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Gutai Gutai (具体 ? , août 1954 - mars 1972) est un mouvement artistique d'avant-garde japonais. Le terme vient de gu, « instrument » et tai, « corps », son adverbe gutaiteki, « concret », « incarnation », qui s'oppose donc à l'abstrait, c'est-à-dire à l'art abstrait. Sommaire 1 Un mouvement d'importance mondiale 1.1 Le fondateur 1.2 Le texte fondateur 1.2.1 Extraits 2 Les caractéristiques du mouvement 2.1 Les actes créateurs 3 Manifestations et expositions 4 Les artistes et leur travail 5 Notes et références 6 Annexes 6.1 Liens externes 6.2 Bibliographie Un mouvement d'importance mondiale Gutai est l'un des plus importants mouvements fondateurs de l'art contemporain mondial. Révélé en France et en Europe par Michel Tapié, son influence sur l'art nord-américain et européen reste sous-estimée notamment sur l'art de la Performance et sur le mouvement Fluxus et peut être sur Yves Klein lors de son séjour au Japon du 23 septembre 1952 à janvier 1954. Yves Klein entretient en effet des contacts avec la scène artistique japonaise, puisqu'il organise des expositions de ses parents lors de son séjour : Marie Raymond expose avec Fred Klein à l’Institut franco-japonais de Tōkyō (du 20 au 22 février 1953), puis seule au Musée d’Art Moderne de Kamakura, et à nouveau avec Fred Klein en novembre au Musée d'art Bridgestone à Tokyo. Le fondateur Jirō Yoshihara, né en 1905 à Ōsaka, peut être considéré comme le fondateur et le théoricien du mouvement. Il commence à exposer à partir de 1930 et intègre l'association d'artistes japonais NIKA en 1934. Il expose à Paris au Salon de Mai en 1952 et 1958 et à New York à l'International Carnegie en 1961. Celui-ci en a eu la vocation lorsque, un jour, il regardait les calligraphies du moine zen Nantenbō peu avant 1954. Il raconte : « J’ai été vivement surpris et aussitôt conquis par ces calligraphies grandioses, cernées des éclaboussures noires, jaillies du pinceau ! Ce qui m’a saisi alors, c’était moins l’intérêt de ces œuvres en tant que calligraphie, que le fait d’y découvrir quelque chose, disons, de l’ordre de la création, de la forme de peinture que nous cherchons, de l’ordre de ce que les artistes tentent de trouver, et ce qui les

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GutaiGutai (具体? , août 1954 - mars 1972) est un mouvement artistique d'avant-garde japonais.

Le terme vient de gu, « instrument » et tai, « corps », son adverbe gutaiteki, « concret », « incarnation », quis'oppose donc à l'abstrait, c'est-à-dire à l'art abstrait.

Sommaire1 Un mouvement d'importance mondiale

1.1 Le fondateur1.2 Le texte fondateur

1.2.1 Extraits2 Les caractéristiques du mouvement

2.1 Les actes créateurs3 Manifestations et expositions4 Les artistes et leur travail5 Notes et références6 Annexes

6.1 Liens externes6.2 Bibliographie

Un mouvement d'importance mondialeGutai est l'un des plus importants mouvements fondateurs de l'art contemporain mondial.

Révélé en France et en Europe par Michel Tapié, son influence sur l'art nord-américain et européen restesous-estimée notamment sur l'art de la Performance et sur le mouvement Fluxus et peut être sur Yves Kleinlors de son séjour au Japon du 23 septembre 1952 à janvier 1954. Yves Klein entretient en effet des contactsavec la scène artistique japonaise, puisqu'il organise des expositions de ses parents lors de son séjour : MarieRaymond expose avec Fred Klein à l’Institut franco-japonais de Tōkyō (du 20 au 22 février 1953), puisseule au Musée d’Art Moderne de Kamakura, et à nouveau avec Fred Klein en novembre au Musée d'artBridgestone à Tokyo.

Le fondateur

Jirō Yoshihara, né en 1905 à Ōsaka, peut être considéré comme le fondateur et le théoricien du mouvement.Il commence à exposer à partir de 1930 et intègre l'association d'artistes japonais NIKA en 1934. Il expose àParis au Salon de Mai en 1952 et 1958 et à New York à l'International Carnegie en 1961.

Celui-ci en a eu la vocation lorsque, un jour, il regardait les calligraphies du moine zen Nantenbō peu avant1954. Il raconte :

« J’ai été vivement surpris et aussitôt conquis par ces calligraphies grandioses, cernées deséclaboussures noires, jaillies du pinceau ! Ce qui m’a saisi alors, c’était moins l’intérêt de ces œuvresen tant que calligraphie, que le fait d’y découvrir quelque chose, disons, de l’ordre de la création, de laforme de peinture que nous cherchons, de l’ordre de ce que les artistes tentent de trouver, et ce qui les

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fait souffrir […] Qu’on l’exprime au moyen de signes écrits ou de la peinture revient au même, ça nechange rien au fond […] C’est ce que j’ai réalisé d’un seul coup, quand j’ai eu ces œuvres sous lesyeux. »

Cependant, il déclare :

« Je suis un maître qui n'a rien à vous apprendre, mais je vais créer un climat optimum pour lacréation. »

Il est pourtant déjà un artiste reconnu de cinquante ans alors que tous les autres ont entre vingt et trente-cinqans.

Ce mouvement se manifeste en 1954 non pas à Tōkyō mais dans le Kansai, région pourtant réputée plustraditionaliste. Néanmoins, dès 1953 se tient la première exposition du Groupe de Discussion d'ArtContemporain, dans l'atelier de Yoshihara du quartier de Shibuya à Tokyo, avec certains de ses étudiantsdont Shōzō Shimamoto, qui constitue les prémices du mouvement Gutai. Dans son manifeste de l'art Gutaide décembre 1956, Yoshihara précise en effet que les principes de ce mouvement ont en réalité été initiéstrois ans plus tôt .

Le texte fondateur

Le Manifeste de l'art Gutai est le texte fondateur rédigé par Jirō Yoshihara, dans la revue Geijutsu shincho(Nouvelles Tendances artistiques), publié à Tōkyō, en décembre 1956.

Extraits

« En ce qui concerne l'art contemporain, nous respectons Pollock et Mathieu car leurs œuvres sont des crispoussés par la matière, pigments et vernis. Leur travail consiste à se confondre avec elle selon un procédéparticulier qui correspond à leurs dispositions personnelles. Plus exactement, ils se mettent au service de lamatière en une formidable symbiose. »« Ce qui est intéressant, c'est la beauté contemporaine que nous percevons dans les altérations causées parles désastres et les outrages du temps sur les objets d'art et les monuments du passé [...] Lorsque nous nouslaissons séduire par les ruines, le dialogue engagé par les fissures et les craquelures pourrait bien être laforme de revanche qu'ait pris la matière pour recouvrer son état premier. »« L'art Gutaï ne transforme pas, ne détourne pas la matière; il lui donne vie. Il participe à la réconciliationde l'esprit humain et de la matière, qui ne lui est ni assimilée ni soumise et qui, une fois révélée en tant quetelle se mettra à parler et même à crier. L'esprit la vivifie pleinement et, réciproquement, l'introduction dela matière dans le domaine spirituel contribue à l'élévation de celui-ci. »

Les caractéristiques du mouvementImportance du matériau ; œuvres in situ ; rôle dévolu au corps de l'artiste ; performances et gestualitépicturale sont (re)découverts par le mouvement Gutai. C'est souvent, mais pas toujours, un art éphémère quine laisse de traces que par la photographie.

C'est la liberté et la créativité après la chape de plomb de la dictature militaire puis du traumatisme de ladéfaite de 1945.

Gutai tire ses origines de l'abstraction, du surréalisme, du mouvement Dada. Il inspire l'Action Painting deJackson Pollock et de façon plus lointaine le mouvement français Supports/Surfaces. Il a été une révolutionau Japon, comme le Dadaïsme en Europe.

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« Gutaï est un groupe d'individus qui s'empare de toutes les techniques et matières possibles, sans selimiter aux deux et aux trois dimensions ils emploient du liquide du solide, du gaz ou encore du son,de l'électricité. » (citation de Motonaga)

Formellement, Gutai naît au début de 1955 sous l'impulsion de Yoshihara qui publie dans une revue leManifeste Gutai en 1956. Des expositions de groupe sont organisées.

Michel Tapié, théoricien et critique d’art, rencontre alors Gutaï en 1958. Celui-ci n’exécute alors plus quedes peintures sur toile. Cela a suscité beaucoup de critiques dénonçant la perte d’originalité des débuts dumouvement.

Cependant, le groupe a commencé à devenir plus connu dans le monde depuis cette rencontre. Celas’explique par le fait que les œuvres du Gutaï avaient besoin de photos, de vidéos, de témoins pour voir lesactes des artistes car leurs œuvres étaient indéfinissables, c’est-à-dire ni vraiment des peintures, ni vraimentdes sculptures. Or, avec la peinture, on peut tout de même observer les traces des actes des auteurs. De plus,les tableaux sont plus facilement transportables et exposables.

Dans les années 1960 le mouvement continue mais se disperse en 1972, à la mort de Yoshihara. Uneminorité seulement des membres de Gutai continuera alors une activité artistique.

Les actes créateurs

En général, les œuvres exécutées sur toile sont de très grand format. Sur la plupart d'entre elles, entailler,déchirer, mettre en pièces, brûler, projeter, lancer… sont ses mots d’ordre.

Cependant, ces œuvres sont généralement immédiatement détruites. Ainsi, la destruction revient trèssouvent, ce qui montre la violence dégagée dans ses œuvres. D’ailleurs, il ne reste que très peu de traces desoriginaux. Par contre, on retrouve beaucoup de traces vidéo et photographiques.

Gutaï se permet une grande liberté d’utilisation des matières brutes comme la boue, le papier kraft, lespierres ramassées sur les berges des rivières, l’eau colorée, des rideaux peints en fluorescent, des boîtes enfer blanc… renforcées par des couleurs primaires très voyantes. À l’époque, cette liberté n’a jamais été aussigrande au Japon. En effet, cette liberté totale est offerte par :

Le lieu : forêt, ruines, scènes, hangars…Les moyens d’expression : peinture, musique, danse, sculpture, théâtre…Les matériaux : feu, papier, fumée, boue, flèches, vinyle, ballons gonflables, trous dans le sol, cailloux,eau…La demande d’utilisation de tous les sens : vue, ouïe, odorat, toucher et goût.

Les matériaux et la technique utilisés par les artistes sont très importants pour Gutaï. Les œuvres sontsouvent présentées en direct : les artistes exécutent sur place leur œuvre devant les spectateurs. Le groupedemande également la participation du public. Ce qui montre bien la présence de l’artiste dans ses œuvres.

En ce qui concerne leur nomination, les œuvres sont presque toutes nommées Œuvre ou n’ont pas de titre.Cependant, les œuvres avec titre sont nommées platement par leur description, comme Clous et bois,Panneau fibre, Ligne, Bidons, Sculptures… Cela s’explique par le fait que Yoshihara, le chef du groupe, ainterdit aux membres de donner un titre à leurs œuvres pour éviter tout recours au surréalisme : « Quant auxtravaux qui combinent différents matériaux, il ne faut cependant pas les confondre avec les objetssurréalistes car les premiers évitent de mettre l'accent sur le titre et le sens de l'œuvre. » De plus, lors de laseptième exposition des Indépendants de Yomiuri à Tōkyō en mars 1955, toutes les œuvres du Gutaï étaientsignées Gutaï.

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Manifestations et expositionsJuillet 1955 : Première manifestation du groupe Gutaï en plein air intitulée Exposition d’art moderne enplein air : défi au soleil de mi-été. C’était pour le groupe une première expérienceOctobre 1955 : Première exposition au Centre OharaAvril 1956 : Reportage du magazine Life, deuxième manifestation en plein air et deuxième expositionMai 1957 : Gutaï monte pour la première fois sur scène. Shimamoto compose la musique quiaccompagnera les scènes. C’est depuis cette représentation que l’art Gutaï est critiqué comme étant uneimitation de l’expressionnisme abstrait. Il continue cependant ses représentations sur scène en juin 1957 eten avril 1958À partir de 1958 : Expositions conventionnelles dans le Kansai, à Paris, à New York et à Turin1962 : Création de la Pinacothèque Gutaï à Ōsaka

Les artistes et leur travailListe non exhaustive des principaux artistes, âgés entre 20 et 35 ans, ayant fondé ou rejoint le mouvementGutai, à partir de décembre 1954, avec, pour les plus importants, un lien donnant une courte biographie :

Jirō Yoshihara, le fondateur : utilise des calligraphies réduites à un seul trait; crée des ensembles de sortesde sculptures en métal induit de ciment; monte des installations.Hisao DomotoImaiImanakaAkira Kanayama :

invente un jouet téléguidé qui, rempli de couleur, trace un réseau de lignes; présente des ballons géantsde vinyle gonflés ou dégonflés. Par ce moyen, il enferme l’air dans les ballons et les présente commesculpture; expose aussi des traces de pas de chaussures sur 150 mètres.

Seiko KannoShōji KikunamiToshiko KinoshitaSadamasa Motonaga :

accroche des sacs plastiques remplis d’eau colorée sur des branches de pins et aussi une toile de 100mètres de long à des arbres allant dans tous les sens; exploite également la fumée en créant des formesrondes à l’aide d’une machine.

Shūji Mukai :remplit un espace d’alphabets imaginaires.

Tsuyoshi MaekawaTakesada MatsutaniSaburō Murakami :

place à l'entrée d'une exposition des écrans de papier qui seront déchirés, dès le vernissage, par lepassage du premier visiteur ; arrache des lambeaux de feuilles d’asphalte sur le sol en courant ; exposeégalement un cube de verre.

Yūko NasakaKimiko OharaItoko OnoSeiichi Sato :

s’enferme lui-même dans un sac suspendu à un arbre en tant que sculpture vivante.Takeshi ShibataShōzō Shimamoto :

lacère le tableau; utilise un canon qui projette de la peinture émaillée; présente une tôle bleue en zincavec des trous; projette aussi des bouteilles de couleur sur une toile; entaille également du papier journalavec un couteau.

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Kazuo Shiraga :s'élance dans le vide, tenu par une corde ; projette de la peinture; entaille de toutes ses forces unassemblage conique de perches rouges en bois avec une hache ; simule également une lutte dans la boue,ce qui implique le mélange entre le pinceau humain et l'œuvre ; transperce une grande toile avec desflèches de couleur ; peint avec ses ongles et se sert aussi de ses pieds comme pinceau (car les piedsreprésentent toute la force et l’impact du corps humain) sur une grande toile, ce qui fait qu'il rentrecomplètement dans le tableau. Son travail est plutôt physique.

Fujiko Shiraga :se sert de papiers froissés pour ses créations.

Yasuo Sumi :peint à l’aide d’un vibrateur électrique.

Atsuko Tanaka :développe le sens de l'ouïe (installation de sonnettes), de la vue (ampoules qui clignotent) et du toucher(costume orné d'ampoules clignotant et suivant le sens de circulation du sang humain) ; expose aussi detrès grands tissus roses à 30 cm du sol, des draps non tendus peints en monochrome et des feuilles demétal colorées ; compose également une répétition du chiffre 6.

Soichi TominagaYōzō UkitaTsuruko Yamazaki :

crée des tableaux collés avec des miroirs et du métal ; fabrique des sortes de moustiquaires avec duvinyle rouge ; récupère des bidons d’huile.

Minoru YoshidaToshio Yoshida :

utilise le feu pour marquer la surface picturale ; plante des piquets de bois alignés dans le sol sur 60mètres ; peint avec un arrosoir.

Michio Yoshihara :utilise du goudron et de la poussière pour ses œuvres ; creuse aussi des trous dans le sol qu’il éclaire parune lumière électrique.

Jirō Yoshihara, Kazuo Shiraga, Sadamasa Motonaga et Akira Kanayama utilisent le geste, rappel de laspontanéité de l'écriture.

Toutes ces pratiques montrent la diversité et l'originalité des modes de création. En effet, comme le dit lui-même Yoshihara :

« faire ce que personne n'avait encore entrepris » ou « notre démarche naît au contraire del'aboutissement des recherches de nouvelles possibilités », Gutaï a pour ambition d'éliminer l'imitationet la copie.

Notes et références1. Manifeste de l'art Gutai (http://web.guggenheim.org/exhibitions/gutai/data/manifesto.html), exposition Gutai:

Splendid Playground, 15 février – 8 mai 2013, Musée Guggenheim, New-York.

Annexes

Liens externes

Gutai.org (http://www.gutai.org) : les archives du mouvement Gutaï (en japonais)Gutai.com (http://www.gutai.com) : le site le plus complet sur le mouvement Gutaï

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Bibliographie

Gutai, catalogue d'exposition, Paris, galerie nationale du Jeu de Paume, Paris, 2000Atsuo Yamamoto, Ming Tiampo, Florence de Mèredieu,Gutai, Moments de destruction, Moments debeauté,Moments of destruction/Moments of beauty, Paris, Blusson, 2002, ISBN 978-2907784146« Gutai : la symbiose avec la matière », Florence de Mèredieu in Histoire matérielle et immatérielle del'art moderne, Paris, Larousse, 2004

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