel, elleconcerne plutôt l’ensemble des responsablesopérationnels. Ces domaines sont très fortementdéterminés par la philosophie de gestion des ressourceshumaines qui inspire le dirigeant. La conception de laGRH, qu’elle soit à dominante bureaucratique,économique, paternaliste ou organique aura uneincidence capitale sur :n les politiques de délégationn les politiques d’information (ascendante ou

descendante)n les politiques de communication et de participationn les styles directionnels ou de management

On passe ici à une conception plus ambitieuse selonlaquelle les membres de l’entreprises sont des ressourcesqu’il faut mobiliser, développer et sur lesquelles il fautinvestir. Ces ressources étant capitales, la fonctiondevient majeure et acquiert le statut de grande fonctionstratégique.

Informatisation de la gestion des ressources humaines et comportement des acteurs au Maroc

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Choix relatifs à la vision III

Politique de participationn La conception du management et de la GRH chez le

dirigeantn Le système de valeur du dirigeant et la culture

d’entreprisen Le choix du mode général d’organisation,

centralisation, délégation, ligne hiérarchique,fonctionnalité

n Le choix du système d’information et decommunication

n La pratique du management, le style directionneln Le choix des modes individuels d’organisationn Les contenus du travailn La place accordée aux nouvelles formes de

management des hommesn L’intérêt portée à la direction participative par

objectif (DPO)n L’intérêt porté au modèle de qualité totalen L’intérêt porté au projet d’entreprise et à la culture

d’entreprisen Les efforts de compréhension des collaborateurs

(pour mieux les manager)n Les efforts pour développer la motivation,

l’implication et l’intégrationn Le recours au leadership situationnel (adapté au

profil des collaborateurs)n La place et le rôle accordé aux représentants du

personnel

L’intérêt manifesté par les responsables RH est le plussouvent limité. Cet état de fait résulte de plusieurs causede nature idéologique ou méthodologique.

Causes de nature idéologique :

n adhésion à une idéologie de séparation fondamentaleentre la direction et le personnel

n adhésion à une idéologie liant étroitement propriété,pouvoir et conservation exclusive des profits (rejet del’intéressement et de la participation)

n faible intérêt porté aux formules participatives ouintégratives du personnel synonymes a priori de pertede temps et de coûts

n système de valeur privilégiant la technique etl’économique au détriment des relations humaines ousociales jugées superflues ou allant de soi

n méfiance à l’égard de la délégation, synonyme deperte d’influence et parfois de leadership résultantd’un manque de confiance en soi et dans les autres

Causes de nature méthodologique :

n goût pour le quantitatif et méfiance à l’égard du nonmesurable (humain = verbiage)

n méconnaissance des méthodologies d’évaluation desdysfonctionnements (coûts, baisse de productivité,etc.)

n fonctionnement intuitif traduisant une méfiance apriori à l’égard des formules organisées departicipation (type cercles de qualité, groupes deprogrès, etc.). Rejet systématique du formalisé ou del’explicite.

Face à ces résistances, différentes démarches peuvent êtreentreprises pour aider la direction à modifier son attitudeà l’égard d’une politique de GRH. Les unes serontdestinées à remettre en cause certaines certitudesidéologiques ou méthodologiques en démontrantrationnellement les limites des pratiques traditionnelles(taylorienne). Elles auront pour objet de montrerl’importance des surcoûts occasionnés par lesdysfonctionnements ainsi que les manques à gagnerrésultant de réserves de productivité inemployées.Exemples de dysfonctionnements : Conflits,Absentéisme, Passivité, Baisse de productivité, Perte decompétitivité, Rotation du personnel, Accidents dutravail, etc.

Les autres seront destinées à proposer des procédures, desmodalités d’amélioration pour pallier cesdysfonctionnements par la formation à différentestechniques de communication, d’évaluation etd’organisation s’appuyant sur des cas de réussite pour enasseoir la crédibilité. L’évolution de ces dernières annéeschez ROCMA s’est surtout centrée sur les trois variablesd’actions suivantes : la mise en place d’un bilan social ;l’adoption d’une politique de formation ; les pratiques dedescription de postes. Deux grandes catégories dedémarches restent encore, globalement, à entreprendre, etconstituent en quelque sorte des axes d’action surlesquels il serait pertinent de centrer ses efforts :

ç La réalisation de démarches de gestion prévisionnelledes emplois, des compétences et des ressourceshumaines : l’accélération du changement placeaujourd’hui les organisations dans une situation oùelles ne peuvent plus se contenter de constatersimplement, a posteriori, des écarts importants entreleurs besoins et leurs ressources humaines. Car, un telfonctionnement aboutit toujours, d’une part, à untraitement «à chaud» des problèmes, toujours plusdélicats à gérer dans ce cas, et d’autre part, à desdysfonctionnements importants et durables quel’entreprise ne peut plus se permettre dans le contexteactuel.

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ç La définition de politiques de gestion des ressourceshumaines : une grande partie des pratiques actuellesest marquée par un fonctionnement encore trop aucoup par coup et sans cohérence globalementvéritable. Si le début des années 1990 a souvent étécaractérisé par un foisonnement des initiatives et, parconséquent, par un certain éparpillement despratiques, il est maintenant important de faire en sorteque les réalisations effectuées visent des objectifscommuns et des finalités partagées.

C’est pourquoi il devient important de s’attacher à définirune politique à part entière, formalisée dans 1’élaborationd’un schéma directeur des ressources humaines. End’autres termes, définir les priorités de la gestion desressources humaines constitue bien une priorité de lafonction. C’est la raison pour laquelle une informatisationdes ressources humaines a été lancée afin de disposerd’une base de données indispensables à la bonne mise enœuvre des politiques mises en place.

2. La conception du projetDepuis ces dernières années, la gestion des ressourceshumaines fait l’objet d’une attention particulière dansl’organisation. En effet, il s’agit plus que jamais dans uncontexte de rareté, d’optimiser la ressource. Ainsi, à partirde l’administration de la paie et du suivi de la carrière, lafonction s’élargit en tentant d’intégrer une gestionprévisionnelle plus dynamique. Dans le contexte actuel,ceci doit se traduire par un redéploiement des moyensexistants. L’informatisation constitue alors un préalableindispensable.

Les enjeux sont de deux ordres :

ç en interne, c’est la modernisation du service ; c’est-à-dire la conduite d’une opération de changement dansla perspective d’un professionnalisme accru;

ç en externe, c’est la possibilité d’apporter auxdifférents partenaires concernés des outils de gestionplus performants pour faciliter ou accompagner lesorientations générales d’une organisation inscritescomme, par exemple, dans un plan objectifs-moyens.

A l’aube du vingt et unième siècle une des finalités de lafonction ressources humaines chez ROCMA est des’orienter vers une démarche de gestion des ressourceshumaines intégrée. Or, le service ressources humainestravaille encore de manière «archaïque». Aussi, devient-ilurgent d’analyser, d’une part, les procédures de travailactuel, et de s’interroger, d’autre part, sur les apports del’informatique dans un tel service.

Notre époque se caractérise, entre autre, par undéveloppement de l’informatisation et de lacommunication. Ces deux volets du management sontdésormais reconnus comme étant des clefs de la réussitedes projets d’entreprise et de l’entreprise elle-même. Ilserait regrettable qu’une partie non négligeable desentreprises échappe à cette nécessaire évolution. Lastratégie de la Direction Générale d’informatiser leservice des ressources humaines a pour objectifl’amélioration de la pertinence, des moyens et desrésultats. Afin d’informatiser la GRH, on peut recourir àdes services externes (c’est la sous-traitance), construiredes programmes spécifiques (mais cela nécessite lacréation d’un cahier des charges approprié aux besoins del’entreprise avec toutes les adaptations spécifiques àl’entreprise ainsi qu’une maintenance bien souvent trèscoûteuse) ou acheter des progiciels. L’achat de progicielspeut être considéré comme du prêt-à-porter avec lesavantages et les inconvénients du genre. Néanmoins lasolution du progiciel est de loin la plus utilisée, pour desraisons financières et de facilité.

Les opérations de modernisation recèlent desimplications organisationnelles, humaines, techniques,financières. Les échecs enregistrés dans le domaineparticulier de l’informatisation démontrent la complexitéde la question et par conséquent la nécessité de laconduite d’une démarche de réflexion préalable. Telleque pratiquée chez ROCMA, la démarche s’estdécomposée en cinq étapes principales :

La première étape a porté sur la méthodologie et ladéfinition des besoins. A ce stade, il convenait de définirles conditions de réalisation, de fixer le calendrierprévisionnel et d’instaurer ensuite un dispositif devalidation entre ces différentes étapes. Ainsi, l’analyse del’existant nous a fourni une première ébauche. Des pointsd’amélioration ont affiné celle-ci, les différents scénariosdéfinissant le modèle retenu. Il a également été prévud’accompagner l’installation du comité de pilotage etd’organiser une formation pour acquérir un langage etune logique communes. Il convient ici de s’interroger surl’optimisation possible de la structure en place afind’éviter de transposer des dysfonctionnements. En outre,il faut fixer les limites de l’application au travers desdifférentes contraintes du service (techniques etfinancières notamment) et des niveaux de sécurité et deperformance attendus.

La seconde étape a abouti, par le biais d’entretiens, à uneanalyse de l’organisation, à une quantification des fluxd’informations et des procédures utilisées. Ici démarre lamodélisation des données et des traitements ainsi quel’intégration des contraintes techniques (notamment si leservice est déjà informatisé).

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La troisième étape a eu pour résultat la détermination despoints d’améliorations à partir de la situation existante.Ainsi, il a été envisagé de fusionner les services gestion-paie. La hiérarchisation et la quantification de cesinformations ont défini les grandes lignes du produit.

La quatrième étape avait pour but de réfléchir à la miseau point des différentes mesures d’accompagnement pourla réalisation du projet. Cela a impliqué simultanémentl’organisation, la technique, les procédures, lefinancement.

La cinquième étape s’est traduite, après la constitutiond’un cahier des charges de l’application, par la réalisationde scénarios présentés par l’équipe projet au décideur.L’option retenue a déterminé elle-même une nouvellecharte pour la conception technique de l’application. Cesecond cahier des charges était destiné au serviceinformatique de l’organisation et fut ensuite intégré dansle marché.

Comme on le voit, l’acquisition d’un progiciel résulted’une étude préalable importante. Ce produit, comptetenu de ses coûts de développement moindres et de sesfonctions paramétrables par l’utilisateur, constitue lasolution la plus judicieuse. Le premier objectif de cetteinformatisation est d’intégrer l’ensemble desfonctionnalités et des informations de gestion desressources humaines autour d’un cœur de donnéescommunes afin d’éviter les ressaisies, de simplifierl’accès à l’information, de fiabiliser les données et degarantir leur cohérence.

3. Les effets de l’informatisationLes changements technologiques échouent souvent àcause d’un manque de prévoyance, d’une incurie, de lapart des directions d’entreprises pour ce qui est de la priseen compte des aspects humains, culturels et structurels ducontexte organisationnel. Ainsi, Morton (1991) affirmequ’une cause fondamentale du manque d’impact de latechnologie de l’information sur une performanceéconomique améliorée des entreprises est leurrépugnance à investir sérieusement et en temps opportundans leurs ressources humaines. Yates et Benjamin (1991)expliquent que fréquemment on a instauré de nouvellestechnologies, dont celle de l’information, afin d’accroîtrel’efficacité, mais sans se soucier de leur impact sur lespersonnes touchées. Selon eux, l’organisation se trouvealors dans l’obligation de réagir devant des conséquencesimprévues. Plus loin, ils ajoutent : «Nous basant sur les

expériences du passé et du présent, nous pouvons prédiresans hésitation que les questions d’ordre humain etorganisationnel continueront de représenter des élémentsdéterminants de l’implantation réussie de la technologiede l’information dans l’avenir. Simons (1985) et Walker(1982), deux experts en conception et en implantation deSIGRH, ont dégagé six lacunes communes aux échecsobservés :1.Le manque de cohésion au sein de l’équipe de travail

responsable de l’implantation ;2.Le refus de créer une équipe de travail qui s’engagera

du début jusqu’à la fin du projet ;3.Les luttes de pouvoir et autres conflits fréquents dans

l’organisation ;4.Une analyse incomplète des besoins ;5.L’oubli d’inclure les personnes clés au sein du groupe

de travail ;6.Le refus de consulter les autres acteurs touchés par

l’informatisation pour vérifier si le système choisi estcompatible avec les autres systèmes utilisés dansl’organisation.

Dans le cas de l’informatisation de ROCMA, on peutnoter trois effets spécifiques à l’informatisation. Nousallons présenter l’analyse que nous avons faite de lasituation en précisant les effets organisationnels, sociaux,puis ceux liés aux outils RH et nous ferons une synthèsepermettant d’utiliser les six points clés de Simons (1985)et Walkers (1982). Avant même de commencer l’analysede la situation, quelques précisions méthodologiquess’imposent. Des entretiens individuels selon un modesemi-directif ont été réalisés auprès des différentespersonnes du service (Chef de service et collaborateurs)afin d’identifier les dysfonctionnements perçus parrapport à un ensemble de thèmes relatifs àl’informatisation de la gestion des ressources humaines.Nous présenterons les thèmes abordés lors des entretienset feront apparaître les verbatims les plus importants.

3.1. Les effets organisationnels

Les effets de l’informatisation se sont faits sentir aussibien au niveau de la structure, du management, que dela clarté des rôles et des missions. Nous allons doncdétailler ces différents aspects.

3.1.1. La structure organisationnelle

Tout d’abord, il est à noter que l’informatisation a eu unimpact sur la structure organisationnelle. Nous présentonsdans le tableau ci-après les principaux défis internes quedoit relever le service RH :

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Défis internes «Optimisation des moyens (humains, matériels etfinanciers, participation»«Organisation du travail non équilibrée»«le chef de projet est partie au moment dulancement»«Sous encadrement : recruter un encadrementcompétent»«Organigramme non adéquat, gestion à vue,collaborateurs non conscients de leur mission,manque de formation»«Ressources humaines : injecter un esprit d’équipe» «Mettre un peu plus de moyens pour travailler demanière plus organisée (formation du personnel)»«Donner des moyens de travail et l’encadrementadéquat» «Créer une ambiance de travail «portes ouvertes»,donner le sentiment que la solution vient dupersonnel, se sentir utile et trouver des solutions»

A la lecture de ce tableau, il apparaît clairement que leservice RH devra faire face à des défis internesconséquents. Il semble qu’une réflexion, suivie d’un pland’action en matière de gestion des ressources humaines etd’organisation soit indispensable. Une certaine ouverturerelationnelle du personnel permettra de faciliter la miseen œuvre du projet à condition que ces derniers soientaccompagnés d’un plan de communication clair et précis.L’informatisation du service RH a mis en évidence desproblèmes de management du service. Nous présentonsdans le tableau ci-dessous les points faibles del’organisation actuelle du service RH :

Points faibles «Sous encadrement relatif, organisation ne colle pasau terrain, pas adaptée, peu de coordination,certains employés non qualifiés»«Pas de travail en équipe, de relation de partage etde coopération»«Pas de relation d ‘équipe, structure troppyramidale»«Absence de procédures et des normes pourtravailler professionnellement»«Hybridité de l’organisation (modèle maison)»«Absence d’implication du personnel, faibleréactivit黫Peu de responsabilisation et de suivi et de feedback»

L’organisation décrite est symptomatique d’uneorganisation centralisatrice classique : une unité decommandement et de pouvoir qui empêche toutedécentralisation et délégation de pouvoir. Lacentralisation du pouvoir a été présentée comme un pointfaible lors des entretiens. Il est vrai que dans une petiteorganisation, un pouvoir centralisé permet une certainesouplesse et réactivité dans les décisions. Dès que la tailles’accroît, la délégation de pouvoir et la décentralisationdes activités permet de gagner en efficacité. Un pouvoircentralisateur dans de telles organisations est alors àconsidérer comme un frein au dynamisme et àl’adaptabilité de plus en plus nécessaire. La délégation depouvoir et la décentralisation des activités nécessiteraitselon les personnes interrogées : «d’augmenterl’efficacité du personnel par la formation» ; «d’améliorerles conditions du travail par l’organisation et la méthode,plus de planification» ; «de décrire et spécifier lesfonctions et tâches».

3.1.2. Le management

Avant de discuter des principales idées recueillies, nousprésentons dans le tableau ci-dessous, les points faiblesdu management actuel.

Points faibles «Nouvelle chef de service qui ne comprend pas laculture maison»«recrutement de nouvelles personnes dans le servicequi a généré une guerre anciennes/nouvelles»«L’informatisation a révélé des problèmes demanagement»«On ne comprend rien à notre organisation actuelle»«Il n’y a pas d’esprit d’équipe»«L’informatisation est devenu notre piège alors qu’ondevrait servir de service modèle pour toute lestructure»«Circulation de l’information : ne circule pas bien enraison du manque de formation, les anciens veulentgarder volontairement l’information»

Trois grandes orientations semblent émerger desentretiens : «Revoir le style de management propre auservice, ne pas se fier à l’oral , développer l’écrit pour uneprise de décision efficace» ; «pousser à améliorer laqualité dans le travail et l’esprit d’équipe» ; «repenser leprojet d’informatisation comme un réel projet de service,fédérer l’ensemble de l’équipe».

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Ces principes sont à noter mais devront s’intégrer dansune politique de management plus détaillée et précise.Une des priorités en matière de management est relativeau sous-encadrement, ce qui engendre un certain laxisme,une non circulation de l’information. Par sous-encadrement, nous voulons précisément dire que la chefde service donne des ordres de façon très directive maisne suis pas ce qu’elle dit, est passive quant à la réalisationdes activités. Le pouvoir est à la fois centralisé et laxiste.Le style de management perçu correspond à unecentralisation du pouvoir qui freine la prise de décision etla réactivité.

«Système centralisé : unicité de commandement»«La peur de la responsabilité : on a peur de faire

des erreurs, sinon on se fait descendre, la difficulté vient du fait que c’est le directeur général

qui prend toutes les décisions»«On doit toujours avoir l’accord

de la Direction Générale. On a besoin d’un minimum de manœuvre. Parfois, on est obligé

de faire mémos pour des choses futiles»«Au moment où on a besoin d’un accord,

on n’a pas de poids»

Il semble qu’une évolution culturelle soit nécessaire enmatière de management. D’un style centralisateur, leservice RH doit évoluer vers un management de typeparticipatif et responsabilisant. Ce changement ne peut sefaire certes qu’en douceur, mais nécessite inéluctablementl’organisation de formation au management. Uneharmonisation des pratiques de management est utile etfacilitera le changement. Il faut que l’encadrement ait unsens du professionnalisme et une compétence de manager.La réussite du projet d’informatisation, indispensable pourune gestion efficace des ressources humaines dépend de lacapacité de la chef de service à devenir un véritable mangerd’équipe.

Pour certains, les objectifs ne sont pas connus :«Objectifs non connus»

«Absence des objectifs quantifiés»«Pas clair, car pas de management participatif»

«On ne comprend pas pourquoi on nous fait changer de progiciels»

Il apparaît donc clairement un manque de visibilité pourle personnel du service RH quant aux raisons duchangement de progiciels. Ce point est important àsouligner dans la mesure où ce sont ces personnes quireprésentent le contact direct avec le personnel et doiventà cette fin être informés sur les outils de gestionpermettant une bonne gestion.

3.1.3. La clarté des rôles et des responsabilités

La clarté des rôles et des responsabilités ne semble pasêtre une caractéristique du service RH :

«On a des ordres, on exécute»

«Le serviceRH : on propose, elle décide, on exécute»

«L’informatisation a bouleversé nos postes, on ne saitplus ce que l’on doit faire, on est perdu»

«Problème de délégation du personnel ç manque de réactivité»

Les propos recueillis auprès du personnel du service RHmettent en évidence un manque évident de clarté des rôleset des missions de chacun. Les relations de pouvoir, oùplus exactement la répartition du pouvoir n’est pasprécise. Ceci semble pénaliser la bonne marche desactivités et engendrer une sorte de démotivation dupersonnel. L’informatisation a bouleversé la marcheexistante du service. Couplée avec un turn-over importantdans le service (4 nouvelles personnes sur un effectif de6), ce projet a généré un climat interne délétère. Unmanque de management du changement est à noter. Lafonction de manager d’équipe, indispensable en périodede turn-over et de changement technologique n’a pas étéaccomplie. Parallèlement aux relations de pouvoir et à larépartition précise des rôles de chacun, une réflexion surles procédures de travail paraît nécessaire. L’évolutionsouhaitée est la suivante :

«Délégation de pouvoir»«La gestion est trop personnalisée,

incompatible avec le nouveau progiciel»«Il faut plus de participation

dans la prise de décision»«C’est une hiérarchie pyramidale

pas assez décentralisée»«Mettre en œuvre la décentralisation en douceur».

3.2. Les effets sociaux

Après la présentation des effets managériaux, il convientdésormais de s’intéresser aux effets sociaux. Desproblèmes de communication ont été évoqués.

3.2.1. La communication interne«Problème de communication à l’intérieur du service :

pas de mise en réseau des informations»«En un an, on a eu trois réunions de service»

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La solution de départ pourrait être la mise en place deréunion tous les 15 jours au sein du service afind’échanger sur les dossiers en cours, etc. Cet outil demanagement a plusieurs atouts. Tout d’abord, il permet defédérer une équipe, de créer des valeurs communes,d’harmoniser des procédures de travail, de savoir qui faitquoi et quand etc. Des problèmes de communication ontégalement été soulignés entre le service RH et la directioninformatique :«Problème de sous-effectif à la direction informatique»«Non prise en compte des demandes du service RH»

«Disponibilité du service informatique laisse à désirer»

Dans une optique d’optimisation des pratiquesmanagériales, un plan de communication interneformalisant la transmission des informations estsouhaitable. Dans un souci d’amélioration de lacommunication interne, une réflexion sur les procédureset la circulation de l’information est nécessaire. Lacommunication interne est une activité à part entière dumanagement et permet lorsqu’elle est pensée, partagée etpratiquée un échange d’informations propices au bonfonctionnement de l’entreprise et à la création d’unsentiment d’équipe générateur d’efficacité et de réactivitéglobale.

3.2.2. Le climat socialUn climat social tendu s’est instauré entre les différentscollaborateurs du service RH. Nous allons préciser dansle tableau ci-dessous les caractéristiques principalesévoquées par les collaborateurs quant à leur perception del’ambiance générale qui règne au sein du service. Parsouci de confidentialité, nous parlons des personnes A, B,C, etc.Si l’on reprend les propos de Simons (1985) et Walker(1982), on constate finalement que les étapes nécessairesà la bonne mise en œuvre d’une démarche d’informatisationn’ont pas été respectées ; nous allons les reprendre et lesévaluer une à une.

Finalement, on constate que ce sont les aspectsmanagériaux qui font le plus défaut dansl’opérationnalisation de cette informatisation de lagestion des ressources humaines au sein de ROCMA. Laconception du projet et en particulier l’analyse desbesoins et le choix des acteurs ont été respectés;cependant, les dysfonctionnements sont relatifs aumanagement du projet. On s’aperçoit quel’informatisation a mis en relief des problèmes latents demanagement au sein du service des ressources humaines.L’historique du service, tel que présenté précédemment, ajoué en défaveur du projet. Dans de telles circonstances,

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Personnes Perceptions

A «Depuis mon retour de congé maternité, j’ai l’impression de ne plus faire partie du service.J’ai l’impression d’être transparente, inexistante. La chef de service ne s’adresse pasdirectement à moi pour tout ce qui concerne la paie. Toutes les remarques que je peux fairene sont pas prises en compte. Le climat s’aggrave de jour en jour. Pas de managementd’équipe. que des ordres à exécuter sans explication. La chef de service n’en fait qu’à sa tête.Je n’existe plus».

B «Je suis la seule avec A à supporter toute l’informatisation. Je dois suivre les formations et les appliquer aussitôt à cause des échéances de paie. La réorganisation qui a été mise en place pour l’informatisation accroît ma charge de travail. Un climat insupportable règnedans le service. Absence de management».

C «J’accepte tout ce que l’on me dit, car je n’ai jamais travaillé dans un service RH. Je n’ai pas de problèmes avec ma hiérarchie»

D Elle n’a pu répondre (régulièrement en arrêt maladie). Mais la perception que les autres ont de cette personne est la suivante : Elle s’est mis l’ensemble du personnel à dos. Elle se garde les tâches valorisantes et se décharge du reste. Donne l’impression de ne pas travailler. Fait beaucoup d’erreurs. Aumoment de l’informatisation, elle était tout d’abord présente, elle savait tout, elle répondait à la place des autres et voulait remplacer le formateur. Lors de l’application (énorme saisie et tests divers), tout le service devait être mobilisé : elle est tombée malade pendant troissemaines. Absence totale. A son retour, elle ne pouvait pas travailler car elle n’avait pas eu la formation : bonne excuse et depuis elle évite tout ce qui a trait à l’informatique.

D «La prise de fonction n’est pas évidente, équipe difficile et informatisation complexe. Mais avec des ordres, on parvient à tout»

E Est partie en congé maternité au moment de l’informatisation F «Peu concernée par l’informatisation au niveau de mon travail de secrétariat»

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il aurait fallu un réel manager capable de s’imposer touten optant pour une démarche participative.Le diagnostic du service RH fait ressortir des élémentscaractéristiques d’une structure qui a évolué sans avoirréellement réfléchi à son organisation et aux compétencesqui lui étaient nécessaires. L’informatisation des ressourceshumaines s’est produite à un moment qui ne semble pasopportun. Différents thèmes se dégagent de cette étude auservice RH.

1° remarque : Un management centralisateur

Le style de management perçu est de type directif etcentralisateur. Cependant, aujourd’hui, dans le contexteactuel, il semble que les organisations, qu’elles soientprivées ou publiques doivent évoluer vers une organisationdu travail et un style de management qui favorise laréactivité. Si les structures de petite taille peuvent encore sepermettre ce type de management (et pour combien detemps…), il apparaît clairement qu’une structure qui sedéveloppe ne peux plus fonctionner sur un tel mode. Neserait-ce, par exemple, parce que la quantité d’informationnécessaire pour prendre une décision ne peux plus êtregérée par une seule personne. L’informatisation du serviceRH s’est révélé incompatible avec ce style de management.De plus, ce type de management est sclérosant pour le bonfonctionnement de la structure. Avec un managementcentralisateur, on freine toutes les initiatives individuelles etcollectives ; on risque même à terme de démotiver leséquipes. C’est donc tout d’abord à une évolution culturelledans le style de management qu’il faut s’orienter. C’est une

étape difficile dans la mesure où elle constitue en quelquesorte une remise en cause des pratiques existantes. Elleapparaît cependant comme la première étape d’unprocessus long, progressif et constructif de mise en placed’une politique de management propre au service RH, qui,outre cette phase d’informatisation, se doit de montrerl’exemple pour l’ensemble des services de ROCMA.

2° remarque : Une organisation qui se cherche

En corollaire à ce management de type centralisateur, onconstate une organisation qui se cherche. Différentsniveaux d’analyse peuvent être mis en évidence.

4 Un manque évident de définition des fonctions : on nesait pas qui fait quoi ?On constate que les rôles et missions de chacun ne sontpas clairement identifiés depuis l’informatisation.Cette modification des pratiques de travail s’est faitesans réel travail sur l’organisation même du travail.Les relations de pouvoir ne sont pas claires. Desresponsabilités sans réel pouvoir de décision sontattribués. Cela crée un malaise pouvant aller jusqu’à ladémotivation.

4 Un manque évident de coordination du travailLa communication interne entre les différentespersonnes du service n’est pas optimale. L’informationne circule pas entre la chef de service et les autrescollaborateurs. Cela est pénalisant aussi bien pour leclimat général au sein du service que pour l’image demarque du service RH auprès de la structure globale del’entreprise ROCMA.

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1. Le manque de cohésion au sein de l’équipe de travail responsable de l’implantation

2. Le refus de créer une équipe de travail qui s’engageradu début jusqu’à la fin du projet

3. Les luttes de pouvoir et autres conflits fréquents dans l’organisation

4. Une analyse incomplète des besoins

5. L’oubli d’inclure les personnes clés au sein du groupede travail

6. Le refus de consulter les autres acteurs touchés par l’informatisation pour vérifier si le système choisiest compatible avec les autres systèmes utilisés dansl’organisation

Vrai

Vrai

Vrai

Faux

Faux : Il ne s’agit pas d’un oubli mais d’une désaffectionprogressive au fil du projet : manque de cohésion

Faux : Le service informatique est associé au projet

Le cas chez ROCMALes six principes

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4 Un manque de compétence de certains personnelsLa formation du personnel au progiciel ne semble pasêtre adaptée au niveau de formation initiale despersonnes. On constate des disparités dansl’appropriation du progiciel par les personnes duservice. Cela génère des conflits et un déséquilibredans la répartition des tâches : deux personnes aumaximum sur six sont en mesure de travailler avec cetoutil, les autres, soit par volonté manifeste ou latentese sont retirés des séances de formation et ne sont pascapables de ce fait d’utiliser l’outil.

4 Un manque d’organisation du travail et de formalisationUn souhait émis par certaines personnes du service etqui s’intègre tout à fait à un projet de réflexion surl’informatisation d’un service a trait à une réflexionsur les procédures de travail. Une motivation dupersonnel pour apprendre de nouvelles méthodes detravail a été constatée. Dans l’optique, d’unmanagement plus participatif, il tout à fait souhaitableque l’ensemble du personnel rentre dans une logiqued’entreprise apprenante. Chacun doit contribuer audéveloppement de l’apprentissage permanent au seinde la structure. Les constats peuvent se résumer ainsiet donner lieu à des idées forces permettantl’élaboration d’un plan d’action.

ConclusionLe Maroc connaît une dynamique de changement tant sur leplan interne qu’externe. Les mutations de l’économie, de lasociété et celles structurant l’espace nécessitent la recherchede moyens adéquats pour maîtriser ce changement. LeMaroc prend ainsi conscience de l’importance des enjeuxliés à la mondialisation. Même si l’insertion du Maroc dansl’économie mondiale est un impératif, elle devrait intervenirau moyen d’une participation active des différents acteurs.L’entreprise constitue un de ces lieux privilégiés, où il estpossible d’insuffler une dynamique de changement. Dansun tel contexte, l’informatisation de la gestion desressources humaines s’inscrit dans une voie demodernisation des pratiques de gestion des hommes.Cependant en reconnaissant l’intérêt stratégique de l’outilde gestion au service d’une politique adaptée aux évolutionsenvironnementales, il ne faut pas sous-estimer la résistancepossible des acteurs non seulement face aux évolutionstechnologiques mais aussi et surtout managériales. Cetexemple nous a montré combien il était important des’intéresser aux effets socio-organisationnels lors dechangements techniques. Nous montrons finalement dans letableau ci-dessous les précautions managérialessouhaitables dans un tel contexte.

1° remarque : Un management centralisateur

Réfléchir sur les conditions de mise en place d’unepolitique de management plus participative. Créer unevision d’ensemble, éventuellement une charte dumanagement au service RH. Créer les conditions nécessaires à la mise en place denouvelles pratiques de management adaptée à cettepériode d’informatisation

2° remarque : Une organisation qui se cherche : 4 Un manque évident de définition des fonctions :

on ne sait pas qui fait quoi ?Clarifier l’organigramme détaillé du service et définir les fonctions compte tenu de l’évolution des postes avec le nouvel outil informatique

4 Un manque évident de coordination du travailMettre en place un plan de communication internepour éviter les conflits latents ou ouverts actuels

4 Un manque de compétence de certains personnelsRevoir la formation des personnes sur le progiciel

4 Un manque d’organisation du travail etde formalisationEngager un travail d’harmonisation des méthodesde travail, procédures, process...

BibliographieCrozier, M., (1989). «L’entreprise à L’écoute, apprendre

le management postindustriel», Seuil.C.X.P., (1998). «Paie et Gestion des ressources humaines

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Liaisons.«L’informatique au service des ressources humaines»,

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Peretti, J.-M., (1998). «Gestion des RessourcesHumaines», Editions Vuibert.

Peretti, J.-M., (1993). «GRHAO», Editions Liaisons,Option-Gestion.

Peretti, J.-M. (1992) «L’informatisation de la fonctionRH», in Ressources Humaines.

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Contribution à la définition de nouvelles frontièrespour l’implication dans le travail et dans l’entreprise

Maurice THÉVENETProfesseur au CNAM et à l’ESSEC

La recherche en gestion du personnel a ététraditionnellement alimentée par les questions descomportements et attitudes au travail puisqu’ils constituentun des déterminants de la performance. Généralement,l’individu y est observé dans le cadre de son travail etdifférentes caractéristiques personnelles et situationnellessont abordées afin de dégager d’éventuels liens avec laperformance au travail. Les courants d’étude de lamotivation et de la satisfaction illustrent bien cettepréoccupation centrale de la gestion du personnel.

S’il n’y a pas de consensus pour définir l’implication,qu’elle soit dans le travail ou dans l’entreprise, du moins leschercheurs s’accordent-ils à en reconnaître l’importancepour la gestion du personnel. Certains voient même là l’unedes finalités possibles des politiques de gestion dupersonnel.

Généralement considérée comme une attitude au travailtraditionnelle, l’implication a été le plus souvent abordéede trois manières :n comme un concept qu’il s’agit de définir précisément ;

on a ainsi dégagé ses deux dimensions principales :l’utilitarisme (j’ai intérêt à m’impliquer dans le travail,j’ai plus à y gagner qu’à y perdre) et l’affectif (jem’implique parce que je me retrouve dans cetteactivité, dans cette organisation).

n dans la recherche de ses principaux déterminants : ilstiennent à des caractéristiques de la personne (âge,ancienneté, niveau de qualification, sexe), ou à lasituation de travail. Généralement, la problématiqueconsiste à expliquer les attitudes et comportements autravail par des variables liées à la situation de travail

n dans la recherche des conséquences de l’implication, quece soit en termes de comportements, de performance.

Les principales revues sur la question n’apportent pas derésultats définitifs servant de base à des politiquesd’implication même si le besoin s’en fait sentir dansl’entreprise, dans les situations suivantes par exemple :n les activités de service quand la performance dépend de

l’engagement personnel de l’agent (dans la relation deservice) ;

n les organisations peu structurées dont le fonctionnementdépend de ce que les personnes prennent sur elles-mêmespour être pleinement efficaces ;

n la nécessité de fidélisation de certaines catégories depersonnel puisque celle-ci dépend de l’attachement à lasituation de travail présente.

L’objectif de cette communication est d’ouvrir de nouvellespistes de réflexion autour de l’implication afin de dégagerdes pistes concrètes d’action dans les entreprises quidoivent favoriser l’implication de leurs collaborateurs. Ellene propose pas de théorie de l’implication dans le travail ou

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dans l’entreprise mais plutôt des ouvertures permettant desortir la réflexion sur ce concept des cadres trop restrictifsde l’analyse traditionnelle des attitudes au travail.

Ces pistes découlent de plusieurs recherches menées surle sujet :n un questionnement ouvert de 830 personnes sur leur

expérience d’implication dans le travail ;n une enquête auprès de 187 cadres d’une même

entreprise industrielle internationale à propos del’implication dans l’entreprise (mesurée avec l’OCQ dePorter, Mowday et Steers, 1982) ;

n une série de 60 entretiens en profondeur menés auprèsde personnels d’exécution dans différents secteursd’activité.

Ces conclusions provisoires en forme de pistes deréflexion s’organisent autour de trois thèmes principaux :n quels nouveaux aspects des conditions de travail et de

l’expérience de travail peut-on prendre en compte pourcomprendre l’implication ?

n quels nouveaux aspects tenant à la personne peuventéclairer l’implication ?

n quelle approche devrait avoir le management del’implication pour augmenter les chances de lafavoriser ?

1. L’expérience de travailOn aborde généralement l’implication comme la plupartdes attitudes au travail, c’est-à-dire en cherchant lesantécédents et les conséquences en termes deperformance. Parmi les antécédents, les caractéristiquesdémographiques d’âge, de sexe, d’ancienneté et dequalification sont souvent utilisées. Parmi les conditionsde travail on retient celles qui sont le plus mesurables. D’autres variables méritent d’être considérées quidonneront une autre perspective à l’approche del’implication.

Les relationsIl semble y avoir une corrélation forte entre l’implicationdans l’entreprise et la qualité des relations vécues dans sontravail mais aussi la perception de sa capacité à ydévelopper de bonnes relations avec les autres. Ladimension relationnelle est capitale dans le travail. Dansl’activité professionnelle, notre environnement est surtoutsocial, composé de collègues, collaborateurs, responsablesavec lesquels on est perpétuellement en contact. Chacun apu expérimenter que la bonne ou mauvaise qualité desrelations vécues dans le travail font de l’activitéprofessionnelle un enfer ou un paradis, quel que soit parfois,le contenu même des tâches. Le très grand succès des ouvrages sur le harcèlement morals’explique d’ailleurs par la très grande importance accordéeaux relations dans le travail : la perversion de ces rapportspeut rendre la vie impossible, voire affecter la santé.Plus les gens sont impliqués, plus ils donnent del’importance à de bonnes relations dans le travail maisplus ils s’estiment également capables d’avoir de bonnesrelations avec leur patron, s’ils l’apprécient vraiment.Parallèlement, ils n’attendent pas après des procédurespour améliorer les relations.Les «impliqués» dans l’entreprise valorisent les relationsavec les autres et n’ont pas de problème avec les relationshiérarchiques. Ces résultats sont compréhensibles : leschercheurs ont depuis longtemps affirmé qu’une des

dimensions de l’implication dans l’entreprise étaitaffective et c’est bien entendu dans la relation humaine,plus qu’ailleurs que se joue cette affection, que sedéveloppe l’attachement affectif à une organisation.Quel est l’intérêt de cette perspective ? Elle conduit àaccorder beaucoup d’attention à la relation dans le travail,tout autant qu’aux caractéristiques de rémunération, carrièreou évaluation. Non que ces dernières ne soient importantesmais c’est souvent la qualité de la relation vécue quidétermine l’interprétation des règles et des politiques : desmodalités particulières de rémunération variable dans uncontexte relationnel positif ne seront pas perçues commedans un contexte de relations perverties et tendues.

J’arrive assez facilement à avoir de bons rapports avec mon patron

Corrélation avec l’implication dans l’entreprise

Contribution à la définition de nouvelles frontières pour l’implication dans le travail et dans l’entreprise

Maurice THÉVENET

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Probabilité

.236 .001

Je peux me «défoncer» pour un patron que j’apprécie vraiment .205 .002

Il me paraît capital d’avoir de bonnesrelations avec les autres dans le travail .193 .004

Nous ne disposons pas des procédures et systèmes qui nous permettraientd’améliorer sensiblement les relationshumaines dans l’entreprise

-.146 .023

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Le développement de relations managériales satisfaisantesest donc un enjeu capital du développement descompétences managériales comme les entreprises s’enaperçoivent, parfois à leur corps défendant, quand il s’agitde gérer des populations de jeunes, très sensibles à cettedimension relationnelle dans leur existence.

Les caractéristiques de l’entreprise

L’implication dans l’entreprise est définie comme uneadhésion à des buts et valeurs. Concrètement, ons’aperçoit que plus les personnes sont impliquées, pluselles donnent de l’importance dans leur travail à desaspects qui ne touchent pas directement leurs tâches ouleur activité immédiate. Dans notre échantillon, parexemple, les plus impliqués accordent dans leur travail del’importance :n aux résultats économiques de l’entreprisen au caractère international de l’entreprisen à l’image et à la notoriété de l’entreprise.

Ces relations clarifient la formulation assez vagued’ «adhésion». Bien entendu, si les personnes donnent del’importance à ces aspects de leur travail, ils seront trèsattentifs à la satisfaction que leur apporte leur expériencede travail.

Mais ils seront alors exigeants vis-à-vis de leur entreprisepour que ses résultats, sa stratégie, son image atteignentle niveau de leurs attentes. Des personnes impliquéescréent donc des obligations pour l’entreprise.

Ces résultats doivent être rapprochés de relations assezfortes entre l’implication dans l’entreprise et un sentimentde valorisation personnelle du fait de son appartenance àl’entreprise : ce qui valorise à l’extérieur, ce n’est souventpas le contenu même de son travail mais plutôt les succès,l’image, les réalisations collectives auxquels la personneimpliquée a tendance à s’identifier.

Des personnes impliquées ont donc des attentes vis-à-visde leur entreprise. Elles veulent s’y reconnaître. Cela nedonne pas de clé pour développer de l’implication maisaide à comprendre pourquoi celle-ci eut disparaître.

Implication et satisfaction

La satisfaction est aujourd’hui l’étalon unique de mesurede nos expériences. Sur tous les sujets des échantillonsreprésentatifs de nos congénères sont interrogés pourexprimer leur de gré de satisfaction ou d’insatisfactionavec des sujets aussi divers que la politique, la vie de lasociété, son avenir, voire même leur propre travail.

Les enquêtes de satisfaction sont monnaie courante dans denombreuses entreprises et elles donnent, en diachronie, desindications intéressantes sur l’évolution du ressenti dessalariés. Mais pour autant, permettent-elles de savoir ceque représente pour eux leur expérience de travail.

Dans une étude, nous avons interrogé les personnes sur lessentiments qu’ils avaient associés, à un moment de leurcarrière, à une forte implication dans le travail. Pour prèsde 40% des répondants (auxquels cette question ouverteétait posée), l’implication évoque de la tension, du stress,de la peur d’échouer, de ne pas être à la hauteur. Les motsd’angoisse, d’anxiété apparaissent fréquemment. Il a aussil’excitation qui parfois succède à cette peur. C’est dire quela satisfaction ne suffit as à décrire la totalité de tout ce quiest ressenti dans une expérience de travail, tout comme lasatisfaction serait insuffisante à épuiser le ressenti denombreuses autres situations de l’existence comme la viede famille, la vie dans la société, voire même les loisirs.

On peut être impliqué dans son entreprise sans afficher unbonheur béat permanent ; on peut se sentir attaché à uneorganisation sans que tous les moments n’apportent unégal bonheur. On peut être affectivement lié à uneorganisation sans que la vie au travail soit un long fleuvetranquille.

Cela explique sans doute que l’implication descollaborateurs ne soit parfois pas remarquée. Dans laplupart des entreprises où nous avons mesuré l’implication,elle était généralement supérieure à ce que croyaient lesdirigeants. Plutôt que de savoir si les personnes sont ou nonimpliquées, il serait ainsi préférable de voir l’aspect de leurexpérience professionnelle auquel s’arrime cetteimplication.

Le concret

Pour près de 40% des personnes ayant répondu à la mêmeenquête, l’implication évoque du concret, un sentimentd’utilité, de contribution, de réalisation d’un but, d’unprojet. Cela signifie que l’implication se rapproche duconcret et pas d’une sorte de conversion abstraite etmagique aux objectifs ou valeurs de l’entreprise.

Trop souvent le discours sur la mobilisation despersonnes laisse imaginer que le personnel adhérerait àdes aspects très immatériels et intangibles de l’entreprise.Il est préférable de constater que c’est dans l’action, dansla réalisation, la « matérialité » des opérations (noussommes dans l’entreprise, donc dans un contexte decréation) qu’un attachement peut se construire.

Contribution à la définition de nouvelles frontières pour l’implication dans le travail et dans l’entreprise

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2. La personne et son implicationPourquoi s’impliquer dans le travail, pourquois’impliquer dans une organisation ? Plus que laconséquence d’un stimulus qui n’aurait jamais étédécouvert, l’implication résulte d’un processusd’engagement personnel. Tout le monde s’accorde à ledire en affirmant que les personnes s’impliquent plutôtqu’on ne les implique.

Mais encore faut-il comprendre mieux cette dimensionpersonnelle de l’implication.

Le plaisir de travailler

Nombreux sont ceux qui ont, même temporairement,connu le plaisir de travailler. On le rencontre tous lesjours dans toutes les professions. Cette déclaration n’estpas sociologiquement étayée en ce sens qu’il estimpossible de dire combien de personnes sontconcernées, comme on a voulu le faire pour chercher lepourcentage de la population active subissant violence ouharcèlement dans le travail. Personne ne peut non plusassocier ce sentiment à des professions particulières, desmoments de l’existence ou de la carrière.

Le plaisir est cité par 40% des répondants dans l’enquêteavec questions ouvertes mentionnée plus haut. Dans cettenotion du plaisir nous rangeons différents niveaux desatisfaction, la joie, l’épanouissement, qui sont lesnotions les plus fréquemment évoquées après le plaisir.

Des études complémentaires révèlent deux aspectsimportants du plaisir.

D’une part il n’est jamais ce que l’on croit. On a sa proprenotion du type de plaisir « procurable » par le travail : elledépend de sa propre expérience, de son éducation, de sesgoûts, de ses ambitions et le plaisir des autres, pour letravail comme pour beaucoup d’autres domaines del’existence est parfois surprenant. Mais comment leconnaître si on ne l’écoute pas.

D’autre part, le plaisir trouvé par une personne ne peut secomprendre sans référence à son histoire personnelle quiseule permet de dégager le sens et la satisfaction trouvés.Bien entendu cette histoire personnelle recouvrel’éducation, l’enfance, la vie en dehors du travail, lesrelations avec les personnes qui comptent (et sont le plussouvent en dehors de la sphère professionnelle).

C’est dire si l’implication est une démarche personnelle,liée à une histoire personnelle, caractérisant uneexpérience que la personne investit comme tous sesautres domaines de l’existence.

Travail et hors-travail

L’implication dans l’entreprise est d’autant plusintéressante que les conditions de travail actuellesdonnent à beaucoup de personnes une place très relativecomparée aux autres lieux d’investissement personnelpossibles. L’implication peut ainsi se voir comme unengagement concurrent. De fait plus les personnes sontimpliquées dans l’entreprise, plus elles ressentent leconflit entre travail et famille. Elles considèrent alors quele travail tend à déborder sur la vie familiale. Toutefois,ce sentiment procède plus du constat que du ressentiment.Ainsi les personnes reconnaissent qu’elle pensent autravail à la maison, qu’elles rapportent du travail chezelles. Elles ne disent pas que leur entourage en souffre.L’implication va donc avec un envahissement « amical »du travail.

De manière très intéressante sur cet échantillon de cadresmariés ou vivant maritalement (à plus de 90%),l’implication dans l’entreprise est corrélée avec lenombre d’enfants. Diverses explications sont possibles :certains pourront dire que le nombre d’enfants va avec unsentiment de responsabilité conduisant à travailler et às’engager plus dans la perspective de gagner plus et faireface aux responsabilités familiales. D’autres hypothèsesparaissent plus plausibles : pourquoi le goût pour unnombre d’enfants élevé n’irait-il pas avec un sentimentpresque « communautariste » traduisant l’intérêt pourvivre en groupe, dans des relations fortes, solides, endonnant une place importante à l’expériencerelationnelle. On se souvient que l’implication va avec unintérêt pour les relations et une capacité à mener desrelations satisfaisantes avec les autres.

Dernier élément sur le hors-travail, les plus impliqués onttendance à parler de leur entreprise à l’extérieur, c’est unélément de fierté. Ils trouvent que leur entourage a del’intérêt pour leur entreprise. En fait, ils ne font pas uneséparation étanche entre travail et hors-travail et ces deuxmondes ne leur paraissent pas incompatibles. Ils ont mêmeplutôt l’impression que leur engagement dans l’entreprise etl’extérieur sont très compatibles voire en synergie.

Le développement personnel

Quand on regarde les priorités de ces cadres, ils accordentuniformément une priorité première à la famille. Parcontre les priorités pour le travail ou le développementpersonnel sont assez opposées. On remarque même uneforte opposition entre d’une part l’implication dans letravail et dans l’entreprise et le développement personneld’autre part. Par développement personnel on entend undéveloppement personnel que la personne trouverait àl’extérieur du travail ou de la famille.

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Cette opposition ne signifie pas que les impliqués dans letravail et la famille n’ont pas de préoccupations dedéveloppement personnel mais plutôt qu’ils trouvent leurdéveloppement personnel dans le travail et dansl’entreprise. Cette dimension est importante : les cadresinterrogés se distinguent surtout par leur tendance àchercher –et à trouver- ler développement personnel dansle travail et l’entreprise ou plutôt à l’extérieur.Cela représente un gros enjeu pour les directions desressources humaines : les impliqués ne sont pas soumisesaux lois de l’organisation mais avant tout des personnesqui trouvent dans leur entreprise ou leur travail lesopportunités de leur développement.

3. Le managementQuelle est la responsabilité du management en matièred’implication dans l’entreprise ? On peut au moinsdistinguer trois pistes de réflexion qui guideront lemanagement dans une action favorisant l’implication dansl’entreprise.

Une certaine conception de l’entreprise

Une entreprise peut fonctionner sans implication.Certains emplois, certaines fonctions en ont plus besoinque les autres comme dans le service quand la qualité dela prestation dépend de la relation avec une personne. Onconnaît également des formes d’organisation oùl’incertitude et la complexité exigent des personnesqu’elles prennent sur elles pour être pleinement efficaces.Mais plus encore, c’est le souci de la durée, de lapérennité qui peut conduire au besoin d’implication. Surle court terme, la pression des événements, la menace desanctions, les incitations séduisantes peuvent suffire àproduire du résultat. L’action sur la longue durée estautrement exigeante.

On connaît de nombreuses situations économiques oùl’objectif est à court terme : revendre l’entreprise remiseen forme (comme on a dopé une voiture d’occasion), fairede la transfusion sociale pour recommencer sans cesse lecycle des licenciements et recherches frénétiques decompétences : ces politiques de personnel n’ont pasbesoin de développer des finalités d’implication.D’ailleurs elles ne le pourraient pas car les relationsprofondes se construisent seulement dans la durée.

Un autre moyen d’éviter le besoin d’implication, c’est desurestimer les possibilités de standardisation etd’automatisation. On a connu cela il y a un siècle dansl’industrie. On assiste au même phénomène dans le serviceoù l’on croit affiner tellement des systèmes de gestion que

l’on pourra se passer de l’engagement de la personne, oudu moins le réduire à des attitudes de sourire et d’amabilité.Ceci est un leurre : même les plus beaux systèmes destandardisation du service peuvent être dévoyés. On nepeut imaginer développer de l’implication si les personnesne s’approprient pas leur travail.

L’implication, pas la soumission (même volontaire)

Dans toutes les études que nous avons effectuées,l’implication dans l’entreprise des collaborateurs esttoujours supérieure à ce que croient les dirigeants. Laplupart des responsables ont tendance à trouver leurscollaborateurs non impliqués, ou moins impliqués. Est-ceseulement l’effet d’optique selon lequel la situationactuelle est toujours moins bonne que dans les tempsanciens ? Pas uniquement.

D’une part les responsables, quel que soit leur niveau,attendent toujours, sans se l’avouer forcément, de lasoumission, de l’adhésion à leurs propres visions etprojets d’action. L’obéissance n’est pas synonymed’implication. Souvent, les personnes impliquées dansleur entreprise ont à son endroit un haut niveaud’exigences, sont parfois déçues de ses résultats et en fontportée la responsabilité à leur direction. Lescomportements contestataires qui en résultent ne sontalors pas perçus comme de l’implication !

D’autre part, leurs liens à l’entreprise, la cause del’identification à l’entreprise n’est pas toujours comprise,elle peut être très différente de ce que croient lesdirigeants qui en ont une vision propre. Mais comments’en rendre compte si on ne le demande pas. Il est parexemple dommage que dans certains secteurs comme lepublic par exemple, on n’ait pas plus utilisé ce référentielcommun de service public qui rassemblait l’ensemble descorps sociaux concernés, formés, à différents niveaux, aumême respect de ces valeurs qui s’effilochent à force dene pas être célébrées en commun.

Notre enquête montre (830 personnes) que 70% desrépondants qui parlent du management de leur patronquand ils étaient fortement impliqués, évoquentl’absence, la délégation, le laisser-faire. Non pas que lespatrons en question se soient désintéressés de leurscollaborateurs mais ceux-ci s’étaient suffisammentapproprié leur travail pour avoir le sentiment et lesouvenir d’avoir été leur propre chef, d’avoir eu pleinemaîtrise de leur travail.

Avoir des collaborateurs qui se sentent « propriétaires »de ce qu’ils font ne donne pas toujours un sentimentpositif au patron en question mais cela peut être alors unproblème que le patron doit résoudre pour lui.

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Créer les conditions nécessaires

Le management eut vouloir agir sur l’implication, essayerde la développer. Dans ce cas, il faut surtout ne pas croireque l’on crée, que l’on renforce, que l’on développel’implication des collaborateurs. Seules les personness’impliquent.

La seule mission du management, c’est de créer lesconditions nécessaires pour que la personne s’implique.Si ces conditions sont réunies, la personne s’impliqueraou non. Trois conditions nécessaires sont déterminantes.

La première est la cohérence. La personne doit comprendrele monde dans lequel elle se trouve, voir les liens entre desdiscours, des actions, des décisions. Les entreprisesfonctionnent de manière souvent très rationnelle ; queldommage que cette rationalité ne soit pas perçue. Est-elle sidifficile à comprendre ? Oui si l’on en reste au discours desspécialistes que Molière a bien caricaturé mais il n’est pasinterdit d’être transparent et pédagogue.

La seconde condition est la réciprocité. L’implicationn’est pas un abandon personnel à l’organisation. C’est unéchange. La personne ne s’implique pas dans l’entreprisesi elle n’a pas le sentiment que l’entreprise s’engage aussivis-à-vis d’elle. Cette réciprocité ne concerne passeulement les systèmes de rémunérations ; la réciprocités’éprouve dans l’ensemble des relations et desexpériences dans le cadre du travail.

La troisième condition est l’appropriation. Les personnesne s’impliquent que s’ils peuvent se sentir maîtres de cequ’ils font. Cette appropriation ne pas donc pas seulementpar l’actionnariat des salariés.

Travailler aux conditions nécessaires, ce n’est pas croirenaïvement que l’on peut transformer les personnes maisplutôt agir avec constance, cohérence et persévérance afinque dans le tumulte du quotidien, ces conditions soientrespectées. C’est ce qui fait de la gestion des personnes ledomaine d’action le plus difficile.

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La résistance au changement : de la partie émergée à la partie immergée de l’iceberg

Hédia ZANNADFrançois MANGINCesames, groupe ESC Rouen

La question du changement qui était, à l’origine,essentiellement débattue par les sociologues, est de plusen plus abordée par les gestionnaires et, ce, sous l’anglede la gestion de projet et non plus seulement commerésultat de démarches s’appuyant sur des outils etméthodes. Dit autrement, il existe, aujourd’hui, une prisede conscience indiquant que la conduite du changementrelève tout autant de l’art que de la technique, ce qui peutéclairer la notion de «résistance au changement».

Cette communication vise à présenter et à expliciter unmodèle d’analyse des résistances au changements’inspirant de la méthodologie de la sociologiecompréhensive de Weber (1965) avant d’essayer del’appliquer à un cas concret1 : la démarche entreprise parRenault pour introduire au sein de son ingénierievéhicule, une ligne transversale «projet» dans le but dedévelopper la «concourance», source de réduction desdélais, et de libérer la créativité, source d’innovation.

1. Quelles sont les causes qui sont généralement invoquées pour expliquer la résistance au changement ?La «résistance» des individus confrontés à unchangement dans leur entreprise et, plus généralement,dans leur organisation, est un phénomène qui représenteun enjeu important pour les initiateurs de ce changement :elle constitue en effet un obstacle qu’il faut surmonter ou,à tout le moins, contourner.

La raison la plus fréquemment invoquée pour expliquer larésistance au changement est liée au déplacement depouvoir qu’il induit (Crozier et Friedberg, 1977 ;Friedberg, 1988). En effet, le changement remet en causele contrat implicite et semi-inconscient , sorte d’ «accordde guerre froide» qui fournit le cadre à l’intérieur duquelles jeux de pouvoir se développent. Les individusdétiennent des ressources dont ils peuvent avoir intérêt àse servir et sont soumis à des contraintes qui varienttoutes deux en fonction des objectifs qu’ils se fixent et quisont réversibles. Pour parvenir à satisfaire leurs objectifs,les acteurs font donc un calcul rationnel en fonction del’évaluation de ces atouts et contraintes. «[Les résistancesau changement] ne sont pas l’expression duconservatisme aveugle des exécutants comme on a tropfacilement tendance à le croire. Elles sont dues au faitque les structures organisationnelles existantes sont sous-tendues par un système de relations de pouvoir en

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équilibre qui permettent à chaque individu de retrouverun niveau de satisfaction en principe maximum étantdonné sa situation, les atouts dont il dispose et lesobjectifs plus personnels qu’il poursuit. Changer lesstructures revient donc (…) à casser cet équilibre et àredistribuer entre les partenaires les atouts et moyens dechantage qu’ils peuvent mobiliser dans leursnégociations les uns avec les autres. Devant les risques etmenaces qu’une telle redistribution représente pour eux,il est normal et légitime qu’ils essaient de se prémunir etde se protéger au maximum. Les «résistances auchangement» ne sont que cela.» (Friedberg, 1988, p. 97).

Pour prolonger et préciser cette réflexion, on peutévoquer, avec Kets de Vries et Balazs (1998), six facteursde résistance au changement : n la perte de sécurité liée au «familier», qui provoque de

l’anxiété ;n la peur de manquer des compétences nécessaires pour

changer ;n la perte des conditions favorables de travail ou de

liberté ;n la perte de responsabilité et d’autorité, ainsi que du

statut et des privilèges qui les accompagnent ;n l’interprétation du changement comme attaque

concernant les performances passées ;n la menace concernant les alliances, les contacts et les

amitiés.Dans une optique assez proche, on peut penser que lesobstacles au changement peuvent provenir de ce que lessalariés ignorent ou comprennent mal les conséquencesdu changement concernant le contrat – en termed’obligations et d’engagements mutuels – qui les lient àl’organisation (Strebel, 1996). Cette mauvaisecompréhension peut concerner la dimension formelle,psychologique et/ou sociale du contrat.

La dimension formelle concerne les questions suivantes :Que suis-je supposé faire pour l’entreprise ? quel soutienpuis-je en attendre pour faire ce travail ? Quand etcomment mes performances seront-elles évaluées ? Quelsera mon salaire ? Sera-t-il lié à l’évaluation de maperformance ?

La dimension psychologique renvoie aux problématiquessuivantes : Quelle sera ma charge réelle de travail ?Quelle reconnaissance, avantage financier ou autresatisfaction recevrai-je en échange de mes efforts ? Cesrécompenses valent-elles les efforts fournis ?

Enfin, la dimension sociale concerne les préoccupationssuivantes : Mes valeurs sont-elles les mêmes que cellesde mes collègues ? Quelles sont, dans cette entreprise, lesvéritables règles qui déterminent le «qui obtient quoi» ?

Plus généralement, André et Bernardon (1995) expliquentles résistances au changement par l’absence deconciliation entre l’offre et la demande de changement etpar une inuffisante prise en compte des bons leviers duchangement, en particulier la vision partagée et la prise encompte des facteurs humains. On observe trop souvent uninvestissement trop exclusif sur la technologie, ennégligeant d’offrir un support de la performance et uneingénierie des ressources humaines.

A la question de savoir pourquoi nous avons tant de malà accepter le changement, Chaize (1998), quant à lui,répond que même lorsque le changement est sous nosyeux, «notre cerveau trie en fonction de schémas déjàenregistrés» (p 117) et que nous refusons de voir ce quimet en jeu nos émotions – et son cortège de douleursprévisibles.

Il ne suffit pas de changer les organisations pour que leshommes changent et, réciproquement, le changementcomportemental n’induit pas automatiquement latransformation de l’organisation. Il y a résistance auchangement car on ne respecte pas toujours les étapesinhérentes à tout processus de changement. En effet,changer, c’est faire son deuil de la réalité à venir pourhabiter une «nouvelle vie», ce qui implique cinq étapes(que nous ne développerons pas ici) : le déni, la colère, lanégociation, la tristesse et le nouveau départ.

Il y a résistance au changement parce que l’intelligence,la raison et la volonté cohabitent avec d’autresdimensions – et tout le propos de cette communication estde les mettre au centre de notre propos - la mémoire,l’émotion et les sentiments.

2. Une perspective weberienne sur la résistance au changementPour analyser la résistance au changement, on peutdistinguer deux grandes approches : celles qui mettent encause les caractéristiques spécifiques de l’individu (sonhistoire, ses valeurs, sa psychologie, son inconscient), etcelles qui s’intéressent au contexte organisationnel danslequel s’inscrit le projet de changement, etparticulièrement à l’impact de ce dernier sur leséquilibres existants.

Sur ces diagnostics divergents reposent des dispositifs deréduction des résistances différents : dans un cas ons’efforcera d’adapter directement l’individu au nouveaucontexte, dans l’autre de modifier le contexte structurel etde négocier tant bien que mal un nouvel équilibre

La résistance au changement : de la partie émergée à la partie immergée de l’iceberg

Hédia ZANNAD, François MANGIN

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d’ensemble. Le premier type d’approche rencontregénéralement la faveur des managers, à qui près d’unsiècle de management et de théories du managementlaissent penser qu’il est facile ou, au minimum, fortpossible d’adapter le facteur humain aux objectifsmanagériaux. La seconde vision, celle de l’analysestratégique des organisations développée par Crozier etFriedberg, pose deux types de problèmes aux tenants dela première approche : d’une part, elle s’appuie sur unconcept encore perçu comme sulfureux, le pouvoir, et desdéclinaisons qui ne le sont pas moins - la négociation, lecompromis – et, d’autre part, elle paraît nier la spécificitéde chaque individu, ramené à un être calculateuret opportuniste, ainsi que les valeurs qui peuventl’animer, en privilégiant de façon systématique lecontexte organisationnel et le comportement stratégiquede l’acteur.

Pour tenter de dépasser cette opposition, un retour à lasociologie compréhensive développée par Max Weber(1992, 1995) nous a semblé fructueux. C’est ce queConinck (1998) à récemment tenté de faire, en analysantune entreprise confrontée à la mise en place d’équipessemi-autonomes.

La sociologie weberienne cherche à saisir le sens visésubjectivement par les agents participant à une activitésociale. Pour ce faire, elle utilise des idéaux-types. L’idéal-type constitue un «concept limite purement idéal, auquelon mesure la réalité pour clarifier le contenu empirique decertains de ses éléments importants, et avec lequel on lecompare» (Weber, 1992, p. 176). Pour analyser unesituation empirique, le sociologue la jauge à l’aune dechacun des différents idéaux types qu’il s’estpréalablement forgés, s’efforçant d’apprécier dans quellemesure elle ressort davantage de l’un plutôt que de l’autre,et dans quelle mesure elle combine tel et tel idéal-type.

Considérant que toute réalité empirique est infinimenttrop complexe pour pouvoir se résumer à un seulprincipe, Weber fait ainsi des idéaux-types de simplesoutils conceptuels, qui permettent d’ordonner la réalitésuivant un certain point de vue, sans qu’il soitenvisageable de l’épuiser.

Pour comprendre l’activité sociale, Weber propose quatreidéaux-types du sens visé par les agents :

n la rationalité en finalité : celle qui, en fonction ducontexte et des objectifs, conduit à employer lesmoyens les plus adaptés au regard des anticipations quel’acteur peut rationnellement faire ;

n la rationalité en valeur : celle qui conduit à adopter uncomportement pour ce qu’il vaut au regard d’une valeuréthique, esthétique, religieuse, etc., indépendammentdu résultat effectif de ce comportement ;

n l’émotion, en fonction des passions et des sentimentsimmédiats de l’agent ;

n la tradition, en fonction d’une coutume.

Weber note que ces deux derniers idéaux-types se situentà la limite des comportements auxquels l’agentcommunique un sens.

Pour des raisons de méthode, Weber recommande demesurer d’abord toute activité à l’aune de la rationalitéen finalité, pour ensuite passer aux autres idéaux-types.En effet, reconstruire le choix des moyens les plusadaptés au regard du contexte et des objectifs présentepour l’observateur une évidence et une «univocité»proches de la pure logique. C’est parce qu’il dispose d’un«étalon» rationnel en finalité que le sociologue peutensuite mesurer l’ampleur de l’écart par rapport à cetterationalité purement théorique.

Si, comme le fait Coninck (1998), on tente de moderniserle vocabulaire de Weber, on peut dire que le sociologueweberien confronte la réalité à plusieurs hypothèses, quisont successivement mobilisées. S’agissant de l’activitésociale, il dispose de quatre hypothèses fondamentales,dont l’une est, pour des raisons de méthode, testée enpremier lieu : celle de la rationalité en finalité. Comme ilreste des éléments non expliqués2, un «résidu», ilexamine ensuite les autres hypothèses : rationalité envaleur, affectif et traditionnel. L’objectif est en quelquesorte de minimiser le résidu global pour obtenir uneexplication significative la plus complète possible.

Weber distingue trois niveaux distincts d’interprétationd’une activité empirique : celui de l’observateurextérieur, celui de la subjectivité de l’agent et celui del’inconscient de l’agent.

n l’observateur extérieur évalue l’adéquation objectivedu comportement de l’agent. Weber parle de larationalité de justesse, entendue comme le déroulement«logique» d’une action à partir du contexte de cettedernière ;

n la signification subjective de l’agent est le senssubjectif visé par l’agent lorsqu’il oriente son action :c’est pour tenter de le déterminer que le sociologuemobilise les quatre idéaux-types de l’activité. Webernote que toute action objectivement adéquate parrapport au contexte n’est pas nécessairement une actionsubjectivement rationnelle par finalité ;

n enfin, celui qui agit ne sait pas toujours pourquoi ils’oriente dans telle ou telle direction : des «motifs nonavoués» peuvent être à l’origine de l’activité de l’agent.C’est ce qui conduit Weber à s’intéresser au programmede recherche de la psychanalyse : «des branches trèsimportantes de la recherche en psychologie

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compréhensive ont de nos jours pour tâche de dévoilerles enchaînements qui jusqu’à présent n’ont étéqu’insuffisamment ou même pas du tout observés et quine constituent pas en ce sens des enchaînementsorientés subjectivement ni rationnellement, mais qui enréalité se déroulent cependant, dans une large mesure,dans le sens d’un enchaînement compréhensible etobjectivement «rationnel».» (Weber, 1992, p. 312).

Le dernier trait marquant de la méthodologie weberienneest sa perspective strictement individualiste. Il ne rejetteévidemment pas les concepts collectifs, mais en faisantdu sens subjectivement visé par l’individu laproblématique de base de sa sociologie, il ne les intègreque dans la mesure où les individus s’oriententsignificativement par rapport à eux.

Coninck (1998) a récemment suggéré d’adopter uneméthodologie de nature weberienne pour tenter decomprendre les «bonnes raisons» que peuvent avoir dessalariés à résister au changement. Il propose ainsi quatrehypothèses qu’il s’agit d’examiner successivement :

1. l’attitude face au changement se déduit purement etsimplement de contraintes structurelles, souventinsuffisamment ou incomplètement perçues par lespromoteurs du changement - instabilité des politiques,de l’encadrement, incertitude économique, etc. ; lecomportement est un comportement «ajusté».

2. elle est liée à la perception par les individus del’impact du changement sur leur intérêt personnel ;cette hypothèse correspond à la perspective del’analyse stratégique des organisations.

3. elle est liée à l’évaluation par les individus desconséquences du changement en termes de justice,d’équité.

4. elle est liée à des éléments émotifs ou symboliques, quiont une forte influence sur la motivation des individus.

L’ordre dans lequel ces hypothèses sont mobilisées estlié, pour Coninck, à un ordre de légitimité et d’évidencedécroissant dans la société moderne.

Par rapport à la méthodologie de Weber, Coninck procèdeà plusieurs ajustements importants ;

n le comportement «ajusté» fait référence à l’adéquationobjective du comportement aux conditions, tandis queles trois autres hypothèses concernent la rationalitésubjective de l’acteur. En fait, des quatre idéaux-typesde l’activité de Weber, est soustraite l’activitétraditionnelle, que Coninck juge sans doute inadaptéeaux sociétés modernes, tandis qu’est ajoutée la justesse.Mais on mêle alors directement deux niveaux

fondamentalement distincts dans la méthodologieweberienne : l’analyse de l’observateur extérieur et lesens communiqué par l’agent à sa propre action. Deplus, cela revient à considérer que certaines contraintesauraient un effet indépendamment des perceptions etdes évaluations des acteurs, ce qui s’oppose àl’individualisme méthodologique de Weber. Dansl’entreprise, résister au changement parce que le projeten cours est le nième avatar d’une réforme managérialejamais aboutie peut évidemment être le résultat d’uncalcul coûts/avantages.

n il introduit la légitimité comme facteur d’ordre dans sesquatre hypothèses. Ce faisant, il introduit dans laméthodologie weberienne un système de valeurs apriori : là ou Weber privilégie la rationalité en finalitéuniquement parce qu’elle est la plus immédiatementaccessible au sociologue, Coninck privilégie lecomportement ajusté comme étant le plus légitime.Mais de quelle légitimité s’agit-il ? Celle reconnue parle sociologue (légitimité méthodologique), cellereconnue par le manager (légitimité managériale) oucelle reconnue par l’acteur ? Dans ce dernier cas, lacohérence voudrait que l’on privilégie alors les valeursde l’acteur. De plus, il n’est pas besoin de préciser àquel point la méthodologie weberienne vise à se garderde la subjectivité du sociologue et de ses valeurs…

n enfin, conservant l’esprit de la rationalité en valeur,Coninck privilégie une valeur particulière, la justice, etson corollaire, la reconnaissance, sans réellementjustifier le primat ainsi accordé.

Si le projet de Coninck paraît prometteur, la façon dont ilest opérationnalisé pose de nombreux problèmes decohérence interne au regard de la méthodologieweberienne. C’est pourquoi nous proposons d’en revenirplus strictement à cette dernière, et notamment auxidéaux-types de l’activité sociale.

Nous assimilerons le comportement stratégique del’acteur tel que le définit l’analyse stratégique desorganisations à la rationalité en finalité de Weber et,suivant ce dernier, nous proposons de commencerl’analyse d’une situation concrète par cette hypothèse.

Par rapport à Weber, la justification de cette priorité n’estpas l’évidence du comportement stratégique, dans lamesure où l’analyse du contexte organisationnel, de laposition de l’acteur dans ce contexte, et de sesperceptions et évaluations, est souvent plus longue, plusdifficile et moins «naturelle» que le recours à d’autreshypothèses, notamment psychologiques. En effet, face àdes manifestations émotives d’un comportement (parexemple, un chef de service «caractériel»), l’explicationla plus évidente a priori sera souvent celle de la

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«personnalité caractérielle». Mais, dans la mesure mêmeoù elle est moins naturelle, l’examen en premier lieu del’hypothèse du comportement stratégique est la plus àmême de diminuer le résidu global de l’explication, etdonc d’améliorer la qualité de cette dernière.

Cependant, le comportement stratégique n’est que lepremier des idéaux-types à mobiliser. En s’inspirant deBoudon (1986), on pourrait dire que l’analyse stratégiquepermet de déterminer la position stratégique d’un acteur(ressources, contraintes, enjeux) placé dans une situationdonnée. Elle propose une explication du comportementde l’acteur par la recherche/volonté de préserver sonautonomie (motivation stratégique), indépendante a prioride ses motifs personnels et de sa psychologiesingulière. Mais pour comprendre son comportement, etplus particulièrement les différences de comportementd’acteurs placés dans des situations identiques ou trèscomparables, il peut être nécessaire de creuser au delà dela stricte motivation stratégique, c’est à dire de rechercherses dispositions personnelles. À ce titre, et en suivant ladémarche weberienne, restent à examiner la rationalité envaleur, le comportement affectif, et le comportementtraditionnel.

La situation de l’analyse stratégique des organisationsface à la sociologie weberienne est assez étrange. Dansses exposés les plus conciliants, la méthodologie deCrozier et Friedberg apparaît purement weberienne :approche individualiste, qui reconstruit les structurescollectives à partir des actions et des anticipations desacteurs, recherche du point de vue subjectif de l’acteur, et,surtout, priorité méthodologiquement accordée àl’hypothèse d’un acteur à la rationalité limitée,s’efforçant d’exploiter au mieux les ressources dont ildispose pour atteindre au mieux ses objectifs en tenantcompte des contraintes qui pèsent sur lui et de laperception qu’il a du système dont il fait partie. Friedbergparle ainsi d’un «utilitarisme méthodologique»: «Unetelle démarche repose sur l’hypothèse qu’il est toujoursplus sage de partir du principe selon lequel lecomportement utilitariste est la règle et qu’il appartient àl’observateur de mettre en évidence les écarts à la règle[…] C’est parce qu’elle s’attend à des écarts, parcequ’elle permet de les mettre en évidence et ainsi d’affinerempiriquement et inductivement la connaissance etl’analyse des acteurs présents dans le champ qu’il mesemble qu’on peut parler ici d’un utilitarismeméthodologique» (Friedberg, 1988, p. 218). Pourtant, endépit de cette évidente proximité, on chercherait en vainla moindre référence à la démarche weberienne dans lecorpus méthodologique de l’analyse stratégique. Peut-être, d’ailleurs, cette proximité n’est-elle qu’apparentedans la mesure où il semble bien que l’utilitarisme

méthodologique ne produit jamais de «résidu nonutilitariste». Le qualificatif «méthodologique» ne seraitainsi qu’une concession formelle…

Or, l’analyse approfondie du fonctionnement del’organisation par projet chez Renault nous conduit àpenser qu’en matière de résistance au changement enparticulier, ce «résidu non utilitariste» n’est pas nul.

3. L’introduction de la gestion par projet chez RenaultNotre propos est de comprendre pourquoi les métiers del’ingénierie véhicule de l’entreprise Renault ont cherchéà freiner le mouvement de transversalisation desstructures lorsque s’est développée, il y a une dizained’années, la logique de la gestion par projet3.

Pour répondre à cette question, nous examinerons lecontexte structurel du changement, et les contraintesorganisationnelles nouvelles qu’il génère. Puis, en nousplaçant du point de vue des acteurs, nous étudierons lesquestions suivantes : Quels ont pu être leurs intérêtstangibles ? Quel est leur système de valeurs ? Quelle estla dimension émotive et symbolique de leurcomportement ?

3.1. Le contexte

L’action des métiers se déroule dans un périmètred’action structuré par des canaux de communication pré-établis, par une distribution formelle de l’autorité, par uncertain nombre de réglementations et par des réseaux desolidarité. En limitant l’accès à l’information de sesmembres, en spécialisant leurs fonctions selon desprincipes de division du travail hiérarchiques, lescontraintes structurelles créent des rôles que les métiersdoivent remplir.

Or, dans le cas de la structure matricielle chez Renault,les directions métier sont obligées de poursuivre desobjectifs divergents, voire opposés, à ceux de la directionprojet. En effet, la structure métier et la structure projet sedifférencient sur cinq plans différents : la nature desactivités, l’orientation des objectifs, l’orientationtemporelle, la logique managériale et la nature del’autorité. Le tableau suivant indique les limites etcontraintes à l’intérieur desquelles la structure métier et lastructure projet peuvent «jouer».

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Gardons tout de même à l’esprit que cette structuration duchamp d’action des métiers n’est pas que contraignante :elle peut également devenir un outil dont les acteurspeuvent se servir pour poursuivre leurs stratégies.

3.2. Quels sont les intérêts tangiblesdes métiers ?

Même si les chefs de projet souffrent d’une absence demoyens et de légitimité, ils bousculent les métiers dansleurs modalités de fonctionnement grâce à leur pouvoirde questionnement et de légitimité. Ils modifient lesrègles du jeu de l’entreprise et, en particulier, la nature dupouvoir détenu par la hiérarchie métier.

En particulier, les métiers souhaitent voir le rôle du projetse cantonner à la définition des objectifs et au contrôledes résultats des acteurs projet tandis que le projetsouhaite également orienter leurs méthodes de travaildans la mesure où celles-ci influent sur les résultats. Demême, la direction projet souhaite pouvoir choisir sescollaborateurs et influer sur l’évaluation de leursperformances tandis que les hiérarchies métier veulentcontinuer à être le «seuls maîtres à bord» en la matièreparce qu’ils considèrent que l’affectation des ressourceshumaines doit se faire en fonction des disponibilités de ladirection métier et que les objectifs fixés par leshiérarchies à leurs subordonnés englobent les objectifspoursuivis par la direction projet.

Avec la création des plateaux projet, les hiérarchiesmétier doivent également renoncer à la proximitéphysique - qui peut, dans certains cas, être assimilée à laproximité psychologique - qu’ils avaient avec leurssubordonnés. Si elles n’apprennent pas à les diriger «àdistance» et qu’elles ne font pas l’effort de se déplacerpour entrer en contact avec eux, elles peuvent avoir le

sentiment de perdre une partie de leur équipe, qui estdorénavant soumise à une autorité concurrente. Or,l’étendue de l’autorité hiérarchique ne se mesure-t-ellepas encore au nombre de subordonnés que le chef deservice a sous ses ordres ?

Par conséquent, les métiers ont le sentiment d’être«détrônés» par les directeurs de projet dans la mesure oùils doivent dorénavant leur rendre des comptes, où ilsperdent «l’aura» qu’ils exerçaient sur leurs subordonnéset où leur légitimité diminue parce qu’ils ne sont plus àmême de donner un sens au travail des individus. En bref,ils sont renvoyés à une fonction de prestataires au servicedes projets, alors qu’ils constituaient la «colonnevertébrale» de l’entreprise.

«Avant, le chef de service avait les rênes du pouvoiren main. A présent qu’il est obligé de se situer parrapport à un jeu d’acteur plus compliqué, son modede management doit être plus pertinent.»4

«Avec le plateau, toutes les troupes peuvent êtreréparties sur les plateaux, donc le chef peut seretrouver seul. La racine «hiérarchie métier» neconstitue plus un support et le hiérarchique doit allerchercher son gars quand il y a un problème précis.C’est drôlement inconfortable pour les hiérarchiqueset les subordonnés. »«Avec les plateaux projet, les gens sont mis sous uneautre autorité que celle de la hiérarchie : ils sont missous une autorité de conception. Le directeur deprojet devient le hiérarchique, de sorte que le chef deservice perd son pouvoir.»«Les projets court-circuitent la hiérarchie métier carils ont un accès plus rapide aux centres décisionnels ;c’est pourquoi les hiérarchies métier cherchent àreprendre du poil de la bête en opacifiant leurdirection et en filtrant les informations.»

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Structure métier Structure projet

Équipes permanentes Équipes temporairesOrganisation hiérarchique Organisation fonctionnelleResponsabilités fractionnées verticalement Responsabilités réparties horizontalementZones de responsabilité juxtaposées Zones de responsabilité se chevauchantLogique de continuité et de stabilité Logique de rupture et de mouvanceLogique de «toujours plus» Logique de «reste à faire»Les objectifs sont concrets, explicites Les objectifs ne sont souvent que des hypothèses Les objectifs sont stables Les objectifs varient en fonction des phases du projetLes moyens sont déduits des fins Incohérence fréquente entre les objectifs et les fins Sujétion à des influences endogènes Sujétion à des influences exogènes (clients et concurrents)Métissage professionnel faible Métissage professionnel fort

La dualité métier/projet

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3.3. Quel est le système de valeursdes directions métiers ?

D’après nous, la structure métier est imprégnée desvaleurs du modèle professionnel décrit par Sainsaulieu etali (1995), dans lequel le contenu du travail constitue levecteur essentiel d’intégration des individus au collectifet dans lequel les salariés manifestent un fort intérêt pourl’activité exercée, éprouvent de la fierté pour le travailbien fait et de la satisfaction à détenir une qualification.Or, les Directions métier ont précisément peur de perdrecette expertise et ce savoir-faire avec la logique projet.

Bien entendu, on peut penser que les valeurs invoquées,qui renvoient à ce que Iribarne nomme «la logique del’honneur», ne sont pas immanentes et constituent, plutôt,une justification a posteriori de comportements dictés parles seuls intérêts personnels, ainsi que l’affirmeFriedberg : «c’est l’occasion qui fait le larron, autant queson éducation (ratée) et son passé (malheureux). Il n’y adonc pas de raison de penser qu’objectifs et valeurs d’unindividu précèdent toujours les comportements. Ilspeuvent tout aussi bien en être le produit, c’est-à-dire lessuivre et n’être que des rationalisations que l’on adéveloppées pour justifier des comportements que, pourtoutes sortes de raisons, on a été amené à adopter. Lesystème de valeurs et la praxis d’un individu sestructurent mutuellement.» (1988, p. 9-10). Nous nesomme d’accord qu’avec cette dernière phrase et pensonsque ces valeurs sont suffisamment intériorisées pourdéterminer les objectifs et les attitudes des acteurs. Ainsi,nous pensons que les citations suivantes constituentdavantage des prises de positions sincères reposant sur lesvaleurs précédemment évoquées que des rationalisationsservant – consciemment ou inconsciemment – à justifierun comportement calculé.

«Les directions projet ne s’intéressent qu’à la qualitéperçue par le client tandis que nous voulons faire dela belle technique.»«On est garant du métier, donc on ne peut pas jouerla prestation économique à tout prix : un avantageéconomique ne doit pas induire un risque technique.»«Avec les projets, on aboutit à un appauvrissementdes métiers et des compétences, c’est clair.».«On a peur de perdre des compétences quand ontravaille en projet parce qu’il y a un écart dans lesuivi des technologies étant donné que, dans unprojet, on se fixe sur une technologie donnée et qu’onne peut pas confronter ses compétences aux autresdans le projet.»«Les projets ont une vision étroite par rapport auxmétiers dans la mesure où ils sont orientés vers lecourt terme et qu’ils ne s’intéressent pas à laperformance de l’entreprise dans son ensemble.»

Ajoutons que les directions métier ont un sentimentd’inéquité et de non reconnaissance de la part de laDirection Projet et, surtout, de la Direction Générale.Elles ont le sentiment que seule la participation des chefsde projet est prise en compte lorsque le projet réussit, cequi leur semble d’autant plus injuste que ces derniers ont,d’après eux, une contribution faible dans le projetpuisqu’ils se contentent de «faire faire»(make-workassignment).

«Les métiers font la gueule car ils sont descendus deleur piédestal et se considèrent comme corvéables àmerci, d’autant que les directeurs de projet sont trèsrevendicatifs.» «La force du projet est d’être centré sur les résultats,d’où la souffrance des métiers qui ont l’impressionde se faire enlever leur légitimité.» «Les directeurs de projet ont volé la partie noble dupouvoir (ce pour quoi l’entreprise existe) et renvoientles métiers à une fonction de prestataire, ce qui estdévalorisant. Les métiers sont renvoyés à unefonction secondaire tout en ayant une fonctionstatutaire importante. Les directeurs métier veulentrécupérer ce «sens» que leur a volé le projet.»«Quand il y a des problèmes, c’est le métier quitrinque. C’est le métier qui fait tout et qui doitrépondre de tout, de l’étude jusqu’à la mise en série.Les projets font faire.»

3.4. Quelle est la dimension émotive etsymbolique de leur comportement ?

Si on se penche, à présent, sur les dispositionspersonnelles des acteurs métier, on s’aperçoit que lesindividus résistent d’autant plus au changement introduitpar le développement de la logique projet que leurscaractéristiques personnelles les en éloignent. En effet, onobserve que les individus qui défendent le maintien de lalogique hiérarchique traditionnelle ont un fort «besoin desoutien»5, développent un goût prononcé pour les aspectstechniques de leur travail, manifestent une faibletolérance pour l’ambiguïté, ainsi qu’une faible capacité àprendre des risques par rapport à leur carrière6. Or, étantdonné que la structure métier est considérée comme plusfiable et plus apte à s’attacher ses employés que lastructure projet et que le travail en projet implique uneforte tolérance pour l’ambiguïté et une prise de risque parrapport à la carrière, nous pouvons penser que cesindividus se sentent plus à l’aise dans la structure métierque dans la structure projet.

A l’inverse, les individus qui acceptent le mieux leschangements induits par le développement de la logiqueprojet ont un fort «besoin d’affiliation»7, développent un

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goût prononcé pour les aspects économiques de leurtravail, manifestent une assez forte tolérance pourl’ambiguïté et une forte capacité à prendre des risques parrapport à leur carrière8, ce qui peut expliquer leurpréférence pour le travail en structure projet.

ConclusionLa sociologie weberienne suggère d’évaluer l’activitésociale au regard de quatre ideaux-types. Appliquée à larésistance au changement des salariés, une telle démarcheconduira à s’intéresser à leurs intérêts tangibles, à observerleur système de valeurs pour, finalement, appréhender ladimension émotive et symbolique de leur comportement.

Cette approche nous a séduits parce qu’elle rend comptede la résistance au changement, non pas en tant queréaction naturelle de salariés attachés à leurs habitudes ettraditions, mais en tant que résultante d’une situationsociale complexe et qu’il permet de se distancier desdiscours expliquant les comportements à partir de leurdimension utilitariste uniquement, en appréhendant lesmotifs profondément ancrés dans le sujet, ce que négligede prendre en compte la sociologie des organisations.

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Notes1 Nos observations sont issues d’une recherche

longitudinale de nature qualitative et quantitativeeffectuée au sein de l’entreprise Renault sur le projetde remplacement de la Laguna.

2 Au regard de la conception weberienne de la réalitéempirique, et de la nature purement conceptuelle del’idéal-type, on peut dire que Weber postulel’existence d’un résidu.

3 La gestion par projet correspond à un mode demanagement non hiérarchique dans lequel une équipeprojet, composée des représentants des différentesfonctions de l’entreprise et pilotée par un directeur deprojet, croise et fait appel aux ressources des structures«métier» afin d’atteindre des objectifs de performance«Qualité/Coûts/Délais». Chez Renault, elle s’estdéveloppée dans le cadre d’une structure matricielledans laquelle le responsable de projet définit ce quidoit être accompli (le «quoi») tandis que leresponsable métier est concerné par la façon dont cesera accompli (le «comment») et dans laquelle lesdécisions sont le fruit d’un accord entre les DirectionsMétier et la Direction Projet.

4 Toutes les citations sont issues d’acteurs métier.5 On entend par «besoin de soutien» le besoin qu’ont les

individus que l’organisation se préoccupe d’eux, lebesoin d’être soutenu émotionnellement et leur besoind’être orienté dans le développement de leur carrière(Levinson, 1971).

6 En moyennt, leur degré de tolérance à l’ambiguïté estde 2.2 et leur capacité à prendre des risques par rapportà leur carrière de 2.7 sur une échelle de Likert allant de1 à 5 points.

7 On entend par «besoin d’affiliation» le besoin qu’ontles individus de s’intégrer à un groupe de travail(Levinson, 1971).

8 En moyennt, leur degré de tolérance à l’ambiguïté est de2.9 et leur capacité à prendre des risques par rapport àleur carrière de 3.9 sur une échelle allant de 1 à 5 points.

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COMITÉ SCIENTIFIQUE DE LA 3e UNIVERSITÉ DE PRINTEMPS

Youssef ALLOUANE, Directeur, ISCAE Tunis, TunisieMohamed BAYOUD, Président, AGEF, Casablanca, MarocEssaïd BELLAL, Directeur, DIORH, Casablanca, MarocAdnane BELOUT, Professeur, Université Montréal, CanadaAlain BERNARD, Professeur, ESSEC, Cergy, FranceCharles-Henri BESSEYRES des HORTS, Professeur, HEC, Jouy en Josas, FrancePatrick BEZIER, ANDCP, Paris, FranceClaude BOURCIER, Professeur, ESC Rouen, FranceFranck BOURNOIS, Professeur, CIFFOP, Paris, FranceLuc BOYER, Professeur, Université de Caen, FranceJacques BROUILLET, Président IES, Paris, FranceLoïc CADIN, Professeur, ESC Paris, FranceJean-Luc CERDIN, Professeur, ESSEC Cergy, FranceGiovanni COSTA, Professeur, Universita Venezia, ItalieThierry de BEYSSAC, Directeur Hewitt, Paris, FranceFernando CUEVAS, Professeur, ESC, Pau, FranceAbdelaziz DALI, Président, ALGRH, Alger, AlgérieGeorges EGG, Président, CCIAS, Paris, FranceFredj EZZERELLI, Directeur des études INTEC, Tunis II, TunisieLouis FORGET, Professeur, ESSEC Management Education, Paris La Défense, FranceMounir HADJ MOURI, Professeur, ESC, Lille, FranceBruno HENRIET, Professeur, Université de Nantes, FranceJacques IGALENS, Professeur, Université de Toulouse. Président de l'IAS, Paris, FrancePia IMBS, Directeur, IAE, Strasbourg, FranceMichel JORAS, Directeur, EHEE, Paris, FranceHenri MAHE de BOISLANDELLE, Professeur, Université de Montpellier, FranceZeineb MAHJOUB, Président, ARFORGHE, Tunis, TunisieMohammed MATMATI, Professeur, ESC, Grenoble, FranceAlain MEIGNANT, Directeur Quaternaire, Paris, FranceArmand MELLA, Secrétaire général, AEDP, Paris, FranceBernard MERCK, DRH France Telecom, Paris, FranceJoan MUNDET HIERN, Professeur, UPC, Barcelona, EspagneBernard NIGLIO, Président, ANDCP, Paris, FranceJacques ORSONI, Directeur, IAE, Corse, FranceJean-Marie PERETTI, Président d'honneur de l'IAS. Professeur, ESSEC, Cergy et IAE de CorseDidier RETOUR, Directeur, ESA, Grenoble, FranceP. ROBERT DEMONTROND, Professeur, IG Rennes, FranceAlain ROGER, IAE, Aix en Provence, FranceHenri SAVALL, Directeur, ISEOR, Professeur, Université Lyon II, France. Président Comité scientifique de l'IAS, Paris, FranceMaurice THEVENET, Professeur ESSEC et CNAM, Paris, FranceJean-Louis TERADE, Université Montpellier, FranceMichel TREMBLAY, Professeur HEC, Montréal, CanadaGeorges TREPO, Professeur HEC, Paris, France. Président de l'AGRH, Paris, FranceThierry WILS, Professeur, Université de Laval, Québec, CanadaZahir YANAT, Vice Président IAS, Paris, FranceVéronique ZARDET, Professeur, Metz, France

COMITÉ D’ORGANISATION DE LA 3e UNIVERSITÉ DE PRINTEMPS

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I A S - 29 avenue Hoche - 75008 PARIS - Tél. : 33 (0)1 40 35 40 00 - Fax : 33 (0)1 34 43 32 10

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3eUNIVERSITÉ

DE PRINTEMPS DE L’IAS

Stratégies et Ressources

HumainesALGER, ALGÉRIE

19 et 20 mai 2001

Actes édités par Jean-Luc CERDIN et Jean-Marie PERETTI

AVEC LE CONCOURS DE

w Institut MANPOWER de recherchesprospectives en ressources humaines

w ENTREPRISES et CARRIERES

EN PARTENARIAT AVEC

w AGRH (Association francophone de Gestiondes Ressouces Humaines), Paris

w AGEF(Association des Gestionnaires etFormateurs du personnel), Maroc

w AFORGHE(Association des responsables de formation et gestion des hommes en entreprises), Tunisie

w ANDCP(Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel),France

&

w ESSEC Business School Paris

I A SINSTITUT INTERNATIONAL DE L’AUDIT SOCIAL

&ALGRH

ALGÉRIE