Histoire Education 1357 113 Gelis Jacques Les Enfants Des Limbes Mort Nes Et Parents Dans l Europe...

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Histoire de l’éducation 113 (2007) Varia ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Marie-France Morel GÉLIS (Jacques). – Les Enfants des Limbes. Mort-nés et parents dans l’Europe chrétienne Paris : Audibert, 2006. – 96 p., 7 cartes et 15 illustrations hors-texte. ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Marie-France Morel, « GÉLIS (Jacques). – Les Enfants des Limbes. Mort-nés et parents dans l’Europe chrétienne », Histoire de l’éducation [En ligne], 113 | 2007, mis en ligne le 03 avril 2009, consulté le 26 mai 2015. URL : http:// histoire-education.revues.org/1357 Éditeur : ENSL http://histoire-education.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://histoire-education.revues.org/1357 Document généré automatiquement le 26 mai 2015. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © Tous droits réservés

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  • Histoire de lducation113 (2007)Varia

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    Marie-France Morel

    GLIS (Jacques). Les Enfants desLimbes. Mort-ns et parents danslEurope chrtienneParis: Audibert, 2006. 96p., 7cartes et15illustrations hors-texte.................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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    Rfrence lectroniqueMarie-France Morel, GLIS (Jacques). Les Enfants des Limbes. Mort-ns et parents dans lEurope chrtienne,Histoire de lducation [En ligne], 113|2007, mis en ligne le 03 avril 2009, consult le 26 mai 2015. URL: http://histoire-education.revues.org/1357

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    Histoire de lducation, 113 | 2007

    Marie-France Morel

    GLIS (Jacques). Les Enfants desLimbes. Mort-ns et parents dans lEuropechrtienneParis: Audibert, 2006. 96p., 7cartes et 15illustrations hors-texte.Pagination de ldition papier : p. 113-116

    1 Hier comme aujourdhui, la mort des nouveau-ns nest pas une mort ordinaire : mortimmature, mort scandaleuse, parce quelle touche celui qui na pas encore vcu, elle est unedouleur pour les parents et un danger pour la communaut des vivants. Dans ce beau livre,Jacques Glis, grand historien de la naissance et du corps, sattache nous montrer sur lalongue dure (du XIVe au XXe sicle) comment une pratique singulire, celle des rpits,a permis aux populations anciennes de faire face linsoutenable. Autrefois, la mort dunbb la naissance (moins rare quaujourdhui) tait insupportable, surtout si on navait pule baptiser: il tait perdu pour ses parents, mais surtout pour la vie ternelle; envoy dansles Limbes, lieu intermdiaire entre le Purgatoire et le Paradis invent par les thologiens auXIIIe sicle, il ne souffrirait pas, mais serait priv jamais de la vision batifique promiseaux lus; en outre, son corps ne pourrait tre enterr en terre consacre, dans le cimetireparoissial aux cts de sa famille. Pour viter cette exclusion, partir du XIVe sicle (quandlglise commence condamner ceux qui baptisent clandestinement les petits morts), certainesfamilles ont port les mort-ns qui navaient pu tre baptiss dans des sanctuaires spcialiss,o lon priait pour que lenfant revive un court instant, le temps de recevoir le baptme. Danscertains cas, avait lieu le miracle des miracles, le retour de la mort la vie, rebours dutemps ordinaire: le tout-petit donnait un signe de vie et pouvait recevoir le baptme, puisil mourait nouveau et tait enterr en gnral sur place; le cur du lieu consignait le miracledans ses registres. Longtemps ignors par lhistoire acadmique, connus uniquement par lesrudits locaux, les sanctuaires rpit font enfin lobjet dune grande synthse: Jacques Glisy travaillait depuis plus de vingt ans, visitant et photographiant un un chaque sanctuaire,dpouillant des archives trs disperses; il navait jusqualors publi sur ce sujet que des tudespartielles ou confidentielles. Il ne sagit pas dun petit sujet, puisque des milliers denfantsont t concerns pendant plus de cinq sicles (mme sil est vident que la plupart des mort-ns ntaient pas ports au rpit). De belles cartes donnent la mesure de cette pratique et enprcisent la chronologie: 277 sanctuaires rpit recenss en France ( lest essentiellement),56 en Belgique, 14 en Allemagne du Sud, 38 en Autriche, 30 en Suisse, 42 en Val dAoste etPimont. Pour plusieurs grands sanctuaires, comme Moha en Belgique ou Moustiers-Sainte-Marie en Provence, nous savons do viennent les demandeurs: il nest pas rare quils aientfait plusieurs jours de marche ou plus de cinquante kilomtres pour implorer un miracle. Lesanctuaire dUrsberg, en Souabe, est un cas extrme puisque, au XVIIIe sicle, son aire derayonnement stend plus de cent kilomtres.

    2 Comment expliquer les contrastes dans la gographie des sanctuaires? Il est normal quonnen trouve pas en pays protestant, car la Rforme a condamn sans appel cette pratique depit panique: ainsi, le sanctuaire dOberbren, prs de Berne, a t ras de 1528 1532,aprs le passage des Bernois au protestantisme. Cela permet aux archologues daujourdhuide faire, dans le cimetire qui entourait lglise, dintressantes fouilles qui rendent possible,entre autres, une statistique des ges des mort-ns (un tiers sont des prmaturs ou desavortons). La grande svrit des autorits rformes lgard des rpits, qui a d laisserdsempares de nombreuses familles, explique pourquoi certains des rpits les plus frquents(comme Verviers) sont situs prs des frontires de catholicit. Plus tonnante est, en France,la diffrence entre la moiti est, o les sanctuaires sont nombreux, et louest, o ils sontquasi inexistants, quelques rares exceptions prs (Sainte-Anne dAuray, Saint-Martial de

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    Limoges). En Espagne, et en Italie (sauf au nord), il ny a pas non plus de rpits. Pourtant,labsence de sanctuaires ne signifie pas absence de recours, car langoisse des familles devantles mort-ns est universellement partage. Le rpit est parfois remplac par dautres pratiques,comme le baptme sur le pont en Galice : sur un pont, au pied dune croix, minuit, onaspergeait deau les femmes enceintes qui risquaient de ne pas mener leur grossesse terme.

    3 Tous les aspects du rpit sont tudis, avec de trs nombreux exemples locaux biendocuments: le livre dcrit minutieusement les pratiques depuis la naissance et le dcs delenfant jusqu sa spulture, en passant par son exposition devant la statue miraculeuse. Quelleralit accorder aux signes de vie rapports par les contemporains (gouttes de sang ou desueur, retour du pouls, mouvements des bras ou des jambes, pleurs)? Aux XVIIe et XVIIIesicles, personne ne doute de la possibilit du retour la vie des mort-ns. Il faut attendre lestravaux de mdecine lgale du XIXe sicle pour que soit connu le comportement spcifiquedu cadavre du nouveau-n: quelques heures ou quelques jours aprs la mort, le corps retrouveune certaine flexibilit et chaleur; des djections peuvent tre rendues par le nez, les yeux, labouche ou lanus; ce qui ne signifie nullement une rsurrection.

    4 Un autre thme important du livre concerne les ractions des autorits ecclsiastiques face lampleur de la frquentation des sanctuaires. Lglise encourage les rpits la fin du Moyengeet au XBIe sicle, quand le concile de Trente raffirme que seul le baptme peut assurerle salut. Jusque vers 1670, la pratique saccorde particulirement bien avec la religion dusensible qui prvaut lheure du baroque. Cest seulement en 1729 que la hirarchie romainemet une premire condamnation, renouvele quatre fois dans les annes suivantes. En 1750,la curie, voulant faire le point sur les conditions des rpits au grand sanctuaire dUrsberg, yenvoie comme enquteur le bndictin bavarois Eusebius Amort. Cest un thologien clair,dune grande culture scientifique, particulirement intress par les dbats de son temps surles frontires entre la vie et la mort. Aprs un examen minutieux de lenvironnement et despratiques, il assiste un miracle qui se termine par un baptme sous condition. Mme silest branl par ce quil a vu, il reste persuad que la plupart des petits miraculs sont bienmorts. Sappuyant sur les conclusions de son enqute, en 1755, Benot XIV ritre lexigencede preuves manifestes de vie (essentiellement un cri ou un gmissement). Cependant, auniveau local, bien des vques ferment les yeux sur lattitude de desservants qui continuent attirer les parents vers leurs sanctuaires. Ailleurs, linterdiction du rpit dans un sanctuairerput entrane des expositions sauvages dans des lieux de substitution. Pour tenter decalmer les angoisses des parents devant le sort des mort-ns non baptiss et faire cesserle recours aux rpits, lglise encourage alors la csarienne sur femme morte qui permetdondoyer lenfant, ou, avant la naissance, le baptme sous condition du ftus laide dunecanule spciale. Au XIXe sicle, les rpits, en accord avec la religion du sentiment delpoque, connaissent un regain de popularit, attest par le grand nombre de tableaux et devitraux qui reprsentent ce miracle; mais la pratique dcline la fin du sicle, mesure quela doctrine de lglise se fait moins rigoureuse. Dans les annes 1950, Rome, abandonnant ladoctrine des Limbes, reconnat que les mort-ns peuvent bnficier du salut universel.

    5 Le livre de Jacques Glis est un livre dhistoire totale, combinant avec finesse ltudeprcise de quelques cas bien documents et lanalyse des grands dbats thologiques etmdicaux. Symboliquement ddi la mmoire dAlphonse Dupront, cest un petit chef-duvre danthropologie religieuse, qui enrichit significativement les domaines de lhistoirede la mort, de la mdecine et de lenfance. Abondamment illustr de pices darchives et duneiconographie originale, cest un ouvrage qui fera date.

    Rfrence(s) :

    GLIS (Jacques). Les Enfants des Limbes. Mort-ns et parents dans lEurope chrtienne. Paris: Audibert, 2006. 96p., 7cartes et 15illustrations hors-texte.

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    Histoire de lducation, 113 | 2007

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Marie-France Morel, GLIS (Jacques). Les Enfants des Limbes. Mort-ns et parents dans lEuropechrtienne, Histoire de lducation [En ligne], 113|2007, mis en ligne le 03 avril 2009, consult le26 mai 2015. URL: http://histoire-education.revues.org/1357

    Rfrence papier

    Marie-France Morel, GLIS (Jacques). Les Enfants des Limbes. Mort-ns et parents danslEurope chrtienne, Histoire de lducation, 113|2007, 113-116.

    propos de lauteur

    Marie-France Morel

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