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CHAPITRE VII. Description de l' ANis , ses propriétés sa culture, etc. . A graine de cette plante est la seule par-. tie dont on fasse usage, et on ne la cultive que pour cet objet. Sa racine est blanche et menue, sa feuille extrêmement fine et découpée d.'un vert gai; sa tige est branchue , cannelée et creuse : elles élève à quatre ou cinq pieds ; ses fleurs sont blanches et petites, disposées en rose et ramassées en grand nombre à l'extrémité de ses rameaux en forme de parasol ; elles sont composées de cinq pétales échancrés; le calice où elles tiennent se change en un. fruit oblong, formé de deux semences me- nues, convexes et cannelées d'un vert gri- sâtre, d'une odeur et d'une saveur douces et agréables. On sème cette graine fort claire au prin 7 - temps, soit en planches, soit en bordures.: elle profite mieux dans cette dernière dis- position : on la mouille pour. la faire lever., et on l'éclaircit quand le plant est assez fort; on a soin de même de le sarcler au besoin

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CHAPITRE VII.

Description de l' ANis , ses propriétéssa culture, etc.

. A graine de cette plante est la seule par-.tie dont on fasse usage, et on ne la cultiveque pour cet objet.

Sa racine est blanche et menue, sa feuilleextrêmement fine et découpée d.'un vert gai;sa tige est branchue , cannelée et creuse :elles élève à quatre ou cinq pieds ; ses fleurssont blanches et petites, disposées en roseet ramassées en grand nombre à l'extrémitéde ses rameaux en forme de parasol ; ellessont composées de cinq pétales échancrés;le calice où elles tiennent se change en un.fruit oblong, formé de deux semences me-nues, convexes et cannelées d'un vert gri-sâtre, d'une odeur et d'une saveur douceset agréables.

On sème cette graine fort claire au prin 7 -temps, soit en planches, soit en bordures.:elle profite mieux dans cette dernière dis-position : on la mouille pour. la faire lever.,et on l'éclaircit quand le plant est assez fort;on a soin de même de le sarcler au besoin

CHAPITRE VII. noxet de l'arroser un peu dans les sécheresses :elle demande une terre meuble et légère.Chaque pied forme sa tige dans le mois dejuin, et la graine se trouve mûre au moisd'août ; on le coupe alors à fleur de terre ,et on le laisse encore quelques jours au so-

leil , avant de battre la graine ; il repoussede nouveaux drageons au printemps sui-vant, qui donnent une seconde fois de lagraine ; mais, passé cette seconde récolte,il faut le détruire et en semer d'autre. Cetteplante vient assez bien en tout pays, maisparticulièrement en Touraine , où on enélève beaucoup, et c'est de-1 à que la semencenous vient en plus grande partie; elle se con-serve bonne pour semer pendant trois ans,mais pour les autres usages, elle sert beau-coup plus long-temps.

Elle est placée la première parmi les qua-tre grandes semences chaudes, et porte lenom de carminative, c'est-à-dire, anti-ven=teuse , sa principale vertu étant de dissiperles vents : elle est stomachique en mêmetemps , et fort convenable aux estomacsfroids et humides ; prise après le repas, elleaide à digestion ; celle qui est en dragée estla meilleure ; elle s'emploie aussi utilementcontre la colique , le hoquet, le mal de tête,les diarrhées, la difficulté de respirer, etautres maladies de cette espèce : on la faitentrer dans les purgatifs à la dose d'une dra-chme infusée avec deux onces de séné, ou

202 D E L' A N I S.autres drogues purgatives, et prévient lestranchées ; elle est par elle-même purgativepour les enfans , qu'on purge parfaitement îau poids d'un scrupule pulvérisé et délayéclans un peu de bouillon; elle est souveraineaussi dans les lavemens , pour appaiser lacolique, arrêter le cours de ventre, et dis-siper les vents : on en fait bouillir deux outrois gros avec les autres herbes. Il s'en tireune huile qu'on trouve chez tous les apo-thicaires, qui est excellente de même pourla colique venteuse, et pour faire cracherles asthmatiques : la dose est de huit à dixgouttes dans un verre de quelque liqueurconvenable. On l'emploie encore dans plu-sieurs ratafiats et liqueurs qu'on boit pourson plaisir , et dans certaines pâtisseriesqu'on fait en beaucoup de pays ; on en metmême dans le pain du côté de Rome, ainsiqu'en Al emagne : c'est l'usage dans les ca-barets de servir de l'anis sur une assiette,qu'on mange avec le pain ; les riches et lespauvres l'aiment également. Cette semenceenfin a tant de propriétés et (le vertus,qu'onl'appelle en médecine lame des poumons etle soulagement des intestins.

Il y a encore une autre espèce d'anis quivient de la Chine, et qui en porte le nommais on ne peut pas réussir à le faire venirdans ce climat ; on lui attribue des vertussupérieures à l'autre , pour chasser lesvents : on le mâche tel qu'il nous vient ,

CHAPITRE VIII. 203OU on en boit l'infusion. J'ignore commentil croît; je ne connois que le fruit, qui estd'une matière solide comme le bois, formécomme une étoile, de la grandeur d'un petitécu, de couleur marron, rougeâtre, renfer-mant quelques petites graines rouges; on letrouve chez tous les apothicaires.

CHAPITRE VIII.

Description de l' ARnocHE , ses di ()-rentes espèces , ses propriétés, sa cul-ture etc.

L 'ARROCHE est connue sous plusieursnoms , belle-dame, bonne-dame et follette ;il y en a trois espèces, la blanche, la rougeet la puante.

La blanche, qui est la seule dont on fasseusage dans les alimens , a la racine longue etfibreuse ; sa feuille ressemble en quelquechose à celle de la poirée ; mais elle est pluspetite, plus lisse, plus molle et plus jaune ;aussi elle est conformée différemment ducôté de la queue, étant comme ailée et unpeu ondée sur les bords : elle monte engraine la même année qu'on la sème, etpousse une tige de cinq à six pieds , cylin-drique dans le bas, et anguleuse dans lehaut ; ses fleurs naissent en grand nombreaux extrémités de la tige et des rameaux ;

204 DE L'ARROCHE.elles sont sans pétales , composées de plu-sieurs étamines garnies de sommets jaunâ-tres ou verdâtres; ces étamines sortent d'uncalice à cinq feuilles avec un pistil qui sechange en une seule semence arrondie ouapplatie comme une lentille jaunâtre, et e&veloppée dans une capsule feuillée. On doitêtre attentif à la recueillir dès que les pre-mières graines commencent à se détacher,sans quoi le vent les emporte en plus grandepartie ; on coupe alors toute la tige qu'onlaisse exposée quelques jours au soleil, eton la secoue aussitôt après. C'est au moisde juillet qu'on la recueille; elle se conservebonne deux ans, et on peut la semer pen-dant toute la belle saison ; cependant onn'en sème pour l'ordinaire qu'à l'entrée duprintemps, pour en jouir en attendant lapoirée, qui ne pousse pas avec la même ra-pidité. Mais si d'un côté elle ale mérite dese former plutôt qu'aucune autre plante deson espèce elle a le défaut de monter pres-

qu'aussitôt qu'elle est levée, ce qui l'exclutdes potagers passé le moment du besoin.Elle est très-utile néanmoins dans ce mo-ment pour les soupes et pour les farces, oùen l'emploie avec l'oseille, au défaut de lapoirée.

La seconde espèce qui est la rouge, a lafeuille d'un rouge sale, et la fleur, ou, pourmieux dire, le bouton purpurin; à tous au-tres égares, elle ressemble parfaitement à la

CHAPITRE VIII. nosprécédente; ses qualités sont à-peu-près lesmêmes, et on s'en sert également commede l'autre dans la médecine , mais la teinterouge que la feuille donne au bouillon laproscrit de la cuisine , étant désagréableaux yeux.

La culture de ces deux espèces est fortsimple : on sème la graine à la volée ou parrayons assez clairs, et peu de jours aprèselle lève : on la coupe quand elle est assezgrande , tout est dit là.

On se sert de la feuille des deux espèces,comme de la poirée, dans les bouillons etles décoctions rafraîchissantes et émollien-tes; elle est particulièrement bonne pouramollir le ventre et pou,- faire couler les ma-tières recuites ; elle dissipe en même tempsles vents, et tempère les humeurs âcres etbilieuses : on l'applique aussi en cataplasmepour arrêter les inflammations, appaiser lesdouleurs, relâcher les parties tendues, amol-lir les tumeurs dures , et adoucir les dou-leurs de la goutte ; mais elle est contraireaux estomacs faibles, et l'on ne doit pointen mettre dans les a h-lens.

La troisième espèce, nommée la puante,n'est d'aucun usage pour la vie; sa propriétéessentielle est de guérir la passion hysté-rique : on fait infuser ses feuilles comme lethé, et on en prend l'infusion toute chaude;on en fait aussi des décoctions à prendre enlavement. On peut encore confire avec le

'206 DE L'ARTICITAITI%sucre les feuilles fraîchement coupées, et elles sont particulièrement bonnes pour lesfemmes hystériques. Cette plante se trouvedans les lieux incultes et le long des chemins,maison peut la transplanter ou la semer dansles jardins ; et ceux qui sont dans le cas d'enavoir besoin, ne doivent pas négliger d'enavoir quelques pieds: sa racine est menue etfibrée ; sa feuille presque ronde, terminéeen pointe de la couleur de l'espèce blanche,mais beaucoup plus petite couverte d'unepoussière farineuse et blanchâtre, et d'uneodeur puante, semblable à peu près à celled'un maquereau pourri ; sa tige basse, pres•q ue rampante, assez branchue ; ses fleurssont entassées au sommet des rameaux, pe-tites, sans pétales, et composées de plusieursétamines qui s'élèvent d'un calice partagéen cinq parties, et d'un pistil qui se changeen une seule graine, menue, lisse, noirâtre,presque ronde et applatie , enfermée dansune capsule qui a la figure d'une étoile.

CHAPITRE IX.

Description de l' ARTIcHAur ses dif-férentes espèces , ses propriétés , saculture , etc.

L ATITICHAUT est un des légumes lesplus distingués du potager et des plus goû.

CHAPITRE IX. 207téS: le riche et le pauvre en jouissent éga-lement et s'en nourrissent ; cependant ,comme il a la mauvaise qualité d'échauf-fer et de donner des vents , un peu de re-tenue dans l'usage qu'on en fera, convien-dra bien aux tempéramens chauds et ven-teux.

Sa racine est épaisse et dure ; ses feuillessont longues d'un pied et demi jusqu'à deuxpieds ; elles sont larges dans leur milieude neuf à dix pouces, divisées en lanièreslarges, découpées, couvertes d'un duvetblanchâtre, sur-tout en- dessous , et sansépines ; sa tige est haute d'un pied et demienviron, cannelée, cotonneuse, garnie dequelques rameaux, au sommet desquels estune tête ronde et pointue , plus ou moins,suivant l'espèce, formée de grandes écail-les d'un vert de mer, dont la base est épais-se, tendre et blanchâtre, bonne à manger;et c'est la seule partie dont on fasse usage.Cette tête écailleuse n'étant pas coupée aupoint qu'elle doit l'être pour être mangée,s'élargit et s'étend peu à peu à mesure queles écailles s'écartent 1 et laisse enfin paroi-tre dans son milieu un groupe de fleurs ,de couleur pourpre bleuâtre, divisées encinq parties, et portées sur des embryonsqui se changent ensuite en une semence ob-longue, lisse, verdâtre, un peu tiquetée, etgarnie, dans sa circonférence d'aigrettesblanchâtres.

208 DE L'ARTICHAUT.On le mange à la sauce blanche 5 après

avoir été cuit dans l'eau ; on le sert demême au bouillon , et c'est aujourd'hui lafaçon qui plaît le mieux, d'autant que lessauces blanches incommodent beaucoupde personnes : on le mange frit, en pâteou sans pâte soit au beurre fondu, soitau sain-doux, soit à l'huile : on le mangeencore grillé dans une tourtière ou sur legril, après en avoir ôté la mousse, et misen place une cuillerée de bonne huile , ouun peu de beurre avec du poive et du sel,ce que l'on appelle à la berigoule. On le

racle dans les fricassées de poulets et autresragoûts : on le mange cru à la poivradequand il est jeune et tendre ; il sert enfin ;

en gras et en maigre à beaucoup d'usagesdifférens.

Il n'est pas aussi utile pour la médecine,et même les vertus que quelques - uns luiattribuent sont contestées par d'autres. Ilest certain seulement qu'il est cordial etapéritif, et que la décoction de sa racinecuite dans le vin, provoque fortement lesurines; on attribue aussi à sa feuille la ver-tu de guérir les écorchures et froissures,étant pilée avec du sucre, et appliquée surla plaie. Au surplus, on convient assez una-nimement, comme je l'ai dit, qu'il échauf-fe , qu'il cause beaucoup de vents, et qu'ilexcite à l'amour ; mais son goût fait plai-sir : il n'est question que d'en user modé-.

CHAPITRE I X. 209rément pour ne pas en être incommodéet chacun doit prendre son tempéramentp our règle.

11 y a cinq espèces d'artichauts que nousconnoissons , et que nous cultivons plusou moins. 11 se peut qu'il y en ait quelquesautres dans les pays éloignés comme jel'ai ouï dire ; mais, soit qu'elles n'aient ,pas valu la peine d'être apportées , soitque l'ayant été le climat ne leur ait pas étéfavorable, elles ne sont pas venues jusqu'ànous.

Les cinq espèces connues sont, le blanc,le vert le violet le rouge et le sucré deGênes.

Le blanc est le plus hâtif et assez tendremais il est fort petit; le coeur de sa pommeest enfoncé comme celui de la joubarbe,et ses écailles sont hérissées de pointes pi-quantes. Son défaut est d'être fort délicat àélever, et ce n'est qu'avec de grands soins,et dans une terre favorable , qu'on peut leconserver l'hiver; c'est pourquoi on en cul-tive peu.

Le vert est celui dont on fait le plus d'u-sage, et auquel nos maraîchers s'attachentuniquement ; il vient d'une grosseur ex-traordinaire quand il est dans une bonneterre, et bien cultivé ; sa forme est un peuapplatie , et ses écailles sont plus ouvertesqu'aux autres espèces : on en voit dont labase, qu'on appelle plus communément le

210 DE L'ARTICHAUT.cul, porte jusqu'à cinq pouces de diamètre;il est fort tendre, et d'un bon goût quandl'eau ne lui a pas été ménagée.

Le violet est d'une médiocre grosseur,c'est celui dont on fait le plus d'usage dansles provinces ; sa forme est plus pointueque n'est celle du vert , et ses écailles,dont le fond est vert avec un petit piquantau bout , sont fouettées d'un rouge violet,à leur extrémité. Il est aussi bon et aussitendre que le vert ; mais il s'en faut bienqu'il fasse autant de profit : on le confondsouvent avec le vert , auquel on donnele même nom de violet , parce qu'on yapperçoit comme à l'autre quelques om-bres violettes ; mais la différence est assezmarquée d'ailleurs, par sa forme et sa gros-seur.

Le rouge que mal-à-propos beaucoup degens appellent aussi violet, est véritable-ment d'un rouge pourpré dans tout son ex-térieur ; mais le coeur est jaune, et sa chairplus délicate que celle des autres, étantmangé cru, qui est la seule façon qui luiconvienne : sa forme est fort petite, et iln'est bon que dans sa naissance ; quand onle laisse un peu grosir, sa chair devient dureet indigeste.

Le sucré de Gènes , ainsi nommé, parcequ'il a effectivement le goût lin et sucré,est encore préférable au rouge par sa déli-catesse, et n'est bon de même que cru; sa

pomme

CHAPITRE IX. 211:pomme est fort petite , hérissée de pointespiquantes; sa couleur d'un vert pale, et sa-chair fort jaune. On tire les oeilletons deGènes par la voie des couriers : son défait'est de dégénérer dès la seconde année ; ilfaudroit par conséquent en faire venir tousles ans pour le manger dans sa perfection ,ce qui ne convient qu'a peu de personnes ;aussi on n'en voit que dans les jardins dequelques curieux.

Il s'en trouve encore une espace dontje dirai un mot ; c'est l'artichaut sauvage ,nommé par les botanistes la grande carline„qu'on trouve communément sur les hautesmontagnes : on ne le voit ici que dans lejardin des simples, oû on le cultive com-me une plante cordiale ; mais on le mange:dans les pays où il croit naturellement, etc'est un manger passablement bon , quoi-qu'inférieur aux autres; son goût tient unpeu de la noisette sans aucune amertume ,mais la base à peu d'épaisseur. Il ne faitqu'une seule pomme qui sort d'un coeur àfleur de terre, et qui demeure collée aupied, fort ressemblant par sa forme exté-rieure, et la couleur de son duvet, au grandsoleil d'Inde lorsqu'il défleurit ; ses feuil-les rampent sur terre 5 et tiennent autantde celles du véritable artichaut, que decelles du gros chardon , étant couvertes detoutes parts d'épines longues , piquantes 9et d'un vert céladon pale : il se mufti-

Tome I.

212 DE L ' ARTICHAUT.plie également de graines et d'oeilletons.

Les cinq premières espèces se cultivent -.de la même manière : on peut les élever (legraines qu'on sème au mois de mars ; mais,pour l'ordinaire , on plante des oeilletonsqu'on sèvre des vieux pieds qui ont passél'hiver.

On prépare d'abord la terre, qui doitavoir eu un labour avant l'hiver, et un se-cond quand on plante : si elle est maigre,on doit l'avoir fumée au premier labour dumois d'octobre ; mais si elle a du corps, onPeut épargner le fumier: le mieux est de dé-foncer la terre de deux pieds ou deux piedset demi ; la plante y fait des productions in-comparablement plus belles , qui dédom-

magent bien des frais.On dresse ensuite les planches gui doi-

vent avoir six pieds compris le sentier, eton marque la place des oeilletons en échi-quier à trois pieds, ou deux pieds et demiau moins de distance en tous sens; on metune poignée de terreau à chaque place,et on en plante deux à six pouces l'un del'autre.

On observe de n'enterrer que le talon ;quand on enfonce le cœur, il pourrit : onmet tout autour du pied une poignée demenu fumier, qui est très-utile pour em-pêcher que les arrosemens ne battent laterre, et pour conserver sa fraîcheur ; onles mouille tout de suite et on continue

CHAPI'TRE IX: 213pendant quelques jours jusqu'à ce qu'ilssoient bien repris.

Autant qu'on peut , il faut prendre untemps de pluie pour cette plantation; maissi les circonstances ne le permettent pas ,et qu'il survienne quelques jours de cha-leur , il faut les couvrir, si on a le loisir;on prend à cet effet deux petites baguettesde bois vert, qu'on pique en terre par lesdeux bouts , de manière qu'elles fassentdeux demi-cercles en croix, et on jettepar-dessus quelques feuillages ou un peude paille; on comprend que c'est pour em-

pêcher que la couverture ne les étouffe etne les écrase ; on peut la laisser pendantsept à huit jours. Si on veut en avoir lefruit en automne, il faut les planter le plu-tôt qu'on peut, et les arroser amplementpendant tout l'été; mais si on ne k veutque pour le printems suivant , il faut lesplanter fort tard, et ne les mouiller quepour les empêcher de mourir.

J'ai dit qu'il faut planter deux ceilletonsensemble , mais c'est uniquement pourêtre plus sûr d'en avoir un qui reprenne ;car il faut ôter le plus foible trois semainesou un mois après, si tous les deux viennentà bien.

On ne doit pas craindre qu'ils périssent,quoiqu'on les voielanguir long-temps : celaest attaché à la nature de cette plante , quiest tardive à reprendre; mais qui répare

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2I4 DE L'ARTICHAUT.bien vite le temps perdu , quand elle com-mence une fois à pousser.

Au mois de septembre enfin, ceux qu'ona destinés à porter leurs fruits , commen-cent à montrer leurs pommes, et c'est pourlors qu'ils demandent des arrosemens fré-quens et copieux; la règle est une cruchéeà chaque pied , de deux en deux jours.

Pour les avoir beaux, il ne faut laisserqu'une seule pomme à chaque montant , etcouper toutes les secondes qui poussentautour de la tige ; il faut aussi rogner l'ex-trémité de toutes les feuilles d'un tiers en-viron : la sève se porte mieux dans le fruit,et le fait grossir.

Comme ils ne marquent pas tous en mê-me temps, ils se succèdent ordinairementles uns aux autres jusqu'aux gelées ; et sou-vent il s'en trouve dont la pomme ne faitque commencer àsortir du coeur à l'arrivéedes gros froids, qui ne leur permettent pasde se perfectionner en place ; pour lors,on peut arracher les pieds et les enterrerdans la serre ; ils achèvent de former leurpomme, et se conservent fort avant dansl'hiver, pourvu qu'on ait l'attention de leurdonner de l'air autant que le temps le peutpermettre ; et en attendant que les jeunespommes aient grossi, on peut jouir de cel-les qui ont pris leur grosseur en place, etqu'on a dû enlever aux approches des ge.lées : j'entends, si on a eu l'attention de

CHAPITRE I X. 1I;les couper avec leur tige toute entière , etde les enterrer d'un demi-pied dans du sa-ble frais , auquel cas ils se conservent deuxmois et plus , pourvu que la serre ou le cel-lier où on les met ne soient pas pourrissans.

Ceve plante a le double avantage de secultiver aisément dans sa naissance , et dedonner promptement son fruit ; mais l'hi-ver est une saison redoutable pour elle , eton ne la conserve qu'avec de grandes pré-cautions sur-tout dans les terres froides.

La première opérai i on est de les labou-rer à la fin de novembre, et s'ils sont enterre légère , il faut les buter , c'est- à direélever sept à huit pouces de terre tout au-tour ; s'ils sont en terre forte on doit biens'en garder , car ce seroit le moyen de lesfaire pourrir. Cette méthode de les labou-rer n'est pas pourtant universelle; beau-coup de particuliers se contentent de don-ner un bon binage à la fin de septembrepour détruire les mauvaises herbes , et neles labourent point , prétendant que la ge-lée ne mord pas si avant dans la terre scel-lée, et que l'eau des pluies qui leur est sipernicieuse, ne se porte pas si aisémentautour du pied ; j'adopte assez ce senti-ment , d'autant mieux que l'ayant éprouvéune fois , j'ai parfaitement bien conservémon plant.

J'ai encore éprouvé une chose , que jeconseille à tous ceux qui se trouvent en

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n16 DE L' ARTfCHAUT.terre forte et humide, comme la mienne;c'est de dresser les planches des quarrésen dos de bahut , qui n'aient que troispieds, et de planter un seul rang d'ceille-tons dans le milieu ; les eaux s'écoulentdans les deux sentiers qui sont plus basd'un pied , et les plants se conservent beau-coup mieux.

Mais dans quelque situation qu'on lesmette, et soit qu'on les laboure ou nonle point essentiel est de les bien couvrirpendant les gelées , et il ne faut pas atten-dre d'être surpris par le temps : dès le moisde novembre, on doit faire porter les cou-vertures autour des quarrés, pour pouvoirles employer diligemment quand le besoinle demande.

Les uns se servent de grande litière,les autres de feuilles , les autres de roseauxbrisés ; chacun fait usage de ce qu'il peutavoir et le plus souvent c'est une pureperte. La bonne couverture pour les con-server sûrement, c'est celle qu'emp;oientnos maraîchers : ils prennent d'abord lefumier court qui sort des couches , c'est-à-dire les parties du fumier qui ne sont pasconsommées ; et , après avoir coupé lesfeuilles des artichauts à sept ou huit pou-ces de terre, ils emmaillottent le pied avecce petit fumier , et le pressent contre;lorsqu'ensuite les grandes gelées survien-nent ils les couvrent tout-à-fait avec de

CHAPITRE IX. 217la litière sèche qu'on nomme autrementde la paille brûlée , et ils augmentent lacharge à mesure que les gelées devien-nent plus fortes : cela les défend si bienqu'il ne leur arrive presque jamais d'enperdre. Mais, comme tout le monde n'apas toutes ces commodités , il faut tirerparti de ce qu'on peut avoir : or il est fortpossible à tout particulier de faire arriverchez lui au mois d'août , quelques voitu-res de fumier long , qu'on ameute poursécher ; et ce fumier pouvant suffire , ona tout à se reprocher quand on a négligécette précaution, et que les artichautsviennent à périr. Tous les autres expé-diens ont leurs inconvéniens ; la litièrequ'on sort fraichement de l'écurie s'é-chauffe quelquefois, et la plante en souf-fre : elle attire aussi le mulot qui , venantà sentir l'artichaut, le coupe et le ruine :elle attire de même les pigeons , les cor-neilles et les pies qui la grattent , et dé-couvrent le coeur. Les feuilles ramassées ,quelles qu'elles soient, ont le défaut depourrir, et de jeter une humidité dans lepied qui le pourrit aussi : d'ailleurs le ventles emporte en partie, et la gelée pénètreà travers ce qui reste. Les roseaux brisésne font pas un corps assez compacte. Toutcela les préserve bien quelquefois , maisne suffit pas quand les hivers sont longs etrudes; et je reviens à dire qu'il faut avoir

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elg DÉ L'ARTICHAUT.une provision de litière sèche, qui n'estpas même à l'abride tous les inconvéniens,car les corneilles et les pigeons viennentencore la fouiller, quoiqu'ils ne s'y arrê-tent pas ; les grands vents la dérangentaussi. Pour y obvier je me suis avisé demettre par dessus une tuile qui a de plusl'avantage d'empêcher les neiges et leseaux de pluies, de même que la gelée, depénétrer dans le coeur : ceux qui voudrontm'imiter s'en trouveront bien ; au défautde tuiles , il faut prendre du fumier à de-mi consommé , qui se lève par galette l eten couvrir la litière , ce qui produit le mê- -me effet. Je me suis un peu étendu sur cetarticle , parce que rien n'est plus impor-tant que les couvertures pour la conserva-tion de cette plante , qu'il est désagréablede perdre après l'avoir cultivée toute l'an-née.

C'est ordinairement aux environs deNoël qu'on met la dernière charge, et iln'y a de sûreté de l'ôter tout-à-fait qu'aucommencement d'avril ; il se trouve par-làque la plante demeure pendant trois moisétouffée sous la couverture qui la fait blan-chir et quelquefois pourrir : pour préve-nir ce dernier inconvénient , il faut avoirl'attention pendant ces trois mois de dé-couvrir un peu le coeur du côté (lu midi,lorsque le temps est doux, et le recou-vrir exactement dès que le froid reprend.

CITAPIPItt 219Le teins de leur résurrection étant enfin

arrivé , on commence par découvrir seu-lement le coeur ; quelques jours après ondérange la couverture du côté du soleil ;et huit jours après , on ôte tout , et on latransporte ou on peut en avoir besoin : j'aidit dans le chapitre des Couches l'usagequ'on en peut faire.

En, on laboure les quarrés , avec l'at-tention de choi,ir la terre la plus meublepour mettre autour des pieds , et on lesdéchausse , s'ils ont été butés. Ils reverdis-sent bientôt, et on les oeilletonne dès queles oeilletons paraissent assez forts, ce quiarrive plutôt ou plus tard, suivant les an-nées ; mais communément c'est à la mi-avril ou à la fin. Cette opération est très-i mportante , et demande des attentions par-ticulières qu'ont peu de jardiniers.

On commence d'abord par déchausserle pied avec la bêche, de manière que lasouche soit à découvert, et qu'on puisseinstrumenter autour en toute liberté ; onéclate ensuite avec le pouce tous les oeille-tons qui se trouvent autour du coeur quidoivent donner le fruit , et on les éclatenet jusque sur le gros de la souche : si lepouce ne suffit pas , on se sert du couteaupour les couper plus près , afin qu'il n'enrepousse pas d'autres , et on coupe en mê-me temps le pied des vieux montans del'w. - Inée précédente qui se trouve entre

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220 I E L'ARTICHAUT.deux terres: on nettoie enfin la souche leplus exactement qu'on peut. Si le coeur apéri pendant l'hiver , comme cela arrivetrès-souvent , on fait choix du meilleurŒilleton pour le laisser en place ; mais ilfaut observer en même-temps qu'il soit bienplacé c'est-à- dire , qu'il prenne sa nais-sance du bas de la souche ; car , lorsqu'ilse trouve sur le haut, le fruit ne vient passi beau : on forme un petit bassin autouravec la terre la plus meuble , et on donneune borine mouillure.

Après cette opération on les voit profi-ter à vue d'oeil , pourvu qu'on les arrose am-plement, si la saison le demande ; enfinon commence à la mi-mai à voir paraîtreles pommes , et il s'en trouve ordinaire-mentde bonnes à couper vers la fin du mois.

11 faut pratiquer dans cette saison les mê-mes choses que j'ai observées pour ceuxd'automne, c'est-à-dire, rogner les feuil-les , et ne laisser qu'une pomme à chaquemontant ; mais si on ne s'embarrasse pas dela grosseur, et qu'on soit bien aise d'avoirles rejetons pour manger à la poivrade ,on laisse agir la nature en liberté.

Comme souvent , dans ce mois de mai,il arrive encore des gelées ,il faut avoir at-tention lorsqu'on en est menacé , de cou-vrir les jeunes pommes avec un peu de litiè-re sèche pour les préserver, car elles sont

CHAPITRE I X. 221très-susceptible de la gelée dans leur nais-sance. .

Après que le fruit est cueilli , il fautcouper les montans le plus bas qu'on peut,oe les éclater avec le pied, ce qui vaut en-core mieux.

Ils repoussent tout de suite des oeilletonsen grand nombre; et si on a soin, quand ilssont un peu forts de n'en laisser qu'un, cetœilleton se nourrit abondamment, et pous-sé à l'eau , donne assez souvent son fruitdans l'automne , tout au moins il le donneplutôt au printems suivant ; et, par la forcequ'il a prise, il résiste mieux aux gelées.

Lorsque vous voulez détruire un quarréqui a fait son temps, pour tirer parti de sonreste , il faut le destiner à donner des car-des pur l'hiver , et en ce cas ne laisser surchaque pied qu'un oeilleton : on le laisseprofiter jusqu'aux mois de septembre etd'octobre ; et après l'avoir lié, on l'empail-le : un mois après , la carde est blanche ,et on coupe le pied ; mais pour en jouir

pluslong-temps, il ne faut les empailler qu'àproportion de son besoin , et en garder jus-qu'aux grandesgelées , qu'on emporte dansla serre , et qui y blanchissent , le pied enterre dans le sable , avec de la paille sè-che entre chaque rang. Dans quelques pro-vinces méridionales , on ne fait autre cho-se que de les coucher sur le côté et les cou-vrir d'un pied de terre dans leur même pla-

K 6

222 D L'ARTICIIAIIT.ce , où ils se conservent fort bien jusqu'àPâques ; mais dans ce climat, les terressont trop froides, les hivers trop longs.J'en ai fait l'épreuve , ils ont pourri. Onne doit pas négliger ce dernier profit desartichauts , d'autant plus que sa carde abeaucoup plus de finesse et de goût que lecardon d'Espagne.

Il me reste à dire à l'égard de cette plante,qu'elle a ses ennemis comme toutes les au-tres ; le mulot , la mouche et le puceron latourmentent beaucoup, chacun dans sa sai-son. Le premier la laisse assez tranquille pen-dant l'été ; mais l'hiver il mange sa racine,et détruit quelquefois des quarrés tout en-tiers : pour les préserver , on est assez dansl'usage de planter un rang de cardes de poi-rée; qu'on nomme bettes -blondes dans lesprovinces , au milieu de chaque planched'artichauts ; la racine de cette plante étantplus tendre , ils s'y attachent plutôt qu'àl'artichaut, qu'ils épargnent par-là Maisce préservatif a son inconvénient , carcette poirée, qui est une plante forte, faitde l'embarras entre les artichauts et elleeffrite la terre ; je trouve qu'il est mieuxd'en planter trois rangs près à près tout au-tour du quarré , qui servent de retranche-mens aux artichauts : le mulot s'y arrêtequelquefois au passage, et ne va pas plusavant. On peut encore en diminuer le nom-bre par le moyen de beaucoup de quatre

CeAPITRE 1.X. 223de chiffre qu'on distribue autour du quar-ré ; il s'en prend quantité , pourvu qu'ilssoient exactement tendus tous les jours etles appâts renouvelés : le meilleur est lagraine de potiron.

A l'égard de la mouche et du puceronon n'y a point encore trouvé de remède; onremarque seulement que les fréquens ar-

rosemens les détournent quelquefois , etque les terres fortes y sont moins sujettesque les terres légères.

La durée ordinaire de cette plante estde 3 ou q ans, passé lequel temps elle ne pé-rit pas radicalement , mais elle ne dcnneque du fruit misérable , il faut en replanterd'autres , et choisir une autre place.

Dans les années où la grande rigueur del'hiver fait périr cette plante , comme il estarrivé en 1740 et 1742, et où il n'est pasfacile de trouver des oeilletons pour en re-planter , il faut avoir recours à la grainequi réussit fort bien : on en sème trois grainsdans chaque place , où on met une poignéede terreau ; et quand ils sont levés c'est-à- dire , un mois après , on n'en laissequ'un , et on arrache les autres ; ils don-nent leurs fruits ou dans l'automne , ou auprintemps , tout comme les oeilletons. Il estdonc à propos d'avoir toujours une petiteprovision de graine qui se conserve fortlong temps , et qui est souvent demandée ,soit pour les provinces éloignées, soit pour

224 DE L'ARTICHAUT.les des où on ne peut pas envoyer des oeil-letons : elle se trouve dans le cœur de lapomme qu'on laisse sécher en place , com-me je l'ai -dit plus haut ; et , pour éviterqu'elle ne pourrisse en mûrissant , il fautpiquer un échalas à un pied environ de laplante , du côté du nord , et y attacher lapomme , qu'on penche de manière qu'elleregarde l'horizon, afin que l'eau des pluiesqui viennent ordinairement en été du cô-té du midi , ne puisse pas y entrer.

On jouit de ce fruit depuis le mois demai, jusqu'en janvier et février, et on peutle conserver sec toute l'année : voici lameilleure manière.

ll faut d'abord éclater de force les pom-mes de leurs tiges, et non pas les couper ;la raison est qu'en les éclatant , les tigesentraînent les filets qui sont annexés aucul, ce que le couteau ne fait point ; on lesjette ensuite telles qu'elles sont dans l'eaubouillante où on les laisse cuire à moitié : re-tirées de l'eau, et un peu réfroidies, on arra-che toutes les feuilles, on ôte le foin avecune cuillère,et on coupe le dessous à l'épais.seur d'un petit écu, tout de suite , et onles jette dans de l'eau froide ; et après yavoir resté deux heures , on les met égout-ter sur des claies exposées au soleil, où onles laisse deux jours, d'où on les fait pas-ser au four pour achever de sécher , en ob-servant qu'il n'y ait qu'une petite chaleùr;

CHAPITRE X.on les y laisse jusqu'à ce qu'ils soient biensecs, et on les enferme ensuite dans un en-droit où il n'y ait point d'humidité.

Pour s'en servir, on les fait revenir dansl'eau tiède pendant quelques heures, et onles fait cuir à l'eau bouillante, en y jetant unMorceau de beurre , manié avec de la fa-rine; on les apprête ensuite au jus ou à lasauce blanche. On les mêle aussi dans lesragoûts ; mais, s'il m'est permis de dire mon-sentiment, c'est un manger fort médiocre,et les bons cuisiniers ne s'en servent guère;confits à l'eau salée ou au vinaigre, ils va-lent encore moins, car ils prennent un goûtmariné et désagréable, qui efface tout-à-faitleur véritable goût.

CHAPITRE X.

Description de f spEncE; ses dif-férentes espèces, ses propriétés, saculture , etc.

L ' ASPERGE est, de tous les légumes,celui qui a le plus de bonnes qualités, sansmélange de mauvaises ; elle est saine, agréa-ble au goût, et l'empressement que tout lemonde a pour elle en fait assez éloge : elleest d'ailleurs d'un bon rapport, fournitabondamment pendant trois mois, et sa cul-ture ne demande que peu de soins. Cons-

2 . 2 6 DE L'AsEERGE.tamment nous n'avons point de plante po ,

tagère dans laquelle on trouve tant d'avan-tages réunis.

Il y en a trois espèces ; la grosse , la com-mune et la sauvage, qui ne diffèrent entr'ellesque par la grosseur : ainsi la description del'une servira pour les autres.

Ses racines sont nombreuses, attachéescomme à une tête , cylindriques , char-nues , blanchâtres et gluantes ; elles pous-sent au printemps plusieurs tiges, tendres,longues et cylindriques , pointues, ver-tes , lisses et sans feuilles , d'une saveuragréable, qui s'élèvent (le 6, 8 ou ro pou-ces , plus ou moins, et qui doivent etreprises à ce point pour être mangées c'est-à-dire , 3 ou 4 jours après qu'elles sontsorties de terre , passé lequel temps , elless'épanouissent , pour ainsi dire, et s'élè-vent peu à peu à la hauteur de 3 ou

4 pieds,

se partageant en plusieurs rameaux , au-tour desquels naissent beaucoup de pe-tits filamens verts , qui lui tiennent lieu defeuilles ; ses fleurs sont placées le long deces petits rameaux vers les extrémités,formées à six pétales disposées en rosed'un vert pâle ; leur pistil se change enun fruit ou une baie molle, de la gros-seur d'un pois , presque sphérique , qui estd'abord verte , et qui devient d'un rougevif en mûrissant, laquelle renferme deuxou trois graines creusées à leur milieu ,

711111111111

CHAPITRE X. 227noires et dures par lesquelles la plante semultiplie.

On les mange à l'huile, au beurre ouau jus, après avoir été jetées pendant quel-ques minutes dans l'eau bouillante : eton doit les veiller de près , car , pour peuqu'elles soient trop cuites , elles perdenttout leur goût et leur agrément : hachéesmenu , quand elles sont petites, on les ap-prête de la même manière que les petitspois : elles servent aussi de garniture pourles soupes et dans beaucoup de ragoûts ;on les aime particulièrement avec les oeufsbrouillés.

Cette plante est apéritive et diurétique :elle excite l'appétit, et provoque l'urinequ'elle rend fort puante : ses autres ver-tus , qui sont d'amollir le ventre , de dis-soudre la pierre, d'empêcher le calcul, deporter à l'amour, etc. sont contestées ;ainsi on peut les tenir pour douteuses. Saracine est du nombre des cinq grandesracines apéritives qu'on emploie dans lestisanes , les apozèmes , et les bouillonsapéritifs ; et c'est la sauvage qu'on prendpar préférence aux deux autres , lorsqu'onpeut en trouver, ses vertus étant recon-nues supérieures : on se sert aussi quel-quefois de la graine, mais rarement. Ceuxqui sont sujets à la gravelle doivent s'enabstenir, parce qu'elle dissout et séparetrop le sel urineux dans les reins , et que

228 D'E L'ASPERGE.survenant quelque acide étranger apportédes premières voies il s'y fait une coagu-lation.

La première espèce, qu'on nomme au-trement l'asperge de Pologne ou de Hol-lande , ne s'est pas encore multipliée aupoint d'en voir paroître dans les marchés

public; il n'y a que ceux qui les élèventpour eux-mêmes , qui en jouissent ; et,comme la plantation en est très-coûteuse,il se pourroit qu'elle ne devint jamais mar-chande, en quoi le public perd : elle nediffère pourtant de la commune, que par sagrosseur approchante de celle d'une canne;mais le plaisir que cette grosseur offre auxyeux, et le profit qu'on y trouve, suffi-sent bien pour qu'on ait de l'empressementpour elle.

Comme on ne trouve point de plant decette espèce, et qu'il est même assez diffi-cile de rencontrer de la graine sure, il fautl'élever soi-même quand on veut en avoir;la seule difficulté est de trouver des amispar qui on puisse l'avoir, car le reste est fa-cile , quoique coûteux.

On la sème fort claire au mois de mars,dans quelque planche bien préparée avecdu terreau mêlé , et on herse bien la terre.avec la fourche pour l'enterrer ; on la re-couvre ensuite avec un pouce de gros ter-reau ou de menu crottin ; on peut égale-ment la semer par rayon, et c'est l'usage

CHAPITRE X. 229de Hollande : au bout d'un mois , ellelève ; on sarcle le plant autant de fois qu'ilen a besoin , ou l'éclaircit, s'il est tropdru, et on l'arrose de temps en temps :au mois de novembre suivant, on coupeles fanes à un pouce de terre , il n'y a pasd'autre façon ; vers le milieu de marsqui fait l'année révolue , il est bon à re-planter; on arrache avec la fourche, pourne pas offenser les racines , on le plantetout de suite dans la place qu'on lui a pré-parée.

On peut également les planter avant l'hi-ver, avec l'attention de les couvrir pendantles gelées ; elles se piettent mieux, et pous-sent avec plus de vigueur au printemps sui-vant; j'en ai vu l'épreuve : mais on risque-roit de les perdre, en les plantant dans lasaison que je dis, si on ne les couvroit pasd'une bonne épaisseur de litière à demi con-sommée.

C'est la place qui coûte à préparer , etc'est la qualité du fonds de terre qui doitrégler : si elle est sablonneuse, il faut d'a-bord tracer les planches, qui doivent avoirquatre pieds, sur telle longeur qu'on vou-dra, et laisser entre chaque planche le mêmeintervalle de quatre pieds, pour recevoirles terres qu'on est obligé de retirer desplanches qu'il faut fouiller de deux pieds etdemi : et c'est sur ces entre-deux, qu'onnomme les ados qu'on la rejette en par-

3(:) DE L e ASPEGE.tie. Je dirai bientôt ce qu'il faut faire dusurplus.

Cette fouille faite , il faut y mettre unpied de fumier de vache bien consommé,qu'on marche de bout en bout de manièreque, pour que la mesure d'un pied s'y trou.ve , il en faut d'abord une hauteur de 18pouces.

Quand le fumier est bien plombé etbien égalisé, on le couvre de six poucesde terre passée à la claie , avec moitié ter-reau; on étend ensuite les pattes d'aspergesrangées en échiquier, à deux pieds de dis-tance en tous sens , ce qui forme deuxrangs seulement dans chaque planche; età mesure qu'on les place , on les recouvred'un peu de la même terre composée : onjette ensuite trois pouces de cette mêmeterre sur toute la superficie; et c'est la der-nière opération.

Mais pour faire le mélange de la terreavec le terreau, comme je l'ai dit, il fautchoisir une place convenable dans le voi-

sinage'

où on fait porter une quantité sui'.fisantede terre fouillée , qu'on reprend surles ados où elle a été mise en dépôt ; on yfait transporter aussi le terreau , et on mêlebien le tout ensemble; on les passe en mêmetemps à la claie, et on les rapporte sur lesplanches.

En faisant toutes ces opérations, on nedoit point marcher dans les planches, il

CHAPITRE X. 231faut se tenir sur les ados, et, avec un ra-tea u, dresser le terrain également: s'il restetrop de terre sur les ados, c'est à-dire, plusde dix-huit pouces au-dessus de la superfi-cie des planches, il faut l'enlever, et la ré-pandre dans le voisinage.

Sur la méthode ci-dessus, quoiqu'assezgénéralement suivie , il se présente uneréflexion ; c'est qu'il se trouve la moitiédu terrain perdu en ados, et on ne sauroitl'éviter, à moins de transporter les terresailleurs, qui ne sauroient trouver place surles ados, si on les restreignoit à deux pieds;il faudroit ensuite rapporter ces terresd'année en année, pour recharger les plan-ches, comme je l'ai expliqué ; et , outrel'embarras de ce transport , souvent onn'a pas de place convenable dans le voisi-nage, ce qui nécessite de les planter dansla disposition susdite. Voici pourtant unexpédient que j'ai trouvé et mis en usage ,pour obvier à cette perte de terrain : j'aitracé d'abord les planches de la dernièreplantation que j'en fis l'année dernière ,sur quatre pieds de largeur, et deux piedsseulement d'ados , et de deux planches , jen'en ai planté qu'une alternativement ; lesterres sorties de celle-ci ont été répanduessur celle que j'ai laissé en suspens, et quisera plantée à son tour l'année prochaine,après que les terres dont elle se trouve ac-tuellement chargée , seront remises sur

232 DE L ' ASPERGE.celle qui est, plantée, ainsi qu'on le doit;et alors les ados qui se trouvent doubles,suffiront pour recevoir les terres des plan-ches que je planterai : je n'y perdis rienen attendant , mon terrain se trouvant em-ployé en différentes plantes ; on pourrapratiquer la même chose , si on le juge àpropos.

En terre forte, l'opération se fait tout dif-féremment, par la raison que l'asperge necraint rien tant que l'humidité, et qu'elley pourriroit , si on l'enterroit comme dansla terre légère : on ne doit donc fouiller lesplanches que d'un pied, on rejette une par-tie de ce qui en sort sur le sentier, qui nedoit avoir que deux pieds, et on transportel'autre partie dans une place voisine etcommode, pour la préparer avec une quan-tité égale de terreau , comme je l'ai expli-qué ci-dessus.

La fouille faite, on la remplit comble defumier de cheval bien pourri, ou de fumierde mouton qui aura été préalablement ex-posé à l'air pendant quelque temps, pourperdre la plus grande chaleur qui briileroitle plant : on le trépigne comme l'autre, eton le recouvre de six pouces de la mêmeterre préparée : on range le plant, et on lerecouvre tout de même.

Il se trouve par:là que le plant a uneélévation de six pouces de plus que la sur-face du terrain et que la superficie dee

CHAPITÉE X. 23eplanches en a neuf, à cause des trois pou-'ê es de terre qui couvrent le plant ce quirait que l'eau s'écoule dans les parties in-rérieures.

D'une manière comme de l'autre il fautâre soigneux de sarcler le plant quand il estlevé et de continuer pendant tout l'été ;d faut de même le n'ouiller de temps en

emps dans les sécheresses.Si quelque pied a manqué, on peut les

remplacer au bout d'un mois ; mais s'il enpérit pendant l'été , on marque les placesavec des baguettes, et on les regarnit auprintemps suivant.

Aux environs de la Toussaints, on coupeles montans à un pouce de terre ; on re-charge les planches de trois pouces de terrequ'on prend sur les ados , et on y donne unpetit labour, en coulant la bêche entre deuxterres, pour ne pas toucher aux racines. Aucommencement du mois suivant, on leurdonne encore un semblable labour ; et pen-dant l'été qui suit, on a soin de les tenirtoujours bien sarclées : mais, à moins d'une,grande sécheresse on peut se dispenser deles arroser.

A la Toussaints, mêmes attentions quel'année précédente, pour couper les mon-tans et les labourer après les avoir encorechargés de trois pouces de terre pris demême sur les ados, qui pour lors se trou-vent de niveau avec les planches : on y

234 DE L'ASPERGE.ajoute une façon de plus, c'est de les fumeravec une espèce du fumier convenable à laqualité de terre, dont il faut mettre uneépaisseur de quatre à cinq pouces sur la su-perficie.

Au mois de mars qui suit , on enterre cefumier en labourant les planches, et on doittoujours prendre garde de ne pas toucheraux asperges ; mais comme il se trouve alorsune épaisseur de neuf pouces de terre, noncompris le fumier, on peut enfoncer mé-diocrement la bêche.

Elles poussent leur fruit bientôt après,et c'est leur troisième pousse, dont on peutcommencer à jouir; mais il faut être réservé.

Ou ne prend que les plus belles, et cinq àsix coupes pendant leur saison , suffisentpour cette première année ; on les épuisel,roit d'en tirer davantage.

L'année suivante, on est en pleine ré-coite , et on peut en jouir depuis le moisd'avril, qu'elles comrr 4 lcent à donner, jus-qu'au premier juillet environ , qu'on cessed'en couper : cependant il faut : , voir atten-tion, dans le mois de mai , d'en marquer unecertaine quantité pour graine, quand onveut en recueillir, et choisir les plus belles,qu'on attache à un échalas dès que le mon-tant est formé , pour que les vents ne lesrenversent pas.

Il faut les mêmes soins pour les sarclerpendant cette première année et les suis

vantes,

lenCHAPITRE X. 135.

vantes, jusqu'à ce qu'elles aient fini dedonner leur fruit ; mais il n'est plus néces-saire de les mouiller, à moins d'une séche-resse extraordinaire : on les laboure demême au printemps et àl'entrée de l'hiver.Au lieu de les labourer, il faut retirer avecla bêche , ou la houe qui est plus commo-de, trois ou quatre pouces de terre, qu'onjette sur les ados , et qu'on y remet auprintemps suivant : cela se doit faire tousles ans, les pieds souffrent beaucoup moinsles humidités de l'hiver, qui leur sont per-nicieuses.

On doit les fumer tous les trois ans ,pendant leur durée, qui est de quinze àvingt ans , et le fumier ne dispense pas deles charger toujours de 2 ou 4. pouces deterre dont je viens de parler.

On coupe tous les ans leurs montans aucommencement de novembre, et on metà part ceux qu'on a marqués pour graine,qui se trouve enfermée, comme je l'ai ex-pliqué plus haut, dans de petites baiesrouges, d'où on la tire quand elle estbien sèche, en la frottant avec les mains.Mais elle est fort long-tems à sécher : il

_faut la suspendre en l'air dans quelque en-droit bien aéré, et exposé au soleil, s'il sepeut.

Les premières asperges qui poussent enavril et en mai, sont sujettes quelquefois

1 ià être gâtées par les gelées dont ces deuxTome I. L

236 DE L ' ASPERGE.mois ne sont pas exempts : pour prévenirle mal, il faut faire porter de la grandelitière au bord des planches, et quand letemps menace, on en jette dessus.

Quoique tout le monde sache en géné-ral comment se coupe l'asperge, je diraicependant qu'il faut une adresse raisonnéepour ne pas endommager celles qui sontentre deux terres, lorsqu'on vient à cou-per celles qui sont saillantes. Il y a un ins-trument fait exprès, formé en crochet parle bout, avec des dents taillantes , dispo-sées comme celles d'une scie accompa-gnées d'une longueur de fer de six poucesenviron , de la grosseur d'une clef ordi-naire, avec un manche de bois arrondi : onplonge cette espèce de couteau perpendi-culairement le long de l'asperge; et, quandil est entré à six pouces environ , on donneun tour de main pour l'embrasser avec lebout du crochet, et on la coupe en tirantà soi. On les lie en botte ; et si on ne lesconsomme pas sur le champ , on les metdans quelque vaisseau , la pointe en l'airavec deux pouces d'eau au fond ; eu si ona quelque serre fraîche ( ce qui vaut enco-re mieux ) , on enfonce les boues à moitiédans du sable frais , eû elles se conserventplusieurs jours ; mais elles sont toujoursmeilleures fraîchement coupées. Je n'airien de plus à dire à l'égard de cette gros-se sinon qu'elle dégénère dans,

C H A P I T E t X. 3/certains terrains au bout de trois ou qua-tre ans de rapport : on peut dans ce cas enplanter plus souvent, et les détruire dèsqu'elles dégénèrent notablement.

La commune que tout le monde con-noit , se multiplie de graine comme lagrosse, et s'élève tout de même. Beaucoupde gens aux environs de Paris en font unpetit commercé , ce qui fait que les parti-culiers qui trouvent du plant tout venu ,sont bien aises .de gagner cette avance , etne s'amusent guère à en élever.

Le plant de deux ans est le meilleur :plus jeune ou plus vieux , il ne réussit pasbien : on le juge bon, quand ses racinessont blanches , longues et déliées. il fautprendre garde aussi qu'il soit fraîchementtiré de terre; souvent celui qu'on vend àla Vallée est 'vieux arraché , et conservé àforce d'eau , qui le gâte, et l'empêche dureprendre.

On dispose ses planches de 4 pieds et de-mi de largeur, et on les fouille d'un pied, sic'est en terre légère: les terres se jettent surles ados, qui doivent être de même largeur,et on donne ensuite un bon labour d'un fer.de bêche au fond des planches : quand onn'y veut rien épargner, on y met préalable-ment quelques pouces de fumier, qu'onenterre en faisant le labour ; le plant s'entrouve d'autant mieux. On prépare ensuiteson plant c'est-à-dire , on rafraîchit un peu

L 2

238 D E L ' A SP ER G E.la pointe des racines ; on les range sur 4rangs , chaque pied à ro ou 12 pouces dedistance , espacés également ; et on lecouvre de 3 pouces de terre ; qu'on re-prend sur les ados : pour le surplus , onles cultive comme les grosses , ce qu'il se-roit inutile de répéter ; on observera seu-lement qu'on ne doit commencer à lescouper qu'à la quatrième année.

Si c'est en terre forte et humide , aprèsavoir tracé les planches de la même lar-geur de 4 pieds et demi , et réglé celle dessentiers , qui ne doivent avoir que 2 pieds,on les laboure simplement ( j'entends lesplanches ) , en les fumant, si l'on veut,avec des fumiers chauds; on les herse bienà la fourche , on retire les pierres et lesmottes au rateau 5 et on range son plant dela même manière que j'ai dit ci-dessus ,qui se trouve à fleur du terrain ; mais com-me il faut le couvrir de 3 pouces de terre,et qu'il ne convient pas de la prendre dansles sentiers, on la prend où on peut latrouver le plus commodément : rendantles 2 années suivantes, qu'on est obligéde les charger encore de 3 pouces , on latire de même de l'endroit le plus voisin :le plant se trouve donc, à la fin de ces 2années, enterré de 9 pouces, et on le lais-se dans cette situation , en observant ,comme je l'ai dit précédemment , de lesdécharger tous les ans au mois de novem-

F CHAPITRE X. 239bre , de 3 ou 4 pouces , qu'on jette surles sentiers et qu'on remet au printemps.Par cette disposition , les planches se trou-vent bombées, et plus élevées de 9 poucesque les sentiers et que la surface du terrain,ce qui fait que les eaux des pluies s'écoulentà droite et à gauche , et que le plant n'ensouffre point.

On est souvent fort embarrassé' pourtrouver cette quantité de terre dans la pro-ximité ; cependant , si on ne plante pasavec cette précaution , souvent le plant està moitié ruiné à la quatrième année ; j'enai vu l'épreuve en plus d'un endroit : il fautdonc en trouver à tout prix , du renoncerà ce légume.

Dans cette situation que k soleil frappeplus qu'un autre , s'il survient de grandeschaleurs, et qu'on s'apperçoive que le plantsouffre , il faut noyer d'eau les sentiers, etjeter auparavant un peu de litière par-des-sus : deux ou trois mouillures de cette es-pèce , dans le cours des chaleurs 1 les met-tent en sûreté.

J'ai vu pratiquer à quelques particuliersune autre manière de les élever. Ils dispo-sent leurs planches convenablement 'aufonds de terre , c'est- à - dire , qu'ils lescreusent , ou qu'ils les élèvent : ils les fu-ment bien , et les labourent ensuite ; ilsmarquent les planches dans les mêmes dis -tances que j'ai dit, et font dans chaque

L 3

.240 DE CASPETICE.place un petit trou avec la main , depouces de profondeur, dans lequel ils met-tent une poignée de terre , et sèment troisgraines d'aperges , un peu écartées lesunes des autres : ces graines lèvent en toutou en partie ; et , quand elles sont bien le-vées, ils n'en laissent qu'une et arrachentle surplus. Ils prétendent que, par cetteméthode , le plant est aussi fort à la qua-trième année , que celui qu'on plante toutvenu; qu'il est plus franc, qu'il dure dixans de plus , et que le fruit vient plus beau.Je suis assez disposé à le croire, parce quej'ai d'autres preuves que beaucoup de plan-tes qui restent où elles ont prit naissance,ont beaucoup d'avantages sur -celles celles quichangent de place. Une laitue par exem-ple , une chicorée , un oignon , un car-don , etc. , ne sont jamais si beaux replan-tés , que venus de graine : on en pourrafaire l'expérience.

L'asperge sauvage , dont il me reste à.r b

parler , croît naturellement dans certainsterrains sabloruleux , et particulièrementdans les îles du Rhône et de la Loire : onn'a par conséquent qu'à la couper quandelle se présente. Elle passe pour meilleureque la commune, auprès de quelques-uns,quoique beaucoup plus petite , mais jen'en juge pas de même ; cependant il fautfaire une distinction. Toute asperge n'estpas également bonne par-tout parce que.

CIIAPITRE X. 241tout terrain ne lui convient pas : dans lesfonds ingrats , comme il s'en trouve beau-coup aux environs de Paris , elle vientpresque blanche , en rougissant un peuvers la pointe ; et cette couleur annonceune mauvaise qualité ; auquel cas il seroitvrai de dire que l'asperge sauvage lui estpréférable ; mais lorsqu'elle est verte ,tendre et bien nourrie, l'autre ne lui est pascomparable pour l'usage de la vie. Je lais-se à part ses propriétés pour la médecine,qui sont décidées supérieures par les gensde l'art.

L'asperge a pour ennemis le limas et lecolimaçon, la mangent sur-tout dansles terres humides et dans les années plu-vieuses : avec un peu de soin on peut lesdétruire , et c'est le matin à la rosée qu'ilfaut leur faire la chasse ; mais le puceronqui s'y attache quelquefois , particulière-ment dans les années sèches, la ruine sansressource.

Elle est encore sujette à être dévoréepar une petite chenille verdâtre ,lorsqu'ellemonte en graine ; cet insecte ronge lapellicule des tiges et ses petits filamens ,de manière qu'il les dessèche entièrement.Asssez ordinairement le pied repousse unenouvelle tige après , mais quelquefois aus-si il avorte ; et, dans le cas qu'il repousse,il s'en trouve toujours fatigué. Dès qu'ons'apperçoit que cet insecte l'attaque, il faut

L 4

24.2 DE L'ASPEnGE.étendre quelques linges au pied de ces

rnontans , et les secouer pour le faire tom-ber ; on l'écuse et on arrète par-là son ra-vage.

Dans tout ce que j'ai dit jusqu'ici, c'estla nature seule qui agit pour cette produc-tion ; mais par le secours de l'art, on laforce pendant tout l'hiver , et cela s'opèrede deux façons , ou en les transplantant surdes couches chaudes , ou en réchaullantles planches qui sont en pleine terre.

En suivant la première .façon , l'opéra-tion doit se prévoir de loin , c'est-à-dire,il faut se former un fonds de plants en pé-pinière. On commence par semer la grai-ne comme il a été dit plus haut ; l'annéesuivante , au commencement de mars , onarrache le plant avec une fourche , et on lereplante dans d'autres planches préparéesconvenablement à la qualité du terrain,et loi n fumes ; on les espace , chaque pied

séparénu:nt, à 6 ou 7 pouces en tous sens ,en échiquier , et on les y laisse deux ans,sans autre soin que de les sarcler autant defois qu'elles en ont besoin , et de couperleur montant au mois d'octobre, à un pou-ce de terre.

Au bout de ces deux ans , elles sont enétat d'être retirées de cette espèce d'en-trepôt, et d'être transplantées sur les cou-ches où elles doivent porter leurs premiersfruits ; ces couches doivent être fortés

CHAPITRE X. 24.%,larges de 4 pieds, et chargées de 6 poucesde terre et terreau mêlés ensemble.

Qand elles sont bien dressées , et quela plus grande chaleur est passée , on ran-ge les asperges dessus à même distancequ'elles étoient dans la pépinière, et onles recouvre de deux pouces de la mêmeterre mêlée ; on jette un peu de fumierchaud par-dessus , et on les laisse quelquesjours à l'air.

Quatre ou cinq jours après on retireexactement le fumier, et on 1-es charge denouveau de 3 pouces de la même terre mê-lée; après quoi , on les couvre , soit avecdes cloches , soit avec des châssis, sur les-quels on jette de la litière sèche et despaillassons pendant les nuits et les mauvaistemps à proportion de la rigueur du temps.

Si on a commodément de grands fumierschauds, sortant de l'écurie, en place delitière , les plantes s'en trouvent encoremieux ; mais les paillassons en souffrent ,car la vapeur chaude de ce fumier qui estdessous, brûle les ficelles.

C'est pour l'ordinaire au commencementde novembre qu'on fait les premières cou-ches destinées à cet usage ; et on continued'en faire tous les mois , lorsqu'on veut enavoir une succession non - interrompuependant tous les mois, d'autant que cha-que couche ne produit que pendant unmois au plus passé lequel temps il faut ln

L y

s.

944 DE L ' ASPERGE.

retourner et détruire le plant qui est brii-lé , et qui n'est plus bon à rien.

Dix ou 12 jours après qu'elle a été plan-tée , elle commence à porter son fruit; etdès qu'il paroît , il faut donner un peu d'airaux cloches, si le temps le permet, ou dumoins les laisser nues au soleil , qui donneau fruit les deux qualités qu'on lui deman-de, savoir,le goût et la verdeur : cependantcomme il ne se montre pas fréquemmentdans cette saison , le fruit est sujet à n'enavoir aucune des deux : on peut y suppléeren partie , et voici comment :

Lorsqu'on a fait une cueillette d'asper-ges, on les lie en bottes, on les enterre àmoitié dans les réchauds , et on couvre d'u-ne cloche chaque botte ; s'il fait un peu desoleil, de blanches ou rougeâtres qu'ellessont , elles deviennent vertes au bout de 2

OU 3 jours ; et cela satisfait au moins lesyeux, si le goût ne peut pas etre : car j avoue qu'il est rare qu'elles aient jamais lamoitié seulement de leur saveur naturelle ;et M. de la Quintinie , qui en a relevé lemérite jusqu'à dire en termes précis ,qu'elles sont beaucoup meilleures que cel-les qui viennent naturellement , s'est trou-vé ( je crois ) le seul de son sentiment : larareté, au mien est ce qui leur donne plusde relief.

On doitles réchauffer 10 à 12 jours aprèsqu'elles ont été plantées et renouveler le

CHAPITRE X. 24Ç

réchaud une seconde fois 12 OU 15' joursaprès, dès qu'on s'apperçoit que la chaleurde la couche s'éteint.

A l'égard de celles qu'on veut réchaufferen pleine terre , on doit , com:ne à l'égarddes autres, y avoir pourvu à l'avance , c'est-à-dire, qu'en les plantant, on doit les avoirdisposées dans cette vue, et n'avoir donnéque 3 pieds ou 3 pieds et demi aux plan-ches pour être plus faciles à réchauffer et2 pieds seulement aux sentiers.

Ces planches ainsi disposées sont bon-nes à réchauffer dès que le plant a quatreans, et il est encore meilleur à cinq et àsix.

Pour les réchauffer, on ôte tome la terredes sentiers à 2 pieds de profondeur ; onla jette sur les planches , en battant lesbords , et on remplit le vide avec des fumierschauds bien trépignés ; on laboure ensuitela planche pour dresser les terres et onmet tout de suite 4. ou Ç pouces de fumiersec par-dessus : on les laisse en cet état jus-qu'à ce que la terre se soit échauffée , etque le fruit commence à paroître.

C'est ordinairement rs jours ou 3 semai-nes après ; et aussitôt il faut manier les ré-chauds, et les mêler avec plus ou moinsde fumiers neufs , suivant le besoin. Si lefroid est considérable , il faut augmenterla charge de fumier sec par-dessus lesplanches ; le fruit pressé par: chaleur dufond pousse toujours au travers ; et on a

L 6

246 DE L'ASPERGE.

soin de lever le fumier tous les jours I mi-tant que le temps le permet, pour donnerde l'air à la plante : on doit aussi le chan-ger autant de fois qu'il est mouillé ou cou-vert de neige ; il faut par conséquent enavoir une bonne provision. De 2 en 2 jours,on coupe tout ce qui est bon, qu'on fait re-verdir au soleil, comme je l'ai expliqué ci-dessus.

Quinze jours après, on change encoreles réchauds , et on continue de quinzaineen quinzaine , tant qu'on cueille du fruit:il faut prendre garde cependant qu'il nebrûle pas par trop de chaleur; à quoi il estparticulièrement sujet dans les mois de no-vembre et de décembre, lorsqu'il survientdes pluies chaudes , ou même après quel-ques petites gelées qui concentrent la cha-leur : au moindre danger , il faut donner del'air aux planches , en levant les fumiers dedistance en distance.

Il y a des particuliers qui couvrent lesplanches entières avec des cloches ; maisc'est un grand embarras et une grande dé-pense : nos maraîchers s'en dispensent, ets'en tiennent à la litière qui agit égalementpour la production du fruit.

Les planches ainsi préparées et gouver-nées , donnent du fruit pendant six semai-nes ou deux mois, passé lequel temps il fautles abandonner , retirer tous les fumiers,et remettre dans les sentiers les terres qu'on

- or

CHAPITRE X. 247en avoit tirées : cela fait , on les laisse re-poser pendant n ans sans les couper, pourles remettre du travail forcé qu elles ontfait, et elles fournissent ensuite commeles autres.

Maison observera pour la première foisqu'on réchauffera ces planches ,de ne cou-per les fruits que pendant 3 semaines envi-ron; on les épuiseroit d'en tirer davantage,ce n

'

est que pour la suite , tant qu'elles du-rent, qu'on peut prolonger la cueillettejusqu'à 6 semaines ou deux mois.

Suivant la consommation qu'on peutfaire de ce légume, on dispose la quantité deplanches qui doivent se succéder d'annéeen année, et on les réchauffe les unes aprèsles autres , pour en avoir dans tous lesmois, jusqu'au mois d'avril que la naturele donne sans violence.

Je ne puis m'empêcher de dire , en finis-sant cet article , que si cette productionforcée donne quelque plaisir, il est bienpayé par les frais et les soins qu'elle coûte.Quand jc considère qu'il faut la prépa-rer plusieurs années à l'avance , qu'il fauten combiner la distribution d'année en an-née, et de mois en mois , pour en être régu-

lièrementpourvu ; quand je suppute les fraisdes fumiers, cloches , paillassons , le tempsdes ouvriers, etc. , et que je porte à la bou-che ce fruit , qu'il me faudroit deviner leplus souvent si les yeux ne me le faisoient

24.8 DE L ' ASPERGE.pas connoître , j'avoue que je suis étonnéde l'empressement de ses partisans; et jen'y réfléchis jamais sans me rappeler ce pas-sage d'Ovide , qui semble fait pour ce sujet:

Nitimurin vetitunz senzper ,cupimusque negata,

Cependant, comme il est du bien de ?E-tat que les riches fassent mouvoir l'indus-trie de l'ouvrier, il faut y applaudir en boncitoyen ; car les folies utiles sont des traitsde sagesse.

Les curieux cultivent encore 4 sortesd'asperges, dont je dirai un mot : on m'aassuré qu'elles pouvoient se manger com-me les autres, ayant le même goût ; maisil ne me paroit pas qu'elles puissent réus-sir ni se multiplier aisément dans ce climat,et il ne faut les considérer que commeriosité.

On nomme la première , l'asperge ma-ritime, parce qu'elle croit naturellementaux bords de la mer, je ne sais dans quellepartie du monde. Elle pousse une tige aussiélevée que les nôtres, mais ses filets sont'beaucoup plus gros ef plus fermes ; elleporte des baies semblables aux autres , quirenferment de même 2oll 3 petites grainesnoires, par lesquelles'elle se multiplie : onla sème au printemps.

La seconde s'appelle l'asperge vivace àépines ; elle est effectivement vivace , non-seulement du pied, niais aussi de la tige

CHAPITRE XI. 249qui se conserve également verte l'hivercomme l'été ; elle s'élève fort haut, sesfilets sont courts et piquans , et son boisdur ; ses baies sont de la même grosseurque celles de l'asperg: commune , mais decouleur brune , et ne renferment qu'une se-mence unique qui est ronde , noire et as-sez grosse.

La troisième se nomme l'asperge sauva-ge; mais c'est une espèce différente de celledont j'ai parlé , qui croit dans les îles denos rivières : sa tige ne s'élève qu'à unpied ou environ; ses filets sont faits commeaux autres , mais ses baies sont 3 fois plusgrosses , approchant de la grosseur d'ungrain de muscat : les rameaux meurent tousles ans, mais le pied repousse toujours auprintemps.

La quatrième se nomme l'asperge épi-neuse , parce que ses petits rameaux sontgarnis d'épines au lieu de filets ; elle pous-se peu et demeure basse.

CHAPITRE X I.Description du BASILIC; ses dJferentes

espèces , ses qualités et Propriétés, saculture etc.

ON compte, 8 ou Io espèces de basilic ,que d'a utres appellent aussi bassic; maisil n'y en a que 6 bien distinctes les autresn'en sont que des variétés.

25O DU B A S I L I C.La première est la petite espèce, dont

la feuille est ronde et presqu'aussi petiteque celle du thym , d'un vert tendre etd'une odeur agréable; sa racine est ligneuseet dure , garnie de beaucoup de fibres, ellejette une quantité dé petits rameaux quis'écartent en rondeur , et qui forment laboule ; sa fleur est blanche, portée sur depetits calices, entrelacés avec des feuillesqui se changent en petites graines de cou-leur brune , très-menues , lisses, et plusovales que rondes : c'est l'espèce qui est laplus recherchée pour le plaisir des yeux etde l'odorat ; on l'élève sur couche, et onla replante dans de petits vases qu'on placepar-tout.

La ue. espèce, qu'on nomme le moyenbasilic, diffère de la première par la gran-deur de sa feuille qui est une fois plus éten-due; laplantefaitaussi un plus grand écart,et son odeur tire plus sur le clou de gi-rofle ; pour tout le reste elle est confor-mée de même, il y en a 2 espèces , l'uneverte et l'autre violette.

La 3e. se nomme le basilic bâtard ; il ala feuille beaucoup plus grande encore,mais l'odeur en est bien moins agréable : ily en a de 2 espèces de même , l'une verteet l'autre violette.

La 4e. qu'on nomme tricolor , a la feuillepanachée de pourpre , de jaune et de vert,et qui surpasse encore en grandeur la feuille

C.HAPITRE X I. 251du basilic bâtard ; son odeur forte n'estpoint agréable ; pour le surplus le trico-lor lui ressemble.

La y'. se nomme le basilic de la cuisine,parce que c'est celui qui sert dans les ali-mens ; sa feuille est grande, oblongue etlisse : c'est l'espèce la plus estimablepour son utilité. Elle s'élève à rs ou 18pouces, et jette plusieurs rameaux qui sonttous terminés par un épi fort alongé et en-vironné de fleurs de couleur blanche , por-tées sur un petit calice comme les précé-dentes , niais plus grandes , auxquelles suc-cède la graine : son odeur est douce etagréable.

La 6e. se nomme la grande espèce-vi-vace, et elle est fort rare : elle est plusbranchue et plus fournie de beaucoupque la précédente, et jette des épis de'même , mais plus courts et plus ramas-sés ; sa fleur est aussi blanche , sa feuil-le est épaisse, un peu cloquetté , deforme ovale et d'un vert tendre ; elle ap-proche en grandeur celle du laurier ce-rise , je veux dire en largeur, étant beau-coup plus courte ; son odeur est assezagréable , et je crois qu'elle pourrait ser-vir aux mêmes usages que la précéden-te, si elle étoit plus commune ; mais elleest plus délicate à élever , et c'est la rai-son sans doute pour laquelle elle n'est pasrépandue : elle est sujette au temps de sa

2p DII BASILIé.fleur, à nuiler et à venir chancreusefleur de terre , ce qui la fait périr aussi-

tôt, et on a de la peine à en recueillir lagraine. Son principale mérite est d'étrevivace ; mais il faut l'enfermer pondantl'hiver.

Toutes ces espèces s'élèvent et se mul-tiplient de graine qui lève facilement surterre dans les pays chauds; mais, dansceclimat, il faut la semer sur couche enfé-vrier ou mars : on repique le plant quandil a six feuilles ; on le replante ensuiWquand il est plus fort, et on l'espace sui-vant l'espèce. Cette plante demande uneterre meuble et fraîche , et veut être ar-rosée souvent. On peut semer jusquilaSaint-Jean la cinquième espèce , qu'onmêle , quand on aime ce goût , dans lesfournitures de salade ; plus elle est nou-velle ,. plus la feuille est tendre et parfu-

.,e mée.• C'est sur cette cinquième espèceque se fixe l'attention des maraîchers, vul'usage continuel qu'on en fait dans lesalimens. On l'arrache avant qu'elle nefleurisse , et on en fait des paquets qu'onmet sécher au plancher de la cuisine ouautre part , à l'ombre , dans un lieu bienaéré ; on l'enferme ensuite dans des boîtes,et on la pulvérise, lorsqu'on veut s'enservir dans des sauces avec les autres épi-ces. On la mêle aussi dans la paie qu'onfait pour faire frire des pigeons ; de-4

CHAPITRI; XI. 25'4' expression ,pigeons au basilic. On rem-oie encore dans les courts bouillons deoisson , sans la pulvériser. Elle sert en-

d'aromate dans la plupart des ragoûts ,son goût plaît assez généralement. On

cueille la graine au mois, d'août, sur leseds de la première semence de février

mars : elle se conserve bonne deux ouois ans.Cette plante a aussi ses propriétés dansmédecine : elle est céphalique , pec-

ale et cordiale : ses feuilles et ses fleurs,ise.s en infusion comme ; thé , appai-nt les douleurs de tête et dissipent lesxions de cette partie. Quand elles sont

% chzs, on les pulvérise , et on en com-pose une poudre ou'on môle avec quel-ques autres herbes aromatiques , prépa-rées de la même manière : c'est ce qu'onappelle la poudre céphalique , qu'on prendpar le nez comme le tabac , pour déchar ,ger le cerveau ; et elle fait couler beau-coup de sérosités , sur-tout quand on enprend quelques pincées à jeun. On en ti-re aussi une huile essentielle admirable ,qui entre dans le baume apoplectique ,très-propre pour réveiller les esprits, et ré-tablir le mouvement des humeurs qui com-posent le sang. Elle entre encore dansbeaucoup d'autres remèdes, et sur-toutdans la poudre réjouissante.

954 DU BAUME.ittUZGreMelM1LM7t,Wie2MSTAFMeilFEZU2keffli MMIrlaregzig

CHAPITRE XII.Description du BAUME; ses différentes

espèces, ses propriétés , sa culture,etc.

E nom de baume et celui de menthesont presque synonymes dans la botani-que, mais dans le potager, on en faitdifférence , et le nom de baume n'est don-né proprement qu'aux espèces qui con-viennent à l'usage de la vie : toutes lesautres qu'on emploie en médecine sontappelées menthes. Elles sont en grandnombre; mais, n'étant pas de mon sujet,je n'en décrirai que deux , à cause del'utilité dont elles peuvent être au défautdes autres , et parce que l'une des deuxa des qualités particulières, que n'a au-cune des autres.

Il y a 4 espèces de baume qui serventdans les alimens; le baume vert , le bau-me violet, le baume citronné et le bau-me panaché : les deux autres que j'y ajou-te , sont le baume aquatique et le baumedu Pérou.

Le baume vert fait une quantité de ra-cines blanches et cylindriques , qui tra-cent entre deux terres ; disposées parnoeuds comme le chiendent , chaque noeudétant garni de fibres déliées : ses tiges semultiplient par ces noeuds d'où elles sor-

CHAPITRE XII. 25Ç:eut., et qui, venant à percer la super-icie de la terre forment autant de nou-telles branches , qu'on sépare du pied

ors.iu'on en veut replanter : ses tiges sontie forme presque quarrée , velues, et derouleur verte qui rougit du côté du so-,eil ; ses feuilles sont rangées de deux endeux, en échelons de perroquet, tout leLong des tiges et se renversent contre,erre; elles sont ovales, dentelées légè-7ement , et d'un vert brun, velues en des-sous , d'une odeur forte et aromatique ,qui plaît aux uns et déplaît aux autres :des aisselles des feuilles , il sort de petitsépis de fleurs purpurines , formées engueule, découpées en deux lèvres cour-tes , fendues de manière que ces fleurssemblent être un tuyau à S découpures ;

graines menues et brunes succèdent àchaque fleur.

Le baume violet ne diffère du précédentque par la couleur de ses feuilles, qui sontviolettes , en naissant presque rouges ,c'est-à dire , lorsque la tige sort de terreau printemps ; la feuille est aussi plus poin-tue et plus dentelée; l'odeur est à-peu-prèsla même.

Le baume citronné, qu'on nomme au-trement le baume à feuilles d'orties , a lafeuille effectivement de la même forme etcouleur que la feuille d'ortie , sans aucu-ne teinte de rouge ; sa tige est également

256 DU BAUME.verte , et sa fleur est disposée de la m emanière que les deux précédens ; son odeursaisit moins et tient un peu de celle du ci-tron , dont il tire son nom.

Le baume panaché diflère des 3 précé-deus , en ce que sa feuille est presque uniesur les bords , douce sous le doigt et jas-pée légèrement de violet ; sa tige est demême violette en partie : en naissant, sonbouton est couleur de rose mêlé de quel-ques feuilles blanchâtres ; son odeur estplus suave etmoins pénétrante que celledes autres espèces : sur tout le reste, laressemblance est égale.

Le baume aquatique, qu'on nomme nu•trement la menthe crépue est fort diffé-rent de tous les précédens ; sa tige estbeaucoup plus velue et plus ronde; safeuille est plus arrondie aussi, et légère-ment .festonnée sur les bords, crépue,épaisse, d'un vert blanchâtre, couverteen-dessus et en-dessous d'un petit duvetblanc ; ses rameaux sont terminés par desépis longs garnis régulièrement, dans leurcirconférence, de petites fleurs couleurde chair , formées en cloche , et surmon-tées de petites étamines portées chacunesur un petit calice , au fond duquel il setrouve, après que la fleur est tombée, Sou4 petites graines rondes, de couleur jaune.1

Le baume du Pérou , qu'on appelle au-'trement le laitier, ou le trèfle musqué,

CHAPITRE XII. 2Ç7fait sa racine menue , blanche , ligneuseet garnie de quelques libres ; sa tige esthaute de 18 pouces environ, droite , grêle,cannelée, un peu anguleuse, lisse creuse,et un peu branchue dans le bas. Ses feuil-les 'naissent alternativement trois ensem:-ble sur une longue queue, d'un vert râle ,lisse et dentelée ; celles qui sont au basde la tige sont plus 'courtes et plus arron-dies , les autres plus longues et plus poin-tues. Des aisselles des feuilles supérieures,sortent des pédicules longs qui portent desépis ou bouquets de petites fleurs légumi-neuses d'un bleu clair, qui répandent uneodeur aromatique un peu forte, mais agréa-ble; ce qui dure long-temps, lors mêmeque la plante est sèche. Il s'élève du calicede chaque fleur un pistil qui se change enune capsule dure ; qui renferme 2 ou 3 grai-nes arrondies et odorantes.

De ces 6 espèces de baume, il n'y a queles 4 premières , comme je l'ai dit , quiservent pour la vie; et lcurusage se borneaux salades , où on les mêle avec les autresfournitures : encore n'est-ce que lorsquele baume est jeune c'est-à-dire , lorsqu'ilsort de terreau printemps , et que ses feuil-les ne sont pas encore développées ; car,passé le printemps, son goût est trop fort,et domine trop ; quelques personnes quien aiment l'odeur , s'en servent néanmoins,

quelqueàge qu'il ait.

258 DU BAUME.Ces quatre espèces ont beaucoup de pro.

priétés dans la médecine, et ne diffèrentguère entre elles, quoiqu'on préfère la pre-mière que les botanistes appellent le coq.Ses vertus sont de rétablir les fonctions del'estomac, de faciliter la digestion , d'ar-rêter le vomissement , de corriger les ai-greurs et les rapports, de pousser les moiset les urines , de tuer les vers , de dissiperles vents, et de soulager dans les douleursde la colique : dans tous ces cas, on leprend en infusion comme le thé , ou onl'emploie comme l'absinthe , c'est-à-dire,on en prépare l'extrait, la conserve, l'eaudistillée, et l'huile par infusion. Cette der-nière préparation est d'un grand usagepour toutes sortes de plaies et de contu-sions , sous le nom d'huile de baume. Onla fait simple ou composée. La simple sefait en mettant infuser au soleil pendantun mois , dans de grandes bouteilles oucruches , les feuilles du baume et ses som-mités dans de la bonne huile d'olive : lacomposée se fait de plusieurs manières ;mais , la simple opérant suffisamment , onpeut s'en tenir là. La feuille de baume ma-cérée dans les doigts , et appliquée sur unecoupure, y est fort bonne ; et pour empê-cher le lait de cailler , on n'a qu'a en jeterquelques feuilles dedans : mêlée avec lesfeuilles de rhus et de camomille et les se-mences de taros , et appliqué en cataplas-

me

-1111 .111elda

CHAPITRE XII. 25-9me , elle résout le lait grumelé des ma-melles. On en fait aussi une huile essen-tielle , qui est un excellent stomachique.Son eau distillée est souveraine dans lesvomissemens qu'on ne peut arrêter ; unecuillerée de cette même eau arrête les tran-chées des enfans.

La cinquième espèce de baume, quoi-qu'à-peu-près équivalent aux autres, n'estemployée qu'à leur défaut.

La sixième a des vertus particulières ;elle déterge digère calme les douleurs ,résout le sang épanché , et consolide lesplaies ; on la mêle dans les potions vulné-raires avec les autres plantes vulnéraires;on fait avec les sommités fleuries , macé-rées dans de l'huile commune, une huilequi est très-recommandée pour réunir lesplaies et les défendre de l'inflammation 5pour guérir les hernies des enfans, pouramollir et faire aboutir les tumeurs. Onprétend que cette plante , lorsqu'elle estsèche , a la même vertu de la garde-robe,

d'empêcher les vers de manger la laine deshabits.

. De ces six espèces, les 4 premières,quoiqu'elles portent graine qui pourroitservir à sa multiplication , ne se multi-plient communément que de leurs traînas-ses ou de boutures 5 et leur culture ne de-mande aucun soin particulier : on les sar-cle au besoin , et on les coupe tous les ans

Tome I.

26o DE LA BETTERAVE.sur la fin de l'automne , à fleur de terre;on jette ensuite un pouce de terreau par-

dessus. Il est à propos de les renouveler detemps en temps ; et lorsqu'on en replante,comme cette plante s'écarte beaucoup enracines , il faut espacer les pieds à 12 à ispouces : elle demande une terre grasse,meuble et fraîche. Dans les jardins où onse pique de primeurs , on en replante quel-ques pieds sur couche pendant les moisde janvier et de février , et il produitpromptement et abondamment pendantI; jours ou 3 semaines ; mais il périt 'en-suite : ainsi il faut en remettre en plusieurstemps, quand on veut en avoir une suite.On peut meler ce baume avec telle autreplante qu'on voudra ; comme il y séjournepeu , toute dose de terreau lui est indiffé-rente.

Les deux autres espèces de baume semultiplient de graine qu'on sème au moisde mars, et qui ne demande que les soinsordinaires : quelqu'un cependant m'a as-suré qu'on les multiplioit aussi de boutu-

res ; cela est facile à éprouver.

CHAPITRE XIII.Description de la BETTERAVE , ses dif:

férentes espèces , ses propriétés, samature , etc.

I L y a une ressemblance de forme assez

CHAPITRE XIII. 261)arfaite de la tige et de la feuille de cetteMante , avec celle de la bette blanche , quetous nommons poirée 9 avec cette diffé-ence , qu'elle est violette et qu'on n'en faitucun usage pour la vie : c'est dans sa ra-

ine que consiste tout son mérite.11 y en a 3 espèces ; la grosse rouge .,

a petite qu'on nomme Castelnaudari , et la)lanche.

La grosse qui est la seule cultivée en ce)ays , a sa racine longue et très-grosse)ortant jusqu'à pouces de diamètre , sur12 et plus de longueur d'un rouge de;ais en dehors comme en dedans; sa feuil-e est d'un rouge violet , et la câte d'unrouge d'amarante, large et plate : c'est à cet-;e couleur qu'on connoît la bonne espècequi doit être d'ailleurs peu fournie en feuil-

es. Celle qui en jette beaucoup , dont larouleur est vive , mêlée de vert est une

cspèce dégénérée , dont la racine est ordi-nairement marbrée , et qui n'a ni la saveurni la tendreté de l'espèce franche : ceux quiPont telle , doivent la réformer.

La Castelnaudari est beaucoup plus pe-tite : mais elle dédommage de ce défautpar sa délicatesse et son goût , qui tient

3e celui de la noisette ; elle a encore l'a-vantage de pouvoir se manger dès le moisd'août , sans avoir rien de l'âcreté de lagrosse , qui n'acquiert d'ailleurs sa per-

fection qu'à la fia de l'automne , et quiM a

2 6 2 DE: LA BETTERAVE.retient toujours quelque chose de ce dé-faut. Elle est , par ces considérations,beaucoup plus estimée de ceux qui la con.noissent ; car elle n'est presque pas con-nue aux environs de Paris, en quoi onperd. Sa couleur est du même rouge que lagrosse ; mais sa feuille est un peu diffé-rente, étant plus petite , plus ronde , etd'une couleur plus plombée.

La blanche est aussi peu connue quela précédente ; on la préfère cependantdans plusieurs provinces , et ses partisanla trouvent plus tendre et plus délicate:elle me paroit telle à moi-même , mais jene lui trouve pas un goût si décidé.

Cette racine est fort saine, et, quoi-qu'elle ne soit pas du goût de tout le mon.de , beaucoup de gens s'en accommodentOn la mange en salade avec la mâche otle céleri , cuite à l'eau ou au four , ou soula cendre chaude ; cette dernière façon esla meilleure , parce que la cendre lui communique des sels qui en relèvent le goûton la mange aussi avec l'oignon cuit soula braise , accompagnée de câpres , dcapucines , d'anchois et de cornichons ; ec'est une des salades d'hiver qui fait le plude plaisir et d'honneur sur une table bicservie. On l'apprête encore à la poêle"avec l'oignon roussi dans le beurre ; maice ragoût , qui n 'est guère connu qu'àParisa fort peu de partisans ailleurs.

CHAPITRE'XIII. 263Sa feuille a les mêmes propriétés, dans

a médecine, que la poirée ; et au défautle celle-ci , on pourroit s'en servir aux

nernes usages que j'ai marqués à son ar-ide; mais sa couleur trop marquante'ait qu'elle n'est guère employée. La ra-:ine pilée avec du beurre frais, et bienincorporée l'une avec l'autre, est admira-ble contre les inflammations des hémor-

-,Jrolues.Cette racine demande une bonne terre

meuble et labourée profondément, sansquoi elle fourche et ne fait aucun profit :on la sème à Sin d'avril dans les terreschaudes , et à la mi - mai dans les terresfroides : ceux qui la sèmeront plutôt laverront souvent monter.

On peut la semer en planche ou en bon , . -dure; mais cette dernière situation lui con-vient mieux, parce qu'elle a plus d'air :on l'éclaircit aussitôt qu'elle a pris cinqà six feuilles , et on laisse un grand piedde distance de l'une à l'autre ; on la sarcleet on la mouille quelquefois de manièreque l'eau pénètre jusqu'au bout de la ra-cine : elle ne demande pas d'autre façon.

y a des gens qui replantent celleequ'ils arrachent , en éclaircissant la se-"mence ; mais je n'ai jamais vu qu'elles aientbien réussi..

On les tire de terre environ à la Tous-saints ; on ôte toute la fanne , qu'on tord.

Al 3.

z-

264 DE LA BETTERAVE.avec les mains ; on les nettoie le plusqu'on peut , on les lave même , si la terrey est trop fortement attachée; on les laisseensuite à l'air pendant un jour pour seressuyer, , et on les enferme après dans laserre, sans y mêler ni terre , ni sable : tou-tes ces précautions sont nécessaires, sansquoi , elles sont sujettes à pourrir ou àpousser du coeur, ce qui les rend cordéeset mauvaises. On doit bien prendre gardeencore que la gelée ne les surprenne nien terre , ni dans la serre ; car elles n'enreviennent pas comme d'autres racines :rangées et soignées comme je viens de ledire, elle se conservent tout l'hiver , et>fournissent même une ressource agréablepour les salades d'hiver , dans les petitesfeuilles qu'elles poussent du coeur, dont;la couleur vive qui tranche avec le blanc,réjouit les yeux.

On en replante quelques-unes à la finde février ou en mars , pour monter engraine , qui se -forme tout de même quecelle de la poirée , et qui lui ressemble siparfaitement , qu'on ne sauroit presqueles distinguer ; cependant la couleur estun peu plus grise. 11 faut pratiquer , à l'é-gard de celle-ci , les mêmes choses qu'ontrouvera expliquées dans le chapitre de lapoirée. Elles se conservent bonnes deuxans et plus.

CHAPITRE XIV. 264

CHAPITRE XIV.Description du BLÉ DE TURQUIE; ses

différentes espèces ses propriétés ,sa culture , etc.

CETTE plante appartient plus àla pleinecampagne qu'aux jardins ; cependant , com-me on l'apprête depuis peu, et qu'on laprésente sur des tables, je lui donne rangparmi les plantes potagères.

On l'appelle plus communément Maïs ,dans les pays ou il s'en fait de grandes plan-tations; d'autres le nomment blé d'Inde,parce qu'il tire son origine des Indes, d'oùil fut apporté en Turquie, et de-là, parsuccession, dans toutes les autres partiesde l'Asie , de l'Afrique et de l'Europe :mais nous le connoissons mieux ici sous lenom que je lui donne.

Cette plante pousse une grosse tigepleine d'une rnoëlle blanche , qui a le goûtsucré , et d'où on tire un miel par expres-sion, quand elle est verte. Elle s'élève à 6ou 7 pieds , et porte à son sommet des pan-

nicules longues de 8 à 9 pouces , grêles ,éparses et partagées en un grand nombred'épis penchés , chargés de fleurs stérileset séparées de la graine qui est le mêmefruit : les fleurs sont semblables à celles du,seigle , sans pétales , composées de quel-ques étamines , et renfermées dans un ca-

ird 4

266 DU BLI DE TURQUIE.lice ; tantôt elles sont blanches,tantôt jau-nes, quelquefois de couleur pourpre, sui-vant que les épis qui portent les grainessont colorés ; mais elles ne laissent pointdo fruits après elles.

Les fruits sont séparés des fleurs , etnaissent en forme d'épis , des noeuds de latige : ses épis sont longs et gros , cylindri-ques , envel )ppés étroitement de plusieursfeuilles ou tuniques membraneuses , qui ser-vent comme de gaine, du sommet desquelsil sort de longs filets qui sont attachés cha-cun à un embryon de graine.

Ses feuilles sont semblables à celles duroseau , longues d'un pied jusqu'à 2, lar-ges de 3 ou 4. pouces veinées et rudes,coupantes sur les bords.

L'épi qui croît par degré jusqu'à lagrosseur du poignet et à la longueur d'unpied, écarte les tuniques qui l'enveloppentà mesure qu'il grossit, et montre son grain

découvert , ou du moins en plus grandepartie, quand il est en maturité.

Ce grain est de la grosseur d'un gros pois,un peu applati ,et de couleur jaune, rouge,violette , bleue , blanche ou marbrée , sui-vant l'espèce. La plus généralement culti-vée , et celle qu'on a reconnue la meil-leure , tant en France qu'en Italie , et auLevant , c'est la jaune, dont la farine nediffère pas pour cela des autres qui larendent également blanche,

C H A er , e - It' È X I V. 267 -Pour l'ordinaire chaque tige ne produt

qu'une grappe, quand cette plante est se-mée en plein champ ; mais quand elle estau large ,.elle en rapporte 2 ou 3.

Les avantages que l'humanité retire dece grain sont infinis ; l'on pourroit avancerque la moitié des hommes et des animaux'

peivés , répandus sur la terre , en forme sanourriture : il est cultivé dans les 4 partiesdu monde, et, ce qui est surprenant, c'estqu'il le soit en si peu d'endroits en France;.sur quoi je ne puis m'empêcher de déplorernotre négligence. On auroit tort de penserque nos terres et notre climat ne lui soient. -pas propres ; j'en sème tous les ans , et ilvient aussi beau et aussi bon qu'en Italie;,la Bourgogne, la Franche-Comté, la Bres-se, en font de belles et fructueuses planta-tions. Si les gens de la campagne mari-;quent de courage ou de moyens pour en,commencer la culture , les seigneurs deparoisses ou autres. personnes aisées ne

pourroient-ils pas les animer et les faciliterpar quelques avances , qui, en faisant lebien de leurs vassaux ou fermiers , ne mon-queroient pas de procurer le leur , en ce.que, par la suite , le produit de leur terreaugmenteroit infailliblement ? Et si l'exem-ple dé presque toutes les nations ne suf-fit pas pour lever les doutes que l'ignoran-ce ou le préjtigé nous auroit fait concevoir

dè l'utilité de ce grain , qu'on fasse atten-

268 DU BLÉ DE TURQUIE.

ti on à ses propriétés, que je détaillerai pourconvaincre que l'on retireroit un grandavantage à en étendre la culture et à la ren-dre florissante.

Les Indiens et les autres peuples éloignés,mangent le blé de Turquie en vert, com-me en Italie on mange les petits pois , ouen sec grillé à la poéle , ou bouilli dans del'eau : d'autres nations en font une bois-son , qu'elles convertissent aussi en vinai-gre en la gardant un certain temps, en beau-coup de pays , on en fait du pain ; ailleursde la bouillie : mais je laisserai moins lieuà soupçonner mes détails, en m'abstenantde rapporter les usages infinis qu'en font lespeuples éloignés , et en parlant seulementdes différentes manières dont nos voisinsjouissent de ce riche présent de la terre. 411

On s'en sert dans des provinces de Fran- -ce pour engraisser la volaille : elle profi-te à vue d'oeil avec cette seule nourritu-re ; les chapons de Bresse , si fort en ré-putation , et qui pèsent jusqu'à 10 et 12liv. en font preuve. On en nourrit les pi-geons de volière ; ce grain leur rend la .1chair blanche et tendre , et leur donneune graisse ferme et savoureuse. Rienn'est meilleur pour engraisser les cochons;ils en prennent un lard ferme et deux foisplus épais qu'avec tout autre engrais : cesfameux cochons de Naples ne sont pasengraissés autrement; ils pèsent jusqu'à

CHAPI'T RE XIV. 2C9:

s00 livres. Ce poids paroîtra sans douteétonnant et peut - être fabuleux à ceuxqui n'ont pas voyagé, ou qui n'en ontjamais ouï parler ; mais je peux attesterl'avoir vu de mes propres yeux. Pour les

'rendre tels, on les enferme simplement% pendant deux mois dans une loge , où est

!

une auge toujours pleine de ce grain ,dont ils se rassasient en liberté. Les che-vaux, lorsqu'ils y sont accoutumés, s'entrouvent également bien ; il faut d'abordle mêler avec leur avoine , pour leur enfaire prendre le goût. Etant moulu , on

en fait des gâteaux et des galettes , dontle peuple se nourrit en beaucoup d'en-droits. On en mêle aussi avec la farine defroment pour faire le pain , qui s'en ac-commode de même ; cependant je diraià cet égard , que ce pain n'est pas conve-nable aux estomacs foibles , s'ils n'y ontété accoutumés de jeunesse. Ce grain ,qu'on ne sème qu'après l'hiver , réussittoujours, et fournit au défaut des autres ;un peu de fadeur au goût seroit peut-êtrele seul défaut qu'on pourrait lui trouver ;mais il est aussi nourrissant et aussi bien-faisant qu'aucun autre : je dirai plus , ona trouvé le moyen d'en faire un mangerdélicat. On prend ses grappes, lorsqu'el-les ne font que naître et qu'elles n'excè-dent pas la grosseur du petit doigt, onles dépouille de leur bourre , on les fend

Mt 6

270 DU BLÉ DE TURQUIE.en deux, et on les fait frire avec une pâtecomme les artichauts : on les confit aussi--

avec du vinaigre blanc, comme les corni-chons , et alors ils sont même meilleurs etplus tendres. La plante , à mesure qu'on ladépouille de son fruit naissant, pour lemanger ainsi en friture, ou pour le confire,en produit d'autres de noeud en nceud ,qu'on a toujours soin de cueillir dès qu'ilssont formés, et elle en fournitpendant deux,mois et plus.

Pour les confire, on fait fondre une li-vre de sel dans une pinte d'eau chaude ;on tire l'infusion au clair, on y joint unepinte de vinaigre , et on remplit le vais-seau de ces jeunes fruits , qui se trouventconfits et bons à manger un mois après;pour leur conserver la blancheur , on metpar-dessus un lit d'estragon ou de perce-pierre , qui leur donne en même-temps ungoût plus agréable.

La culture de cette plante n'est pas lamême dans tous les pays : en Italie et enEspagne, on sème le grain à la charrue,comme le blé ordinaire en d'autres lieux,

à. mesure qu'un sillon est fait , on l'y ré-pand fort clair, et on recouvre en recoin-mençant un autre sillon ; ailleurs on lesème au plantoir : mais la façon qui meparoît la meilleure ; c'est de le semer partouffes , de la même manière qu'on sèmeles haricots ; on en met quatre ou cinq

1

CHAPITRE XIV. 27!dans chaque place, et, quand ils sontbienlevés on n'en laisse qu'un ou deux :on les chausse ensuite quand ils sont assezforts , et on les serfuit en même-temps.Un mois environ après, lorsqu'ils sontéleVés à deux ou trois pieds , on leur faitune butte tout autour du pied, de 12 à

15' pouces de hauteur, pour les soutenircontre vents , qui les renverseroient sanscette précaution : on doit disposer lesrangs de manière que chaque touffe soit ài8 pouces de distance , en tous sens ,l'une de l'autre. Quand il est arrivé à peuprès à sa hauteur de six pieds environ , onlui coupe , l'extrémité de la tige etune par-tie de ses feuilles ; le grain en profite mieux,et mûrit plutôt ; il n'y a pas d'autre façonà lui faire. Lorsqu'enfin il se trouve mûrvers la fin de septembre, ce qui se con-noît à son enveloppe qui sèche , on arra-che toutes ses grappes , on les démaillot-te ; et , pour mettre le grain à l'air , on re-brousse toutes les feuilles qui servent à leslier par paquets , et à les attacher, soità des planches , soit contre des murs, dansquelque endroit sec et aéré, où le grainachève d'acquérir sa perfection.

C'est à la mi-avril qu'on doit le semerdans notre climat ; chacun se réglera sui-vant le sien. Ce grain demande une terregrasse et bien fumée ; cependant, avecl'aide du fumier , on le fait venir fort bien

272 DE LA BOURRACHE.dans les terres médiocres , en observant dene pas en semer 2 fois de suite dans la mémeterre; il est à propos au contraire qu'ellesoit occupée en autres grains pendant 3ans , avant d'en remettre de celui-d. Ilest bon à semer pendant 2 ans; mais il lèveencore plus sûrement la première année.

On a une machine pour l'égrainer , dansles pays où il s'en cultive beaucoup ; maisà défaut de cette machine , on le déchasseavec les mains quand il est bien sec; etce doit être l'occupation des femmes etdes enfans pendant l'hiver.

CHAPITRE XV.

Description de la BoulinAcHE ; ses pro.priéte's , sa culture , etc.

L A bourrache , que d'autres nommentbourroche , est une plante plus médicinaleque potagère ; et cependant on l'emploiefort utilement pour les soupes, mêlée avecd'autres herbes ; mais il faut qu'elle soitjeune et tendre : on se sert aussi de sesfleurs pour garnir les salades. Les Italiensla mangent cuite en salade, quand elle estnouvelle . ils en font un grand usage danstous les mets d'herbes, persuadé qu'elleest très salutaire ; en quoi il est certainqu'ils ne se trompent pas.

Sa racine est blanche et fort chevelue;

-. .11.111111N ititt.,

CHAPITRE XV. 273ta feuille , qui s'abat sur terre , est large ,arrondie , d'un vert foncé , rude, ondée etgarnie de petites pointes très fines ; sa tigeest également velue , cylindrique , creusebasse et branchue ; ses fleurs naissent ausommet des rameaux, et sont ordinairementbleues, mais quelquefois blanches ou cou-leur de chair ; elles sont portées sur des pé-dicules longs d'un pouce et inclinés versla terre ; elles sont d'une seule pièce , re-fendues en 5" parties disposées en étoiles, etdu centre il sort une espèce de pyramidenoire, formée par étamines réunies en poin-te à leur extrémité; le calice où elles tien-nent est partagé en s parties pointues ,vertes et velues, d'où il sort un pistil en-touré de 4 embryons qui se changent enautant de graines accolées ensemble, qui,de vertes qu'elles sont d'abord, deviennentnoires en mûrissant , et conservent un pé-tit bouton blanc presqu'imperceptible , ducôté qu'elles étoient adhérentes : leur for-me est un peu alongée et graveleuse, ettant par la forme que par la grosseur et cou-leur , on peut les comparer aux crottes desouris.

Cette plante ne se multiplie que de sagraine, qu'on peut semer en tout temps, etqui lève promptement et sans beaucoup depréparations; elle croit même naturelle-ment dans les places où il y en a une foiseu, sans qu'on puisse presque la détruire ;

274 DE LA BOURRACHE.mais à peine est-elle bien formée , qu'ellemonta ; c'est pourquoi il en faut semer unpeu tous les mois, si on est dans le cas d'enavoir besoin. Sa graine est très-difficileramasser ; car, à peine est-elle mûre, qu'el-le tombe , et les oiseaux, ainsi que les mu-lots en sont fort avides : il faut couper latige un peu verte , et la faire sécher au so-leil sur un drap , ou étendre quelque mau-v ais linge sous les plantes , pour la rece-voir à mesure qu'elle tombe , et la retirertous les jours plutôt deux fois qu'une : ellese conserve bonne deux ans.

Ses propriétés pour la médecine sont d'ê-tre pectorale et rafraîchissante : sa feuilleet sa racine s'emploie communément dansles tisanes cordiales , et dans les bouillonsrafraîchissans. Elle chasse la mélancolie,rend le sang fluide, et dissout les humeursépaisses et grossières ; elle excite les uri-nes , les sueurs et l'expectoration : son suctiré par expression sans avoir bouilli ,et mêlé .avec celui de buglose , est fortbon dans la pleurésie, à la dose de 4 ouonces répétées plusieurs fois , on peut yjoindre , suivant l'état du malade , une-once de sirop violat , lorsqu'on veut ledisposer à la purgation. Sa fleur est une des4 fleurs cordiales , et se prend en infusioncomme le thé ; infusée dans le vin elleréjouit le ccrur , j'entends l'infusion : onen fait aussi une conserve , dont la dose

CHAPITRE XVI. 275.est depuis 2 gros jusqu'à demi- once. Lesuc de cette plante entre dans le sirop delonguevie , et dans plusieurs autres élec-

' tuaires : elle est fort estimée à cause de sesvertus.

CHAPITRE XVI.

Description de la BUGLOSE ; ses pro-priétés , sa culture, etc.

L A buglose , que d'autres nomment bou-glose, est de peu d'utilité pour l'usage de lavie , si l'on excepte sa fleur dont on sesert pour garnir les salades ; mais elle estsi souvent employée pour les besoins de lasanté qu'un potager ne doit jamais êtreau dépourvu de cette plante , qu'il fautcouper souvent, quand on est dans le casd'en avoir actuellement besoin, car sa feuil-le a d'autant plus de vertus qu'elle est nou-velle.

Sa racine est oblongue , cylindrique ,grosse proportionnément à la force et à l'à-

ge de la plante , de couleur noir•tre en de-hors , et blanche en dedans , remplie d'unsuc gluant ; elle jette plusieurs tiges , quis'élèvent à trois pieds environ , hérissées

de_poils et branchues ; ses feuilles sont lon-gues et étroites , sans queue , de couleurvert de mer, terminées en pointe, et gar-nies dessus et dessous de poils semblables.

276 DE LA BUGLOSE.Ses fleurs naissent au sommet des tiges etdes rameaux , dans un calice composé de

S globes oblongs, étroits, pointus et ve-lus; formés d'une seule pièce en enton-noir, partagés en 5 parties arrondies 5 d'unbleu violet, qui laissent voir dans leur cen-tre une petite étoile blanche et velue,au milieu de laquelle se trouve un petitbouton obtus, composé de 4 ou s petitesécailles velues , qui couvrent autant d'éta-mines; le pistil est oblong et naît du fonddu calice accompagr de 3 ou. 4 embryonsqui se changent dans la suite en autant degraines de couleur noire et si ressemblan-tes à celles de la bourrache , qu'on ne pcutpresque pas les distinguer.

Ses propriétés pour la médecine sont lesmêmes que celles de la bourrache , aveclaquelle on la mêle , ou à laquelle on lasubstitue ; elle s'emploie dans les tisanes,dans les bouillons rafraîchissans et dansles décoctions pour les lavemens : on peutvoir ses autres propriétés dans celles de labourrache. Sa fleur est du nombre desfleurs cordiales , qu'on prend en infusion ,comme le thé , dans certaines maladies.

Cette plante est vivace , et se conservelongues années ; elle se multiplie égale-ment de rejetons et de graine , qu'on sèmeau mois de mars en bordure , autour desquarrés,sans beaucoup de préparation:tou-

le texte lui est bonne pourvu qu'elle soit

ti en labourée. On recueille la graine surles vieux pieds qu'on coupe dès que les pre-mières graines commencent à noircir ; carelle est fort sujette à tomber et à se perdre :'on lçs étend sur un drap , ou on les expo-se debout contre un mur au soleil, jusqu'àce que toute la graine soit bien sèche ; onla vanne ensuite , et on l'enferme : elle seconserve bonne trois ans.

CHAPITRE XVII.

Description de la CAPRE, ses propriétés,sa culture, etc.

L A câpre est le bouton à fleur d'une plan-te qui croît dans les pays chauds. Les cu-rieux, à force de soin, en élèvent quelquespieds dans ce climat ; mais ils ne retirentd'autre avanVige de cultiver une plante ex-traordinaire , que le plaisir.

La plante qui la produit , se nomme câ-prier; ses racines sont ligneuses et nom-breuses, revetues d'une écorce épaisse : ellepousse plusieurs branches garnies d'épi-nes roides et pointues , qui rampent com-me les bras de melons, et qui s'alongebeaucoup : ses feuilles naissent alternati-vement, et sont presque rondes , de la lar-

Fur de la main, semblables à celle du coi-gnassier , et d'un vert d'eau ou céladon :il sort de,l'aisselle de chaque feuille ; un pé-7

27S DE LA CÂPRE.dicule long qui porte une fleur blanche,disposée en rose , et composée de 4 pétales,dont le centre est occupé par un grandnombre d'étamines , et par un pistil fortlong , qui s'élève d'un calice à 4 feuillesvertes ; le pistil se change en un fruit pres-que de la figure d'une poire , et de la gros-seur d'une olive , qui renferme plusieurspetites graines rouges par lesquelles ellese multiplie.

C'est le bouton de sa fleur qui fait toutson mérite, c'est-à- dire , sa fleur même enbouton , avant qu'elle n'épanouisse : oncueille ces boutons tous les jours ; et plusils sont petits , plus on les estime : ils nefournissent pas tant à la mesure , mais ilsse vendent davantage , et l'un revient àl'autre. On ne s'en sert que d'une seule fa-çon , qui est de les confire au vinaigre ; etvoici la préparation. •

On les laisse d'abord se flétrir à l'ombrependant 3 ou 4 heures, après quoi on lesmet dans un vaisseau proportionné à laquantité qu'on en a, les pressant légère-ment , et on le remplit de vinaigre, à la su-perficie du fruit : on le couvre, et on lelaisse en repos pendant 8 jours. Ce ternieexpiré, on les tire du vaisseau, on les pres-se légèrement pour les égoutter , et on lesremet dedans avec du nouveau vinaigre;on répète trois fois de suite la même opéra-tion de 8 jours en 8 jours , après quoi on

CIIAPITRr XVII. 279les change encore de vinaigre pour la der-nière fois, en y jettant un peu de sel, et onles laisse en cet état jusqu'au besoin : onpeut commencer de s'en servir six semai-nes après.

Cette espèce de fruit confit est d'ungrand usage dans la cuisine : il est agréa-ble au goût et réveille l'appétit ; il entredans la plupart des sauces , tant en grasqu'en maigre ; on le mange de même ensalade, avec l'oignon et la betterave. Sondéfaut est d'être un peu difficile à digérer,et il convient peu, par cette raison auxestomacs foibles ; mais on l'a reconnu utilecontre les obstructions du foie et de la ra-te , étant de sa nature détersif , incisif etrésolutif : quelques auteurs en rapportentdes effets surprenans. Le vinaigre dans le-quel il a été confit, de même que l'écorcede la racine , ont aussi des vertus particu-lières , qu'on peut voir dans le Traité deM. Geoffroy.

Cette plante ne demande d'autre cultureque d'être un peu soignée quand on la re-plante , jusqu'à ce qu'elle soit reprise : ellese multiplie également de graine et deboutures, mais plus ordinairement de cet-te dernière façon. On couche quelquesbrins en terre qui prennent racine com-me la vigne , et on les sèvre l'année sui-vante, pour les transplanter où on veut. Elleest vivace et se conserve jusqu'à 50 ans

280 DE LA CAPA E.pourvu qu'on la taille annuellement à la finde l'automne, près de sa couche. Etantsemée au printemps, dans de petites fossesà l'écart (le toute plante qui pourroit l'om-brager elle réussit également, pourvuque le terrain lui soit propre ; et nul ter-rain ne lui convient mieux que les lieuxsecs , pierreux , sablonneux et exposésau midi. Mais la meilleure de toutes les si-tuations, c'est aux pieds des murs du mi-di, ou dans les murs mêmes , lorsqu'ils setrouvent adossés contre des terres : on ypratique des niches exprès, où on enterrela plante ; et le pied a le double avantagede se nourrire par ses racines derrière lemur , et de profiter de la réflexion de cha-leur du mur , dont il a besoin plus que touteautre plante : mais comme tout le monden'a pas l'avantage de ces sortes de situa-tions , chacun les place comme il peut ,et du plus au moins. Elle réussit dans lesclimats et les terrains qui lui sont proprestels que celui de la Provence k j'en ai vuen plein champ, du côté de Toulon etd'Hières , qui rapportoient beaucoup ; lespieds y sont en distance de 2 toises envi-ron , en tout sens. Dans les climatsmoins favorables, et qui sont sujets à quel-ques gelées, il faut couvrir les pieds lors-que le temps menace ; car les deux grandsennemis de cette plante sont le froid etl'humidité. Elle produit abondammentpen-

CHAPITRE XVIII. nitdant 2 ou 3 mois, et fournit un revenu équi-valent à toutes les autres denrées quandelle est en pleine vigueur ; et c'est un pro-duit d'autant plus avantageux , qu'on nesauroit souvent mettre autre chose dans lesplaces stériles qu'elle occupe.

CHAPITRE XVIII.Description de la CAPUCINES ses dif-

ftrentes espéses , ses propriétésculture etc.

CETTE plante étoit connue autrefois sousle nom de cresson des Indes ou cresson du

Perou, et parce qu'elle notas en est venue,et par sa conformité du goût avec les au-tres cressons : on lui a donné, en France,celui de capucine; qui a prévalu sur l'au-tre, parce qu'au revers de sa fleur , il setrouve une espèce de capuce formé com-me le capuchon des Capucins.

Sa racine est jaunâtre, menue , et gar-nie de beaucoup de fibres ; sa feuille est à-peu près ronde , plus ou moins grande ,suivant l'espèce ; sa tige est foible et ra-

meuse , et demande nécessairement d'êtresoutenue par des rames, à moins qu'on nela place au pied des murs garnis de treil-

lage , où elle s'accroche. Ses fleurs sontjaunes ou souci , suivant l'espèce , compo-sées de s fleurons à-peu-près égaux , ou-verts en forme de vase. Elle répand une

282 DE LA C.APUCINE.odeur forte et assez agréable , et son goûtest très-piquant.

On en cultive trois espèces ; la petite,la grande et la double. La première a lafeuille ronde, de la grandeur d'un grosécu , d'un vert blanchâtre; sa fleur est jaunepâle avec une mouche souci au milieude chaque fleuron : la tige s'élève à 2 ou 3pieds 5 étant ramée : c'est celle qu'on élèvedans nos provinces méridionales , pour enfaire une confiture au vinaigre , fort agréa-ble, qui sert pour les salades d'hiver; etc'est le bouton de la fleur qu'on prend pourcela avant qu'il épanouisse.

On la sème en planche comme les autreslégumes au mois de mars , après avoirbien fumé et labouré la terre , et on la rameaprès lui avoir donné un serfouissage ; ellerapporte d'autant plus, qu'elle est souventarrosée pendant les chaleurs.

La seconde espèce s'appellegrande,d'au•tant que sa feuille et sa fleur sont plus gran-

des du double que la première ; sa tige s'é-lève aussi plus haut : sa fleur est veloutée decouleur souci , veinée de rouge. Celle-cin'est employée que pour garnir les salades ,j'entends la fleur épanouie, qui réjouit toutà - la-fois la vue et le goût.

La double ressemble à la précédente parla feuille et la tige : mais elle ne s'élèvepas si haut , et sa fleur est double commeune petite anémone sans avoir à son re-

vers

CHAPITRE XVIII. 283vers le capuce qu'ont les autres : on la pré-fère pour garnir les salades , parce qu'ellese range mieux , et qu'elle fait un plus beleffet aux yeux ; sa couleur est moins viveet moins veloutée que la seconde espècemais elle est plus marbrée.

On ne cultive guère en ce pays la pre-mière espèce ; elle est réservée, comme jel'ai dit, aux pays chauds, qui l'élèvent sansbeaucoup de peine.

La seconde est presque la seule à laquelleon s'attache , par la difficulté qu'il y a deconserver la troisième. Il faut d'abord lasemer sur couche, et on la replante ensuiteau pied des murs du midi, avec un peu defumier et de terreau au pied : plus elle estarrosée, plus elle fournit de fleurs ; étantbien soignée, elle se soutient jusqu'auxgelées. Ceux qui n'ont pas des expositionsde murs convenables, doivent la placer aupoins dans l'endroit le plus chaud et leplus abrité de leur jardin en observant dela ramer.

La troisième espèce ne se multiplie pasMe graine , comme les précédentes , maisde beutures qu'on emporte. La difficultén'est pas de la faire reprendre; il n'est pointide plante au contraire qui s'enracine si ai-

sément : une branche coupée et enterrée ,ans la mouiller, mise à l'ombre dans son

pot pendant huit jours, se trouve reprise,et. pousse aussitôt après; mais l'écueil est

Tome I.

•.%

2S4 DE LA CAPUCINE.l'hiver, la moindre gelée la fait périr , ledéfaut d'air lui est également mortel : ilfaut par conséquent une situation qui ladéfende de l'un et où elle puisse jouir del'autre , avec l'attention de la faire profi-ter de tous les rayons du soleil qui se pré-sentent pendant cette mauvaise saisonsans jamais la mouiller, quelque besoinquelle paroisse en avoir. Quand on n'a pasdes serres disposées convenablement, lameilleure place qu'elle puisse avoir estune chambre habitée et un peu échauffée ;on l'a met sur la fenètre en dedans du vi-trage, quand le soleil paroît , et on la re-tire quand il est passé : s'il fait doux, on lamet en dehors pendant quelque heures dela journée : avec ces attentions, on la con-serve ; et au printems , quand il n'y a plusrisque de gelée, on la déporte et on l'en-terre au pied d'un mur bien exposé , aprèsavoir mis un peu de fumier dans le trou ;bientôt après, elle pousse sa tige, et on

l'arrose au besoin.On recueille la graine des deux pre-

mières espèces dans les mois d'août et sep-tembre, à mesure qu'elle mûrit; et si elletombe, on la ramasse. La première fait sagraine arrondie d'un côté, et convexe del'autre, cannelée et graveleuse, de couleurgrise, et de la grosseur d'un petit pois; l'au-tre la fait presque blanche, double en gros-seur , cannelée graveleuse et formée de

CHAPITRE XIX. 2S$même. Elles se conservent bonnes l'une etl'autre, pendant deux ans.

La manière de confire le bouton de lapremière, est la même que pour la câpredont on trouvera la recette dans son chapi-tre. On ramasse tous les jours les boutons,et on les jette dans le vinaigre, après lesavoir laissé flétrir quelques heures à l'om-bre : beaucoup de particuliers, par écono-mie, ne les changent pas de vinaigre ; maisil est sûr qu'ils sont meilleurs, et qu'ils seconservent plus long-temps, étant préparéscomme les câpres.

Outre le profit et le plaisir que fait cepetit fruit , il a le mérite d'être détersif 5apéritif , et bon pour provoquer les urines:le suc de ses feuilles, mêlé avec la conservede rose et le petit lait est fort salutaireaussi contre la phthisie.

CHAPITRE XIX.

Description dic CARDON, ses cli -é-rentes espèces , ses propriétés , suculture , etc. .

1 -4 E cardon est la plus grosse de toutes lesplantes potagères 1 et une des plus saines.

Sa racine est épaisse et charnue, forméeen pivot, tendre et d'une saveur agréablequand elle est cuite. Sa feuille est longue

N 2

286 DU CARDON.de 3, 47 et s pieds, quand elle croît en bortfonds, d'un vert d'eau, divisée en lanièreslarges et découpées , couverte d'un du-vet blanchâtre, ayant des épines roides àtous ses angles : il y a pourtant une es-pèce qui n'en a pas ; sa côte est large detrois doigts , épaisse et charnue forméeen gouttière; sa tige est haute de 4, etjusqu'à 6 pieds, cannelée, cotonneuse,ple.ine garnie de quelques rameaux, ausommet desquels est une tête àpplatie danssa base, et terminée en pointe forméesde grandes écailles qui sont armées d'é-pines roides à leur extrémité , et dont labase qui tient au corps de la tète , estépaisse et charnue ; cette tête s'ouvre ets'élargit peu à peu, et enfin laisse paroîtredans son milieu un groupe de fleurs bleuâ-tres , qui sont composées chacune de ;parties, portées sur des embryons qui sechangent ensuite en une semence oblon-gue, lisse et verdâtre, garnie d'aigrettes,de la forme et grosseur à peu près d'un grainde froment.

C'est sa feuille, ou , pour mieux dire, sacôte et sa racine, qui est la partie la plustendre et la meilleure, qui font tout son mé-rite. On mange sa racine en gras et en mai-gre, et sur-tout au jus dans les entremets :on la sert aussi sous l'aloyau et le gigot, etc'est un mets très-estimé des gens de goût; 1Je commun des hommes en fait peu d'usage,

CHAPITRE XIX. 287parce que l'assaisonnement en est tropcoûteux.

On ne lui a encore reconnu aucunepropriété particulière pour la pharmacie ;sa fleur seulement a une vertu qui est defaire cailler le lait comme la présure , eton la préfère quand on le sait, car la préssure a quelque chose en elle qui dégoûte :cette fleur est bleuâtre, et se détache despommes qu'on laisse venir pour ïraine : onla fait sécher à l'ombre, et on en met unepincée plus ou moins, suivant la quantitéde lait. La fleur de l'artichaut sauvage,qu'onnomme autrement la cardonnette, a la mêmevertu.

Il y a deux espèces de cardons, le com-mun, qu'on nomme le cardon d'Espagne ,et le piquant, qu'on nomme le cardon deTours, parce qu'il en est venu originaire-ment : on en envoyoit beaucoup autrefoisà Paris, mais aujourd'hui nos maraîchersqui en élèvent, les font venir aussi beaux etaussi bons qu'à Tours.

Les deux espèces diffèrent, en ce que leTours est armé de tôutes parts d'aiguillonstrès-pointus , que le commun n'a pas ; sacôte est aussi plus pleine, un peu rougeâtre,et il est moins sujet à monter, il est mêmeplus tendre et plus délicat à manger, en-sorte qu'il est très-préférable à l'autre ; laplupart des jardiniers évitent cependant d'eucultiver, parce que ses piquans leur en ren.

N 3

28 8 DU CARDON.dent les approches difficiles : c'est aux maî-tres de les encourager, et de forcer un peuleur timidité.

L'une et l'autre espèce se multiplientde graine, et se cultivent de la même ma-nière. Les premiers, qui se mangent enmai , s'élèvent sur couche : on les sèmesous cloche au mois de janvier , et quandils ont deux bonnes feuilles , on les repi-que plus à l'aise sous d'autres cloches, etsur couche neuve qui ait 8 à 9 pouces deterreau : si on veut les avancer , on leslaisse sous cette seconde cloche , jusqu'àce qu'ils soient bons à replanter en placesur une troisième couche , à laquelle il fautemployer des fumiers courts et à demi con-sommés , tels que ceux des fiacres : on lacharge d'un pied environ de terreau mêléd'un tiers de terre, et quand son plus grandfeu est passé, on y range le plant en échi-quier , à 2 pieds et demi ou 3 pieds dedistance : on met une cloche sur chaquepied , jusqu'à ce qu'il soit bien repris , eton bâtit un petit treillage sur les deuxbords, pour soutenir les paillassons, donton les couvre pendant les nuits et les jour-nées fâcheuses.

On observera de couvrir ces sortes decouches, de manière qu'il n'y ait rien der-rière qui puisse être incommodé de l'om-brage de cette plante, et on leur donnera4 pieds et demi de largeur sur 2 pieds

CMAPITR E XIX. 289demi de hauteur , qu'on aura soin de ré-chauffer au besoin.

Pour tirer plus de profit de ces couches,on sème ordinairement entre les pieds descardons, des raves et radis, ou telle autreplante qui n'est pas obligée d'y séjournerlong-temps.

Le cardon demande beaucoup d'eau ; ilfaut être exact à lui en donner : et malgrémême tous les soins qu'on peut prendre ,on ne sauroit guère éviter, dans cette pre-mière saison, qu'il n'en monte toujoursquelques-uns, à quoi il n'y a point de re-mède : ceux qui viennent à bien, dédom-magent; car ces premiers sont précieux.

Lorsqu'ils sont enfin venus au point degrosseur qu'on leur demande , on les liedans un beau jour, quand les plantes sontbien sèches, avec trois ou quatre liens depaille biens serrés, et on les empaille avecde la grande litière secouée, qui vaut mieuxque de la paille neuve : on lie tout de mêmecette litière, et on la serre le plus qu'onpeut ; on laisse seulement à l'air l'extrémitédes feuilles.

Pour les faire plut& blanchir, tant cespremiers que ceux qui leur succèdent, onleur donne quelque mouillure par-dessus ,c'est-à-dire , qu'on verse l'eau dans le coeurde la plante, au milieu de l'empaillage :trois semaines après ils sont blancs, et onles coupe ; on retire alors toute la paille qui

N4

290 DU CARDON.

sert à en faire blanchir d'autres , après Pa-voir fait sécher.

Pour en avoir qui succèdent à ces pre-miers, on en replante en pleine terre au moisde mars, du même plant qu'on a élevé surcouche, et on choisit la terre qui a le plusde fond ; quand elle est nouvellement dé-

foncée, ils en sont beaucoup mieux : onprépare la place en fouillant des trous d'unpied en tous sens, espacés de trois, qu'onremplit de fumier bien consommé, et dequelques Pouces de terreau par dessus ; unpied suffit dans chaque trou : on les arroseaussitôt plantés, et on les couvre, soit avecdes pots renversés, çoit avec quelques feuil-lages , jusqu'à ce qu'ils soient bien repris ;on leur donne ensuite un petite binage aupied, et on les mouille de 2 en 2 jours, plusou moins suivant leur force.

11 en monte toujours une partie , sansqu'on puisse l'empêcher; les autres qui réus-sissent, sont bons à lier en juin et en juillet;on s'y prend de la même manière que je l'aidit ci-dessus: j'y ajouterai cependant, qu'ilfaut beaucoup d'adresse et de précautionpour cette petite opération, tant pour nepas casser les feuilles , que pour n'être pasmaltraité des pointes aiguës qui sont hé-rissées de toutes parts, si c'est de l'espècede Tours. 11 est à propos pour cela, d'avoirdes bas et des culottes de peau, et des gantspareils; et quand les pieds sont forts, il faut

CHAPITRE XIX. 291 1 •être deux, placés vis-à-vis l'un de l'autre ;chacun de son côté relève doucement lesfeuilles qui s'écartent tout autour; l'un desdeux ensuite les embrasse toutes avec lesbras , et l'autre les lie : sans ces précautionson se déchire les mains, et on casse unepartie des feuilles ce qui ôte la moitié dumérite de la plante.

La seconde semence de cardons se faità la mi-avril, et ceux-ci servént pour l'au-tomne et l'hiver : on dresse des planches de

6 pieds de largeur, et on prépare des trousdisposés et espacés comme je l'ai dit ci-des-sus : on y met 3 ou 4 grains à 2 pouces dedistance l'un de l'autre, qu'on enfonce unpeu avec le doigt ; i y jours ou 3 semainesaprès ils lèvent, et quand il sont un peuforts, on choisit les plus vigoureux pourdemeurer en place, et on arrache les autresquelques jardiniers, en laissent deux, maisce sont gens mal entendus; car ils se nuisentl'un à l'autre, et ne font jamais de beauxpieds : il est à propos cependant d'en réser-ver toujours quelques pieds jusqu'.:'! un cer-tain temps, pour remplacer ceux qui vien-nent à périr ; car la fourmi rouge et le verde hanneton , dans certaines années , en dé-truisentbeaucoup : la mouche leur fait aussiquelquefois la guerre ; le seul remède contrece dernier insecte , c'est de les arroser sou-vent à la fin du jour.

ll faut les serfouir au besoin , et les ar--IN

292 DU CARDON. -roser amplement pendant tout l'été, de lamême manière que je l'ai dit : on com-mence enfin au mois d'octobre d'en lierquelques-uns des plus forts, qu'on em-paille tout de suite, pour les faire blanchir,et on continue de huit jours en huit jours,suivant son besoin , jusqu'aux approchesdes gelées ; pour lors il les faut tous liersans les empailler ; on les butte un peu enmême temps, pour que les vents ne les ren-iversent pas, et on les laisse sur pied uniqu'on peut en les entourant grossière-'ment de litière, pendant les premières ge-lées; mais lorsqu'enfin on ne peut plus re-culer à les mettre en sûreté , il faut les ar-racher en motte : ceux qui n'ont pas desserres commodes, fouillent dans le terrainle plus sec qu'ils peuvent avoir, une tran-chée de 3 pieds de profondeur , sur 4 delargeur , et longue à proportion de laquantité qu'ils ont ; ils élèvent ensuite unpeu de paille longue au bout de la tran-chée , ( c'est ce qu'on appelle un chevetde paille ) , et ils adossent 3 ou 4 pieds decardon ; ils remettent par-dessus une autreépaisseur de paille, ensuite un rang de car-dons , et ainsi du reste , tant qu'il ,y en a.Il faut laisser à l'air l'extrémité des feuil-les , autant qu'on le peut ; mais quand lagelée devient un peu forte, on couvre alorstoute la superficie de la tranchée avec de lagrande litière ou des feuilles si on n'a rien

CHAPITRE XIX. 2.9e Ade mieux; et si on a des paillassons , on lesmet en talus par-dessus, pour empêcher queles pluies ne pénètrent dans le coeur des plan-tes, et ne les fassent pourrir : ils se conser-vent dans cette situation jusqu'au Carême,si on les préserve bien deselées et des hu-midités ; mais c'est à quoi on ne réussit pastoujours.

A Tours, où D n n'a pas l'abondance desfumiers que nous avons ici pour les empail-ler, on les fait blanchir dans la terre ; etvoici la méthode des jardiniers. lls sèmentleur graine, comme nous, en mars ou enavril , et y apportent les mêmes soins ; maisils !es disposent différemment : ils donnentun intervalle de cinq pieds d'un rang à l'au-tre, et les placent à deux pieds l'un de l'au-tre; ils occupent les intervalles en laitues,chicorées ou autres plantes qui peuvent êtrelevées avant la Toussaints, auquel temps,ayant besoin de la terre pour les enterrer,ils fouillent cet e,pace profondément, etadossent les terres contre les cardons, aprèsles avoir liés jusqu'à l'extrémité des feuilles,c'est-à-dire, à deux ou trois pieds de hau-teur, suivant leur force : au bout de trois se-maines, ils se trouvent blancs, et dès-lors ilfaut les consommer, sans quoi ils pourris-sent ; c'est pourquoi chacun s'arrange pourn'en faire blanchir qu'à fur et mesure de laconsommation qu'il en peut faire ; et dequinze jours en quinze jours ordinairement

N 6

294 D U CARDON.ils en enterrent une partie. A l'égard deceux qu'ils veulent conserver pour l'hiver,ils les couvrent ou ils les portent dans laserre, à l'approche des grandes gelées.Tousceux qui n'ont pas facilement des fumiers,doivent suivre cette méthode.

Quand on a des serres, il faut les y en-terrer en motte dans du sable frais, sans lesempailler, à moins qu'on soit pressé ;car ils blanchissent également sans paille,mais plus tard : ils se trouvent là à l'abri detous les mauvais temps, et ils se conserventjusqu'à Pâques, si la serre est bonne , etqu'on ait soin de leur donner de l'air aussisouvent que le temps peut le permettre ;cependant beaucoup de maraîchers neenterrent pas, ils les adossent seulementl'unsur l'autre contre un mur, avec l'attentionde les visiter souvent, et de les nettoyer, jeje veux dire d'ôter proprement toutes lesfeuilles qui pourrissent : ils connoissentceux qui peuvent aller le plus loin , et ilsles mettent à part; ceux qui pressent ., sontceux qu'ils portent aux marchés.

Pour en recueillir de la graine, il faut enlaisser quelques pieds en place , et aux ap-proches des gelées , les couper à quelquespouces de terre, et les couvrir comme lesartichauts ; ils passent fort bien l'hiver,pourvu qu'on leur donne un peu d'air quandil fait doux : au mois de mars, on les dé-.couvre tout-à•fait 2 et ils commencent bien-

CHAPITliE XX. 295'tôt après de faire leur tige, qu'il faut ren-verser du côté du nord, et lier à des échalas,comme je l'ai dit pour l'artichaut, pour quel'eau des pluies n'entre pas dans la pomme ,qui pourriroit la graine ; et pour l'avoirmieux nourrie, il ne faut laisser qu'une têtesur chaque rameau, et couper toutes les au-tres qui naissent en abondance. Lorsqu'enfinles tétes et la tige sont sèches , on les coupeet on les attache en paquets, qu'on accrocheà un plancher jusqu'au besoin; la graine s'yconserve beaucoup plus long-temps qu'é-tant vannée : elle est bonne jusqu'à dix ans.On observera que les mêmes pieds qui ontporté graine, se conservent jusqu'à 8 à roans, étant un peu soignés l'hiver ; et gensd'expérience m'ont assuré que plus le piedvieillissoit , plus la graine qu'il rapportoitavoit de qualité.

A l'égard du cardon piquant , je doisobserver que le plant de la graine qu'onrecueille ici , dégénère considérablement :il faut la tirer de Tours , pour avoir la cardedans toute sa qualité.

CHAPITRE XX.

Description de la CAROTTE, ses di é-rentes Espèces , ses P ropriétés saCulture , etc.

CETTE plante est une des plus communesdu potager, par l'usage continuel qu'un en

296 DE LA CAROTTE.fait dans la cuisine ; elle sert toute l'an-née sans intervalle d'autant que les nou-velles succèdent aux vieilles.

Il y en a 4 espèces qu'on cultive toutesdans ce climat ; savoir, la blanche longue,la blanche ronde, la jaune longue et la jauneronde.

La première fait sa racine droite, lon-gue d'un pied, unie et très-grosse, dimi-nuant insensiblement depuis la tête jus-qu'à sa pointe ; sa couleur est d'un blancroussâtre , tant en dedans qu'en dehors , etson goût est douçâtre; sa feuille est grande,découpée très-menu, â peu près commele fenouil ; sa côte et ses nervures sontarrondies en dessous, et formées en gout-tières par-dessus, revêtues de petits poilsblancs ; ses petits feuillages sont rangésavec symmétrie le long de la côte , et re-fendus uniformément, se terminant tous enpointe , d'un vert foncé et lisse ; sa tigeest de moyenne grosseur ronde et bran-chue, s'élevant à 4 pieds environ : au som-met de la tige et des rameaux est un pa-rasol de la grandeur de la main , composéde petites fleurs en rose, à s pétales blancs,inégaux , dont le calice se change en unpetit fruit oblong , cannelé applani d'uncôté, et convexe de l'autre, environné depoils dans toute sa circonférence, de cou-leur grise. Lorsque ces petits fruits, qui nesont autres que la semence approchent de

CHAPITRE XX. 297leur maturité, tous les rayons qui compo-sent le parasol se recourbent en dedans, etprennent la figure d'un nid d'oiseau. Toutesles parties de cette plante, mais particulière-ment la semence, exhalent un odeur forte etaromatique, qui sans être agréable, n'a rienqui déplaise.

Les 3 autres espèces sont semblables à lapremière, quant aux feuilles , tige, fleurset fruits; mais elle diflère par la racine : lablanche ronde est courte et grosse, forméeeu toupie, d'un blanc roux en dehors commeen dedans : la jaune longue la fait alongée,fort unie, grosse, et d'un jaune souci, tanten dehors qu'en dedans : la jaune ronde estde même couleur, mais conformée commela blanche ronde.

Sa racine , qui est la seule partie donton fasse usage, sert pour toutes les soupes,tant grasses que maigres, soit seule, soitaccompagnée d'autres racines ; elle donneun fort bon goût au bouillon, et le renddoré : on la fricasse avec l'oignon, et c'estun manger assez commun dans beaucoupde communautés : lorsqu'elle est jeune ettendre, on la substitue aux navets dans lesharicots de mouton; on en garnit aussi dif-férentes volailles en ragoût, sur-tout les ca-nards: elle entre dans tous les jus de viandequ'on fait : c'est de toutes les racines enfinla plus utile dans la cuisine, et le goût mé-nagé en plaît généralement, quoique beau-

298 DE LA CAROTTE.coup de personnes n'aiment pas à la mangerséparément.

Elle a quelques propriétés pour la mé-decine; ses feuilles sont vulnéraires et sudo-rifiques ; la racine et la graine sont apéri-tives; elles aident à faire sortir la pierre, etprovoquent les mois aux femmes : on lesl'ait bouillir dans l'eau, et on en boit quel-ques verres dans la journée.

Chacun suivant son idée cultive cellesdes 4 espèces qui lui plaisent le mieux ;mais il est pourtant certain que la jaunedes 2 espèces est la plus délicate, plus ten-dre, et cuit mieux ; la blanche par contre,résiste mieux aux humidités de l'hiver, quifont périr souvent la jaune, dans les fauxdégels particulièrement ; on observe ce-pendant la qualité des terres pour la pla-cer à propos : dans celles qui sont légèreset meubles, la longue des 2 espèces se cul-tive par préférence aux 2 rondes , parce

qtelelle pique facilement, et que venant ex-trêmement longue, elle est plus profitableque l'autre ; mais dans les terres fortes ,glaiseuses ou caillouteuses où la longuefo urcheroit , la ronde convient mieux, par-ce qu'elle répare en grosseur ce qu'elle nepeut avoir en longueur. Chacun suivant sasituation se réglera donc pour le choix desespèces.

On les cultive toutes également : la grainese sème en 2 temps au printemps et à

CHAPITRE X.X. 299la fin de septembre en observant que dans

Viles terres légères on peut semer à la mi-;mars, et que dans les terres fortes il fautattendre à la mi-avril, à cause des insectesqui la dévorent quand elle lève ; dans cessortes de terres grossières, cette racine estbien sujette à devenir fourchue et verreuse:il faut les ameublir tant qu'on peut par desterreaux qu'on y mêle, et par des labours faitsen saison propre : les 2 extrémités de séche-resse et d'humidité sont à éviter. La 2e. se-mence se fait du is au 30 septembre, et ilfaut avoir soin de la sarcler à la Toussaintset de la couvrir avec de la grande litière oudes feuilles sèches aux approches des gelées:au mois de mars suivant, quand elle com-mence à pousser, il faut l'éclaircir si elle esttrop drue et la visiter souvent pour arra-cher 1 dès qu'on s'en apperçoit , celles quimontent; car on prétend qu'elles communi-quent aux autres leur disposition à monter,si on ne les retire pas : plusieurs maraîchersme l'ont assuré sur leur expérience ; et sur-tout on ne doit pas semer de la graine nou-velle , qui monte plus aisément que lavieille. Enfin, on peut commencer de s'enservir à la fin d'avril suivant, et elle four-nit jusqu'à ce que celle qu'on a semée aucommencement de l'hiver soit assez forte ;mais, comme elle ne sert que pendant cetintervalle , et qu'elle est sujette à monterau mois de juin , il n'en faut semer qu'a

300 DE LA CAROTTE.proportion de la consommation qu'on enpeut faire. Au surplus, il faut s'arranger,pour l'une et l'autre semence, de manièreque la terre ait eu préalablement deux bonslabours ; et lorsqu'on a des terres nouvel-lement défoncées, nulle place ne lui con-vient mieux.

On la peut semer à la volée ou par rayon,avec l'attention de la marcher quelques heu-res après qu'elle a été semée pourvu qu'ilfasse beau et que la terre se hâle un peu :on perd moins de place de la première fa-çon; mais d'un autre côté on ne peut pasla serfouir comme dans la seconde disposi-tion ; elle vient pourtant presqu'égalementbien d'une façon comme de l'autre, et cha-cun suivra son idée à cet égard. L'essentielpour qu'elle grossisse, c'est qu'elle soit sou-vent sarclée et mouillée dans sa jeunesse,et sur- tout espacée convenablement; il fautpour cet effet l'éclaircir le plutôt qu'onpeut, c'est-à-dire, quand la racine est à peuprès de la grosseur d'une plume à écrire, etlaisser s ou 6 pouces d'intervalle en toussens de l'un à l'autre ; plus elle est écartée,plus elle a de nourriture qui la fait profiter.Quelques jardiniers sont dans l'usage d'enjeter quelques graines dans leurs plan-ches d'oignons ; et dans cette situation oùelles sont à l'aise, j'en ai vu de la gros-seur du poignet ; mais l'attention qu'il fautavoir en suivant cette pratique que je n'ap-

CHAPITRE XX. 301prouve pas, c'est de leur couper fréquem-ment la fanne, pour que l'oignon n'en soitpas tant incommodé ; et la même opéra-tion se doit faire deux fois dans le coursde l'été, en telle situation qu'elles soient,soit en planches soit en bordures où ellessont encore mieux : rien ne contribue d'a-vantage à les faire grossir ; et si on a desanimaux, ce feuillage est très-bon pour lesnourrir.

Le ver de banneton coupe souvent sa ra-cine : c'est le seul ennemi de cette plante ,qu'on ne peut détruire qu'en les cherchantau pied de celles qu'on voit l'années, commeje l'ai dit pour les chicorées.

Aux approches de Noël on en arracheune partie, qu'on met en serre pour fournirpendant les gelées, après les avoir lavéeset laissées ressuyer, , et on se contente deles ranger les unes sur les autres , la têteen dehors , sans les couvrir de sable. EnFlandre et en Allemagne , on leur coupeentièrement la tête pour les empêcher depousser, et on prétend qu'elles se conser-vent mieux.

Il ne faut pas une serre trop chaude : ilsuffit que la gelée ne pénètre pas clans lelieu où on les met. On règle la quantité,non-seulement sur la consommation qu'onen peut faire , mais aussi sur la plantationqu'on en veut faire après l'hiver , pour don-ner de la graine ; et ceci doit s'entendre de

-20/ DE LA CAROTTE.l'espèce jaune, qui risque de périr en pleineterre : on met à part pour ce dernier usageles plus grosses, les plus unies et les plusdroites, auxquelles il faut bien se garder decouper la tête , et on les replante à la fin defévrier, à un pied de distance les unes desautres , et en échiquier. Si le terrain , oùon se trouve, par l'expérience qu'on doiten avoir faite, est d'une nature cù cette ra-cine puisse se conserver pendant l'hiver, ilvaut encore mieux la laisser en place que del'arracher; et dans le doute , on peut y jeterquelque couverture, si on en a, soit litière,isoit feuilles.

La carotte ainsi replantée fait sa tige aul.mois de mai , et la graine se trouve bonne àrecueillir à la fin d'août ;en doit la ramas-ser en plusieurs temps, à mesure qu'ellesèche, et mettre à part les premiers para-sols, dont la graine est toujours plus fran-che et meilleure que de ceux qui viennentaprès. Avant de la nettoyer et de l'enfer-mer, on la laisse quelques jours au soleilpour se perfectionner elle se conservebonne deux ans.

Lorsqu'on la sème, il faut avoir attentionde la froisser auparavant entre les mains ,pour faire tomber tous les petits poils dontelle est revêtue ; on la sème plus aisémentet plus également.

Outre les 4 espèces dont je viens de par-ler il y en a une 5'. qui est rouge comme

Î CHAPITRE XX. 303abetterave, tant en dehors qu'en dedans,

et qui est fort commune en Allemagne;mais elle n'a jamais pénétré ou pris faveur

teintFrance; je l'attribue à sa couleur, qui

teint le bouillon et les ragoûts dans les-quels on la mêle : elle a d'ailleurs fort bongoût, et on la préfère aux autres dans cer-tains pays.

Nous avons encore la carotte sauvageu'on trouve communément dans les prés,

et qui pourroit au besoin se manger , lors-qu'elle est jeune et tendre; mais la cultivéen'est pas assez rare pour y avoir recours.Sa semence a beaucoup de vertu ; c'est unedes quatre mineurs : elle est carminative ,apéritive, hystérique, stomacale et alexitère.Ceux qui habitent les campagnes 5 doiventen ramasser dans la saison ; elle se trouveau besoin.

Il est assez rare qu'on élève la carottesur couche ; cependant, il se trouve desgens qui en veulent, et il est vrai qu'elleest beaucoup plus tendre et beaucoup plusdélicate que celle qui a passé l'hiver enterre, soit de la première, soit de la secondesemence : pour les satisfaire, on prépare,dès le commencement de janvier, une cou-che proportionnée au besoin, qu'on chargede huit à dix pouces de terreau ; et quandelle est bonne à semer, on sème la grainesous cloche, fort claire: on la soigne commeles autres semences de cette saison, en lui

304 DU CÉLERI.donnant de l'air à propos , et la couvrantsuivant le besoin : sur la fin de mars, onpeut commencer d'en jouir. Cette plantes'allie fort bien sur la même couche avec lesracines du persil, d'oseille, et autres qu'onveut avancer, pour en jouir pendant l'hiver.

CHAPITRE XXI.

Description du CÉLERI; ses différentesespaces, ses propriétés,saculture, etc.

LE céleri, dont le nom propre est ache,est une plante annuelle; c'est un mot italienque l'usage a rendu franç ois : on le nommeaussi pi dans quelques provinces, du motlatin apitun , qui est son nom dans cettelangue.

Il y en a sept espèces fort différentes,quoique les botanistes n'en distinguent quedeux, sous les noms d'apiunt palustre et

apiunt dulce : ils prétendent même que ladeuxième espèce doit son origine à la pre-mière, et que c'est la culture qui l'a renduetelle qu'elle est. Cette opinion souffre degrandes difficultés : j'accorde bien que lapremière s'est adoucie par la culture, et la•,

preuve en est évidente ; car telle qu'il croîtnaturellement dans les marais, il n'est passupportable en aliment, étant acre, ameret d'une odeur désagréable ; et cette même

CHAPITRE XXI. 30Sespèce cultivée dans les jardins se trouvebonne : mais il est à remarquer qu'elle n'achangé qu'à l'égard de la . saveur et de l'o-deur; car du reste elle n'a pris ni extension,ni configuration différente de ce qu'elle estdans les marais ; elle a même toujours con-servé son nom d'ache , qui la distingue desautres : or, vouloir faire descendre la se-conde espèce de celle-ci, et conséquem-ment toutes les autres dans lesquelles il y ades qualités distinctes et en nombre, c'esttrop hasarder ; il est plus naturel de croireque ce sont des espèces différentes, commeil y en a dans presque tous les genres deplantes , laissant à part d'où elles nous vien-nent , et comment elles se sont produites.

Les sept espèces que j'ai à traiter sont :l'ache en question, nommé autrement lecéleri de la petite espèce , le céleri long ,le court , le plein , le fourchu celui àgrosse racine , et l'ache de montagne.

Le céleri de la petite espèce fait sa ra-cine grosse, charnue et blanche , garnie debeaucoup de fibres , plongée profondémentdans terre et chargée ordinairement de plu-sieurs têtes, d'une saveur assez douce etd'une odeur agréable : les feuilles quis'élèvent de la racine se renversent surterre ; elles sont nombreuses, cannélées ,creuses, vertes et luisantes, ayant quelque-fois la côte un peu rougeâtre ;leur longueurest de huit à dix pouces ; elles sont décou-

306 DU CLERpées profondément comme le persil, et terminées de même par une impaire. Cetteplante pousse plusieurs tiges rameuses, qus'élèvent à 2 pieds ou environ grossescannelées, creuses, noueuses, garnies et entourées de loin en loin de feuilles sembla.bics à celles qui naissent immédiatement dela racine ; ses rameaux déterminés par debouquets de fleurs disposées en parasol; sefleurs sont petites, blanches , formées enrose, à 5 pétales portés sur un calice qui sechange en un fruit qui renferme 2 petitesgraines plates d'un côté et convexes del'autre, grisâtres, âcres et odorantes pluspetites de moitié que celles du persil.

Le céleri long diffère considérablemedu précédent ; ses feuilles s'élèvent droiteà la hauteur de '2 pieds , plus ou moins,d'une couleur plus claire , et leur côte estnue jusqu'aux deux tiers de leur longueur;elle est plus tendre aussi, et d'une saveurplus parfumée : il ne forme qu'une seuletête , qui pousse une tige de 3 ou 4 pieds ;sa fleur et sa graine sont semblables auxprécédent.

Le céleri court, que les maraîchers nom-ment le dur, diffère du long par sa feuillequi est plus courte, plus grosse, moins lisseet d'un vert plus foncé ; le pied est beau-coup plus gros aussi et plus fourni en feuil-les : sa tige, sa fleur et sa graine sont sem-blables au précédent.

Le

CHAPITRE XXI. 307Le céleri plein ne diffère du céleri long

que par sa côte , qui est pleine et charnue,qualité particulière et unique à cette espè-ce : personne n'ignore que toutes les autresl'ont creuse.

Le céleri fourchu ne s'élève pas si hautque las 3 précédens ; mais il est 2 fois plusgros, étant chargé d'une quantité de tètesqui ressemblent à-peu-près à un pied d'ar-tichaut , avant qu'on l'oeilletonne : il pro-duit conséquemment beaucoup de tigesqui sont moins grosses, et qui donnent lafleur et la graine semblables aux autres.

Le céleri à grosse racine est de 3 espèces;l'une fait sa racine ronde, grosse et blan-che ; l'autre la fait plus allongée , et blan-che de même , et tous les 2 ont la côte unpeu rouge, tirant sur le violet ; la 3e. fait saacine ronde et blanche, marbrée de veines

ouges : ces 3 espèces ne s'élèvent pointomme les .précédentes; leurs feuilles s'a-

battent sur terre comme celles de l'ache ;t sur tout le reste , même ressemblancevec les précédentes.

L'ache de montagne est vivace , diffé-ente en cela de toutes les autres espèces ;sa racine est fourchue , plongée profondé-ment , dure, ligneuse et inégale, blancheMi dedans et noirâtre en dehors ; sa feuilleest fort grande et découpée très-finement;sa couleur est plus terne , presque céla-

n ; sa tige est rameuse , creuse , gros-. Tome L • O

3o8 vu CÉLERI.se cannelée , et d'un vert rougeâtre ; elles'élève jusqu'à 6 pieds et porte à ses som-mités des bouquets de fleurs disposés enparasols de la grandeur du fenouil ; ces fleurssont composées de y pétales d'un blancjaunâtre, formés en roses , auxquels suc-cèdent des graines assez grosses, alongéeset de couleur grise.

De toutes ces espèces , la plus cultivéeest le céleri long, et celui dont on se sertle plus communément pour tous les usages;mais avant de traiter de sa culture il fautdire ses propriétés.

On le mange cru en salade et cuit à làsauce blanche : on le mêle aussi dans plu-sieurs ragoûts ; on le sert sous les viandesrôties, assaisonné avec le jus, et on l'em- 1ploie de même dans les soupes; son goût /relevé et un certain parfum qui l'accom-pagne , le rendent d'un grand usage danstoutes les cuisines ; il ,a pourtant contre luile défaut d'échauffer et d'être indigestequand il est mangé cru : les tempéramensichauds et les mauvais estomacs doivent s'enabstenir ; mais ce qui est un défaut en ah-mens , est une vertu en médecine.

/ On se sert , tant des feuilles que dela racine, dans les bouillons apéritifs,dans les tisanes, dans les apozèmes , etdans plusieurs sirops : on emploie aussile suc des feuilles dans les fièvres inter-mittentes et c'est un gargarisme solive-

CrIAPITRE XXI. 309raki pour le scorbut et pour les ulcèresde la bouche : il s'en fait encore uneconserve avec le sucre , très-bonne pourles maux de poitrine, pour les vents,de même que pour pousser les mc■ - s etles urines : un gros d'extrait des feuilles ,mêlé avec deux gros de kinkina , est unremède assuré pour la fièvre quarte , etpour toutes celles où il y a obstruction dansle ventre; sa graine est une des 4 semenceschaudes mineures l qui a aussi ses proprié-tés pour beaucoup de maladies , et qui serten particulier à faire une liqueur fort esti-mée , qu'on appelle l'eau de céleri.

Toutes les espèces de céleri , exceptéla dernière , s'emploient indifféremmentà tous les usages que je viens d'énoncer,tant pour la vie que pour la santé , cha-cune suivant sa saison : elles n'ont pascependant le même mérite en alimens :le long est préféré avec justice tant qu'onen peut jouir ; mais, comme il résistemoins que d'autres en hiver , celles - ciservent utilement à leur tour.

Cette espèce que les maraichers ap-pellent également le tendre, ou la grandeespèce , est non-seulement la meilleure etla plus délicate de toutes, mais elle est enmême temps la plus profitable et la plusavantageuse à la vente, par sa belle appa-rence ; et c'est à celle-là que s'attachent lesgens qui en élèvent par état.

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310 DU C11, " LERI. •On commence d'en semer sur couche

'dès le mois de janvier et on en élèvesuccessivement jusqu'aux gelées ; il passeune partie de l'hiver , étant bien soigné ,mais c'est avec plus de peine et de risquesque le court , dont je parlerai à la suite :ses plus favorables saisons , sont l'été etl'automne.

On le sème sous cloche assez clair :la couche doit être chargée de six pou-ces de terreau : quand il est bien levé,on lui donne un peu d'air dans les plusbelles heures du jour ; et , lorsqu'il a deuxou trois bonnes feuilles , on le repiquesous d'autres cloches , ou par rangs surune autre couche , à deux doigts de dis-tance en tous sens , et dans les mauvaistemps on le couvre exactement de paillas-sons , qu'on charge encore de litière dansles gros froids.

On le laisse fortifier jusqu'à cè qu'ilsoit en état d'être planté en place , et c'estordinairement au commencement d'avril.

Il y a différentes méthodes pour le plan-1ter ; les uns préparent leurs planches pourdeux rangs seulement, d'autres pour qua-tre, et d'autres pour six : quelques-uns ,qui se trouvent en terre légère , formentleurs planches de quatre pieds , les fouil-lent de six pouces et rejettent les ter-.res sur les sentiers , auxquels ils don-i,ivent deux pieds ; et à mesure que le cé-

p 3

CHAPITRE XXI. 31/leri s'élève, ils remettent peu à peu les

- terres qui en sont sorties , et les char-gent encore de celles des sentiers qu'ilscreusent. Cette méthode n'est pas mau-vaise dans les terres brûlantes , et dansles situations où l'eau manque, parce quela fraîcheur se conserve mieux dans cesplanches ainsi disposées, et , pour peuqu'on les arrose, l'eau fait plus d'effet ;mais dans les terres ordinaires cette dis-

t position ne vaudroit rien.La pratique de nos maraîchers , dont

ils se trouvent bien , est plus simple : quoi-que leur terre soit, d'un certain côté deParis , très-sablonneuse et aride en elle-

merne , leurs soins et leur intelligencesuppléent à ces défauts, et ils réussissentparfaitement à élever cette plante. Cetteterre en premier lieu est extrêmement se-courue de fumiers et de terreau , bientravaillée et souvent mouillée ; c'est ceque la plante demande plus qu'aucuneautre : ils dressent leurs planches de septpieds , tracent douze rayons dans la lar-geur ; et , après avoir habillé le plant ,c'est-à-dire , avoir raccourci la racine etles feuilles , ils les plantent à six poucesde distance , et observent de le mettreen quinconce , et non en échiquier , pourla facilité de faire couler les terres ou lalitière entre les rangs lorsqu'ils veulentle faire blanchir : aussitôt planté, ils les

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CÉL,En T.mouillent et continuent de deux en deuxjours jusqu'à ce qu'il ait acquis toutesa force , en le sarclant et serfouissantexactement dans sa jeunesse.

Ce premier céleri est ordinairementbon au commencement de juin : pour lefaire blanchir , on le lie dans un temps secavec deux ou trois liens de paille ou dejonc, et on l'empaille tout de suite avecde la grande litière secouée : qu'on insi-nue dans les rangs , de manière que tousles vides soient remplis ; on le mouillepar-dessus et on continue de deux endeux jours , jusqu'à ce qu'il soit blanc ;c'est ce qui l'attendrit. Huit jours aprèscette première opération , comme la litièrese trouve affaissée, on le charge encorede même litière , et quinze jours après ilest blanc : on discontinue alors de lemouiller , et on s'en sert suivant son be-soin , en s'arrogeant pour le consom-mer dans l'espace de trois semaines ouun mois passé lequel temps il pourrit : onfait sécher la litière à mesure qu'on en ar-rache , et elle sert pour d'autres.

A ce premier céleri succède celui qu'onsème en mars , soit sur couche sans clo-ches , soit sur terre le long d'un mur bienexposé , et qu'on élève de la même ma-nière que l'autre ; celui-ci est bon en août.

La troisième semence se fait en mai enpleine terre ; et celui-ci étant semé fort

CHAPITRE XXI. 31;clair , ou éclairci â propos , n'a paS be-soin d'eue repiqué ; on le remet en pla-ce quand il est assez fort , et on observetoujours de le mouiller de deux jours endeux jours à tout âge; il est bon en oc-tobre, et pour le faire blanchir, si on ade vielles couches , on l'enterre dedansaprès l'avoir lié , ou dans du terreau pur,qu'on dresse en forme de couche , et ily blanchit plut& que sar terre. La façonde l'y mettre , est de mouiller d'abordtoute la couche , si le terreau est sec ;mais pour l'ordinaire dans cette saisonon en est dispensé : on fait ensuite destrous près à près , avec un plantoir assezgros et assez long , peur que le pied puis-se s'y loger à l'aise dans toute sa longueur;on y enfonce le pied après lui avoir ôtéune partie de ses racines et l'extrémitédes feuilles , et on le laisse dans cette si-tuation sans le borner : on le couvre avecde la grande litière , et il ne tarde pas àblanchir ; mais il faut le consommer dansle courant d'un mois passé lequel tempsil pourrit.

Si on n'a pas de couche , on l'empaillecomme celui qui a précédé, ou on le butte;et voici la manière.

Il faut dire d'abord que si vous n'avezpas la commodité des fumiers , il fautavoir disposé vos planches de céleri, demanière que les planches voisines ne

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314 DU CÉLERI.soient plus occupées , et que vous puis-siez en prendre les terres pour le butter:on le lie avec trois liens , comme je l'aidit pour le premier , dans un beau jour, :et aussitôt lié, on coule de la terre dansles rangs ; jusqu'au premier lien seule-ment ; huit jours après , on en remet jus-qu'au second , et autres huit jours après ,on achève de l'enterrer jusqu'au troisiè-me , ensorte qu'il n'y ait plus que l'extré-mité des feuilles à l'air. Un jour avant dele lier et enterrer , si la terre est sèche , ilfaut lui donner une bonne mouillure , etjamai s

, rlamais aavantage 5 quelque temps qu il ras-se un mois après , il se trouve blanc, etil Lut le consommer dans le courant desix semaines.

La quatrième semence se fait à la fin dejuin, et c'est celui qui sert pour l'hiver ;il ne vient pas si fort que les autres, et ilen est meilleur : celui-ci veut Cire conduitdifféremment, lorsqui'il est question de lelier et de le faire blanchir, et c'est le ter-rein qui doit régler : dans les terres sèches,il passe fort bien l'hiver , étant enterré dela manière que je vais l'expliquer ; maisdans les terres humides et froides , il rouil-le et pourrit; c'est un abus de vouloir enconserver.

Dans le premier cas , c'est-à-dire , si lefonds de terre est favorable, on le laissele plus tard qu'on peut sans le lier , ni l'en-

CHAPITnE XXI. 3•5'terrer ; mais , lorsque les gelées commen-cent à être un peu fortes , on le lie simple-,ment , et on fait porter de la grande litiè-re au bord des planches , dont.on le cou-vre quand le, temps menace : on le décou-vre ensuite dès qu'il s'adoucit , pour lelaisser profiter de l'air ; et enfin , lorsqu'onarrive au mois de décembre, qui annonceles grandes rigueurs , on travaille à le met-

•tre en sûreté : on laboure pour cet effetun morceau de terre suffisant , de deuxfers de bêche , et on écrase bien les mot-tes ; de manière qu'elle soit meuble éga-lement dessous et dessus; on la mouilletout de suite amplement, en supposant',qu'il ne gèle pas ; et le lendemain, quandl'eau a pénétré jusqu'au fond , on y faitdes trous avec un gros plantoir, à quatrepouces de distance en tous sens , et deprofondeur proportionnée à la force de laplante : on enfonce dans chaque trou unpied , qu'un ouvrier arrache et prépare ,pendant que l'autre l'enterre, et on se rè-

sle de manière qu'il n'y ait que l'extrémi-Aï des feuilles à l'air : on le Lisse. à l'aisesans le borner , et on le mouille aussitôtplanté ; on le couvre ensuite avec de lagrande litière , si le temps le demande, et

-on le découvre autant de fois qu'il s'adou- .•.cit ; il blanchit .six semaines après , et seconserve bon assez long-temps , pourvuqu'on le défende bien-des gelées , à forcede couvertures, O '

16 DU CÉDER I.A l'égard de ceux qui, par expérience,

ne peuvent pas le conserver dans leur ter-re , ils doivent avoir recours à la serre, ety faire porter du sable , en telle quantitéque la planche puisse y être enterrée peu

peu dans tout son entier : il faut premiè-rement l'avoir lié en place avant de l'arra-cher, et l'y avoir laissé le plus tard qu'ona pu , avec les mêmes précautions ci des-sus expliquées ; on le lève ensuite en mot-te dans un temps sec , et on l'enterre dansce sable près à près jusqu'au premierlien : à mesure qu'on veut le faire blan-chir, on achève de le couvrir de sable jus-qu'à l'extrémité, et on se ménage pourn'en faire blanchir qu'à proportion du be-soin : il faut que la serre ait un peu d'air,et ne soit pas humide , il se conserve pluslong-temps ; il faut aussi que le sable soitun peu frais , sans l'être trop : on peut cor-riger ce défaut de sécheresse, en le mouil-lant légèrement , avant d'y mettre sesplantes.

Le céleri court , qu'on nomme autre-ment le dur , diffère beaucoup en qualitésde celui dont je viens de parler ; il n'est nisi alongé , ni si tendre , étant mangé cru;mais llest beaucoup plus fourni, et résis-te mieux à la gelée et à la pourriture , cequi le rend estimable pour la fin de l'hiver;et, comme on ne le destine que pour cet-te saison , on ne doit pas chercher à l'a-

CHAPITRE XXI. 317vancer comme l'autre ; il suffit de le se-mer en pleine terre , niais il faut que laterre soit bien meuble et bien terreautée ,avec l'attention de le mouiller souvent, etqu'il soit replanté de même dans une terrelégère ; condition nécessaire à cette plan-te , de telle espèce qu'elle soit. Il est àpropos aussi d'en semer en deux saisons ,au mois de mars et au mois de mai : ledernier semé ne vient pas si fort ; mais ilrésiste mieux aux grandes gelées : on lecultive du surplus de la même manièreque l'autre ; on le fait blanchir et on lecouvre avec les mêmes précautions , à ce-la près qu'on peut fort bien se dispenserde fumier et de terreau , n'étant pas aussisujet que le long à rouiller et à pourrir ;on observe seulement, à l'égard de l'un etde l'autre , de le lier avec du jonc vert, sion peut en avoir facilement , par préfé-rence à la paille , qui venant à pourrir, oc-casionne souvent que la plante pourrit :j'en ai étudié l'effet et je l'ai reconnu.

Le céleri plein se cultive de la mêmemanière que les précéderas , et on peut l'a-vancer sur couche, si on est empressé d'enjouir plutôt; on doit pourtant l'aire atten-tion qu'il a deux défauts qui doivent teniren respect pour ne pas trop s'y livrer , l'und'être dur, et l'autre de dégénérer nota-blement ensorte que cette qualité par-ticulière d'avoir la côte de ses feuilles

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3 18 CiLERpleine, venant à lui manquer, il se trou-ve fort inférieur aux autres : j'en ai man-gé , il est vrai , qui avoit les deux quali .-tés réunies , d'être plein et tendre ; se trou-vant tel, il faut convenir qu'il fait pluàde plaisir que les autres qui ont la côtecreuse , et assez ordinairement filandreu-se ; mais le plus souvent il n'est bon qu'acuire : je l'avoue après l'expérience, n'ayantjamais pu réussir à l'élever bon ; je doisdire aussi que ma terre qui est forte , nelui est pas favorable. Il demande essentiel-lement deux conditions pour venir danssa qualité ; l'une , que la terre soit de sanature meuble et bien fumée , l'autre, quela graine ait été recueillie sur des piedsbien francs , et dans un terrain écarté decelui où on se trouve ; car celle qu'on re-cueille chez soi ne réussit jamais dans lemême fonds.

Le céleri fourchu a la même saveur etdélicatesse du long ; il forme beaucoupde tètes , comme l'ai dit dans sa descrip-tion ; et toutes ces têtes qui sont autant'de petits pieds, blanchissent en masse,étant buttés et enterrés comme les autresespèces. Il n'est guère connu en France ;'mais c'est presque le seul qu'on cultive enItalie, et il est vraisemblable de-là qu'ilconvient mieux au climat que les autres :on ne fait guère usage de sa racine , qui'pst ordinairement cordée et verreuse

CNAPITRE XXI. 3Umais , par contre, ses parties extérieuresont un goût fin et distingué, qui l'empor-te sur nos espèces : il se conserve toutl'hiver , étant un peu soigné, et on le cul-tive comme les autres. Je crois qu'il réus-

siroit fort bien dans nos provinces méri-dionales; peut-être aussi y est-il cultivé,c'est de quoi je ne suis pas instruit.

Le céleri à grosse racine n'est guère pluscultivé en France que le précédent ; maison en fait grand cas en Allemagne , et ona raison : sa racine, qui est la seule partiedont on fasse usage, a un goût supérieuraux autres ; et , comme elle est plus gros-se, elle fait plus de profit. On estime cellequi est marbrée pour la plus délicate , etil n'est point de soupe, ni presque de ra-goût où on ne l'emploie ; mais on n'a pasle même empressement à la manger crue ,quoiqu'elle soit bonne. Sa culture n'a riende particulier; et , comme il n'est d'usageque pendant l'hiver, on le laisse en placejusqu'aux gelées; il ne demande ni d'êtrelié, ni d'être levé avec précaution : on

° l'arrache comme un navet , et on l'enterresimplement à quelques pouces au-dessusdu cœur , soit dans la serre , soit en terrelégère , dans une planche bien labourée,qu'on a soin de couvrir pendant les gelées,il se conserve jusqu'à la fin de l'hiver.

L'ache de montagne est aussi peu con-: nue que cultivée; cependant elle a un mérite

320 DO CÉLERI.particulier, c'est d'être bonne au prin-temps, après que le règne des autres espècesest fini : on mange en salade ses jeunespousses , qui sont tendres et d'un fort bongoût; et pour les rendre plus délicateset plus profitables, on jette peu à peu , dequatre en quatre jours , sept à huit poucesde terre sur les pieds, dès qu'elles com-mencent à paroître ; cela les fait alongeret les attendrit, en même temps qu'ellesblanchissent : on pourroit également lescouvrir de grand fumier ; mais quelque-fois ce fumier leur donne un mauvaisgoût. Elle se multiplie de graine que l'onsème au printemps , et ne demande que lessoins ordinaires. Elle résiste à tous les mau-vais temps , et se conserve vingt ans dans lamême place, sans aucune précaution ; safarine sèche tous les ans à la fin de l'au-tomne , et elle ressuscite au printemps : lespousses se succèdent les unes aux autres,comme l'asperge , et on peut en jouir pen-dant deux mois ; mais on les laisse monterensuite , et on rabat les buttes de terrequ'on y a faites.

Toutes ces espèces ne portent leur grai-ne qu'à la seconde année , et on laissedans terre, à cet effet la quantité depieds qu'on juge propos, des mêmes quiont été buttés pour la blanchir ; et au com-mencement de mars , on les déchausse :ils poussent et forment leur tige bientôt

fCHAPITRE X X I I. 321

après ; mais si le fonds de terre est froid ethumide , ou qu'on ait à craindre les mulotsqui en sont fort avides , il est plus sûr de .les arracher en motte aux approches desgelées , et de les conserver dans la serrejusqu'au printemps ; la graine se trouvemûre en septembre et on la cueille avecles mêmes précautions des autres grainesdont la fleur est en parasol , je veux dire àla rosée du matin ; et après l'avoir laisséequelques jours au soleil , on la vanne et onl'enferme tout de suite : elle se conservebonne trois ou quatre ans. Deux pieds dechaque espèce suffisent pour en fournir ungrand potager pendant ces trois ou quatreannées.

CHAPITRE XXII.Description du CER F E U7 L , ses rli

rentes espèces ses propriétés, sa cul-ture , etc.

I L y a deux espèces de cerfeuil ; le com-mun qui est annuel , et le musqué qui estvivace.

Le commun fait une racine unique ,blanche fibrée , un peu âcre ; s a tige esthaute de dix-huit pouces ou deux piedscylindrique , cannelée, creuse , entrecou-pée par des noeuds fort écartés, lisse etbranchue ; ses feuilles sont semblables à

322 DU' 'C E R F E U I L.celles de la ciguë, mais plus courtes, plusfines et teintes de quelques ombres rou-ges , portées sur des queues rougeâtres,un peu velues, d'une saveur et d'une odeuraromatique ; ses fleurs sont disposées enparasol au sommet des rameaux ; ellessont formées en rose, composées de cinqpétales blancs , inégaux , en forme decoeur , placés en rond , 'et de cinq petitesétamines blanches : ainsi que d'un calicequi se change en deux graines longues ,un peu convexes , lisses et noires , d'unesaveur aromatique.

Le cerfeuil musqué, autrement nom-mé cerfeuil d'Espagne , ressemble assezau précédent par la forme et la décou-pure de sa feuille ; mais elle 'est cinq ou .

six fois plus grande , d'un vert plus fon-cé , et plus velue , exhalant une odeuraromatique , tirant sur celle de 'l'anis;le pied est gros , et jette une quantitéde feuilles qui font un grand écart ; quel-quefois il pousse une tige , et quelque-fois il n'en pousse point : cette tige estgrosse et cannelée , garnie de quelquesrameaux , dont les sommités sont termi-nées par des bouquets de fleurs en para-sol, auxquelles succèdent des graines gros-ses et longues, convexes et applaties d'uncôté, cannelées de l'autre, de couleur ca lé.

L'usage qu'on fait du cerfeuil commun ,pour la cuisine se renferme aux sala-

CHAPITRE XXII. 323:des, dont il est une des principales four-

nitures , et aux soupes , dans lesquel-les il entre mêlé avec d'autres herbes ;mais on doit observer de ne le mettre

-'-dans le mitonnage qu'un demi - quartd'heure avant qu'on ne le mange : plutôtemployé, il perd son goût et sa vertu

;rafraîchissante.Il est beaucoup plus employé dans la

médecine : on se sert également des deuxespèces dans tous les bouillons rafral-

ichissans , et dans les décoctions .a périti-:ves ; il purifie le sang et aide à sa cir-culation : son jus exprimé pris à troisou quatre onces , avec autant de bouil-

lon de veau, est fort bon pour guérir:la jaunisse et les pâles-couleurs , sa feuil-le bouillie avec le lait est un bon remè-de contre les hémorroïdes : on met cet-te infusion dans le bassin d'une chaisede commodité , on s'assied dessus , et on .souffre le plus qu'on peut sa vapeur chau-

ide , qui amolit et détend les parties gon-'fiées ; on se bassine ensuite avec l'infu-sion même , quand la plus grande cha-

leur est passée. 11 n'est point d'hémor-roïdes externes , que cela ne guérisseou ne soulage beaucoup , répété troisou quatre fois : l'effet n'est pas si promptni si sûr pour celles qui sont internes ;mais on en reçoit jours quelque soulage-

: ment ; et j'ai ouï assurer par un habile

324 DU CERFEUIL.médecin qu'en se faisant seringuer àplusieurs reprises avec cette infusion ,lorsqu'on peut introduire une petite canu-le assez souvent la guérison s'ensuiv oit.La décoction de cette lante est aussiutile extérieurement qu'intérieurement ;on l'applique sur le ventre en fomenta-tion pour la colique , et sur les partiesmenacées d'inflammation : cette mêmedécoction , mêlée avec un peu d'eau-de-vie , adoucit et modifie les érysipèles : lemarc appliqué de même sur les meur-trissures , dissout 'le sang caillé , et em-pêche l'épanchement du sang. Sa feuil-le prise en boisson, après avoir trempéquelques heures, provoque les urines etrafraîchit en même temps outre qu'elleaide à la digestion , ensorte qu'elle esttout à-la-fois vulnéraire, détersive et apé-ritive ; elle est aussi béchique , car lesasthmatiques qui en fument en guise detabac en éprouvent un grand soulage-ment ; mais c'est particulièrement le cer-feuil musqué qui a cette propriété. Sonsuc tout seul , ou mêlé avec du nitre pu-rifié et le sirop des cinq racines , prisassiduement de 4 en 4 heures , est fortutile dans toute sorte d'hydropisie ; caril rétablit les urines supprimées , et lesrend moins troubles, moins boueuses etmoins rouges : c'est un doux diurétique,qui n'irrite point et qui calme au con-

CIIAPITRE X X II. 32$'traire et appaise les inflammations ; ceremède est spécifique, et s'il ne guérit pasun hydropique , on aura bien de la 'peine àen trouver un meilleur. La feuille de cer-feuil commun a encore une vertu dont j'aivu l'épreuve sur deux personnes de ma con-

noissance : c'est de dissiper les loupes : onla fait amortir sur une pelle chaude ; et onl'applique en cataplasme sur la loupe ; celarépété deux ou trois fois , les emporteinfailliblement , à moins qu'elles ne soienttrès-anciennes et très-endurcies. Un verrede jus de cette feuille est souverain pourguérir la pleurésie. Les femmes se serventtrès-communément de l'infusion pour leursbains de propreté.

La culture de cette plante est fort sim-ple : on la sème en toute saison , j'en-tends le commun; mais elle monte trois se-maines après , depuis le printemps jus-

. qu'au mois d'août, en sorte qu'il n'en fautsemer que très - peu à-la-fois , à propor-

lion de son besoin : or : pour n'en pastmanquer, , il faut être attentif d'en semertous les quinze jours ; et , pendant lesmois de chaleur , il faut le semer à l'ombrede quelque mur, et l'arroser tous les jours,

I sans quoi il jaunit et durcit.On le sème également à la volée et

par rayon ; mais cette dernière manièreaut mieux , on le coupe plus proprement.ur en avoir plutôt au printemps , il faut

326 DU CERFEUI Leen semer quelques bordures , au pied dequelque mur bien exposé, lorsqu'on n'apas de couche pour en semer sous clo-ches.

La grande semence pour l'automne etl'hiver, se fait depuis la tin d'août jusqu'aucommencement d'octobre , et le dernier se-mé est celui qui monte le dernier en graineau printemès , etqui fournitpar conséquentle plus long-temps.

Il réussit dans toute terre , pourvuqu'elle soit préparée ; cependant nos ma-raîchers qui en élèvent beaucoup , choi-sissent les terres légères ; mais c'est plu-tôt parce que les gros légumes ne s'eriaccornmoderoient pas , et qu'il faut mé-nager la terre , pour tout placer conve-nablement. Il y en a qui par économiemettent ensemble le cerfeuil et le persil,parce que le cerfeuil venant plutôt , estretiré avant que le persil ne puisse enjêtre incommodé ; mais ce mélange de plan-tes effrite beaucoup les terres , et ne con-vient , comme je l'ai déjà dit , qu'à cetteespèce de gens, qui louent les terres chè-rement , et qui en tirent le plus qu'ils peu-vent , pendant leur bail : cette confusionde plantes ne convient pas d'ailleurs à ceuxqui veulent voir leur potager propre etrangé.

Le cerfeuil semé , comme je l'ai diten août et septembre porte sa grai-

CH APITRE X X I I. 327ne au printemps suivant ; et c'est la pre-

mière plante potagère qui la donne aprèsla mâche , ensorte qu'on la recueille au

,mois de juin : elle ne se conserve bonneque deux ans ; elle décline mème à la

:secondé année : il faut arracher ou lacouper le matin à la rosée, quand elle pa-

roi t noire en plus grande partie , et lalaisser sécher encore quelques jours au

;soleil sur un drap ; on la froisse ensui-te avec les mains ; on la vanne et on laferme.

Le cerfeuil musqué ne se sème qu'auprintemps , soit sur couche , soit sur ter-

, re ; il faut attendre patiemment qu'il soit:levé ; je dis patiemment , car la grainedemeure quelquefois des mois entiers sanslever : il ne faut pas par conséquent lacroire perdue , on doit au contraire avoirsoin de tenir la place sarclée des mé-chantes herbes , et la mouiller au besoin.

On le mange en salade avec la laitue ,blanchi sous la paille, comme le persilde Macédoine : il plaît aussi beaucoupmieux à quelques personnes ; mais d'au-tres craignent son goût musqué et domi-nant , ce qui fait qu'il n'est pas d'un grandusage : les apothicaires en font la plus gran-de consommation ; sa racine est pourtanttrès-bonne dans la soupe , et lui donneun fort bon goût.

328 DU CHAMPIGNON.

CHAPITRE XXIII.

Description du CHAMPIGNON; ses ditférentes espèces , ses propriétés, seculture , etc.

r. y a plusieurs espèces de champignonqui croissent naturellement, les uns danles bois , les autres dans les prés; d'autres croissent artificiellement , et c'est seulement de ceux-ci que je parlerai , laissanà la simple nature le soin de la productioides autres , dans lesquels il y a beaucoufde choix à faire, les uns se trouvant ex-cellens , et les autres si mauvais et si per.nicieux , qu'ils causent quelquefois de;maladies considérables , et la mort menuà ceux qui les mangent sans les •connoîtreon doit donc etre fort réservé à cet égardet n'en faire usage que sur l'expérienc(reconnue du pays où on se trouve. robserverai à cet égard , que le remède hplus puissant et leplus certain qu'on puissefaire , lorsqu'on a eu le malheur de mange]ces espèces empoisonnées , c'est de pren.dre promptement quatre grains d'émétique .

ou plus, si les quatre ne faisoient pas leureffet, avec beaucoup de lait et d'huilerien n'est plus propre pour tempérer l'a.crimonie et l'effet du poison , et le chas

CHAPITRE XXIII. 329ser de l'estomac. Leurs formes sont dif-férentes , de même que leur couleur ; etce seroit m'engager dans un détail longet étranger à mon objet, que de vou;oirexpliquer leurs différentes espèces ; je m'entiens donc à ce que je viens de dire.

Le champignon dont je vais parler ,qui croît par l'effet de l'art , n'est pas siparfait ni si odoriférant que plusieurs deceux que le hasard produit ; mais il a lemérite que ceux-ci n'ont pas , de croîtreen toute saison et de rapporter abondam-ment; il est néanmoins assez agréable augoût , et n'a aucune qualité malfaisante ,pourvu qu'on n'en mange pas avec excès :on le mêle dans toute sorte de ragoûts, onle frit, on le farcit lorsqu'il est un peugros, et on en fait un mets particulieravec la crême et le dessus d'un pain rond,dont on ôte la mie ; ce qu'on appelle unpain aux champignons, fort en usage pourles entremets.

Les anciens médecins proscrivoient sansexception toute sorte de champignons ,comme très-nuisibles à la santé, du plus aumoins , mais l'usage habituel qu'on en faitdepuis cinquante ans , particulièrement,sans inconvénient, quand il n'y a pas d'ex-cès , décide contre leur jugement, et faitla sûreté de ceux qui les aiment, et qui sonten grand nombre.

Sa forme est ronde, un peu applatie sus

33O DU CHAMPIGNON.le sommet ; le pédicule qui tient au fumierqui le produit , est court et gros , et semange comme le chaperon • sa chair estspongieuse , blanche et feuilletée dessous;l'extérieur est blanc ou gris , suivant lesqualités du fumier ; et son feuilletage quiest au-dessous, est d'un rouge pâle. Leblanc est le plus estimé ; cependant, legris est plus ferme et meilleur : il ne doitpas excéder la grosseur d'une petite noix,pour être dans sa perfection, et plus petitil fait encore plus de plaisir; mais, lorsqu'ilcommence à faire le parapluie, on n'en faitplus de cas.

Pour s'en servir on l'épluche d'abord,c'est-à-dite on lève une petite peau dontil est revêtu , et on sépare le pédicule,lorsqu'il est un leu gros , ou s'il est pe-tit, bn le laisse attaché au chaperon , encoupant seulement l'extrémité qui tenoità la terre : on jette le tout dans une eaufraîche , où on le laisse tremper quelquetemps ; on le fait bouillir ensuite, et onle laisse égouter ,. après quoi on en faitusage.

11 y a plusieurs manières de les fairecroître , c'est- à-dire , de dresser les cou-ches ou les meules qui les produisent;mais il n'est pas indifférent de préférerla meilleure ; car une meule bien bâtieet bien soignée, rapporte plus que deuxmoins bien entendues ; voici celle que

suivent

CHAPITRE XXIII. 33rsuivent nos maraîchers les plus expérimen-

L tés et les plus appliqués à cette partie dur jardinage, dont je me suis bien trouvé moi-: même.

Il faut expliquer d'abord la différence dela couche à la meule , et les différens objetsde l'une et de l'autre.

Deux raisons déterminent la couche :pour les uns, c'est l'économie des fumierset des soins journaliers ; pOur les autres ,c'est le défaut de blanc, sans lequel on nepeut pas les faire croître sur les meules.

Ce blanc nommé blanc de champignon,: est la partie de fumier adhérente aux pé-

dicules des champignons qui sont velmsprécédemment, soit sur couche, soit sutmeule, ce qui forme une espèce de ga-

, lette incrustée de petits hlamens blancsqui renferment une qualité fructiférante ,et qui sont, pour ainsi dire, la semencedes autres.

Je traiterai d'abord ce premier objetdes couches ; c'est au mois de décembrequ'on les fait, et voici comment. On com-mence par fouiller l'espace de terrain qu'onse propose d'occuper , à six pouces deprofondeur, sur deux pieds de largeur,et de telle longueur qu'on v , ,>tr ; ou j Atesur les ce)tés la terre qui sort d cette Iran-

. chée , et on la remplit de fumier court,mêlé de beaucoup de crottin , qu'on élè-ve en dos de bahut, à la hauteur dedeu

Tome I. P

332 DU CHAMPIGNON.pieds , prise de son point milieu : onprend garde que le fumier soit égalementréparti , et on le trépigne bien en le dres-sant ; on gobte ensuite la couche, c'est-

. à-dire , on couvre toute la superficie d'unpouce environ de la méme terre qui estsortie de la fouille, et on la laisse en cetétat sans autre précaution , jusqu'au com-mencement d'avril : alors on la charge detrois doigts de grande litière secouée; c'estla dernière opération qui reste à faire, eton attend patiemment que les champignonspoussent. Quand la saison est favorableils commencent à paroître le mois suivant,ou c'est en juin au plus tard : on visitede temps en temps la couche, pour etreprompt à les cueillir dès qu'ils sont bons ;et quand une fois elle est en train de don-ner, il faut être exact à ramasser de deuxen deux jours tout ce qui se trouve de gros-seur convenable ; et autant de fois qu'onles cueille , il faut remettre la litière qu'onest obligé de lever pour les chercher, etbassiner légèrement toute la couche, àmoins que le temps ne soit à la pluie : unevoie d'eau suffit sur quatre toises de lon-gueur. Ces sortes de couches fournissentabondamment pendant quatre moi s,et quel-quefois plus, quand les fumiers se trouventbons, tels que ceux des fiacres, et qu'i!sont été bien travaillés; cela dépend aussi dufonds de terre, qui doit être sablonneux;

CHAPITRE XXIII. 3 3 3car dans les grosses terres, elles sont plustardives à rapporter, et ne donnent pasant; il faut marne, dans ces sortes de situa-ons , mêler du terreau ou du sable avec larre dont on les gobie, et mettre un lit detairas au fond des tranchées, recouvert' un peu de terre allégée, comme je viense le dire, pour faciliter l'écoulement desux. Lorsqu'enfin ces couches ont fini de

rapporter, on les défait, et on met à parttout le blanc qui S'y trouve, qui sert pourles meules ; le fumier des fumiers est pres-que réduit en terreau et sert pour couvrit

s semences de toute espèce.Les meules ont l'avantage sur les cou-

hes , de ne pas occuper la terre si long-emps, de rapporter beaucoup plutôt, et dee faire en toute saison ; mais elles deman-dent aussi plus de travail et de dépense: ondoit observer cependant qu'elles ne réus-

tissent bien, placées sur un fonds sec et sa-,blonneux , que pendant l'hiver et le prin-temps : il faut choisir, pour le gros de l'été,des terres fraîches et des situations un peuombragées.

La meilleure préparation qu'on puissefaire d'abord, est de faire mettre un piedde platras sur toute la place qu'on veut em-ployer, si la terre est un peu grasse, et dè

lies recouvrir de quelques pouces de sable,qu'on égalise bien et qu'on fait battre ; à

éfaut de platras , on peut prendre de laP 2

3 34 DU CHAMPIGNON.menue pierre : la facilité que donnent cesmatériaux aux eaux de filtrer et de se per-dre plus bas, conserve une sorte de séche-resse dans les meules , nécessaire pour en-tretenir leur tiédeur, d'où dépend l'abon-dance du rapport : je ne saurois assez dire,par les expériences que j'en ai vues , com•bien cette préparation du terrain est favora-ble à la production de cette espèce de fruit.

La place ainsi préparée , on approcheles fumiers, qu'on laisse entassés à l'air pen.dant un mois avant de s'en servir ; et onprend garde que les poules ne le grattentpas , si on en a qui puissent y aborder : onobserve de même que les chevaux d'où ilsprocèdent, ne soient pas nourris avec duson en place d'avoine, ce qui rend leurcrottin sans vertu : on dispose ensuite laplace des meules, et on tend un cordeaupour les dresser en ligne droite , sur tellelongueur qu'on veut, et sur trois pieds delargeur, à la hauteur d'un pied seulement :on retire en maniant les fumiers , les par-ties de paille longue qui s'y trouvent ; etquand toute la longueur est dressée on lamouille amplement.

Quatre jours après, on remanie tous lesfumiers dont on retire environ le tiersqu'on remplace avec du fumier neuf, leplus court qu'on peut trouver; et on dressela meule dans la forme où elle doit res-ter c'est-à-dire ; on réduit la largeur à

teur.Six jours après on larde le blanc de

2 pieds , sur il ou is" pouces de hau—CHAPITRE XXIII. 33f

pied en pied , à 4 pouces de terre ; ceblanc , comme je l'ai expliqué ci-devant,est formé en galettes , qu'on sépare enmorceaux de 3 ou 4. pouces ; on les en-fonce dans la meule , à fleur des fumiers,et tout de. suite on remonte la meule c'est-

' à-dire, on remet Nr- dessus le tiers desvieux fumiers qu'on a eus de reste lors-qu'on l'a réduite de 3 pieds à 2 et on ladresse en dos de bahut.

Deux ou trois jours après quand leblanc est bien attaché, on bat la meule toutautour avec le dos d'une pelle de bois , quic6rnprime et mastique le blanc vers les fu-miers, et on la peigne , c'est-à-dire, on ar-rache à la main toutes les pailles lOngues quidébordent son niveau.

On la gobte ensuite, c'est-à-dire ,on jetteun pouce de terre sur toute la surface ; etsi la terre se trouve forte , on la mêle avecmoitié terreau ou sable.

On la couvre après de trois pouces degrand fumier neuf, excepté dans la partiesupérieure, qui ne doit être couverte qu.:légèrement.

Huit jours après, on en remet encore au-Rant , et on observe toujours de couvrirtrès-peu le dessus.

Autres huit jours après on retire touteP 3

336 Du" CHAMPIGNON.la couverture , on nettoie bien toute lasuperficie de la meule des menues orduresque le fumier y a déposées, et on la pou-dre ensuite avec un peu de ce même fu lmier qui a été retiré , dont on choiitplus long ; et par-dessus cette petite cou..verture , qu'on appelle la chemise on mettrois pouces environ de fumier neuf ,qu'on doit avoir préparé 8 jours à l'a-vance , c'est à dire , l'avoir laissé ressuyeren tas.

Cette couverture mise, on rejette enco-re par-dessus le surplus des vieux fumiersqu'on a eus de reste ; et On a toujours atten-

tion de ne pas trop charger le dessus.Quinze jours après on le découvre , et

on n'y laisse que la chemise , c'est-à-dire,l'épaisseur d'un doigt de grande paille ;et on regarde dessous si le blanc est avan-cé , c'est-à- dire , si le champignon com-mence à se montrer ; et par-tout où onen apperçoit , on pique de petites ba-guettes qui serventà reconnoître les places,pour les trouver plus facilement, lorsqu'onles juge bons à cueillir : cette recherchefaite on recouvre la meule avec les mêmesfumiers,et de la même manière qu'elle l'étoit.

Trois ou quatre jours après, on vientreconnoître les places marquées , et oncueille ce qui se trouve bon.

Quatre autres jours après , on découvre.de nouveau toute la meule comme il a été

CHAPITRE XXIII. 337dit ci-dessus ; et si on la trouve bien ap-

i prttée , c'est-à-dire , également disposéepar-tout à donner son fruit , on dispose lesbaguettes.

On revient 3 jours après , et si le tempsest favorable, . on . trouve à faire récolte ;et aussitôt faite, on recouvre la meule : oncontinue de trois en trois jours, tant qu'elledonne ; et ce produit dure ordinairement

: pendant deux ou troiemois.Dans les chaleurs , il faut être exact de

de les bassiner, tous les jours ou tous lesdeux jours , à la même dose d'eau que j'aimarquée pour les couches.

Lorsque le temps au contraire , se trouverigoureux, il faut laisser quatre à cinqjours d'intervalle d'une cueille à l'autre ; ets'il gèle , il faut recharger la couche avecde grands fumiers secs , plus ou moins ,

„suivant le degré du froid , afin qu'ellese conserve toujours tiède.

Dans l'hiver , on est exposé à voir sou-. vent périr le fruit , si on n'est pas attentif

à opérer suivant les changemens de tempsqui arrivent ; le vent change quelquefois

• d'un moment à l'autre, et passe du froidau chaud : on aura chargé les couvertures ;si on ne les décharge promptement , elleséchauffent trop la meule , le feu s'y metet le fruit brûle; lorsqu'aucontraire il passedu chaud au froid , il faut faire diligemmentl'opération opposée.

p4

338 nu CHAMPIGNON.La meule, venant enfin à s'épuiser , et

ne produisant plus, on la défait, et on re-tire' , meilleur blanc qui se trouve dans les

plpcf..s 'ù les champignons ont crû, et onle ferme sechement pour servir à d'autres

1meurs : il se conserve bon deux ans.Ou hache les fumiers qu'on met en tas

le plus menu à part , qui sert à couvrit. -les semenc es ; le plus long s'emploie àcouvrir les artichauts ou autres plantes :on peut encore le méler avec des fumiersneufs, pour faire des couches de melon e .4laitues, etc., si on est en saison.

• iCeux qui n'ont pas du blanc de cette ont-gine , ont la ressource quelquefois d'entrouver dans les vieux tas de fumier de che-val, où il s'est formé naturellement : à dé-faut , ils doivent commencer par quelquescouches , telles que je l'ai expliqué au com-mencement de ce chapitre, et par-là ils s'enferont un fonds qui leur servira l'annéesuivante.

Il est bon d'avertir que ces meules sontsujettes quelquefois à prendre trop de feu,qui brûle le fruit naissant ;, pour prévenirce mal , il faut les sonder de temps entemps; et quand on s'apperçoit qu'elles s'é-chauffent trop , il faut découvir la superfi-cie de place en place, pour laisser évapo-rer la grande chaleur , et recouvrir quandelle est passée.

Je dois dire encore que les éclairs et les

CITAPITRE XXIII. 339tonnerres font périr quelquefois tout lefruit qui est formé : dans ce cas, il fautdécouvrir tout-à-fait la meule et remanierà la main la chemise de terre , en jetant toutce qui est gâté ; il repousse du nouveau-

fruit quelques jours après.On doit aussi avoir une attention toute

les fois qu'on cueille le fruit qui se lève.souvent par groupe , que les maraîchersappellent rochers de champignons; c'est decombler les vides que ces rochers laissentaprès eux, avec un peu de terre qu'on ra-masse au pied de la meule.

Pour jouir plus sûrement de ce fruit entoute saison , les curieux peuvent friredes meules dans des serres chaudes , oudans des caves qu'on prépare en tempsconvenable , pour fournir dans le coeurde l'hiver; on n'est pas exposé à les voirpérir dans ces sortes de situations commeen plein air où la continuité des gelées ,

pluies ou neiges., les tient quelquefoisen léthargie pendant des mois entiers ;mais aussi elles rapportent bien moins.Ces meules se disposent tout de mêmeque celles dont je viens de parler , aveccette différence qu'on ne les recouvrepoint après qu'elles sont gobtées de terre,et elles ne demandent rien de plus, sice n'est de boucher tous les soupirauxde la cave , pour qu'il n'y entre aucunair : un mois après le fruit paroît , et de

P

34° DU CHAMPIGNON.temps en temps , après qu'on a cueilli lefruit, il faut arroser légèrement toute lasuperficie , lorsque la terre est trop sè-che. Ceux qui n'ont ni cave ni serre chau-de, peuvent les faire également dans desserres ordinaires ; mais en ce cas , ilfaut les dresser et conduire de la mêmemanière que celles qu'on fait en plein air.

Les rats et les mulots se font quelque-fois des habitations dans ces meules, tantcelles qui sont à couvert , que celles quisont en plein air , et ils mangent le fruitil faut tâcher de les détruire à force depièges.

Lorsqu'on se touve une telle quantitéde champignons , qu'on ne peut pas les con-sommer, on a la ressource de les faire sé-cher, et ils servent dans les temps où lesfrais viennent à manquer.

Après les avoir bien lavés, on les enfilesimplement comme des chapelets, et on leslaisse au grand air, jusqu'à ce qu'ils soientassez secs : les uns leur font jeter un bouil-lon préalablement ; d'autres s'en dispen-sent : on les enferme ensuite sèchement dansdes sacs de papiers , et quand on veut s'enservir , on les fait revenirpendant quelquesheures , dans une eau tiède.

r •••• •••■■MIIIIIP10•■••••••••••

CHAPITRE XXIV. 341

CHAPITRE XXIV.

Description du CHERVIs; ses pro-priétés , sa culture , etc.

L E chervis , que d'autres nomment chi-rouis , est une plante dont la racine fait. lemérite : on la mange en hiver, et particu-lièrement en carême.

Elle fait sa racine droite , très-blancheen dedans, et roussâtre à l'extérieur; un peuinégale et garnie de petits tilamens , longuede six à huit pouces , et de la grosseur dupetit doigt ; elle porte une tige branchue ,cannelée, remplie de modle , et qui s'élèveà trois pieds environ , la même année qu'onla sème, mais qui porte jusqu'à six piedsl'année d'après : sa feuille est partagée entrois ou cinq parties, portées sur la mêmequeue , de forme oblongue et pointue ,un peu dentelée sur les bords, d'un vertclair et assez lisse , très-aprochante dé celledu panais, et exhalant de même une odeur ,et à-peu-près semblable. Sa fleur est dispo-sée en parasol, comme le Cerfeuil , forméeen rose , composée de cinq pétales blancs ,portées sur un petit calice qui se change enun fruit ou une graine oblongue, rayéeapplatie , et de couleur grise.

Cette racine étant cuite, est fort tendre,P 6

342 DU' CHERITIS.et son goût extrêmement sucré , au pointque sa grande douceur déplaît à beaucoupde personnes ; cependant d'autres l'aimentavec passion. Il n'y a presque qu'une façonde la manger, c'est frite en pâte comme lesartichauts.

Je ne sais à cette plante aucune vertu pourla médecine.

Elle se multiplie de graine qu'on sèmeau mois de mars ; elle demande un fondshumide , et meuble en même-temps : dansles terrains secs ou pierreux , elle vientfourchue , dure et cordée , sans grosseur :sa culture consiste à la sarcler quand ellecommence à être un peu forte; c-ar dans sajeunesse , les insectes qui en sont avides ,la détruisent beaucoup moins que lors-qu'elle est entremêlée de mauvaises her-bes; et comme elle aime l'eau plus qu'au-cune autre plante , il faut la mouiller sou-vent, quand on le peut facilement : du sur-plus on la sème à la volée , comme les au-tres racines , et un peu claire ; si elle a be-soin d'être éclaircie , on le fait en même-temps qu'on la sarcle.

Elle monte en graine dès la premièreannée , comme le scorsonnère ; mais celane lui nuit pas : on coupe toute la fannequand elle est sèche , et on la , carla graine n'en vaut rien ; cependant il n'estque trop ordinaire à beaucoup de jardi-niers de la ramasser , pour la vendre ; et

CHAPITP.E XXIV. 343c'est en quoi le public est souvent trompé :on doit bien connoître celui de qui on l'a-chète , quand on ne la recueille pas soi-même. La bonne graine ne se recueilleque sur les pieds de l'année précédente ,qu'on appelle des mères; elle est mûre enseptembre : on la bat et on la vanne ,quand elle a passé quelques jours au so-leil après être coupée, et on l'enferme sé-chement : elle se conserve bonne deux outrois ans.

Cette racine ne craint rien des gelées ,ainsi il n'y a aucune précaution à prendre ,cependant, si on en veut jouir pendant legros de l'hiver, on peut en arracher etmettre en serre la quantité qu'on voudra.

Ceux qui vivent dans leur campagne ,peuvent pratiquer une petite économie àcet égard ; c'est de mettre à part les têtesde toutes celles qu'ils consomment pendantle carême , et de les enterrer à fleur du

cœur : elles prennent racine et poussentleur tige, qui donne la graine aussi bonneet en même quantité que les racines entiè-res , qu'on laisse en terre : j'en ai fait l'ex-périence plusieurs fois.

Y

344 DE LA CHICORÉE.

CHAPITRE XXV.Description de la CHICORÉE; ses dif-

lijrentes espèces, ses propriétés, saculture , etc.

L A chicorée est une plante des plus uti•les et des plus salutaires : on en compteparmi certains jardiniers dix à douze espè-ces; mais il me paroît qu'il n'y en a quesix bien distinctes, les autres sont des es-

pèces dégénérées.Ces six espèces se nomment parmi nos

maraîchers , la courte , la régence , la fine ,la grosse-frisée , la Meaux, et la scariole ;elles ne diffèrent essentiellement entre elles,que par leurs feuilles , qui sont plus oumoins grandes et plus ou moins frisées :je peux en faire par conséquent la descrip-tion en général, et j'observerai ensuite àl'article de chacune les petites différencesqu'il y a entre elles.

Ses racines sont fibreuses et laiteuses ;ses feuilles sont d'un beau vert, et se cou-chent sur terre en rondeur : elles sont deforme différentes, comme je viens de ledire , et d'une saveur amère , sans aucuneodeur ; elles diminuent de grandeur lelong de la tige, à mesure qu'elle s'élève:cette tige , suivant l'espèce , a plus oumoins de hauteur; elle est lisse, canneléecreuse, tortue , branchue et laiteuse : ses

CHAPITRE XXV. 345'fleurs naissent de l'aisselle des feuilles ,tout le long des rameaux ; elles sontcomposées de plusieurs demi - fleuronsbleus , disposés comme une marguerite depré , portés chacun sur un embryon , etrenfermés dans un même calice qui se res-serre dans la suite , et se change en unecapsule remplie de petites graines grisâtres,longuettes , menues et pointues à une ex-trémité , plates et comme enfoncées à l'au-tre, avec une petite dentelure autour sansaigrette.

Les usages qu'on en fait pour la table ,chez les grands et chez les petits , sonttrès-familiers ; on la mange crue en sala-de , après qu'on l'a fait blanchir : on lamange aussi cuite , tant en gras qu'enmaigre ; et elle s'allie parfaitement avecles viandes , soit bouillies, soit rôties,principalement sous le gigot et l'aloyau :elle est fort bonne sous les poulets en ra-goût : apprêtée au lait et au beurre dansla casserolle , avec des oeufs durs par-des-sus , elle fait un mets très-fréquent danstous les ménages : on l'emploie dans lasoupe : enfin les bons cuisiniers la met-tent à toutes sauces , et elle plaît de toutesles façons , d'autant plus qu'elle est saine ,et qu'elle n'est point sujette à des retours

désagréables comme beaucoup d'autresplantes.

Elle a aussi ses propriétés dans la méde-

346 DE LA CHICORÉE.eine; ses feuilles vertes sont rafraîchissan-tes 1 détersives et apéritives; elles tempè-rent la bile et appaisent le bouillonnementdu sang ; elles guériSsent la jaunisse : ons'en sert dans les tisanes , dans les décoc-tions , et dans les lavemens rafraîchissans;étant pilées et appliquées sur lu; inflam-mations, elles les appaissent. On en faitaussi , par distillation , un sirop dont l'u-sage est fort commun ; sa graine est unedes quatre semences froides mineures, quia aussi ses vertus.

Cette plante est annuelle, et ne se multi-plie que de graine

'

qui est semblable à-peu-près dans toutes les espèces ; mais avantde parler de leur culture, il faut caracté-riser les qualités de chacune en particulier.

La chicorée courte , autrement norrnéela célestine , est assez petite ; mais elle a lemérite de venir la première , étant élevéesur couche , elle est douce et tendre ,monte peu , et vient très-fournie , pour....vu qu'elle soit exactement arrosée : ellene va pas plus loin que l'automne, se trou-vant trop délicate pour résister au mauvaistemps ; elle est trop petite d'ailleurs pourmériter la serre: on ne doit donc la cônsidé-

rer que pour la primeur.La régence étoit autrefois la chicorée à

la mode., et accueillie de tout le monde ;ses feuilles extrêmement fines et déliées ,et sa blancheur parfaite , faisoient plaisir

CHA PITRE X .. 2‘. . - V. 347aux yeux ; sa tendreté et sa douceur , flat-toient également le goût. Je ne sais parquelle bizarrerie elle est aujourd'hui , dessix, la moins bien reçue ; c'est sans douteque tout est mode, chez notre nation sur-tout : je ne l'estime pas moins en mon par-ticulier , peut-être avec tous les gens debon goût. Outre les avantages que je viensde faire remarquer, elle a encore celui de

ipouvoir s'élever sur couche , et de venirbonne dès la fin de mai : il est vrai qu'ellene passe guère l'hiver , à moins qu'on n'enait des soins particuliers, et que vu sa pe-titesse, elle n est pas d'un aussi grand pro-fit que les autres : il est vrai qu'elle estsujette à se moucheter dans l'été , et àpourrir dans le coeur; mais à cela près, quipeut mériter l'attention des maraîchers ,elle a tout ce qu'il faut pour plaire au par-ticulier , qui ne doit pas s'arrêter à unepetite différence de produit. Elle deman-de une terre légère et de fréquens arrose-mens : on peut en élever successivementjusqu'aux gelées.

La chicorée fine est à-peu-près de mêmeespèce que la courte , mais moins hâtive ;son feuillage est aussi plus délié : elle se

lsèrne de même au printemps , et réussit'bien pendant tout l'été ; mais elle ne seconserve pas pour l'hiver.

La grosse-frisée , qu'on nomme autre-ment la grosse espèce, est effe ctivement

343 DE LA CHICORÉE.la plus fournie de toutes celles qui ont lafeuille frisée ; mais elle ne réussit bien -

que pour l'automne et l'hiver ; en été ellemonte facilement et vient dure : son mé-rite essentiel est de fournir beauciap, dese conserver long - temps, et de fondrebeaucoup moins que les autres au feu.;,elle est d'ailleurs un peu dure et amèremangée crue ; on ne doit par conséquenla destiner que pour la cuisson : elle es'très-profitable à cet usage. On commentce à la semer en juin , et on continuejusqu'à la mi-août • il faut l'espacer de douzeà quinze pouces, lorsqu'on la replante, etl'arroser copieusement pendant tout letemps des chaleurs.

La chicorée de Meaux n'est connue icique depuis peu d'années , et c'est celleque tous les jardiniers cultivent le plusaujourd'hui ; elle s'accommode assez detoute sorte de terre , quand elle est bienpréparée , et réussit en toute saison, pour-vu que les années soient un peu sèches;car les pluies abondantes lui sont très-contraires , et la font monter aisément :elle ne veut presque pas être arrosée ;mais par contre , il faut la serfouir sou-vent : elle vient extraordinairement gros-

se et touffue ; elle est douce et tendre .très•frisée , et blanchit bien : elle se mou-chette rarement ; elle résiste aux petitesgelées de l'automne, et se conserve long-

CH A PIT rt E X V. 31temps sur pied, comme dans la serre : ellemérite enfin , par toutes ses bonnes qua-lités, la préférence que tout le mondelui donne présentement. On ne commen-ce communément à la semer qu'au moisda mai , et on continue jusqu'à la find'août ; çette dernière sert pour l'hiver :il y a pourtant des maraîchers qui la cul-tivent pour !a primeur. Elle n'est pas sihâtive que la courte et la régence , maiselle dédommage par sa grosseur elle dé-génère un peu , c'est son défaut : on doittâcher d'avoir de l'espèce bien franche.

La scariole , que quelques-uns appel-lent improprement scarole , et dont lenom véritable est endive cultivée , pourraison de sa conformité de feuillage avecl'endive sauvage, est une espèce particu 7hère qui milite beaucoup par ses bonnesqualités avec celle de Meaux , et qui n'apas moins de partisans; sa feuille est aussilarge que celle de certaines laitues , plusou moins découpée et alongée ; elle estaussi touffue que la grosse espèce, lors-qu'elle n'est pas dégénérée, et c'est à quoion connoît la bonne espèce : elle est douceet tendre, et d'un grand profit, soit crue;soit cuite, parce qu'elle fond très-peu : sondéfaut est de monter aisément pendant l'été,et de se moucheter dans les temps de pluie :il faut donc la destiner particulièrement

•. pour l'aUtomne et l'hiver, avec l'anal-

350 DE 1. A. CHICORÉE.tion de la couvrir dans les temps de pluieet de gelée.

On observera qu'il en a deux espèces,l'une qui a la feuille beaucoup plus gran-de , plus large et moins découpée quel'autre : celle-ci est meilleure pour l'été etl'automne ; mais la dernière est la plusdure, fond moins et se conserve mieuxpour l'hiver.

Il y a une fausse espèce de scarioledont le nom propre est langue de boeufles feuilles en sont très-longues , étroiteet découpées en scie ; elle est dure et mal"fournie du coeur : je l'ai éprouvé une foiset m'en suis tenu là.

Je dirai un mot d'une espèce que je neconnois que par relation, et qui est fortcommune en Hollande ; elle est friséecomme celle de Meaux, et on m'a assuréqu'elle étoit beaucoup plus grosse, et tellequ'elle portoit jusqu'à dix huit ou vingtpouces d'étalage ; mais elle ne réussit, dit-on , que l'été , et pourrit dès que les pre-mières fraîcheurs arrivent : les curieuxpourront en prendre de plus amples infor-mations en Hollande même.

L,‘‘ culture est la même pour les six es. ,pèces que j'ai nommées aux petites dif-

f'n-ences près que j'ai remarquées à l'ar-ticle de chacune , suivant l'espèce : onles sème donc plutôt ou plus tard , lesunes sur couche , les autres sur terre; et

CHAPITRE XXV. 35- rpour qu'elles ne montent pas , soit quandon les sème , soit quand on les replante ,on prend garde en tout temps, que le ventsoit placé au midi ou au levant. Nos ma-raîchers ont fait tant d'expériences, et sonttellement d'accord sur cela , qu'il faut serendre malgré la répugnance de l'esprit.

Les premières semences se fontscus clo-ches en janvier, et se repiquent sous d'au-tres plus à l'aise, quand le planta deux bon-nes feuilles outre les oreilles ; on les replanteen place au mois de mars ; et si on a des cos-tières libres, elles y viennentplutôt: onlesespace à huit ou dix pouces , après avoirterreauté la terre ; on les arrose ensuitelégèrement ; on les serfouit trois semainesaprès , et on les lie quand elles sont assezfortes.

Les secondes qui se font en février, seplacent le long d'un mur bien exposé , eton sème la graine fort claire : dans lesautres mois, on peut la semer indifférem-ment par-tout, avec l'attention de sarclerexactement le plant , et de le mouillerau besoin : s'il est trop dru, il faut l'éclair-

cir, et couper la fanne à fleur de terre,quinze jours ou trois semaines avant dele replanter, pour faire fortifier le pied :on peut en laisser quelques-unes en place

"dons la planche, en distance convenable ;elles sont plutôt venues que celles qu'ontransplante.

352 DE LA CatcoR ✓ E.Lorsqu'on les replante en place , c'esl

l'espèce et la saison qui doivent régldpour les espacer à propos ; les grosses demandent plus de place, sur-tout dans ré.té , où la sève a plus de force : il faut lesécarter à douze ou quinze pouces sur-tout la scariole. Aux approches de l'au-tomne , il faut les presser d'avantage , paila raison du contraire ; mais les unes com-me les autres , en telle saison que ce soit,doivent toujours être plantées avec les pré-cautions suivantes, qui sont de leur coupezla moitié des feuilles et de la racine , de nepoint enterrer le coeur, et de les mouilleraussitôt plantées.

Lorsqu'elles sont ensuite à leur pointde force , et qu'on veut les faire blanchir,on ne doit mettre d'abord qu'un lien dansle bas , et on choisit un jour bien sec ;huit jours après, on en met un second àl'extrémité des feuilles ; et si elles sont deforce à en demander un troisième , on lemet en même temps ; car il faut qu'ellessoient serrées de manière que le cœur nepuisse pas se faire jour et percer par lescôtés : trois semaines après on peut com-mencer d'en couper.

On doit avoir attention , quand la sé-cheresse oblige de les mouiller après qu'el-les sont liées, de verser l'eau par lagueule de l'arrosoir , à fleur de terre et

CHAPITRE XXV. 3s 3non pas par-dessus les plantes, que cette

feroit pourrir.Nos maraîchers les couvre avec de la

;rande litière pour les faire plutôt blan-; mais cette méthode a ses inconvé-

tiens : l'un , qu'elles sont fort sujettes à)ourrir sous cel te couverture , qui s'é-hauffe à la moindre pluie ; l'autre , qu'el-es prennent souvent le goût de fumier :1 est utile de le faire lorsque la geléenenace , soit que les plantes soient liéesmi non , parce que cette litière les ga-

antit.; et au moyen de cela , on peutnéme se dispenser de les lier, car elles)lanchissent également ; mais elles se con-fervent plus propres quand elles le sont,

contractent moins le goût du fumier':m peut encore les enterrer près à prèsfans une planche ou sur une veille cou-

, si on en a; elles y blanchissent plu-:ôt , et sont moins sujettes à pourrir que

fans la terre , surtout si on a soin de les dé-4dre des pluies , en les couvrant de pail-

'assons posés en talus par-dessus. 'Dans les terres fortes et froides, les der-

rières chicorées doivent se planter à la finl'août; mais dans les terres légères , où laÈ ve ne se ralentit pas sitôt , on peut en

lar.ter jusqu'àla fin de septembre , et ellesConservent mieux l'hiver, quand elles ne

ent que d'une moyenne force.'11 y a peu de difficulté, comme on vient

35'4 DE LA CHICORÉE.de le voir, tant pour les élever, que pourles faire blanchir et les conserver jus-qu'aux grandes gelées ; mais c'est ici l'é-cueil ou il faut beaucoup de précautions,car le grand froid leur est mortel. Nos ma•raîchers qui ont peu de serres, sont obli-gés pour la plupart, de les laisser sur ter-re , replantées près à près , et enfoncéesjusqu'à l'extrémité des feuilles ; et c'est àforce da couvertures qu'ils les préservent;mais ces couvertures coûtent par elles-mê-mes , et demandent d'ailleurs d'être sou-vent maniées, soit pour les secouer, quandelles sont couvertes de neige , qui, venantà fondre dessus, feroit pourrir les plantes,soit pour les changer, quand la continuitédes pluies comrnmence à les faire pourrir,soit enfin pour leur donner de l'air, quandle temps le permet : on é vite tous ces soins,et on jouit tranquillement de ce légumependant tout l'hiver quand on a desserres.

Les précautions à prendre pour les en-fermer à propos, sont 1°. de ne point leslier, et de disputer tant qu'on peut contreles premières gelées , par le moyen descouvertures de paille ; la paille neuve estla meilleure, elle ne jette point d'orduredans le coeur; 2°. c'est de prendre un beaujour de soleil, quand les plantes sont biensèches ; 3°. c'est de les nettoyer exacte-

ment • 4°• c'est de Ics arracher avec unebonne

CHAPITRE XXV. 35-j

tbonne motte , et de les placer tout de sui-e dans la serre. On prépare la place à cet

effet qui doit étre couverte de sept à huitpouces de sable, qui ne soit ni trop fraisni trop sec : on en enterre une partie jus-qu'à l'extrémité des feuilles , avec l'atten-

tion de les tenir serrées avec la mainquand on les enfonce, comme si ellesé toient liées ; et ce sont celles-là qu'on des,tine à être mangées les premières ; on lais-se les autres à l'air, j'entends la fanne seu-lement , sans les lier, et successivementon les enterre comme les premières , pourles faire succéder. 11 ne faut pas que laserre soit ni trop chaude ni trop humide.il suffit que la gelée n'y pénètre pas ; etautant qu'on peut y donner de l'air , il estavantageux à cette plante d'en jouir, sansquoi elle blanchit, et passe

Quelques particuliers sont dans l'usagede les enterrer la tête en terre et la racineen l'air : je l'ai éprouvé moi-même pouren connoître la différence ; et la seule quej'y ai reconnue, c'est qu'elles blanchissentet pourrissent plutôt.

Cette plante est sujette à avoir sa racinemangée par le ver de hanneton , et par unautre de couleur grise , ressemblant à unechenille ; il faut étre soigneux de les cher-cher au pied de celles qu'on voit fannées ,pour empêcher la suite de leur destruc-

tion.Tome L

is6 DE LA CHICOR£ , F.Pour recueillir de la graine, il faut con-

server quelques pieds de chicorée 'pendantl'hiver , qu'on replante en motte le longd'un mur qui l'abrite , et qu'on a soin decouvrir pendant les gelées ; on peut autre-ment en replanter quelques pieds dans desbaquets qu'on ferme dans la serre ; elqu'on remet en pleine terre au printemps :on est sûr au moyen de cela , de voirmûrir la graine qui , dans les années ten-dres , reste en chemin , si le pied n'a paspris de l'avance ; quand elles sont favora-bles , les pieds qu'on replante des premiè-res semences de janvier ou de février ,viennent également en maturité ; mais ily a le risque de la saison à courir. Lorsquecette graine approche de sa maturité , lesoiseaux lui font une cruelle guerre ; il fautmettre quelque épouvantail après , ou lacouvrir de quelque filet , si on en a : onl'arrache quand le bois commence à sé-cher , et on la laisse encore quelquesjours exposée au soleil ; on la bat en-suite et on la vanne ; mais comme ellea beaucoup de peine à se détacher,faut préalablement mettre les pieds de-bout le long d'un mur, et les mouillerdeux ou trois reprises pendant deux jours :l'eau la fait détacher aisément sous le fléatavec lequel on la bat, et il va sans direqu'il faut la laisser sécher avant de la vanper. Elle se conserve bonne pendant di:

CHAPITRE X X V. 357'ans au moins , et j'en ai vu lever à quinze :elle est même d'autant meilleure, qu'ellee›t un peu vieille ; elle est fort sujette àmonter , quand on la sème. la première ouseconde année.

La chicorée sauvage dont il me reste àparler, qui s'appelle endive , nom synony-me , a des vertus encore plus distinguéesque les chicorées franches : sa racine et safeuille s'emploient également dans les tisa-nes rafraîchissantes : elle est apéritive , pur-gative et fébrifuge; son suc dépuré est très-propre dans plusieurs maladies, telles quecelles du foie, la jaunisse et les obstruc-tions des viscères. Avec le même suc et larhubarbe , on compose aussi un sirop quifait mourir les vers aux enfans et qui estégalement bon dans les cours de ventre ;la fleur est cordiale , et il s'en fait uneconserve très-bonne pour purifier le sang;la feuille coupée menu, et infusée dansl'eau froide , dont on fait sa boisson pen-dant quelques jours , purifie de même lasang, et préserve de maladie 3 la mêmefeuille cueillie au printemps , et séchée àl'ombre, qu'on réduiten poudre, est très-favorable aux goutteux - bilieux. On enprend une dragme dans un bouillon depoule, sans sel, quatre heures avant dî-ner, et autant deux heures après un souperléger ; ce qu'on continue pendant quelquetemps.

Q 2

DE LA CHICORÉE,Outre ces grandes propriétés , on la

mange de plusieurs manières, avec un avan-tage égal pour la santé ; coupée jeune àquatre leuilles , et mêlée avec le pourpier,elle se mange en salade ; plus forte on lacoupe en morceaux, et on la mange de mê-me avec du sucre : quelques-uns la fonttremper auparavant, pendant deux heurespour lui ôter sa plus grande amertume :dans l'hiver, on la fait blanchir, et elle sertau même usage: pendant toute l'année en-1fin , elle a l'avantage de servir utilement,et il n'y a point de jardin qui ne doive enêtre bien fourni.

Il y en a deux espèces qui se multiplienttoutes deux de graine : l'une et Vautre fontune racine assez grosse , et blanche en de-dans : la feuille est d'un gros vert , fort alon-

gée et découpée en dent de scie ; leur res-semblance est parfaite à tous ces égards ;mais elles diffèrent par quelques veines rou-geâtres que l'espèce commune n'a pas, etces veines deviennent d'un rouge vif, lorsqu'on la fait blanchir pour la manger en sa-lade ; on l'appelle, par cette raison , la chi-corée panachée ; elle ressemble fort en celaau chicon qui porte le même nom : le goûtn'est pas différent de l'autre mais les yeuxen sont plus flattés.

Sa culture est fort aisée : on la sèmeà la fin d'avril en terre légère, et à la

- mai en terre forte : plutôt semée ,

CHAPITRE XXV. 3 . 5'9elle est fort sujette à monter, surtoutsi la graine est nouvelle ; mais si on ladestine à être mangée jeune , on peut lasemer dès le mois de mars , et sur cou-che dès le mois de janvier : on ne sau-roit la semer trop dru pour cet usage ;niais à l'égard de celle qu'on veut lais-ser profiter, il faut la semer fort claire,pour que la racine puisse grossir , surquoi pourtant il y a une distinction àfaire , quand c'est la racine qu'on a prin-cipalement en vue , il faut que le plantsoit beaucoup plus éclairci que celui quidoit servir pour les salades d'hiver :peut la semer à la volée ou par rayon ;mais de cette dernière façon, elle est plusaisée à serfouir , et à tirer de terre enautomne : le seul soin qu'elle demande ,c'est d'être sarclée au besoin , si elle estsemée à la rosée , et mouillée quelque-

fois pendant sa jeunesse.Pour la faire blanchir , on peut l'ar-

racher dès le mois d'octobre , jusqu'àNoël : on coupe entièrement la farineavec le bout de la racine , et on l'en-terre par rayons fort épais dans une cavechaude ; on la mouille ensuite légèrement ;d'autres font percer des tonneaux tout au-tour , les trous près à près , de la grandeurd'un gros écu , et y passent cinq ou six ra-cines plus ou moins , le coeur en dehors ;ils les remplissent en même temps de sable

Q 3

36o DE LA CHICORÉE.fiais, à mesure qu'ils garnissent les trous.Les maraîchers les lient par grosses bottes ,et les enterrent dans des fumiers chaudsqu'ils portent dans des caves , et qu'ilsdressent en manière de couche de la hau-

teur d'un pied ; et préalablement ils ar-rachent toutes leurs planches à- la -fois ,et les laissent sur place en tas , couvertes .1de fumier sec , d'où ils les retirent peu àpeu , à mesure qu'ils veulent les faireblanchir.

Dans toutes ces situations elles pous-sent leurs feuilles qui viennent blanches,et qui sont bonnes à couper un mois après :il en repousse d'autres successivementpendant tout l'hiver ; mais ceux qui lesfont blanchir pour vendre, se trouvantobligés, par l'usage établi ici , de vendrela racine avec la feuille , n'en tirent que cepremier profit. On doit être en garde con-tre les rats et les mulots qui mangent lafeuille à mesure qu'elle pousse.

Lorsqu'on veut en recueillir de la grai-ne , on en laisse une planche , plus oumoins , qui passe l'hiver sans aucune pré-caution , à moins que les gelées ne soientexcessives, et lorsque les planches ontfait leur montant qui s'élève à sixpieds et plus , on les lie de gros en grosà quelques échalas pour les garantir desvents : la graine est bonne à recueillir aumois de septembre ; elle vient à la sui:-

CITAPITnE XXV. 361te d'une fleur bleue , et ressemble entout à celles des autres chicorées , à lacouleur près qui est un peu plus brune :elle se conserve le mime temps que lesautres.

On observera que la seconde espèce dé-génère beaucoup pour la panache , et onne doit réserver pour graine que les piedsles plus panachés, en arrachant les autres.

CIIAPITRE XXVI.

Description du Ch 0 u; ses di . • érentesespèces, ses propriétés , sa culture ,etc.

LE chou est, de toutes les plantes po-tagères , la plus rustique et la plus facileà élever, à l'exception du chou-fleur quidemande de grands soins ; c'est aussi unede celles qui font le plus de profit dans lesménages de campagnes.

Sa tige , sa feuille, sa grosseur, sa for-me et sa couleur varient considérable-ment suivant les espèces ; on ne sauroitpar conséquent en faire une descriptionen général ; je la ferai de chacune en parti-

culier, à mesure que je caractériserai leursqualités et leur culture.

Elles se multiplient toutes de grainequi est ronde et menue brune ou rou-

Q 4

D 17 C ii 0 ti.gcâtre , suivant l'espèce; cette graine sèrecueille sur les pieds qu'on a conservéspendant l'hiver , et qu'on replante auprintemps, ou sur ceux qui peuvent résis-ter en pleine terre pendant cette saison :les têtes qui s'ouvrent , et auxquelles onaide au besoin en les fendant en croix ,poussent une tige garnie de beaucoup derameaux chargés (le fleurs dans tonte leurlongueur ; ces fleurs sont disposées entrois à quatre pétales jaunes ou blancs,

:. uiva.nt l'espèce -' le calice est partagé en

quatre parties , d'où il sort un pistil quise change en une silique longue , me-nue et cylindrique , divisée en deux lo-ges par une cloison mitoyenne, garniedes deux côtés de petites fossettes rem-pliés de graines : on coupe les pieds dèsque les premières siliques commencentà s'ouvrir, et on les laisse débout expo-sés au soleil ou étendus sur un drap , jus-qu'à ce que toutes les tiges soient sèches,et que la graine se détache presque d'elle-même ; cette graine bien sèche et bienaoûtée , se conserve bonne huit ou dixans. .

Les usages qu'on fait du chou dans lacuisine , sont familiers et journaliers ; onle mange à la soupe , et apprêté , soit aubeurre, soit à la graisse , soit avec le petitsalé : j'entends certaines espèces , tellesque les c: - ,eux pommés et les choux de

CHAPITRE XXVI. 363Milan ; on le mange de même en ragoûtavec le pigeon , les queues de mouton etautres viandes ; on le farcit , on le cuità la broche , on le mange confit : c'est undes légumes enfin qui s'allie le mieux avecles viandes , et dont il se fait le plus deconsommation en tout pays.

On est peu d'accord sur ses bonnes etsur ses mauvaises qualités ; le goût plaîtau plus grand nombre, c'est ce qu'on peutdire de plus certain. Les Romains en fai-soient si grand cas , qu'il a été pendantcinq à six cents ans , non seulement leurmets favori , mais aussi le remède à tousleurs maux ; et on l'appeloit la médeci-ne du grand Caton , parce qu'il avoit pré-servé sa famille de la peste. Nous apre-

nons même par Pline , que Chrysippe ,Dieuctres , Pythagore et Caton, avoientcomposé des volumes entiers sur le mé-rite de ce légume ; il est vrai que la con-noissance- des plantes n'étoit pas aussiétendue alors qu'elle l'est aujourd'hui ;peut-être aussi que leur peu d'émulationpour la culture des jardins, les attachoità celle-là qu'ils voyoient croltre presquesans soin , au défaut d'autres meilleuresqu'ils ne connoissoient pas, ou qu'ils nesavoient pas élever. Quoi qu'il en soit ,cette plante n'est pas regardée sur notrehorison comme bien saine ; et le préju-gé est tel au contraire , qu'on est en usa-

364 Du Criou.ge dans la plupart des cuisines , de fairebouillir les choux dans une première eaupour leur faire jeter leur suc prétenducieux, avant de les mettre dans le bouil-lon ou autrement ; et si on en juge parl'odeur qu'exhale l'eau et la plante mê-me , lorsqu'elle commence à se corrom-pre , on ne sauroit qu'être prévenu con-tre elle. Toute espèce de chou est dumoins reconnue , par la plus grande par- ilie des médecins , pour être venteuse etindigeste ; ils prétendent d'ailleurs qu'ilnourrit peu, et qu'il produit des sucsgrossiers et propres à former une bile noi-re ; ce qui leur paroit démontré par lesrots puans et désagréables qu'il excite :ils assurent de plus , qu'il distend l'esto-mac, porte des fumées à la tête , émous-se l'esprit et trouble le sommeil ; cepen-dant la nature des tempéramens et l'ha-,bitude décident ordinairement de son-bon ou mauvais effet. Beaucoup de na-tions , telles que les Allemands et lesHollandais, s'en nourrissent la meilleurepartie de l'année, et n'en éprouvent au-cune incommodité ; d'autres ne sauroienten manger qu'ils n'en souffrent : chacun'doit se connoître , et agir en conséquen-ce. J'observerai néanmoins sur cela , quedans le grand nombre d'espèces que nousavons , il s'en trouve de plus sains lesuns que les autres : le climat et le terrain

CHAPITAtE )( XVI. 36$peuvent aussi influer sur leur qualité ;l'effet qu'on en ressent doit déterminerle choix.

Outre ses propriétés pOur l'usage del'homme , il sert encore de nourriture àdifférens animaux ; cuit et mêlé avec leson , il engraisse les cochons; on le don-ne aussi aux vaches , aux lapins privés età la volaille , quand il est cuit , particu-lièrement aux canards et aux pouletsd'Inde.

Ses vertus dans la médecine sont aussiéquivoques qUe la question s'il est sainou non ; j'en excepte pourtant le chourouge, dont je parlerai séparément : lesuns prétendent qu'ils relâchent , et d'au-tres qu'ils resserrent, parce qu'ils distin-guent son suc nitreux ammoniacal quiprOduit le premier effet, d'avec la subs-tance terreuse et astringente qui opèrele second : quelques- uns assurent queson suc pris en breuvage , est bon contrela morsure des vipères , et que sa feuillesoulage des douleurs de la goutte , étantappliquée sur les pieds; d'autres préten-dent qu'il arrête les tremblemens desmembres, et que son fréquent usage estfavorable à la vue. Jin auteur estimé as-sure avoir vu une femme dont les mainsépient couvertes de verrues, qui se dis-sipèrent en quatorze jours , en les frot-tant fréquemment avec le suc d'un chou e

Q 6

;66 nu CHO u.qu'elle laissoit sécher dessus sans les es-suyer ; un autre rapporte que les feuillescuites dans du vin , sont souveraines pourles ulcères et la lèpre ; un autre enfin ,grand partisan de cette plante , prétendque les urines de ceux qui en mangent ha-bituellement , guérissent les fistules , lescancers , les dartres , et autres maladiesde cette espèce ; mais tout cela n'est pasétabli bien solidement ; et nous avons as-sez d'autres plantes , sur la vertu desquelleson peut mieux compter dans ces sortes decas. Je n'ai trouvé d'unanimité de senti-mens que dans la propriété de sa graine ;qui , étant concassée et prise dans un bouil-lon augmente le lait des nourrices , et fartmourir les vers. Quoi qu'il en soit, il n'ya aucun risque à éprouver ses prétenduesvertus au besoin, surtout quand on setrouve au dépourvu d'autres remèdes ouqu'ils n'ont pas eu l'effet desiré.

On prétend qu'il y a plus de cinquan-te espèces différentes de choux ; mais jecrois que la plupart sont dégénérées desvéritables , et que la différence des cli-mats et des terrains peut aussi occasion-ner en partie les changernens qu'on y ap-perçoit : je ne veux pas dire cependant ,qu'il ne puisse y avoir dans les climatséloignés de nous , quelque espèce parti-culière qui ne nous soit pas connue ; maisde tout ce qui est venu jusqu'à nous, je

CHAPITRE XXVI. 367ne connois d'espèces bien distinctes etbonnes , que celles que je qualifierai ci-après.

Je dirai d'abord quelque chose de leurculture en général, me réservant de di-re ce qui est propre à chacune en parti-culier , en en donnant la description. Onles sème en différentes saisons , et celasera expliqué en son lieu ; mais en ce quiregarde leur plantation , quand ils sontbons à mettre en place, la manière estdifférente , suivant les pays : la plus or-dinaire est de se servir du plantoir ; d'au-tres ouvrent la terre avec la bêche qu'ilspoussent devant eux pour faire un jourentre l'outil et la terre , et glissent la ra-cine du chou devant , en laissant reve-nir la terre dessus , qu'ils plombent un

:peu avec le pied ; d'autres font de peti-tes tranchées de huit pouces de profon-deur , qu'ils remplissent à moitié de fu-mier , et ils y couchent la racine deschoux au lieu de la mettre à pied droit ,de manière que le coeur se trouve pres-qu'enterré : dans les pays où on en faitde grandes plantations , comme aux en-virons de Saint-Denis et d'Aubervilliers ,et dans l'Alsace principalement , on lesplante à la charrue; ils réussissentde toutesfaçons, et il est rare qu'il en périsse : cha-cun suivra celle qui lui plaira le mieux.

L'essentiel est que la terre soit bonne

z.

368 DU CHO U.et bien fumée : le sable ne leur convientnullement ; et ceux qui n'ont pas d'autrefonds, doivent au moins suppléer à son dé-faut à force de fumiers et d'arrosemens ;et malgré cela , ils ne doivent jamais espérerde grosses pommes.

A l'égard des distances , c'est suivantl'espèce du chou et suivant la saison oùon le plante , qu'elles doivent se régler ;les premiers qu'on met en place aux moisde mars et d'avril, doivent titre plus écar-tés, quoique de même espèce que ceuxqu'on plante en juillet et aout , parce queles jours qui précèdent sont plus beauxque ceux qui suivent , et que les plantesprennent plus de force ; mais enfin , lemoins qu'on puisse leur donner , c'est dix-huit pouces.

On doit observer encore de ne les se-mer et replanter que lorsque le vent est aumidi ou au levant ; placés ailleurs, ilssont sujets à monter en bonne .partie ;l'expérience en a convaincu tous ceuxqui font commerce de ce légume : je nerépéterai pas ce que j'ai dit ailleurs à cesujet.

On doit aussi prendre garde que leplant ne soit ni trop jeune ni trop vieux,et qu'il n'ait pas souffert : dans le pre-mier cas , les insectes le dévorent souventn'ayant pas assez de force pour résisterà leur attaque ; et dans le second il ne

CHAPITRE X X V I. 369fait que languir et mon te ordinairement,ou demeure noué.

Il faut choisir un temps de pluie, au-'tant qu'on le peut, pour les planter , moinspar la crainte de la sécheresse , à laquelleils résistent assez aisément avec le secoursdc quelques arrosemens , que par la raison.des lisettes qui s'y attachent dans le tempssec , les trouvant fannés et plus à leur goût,et qui les font avorter.

Aussitôt plantés , quelque temps qu'ilfasse , il faut les mouiller, et continuerde deux en deux jours , jusqu'à ce qu'ilssoient bien repris à l'exception du chou-fleur , comme je l'expliquerai à son ar-ticle ; on les serfouit ensuite , et on en-

tretient toujours la terre nette ; si quel-ques-uns manquent , on les regarnit ; etsi quelqu'un borgne , ce qui est assez or-dinaire dans les années pluvieuses , onl'arrache et on le replante ; cc terme deborgner , signifie un défaut dans le coeur ,qui l'avorte et l'empêche de former sapomme.

Les espèces qui nous sont les plus con-nues , et dont je vais faire la description ,sont :

Le chou-fleur. S de Saint-Denis.2 l e petit pommé 6 le pommé ordi-

,hâtif. mire.3 le petit frisé 'natif. 7 le blanc de Stras-

4 de Donneuil. bourg.

37o nu CHO u.8 le gros d'Allema- L4 le navet.

gne. is le brocoli.9 le pancalier. i6 le marin d'Angle-

10 à grosse côte. terre.11 de Milan. 17 le colsa.12 le brun. 18 le maritime.13 le rave. 19 le rouge.

Le chou-fleur, par où je commence ,est de tous les choux celui qu'on estimele plus avec raison , et dont tout le mon-de en général est empressé; il vient pres-

que également dans les pays froids com-me dans les pays chauds, en proportion-nant la culture au climat : l'Angleterreet l'Italie, qui sont à un degré si diffé-rent , en produisent d'excellens , et fontpreuve de ce que je dis ; il demande beau-coup de soins , et le détail en sera long sansque je puisse l'éviter.

Sa feuille est un peu dentelée , lisseet alongée presque pointue , sans aucunedivision , d'un vert ardoisé , et ses ner-vures blanchâtres ; sa tige est basse etsa pomme blanche : cette pomme qui sortdu centre, est un composé de plusieurs ti-ges épaisses , blanches et molles , quinaissent les unes des autres , et qui sontterminées par un groupe de fleurs , oupour mieux dire , de germes de fleurs ,qui, jusque-là, n'ont aucune forme dis-tincte; mais qui , dans la suite , se déve-loppent tout de même que la fleur des

CHAPITRE X' XVI. 371autres choux, quand on laisse monter lepied en graine : tous ces groupes sont réu-nis en masse, et ne forment ensemble qu 'unseul corps arrondi , dur, grenu, et pres-qu'uni en superficie.

Son principal mérite est d'avoir le grainfin, dur et blanc , et de venir gros; l'habi-

-leté consiste en même-temps à les faire debonne heure , et à les conserver long-tempsdes uns aux autres ; c'est en quoi nos ma-raîchers excellent : on en voit communé-ment dès le commencement de juin , et onen garde tout l'hiver , jusqu'à Pâques , ensorte qu'on en jouit pendant neuf à dixmois de l'année.

On le mange à la sauce blanche ou aujus , et c'est un plat d'entremets fort usité ;il se frit en pâte comme les artichauts ; ils'allie avec toutes sortes de viandes rôtieset bouillies , et sert de garniture dans beau-coup de ragoûts.

On en cultive trois espèces, le tendre 5le dur et le demi- dur; il y en a une qua-trième dont la graine vient d'Espagne ;elle est peu connue : son principal mériteest de ne porter son fruit qu'à la secondeannée, au commencement du printemps ;mais comme les hivers sont longs et rudesdans ce climat, elle est fort sujette à pé-rir ; et ceux qui l'ont éprouvé , s'en sontdégoûtés par-là. Il se pourroit que dansnos provinces méridionales, elle fût pré-

DU CHO U.'érable aux autres ; c'est une épreuve àfaire.

Le tendre , qu'on nomme autrement lehâtif, est en effet le plus printannier , maisil n'est pas le meilleur ; cependant, commeil réussit mieux que les deux autres dans lesannées sèches et dans les terres fortes etqu'on ne peut prévoir le temps qui arrivera,il est toujours à propos d'en élever une pe-tite quantité , si la terre lui est favorable;son défaut est d'être ordinairement mous-seux, et de monter facilement en graine.14se distingue du dur, en ce que sa tige estbeaucoup phis déliée; sur tout le restesa ressemblance est parfaite. Voici la ma-nière de l'élever.

On lesème sur couche à la fin de janvier •il lève en peu de jours ; et dès que ses oreil-les sont bien formées , on le repique assezépais sur une autre couché : au mois de mai ,on !c repique une seconde fois sur une nou-velle couche , et il n'en faut mettre alors que

qtruze à trente pieds sous chaque cloche,pour qu'ils puissent y demeûrer jusqu'à cequ'ils soient bons à replanter en place.

Dans toutes ces différentes situations , ilest très-important de leur donner de l'airautant que le temps peut le permettre , pourqu'ils s endurcissent , et ne s'étiolent pas ;et quand ils sont bien repris, c'est-à-dire ,douze à quinze jours après on les cou-che tout-à-fait.

CHAPITRE XXVI. 373C'est aux environs de Pâques, qu'il faut

les mettre en place à deux pieds de distan-ce en distance en tous sens, avec une poi-gnée de terreau dans chaque trou qu'onfait et qu'on évase un peu avec le plan-toir : ce petit secours fait qu'ils sont moinssurpris du changement de situation , etqu'ils reprennent plus facilement. La ter-

te doit avoir été préalablement bien fil-ée et labourée ; et lorsqu'elle est nou-

vellement défoncée ils s'en trouvent en-ore mieux.Les uns les mouillent fort légèrement

n les plantant, les autres point du tout ;ais tous s'accordent à les laisser pâtirne quinzaine de jours, après quoi on corn-

et-tee à les mouiller à une cruchée pouruatre pieds , de deux en deux jours , ou

r}e trois en trois : si le temps est un peu àl'humidité , et dès qu'ils se disposent à faire

-leur pomme , il faut doubler la mouillure ,c'est-à-dire , donner une demi-cruchée à

haqtie pied.Lorsqu'ils sont bien repris il faut les

siter exactement, et arracher ceux qui bor-gnent , qu'on remplace en même temps.

11 n'est pas moins ordinaire qu'aprèsêtre bien repris , il s'en trouve quelqu'unqui monte, surtout si on n'a -pas 'fait ré-gulièrement tout ce que j'ai observé : ilfaut en ce cas les arracher de même ; maislorsque la pomme ne commence à pare

374 Du CHOU.tre qu'un mois après , ou environ et qu'osla juge trop prématurée , ce qui s'annonceà la foiblesse du pied , il faut làire un petibassin autour , en laissant une petite buttede terre contre la tige , et y jeter une cruchée d'eau toute entière ; deux jours aprèsrecommencer , et le répéter une troisièm efois , après quoi on réduit cette mouillurta moitié , et suivant temps , on la donntdeux ou trois fois la semaine : le pied re-prend vigueur , et la pomme vient dans sigrosseur naturelle.

Lorsque la terre est sujette à se selleset à se fendre , il faut , chaque fois qu'orarrose , ou une fois la semaine au moins,donner une petite façon au pied pour l'é-mouver; l'eau pénètre mieux et le soleill'échauffe plus aisément.

Le chou-fleur dur se cultive différem-ment: c'est le meilleur à tous égards ; sapomme est plus grosse , son grain plus ser•ré, et il ne monte pas si facilement : ondoit par ces considérations en faire sonfonds capital.

On le sème de deux manières; les unsle sèment fort clair à la fin d'août , à l'a-bri du nord, dans des baquets remplis deterre et de terreau mêlés ensemble , qu'ilsont soin d'arroser à propos , et ils le lais-sent dans cette situation jusqu'aux gelées;ils les en ferment alors dans de grandes serrespendant tous les froids , et les remettent à

CHArtTrt E X X V I. 37Çr aussitôt que le temps se radoucit : leis de mars arrivé , ils les replantent ence, et les arrosent.Cette manière n'est pas fort usitée , parraison que souvent ce plant enfermés la serre, vient à jaunir lorsque lesers sont un peu longs , s'attendrit , etit ensuite quand on le met en plein air ;is si leur prison dans la serrre n'est pas

igue , et qu'on ait attention de sortirtemps en temps ces baquets , lorsqu'ilvient quelques beaux jours on peute sûr que le plant réussira bien , et qu'ilnera son fruit le premier : s'ils ont be-

n d'un peu d'eau , on leur en donne.règle est de n'en laisser dans un baquetdeux pieds de diamètre que cinquanteiron.La seconde manière de l'élever , quicelle de nos maraîchers, c'est de leer à la St. Remi sur couche , avec

t ention , quand il est levé , d'ôter lesc hes pendant le jour , lorsqu'il ne gèle

pour l'accoutumer à l'air, et de lesettre tous les soirs ; on le repique

suite sous cloches le long d'un mur bienposé , après avoir bien labouré et

r eauté la terre ; on en met vingt ougt - cinq sous chaque cloche , et on

serve de ne pas trop l'enterrer ; il suf-qu'il le soit autant qu'il l'étoit sur la

liche.

r . ; 76 D IT C H 0 v.Au bout de quatre ou cinq jours, or

donne un peu d'air aux cloches, si le tempsest favorable ; et huit jours après , on lesôte tout-à-fait pendant le jour pour les endurcir , mais on a soin de les remettre 1.(soir.

Lorsque le temps est à la gelée , il fautjeter un peu de litière sèche par-dessus lescloches , et augmenter la charge à pro.portion de la rigueur du temps.

On les laisse dans cette situation jus.qu'à la fin de février, auquel temps orles repique sur couche, et on les metun peu plus au large ; douze à quinz(sous chaque cloche suffisent. On les tientcouverts pendant quatre ou cinq joursjusqu'à ce qu'ils aient bien repris, et orleur donne ensuite un peu d'air , si ktemps n'est pas trop rigoureux ; huit joursaprès, on ôte entièrement les clochespendant quelques heures du jour, et tousles soirs on les remet ; car il faut qu'ilss'endurcissent à l'air,en même-temps qu'il:profitent.

Lorsque les plus grands froids sont passéson ôte tout- à-fait les cloches , et on bâtiun petit treillage Sur la couche, pour soutenir quelques paillassons qu'on jette dessinpendant les nuits seulement, à moins qu'ilne survienne encore quelque jour de geléou des giboulées, auquel cas on les tiecouverts,

CHAPITRE XXVI. 377On les laisse se fortifier dans cette si-

nation , jusqu'à la mi - avril , et on leseplante alors en place, espacés de deuxieds ou deux pieds et demi , si c'estne terre bien fertile ; je dis fertile eton pas forte , qualité de terre qui neonvient pas à cette espèce : on observey mettre un peu de terreau comme au

hou tendre ; et s'il s'en trouve de bor-nes, ou qui paroissent disposés à monter,n les rejette. On a attention aussi que le

pied soit enterré jusqu'aux premières feuil-les, en observant de même de ne les mouillerque fort légèrement, ou point du tout,et de les abandonner pendant quinzejours.

Quand ils sont bien repris, on com-mence alors à les mouiller médiocrementde deux en deux jours ; mais dès que lemois de mai arrive , il faut les mouilleramplement et régulièrement de deux endeux jours , tel temps qu'il fasse , à moinsqu'il ne tombât de grandes pluies ; carles petites ne doivent pas en dispenser :la bonne dose est d'en mettre une cruchéepour trois pieds , et il faut la jeter parla pomme , et non pas par la gueule ,comme font beaucoup de jardiniers , afinque les feuilles profitent de ce rafraîchis-sement aussi bien que le pied ; et que si

les ont reçu quelque mauvaise influencel'air, cette eau les puisse laver , et ena.

378 nu Cao u.pèche d'éclore les mauvaises semencesd'insectes, que les brouillards ou autresintempéries y apportent. Le puceron, le ti-

guet , qu'on nomme autrement la lisetteet la chenille , sont leurs grands ennemis ,et on n'y connoît de remède que de mouillersouvent : on peut cependant, à l'égard deschenilles, les chercher dans les feuilles ,et les écraser.

Quand ils commencent à grossir, il faut .

léur faire au pied , un petit bassin qui re-tient l'eau ; et si c'est en terre grasse , unpeu de grand fumier au pied leur est très-avantageux , il conserve la fraîcheur etempêche les terres de se seller.

Leur pomme enfin se trouve bonne àcouper au mois de juin si la saison s'esttrouvée favorable , je veux dire un peutendre; et si on s'en trouve une trop grandequantité à la fois qu'on ne puisse pas con-sommer, il faut les arracher avant que lapomme soit tout-à- fait à sa perfection 5et les enterrer jusqu'au collet dans un en-droit frais , la tête penchée , et près à près ;ils achèvent de grossir , et s' entretien-nent bons assez long-temps : sans cetteprécaution, ils montent en graine, et onen perd beaucoup.

Il faut , dès qu'ils commencent à don-ner , marquer ceux qu'on veut garderpour graine , et choisir les plus beaux ,qu'on doit continuer d'arroser de deux en

deux

CHAPITRE XXVI. 379deux jours , jusqu'à ce que les siliquessoient bien formées, après quoi on peut

,les oublier ; souvent. le puceron s'y atta-che , et les fait périr : il faut , dès qu'orts'en aperçoit couper avec des ciseaux ,.

- et jeter au loin les branchas qui en sontinfectées , et arroser plusieurs jours deT.

Suite toute la tige , après le coucher dusoleil.

On les arrache au mois de septembre ;quand les premières siliques commencentà s'ouvrir , et on les range debout le longd ' un mur, pour achever (le sécher ; maison observera, si on est en terre froide ethumide, et sur-tout dans les climats unpeu froids, de placer au pied des murs dumidi, les pieds qu'on destinera pour graine;car souvent elle a de la peine à mûrir, et

réflexion du mur l'aide beaucoup. Maisl'égard du chou tendre , la graine s'en re - ,eille bien plutôt, et plus sûrement , sans'il soit besoin de prendre la précautione je dis : observez de la couper le matin

rosée.L'opinion la plus générale est que laaine est d'autant meilleure , qu'elle estus vieille ; je ne déciderai pas sur cela ,

car je connois beaucoup de maraîchers•qui préfèrent celle de deux ans il celle de-quatre et six ; quelques -. uns même - la 'sè-ment la même année qu'ils la recu lent -,,.

Tome 1. e

•••: .

SSO DU CHOIT.sans en avoir jamais apperçu aucun mau-vais effet.

Plusieurs sont dans un autre préjugé,que la graine de Malthe ou du Levant estmeilleure qu'aucune autre ; l'expérience ena démontré le faux à tous ceux qui fontprofession d'en élever: celle qu'ils recueil-lent eux-mêmes leur réussit beaucoupmieux ; et depuis nombre d'années , aucunn e s'avise plus d'en semer d'autre: les étran.gers mêmes, en bonne partie, en ont re-connu la différence, et la tirent actuelle-ment d'ici. Sa forme est ronde, de la gros-seur d'une bonne tête d'épingle, et sa cou-leur marron clair; on la juge bonne quandelle est bien pleine et sans rides.

11 faut avoir attention, tant à l'égard duchou dur que du chou tendre, de casserquelques feuilles à moitié, qu'on replie surla pomme, quand elle commence à paroi-tre ; cela la rend plus blanche et plus dure,empêche l'eau des pluies et des rosées dela gâter et de la faire pourrir, ce qui ar-rive souvent quand elle n'est pas couverte :

on observera encore de ne jamais les arro-ser dans le gros du jour ; on doit prendreson temps depuis le point du jour jusqu'àhuit heures ou depuis cinq heures jusqu'àla nuit.

Voilà ce qui se pratique pour ceux qu'oiveut avoir de bonne heure mais à l'égard

CHAPITRE XXVI. 38vde ceux qu'on destine pour l'automne etl'hiver, la culture est différente et beau-coup plus simple.

On sème la graine assez clair au moisde mai le long d'un mur placé au nordou au couchant ; on herse bien la terreaprès l'avoir labourée , et on jette par-des-sus deux pouces de terreau ou du crottinde cheval brisé : elle lève en peu de jours;mais quelquefois elle n'est pas levée ,qu'elle est dévorée par le tiquet : le remè-de, qui n'est cependant pas toujours sûr,est de poudrer dessus de la cendre qu'onmet dans un tamis à la rosée du matin , ous'il n'y a pas de rosée, on les bassine légè-rement ; ce qu'il faut continuer plusieursjours de suite, jusqu'à ce que les premiè-res feuilles soient sorties du coeur, pourlors ils résistent à cet insecte , qui a moinsde goût pour la feuille que pour les oreil-les, qui sont plus tendres. On laisse forti-fier le plant, sans autres soins que de lesarcler et mouiller souvent , jusqu'à cequ'il soit en état d'être replanté en placeon les conduit ensuite de la même façonque les premiers ; mais sur-tout, il faut lesmouiller copieusement dans les mois dejuillet et d'août : ils commencent à don-ner leur fruit en octobre, qui est d'autantplus beau, que l'été s'est trouvé un peupluvieux ; car les sécheresses lui sont très-contraires, et ils se succèdent les uns aux

R 2

382 DU CHOU.autres jusqu'en décembre : il s'en trouvemême une partie dans le nombre qui nepomme pas en place, et qu'il faut mettredans la serre où leur pomme se fait. Ce sontceux qui servent pour la fin de l'hiver.

Les précautions à prendre pour les en-fermer , sont de choisir d'abord un beaujour, quand il n'y a ni eau ni humiditésur les plantes ; et , pour plus de sûretéencore , on les pend en l'air par la racinependant un jour ou deux dans quelquelieu bien aéré. On leur ôte ensuite unepartie de leurs feuilles les plus basses, eton les enterre près à près jusqu'au colletdans des tranchées de profondeur conve-nable et dans un terrain de sable ; s'il esttrop sec, on le mouille un peu auparavant :on donne de l'air à la serre le plus qu'onpeut et quand les gelées surviennent, oncalfeutre portes et fenêtres ; ils font leurpomme dans cette situation, plus petite àla vérité qu'en plein air ; mais on est bienaise cependant de les trouver telles pendanttout l'hiver. Ils vont quelquefois jusqu'à

Pàques, quand la serre est bonne, et qu'onest exact à ouvrir les fenêtres dès que latemps s'adoucit.

Dans les mois de novembre et décem-bre , pendant lesquels ils sont encore enpleine terre , il faut de l'attention pour lespréserver des gelées qui sont quelquefoisassez fortes, en faisant porter de la gran-

CHAPITRE XXVI. 3S;de litière bien secouée au bord des quar-rés , pour les couvrir diligemment lorsquele temps menace, et à mesure que les pom-mes sont en état d'étre coupées, il faut lesporter dans la serre : on coupe les piedsau-dessous de la pomme ; on les dépouillede toutes leurs feuilles jusqu'à fleur de lapomme, c'est-à dire, on les coupe à fleursans les éclater, et on les range propre-ment sur des tablettes : ils se conserventbons , quoique coupés , pendant deux outrois mois ; mais il faut que la serre ait del'air et ne soit pas humide, sans quoi ilsmoisissent et pourrissent ; c'est la métho-de de nos maraîchers qui , n'ayant pas ,pour l'ordinaire , des serres assez vastespour en enterrer, s'en tiennent à conser-ver ceux dont la pomme est formée avantles grandes gelées , et abandonnent lesautres.

Il me reste à parler du chou demi-dur ;c'est une espèce qui tient le milieu entreles deux autres , et qui se sème dans lesmémes temps et de la même manière quele dur ; mais on peut également le semersur couche en janvier et février, et il setrouve bon entre les premiers et les der-niers il n'est pas tout-à-fait si parfait queles durs, mais il nlepas non plus le défautdu tendre , et il s'accommode mieux detoute sorte de terres ; il se soutient mieuxaussi dans les années soit pluvieuses, soit

R 3

384 DU Cno u.sèches, que ne fait le tendre ni le dur, quidemandent chacun une saison et un ter-rain différent comme je rai expliqué : ilest bois, par conséquent, d'en avoir decette espèce ; et je connois plusieurs ma-raîchers qui , après beaucoup d'expérien-ces des unes et des autres , s'en tiennent àcelle-là qui, du plus au moins, leur réussittous les ans, ce dont on n'est pas sûr avecles autres. La culture est la même que celledes durs, mais on observera d'en élever quisoient hâtifs, quand on voudra en recueillirde la graine. On les conserve aussi commeles autres.

Ce fruit se peut confire comme beau-coup d'autres , mais la précaution est peunécessaire dans ce pays où on le mangefrais pendant les trois quarts de l'année ;je dirai pourtant , en faveur de ceux quine jouissent pas du même avantage , lamanière dont on les conserve en Hollan-de , et autres pays du Nord. Après avoirnettoyé la pomme de toutes ses feuilleset avoir ôté les plus grosses peaux des co-

tons, on les coupe par tranches en lon-gueur, de l'épaisseur d'un doigt, et onleur fait jeter un bouillon dans l'eau bouil-lante où on a fait fondre un peu de selon les retire ensuite du feu , et on les metégoutter : quand ils sont ressuyés , on lesrange sur des claies au soleil, et deux joursaprès on les passe au four qui ne soit que

CHAPITRE X X V I. 38etiède ; on les y remet deux ou trois fois s'ilest besoin , jusqu'à ce qu'ils soient bien

et on les ferme ensuite sèchementsecs ,

dans des sacs de papier : quand on veuts'en servir , on les fait revenir dans l'eautiède pendant quelques heures , et on lesfait cuire ensuite à l'eau bouillante, danslaquelle on jette un morceau de beurremanié ; on leur fait après cela la saucequ'on juge à propos, comme s'ils étoientfrais.

Je passe à la description des autres es-pèces de choux. Le petit pommé, par le-quel je commence , est fort peu connu ;j'ai obligation à un curieux de m'en avoirdonné la connoissance l'année dernière : ilfait sa pomme trois semaines ou un moisplutôt que le Bonneuil , qui avait passéjusqu'ici pour le plus hâtif de tous leschoux-pommes. Sa feuille est ronde et pe-tite , fort lisse; sa couleur d'un vert d'eau ;sa tige assez basse , et sa pomme un peupointue , dure , blanche et tendre , de lagrosseur d'un petit melon des Carmes ,teinte en superficie de quelques ombresrouges. On m'a assuré qu'étant semé aumois d'août, et repiqué en octobre de lamême manière que les autres choux quipassent l'hiver , il résistoit parfaitementet se trouvoit bon à la fin de mai ; je lecrois fort possible, puisque ceux dont jesemai la graine sur c fiche en janvier se

DU CHOr.sont trouvés pommés en juin ; étant seméplus tard , il se conserveroit une bonnepartie de 1 hiver comme les autres , mais ,comme il ne leur est pas supérieur en qua-lité , et qu'il n'est pas aussi profitable parsa petitesse, on ne doit le considérer quepour sa primeur. Par les observations quej'ai faites , je juge qu'on ne doit le semerqu'après la Saint Jean , quand on veut engarder pour graine ; et du surplus, il faut leconserver pendant l'hiver avec les mêmesprécautions que les autres.

Le petit frisé hâtif est un peu plusconnu que le précédent , mais il n'estpourtant pas fort commun ; sa feuille estIrisée comme son nom le porte , d'unvert clair ; sa tige fort basse , et sa pom-me dure et blanche mais extrêmementp e tite. Il pomme ordinairement en qua-

inte jours , du jour qu'il est mis euplace ; ensorte qtiétant replanté à la finde mars, il se trouve bon au commen-cement de mai. C'est le plus hâtif detous les choux , mais il fait plus de plai-sir qu.c de profit , eu égard à sa petites-se. On peut le semer en août, et le re-piquer en octobre , avec l'attention dele couvrir pendant l'hiver ; mais semé enjanvier sur couche , et soigné à propos,il est tout aussitôt venu , et ne risquepas tant de périr. Pour en recueillir la,graine , il faut le semer après la Saint-

CHAPITRE XXVI. 387ean , comme je l'ai dit à l'égard du petit

pommé.Le chou de Bonneuil est après les

deux précéderas , le plus hâtif ; et s'il n'apas l'avantage de la primauté , il a celui

crêtre plus profitable , sa pomme étantconsidérablement plus grosse ; sa feuilleest grande , ronde et lisse, d'un gros vertun peu ardoisé ; sa tige basse , et sa pom-

- me un peu applatie , fort serrée et ten-dre ; il a encore le mérite de se conserverlong-temps sans monter et sans pourrir. Ilest bon ordinairement vers la Saint-Jean :on pourroit le semer en août sur terre ,ou en janvier sur couche, comme je l'ai ditdu précédent ; l'un doit s'entendre pourl'autre.

Le chou de Saint Denis , qu'on' ap-pelle autrement l'Aubervilliers, est celuidont il se fait le plus de consommationà Paris , pendant l'été ; sa pomme est

une belle grosseur, un peu pointue, fer-et blanche ; sa tige est fort élevée ,

et il jette quantité de feuilles qui sontd'un gros vert lisse. On le sème en deuxsaisons au mois d'août et an mois de mars.

'La première semence se doit faire à l'om-bre de quelque mur ou palissade , et serepique en octobre dans la même posi-

ton , pour y passer l'hiver : il demanded'être couvert avec attention et précau-

tions pendant les gelées c'est - à- direR s

3S DU CHOU.qu'on ne doit pas le couvrir trop tdtet qu'il faut lui donner de l'air toutesles lois que le temps peut le permettre;il faut prendre garde aussi que les cou-vertures laissent un peu d'air au-dessous ,et qu'elles soient soutenues par consé-quent sur un treillage ; car , quand ils'attendrit trop , il périt ensuite : si ons'est trouvé surpris par quelque gelée,il faut attendre que le soleil ait passédessus et l'ait dégelé 1 avant de le cou-vrir ; on le replante ensuite au mois demars, à deux pieds et demi ou trois piedsde distance en tous sens , et il se trouvebon à la fin de juin , étant le plus hâtifaprès les trois précédens : ces premiersdoivent être consommés pendant l'été. Laseconde semence se fait en mars, et four-nit pour l'automne et l'hiver ; mais , com-me il y a d'autres espèces meilleures , ilne s'en fait pas autant de consommationdans cette dernière saison : ce sont ceuxde cette dernière saison qu'on garde pourdonner de la graine l'année suivante, eton les conserve de la même manière queles autres choux-pommes, dont je parleraici-après.

Le chou-pomme ordinaire, qu'on ap-pelle cabu ou capu dans plusieurs provin-ces 9 et qui porte encore d'autres nomsparticuliers , est censé être de plusieursespèces dans l'esprit de beaucoup de jar-i

CHAPITRE XXVI. 3g9dinierS , parce qu'il est conformé de plu-sieurs façons différentes , les uns :e trou-vant effectivement plus ou moins gros,d'autres faisant leur pomme ou plate , ouronde, ou pointue ; la feuille se trouveaussi plus ou moins lisse et de couleur dif-férente; mais je crois pouvoir avancer quetoutes ces petites différences ne viennentque d'une dégénération de l'espèce , àquoi les changements de terrain et de cli-mat peuvent aussi contribuer. Je passedonc sous silence toutes espèces équivo-ques où je ne reconnois pas une diffé-rence notable, ou de forme, ou de goût,ou de hâtivité , comme dans ceux que jequalifie ici ; et je m'en tiens à dire que,pour être franc et bon, il doit être bas etgros de tige, peu garni en feuilles, sa pom-me applatie , dure et large, nuée de quel-ques ombres rouges sur la superficie ; lafeuille lisse, large et arrondie , d'un vertun peu bleuâtre ou rougeâtre, découpée,sinueuse, attachée à des queues courtesentre-coupée de nerfs, ayant la côte gros-se et blanchâtre : quand il est tel , on peutcompter d'avoir la bonne espèce. Il sesème en août et se repique en octobre ,à l'ombre, comme le précédent ; mêmessoins pour le conserver pendant les gelées:il commence à être bon en août , et celui-là doit être consommé avant l'hiver ; carquand il est trop gardé, la pomme crève

R6

39° DU CHO u,et la pourriture la gagne. On en sème aussien mars pour l'hiver , et celui-ci ne fait sapomme qu'en septembre et octobre , quis'ouvre de même, si on ne le prévient pas;la précaution qu'il faut prendre d'abord ,c'est de l'arracher à moitié , aussitôt quela pomme est bien formée : la nourriturelui étant coupée par-là en plus grande par-tie, la sève se trouve arrêtée , et le coeurn'a plus la même force pour rompre sonenveloppe ; il faut, quelque temps après,les sevrer tout-à-fait , et les arracher, sansquoi ils se fendent encore, et pourrissentà la suite. Pour les conserver , les uns lesportent dans la serre , et les rangent sim-plement debout les uns contre les autres ;d'autres les pendent au plancher par la ra-cine ; d'autres les enterrent : mais j'ai éprou-vé que de toutes ces façons ils retiennent unmauvais goût et se conservent moins quede la manière que je vais dire, qui est plussimple, et c'est la méthode d'Aubervilliers,où on les prolonge plus loin que nulle au-tre part.

Après avoir arraché vers la Toussaintstous les choux qu'on veut garder, et lesavoir dépouillés de leurs grandes feuilleson nettoie une place en plein air le longd'un mur exposé au nord ou au couchant.on les couche sur terre près à près avectoute la racine, la tête tournée au nord ;et quand il y en a une rangée de placée

CHAPITRE XXVI. 391on jette un peu de terre sur les racines :on recommence un autre rang à la suite,disposé de manière que les tètes touchentaux racines des premiers, et on continuede la même manière , tant qu'on en a.Lorsqu'ensuite les grandes gelées appro-chent, on les couvre avec de la grande li-tière sèche et bien secouée , et quand lesdégels arrivent, on les découvre. L'air na-turel dont jouissent de temps en tempsdans cette situation , les soutient mieuxqu'un air enfermé , et ils ne prennent pasde mauvais goût ; cependant passé Noël ,on n'en est plus empressé , ils perdent leurgoût en meilleure partie , et les choux fri-sés leur deviennent préférables avec rai-son.

J'observerai , à l'égard de cette espècede choux et de tous les choux-pommes ,qu'on doit en recueillir la graine avec desprécautions différentes des autres espèces ;l'expérience a appris aux gens d'Aubervil-liers , qui en font un trafic considérable ,que le même pied donnoit trois sortes degraine plus hâtive de quinze jours l'uneque l'autre : la tige du milieu qui mûritla première, et qu'on ramasse d'abord,donne la plus hâtive et la meilleure en mê-me-temps , et c'est celle qu'ils conserventpour eux ; les sommités des tiges collaté-rales qu'ils recueillent après , forment laseconde espèce et le suspius forme la /

392 nu. CHOU.troisième ; cela est utile à savoir et à pra-tiquer.

Le choublanc de Strasbourg n'est, à pro-prement parler , qu'un chou pomme régu-lièrement parfait ; cependant sa grosseurextraordinaire , et quelques autres quali-tés qui lui sont propres , lui méritent unrang à part. C'est le chou le plus communen Allemagne , et qui demande le moinsde soins ; car on y voit des plaines entièresqui en sont couvertes , et qui sont aban-données , pour ainsi dire , à leur bonnefortune : on les plante à la charrue dansun temps propre , et on les serfouit au be-soin; voilà toute leur culture : il faut direaussi que la qualité des terres leur est bienfavorable, et de plus on les fume réguliè-rement chaque fois qu'on en plante ; c'estordinairement de trois en trois ans. ll neréussit guère moins bien en France , quandles fonds sont bons et bien préparés , pour-vu qu'on ait toujours de la graine bienfranche et élitée , comme je l'ai expliquéà l'article précédent.

Sa pomme est plate et fort évasée , dureet blanche, et pèse jusqu'à trente et qua-rante livres ; il est bas de tige, et jette peude feuilles , qui sont d'un vert pâle et lisse.

On le sème ici au mois de mars , et onle replante à la fin de mai ; il se trouvebon en octobre , et se conserve fort avantdans l'hiver en y apportant les mêmes

CHAPITRE XXVI. 393précautions que j'ai stipulées pour le pré-cédent : On peut également en semer aumois d'août, qu'on repique en octobre,et qui passent l'hiver, en y donnant quel-ques soins ; ceux-là , remis en place aumois de mars, sont bons au mois d'août.

Lorsqu'on veut en recueillir de la grai-ne , on en replante quelques-uns au moisde mars, qu'on conserve pendant l'hiver,de la même manière que j'ai dit ci-dessus.

C'est avec cette espèce de chou que lesAllemands font la Saur - kraucit , tant esti-mée chez eux ; ce mot signifie chou aigre.Tous ceux qui ont un peu voyagé connois-sent ce mets si commun chez eux ; ils enfont leur nourriture pendant tout l'hiver ,cuit avec le petit salé, des saucisses oudu mouton: il est fort peu connu en Fran-ce; cependant, comme il se trouve biendes particuliers, surtout dans le militai-re, qui s'y sont accoutumés dans les sé-jours qu'ils y ont faits , je dirai pour leurutilité, la manière de faire cette espècede coi.fiture , qu'on peut faire égalementici, et aussi bien qu'en Allemagne.

Dans le pays dont je parle , oû il s'enconsomme beaucoup, on a des instrumensfaits exprès , qui en taillent plusieurs têtesà-la- fois , avec une vitesse incroyable ;mais à défaut de ces outils que nous n'a-vons pas, il faut se servir de quelque cou-teau dont la lame soit large et mince, dis-

394 DU CHOU.posé à-peu-près comme ceux dont se ser-vent les boulangers pour couper 'leur pain ;on place le chou sous le couteau qui estretenu en place par un bout, et on le cou-pe par tranches aussi minces qu'on le peut;on doit préalablement avoir préparé untonneau plus ou moins grand , suivant laquantité qu'on veut faire , et s'il a servi àdu vin , il faut le laver avec de l'eau chau-de dans laquelle on aura fait bouillir desfeuilles de fenouil, de pêcher ou de noyer:ce vaisseau se trouvant bien lavé, on y jet-te les choux à mesure qu'on les coupe; etun jeune homme , après s'être aussi lavéles pieds , entre dedans, et les trépigne leplus également qu'il peut dès qu'il y ena six pouces 9 on les couvre d'un petit litde sel , avec quelques grains de genièvre ,et on continue de six pouces en six poucesde mettre un lit de choux et un lit de sel ,mêlé toujours d'Un peu de genièvre , jus-qu'à ce qu'il soit plein et un peu comble :on étend ensuite par-dessus quelques gran-des feuilles de choux bien choisis , et surces feuilles on pose un couvercle de bois,fait exprès , suivant le diamètre du ton-neau, qu'on charge de grosses pierres ,pour affaisser les choux de plus en plus :cette double pression qu'ils éprouvent,leur fait rendre une eau qui doit surnagerpar-dessus , et il est nécessaire qu'elle sur-nage sans quoi il faudroit y aider, en je-

CHAPITRE XXVI. 39;tant un peu d'eau naturelle : on le laisseen cet état , et bientôt après cette massede choux s'échauffe , bout et jette uneécume qu'on retire. Au bout de six se-maines , on ôte les feuilles de choux quiles couvrent, de même que ce qui a chan-ci sur la superficie , et on met à la 'placeun linge blanc , sur lequel on remet tou-jours le couvercle de bois et la charge depierre. On peut commencer dès-lors d'enfaire usage , et jusqu'au dernier lit il fauttoujours remettre la même couverture : ilsse conservent bons tout l'hiver , et au-de-là. On peut faire en petit la même choseque je viens de dire en grand, c'est-à-dire,en faire une moindre quantité dans un pe-tit vaisseau, soit de bois soit de terre -en observant les mêmes précautions, pourque les choux soient bien pressés et quel'eau surnage. Ceux qui craignent la tropgrande aigreur de ce chou, peuvent, ausortir du vaisseau , les faire tremper quel-ques heures dans de l'eau fraîche ; ils yperdent la plus grande partie de cette ai-greur. La saumure de ce chou, au rapportd'un grand médecin , est souveraine pourguérir les inflammations naissantes de lagorge et pour les brûlures également.

Le gros chou d'Allemagne , que les Al-lemands appellent Centrer - kraudt , quisignifie chou de cent livres est un chou

onstrueux comme son nom l'annonce •

396 DU CHOU.il pèse effectivement jusqu'à cent livres;et un homme digne de foi m'a assuré enavoir vu un qui en pesoit cent quatorze.Je ne l'ai jamais cultivé , et je n'en parleque sur des relations; mais trop de gensme l'ont confirmé , pour en pouvoir dou-ter raisonnablement. Sur le portrait qu'onm'en a fait, la pomme n'en est pas aussiserrée que les autres espèces par la rai-son qu'il a la côte extraordinairementgrosse , ce qui l'empêche de se cdelferparfaitement ; sa feuille extérieure estd'un gros vert , lisse , précédée d'une lon-gue queue un peu rougeâtre. On le sème ,dans son pays naturel , au mois d'aotit ,et on le conduit pour le surplus, comme onle pratique ici pour les autres Choux-pom-mes. On en fait moins d'usage pour lanourriture des hommes , suivant ce qui'm'a été dit , que pour celle des animaux ,à quoi il est très-utile pendant l'hiver : cen'est pas pourtant qu'il ne soit assez bon ;mais il y en a de meilleurs , auxquels ondonne la préférence.

Le chou pancalier a la feuille verte etfrisée, la côte fort grosse, tendre et moël-

leuse , qui se mange comme celle deschoux à la grosse côte. 11 ne fait presquepas de pomme : on doit le préférer à beau-coup d'autres dans les pays froids et mon-tagneux , parce qu'il résiste parfaitementaux gelées et aux neiges qui l'attendris-

CHAPITRE XXVI. 397t au lieu de lui nuire ; on le sème en maitôt ou plus tard , suivant les climats.

Le chou à la grosse côte est de deux es-ces , le blond et le vert : ils sont con-rmés également ; mais ils différent en

ouleur et en qualités : le blond a la feuille!xtrèmement jaune et l'autre l'a verte. Le

remier est le plus tendre et le plus déli-! st, quand il a souffert quelques petitestees ; niais il périt souvent dans les gran-s : le second est moins parfait , mais iliste à tout et demande même d'être at-

ridri à force de gelées : cette épreuve les_lui l'un et l'autre d'une bonté parfaite ;s sont fondants et d'un goût plus tin queus les autres , surtout lorsqu'on les

rend au moment que la glace est sur lesailles : on les met tous gelés dans la mar-

=mite , et en une demi- heure ils sont cuits ;sin les y laisse plus long-temps, ils tombent

bouillie.Leur tige est assez basse , leur feuille

paisse et ronde , la côte grosse et blanche ;Is font une petite pomme , quand il sont

lantés de bonne heure ; mais , comme onstime plus la feuille que le cœur , on nee presse pas de les avancer : c'est ordinai-

rement à la S.-Jean qu'on les sème, et onles replante en août ; on peut même, dans

s terres lég.t . -1-es , en planter jusqu'à lar-septembre , si on n'a pas de place videutôt; mais ils ne viennent pas si forts,

398 DU CHO U.Lorsqu'on veut réserver de l'espèce

blonde pour graine , il faut en couvrirquelques pieds pendant les gelées , ou lesporter dans la serre ; l'autre n'a besoind'aucune précaution, à moins que l'hiverne se trouve bien long et bien rigoureux.

Le chou de Milan , qu'on nomme autre-ment chou frisé, est le meilleur au goût,et le plus délicat de tous les choux en tou-te saison ; beaucoup de particuliers n'élè-vent que cette espèce , tant pour l'été quepour l'hiver, et je lui rends la justiqu'il mérite cette préférence.

ll y en a cinq espèces bien distinctesqu'on subdivise encore en plusieurs autres,mais qui ne sont que des espèces dégéné-rées de celles-là.

Le premier , c'est le petit chou nainfrisé, qui fait sa pomme presqu'à fleur deterre , et très-petite ; sa feuille est d'ungros vert extrêmement frisée ; sa pommeest ronde , dure et jaune , fort tendreet qui cuit très-promptement : si on veut

avancer, on le sème sur couche en fé-vrier , et il est bon à la St.-Jean , quel-quefois plutôt. On sème les seconds enavril, qui sont bons en août et les der-niers en juin , qu'on destine pour l'hiver;pour les conserver pendant cette saisonde rigueur , on observe les mêmes pré-cautions que j'ai marquées pour le chou-pomme. Cette espèce fait ordinairement

CHAPITRE XXVI. 399g pomme en quarante jours , du jour;t'elle est en place.La seconde espèce , c'est le frisé poin-

t, nommé autrement la ale longue ; sa'euille est d'un beau vert , extremement

:loquetée , et fort alongée , assez bas de>Ise , et de médiocre grosseur : sa pom-

e est formée comme un oeuf , jaune ,tendre , et d'un goût parfait , mais elle?est pas bien serrée; il est plus délicat

iussi à la gelée : il faut beaucoup d'atten-ion pour le conserver pendant l'hiver.n le sème en différens temps, commespèce ronde, pour en avoir en difié-

ntes saisons.La troisième espèce, c'est celui qu'on

appelle le chou frisé court ; il est très-basle tige ; sa feuille est fort cloquetée , as-

lez ronde , d'un vert bleuâtre ; sa pom-e très-serrée , de moyenne grosseur; onut le semer en différens temps , commeprécédent, et on le gouverne tout de

éme.La quatrième espèce , c'est le petitou de Milan , dont la tige est égale-nt basse , sa feuille très-frisée, et d'unau vert qui ne change point , sa pom-e dure et de moyenne grosseur; il est

peu délicat à la gelée, et sa pommeive aisément, mais par contre , il estrt tendre et fort bon : il faut le leverbonne heure , pour en jouir pendant

400 D U C II 0 u.l'hiver ; même soin et métre conduit,qu'aux précédens.

La cinquième espèce s'appelle le chu,de Milan à grosse tête ou le gros chode Milan tout court ; sa feuille est d'ugros vert , frisée grossièrement ; sa tigest élevée , et il jette une quantité dfeuilles ; sa pomme est plus grosse du dot

ble que celles des deux précédens, foiserrée, niais moins délicate à mangerpar contre c'est un des choux qui rési!tent le. plus aux mauvais temps ; il fautldestiner particulièrement pour l'hiver, d'attant plus que la gelée l'attendrit : on le prÉ

fère aussi pour la primeur, parce qu'étatsemé en août et repiqué en octobre ,passe l'hiver plus facilement qu'aucun autre , et se trouve bon au commencement djuillet. Dans les pays froids , il convierparfaitement.

Le chou brun qu'on nomme autremerpyramidal , est une des espèces que leAllemands estiment le plus pour l'hiveril .n'est ni si connu , ni si prisé en Fritce : je connois au contraire plusieurs particuliers qui les ont reformés de leur jarclin , après en avoir élevé ; mais je peudire qu'ils n'en ont pas connu le filÉrite qui dépend de la manière de kassaisonner, et du temps propre à les manger : ils ne sont bons , l'avoue, qu'aprique la gelée a passé dessus 7 et qu'au

CHAPITRE XXVI. 401tant qu'ils ont bien pris le suc des vian-

des , avec lesquelles ils sont particuliè-rement bons ; le jumbon et le petit saléleur convient mieux qu'aucune autre ;mais au défaut , le mouton est encorebon , mêlé de quelques saucisses ; et onprend garde qu'ils ne soient pas tropcuits, ce qu'il est aisé d'éviter, en fai-sant cuire les viandes à moitié avant deles mettre. Il est vrai encore que ce n'estpas un mets fin pour les gens délicats ;mais le gros des hommes qui préfère lesi mple et le naturel à tout l'artifice de lacuisine, ne doit pas être indifférent à ce-lui-ci, qui, dans sa simplicité , a un su-cre et une saveur distinguée. Il a l'avan-tage de plus, de se conserver tout l'hiveren pleine terre, et de servir encore utile-ment pendant le Carême, soit pour les sou-pes, soit en salade, soit fricassé au beurre;on lui coupe le coeur après l'hiver, et lesrejetons poussent plutôt et en plus grande

uantité.Ce chotr ) forme une tige de trois pieds

nviron, fburnie dans toute sa longueur,e feuilles extraordinairement frisées, fran-ées et plissées par onde; et des aisselles

de chacune, il sort un rejeton sembla-le au brocoli; c'est ce rejeton qui se

l 'ange . : il ne se forme aucune pomme à

Il y en a de deux espèces; l'une a la

402 DIT CHOU.feuille verte , et l'autre violette ; ils nediffèrent que par-là. Le violet est le plusestimé quoique tous les deux soient bons,et il se conserve mieux. Je trouve pourtantplus de sucre dans le vert.

On les séme sur terre en mars , et onles replante en juin , à deux pieds de dis-tance en tous sens ; la terre doit êtreparticulièrement bonne et bien fumée :ils demandent aussi d'être souvent arrosés.

Quand on veut en recueillir de la grai-ne , on en laisse quelques-uns en place ,sans aucune précaution ; ils résistent àtous les mauvais temps , et fleurissent auprintemps.

Le chou-rave, qu'on nomme autrementchou de Siam , est une espèce qui , parson goût, la forme de sa pomme et deses feuilles tient autant de la rave quedu chou ; j'entends de cette espèce derave si commune aux environs du Rhô-ne : il ne forme point ou peu de ti-ge ; ses feuilles découpées comme cellesde la rave , sont rassemblées autour du

coeur ; et au-dessous de ce groupe de feuil-les , se forme la pomme qui est ronde ,un peu applatie , rougeâtre , en quelquesplaces , écaillée et de la grosseur d'uneboule à jouer : cette pomme est pleineet charnue comme une rave effective ,blanche do. même , et sert aux mêmesusages soit pour la soupe, soit en hari-

cot

CHAPITRE XXVI. 403- cot avec le mouton ; on la mange aussi

à la sauce blanche , et c'est un fort bonlégume, quoiqu'il n'ait rien de fin : il segarde tout l'hiver dans la serre , commeles betteraves et autres racines, et il estd'autant meilleur, qu'il a été quelquetemps enfermé. On le sème sur la terreau mois d'avril, et on le replante aprèsla S. Jean : lorsqu'il est planté plutôt , lapomme est sujette à se durcir et à secorder ; il faut le mouiller au besoin pourle rendre tendre. On peut commencerd'en couper au mois de septembre; mais

1b rsqu'on veut en recueillir de la graine,

our en jouir l'hiver, il faut les laisserur pied jusqu'aux grandes gelées : onoupe alors toutes les pommes, on éclatees feuilles qui y tiennent , et on les met

'mplement en tas sans les enterrer; mais

il faut en enfermer quelques-uns avecleur racine, qu'on remet en terre ,au

ois de mars.Le chou navet ressemble en beaucoupchoses au précédent; sa feuille est pres-

e toute semblable; il ne fait point dee, et toutes ses feuilles sont ramas-

'es autour du coeur à fleur de terre :n fruit a le même goût; mais au lieu

le croître à l'air, il se forme en terremrnme un véritable navet : il vient de la

fosseur d'une bouteille, d'une forme ir-

t ulière , mais plus ronde que longue :Tome I. S

404 DU CHO U.sa peau est fort dure et fort épaisse;il faut l'ôter à l'épaisseur de deux écusquand on veut s'en servir. On l'emploieaux mêmes usages que le précédent , eton le cultive tout de même : ce que j'aidit pour le premier , servira pour celui-ci ; j'observerai seulement qu'il est unpeu dur à cuire ; il demande d'être long-temps sur le feu et de bouillir à grandeeau. On en fait beaucoup de plantations enquelques contrées de l'Allemagne, poufnourrir les bestiaux pendant l'hiver; maisnos raves dont on se sert de même sontd'un plus rand profit, parce qu'il en croîtsix dans 1 espace de terre qu'occupe urde ces choux, et elles ne demandent au.cun soin.

Le chou qu'on nomme brocoli, est dtdeux espèces. L'un a la feuille d'un grovert, frisée et bouclée comme celle digros Milan mais alongée comme celle dtchou-fleur ; il s'élève de deux ou troipieds et des aisselles de chaque feuille isort un drageon qu'on nomme broque equelques contrées de la France ; c'est cdrageon qu'on coupe à un certain point dforce, et qu'on mange soit à l'huile, soau beurre, ou cuit avec certaines viande:On le sème au mois de mars, et on petcommencer d'en faire usage au mod'août jusqu'aux gelées, qui le font périà moins de 4.e conserver avec des précat

CHAPITRE X X V I. 405'ti0hS qu'il ne mérite pas infiniment, carc'est un manger fort commun. On donneaussi le nom de brocoli à tous les rejetonsdes choux pommés ou frisés , dont lespieds ont resté en terre pendant l'hiveraprès, avoir coupé les pommes, et qui re-poussent au printemps; ils ont leur méritepour certaines gens dans cette premièresaison , mais ils n'ont que le goût ordi-naire du chou.

Le véritable et le bon brocoli, c'est ce-lui dont les Italiens font cas avec raisonil fait une pomme comme le chou-fleur,avec cette différence qu'elle est violette ,et que le grain n'st pas, à beaucoupprès, si fin ni si serré; la tige s'élève àdeux pieds environ, et de chaque feuille;il sort un rejeton qui est terminé de mêmepar un bouquet de graines de même espèceet de même bonté que la mère pomme ;et, comme il arrive assez souvent qu'il nes'en forme point de bien décidée dans lemilieu, c'est-à-dire, que toutes les côtess'ouvrent et s'écartent au lieu de demeurerréunies, les rejetons sont en ce cas bienplus abondons et mieux nourris ; la feuilleest découpée profondément du côté de laqueue , et arrondie à l'extrémité, d'un vertassez foncé, et peu frisée.

Ce légume se mange cuit en saladechaud ou froid au gcût d'un chacun : onle met aussi dans la soupe ; en observant

S 2

406 nu Cxa v.de ne le mettre dans la marmite qu'unquart d'heure avant de le retirer; car pourpeu qu'il cuise trop, il se réduit en bouil-lie; il faut le veiller comme l'asperge : onl'apprête encore à la sauce blanche : detelle façon enfin qu'on le veuille manger,il est délicieux, délicat, tendre, et porteavec lui un petit parfum qui le rend préfé-rable au chou-fleur dans toute l'Italie quiest son climat le plus favori.

Il est peu connu en France, et on n'envoit nulle part dans les marchés publics,mais les particuliers qui le connoissent sefont un grand plaisir de le cultiver; et quandil est élevé avec soin, il vient aussi beau etaussi bon qu'en Italie ; j'en ai bit l'épreuveplus d'une fois.

On le sème en deux saisons, pour enavoir tôt ou tard : en mon particulier, jesuis, pour les premiers, la manie méthodeque pour les choux - fleurs hâtifs , queje ne répéterai pas : on sème les secondsau mois d'avril, et ils se conduisent commetous les autres choux jusqu'à l'automne.Les premiers se trouvent bons en juin ;et en les arrachant à moitié , lorsque leurpomme est à- peu-près faite, on prolongeleur durée assez long-temps; arrachés tout-à-fait et replantés à l'ombre, ils se conser-vent encore plus frais : les seconds c•m-mencent à être bons au mois d'octo-

bre, et fournissent successivement jus--

CHAPITRE X X V I. 407qu'aux gelées ; il s'en trouve même qui nesont pas encore pommés lorsque le périlles menace, et ceux-là se ferment dans laserre, où ils font leur pomme comme leschoux-fleurs, étant gouvernés de la même

Macon.'Le plus important de la culture de ce

,choux, c'est de le mouiller souvent et co-pieusement; pour le surplus , on lui donneles mêmes façons qu'aux autres. Lorsqu'ilen paroît quelqu'un au printemps qui s'ap

'prête à faire trop tôt sa pomme , c'est- à-dire , qui s'élance trop , proportionnémentà sa force, on peut éprouver un expédient

i dont je me suis servi quelquefois avec suc-i cès , et quelquefois sans fruit. On percel la tige dans le milieu'avec un fer pointu,tel qu'une grosse alêne de cordonnier, au-dessous des premières feuilles, et on rem-plit le trou que le fer a fait , avec une paillede seigle qu'on coupe à droite et à gau-che , à l'épaisseur d'un écu ; cette petiteopération détourne la sève du tuyau cen-tral, qui fait élever le coeur trop rapide-ment ; et cette sève trouvant les passagesfermés, se rejette forcément dans les par-ties collatérales, qui profitent à proportionde la nouvelle nourriture qu'elles reçoi-vent ; la pomme se forme ensuite dans sontemps. Ce n'est pas sur le brocoli seul quecette opération produit cet effet; toutes les

sQrtes de choux qui ont cette dispositionS3

40 8 DU CHOU.a monter , , s'arrêtent par-là, quand on n'at-

tend pas trop tard à le faire; on s'en sou-viendra au besoin.

Lorsqu'on veut en recueillir de la grai-ne, on en laisse monter quelques-uns despremiers et des plus beaux; elle mûritfort bien, niais elle n'est jamais si francheque celle qu'on tire d'Italie , et c'est deRome particulièrement qu'il faut la tirer.Elle n'a rien de différent des autres espècesde choux, qui puisse la faire reconnaître,ainsi il faut s'en rapporter à celui de qui onla tient.

Le chou marin d'Angleterre a la feuilleà peu près comme cella des autres choux,mais plus épaisse et plus charnue, frangéeet plissée sur les bords par onde, d'un as-sez bon goût; il s'e!eve d'entre feuillesdes tiges terminées par des bouquets defleurs blanches, à quatre pétales disposésen croix, auxquelles succèdent des fruitsou coques ovales d'une manière spongieu-se, qui renferment une semence uniquede forme oblongue et brune. Cette espècen'a pas un mérite bien distingué, mais elleconvient mieux que d'autres dans des cli-mats froids, tels que celui de l'Angleterre,où elle croît naturellement sur les côtesmaritimes.

Le colsa , qu'on appelle autrement lechou sauvage, est une petite espèce bassequi ne pomme point, et qui n'est pas

CHAPITRE XXVI. 409sage en aliment; mais elle a le mérite dedonner de la graine , dont on tire une huileéquivalente à celle de navette. On le sèmed'abord dans les jardins , et on le replanteensuite dans les champs : il pousse plusieurstiges qui s'élèvent à quatre ou cinq pieds,et qui fournissent abondamment ; il fautrecueillir la graine à la rosée du matin ,car, si on la coupe dans k gros du jour,il s'en perd beaucoup, sur- tout si on latransporte avec le colsa à la maison. Lameilleure manière, après l'avoir coupée lematin , est de la laisser sécher le reste dujour au soleil , et de la battre en placesur le soir ou le lendemain ; on apporteà cet effet quelques draps sur lesquels onla bat. J'ai ouï assurer que cette graineétoit d'un très-bon rapport mais je n'en aipoint fait l'expérience.

Le chou maritime est une espèce sin-gulière; sa tige s'élève à trois pieds en-viron; sa feuille est d'un gros vert, mé-diocrement frisée ; il ne fait aucune pom-me , c'est sa feuille qu'on mange dans lasoupe ; et, à mesure qu'on la coupe . ilen vient d'autres qui se succèdent tou-jours pendant quatre ou cinq ans , sansque les mauvais temps lui portent aucundommage : voilà son grand mérite ; carcette feuille est pour l'ordinaire assezdure, et d'un goût fort médiocre. 11 con-

410 DU CHOU.

vient dans les pays de montagnes où lesgelées et les neiges l'attendrissent.

Le chou rouge par où je finis, est dedeux espèces, l'une qui pomme, et l'au-tre qui ne pomme pas. Les feuilles de lapremière espèce sont grandes et sinueu-ses, formées comme celles des autreschoux pommes, mais de couleur fort di-

versifiée ; car quelques - unes sont d'unpurpurin brun, d'autres d'un vert foncéou gai, et quelques - unes d'un vert demer, couvertes d'une fleur bleuâtre com-me certaines prunes : toutes cependantsont traversées également par des côteset des nerfs rouges. L'intérieur de la pom-me n'est pas susceptible de ces variations,étant toujours d'un rouge vif et uniforme,à-peu-près comme la betterave.

Ce chou , quoique d'une qualité à-peu-près semblable aux autres (couleur à p-,:rt),ne sert guère à l'usage de la vie , j'entendsen France : quelques personnes le man-gent cru en salade , coupé très-menu avecl'oignon et la betterave, et c'est la seulefaçon qui plaise; mais en Flandre et enHollande, on le mange cru et cuit de dif-férentes façons : chaque nation a son goût,on ne doit rien y opposer.

Il est beaucoup plus utile pour nousdans la médecine ; c'est pour cet usagequ'on en cultive toujours quelques-unsdans tous les jardins bien fournis : on s'en

CHAPITRE XXVI. 41fert avec grand succès pour les maladiesu poumon et de la poitrine; il est laxatift adoucissant : on l'emploie dans la tisanet dans le bouillon, mêlé soit avec le miel,oit avec le mou de veau et d'autres herbes

apillaires , suivant le genre de la maladie;uit avec de l'huile ou du beurre sans sel,1 lâche le ventre, appaise la toux, et faitevenir voix éteinte; c'est le bouillonans lequel il a cuit qu'il faut prendre.

Les asthmatiques en sont aussi soulagés.Les bouillons qu'on fait avec ce chou, lapulmonaire, le capillaire et le mou deveau, sont excellens pour les mauvaisespoitrines : on les prend à jeun, et troisheures après le souper pendant douzeou quinze jours. La tisane toute simple ala même vertu pour la même maladie :on en met trois poignées dans deux pin-tes d'eau réduites à trois chopines, avecun demi-quarteron de miel qu'on écumebien. Sa feuille frottée avec du beurre,et saupoudrée de poudre de cumin , estexcellente pour les maux - de côté : Onl'applique sur la partie malade. Appli-quée de même sur les mamelles des fent-

es nouvellement accouchées , elle pré-ient la grande quantité de lait , et l'em-

pêche de se coaguler, dans lés abscès desmamelles. Elle détourne aussi l'inflamma-tion et consolide les ulcères. Sa graine.

412 , DU C H o U.est également employée dans plusieursremèdes.

On cultive ce chou de la même ma-nière que les autres : la graine se sèmeau mois de mars, et on le replante en juin;quelques-uns les arrachent aux approchesdes gelées et les enferment, mais cela n'estutile à pratiquer que pour en avoir dans letemps des neiges et des fortes gelées; caril passe fort bien l'hiver en pleine terre,et il est beaucoup mieux de laisser en placeceux qu'on destine pour graine , sauf à lescouvrir d'un peu de paille, quand il sur-vient des neiges en abondance, où ils pour-

voient se trouver ensevelis.La seconde espèce de chou rouge s'é-

lève jusqu'à cinq et six pieds , et formeplutôt un arbrisseau qu'une plante po-tagère; sa tige est raboteuse à la partieinférieure , et se divise quelquefois enplusieurs branches ; ses feuilles sont lar-ges , d'un vert rougeâtre ou couleur desang , mêlées accidentellement de tein-tes bleuâtres , et traversées d'un grandnombre de nervures : elles sont placéessans ordre, ridées, écartées et sinuées ;ses fleurs sont jaunes , auxquelles succè-dent des siliques longues de quatre àcinq pouces, qui renferment des grainesrougeâtres et arrondies. Cette espèce sup-porte, comme la première, toutes les ri-eueurs de l'hiver, et dure plusieurs an-

CHAPITR E XXVI. 413nées, quand on en prend quelque soin :assez souvent elle produit des rameauxlatéralement, et au printemps ses jeunespousses sont estimées en salade ; on lacultive comme les autres espèces, maiselle est beaucoup moins employée enmédecine.

s

Fin du Tome premier.