Homélie de Mgr Jean-Pierre GRALLE, N'oubliez pas l'hospitalité

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"N'oubliez pas l'hospitalité !" "Persévérez dans l'amour fraternel. N'oubliez pas l'hospitalité car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges" (Héb. 13,1-2). Cette exhortation de l'Épitre aux Hébreux illustre fort à propos la démarche de votre Congrès : le souci de la charité de Dieu à vivre dans toutes nos relations humaines, comme y invite l'Évangile de ce jour, et le souci de l'Hospitalité à accorder aux malades et aux autres personnes nécessiteuses que nous côtoyons. L'Hospitalité dont parle l'Épître aux Hébreux fait sans doute allusion à l'accueil qu'Abraham fit à trois visiteurs inconnus. Ceux-ci se révélèrent être des anges, des messagers de Dieu annonçant à Sara, l'épouse stérile, qu'elle allait enfin avoir un fils… Belle hospitalité où celui qui accueille reçoit encore plus que ce qu'il donne, où celui qui offre sa table aux visiteurs reçoit bien plus encore : le don de la vie, le don d'une descendance tant attendue : enfin, la foi d'Abraham était récompensée ! Cette hospitalité qui enrichit à profusion l'accueillant et l'accueilli, le soignant et le soigné, cette hospitalité qui est échange mutuel et noblesse accordée à chacun, n'est-ce pas ce que vous vivez, chers frères et sœurs, à l'occasion de chacun de vos pèlerinages à Lourdes ? Je me souviens avec émotion, parmi toutes mes rencontres à Lourdes, du dialogue que j'ai pu faire, un jour, avec un confrère prêtre. Lui, fatigué par la vie et la maladie, était assis, prostré dans son fauteuil. Moi, libre de mes mouvements, tourné vers lui. Son regard lumineux et ses paroles confiantes murmurées d'un souffle me touchaient au plus profond : je lui offrais de mon temps et de mon attention, lui m'offrait, en confiance, toute sa vie, et à travers elle tout l'amour de Dieu emplissant son cœur vibrant et son corps meurtri : quel merveilleux échange de charité ! Oui, l'hospitalité, avant d'être une organisation importante et nécessairement bien structurée les célèbres Hospitalités diocésaines ou congréganistes que vous représentez, l'hospitalité est d'abord une attitude croyante et confiante, une démarche de pauvres de cœur qui se reconnaissent et s'accueillent les uns les autres, s'entraident et s'unissent pour recevoir avec humilité et gratitude le don de l'amour de Dieu, du service fraternel et de l'accueil mutuel. Frères et Sœurs, n'oublions jamais l'hospitalité ! Cette hospitalité découle de l'amour dont nous parle si puissamment Jésus dans l'Évangile de ce jour : "Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, dit le Christ, de toute ton âme et de tout ton

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Homélie de Mgr Jean-Pierre GRALLE, N'oubliez pas l'hospitalité

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"N'oubliez pas l'hospitalité !"

"Persévérez dans l'amour fraternel. N'oubliez pas l'hospitalité car, grâce à elle,

certains, sans le savoir, ont accueilli des anges" (Héb. 13,1-2).

Cette exhortation de l'Épitre aux Hébreux illustre fort à propos la démarche de

votre Congrès : le souci de la charité de Dieu à vivre dans toutes nos relations

humaines, comme y invite l'Évangile de ce jour, et le souci de l'Hospitalité à

accorder aux malades et aux autres personnes nécessiteuses que nous côtoyons.

L'Hospitalité dont parle l'Épître aux Hébreux fait sans doute allusion à l'accueil

qu'Abraham fit à trois visiteurs inconnus. Ceux-ci se révélèrent être des anges, des

messagers de Dieu annonçant à Sara, l'épouse stérile, qu'elle allait enfin avoir un

fils…

Belle hospitalité où celui qui accueille reçoit encore plus que ce qu'il donne, où

celui qui offre sa table aux visiteurs reçoit bien plus encore : le don de la vie, le don

d'une descendance tant attendue : enfin, la foi d'Abraham était récompensée !

Cette hospitalité qui enrichit à profusion l'accueillant et l'accueilli, le soignant et le

soigné, cette hospitalité qui est échange mutuel et noblesse accordée à chacun,

n'est-ce pas ce que vous vivez, chers frères et sœurs, à l'occasion de chacun de vos

pèlerinages à Lourdes ?

Je me souviens avec émotion, parmi toutes mes rencontres à Lourdes, du dialogue

que j'ai pu faire, un jour, avec un confrère prêtre. Lui, fatigué par la vie et la

maladie, était assis, prostré dans son fauteuil. Moi, libre de mes mouvements,

tourné vers lui. Son regard lumineux et ses paroles confiantes murmurées d'un

souffle me touchaient au plus profond : je lui offrais de mon temps et de mon

attention, lui m'offrait, en confiance, toute sa vie, et à travers elle tout l'amour de

Dieu emplissant son cœur vibrant et son corps meurtri : quel merveilleux échange

de charité !

Oui, l'hospitalité, avant d'être une organisation importante et nécessairement bien

structurée –les célèbres Hospitalités diocésaines ou congréganistes que vous

représentez–, l'hospitalité est d'abord une attitude croyante et confiante, une

démarche de pauvres de cœur qui se reconnaissent et s'accueillent les uns les autres,

s'entraident et s'unissent pour recevoir avec humilité et gratitude le don de l'amour

de Dieu, du service fraternel et de l'accueil mutuel.

Frères et Sœurs, n'oublions jamais l'hospitalité ! Cette hospitalité découle de

l'amour dont nous parle si puissamment Jésus dans l'Évangile de ce jour : "Tu

aimeras le Seigneur de tout ton cœur, dit le Christ, de toute ton âme et de tout ton

esprit… Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Écriture

–dans la Loi et les Prophètes– dépend de ces deux commandements" (Mt 22,37-40).

À Lourdes, ce double commandement est quotidiennement mis en pratique :

l'amour de Dieu s'exprime de tant de manières : d'abord par la foi simple des

pèlerins qui se sont mis en route vers Lourdes, la participation à l'eucharistie, la

procession qui est une longue marche vers Dieu et son mystère d'amour, le chapelet

égrené, demandant à Marie de prier Dieu pour nous qui sommes infirmes et

pécheurs, les prières dans les chambres ou le silence à la grotte… Tout exprime

notre foi en Dieu, notre amour pour lui, malgré toutes nos peines.

L'amour du prochain s'exprime lui aussi de multiples façons : accueil et salutations

à l'égard de tous, connus et inconnus ; soins donnés avec respect et sans

condescendance, entraide entre hospitaliers, attentions entre malades, prévenances

mutuelles, climat de simplicité et de joie, comme en famille, et ce, malgré la fatigue

des jours et la longueur de certaines nuits douloureuses…, chacun prenant sa part

de peine et de service, mais aussi d'espérance joyeuse pour le bien-être des plus

souffrants et le bonheur de tous…

Interrogés au terme d'un pèlerinage, les malades de l'Hospitalité disent toujours leur

réconfort et leur gratitude, et les valides de l'Hospitalité, de même, parce qu'en

définitive chacun et tous ensemble ont réussi à vivre, avec la grâce divine, tout à la

fois, l'amour de Dieu et l'amour des autres comme d'eux-mêmes !

La Loi de Moïse entendue dans la première lecture (Ex 22,24-26), invite au respect

et à la compassion envers les pauvres : "Si tu prends en gage le manteau de ton

prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C'est tout ce qu'il a pour se

couvrir ; c'est le manteau dont il s'enveloppe, la seule couverture qu'il ait pour

dormir. S'il crie vers moi dit Dieu, je l'écouterai, car moi, je suis compatissant".

Cette couverture, le seul bien du pauvre, ne vous rappelle-t-elle pas toutes celles

qui accompagnent les malades de Lourdes dans leur fauteuil, ou les couvrent durant

leur sommeil ?

Cette couverture est plus qu'un morceau de laine, c'est aux yeux de Dieu, ce qui est

le plus nécessaire à l'homme, son vêtement et sa dignité, son cache misère et sa

pudeur, sa protection et sa chaleur…

Dans nos Hospitalités, nous avons donc à veiller à ce que chacun soit soigné,

protégé, réconforté. Quand une infirmière couvre un malade, elle le revêt d'amour

et de dignité, tout autant qu'elle est revêtue de la reconnaissance de la personne

soignée.

Nous avons tous besoin d'être revêtus, enveloppés d'amour : C'est ainsi que Saint

Paul exhorte les Colossiens (3,12-13), "revêtez des sentiments de tendre

compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience ; supportez-vous

les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement !"

À travers les multiples gestes et services de l'hospitalité, en faisant attention à

l'autre, chacun, en définitive, fait attention au Christ : "j'étais nu, dit-il, et vous

m'avez vêtu ; j'étais malade et vous m'avez visité ; j'étais un étranger et vous m'avez

accueilli…" (Mt 25,35-37).

Puissent ces paroles du Christ ne jamais nous quitter, frères et sœurs : elles disent

toute la beauté de nos Hospitalités, toute la grandeur de l'hospitalité : à travers elle,

ce n'est pas seulement le pauvre qui est accueilli, c'est le Christ lui-même, celui qui

nous a tout donné, celui à qui nous devons tout !

+ Jean-Pierre GRALLET

Archevêque de Strasbourg