Histomag N°83

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Avec la participation de : Alexandre Sanguedolce, Nicolas Moreau, Xavier Riaud, Jean Cotrez 39-45 H istomag LA SECONDE GUERRE MONDIALE PAR DES PASSIONNES POUR DES PASSIONNES - N°83 - MAI- JUIN 2013 Interview Exclusive de

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Avec la participation de :Alexandre Sanguedolce,Nicolas Moreau, Xavier Riaud, Jean Cotrez …

39-45Histomag LA SECONDE GUERRE MONDIALE PAR DES PASSIONNES POUR DES PASSIONNES - N°83 - MAI- JUIN 2013

Interview Exclusive de

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Histomag est produit par une équipe debénévoles passionnés d’histoire.À ce titre, ce magazine est le premier bimestrielhistorique imprimable et entièrement gratuit.Nos colonnes sont ouvertes à toutes lespersonnes qui souhaitent y publier un article,communiquer des informations, faire uneannonce …

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Rédaction

3 Editorial (Vincent Dupont)

8 La dernière mission du SOE Belge (René H Torsin)

19 La milice française et le réduit alpin républicain (Alexandre Sanguedolce)

30 Les Kampfschwimmer (Nicolas Moreau)

34 Pénicilline et Seconde Guerre mondiale (Xavier Riaud)

38 Quelques films US (Philippe Gruslin)

43 Témoignage du private Burks (Philippe Mourand)

49 In mémoriam : Guy LELOUP un des premiers FFL(Stéphane & Isabelle Duchemin)

56 Béton : Les bunkers usines de la Kriegsmarine (2°partie) (Patrick Fleuridas)

64 Ceux qui restaurent : La ligne Maginot (Jean Cotrez)

70 Le coin des lecteurs (Vincent Dupont)

4Interview exclusive de Franck Ferrand - Europe 1

N° 83 — MAI JUIN 2013

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Editorial

3

par Vincent Dupont

Mais avant cela il est temps de vous parler des thèmesque nous aborderons dans ce numéro, et en premier lieu, aprèsla belle interview de Franck Ferrand que nous a obtenu JeanCotrez, ce sera la dernière mission du SOE Belge, par RenéTorsin, qui retiendra notre attention. Puis ce sera à AlexandreSanguedolce de nous parler des derniers combats de la Milicefrançaise en Italie en 1945.

Ensuite ce sera au tour de Nicolas Moreau de nousprésenter les Kampfschwimmer. Xavier Riaud nous parleraquant à lui de la pénicilline et de l’importance qu’elle eutdurant la guerre. Une nouveauté que nous souhaitons pérennefera son apparition, grâce à Philippe Gruslin : la présentation defilms plus ou moins connus sur la Seconde Guerre Mondiale.Ensuite c’est un témoignage sur la petite histoire d’un parachu-tiste américain, rapporté par Philippe Mourand, qui attireravotre attention je l’espère.

Patrick Fleuridas que l’on ne présente plus nous présen-

tera la 2e partie de son article sur les bunkers usines de laKriegsmarine et la Ligne Maginot sera à l’honneur grâce à JeanCotrez ce mois-ci, avec ceux qui restaurent les abris surveillanttoujours le Rhin depuis tant d’années. Enfin je vous présenteraidans le coin des lecteurs quelques ouvrages récemment sortiset qui ont retenu notre attention.

Toute la rédaction de l’Histomag 39-45 vous souhaite uneexcellente lecture ! Je rappelle que l’Histomag 39-45, fier decompter dans ses contributeurs des historiens professionnels etdes passionnés avertis, ouvre ses colonnes à tous, y compris etsurtout aux historiens de demain. Donc si vous avez une idée,un projet, n’hésitez pas ! Contactez la rédaction !

Chers lectrices et lecteurs,

n ne le dira jamais assezmais tout notre travail estbasé sur la volonté detous nos bénévoles quidonnent le meilleurd’eux-mêmes et de leur

temps pour vous offrir, tous lesdeux mois, un nouveau numérode l’Histomag. Aussi quand c’està mon tour d’être pris dans letourbillon du temps qui manqueet des soucis cela donne un nu-méro plus succinct... Je m’en ex-cuse auprès de vous par avance.Mais l’équipe a fait un travailformidable et nous avons puconstruire ce numéro, certessans dossier, mais toujours dansla même veine que les autres,proposant des articles aussi di-vers et variés, ainsi qu’en exclu-sivité une interview en début denuméro. Je vous rassure les pro-chains numéros sont déjà encours de fabrication et je vouspromets qu’ils sauront rassasiervotre soif de connaissanceautant qu’ils provoquent déjà

une émulation au sein del’équipe, toujours aussi

motivée, ce qui meréjouis cha-

quejour.

O

Histomag’- Numéro 83

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FF : Lorsque ma première série d’émissions quotidiennes acommencé, en juin 2003, j’étais persuadé d’avoir pourmission première de divertir les gens, de leur proposer uneparenthèse de rêve et d’évasion, dans une vie tellementrivée, par ailleurs, à l’actualité. Avec le temps, j’ai changéd’avis. Les différentes que nous avons pumener, aussi bien pour la radio que pour la télévision, m’ontfait comprendre que le public attendait de moi, avant tout,une transmission de connaissances. Les gens aiment bienpouvoir se dire, à la fin d’une émission, qu’ils ont apprisquelque chose et n’ont donc pas perdu leur temps.

otre Histomag 39-45ne reculant devantaucun défi, nous avonssollicité et obtenu uneinterview de Franck

Ferrand qui anime du lundi auvendredi de 13h00 à 14h00, unechronique quotidienne sur l’an-tenne d’Europe 1 « Au cœur del’histoire » consacrée comme lenom l’indique à l’histoire, toutel’histoire. Il anime par ailleursl’émission sur France 3, « l’Om-bre d’un doute » qui permet derevisiter certains mythes ou des’interroger sur des idées toutesfaites concernant l’histoire. Enfinn’oublions pas qu’il est l’auteurd’une douzaine d’ouvrages, cer-tains historiques, d’autres pas dutout comme celui sur les grandscrus classés de Bordeaux. Voiciles réponses qu’il a bien voulunous donner.

Franck Ferrand  : Longtemps,pour me définir, j’ai emprunté àOctave Aubry l’appellationd’ . Mais depuisquelques années, la radio et latélévision s’étant taillé la part dulion dans mes activités, l’écritureest – hélas – passée au secondplan. Disons que je suis concep-teur et animateur d’émissionsd’histoire. J’aime bien aussi leterme de ,qu’avait employé à mon égardun journaliste qui, sans doute,n’osait pas me qualifier de

… En tout cas, je nesuis pas journaliste moi-même,et n’entends pas le devenir.

Interview

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V Interview Exclusivede Franck FERRAND

par Jean COTREZ

Franck Ferrand - Europe1

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FF : Vous connaissez ma prédilection pour les énigmes et lesmystères. Je ne vous surprendrais donc pas en citant desdossiers comme le massacre de Katyn, l’affaire Cicéron - et,pour les sujets nationaux, l’assassinat de Darlan ou le dramede Caluire…J’ai eu aussi, dans le cadre de mon anciennemission au Service historique de l’armée de l’Air, à étudierde près la campagne de Syrie et le débarquement deProvence – deux sujets passionnants. Pour ce qui est despersonnalités, outre Churchill qui me fascine, je lis toujoursavec intérêt ce qui concerne, dans des registres différents,Raoul Wallenberg ou l’amiral Canaris, par exemple.

FF  : Etant normand par ma famille paternelle, et mesfenêtres donnant sur une de ces plages, je suis très sensibleau souvenir du . Faut-il pour autant classer ce qui neme paraît pas vraiment en danger ? Pour tout vous dire, jesuis un peu dubitatif à l’égard des conceptions extensives del’UNESCO en matière de définition d’un

.

FF  : Mes travaux de troisièmecycle – dans le droit fil de meslectures de jeunesse – portaientsur le XVIIe siècle et le XVIIIe engénéral, et sur la cour de Franceen particulier. Mais à force detraiter, à la radio, des sujets lesplus divers, relevant d’époquestrès variées, j’ai fini par ne plusavoir de période de prédilection.Toutes m’intéressent beaucoup.Avec peut-être une discrète ten-dresse pour ce qu’on a appelé la

FF  : Je ne pense pas vous ap-prendre grand-chose en évo-quant les points d’inflexionsuivants : l’invasion de la France,en juin 1940, l’entrée dans leconflit de l’URSS, en juin 1941, etcelle des Etats-Unis, en décem-bre de la même année, le débar-quement anglo-américain enAfrique du Nord, en novembre1942, celui de Normandie, enjuin 1944 et l’explosion desbombes atomiques au Japon, enaoût 1945.

Interview

5 Histomag - Numéro 83Des paras allemands après la pri

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FF : J’ai trop pleuré, naguère, sur la disparition des sociétéssavantes, pour ne pas me féliciter de leur avatar contempo-rain : ces sites où se retrouvent, pour échanger des donnéesparfois très pointues, tous les passionnés et spécialistes d’unsujet. Mais il me semble que votre mission a trait plutôt àl’histoire qu’à la mémoire – c’est bien différent.

FF  : Il me paraît important qu’à terme, le public puisseidentifier, dans vos publications, une tonalité dominante,liée à des sujets de prédilection, comme à une manièrepropre de les traiter.

FF : Je commencerai par vous avouer que je ne suis pas trèsfamilier d’Internet. Mais pour aussitôt faire amende honora-ble, et reconnaître qu’il y a très certainement, sur lesforums, de bonnes idées à glaner.

FF : Hormis l’effort louable d’Eu-rope 1 – station privée program-mant un rendez-vous quotidienà la mi-journée – la plupart deces émissions relèvent del’Audiovisuel public, dont c’estl’honneur en même tempsqu’une des missions... Pourautant que j’en puisse juger – carje passe plus de temps à fairedes émissions qu’à en regarderou en écouter – le niveau géné-ral est satisfaisant.

FF : Il me semble que l’on a tortde se focaliser sur les program-mes scolaires. Après tout, unenseignant motivé, talentueux,peut toujours s’arranger plus oumoins avec le programme… Cequ’il y a de plus préoccupant,c’est l’approche conceptuelle,désincarnée, ainsi que la péda-gogie inadaptée, que l’on impo-se aux professeurs comme auxélèves. Un bon cours d’histoire,selon moi, c’est un moment dethéâtre au service d’une évoca-tion vivante et chronologique –pas un débat oiseux sur desnotions abstraites. A moins quel’on n’ait envie de tuer les voca-tions dans l’œuf !

Interview

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Des paras allemands après la prise du fort

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FF  : Je n’ai que cela  ! (rires) Pas un domaine où l’histoireintervienne, que je n’essaie d’explorer d’une manière oud’une autre. Et je ne m’interdis rien lorsqu’il estquestion de projets – du spectacle de mime à la sérietélévisée, en passant par les enregistrements de grandesœuvres... Pour vous donner une réponse concrète, j’ajoute-rai que je suis en train d’écrire, en ce moment, un

qui me prend tout mon temps.

FF : Dans l’esprit de votre douzième question, vous auriez pume demander si l’histoire servait à quelque chose. Et je vousaurais répondu : oui, à exercer l’esprit critique. C’est en toutcas dans cette optique que je m’y adonne.

FF : Absolument pas. Je suis con-vaincu que l’histoire ne se répè-te jamais dans la forme, toujourssur le fond. La connaître ou pasne change rien ; la connaître malpourrait même induire en erreur.Car posséder la connaissance dupassé n’est pas tout  ; encorefaudrait-il maîtriser l’analyse duprésent – et cela, c’est une autrepaire de manches… Il faut enfinir, me semble-t-il, avec cemythe d’un passé qui permet-trait de comprendre le présent.L’histoire permet d’appréhenderle passé, ce qui est déjà beau-coup. Surtout, elle est un entrai-nement à saisir l’humain –passé, présent et futur.

L’interview

7 Histomag - Numéro 83

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Le mois suivant la 161e escadrille arrive de la basede Graveley avec ses Havoc, Whitley, Lysander. En quelquesjours la base est "fully operational". Le ballet des escadrilles"cloak and dagger" (cape et épée) peut commencer. Ceseront surtout des ballets nocturnes. En effet, ces deuxescadrilles opèrent pour le compte du Special OperationsExecutive, une branche du Military Intelligence 6. Le but decet organisme est de promouvoir les sabotages dans lesterritoires ennemis ou occupés par l'ennemi, de mettre surpied des actions subversives et de désorganiser les moyensde transport, suivant en cela l'instruction de Winston Chur-chill: "Set Europe ablaze" (mettez le feu à l'Europe). La zoned'opération des deux escadrilles est vaste: elle s'étend duNord de la Norvège au Sud de la France en passant par laPologne et la Tchécoslovaquie.

La majorité des habitants de la région ignore legenre d'activités auxquelles se livrent les occupants dunouvel aérodrome. En effet, les hommes en bleu, fréquen-tant le pub local "In the Anchor and the Wheatsheaf", sontplutôt du genre discret et évasif lorsqu'on aborde le sujet deleurs occupations.

Les passagers du trainreliant Londres àEdinburgh ne se dou-

tent vraisemblablement pasqu'en passant près de Bedford,ils occupent les premières logespour apercevoir ce qui a éténaguère le site d'une des basesles plus secrètes de la Royal AirForce au cours de la DeuxièmeGuerre mondiale.

Dès avant le début duconflit la base de Tempsford futérigée sur le terrain marécageuxqui couvre la région. En mars

1942, la 138e escadrille venantde Stradishall est la première àprendre ses quartiers sur le nou-veau site. Elle est équipée deWhitley et de Lysander.

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du SOE Belge

T Flight Lieutenant Terence « Terry » Helfer, pilotecommandant de bord

La dernière mission

Les escadrilles de Tempsford

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Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.Puis il faut attendre le signal du "comité de réception", troistorches disposées en triangle. Ce n'est qu'après l'échange ducode d'identification à l'aide d'une torche au sol et du phared'atterrissage pour l'avion que les résistants allument troisfeux en forme de L. La jambe verticale indique le sens de la"piste", la jambe horizontale la direction du vent. L'avion,une fois au sol, débarque son passager et embarque lepartant éventuel. Le tout se fait en moins de trois minutes.Une seule fois les Allemands ont eu l'occasion d'intervenirlors d'un "pick-up". Le 28 février 1942 le Squadron LeaderNesbitt-Dufort se pose sur un terrain trop court et son

Lysander T 1508 de la 138e finit dans unfossé. Le pilote rejoint l'Angleterre parle chemin classique : L'Espagne.En 1943 des Hudson forment l'esca-drille 161 pour les missions de « pick-

up ». Ils offrent une plus grande capacitéque les fidèles Lysander lesquels conti-nueront cependant leur mission.

Un Flight du 301e Squadron, sous lecommandement du Wing Commander S.

Krol, est créé en juillet 43. Il est composéexclusivement d'équipages polonais. Ces

rescapés de la bataille de Polo-gne de 1939 retourneront vers

leur pays pour y larguer dumatériel pour les groupesde résistance. Les Soviéti-ques, pourtant beaucoupplus près, n'ont jamais ététrès enthousiastes à l'idéede fournir de l'aide à leurs"alliés" polonais.En octobre 1943, un qua-drimoteur Halifax avec aux

commandes le Flying Officer Bell, effectue un vol de près de4.000 kilomètres pour aller "dropper" un agent à Narvik,dans le nord de la Norvège. Avril 44 : 107 sorties sonteffectuées par les avions de la seule escadrille 161. Un avionest toutefois perdu, obligé de se poser sur le sol de la neutreSuède.

L'avance des troupes alliées en Europe ralentit quelque peules activités des escadrilles de Tempsford.  Les Lysanderdisparaissent de la circulation, les Halifax sont remplacés pardes Stirling. L'escadrille connaît aussi, après des milliersd'heures de vol, ses grands drames. Dans la nuit du 20 au21 mars 1945, trois Hudson sont abattus au-dessus ducontinent (dont le FK 803). Le même mois trois Stirling nerentrent pas à leur base.

Cette même discrétionest d'application entre les piloteset leurs "passagers". Pour lespilotes ce sont tous des "Joe", ilvaut mieux en savoir le moinspossible. L'agent est "briefé" parle S.O.E. à Londres et amené envoiture à Tempsford, escorté parun officier. Sur place il se débar-rasse de ses effets personnelset s'équipe pour le voyage:combinaison de saut etparachute. Dans la plupartdes cas, pour tout baga-ge, la petite valise conte-nant son bien le plusprécieux en cet instant: le pos-te radio.

Le pilote reçoit son brie-fing vers 15 heures avec unedernière mise au point de lamétéo. Ce n'est souventqu'au moment dudépart qu'il ren-contre son"Joe". Et puisen route, l'unavec l'espoird'être de re-tour pour lebreakfast,l'autre vers sonrendez-vous avec le destin,souvent impitoyable.

La première opération audépart de Tempsford a lieu peude jours après l'installation de labase, lorsque le Squadron LeaderMurphy, aux commandes d'unLysander, dépose un agent àSaint-Saëns (France) et en ramè-ne deux de ce pays occupé. LeLysander, avion de légende de laguerre secrète ! Dans ces mono-moteurs, hauts sur pattes, lepilote devait trouver un minus-cule terrain dans un pays incon-nu, par une nuit noire, le plussouvent à l'aide d'une simplecarte Michelin datant de quel-ques années et d'une lampe depoche.

Les escadrilles de Tempsford

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Flying Officer Henry S. Johnson, navigateur

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the 1st Canadian Special Service Battalion, 1942-1945  »démontre bien que l’intérêt pour cette brigade hybriderangers-commandos demeure élevé. Intérêt encore plusmarqué depuis qu’on en a fait le populaire film américain« The Devil’s Brigade », qui a été également projeté sur lesécrans dans sa version française « La Brigade du Diable ».

Les intrépides pilotes et agents de Tempsford ont eux aussileurs "grandes figures". Une grande figure de la guerresecrète, peu connue sur le continent, mais une véritablehéroïne Outre-Manche, est le Flying Officer YvonneBaseden, M.B.E. (Member of the British Empire). Cette jeunefemme est parachutée dans la région de Toulouse en mars1944. Elle traverse la France jusqu'aux montagnes du Jura oùelle entre en contact avec le maquis local. Se rendantcompte sur place de l'extrême pauvreté des résistants enarmes et approvisionnement, elle réclame à cor et à cri queLondres lui envoie d'importantes quantités de matériel pourcombler ces lacunes. C'est une des rares fois où le comman-dement décide que la mission est vraiment trop lourde pourles escadrilles de Tempsford. En plein jour, 32 ForteressesVolantes B17 américaines des escadrilles des "Carpetbag-gers" (l'équivalents U.S. des escadrilles RAF de Tempsford)larguent la cargaison sur un terrain protégé par 800 maqui-sards. Malheureusement le lendemain, au cours d'un accro-chage sanglant avec l'ennemi, Yvonne Baseden estcapturée. Après les "traitements d'usage", elle est envoyéeau camp de concentration de Ravensbrück. Elle survit mira-culeusement aux travaux forcés et aux privations et estlibérée en avril 45 par l'avancée des Alliés. Elle est recueilliepar la Croix-Rouge suédoise et regagne la Grande-Bretagne.En 1948 elle devient Madame Bailey et quitte là son île pourla Rhodésie. L'écrivain Dame Irene Ward lui consacre despages émouvantes dans son livre « FANY », publié en 1955.

Une autre grande figure, inconnue chez nous, est le Wing-Commander Yeo-Thomas. Avant la guerre il s’occupait d’unemaison de haute couture à Paris. Il est parachuté en France.En compagnie du colonel Passy il est chargé de prendre encharge la réorganisation et la coordination des différentsmouvements de résistance. La dernière mission lui estfatale. Capturé par les Allemands, malgré le fait qu'il est enuniforme lors de son arrestation, il est considéré commeterroriste. Torturé pendant plusieurs jours dans les locaux dela Gestapo de la rue des Saussaies, il ne parle pas et estincarcéré à la prison de Fresnes, puis transféré, non pas versun camp de prisonniers de guerre, mais vers le sinistre campde Büchenwald. Il est un des rares à avoir réussi à s'évaderde ce lieu et s'en retourne reprendre sa place dans les rangsde la RAF. Il décède en 1964. Le très beau livre de BruceMarshall, "The White Rabbit" (le Lapin Blanc est le nom decode de Yeo-Thomas dans la clandestinité), raconte la vie etles aventures de ce véritable héros.

Entre avril 1942 et mai 1945,quelques 29.000 conteneurs,10.000 colis de toute nature etplus de 1.000 agents sont lar-gués, déposés ou recueillis dansles territoires occupés. Les con-teneurs et colis contiennent lesarticles les plus divers: armeslégères, matériel radio, médica-ments, vêtements, skis, vélos,etc. Le colis le plus original estsans doute celui destiné à uneimprimerie clandestine en Fran-ce: 200 bouteilles d'encre pourles rotatives. Toutes arrivent in-demnes au sol. Parmi les agents,déposés ou ramenés, l'on re-trouve quelques figures deve-nues connues ou même célèbrespar la suite, entre autres VincentAuriol, futur Président de la Ré-publique Française. Il est récupé-ré près de Dijon au cours d'unemission de deux Hudson, les-quels rapatrient vers la Grande-Bretagne près de 20 passagersindésirables pour l'occupant surle sol de la France occupée. Unautre "voyageur", Jean Moulin,premier président du Conseil Na-tional de la Résistance en Fran-ce. Il sera arrêté plus tard par laGestapo et mourra des suitesdes traitements infligés par lesinistre Barbie. Le 15 novembre1943 le Wing-Commander Hod-ges du 161 squadron ramène unpersonnage, nom de code « Mo-rand ». Il s’agit de François Mit-terrand, plus tard aussi présidentde la France. Il y eut aussi legénéral de Lattre de Tassigny.

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Les escadrilles de Tempsford

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En mars 1943 il est le premier officier de la Royal Air Forceà obtenir une deuxième "Bar" à sa D.S.O. En octobre 43 ilquitte le commandement de Tempsford.

Mais ce n'est pas la fin de ses exploits. Le 18 février 1944,il commande le 140 Wing et c'est à la tête de la 487eescadrille de la Royal New Zealand Air Force qu'il mène sonMosquito à l'assaut des murs de la prison d'Amiens dans lebut d'y creuser une brèche, permettant ainsi aux résistantsemprisonnés de s'évader. Le raid est un succès. Les murssont éventrés, mais 87 prisonniers sont tués. 182 évadéssont aussitôt repris mais 255 parviennent à disparaître dans

la nature. Hélas, l'avion dePickard est pris en chassepar un Focke-Wulf ets'écrase, touché à mort,près du village de SaintGratien. Pickard et son na-vigateur, le Flight Lieute-nant Alan Broadley, sonttués sur le coup. Broadleyétait le navigateur et amidepuis leurs premièresmissions sur Wellington du99 Squadron en avril 1940.Les deux Britanniques re-posent au cimetière Saint-Pierre d'Amiens (tombe 13B 3) dans les faubourgsnord-ouest de la ville prèsde la route menant à Al-bert. La fin des hostilitéssignifie aussi la mort desescadrilles de Tempsford.

L'escadrille 138 est dissou-te le 5 mars 1945. Desbombardiers Lancaster oc-

cupent alors les hangars et participent aux dernières opéra-tions de guerre au sein du Bomber Command. La 161 estdissoute le 5 juin 1945. Après les opérations des escadrillesdu S.O.E. la base de Tempsford devient une base de mainte-nance, principalement pour des Liberator. A la fin de 1945des avions de la Royal Canadian Air Force occupent les lieuxaux fins d'entraînement et de transport, après quoi ils serépartissent entre les bases de Melsbroek en Belgique et deMauripur aux Indes pour des missions de transport de trou-pes.

La plus légendaire est sansaucun doute celle du Group Cap-tain Percy Charles Pickard. «Grande gueule », grand buveurmais intrépide et courageux pilo-te il sera l’acteur rêvé pour jouerson propre rôle dans le film "Tar-get for Tonight", film consacréaux équipages du «Bomber Command »et dans lequel il jouele personnage duSquadron LeaderDixon, skipper de F forFreddie. Au début dela guerre il participeaux raids de bombar-dements sur la Norvè-ge et la France. En juin40, pendant les opéra-tions d'évacuation deDunkerque, il gagne laDistinguished ServiceCross. En mars 1941,volant avec une esca-drille tchèque, il ob-tient la DistinguishedFlying Cross pour sonaction lors de l’attaquedu croiseur allemand"Prinz Eugen". En mai42 il ajoute une "Bar-rette" à sa D.S.O. pourses qualités de leaderpendant l'opération de Bruneval(Normandie). Au cours de cettemission, des parachutistes etcommandos, protégeant desspécialistes radar, s'emparentdes pièces majeures d'une sta-tion radar allemande. Puis il re-joint Tempsford. Il sera le pilotedes trois premières missions de« pick-up » avec un Hudson qu’ilavait, tout à fait par hasard,aperçu dans un hangar. C’était leO for Oboe, ancien avion duRoyal Flight avant la guerre. Jus-que là les missions avaient uni-quement été effectuées avecdes Lysander.

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Flying Officer Raymond F. Escreet, opéra-teur radio

Les escadrilles de Tempsford

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C'est un Hudson du 220 Squadron qui détecte le navire-prison allemand en février 1940. L' estensuite détruit par une "Naval Task Force" britannique. Le 27août 1941, un Hudson de la 269 obtient, dans l'Atlantique,la reddition d'un sous-marin ennemi, le U-570, et en mai 43un appareil de la 608 envoie par le fond un autre U-Boot àcoups de roquettes. Les Hudson en service dans les esca-drilles de Tempsford sont du type Mk I et Mk III. Ils sontpropulsés par deux moteurs Wright d'une puissance de1.100 cv. Leur vitesse maximale est de 395 km/heure avecun plafond à 7.600 mètres. Leur distance franchissable estde 3.155 km.

Après l'épisode tragique de l'offensive des Ardennes, aucours de laquelle les Allemands espèrent reprendre leterrain perdu et qui va encore coûter la vie à des milliersd'hommes, les Alliés reprennent le contrôle des opérations.Les parties réoccupées de la Belgique et du Grand-Duché deLuxembourg sont libérées une seconde fois et l'ennemi estrefoulé au-delà de la fameuse barrière du Rhin. Le comman-dement allié sort alors un audacieux projet de ses cartons. IIs'agit de parachuter des agents derrière les lignes alleman-des et plus principalement là où se trouvent rassemblés destravailleurs forcés des pays occupés. II envisage de les faireencadrer par ces agents et de les former en groupes decombat afin de harceler les Allemands lorsque les troupesalliées s'approcheront de leur zone d'action. Un trio belge,déjà expérimenté en opérations au cours de la guerre estdésigné pour la mission. Un véritable "challenge": aller chezl'ennemi, au cœur de l'Allemagne. Objectif: la région deDresden (une autre source indique la petite ville de Berka,entre Erfurt et Kassel).  Guy Corbisier  sera le chef de lamission, nom de code: Benedict.  Morel  devient Expresset De Winter sera Leader.Le Hudson, immatriculé FK 803 N-for-Nan, de la 161eescadrille, se trouve sur l'aire de stationnement, en bout depiste. Nous sommes le 20 mars 1945. II est près de 17heures. Les trois pistes étroites sont inondées de pluie, lesbaraquements et hangars aux alentours sont à peine visibledans le rideau d'eau et des bourrasques de vent chassent delourds nuages gris  au-dessus de la plaine anglaise. Septhommes se protègent, tant bien que mal, sous une aile del'appareil. Les mécanos s'affairent, effectuant les dernièresvérifications. Parmi les sept hommes, il y a trois Anglais: leFlight Lieutenant Terence « Terry » Helfer, pilote comman-dant de bord, le Flying Officer Henry S. Johnson, (dans la viecivile membre de la Pharmaceutical Society, appelé Harrypar ses amis) navigateur et le Flying Officer Raymond F.Escreet, opérateur radio.

Le Lockheed Hudson est le pre-mier avion de fabrication améri-caine utilisé en opérations par laRAF au cours de la DeuxièmeGuerre mondiale. Il est dévelop-pé en hâte en vue de répondreà la demande urgente du gou-vernement britannique. Le Hud-son est la version militaire duLockheed 14 Super Electra,auquel on a ajouté des tourellesavant et dorsale ainsi qu'unesoute à bombes et une placepour un navigateur. Ce premiermodèle ne satisfait pas les An-glais. Ils suggèrent d'installer lenavigateur plus près du pilote etd'ajouter une verrière dans lenez de l'appareil. Le créateur,Kelly Johnson (le même quicréera plus tard le Lightning P38,l'U2 et le SR71) accomplit l'ex-ploit de modifier l'avion enmoins de 80 jours. Cette nouvel-le version, sans armement etdotée d'une tourelle factice, ef-fectue son vol inaugural le 10décembre 1938. En novembre39, donc moins d'un an plus tard,

le 250e exemplaire, dont 40 enversion "reconnaissance", quittela chaîne de production. En mai43, à l'arrêt de la production,2.941 avions auront quitté lesusines Lockheed.Le Hudson se distingue à plu-sieurs reprises. Lorsqu'un hydra-vion Dornier DO 18 allemand estabattu le 8 octobre 1939, il tom-be, victime d'un Hudson lequelobtient ainsi la première victoired'un avion de fabrication améri-caine en service dans la RAF.

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Jeunes gens venant des pays occupés et désireux de rejoin-dre la Grande-Bretagne. Aussi est-ce avec un empresse-ment certain que la Garde Civile de Franco traque cesimmigrés un peu spéciaux et les refoule vers la France. Ceuxqui parviennent à échapper à l'expulsion sont emprisonnésau fameux camp de Miranda-del-Ebro.  Corbisier  est ainsiarrêté à Pampelune et remis aux autorités françaises les-quelles lui offrent l'hospitalité de leurs prisons pendantquelque temps. Finalement libéré le jeune homme finitquand même par trouver les bonnes pistes et rejoint la

Grande-Bretagne via Gi-braltar. Voulant partici-per le plus vite possibleà l'action il se présenteaux Services Spéciaux.C'est là, pense t-il, qu'ilaura le plus de chancesde voir l'ennemi, trèsvite et de très près. IIsuit le chemin habitueldes agents parachutis-tes: les cours théoriquessur les armes et muni-tions, les explosifs, laradio et ses codes. Lesentraînements sans fin,en Ecosse avec les mar-ches forcées, les com-bats à mains nues,l'écolage au centre deparachutistes de Rin-gway. Puis se succèdentles espoirs, les doutes,l'attente de la mission.Et, enfin, la premièremission : un droppingdans le maquis belge. Ilest droppé le 7 juillet1944, en compagniede Christrian Lepoivre et

du Britannique S. Gardiner, dans la région de Mesnil (Dinant-Givet) pour la mission Carto. Puis il travaille comme marco-niste et instructeur pour le Front de l'Indépendance. LaLibération, le congé dans la famille et puis...

* * * * *

Le Flying Officer Forrest H.Thompson, le mitrailleur de bordest néo-zélandais. Il a épousé, ily a peu, Olive Matthers de Bed-ford, ville proche de la base. Lestrois autres hommes, un peu àl'écart de l’équipage, parlentfrançais. Ils sont revêtus de salo-pettes verdâtres et du typiquecasque plat, qui ressemble à ungros turban, desagents parachu-tistes. Ce sontnos trois Belges.Le plus âgé dutrio, c'est  GuyJosé Florent Cor-bisier. Fils deHenri Corbisieret d'AngèlePoodts, il voit lejour à Berchem,près d'Anvers,le 29 juillet1920. II fait sesétudes au collè-ge Sainte-Mariede Bruxelleslorsque les Alle-mands envahis-sent laBelgique. La fa-mille Corbisierpart pour l'An-gleterre au dé-but juin 40 maisGuy reste aupays et rejointpresque immé-diatement la ré-sistance naissante. Enseptembre 1940 il décide dequitter le pays et passe clandes-tinement en Espagne en suivantles chemins déjà tracés pard'autres. Le régime franquiste,qui a encore quelques dettesenvers le Reich pour l'aide four-nie pendant l'horrible guerre ci-vile de 1937, ne voit pas d'unbon œil l'infiltration de tous ces

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Flying Officer Forrest H. Thompson, le mitrailleur de bord(Néo-Zélandais)

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la Libération et les retrouvailles avec la famille. II est mis encongé illimité et tout semble fini, déjà. Mais les circonstan-ces en décident autrement.Le dernier et plus jeune du trio, à quelques jours près, senomme Jean-Jacques Louis Marie Morel. Il naît au Faubourg

de France, à la périphérie de Bouillon, le 1er mai 1921. AlbertMorel, son père, est professeur à l'Ecole de Pupilles laquellese trouvait alors dans cette petite ville blottie au fond d'une

vallée de la forêt ardennaise. Sa mère, Gertrude Grond,s'occupe du foyer. La famille fait partie de ce qu'onappelle "la petite mais bonne bourgeoisie". Quelquespersonnes plus âgées se souviennent encoreaujourd'hui de cette famille, laquelle a vraisemblable-ment quitté la ville vers 1923 lors du transfert del'Ecole. Jean-Jacques semble avoir été prédestiné àporter un jour l'uniforme: le père professeur dans uneinstitution militaire, les témoins à son baptême serontle commissaire et le commissaire-adjoint de la ville.Effectivement, le jeune Morel  se prépare à l'examend'entrée de l'Ecole Militaire lorsque survient l'invasionallemande. Le jeune homme de "bonne famille" décidequ'il faut faire quelque chose. Il parvient à entrer encontact avec un des premiers groupes de résistance enBelgique occupée: le réseau Martiny-Daumerie. Ceréseau fonctionne depuis l'été 1940 et comptera envi-ron 300 membres à sa dislocation. Le  colonelDaumerie  est un ancien aviateur de l'Aéronautiquemilitaire belge et pilote de la première guerre. Audéclenchement de la seconde il occupe le poste dedirecteur de l'Aéronautique civile. Constant Martiny,âgé alors de 52 ans et natif d'Houffalize, est fonction-naire à la même administration. Lors de l'invasionallemande de mai 1940 il est évacué en Grande-Breta-gne. Il se présente aussitôt pour une mission en terri-toire occupé et après un entraînement rudimentaire estparachuté le 13 octobre, en compagnie d'EdmondDesnerck de Gand, dans la région de La Roche. Bien

que blessé à l'atterrissage il poursuit sa route vers Bruxellesoù il prend contact avec Daumerie. La nuit même de sonarrivée le premier contact avec Londres est établi. Puiscommence le vrai travail: le renseignement, l'évacuationdes militaires anglais cachés depuis l'invasion allemande etles navigants belges désireux de rejoindre l'Angleterre.Après un premier coup de semonce, l'arrestation d'un opé-rateur-radio, le coup fatal est porté. A partir du 13 mai 1941et au cours des jours suivants les créateurs du groupe et unetrentaine de leurs camarades de combat sont arrêtés par laGeheime Feld Polizei et condamnés à mort le 15 septembrepar un tribunal. Entre-temps, Desnerck qui a échappé à larafle, retourne à Londres. Il est une nouvelle fois parachutéen Belgique le 27 novembre 1941. Arrêté à son tour il seradécapité à la prison de Brandebourg le 3 avril 1944.

Le deuxième homme du groupebelge, c'est  Léon Ghislain DeWinter. Né le 6 avril 1921, rue deBeaume 26 à La Louvière. Sonpère, Louis, officier de gendar-merie, y commande la brigadelocale. Lorsque le petit a deuxans, son père est muté à Ville-sur-Haine. C'est donc là quegrandit Léon. Lorsque sedéclenche la guerre il parti-cipe, comme tant d'autresde son âge à l'exode. Seu-lement, lui, il va plus loinque les autres. Il continueplein sud, vers l'Espagne,franchit la frontière et seretrouve à... Miranda. Aprèsmaintes péripéties il finitquand même par débar-quer en Angleterre. Volon-taire, lui aussi, pour lesServices Spéciaux, il rongeson frein pendant près dedeux ans dans différentscamps d'entraînement.Nommé adjudant le 2 juin1944,  De Winter  est para-chuté quelques jours plustard en Belgique, pour lecompte du Political WarfareExecutive. Il est le dernieragent droppé dans la régionbruxelloise. Dans les joursprécédents le débarque-ment de Normandie, il en-tre en contact avec lefameux groupe clandestin"Sayomède", célèbre pour sesexploits sur le plan radiophoni-que, et devient leur "pianiste",l'opérateur radio. II est accompa-gné de  Frédérique Dupuich  etopère pour les réseaux Socrateet Samoyède sous le nom code

de "Polka". Le 1er août 44, Léonéchappe de justesse à l'arresta-tion, mais son guetteur,l'infortuné  Boedts, est arrêté.Puis, pour De Winter aussi, c'est

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Du haut vers le bas Corbisier, M

orel et De W

inter

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Pas pour Morel...

Une Jeep, tous feux occultés, s'approche à toute allure del'avion. Le conducteur échange quelques mots avec lepilote. Celui-ci se dirige vers son appareil et, sur un signe demain, tout le monde monte à bord. Le mitrailleur grimpedans sa tourelle, navigateur et radio se coincent dans leursiège derrière le pilote. Les "passagers" suivent à leur tour.Helfer, après les vérifications d'usage, pousse lentement lesmanettes des gaz et l'oiseau sombre se met à rouler endirection de la piste. Le nez de l'avion aligné sur l'axe de lapiste, le pilote ouvre toutes grandes les manettes et l'avionse met à rouler, d'abord lentement puis de plus en plus vite.Une petite traction sur le stick et le FK 803 quitte le solanglais. Il est 18h48, l'ultime mission a débutée.Le temps reste très mauvais et l'avion s'élève laborieuse-ment vers les 20.000 pieds. Pendant un moment l'équipageenvisage d'abandonner la mission, au vu des conditionsmétéorologiques, mais le commandant de bord tranche: oncontinue, on décidera plus loin. II traverse la Manche etpénètre au-dessus du continent dans la région d'Ostende. Ilsurvole la Belgique et le Grand-Duché. Puis c'est le mystère.Une chose est sûre: à ce moment le temps est devenufranchement exécrable.Vers deux heures du matin, le 21 mars 1945, le curé deHupperdange (Grand-Duché), Michel Majerus, (décédé le 7octobre 1972 à Christnach), est réveillé par des tirs d'armesautomatiques. Il se lève en hâte et se dirige vers la fenêtrede sa chambre. Dehors, un chien aboie furieusement. Lecuré voit un homme traverser la cour du presbytère et sediriger vers la porte d'entrée. Le brave curé est méfiant.Après la désagréable surprise de décembre 44, il craint unnouveau retour des Allemands. Il ouvre cependant la porteet se trouve face à face avec un homme, le visage et lesmains noircis, les vêtements en lambeaux. Il se présente:Flight Lieutenant Helfer de la Royal Air Force. Ce qui suit estla relation d’un entretien téléphonique (31 janvier 2005)avec le Wing Commander Helfer, 85 ans. Il raconte que sonavion, lors du survol du Luxembourg, a été attaqué par unavion, qu’il suspecte être américain et abattu. L’appareilexplose en vol. Il déclare avoir été éjecté de son avion aprèsavoir donné l’ordre « bail-out » à son équipage. Malheureu-sement sans réponse de l’arrière du fuselage. Il suppose queles lignes de l’intercom aient été détruites par l’explosion. Ilne se souvient de rien après ce moment. De toute façon ilsavaient peu de chance de s’en sortir. En effet le Hudson decette époque était aménagée pour faire sortir les agents parune trappe dans le plancher. L’équipage, ni les agents neportaient en permanence le parachute. Il n’y a que le pilotequi était assis dessus comme dans les chasseurs. D’après lesdires du Flt Helfer il fallait se préparer au saut une dizainesde minutes avant le largage. Alors en cas d’explosion …

Après l'extermination du groupeDaumerie-Martiny,  Jean-JacquesMorel  prend le large avec uneseule idée en tête: rejoindrel'Angleterre afin de continuer lalutte. Il suit le chemin classique:la France, puis, par le col del'Iraty, il entre en Espagne, encompagnie de deux collabora-teurs du journal "Le Soir", Mes-sieurs Colin et Fischweiler, qui,eux, ne désirent pas travaillerpour un journal aux ordres del'occupant. Arrivé àLondres, Morel se présente là oùil pense être le plus utile: lesServices Spéciaux. Le 15 février1941, pendant sa période d'en-traînement, il est nommé auxi-liaire de classe 1. Ce ne serapourtant pas avant l'été 44 qu'ilpourra se rendre utile. II reçoitalors l'ordre de rejoindre un ma-quis en Belgique avec missiond'assurer les liaisons et d'instrui-re les résistants pour les prépa-rer au "grand jour". Il est larguéle 31 août 1944, sur le terrainHaydn, situé dans le triangleformé par les clochers de Leuze-en-Hainaut, Pipaix et Willaupuis,en compagnie de  Jacques VanCastel (alias Kelston). Tout sem-ble déjà échouer avant mêmed'avoir commencé. Lors du para-chutage, foulant à peine le solbelge, les Allemands tentent del'intercepter. Coïncidence sansdoute. Ce n'est qu'en se faufilantle long des ruisseauxque  Morel  et son compagnonparviennent à échapper auxchiens pisteurs de l'ennemi. Ilseffectuent aussi des missions deradio pour le Service Messala. Samission accomplie, Morel rentreen Grande-Bretagne et est nom-

mé adjudant le 1er septembre44. Il connaît les joies de la Libé-ration de la Belgique et est misen congé illimité le 30 novem-bre. La fin de la guerre s'appro-che à grands pas.

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Deux aviateurs britanniques inconnus 21/3/45. (R.A.F. 2Unknown British Airmen 21/3/45). Ici se situe un malenten-du. Il y avait en effet 6 corps : 3 Britanniques et 3 Belges. Leplan de vol déposé avant le décollage mentionne 7 person-nes. Donc, y compris le pilote. Les seuls objets récupérésaprès l'incendie se limitent à un couteau de poche, un étuià cigarettes, une épingle de sûreté avec quelques médaillessaintes et une chevalière en or avec des initiales: Em ou Fm.

La première maison qu'il aper-çoit sur son chemin est celle deJangel Koch. La porte est ouvertemais les habitants sont absentset le pilote continue son chemin.C'est alors qu'il aperçoit le pres-bytère. Le curé propose de l'hé-berger pour la nuit et prévientles militaires logeant dans levillage. Vers 10 heures du matinune ambulance américaine vientchercher le Flight LieutenantHelfer afin de le conduire versl'hôpital de Vianden, puis versTrier. Plus tard, le curé Majeruset un certain Monsieur Dalscheidrécupèrent le parachute ainsiqu'une carte d'Europe impriméesur soie.L’avion s’est écrasé dans un boisappelé « Bischend » appartenantà Monsieur Philippe Arens d’As-selborn. Des fusiliers belges,cantonnés dans les environs, ra-tissent la zone de chute de l'avi-on dans l'espoir de retrouver dessurvivants. Pendant ce tempsl'avion finit de se consumer surla colline au-dessus de Maulus-mühle, hameau de Boxhorn. Fi-nalement l'on parvient à extirperdes corps calcinés des restes del'appareil retrouvé. Malheureu-sement, les fusiliers belges fontmouvement le jour même etl'on n'a jamais pu obtenir detémoignage précis. Ce n'estqu'une semaine plus tard qu'unaumônier anglais, accompagnéde quelques soldats, vient sur leslieux afin d'ensevelir les restes.Ils les enveloppent dans descouvertures militaires et les dé-posent dans deux tombes. Surles croix ils indiquent: R.A.F.

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Le lieu du crash Les tombes et les restes de l'appareil.

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Toutes les personnes présentes dans la zone de chute del'appareil ont entendu des tirs d'armes automatiques. Il y adonc bien eu un engagement aérien. Mais certains témoinsdéclarent que le bruit d’un avion était toujours audiblequand le pilote était déjà près d'atterrir en parachute. A sonretour de convalescence le Flight Lieutenant Helfer estappelé devant une commission d'enquête. Il affirme qu’il a,comme le font les pilotes de chasse, gardé son parachutesur le dos, ce qui lui a permit de sauter, ou d’avoir étééjecté, de l’avion sans perdre du temps. Les autres avaientvraisemblablement les leurs simplement à portée de main.De toute façon, sortir d’un Hudson en cas d’urgence tenaitdu miracle ! Le curé Majerus témoigne. Les deux hommescontinueront d'ailleurs de correspondre pendant des années.L'enquête est confidentielle. Helfer reçoit une DistinguishedFlying Cross pour les 27 missions effectuées avec son équi-page, maintenant malheureusement disparu, dont il reste leseul survivant. Sa voix, ce jour, au téléphone exprime encoresa grande tristesse après cet évènement. Le 24 mars 1945il quitte le continent et rentre en Angleterre. La  familleCorbisier, résidant encore à cette époque en Grande-Breta-gne ne parvient pas à entrer en contact avec lui. Helfer estpromu Squadron Leader et muté à Singapour jusqu'à la findes hostilités. Il quitte la Royal Air Force avec le grade deWing Commander en 1973. Il termine sa vie active commeexaminateur à la British Aviation Authority. Aujourd’hui âgéde 85 ans il a toujours bon pied, bon œil et vient de rentrerd’une croisière sur le Queen Elizabeth II. (communicationtéléphonique janvier 2005).L'affaire de l'Hudson est classée "Flying Accident" (on neparle donc plus d'un War Casualty, perte de guerre) et,comme tous les dossiers concernant ce genre de cas, détruiten 1955. C'est suite à une correspondance (22 janvier 1946)entre le père de Guy Corbisier et les familles britanniques,que les corps sont restés sur place au lieu d'être transférésvers un cimetière du Commonwealth. Afin de convaincre sescorrespondants,  Monsieur Corbisier  leur décrit "un bel etpaisible endroit au sommet d'une colline isolée et boisée".Tout ce qui reste de l'ultime mission des agents S.O.E. belgesde la guerre 1939-1945 se trouve donc ici, à Maulusmühle.Vu l’état des corps après la chute, il ne faut pas se faire desillusions sur le contenu des cercueils. Ceux-ci se trouventsans doute sous la pierre centrale. Le site est plutôt àconsidérer comme une tombe commune …Ils n’ont cependant pas été oubliés……

Les identifications étant quasiimpossibles vu l'état des corpscarbonisés, les premiers témoinssur le lieu les ont ensevelis en sebasant sur les premières consta-tions, sans doute fausses. Unequestion se pose cependantquant à la chute du FK 803. II estincontestable que pendant cetteultime période de la guerre, l'ac-tivité de la chasse allemande aété très intense. Les carnets devols des escadrilles, conservésau Service Historique de Freiburgen fournissent la preuve. Maison n'y découvre nulle traced'une victoire d'un chasseur aucours de la nuit du 20/21 marsau-dessus du Grand-Duché àl'heure (même approximative)de l'événement. Mais il est vraiaussi qu'une grande partie desarchives de la Luftwaffe a étédétruite à la fin des hostilités.Soit par destruction suite auxbombardements, soit par des-truction volontaire de la part desautorités allemandes lorsque lafin s'avéra proche. Certainsmembres des familles des victi-mes n'excluent pas la possibilitéd'une gâchette facile d'un piloteallié ("trigger happy", dans unelettre). Et il n'aura pas été leclamer sur les toits ! D’ailleurs unchasseur américain a déclaré un« kill » dans la région au cours dela même nuit. Il s’agit d’un P38A« Black Widow » immatriculé5540 du 422 Night Fighter Squa-dron de l’US Air Force. Il étaitpiloté par le Capitaine RaymondAnderson avec le navigateur 2LtRobert F Graham. Il sembleraitqu’il ait confondu avec un Dor-nier 217 ! Le Hudson de Samrée,pilote Ferris, semble, lui aussi,avoir été abattu par un chasseurde nuit américain.

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Au sommet de la colline se situe le lieu du drame, une croixde pierre flanquée de six tombes. Trois à gauche, les Belges,trois à droite, les Britanniques.Surplombant les sépultures, repose pour toujours l'avion dela dernière mission. Ou, plutôt ce qu'il en reste. Un bout defuselage calciné, deux moteurs déchiquetés, une aile. De-puis quelque temps un grillage protège le site.

Tout est calme maintenant dans la campagne anglaise. Lestracteurs agricoles font leur va-et-vient régulier entre lesfermes, les prairies et les champs. Dans le périmètre de labase, des fermes aux noms glorieux : Waterloo Farm, PortMahon Farm, Gibraltar Farm, sont retournées à leur destina-tion première. La fin inexorable de R.A.F Station Tempsfordest vraiment venue lorsque, le 12 avril 1961, le marteau ducommissaire priseur tombe pour la dernière fois à la ventepublique des bâtiments et terrains. Nonante-trois lots, com-prenant septante-quatre constructions en briques, deuxhangars, vingt-sept cabanes en matériaux divers et le câbletéléphonique parcourant le périmètre de la base sont mis envente. En février 1963, Monsieur Astell de Woodbury Hallachète le dernier lot restant, 648 acres de terre de culture.Les machines agricoles remplacent les avions sur les pistesherbeuses de Tempsford. Aucun monument, aucune stèle.Plus rien ne rappelle l’existence de la base des « MoonSquadrons ». Le propriétaire de Gibraltar Farm a, de sapropre initiative, apposé une plaque commémorative sur lemur de sa grange. Là où on distribuait les parachutes aux «Joes » …Le site étant propriété privée l’on peut le visiter aprèsautorisation des propriétaires.

, Gibb Mc Call, MRD Foot

, GarlinskyArchives Stad AntwerpenVille de BouillonCommune de La LouvièreMinistry of Defence, LondenUnion des Services de Renseignement et d’ActionFamilles Escreet, Moore, Corbisier

County of Humberside

Père A Grein Sastromin scj +Commonwealth War Graves CommissionThe White Rabitt , B MarshallEntretien téléphonique WCdr Helfer – janvier 2005

Pour plus de renseignements sur cette mis-sion et l’histoire des hommes qui la consti-tuèrent, la rédaction vous invite à consulterles documents et annexes de cet article surle site http://www.freebelgians.be

Il y avait un petit café à Bruxel-les, ouvert en 1932 par un cer-tain Desterbecq et situé près dela Grand’Place. Le "Coq de Je-mappes" était fréquenté par deshabitués. Pendant la guerre lepatron faisait des "petits tra-vaux" pour la résistance. Cacherdes aviateurs abattus, faire en-trer des colis dans la prison deSaint-Gilles, incendier des pa-piers dans la Maison du Peupleetc. Depuis la Libération les habi-tués ont quelque peu vieilli. Maisils regardent toujours avec émo-tion les photos au mur dubistrot: Wendelen, Gardiner, Ma-bille, Corbisier et autres compa-gnons d'un bout de chemin dansla vie, souvent trop courte. Lespatrons, Joseph et Philo, ont dis-parus depuis. Plus personne nese souvient du "Coq de Jemap-pes". Mais beaucoup se souvien-nent encore des jeunes hommesdes photos ...Trois stèles rappellent le souve-nir de l'équipage du Com-monwealth au  cimetièrebritannique de Hotton. Quelquessemaines plus tard, ce qui devaitêtre un empire pour mille anss'écroula. L'Allemagne du malétait vaincue. La mission du 21mars fut l'avant-dernière opéra-tion du S.O.E. sur le continenteuropéen. L'honneur, redouta-ble, de l'exécuter échut à troisde nos compatriotes. Peu aprèsle passage à niveau de Maulus-mühle, petite bourgade située à5 kilomètres à l'ouest de la routeDiekirch-Saint-Vith, le chemin fo-restier grimpe en serpentant àtravers les arbres. Le feuillagedense filtre la lumière du jourdéclinant, il fait presque sombre.L'endroit prend un aspect plutôtsinistre. Les nuages gris volentbas dans le ciel luxembourgeois.

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in avril 1945, le fascisme et le nazisme sont arrivés au crépuscule de leur existence. A Berlin, une poignéede rescapés de la 33. Charlemagne lutte dans les ruines de la Chancellerie.Au même moment, plus au sud, à 1000 km de là, d'autres Français combattent en Italie, en uniformefrançais, dans une vallée au fond des Alpes: ils participent au dernier combat du fascisme dans le réduit alpinrépublicain de la Valtellina.

Ces troupes françaises sont tout ce qui reste de la Milice, elles constituent le Ier Bataillon Français, placé sous les ordresdu capitaine Georges Carus. Avec Joseph Darnand à leur tête, les Miliciens vont brûler leurs dernières cartouches lorsdes combats de Tirano, le 28 avril 1945.

La milice française

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La milice Françaiseet le réduit alpin républicain

FCarte du réduit alpin de la Valtellina

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tranchées et des positions bétonnées doivent être remises en état, avecconstitution de réseaux de barbelés, champs de mines et fossés anti-chars.Le fort de Montecchio disposant de quatre canons de 149/35 souscoupole peut couvrir toute la zoneoccidentale où l'Adda se jette dans le lac de Côme. A l'est, aux débou-chés du Passo del Tonale et du col de l'Aprica, le réduit alpin, profitantdes défenses naturelles que constituent les Alpes Bergamasques, vients'appuyer sur l' , créant ainsi un front continu.Au moment voulu, les forces fascistes, avec leurs familles, pourrontrejoindre le réduit pour y mener un dernier combat. Des magasins devivres et de munitions sont prévus pour pouvoir tenir le temps denégocier une reddition honorable ou de tenter un passage en Suisse.

Le plan est présenté à Mussolini, en présence de Pavolini et du maréchalGraziani le 16 décembre 1944, à Milan à l'occasion du long discours quele Duce présente au Teatro Lirico devant un parterre trié sur le volet. Dèsle départ, Graziani commandant en chef des forces armées de la RSIs'oppose au projet, désapprouvé aussi par les Allemands. Mussolini parcontre semble d'accord, ce réduit sera défendu par la GNR et par lesBrigades Noires, troupes politisées utilisées pour le maintien de l'ordreet la lutte antiguérilla dont l'efficacité militaire est à peu près nulle,surtout pour les (BB.NN). L'armée de la RSI, l'

(ENR), dirigée par le maréchal Graziani, estregroupée dans et restera le long de la frontièreoccidentale, le gros des unités de la division Decima MAS de JunioValerio Borghese prenant part aux combats contre les forces titistes dansla zone de Trieste et Gorizia.Les partisans italiens suivent avec intérêt les travaux entre-pris par l'organisation Todt, utilisant lamain-d’œuvre ita- lienne captu-rée lors d'opéra-

tions de ratissage.

L'idée de livrer un dernier combat desforces de la République Sociale Italien-ne contre les Alliés dans l'éventualitéd'un effondrement de la ligne Gothiquerésulte d'un projet conçu par VincenzoCosta, chef de la fédération milanaisedu Parti Fasciste Républicain. Il s'agit deconstituer le dernier carré autour deMussolini pour mener un dernier ba-roud avant l'effondrement du fascisme.Mussolini refuse que Milan, capitalespirituelle du fascisme ne devienne leStalingrad italien.Alessandro Pavolini, secrétaire nationaldu PRF, avec son sens de la rhétoriquevoit en ce projet «les Thermopyles dufascisme». Costa lui présente un mé-morandum durant l'été 1944 approuvépar le hiérarque. Ce plan consiste àréactiver l'ancienne ligne Cadorna da-tant de la Première Guerre Mondiale,qui suit le cours de l'Adda. C'est un gainde temps non négligeable: des

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Alessandro Pavolini, dirigeant du Parti Fasciste Républicain etchef des Brigades Noires passe en revue la BN Aldo Resega. Ilest accompagné de Vincenzo Costa, federale(chef du PFR local)de Milan. Vétéran de la campagne de Russie, Costa estle concepteur du réduit alpin de la Valtellina.

La milice française

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hauteurs du col du Mortirolo. Les unités de la zone opérationnelle de laValtellina sont sous les ordres du général Onorio Onori.

L'annonce radiophonique de l'armistice le 8 septembre 1943 est ac-cueillie avec une immense joie, de courte durée. Les Allemands activentle plan Achse, les unités italiennes sont désarmées et envoyées enAllemagne pour travailler pour le compte de l'industrie du Reich. L'Italie,à ce moment, n'est pas en guerre contre son ex-allié, les soldats nebénéficient pas du statut de prisonniers de guerre et sont considérés

comme IMI  :   : militaires italiensinternés. Pour échapper aux rafles, les soldats du

se cachent ou rejoignent les premières unités departisans.

En Valtellina, les militaires dont beaucoup appartiennent auxunités alpines, et donc connaissant bien la région, lesjeunes qui veulent échapper au travail obligatoire ou àl'incorporation et les antifascistes se regroupent dans les

montagnes pour former les premières unités de partisans.Ces premiers noyaux de résistants sont mal armés, inorgani-sés, incapables de soutenir une lutte armée contre l'occupantnazi et le gouvernement de la République Sociale Italienne.Pour assurer la coordination et l'organisation de ces bandes,un ou CLN est créé le 9

septembre 1943. Il regroupe les partis politiques ressus-cités : le Parti Communiste Italien, le Parti Socialiste,

le Parti d'Action, le Parti Libéral, la Démocratie-Chrétienne. Dans l'Italie occupée, c'est le CLNAI(qui coordonne dans la clandestinité les actionsde la résistance au travers de ses CLN locaux.La branche armée du CLN est le

(Corps des Volontaires de laLiberté ou CVL), créé le 9 juin 1944, regrou-

pant toutes les bandes partisanes sous un commandement unique. A satête le général Cadorna, fils de Luigi Cadorna, chef d'état-major del'armée italienne durant la Première Guerre Mondiale. Cadorna a com-mandé la division blindée II, puis a livré les combats lors dedéfense de Rome du 9 septembre 1943.

Des armes, le colonel des Edoardo Alessi va en fournirprovenant de sa caserne. Alessi est un héros des

et a combattu en Afrique du Nord à Eluet et Asel. Il refuse de prêterserment à la RSI en déclarant  : «Un parachutiste ne prête sermentqu'une fois...». Pour échapper à la déportation en Allemagne, il seréfugie en Suisse.

Dioniso Gambaruto «Nicola», un ancien officier artilleur est envoyé deMilan par le Parti Communiste pour encadrer et unifier les bandes departisans dans la basse vallée de la Valtellina. Fort de son expérience deGAP (1), il réussit à mettre sur pied deux brigades garibaldiennes aveccommissaire politique.

Le capitaine Giuseppe Motta dit «Camillo» est envoyé dans les monta-gnes de la haute-vallée de la Valtellina pour prendre en main toutes lesgroupes de résistants et les encadrer dans une unité à commandement

unique : la la Giustizia e Liberta (GL) car une majorité deses membres appartiennent au Parti d'Action de Ferrucio Parri. Grâce auxparachutages d'armes et d'explosifs fournis par les Alliés, de juin ànovembre 1944 des actions de sabotage sont menées sur les axesroutiers et ferroviaires, gênant l'envoi de renforts sur la ligne Gothique.

Des rapports sont envoyés aux Alliés,ils sont lus néanmoins avec circonspec-tion, certaines unités voulant se donnerun rôle important ont tendance à exa-gérer et gonfler les comptes-rendus.Les travaux commenceront très tard enavril 1945 lors de l'effondrement de laligne Gothique.

Le 4 avril 1945, lors de la derniè-re réunion du PRF, Pavolinipromet d'envoyer 20.000hommes. Graziani n'ycroit pas, pour lui et pourBorghese ce projet estillusoire et inapplicable.

Les premières Brigades Noirescommencent à arriver enValtellina, ce sont lesBB.NN de Toscane com-

me la LXIe BN de Floren-

ce. Après l'effondre-ment de la ligne Gustav(mai 1944), la libérationde la Toscane et la stabi-lisation du front sur uneligne Massa Carrara-Pesaro (ligne Ver-te), elles refluent vers le nord de l'Italie.Ces unités passent par Bologne et Mi-lan et sont envoyés à Sondrio, chef-lieude la Valtellina. De là, elles sont dé-ployées dans la vallée pour des opéra-tions de lutte antiguérilla avec lesbrigades noires locales: la BN

de Tirano , la XVe BN de Sondrio ou la BN

de Morbegno. Sont présentesaussi diverses unités de la Garde Natio-nale Républicaine dont la

appeléeque nous retrouverons lors des dernierscombats d'avril 1945 et une compagnieGNR .A l'extrémité est du réduit, la LegioneGNR Tagliamento, dont les vétéransont connu la campagne de Russie (His-tomag n°72) mène une lutte âpre con-tre les (Flammes Vertes,unités de partisans d'obédience démo-crates-chrétiennes) et qui dominent les

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Illustration : Le colonel des carabinieri-paracadutisti Edoardo Alessi. Vétéran de la campa-gne d'Afrique du Nord, il refuse de prêter serment àla RSI et se réfugie en Suisse. Il reviendra de son exilpour réorganiser la 1a divisione alpina Valtellina

1 - GAP : Groupe d'Action Patriotique, groupe de résistance urbai-ne, constitué de quelques résistants dirigée par les communistes.

La milice française

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Ce séjour des Miliciens dans le camp de concentration a un effet négatifpour leur moral, qui depuis le départ est au plus bas. Là, Darnandprocède à une réorganisation et destitue certains chefs.

Le 21 septembre 1944, la Milice quitte le camp du Struthof, embarquedans un train à Schirmeck pour Ulm. Placés sous le commandement deJean Bassompierre, une sélection est effectuée  : les plus âgés, lesblessés, les invalides sont envoyés à Sigmaringen, au château desHohenzollern où vivote le who's who de la Collaboration dans uneCommission gouvernementale pour la Défense des Intérêts Français enAllemagne. Le maréchal Pétain se considérant prisonnier, Fernand deBrinon, le protégé d'Otto Abetz est la tête de cette commission où lescomplots de palais animent les discussions dans les couloirs du château.Le 23 septembre, la Milice défile dans les rues d'Ulm. Ils s’entraînent aucombat sans savoir contre qui et où ils seront envoyés. Le 23 octobre,Joseph Darnand réunit les Miliciens dans un cinéma d'Ulm, il leurapprend le sort que le Himmler leur a réservé: l'engage-ment dans la 33. Charlemagne pourles plus aptes. Le reste: un tiers restera à la Milice et ira combattre enItalie du Nord et l'autre tiers travaillera dans les usines du Reich pour lecompte duLe 4 novembre, 2.500 Miliciens jugés en fonction des critères sélectifstrès sévères de la SS, aptes pour servir à la Charlemagne (en cours deconstitution) quittent Ulm pour le camp de Wildflecken.

Ceux qui n'ont pas voulu revêtir l'uniforme allemand et prêter sermentà Hitler, les inaptes sont regroupés au camp d'Heuberg, appelé le campdes clochards. 800 Miliciens sont placés sous le commandement du chefPincemin, qui se désintéresse de leur sort. Le capitaine Georges Carus,un ancien marin et qui est son adjoint, se charge de la réorganisation dece qu'il reste de la Milice. Il manque de tout, l'équipement est hétérocli-te, il faudra attendre que soient rapatriés les uniformes des Milicienspassés à la Waffen-SS pour équiper les hommes.

Le 11 juin 1944, Gambaruto et ses

partisans de la 40a Matteottis'emparent de la ville de Buglio, lepodestat (2) fasciste est destitué, unmaire est nommé.  Un drapeau rougeest planté au fronton de la mairie. Cetaffront ne peut être toléré par le préfetfasciste de la région et cinq jours plustard, la ville est reprise par les forcesgermano-italiennes, aidés par les Cosa-ques. Les partisans pris les armes à lamain sont fusillés . Ce typed'opération issu d'une initiative person-nelle est mal vu par le CLN et est jugécontre-productif.Durant l'hiver 1944/45, dans sa procla-mation radiophonique du 13 novembre1944, le maréchal Alexander demandeaux unités de partisans de faire unepause. Les troupes anglo-américainessont bloquées devant la ligne Gothiqueet l'hiver ralenti les opérations.Cette pause permet aux troupes alle-mandes d'être retirées des premièreslignes et utilisées à des actions anti-guérillas auxquelles se joignent les for-ces républicaines (appelées

de maintien de l'ordre(GNR et Brigades Noires). Elles mènentune série de ratissages, appelées « ex-cursions antipartisanes  » avec l'aided’auxiliaires mongols ou cosaques.Pour y échapper, entre 5 et 600 parti-sans rejoignent la Confédération Helvé-tique.En février 1945, le colonel des

Alessi revient de son exil suisse. Il

réorganise la 1a Valtel-lina en une structure militaire, fait reti-rer l'appellation Giustizia e Liberta pourbien montrer que l'unité est apolitique.Elle regroupe à ce moment-là 400 par-tisans répartis en trois brigades.

Août 1944, 6.000 Miliciens avec leursfamilles refluent de toutes les régions(3) de France, les convois doivent sefrayer un passage dans les routes pla-cées sous le feu des maquisards. Lescolonnes convergent sur Belfort puis lecamp du Struthof. Pour la première,toutes les cohortes de la zone Nord etde la zone Sud sont réunies.

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Une unité de la Milice en 1944

2 - Podestat: maire d'une villenommé par le gouvernementfasciste.

3 - L'organisation de la Milice étaitcalquée sur le S.O.L: région,département, ville.

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A partir du 9 avril 1945, les diverses garnisons de la GNR et des BrigadesNoires de Mazzo entreprennent selon l'expression de Pavolini, le

de la Valtellina. Environ 700 hommes sont engagés pour opérerdes opérations de ratissage afin de déloger les partisans de la vallée.Des affrontements sporadiques opposent partisans et brigades noires.

C'est dans ce contexte qu'arrive le 1er Bataillon Français.Le 18 avril au matin, la colonne de Miliciens, arme à la bretelle, arrive àGrosetto à pied, suivie par les trois Berliet, en tête, Darnand, Carus etCoutret. Des hauteurs, les hommes de la brigade autonome « Gufi » et

de la brigade «Mortirolo» de la 1re division alpine «Valtellina», observentles déplacements de ces hommes aux uniformes inconnus. Ils ontentendu parler de leur venue mais ne s'attendent à les affronter.

Trois compagnies sont mises sur pied,à leur tête des officiers jugés les plussûrs :-État-major  : lieutenants Coutret, Vialaet Fouques ;

-1re compagnie  : lieutenant Fontaine,adjoint sous-lieutenant Vibert ;

-2e compagnie : lieutenant de Pous

-3e compagnie : capitaine Mors ;-compagnie lourde : capitaine Rollet ;-compagnie hors-rang  : lieutenantBrun ;-Service santé : aspirant HoareauDarnand donne le commandement dubataillon au capitaine Carus.Le 10 mars 1945, le bataillon de Mili-ciens quitte Heuberg en train. Les 500francs-gardes arrivent le lendemain àBolzano, dans le Haut-Adige. Ils repar-tent en camions le 13 mars pour Milanet s'installent dans sa banlieue à SestoSan Giovanni, à la caserne de la Bicoc-

ca. L'unité est baptisée le 1er Bataillonfrançais et placé sous l'autorité du gé-néral Tensfeld, commandant militairede la place. Il informe Darnand que lebataillon devra partir pour la Valtellina,à Tirano.

Le 9 avril, les Miliciens quittent Sestopour Tirano où ils arrivent le lendemainmatin à 6H00. Le bataillon prend sesquartiers à la caserne Torelli ayant ap-

partenu aux . La 1re compagnieest logée à l'école élémentaire.Le 16 avril, Darnand est de retour deMilan, accompagné de Coutret. Lecommandant italien de la zone d'opé-rations de la Valtellina, le général Onoria demandé que le bataillon soit envoyéen cantonnement à Grosio et Grosettopour assurer le maintien de l'ordre,l'activité partisane a repris dans la val-lée.Le départ de Tirano s'effectue dans lanuit du 17 au 18 avril. La compagniehors-rang et la moitié de la compagnielourde restent sur place. Les trois com-pagnies avec trois Berliet transportantles munitions se dirigent vers Grosetto.

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En fin d'après-midi, la bataille cesse, les Miliciens ont perdu treize desleurs, neuf sont enterrés à Grosio et quatre transportés et ensevelis àTirano : (Ansel Roger, Ballossier Robert, Barberis Charles, Bellatta Claude,Calmel Louis, Clerino Antoine, Laval Joseph, Levret René, Magand Jean,Page René, Philippe Roger, Rieussart René, Voisinet Roger) et comptentune trentaine de blessés dont Jean Filliol, blessé au pied. Filliol est unevieille connaissance pour les , membre de la Cagoule, ilavait participé à l'assassinat des frères Rosselli à Bagnoles-de-l'Orne, le9 juin 1937. Les blessés sont soignés dans le château de Grosio où

Darnand a établi son QG. La 2e compagnie du lieutenant de Pous estlaissée à Grosio et Grosetto, les deux autres retournent à Tirano dans lanuit du 20 au 21 avril.Le colonel Giuseppe Motta «Camillo», vice-commandant de la divisionValtellina, envoie un ultimatum à Carius «...Nous vous donnons cedernier conseil : partez ! La Suisse, c'est la seule solution qui vous reste.»

Carus tente de faire passer en Suisse la 1re compagnie du lieutenantFontaine. Ils sont refoulés à la frontière, le lendemain Carus tente denégocier le passage de la Milice, c'est un refus catégorique des autoritéshelvétiques. Il ne reste plus qu'à attendre l'arrivée des troupes anglo-américaines et négocier une reddition honorable.Joseph Darnand part pour Milan avec Coutret, il rencontre AlessandroPavolini et lui raconte les combats de Grosio. L'intransigeant hiérarquedéclare : «S'ils ré-sistent, brûlez lesvillages».Dans la vallée, àGrosio, la compa-gnie de de Pousretourne à Tirano.Le 24 avril, le vil-lage voisin deSernio est brûléen représailles dela mort de cinq

. La hau-te-vallée na pasété se-lon la volonté dePavolini, c'est àTirano que sejoue le dernieracte.

A la sortie du village, à la hauteur de lacentrale électrique AEM (Azienda Elet-trica Municipale di Milano), deux parti-sans aperçoivent la lueur d'uneallumette (peut-être Darnand allumant

sa pipe?), ils ouvrent le feu. La 1re

compagnie fonce sur Grosio, les deuxautres restent à couvert et Carus sedécide à faire ouvrir le feu. Il retourneà Grosetto où il a laissé la section demortiers et revient. Pendant ce temps,le partisan «Guglielmo» commandanten second le bataillon «Mortirolo» dé-cide de détruire au bazooka les deuxBerliet qui transportent les munitions.L'action réussit mais Gugliemo Pini esttué, c'est le premier mort dans lesrangs des partisans. Les combats conti-nuent jusqu'en début d'après-midi, lesmunitions commencent à manquer ducôté des résistants. Un groupe de Mili-ciens tente de pénétrer dans la centra-le électrique. Les partisans veillentjalousement sur ces installations, la finde la guerre est proche et il faut penserau lendemain, quand la vie de la valléereprendra son cours normal. Le chef dela brigade «13», Emilio Valmadre dit leMoro se charge d'aller les déloger,avec quelques partisans, il se faufile lelong de la conduite. Les Miliciens sontcapturés, on s'affaire à préparer le télé-phérique pour descendre les captifsdans la vallée lorsqu'un prisonniers'empare d'une arme, ouvre le feu,tuant le «Moro». Les partisans réagis-sent aussitôt et les six Miliciens sonttous fauchés.

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Les deux Berliet prennent feu sur la route de Grosetto à Grosio. C'est le chef partisanGuglielmo Pini qui les a atteint avec un bazooka livré par les Américains

Tombe des Miliciens tués lors des combats de Grosio. Lescorps seront rapatriés plus tard par les familles.

4 - Gielliste, résistant, membre desbrigades Giustizia e Liberta (GL)du Parti d'Action. GL avait été créépar les frères Rosselli, assassinés àBagnoles-de-l'Orne par un com-mando de la Cagoule dont faisaitparti Filliol.

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(Charasse, la secrétaire de Darnand ndA)

La 1re compagnie du lieutenant Fontaine, cantonnée à l'école élémentai-re, subit aussi l'assaut des partisans. Les pertes sont lourdes des deuxcôtés, 6 Miliciens ont été tués, d'autres mourront plus tard de leursblessures. Un blindé de la GNR tire sur les partisans, il est détruit aubazooka. Vers 16 heures, un Milicien capturé est envoyé par le chef dela brigade «Gufi» avec le message suivant : « Français, à trois reprisesnous vous avons demandé de vous rendre, vos alliés allemands etfascistes l'ont fait, Milan et toute l'Italie sont entre nos mains, la valléetoute entière s'est rendue, nous vous garantissons la vie sauve et votrepassage en Suisse ».Après concertation, Darnand, Carus et Coutret sortent et suivent lemessager. Coutret dont la mère est italienne sert de traducteur. Dansune habitation, ils négocient avec le colonel Motta « Camillo », chef dela division Valtellina, «  Vic  » Gianinni, officier américain chef de lamission alliée «Spokane» avec deux autres officiers et deux chefspartisans, des conditions de reddition. Darnand obtient l'honneur desarmes. Carus, ganté de blanc est pris pour un aristocrate. Les hostilitéscessent à 18h00. A la tour Torelli, les Brigades Noires déposent lesarmes à leur tour, elles ont appris la mort de Mussolini et des hiérarquesfascistes par Radio-Milan.Le lendemain, le 29 avril, ce qu'il reste de la Milice défile devant unpiquet d'honneur de la brigade «Gufi», Darnand fait un discours. Ensuite,les armes sont livrées aux Italiens, les officiers pouvant conserver lesleurs.

Le 24 avril, le CLNAI déclenche l’insur-rection générale. Les partisans descen-dent des vallées et convergent versTirano.

Une centaine d'artilleurs italiens des 2e

et 3e batteries duder SS de la 29.

der SS viennentloger avec les Miliciens dans la caserne

Torelli. Outre les SS italiens et le 1er

Bataillon Français, la garnison de Tiranoest composée des Brigades Noires

et entout un millier d'hommesTirano est assiégée le 27 avril au soirpar la division alpine Valtellina Elle aperdu son chef, le colonel Alessi, samort reste toutefois assez obscure, onne connaît pas les circonstances exac-tes. C'est Giuseppe Motta «Camillo» quila commande par intérim. D'autres for-mations mineures prennent par à labataille: les brigades «Gufi» et «Morti-rolo». Tirano est encerclée aux premiè-res lueurs du matin. Les «Gufi»occupent l’hôtel Stelvio de l'autre côtéde la rive de l'Adda. Des fenêtres, ilstirent sur la caserne Torelli d'où ripos-tent les Français.Joseph Darnand a laissé le récit descombats :« (c'est une erreur, il s'agit du28 avril, ndA)

(il s'agit de l'hôtel Stelvio, ndA)

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La centrale électrique de Grosio. Enjeu vital pour les parti-sans, ils veulent en empêcher la destruction par les Alle-

mands qui pratiquent la tactique de la terre brulée. La fin dela guerre approche, on pense à la reconstruction du pays.

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A Tirano, les Miliciens bénéficient d'un régime assez souple. La popula-tion locale est plutôt curieuse, elle témoignera du bon comportementdes Français lors du procès de Darnand. Celui-ci en profite pour s'évaderet se rend chez le révérend Bonfiglio des Serviteurs de Marie à Madonnadi Tirano. Il vit clandestinement à Edolo, habillé en moine. Il est repéréet arrêté par la sécurité anglaise. Livré aux autorités françaises, il remetle «trésor» (5)  de la Milice qu'il avait caché chez le révérend Bonfiglio.Darnand comparait devant la Haute Cour de Justice le 3 octobre 1945,condamné à mort, il est exécuté le 10 octobre suivant au fort de Châtillon.Georges Carus est transféré au camp de Coltano avec les autres Milicienspuis à Naples où il embarque pour la France. Après quelques mois dedétention, il est condamné à deux ans de prison avec sursis.

Les Français restent cantonnés dansTirano jusqu'à mi-mai où ils sont pris encharge par les Américains et emprison-nés dans le camp de prisonniers deguerre de Coltano près de Pise.

Le Vanna à la tête du II°

de la IIIa

quitte Tirano le 27 avril pourse diriger vers le lac de Côme où ilentend faire la jonction de la colonnede Mussolini et de ses hiérarques.Au niveau du Santuario della Madonna,les véhicules sont pris à parti par lespartisans qui tirent des hauteurs. Lamort dans l'âme, Vanna retourne àTirano. Durant la nuit du 27 au 28 avril,il décide, avec 200 volontaires de re-prendre la route vers le lac de Côme. Ilpense que le Duce est arrivé, ou dumoins ne va pas tarder à rejoindreSondrio. Il ne sait pas que Sondrio estaux mains des partisans. A Ponte Val-tellina, une voiture vient vers les fascis-tes, à l'intérieur, le chef partisan MarioAbbiezi dit Maio. Il a avec lui le généralOnori, chef des forces de la Valtellina. Ildemande à Vanna de déposer les ar-mes, le fascisme est arrivé à sa fin  :Mussolini, sa maîtresse Clara Petacci etses hiérarques ont été capturés etexécutés.Quelques jours plus tard, Onori, Vannaet des centaines de serontsortis de leur geôle et exécutés som-mairement.

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Les hiérarques fascistes avant leur exécution à Dongo, au bord du lac de Cô-me. Alessandro Pavolini est parmi eux, blessé. Il a tiré sur les partisans, tou-ché il plonge dans le lac, il sera repêché quelques heures plus tard pour être

fusillé par Walter Audisio dit Valerio, le 28 avril 1945, vers 17h48. Aupara-vant, Mussolini et Clara Petacci ont été exécutés à Giulino di Mezzagra vers

16h00 mais leur mort suscite un débat sur les réels responsables ainsi quesur l'heure présumée de l'exécution.

5 - Ce trésor est ce qu'il reste des 300 millions pris àla Banque de France de Belfort le 6 septembre 1944.

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-doré et argenté :-argenté :

argent et rouge :6.000 trouveront la mort dont 3.500 aprèsla red- dition des forces armées de la RSI, le28 avril 1945.

Ces unités paramilitaires ont étécréées le 30 juin 1944 sous l'impul-sion d'Alessandro Pavolini, chef duParti Fasciste Républicain (PRF),ratifié par le décret législatif n°446.Son appellation exacte est

Tous ses membresfont partie du PRF.Chaque Brigade Noire (BN)prend le nom d'un fascistetué par les partisans. Ainsi la BNGiovanni Gentile porte le nom duphilosophe et ministre de l'éduca-tion nationale exécuté par uncommando de GAP le 15 avril1944 à Florence.Il y aura 41 brigades noires.Le pantalon couleur sable est celuide l'ancien Regio Esercito. Il estresserré au niveau des chevilles.

La chemise noire est l'attribut dis-tinctif des BBNN (au pluriel, lesinitiales sont doublées), avec au-dessus de la poche droite une pla-quette indiquant le nom de la BN.Les pattes de collet sont ornées defaisceaux républicains de couleurrouge.

Une tête de mort orne la casquettede type allemand, elle est de diffé-rent modèle, avec ou sans poi-gnard.Les grades se repèrent à l'aide ducordon porté comme une fourragè-re à l'épaule droite.Les couleurs permettent l'identifica-tion du grade :-rouge :-doré :

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Milicien des brigades noires

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La GNR (Guardia Nazionale Repub-blicana) est créée le 8 décembre1943 avec pour fonction d'assurerla sécurité publique. Le commande-ment est assumé par Renato Ricci,ancien président de l'Opera Nazio-nale Balilla (ONB), les jeunessesfascistes. C'est une unité hétéroclite, regrou-pant l'ex milice (MVSN) dissoutepar Badoglio, les et laP.A.I (Police d'Afrique Italienne).L'amalgame est difficile entre cesdifférentes unités. Les Csont jugés douteux par les fascistescar ils sont restés fidèles au roi.Beaucoup d'entre eux, comme lecolonel Alessi, iront combattre dansdes brigades partisanes monarchis-tes appelées « badogliani ».Les membres de la GNR sont recon-naissables à l'insigne de patte decollet : il représente un M de Mus-solini stylisé de manière runique.Pour les anciens miliciens de ba-taillons M de la MVSN, ils conti-nuent de porter un faisceau delicteur entrelacé dans le M mussoli-nien.Il existe plusieurs spécialités dans laGNR, notons la GNR ,appelée chargée de sur-veiller les frontières. Nous la retrou-vons à Tirano. Un bataillon deparachutistes a également été for-mé, leGNR « Mazzarini ».

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Plaque de poitrine de la BN Giovanni Gentile

Grades BBNN

Couvre-chef de la GNR

La GNR

GNR Para

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Grosio, 22 avril 1945. Le sottotenente dela GNR Alberto Ravot traverse en cou-rant une rue de Grosio sous le feu despartisans. L'arrivée de la Milice sera unprécieux renfort.

Une colonne de la Brigade Noire Manganiello se dirige versTirano le 20 avril 1945.

Photos de Giorgio Pisano (Io fascista)

le blindé de la BN Mangianello est une AS43http://www.zimmerit.com/zimmeritpedia/italia_mezzi_mil/Autob_AS43.html qui a participéaux combats de Tirano.

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out commence le 22 septembre 1943,lorsque deux sous-marins de poche fontsurface dans l’Alta-Fjord, près du cuirasséTirpitz. Ces deux sous-marins font partie del’opération Source, opération britannique

visant à attaquer les troupes allemandes stationnées enNorvège. Lorsque les équipages de ces deux sous-marinsse rendent, les allemands pensent avoir déjoué cetteopération, mais quelques minutes plus tard, les chargesposées sur les flancs du Tirpitz explosent et endomma-

gent sérieusement le navire.

C’est une gifle énorme pour le haut commandement de laKriegsmarine, qui, quelques années plus tôt avait rit des

propositions de Alfred von Wurzian d’utiliser des nageurs decombat en effectif réduit pour pénétrer dans les ports ennemis

et causer un maximum de dégâts.

Les propositions de von Wurzian ne furentprises au sérieux que par un seul homme,l’amiral Canaris, qui dirigeait l’Abwehr, quiavait fait débuter des programmes d’entraine-ment aux actions subaquatiques à certainsmembres de la division Brandebourg en 1942,sous les ordres de l’amiral Heye, les unités Kétaient nées.

Les Kampfschwimmer

30 Histomag - Numéro 83

Les KampfschwimmerCommandos de la kriegsmarine

T

L’amiral Heye

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Leur entrainement se déroule en Italie,et se fait sous les directives de vonWurzian lui-même, aidé de certainsnageurs de la célèbre division Decimamas. Ces unités sont formées d’effec-tifs très hétéroclites, venant tout aussibien de la Kriegsmarine, que de laLuftwaffe ou encore de la Waffen SS.Tous d’excellents nageurs, les « stagiai-res » sont coupés du monde pour rece-voir leur formation dont le but sera ladestruction d’objectifs précis tels queles batteries d’artillerie côtière, ou en-core des stations radar.Cet entrainement comprenait bien sûrplusieurs heures de natation, mais aus-si de mise en situation d’attaque dansdes bassins spéciaux dans lesquelsétaient disposées des coques de ba-teaux. Les futurs commandos reçoiventaussi une intense formation au corps àcorps. Après quatre semaines de cetharassant entraînement, les nageurssont transférés sur une île près deVenise ou ils commencent les exercicesen mer.Herbert Klein, un vétéran des unités Kse souvient des marches à suivre pourposer leurs charges explosives :"Il y avait deux façon de procéder,continue Klein. Lesté de plomb, onavançait sur le fond de la mer jusqu'àl'objectif, ou bien on se laissait dériveravec un filet sur la tête pour ressemblerà un paquet d'algues. On traînait lacharge derrière soi au bout d'une élin-gue. On plongeait après avoir atteint lacoque et on se mettait sous la quille deroulis pour que les bulles d'air du sacrespiratoire ne remontent pas à la sur-face et trahissent notre présence. Lespoissons explosifs – des tubes chargésde 7,5 kilogrammes d'explosif et munisd'un allumeur – étaient alors mis enplace. Ensuite, on se débarrassait deson équipement de plongée, on vidaità nouveau l'air de ses poumons sous laquille de roulis, on remontait lente-ment vers la surface en s'aidant le longde la coque, et on s'éloignait en selaissant porter par le courant ou endonnant des petits coups de palmes. Ladétonation de la charge était program-mée pour avoir lieu alors que le bateause trouvait en haute mer, ce qui pou-vait laisser penser qu'il avait été victi-me d'une mine ou d'une torpille".

Les Kampfschwimmer

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Après six mois de cet entrainement, lesnageurs sont enfin opérationnels, etrépartis en quatre groupes :-le groupe Nord basé sur l’île de Sylt,qui comprenait des nageurs, pilotes detorpilles humaines et pilotes de sous-marins de poche.-Le groupe Ouest basé sur le Rhin com-posés de nageurs spécialisés dans lareconquête de ponts.-Le groupe Est basé dans la zoneAhlbeck/Usedom, composé de na-geurs spécialisés dans les coups demain ;-Le groupe Sud basé entre Venise etPortofino, ou les pilotes de sous-marinsde poche et de torpilles étaient formés.

Mais, le débarquement du 6 juin 1944vient bouleverser les objectifs des uni-tés K, qui devaient être utilisées pouraller saboter des objectifs dans lesports britanniquesLes kampfschwimmers, si peu célèbreont pourtant été les auteurs d’opéra-tions très audacieuses et réussies com-me celle des ponts de Nimègue auxPays-Bas  : après plusieurs bombarde-ments ratés pour détruire ces ponts,Berlin fait finalement appel aux hom-mes K, qui, dans la nuit du 28 au 29septembre 1944 réussissent à les dé-truire, après de terribles efforts. Lescommandos sont ensuite déployésdans de multiples théâtres d’opération,en Adriatique ou ils détruisent unestation-radar britannique, ou encore surle front de l’Est ou ils sont surnommésles « bandits noirs du fleuve » par lesSoviétiques

Les Kampfschwimmer

32 Histomag - Numéro 83

Les hommes se préparent

Un pilote de torpille

Kampfschwimmer avec son équipement Italien

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En avril 1945, une dernière mission leurest confiée. Hitler ayant perdu touteconfiance en les SS, décida d’employerles hommes K pour sa défense person-nelle lors de la bataille de Berlin. Latentative de concrétiser cette exigencese déroula les 27 et 28 avril 1945 et 30hommes K devaient être parachutéssur Berlin, mais cette opération futannulée à cause de la DCA soviétique.

Nageurs, parachutistes, combattantshors-pair et audacieux, Les Comman-dos de la Kriegsmarine sont aujourd’huitrès méconnus, car déployés aux der-niers mois de la guerre. Leurs opéra-tions ne changèrent pas le sens de laguerre mais elles restent néanmoinsdes opérations audacieuses, et souventcouronnées de succès pour des hom-mes en effectif très réduit.

Les Kampfschwimmer

33 Histomag - Numéro 83

Insigne des unités spéciales de la Kriegsmarinedu premier échelon

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Dans la Chine ancienne, les panaris sonttraités avec des peaux de fruits moisis.Au Moyen Orient, les Arabes soignentleurs chevaux avec des moisissures. En

Grèce, les blessures sont guéries avec des moisissu-res de pain. En 1640, dans son

, John Parkington, apothicaire anglais, formulel’idée de traitement par les moisissures. Toujours enAngleterre, en 1870, Sir John Scott Burdon-Sander-son, qui officie au St. Mary’s Hospital, signale queses bouillons de culture recouverts de moisissuresont dénués de bactéries. En 1871, Joseph Lister, undes pères de l’asepsie moderne, constate que desurines avec de la moisissure ne facilitent pas ledéveloppement des bactéries. De plus, en appli-quant du penicillium sur une infirmière blessée, ilparvient à la guérir. Enfin, il réussit de même àexpliciter l’action antibactérienne sur les tissus hu-mains d’une substance qu’il dénomme penicilliumglaucum. En 1874, William Roberts affirme que sescultures de penicillium glaucum ne présentent pasde bactéries. Devant la Royal Society, en 1875, JohnTyndall démontre son action antibactérienne. En1877, en France, Louis Pasteur et Louis FrançoisJoubert sont convaincus que leurs cultures du bacilledu charbon sont inhibées lorsqu’elles sont contami-nées par des moisissures. En 1895, Ernest Duchesne,de l’Ecole du service de santé militaire de Lyon,découvre les propriétés du penicillium glaucum surdes porcs atteints de typhoïde qu’il soigne avecsuccès. Il publie ses résultats dans sa thèse en 1897.

Malgré tout, il est ignoré par l’Institut Pasteur. Il ne se limite qu’à affirmer que les moisissures protègent lesanimaux. En 1920, en Belgique, André Gratia et Sara Dath constatent une contamination d’une culture deStaphylococcus aureus aussitôt inhibée par une moisissure qu’ils reconnaissent comme étant du genre penicillium.Ils publient leur résultat, mais personne ne s’en préoccupe alors. En 1923, Clodomiro Picado Twight, costaricien

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Pénicilline et Seconde Guerre Mondiale

D

Docteur en chirurgie dentaire, Docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques, Lauréatet membre associé national de l’Académie nationale de chirurgie dentaire, Membre libre de l’Académie

nationale de chirurgie.

Guerre & Médecine

Page 35: Histomag N°83

.

(http://fr.wikipedia.org (b), 2012).Ses plus proches collaborateurs, Craddock et Ridley, tentent par la suited'isoler et de purifier la pénicilline. Sans aucun succès. Peu à peu, devantle peu d’intérêt que suscite sa découverte, Fleming se détourne despossibles applications thérapeutiques de sa pénicilline. Grâce à elle, ilfabrique quand même des milieux sélectifs. Il parvient tout de même àdéterminer qu’elle ne nuit pas aux animaux. Il suggère de l'utilisercomme antiseptique topique sur la peau, mais préconise aussi son usageen injections (Veille S., 2012).

En 1933, Ernst Chain, diplômé en chimie, juif de surcroît, quitte l’Allema-gne pour s’installer en Angleterre. En 1935 (1936 selon certainsauteurs), il accepte un poste à l'Université d’Oxford comme assistant enpathologie. En 1938 (1939, selon certains auteurs), travaillant avec ErnstBoris Chain et Norman Heatley, il lit un article d’Alexander Fleming surles effets anti-bactériens de la moisissure penicillium notatum. Dès lors,son équipe cherche tous les moyens de produire cette moisissure àgrande échelle et d’extraire le principe actif de la pénicilline. Continuantleurs recherches Chain et Florey découvrent l'action thérapeutique de lapénicilline et sa composition chimique. C'est Ernst Chain qui a compriscomment isoler la pénicilline et la concentrer (http://fr.wikipedia.org(c), 2012). Ce n’est qu’en 1940 qu’ils réussirent à en produire 100milligrammes. Le 25 mai de la même année, Florey teste son remèdesur 4 souris après leurs avoir injectées une dose mortelle de streptoco-ques. Pour les deux premières, il leur injecte une dose de pénicilline et,pour les deux dernières, il décide de leur faire plusieurs injections. Dixheures plus tard, les deux dernières survivent ainsi que l’une des deuxqui n’avait reçu qu’une injection. Florey teste aussi la pénicilline sur unedemi-douzaine de patients dont l’état a été temporairement amélioré.Chain et Florey décident alors de publier ses résultats dans ,le 24 août 1940 (Aarab H., Bentbib H. & Ismaili S., 2010-2011 ; Faivre Y.,Sidaner F. & Tesson V., sans date).  Mais, l’Angleterre menace d’êtreenvahie par les Allemands, leur article n’intéresse donc pas le public. Nepouvant compter sur l’aide des pouvoirs publics et des industriels, leurprincipal problème devient de produire suffisamment de pénicilline(Aarab H., Bentbib H. & Ismaili S., 2010-2011  ; Faivre Y., Sidaner F. &Tesson V., sans date).  Il devient évident que la Grande-Bretagne enguerre n'est pas capable d'amener jusqu'à un stade industriel et com-mercial le processus complexe de culture de la pénicilline et de saséparation (Bud, 1997).

Sir Alexander Fleming est un biologisteet un pharmacologiste britannique quia publié de nombreux articles en rap-port avec la bactériologie, l’immunolo-gie et la chimiothérapie. Il découvre en1922, l’enzyme lysozyme responsabled’un effet bactériolytique. Par hasard,de retour de vacances, en 1928, ildécouvre, au St. Mary’s Hospital où iltravaille, une de ses cultures recouver-te de moisissures. Il dénomme cettesubstance antibiotique, penicillium no-tatum. Il publie ses résultats en 1929.Cette trouvaille lui vaut de recevoir etde partager le prix Nobel de physiolo-gie et de médecine avec  Howard W.Florey et Ernst B. Chain en 1945(http://fr.wikipedia.org (a), 2012).

3 septembre 1928, une date clé dansl’histoire de la médecine. LeDr  Alexander Fleming, de retour devacances, retourne au travail dans sonlaboratoire du  St. Mary’s Hopital,  àLondres. Il se replonge aussitôt dansl’observation de ses boîtes de Pétri oùil a laissé des culturesde staphylocoques proliférées pendantson absence, afin de pourvoir regarderl'effet antibactérien du  lysozyme, uneenzyme présente dans les larmes et lasalive. Sa surprise est de taille. Sesboîtes sont remplies de moisissuresd'un blanc verdâtre cotonneux. Ellesont été contaminées par les souchesd'un champignon microscopique, le pe-nicillium notatum. Son voisin depaillasse, un jeune mycologue irlan-dais, Charles J. Latouche, travaille surcette moisissure, qui provoque des al-lergies chez les patients asthmatiques(Aarab H., Bentbib H. & Ismaili S.,2010-2011 ; Veille S., 2012).Sur le point de nettoyer et de déconta-miner ses boîtes, Fleming constatequ'autour des colonies de moisissure, ily a une zone circulaire où le staphylo-coque n'a pas proliféré. Il soupçonnedès lors l’existence d’une substancesécrétée par le champignon qui enserait la cause et décide de la dénom-mer  : pénicilline. En 1929, dans le

, il publie ses résultats, ce qui consti-tue alors le premier compte rendu surl'effet de cette substance. Il est con-vaincu alors que l’action de ce produitse fait de la même manière que celledu lysozyme (Faivre Y., Sidaner F. &Tesson V., sans date).

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La flotte japonaise va frapper

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La pénicilline est entrevue très rapidement comme un remède miracle.Elle est tout d’abord utilisée sur le front par l’U.S. Army pour la luttecontre la gangrène et les maladies vénériennes, mais son emplois’étend aux populations civiles. En 1944, le général Billotte, responsabledu service de santé, crée une commission entièrement consacrée à lapénicilline. Ce produit frappe tellement les imaginations par les résultatsprodigieux obtenus que son utilisation se généralise très vite au Royau-me-Uni, puis à la France. Toutefois, ce médicament reste principalementrattaché aux Alliés. En effet, les Allemands échouent dans la productionen masse de la pénicilline (Aarab H., Bentbib H. & Ismaili S., 2010-2011 ;Faivre Y., Sidaner F. & Tesson V., sans date). Des escadrons de transpor-teurs lourds sont envoyés, notamment par la Croix-Rouge, dans diffé-rents pays afin d’emmener des quantités de pénicilline allant jusqu’à 2500 kg. Cette forte distribution demeure insuffisante et inefficace pourlutter contre les innombrables ravages causés par la guerre et toutes lespopulations ne parviennent pas à y accéder. Une contrebande depénicilline voit alors le jour, qui est dérobée dans les hôpitaux souscontrôle militaire, puis diluée et revendue. Cette pratique malhonnête aprovoqué un aggravement de l'état de santé de certaines personnes,dont des enfants, qui se sont vues mal soignées, ou insuffisamment,causant ainsi leur mort (Aarab H., Bentbib H. & Ismaili S., 2010-2011 ;Faivre Y., Sidaner F. & Tesson V., sans date).Un film tiré d’un livre d’Orson Welles intitulé révèle lestravers de cette pratique honteuse.

Pendant ce temps, en Europe, le moral des Britanniques est au plus bas.Presque toute l'Europe est tombée sous la domination allemande. Lesbonnes nouvelles sont rares, donc précieuses. L'annonce des premierssuccès de la pénicilline tombe à point nommé (Bud, 1997). En août1942, les journaux s'emparent du médicament miracle. Le patron deFleming au St. Mary’s Hospital envoie une lettre au Il yaffirme que ce triomphe est celui de Fleming qui devient instantané-ment un héros national. L'influence de Lord Moran, médecin-chef du St.Mary's Hospital et médecin personnel de Winston Churchill est prépon-dérante. Doit-on voir ici une volonté de mettre en avant l’homme, leservice et l’hôpital, voire de s’accaparer une découverte ? C’est probable.Pourtant, tout se passe à Oxford, où les travaux sont dirigés par Floreyet demandent la participation d'une équipe très conséquente (patholo-gistes, biochimistes, chimistes, bactériologistes, etc.). Fleming, quant àlui, ne participe plus à aucune recherche sur la pénicilline (Bud, 1997).Ainsi, grâce au soutien indéfectible de Moran, la renommée du cher-cheur écossais ne cesse de s’accroître. La presse adore ce héros humblequi admet qu’effectivement il a découvert la pénicilline. Toutefois, iln'oublie pas de rappeler le travail fabuleux de développement effectuépar le groupe de Florey et de Chain. Aux Etats-Unis, l'opinion publiqueest tenue informée des succès des entreprises américaines dans laproduction de masse du médicament. Elle entend bientôt parlerd’Alexander Fleming, dont les recherches pour beaucoup liées au ha-sard, quinze ans plus tôt, ont jeté les bases du triomphe américain (Bud,1997).Pendant que les journaux célèbrent Fleming, l'équipe d'Oxford, touteentière accaparée à ses investigations, en étroite collaboration avec lesAméricains, s'acharne à résoudre au plus vite tous les problèmestechniques. Des deux côtés d'un océan Atlantique placé sous le contrôledes sous-marins allemands, les chercheurs communiquent grâce auxtélégrammes et à la valise diplomatique. Leurs efforts conjoints portentleurs fruits. En juin 1944, les Alliés disposent de pénicilline en quantitésuffisante pour les troupes du débarquement (Bud, 1997).La situation est extrême. Les morts et les blessés affluent du mondeentier. Les troupes allemandes commencent à être débordées sur tousles fronts. Les débarquements se succèdent. Dans cette urgence, Floreyet Chain n'ont pas le temps de communiquer à la presse. Ils se rendentcompte malgré tout qu'ils perdent une guerre de propagande sur deuxterrains essentiels : aux Etats-Unis tout d’abord où le public est persuadéque les scientifiques locaux ont fait tout le travail et en Angleterreensuite où Fleming est déifié.

En période de guerre, les soldats et lescivils meurent d’infections par milliers.Des maladies, qui ont disparu, ressur-gissent du fait des diverses pénuriesalimentaires et de l’appauvrissementgénérés par les bombardements et lesconflits, suscitant des problèmes ma-jeurs d’hygiène. Cela engendre unediminution des résistances des organis-mes aux infections. Ainsi, des épidé-mies de tuberculose dès 1942, desyphilis, etc., qui ne connaissent àl’époque aucun remède, sont-elles ap-parues. De même, les fausses couchesaugmentent-elles (Faivre Y., Sidaner F.& Tesson V., sans date).Aussi, bien informé, Churchill com-prend très vite tout l’intérêt d’unesubstance comme la pénicilline. Il déci-de d’en réquisitionner tous les stockssur le sol anglais et de les consacrer àl’effort de guerre (Veille, 2012).

Face à ces difficultés, Florey décide departir aux Etats-Unis et entre en contactavec Peoria qui est une usine chimiquespécialisée dans l’épuration biologiquedes eaux usées. Un jour, une femmeapporte à l’usine, un melon comportantsur sa surface une moisissure inhabi-tuelle. Les chercheurs analysent donccette moisissure, appelée pénicilliumchrysogenum et découvrent qu’elle a lacapacité de produire 200 fois plus depénicilline que la pénicillium notatumdécouverte par Alexander Fleming. En-fin, la pénicilline peut être produiteindustriellement. Les laboratoires amé-ricains Merck, Pfizer et Squibb décidentde s’occuper de sa production. Cepen-dant, il paraît impossible de traiter tousles malades et blessés sachant que80% de la dose injectée disparaît dansles urines en 3 ou 4 heures (Aarab H.,Bentbib H. & Ismaili S., 2010-2011  ;Faivre Y., Sidaner F. & Tesson V., sansdate). Des suggestions sont faites pardifférents chercheurs pour remédier auproblème.

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Aarab H., Bentbib H. & Ismaili S., « Découverte des effets de la pénicilli-ne: une révolution médica- le », in ,2010-2011, pp. 1-6.

Bud R., « Les enjeux de la découverte de la pénicilline », in La Recherche,décembre 1997, n° 304, pp. 76-79.

Faivre Y., Sidaner F. & Tesson V., « Développement et généralisation dela pénicilline pendant la Seconde Guerre mondiale  », in

, sans date.

http://fr.wikipedia.org (a), , 2012, pp. 1-8.

http://fr.wikipedia.org (b), , 2012, pp. 1-6.

http://fr.wikipedia.org (c), , 2012, pp. 1-3.

Veille S., « La découverte de la pénicilline », in , Septembre 2012,n° 789, pp. 62-67.

Les firmes britanniques sont agacéesaussi, car elles produisent des quantitésde pénicilline nettement inférieures àcelles fabriquées par les Américains.

(Bud, 1997)La guerre prend fin le 8 mai 1945. Lamême année, le 10 décembre, Florey,Chain et Fleming reçoivent le prix No-bel de physiologie ou de médecinepour leur découverte extraordinaire.Pourtant, grâce à une promotion sanscesse renouvelée, la découverte de lapénicilline, dont chacun de nous con-naît l’usage au quotidien par des mil-liers de professionnels de santé, resteencore de nos jours associée injuste-ment au seul nom de Fleming. Unechose demeure certaine cependant,c’est que la Seconde Guerre mondiale,tout du moins les circonstances extrê-mes rencontrées pendant ce conflit,ont joué un rôle fondamental dans ladécouverte et la production de ce mé-dicament.

37 Histomag - Numéro 83

Guerre & Médecine

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Films

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Focus sur quelques films de laSeconde Guerre Mondiale

Le camp

e cinéma fut au XXème siècle l’un des éléments phares de la propagande pour encouragerl’esprit patriotique et montrer la valeur des combattants. Avec la Seconde Guerremondiale de nombreux films firent leur apparition, dès le début de celle-ci, et il estintéressant d’analyser les codes de cinéma en guerre.

Dans ce court article, je vais vous parler tout d’abord d’un film passé sur une de nos chaînesTV pour la dernière fois dans les années 80 et d’un autre, inédit à la TV :

L

Film de 1950 avec John Aggar , David Brian et Frank Lovejoy.John Aggar a joué dans un fil de guerre célèbre « Iwo Jima » (« Sand of Iwo Jima » avec

John Wayne. Frank Lovejoy est, quant à lui, un habitué des films de guerre des années 50-60 et a joué notamment dans «  La patrouille infernale » avec Tony Curtis (guerre du

Pacifique) et « Bataillon de fer » avec Russ Tablyn (guerre de Corée)

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Lors d’un entrainement, le lieutenant, en voulant sauver unhomme pris sous le feu, commet une faute et plusieurs de seshommes manquent de se faire tuer. C’est son sous-officier quisauve le peloton en envoyant le signal de cessez-le-feu. Lecommandant de compagnie sermonne vertement Malory. Il luidit qu’il connait ses hommes depuis les combats en Afrique duNord et ne veut pas qu’ils se fassent tuer à cause d’un étrangerinexpérimenté.Démoralisé, le lieutenant se verra remotivé grâce à son sous-officier.

Le Jour J arrive. La 1ere débarque à Omaha Beach et subit denombreuses pertes mais le lieutenant parvient à assumer sonrôle. S’en suivent les combats des haies. De nombreux GI’s vontêtre tués ou mis hors de combat. Parmi les GI’s, les avis sontpartagés sur leur chef. Le lieutenant est pourtant prudent dans sesdécisions et se sent proche de ses hommes ; trop proche au goûtdu commandant de compagnie qui pense que cela l’empêche detenir son rôle pour mener la troupe au combat. Heureusement,Bell est là pour aider son lieutenant.Alors qu’il venait de se confier à son lieutenant pendant unepause et de lui montrer les photos de ses enfants, le soldatHenderson est atteint par un sniper. Il était très populaire et sescamarades s’en trouvent démoralisés, de même que le lieutenantMalory.A ce moment arrive le capitaine qui les houspille, leur dit qu’ilsfont preuve de faiblesse et devraient creuser leur fox hole au lieude se lamenter.Malory, en colère, s’en prend à lui verbalement. Bell, qui rentre àce moment de patrouille tombe à point pour calmer la situation.En ayant assez, le lieutenant Malory s’en va voir son chef dans satente pour lui dire ses « quatre vérités ».Il le trouve abattu carc’était un ami d’ Henderson et il connaissait très bien ses enfants.Le capitaine Halle, qui s’apprête à écrire aux familles, lui rétorquequ’en tant que chef, il faut prendre des décisions difficiles et que,immanquablement, des pertes seront subies. Il précise qu’un bonchef doit cependant tout faire pour réduire les pertes. Lelieutenant découvre alors que son chef est humain et sa colères’apaise. Rentré à son unité, il en parle à son sous-officier qui luidit qu’auparavant, le peloton était commandé par le capitaine etqu’il y resté très attaché, qu’il se sent comme un père envers sesenfants.Les combats difficiles vont continuer  ; les GI’s vont voir tomberd’autres amis. Des pertes ayant eu lieu également dans l’état-major, lecapitaine Hale, promu au grade de major, est appelé à prendreune fonction dans l’état-major du bataillon.Il donne a l’état-major le nom de l’officier qu’il sent le mieux àmême de mener la compagnie : Malory. Pour qu’il soit dans lesnormes fixées, il propose qu’on le nomme au grade de capitaine.

et

Ces deux films ont pour cadre laNormandie, le premier traitant descombats de la « Big Red One » lorsdu débarquement et durant labataille des haies, l’autre étant axésur les opérations aéroportées vuesà travers l’histoire de soldats des«  Screamings Eagles  » de la101eme Airborne.

 : commeil arrivait souvent alors, certainsfilms pouvaient paraitre avec untitre différent suivant qu’il était àl’affiche en France ou en Belgique.Chez nous, il est sorti sous le titre

 ».

L’histoire :

En 1944, en Angleterre  ; leshommes de la 1ere divisiond’infanterie s’entrainent pour ledébarquement en Normandie.Parmi eux se trouve le lieutenantMalory, (John Aggar).Celui-ci, chef de peloton, n’a quedes connaissances théoriques de laguerre et a sous ses ordres deshommes qui ont déjà combattu. Lecommandant de la compagnie, lecapitaine Hale, met énormémentde pression sur son subordonnépour qu’il soit un bon chef et qu’ilpuisse éviter au maximum lespertes dans son unité. Il demande àl’adjoint de peloton, le 1st sergeantmajor Bell, (Frank Lovejoy), detenir à l’œil le jeune chefinexpérimenté.

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Films

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De plus, une « voix off » donnant des explications, cela permetde mieux comprendre le déroulement de la bataille deNormandie et de prendre conscience des sacrifices consentis parl’infanterie américaine. Alors que l’on voit à l’écran des imagesd’archives montrant des GI’s qui rampent, le commentaire quel’on entend est « … ce n’est pas en marchant que l’infanterietraversa la Normandie, mais en rampant… »

L’époque à laquelle a été tourné le film fait que les tenues et lematériel d’époque, encore disponibles en grande quantité sontutilisés. L’US Army a apporté sa contribution à la réalisation et desunités de la Big Red 1 ont participé au tournage. Parmi cesfigurants se trouvaient des anciens qui avaient réellementparticipé aux combats en 1944.

- :- :- :- :-

« Les paras ont sauté »(Titre original : »Screaming eagles ») (sorti en Belgique

sous le titre Le sang des aigles »)

Celui-ci va se trouver à la place deson chef et être confronté auxmêmes problèmes.Alors qu’un nouveau lieutenantarrive à la tête de son ancienpeloton, il lui met la pression pourqu’il prenne soin des hommes touten accomplissant la missionconfiée. En aparté, il faitcomprendre au 1st sergeant qu’ildoit garder un œil sur le jeuneofficier. Il lui demande aussi decontinuer à garder un œil sur lui, defaçon à ce qu’il soit un boncommandant de compagnie. Lejeune gradé, lui, ne comprend paset se confie à son adjoint. Bell lui ditde ne pas juger trop vite lecommandant de compagnie etprécise que lui est là pour l’aider etfaire du bon travail avec leurpeloton.

Le film :

Typique des films de guerre desannées 50 et du contexte de laguerre froide, « Le grand assaut »se veut un film qui exalte les vertusmilitaires et qui rend hommage auxcombattants américains.Tourné en noir et blanc, cela apermis d’utiliser de nombreusesimages d’archives, ce qui rend lefilm plus réaliste.Bien que certains rôles pourraientde nos jours paraitre un peucaricaturaux, les situationsmontrent bien les duretés de la viedes fantassins, la camaraderie etles difficultés d’être chef.Les liens unissant les hommes sonttrès bien illustrés et les combatssont très bien décrits. Le fait quedes images d’archives soientinclues contribue à rendre le filmplus vrai.

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Films

Les différentes affiches du film :version belge, française.

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Lorsqu’ils rentrent, les GI’s retrouvent leur chambrée dévastée parMasson qui est ivre mort et se montre violent. Il est amadoué parCorlis et Pauling demande à le voir dans son bureau. Là, lelieutenant lui demande s’il veut continuer à faire partie de l’unitéet que, si c’est le cas, il doit comprendre que tous doivent êtresolidaires. Masson accepte et s’excuse. Pauling dit qu’il doitréfléchir ; en réalité, il veut avoir l’avis des membres du peloton.Tous acceptent et Masson est droppé avec eux sur la Normandie.

Arrivé au sol, le peloton est séparé en petits groupes. Voyant desAllemands sur un pont, Masson propose de les liquider. Le caporalqui commande le groupe refuse, disant qu’ils doivent restersilencieux et doivent avant tout retrouver le reste du peloton. Masson obéit, mais, au moment où les GI’s traversent une route,une sentinelle voit le caporal et s’apprête à tirer. Masson laneutralise au couteau mais l’Allemand tire malgré tout un coupde feu, ce qui donne l’alerte. Une mitrailleuse les engage et lecaporal est tué.Une fois les Allemands mis hors de combat  ; les hommes s’enprennent à Masson et l’accusent d’avoir enfreint les ordres.Attirés par les bruits du combat, les autres membres du peloton,avec le lieutenant Pauling, retrouvent le groupe. Pauling fait lepoint carte et s’aperçoit qu’ils ont été parachutés à plus de 30 kmde leur objectif. Il décide de le rejoindre le plus vite possible.Un des Allemands n’étant que blessé s’empare de son Luger pourfaire feu sur les Américains. Pauling l’ayant vu se jette sur lui.L’Allemand tire et le lieutenant est aveuglé par la flamme du coupde feu.

Film de 1955, avec Tom Tryon,Martin Milner et Jan Merling. TomTryon rejouera le rôle d’unparachutiste, mais de la 82 emecette fois, dans  «  Le jour le pluslong »Martin Milner joua dans denombreux films de guerre dont«  Iwo Jima  »avec John Wayne,« Okinawa » avec Richard Widmark,«  Battle zone  » «  The Ratpatrol  »  »Opération Pacifique  »«  Destination Gorby  ». Dans lesannées 60-70 on le vit dans deuxcélèbres séries TV « Route 66 » et« Adam12 »

L’histoire :

En juin 1944, alors que les hommesde la 101 Airborne attendentimpatiemment de sauter sur lecontinent, trois hommes ayant déjàcombattu arrivent en renfort dans

le 1er peloton, Cie D du 502PIR  .Ils’agit des soldats Masson, Corlis etTalbot.Masson est un soldat qui se sentpersécuté et, de plus, peu avantson arrivée, il a reçu une lettre« Cher John » venant de sa fiancée.Son attitude froide et sarcastique lefait de suite prendre en grippe parles autres soldats et en particulier

par l’adjoint de peloton, le 1er

sergent Forrest. Le peloton estcommandé par le lieutenantPauling. Corlis, le seul ami de Masson luidemande de faire des efforts pourne pas s’attirer d’animosités. Alors que tous les hommes partenten sortie, Masson préfère resterseul au cantonnement.En cours de route, les véhicules quitransportent les hommes vers laville sont arrêtés car la division estmise en état d’alerte.

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Films

dans le Linconshire. Le Pilot/Officer A.S. JESS (Canadien) est l'opérateur

Les soldats Corlis et Masson en route vers la Normandie

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Voilà, présentés en quelques lignes, deux films de guerre parmiles nombreux réalisés entre 1942 et la fin des années 60.Malheureusement, beaucoup de ces films ne passent pas à la TVou ne sont pas présentés en DVD. Cela inciterait à rédiger unesorte de «  pétition  » envoyée aux chaines de télévision. Enlibrairie, plusieurs séries proposant des films de guerreaccompagnés de fascicules explicatifs sont sorties. Il s’agissait defilms pour la plupart très connus, déjà sortis en DVDprécédemment et souvent passés de nombreuses fois à la TV. Sid’aventure un éditeur décidait de ressortir ces films en DVD, nuldoute que ça aurait du succès. Reste à espérer que cela se fasseun jour.

« Les paras ont sauté » - affiche Américaine

Pauling remet le commandement àForrest. Celui-ci, pour se débarrasserde Masson lui ordonne de s’occuperdu lieutenant et de rester à l’arrièredu groupe.Le groupe va s’emparer d’uneferme tenue par des Allemands afinde prendre leur véhicule. Aidés parune Française parlant allemand, ilsdécident d’emprunter les routesafin de rejoindre au plus vite leurobjectif. Avant d’y arriver, ilsprennent possession d’un PCallemand installé dans une ferme.Repérés par une autre unitéallemande, ils sont attaqués. Pauling et Masson, ralentis, restentbloqués à l’intérieur. Malgré lesordres Masson refuse d’abandonnerle lieutenant et mène le combatseul jusqu’au moment où leurscamarades viennent à leurrescousse. A l’issue du combat, il nereste que 6 hommes avec lelieutenant, Masson est blessé. Ilsparviennent à rejoindre leur objectifsur lequel se trouve leur compagnie.

Le film : Réalisé peu après le filmprécédent, « Les paras ont sauté »répond aux mêmes critères etbénéficie des mêmes avantages aupoint de vue matériel. Le film est très réaliste et montrebien le vécu des parachutistesisolés en territoire ennemi. Leconseiller technique étant unancien de la 101eme, il a insisté surle réalisme des situationsprésentées. Un des meilleursexemples en est que, au momentde s’orienter de nuit, le lieutenantPauling procède comme l’ont faitde nombreux chefs 11 ans plus tôt :afin que la lueur de sa lampe TL 122ne soit pas repérée par l’ennemi, ilse recouvre d’une toile de tentepour étudier la carte. C’est là legenre de détail qui apporte duréalisme à un film et contribue lerendre plus proche de la réalité.

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Films

dans le Linconshire. Le Pilot/Officer A.S. JESS (Canadien) est l'opérateur

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Témoignage

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La petite histoire du PrivateRobert A. BURKS

obert A. Burks a sauté en parachute le 6 juin 1944 non loin de Ste-Mère-Eglise et a été fait prisonnier par les SS quelques jours plus tard. Il parvintà s'échapper et fut recueilli par le Maquis dans la région de Vitré. Il pritensuite la tête des maquisards et avec ses hommes, il infligea de lourdes

pertes aux troupes allemandes qui se repliaient devant l'avance de l'arméeaméricaine. Après le départ des Allemands, il dirigera même la ville de Vitré pendantune semaine en attendant l'arrivée d'un détachement des Civil Affairs. Ce qui suit estla traduction du rapport qu’il a rédigé après avoir rejoint l’armée américaine.

R

Caudron CR-714. Desinstruments authentiques

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Nous ne sommes pas restés longtemps au QG et nous avonsété emmenés dans une ferme où nous avons été interrogéspar un sergent qui parlait très bien anglais. Nous avonsrefusé de parler et nous avons été mis dans une salleobscure et laissé là sans pain ni eau jusqu’à ce nousfrappions à la porte pour faire savoir que nous étions prêtsà parler. Je dois admettre que ce traitement m’a brisé parceque je voyais bien qu’ils allaient me laisser mourir là si je neparlais pas. J’ai frappé à la porte et on m’a ramené voirl’interrogateur. Tout ce qu’il m’a demandé était le nom demes différents chefs d’unité. Fry et Anderson avaientégalement été brisés. Lorsque j’ai quitté la ferme, il y avaitun autre prisonnier qui avait déjà passé 4 jours enconfinement solitaire sans nourriture ni eau et je suis certainque les SS allaient le laisser là jusqu’à ce qu’il parle ou qu’ilmeurt. Depuis cette ferme, on nous a fait marcher jusqu’àSt-Sébastien-de-Raids, à la sortie de Périers, et ensuite onnous a emmené de nuit par camion jusqu’à la Chapelle-sur-Vire. Nous sommes restés là seulement une journée et noussommes ensuite partis en camion en direction de Laval etnous nous sommes arrêtés quelque part au nord de la ville.Pendant que nous étions dans le camp de prisonniers, ilsnous donnaient un peu de soupe et du pain. Parfois ils nousdonnaient du lait mais pendant que nous étions en transit,que ce soit à pied ou en camion, on ne nous donnait pas àmanger. Parfois, les Français apprenaient que nous nousétions arrêtés pour faire une pause et ils nous amenaient dela nourriture qu’ils distribuaient aux prisonniers mais jamaisaux Allemands. Sans cela nous aurions été affamés. Lesconvois de camions se déplaçaient uniquement la nuit. Lejour, ils les cachaient sous les arbres. Nous n’avions jamaisle droit de descendre des camions que ce soit le jour ou bienla nuit. Lorsqu’on s’est arrêté près de Laval, cela faisait 48heures que nous étions dans les camions sans la moindrenourriture. Arrivés là, on nous a fait descendre et lescamions sont partis. Les Français ont vite découvert quenous étions là et nous ont apporté de la nourriture ce quin’était pas une mince affaire puisque nous étions 90. Fry etAnderson étaient encore avec moi. Je pense que nousdevions être fin juin ou début juillet.

Le jour suivant, on nous a fait traverser Laval à pied. Nousétions 90 et il y avait 7 gardes ; nous nous déplacions tousà pied. Après avoir traversé la ville, nous avons marché versl’ouest en direction de Rennes. Nous avons marchépratiquement toute la journée jusqu’à nous arrivions à unchâteau où vivaient un comte et une comtesse.

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Témoignage

Lancaster : prêt à décoller ?

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Vers la fin de la journée nous avons marqué une pause dansun verger. Les gardes étaient plus fatigués que nous. Ilsavaient essayé de nous faire porter leurs sacs et leursmitrailleuses, mais nous ne cessions de les faire tomber oude les oublier et les Allemands devaient continuellementrevenir en arrière pour les récupérer. Ils ont finalementrenoncé à nous les faire porter. Nous étions à peine arrivédans le verger que des Français sont venus avec de lanourriture. Anderson a commencé à parler avec l’un d’euxet il a offert de nous aider à nous évader. Il nous a parlé d’unlac dans les environs où nous devrions nous rendre.Anderson lui a demandé de faire venir le plus de mondepossible dans le verger afin que nous soyons noyé dans lafoule et que les gardes aient ainsi plus de mal à noussurveiller. Il est reparti et est rapidement revenu avec prèsde 200 personnes qui se sont mis à circuler en tous sensdans le verger et les gardes ne pouvaient plus noussurveiller efficacement. Fry, Anderson et moi-mêmen’avons eu aucunes difficultés à nous éclipser. Nous noussommes égarés et nous n’avons pas pu nous rendre aurendez-vous. Nous nous sommes donc arrêtés dans uneferme pour demander notre direction. Il commençait à sefaire tard et nous avons décidé que nous passerions la nuitdans les bois et que nous chercherions le lac le lendemain.Le lendemain matin, nous sommes repartis. Tout se passaitbien jusqu’à ce que nous soyons capturés par troisAllemands alors que nos traversions une route. QuelquesFrançais étaient avec eux et les aidaient à charger ducharbon dans un camion et une remorque. Etant donné quenous n’étions pas armés, nous avons décidé de nousmontrer très dociles jusqu’à ce qu’une nouvelle opportunitéd’évasion se présente à nous. Nous les avons aidés àcharger le camion. Puis nous avons réalisé que nousrisquions par la suite d’être placés sous une surveillance plusétroite ; comme nous étions à trois contre trois, nous avonsdécidé de tenter notre chance. Nous pensions aussi que lesFrançais viendraient à notre aide. Nous avonssimultanément sauté chacun sur un Allemand. Dans labagarre, Fry et Anderson et leurs Allemands respectifs sesont retrouvés hors de ma vue de l’autre côté du camion.J’ai pu l’emporter sur mon Allemand et me saisir de son fusil.Je n’ai pas réussi à tirer probablement à cause du cran desureté et je l’ai frappé à la tête jusqu’à ce qu’il perdeconnaissance. Je ne sais pas si je l’ai tué ou simplementassommé. Pendant la bagarre, il m’a blessé à la tête et à lamain droite avec sa baïonnette. Je me suis avancé versl’autre côté du camion et là j’ai subitement découvert Fryallongé sur le dos les yeux clos et un Allemand assis surAnderson et le poignardant dans le dos. J’ai cru que j’allaisdevenir fou. J’avais l’impression que le sort s’acharnaitcontre moi. Avant de quitter les Etats-Unis, j’avais promis àla mère d’Anderson que j’allais veiller sur lui et voilà que jeme tenais là à regarder un Allemand le poignardant dans ledos. Tout cela m’a traversé l’esprit en une fraction deseconde et je suis parti en courant. J’ai couru jusqu’à unemaison et je me suis caché dans les gouttières.

Anderson parlait français et lesergent allemand l’a emmenéau château pour lui servird’interprète. Je les aiaccompagnés. Le sergent voulaitde la nourriture. Il s’est avéréqu’un interprète n’était pasnécessaire car le comte ou lacomtesse parlait un peuallemand. Un jardinier setrouvait dans la pièce et nous afait signe de le suivre. Il nous aemmené dans une autre pièceet a dit que le comte et lacomtesse allait faire diversion enparlant avec le sergent. Il aensuite amené des cartes etnous a montré où nous étions etle chemin à suivre pours’évader. Il nous a demandésd’attendre que nous soyons àbonne distance du château pouréviter que le comte et lacomtesse ne soient suspectés.Nous avons continué à marcherce jour-là jusqu’à ce que nousarrivions à une grange et nous yavons passé la nuit. Juste avantl’aube, Fry, Anderson et moi-même avons filé et nous noussommes cachés dans un boisnon loin de là et avons décidéd’attendre que les prisonniers etles gardes reprennent la route.Lorsque les autres se sontréveillés, les gardes les ontcomptés et ont découvert que 3prisonniers manquaient àl’appel. Les gardes ont alignésles prisonniers le long de la routeet ont dit qu’ils resteraientdebout là jusqu’à ce que nousréapparaissions. Un desprisonniers avaient dû nous voircar il a dit aux Allemands oùnous étions et ils sont venusnous chercher. Nous avonscontinué à marcher en directionde Vitré.

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Témoignage

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On m’a donné à manger et le monsieur m’a demandé si jevoulais qu’il me mette en contact avec le maquis. J’airépondu par l’affirmative. Ils m’ont couché et j’ai pu mereposer. Le jour suivant, un homme est venu et m’aemmené à Vitré. Là un autre homme m’a emmené à Balazéà environ 5 kilomètres au nord de Vitré. Je suis resté dansune ferme pendant deux jours. Le monsieur m’a donné unpistolet français et m’a donné une telle quantité denourriture que je n’ai pas pu tout manger. Deux jours plustard, un autre Français est venu et m’a emmené dans unbois ou j’ai rencontré quatre maquisards. On me les aprésentés. Dans le courant de la journée, d’autresmaquisards sont venus. J’ai rencontré 11 maquisards entout. Je leur ai demandé si c’était possible de rejoindrel’armée américaine. Ils m’ont dit que c’était impossible detraverser les lignes allemandes et que comme la frontièreespagnole était fermée, il valait mieux que je reste avec euxjusqu’à ce l’armée américaine libère la région. J’ai accepté.Comme il est d’usage dans le maquis, les membres de labande venaient tous de la région où ils opéraient. Ilsdevaient obtenir de la nourriture et des informations despaysans et des gens vivant en ville. Ils travaillaient aussi enétroite collaboration avec la gendarmerie. Ma bande opéraitdans la région de Vitré. Je parlais un peu espagnol et l’un desmembres du groupe également. La communication a doncdébuté en espagnol suppléé par la gestuelle et des croquis,et j’ai progressivement pu acquérir quelques notions defrançais ce qui a permis à l’ensemble du groupe decomprendre. L’âge moyen était 19 ans. Ils ont décidé que jeserais l’officier en charge des opérations. Ils étaient armésd’un courage comme j’en avais rarement vu mais ils étaienttrès imprudents. J’ai presque déclenché une révolutionlorsque je leur ai dit qu’ils ne pouvaient pas fumer lorsquenous étions en opération. Il ne s’est rien passé la premièresemaine que j’ai passé avec eux. Ensuite un des scouts d’unvillage voisin nous a informés qu’une voiture de policeallemande empruntait la même route tous les jours ets’arrêtait toujours au même endroit. J’ai décidé que nousdevions lui tendre une embuscade. Le jour suivant, noussommes partis à 8 et nous avons trouvé la voiture. Il y avait4 Allemands à bord. Nous avons ouvert le feu et nous lesavons tous tués. Nous sommes ensuite partis dans leurvoiture qui contenait en outre des armes. Nous sommesensuite partis vers la forêt du Pertre et nous avonsbivouaqué près d’un lac. Nous avons dormi dans descouvertures et nous avons construits des abris pour nousprotéger de la pluie. Nous nous rendions dans des fermespour nos repas. Dans cette forêt, ils avaient une radio quipermettait d’envoyer des messages à Londres.

J’ai entendu quatre coups de feuvenant de la route. Ensuite, unedizaine d’Allemands sont venusdans la maison et l’ont fouilléesans ménagement mais nem’ont pas trouvé. J’ai entenduun autre coup de feu et puis ilssont partis. Puis un Français estvenu et m’a dit que je devaispartir tout de suite. J’ai suivi sesrecommandations et je suis partien direction de Vitré. Je saignaiset je me sentais misérable etépuisé.

La première pensée rationnellequi m’est venue à l’esprit estque je devais trouver quelqu’unpour panser mes plaies, medonner à manger et me trouverun endroit où je puisse mereposer. J’ai rencontré une fillesur la route qui a accepté dem’aider. Elle m’a emmené sur laroute et lorsque je lui ai dit quecela pourrait être dangereux demarcher sur la route, elle m’a ditque tous les Français desenvirons étaient de bonsFrançais.

Je ne pouvais pas m’empêcherde craindre de voir desAllemands faire irruptionderrière une haie et j’étais sur lepoint de prendre congé d’ellelorsque nous avons rencontré unhomme sur une bicyclette. Lafille lui a demandé s’ilconnaissait un endroit où jepourrais être emmené. Il arépondu que oui et il m’aemmené jusqu’à une maison oùon a pansé mes plaies et où onm’a donné des vêtements civilset caché mon uniforme.

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Témoignage

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Je crois que les Allemands nous tendaient un piège pournous arrêter et mettre un terme à cette tuerie massive.Il y avait une autre position un peu plus haut sur la route. Ilsm’ont dit par la suite qu’ils n’avaient pas l’intention de tirersur la voiture car j’avais donné pour instructions de ne tirerque sur les véhicules en mouvement. Toutefois lorsqu’unAllemand est sorti de la voiture, ils n’ont pas pu se retenir.Ils ouvert le feu et tué tous les Allemands se trouvant dansla voiture. Deux gros camions avec des châssis en acier sonttout de suite arrivés. Chaque camion tractait un petit canonet les hommes à bord des camions étaient armés de fusilsmitrailleurs, de mortier, de grenades. Nous ne faisions pasle poids et nous avons dû partir. Nous avons battu enretraite à travers bois jusqu’à nos deux voitures et nousavons découvert que l’une d’elle refusait de démarrer.L’autre voiture a embarqué autant d’hommes que possible.Les 5 hommes restant et moi-même nous sommes divisésen trois groupes de deux et nous avons pu rejoindre notrecamp à travers bois. A partir de ce jour-là, il y a eu beaucoupd’Allemands dans la région et nous nous attendions à cequ’ils découvrent le camp et l’attaquent. J’ai demandé à labande de construire une ligne de défense. Un côté étaitprotégé par le lac. Il y avait une seule route d’accès. J’aiplacé un grand nombre de fusils mitrailleurs sur la route etj’ai fait miner les bois environnants.Avant que nous n’ayons eu l’opportunité d’utiliser cetteligne défensive, un gendarme est venu de Vitré et m’a ditqu’une première colonne de l’armée américaine avaittraversé la ville. Je me suis rendu en ville avec ma bandepour attaquer les arrières de l’armée allemande mais quandje suis arrivé je n’ai vu ni Américains ni Allemands. Jesuppose que cela devait se passer au début du mois d’août.J’avais passé environ un mois dans les bois avec le maquis.Après avoir constaté l’absence d’autorité américaine dansVitré, j’ai décidé que je devais rester jusqu’à ce quequelqu’un se manifeste. J’ai mis en place un bureau et j’aigéré la ville pendant 8 jours. Pendant cette période,plusieurs CIC et MII sont venus en ville mais sont repartisimmédiatement. Les civils sont venus vers moi avec leursproblèmes et je les ai aidés. On m’a donné les noms descollaborateurs et j’ai fait de mon mieux pour aider lesréfugiés. Finalement, un détachement des Civil Affairs estvenu et je leur ai remis la ville. Je leurs ai demandéscomment faire pour retourner vers mon unité. Ils m’ontrépondu qu’ils ne savaient pas. Lorsque j’ai dit à la bandeque j’allais partir, ils m’ont supplié de rester et m’ont menévers une chambre avec des vêtements neufs et deschaussures ainsi qu’une carte d’identité disant que j’étais néet que j’avais grandi à Vitré et que je possédais unepropriété. J’étais très touché mais je devais dire non."

J’ai envoyé mon nom et monmatricule. Nous avons demandéà Londres de nous envoyer desarmes et des munitions. Le joursuivant, quatre autres personnesont rejoint la bande. Quelquesjours plus tard, 24 fusils Sten et4 fusils Bren ainsi qu’une bonnequantité de munitions et degrenades nous ont étéparachutés. Peu après, les routesse sont trouvées encombréesavec des véhicules de l’arméeallemande se dirigeant vers l’estet le sud. Il semblait que l’arméeaméricaine avait entamé sapoussée et les Allemandsétaient contraints de se replier.Les routes étaient saturées. LesAllemands circulaientuniquement la nuit. Pendant lejour, les camions se cachaientsous les arbres. Lorsqu’ils sedéplaçaient les camions étaientespacés de 500 mètres etroulaient aussi vite qu’ils lepouvaient. La pluparttransportaient des soldats. J’aidivisé la bande en groupe dedeux ou trois et je les ai postésdans des virages. Ensuite, àchaque fois qu’un camionpassait, on vidait un chargeur surl’arrière du camion. Je leur ai ditde ne pas tirer sur le chauffeurcar le camion s’arrêterait etbloquerait l’arrivée des ciblessuivantes. Cela a marché àmerveille plusieurs nuits desuite. A moi tout seul, j’aiconsommé quatre boites demunitions. Ensuite, une nuit, uneberline est arrivé et s’est arrêtéeen face de ma position.

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Témoignage

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L’histoire que nous raconteRobert Burks est-elle véridiqueou bien l’a-t-il embellie ? AdèleFlageul journaliste du Journal deVitré a mené l’enquête. Elle a puconfirmer l’existence dumaquisard René Salmonmentionné dans une pièceannexée au rapport de Burksmais il est malheureusementdécédé. A ce jour, personne àVitré ne semble se souvenir deBurks. Si vous possédez desinformations, n’hésitez pas àcontacter l’auteur via larédaction d’Histomag 39-45.

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In memoriam

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In memoriam : Guy Leloup un des premiers FFL

Le camp

G uy LELOUP nous a quittés le 23 Avril dernier. Il a été inhumé en uniforme,paré de ses décorations, à Champagne-sur-Seine (77) où il s'était retiré.Evadé de France à la mi-Juin 1940, le quartier-Maître LELOUP fut un despremiers Français Libres en s'engageant dès le 26 Juin dans les FAFL,comme sergent. Voici quelques-uns de ses souvenirs, recueillis en 1998 par

Stéphane & Isabelle Duchemin :

Le sergent-chef LELOUP au travail, au GC3 Normandie

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Alors par la suite, la Sté LORRAINE-DIETRICH avait des gars chezelle, pilotes, mécaniciens etc... Parmi eux, il y avait une personnetrès dévouée qui avait fondé une école de pilotage pour lesjeunes. J'ai donc participé à ces cours où j'ai acquis le brevet en1937. Mais l'examinateur m'avait posé une question :"- Vous êtes à bord, vous avez le feu qui se déclenche, qu'est-ceque vous faites ?""- je tire les anneaux de secours pour les extincteurs.""- Ca ne fonctionne pas, qu'est-ce que vous faites ?""- On cherche à se poser le plus vite possible.""- Ca ne fonctionne pas, ce n'est pas possible, qu'est-ce que vousfaites ?""- Je saute en parachute.""- Le parachute ne fonctionne pas, qu'est-ce que vous faites ?"Excédé je lui dis :"je vais en chercher un autre au magasin !"Fini, terminé. Puis j'ai été appelé pour venir chercher mon brevet.Tout étonné, j'ai demandé à celui qui me le délivrait pourquoil'examinateur m'avait posé ces questions. Il répondit que c'étaitnormal car il avait voulu me pousser au maximum pour voircomment j'allais réagir. Rires...

Nanti de cela, je me suis trouvé dans l'aéronavale en 1938 àPoulmic (Finistère). On pouvait opter, du fait de cette chose là (lebrevet), entre l'Armée de l'Air ou l'Aéronavale. J'ai préféré l'Aéro-navale parce que je savais que les gars dans l'Armée de l'Airfaisaient du nettoyage et pas autre chose ! Je suis rentré dans laMarine le 3 septembre 1938 et le 3 septembre 1939 ; c'était ladéclaration de la guerre. Un an pile.

Et là, ça a été la drôle de guerre ! On faisait des patrouilles sur larade. Quelques temps après, les Fritz venaient nous rendre visiteet larguaient des bombes magnétiques. Mais comme la majoritédes appareils n'étaient pas en acier mais en dural, nous n'avonseu aucune perte à déplorer. Par contre, deux petits chalutiers enont eu, eux, à déplorer ! Et puis la pression est devenue très forte,En Juin, la Bretagne a été envahie par le bas. Comme j'en avais lapossibilité, et que nous allions nous faire piéger par les allemands,qui nous coinçaient, je suis parti avec deux camarades sur unevedette rapide en direction de l'Angleterre.

Je suis né dans un petit coin d'Île-de- France, le long de la Seine quis'appelle Haute Isle. Haute Isle estvoisin d'un lieu qui s'appelle LaRoche Guyon  : Le repère de Rom-mel ! C'est de là qu'il a supervisé lafin de la guerre, mais pas le débar-quement. Il était parti retrouver safemme afin de lui offrir une petitepaire de chaussures qui avait étéfaite sur place.

J'ai perdu ma mère lorsque j'avaisquatre ans. Mon père s'est remariéet je me suis retrouvé à Argenteuil.Or Argenteuil à l'époque, était lelieu de l'aéronautique. Il y avait,entre autres les usines FBA,SCHRECK, la Société LORRAINE-DIE-TRICH qui fabriquait les moteurs…J'ai fait mes études là-bas et pen-dant les vacances, j'allais rôder aubord de la Seine qui n'était pastellement loin de chez moi. Là, il yavait de petits appareils SCHRECKFBA. Et à force de tanner et detanner les gars, un beau jour lemécanicien me dit : "Si tu as telle-ment envie de voler, il y a un décol-lage et un amerrissage. Ça te feraitplaisir ?". Bien sûr et je suis montéà bord, vous pensez, trop heureux !Ce que je me rappellerai toute mavie, on est arrivé à toute allure etj'ai vu le pont en face. C'est paspossible, jamais on passera. Bon, çam'a valu une solide raclée de lapart de mon père, parce que dansces coins là, vous savez, dans l'aé-ronautique, tout le monde se con-naît.

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Et alors là, ils ont eu des résultats sensationnels car le coefficientde pénétration dans l'air était beaucoup plus fin. Ils ont gagné plusde 60 km/h, mine de rien. Après la prise en compte de cetappareil, on a travaillé presque un mois parce qu'il fallait les avoiren main. Nous ne savions pas ce que nous allions faire. Un beaujour, nous avons appris que nous étions condamnés à mort parVichy, les Allemands et les Italiens. C'était le 29 juillet 1940.

Le lendemain, départ par le train pour Liverpool. Embarquementde nuit, paquebot hollandais "Penn Land". Le 31 août départ pourl'Afrique. Le 31 août, cela vous dit quelque chose ?

Chanson de marinsLe 31 du mois d'août,nous vîmes venir sous le vent à nous,une frégate venant d'Angleterrequi fendait la mer et les flots..."Faut le faire ... chapeau les anglais, Ah oui !

Le 14 septembre Freetown. Alors là, ça a été quelque chose deterrible ! Nous avons été nous frotter à Dakar où nous avons étééjectés vite fait. Ils n'ont pas hésité puisque nous étions desrenégats, nous étions condamnés à mort. Donc pas de détail.Nous sommes restés trois jours à Freetown avant que l'on nousréexpédie à Douala.

Le 8 octobre 1940, débarquement à Douala. Mise en place dugroupe qui fut surnommé "James Squadron" parce que la nourri-ture n était pas suffisante et que l'on consommait donc beaucoupde pain et de... confitures. Formation du GRB1 qui devint plus tardGBl. Mais avant ça le bâtiment ne pouvait pas entrer dans le Buri.Le Buri, c'est le fleuve à l'embouchure duquel se trouve le port deDouala. Celui-ci n'était pas suffisamment profond. Donc, il nousfallut sortir les caisses du Penn Land, les descendre sur desbâtiments de fortune, les amener au port. De là, sur des plates-formes, que l'on avait trouvées je ne sais où, les emmener auterrain. Du port au terrain il y avait quand même près de 1200 m.Le terrain était un terrain d’aéro-club où il y avait quelques petitsappareils et un tout petit hangar où il fallut s'installer. Puis il fallutsortir les avions des caisses, les mettre sur pattes, les mettre enplace, monter les moteurs et monter les ailes. on a commencépar monter les moteurs le hangar était trop exigu. Au derniermoment nous les sortions pour monter les ailes. Ensuite, on a faitles essais et par la même occasion, on a mis en état deuxDewoitine 520. Notre patron était le lieutenant-colonel De Mar-mier.

A Liverpool, un accueil extraordinai-re. Tout le monde levait les bras.Alors je fis la réflexion à un de mescamarades  : "Mais quel accueil  !"Quand nous avons amarré, j'ai poséla question à quelqu'un qui par leplus grand des hasards parlait lefrançais. Il me dit : "Vous ne savezpas pourquoi les gens levaient lesbras de cette façon,.?" Je lui répon-dis que non. "C'est parce que vousêtes passés en plein dans le champde mines !"

C'était une vedette en bois, alors laseule partie métallique était le mo-teur puisque tout le reste était enbronze, donc anti-magnétique.«  Vous voyez la chance  ? C'estcurieux ... »De là nous avons été dirigés vers lecentre de regroupement de StAthan(1). Ensuite, nous arrivons àLondres. Nous étions dans un parcà voitures, très joliment fait, enhélice s'il vous plaît, qui s'appelait"Empire Hall". C'est là que j'ai signémon engagement pour les FAFL. Jel'ai signé le 26 juin 1940. De StAthan, nous sommes partis pourOdiham. C'était une grosse base oùils faisaient encore des essais car ilsavaient encore des appareils enfinition et en cours de mise aupoint. Nous avons pris en compte leBlenheim, un petit appareil formi-dable. C'était un engin qu'ils bapti-saient à l'époque, le « short nose »(2). Il avait un nez pointu. Maiscomme il n'était pas confortable, ilslui ont mis un nez plus long. C'estdevenu le « long nose » (3).

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Si vous insistez, les roues tournent dans le vide et alors là vouscreusez votre tombe  ! Si bien, qu'il a fallu dans un certain cas,enlever toute la partie de surélévation du châssis, reposer lacaisse dessus et faire des ouvertures pour laisser le passage desroues arrières. Ah il fallait vouloir, franchement, il fallait vouloir !Le 27 décembre 1940, installation à Ounianga. Petit fortin voisinde trois petits lacs dont un seul est exploitable parce que l'on peuty tirer de l'eau douce. Les autres ont des eaux dangereuses. Il yen a un, entre parenthèses, dont les mouches qui sont tout autourforment un anneau noir très visible lorsque l'on arrive en avion.Elles sont là et n'en bougent pas ! Dans ce coin là, le jour, on aentre 28 et 35° C et la nuit entre 0 et -5° C. C'est le désert,presque en bordure de celui de Libye.

Le 31 décembre 1940, première mission sur Koufra. Il y avait deuxescadrilles. L'une venait de Douala et l'autre d'un endroit où ilsavaient aussi monté des avions mais dont je ne me souviens plusle nom. Donc, réunion des deux escadrilles à Ounianga.

Le 05 février 1941, décollage de quatre Blenheim pour bombar-der Koufra.

Le 15 février 1941, après toutes ces opérations, c'est le retour surFort Lamy. C'est aussi la révision de mon appareil qui en a grandbesoin parce que j'ai été obligé de confectionner une glace avecce que l'on avait bien voulu me donner, car il avait été mouchépar un tir de DCA.Mars 1941, départ pour Khartoum. C'est loin Khartoum ! Alors, onse pose à El Facher où l'on refait les pleins pour continuer. Notreéquipage était composé de Grasset (pilote), Petain (navigateur)qui ne supportait pas qu'on l'appelle comme ça et qui voulaitqu'on l'appelle Petrus et Delcros (radar). Après une heure de volun petit incident intervient. Température O'C au moteur droit.Après réflexion et recherches je me suis aperçu de ce que c'était.Les anglais utilisaient comme aiguille, une plume car c'était trèsléger et qu'il n'y avait pas besoin de contrepoids. Cette plumeétait enfilée sur l'axe où elle était collée. Seulement, il y a unechose à laquelle ils n'avaient peut-être pas pensé, c'est queparfois dans les avions, il faisait plus de 70° C. Alors les colles netiennent pas dans ces conditions. Pas de problème, je m'en suisrendu compte assez rapidement. De toute façon, ce n'était pasgênant, je voyait que cela tournait bien. Mais après deux heurestrente de vol, c'est là où ça se corse, pression d'huile à 0. Alors làc'est pas pareil  ! Je regarde mon moteur, pas d'évacuation defumée, il tournait rond. Je regarde de nouveau mon instrument,c'est le même problème. Encore l'aiguille ! Mais vous savez, çafait boum ! Surtout que là, nous étions dans une vaste nature. Jene sais pas où nous nous serions posés. Enfin, nous arrivons àKhartoum. Remise en état de l'avion et nous prenons place auterrain qui nous est attribué, "Gordon's Tree". Le terrain est situéà environ vingt kilomètres de Khartoum. Il y est, quand même,relié par une route goudronnée. Cet endroit était curieux car jepense, qu'à l'origine, celui-ci était un parc destiné aux unités entransit. Cependant, il y avait de quoi nous loger. Nous y sonnesrestés un bon moment, le temps des opérations d'Erythrée etd'Abyssinie. Et là, il y a eu du travail. Tous les jours, un ou deuxappareils décollaient pour bombarder.

Les appareils sortirent et l'un d'euxfut pris en compte par le lieutenantFeuillerat pour nous faire une belledémonstration. J'ai été obligé deme mettre à plat ventre, l'animal !Il a fait trois ou quatre passages trèsbien. Puis il a fait un passage sur ledos et pensait se remettre en posi-tion. Mais, manque de chance, ilétait trop lent et quand il a poussésur les commandes, elles n'ont pasrépondu. C'est le moteur qui l'amené, autrement dit, il est parti enpiqué. Cependant, il a eu la présen-ce d'esprit d'emmener l'engin enbordure de l'hôpital, parce quecomme il était placé, il tombait enplein dessus... Premier mort. Alors,je revois la tête de De Marmier  :"Oh le con ! Il se tue et il nous casseun avion" parce que lui avait réalisétout de suite. Bon alors ça, c'est lepremier français libre décédé - etbêtement, si l'on peut dire.Octobre 1940. Montée sur le Tchadpar camions et affectation à FortLamy le 11 novembre 1940. C'étaitun drôle de sport, j'aime autantvous dire. Le 15 décembre 1940,départ par petits camions pourOunianga-Kebir. Entre temps, nousavions changé tous les ressorts desoupapes sur tous les avions, parceque les Anglais avaient trouvé qu'ilsétaient défaillants. Il y avait 1100km à faire et par endroits il fallutporter les camions. Les camionsétaient ensablés jusqu'au ventre. .Parce qu'il y a une saloperie qu'onappelle Fech-Fech. Chez eux leFech-Fech c'est la farine et c'estblanc effectivement. Quand vousroulez sur les dessus, vous avez unecouche sablonneuse qui est plusdure, qui a été triée par le vent, quiest beaucoup plus granuleuse, doncvous avez une assise. Mais si pourune cause quelconque vous égrati-gnez ça ... vous descendez.

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J'étais prêt, je venais de faire chauffer les moteurs, quand ungrand gaillard me tapa sur l'épaule et me dit : "Tu descends, tulaisses ta place", ce à quoi je répondis "Non, j'ai un vol d'essai","Tu laisses, il y a quatre parachutistes qui viennent d'arriver, ilsveulent faire une reconnaissance." Je leur ai laissé ma place, ilétait aux alentours de 11 h du matin. Décollage, tout se passebien. Il fait un passage, on le voit partir sur Damas, mais bas, tropbas. on l'a vu passé sur les jardins de Damas et puis "VOUM.. !"On a su pourquoi après. A 11 h 30, la température au sol est trèshaute. L'air est donc beaucoup moins dense. Quand il a tiré dessuset comme il était trop bas, il a touché et s'est aplati. Et alors là, lagerbe, on a rien retrouvé. J'aurais dû être à bord...

Le 1er octobre 1942, nouvelle affectation, au groupe "NORMAN-DIE".

Le 12 novembre 1942, c'est le départ pour l'URSS. Nous partîmesavec trois engins presque identiques au Dakota à la différencequ'ils n'étaient pas équipés des mêmes moteurs. Je ne sais pascomment ces gars là peuvent voler. Décollage, déjà dans le coinde Téhéran c’est pas drôle parce qu'il y a une montagne qui estde taille  ! Immédiatement après, on vole au ras de la merCaspienne, à cause de la chasse ennemie. On a fait tout notrevoyage au ras. De la Caspienne on a sauté au ras de la cime desarbres. Nous nous sommes posés dans un coin qui s'appelleOuralsk. Tenez-vous bien, Français, nous étions en cravate etc,etc... Quand nous sommes descendus, nous étions en petitessocquettes de soie et eh petites chaussures. Mais il y avait 30 cmde neige pour nous accueillir. Cependant, ce que je n'ai jamaiscompris c'est comment les pilotes avaient trouvé le terrain et lemoyen de s'y poser. Ils sont venus nous chercher avec des lampesélectriques !

Les conditions météorologiques ne nous facilitaient pas la tâche.Un jour, j'ai mis un temps considérable à fixer un tout petit écrou.Après avoir fini ce travail, je m'apprêtais à rentrer quand un soldatrusse me fit signe d'approcher. J'ai obtempéré, quand, arrivédevant lui, il ramassa de la neige et m'en frictionna le visage. Jen'ai pas du tout apprécié la plaisanterie mais je me suis retenu carles consignes de bon comportement avec les Russes étaient onne peut plus claires. Déjà que nous avions eu quelques problèmesavec les Anglais  ! Bon, le lendemain, je rencontrais un Colonelrusse qui parlait un français magnifique. Je lui ai donc expliqué mapetite affaire de la veille et ce dernier m'expliqua tout simple-ment que ce soldat avait remarqué que j'étais en train de geler.En effet, quand on gèle, le tour de la bouche, les narines,deviennent marrons. Sa friction n'avait donc pas d'autre but quede me réchauffer et de m'empêcher de geler. Il m'expliquaensuite que pour savoir si l'on est en train de geler sur place, ilsuffit de se pincer le nez. Si les narines restent collées à l'arrêtedu nez, c'est qu'on gèle !Au début du printemps, la neige avait fondu laissant place à unegrande flaque. Jamais d'aérodrome, nous étions toujours dans lanature. Quand les appareils étaient mis en piste, ils roulaientdoucement.

Lancer des tracts, c'était le grosproblème. Il y en a eu des quantitésde lancés pour essayer de retournerla mentalité. Les équipages avaientun passé et inscrivirent le messagesuivant : "Ne leurs coupées pas, ilssont pour nous." Vous voyez ce quecela signifiait...

Le 20 octobre 1941, nous partonsen opérations en Libye. Ce furentles opérations de Gambout, To-brouk, et la fameuse passe d'AlFaya. Al Faya ce fut quelque chosede terrible parce que c'est une fis-sure dans la colline, qui descend enpente assez raide. Les Italiens s'yétaient installés avec une DCA trèsimportante pour protéger Tobrouk.Il a fallu les déloger de là et celanous a coûté deux équipages. on nepouvait pas emprunter la passe endescendant car cela était trop diffi-cile. Mais en montant nous étionsplus vulnérables à la DCA.

Il arriva une chose d'horrible àGambout. Ce n'était pas un terrainà proprement parlé mais plutôt unevaste plate-forme. En face de nous,il y avait des Néo-Zélandais et desAustraliens. Lors d'un décollage suralerte, les deux unités se firentface. Je ne sais pas si voyez lechantier  ! Nous, ça nous a coûtétrois avions et quatre hommes, eteux ça leur a coûté six appareils. Ilsn'étaient pas complètement dé-truits, mais suffisamment endom-magés pour être inexploitables.Cela c'est un coup dur et en plus laveille de Noël !En février 1942, je rejoins la basede Rayak au Liban et le ler mars, jesuis affecté à la BA de Damas (Sy-rie) pour école. C'est là qu'un jour,sur un Blenheim qui avait eu quel-ques ennuis, je devais faire un vold'essai.

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Il s'est récupéré chez les Australiens qui étaient nombreux dansle coin car ils assuraient la garde des terrains etc... Ils l'ont prispour un Fritz. "Come on fucking german !" Il est revenu avec desplaies et des bosses malgré ses tentatives pour expliquer auxAustraliens qu'il était Français libre. Mais comme il parlait très peul'anglais... Trop tard, il a quand même pu se faire identifier et l'onest allé le récupérer là-bas.

Bref, le 30 septembre 1943, j'ai été rapatrié à la BA de Rayak.

Le 1er janvier 1944, je suis affecté à la BA n°2 à la SLA de la BE325.

Le 16 mars 1944, nouvelle affectation au Parc de l'air du Moyen-Orient.

J'ai malheureusement passé la fin de la guerre à Rayak à l'AtelierIndustriel de l'Air où nous étions cantonnés dans un coin biendéfini. Et comme le mess était très petit, on avait pour ainsi direpas de contact avec les autres unités ou très rarement. Nousvivions presque en autarcie. Un jour le colonel m'appelle et medit :"Vous allez pouvoir vous mettre en grande tenue.""Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?""La libération de Paris, c'est pour bientôt !"Alors là... C'était au moment des débarquements alliés …

Le segent-chef LELOUP regagnera la France en vainqueur, s'ymariera et fondera un garage à Paris. Il s'est éteint le mois dernierà Fontainebleau, près de Champagne/Seine où il s'était retiré. Lafin de son éloge funèbre s'est terminée ainsi :

A vous Madame, à vous sa famille, je voulais vous dire combiennous sommes tristes.Le conseil d'administration du Mémorial Normandie-Niémen toutentier, les descendants des acteurs de cette formidable épopée,les adhérents du Mémorial qui n'ont pu venir jusqu'ici aujourd'hui,les internautes qui ont laissé des messages de sympathie sur lesite internet, se joignent à notre démarche et nous ont demandéd'être porteurs de leurs messages de sympathie et de condoléan-ces. Le colonel Fetissov, Président de l'association des vétéransrusses du Normandie-Niémen et de la 303ème Division Aériennerusse s'est associé à votre peine immense par l'envoi d'unmessage qui vous a été remis.Monsieur Roland de Pange, dont votre mari fut le mécanicien deson père, et que j ai eu hier au soir au téléphone m'a dit combienil était malheureux de ne pas pouvoir être à vos côtés.Nous vous exprimons ici toute notre amitié et notre respect.

(1) A Saint-Athan, il devra montrer son envie de poursuivre lecombat, et sera « sélectionné » par les services anglais(2) Blenheim Mk,I(3) Blenheim Mk,IV

Mais quand ils tombaient dans untrou, ils mettaient les gaz et là ilslevaient la queue  ! Donc, il fallaitêtre là pour empêcher çà. on soule-vait l’aile pour le porter plus loin. Unde mes camarades, un nommé Car-rel, avait trouvé une solution beau-coup plus simple. Il sautait sur leplan fixe à l'arrière et il attendait.Un jour, avec Risso aux comman-des, lors d'un décollage sur alerte,celui-ci a trouvé le moyen de pren-dre la piste et de mettre les gaz enembarquant mon Carrel. La plaisan-terie a duré un bon moment etCarrel s'est rendu compte qu'il fal-lait qu'il saute. Comme c'était unsportif, il si est retrouvé avec lebord d'attaque dans le ventre. Ils'est fait glisser et est passé endessous. Il s'est laissé tomber et aroulé telle une boule et s'en est tiréavec quelques gnons ! Il. en a étéquitte pour une sacrée frousse. Apropos de Carrel, cela me rappelleune anecdote en Libye où les Fri-zous, le matin, venaient nous direbonjour en nous lâchant quatrebombes. Nous avions des dépôtsd'essence qui étaient importants etnous avions nos logements dans lesol avec une tente par dessus. Unjour, il n'y eut que trois bombes. Iln'y en a pas eu quatre, mais il n'yen a eu que trois; Pourquoi  ? J'ensais rien ! Toujours est-il, que dansle courant de la matinée, ils sontvenus nous rendre une autre visite.Ils nous ont mitraillés. Carrel avaitdéjà subi des mitraillages en Fran-ce. Il est devenu complètementpaniqué. Infernal  ! Un de mes ca-marades qui était rugbyman l'acoincé. Lors des mitraillages Carrel.devenait dingue. Une autre fois, lamême chose, à la tombée de lanuit, ils sont encore venus nousrendre visite. Alors là, la frousse, ilest parti dans la nature.

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Déchargement à Douala des caisses contenant les premiers avions des FAFL

Montage d'un bombardier Blenheim Mk.IV

Peinture des cocardes et des croixde Lorraine sous l'aile d'un Blenheim

Les honneurs rendus par l'ANSORAA à la fin de la cérémonie, devant Mme LELOUP

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Les bunkers usines de la Kriegsmarine2° partie

Le camp

U La chaîne complète de production et d’entretien des nouveaux sous-marins doit être proté-gée des raids de plus en plus nombreux et dévastateurs des Alliés sur l’Allemagne. L’OKM,commandement supérieur de la Marine, va mobiliser bureaux d’études et chantiers deconstructions navales pour gagner ces nouveaux défis. Plusieurs types d’ouvrage sont alors

planifiés. La priorité absolue est réclamée par le Grand Admiral Karl Doenitz pour mener à bien cetimmense programme représentant plus de quatre millions de m³ de béton à couler.

Abris pour le montage des sections de U-boote :

Ces dernières arrivent en pièces détachées des différents lieux de production dispersés en Allemagne.Il faut mettre en place une chaîne de montage, un peu à l’image de celle utilisée pour les automobiles.Montées sur des chariots sur rails qui avancent de poste en poste, les sections sont complétées àchaque étape de montage. Aménagements intérieurs, circuits électriques, air comprimé, communica-tions... Tout doit être en place pour l’étape de l’assemblage du sous-marin. Le systèmeest performant. Plu- sieurs centaines de sections seront achevées avant la fin duconflit, mal- gré les bombardements et la désorganisation des voies

de communications. En attendant l’achèvement desbunkers spécifiques au montage des sections,

certaines seront assemblées dans d’autresabris bétonnés comme Fink II (section

n°3) ou Elbe II (section n°5) àHambourg et à Kiel dans l’abri

«  Konrad  » entièrementmodifié pour cela.

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Le plus important devait être celui de Rügen sur la mer Baltiqueavec une capacité de 36 unités dans un bunker de 340 mètresde long sur 220 mètres de large... Les projets sont nombreux,mais aucun ne sera à son terme, la majorité ne restera qu’àl’état d’ébauche de plans ou de quelques terrassements légers.

La taille du nouveau sous-marin impose des alvéoles plus longueset surtout plus larges. Pour satisfaire ces contraintes, de nouveauxsystèmes de poutrelles pour supporter le toit sont étudiés etconstruits. Deux sortes seront utilisées. Les premières, métalli-ques, appelées « Melanträger » ont une hauteur de 285 cm sur60 cm de large et 29 mètres de portée maximum. Disposées côteà côte, un imposant ferraillage est mis en place entre-elles avecdes fers à béton de 12mm dans un maillage de 25x 25 cm,représentant 49 kg d’acier par mètre cube de béton coulé. Cesystème sera utilisé jusqu’en juillet 1943 à Dora I, l’abri construità Trondheim en Norvège. Le second système est en bétonprécontraint, en forme arc et appelé « Spannbetonträger » Ceséléments, d’une largeur de 35 cm, ont une portée maximum de32 mètres pour une hauteur variant de 2,4 mètres à 4,46 mètresselon les modèles pour un poids de 47 tonnes au plus. Leferraillage n’est que de 35 kg d’acier par mètre cube de béton.Ces éléments présentent plusieurs avantages : plus grande por-tée, construction dans l’enceinte du chantier ou ailleurs avectransport par voies navigables comme cela sera le cas pour lebunker « Valentin ». Autre avantage, l’économie d’acier pour unerésistance identique. Elle est estimée, par exemple, à 18.760tonnes pour l’ensemble des trois bunkers « Kilian, Konrad et FinkII  » Enfin un dernier modèle, plus simple, appelé poutrelle derenfort,  «  Hoyerträger  », d’une longueur de 6 à 9 mètres estutilisée en fond de coffrage perdu quand une seconde dalle detoit est coulée.

Il s’agit de l’ultime phase de cons-truction. Les sections arrivent parbarges ou sur plateaux de transportaménagés des chemins de fer, enfonction des modèles. Là encore lesystème de la chaîne de productionest mis en place. Ainsi pour l’ouvra-ge «  Valentin  » c’est douze sous-marins qui sont en cours d’assem-blage simultanément. La mise àl’eau s’effectue toujours dans l’abrigrâce à un bassin lui-même relié àl’extérieur par une écluse. Cela per-met en outre d’effectuer les pre-miers tests d’étanchéité de lacoque. Plusieurs ouvrages de cetype sont envisagés, mais seul lebunker « Valentin » sera construit,mobilisant jusqu’en avril 1945 tousles moyens techniques disponibles.

Le type XXI demande lui-aussi unentretien ou des réparations. Il fautdonc prévoir des abris capablesd’effectuer la simple maintenanceou des inter-ventionsplus comple-xes nécessi-tants unemise horsl’eau dusous-marinet adaptéaux dimen-sions du typeXXI. Le pro-gramme pré-voyait ennovembre1944, laconstructionde 11 abrisen Allema-gne et enNorvège,d’une capa-cité totale de178 unités (bunkerplätze)

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Photo de poutrelles « Spannbetonträger » pour le toit del’abri  Konrad.

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détachées. Les plans sont modifiés en février 1944. Il est toutd’abord décidé d’ajouter un sas écluse. Une avancée de 28 mè-tres dans le bassin du port est nécessaire. Afin de stabiliser rapi-dement un fond vaseux, plusieurs caissons en béton armé sontimmergés, le premier dès le 16 février. En second lieu le bassinest entièrement rempli de sable car l’utilisation de l’abri a chan-gé. Il s’agit maintenant d’installer une chaîne de montage dessections n°1, 3, 4, 5, 6 et 8 du futur sous-marin type XXI. Lesmurs sont pratiquement achevés et le 19 avril 1944 débute lapose de 200 poutrelles du type « Spannbetonträger » qui ne vadurer que 16 jours.L’ensemble est progressivement recouvert de 3,5 mètres debéton. Dans la nuit du 23 au 24 juillet 1944, un raid de la RAF,regroupant 628 bombardiers a pour objectif Kiel, ses chantiersnavals et le bunker « Konrad ». 10 coups au but sur l’ouvrageinterrompent les travaux d’achèvement. Il faut attendre le 15août pour que le chantier redémarre. Moins de 2 semaines plustard, un second raid massif a lieu dans la nuit du 26 au 27 aoûtet retarde encore le chantier. Ce n’est qu’au début du mois d’oc-tobre que le bunker est déclaré achevé. Dès le 2, les premièressections commencent à être montées et cela jusqu’en mars1945. A cette date la nouvelle priorité est la construction dessous-marins de poche « Seehund », (phoques). La chaîne demontage est utilisée pour assembler les 3 parties de ce petitsous-marin qui est la nouvelle priorité de la Kriegsmarine. Rapi-de à construire, il ne réclame qu’un équipage réduit de 2 ma-rins. Sa vocation est avant tout côtière bien sûr, mais désormaisles objectifs maritimes ennemis sont aux portes de l’Allema-gne...

Au début de mars 1944 débute la construction de cet impo-sant abri. Comme pour l’ouvrage « Konrad » c’est au sein mê-me des chantiers de constructions navales de l’AG Wesser quel’emplacement est choisi, en exploitant une ancienne cale de

construction pour cuirassés de la classe « H »* Elle mesure 370mètres de long sur 65 mètres de large. Le plan prévoit un abride 362 mètres sur 68 mètres, car les murs por- teurs dela dalle de toit doivent être légèrement décalés vers l’ex-

térieur.

En avril 1943 débute la constructiond’un abri destiné à la réparation destypes VII. Afin de gagner du temps,c’est dans l’enceinte même deschantiers navals de la «  Deusche-Werke und Werk Kiel » que se portele choix du site d’implantation dubunker. Afin de supprimer la phasepréparatoire des fouilles et de ter-rassements, c’est un ancien dockdatant des années 1871/1879, lenuméro III, qui est choisi. Le dockvoisin, numéro IV est d’ailleurscomblé pour stabiliser le terrain etservir d’aire d’entreposage des ma-tériaux. La firme « Wayss und Frey-tag AG  » a la charge du chantier.Les travaux débutent en avril 1943.Les murs extérieurs, épais de 3,5mètres sont construits à l’écart desparois de l’ancienne darse (bassinrectangulaire servant à l’accostagedes cargos) car ces dernièresn’auraient pas supporté une tellecharge. Le bassin est maintenu eneau afin d’y faire accéder des bar-ges pour évacuer les fouilles desfondations. Ces dernières sont im-posantes avec une base stabilisatri-ce très large.Elles sont achevées en août 1943.L’élévation des murs débute endécembre, par l’extrémité amontdu bassin où sont construitssur 3 niveaux les futursateliers et ma-gasins de piè-ces

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Photo de « Konrad » en mai 1945

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une masse importante de béton. Le 6 avril les travaux sontabandonnés. Depuis quelques semaines déjà, tous les moyenssont dirigés vers l’ultime bunker en phase de finition : Valentin.C’est donc un ouvrage inachevé et bombardé que les anglaisdécouvrent en arrivant à Bremen au début du mois de mai 1945.Si 75 % des murs sont en place, à peine 25% de la dalle de toitest coulée. Seule la partie achevée sera conservée, soit le quart,le reste sera détruit. Sur la dalle un immeuble de bureaux estconstruit dans les années 1968/69.

Un double mur de soutènement estconstruit au milieu de la cale poursoutenir la dalle de toit constituéede deux parties. A la fin d’octobre1944 la partie nord de l’ouvrage estachevée pour les murs extérieursainsi qu’une grande partie du murcentral. Les premières poutrelles dutype «  Spannbetonträger  » sontmises en place. La dalle de toitatteint 4,5 mètres d’épaisseur. Lesingénieurs étudient la possibilité deporter à 7 mètres la protection fina-le en coulant une seconde dalle surdes poutrelles de renfort « Hoyer-Träger » mais se pose le problèmede la résistance des fondations, enparticulier celles de la cale initiale.Les travaux se poursuivent malgréles bombardements. En février1945, le plan est profondémentmodifié. L’abri ne doit plus êtreconsacré uniquement au montagedes sections, mais aussi à la répara-tion des sous-marins. Un sas-éclu-se, une cale assèchable et uneautre sèche sont programmées. Le30 mars 1945, une attaque massivede l’USAF a lieu sur le port de Bre-men et ses installations. Le bunkerest touché par plusieurs bombes degrande puissance. L’une d’elle, entombant sur le bord du toit détache

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Photo de « Hornisse » en mai 1945

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Après quelques retards, les fondations sont coulées en octobre1943 et en grande partie achevées en mars 1944. Afin d’assurerla stabilité du bâtiment, elles descendent à près de 15 mètres deprofondeur et sont larges de 12 mètres. Le 6 avril 1944, lesprévisions d’achèvement sont annoncées pour le début de l’an-née 1945. Le 22 du même mois c’est la visite de Dönitz sur lechantier.

Le 1er août la première poutrelle « Spannbetonträger » est miseen place. L’ouvrage est énorme** avec une longueur de 426mètres et une largeur qui varie de 67 à 97 mètres, maisinférieure au plan initial qui prévoyait l’arrivée des sections parune barge jusque dans l’abri lui-même. Le déchargement s’effec-tuait en toute sécurité. La hauteur intérieure atteint 22 mètres aumaximum, record de toutes les constructions réalisées pour cetype d’ouvrage. Les murs extérieurs sont épais de quatre à cinqmètres selon les zones et supportent une dalle de toit de 4,5mètres complétée d’une seconde dalle, portant l’épaisseur totaleà sept mètres. Le 10 novembre 1944, Albert Speer déclare que laconstruction et l’achèvement de «  Valentin  » est une prioritéabsolue. Goebbels visite à son tour le chantier le 25 novembre.

Les terrassements débutent en fé-vrier 1943. L’importance de l’ouvra-ge est sans précédant. Autant pourles dimensions que pour son impor-tance dans le programme de cons-truction du type XXI. Il est le derniermaillon, indispensable, de la chaînede production : l’assemblage.La planification pour les entreprisesparticipantes à la construction estétablie par la Direction de la cons-truction navale d’Hambourg et de laLigue hanséatique ainsi que l’Ein-satzgruppe OT de Wilhelmshaven.L'Arbeitsgemeinschaft Agatz &Bock, dont le siège est à Berlin etCologne, est chargé de la planifica-tion du chantier avec les différentesentreprises retenues. Au total, plusd'une cinquantaine d'entreprisesparticipent au chantier. Pour lechoix de l'emplacement, le site deBremen-Farge est retenu car àproximité des chantiers navals deBremer Vulkan à Vegesack et laDeschimag Werk AG Weser de Brê-me-Gröpelingen et facilement ac-cessible par voie navigable. Leterrain où doit être édifié l’abri bé-tonné, àproximitéd’une centra-le électriquedéjà construi-te, présenteune composi-tion géologi-que stable etadéquate àsupporterl’énormepoids du nou-vel ouvragereprésentantun volumeestimé de800 000 m³.

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Sous marins de poche « Seehund » (phoque)

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ce sont les 600 soldats du 36.Marineeratzabteilung 25 qui renfor-ceront la surveillance. Le camp de concentration de Neuengam-me, celui de la Gestapo de Brême, un camp de prisonniers deguerre et trois camps de travailleurs forcés provenant de diverspays occupés fournissent les effectifs réclamés.

Afin de tenir les délais du program-me de construction, des milliers detravailleurs forcés et de prisonniersde guerre ou de travailleurs étran-gers sont présents sur le chantiertous les jours. En octobre 1943, A GWeser estime qu’il faut 20  000travailleurs en permanence sur lechantier pour tenir les délais. Autotal c’est de dix à douze millepersonnes qui s’activent en ajou-tant les travailleurs qualifiés alle-mands, les gardes, lescontremaîtres et les ingénieurs. Aumoins quatre mille travailleurs for-cés employés sur le chantier sontmorts d’épuisement, de mauvaistraitements, de maladies ou demalnutrition, mais aussi pendantles raids aériens. Près de 35 % sontabsents car inaptes au travail pourmaladie. Ils sont internés dans septcamps différents sur un rayon de 3à 8 km du site. La surveillance desinternés est assurée par un déta-chement du7.Marineersatzabteilung 25 dans unpremier temps. Mais le nombre deprisonniers augmentant sans cesse,

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Valentin en construction. Au fond les trois niveaux pour ateliers

Ferraillage du radier de « Valentin »

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Le 27 mars 1945 la RAF bombarde le site. Des appareils Lancaster,les seuls à pouvoir embarquer ce type de bombe, avec 13 « GrandSlam » de 9,9 tonnes et 4 « Tall Boy » de 5,5 tonnes bombardentle site. Deux bombes « Grand Slam » touchent le bunker. Ellespénètrent dans la dalle de toit, épaisse de 4,5 mètres à cetendroit, sur deux mètres de profondeur et explosent, provoquantun percement total du toit au dessus des stations de montage 5et 8. Trois jours plus tard, un second raid de l’US Air Force a lieu.Les bombardiers embarquent des bombes de 2,5 tonnes. Insuffi-santes pour percer le béton, mais l’objectif est de détruire toutesles infrastructures autour du bunker. La mission est accomplieavec succès. Devant l’ampleur des dégâts sur le chantier etl’impossibilité de réparer rapidement l’ouvrage, les autoritésdécident après une semaine de nettoyage et déblaiement,d’abandonner purement et simplement le site. On peut se poserla question de savoir pourquoi les Alliés ont-ils toléré si longtempsla construction de « Valentin ». La réponse est simple. Pendantprès de 2 ans les autorités allemandes ont mobilisé des moyenstechniques et humains colossaux pour l’édification du bunker eten simplement 2 raids aériens ciblés, tout cela a été anéanti...

Les prévisions de lancement dessous-marins sont programmées. UnU-Boot par semaine dès le mois demai 1945, puis 4 à partir du moisd’août. Ensuite c’est un nouveauU-Boot qui doit sortir du sas touteles 56 heures, soit un peu plus de 2jours. Pour cela il est prévu 2 équi-pes se relayant et travaillant 10heures chacune... Un total d’envi-ron 150 unités par année est plani-fié.Le fonctionnement de l’assemblageest simple. Il est basé sur le mêmeprincipe que celui de fabrication dessections. C’est une chaine ininter-rompue, le sous-marin évoluant deposte en poste sur des chariots etpassent d’une alvéole à la suite enutilisant des chariots transbordeursmontés sur des rails transversaux.En premier lieu un important hallpermet de stocker 25 sections quiarrivent par trains spéciaux ou parbarges (comme le plan du bunkerest modifié afin d’en accélérerl’achèvement, des barges plus peti-tes d’une capacité de 4 sectionspénètrent dans l’ouvrage par l’éclu-se normalement réservée aux sous-marins. Chargées sur des chariots,les sections traversent ensuite tou-te la largeur du bunker pour êtrestockées) Lorsque toutes les sec-tions sont en place, l’ensembleavance sur les chariots tractés parun treuil d’une capacité de 30 ton-nes. La dernière étape est celle dela mise à l’eau dans un bassin d’es-sai. Si les tests sont concluants, lesous-marin passe dans l’écluse puisaccède au fleuve Weser. Pris encharge il gagne alors les chantiersde Bremen, tout proches, pour lesultimes finitions avant le départ enmer du nord pour les essais.

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Déportés du travail sur le même chantier, reconnaissables à leurtenue rayée.

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La troisième partie sera consacrée aux raids aériens alliés sur lesvilles de Bremen, Hambourg et Kiel et des destructions dans leschantiers navals. Un chapitre sur la mise au point par les Britanni-ques des «  bombes anti-béton  » et de leur utilisation. Enfinl’après-guerre et la disparition ou la nouvelle destination desbunkers.

voir rubrique première partie dans Histomag N°82, lesplans sont de l’auteur de l’article

².

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Ceux qui restaurent

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Les petits abris de la ligne Maginot

Le camp

P our cette nouvelle interview de la rubrique « Ceux qui restaurent… » nous allons pour lapremière fois et je n’espère pas la dernière, nous intéresser à la ligne Maginot.C’est Antoine Schoen qui répond à nos questions. Antoine et son association « les gardiensdu Rhin » se sont attelés à la tâche de restaurer de petits ouvrages situés en avant de laligne Maginot souvent sur les berges même du Rhin et de les ouvrir au public lorsque cela

était possible.

Antoine Schoen au travail

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 : Expliquez nous ce que sont ces blockhaus légers qui longentle Rhin et quel rôle leur était dévolu par rapport aux puissantescasemates de la LM ?

 : Le fleuve est un obstacle sérieux sur lequel les stratèges del’époque comptaient beaucoup. Comme tout obstacle, il doit êtredéfendu ; un fossé ou un cours d’eau sans défense se comble ouse traverse.Une première ligne de défense, discontinue, appeléeligne de berge, interdisait le passage des ponts qui traversaient lefleuve. De plan type, ces casemates flanquent le Rhin dans uneou deux directions, en aval et/ou en amont. Leur armement estcomposé de 2 jumelages de mitrailleuses et 1 mitrailleuselourde  de 13,2mm par axe de tir. Cette dernière remplace lescanons antichars que l’on trouve habituellement sur la  ligneMaginot, canons qui étaient disproportionnés par rapport auxembarcations qui franchiraient le fleuve. A ces casemates cons-truites durant la première moitié des années 30 s’ajoute unemultitude de blockhaus pour une mitrailleuse par axe de tir. Leurarchitecture est variée et souvent très rudimentaire dans le nord,alors que le sud est mieux défendu par des blockhaus de plantype nommés « Garchery ». Ces blockhaus,  situés sur la bergemême ne sont armés que de mitrailleuses, sans chambre derepos. Les hommes logent dans un confort très sommaire expo-sés aux vues ennemies. Ce dernier ne se contenta d’ailleurs pasde les observer, il les bombarda le 15 juin 1940 occasionnant denombreuses victimes, trahies par le béton en qui ils  avaientpourtant confiance.

 : Pour commencer, peut-être pourriez-vous vous présenteret nous dire comment vous vousêtes lancés dans la restauration ?

Habitant la ban-lieue de Strasbourg, j’ai grandi enjouant dans les fortifications de laplace de la ville construites durantl’annexion. La passion de mon pèrepour l’histoire n’a naturellementpas refreiné cet engouement. Visi-tes des champs de bataille de 14-18, des fortifications de toutes épo-ques et de toutes  régions sont aucœur des balades lors de mes va-cances et week-ends pendant monadolescence. En 2003, je  rejoinsl’association des Amis de la LigneMaginot d’Alsace qui œuvre à larestauration du fortde  Schoenenbourg, le plus grandouvrage visitable de la ligne Magi-not d’Alsace. 5 ans plus tard, cons-tatant que le  front du Rhin estdélaissé, avec quelques amis toutaussi passionnés que moi, nousfondons une association dont le butest de promouvoir l’histoire militai-re du Rhin.Le premier objectif de l’associationa été la restauration de l’abri del’ancienne redoute, un abriconstruit  conformément aux critè-res édictés par la Commission d’Or-ganisation des Régions Fortifiées(CORF). Ce type d’abri, normé, avecune mission spécifique adaptée aufront du Rhin, n’a été construit qu’àune quarantaine  d’exemplaire lelong du Rhin. Seul exemplaire sub-sistant en bon état, nous nous som-mes efforcés de le restaurer le plusfidèlement possible, ce qui nous apris près de 5 ans. Nous perfection-nons cette action  encore actuelle-ment. Plus récemment, montant enpuissance au fur et à mesure, nousavons pris en charge une casematepour mitrailleuses qui nous deman-dera quelques années de travail. Deplus, des actions plus ponctuellessont en  projet visant à préserver,sans forcément restaurer, d’autresouvrages.

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Après la Seconde Guerre mondiale, le Rhin redevient une nouvel-le fois une frontière qui restera active pendant la période OTAN,bien que les rives du fleuve aient été démilitarisées. Ce sontsurtout les pontonniers qui continuent de s’exercer à franchir leRhin et ce jusqu’à la dissolution du 1er régiment du Génie deStrasbourg Illkirch. Ce régiment était le gardien des traditions despontonniers, là où la spécialité fut créée pendant lesguerres révolutionnaires.

 : Etes-vous soutenu par des municipalités ou quelques orga-nismes culturels ou autre ? Si oui sous quelle forme ? Si nonavez-vous des ressources afin de mener vos actions à bien ?

: Les collectivités locales soutiennent naturellement nos initia-tives tant et si bien que certaines communes  voisines noussollicitent pour d’autres projets. A Drusenheim, la commune afinancé et réalisé l’alimentation  électrique de l’abri et nous aponctuellement subventionnés en fournitures. L’association anéanmoins du mettre la main la poche pour l’achat de peintureou l’acquisition des équipements qui meubleront les locaux. Lessubventions publiques sont difficiles et compliquées à obtenir.User de l’influence de certains membres pour solliciter des mécé-nats est plus efficace. Je me suis personnellement improvisé «auteur » en écrivant un livret sur les abris de la ligne Maginot,profitant d’un silence des grands auteurs sur ces constructionsCORF. Nous sommes ainsi parvenus à financer la quasi totalité destravaux de rénovation intérieure de l’abri de Drusenheim.A Kilstett, la restauration de la casemate est rendue possiblegrâce au concours de la communauté de communes et la com-mune elle-même. Nous nous concentrons ainsi sur les travaux etnon plus sur la recherche de financement qui peut demander toutautant d’effort que la restauration elle-même. L’investissement ad’ailleurs été important. Enterrée sous un monticule de terre, il afallu l’intervention d’une  entreprise de terrassement pendantdeux semaines pour déterrer la casemate. Garde corps poursécuriser le site, aménagements paysagers, nous n’aurions jamaispu supporter le coût de ces travaux.

 : Présentez-nous votre associa-tions « les gardiens du Rhin »

: L’objectif de notre petite asso-ciation d’à peine une quinzaine demembres est assez large. Bien quenous nous  attachions plus particu-lièrement aux fortifications des an-nées 1930, nous souhaitonspromouvoir l’histoire  militaire duRhin, quelle que soit la rive et ce,de la période romaine à la périodeOTAN. Les Romainsavaient  construit des Castella, despostes fortifiés qui doublaient leLimes qui étaient à une centaine dekilomètres plus à l’est. Plus tard, audébut du 18ème siècle, le Rhinredevenant une frontière, les Fran-çais construisent une ligne de forti-fication, l’ancêtre de la ligneMaginot. Cette ligne est constituéede redoutes terrasséeset  palissadées semblables auxcamps romains que l’on connaît parla bande dessinée « Astérix et Obé-lix » (on ne peut pas mieux imagerces constructions). Restaurées suc-cessivement pour servir aux nom-breuses guerres que  connaîtl’Alsace, elles ne seront démilitari-sées qu’après 1815. Certaines sub-sistent encore de nosjours  surprenant à chaque fois lesvisiteurs que je guide, amateurs defortifications compris.A la fin du 19ème siècle d’autresfortifications tout aussi méconnuesdu public voient le jour. Larévolution industrielle et ferroviairepermet d’ériger les premiers pontsen dur sur le fleuve. Bien qu’il nesoit plus une frontière, le Rhin resteune position de résistance en casde conflit. Les ponts ferroviairessont alors fortifiés. Des  garnisonslogent pendant les conflits dans destours construites sur les culées derives qui dominent l’ouvrage  d’artet ses abords. Il s’agit de défendreles ponts contre les partisans (an-cien terme de groupe franc)qui, comme lors du conflit de 1870chercheraient à couper les voies deravitaillements.

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Dégagement de la casemate de Kilstett qui était enterrée.

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régulièrement confrontés à des situations difficiles pour faire leurtravail. Leur ténacité paie à chaque fois.  La récompense de cetravail ingrat est le plaisir d’admirer les premières couches depeinture, les premières  lueurs d’un réseau d’éclairage restauré,les premiers coups de manivelles d’un ventilateur qui netournait plus depuis 1940.

 : Faites-vous face à des difficultés particulières (propriétésprivées, municipalités, etc) ?

  : Il n’est pas de bon ton decritiquer nos partenaires… Je doisnéanmoins admettre que certai-nes « relations  » peuvent êtredifficiles. Les moments les pluspénibles sont sans hésitation lesformalités administratives : com-mission de sécurité, d’accessibili-té aux personnes en situationsd’handicap, bureau decontrôle… La réglementation estde plus en plus lourde et repré-sente inévitablement un frein ànos actions. Mais elle a sa raisond’être et   nous nous devons del’appliquer.Généralement nous sommesbien accueillis, même sans êtreintégré à la vie communale, mê-me sans habiter la  commune.Néanmoins, nous sortons del’oubli des constructions qui re-présentent une sombre périodede notre histoire. Certains voientd’un mauvais œil cette action etmilitent l’éradication pure et sim-ple de ces encombrants blocs debéton. D’autres voient en nosactions une dépense inutile et

pensent que leurs impôts sont dépensés pour une cause sansintérêt. Ces derniers changent souvent d’avis après une petiteséance pédagogique et surtout quand ils voient le résultat de nostravaux…

HM : Comment se passe la res-tauration ? Avez-vous un plandans l’avancement de celle-ci ?

: La restauration de telles cons-tructions implique une certainetechnicité, une méthodologie parti-culière qui ne  s’improvise pas.L’ambiance humide et l’oxydationavancée des élémentsmétalliques impliquentdes  préparations etdes produits adaptés.Un apprêt antirouilleinadapté et c’est larouille quiressurgit, une peinturesans fongicide et cesont les champignonsqui recouvrent lesmurs, une étanchéitédéfaillante et  c’est lesalpêtre ou le calcairequi dégradent le fruitde longues heures detravail. Le bénévolat àbeau ne rien coûter,  ilreste précieux.Lorsque nous avonspris en charge l’abri,ses pièces étaient en-combrées de palettes,les murs étaientnoircis  et les plafondscouverts d’une épaissepellicule de suie. Lessapeurs pompierss’exerçaient à l’intérieurbrûlant  palettes et plastiques. De-bout sur un escabeau, la main enl’air, vêtu d’un imperméable et degants pour se  protéger tant bienque bien mal des projections d’eausaumâtre, il a fallu lessiver la suiedes plafonds au  dégraissant. Dansun milieu clos, difficile à ventiler,protégé par un masque des lunet-tes, péniblement, c’est  dans unnuage de poussière que les murssont brossés pour atteindre un fondsain. Les membres sont

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« Petit rafraîchissement » pour la casemate

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 : Les constructions de la ligne Maginot de la plaine du Rhin ontparticulièrement souffert. Les combats de 1940 dans les secteursdu Haut-Rhin, puis de 1945 ont gravement endommagé bonnombre de blockhaus. Les habitants, sinistrés par les combats, ontensuite profité des équipements dont regorgeaient lesconstructions subsistantes pour la reconstruction d’après-guerre.La démilitarisation du Rhin puis la canalisation du fleuve  firentdisparaître de nombreuses constructions ce qui explique que surles nombreux ouvrages construits sur la berge, si peu subsistentaujourd’hui. L’urbanisation et l’industrialisation n’arrangent riennon plus. Les zones  industrielles, portuaires, les lotissementss’étendent inexorablement et sans pitié pour ces encombrantsblocs de béton, qu’ils datent de la Seconde Guerre mondiale ouqu’ils soient encore plus anciens.A défaut de pouvoir les sauver, nous nous efforçons d’inventorierle maximum de ces constructions existantes et tentons de retrou-ver de la documentation sur celles qui ont disparu. Ces inventairessont publiés dans la  base de données Wikimaginot(www.wikimaginot.eu), s’inscrivant dans une action plus globale,l’inventaire de la ligne Maginot.

 : Vous n’échapperez pas à la question polémique:quelle a étél’utilité de la LM en 1940 ?

  : Il n’y a jamais de réponse simple à ce genre de question.Comment résumer en quelques lignes ce débat et vous donnermon avis sur cette question qui rejoint en grande partie celle detous les amateurs de Maginot ?En fait, cette question m’agace même… Fort Boyard a t’il servi àquelque chose ? Et les fortifications Séré de  Rivières ou cellesconstruites par Vauban ? Nous posons nous ces mêmes questionspour ces fortifications ?Jamais une fortification n’a été considérée inviolable, quellequ’elle soit. C’est donc le contexte historique et la recherche d’unbouc émissaire après la défaite de 1940 qui est à l’origine decette question polémique.La ligne Maginot est un chef d’œuvre de technique. Mais a t’elleservie la France ? Je ne le pense pas. Elle a conforté nos dirigeantsde l’époque et l’armée française dans la politique de l’autruche.Aurait-elle pu servir la France? Probablement dans le cas d’une

attaque brusquée. Conçuedifféremment, aurait elle pu êtreplus efficace ? A mon sens, uneconception hybride du Westwallsur l’ensemble des  frontièresaurait permis de nous défendreplus efficacement.

  : Avez-vous un projet à longterme concernant les casematesque vous restaurez ? Que souhaite-riez-vous en faire à la fin ?

 : Outre l’ouverture au public dela casemate de Kilstett et de l’abride l’ancienne Redoute, noussouhaitons  promouvoir plus large-ment le patrimoine fortifié du Rhinafin que celui-ci subsiste encore,qu’il soit en plus ou moins bon étatou  qu’il ait même disparu. Lesmoyens que nous retenons sontdes publications internet et desexpositions itinérantes.Nous sommes également sur lepoint d’obtenir un accord avec deuxpropriétaires pour préserverdeux casemates de berge du Rhinet quelques menues constructionssur le secteur de Strasbourg. Il n’yaura pas de valorisation touristique,les sites étant mal desservis. Seule-ment des actions afin de les proté-ger et les faire visiter aux amateursavertis que cela intéresserait.

  : Comme toutes les fortifica-tions, vos blockhaus ont été victi-mes, d’abord des ferrailleurs puisensuite des vandales en tout genre! Est-ce que le phénomène s’atté-nue après vos restaurations ou con-tinuez-vous d’être  victime destagueurs et autres squatters indéli-cats?

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Avant Après restauration du central téléphonique de l'abri de l'ancienneRedoute

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http://www.lesgardiensdurhin.fr/topic/index.htmlhttp://lesgardiensdurhin.blog.fr/http://www.wikimaginot.eu

Une ligne principale de résistanceforte, selon les principes de la CORF,sans les coûteux ouvrages d’artille-rie, aurait eu pour mission de résis-ter à une attaque brusquée avec unminimum d’effectif. Cette ligne se-rait renforcée par des constructionsde valeurs identiques à  celles duWestwall, organisées en profon-deur, occupées par des troupes etdes armements de campagne.En somme, plutôt que de répondreà cette question polémique de l’uti-lité ou non de la ligne Maginot,je  préfère débattre sur une autrequestion, plus concrète ; la ligneMaginot est t’elle unefortification pragmatique ?

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Vue générale de l'abri de l'ancienne redoute

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Le coin lecteurs

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Le coin des lecteurs

B onjour à toutes et à tous,

Comme de coutume nous souhaitons vous recommander

quelques ouvrages en rapport avec la thématique

du dossier spécial de ce numéro, puis nous vous

présenterons plusieurs ouvrages sortis (ou sur

le point de sortir) qui ont retenu l’attention de

la rédaction. Nous allons vous les présenter en espérant

qu’ils vous plairont tout autant !

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Ils sont peu connus et constituent pourtant un des faits d'armes lesplus glorieux de l'armée française. Cet ouvrage, sorti récemment, nouspermet d'en savoir un peu plus sur les combats menés sur le front desAlpes en 1940 :

Editions Làpart480 pages – 30 euros

En juin 1940, alors que la France vit la pire défaitemilitaire de son histoire, l'armée des Alpes résistevictorieusement aux assauts des Italiens et parvientmême à contrer l'attaque à revers menée par lesAllemands. Le tout sans beaucoup de moyens maisgrâce à une préparation opiniâtre et minutieuse, àune combativité et un état d'esprit exceptionnelsmais aussi grâce à de judicieuses improvisations.

A partir d’une documentation riche, notamment d’ar-chives, Max Schiavon a réalisé une étude complète

sur le sujet. Dans cet ouvrage, adapté de sa thèse de doctorat, ilprésente de manière très complète les opérations militaires qui se sontdéroulées dans tous les secteurs des Alpes : du Briançonnais, du Queyraset de l`Ubaye, sans oublier de préciser le contexte dans lequel cettecampagne a eu lieu. C’est ainsi qu’il revient notamment sur les longsmois de préparation, depuis septembre 1939 pour offrir au lecteur uneétude et un récit passionnant et argumenté, enrichi par de très nom-breuses illustrations, dont des photos prises par les combattants italiensau moment de la bataille, ainsi que par des documents provenant duService historique de la Défense. Novices comme connaisseurs trouve-ront leur compte dans cet ouvrage de qualité.

_________________________________

Changeons un peu de sujet pour vous présenter un bien bel ouvragevenant de sortir, consacré à l’histoire du fameux RMT. Quoique glorifiantun peu cette unité, à l’image des historiques régimentaires d’antan danslesquels nous nous sommes tous plongés au moins une fois, cet ouvrageest sans conteste un  :

Editions Pierre de Taillac – Ministère de la Défense221 pages – 24,90  

De Koufra à l'Afghanistan, de la libération de Parisau Kosovo, le régiment de marche du Tchad s'estillustré dans le monde entier. Fondée sur le conti-nent africain alors que la France venait de subir laplus sévère défaite de son histoire, cette unité,héritière d'un des plus importants régiments detirailleurs sénégalais, a symbolisé l'esprit de résis-tance de la France libre. Partis des confins du Tchad,ces hommes commandés par le général Leclerc ontparticipé à tous les combats visant à délivrer le

pays, de la bataille de Normandie à la libération de Strasbourg. Ilspoursuivront même l'ennemi jusque dans ses derniers retranchements: une des sections du RMT pénétrera la première, à Berchtesgaden, dansle nid d'aigle d’Hitler. C'est ce même esprit - servir la France partout ettoujours - qui anime les soldats du RMT depuis 1945 : des combats enExtrême-Orient, alors qu'ils étaient commandés par le lieutenant-colonelMassu, jusqu'aux opérations extérieures contemporaines visant à proté-ger les civils et à rétablir la paix comme en Côte d'Ivoire ou au Liban.Grâce à plus de 350 documents rares et à des témoignages inédits, cetalbum fait revivre l'épopée exceptionnelle de ce prestigieux régimentdes troupes de marine.

Commençons par un ouvrage qui vientde sortir et qui pourrait être d’unegrande utilité pour toute personne sou-haitant découvrir un peu mieux la Se-conde Guerre Mondiale en évitant d’enapprendre les légendes que l’on nousmartèle depuis un demi-siècle :

Editions Jourdan293 pages – 18,90 euros

Cet ouvrage brise le cou debien des a priori sur la Secon-de Guerre Mondiale, il est ensoit bien utile pour tout lec-teur qui souhaite découvrircette guerre en évitant detomber dans les clichés surl’offensive allemande du 10mai 1940, l’invulnérabilité del’armée allemande, etc. Ensoit il se trouve dans la li-gnée des ouvrages écrits par

son auteur depuis des années, cher-chant à redorer à juste raison le blasonde l’armée française. Toutefois ce quiétait, au fil des livres, une bonne initia-tive, a tendance à se répéter et, sidocumenté et sérieusement fait soit-il,cet ouvrage a un goût de déjà vu…Certes il est destiné au public françaismais est-ce pour autant pertinent dene rassembler que des thématiquesmajoritairement françaises  ? Si lesquestions qui servent au chapitragesont un bon moyen de tordre le cou àchaque légende de manière individuel-le, on peut aussi toutefois regretter quecertaines légendes abordées se res-semblent quelque peu. L’auteur, Domi-nique Lormier, est un habitué desouvrages destinées à faire comprendrel’essentiel au grand public sans l’appe-santir avec les détails précis, c’est unequalité pour un lectorat curieux, ce n’enest hélas pas forcément une pour unlectorat plus averti. Aussi les spécialis-tes auront sans doute raison en évitantcet ouvrage, mais les novices pourronty trouver de bonnes bases pour biencommencer à connaître ce conflit sicomplexe.

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Ensuite c’est un ouvrage sur les US Marines qui a retenu notreattention et plus particulièrement celle de notre ami Mahfoud. Eneffet vu sa connaissance du sujet abordé, il ne pouvait manquerd’en faire la présentation critique lui-même :

Editions Heimdal420 pages – 54 euros

Quelle entreprise que de vouloir dresser un

panel complet du parcours de la 1st MarineDivision durant la Seconde Guerre Mondiale !Et à cette tache le spécialiste Charles Trangs'en est sorti à merveille. Son livre nousplonge au cœur des terribles batailles duPacifique de Guadalcanal à Okinawa en pas-sant par Peleliu et le Cape Gloucester.J'ai été particulièrement surpris par le nom-bre impressionnant d'images d'archives leplus souvent inédites de l'USMC durant les

combats ou encore les cartes très détaillées des opérations .Je conseille ce livre à quiconque souhaite avoir un complémenthaut de gamme à la superbe série ainsi qu'aux livresde Robert Leckie : et celui d'EugèneSledge : . Non satisfait de nous proposer une

fantastique étude sur la 1rst Marine Division, l'auteur nous rappellele contexte historique et l'historique de la division avant sonengagement dans la Seconde Guerre Mondiale.Son prix conséquent (une cinquantaine d'euros) est pleinementjustifié par la richesse de l'iconographie et la pertinence desrecherches . Le tout est agrémenté de poignants témoignages devétérans et d'hommes de troupe au cœur des combats.Ainsi marque une date dans la bibliographied'Histoire Militaire et nous propose une plongée tant passionnan-te qu'émouvante dans les terribles combats du Pacifique .

La relation entre les deux dirigeantsde l’Axe Rome-Berlin est toujoursune question intéressante à traiter,pour mieux comprendre les pointsde vues que ces deux hommespartagèrent, aussi l’étude de leursconversations est loin d’être ininté-ressante… :

Editions Fayard408 pages – 23 euros

Entre Hitler et Mussolini,les relations ont large-ment été étudiées. En-tre leur premièreentrevue en 1934 et ladernière en 1944, àquelques heures de l’at-tentat du 20 juillet, lesdeux chefs d’Etats sesont retrouvés pasmoins de dix-huit fois.Pourquoi devaient-ils se

voir en personne ? Que se sont-ilsdit ? Quelle était la nature exactedes liens qui les unissaient : cama-raderie, intérêts ou indifférence ? Etjusqu’à quel point ont-ils partagé unmême idéal ? Le livre de PierreMilza répond à toutes ces questionsen suivant l’une après l’autre cesrencontres au sommet, dans les-quelles sont impliqués des minis-tres, des diplomates, du personnelde service, des traducteurs et mê-me… des masseurs ! On y voitl’étrange retournement des initiati-ves, les certitudes puis les doutesqui assaillent les dictateurs à mesu-re que la mécanique de leur domi-nation se détraque.Progressivement, c’est toute l’his-toire du fascisme et du nazisme quidéfile sous nos yeux, éclairée par lavoix de ses deux principaux acteurs.Et quoi que cet ouvrage ne rempla-ce pas celui de F.M. Deakin il remetà jour la complexité des relationsentre ces deux hommes et proposeun voyage au cœur d’une sombreamitié.

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Enfin nous changeons totalementde sujet pour vous présenter unlivre poignant par le réalisme trans-mis dans ce témoignage de réfé-rence sur la vie dans le Ghetto deWilno :

Editions Denoël400 pages – 20,50 euros

Le 27 février 1945,Avrom Sutzkever témoi-gnait devant le tribunalde Nuremberg des atro-cités commises par lesnazis dans le ghetto deWilno. Son témoignage,capital, entrera dansl’histoire, tant la paroledes victimes fut rare lorsdu procès. C’est dire

l'importance que revêt le récit qu’ila laissé de sa vie quotidienne entre1941 et 1944. Jeune poète, il décritdans ce texte l’horreur et la mortcomme faisant partie de l’ordinaire,avec la volonté de restituer la sin-cérité du témoin tout en gardant lerecul d’un observateur neutre.Avrom Sutzkever donne notam-ment à voir les tentatives désespé-rées d’une poignée de résistantspour sauvegarder les trésors de laJérusalem de Lituanie tandis quesubsiste au sein du ghetto une vieculturelle foisonnante mais clan-destine, ultime rempart devant labarbarie. Chef-d’œuvre oublié de lalittérature yiddish et document his-torique de première importance,

mêle une écriturede l’immédiateté, guidée par l’ur-gence de raconter, à l’évocationsensible et dramatique d’un mondeplongé dans l’abîme.

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