Halte aux expulsions forcées — Protégez les habitants des bidonvilles

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HALTE AUX EXPULSIONS FORCÉES ! PROTÉGEZ LES HABITANTS DES BIDONVILLES LE LOGEMENT, C’EST UN DROIT HUMAIN

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Un rapport sur les expulsions forcées liées aux habitants des bidonvilles

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HALTE AUX EXPULSIONS FORCÉES !PROTÉGEZ LES HABITANTS DES BIDONVILLES

LE LOGEMENT, C’ESTUN DROIT HUMAIN

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Natalia, ses cinq enfants et des amis devantleur logement de la rue Munţii Tatra, dans unquartier informel à la périphérie de Constanţa,Roumanie (avril 2011). La plupart des membresde la communauté ont été déplacés vers ce siteaprès des opérations d’expulsion qui ont eu lieudans le centre ville en 2001. Au cours des 10 dernières années, ils ont vécu sans sécuritéd'occupation, sans accès à l'électricité, à l'eauou à l'assainissement et ils craignent d'être ànouveau expulsés ou déplacés.

Des bidonvilles et des quartiers informelss’étendent autour de la plupart des villes à travers le monde. Certains de leurshabitants y vivent depuis plusieursgénérations tandis que d'autres sont venusde communautés rurales en quête de travail, de nourriture et d'une vie meilleure. Ils vivent dans des maisons précaires oumal construites. La plupart n'ont ni sécuritéd'occupation, ni accès à l'eau potable, à l'électricité, à l'assainissement, à l'éducation ou aux soins.

Plus d'un milliard de personnes habitentdans des bidonvilles. Elles sont souvent trèspauvres ou issues de milieux défavorisés.Dans certains pays, elles risquent d’êtretraitées comme des criminels et viventsouvent en marge de la société. La plupartd'entre elles se voient refuser le droit departiciper à la prise de décisions qui aurontun impact énorme sur leur vie.

IL Y A DES GENS QUI VIVENT ICI !

Nous avons tous droit à un logement et à une protection contre les expulsionsforcées. Le nombre croissant de personnesvivant dans des conditions inadaptées, au sein bidonvilles ou de quartiersinformels, témoigne de l’incapacité ou dumanque de volonté des gouvernements à faire appliquer le droit au logement. Au lieu d'améliorer les conditions de logement,loin de là, ils expulsent souvent de force les habitants des bidonvilles, les plongeantencore plus profondément dans la pauvretéet les condamnant à des conditions delogement et de vie encore plus précaires.

Les autorités nient régulièrement avoir unequelconque responsabilité envers ceux qu'ilsforcent à quitter leur logement, affirmantque ce sont des squatteurs ou qu’ils viventdans « l'illégalité ». Ce faisant, ellesnégligent le fait que beaucoup de personnessont obligées de vivre dans des bidonvilleset des logements inadaptés par manque desolutions de logement abordables et que lamise en place des politiques de planificationet de logement accordant la priorité auxpauvres a échoué. Que les personnessquattent ou sont propriétaires de la maisonou du terrain qu'elles occupent, le droit

international dispose qu’aucune opérationd’expulsion ne peut être menée en dehorsd'un cadre légal et sans les protectionsjuridiques de base. Si des expulsions sont effectuées sans ces garanties, legouvernement détruit le peu que les victimesont réussi à se garantir à elles-mêmes.Expulsées de force, elles perdent leurs biens,leurs réseaux et souvent l’accès à l'école, autravail et aux soins de santé. Nombre d'entreelles risquent le dénuement le plus total etn’ont pas d’autre choix que de rester dansles décombres de leur ancien logement ou de s'installer dans un autre bidonville.

LES EXPULSIONS FORCÉES NE SONT JAMAIS LA BONNE RÉPONSE

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Une femme et son fils devant leurmaison à Abonnema Wharf, PortHarcourt, Nigeria – les inscriptionssur les murs annoncent la démolitionde leur logement. Selon ONU-Habitat,au moins 200 000 personnes risquentd’être expulsées de chez elle si legouvernement de l’État de Riversentreprend la démolition de plus de 40 groupes d’habitations situées au bord de l’eau, à Port Harcourt.

Au petit matin du 24 janvier 2009, des bulldozers et la police ont envahile quartier de Dey Krahorm à Phnom Penh(Cambodge) dont les habitants n’avaientpas été prévenus à l’avance. Descentaines de familles ont été expulséesde force du secteur et se sont retrouvéessans logement.

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Ils sont venus la nuit pour démolir les maisons. Nous avons tous protesté mais l'entreprise était bienéquipée [...]. Je les ai suppliés de ne pas détruire mamaison et de me laisser prendre mes affaires. Mais ilsont refusé. Je n'ai pu sauver qu'une machine à coudre.Une de mes sœurs, qui avait le tétanos, était à l'étagelorsque le tracteur a rasé la maison.

Sophal, expulsée de sa maison de Dey Krahormà Phnom Penh (Cambodge), en 2009

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Les expulsions forcées sont une violation desdroits humains. Les gouvernements ontl'obligation de les interdire et de les empêcher.

L’expulsion forcée consiste à obliger despersonnes à quitter contre leur volonté lelogement ou le terrain qu’elles occupent, en dehors de tout cadre légal ou autregarantie. Les expulsions sont extrêmementdévastatrices pour les victimes ; avant

de procéder à une expulsion, les autoritésdoivent par conséquent consulter lespersonnes qu'elles prévoient d'expulser pouridentifier toutes les options possibles. Lesexpulsions doivent être menées uniquementen dernier recours. Les personnes menacéesd'expulsion doivent être prévenuessuffisamment à l’avance et bénéficier derecours juridiques et d'une indemnisationpour les pertes engendrées par l'expulsion.

Les gouvernements doivent égalementveiller à ce que personne ne se retrouvesans abri ou exposé à des atteintes auxdroits humains à la suite d'une expulsion.Ceux qui n'ont pas la possibilité de se logereux-mêmes doivent pouvoir bénéficierd'une solution de logement alternative.

LES EXPULSIONS FORCÉES SONT ILLÉGALES

Une maison à moitié démolie dans lequartier de Qianmen à Pékin (Chine), en 2006. Li Shimin explique qu’un jour de juin 2005 sa famille a trouvé lesportes de la maison verrouillées. L'eau et l'électricité avaient été coupées.Il affirme que le gouvernement ne lui en avait pas parlé à l'avance et n'avaitpas prévu de solution de relogement.

Sur la banderole il est écrit : « Agissezdans le respect du droit et sanscoercition. Expulsion ou pas, c'est ici que j'habite. »

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Elizabeth, 49 ans, une habitante du quartier informelde Kabete, à Nairobi (Kenya). Elle contemple ce quireste après le passage des bulldozers de la mairiede Nairobi qui ont rasé les bâtiments, démolissantune centaine de maisons et 470 étals de marché lorsd'une expulsion forcée le 10 juillet 2010. Lesrésidents n'avaient reçu aucun préavis, si bien qu'ilsn'ont disposé que de quelques minutes pour évacuerleurs maisons.

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J'ai besoin d'un endroit où vivre. J'ai réussi à trouverun refuge pour mes trois plus jeunes enfants, maismes autres enfants et moi dormons dehors à cielouvert. Le gouvernement devrait me donner unendroit où vivre et un lieu où travailler.

Elizabeth, expulsée de force en juillet 2010 de sa maisonde Kabete, à Nairobi (Kenya)

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Les expulsions forcées peuvent avoir desconséquences dramatiques, en particulierpour les personnes qui vivent déjà dans lapauvreté. Le droit à un logement décentreconnaît qu'une maison est beaucoup plusque quatre murs et un toit. Lorsqu'unlogement est rasé, la vie de ceux qui y vivaientest également détruite. Les personnes perdentnon seulement leur maison (qu'ils ont parfoisconstruite eux-mêmes) mais également leursvoisins, leurs effets personnels, leurs réseauxsociaux, leur accès aux moyens de subsistance(souvent de petits commerces au sein du

secteur) et l'accès à des services tels quel'eau, l'assainissement, les écoles et les soins.Les femmes sont touchées de façondisproportionnée par les expulsions forcées etleurs conséquences, étant donné le degré dediscrimination dont elles sont la cible enmatière de propriété et d'héritage. Une foisexpulsés, les femmes et les enfants sontencore davantage exposés à la violence. Cesont souvent eux qui, à l'instar des personnesâgées ou atteintes d’un handicap, souffrent leplus de la perte de l'accès à des services telsque l'eau et l'assainissement.

Même si les expulsions forcées sont illégalesaux termes du droit international, on assistede plus en plus souvent, partout dans lemonde, à des expulsions forcées de masse.Des bidonvilles sont démolis à la faveur de projets de développement urbain ou d'« embellissement » de la ville, ou dans le cadre de la préparation de grandsévénements internationaux comme les Jeux olympiques.

MAISONS DÉTRUITES, VIES BRISÉES

Une femme et un enfant dans le campementOlga Benário à São Paulo (Brésil), le 23 août2009. Environ 800 familles ont été expulséesde force du campement par la police militaire.

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Des Roms qui habitaient au 55 de la rueSkadarska à Belgrade (Serbie) ont été expulsésde force et laissés à la rue (11 août 2011).

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Le statut du logement dans les bidonvilles et quartiers informels prend des formesdiverses : titre de propriété, contrat delocation, occupation de terrain et autresarrangements informels. À chacun de cesstatuts correspondent différents niveaux de contrôle et de sécurité.

La grande majorité des personnes vivantdans des abris considérés comme « illégaux »ou « irréguliers » par les autorités ont peude sécurité d'occupation, voire aucune. Celales rend vulnérables aux expulsions forcéeset, en conséquence, à de nombreuses autresviolations des droits humains.

Les familles ne bénéficiant pas d'un niveauminimum de sécurité d'occupation risquentd’être exclues des lois et protections quis'appliquent aux autres citadins(notamment le contrôle du loyer ou lesobligations qui pèsent sur les propriétairesen termes de services). Très souvent, ces loisne sont pas appliquées dans les bidonvilleset les quartiers informels. En outre, lemanque de sécurité d'occupation, enparticulier le manque de protection contreles expulsions forcées, freine l'améliorationdes conditions de vie car les habitantshésitent à investir dans la construction oul'amélioration de leur logement sachant

qu'ils risquent de tout perdre. Cela a pourconséquence d'exclure certaines personnesde la planification urbaine et des prévisionsbudgétaires, et limite ou affecte l'accès deshabitants aux services publics tels quel'eau, l'assainissement, l'éducation et la santé.

Les gouvernements doivent veiller à ce que tout le monde puisse bénéficierd’un minimum de sécurité d'occupation, en garantissant notamment une protectionlégale contre les expulsions forcées, le harcèlement et autres menaces.

LA SÉCURITÉ D'OCCUPATION EST INDISPENSABLE

Des habitants de la rue Al Meadessa,à Manshiyet Nasser, un quartier informeldu Caire (Égypte), tiennent une pétitiond’Amnesty International exhortant lesautorités à protéger la vie et la santé despersonnes qui résident dans des « zonesdangereuses » (décembre 2009).

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Les expulsions forcées s'accompagnentsouvent d'un recours excessif à la force parla police ou d'autres agents chargés desopérations. D'autres violations des droitshumains commises pendant des expulsionsont été signalées : viols, arrestations etplacements en détention arbitraires, tortureet homicides illégaux.

Les gouvernements sont appelés à adopterdes lois interdisant les expulsions forcées ;ces lois doivent limiter les circonstances

dans lesquelles des expulsions peuvent êtremenées et prévoir des garanties à mettre enplace avant toute expulsion. À défaut detelles lois, il est très difficile de poursuivreles autorités locales ou toute autre autoritépour des faits d'expulsion forcée, et lesvictimes ont peu de chances de disposer de voies de recours efficaces.

Pour qu’il soit progressivement mis fin auxexpulsions forcées, les communautésdoivent être consultées à l’avance car cette

démarche permet d’identifier etd’envisager toutes les options avant touteexpulsion. Lorsque de telles consultationssont prévues, les communautés sontsouvent en mesure de proposer dessolutions pouvant répondre à la fois à leursbesoins et à ceux des autorités. Si despersonnes ont besoin d'être relogées, leprocessus de consultation permet aussid'assurer que la nouvelle solution delogement est adaptée à la situation et aux préférences des communautés.

PROTÉGEZ LES HABITANTS DES BIDONVILLES

CONNAISSEZ VOS DROITS

AVANT TOUTE EXPULSION, LES AUTORITÉSDOIVENT :

n vous informer de l'expulsion et vous en indiquer les raisons ;

n vous consulter à propos de solutionsautres que l’expulsion et examiner toutes les options que vous proposez ;

n vous prévenir suffisamment à l’avance ;

n vous donner le temps d’évaluer les biensou les revenus que vous allez perdre et vousindemniser ;

n vous donner la possibilité de contester ladécision d’expulsion devant les tribunaux, vousinformer des voies de recours et vous fournirune aide judiciaire si vous en avez besoin ;

n s’assurer que vous ne risquez pas devous retrouver sans domicile ou de subird’autres violations des droits humains ;

n vous consulter à propos du secteur ou dulogement où vous êtes susceptible de devoirvous installer ;

n vous fournir une solution de relogementsatisfaisante ;

n s’assurer que vous avez les moyens devivre là où elles veulent vous installer, quevous avez accès aux services de base et quevous pouvez vous rendre à votre lieu detravail ou poursuivre votre activité ;

n veiller à ce qu’on ne vous installe pasdans quelque lieu que ce soit présentant un risque pour la santé.

SI UNE OPÉRATION D’EXPULSION A LIEU,LES AUTORITÉS DOIVENT :

n vous laisser le temps de déménager vosaffaires et de récupérer des matériaux deconstruction ;

n envoyer sur le lieu de l'expulsion desreprésentants des autorités, qui doiventprésenter une autorisation formelle d'expulser ;

n veiller à ce que l'expulsion n'ait pas lieula nuit, pendant des vacances ou parmauvais temps ;

n s’assurer que l’éviction se fait dans lerespect des règles de sécurité, sans recoursinutile ou injustifié de la police ou d’autresfonctionnaires, et dans le respect de ladignité des personnes.

Vous ne pouvez être expulsé-e de chez vous qu’après examen de toutes les autrespossibilités. Si ces étapes n’ont pas été respectées, l’éviction équivaut à une expulsionforcée et est donc illégale aux termes du droit international.

Vous ne pouvez pas être expulsé-e de votre logement à moins que certainesprocédures aient été suivies et certaines garanties mises en place.

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L’édition originale en langue anglaise de ce rapport a été publiée en 2011 par Amnesty International LtdPeter Benenson House1 Easton StreetLondres WC1X 0DWRoyaume-Uni

© Amnesty International 2011

Index: ACT 35/026/2011 FrenchOriginal : anglaisImprimé par Amnesty International,Secrétariat international, Royaume-Uni.

Tous droits de reproduction réservés. Cettepublication,qui est protégée par le droit d’auteur,peut être reproduite gratuitement, par quelqueprocédé que ce soit, à des fins de sensibilisation, de campagne ou d’enseignement,mais pas à des fins commerciales. Les titulaires desdroits d'auteur demandent à être informés de touteutilisation de ce document afin d’en évaluer l’impact.Toute reproduction dans d’autres circonstances, ouréutilisation dans d’autres publications, outraduction, ou adaptation nécessitent l’autorisationpréalable écrite des éditeurs, qui pourront exiger le paiement d’un droit. Pour toute demanded'information ou d'autorisation, veuillez [email protected].

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Couverture : Police antiémeutes en formation lors de l’expulsionde 800 familles du campement Olga Benário à São Paulo, Brésil(24 août 2009).

© Anderson Barbosa

LE LOGEMENT, C’EST UN DROIT HUMAIN

LES EXPULSIONS FORCÉES DOIVENT CESSER Les gouvernements doivent respecter les normesqu'ils ont eux-mêmes acceptées.

Les communautés et les défenseurs des droits humainssont en première ligne de la lutte qui vise à mettre finaux expulsions forcées et à faire en sorte que lesgouvernements protègent le droit à un logement décentau lieu de violer ce droit. Vous pouvez soutenir leur lutte.

Défendez les droits humains et travaillez avec lescommunautés qui se battent pour leur droit à unlogement décent. Demandez aux gouvernementsd'interdire et d’empêcher les expulsions forcées.

PASSEZ À L’ACTION ! Rendez-vous sur amnesty.org ou contactez votrebureau local d'Amnesty International pour savoircomment vous pouvez participer.

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