Guide Finance d'Entreprise

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Guide sur la finance d'entreprise.

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    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Comment crer de la valeur ?

    Introduction la finance dentreprise

    Ce guide vient en complment des cours de finance pour non financiers dispenss dans les

    diffrents programmes de E.M. LYON. Il est une partie intgrante de ces cours, et peut donc

    difficilement tre utilis sparment. Il a pour objectif de servir de formalisation du contenu et

    d'illustration chiffre des diffrents concepts et outils proposs.

    Il est organis par thmes, organisation qui ne recouvre pas directement le droulement des

    cours, pour des raisons defficacit pdagogique. Mais lessentiel des schmas utiliss dans ce

    guide sont repris pendant le cours, et rciproquement.

    Du fait qu'il est conu lattention de non financiers, il comporte quelques simplifications et

    omissions volontaires. En contrepartie il ne prsuppose aucune connaissance pralable,

    notamment de la comptabilit, autre que celles couramment utilises dans les entreprises par

    les non financiers. Lobjectif poursuivi est de donner une vision densemble des mcanismes

    financiers qui concourent la cration de valeur, et des motifs pour lesquels cette recherche

    systmatique de la cration de valeur est vitale pour les entreprises.

    SOMMAIRE

    CHAPITRE UN :

    CAPITAUX ENGAGES, RENTABILITE ET RISQUE OPERATIONNEL ........................ 2

    CHAPITRE DEUX :

    LES ATTENTES DES APPORTEURS DE CAPITAUX, ET LE COUT

    DES RESSOURCES FINANCIERES .............................................................................. 21

    CHAPITRE TROIS :

    EFFET DE LEVIER ET POLITIQUE DENDETTEMENT ............................................ 32

    CHAPITRE QUATRE :

    RENTABILITE FINANCIERE ET CROISSANCE SOUTENABLE ................................. 44

    CHAPITRE CINQ :

    LES CONDITIONS DE LA CREATION DE VALEUR ................................................... 53

    CONCLUSION :

    DIX MOYENS POUR AUGMENTER LA CREATION DE VALEUR. ............................ 71

    ANNEXE 1 :

    LA MISE EN OEUVRE. ELABORER DES PREVISIONS FINANCIERES

    ET EVALUER LA CREATION DE VALEUR .................................................................. 74

    LEXIQUE ........................................................................................................................ 85

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    Chapitre un

    Capitaux engags, rentabilit et risque

    oprationnel

    Les capitaux engags par une entreprise pour exercer son activit sont de deux ordres,

    savoir :

    loutil de production : les immobilisations,

    et les besoins lis au cycle d'exploitation, le Besoin Financier

    d'Exploitation,

    Nous allons nous intresser dans ce chapitre aux facteurs qui influent sur lampleur de ces

    capitaux engags, facteurs qui sont lis la fois au mtier quexerce lentreprise et aux

    conditions dans lesquelles elle lexerce. Puis dans un deuxime temps, nous prciserons l'outil

    de mesure de la performance oprationnelle, obtenue grce ces capitaux : la rentabilit des

    capitaux engags.

    1/ Illustration du concept de capitaux engags : la cration d'une filiale

    Nous nous proposons dillustrer concrtement le concept de capitaux engags partir dun

    exemple trs simplifi de cration dune nouvelle filiale. Cette filiale industrielle, cre dans

    un pays tranger, assemblera localement et commercialisera une gamme de produits largie

    par rapport aux exportations faites aujourdhui directement depuis la France. Les prvisions

    dactivit sont rsumes dans le tableau ci-aprs :

    COMPTE DE RESULTAT PREVISIONNEL DE LA FILIALE INDUSTRIELLE COMPTE DE RESULTAT PREVISIONNEL DE LA FILIALE COMMERCIALE

    ANNEE 1 ANNEE 2 ANNEE 3

    CHIFFRE D'AFFAIRES NET 8000 16000 25000

    CONSOMMATION MATIERE ET AUTRES ( 1 ) 4480 8800 13500

    MARGE D'INTERVENTION 3520 7200 11500

    TAUX DE MARGE D'INTERVENTION 44,0% 45,0% 46,0%

    FRAIS DE FABRICATION ( 2 ) 2300 3290 5125

    COUTS DE PRODUCTION ( 1+ 2 ) 6780 12090 18625

    MARGE BRUTE USINE 1220 3910 6375

    TAUX DE MARGE BRUTE USINE 15,3% 24,4% 25,5%

    COUTS ADMINISTRATIFS 500 550 594

    COUTS COMMERCIAUX 1500 1650 1782

    DOTATIONS AUX AMORTISSEMENTS 600 900 1400

    MARGE OPERATIONNELLE -1380 810 2599

    TAUX DE MARGE OPERATIONNELLE -17,3% 5,1% 10,4%

    INDICE D'INFLATION 1,10 1,08

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    Daprs ce compte de rsultat prvisionnel, le point mort sera atteint dans le courant du

    deuxime exercice, et le taux de marge oprationnelle sera tout fait correct ds la troisime

    anne. Mais la prvision de la marge oprationnelle ne suffit pas pour dterminer les capitaux

    ncessaires la cration de cette filiale, ni pour sassurer quelle sera rentable.

    Il faut en effet disposer dinformations sur les investissements ncessaires et les conditions

    financires de lexploitation. Ces donnes sont rassembles dans le tableau suivant :

    A partir de cet ensemble dinformations, le responsable de la filiale se propose de dterminer

    la rentabilit de cette entit pour les trois ans venir.

    Il lui faut pour cela anticiper chaque anne les capitaux engags. Ceux-ci peuvent tre

    dcomposs en deux catgories :

    les capitaux utiliss dans loutil de production : les immobilisations

    les capitaux utiliss pour financer lexploitation : le Besoin Financier d'Exploitation

    La valeur des immobilisations de production augmente chaque anne du montant des

    investissements, mais se rduit de la dprciation lie leur usage, cest dire des dotations

    aux amortissements, ce qui conduit lvolution suivante :

    CONDITIONS D'EXPLOITATION DE LA FILIALE INDUSTRIELLE CONDITIONS D'EXPLOITATION DE LA FILIALE COMMERCIALE

    ANNEE 1 ANNEE 2 ANNEE 3

    INVESTISSEMENTS 6000 3000 5000

    NOMBRE DE JOURS DE STOCKS 60 60 60

    (A appliquer au cot de production)

    DELAI DE PAIEMENT DES CLIENTS 75 75 75

    (A appliquer au chiffre d'affaires TVA comprise)

    DELAI DE PAIEMENT DES FOURNISSEURS 70 70 70

    (A appliquer aux consommations TVA comprise)

    TAUX DE TVA 20% 20% 20%

    ANNEE 1 ANNEE 2 ANNEE 3

    IMMOBILISATIONS EN DEBUT D'EXERCICE 0 5400 7500

    + INVESTISSEMENTS 6000 3000 5000

    - DOTATION AUX AMORTISSEMENTS 600 900 1400

    IMMOBILISATIONS NETTES 5400 7500 11100

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    Quant aux besoins financiers lis au cycle dexploitation ils sont regroups dans le Besoin

    Financier d'Exploitation, qui est la diffrence entre les emplois dans les stocks et les crances

    clients, et les ressources obtenues des fournisseurs. Les composantes du Besoin Financier

    d'Exploitation sont rassembles dans le tableau suivant (le mode de calcul dtaill de chaque

    composante du BFE est expliqu en annexe).

    On constate que le Besoin Financier d'Exploitation est en forte croissance, du fait de la forte

    croissance de lactivit, mais quil se stabilise, en pourcentage du chiffre daffaires. Cest la

    situation normale, dans la mesure o il nest pas men daction particulire sur les dlais de

    stockage ou de rglement qui puisse en faire voluer la composition.

    Au total, les capitaux engags se prsentent de la faon suivante :

    Si lon compare le chiffre daffaires prvu aux capitaux engags, on constate une nette

    amlioration du ratio de rotation des capitaux, lie au fait que lessentiel de linvestissement

    industriel est ralis en premire anne. Par la suite les immobilisations augmentent moins

    vite que lactivit :

    Si, enfin, on compare la marge oprationnelle prvue au montant des capitaux engags chaque

    anne, on obtient une premire vision de la rentabilit de la filiale :

    STOCK 1115 1987 3062

    + CREANCES CLIENTS 1973 3945 6164

    - DETTES FOURNISSEURS 1031 2025 3107

    = BESOIN FINANCIER D'EXPLOITATION 2056 3907 6119

    BFE en % du chiffre d'affaires 25,7% 24,4% 24,5%

    IMMOBILISATIONS NETTES 5400 7500 11100

    BESOIN FINANCIER D'EXPLOITATION 2056 3907 6119

    ---------- ---------- ----------

    CAPITAUX ENGAGES 7456 11407 17219

    ROTATION DES CAPITAUX ENGAGES (CA/CE) 1,07 1,40 1,45

    TAUX DE MARGE OPERATIONNELLE -17,3% 5,1% 10,4%

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    On constate une trs forte amlioration de cette rentabilit, lie la fois laugmentation du

    taux de marge oprationnelle (marge oprationnelle / CA) et de la rotation des capitaux (CA /

    capitaux engags). Cest une situation classique de cration dactivit, qui gnre des pertes

    au dmarrage, puis samliore rapidement dans les annes suivantes.

    Cela signifie-t-il que cette filiale soit rentable, et quelle le soit suffisamment pour crer de la

    valeur ? Pour rpondre ces questions il nous faudra approfondir nos analyses, et cest lobjet

    de ce document, de donner les lments pour une rflexion sur la cration de valeur,

    utilisables lors des prises de dcision tous les niveaux de l'entreprise.

    Si l'on rsume la dmarche illustre ci-dessus, prvoir la rentabilit d'une nouvelle activit ou

    d'une nouvelle entit suppose :

    1. d'tablir un compte de rsultat prvisionnel

    2. de prvoir le montant des investissements et le rythme de leur amortissement

    3. d'anticiper les dlais de paiement et de stockage

    4. de dterminer l'volution des immobilisations nettes d'amortissement

    5. de calculer le montant du BFE

    6. et enfin de calculer le taux de rentabilit des capitaux engags.

    C'est ce qu'illustre le schma ci-aprs :

    Prvisionsd'investissement

    etpolitique

    d'amortissement

    Compte dersultat

    prvisionnel

    Dlais de stockageet de paiement

    1 2 3

    Immobilisations Brutes- Amortissements

    =Immobilisations nettes

    1 2 3Stocks+ Crances Clients - Dettes Fournisseurs

    = B.F.R.

    1 2 3Immobilisations nettes + B.F.R.=CAPITAUX ENGAGES

    Dtermination des capitaux engags

    2/ Les composantes des capitaux engags et leur rotation.

    2.1 - Mtier exerc et ampleur des immobilisations : le poids de loutil de production.

    Avez-vous dj visit une usine de production de papier, ou d'aluminium, ou de ciment ?

    Dans les trois cas il sagit doutils industriels extrmement complexes et de trs forte valeur

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    unitaire : une machine papier moderne, ou une cimenterie performante cotent, avec leurs

    installations annexes, autour de 150 millions deuros l'unit, et c'est bien pire pour une unit

    de production d'aluminium...

    Cest juste titre quon utilise leur sujet le terme dindustrie lourde, et cest en tous cas vrai

    au plan financier, surtout lorsquil faut rentabiliser de tels investissements. En effet des usines

    de ce type permettent de gnrer annuellement un chiffre daffaires dun montant peine

    suprieur aux capitaux ncessaires leur acquisition : le rapport entre le chiffre d'affaires et

    les capitaux engags est de l'ordre de un !

    A loppos, certains mtiers ne ncessitent quun outil de "production" trs minime. Cest le

    cas notamment des activits pour lesquelles la valeur ajoute rsulte pour lessentiel du

    facteur travail, comme les activits de maintenance, ou la prestation de travail temporaire, ou

    les mtiers du conseil. Cest le cas aussi des activits commerciales, et notamment de la

    grande distribution, non que les immobilisations engages dans le cadre dun hypermarch

    soient ngligeables, mais plutt parce que le chiffre daffaires dvelopp grce ces

    immobilisations est considrable : de lordre de 10 20 fois le montant investi dans les

    surfaces commerciales !

    Lampleur des capitaux mettre en oeuvre rsulte donc d'abord du cot de loutil de

    production utilis, qui se traduit comptablement par des immobilisations nettes plus ou moins

    importantes. Mais les immobilisations ne sont pas le seul facteur qui influe sur le montant des

    capitaux ncessaires. Nous avons vu prcdemment que le cycle dexploitation pouvait lui

    aussi se rvler gros consommateur de capitaux.

    2.2 - Les dterminants de lampleur du Besoin Financier d'Exploitation

    Le Besoin Financier d'Exploitation est constitu de six composantes principales :

    - les stocks

    - les avances aux fournisseurs

    - les crances sur les clients

    - les dettes envers les fournisseurs

    dexploitation

    - les avances des clients

    - les dettes fiscales et sociales

    Lampleur du Besoin Financier d'Exploitation va donc dpendre de la combinaison de ces six

    facteurs, et surtout des stocks, des crances clients et des dettes fournisseurs. Le BFE sera

    dautant plus important que les stocks, les avances aux fournisseurs et les crances clients

    seront levs, dune part, et que les dettes fournisseurs, les avances des clients et les dettes

    fiscales et sociales seront faibles, dautre part. Or, de quoi dpendent ces facteurs : pour

    lessentiel de la dure du cycle dexploitation, c'est dire du temps qui s'coule depuis l'entre

    en stock des matires premires jusquau rglement des ventes par les clients, d'une part, et de

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    lampleur de la valeur ajoute, d'autre part. Cest ce que nous allons vrifier sur deux

    exemples contrasts :

    Pour un chiffre daffaires de 1000 K par mois Socit A Socit B

    les achats sont de : 100 600

    les charges externes reprsentent 100 100

    les avances des clients reprsentent, en % du CA HT :

    et sont payes n jours avant la livraison finale

    10%

    60 jours

    20%

    40 jours

    les clients paient : 90 jours 30 jours

    les fournisseurs dachats et de charges externes sont pays

    :

    60 jours 90 jours

    le dlai de stockage des matires premires est de : 30 jours 30 jours

    le dlai de stockage des produits finis est de :

    et les produits finis sont valoriss , en % du CA :

    45 jours

    80 %

    20 jours

    80 %

    la dure du cycle de production est de : 30 jours 10 jours

    Dans les deux cas le taux de TVA est de 20 %

    Les composantes du BFE vont tre (voir en annexe de ce chapitre le dtail des calculs) :

    Pour un chiffre daffaires de 1000 K par mois Socit A Socit B

    Stock de matires premires 100 600

    Stock de produits en cours 450 235

    Stock de produits finis : 1200 530

    Crances clients 3600 1200

    Avances des clients 200 270

    Dettes fournisseurs 480 2520

    Total des emplois dexploitation : 5350 2565

    Total des ressources dexploitation : 680 2790

    Total du Besoin Financier d'Exploitation: 4670 - 225

    Dans un cas le BFE reprsente 4,7 mois de chiffre daffaires, dans lautre cest une ressource,

    denviron 7 jours de CA. Lcart entre les deux provient du cumul de trois phnomnes :

    les dlais de rglement sont moins favorables la socit A,

    le cycle de production de la socit A est plus long, ce qui gnre, relativement, un

    stock de produits en cours plus important,

    la valeur ajoute (chiffre daffaires moins achats et charges externes) est

    suprieure pour la socit A, ce qui la conduit bnficier dun crdit

    fournisseurs, sur les achats et charges externes, plus faible.

    Au total, on voit que les conditions financires dexploitation, en partie subies du fait du

    mtier que lentreprise exerce, notamment en termes de valeur ajoute, en partie gres pour

    ce qui concerne les dures de stockage, la dure du cycle de production, et les dlais de

    paiement, peuvent crer, sous la forme du BFE, une composante majeure des capitaux

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    employs par une entreprise : presque une demie anne de chiffre d'affaire, dans le cas de la

    socit A.

    Il est possible de reprsenter graphiquement l'ampleur du BFE, en retenant comme abscisse

    l'coulement du temps dans le cadre d'un cycle d'exploitation, et en ordonne l'volution de la

    valeur du bien que produit l'entreprise. L'ampleur du BFE sera reprsente par la surface du

    polygone obtenu, sous dduction de celle qui matrialise le crdit obtenu des fournisseurs :

    Temps

    MF

    cot d'achat

    cot de revient

    prix de vente

    entre en

    stock MP

    mise en

    production

    mise en

    stock PFVente des

    Produits Finis

    frais de production

    Marge

    crdit fournisseur

    Formation du BFE, partir des dlais et de la valeur ajoute

    On imagine bien, partir de ce graphique, que l'ampleur du BFE, (sa "surface") sera d'autant

    plus importante que :

    la valeur des matires premires achetes sera faible, ce qui rduit l'impact du crdit

    fournisseurs,

    la dure de stockage de ces matires premires sera longue,

    le dlai de paiement des fournisseurs sera faible,

    la dure de fabrication sera leve,

    les produits finis seront stocks longtemps,

    les clients paieront tard.

    Au total, c'est bien d'une combinaison des deux facteurs, le temps, ici en abscisse, et la valeur

    ajoute, figure ci-dessus en ordonne, que rsulte l'ampleur du BFE. Nous allons voir ci-

    dessous combien l'ampleur du BFE peut tre dcisive pour la performance de l'entreprise, du

    fait des capitaux qu'elle ncessite.

    2.3 - La rotation des capitaux

    Il est utile de rapporter les capitaux engags un indicateur du volume dactivit, en gnral le

    chiffre daffaires, afin de faciliter les comparaisons :

    entre une entreprise et ses concurrentes, en liminant limpact des carts de taille,

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    dune anne lautre pour une mme entreprise, en supprimant les consquences des

    variations dactivit.

    Ce rapprochement peut se faire de deux manires :

    1/ Capitaux engags sur chiffre daffaires, ou poids des capitaux engags

    2/ Chiffre daffaires sur capitaux engags, ou rotation des capitaux

    Cest cette deuxime prsentation du ratio qui est la plus usite, mme si cet indicateur de

    rotation nest pas des plus faciles apprhender. Il faut l'interprter comme la capacit

    gnrer du chiffre daffaires, pour un euro de capitaux engags dans lentreprise. Dans le

    mtier de la production de ciment, pour un euro immobilis on gnre environ un euro de

    chiffre daffaires. Les grandes surfaces, elles, permettent de raliser environ 15 euros de

    chiffre daffaires pour chaque euro immobilis !

    Quelques exemples vont nous permettre dillustrer le poids des composantes de lactif

    oprationnel, et les diffrences de rotation des capitaux selon les mtiers (donnes tires des

    rapports annuels 1996)

    En millions dEuros Bouygues Accor Michelin Pchiney

    Chiffre daffaires 11040 4605 10080 9812

    Immobilisations nettes 2850 6080 4670 5530

    BFE - 400 - 220 2890 550

    Capitaux engags 2450 5860 7560 6080

    Rotation des capitaux 4,50 0,79 1,33 1,62

    On constate sur la base des ces chiffres simplifi qu'il y a des carts notables entre une

    entreprise de service comme ACCOR, dont les actifs immobiliers sont trs lourds (secteur de

    l'htellerie) et une entreprise de construction et travaux publics, Bouygues, qui bnficie aussi

    d'un BFE ngatif, du fait des avances client. A noter que le montant des immobilisations

    nettes peut aussi tre sensiblement alourdi par le poids des acquisitions successives, pour les

    entreprises qui ont une stratgie de croissance externe agressive.

    Si cette rotation des capitaux dpend en grande partie du mtier quexerce lentreprise, une

    marge de manoeuvre importante est laisse aux gestionnaires, qui au moyen dactions

    appropries pourront rduire de faon importante certaines composantes des capitaux engags,

    ce qui permettra damliorer significativement leur rotation, et par suite la performance

    densemble de lentreprise.

    L'exemple du groupe Philips est cet gard symptomatique de l'efficacit des actions qu'il est

    possible de mener sur la rotation des actifs, la fois par l'limination de certaines

    immobilisations non indispensables l'exercice du mtier (comme par exemple le sige social

    de Philips France Paris), et par une action volontariste sur toutes les composantes du Besoin

    Financier d'Exploitation :

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    GROUPE PHILIPS 1990 1991 1992 1993 1994

    IMMOBILISATIONS / CA 41,4% 40,4% 35,6% 31,8% 29,8%

    BFE / CA 8,9% 8,6% 8,9% 5,1% 4,3%

    DLAI CLIENTS EN JOURS 73 63 62 62 59

    NOMBRE DE JOURS DE STOCK 75 66 64 59 61

    ROTATION DES CAPITAUX 1,83 1,91 2,11 2,45 2,58

    volution de la rotation des capitaux engags du Groupe Philips

    Que faut-il retenir, en conclusion, sur la rotation des capitaux ? Que celle-ci est en grande

    partie conditionne par le mtier qu'exerce l'entreprise, mais que les gestionnaires ne sont pas

    sans moyens pour l'amliorer. Ce qui fait qu' un mtier correspond une plage de rotation,

    par exemple de 0,8 1,2 pour les cimentiers, ou de 14 17 pour les grandes surfaces. Et bien

    sr nous allons voir qu'tre une extrmit ou l'autre de cette plage n'est pas sans incidence

    sur la performance.

    3/ La mesure de la performance : la rentabilit des capitaux engags

    3.1 - Dfinition de la rentabilit des capitaux engags

    Pour apprcier la performance ralise par l'entreprise, en dehors de toute considration de

    politique financire, et d'ventuelles oprations caractre exceptionnel, il convient de

    s'arrter la marge oprationnelle, qui, comme son nom l'indique, ne rend compte que des

    oprations lies l'exercice des mtiers de l'entreprise.

    Un indicateur possible de cette performance sera alors le rapport entre cette marge

    oprationnelle annuelle et les capitaux engags pour l'obtenir. On parlera de :

    Rentabilit des capitaux engags = Marge oprationnelle

    Capitaux engags

    Nous verrons plus loin pour quels motifs il est crucial que cette rentabilit des capitaux

    engags stablisse un certain niveau (en gnral au dessus de 12%). Pour l'instant nous

    allons analyser les conditions de sa formation, et les facteurs de risque qui peuvent la faire

    voluer.

    3.2 - La formation de la rentabilit des capitaux engags

    La rentabilit des capitaux engags (RCE) rsulte de deux composantes, le taux de marge

    oprationnelle et la rotation des capitaux, comme l'illustre la formule ci-dessous :

    Rentabilit des capitaux engags =Marge oprationnelle

    Chiffre d' affaires

    Chiffre d' affaires

    Capitaux engags

    Une fois la rentabilit des capitaux engags dcompose de cette faon, on voit quelle rsulte

    tout autant de la capacit gnrer une marge oprationnelle leve pour chaque euro de

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    chiffre d'affaires, qu' faire beaucoup de chiffre d'affaires pour chaque euro de capitaux

    engags. Une mme rentabilit des capitaux engags pourra tre obtenue par une infinit de

    combinaisons diffrentes de ces deux composantes, comme l'illustre le graphique ci-aprs :

    Taux de marge conomique en %

    Rotation des capitaux1,5 4

    12

    8%

    3%

    1%

    Rentabilit de 12%

    Formation de la rentabilit des capitaux engags : marge x rotation

    Comme on l'a vu plus haut, le mtier de l'entreprise conditionne dans une mesure certaine le

    coefficient de rotation des capitaux engags, ou du moins dtermine une plage de rotations

    possibles, l'intrieur de laquelle se situent les entreprises qui exercent ce mtier. A partir de

    cette plage des rotations possibles se dfinit une plage de taux de marges ncessaires pour

    obtenir une rentabilit des capitaux engags donne.

    Par exemple, si un mtier conduit une rotation des capitaux entre 3 et 4, une rentabilit des

    capitaux engags de 12% sera obtenue grce un taux de marge oprationnelle de 4% 3%.

    C'est ce qu'illustre le schma suivant.

    Taux de marge conomique en %

    Rotation des capitaux3 4

    4%

    3%

    Rentabilit de 12%

    Plage de rotation

    AB

    C

    D

    Conditions de formation de la rentabilit des capitaux engags dans un mtier

  • 12

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Sur le graphique ci-dessus, les entreprises B et C obtiennent une rentabilit de 12%, avec deux

    combinaisons diffrentes des taux de marge et des rotations des capitaux. L'entreprise D, qui

    est sur la frontire infrieure de la plage de rotation et sur la frontire infrieure du taux de

    marge ncessaire, ne dgage qu'une rentabilit de 9%. En revanche l'entreprise A, qui se

    trouve la limite suprieure la fois de la rotation et du taux de marge oprationnelle, obtient

    une rentabilit de 16%.

    Bien videmment tout l'art de la gestion des entreprises qui exercent ce mtier va consister

    tenter de se rapprocher de A, sous loeil admiratif de leurs concurrents, et tout en sachant que

    dans le mme temps A va dvelopper des efforts pour amliorer encore sa position...

    Pour illustrer cette dmarche, nous pouvons reprendre l'exemple de Philips, qui a

    sensiblement redress sa rentabilit des capitaux engags grce une action vigoureuse sur les

    deux composantes de la rentabilit des capitaux engags, capitaux engags et taux de marge,

    alors que son chiffre d'affaires ne progressait que faiblement, notamment du fait de la cession

    de certaines activits.

    GROUPE PHILIPS 1990 1991 1992 1993 1994

    CA EN MILLIARDS DE FLORINS 55,8 57,0 58,5 58,8 61,0

    MARGE OPRATIONNELLE 2,3 3,1 2,5 2,9 3,8

    TAUX DE MARGE OPRATIONNELLE 4,1% 5,4% 4,2% 4,9% 6,2%

    ROTATION DES CAPITAUX 1,83 1,91 2,11 2,45 2,58

    RENTABILIT DES CAPITAUX

    ENGAGS

    7,5% 10,3% 8,9% 12,0% 16,0%

    volution de la rentabilit des capitaux engags du Groupe Philips

    Comme on peut le visualiser sur le graphique ci-dessous, l'amlioration de la rentabilit des

    capitaux engags rsulte de deux mouvements successifs : d'abord la rduction des capitaux

    engags, qui conduit une amlioration sensible de la rotation, puis une amlioration du taux

    de marge oprationnelle, qui, combine une rotation encore amliore, permet de passer au

    dessus de la courbe des 12% et d'atteindre 16% de rentabilit des capitaux engags, ce qui

    tait l'objectif fix par le prsident du groupe en 1992 :

  • 13

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Taux de marge conomique en %

    Rotation des capitaux engags1,5 3

    4%

    5%

    Rentabilit de 12%

    Plage de rotation

    90

    6%

    2,52

    94

    92

    91

    93

    volution des conditions de formation de la rentabilit du Groupe Philips

    Bien videmment cette amlioration spectaculaire de la performance oprationnelle ne s'est

    pas faite sans de considrables efforts, et des sacrifices importants, tant en termes d'activits

    cdes qu'en termes de personnel employ : l'effectif du groupe est pass sur la priode de

    273 000 personnes 250 000. Mais c'tait pour ce groupe une question de survie : comme on

    le verra plus loin lors de l'tude de la rentabilit ncessaire pour les actionnaires, une

    entreprise ne peut pas survivre longtemps avec une rentabilit des capitaux engags de

    seulement 7 8%.

  • 14

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    4/ Le risque oprationnel

    Le risque oprationnel peut se dfinir comme l'ventualit de variation de la marge

    oprationnelle de l'entreprise. Il rsulte tout autant de la probabilit de voir l'activit - c'est

    dire le chiffre d'affaires - voluer, que des consquences de cette volution sur les rsultats.

    Volatilit du CA

    Sensibilit oprationnelle

    Accroissement du risque

    oprationnel

    la formation du risque oprationnel

    Lorsque le niveau dactivit de lentreprise volue, ses rsultats voluent aussi, en gnral

    dans le mme sens, mais dans la plupart des cas de faon plus brutale. Cette sensibilit des

    rsultats aux variations dactivit est appele sensibilit oprationnelle. Elle dcoule la fois

    du niveau de la marge oprationnelle et de la structure des cots, comme on va le voir ci-

    dessous au travers de quelques exemples

    4.1 - La sensibilit oprationnelle

    Un exemple permettra de faire comprendre lorigine de la sensibilit oprationnelle. Sur le

    tableau ci-dessous sont valus les rsultats dune entreprise pour deux volutions possibles

    de son activit, partir des donnes de la dernire anne connue :

    SOCIT LA RIGIDE N-1 HYP 1 HYP 2

    volution du chiffre daffaires / + 10 % - 5 %

    Chiffre daffaires 100 110 95

    Taux de marge sur cots variables 60 % 60 % 60 %

    Marge sur cots variables 60 66 57

    Frais fixes 50 50 50

    Marge oprationnelle 10 16 7

    volution de la marge oprationnelle / + 60 % - 30 %

    On constate que dans les deux hypothses dactivit, la marge oprationnelle volue beaucoup

    plus vite que le chiffre d'affaires, en fait exactement six fois plus vite : la sensibilit

  • 15

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    oprationnelle est gale six. Cette sensibilit peut tre considre comme plutt leve : la

    sensibilit moyenne des entreprises industrielles est de l'ordre de quatre.

    Cette sensibilit leve provient notamment de ce que l'entreprise a un niveau important de

    frais fixes, et un taux de marge oprationnelle, ici de 10%, raisonnable mais pas trs lev.

    Une structure des cots comportant moins de frais fixes et plus de frais variables conduirait

    une sensibilit diffrente, comme le montre lexemple de lentreprise FLEXIBLE SA ci-aprs,

    qui a pourtant la mme marge oprationnelle au dpart.

    SOCIT FLEXIBLE SA N-1 HYP 1 HYP 2

    volution du chiffre daffaires / + 10 % - 5 %

    Chiffre daffaires 100 110 95

    Taux de marge sur cots variables 30 % 30 % 30 %

    Marge sur cots variables 30,0 33,0 28,5

    Frais fixes 20,0 20,0 20,0

    Marge oprationnelle 10,0 13,0 8,5

    volution de la marge oprationnelle / + 30 % - 15 %

    L encore, dans les deux hypothses la sensibilit est la mme, mais elle est de seulement

    trois, dans cette configuration de cots et de rsultats. Lentreprise FLEXIBLE SA est

    caractrise par une moindre proportion de frais fixes que lentreprise LA RIGIDE, pour un

    mme taux de marge oprationnelle, ce qui lui confre une plus grande flexibilit.

    Mais la proportion de cots fixes nest pas le seul lment qui influe sur la sensibilit

    oprationnelle : le niveau mme de la marge oprationnelle joue aussi son rle. Dans

    lexemple suivant la structure des cots est similaire celle de LA RIGIDE, mais la marge

    oprationnelle est sensiblement suprieure :

    SOCIT LA RENTABLE N-1 HYP 1 HYP 2

    volution du chiffre daffaires / + 10 % - 5 %

    Chiffre daffaires 100 110 95

    Taux de marge sur cots variables 65 % 65 % 65 %

    Marge sur cots variables 65 71,5 61,7

    Frais fixes 45 45,0 45,0

    Marge oprationnelle 20 26,5 16,7

    volution de la marge oprationnelle / + 32,5 % - 16,25 %

    Une fois de plus la variation de la marge oprationnelle est amplifie, mais dans de moindres

    proportions. La sensibilit est cette fois de 3,25. Pour une mme structure de cots, la

    sensibilit est plus faible lorsque la marge oprationnelle est plus leve : autrement dit, plus

    l'entreprise s'loigne de son point mort en amliorant sa marge oprationnelle, plus elle rduit

    sa sensibilit oprationnelle.

  • 16

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Afin de calculer cette sensibilit plus rapidement quen passant par des simulations, on peut

    utiliser la formule suivante :

    elleoprationn Marge

    variablescoutssur Marge= elleoprationn Sensibilit

    Parmi les objectifs poursuivis ces dernires annes par la majorit des grandes entreprises,

    celui daugmenter la flexibilit a tenu une grande place. Cette flexibilit est reflte entre

    autres par cet indicateur de sensibilit oprationnelle. Il nest donc pas surprenant que la

    tendance soit rduire les cots fixes en les remplaant partout o cest possible par des cots

    variables, et quil y ait eu une recherche pousse damlioration de la marge oprationnelle.

    Il faut aussi intgrer dans cette analyse le fait que la marge sur cots variables peut elle-mme

    voluer, du fait par exemple du renchrissement des matires premires, ou d'une pression

    concurrentielle accrue sur les prix. Dans un tel cas la marge oprationnelle se dgradera sans

    que l'origine en soit une baisse de volume d'activit, et la sensibilit s'aggravera par la mme

    occasion.

    4.2 - Sensibilit et volatilit : les deux composantes du risque oprationnel

    Une entreprise peut avoir une forte sensibilit oprationnelle, mais prsenter pourtant un

    faible risque oprationnel, parce que ses perspectives d'activit sont marques par une trs

    grande stabilit, et une excellente visibilit. On peut citer titre d'illustration, un certain

    nombre de mtiers dans lesquels le chiffre d'affaires est trs stable d'une anne sur l'autre,

    comme la fourniture d'eau ou d'lectricit, ou certains biens de consommation de premire

    ncessit, alimentaires par exemple.

    A l'oppos, certains mtiers se caractrisent par une forte volatilit du niveau d'activit. Parmi

    les raisons des brusques variations du chiffre d'affaires des entreprises qui exercent ces

    mtiers, on peut citer, entre autres:

    le caractre structurellement cyclique, (btiment, automobile, ou aluminium),

    la dpendance de l'environnement rglementaire (travail temporaire),

    le recours des units de production de trs fort montant unitaire, (sidrurgie ou papier

    carton),

    l'instabilit technologique, avec possibilit de sauts technologiques qui rendent les

    processus ou les produits prcdents obsoltes et dtruisent la comptitivit de lentreprise

    en quelques mois,

    l'existence de courants d'opinion pouvant influencer notablement l'utilisation des produits

    ou services (mode, cologie)...

    A ces lments susceptibles d'influencer fortement le niveau d'activit s'ajoutent des lment

    ayant des rpercussions sur les prix et les cots, et donc sur les marges, le rsultat, et en fin de

    compte sur la sensibilit oprationnelle:

  • 17

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    la volatilit des cours des matires premires utilises par l'entreprise, (cacao, cuivre,

    aluminium, ptrole, etc.),

    la volatilit des cours des devises sur la base desquelles sont tablies les facturations, tant

    des frais et approvisionnements que des ventes.

    Dans ces conditions, l'apprciation du risque oprationnel ne peut tre que

    multidimensionnelle, et comporter au minimum deux facettes :

    Quelle est la probabilit de voir le niveau d'activit varier brusquement de faon significative (composante volatilit du

    chiffre d'affaires) ?

    Dans quelle mesure une telle variation d'activit aurait-elle des consquences importantes sur le rsultat (composante sensibilit

    oprationnelle) ?

    Il faut noter que si l'on s'intresse tout particulirement aux risques que gnre une baisse

    d'activit, le raisonnement est tout aussi valable en cas de hausse du chiffre d'affaires !

    Dans les deux cas, il convient de garder en mmoire que ces analyses reposent sur une

    hypothse forte de stabilit de la structure des cots. Cette hypothse ne peut tre accepte

    qu' court terme. En effet, moyen terme tous les cots sont variables, ce qui videmment

    rduit sensiblement la sensibilit oprationnelle.

    C'est un des rsultats d'une bonne gestion que d'adapter le plus rapidement possible la

    structure des cots aux variations d'activit, tout en prservant les savoir-faire de l'entreprise.

    L'objectif tant bien sr de tenter de bnficier au maximum de la "fixit" des frais fixes

    lorsque l'activit augmente, et de variabiliser ces frais lorsque l'activit diminue !

    4.3 - Quelle relation y a-t-il entre risque oprationnel et rentabilit des capitaux engags ?

    Cette relation est simple : plus le risque oprationnel est lev, plus la rentabilit des

    capitaux engags doit tre leve, pour satisfaire des apporteurs de capitaux. Ceux-ci sont en

    effet trs conscients de ce risque accru ! Nous verrons dailleurs dans le chapitre consacr aux

    choix de politique financire, que la politique dendettement doit intgrer ce paramtre de

    risque pour la dtermination du niveau acceptable de dettes financires.

    En effet comme la rentabilit des capitaux engags est le rapport entre la marge oprationnelle

    et le montant des capitaux engags, le risque oprationnel en termes de rsultat se reflte

    pratiquement l'identique dans la rentabilit des capitaux engags.

    Dans le cas de la socit LA RIGIDE, par exemple, si lon suppose que les capitaux engags

    en N se montaient 100, la rentabilit de ces capitaux en N tait de 10/100, ou 10 %. Si lon

  • 18

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    suppose que les capitaux engags voluent comme le chiffre daffaires et passent 110 dans

    la premire hypothse, la rentabilit devient 16/110, soit 14,6%. Et dans la deuxime

    hypothse elle devient 7/95 soit 7,4%. (Encore suppose-t-on dans ce deuxime cas que

    lentreprise pourra ajuster la baisse ses capitaux engags, ce qui nest pas toujours possible

    court terme, au moins pour les immobilisations.

    Au total donc les actions qui permettent daccrotre la flexibilit de lentreprise

    diminuent son risque oprationnel, et donc la volatilit de sa rentabilit. Elles permettent

    de satisfaire les actionnaires avec un niveau de rentabilit des capitaux engags moindre, ou

    de crer plus de valeur si la RCE est maintenue au mme niveau. Nous verrons plus loin

    comment la rduction du risque oprationnel rduit le cot des ressources et autorise cette

    cration de valeur accrue.

  • 19

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Que retenir du chapitre un?

    La performance obtenue par lentreprise dans lexercice de son mtier peut sapprcier par sa

    rentabilit des capitaux engags. Celle-ci peut se dfinir comme le rapport entre la marge

    oprationnelle et ces capitaux engags, et se mesurer par :

    Marge oprationnelle / capitaux engags

    soit :

    Marge oprationnelle / (immobilisations nettes + BFE)

    La rentabilit des capitaux engags peut se dcomposer en deux lments :

    TAUX DE MARGE OPERATIONNELLE X ROTATION DES CAPITAUX

    c'est dire :

    Marge oprationnelle Chiffre d'affaires

    ------------------------------ X ------------------------

    Chiffres d'affaires Capitaux

    La rentabilit des capitaux engags sobtient tout autant par laction sur la rotation des capitaux que par lamlioration de la marge oprationnelle : rduire les capitaux engags,

    par une action sur loutil industriel, ou les composantes du BFE, est tout aussi efficace que

    de rduire les cots ou damliorer les marges. Il faut donc avoir en permanence avoir :

    Un oeil sur les marges et les cots un oeil sur lactif oprationnel

    ou :

    Un oeil sur les budgets et les rsultats un oeil sur les capitaux engags

    La volatilit du chiffre daffaires, la structure des cots et le niveau de la marge oprationnelle se combinent pour former le risque oprationnel, qui se traduit par des

    variations leves de la rentabilit des capitaux engags. Plus celle-ci est imprvisible,

    plus elle doit tre leve en moyenne pour satisfaire les apporteurs de capitaux. Rduire le

    risque oprationnel par une flexibilit accrue permet aussi de crer de la valeur.

  • 20

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Annexe : dtail des calculs du Besoin Financier d'Exploitation

    Pour un mme chiffre daffaires de 1000 Kpar mois Socit A Socit B

    Stock de matires premires (1) 100 600

    Stock de produits en cours (2) 450 235

    Stock de produits finis (3) 1200 530

    Crances clients (4) 3600 1200

    Avances des clients (5) 200 270

    Dettes fournisseurs (6) 480 2520

    Pour la socit A :

    (1) Le stock de matires premires est dun mois d'achats hors taxe, soit 100 KF

    (2) Le stock de produits en cours est valoris sur la base de la moyenne entre le cot d'achat

    des matires premires et le cot des produits finis, soit 1/2*(100+800). Comme le cycle de

    production dure 30 jours, la valeur du stock d'en-cours est dun mois de cot moyen des

    produits en cours, soit 450 KF

    (3) Le stock de produits finis reprsente 45 jours de vente, sur la base d'un cot de revient de

    80% du chiffre d'affaires, soit 1,5 * 80% * 1000

    (4) Les crances clients se montent trois mois de chiffre d'affaires T.T.C. : 3 * 1000 * 1,2

    (5) Les avances clients se montent 10% du CAHT, et sur deux mois

    (6) Les dettes fournisseurs se montent deux mois d'achats et de charges externes T.T.C.

    soit : 2 * (100+100) * 1,2.

  • 21

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Chapitre deux :

    Les attentes des apporteurs de capitaux, et le cot

    des ressources financires

    Pour chaque euro qu'elle dsire investir dans l'actif oprationnel, l'entreprise doit disposer d'un

    euro de ressources. Ces ressources sont obtenues auprs de deux principales catgories

    d'apporteurs de capitaux, les actionnaires et les prteurs. Ce chapitre prsente les modalits

    d'obtention de ces deux types de ressources, les logiques propres et les attentes de ces deux

    catgories d'acteurs, et les consquences pour l'entreprise de l'usage de l'une ou l'autre de ces

    sources de financement. L'tude de l'arbitrage entre ces deux ressources, qui constitue une des

    facettes majeures de la politique financire dune entreprise, fera l'objet du chapitre suivant.

    1/ les actionnaires

    Les actionnaires sont, proprement parler, les propritaires de l'entreprise. D'o d'ailleurs

    le terme de capitaux propres, ou fonds propres, utilis pour dsigner les capitaux qu'ils

    mettent sa disposition. A ce titre, ils jouent un double rle, de financeurs bien sr mais aussi

    de dtenteurs du pouvoir.

    - Les actionnaires dtiennent le pouvoir

    Dans leur rle de dtenteurs du pouvoir, ils nomment le conseil d'administration, et participent

    aux grandes orientations de l'entreprise lors des assembles gnrales ordinaires, et surtout

    extraordinaires. Par ailleurs, sur recommandation du conseil d'administration, ils dcident de

    la rpartition du rsultat de l'exercice, en s'attribuant ventuellement une partie du bnfice

    sous forme de dividendes.

    - Les actionnaires changent les risques pris contre une rentabilit leve

    Mais le rle des actionnaires c'est aussi d'apporter des capitaux l'entreprise, en prenant un

    double risque : une forte incertitude sur la rentabilit de leur placement, et mme le risque de

    ne pas rcuprer leur mise, au cas o l'entreprise serait oblige de cesser son activit.

    L'incertitude sur la rentabilit de leur placement rsulte du fait que celle-ci est obtenue

    surtout par la plus-value ralise au moment de la revente de leurs actions, plus-value qui est

    par dfinition incertaine, puisque le cours des actions peut fortement voluer, mme sur une

    courte priode, la baisse comme la hausse.

    Par ailleurs, en tant qu'actionnaires, ils seront les derniers pays si l'entreprise cesse son

    activit. Effectivement, lors des dpts de bilan, la valeur des actions s'avre le plus souvent

    gale zro, et dans les cas litigieux, les actionnaires peuvent mme tre appels en

    comblement de passif, cest dire faire face une partie des dettes de lentreprise.

  • 22

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Les actionnaires sont donc des preneurs de risque : il n'est donc pas tonnant qu'ils attendent

    de leur placement un niveau de rentabilit en rapport avec le risque pris. Si l'on se rfre au

    march des actions en France, sur les trente dernires annes, la prime de risque obtenue par

    les actionnaires des socits cotes comprises dans le CAC 401 s'est leve en moyenne 4%.

    Cela signifie que les actionnaires ont obtenu, en plus de la rentabilit que procurait un

    placement sans risque sur cette priode, un complment de 4% lan, rmunrant le risque pris

    en investissant dans des actions.

    Et encore les socits incluses dans le CAC 40 ne sont-elles pas celles qui prsentent les

    risques les plus levs. A l'autre extrmit de l'chelle de risque se trouve par exemple

    l'investissement dans une socit de haute technologie en cration. Dans ce cas, il n'existe pas

    de march financier pour mesurer la prime de risque, mais si l'on coute les investisseurs qui

    apportent des capitaux ce type d'entreprises, - les investisseurs en capital risque -, la

    rentabilit qu'ils esprent est de l'ordre de 30 50% l'an, ce qui sur la base d'un taux sans

    risque d'environ 5,5 % reprsente une prime de risque de l'ordre de 25 45%!

    Le schma ci-dessous formalise cette relation entre le niveau du risque pris par les

    actionnaires et la rentabilit qu'ils attendent en contrepartie :

    Esprance

    de rendement

    Risque peruTaux sans

    risque : 5,5%

    Risque du march

    Prime derisque : 4%

    Entreprisecyclique

    Entreprise endveloppement

    Entreprisehigh-tech

    Entreprisedominante

    La rentabilit attendue par les actionnaires

    On retiendra de ces exemples que la performance de l'entreprise en termes de rentabilit ne

    pourra s'interprter qu'en fonction du risque qu'elle prsente. Mais nous reviendrons sur ce

    point ultrieurement.

    1 CAC 40 : indice compos partir des 40 plus importantes socits cotes la Bourse de

    Paris, et qui reflte approximativement l'volution de l'ensemble du march.

  • 23

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    1.3 - Les actionnaires supportent un risque ventuel d'illiquidit

    Lorsqu'un actionnaire veut rcuprer sa mise, il doit trouver quelqu'un pour lui racheter ses

    actions: ce n'est pas l'entreprise qui les lui rachtera, sauf dans certains cas trs

    particuliers. La sortie de son investissement dpend donc non pas de l'entreprise mais de la

    capacit de l'actionnaire trouver un autre actionnaire pour le remplacer.

    Si l'entreprise est cote sur un march financier, et s'il y a chaque jour un volume de

    transactions significatif sur les actions de l'entreprise, l'actionnaire n'aura pas de difficults

    se dfaire de ses titres. Tout au plus devra-t-il ventuellement patienter quelques jours pour les

    couler progressivement de faon ne pas faire baisser le cours du fait de ses ventes. Mais si

    l'entreprise n'est pas cote en bourse, ou si le volume des transactions quotidiennes est trs en

    dessous du nombre d'action dont veut se dfaire un actionnaire, celui-ci est expos au risque

    d'illiquidit, qui constitue une sorte de barrire la sortie.

    C'est la raison pour laquelle les investisseurs, avant d'acheter des actions d'une entreprise, se

    soucient toujours des conditions dans lesquelles ils pourront les revendre, ce qu'ils appellent

    les conditions de sortie. Plus le titre est potentiellement "illiquide", plus ils demanderont une

    dcote sur le prix, pour compenser les difficults ventuelles de sortie2.

    1.4 - Leur rmunration rsulte des dividendes et de la plus-value de cession

    L'actionnaire de l'entreprise obtient la rentabilit de son investissement par la combinaison de

    deux moyens:

    - en touchant des dividendes, lissue de chaque exercice

    - en ralisant une plus-value (ou une moins-value) lors de la revente des actions.

    Il n'est pas possible de dterminer la rentabilit relle d'un tel placement priori,

    puisque les dividendes sont incertains, et puisqu'il faut attendre d'avoir vendu les actions pour

    constater la plus ou moins-value effective. Ce qui est sr c'est que l'on ne peut pas se contenter

    du seul dividende pour mesurer la rentabilit pour l'actionnaire : ce serait incomplet et

    trompeur. Le taux de rendement des actions qui est souvent utilis dans les journaux

    financiers, et qui reflte le rapport dividende sur cours de laction, est une illustration de cette

    vision partielle de la rentabilit dun tel actif financier.

    Si l'on comprend facilement la partie de la rentabilit obtenue grce aux dividendes, il est plus

    dlicat d'expliquer l'origine de la plus-value. Sur ce point, financiers et comptables ne sont pas

    d'accord.

    Les "financiers" expliquent que la plus-value, qui rsulte de l'augmentation du prix de

    l'action, c'est dire de son cours lorsqu'elle est cote, provient de l'augmentation de la

    valeur actuelle de la chane des dividendes ultrieurs. Ce sont notamment les perspectives

    2 C'est la raison pour laquelle, si vous investissez dans l'entreprise cre par votre meilleur

    ami, nous vous conseillons de considrer cet apport d'argent comme un don...Vous n'aurez

    plus ainsi que de bonnes surprises!

  • 24

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    d'augmentation des dividendes futurs qui expliquent que leur valeur actuelle soit suprieure

    ce qu'elle tait il y a par exemple trois ans.

    Les "comptables" disent plus simplement que cette plus-value rsulte des rsultats raliss

    par l'entreprise et qui n'ont pas t distribus aux actionnaires sous forme de dividendes.

    Ces rsultats rinvestis viennent augmenter les fonds propres, et donc la valeur des actions,

    qui reprsentent chacune une fraction de ces fonds propres.

    Les premiers ont donc en quelque sorte les yeux tourns vers le futur, et les seconds vers le

    pass, ce qui n'est pas tonnant, compte tenu de leurs points de vue diffrents sur la ralit.

    Quoi qu'il en soit, ce n'est pas l'objet de ce chapitre de trancher entre ces approches. Qu'il nous

    suffise dinsister sur le fait que la rentabilit pour les actionnaires rsulte des dividendes et de

    la plus-value, et qu'elle ne peut donc se calculer prcisment qu' posteriori.

    1.5 - Les actionnaires apportent des capitaux de deux faons

    La premire faon pour l'actionnaire d'apporter des capitaux est bien sr de participer une

    mission d'actions en numraire, en versant l'entreprise les capitaux correspondant au

    produit du nombre d'actions souscrites par le prix d'mission. On parle dans ce cas d'apport en

    numraire3.

    La deuxime faon pour les actionnaires de mettre des capitaux la disposition de l'entreprise

    est d'accepter de ne pas en retirer... Cela mrite quelques explications !

    Lors de la rpartition des rsultats, les actionnaires peuvent soit mettre les rsultats en rserve,

    soit se verser des dividendes4. En gnral, ils affectent le rsultat pour partie aux rserves et

    pour partie aux dividendes : le taux de distribution (dividendes sur rsultat net) est le plus

    souvent compris entre 25 et 33 %.

    Ce qui nous intresse ici, c'est que les actionnaires, en ne prlevant pas la totalit du rsultat

    de l'exercice sous forme de dividendes, laissent la disposition de l'entreprise des capitaux

    supplmentaires. La mise en rserves d'une partie du rsultat peut tre analyse comme une

    double opration :

    le versement de dividendes gaux la totalit du rsultat

    un apport de capital en numraire, pour un montant quivalent celui du rsultat qui aurait

    t affect aux rserves

    3 On peut aussi imaginer un apport en nature, en contrepartie des actions, par exemple de

    matriels, ou d'un fonds de commerce, ou mme d'un contrat. La logique est la mme que si

    l'actionnaire avait fait un apport en numraire, puis que l'entreprise avait achet avec les

    capitaux mis sa disposition les biens ci-dessus. 4 Le actionnaires doivent nanmoins respecter la rglementation en matire de constitution

    d'une rserve lgale. Celle-ci doit reprsenter 10% du capital social. Tant qu'elle n'a pas t

    constitue, les actionnaires doivent prlever au minimum 5% du bnfice net pour la

    constituer, avant de pouvoir verser des dividendes sur le rsultat de l'anne.

  • 25

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Bien videmment, pour des raisons de simplicit, et aussi de cots lis aux oprations sur le

    capital, les actionnaires n'ont aucun intrt choisir cette deuxime faon de procder. Mais

    d'un point de vue financier cela revient bien au mme : dans les deux cas les capitaux

    propres mis la disposition de l'entreprise ont augment de la fraction du rsultat non

    distribu5.

    Au total, quil y ait ou non distribution de dividendes, la rentabilit pour les actionnaires peut

    sanalyser, sur la base des informations comptables, comme le rapport Rsultat net / Fonds

    Propres. Cette rentabilit financire est un des indicateurs qui permettent aux actionnaires

    dapprcier la performance globale de lentreprise dans laquelle ils ont investi,

    indpendamment des fluctuations du march financier, ou lorsque lentreprise nest pas cote

    en bourse.

    2/ les prteurs

    Les prteurs sont des prestataires de service : ils "louent" des capitaux l'entreprise, pour

    une dure dtermine, moyennant rmunration sous forme d'intrts calculs sur la base de la

    somme prte, un taux convenu. Plusieurs consquences importantes rsultent de ce statut

    de "loueur de fonds".

    2.1 - C'est l'entreprise qui rembourse les prteurs

    Contrairement l'actionnaire, qui doit chercher un candidat actionnaire pour lui vendre les

    actions dont il souhaite se dfaire, le prteur attend le remboursement de son prt de

    l'entreprise elle-mme. Celle-ci doit donc s'assurer, avant de souscrire un emprunt qu'elle

    pourra dgager dans le futur des excdents de trsorerie suffisants pour pouvoir faire face aux

    remboursements et aux frais financiers. C'est la raison pour laquelle l'analyse de la capacit

    gnrer du "cash" a autant d'importance : c'est la raison d'tre de tous les raisonnements en

    termes de cash-flow, des tableaux de flux de trsorerie, etc.

    Le risque de non remboursement rsulte donc pour le prteur de la position de trsorerie de

    l'emprunteur, et non de lintrt ventuel que peut porter l'entreprise une tierce partie. Le

    prteur va donc analyser en dtail la capacit de remboursement de l'entreprise, et sa

    propension prter va dpendre de l'valuation quil fait de cette capacit de remboursement,

    l'horizon du prt. En revanche la rentabilit de l'entreprise l'intressera moins que

    l'actionnaire : pourvu qu'elle gnre assez de "cash" pour le rembourser, il sera satisfait.

    5 A noter que les bilans publis sont des bilans avant affectation des rsultats, dans lesquels la

    totalit du rsultat est incluse dans les fonds propres. Cela conduit l'analyste retraiter les

    capitaux propres pour en extraire les dividendes verser aux actionnaires, et n'y laisser que la

    fraction du rsultat qui va effectivement rester dans les rserves.

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    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    2.2 - Les prteurs ne sont pas des preneurs de risque

    Il faut bien comprendre que les prteurs n'ont pas vocation prendre des risques. Les

    banquiers par exemple mettent la disposition de l'entreprise des capitaux qu'ils ont eux

    mme pour la plupart emprunts, soit leurs clients, soit sur les marchs financiers. Ils ne

    peuvent pas se permettre de prendre de risques inconsidrs, en prtant l'argent des autres,

    sous peine de voir leur image, au mieux, et leur survie, au pire, remises en cause.

    Ils vont donc limiter leur risque au maximum, soit en cartant purement et simplement les

    demandes de prt qu'ils considrent comme trop risques, soit en limitant les risques par

    l'obtention de garanties, relles (nantissements, hypothques, cautions personnelles...), ou

    contractuelles (clauses restrictives incluses dans les contrats, qui limitent la libert de

    l'entreprise dans ses prises de risque, que lon appelle covenants ).

    Les dirigeants d'entreprise sont souvent surpris de se voir refuser un prt par leur banque, ou

    de se voir demander des garanties, qu'ils considrent comme inacceptables, voire offensantes.

    Chaque cas est bien sr particulier, mais le malentendu rsulte bien souvent d'une

    incomprhension fondamentale du mtier de prteur, et d'une insuffisante communication sur

    les facteurs de risque : la rtention d'information joue bien souvent dans ce cas au dtriment

    de l'intrt de l'entreprise trop secrte.

    De la mme faon les investisseurs sur le march des dettes, les obligations, choisissent ce

    march au lieu du march des actions parce qu'ils ne veulent pas prendre les risques associs

    aux actions. Ils vont eux aussi s'intresser de trs prs la capacit de l'emprunteur de

    rembourser sa dette. En fait il va confier cette analyse, relativement complexe des

    organismes spcialiss, les agences de notation (de "rating") telles que Moody's, Standard and

    Poors, ou l'ADEF en France, qui vont qualifier le niveau de risque associ un emprunt sur le

    march en lui affectant une note : AAA, AA, A, BBB, etc.

    Selon la note obtenue auprs de ces agences, l'entreprise emprunteuse trouvera plus ou moins

    facilement des prteurs sur le march, ou plus exactement elle devra payer plus ou moins cher

    en termes de taux d'intrt pour les trouver. Le fait d'tre not seulement BBB peut conduire

    payer des taux suprieurs de plus de 1% ceux obtenus par les entreprises notes AAA.

    Lorsque l'on emprunte des milliards de euros, l'enjeu n'est pas ngligeable !

    2.3 - Les intrts sont une charge, dductible du rsultat imposable

    En contrepartie de la mise disposition des capitaux, les prteurs demandent une

    rmunration de leur prestation de service, sous forme d'intrts. Ces intrts sont considrs

    comme le cot d'un service, et ce titre, ils sont dductibles du rsultat imposable, comme le

    cot de toute autre prestation de service. Il en rsulte que le cot rel de la dette, aprs

    impt, est des deux tiers du taux d'intrt du prt6.

    Lexemple ci-aprs illustre ce mcanisme :

    6 Sur la base d'un taux d'impt sur les socits de 40%, et si l'entreprise fait des bnfices.

  • 27

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    Entreprise non endette Entreprise endette

    Rsultat dexploitation 1500 1500

    Frais financiers 7.5% 0 300

    Rsultat courant 1500 1200

    Impt sur les bnfices (40%) 600 480

    Rsultat net 900 720

    Impact de lendettement sur le rsultat net, et cot effectif de la dette

    Si lon suppose que lentreprise endette a utilis un emprunt de 4000, dont le taux est de

    7,5%, on constate que limpact rel sur le rsultat net nest que de 180. Cela correspond un

    taux effectif, aprs conomie dimpt, de 4.5% des 4000 emprunts. Limpact de limpt sur

    les socits est bien de rduire le cot effectif de la dette de 40%, le faisant passer ici de

    7,5% 4,5%.

    2.4 - Les prts sont de dure et de nature trs varies

    On distingue en gnral trois catgories de prts:

    les prts long terme : plus de 5 ans

    les prts moyen terme : 1 5 ans

    les prts court terme (ou concours de trsorerie) : moins d'un an.

    Traditionnellement, la dure des prts tait adapte la dure de vie du bien ou de la crance

    finance, les prteurs ayant une approche horizontale du bilan, qui associait directement

    chaque financement un besoin prcis et identifi. Ainsi un btiment faisait lobjet dun

    financement long, 10 15 ans, une machine outil dun crdit moyen terme, 4 7 ans, et les

    lments du Besoin en Fonds de Roulement, stocks et crances clients, de concours de

    trsorerie court terme, de quelques semaines quelques mois.

    Cette conception trs franaise sestompe progressivement, au profit dune approche plus

    anglo-saxonne, dans laquelle les prteurs financent la totalit de lactif oprationnel, et dans

    laquelle c'est l'entreprise qui dtermine la dure optimale de son financement, en fonction de

    ses besoins globaux, de sa capacit de remboursement, et des conditions qui prvalent sur les

    marchs.

    Cette volution sest traduite par la mise en place des lignes de crdit, dabord pour les

    grandes entreprises, avec le dveloppement des MOFF (multi option financing facility), puis

    pour les entreprises de taille moyenne avec les ouvertures de crdit moyen terme et toutes les

    formes de crdit global dexploitation. Dans ces formules, lentreprise se voit octroyer un

    droit dutilisation dun volume dlimit de crdit, pour une dure allant de un sept ans selon

    les formules. Elle choisit ensuite, de faon trs souple, le montant dont elle souhaite se servir,

    ainsi que, pour les formules les plus sophistiques, la devise dans laquelle elle souhaite se

    financer, et le ou les partenaires auprs desquels elle souhaite sendetter.

    Ces ouvertures de crdit sont cependant rserves aux grandes entreprises et aux PME dont la

    sant financire est excellente : elles ne concernent donc quune minorit des PME. La

  • 28

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    majorit d'entre elles continue se financer avec des emprunts et des concours de trsorerie

    adapts chaque besoin spcifique de financement.

    2.5 - Les prteurs respectent certaines rgles dans loctroi de crdits

    Tout dabord, ils limitent le volume total de crdit octroy, pour maintenir leur risque global

    sur un client au niveau quils jugent acceptable. Lindicateur retenu est le ratio dendettement

    financier net des disponibilits :

    propres Fonds

    VMP - itsdisponibil - totalessfinancire Dettes =t endettemend' Ratio

    Il y a seulement 10 ans, il tait couramment admis en France que ce ratio pouvait aller jusqu

    3, sans que lentreprise reprsente un risque insupportable pour les prteurs. Aujourdhui sous

    leffet de linternationalisation des marchs et des pratiques financires, le seuil le plus

    souvent cit est de un, c'est dire pas plus de dettes financires que de fonds propres. Ce

    qui ne signifie pas que toutes les entreprises prennent ce seuil pour objectif, loin de l. La

    plupart des grands groupes se fixent un objectif d'endettement largement infrieur ce chiffre,

    le plus souvent entre 0.5 et 0.7, afin de rduire leur exposition au risque financier, et rassurer

    leurs actionnaires.

    L'entreprise doit notamment s'assurer qu'elle sera capable de faire face aux frais financiers

    gnrs par lendettement, ceux-ci constituant une charge certaine. A l'inverse des dividendes,

    qui ne sont prlevs que si les actionnaires le jugent possible, (en gnral lorsque l'entreprise

    dgage un bnfice suffisant), les intrts sont dus quel que soit le niveau du rsultat.

    L'entreprise doit en effet faire face son engagement contractuel, que sa situation soit bonne

    ou mauvaise, et ceci d'autant plus que les contrats de prt comprennent en gnral une clause

    de dchance du terme qui stipule que ds lors que l'une des chances de l'emprunt n'est pas

    honore, remboursement ou intrts, l'ensemble du prt devient immdiatement remboursable.

    Il est donc absolument vital pour l'entreprise de s'assurer qu'elle pourra honorer ses

    engagements, tant en termes de paiement des frais financiers que de remboursement du

    principal de ses emprunts. D'o l encore l'intrt des analyses en terme de cash-flow

    prvisionnel, et l'importance lors de toute dcision de prendre en compte l'impact de celle-ci

    en termes de cash.

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    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Le prteur va de son cot analyser la capacit de remboursement sur la base non seulement du

    remboursement du principal, mais aussi de la capacit faire face aux charges d'intrts. Un

    indicateur couramment utilis par les prteurs pour apprcier cette capacit de remboursement

    est le ratio de service de la dette7 :

    onexploitatid'brut Excdent

    intrets)et (capital dette la de Service

    Il est couramment admis que ce ratio ne devrait pas excder un tiers, l'entreprise ayant par

    ailleurs besoin de sa capacit gnrer du cash pour financer son dveloppement

    (investissements et croissance du BFE), et rmunrer ses actionnaires sous forme de

    dividendes.

    En ce qui concerne la nature des dettes, on distingue les dettes long et moyen terme et les

    concours de trsorerie. En ce qui concerne les dettes terme, la rgle habituelle snonce : pas

    plus de dettes terme que de fonds propres. Bien videmment, elle ne prend tout son sens

    que lorsque lentreprise utilise un niveau dendettement total suprieur un !

    Pour ce qui est des concours de trsorerie, lentreprise peut assez facilement en obtenir

    concurrence de lquivalent dun mois de chiffre daffaires. Dpasser deux mois nest pas

    impossible, mais lentreprise est alors considre comme fragile par tous ses partenaires, et

    surveille de trs prs par ses fournisseurs comme par ses banquiers ! Elle devient alors

    vulnrable et dpendante du bon vouloir de ceux-ci, qui peuvent la mettre en difficult en

    quelques semaines, en demandant un rglement plus rapide de leurs livraisons, ou en rduisant

    les encours autoriss de concours de trsorerie.

    Il faut bien considrer ces limites dendettement comme des sortes de garde-fous, dont il

    nest pas ncessaire de sapprocher, mais quil est aussi possible de dpasser dans des

    circonstances particulires. Ils s'appliquent plutt aux PME qu'aux grandes entreprises, et sont

    utiliss avec discernement par les banquiers.

    Pour les grandes entreprises, ds qu'elles font appel au march international des capitaux, les

    rgles sont celles des marchs financiers, qui la fois autorisent une grande libert de choix,

    mais qui ragissent trs rapidement aux informations qu'ils reoivent, notamment des agences

    de notation : aucun directeur financier ne souhaite voir la notation de l'entreprise dgrade par

    une agence de rating, car il sait que cela aura des rpercussions sur les taux d'intrt, mais

    aussi sur le cours de l'action.

    Au total, quelle que soit la taille de l'entreprise, les prteurs tiennent grand compte des risques

    que prsente lentreprise, du fait des mtiers quelle exerce. Nous allons voir dans le chapitre

    suivant comment la politique dendettement de lentreprise est value la lumire de sa

    7 A noter qu'il est aussi souvent calcul avec la capacit dautofinancement, la place de

    lEBE, ce qui nest pas trs cohrent, puisque la capacit d'autofinancement inclut dj les

    intrts. Par ailleurs, ce ratio n'est vritablement pertinent que si on le calcule sur les donnes

    prvisionnelles, et si possible sur plusieurs annes. On notera enfin que la rgle du tiers n'a

    aucun fondement thorique, c'est un exemple typique de normalisation partir de l'exprience.

  • 30

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    performance oprationnelle, cest dire de sa rentabilit des capitaux engags, et de son

    risque oprationnel.

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    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Que retenir du chapitre deux ?

    Actionnaires et prteurs nont ni les mmes objectifs, ni les mmes exigences.

    les actionnaires sont des preneurs de risque, qui exigent une rentabilit en rapport avec les risques pris. Cette rentabilit est obtenue la fois au travers des dividendes quils

    peroivent et par la plus-value normalement ralise lorsquils revendent leurs actions. Ils

    sont donc trs attentifs aux conditions dans lesquelles ils pourront sortir de leur

    investissement, en vendant leurs titres de nouveaux actionnaires ou aux autres

    actionnaires existants. Par ailleurs les actions leur donnent accs une partie du pouvoir

    par les droits de vote qui y sont associs.

    les prteurs sont des prestataires de service, qui louent des fonds lentreprise en contrepartie dune rmunration sous forme intrts. Ils se proccupent dabord des

    conditions dans lesquelles ils seront rembourss par lentreprise des fonds mis sa

    disposition. Cest pour limiter leur risque de ne pas tre rembourss quils assortissent

    leurs prts de garanties relles ou de covenants , qui limitent la libert daction de

    lentreprise. Par ailleurs ils ajustent la rmunration quils peroivent, le taux dintrt, au

    risque quils valuent, de ne pas tre rembourss.

    les prteurs utilisent quelques indicateurs, pour apprcier le risque de dfaillance que prsente une entreprise. Pour une entreprise de taille moyenne, les principaux sont :

    le taux dendettement global : Dettes financires nettes / Fonds Propres (

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    Chapitre trois : Effet de levier et

    politique dendettement

    Nous avons vu dans le premier chapitre que la performance ralise par lentreprise dans

    lexercice de son mtier pouvait se mesurer par la rentabilit des capitaux engags. Nous

    allons analyser dans la premire partie de ce chapitre comment la performance oprationnelle

    se transforme en performance financire pour les actionnaires, et comment leffet de levier

    obtenu grce lendettement permet damliorer cette performance financire. Dans un

    deuxime temps nous ferons rfrence au risque, et proposerons une approche sur laquelle

    fonder une politique dendettement.

    1/ Mcanique de leffet de levier

    Capitaux

    employsDettes

    i = cot de la DetteRCE - i

    Fonds

    propres

    ?

    Mcanisme du levier

    Pour illustrer leffet de levier, nous allons prendre lexemple dune entreprise dont les

    capitaux engags se montent 10 000 K, et qui obtient une rentabilit de ces capitaux

    engags de 12%. Nous allons dterminer quelle est la rentabilit quelle peut assurer ses

    actionnaires, selon la politique dendettement quelle retient.

    1.2 - Premier cas : lentreprise non endette

    Dans ce cas tous les capitaux sont apports par les actionnaires, soit 10 000 K. Les frais

    financiers sont nuls, puisquil ny a pas de dettes, et le rsultat net se calcule comme suit :

    Marge oprationnelle : 1 200

    Frais financiers 0

    Rsultat courant 1 200

    Impt 40 % 480

    Rsultat net 720

  • 33

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Ce qui procure aux actionnaires une rentabilit financire de 720/10000 soit 7,2 %. On

    constate que la rentabilit pour les actionnaires est dans ce cas gale la rentabilit des

    capitaux engags aprs impt : 12% x (1 - 40%) = 7,2 %.

    1.3 - Deuxime cas : lentreprise finance moiti par la dette

    Supposons que lentreprise se finance concurrence de 5000 K par des dettes dont le taux

    dintrt est de 6%. Elle va donc payer 300 K de frais financiers. Dans ce cas, sa

    performance financire sera modifie comme suit :

    Marge oprationnelle : 1 200

    Frais financiers 300

    Rsultat courant 900

    Impt 40 % 360

    Rsultat net 540

    Le rsultat net a t amput de 180, soit 300 de frais financiers moins 120 dconomie

    dimpt. Mais la performance financire, mesure par la rentabilit financire, sest amliore

    : elle se monte maintenant 540 / 5 000, soit 10,8 %. Les actionnaires de lentreprise

    endette obtiennent une rentabilit de 3,6 % suprieure celle que procure lentreprise

    non endette. Ce surcrot de rentabilit procur par lusage de la dette se nomme leffet de

    levier.

    1.4 - Troisime cas, l'entreprise finance majoritairement par la dette

    Supposons que les actionnaires, intresses par cet effet de levier, aient dcid de faire un

    usage plus marqu de lendettement, par exemple concurrence de 6 000 K, napportant

    pour leur part que 4000 K. Et supposons que les prteurs aient accept de financer

    lentreprise au mme taux de 6%. Le rsultat devient :

    Marge oprationnelle : 1 200

    Frais financiers 360

    Rsultat courant 840

    Impt 40 % 336

    Rsultat net 504

    La rentabilit des fonds propres devient : 504 / 4 000 = 12,6 %, soit 75% de plus que la

    rentabilit de lentreprise non endette. Mais bien sr lentreprise est alors passablement

    endette : 6 000 / 4 000, soit un ratio dendettement total de 1,5.

    On sent bien intuitivement quil y aura assez vite une limite lusage du levier : celle de la

    bonne volont des prteurs. Mais pour bien en comprendre les motifs, il nous faut dabord

    illustrer les consquences de lusage de lendettement lorsque la rentabilit des capitaux

    engags se dgrade.

  • 34

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    2/ Limpact du levier, si la rentabilit des capitaux engags se dgrade

    Nous allons simuler lhypothse dune rentabilit des capitaux engags qui tombe 9%, pour

    chacun des trois cas ci-dessus. La marge oprationnelle est donc ramene 900 :

    Taux dendettement total 0 1 1,5

    Marge oprationnelle : 900 900 900

    Frais financiers 6% 0 300 360

    Rsultat courant 900 600 540

    Impt 40 % 360 240 216

    Rsultat net 540 360 324

    Capitaux propres 10 000 5 000 4 000

    Rentabilit financire 5,4 % 7,2 % 8,1 %

    Lentreprise non endette voit sa rentabilit passer de 7,2 % 5,4 %, cest dire baisser dans

    les mmes proportions que sa rentabilit des capitaux engags, qui avait aussi t rduite dun

    quart (de 12% 9%). Lentreprise dont le ratio dendettement est de 1 voit sa rentabilit

    financire tre ampute dun tiers, de 10,8 % 7,2 %. Et celle dont le ratio dendettement est

    de 1,5 supporte une chute de sa rentabilit de prs de 50 %! Plus lentreprise est endette,

    plus sa rentabilit financire seffondre, pour une mme baisse de sa rentabilit des

    capitaux engags.

    Nous allons simuler lhypothse dune rentabilit des capitaux engags qui tombe 6%, dans

    les trois mmes situations. La marge oprationnelle est donc ramene 600 :

    Taux dendettement total 0 1 1,5

    Marge oprationnelle : 600 600 600

    Frais financiers 6% 0 300 360

    Rsultat courant 600 300 240

    Impt 40 % 240 120 96

    Rsultat net 360 180 144

    Capitaux propres 10 000 5 000 4 000

    Rentabilit financire 3,6 % 3,6 % 3,6 %

    Dans ce cas leffet de levier est ramen zro : quel que soit le taux dendettement, la

    rentabilit financire est la mme : celle de lentreprise non endette. Nous verrons plus loin

    comment sexplique cette situation particulire, mais quoi quil en soit, cest encore

    lentreprise la plus endette dont la rentabilit baisse le plus : pour une rentabilit des capitaux

    engags divise par 2, sa rentabilit financire est divise par 4.

  • 35

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    On constate donc l encore leffet multiplicateur du recours la dette.

    Enfin, dernier scnario, avec une rentabilit des capitaux engags qui tombe 3% :

    Taux dendettement total 0 1 1,5

    Marge oprationnelle : 300 300 300

    Frais financiers 6% 0 300 360

    Rsultat courant 300 0 - 60

    Impt 40 % 120 0 - 248

    Rsultat net 180 0 - 36

    Capitaux propres 10 000 5 000 4 000

    Rentabilit financire 1,8 % 0 % - 0,9 %

    Dans cette hypothse, lentreprise non endette voit toujours sa rentabilit financire ampute

    dans les mmes proportions que sa rentabilit des capitaux engags, cest dire des trois

    quarts (respectivement 1,8% contre 7,2%, pour une rentabilit des capitaux engags ramene

    3%, contre 12% au dpart). Lentreprise dont le ratio dendettement est de 1 voit sa rentabilit

    financire ramene Zro, et la troisime passe en perte !

    On voit donc clairement que dans les cas o rentabilit des capitaux engags diminue, plus

    lentreprise est endette, plus vite sa rentabilit financire seffondre. A noter que ce

    phnomne joue aussi dans lautre sens : si la rentabilit des capitaux engags augmente, cest

    le jackpot pour lentreprise la plus endette. Par exemple, si la rentabilit des capitaux

    engags monte 18%, cela donne :

    Taux dendettement total 0 1 1,5

    Marge oprationnelle : 1 800 1 800 1 800

    Frais financiers 6% 0 300 360

    Rsultat courant 1 800 1 500 1 440

    Impt 40 % 720 600 576

    Rsultat net 1080 900 864

    Capitaux propres 10 000 5 000 4 000

    Rentabilit financire 10,8 % 18,0 % 21,6 %

    Au total, lendettement agit donc comme un acclrateur, dans un sens comme dans

    lautre. Rcapitulons les cinq hypothses de rentabilit des capitaux engags, classes par

    ordre dcroissant, et calculons la rentabilit financire moyenne, si lon suppose que chaque

    hypothse de rentabilit des capitaux engags a autant de chance de se produire :

    8 Nous supposons que lentreprise peut calculer un impt ngatif, ce qui est possible en France

    dans certaines conditions, mais qui ne se traduit pas immdiatement par un encaissement...

  • 36

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    RCE Taux dendettement total

    :

    0 1 1,5

    18 % Rentabilit financire 10,8 % 18,0 % 21,6 %

    12 % Rentabilit financire 7,2 % 10,8 % 12,6 %

    9 % Rentabilit financire 5,4 % 7,2 % 8,1 %

    6 % Rentabilit financire 3,6 % 3,6 % 3,6 %

    3 % Rentabilit financire 1,8 % 0 % - 1,9 %

    9,6 % Moyenne 5,0 % 7,9 % 8,8 %

    5,2 % Dispersion 3,1 % 6,2 % 8,0 %

    On constate que lendettement augmente lesprance de rentabilit pour les actionnaires, mais

    aussi quil augmente lincertitude des actionnaires sur la rentabilit quils vont obtenir, pour

    une mme incertitude sur les perspectives de performance oprationnelle.

    Pour eux, la socit endette est donc en moyenne plus rentable, mais elle est aussi plus

    risque, du fait de la volatilit accrue des rsultats nets et donc de leur rentabilit financire.

    Tous les actionnaires ne sont pas intresss par ce type de combinaison de rentabilit et de

    risque !

    3/ Formulation de leffet de levier

    Si lon veut mieux comprendre comment fonctionne leffet de levier, on peut le formuler

    simplement partir de la relation entre le rsultat net et la marge oprationnelle9 :

    rsultat net = marge oprationnelle - frais financiers - impt sur les socits

    que lon peut aussi formuler, pour isoler limpact de limpt sur les socits :

    rsultat net = (1 - taux dimpt) x ( marge oprationnelle - frais financiers)

    formulation qui indique simplement que le rsultat net est gal au rsultat courant (marge

    oprationnelle aprs frais financiers), aprs impt.

    Mais ce qui nous intresse, cest la relation entre la rentabilit des capitaux engags et la

    rentabilit financire. En divisant les deux membres de lquation ci-dessus par les fonds

    propres, nous obtenons gauche la rentabilit des fonds propres :

    R sultat net

    Fonds propres

    taux d' impot) x ( marge oprationnelle - frais financiers)

    Fonds propres

    (1

    Si nous notons :

    rfp la rentabilit des fonds propres

    t le taux de limpt sur les socits

    rce la rentabilit des capitaux engags

    9 Nous ngligeons les ventuels lments exceptionnels

  • 37

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    i le cot apparent de la dette, cest dire le ratio frais financiers / dettes

    et si nous remplaons la marge oprationnelle par rce x actif oprationnel

    ainsi que les frais financiers par i x dettes, la formule devient :

    rfp = (1 - t) x (rce x actif oprationnel - i x dettes)

    Fonds propres

    Comme par dfinition lactif oprationnel est gal aux fonds propres plus les dettes, on peut

    crire la formule :

    rfp = (1- t) x

    rce x Fonds propres + dettes - i x dettes

    Fonds propres

    ou, en divisant chaque terme par les Fonds Propres, et en mettant le ratio dendettement D/FP

    (dettes sur Fonds Propres) en facteur dans les deux derniers termes :

    rfp = (1-t) x [ rce + (rce - i) x D / FP ]

    La formule ci-dessus est appele formule de leffet de levier. Il faut bien comprendre quelle

    comporte deux parties :

    1/ limpact de limpt : rfp = (1-t) x rce : en labsence de dettes, la rentabilit des fonds

    propres est gale la rentabilit des capitaux engags aprs impt.

    2/ leffet de levier : L = (rce - i ) x D / FP, lui mme ensuite affect par limpt.

    Leffet de levier, cest ce supplment de rentabilit que les actionnaires obtiennent grce au

    recours lendettement, et condition que la rentabilit des capitaux engags demeure

    suprieure au cot de la dette, cest dire que (rce - i) soit positif...

    Pour illustrer la simplicit dutilisation de cette formule, reprenons les exemples ci-dessus :

    Dabord avec une rentabilit des capitaux engags de 12% :

    Si D/FP = 0 : rfp = (1- 0,4) x 12% = 0,6 x 12% = 7,2 %

    Si D/FP = 1 : rfp = 0,6 x [ 0,12 + (0,12 - 0,06) x 1 ] = 0,6 x 18% = 10,8 %

    Si D/FP = 1,5 : rfp = 0,6 x [ 0,12 + (0,12 - 0,06) x 1,5 ] = 0,6 x 21% = 12,6 %

    Si la rentabilit des capitaux engags tombe 6 %, leffet de levier est nul, car (rce-i) = 0.

    Quel que soit le ratio D/FP, comme il est multipli par 0, leffet de levier est de 0, et la

    rentabilit financire est gale la rentabilit des capitaux engags aprs impts :

    Si D/FP = 0 : rfp = 0,6 x 6% = 3,6 %

    Si D/FP = 1 : rfp = 0,6 x [ 0,06 + (0,06 - 0,06) x 1 ] = 0,6 x 6 % = 3,6 %

    Si D/FP = 1,5 : rfp = 0,6 x [ 0,06 + (0,06 - 0,06) x 1,5 ] = 0,6 x 6 % = 3,6 %.

    On comprend lorigine de ce cas particulier voqu plus haut : c'est l'annulation de l'effet de

    levier qui conduit des rentabilits quivalentes quel que soit le niveau de l'endettement.

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    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    Le mme calcul pourrait tre fait dans le cas d'une rentabilit des capitaux engags de 3%. A

    noter que l'on suppose implicitement qu'il y a possibilit de "remboursement" de l'impt s'il

    est ngatif, ce qui est une hypothse acceptable en termes de rsultat, mais pas en termes de

    cash, puisqu'il y a un dlai de plusieurs annes pour obtenir un vritable remboursement.

    4/ Du bon usage du levier dendettement

    Si lentreprise dispose dune excellente visibilit dans lexercice de son mtier, et donc dune

    rentabilit des capitaux engags trs stable, elle peut prendre le risque de construire un effet de

    levier lev sur la base dun endettement lev. Si en revanche sa rentabilit des capitaux

    engags est quasi imprvisible, du fait des turbulences sur ses marchs, ou de la possibilit de

    ruptures technologiques conduisant des pertes brutales de comptitivit, il nest pas conseill

    de recourir un bras de levier lev : leffet de levier devra tre recherch sur la base dun

    diffrentiel lev, et si la rentabilit des capitaux engags ne le permet pas, il devra tre

    abandonn, sauf si les actionnaires aiment particulirement le risque...

    Du bon usage du levier,

    en fonction du type de

    rentabilit des capitaux

    engags

    Rentabilit des

    capitaux engags peu

    suprieure au cot

    prvisible de la dette

    Rentabilit des

    capitaux engags trs

    suprieure au cot

    prvisible de la dette

    Rentabilit des capitaux

    engags

    peu volatile

    Usage dun bras de

    levier lev possible,

    mais peu efficace :

    leffet de levier sera

    limit par la faiblesse

    du diffrentiel

    Conditions idales

    pour lusage de la dette

    : il serait criminel

    de ne pas sendetter de

    faon significative

    Rentabilit des capitaux

    engags

    trs volatile

    Lusage de

    lendettement est

    dconseill, mme si

    les actionnaires

    acceptent la volatilit,

    car en fin de compte

    lefficacit du levier

    sera faible...

    Lusage de

    lendettement est

    bnfique long terme,

    mais il faut que les

    actionnaires acceptent

    une forte volatilit des

    rsultats

    Bien videmment toute la question consiste, avant de fixer le niveau dendettement

    souhaitable, estimer la rentabilit des capitaux engags future, ainsi que les alas qui psent

    sur le niveau anticip de cette performance oprationnelle, pour pouvoir placer lentreprise

    dans une des catgories ci-dessus. Sans oublier bien sr que le cot de la dette peut lui aussi

    fortement voluer, notamment si lentreprise sendette taux variable...

    Dans le cas dune entreprise qui exerce deux mtiers dont les niveaux de risque oprationnels

    sont trs diffrents, l'objectif d'endettement peut tre dtermin en tenant compte du poids de

    chaque mtier dans la marge oprationnelle totale. Mais bien videmment, il faudra expliquer

    au march que l'objectif d'endettement a t dtermin en fonction de cette pondration.

  • 39

    R. Paliard et Y. Romanet modifie par M. Lyagoubi EMLyon , tous droits rservs

    5/ Endettement et cot moyen pondr des ressources (Cmpr)

    Comme les ressources rassembles par lentreprise pour financer ses capitaux engags sont

    composes de largent des actionnaires (les fonds propres) et de celui des prteurs (les dettes),

    le cot moyen de