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Guide de l’accessibilité « A tout pour tous »
Sommaire ÊTRE Handicap Informationdécembre 2007 janvier février 2008
Spécial guide de l’accessibilité « A tout pour tous »Sous la direction de Michaël Couybes et la coordination de Marie-Claire Brown, avec
Anne-Isabelle Barthélémy, Cécile Blanchard, Carine Chausson, Gaëlle Desportes,
Louis Guinamard, Sarah Lachise, Gérard Marinier, Charlotte Tommy-Martin, Chantal
Féminier, Florence Roux et Véronique Vigne-Lepage (Pleins Titres).
Illustrations de Charlotte Tommy-Martin
Préface de Catherine Bachelier, déléguée ministérielle à l’Accessibilité
Titre 1 : État des lieux
1. Interview de Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la
Solidarité : « Accélérer la mise en accessibilité »
2. Historique de l’accessibilité
3. L’influence européenne
4. L’accessibilité, pierre angulaire de la nouvelle loi
5. Les acteurs de l’accessibilité
6. Rapport Gohet : suivi de chantiers
Titre 2 : Accéder à la scolarité, ouverture
1. Rentrée sous haute surveillance
2. Accéder à la scolarité et aux études supérieures3. L’accessibilité aux crèches et aux nounous
4. Vers la création d’un métier d’auxiliaire de vie scolaire
5. Une charte pour les étudiants handicapés
6. Handimanagement : petits pas des grandes écoles
Titre 3 : Accéder à l’emploi
1. Introduction
2. Les aides à l’accessibilité de l’Agefiph
3. Semaine pour l'emploi des personnes handicapées : il va y avoir du sport !
4. Fonction publique : relance de la politique d’accès à l’emploi
5. Les Ésat, un accès privilégié à l’emploi
Titre 4 : Accéder au cadre bâti
1. Les aides à l'accessibilité des logements2. Forum accessibilité dans le secteur public3. Au-delà de l’accessibilité, la Haute Qualité d’usage
4. Accèsmétrie : un étalon pour l'accessibilité
5. Logement privé : un défi monumental
6. Un droit opposable… qui tarde à s’imposer
7. Hollande : le pays du vélo… et du fauteuil roulant
Titre 5 : Accéder à la cité
1. Introduction 2. Grenoble, toujours pionnière
3. Metz : une “Mission Handicap” efficace
4. Pas très mobile en ville…
5. L’APF distribue les cartons rouges
6. UNSA : militer pour l’accessibilité7. Les happenings” citoyens de Jaccede8. Marseille : un tramway 100 % accessible
Titre 6 : Accéder à la culture,
1. Introduction
2. Musées et monuments : culture dans tous les sens
3. À livres ouverts
4. Spectacle vivant et cinéma : demandez le programme !
Titre 7 : Accéder à l’information,
1. Introduction2. Déficients visuels : à l’écoute du monde
3. Le web a révolutionné l’accès à l’information
4. Les solutions téléphoniques
5. Presque citoyen
6. Handicap mental : “Est-ce que je me fais bien comprendre ?”
7. Abdel Kader Azouz : un humaniste insatiable
Titre 8 : Accéder aux loisirs
1. Introduction 2. Voyager comme tout le monde
3. La Côte d’Azur veut s’adapter
4. Handiplagiste : ça s’apprend !
5. Skier, assis comme debout
6. Des loisirs comme les autres
7. L’esprit ovale
8. De jeunes autistes au club de gym
Titre 9 : Accéder Autrement
1. Portraits croisés : « Je réalise mes rêves »
2. Comment accéder aux personnes handicapées3. Les bonnes intentions parfois ne suffisent pas
Préface
A la fin de l'année 1999 a été créée la fonction de déléguée ministérielle à
l'Accessibilité (DMA), afin de traiter de manière globale la question de
l'accessibilité pour tous. Cette fonction dont la responsabilité m'a été confiée
consiste à veiller au respect des règles d'accessibilité, à dynamiser, coordonner
et assurer la cohérence des actions menées. Le champ de compétence s'étend à
tous les types de transports, aux circulations sur l'espace public, au cadre bâti
ainsi qu'au tourisme.
Une réorganisation gouvernementale redistribuant les responsabilités dans ces
domaines a donné en 2004 une nouvelle dimension à l'action menée.
Mon équipe et moi-même sommes attachées à remplir notre mission en
l'organisant autour de quatre axes principaux : la réglementation et la
normalisation, la formation, la sensibilisation des acteurs et du public et, bien
sûr, l'organisation de l'action.
Afin de relayer dans les meilleures conditions l'action sur le terrain, des
correspondants accessibilité ont été nommés dans chaque Direction
départementale de l'équipement. Ils travaillent, bien entendu, en étroite
collaboration avec la DMA, et établissent chaque année un rapport sur la mise
en œuvre de l'accessibilité dans leur département et leur action en la matière.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation
et la citoyenneté des personnes handicapées a totalement refondé la politique du
handicap et de l'accessibilité. Enfin, la prise en compte des besoins des
personnes handicapées ne se limitait plus aux seules difficultés rencontrées par
les personnes ayant un handicap moteur. Les handicaps visuel, auditif, cognitif,
intellectuel et psychique, ainsi que les troubles de santé invalidants entraient
dans le champ des mesures à imaginer. La notion de chaîne faisait aussi son
apparition, on cessait de raisonner de façon sectorielle et l’on envisageait de
manière globale les mesures à mettre en œuvre. De plus, cette loi ne se
contentait pas de fixer des principes et des obligations (mise en accessibilité des
établissements recevant du public et des transports dans un délai de dix ans et
accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie neufs ou rénovés), elle
donnait aussi les moyens pour y parvenir : la concertation et l’établissement de
plans ou schémas directeurs assortis d'un calendrier de réalisation.
C'était indéniablement une avancée très importante, encore fallait-il mettre en
musique ces principes et obligations.
L'élaboration des textes d'application de cette loi ne fut pas chose aisée. Le
principe retenu fut d'y associer dès le départ les principales parties concernées
(associations de personnes handicapées et professionnels) afin que les textes
publiés respectent totalement l'esprit de la loi tout en préservant le principe de
réalité. Certains textes parus ou à paraître ont fait l'objet de réserves de la part
des associations de personnes handicapées. Cependant on ne peut nier les
progrès réalisés et les avancées enregistrées.
Alors qu'à la fin de cette année je quitterai cette fonction, après huit années très
enrichissantes, et me tournerai vers d'autres domaines, je souhaite que l'on
puisse voir prochainement la réalisation d'une accessibilité généralisée. Celle-ci
devra devenir un critère de qualité d'usage pour tous, au même titre que la
sécurité qu’elle contribue d'ailleurs à renforcer.
Catherine Bachelier, déléguée ministérielle à l’Accessibilité
ÉTAT DES LIEUX DE L’ACCESSIBILITÉ
Interview de Xavier Bertrand
Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la
Solidarité : “Accélérer la mise en accessibilité”
Le 1er août, le président de la République lui a adressé sa lettre de mission
avec des objectifs ambitieux en matière de handicap. Depuis, Xavier
Bertrand appuie sur l'accélérateur de la mise en œuvre de la loi de 2005, en
particulier en matière d'accessibilité.
Comment vous répartissez-vous les rôles dans le domaine des personnes
handicapées, Valérie Létard, Patrick Gohet et vous-même ?
Les ministres et le délégué interministériel ont des rôles bien spécifiques, mais
un objectif commun : faire avancer la cause des personnes handicapées, dans
tous les domaines, que ce soit l’accessibilité, l’emploi, la scolarisation, le
sport… Et pour cela, nous agissons tous trois en parfaite complémentarité. En
matière de politique du handicap, notre rôle, avec Valérie Létard, secrétaire
d'État à la Solidarité, est un rôle de conception, d’impulsion et de décision. Nous
nous efforçons de faire accélérer les choses au niveau des textes en vigueur et
quant aux efforts restant à accomplir pour les mettre en application. Patrick
Gohet, en tant que délégué interministériel aux Personnes handicapées, travaille
de manière transversale et s’assure de la cohérence de la politique menée par les
différents ministères concernés. Il œuvre au niveau technique, au sein de
l’ensemble des instances existantes, comme le Conseil national consultatif des
personnes handicapées (CNCPH). Il assure également un rôle de diagnostic et de
proposition pour mettre en place la réforme de la politique du handicap. Nous lui
avons notamment confié un rapport relatif à la mise en œuvre de la loi du 11
février 2005, qu'il nous a remis cet été. Nous avons très rapidement décidé
d’adopter certaines de ses propositions, notamment celles relatives à
l’accessibilité. Il doit également nous remettre début 2008 un rapport relatif à la
question des ressources et de l’emploi des personnes handicapées.
Quelle place occupe l'accessibilité dans votre politique en faveur des personnes
handicapées ?
Elle occupe bien évidemment une place prioritaire, pour une raison simple : elle
est une des conditions essentielles de l’insertion des personnes handicapées au
sein de la cité. Car comment s’intégrer si l’on ne peut pas sortir de chez soi,
prendre les transports en commun, aller au cinéma, au théâtre, aller à
l’université, au travail, ou encore faire les démarches administratives les plus
simples ?
« Il est hors de question que les personnes handicapées restent enfermées chez elles »
Il est hors de question que les personnes handicapées restent enfermées chez elles. C’est pourquoi l’accessibilité est au cœur de la réforme de la politique du handicap engagée par la loi du 11 février 2005. Nous voulons aujourd’hui non seulement poursuivre sa mise en œuvre, mais aussi l'accélérer. C’est le sens des mesures que nous avons prises en commun avec Xavier Darcos pour faciliter la scolarisation des enfants handicapés, avec Valérie Pécresse pour faciliter l’accès à l’université, et avec André Santini pour la Fonction publique, par exemple.
« L'accessibilité est la première étape d'un changement durable… »
Nous allons poursuivre cet effort, car l’accessibilité conditionne la réussite de
toutes les autres initiatives que nous mènerons sur le handicap. C’est la première
étape d’un changement durable des comportements et des habitudes
quotidiennes vis-à-vis du handicap.
Vous avez réduit de trois ans le délai de diagnostic. Pensez-vous que les
différents acteurs concernés auront le temps de se retourner ?
Je tiens à préciser une chose : j’ai effectivement dit cet été que 2015, c’était loin,
trop loin pour les personnes handicapées, et c’est la raison pour laquelle j’ai
décidé, non pas de réduire le délai, mais d’avancer la date du diagnostic
d’accessibilité de 2011 à 2008. Il faut dire les choses clairement : cela fait déjà
deux ans que les changements auraient dû être engagés, et dans bon nombre de
cas, ils ne le sont pas. Si nous n’avançons pas cette date, nous prenons le risque
de repousser la mise en œuvre de la loi aux calendes grecques ! Et c’est hors de
question. Si nous voulons respecter la date de réalisation finale des travaux, qui
reste fixée à 2015, il faut avancer la date du diagnostic. Cela ne suffira peut-être
pas à rattraper tous les retards, mais c’est justement pour cela qu’il est
indispensable d’accélérer les choses dès aujourd’hui, afin qu’elles changent
véritablement pour les personnes handicapées, le plus tôt possible.
Dans la lettre de mission que le président de la République vous a adressée, il
préconise que « le droit d'accès aux transports et aux services publics, aux
établissements culturels ou sportifs, devienne opposable dans les meilleurs
délais » ?
Prenons par exemple le droit d’accès aux transports publics : la loi impose aux
autorités organisatrices de transports de réaliser un état des lieux d'ici février et
d'établir un schéma directeur d'accessibilité. S'il apparaît que les transports ne
sont pas accessibles, les autorités organisatrices de transport seront dans
l’obligation de mettre en place un mode de transport de substitution accessible
sur les lignes concernées. Le tarif de ce mode de transport devra être identique à
celui du transport public classique. Il en sera de même pour l’accès aux services
publics, aux établissements sportifs et culturels. Nous travaillons pour cela en
lien étroit avec André Santini, Bernard Laporte et Christine Albanel. Ces
obligations seront donc tenues, et nous serons au rendez-vous de nos
engagements.
Tous les décrets et circulaires d'application sont-ils aujourd'hui parus ?
80 % des textes d'application seront adoptés d’ici à la fin de l’année 2007*. Le
décret relatif à l’accessibilité des locaux professionnels notamment, que nous
savons très attendu, en fera partie. Les 20 % de textes restants sont soumis à des
obligations communautaires et européennes, et leur adoption nécessite un travail
approfondi, qui aboutira au cours du premier semestre 2008.
Certains s'inquiètent de ce que certains textes sur l'accessibilité ont été modifiés
dans un sens restrictif et que les possibilités de dérogation se sont élargies…
Les textes ne sont pas en deçà des ambitions de la loi. Cela ne veut pas dire que
nous ne devons pas continuer à travailler pour les améliorer et, si nécessaire, en
modifier certains, dont l’application s’est avérée complexe à l’épreuve des faits,
notamment pour prendre en compte différents types de handicap. Je prendrai un
exemple simple : l’abaissement du niveau des trottoirs pour faciliter l’accès des
fauteuils roulants, entre autres, est synonyme, pour les personnes non voyantes,
de la fin d’un repère essentiel pour leur sécurité. D'où la nécessité de combiner
cet aménagement de la voirie avec les bandes d'éveil de vigilance.
« Confronter les textes à la réalité quotidienne des personnes handicapées »
Cet exercice de confrontation des textes à la réalité quotidienne des personnes
handicapées est au cœur du groupe de travail “accessibilité” mis en place au sein
du Comité de suivi de la réforme de la politique du handicap installé par Valérie
Létard le 23 octobre dernier. Son objectif est de permettre aux personnes
handicapées et aux professionnels du cadre bâti et des transports d'échanger pour
effectuer les ajustements indispensables en la matière. Quant aux dérogations
que vous évoquez et qui sont prévues par la loi, il en existe peu : nous veillons à
rester rigoureux dans leur application, et nous maintiendrons notre vigilance sur
ce point.
Comment améliorer la prise en charge des personnes souffrant de poly-
handicap ou d'autisme, comme vous l'a demandé le président ?
Le véritable enjeu est que ces personnes puissent accéder à une prise en charge
adaptée à leurs besoins, qui leur permette de développer au maximum leurs
capacités, de s’épanouir, et qui permette également à leurs familles de retrouver
un équilibre de vie. Nous travaillons donc pour leur apporter une réponse
globale, avec l’adoption d’un grand plan de création de places en établissements
et de services adaptés, ainsi qu’un engagement sur la qualité de la prise en
charge. Nous envisageons également, suite aux différentes consultations que
nous avons menées avec les partenaires associatifs et institutionnels, de lancer
une réflexion sur les différentes méthodes de prise en charge. J’ai d’ailleurs
demandé à Patrick Gohet, qui préside le Comité de réflexion sur l’autisme, de
me faire des propositions dans les meilleurs délais pour la mise en place d’un
nouveau plan autisme 2008-2010.
Propos recueillis par Michaël Couybes
L'interview a été réalisée le 8 novembre dernier.
2. Historique de l'accessibilité
L'accessibilité n'est pas un concept récent, mais il aura fallu plus de quarante ans pour qu'elle s'affirme dans les modèles de compréhension du handicap.« Longtemps assimilé à l'infirmité de la personne, le handicap est davantage
perçu aujourd'hui comme résultant aussi d'un ensemble d'obstacles
environnementaux, techniques, politiques, culturels et psychologiques »,
explique Jésus Sanchez, directeur de recherche au CTNERHI (Centre technique
national d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations). « La
Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé
(OMS) accorde désormais une place fondamentale aux facteurs
environnementaux pris au sens le plus large du terme (environnement bâti,
culture, modes d'organisation, services…) », poursuit-il. Mais cette approche est
très récente, comme le démontre le chercheur dans une étude sur “L'émergence,
la portée et les développements du concept d'accessibilité au plan national et
international”.
Après les guerres mondiales et le projet de réadaptation des personnes infirmes,
c'est le problème du relogement de ces personnes handicapées sortant des
hôpitaux ou des centres de rééducation qui va faire émerger en France l'idée de
rendre accessible l'environnement. Dans la foulée de la loi de 1957 sur le
reclassement des travailleurs handicapés, les pouvoirs publics créent en 1959
l'Association pour le logement des grands infirmes (Algi) qui va proposer
l'adoption de normes d'accessibilité.
En 1965, la première conférence internationale sur les barrières architecturales
est organisée en Italie et réunit 200 délégués d'associations représentant presque
tous les pays européens, les États-Unis, l'Inde et le Chili. En 1967, l'Union
internationale des architectes prend position pour l'accessibilité.La réadaptation supplante “l'accessibilisation”
Au niveau des pouvoirs publics, l'idée de rendre accessible l'environnement est
admise en France en 1970, dans le cadre des travaux préparatoires du VIe Plan,
puis en 1972 par le ministre de l'Équipement et du Logement, avant d'être
intégrée dans la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées de 1975.
Cette dernière introduit, en effet, l'obligation d'accessibilité dans le domaine de
l'environnement bâti et des transports, qui sera traduite dans un décret de 1980
modifiant le Code de la construction en imposant l'accessibilité et l'adaptabilité
de tous les logements.
« Même si cette percée de “l'accessibilisation” a été incontestable au cours de
la fin du XXe siècle, elle n'est pas pour autant devenue le modèle dominant.
Celui, ancien, de la réadaptation, a conservé une influence prépondérante »,
souligne Jésus Sanchez (voir infographie). Plus de trente ans après la loi de
1975, force est de constater que si les prestations et prises en charge se sont
multipliées, l'intégration permise par “l'accessibilisation” n'a pas été développée,
ou très peu. Après 1975, divers textes ont pour partie tenté de combler cette
lacune, par exemple dans les domaines de la scolarité et de l'emploi, mais
d'innombrables lieux sont demeurés inaccessibles et les personnes handicapées
sensorielles et mentales n'ont pas été prises en compte.
A ces deux principaux écueils la loi du 11 février 2005 tente de s'attaquer, en
institutionnalisant la vision élargie de l'accessibilité à l'ensemble de la société,
en l'appliquant à tous les types de handicaps et en la posant comme l'un de ses
trois piliers fondamentaux.
Elle s'appuie sur un contexte international favorable, en particulier européen, au
regard duquel la France présente un sérieux retard. Une résolution du Conseil
européen du 20 décembre 1996 invite les États membres à « supprimer les
obstacles à la pleine participation des handicapés et ouvrir tous les aspects de
la vie sociale à leur participation ; permettre aux personnes handicapées de
participer pleinement à la vie en société en éliminant les obstacles à leur
égard… » L'Organisation des Nations unies (ONU) qui déjà, lors d'une
conférence en 1972, avait retenu l'accessibilité comme critère universel de la
qualité de l'environnement, a confirmé en 2006 dans une convention
internationale sur les droits des personnes handicapées l'aspect environnemental
du handicap.
Michaël Couybes
3. L'influence européenne
Depuis une dizaine d'années, les avancées européennes en matière
d'accessibilité ont nettement influencé une France en retard sur la question.
L'accessibilité, au même titre que le concept de non-discrimination, au sens
“d'éliminer toutes les barrières qui dans l'environnement empêchent les
personnes handicapées d'agir”, est un principe d'inspiration européenne. La
Commission européenne a édité en 1993 un rapport sur les mesures à prendre
dans la Communauté en matière d'accessibilité des transports pour les personnes
à mobilité réduite, suivi en 1994 d'un Livre blanc sur l'intégration sociale et
l'autonomie des personnes handicapées, puis en 1996, d'un guide européen des
bonnes pratiques pour l'égalité des chances des personnes handicapées.
Une résolution du Conseil européen du 20 décembre 1996 invite les États
membres à « supprimer les obstacles à la pleine participation des handicapés et
ouvrir tous les aspects de la vie sociale à leur participation ; permettre aux
personnes handicapées de participer pleinement à la vie en société en éliminant
les obstacles à leur égard… » Le traité d'Amsterdam, ratifié un an plus tard, fait
explicitement référence au thème de la non-discrimination, ainsi que le fera la
Charte des droits fondamentaux.
Directives et règlements dans les transports
Mais il faudra attendre une dizaine d'années de réflexion pour arriver en 2001 à
l'adoption de la première directive en matière d'accessibilité d'un moyen de
transport : les représentants des États membres de l'Union européenne ont
adopté en effet une directive qui oblige les constructeurs d'autobus à prévoir
l'accès des personnes à mobilité réduite.
L'actualité législative de l'Europe en matière de handicap est plus que jamais
offensive sur la question de l'accessibilité. Après le succès rencontré par le
règlement européen sur les droits des personnes à mobilité réduite (PMR) dans
le transport aérien en 2006, un règlement équivalent devrait être prochainement
adopté concernant le train et le bateau.
A Bruxelles, le Forum européen des personnes handicapées (EDF-FEPH),
principal lobbyiste européen en matière de handicap, a milité toute cette année
2007, Année européenne pour l'égalité des chances, pour convaincre l'Union
européenne de voter une nouvelle législation spécifique au handicap, mais cette
fois dans tous les domaines de la vie… L'accès à tout, pour tous.
Michaël Couybes
Une notion européenne : les PMR
C'est le Parlement européen, dans une résolution législative préparant une
directive sur l'accessibilité des autobus et des autocars en 2001, qui a donné une
définition précise des personnes à mobilité réduite (PMR) : “toutes les personnes
ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, telles que, par exemple,
les personnes handicapées (y compris les personnes souffrant de handicaps
sensoriels et intellectuels et les personnes en fauteuil roulant), personnes
handicapées des membres, personnes de petite taille, personnes âgées, femmes
enceintes, personnes ayant un caddie et personnes avec enfants (y compris en
poussette)”. La Conférence européenne des ministres des Transports a reconnu
que presque tout le monde voit, un jour ou l'autre, sa mobilité plus ou moins
réduite et qu'une bonne conception des transports revêt un intérêt universel.
Un concept européen : le Design pour tous
L'Institut européen pour le design et le handicap (EIDD : European Institute for
Design and Disability) poursuit, depuis sa création en 1993, le concept de
Design for All : l'amélioration de la qualité de vie pour tous et l'inclusion sociale
en Europe. Depuis 2006, il porte d'ailleurs le nom de “EIDD Design pour tous
Europe”. Les racines du Design pour tous sont ancrées tant dans la primauté
donnée au fonctionnel par les Scandinaves que dans le design ergonomique des
années 1960. La politique de bien-être scandinave s’inscrit aussi dans un
contexte sociopolitique qui a donné naissance en Suède, à la fin des années
1960, au concept d'une société pour tous se référant principalement à
l'accessibilité. L'approche de l'EIDD est essentiellement holistique, c'est-à-dire
basée sur le besoin réel de contribuer à la richesse de la diversité humaine, plutôt
que de se focaliser sur des groupes limités d'utilisateurs. Sa méthodologie repose
sur une approche directe (par exemple la manière dont on accède à un bâtiment,
à un produit ou un système d'information), une analyse de la population
d'utilisateurs, puis une élaboration d'hypothèses de conception ciblées avec une
consultation des utilisateurs. Par cette méthodologie de Design pour tous,
l'EIDD souhaite la réalisation d'une approche de la diversité humaine, de
l'égalité et de l'inclusion sociale sans discontinuité.
EIDD : www.design-for-all.org/
4. L'accessibilité, pierre angulaire de la nouvelle loi
Avec de nouvelles définitions et de nouveaux principes, la loi du 11 février
2005 vise l'accès à tout pour tous.
L'accessibilité, non plus seulement à l'environnement, mais à la société entière,
constitue l'un des trois piliers de la nouvelle loi. Le titre IV qui lui est consacré
recouvre tous les champs de la vie sociale : école, emploi, bâtiments publics,
logement, transports, nouvelles technologies…, et ce quel que soit le type de
handicap : moteur, sensoriel, mental, cognitif, psychique… La loi rend
obligatoire la continuité de l'accessibilité entre le cadre bâti, l'espace public, la
voirie et les transports. Au-delà des dispositions précises qu'elle contient, la loi
affirme les principes plus larges d'accès aux droits fondamentaux de non-
discrimination et d'exercice de la citoyenneté.
Sa définition s'appuie sur les travaux d'un groupe de travail interministériel en
2000, puis 2006 : « L'accessibilité permet l'autonomie et la participation des
personnes ayant un handicap, en réduisant, voire supprimant les discordances
entre les capacités, les besoins et les souhaits d'une part, et les différentes
composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement
d'autre part. L'accessibilité requiert la mise en œuvre des éléments
complémentaires, nécessaires à toute personne en incapacité permanente ou
temporaire pour se déplacer et accéder librement et en sécurité au cadre de vie
ainsi qu'à tous les lieux, services, produits et activités. La société, en s'inscrivant
dans cette démarche d'accessibilité, fait progresser également la qualité de vie
de tous ses membres. » La première définition adoptée en 2000 précisait les
différents usagers concernés : « Cette accessibilité permet l'usage sans
dépendance par toute personne qui, à un moment ou à un autre, éprouve une
gêne du fait d'une incapacité permanente (handicap sensoriel, moteur ou
cognitif, vieillissement…) ou temporaire (grossesse, accident…) ou bien encore
de circonstances extérieures (accompagnement d'enfants en bas âge,
poussettes…). »
La question de l'accessibilité est également au cœur de la nouvelle définition du
handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation
d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son
environnement par une personne en raison d'une altération substantielle,
durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles,
mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé
invalidant. »
La concertation
Tenant compte du principe “rien pour nous sans nous”, la loi du 11 février 2005
place la personne handicapée au centre des dispositifs qui la concernent et fait
ainsi de la concertation le préalable à toute action, en particulier en matière
d'accessibilité. L'article 46 de la loi précise que les communes de plus de 5 000
habitants doivent créer une commission communale pour l'accessibilité
composée d'élus municipaux, d'associations d'usagers et de personnes
handicapées (voir encadré).
La loi a également confirmé le rôle des conseils départementaux consultatifs
des personnes handicapées (CDCPH), créés par la loi de modernisation
sociale de 2002. Ceux-ci associent des représentants des services déconcentrés
de l'État, des collectivités territoriales, des principaux organismes œuvrant en
faveur des personnes handicapées, des associations de personnes handicapées et
de leurs familles et des principales professions de l'action sanitaire et sociale.
Ces conseils se prononcent sur les orientations de la politique du handicap mise
en œuvre dans leur département, formulent des propositions dans tous les
domaines de la vie sociale et assurent la coordination des interventions de tous
les institutionnels ou associations en matière de scolarisation, d'intégration
sociale et professionnelle, d'accessibilité, de logement, de transport, d'accès aux
aides humaines et techniques, aux sports, aux loisirs, au tourisme et à la culture.
Au niveau national, le Conseil national consultatif des personnes handicapées
(CNCPH), créé en 1975, a pour mission d'assurer la participation des personnes
handicapées à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques qui les
concernent. Depuis la loi de 2005, le CNCPH doit obligatoirement être consulté
avant que les décrets d'application ne soient transmis au Conseil d'État.
Michaël Couybes
Article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, traduit
dans l'article L.114 du Code de l'action sociale et des familles.
Les commissions communales pour l'accessibilité (CCA)
L'article 46 de la loi du 11 février 2005 porte création, pour les communes et les
communautés de communes de plus de 5 000 habitants*, de commissions
communales d'accessibilité, présidées par le maire et composées d'élus,
d'associations d'usagers et de personnes handicapées. Ces commissions sont
chargées de dresser un état des lieux de l'accessibilité du cadre bâti existant, de
la voirie, des espaces publics et des transports. Elles doivent également
organiser le recensement de l'offre de logements accessibles aux personnes
handicapées. Enfin, elles sont force de proposition et doivent établir un rapport
annuel présenté en conseil municipal et transmis au préfet, au président du
conseil général, au conseil départemental consultatif des personnes handicapées
(CDCPH), ainsi qu'à tous les responsables des bâtiments, installations et lieux de
travail concernés.
Sur un total de 36 700 communes, 34 500 comptent moins de 5 000 habitants.
Le calendrier de l'accessibilité
Février 2005 : les communes et communautés de communes de plus de 5 000
habitants sont invitées à créer des commissions d'accessibilité.
Octobre 2006 : les locaux où sont implantés les bureaux de vote doivent être
accessibles le jour du scrutin.
Janvier 2007 : application de la loi pour le bâti neuf à compter du dépôt de
permis de construire pour les établissements recevant du public (ERP) et les
logements.
Janvier 2008 : extension pour le logement neuf de l'obligation d'accessibilité aux
terrasses et balcons neufs.
Février 2008 : publication du schéma directeur de mise en accessibilité des
services de transports ; création des services de transports de substitution pour
suppléer les réseaux souterrains de transports ferroviaires ou de transports
guidés qui demeureront inaccessibles.
Janvier 2009 : les ERP devront avoir réalisé un diagnostic budgété
d'accessibilité (de la 1re à la 4e catégorie). Cette échéance a été raccourcie de
deux ans à la demande du gouvernement.
Janvier 2010 : les schémas directeurs et plans de mise en accessibilité doivent
être réalisés dans les communes ; obligation est faite dans les logements neufs
de construire une salle de bains aisément transformable en douche adaptée (avec
siphon de sol).
Janvier 2011 : les services ouverts au public dans les préfectures deviennent
accessibles ; lancement des services de transports de substitution.
Janvier 2015 : date butoir d'adaptation des services de transports terrestres, des
logements et des ERP antérieurs à 2007 qui, sauf exception, seront tous
pleinement accessibles.
5. Les acteurs de l'accessibilité
Au-delà des professionnels et des pouvoirs publics, des personnes
handicapées et de leurs associations, l'accessibilité concerne la société tout
entière.
Le ministère du Travail, des Affaires sociales et de la Solidarité et son
secrétariat d'État à la Solidarité en charge des personnes handicapées sont
chargés de la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits
et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et
notamment du respect des recommandations en matière d'accessibilité.
La délégation interministérielle aux Personnes handicapées. Dirigée par
Patrick Gohet, elle a mis en place une commission du suivi de la loi de février
2005 et dispose d'une chargée de mission Accessibilité en la personne de Soraya
Kompany.
La délégation ministérielle à l'Accessibilité (DMA), au sein du ministère de
l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, qui comprend les
Transports et l’Habitat. Placée sous la responsabilité de Catherine Bachelier
(jusqu'au 31 décembre 2007), la DMA veille au respect des règles
d'accessibilité. Elle anime, coordonne et assure la cohérence et la mise en œuvre
des actions menées en ce domaine.
Le correspondant Accessibilité de la Direction départementale de
l'Equipement (DDE). Chargé d'une mission transversale au niveau
départemental, il connaît la réglementation et les techniques, conseille,
sensibilise et forme les divers acteurs. Il anime une instance de concertation
départementale et reçoit les réclamations.
Les Commissions consultatives départementales de sécurité et
d'accessibilité (CCDSA) statuent sur les dérogations accordées lors de certains
travaux dans des établissements recevant du public (ERP) existants et doivent
émettre un avis conforme. Mais la décision revient au préfet.
Le Comité de liaison pour l'accessibilité du cadre bâti et des transports
(Coliac). Il identifie les freins et les obstacles au droit fondamental à
l'accessibilité et propose des solutions et stratégies en concertation avec tous les
acteurs concernés.
La Maison départementale des personnes handicapées intervient dans le
champ de l'accessibilité en proposant la prise en charge d'aides techniques et/ou
humaines dans le cadre du plan de compensation, par exemple l'adaptation d'un
logement.
Le Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) et ses
comités départementaux (CDCPH), chargés d'assurer la participation des
personnes handicapées, dispose également d'un groupe de travail sur
l'accessibilité…
Michaël Couybes
Les besoins générés par chaque situation de handicap
Handicap auditif
L'accessibilité pour les personnes handicapées auditives se concrétise par le
recours à un moyen de traduction visuelle (interprète en langue des signes
française : LSF, ou codeur en langage parlé complété : LPC) ou écrite
(vélotypie) de toute information orale ou sonore. Pour les malentendants, elle
passe par l'utilisation d'outils techniques, comme la boucle magnétique.
Handicap visuel
Pour les personnes malvoyantes, le contraste dans l'utilisation des couleurs et de
l'intensité de la lumière est important, ainsi que la taille des caractères en ce qui
concerne l’écrit. Les obstacles doivent être visuellement contrastés. Pour les
personnes aveugles, la lecture ou l'accès à l'information est tactile (braille) ou
sonore (logiciels de transcription vocale). Lors de leurs déplacements, les
aménagements podotactiles peuvent leur être utiles.
Handicap mental
Les personnes handicapées mentales ont besoin d'être rassurées par un
environnement accueillant, sans perturbation et avec une qualité acoustique
susceptible d’éviter des troubles de comportement. Une utilisation adaptée de la
signalétique et de la colorimétrie peut leur permettre de mieux comprendre les
risques rencontrés dans la circulation et les déplacements. La possibilité de
s'adresser à des personnes ressources, dans un point d'accueil, par exemple, est
appréciée.
Handicap moteur
Pour les personnes en fauteuil ou non, les dispositions architecturales,
l'aménagement des bâtiments et de l'espace en général sont concernés. La
conception du mobilier, des équipements, des automates, des bornes
d'informations doit prendre en compte leurs difficultés d’accès et d'usage.
D'après une présentation de Soraya Kompany, chargée de mission Accessibilité
à la délégation interministérielle aux Personnes handicapées.
L'accessibilité vue par… Gilbert Montagné
Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Affaires sociales et de la Solidarité, a
confié en septembre dernier une mission à Gilbert Montagné. Ce dernier est
invité à dresser un état des lieux et à aboutir à des propositions concrètes sur les
actions à mener pour mieux prendre en compte les besoins particuliers des
personnes malvoyantes et aveugles dans l’accessibilité des établissements
recevant du public (ERP), mais aussi de l’école, la formation, l’emploi, la
culture, la lecture… Gilbert Montagné doit rendre ses conclusions et
propositions à Xavier Bertrand en cette fin d'année 2007.
6. Rapport Gohet : Suivi de chantiers
Dans son rapport sur la mise en œuvre de la loi de 2005, le délégué interministériel Patrick Gohet préconise d’accompagner la réforme par un suivi des chantiers ouverts, notamment en matière d'accessibilité.Trois ans après la promulgation de la loi de 2005, le délégué interministériel aux
Personnes handicapées, Patrick Gohet, veut « éviter que le soufflé ne retombe ».
Son rapport “sur la mise en oeuvre de la loi sur le handicap et sur le
fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées
(MDPH)”, présenté en août 2007, a justement pour objectif de redynamiser la
réforme. Parmi ses propositions, retenues par le ministre du Travail, des Affaires
sociales et de la Solidarité, Xavier Bertrand, et sa secrétaire d’État chargée des
Personnes handicapées, Valérie Létard, celle portant sur la création d’un groupe
de suivi de la loi s’est concrétisée le 23 octobre par la mise en place d’un
“comité de suivi de la réforme de la politique du handicap” (voir encadré).
Un autre grand chantier occupera le comité de suivi avec la préparation de la
première Conférence nationale du handicap qui se tiendra en mai 2008, juste
après les élections municipales et cantonales du mois de mars. A cette date,
toutes les équipes décisionnelles locales auront été renouvelées. Ce sera
l’occasion de réunir les acteurs publics et privés concernés et d’élaborer un
programme jusqu’à 2015, date à laquelle l’ensemble des réformes prévues par la
loi devront être entrées en application.
Délais raccourcis…
Autre proposition retenue par le ministre et la secrétaire d’État : fixer à la fin de
l’année 2007 la création de la commission communale d’accessibilité prévue
pour toutes les communes de plus de 5 000 habitants. Cette mesure accompagne
la proposition d’avancer au 31 décembre 2008 le diagnostic des conditions
d’accessibilité des établissements existants recevant du public (ERP)
initialement prévu en 2011. Elle doit faire l’objet d’une modification des textes
non encore avalisée à ce jour par les autres ministres.
Alors que les administrations, les collectivités et les entreprises peinent à
appliquer les textes rapidement, ce raccourcissement des échéances répond
à la volonté des personnes handicapées et des associations de voir enfin
l’accessibilité s’améliorer concrètement, comme le leur annonce la loi de
2005. Anne-Isabelle Barthélémy
Comité de suivi de la réforme de la politique du handicap
Ce comité, mis en place le 23 octobre dernier, compte 16 membres parmi
lesquels le sénateur Paul Blanc et le député Jean-François Chossy, rapporteurs
de la loi, mais aussi des représentants des Assemblées des maires de France, des
départements, des régions, du Conseil national consultatif des personnes
handicapées (CNCPH), de l’Action sociale et du Comité d’entente des
associations. Il sera animé par Patrick Gohet et Bernard Cazeau, vice-
président de l’Assemblée des départements de France. Ses membres seront
chargés d’évaluer les difficultés concrètes soulevées par l’application de la loi et
d’accompagner les acteurs de la réforme. Le comité se constitue de six groupes
de travail ayant pour thèmes la scolarisation, l’emploi, la compensation, les
MDPH, les établissements spécialisés et l’accessibilité.
Titre 2 : Accéder à la scolarité
1. Rentrée sous haute surveillance
Fin octobre, le bilan de l'accès à l'école dressé par les associations et le
ministère de l’Éducation nationale était plutôt positif, mais
l’accompagnement humain et le manque de places en services spécialisés
restent les deux sérieux problèmes de cette rentrée 2007-2008 pour les
enfants en situation de handicap.
Selon le ministère de l’Éducation, 155 563 élèves handicapés étaient scolarisés
l’année dernière (111 083 élèves dans le premier degré et 44 480 dans le
second), contre 89 000 en 2002-2003. Ils étaient 38 000 de plus à faire leur
rentrée en septembre 2007, une conséquence de la loi du 11 février 2005 qui
stipule que tous les enfants doivent être intégrés en milieu ordinaire avant de se
tourner éventuellement vers d’autres formes de scolarisation. Pour faire face à
cette situation, Xavier Darcos a annoncé en août la création de 2 700 postes
d’auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i), qui s’ajoutent aux 4 827 AVS-i
en fonction au 30 juin 2007 (le nombre des AVS collectifs – 1 626 – reste
inchangé). De plus, 1 250 places de services d'éducation spéciale et de soins à
domicile (Sessad) ont été ouvertes ainsi que 200 unités pédagogiques
d'intégration (UPI) pour les 12-16 ans, ce qui porte leur nombre à 1 219 cette
année dans les collèges et lycées français (le ministre vise 2 000 UPI en 2010).
Enfin, un groupe de travail a été constitué avec les associations pour définir le
contenu et les modalités de la formation des AVS et des enseignants. Restait à
savoir si ces mesures étaient suffisantes…
(intertitre) Encore 12 000 exclus…Deux mois après la rentrée, pour se faire une idée de la situation, nous avons consulté le bilan des veilles téléphoniques mises en place à l’occasion de la rentrée par l’Association des paralysés de France (APF), l’Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) et, pour la première fois, le ministère de l’Éducation nationale. Chacun proposait aux parents d’élèves handicapés de rendre compte, via un numéro Azur, des difficultés rencontrées en septembre. Selon les associations, « les choses vont plutôt dans le bon sens, mais il reste des dysfonctionnements importants ». Ainsi, « près de 12 000 enfants sont encore exclus du système éducatif », rapporte Didier Arnal, directeur général de l’Apajh. Sans compter des
dizaines d’autres enfants scolarisés de manière insatisfaisante. Pour le ministère de l’Éducation, qui a ouvert un millier de dossiers depuis fin août, 94 % des cas sont résolus. Mais Jean-Christophe Parisot, délégué ministériel à l'Emploi et à l'Insertion des personnes handicapées, reconnaît qu’il reste des points à améliorer, en particulier un maillage plus précis du territoire français en termes de solutions d’intégration et une meilleure réactivité de tous les acteurs.Un des premiers motifs d’appel des parents, toutes lignes téléphoniques confondues, concerne les auxiliaires de vie scolaire. Malgré les annonces ministérielles, l’APF et l’Apajh rapportent que les AVS promis n’étaient pas tous formés ni même tous recrutés à la rentrée. « Les académies n’ont fait remonter les besoins de la rentrée 2007 que fin juillet », se défend le ministère. « En septembre, il a également fallu remplacer un certain nombre de personnes qui n’avaient pas réalisé ce que c’était que de s’occuper d’un enfant handicapé au quotidien. » Du coup, des élèves ont raté leur rentrée car certaines écoles et certains professeurs ne voulaient pas les accepter sans AVS. A la Toussaint, il semble que la plupart des postes soient occupés, mais pour l’APF, « le pool de remplaçants reste très insuffisant au vu du “turn-over” important de ce personnel. » L’autre grande préoccupation des parents est le nombre d’heures d’AVS attribué à leur enfant. Il arrive en effet que l’estimation de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (Cdaph) soit insuffisante, ou qu’une académie attribue à l’enfant moins d’heures d’AVS que prévu par la CDA, voire pas d’heures du tout. « Au final, une cascade de conséquences négatives : fatigue de l’enfant, baisse du niveau scolaire, privation de cantine, problèmes de garde pour les parents, rancœur, sentiment de mise à l’écart... », énumère l’APF. Mais tous s’accordent à dire que « les situations sont délicates. Les parents manquent parfois d’objectivité et d’information, et les académies ont du mal à recruter des AVS car le statut de ces derniers reste précaire ».
Les A V S au cœur de l’accessibilité scolaire
L’Apajh et l’APF rapportent de sérieux manques dans la formation des AVS. « Certains ont même démarré sans aucune formation, faute de temps. » Désireux d’améliorer la situation, le ministre de l’Éducation Xavier Darcos a signé le 17 septembre dernier une convention pour la formation des AVS (voir article page 24-25). De son côté, pour améliorer la formation des enseignants, l’APF propose de créer et/ou renforcer la collaboration entre les enseignants non spécialisés et spécialisés. Mais elle constate une résistance des deux côtés… « Chacun a tendance à vouloir la compétence exclusive, commente Jean-Christophe Parisot, mais la réussite de l’intégration passe pourtant par une cogestion de la scolarité des enfants. Et c’est un grand bouleversement des habitudes. » Pour la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), ce sont les formations continue et initiale qui doivent être renforcées.Les associations désignent également l’existence de problèmes avec les Maisons
départementales des personnes handicapées (MDPH) : commission non réunie
avant la rentrée car le personnel était débordé, donc projet personnel de
scolarisation (PPS) des élèves handicapés et présence d’un AVS non assurés ou
non mis à jour… Il en résulte des temps de scolarisation trop partiels et des
accompagnements inadaptés. « Beaucoup de problèmes peuvent encore être mis
sur le compte du démarrage des MDPH, mais l’année prochaine, il n’y aura
plus cette excuse ! » prévient-on à l’APF.
Depuis 2006, tout élève handicapé doit avoir un enseignant référent qui le suivra
tout au long de son parcours scolaire. A la rentrée 2007, le nombre
d’enseignants référents est passé de 1 100 à près de 1 200, mais les témoignages
rapportent qu’ils sont encore souvent injoignables, car débordés ou sous-équipés
(en particulier, leur budget transport et téléphone est largement insuffisant).
« Dans une enquête faite en 2006, il apparaît que des enseignant référents ont
parfois jusqu’à 400 enfants en charge ! Bien sûr, il faut distinguer les dossiers à
mettre en route et ceux dont il faut juste assurer le suivi. Mais cela reste
énorme », déclare Françoise Mougin, de la FCPE.
Accès restreint au spécialisé
Malgré les mesures prises cet été, tous constatent encore un manque de
place dans les centres et services spécialisés, notamment les instituts
médico-éducatifs (IME) et les instituts d’éducation motrice (IEM) ), l’école
ordinaire ne convenant pas pour tous, toute la journée. Résultat : des
problèmes de garde pour les parents, des conflits d’emplois du temps et de
remboursement des transports liés à l’éloignement géographique… D’autre
part, pour la FCPE, la création de 200 UPI reste insuffisante, car beaucoup
d’enfants ont encore dû redoubler leur classe d’intégration scolaire (CLIS)
cette année faute de place au collège.
Les problèmes relevés par les uns et les autres étaient déjà soulevés par le rapport de Paul Blanc pour la Commission des affaires sociales (rapport du Sénat n° 359 de juillet 2007). Pour Michel Salines, vice-président de l’Apajh chargé de l’éducation, « on jugera des bienfaits de la loi de 2005 d’ici cinq ans ». En attendant, à la rentrée 2008 il n’y aura pas d’échéance électorale et les MDPH seront mieux rodées. On ne peut donc que mieux faire…
Gaëlle Desportes
Les plateformes téléphoniques
Le 27 août, un numéro Azur “Aide Handicap École” a été mis en place par le
ministère de l’Éducation nationale : le 0810 55 55 00. Fin octobre, il comptait
plus de 3 000 appels, dont un millier ayant donné lieu à l’ouverture d’un dossier.
L’équipe : 30 conseillers spécialisés et cadres juridiques du ministère, basés rue
Duteau dans le 15e arrondissement. Son objectif : augmenter la réactivité du
système et débloquer des situations difficiles. Le numéro Azur est accessible de
8 heures à 18 heures, du lundi au vendredi. Il vient d’être prolongé jusqu’à la fin
de l’année scolaire.
Le 01 45 80 17 17 de l'Association des paralysés de France (APF) est
accessible du lundi au vendredi de 10 h à 18 h jusqu’à fin décembre. La veille
téléphonique est assurée par des parents bénévoles, dont certains viennent pour
la troisième année consécutive. Ils ont été formés par l’association sur les
questions juridiques et les arcanes du système éducatif. Leur plus : une
expérience personnelle de la question et une écoute spécifique. Le ministère de
l’Éducation s’est inspiré de cette plateforme pour créer la sienne. Aujourd’hui,
les deux lignes fonctionnent en partenariat, l’APF transmettant chaque jour ses
données au ministère.
Pour la quatrième année consécutive, le service Handicap Assistance de la
Fédération Apajh proposait une permanence “Rentrée scolaire” destinée à
recueillir les témoignages des familles jusqu’à Noël. Accessible au 01 55 39 56
00 tous les jours de 9 h 30 à 16 h, Handicap Assistance témoigne que certains
parents se sont tournés vers elle car ils n’étaient pas satisfaits de l’Aide
Handicap École du ministère, qui les renvoyait systématiquement sur le
rectorat… Avec l’APF et le gouvernement, les parents ont cependant formé un
comité d’entente pour exploiter les données recueillies.
2. Accéder à la scolarité et aux études supérieures
Quelle aide pour les jeunes handicapés ?
L'intégration des élèves et étudiants handicapés doit être facilitée par la mise en
place d'équipes spécifiques et, a priori, formées :
- l'équipe pluridisciplinaire de la Maison départementale des personnes
handicapées (MDPH) élabore, à la demande de la famille, le projet personnalisé
de scolarisation (PPS) en tenant compte des souhaits, dispositions et besoins de
l'élève ;
- des équipes de suivi de scolarisation, dans chaque département, regroupent
l'ensemble des acteurs qui concourent à la mise en œuvre du projet personnalisé
de scolarisation ;
- un enseignant référent assure, sur l'ensemble du parcours de formation, la
permanence des relations avec l'élève et les parents.
- les auxiliaires de vie scolaire facilitent l'accueil et l'intégration des enfants dans
leur classe ;
- dans les universités, un correspondant handicap accueille les étudiants
handicapés.
Ce que dit la loi
La loi reconnaît à tout enfant ou adolescent handicapé le droit d'être inscrit
en milieu ordinaire dans l'école la plus proche de son domicile, nommée
l'établissement de référence. Si l'élève a besoin d'un dispositif qui n'existe pas
dans son établissement de référence, il peut être orienté vers une autre école ou
établissement scolaire en milieu ordinaire ou spécialisé. Mais il doit rester inscrit
dans son établissement de référence, qui devra proposer cette solution avec
l'accord des parents. Dans ce cas, les éventuels surcoûts dus au transport sont à
la charge de la collectivité locale de résidence (mairie pour les écoles primaires,
conseil général pour les collèges et conseil régional pour les lycées). Dans le cas
contraire, les frais de transport individuel des élèves handicapés vers les
établissements scolaires rendus nécessaires du fait de leur handicap sont
supportés par l'Etat.
Parallèlement, elle affirme la continuité du parcours éducatif de l'élève au
moyen du projet personnalisé de scolarisation (PPS) qui définit les modalités
de déroulement de sa scolarité. Dans le cas des élèves sourds ou malentendants,
par exemple, ce PPS devrait permettre de mettre en pratique ce que la loi dite
Fabius avait autorisé en théorie en 1991 : le choix d'une communication bilingue
(langue des signes/français).
Accéder au contenu
Accéder aux concours et examens
Afin d'assurer l'égalité des chances aux concours et examens, la loi donne une
base légale aux aménagements pouvant être réalisés, sur avis d'un médecin
désigné par la Commission départementale pour l'autonomie des personnes
handicapées (CDAPH) : adaptation des conditions de déroulement, présence
d'un assistant, majoration du temps imparti, étalement des épreuves sur plusieurs
sessions…
Accéder aux manuels scolaires
En France, aucun service public n'assure la transcription et la traduction des
manuels scolaires en braille, hormis certains établissements spécialisés qui ne le
font que pour leur propre usage. Une association française, “Le Livre de
l'aveugle”, s'est spécialisée dans cette adaptation des ouvrages scolaires, du
cours préparatoire à la terminale, certains concernant même les études
universitaires, soit plus de 400 ouvrages référencés. Les commandes de ces
manuels se font sur le site Internet de l'association à l'adresse :
www.lelivredelaveugle.fr. Elles proviennent pour les deux tiers d'institutions
spécialisées dans l'enseignement des jeunes aveugles, dont les factures sont
parfois prises en charge par les rectorats d'académie. Le tiers restant concerne
des particuliers dont les enfants sont scolarisés dans les classes ordinaires
d'établissements publics ou privés, ainsi que des professeurs aveugles et des
parents aveugles souhaitant suivre les études de leur enfant voyant.
3. L'accessibilité aux crèches et aux nounous
L’accès à un mode de garde collectif ou individuel est un problème pour
tous les parents d’enfants de la naissance à trois ans, car les places sont en
nombre très insuffisant. Dans ce contexte, qu’en est-il de la garde des
enfants en situation de handicap ?
Depuis le décret d'août 2000, l'accueil des enfants porteurs de handicap ou atteints de maladie chronique est considéré comme une mission des structures d'accueil de la petite enfance : crèches, haltes-garderies, jardins d’enfants et structures multi-accueil. La loi du 11 février 2005 n’a rien précisé, outre la mise en conformité du bâti. Aujourd’hui, toutes ces structures sont, théoriquement, en mesure de recevoir des enfants handicapés, porteurs d’une maladie chronique ou ayant un traitement médicalisé.Les parents qui souhaitent mettre leur enfant handicapé à la crèche en font la
demande auprès du service Petite enfance des mairies, comme pour n’importe
quel enfant. Les commissions qui décident de l’attribution des places se tiennent
plusieurs fois par an. Elles tiennent compte de plusieurs facteurs de priorité,
parmi lesquels le handicap de l'enfant. Mais force est de constater qu’« une
majorité de gens se retranchent derrière le manque de formation pour ne pas
prendre en charge un enfant handicapé. Ils invoquent des prétextes, ne veulent
pas se remettre en cause, disent avoir peur de mal faire », explique Anneke
Dirson, responsable d’Handi’crèche, structure ayant un projet spécifique
d’accueil d’enfants handicapés. Au point que certains parents cachent le
handicap de leur enfant au moment de l’inscription, de peur de ne pas avoir de
place…
Les structures d’accueil de la petite enfance doivent répondre aux mêmes
critères d’accessibilité que tout établissement recevant du public, que ce soit à
l’intérieur ou à l’extérieur. Le décret du 17 mai 2006 relatif au Code de la
construction en définit les nouvelles modalités. S’agissant d’un public de tout-
petits, les locaux se voient imposer des contraintes de sécurité très strictes
concernant leur aménagement et le choix du matériel. Dans le cadre des contrats
Enfance et jeunesse mis en place en juillet 2006 entre chaque ville et sa Caisse
d’allocations familiales (CAF), une aide financière est apportée aux
établissements associatifs qui réservent un tiers de leurs places aux enfants
handicapés. Cette aide leur permet notamment d’avoir un personnel renforcé, en
nombre et en qualification, pour faciliter l’accueil des enfants handicapés.
Quand l’accueil d’enfants handicapés ne figure pas au projet de l’établissement,
les grandes associations proposent des modules de formation spécifique sur tout
le territoire pour aider les professionnels concernés à faire face. Les mairies des
grandes agglomérations en organisent aussi.
L’accès d’un enfant handicapé aux structures d’accueil petite enfance s’inscrit
dans la problématique générale de la garde d’enfant en France. Au même titre
que le logement, ce domaine ne répond pas aux besoins, malgré l’augmentation
régulière du nombre de places ces dernières années. Les parents dont l’enfant
handicapé n’a pas eu de place en crèche restent sans recours, car un gouffre
existe entre l’offre et la demande pour tous les enfants. A l’heure actuelle, les
modes de garde organisés par la collectivité ne couvrent qu’un tiers des
besoins... Le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des
conditions de vie) a établi que 41 % des mères qui souhaitent mettre leur enfant
à la crèche se heurtent à l’impossibilité de les y inscrire. Il n’existe pas de
chiffres, mais on peut facilement imaginer que le pourcentage de mamans
d’enfants handicapés dans ce cas est encore plus important.
« Si ce bébé est accepté à la crèche, si cet enfant est accepté à
la maternelle, cet homme sera peut-être accepté à l'atelier et
trouvera sa place dans la société. »
Janine Lévy, in Le Bébé avec un handicap, Seuil, 1991.
Des handi’crèches
Malgré tout, de plus en plus de crèches “classiques” se lancent dans l’aventure et
acceptent un ou plusieurs enfants différents. Lors d’une enquête réalisée le 16
mai 2002 par la Protection maternelle et infantile (PMI) dans tous les
établissements de petite enfance municipaux et associatifs de Paris, il apparaît
que 80 % des établissements ayant participé à l’enquête accueillaient au moins
un enfant en difficulté, alors qu’ils n’étaient que 64 % en 1998, dont une
majorité en crèche collective (51 %). « Chaque fois, il importe qu’il y ait un
réseau, un comité de suivi, des réunions de bilan avec les professionnels de
l’enfance handicapée qui s’occupent de cet enfant. L’équipe de la crèche va
ainsi se former sur le tas, au fur et à mesure des enfants qui arrivent. Les
cahiers de liaison avec les parents seront ici très importants », observe Anneke
Dirson. Les quatre Handi’crèches qu’elle dirige se distinguent non seulement
par la présence d’enfants handicapés, mais également par l’emploi de
travailleurs handicapés en partenariat avec l’association Vivre. Comme
Handi’crèche, plusieurs structures en France comptent jusqu’à un tiers d’enfants
différents dans leurs effectifs*. Leur intégration nécessite souvent la mise en
place, avec l’équipe de la structure de garde, les parents et les médecins, d’un
protocole d'accord concernant les soins indispensables, intitulé “Projet d'accueil
individualisé”.
Les parents qui n’ont pas obtenu de place en crèche pour leur enfant se tournent
souvent vers les assistantes maternelles. Ces professionnelles gardent les enfants
à leur propre domicile et peuvent en accueillir plusieurs, dont les leurs (mais
jamais plus de trois enfants de moins de 3 ans). Elles sont agréées par le service
de PMI du conseil général, qui effectue ensuite des visites de contrôle pour
vérifier qu’elles présentent toujours des conditions propres à assurer le
développement physique, intellectuel et affectif des enfants. Elles ne sont pas
forcément spécialisées, ni sensibilisées au monde du handicap, mais rien ne les
empêche de s’occuper d’un enfant porteur de handicap, qui est avant tout un
enfant. Rien ne les y oblige non plus… Comme pour n’importe quel enfant, la
seule règle qui compte ici, c’est que parents et assistante maternelle se
conviennent mutuellement.
Nounous pas formées, mais parfois mieux payées…
Les assistantes maternelles employées par des particuliers disposent d’une
formation de 120 heures dans les six mois qui suivent leur agrément, mais ces
moments n’abordent généralement pas l’accueil d’un enfant différent, en
particulier sur le plan de la santé et de la sécurité (que faire en cas de
convulsions, de troubles de la déglutition, etc.). Le plus souvent, ce sont les
parents eux-mêmes qui donnent les informations concernant le handicap et les
soins à donner. Des associations (Une souris verte, réseau Lucioles, association
ARPPE …) assurent également des formations spécifiques. Enfin, les assistantes
peuvent se tourner vers les Relais d'Assistantes Maternelles (RAM).
En cas de garde d'enfants handicapés, malades ou inadaptés, l’assistante
maternelle a droit à une majoration de salaire. Une différence justifiée par
l’investissement plus important de leur part (adaptation, formation). Mais ce
n’est pas une généralité, tout dépend souvent du type de handicap de l’enfant, de
ses contraintes et de ses besoins spécifiques. Ce surcoût sera pris en compte par
la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées
(CDAPH) et la Caisse d'allocations familiales (CAF) au moment de l’attribution
des aides financières (voir encadré).
Gaëlle Desportes
Trotte-Lapins, Le Chalet, Ram’Dam, La Maison Dagobert, L'école Gulliver, La
Caverne d'Ali Baba ou Le Petit Prince Lumière à Paris, Une souris verte à
Lyon, La Maison des Poupies à Nantes…
Des aides financières pour les parents
L’accès à un mode de garde pour un enfant, quel qu’il soit, a aussi un aspect
financier. Même si les CAF versent aux parents une Prestation d’accueil du
jeune enfant (Paje) qui regroupe les principales aides directes, il peut être plus
intéressant pour les parents d’enfants handicapés de bénéficier de l’Allocation
d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Cette dernière dépend du taux
d'incapacité de l'enfant : au moins 80 %, ou entre 50 % et 80 % s'il fréquente un
établissement spécialisé ou si son état exige le recours à un service d'éducation
spéciale ou de soins à domicile. Ce taux est apprécié par la CDAPH, qui se
prononce ensuite sur l'attribution de l'allocation, les compléments, la majoration
pour parent isolé et la durée de versement, en prenant en compte le coût du
handicap de l'enfant, la cessation ou la réduction d'activité professionnelle de
l'un des deux parents ou l'embauche d'une tierce personne rémunérée (l’AEEH
de base est de 119,72 euros, auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à 999,83 euros de
complément, et la majoration de parent isolé s’élève à 400,31 euros mensuels).
4. Une charte pour les étudiants handicapés
Le 5 septembre, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la
Recherche, le ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité
et la Conférence des présidents d'université ont signé la charte
Université/handicap qui a pour but d'améliorer l'accès à l'université des
étudiants handicapés. Décryptage.
Dans la droite ligne de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la charte
Université/handicap a pour objectif de favoriser l'intégration et la réussite des
étudiants handicapés. Comment ? En prévoyant la création, dans chaque
établissement, d'une structure d'accueil et d'accompagnement des étudiants
handicapés, clairement identifiée au sein de l'université et dotée d'un personnel
spécifiquement formé. De même, la charte prévoit de suivre l'étudiant handicapé
dans son désir de formation, en lui permettant de réaliser un bilan de ses acquis
fonctionnels quiprend en compte le cursus envisagé à l'entrée de l'enseignement
supérieur”. L'université s'engage aussi à “mettre en œuvre le projet de formation
avec l'étudiant” ainsi que “les moyens nécessaire à sa réalisation”. La charte est
signée pour une durée de deux ans et est reconductible tacitement pour deux ans
supplémentaires.
Mais avant la signature de la charte, où en étaient les universités concernant
l'accueil et le suivi des étudiants handicapés ? Le travail à accomplir pour la
respecter est-il considérable ou s'agit-il de simples ajustements ? En 2006-2007,
on dénombrait 9 000 étudiants handicapés en France, selon les chiffres publiés
par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Quelle est donc
la situation de ces étudiants face aux études ?
Des différences de points de vue
Une enquête réalisée lors du colloque “Changer notre regard sur le handicap à
l'université”, organisé le 6 octobre 2006 par la Mutuelle des étudiants (LMDE),
a eu la bonne idée de confronter les regards sur ce sujet, en interrogeant les
responsables d'université et les usagers handicapés de celle-ci. Bilan : les
perceptions divergent souvent et les étudiants handicapés ne sont pas toujours au
courant des différentes aides mises à leur disposition. On y apprend notamment
que “les aides pédagogiques proposées aux étudiants handicapés, ne sont pas
toujours utilisées ou connues d’eux”. C'est le cas du soutien pédagogique,
proposé par 77,2 % des universités ayant participé à l'enquête, mais connu ou
utilisé par seulement 31,3 % des étudiants handicapés, ou de l'aide à la recherche
documentaire (68,4 % des universités la proposent, 28,5 % des étudiants le
savent). Autre enseignement de cette enquête à mettre en parallèle avec la toute
nouvelle charte Université/handicap : “97 % des participants universitaires
déclarent qu’il existe un dispositif spécifique pour l’accueil des étudiants en
situation de handicap. 72 % des étudiants répondant à l’enquête affirment qu’il
existe dans leur établissement un dispositif spécifique pour l’accueil des
étudiants en situation de handicap, 7 % déclarent qu’il n’en n’existe pas et 1
étudiant en situation de handicap sur 5 déclare ne pas savoir s’il en existe un”.
La nouvelle charte devrait, par l'engagement conjoint des universités et des
pouvoirs publics, rendre la situation plus limpide pour tous.
Un bon début
« Le ministère va loin dans la charte », estime Claire Magimel, sociologue et
auteur d'une thèse sur “La place du handicap et des étudiants handicapés à
l'université”. « En effet, il ne faut pas oublier qu'en France, l'université est
autonome. » L'État ne peut donc pas imposer ses choix aux établissements.
D'autant plus qu'« une charte n'a pas force de loi ». Il s'agit d'un ensemble
d'engagements et de souhaits établi entre les parties, mais en aucun cas d'une
obligation légale, sauf si l'on se réfère à la loi du 11 février 2005. « C'est la
première fois qu'on en parle, poursuit Claire Magimel. Lorsque la loi de 1975
est parue, on dénombrait seulement 600 étudiants handicapés, c'était un
épiphénomène. Depuis 1981, il y a des formulaires qui incitent à un meilleur
accueil des étudiants handicapés dans les universités. La circulaire de 1981
préconise qu'une “personne particulière, motivée, se charge de l'accueil des
personnes handicapées”. En 1984, une autre circulaire évoque l'accessibilité
des bâtiments et la nécessité d'informer et de guider les étudiants handicapés
dans les choix de leurs études. Aucune de ces circulaires n'avait force de loi. »
Mais si les circulaires n'étaient que des incitations à mieux faire, la charte, elle,
invite les intéressés à s'engager à prendre véritablement des mesures concrètes
pour faire évoluer les choses. « La charte correspond à ce que j'ai défini dans
ma thèse, au centre de laquelle se trouvait une structure d'accueil spécifique
avec des missions multiples (les mêmes que l'université). Cela dit, il y a des
points à éclaircir : on n'a aucune donnée sur les moyens humains ; le lieu de la
structure d'accueil n'est pas défini, il faut espérer que cela n'oblige pas à faire
un détour par exemple. En fait, le mieux serait que les universités se mettent
d'accord" souligne encore Claire Magimel. Enfin, la sociologue pose une
question plus vaste, celle du rôle de l'université dans notre société, pour tous les
étudiants : « La nouveauté de la charte, c'est aussi l'insertion professionnelle.
Mais cette question est liée à celle de l'université face à l'emploi. Est-ce que tout
étudiant handicapé a vocation à s'insérer ? Plus généralement, l'université est-
elle obligatoirement un passage vers l'emploi ou peut-elle se contenter d'être un
lieu de savoir ? » La question reste posée… « C'est dans quatre ans qu'il faudra
faire un bilan. La charte est certes une bonne initiative, mais il est trop tôt pour
savoir comment tout cela va être mis en place ». Rendez-vous en 2011 !
Cécile Blanchard
Les chiffres 2006-2007 sur le handicap à l'université
(Chiffres fournis par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.)
9 000 étudiants handicapés, soit une progression de 840 étudiants handicapés
supplémentaires en une année
15,3 % des étudiants sont déficients visuels
22 % sont atteints d'un handicap moteur
15,8 % ont des “troubles de santé” et 11 % des “troubles psy”
11,25 % sont déficients auditifs
8 % sont atteint de dyslexie
Université, l'état des lieux de l'accessibilité
Selon l'enquête menée par la Mutuelle des étudiants en octobre 2006,
86,2 % des étudiants en fauteuil déclarent que les amphithéâtres sont
accessibles, ainsi que les bibliothèques (89,2 %). En revanche, les couloirs et les
halls de circulation sont les parties les moins accessibles pour les étudiants ayant
un handicap moteur. 90,3 % des étudiants ayant un handicap visuel considèrent
que les amphithéâtres sont accessibles, ainsi que les bibliothèques (84,7 %). Il
en va de même pour les étudiants ayant un handicap auditif : ils sont 90,5 % à
dire que les amphithéâtres et les bibliothèques sont accessibles. Les lieux les
moins accessibles pour les étudiants ayant un handicap visuel sont les
installations sportives. C'est la Maison des étudiants qui s'avère la moins
accessible pour les étudiants ayant un handicap auditif.
64 % des universités et 320 étudiants en situation de handicap ont participé à
l’enquête réalisée par la LMDE.
5. Petits pas des grandes écoles
Si des efforts d’accessibilité sont réalisés au niveau des universités, les
grandes écoles restent peu fréquentées par les étudiants handicapés.
L’action d’Handimanagement sert souvent d’amorce à une réflexion sur
l’accessibilité aux études supérieures.
C’est le paradoxe de la poule et de l’œuf. D’un côté, des grandes écoles, comme
Centrale Paris, Telecom Paris, HEC, l’Insa de Lyon…, peu préparées à l’accueil
d’étudiants handicapés ; de l’autre, des chefs d’entreprise frileux quant à
l’embauche de personnel handicapé. Qui est un frein à qui ?
Selon le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche, on dénombrait 8 411 étudiants handicapés en 2005-2006. Et
seulement 291 dans les grandes écoles.
Des associations étudiantes, soutenues par la Conférence des grandes écoles, qui
regroupe une centaine d’écoles, sont particulièrement actives dans le combat
pour l’intégration des personnes handicapées. En juin 2006, des étudiants de
l’École centrale de Paris, conseillés par la Fédération des Apajh (Association
pour les adultes et les jeunes handicapés), ont rédigé la charte “Grandes écoles et
handicap”.
Déjà, au sein des établissements, des travaux sont effectués pour améliorer
l’accessibilité des locaux. L’Insa (Institut national des sciences appliquées) de
Lyon est particulièrement engagé dans cette dynamique. Le directeur adjoint,
Louis Flamand, énumère les aménagements entrepris : « Des claviers
d’ordinateur en braille, des amphithéâtres munis de boucles magnétiques, un
système d’accessibilité pour les personnes en fauteuil ». De plus, les salles de
restauration ont été aménagées, ainsi que des hébergements. Malgré cette
politique résolue, l’Insa ne compte que 12 étudiants handicapés sur 4 200
étudiants.
Sensibiliser les étudiants
Depuis 2005, l’action d’Handimangement, qui œuvre pour la sensibilisation des
futurs managers à l’embauche de personnel handicapé, s’amplifie. Par le biais de
l’insertion professionnelle, les étudiants abordent ainsi le problème de
l’accessibilité dans leurs propres écoles.
Dans ce cadre, des écoles ont mené des campagnes d’action qui ont souvent mis
l’accent sur un problème d'accessibilité des installations et des cours. L’École
supérieure de commerce de Rouen, par exemple, lors d’une “journée de
combat”, a placé ses élèves en situation de handicap. Les professeurs parlaient à
voix basse, déréglaient les rétroprojecteurs et demandaient à leurs étudiants
droitiers d’écrire de la main gauche. De son côté, l’association Handizgoud de
l’Insa de Lyon a organisé une semaine de sensibilisation. « Des ateliers
démystification ont réuni 200 personnes, des compétitions handisport
remplaçaient les cours d’éducation physique, 150 personnes ont assisté au
spectacle du mime sourd Joël Chalude, des conférences ont été organisées, ainsi
qu’un dîner dans le noir avec 80 participants », rapporte François Authier,
responsable de l’association, lui-même sourd.
Ces événements mettent en exergue les problèmes liés à l’accessibilité et
démontrent qu’il est possible, malgré un handicap, de suivre des études
supérieures dans les grandes écoles.
Sarah Lachise
Handimanagement : 01 30 71 26 64.
www.companieros.com/handimanagement
Voir aussi ÊTRE Handicap Information, n° 88, mars-avril 2007.
Titre 3 : Accéder à l’emploi
1. Introduction : Accéder à l'emploi
Quid du décret d'accessibilité des lieux de travail ?
Plus de deux ans et demi après l'adoption de la loi de février 2005, le décret sur
l'accessibilité des locaux professionnels n'a toujours pas été publié. Une
première version a été présentée, en début d'année, au Conseil national
consultatif des personnes handicapées (CNCPH) qui a émis un avis négatif,
jugeant le texte insuffisamment contraignant. En effet, seules les entreprises de
200 salariés et plus (soit moins de 0,5 % des entreprises) auraient été concernées
par l'obligation de mise en accessibilité des locaux de travail. Celles employant
entre 20 et 199 personnes (4,5 %) auraient été simplement tenues de mettre aux
normes un étage ; quant aux plus petites (95 %), elles auraient été exemptées de
toute obligation. Inadmissible pour les associations membres du CNCPH et en
particulier pour l'APF, qui a sorti en octobre dernier son carton rouge : « Si le
gouvernement souhaite faire baisser le taux de chômage des personnes
handicapées, il faut qu'il commence par rendre les locaux accessibles. » Depuis,
le ministère du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité planche sur un
nouveau projet de décret qu'il s'est engagé à publier d'ici à la fin de l'année.
Ce que dit la loi
La loi de 2005 maintient le taux d'emploi de personnes handicapées de 6 %
demandé aux entreprises ayant 20 salariés et plus, mais elle augmente le
montant de la contribution financière à l'Agefiph pour les entreprises privées qui
ne se sont pas engagées dans une action en faveur de l'emploi des travailleurs
handicapés. Cette contribution devient obligatoire dans toutes les
administrations publiques qui ne respecteraient pas l'obligation d'emploi et
alimente le Fonds d'insertion professionnelle des travailleurs handicapés de la
fonction publique (FIPHFP).
La loi traduit le principe de non-discrimination à l'embauche par l'obligation
pour l'employeur de prendre des mesures appropriées et impose l'obligation de
négocier chaque année avec les partenaires sociaux sur les mesures relatives à
l'emploi des personnes handicapées et à leur maintien dans l'emploi. Elle
considère qu'il appartient à l'entreprise de rétablir l'égalité entre le salarié
ordinaire et le salarié handicapé, en compensant le handicap de ce dernier
lorsque cela est raisonnablement possible par des aménagements, des aides
techniques ou humaines.
Accompagnement personnalisé
Afin de permettre une meilleure insertion des personnes handicapées sur le
marché du travail et de consolider leur parcours professionnel, les pouvoirs
publics ont mis en place à leur intention une démarche active d'insertion. Celle-
ci va du bilan de compétences à l'accompagnement personnalisé dans la
recherche d'emploi et l'adaptation au poste de travail. Ce dispositif est en cours
d'expérimentation auprès de 4 000 bénéficiaires de l'allocation aux adultes
handicapés (AAH). Un bilan sera réalisé début 2008 pour décider de l'extension
de ce dispositif à l'ensemble des demandeurs d'emploi et travailleurs handicapés.
2. Les aides à l'accessibilité de l'Agefiph
L'Agefiph apporte des clés pour “ouvrir l'emploi aux personnes
handicapées”, comme l'indique sa nouvelle signature.
Les questions d'accessibilité constituent souvent un frein à l'embauche des
personnes handicapées. Pour lever cet obstacle, l'Agefiph s'apprête à
expérimenter un nouveau dispositif d'aide destiné aux entreprises de 20 à 100
salariés employant déjà des personnes handicapées. Objectif du projet : parvenir
à une accessibilité totale de l'entreprise.
En attendant, l'Agefiph propose des aides pour compenser le handicap de la
personne en aménageant son poste, son outil de travail ou en adaptant
l'organisation du travail. L'Agefiph fait cependant observer que « recruter un
travailleur handicapé ne rime pas nécessairement avec poste aménagé ». En
effet, parmi ses entreprises partenaires, elle a constaté que seulement 15 % des
cas d'embauche de personnes handicapées avaient conduit à un aménagement
technique de l'espace de travail.
En 2006, l'Agefiph a réalisé plus de 231 000 actions en faveur des personnes
handicapées et versé 60 000 aides directes aux entreprises. Ces aides se
répartissent en 128 800 aides à la formation, 79 900 aides à l'insertion et au
maintien dans l'emploi et 22 500 aides spécifiques visant à compenser le
handicap.
Accéder à l'emploi
Parmi ses cinq chantiers prioritaires pour les trois années à venir, l'Agefiph
propose des mesures pour favoriser l'emploi des personnes handicapées. La
prime initiative emploi (PIE), par exemple, s'adresse aux entreprises. Elle est
attribuée aux employeurs embauchant des personnes handicapées pour un
contrat d'une durée minimale d’un mois. 2 500 PIE ont été attribuées en 2006.
Parallèlement, l'Agefiph prévoit d'apporter un service individualisé aux
entreprises n'ayant aucun salarié handicapé, afin de les inciter à réaliser au
moins une action, par exemple le développement de l'accessibilité. En direction
des personnes handicapées, l'Agefiph met en place un Service d'appui au projet
professionnel qui doit leur permettre de bénéficier d'un parcours de découverte
métiers et d'affinement de leur projet professionnel.
Accéder à la formation
Pour mieux répondre aux exigences du marché de l'emploi et au déficit de
formation des personnes handicapées, l'Agefiph avait lancé en 2006 une
opération destinée à répondre aux besoins de préparation à l'emploi, de
formation et de qualification des personnes handicapées (remise à niveau, bilan
de compétences, apprentissage, alternance, validation des acquis et de
l'expérience…) : Handicompétence. Elle s'adresse aux personnes reconnues
travailleurs handicapés et demandeurs d'emploi. Grâce à Handicompétence, le
nombre d'interventions de l'Agefiph au titre de la formation a progressé de 6 %.
L'Agefiph a décidé cette année de renforcer ce dispositif en y intégrant un plan
de mise en accessibilité des organismes de formation avec une enveloppe
budgétaire de 50 millions d'euros sur les 145 millions d'euros consacrés à ce
projet. Le programme sera poursuivi en 2008, 2009 et 2010.
Accéder à une évolution de carrière
Recruter une personne handicapée est une chose. Lui permettre une évolution
dans l'entreprise, identique à celle de ses collègues en est une autre. A partir
d'une réflexion sur la problématique des salariés handicapés vieillissants, les
plus de 50 ans étant surreprésentés parmi les travailleurs handicapés, l'Agefiph a
décidé de mettre en place de nouveaux services d'accompagnement de la vie au
travail. Dès 2008, elle proposera un service clé en main réunissant des
professionnels des ressources humaines, de la santé et de la formation, pour
évaluer la situation du salarié handicapé en cours de carrière. A la suite d'une
phase de diagnostic partagé, un plan d'action sera défini, mobilisant les aides
nécessaires de l'Agefiph en matière de formation, d'accompagnement ou
d'aménagement, pour organiser l'évolution du salarié, voire sa reconversion en
cas de situation d'inaptitude.
MC
Plus d'infos sur www.agefiph.fr
3. Semaine de l’emploi des personnes handicapées : Il va y avoir du
sport !
En novembre dernier, à Paris, le Medef et l'Agefiph ont fait appel aux
valeurs du sport pour soutenir leurs actions respectives dans le cadre de la
Semaine pour l'emploi des personnes handicapées.
Le Medef invite à jouer le jeu des différences
Désireux de promouvoir la diversité dans l'entreprise, le Medef entend aider ses
adhérents à recruter ou à maintenir dans l'emploi les personnes handicapées.
« L'entreprise doit être à l'avant-garde sur cette question », avait déclaré
Laurence Parisot, présidente du Medef. « Nous sommes convaincus que la
diversité est un facteur de croissance pour l'entreprise et un stimulateur de
performance. » Le Medef a organisé le 7 novembre dernier, en préambule de la
Semaine pour l'emploi des personnes handicapées, un colloque sur le thème
“Jouer le jeu des différences”, rassemblant tous les acteurs de l'insertion autour
du handicap, de l'entreprise et de la société dans le mythique (et stimulant ?)
stade de France. « Le Medef mène des actions d'information et de conseil pour
développer l'insertion professionnelle des personnes handicapées et aider les
entrepreneurs à développer l'intégration et le maintien dans l'emploi dans le
cadre du réseau Handicap&Emploi qui compte aujourd'hui plus de 110
adhérents », a indiqué Hugues Arnaud-Mayer, président de la commission
Développement des territoires du Medef. « Il est vrai que la nouvelle loi sur le
handicap a durci le ton, mais le Medef aime avoir un cadre et il s'adapte, a-t-il
poursuivi. Et de toute façon, les entreprises ont besoin de travailleurs
handicapés. » Questionnée sur le projet de décret relatif à l'accessibilité des
locaux professionnels, Cathy Kopp, nouvelle négociatrice sociale du Medef et
DRH du groupe Accor, a fait montre de diplomatie en se déclarant « favorable à
des aménagements raisonnables », étant sous-entendu qu’ils ne devraient pas
provoquer trop de contraintes pour les locaux existants, ni une faillite des
entreprises…
Le colloque s'est organisé autour de deux réunions plénières et de trois ateliers
thématiques : “Coup de pied gagnant”, “Prendre l'avantage”, “Ensemble dans la
mêlée”, inspirés des récents exploits rugbystiques qui avaient fait chavirer le
Stade de France. Un mélange qui offrait de jolies scènes insolites comme cette
rencontre impossible entre la Belle et la Bête : Dorine Bourneton, pilote
paraplégique, et Vincent Moscato, ancien joueur du XV de France aujourd'hui
animateur à RMC, qui lui reconnaissait un « immense courage » et lui souhaitait
« de pouvoir piloter des Airbus et de faire des loopings ».
Après la présentation de bonnes pratiques en entreprise et d'initiatives
innovatrices en matière d'aides techniques, voire technologiques, la réunion
plénière de clôture présentait un autre couple improbable, et pourtant attaché au
même gouvernement : Valérie Létard, secrétaire d'État à la Solidarité, chargée
des Personnes handicapées, et Gilbert Montagné, chanteur aveugle et rapporteur
d'une mission sur l'accessibilité pour les personnes non et malvoyantes. Le tout
sous l'œil attendri d'Emmanuelle Gaume, pour l'occasion maîtresse de
cérémonie, en forme comme aux plus beaux jours de ses chroniques TV.
L'espace d'une journée, le Medef aura pu se changer les idées et orienter le
regard des caméras sur un thème sociétal consensuel, loin du tumulte des
affaires médiatico-financières.
Les défis lancés par l'Agefiph et la Fédé Handisport"
Cinq jours plus tard, soit le 12 novembre, la Fédération française Handisport et
l'Agefiph ont organisé à Paris, en ouverture de la 11e Semaine pour l'emploi des
personnes handicapées, une journée des Défis « pour sensibiliser, changer le
regard sur le handicap et repousser les limites ». Les défis de l'emploi ont
proposé, avec le concours d’une société spécialisée dans le vidéo-recrutement,
aux personnes handicapées à la recherche d'un emploi de venir réaliser
gratuitement leur CV en vidéo. Ce dernier a été ensuite communiqué aux
entreprises au moyen d’un lien Internet accessible sur le site de l'Agefiph. Les
défis sportifs ont proposé au public de se mesurer aux athlètes paralympiques
dans leurs disciplines (tennis de table, escrime, basket, “hand-bike”…). Une
large gamme d'activités a été proposée en démonstration, mais aussi à l'essai.
Les défis de l'accessibilité se sont traduits par des mises en situation, en fauteuil,
sans la vue ou sans l'ouïe, incitant chacun à tester ses facultés, à contourner les
obstacles du quotidien et à mieux appréhender les contraintes d'accessibilité.
La journée des Défis a également été l'occasion de dresser le premier bilan de la
convention “Réussite sportive et insertion professionnelle”, signée le 20 mars
dernier par les présidents de l'Agefiph et de la Fédération Handisport, qui
s'attache à accompagner des athlètes handicapés dans leur parcours vers l'emploi
dans la perspective des jeux Paralympiques de Pékin 2008.
MC
Les Handicafés de l'Adapt
A l'origine de la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées, l'Association
pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Adapt) a
organisé cette année une quinzaine de forums emploi et une douzaine de “jobs
dating” à Paris et dans les grandes villes de province. Pour la première fois, elle
a mis en place des Handicafés dont l'objectif est de rassembler des chargés de
recrutement d'entreprises et des personnes handicapées en recherche d'emploi
autour de rencontres informelles et conviviales. Pour l'Adapt, ces Handicafés ont
vocation à être pérennisés.
4. Relance de la politique d'accès à l'emploi dans la fonction publique
Le gouvernement a décidé de renforcer les dispositifs d’emploi et
d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.Le 17 octobre dernier, lors du Conseil des ministres, le gouvernement a présenté au président de la République des mesures pour relancer une véritable politique d’emploi en faveur des personnes handicapées dans la fonction publique. La loi prescrit aux employeurs d’accueillir des travailleurs handicapés à raison d’au moins 6 % de leur effectif, mais le taux moyen d’emploi est de 4,5 %. Un résultat jugé insuffisant par le gouvernement au regard de l’importance qu’ont prise les politiques publiques destinées à favoriser l’insertion des citoyens handicapés.Le Premier ministre, François Fillon, a demandé à chacun des membres du
gouvernement de s’engager personnellement et de mobiliser les administrations
et les établissements publics placés sous leur autorité et leur tutelle.
Les administrations qui n’en disposeraient pas encore devront mettre en place un
plan pluriannuel d’actions pour atteindre l’objectif de 6 % d’emploi de
personnes handicapées dans la fonction publique de l’État. La proportion des
recrutements réservés à l’accès de personnes handicapées dans la fonction
publique devrait donc sensiblement augmenter. Trois axes peuvent aider à
atteindre cet objectif : utiliser pleinement la possibilité de recrutement sans
concours ouverte par le décret n° 95-979 du 25 août 1995 relatif au recrutement
des travailleurs handicapés dans la fonction publique ; développer une politique
active d’emploi et de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences
incluant systématiquement, et à un niveau ambitieux, la dimension du handicap ;
veiller au maintien dans l’emploi ou à la réorientation des agents devenus
handicapés en cours de carrière, pour lesquels des mesures d’accompagnement
sont essentielles.
Objectif : + 25 % des recrutements
Les ministres et leurs administrations pourront s’appuyer tout d'abord sur le
réseau des délégués interministériels, ministériels et des correspondants
handicap qui sont les animateurs des politiques d’accompagnement du
handicap ; ensuite sur le réseau associatif, afin de mettre en place le dispositif de
recrutement des compétences ; enfin sur le Fonds pour l’insertion des personnes
handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) dont ils sont invités à mobiliser
les moyens et avec lequel ils peuvent conclure un partenariat (aides à
l’adaptation et l’aménagement de postes, accompagnement individualisé des
personnes, formation, information…).
Les plans pluriannuels doivent être présentés au Premier ministre au plus tard le
31 décembre 2007. « Ces plans feront l’objet d’un suivi annuel et leurs résultats
seront discutés dans le cadre des conférences annuelles de gestion
prévisionnelle des ressources humaines organisées par le ministre Éric
Woerth », précise-t-on au ministère du Budget, des Comptes publics et de la
Fonction publique.
Pour 2008, ils devront conduire à une hausse d’au moins 25 % dans le total des
recrutements prévus de personnes handicapées. Le non-respect des objectifs de
recrutement de l’année considérée sera sanctionné par un gel en masse salariale
équivalent à l’écart entre l’objectif chiffré et sa réalisation.
« L’objectif de ce dispositif est de conduire à un véritable changement d’état
d’esprit collectif », indique-t-on au cabinet d'André Santini, secrétaire d'État
chargé de la Fonction publique. « Ces mesures doivent permettre d’associer
davantage les citoyens handicapés à la vie du pays, et notamment au monde du
travail. »
Michaël Couybes
Un Guide de l’employeur public ainsi qu’un catalogue d’aides techniques et
humaines est disponible sur le site Internet du Fonds pour l’insertion des
personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) : www.fiphfp.fr
Cathy Kopp, nouvelle négociatrice sociale du Medef, DRH du groupe Accor,
représentait Laurence Parisot au colloque “Jouer le jeu des différences”. L'an
dernier, elle avait conduit la négociation sociale sur la diversité conclue par un
accord interprofessionnel incitant les entreprises à lutter contre les
discriminations, dont le handicap.
Durant toute la journée des Défis, le 12 novembre dernier, la radio Vivre FM
s'est fait l'écho des événements et animations, en direct, par des reportages et
des interviews, grâce à un studio mobile installé dans les locaux de la
Fédération française Handisport.
5. Les Ésat, un accès privilégié à l’emploi
Ils sont plus de 120 000 travailleurs handicapés en France à avoir accès à l’emploi grâce
aux 1 500 Établissements et services d’aide par le travail (Ésat) qui leur assurent en
parallèle un suivi médico-social. Des travailleurs en Ésat racontent.
« En entreprise, c’est à toi de gérer ton travail, tu dois te débrouiller tout seul. » Salah, qui
travaille à l’atelier cuisine du CAT des Bouleaux à Clichy, se souvient de son stage dans un
restaurant “self” d’une grande société en région parisienne. « En entreprise, le patron
t’explique une fois, deux fois, et après tu es tout seul. » Une situation parfois angoissante,
comparée à l’accompagnement dont les travailleurs bénéficient dans le secteur protégé.
« Les CAT (aujourd’hui rebaptisés Ésat pour “Établissements et services d'aide par le
travail”) ont été créés spécialement pour les personnes handicapées », rappelle Anne-Marie,
travailleuse en conditionnement. Pour être accueillie en Ésat, la personne doit effectivement
avoir une aptitude au travail suffisante, mais avec une capacité de travail inférieure d’un tiers
à celle d’un travailleur valide.
À ceux qui n’ont pas, ou pas encore, une autonomie leur permettant de travailler en milieu
ordinaire, les Ésat permettent d'exercer une activité à caractère professionnel dans un milieu
de travail protégé. « Ici, les moniteurs sont plus à l’écoute », explique Évelyne, qui a travaillé
auparavant en milieu ordinaire.
En fonction de leurs besoins, les travailleurs bénéficient de 4 à 5 heures par semaine de suivi
médico-social et éducatif. Celui-ci peut consister en des activités de maintien des acquis
scolaires, en une formation professionnelle. Il peut aussi prendre la forme d’un
accompagnement dans l'accès à l'autonomie et l'implication dans la vie sociale. Sans compter
de nombreuses activités d’épanouissement personnel : dessin, théâtre, danse…
Une passerelle vers le milieu ordinaire ?
Les Ésat proposent un certain nombre d’aménagements par rapport au milieu ordinaire. « Les
horaires ne sont pas les mêmes. En entreprise, on ne fait pas la pause d’un quart d’heure le
matin et on termine plus tard », constate Hélène, en atelier blanchisserie. « Le travail est
moins difficile que dans un milieu normal. Ce n’est pas la même cadence, ici ils sont moins
sévères et l’ambiance n’est pas la même », ajoute Anne-Marie.
Si les locaux sont aménagés pour tenir compte de la diversité des handicaps, des détails
d’apparence modeste font également une différence importante pour les travailleurs : « Quand
j’ai fait un stage en blanchisserie, c’était dur car il fallait tout le temps rester debout. Au
CAT, je peux m’asseoir sur une chaise quand j’ai trop mal aux jambes », explique Hélène.
Avec la loi de février 2005, les anciens CAT, rebaptisés Ésat, ont gardé leur dimension
médicosociale, contrairement aux anciens “ateliers protégés”, devenus des “entreprises
adaptées” qui quittent le secteur protégé. Alors que les 20 000 travailleurs des entreprises
adaptées bénéficient désormais d’un contrat de travail, les personnes handicapées admises en
Ésat n'ont pas le statut de travailleurs soumis au Code du travail. Les licenciements sont donc
impossibles. Toutefois le directeur peut suspendre le maintien d'un travailleur dans la
structure, s’il juge que son comportement met gravement en danger sa santé, sa sécurité ou
celles des autres.
La rémunération des travailleurs handicapés en Ésat n'est pas considérée comme un salaire.
Ceux qui sont à temps plein reçoivent une rémunération garantie dont le montant est compris
entre 55 % et 110 % du Smic. « Quand on vit dans sa famille, ça va, mais quand on vit seul,
c’est plus difficile », constate Isabelle.
Olivier, qui travaille en reprographie, aimerait bien lui aussi gagner plus d’argent. Pour
l’instant, il apprécie l’accompagnement de l’Ésat, tout en espérant un jour intégrer le milieu
ordinaire.
Anne-Isabelle Barthélémy
Pour plus d’informations, consulter le site de l’Unea sur www.unea-asso.com et le site du
réseau GÉsat qui dispose d’une base de données rassemblant près de 2 000 Ésat et
entreprises adaptées sur www.reseau-gÉsat.com
Titre 4 : Accéder au cadre bâti (logements et établissements recevant du
public)
1. Les aides à l'accessibilité des logements
L'ALGI (Association pour le logement des grands infirmes), créée en 1959
par le ministère du Logement pour prendre en charge le logement des personnes
handicapées, s'est vue confier en 1974 la mise en place d'un fichier de demandes
et d'offres de logements accessibles. Elle a édicté les premières normes en la
matière et mis en place en 1977 un système de financement destiné à prendre en
charge les travaux d'adaptation. Son action a abouti en 1997 à l'inscription des
personnes handicapées comme bénéficiaires de la fraction prioritaire du 1 %
logement.
La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), créée par la loi
du 30 juin 2004 et renforcée par celle du 11 février 2005, finance
l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes handicapées via la
prestation de compensation du handicap (PCH), gérée par les Maisons
départementales des personnes handicapées (MDPH). Les équipes
pluridisciplinaires de ces dernières diagnostiquent les besoins et émettent des
préconisations d'aménagements en fonction du handicap identifié. Cette
nouvelle prestation comprend notamment les aides humaines, les aides
techniques, les aménagements du logement.
L'Anah (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat) porte ses efforts
sur l'adaptation du logement tant pour les logements occupés par leurs
propriétaires (sous conditions de ressources) que pour les logements locatifs.
Elle participe également au développement d'une offre nouvelle de logements
existants pré-adaptés. L'agence propose plusieurs outils de formation et de
sensibilisation, comme par exemple des fiches techniques grand public sur
l'adaptation du logement pour les différents types de handicaps et dispose d’un
site Internet : www.anah.fr.
Le Mouvement Pact Arim pour l'amélioration de l'habitat intervient
également pour adapter le logement des personnes handicapées de naissance ou
suite à un accident ou une maladie. L'objectif est de concevoir avec la personne
handicapée et son entourage le projet le plus adéquat. Les équipes de Pact Arim
font un diagnostic de l'état et des capacités d'aménagement du bâti et formulent
des prescriptions. Elles proposent parfois une mission de maîtrise d'œuvre.
Ce que dit la loi
En matière de logement, l'objectif de la loi est de permettre aux personnes
handicapées de disposer d'un logement adapté et d'élargir le parc immobilier
accessible. Les bâtiments d'habitation collectifs doivent être accessibles et
permettre une adaptation ultérieure plus facile. Des exigences proches
s'imposent également aux maisons individuelles neuves. Les bâtiments
d'habitation collectifs existants doivent être rendus accessibles en cas de
réhabilitation importante. Les mesures de mise en accessibilité des logements
seront évaluées d'ici au 12 février 2008. Le préfet peut accorder une dérogation
en cas d'impossibilité technique.
En matière d'Établissements recevant du public (ERP), la loi prévoit que
d'ici 2015 toute personne handicapée puisse accéder, circuler, recevoir des
informations dans ces espaces publics… Pour les ERP neufs, l'accès ainsi que
l'accueil doivent être possibles pour toutes les catégories de handicaps. Les
préfectures et universités ont un délai de cinq ans. Des sanctions seront prévues
en cas de non-conformité. D'ici à janvier 2009, les ERP devront avoir réalisé un
diagnostic budgété d'accessibilité. Cette échéance a été raccourcie de deux ans à
la demande du gouvernement en septembre dernier.
Une formation pour les acteurs de l'accessibilité
La loi du 11 février 2005 a rendu obligatoire la formation à l'accessibilité dans la
formation initiale des architectes et des professionnels du cadre bâti. Le décret
d'application retient 21 domaines qui doivent prendre en compte cette
obligation. Dans chaque domaine, tous les diplômes, du CAP au doctorat, sont
concernés. Pour compléter ce dispositif, un référentiel à l'accessibilité a été
élaboré afin d'aider les enseignants et les formateurs. La sensibilisation à
l'accessibilité se développe également dans la formation continue des
professionnels du cadre bâti.
2. Forum accessibilité dans le secteur public
Le Conseil national handicap organise des forums accessibilité dans les
grandes administrations.
Créé en 2003 pour impliquer la société civile et les médias dans la démarche
d'intégration des personnes handicapées, le Conseil national handicap s'est lancé
cet automne dans une série de colloques thématiques mensuels portant sur
l'accessibilité, proposée avec l'association Communication publique, à l'intention
des acteurs publics, les représentants des services publics et des collectivités
territoriales, des ministères... « Ce forum accessibilité s'inscrit dans le droit fil
des engagements pris lors des États généraux nationaux de mai 2005, qui
avaient souligné la nécessité d'une action de sensibilisation dans le domaine de
l'accessibilité », a expliqué Monique Pelletier, présidente du Conseil national
handicap.
Le 3 octobre dernier, le Conseil d'État a accueilli le premier rendez-vous de ce
forum accessibilité, piloté par Paul Joly, sur le thème du cadre bâti. Parmi les
intervenants : Patrick Gohet, délégué interministériel aux Personnes
handicapées, et Catherine Bachelier, déléguée ministérielle à l'Accessibilité, ont
détaillé les mesures de la nouvelle loi, les enjeux de l'accessibilité et les
chantiers à venir. Paul Blanc, sénateur des Pyrénées-Orientales, auteur de
plusieurs rapports sur le handicap, a introduit les débats en reconnaissant « une
erreur dans la loi du 11 février 2005 au niveau du délai accordé pour la phase
de diagnostic de mise en accessibilité du cadre bâti ». Erreur corrigée par le
ministre Xavier Bertrand, qui a raccourci ce délai de trois ans.
“Une révolution culturelle”
Jean Bardet, député du Val-d’Oise, également auteur d'un rapport sur le
handicap dans la ville, lui a succédé pour s'interroger sur les possibilités de
dérogation. « L'accessibilité ne doit pas être conçue comme une contrainte, mais
comme une nécessité utile à tous », a-t-il déclaré. Philippe Jubin, maire de la
Garenne-Colombes et vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine, a
fustigé « l'0201tat, très généreux pour les obligations qu'il fixe aux collectivités
et pas à lui-même ». Adjoint au sous-directeur de la qualité et du développement
durable dans la construction à la Direction Générale de l'Urbanisme, de l'Habitat
et de la Construction au ministère de l’Emploi, de la Cohésion Sociale et du
Logement, François Lefort a, pour sa part, souligné « la grande complexité des
textes en matière de construction et la nécessité d'un arbitrage entre les
différentes contraintes imposées : budget, sécurité, énergie, handicap… »
Au-delà de l'aspect technique et juridique du dossier, tous en ont appelé à « une
révolution culturelle en France et à un rôle renforcé et mieux défini du
FIPHFP » pour combler le retard pris par la fonction publique en matière
d'accessibilité du cadre bâti.
MC
Plus d'infos sur www.communication-publique.fr et www.cnhandicap.org
Les ministères en travaux ?
En septembre 2006, dans le cadre d'une démarche interministérielle mise en
œuvre par Patrick Gohet, délégué interministériel auprès des Personnes
handicapées, les différents ministères se sont engagés en matière d'accessibilité.
Cinq thèmes ont été retenus afin de dégager des propositions : définition de
l'accessibilité, outils et évaluation de l'accessibilité, recensement des manques en
la matière, modalités pour donner l'impulsion et valoriser les réalisations,
recherche et perspectives d'avenir. Même si la définition de l'accessibilité
retenue dépasse largement la simple approche physique de l'accessibilité, l'accès
au cadre bâti reste au cœur de la problématique pour l'ensemble des ministères.
Plus d'un an après la prise de ces engagements, les plans d'action ne semblent
pas encore avoir été réellement… engagés.
Un nouveau président à la tête du FIPHFP
Didier Fontana, délégué ministériel Handicap du ministère de l'Économie, des
Finances et de l'Emploi, a accédé le 7 novembre dernier à la présidence du
Fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique
(F I P H F P). Pionnier dans la fonction publique avec, dès 1991, la constitution
d'une Cellule de recrutement et d'insertion des personnes handicapées, il aura la
difficile tâche de donner une nouvelle gouvernance à un FIPHFP créé par la loi
du 11 février 2005 et depuis maintes fois critiqué.
3. Au-delà de l’accessibilité, la Haute Qualité d’usage
Régis Herbin, architecte expert, souhaite développer, en ce qui concerne les espaces de
vie, la notion de “convenance”. Celle-ci se concrétise par une démarche de Haute Qualité
d’usage.
Femme enceinte, personne âgée, blessée, ayant une assistance respiratoire ou cardiaque,
handicapé moteur… Nous pouvons tous, à un moment de notre vie, avoir une déficience
motrice, sensorielle, organique, intellectuelle ou mentale. « On ne peut pas prévoir tous les
besoins de tout le monde, d’autant qu’ils sont changeants, explique Régis Herbin, architecte.
C’est pourquoi, de la même façon que le label HQE (Haute Qualité environnementale) ne se
limite pas à la lutte contre la pollution, la HQU (Haute Qualité d’usage) ne vise pas
uniquement la suppression des obstacles pour tel ou tel handicap. Elle est basée sur la
convenance du lieu, c’est-à-dire la qualité de ce qui est conforme aux usages».
De sa jeunesse 1968, Régis Herbin a gardé un certain idéalisme… et c’est tant mieux, car son
idée commence à être mise en pratique. Cet architecte, ingénieur, également diplômé de
psychologie, est expert auprès du ministère de la Culture et de celui de l’Equipement, du
Logement et du Transport, et président de la commission de normalisation Accessibilité et
qualité d’usage. Mais surtout, il a créé à Grenoble un bureau d’études spécialisé, le Cridev (*).
« Nous proposons aux maîtres d’ouvrage une assistance sous forme de maîtrise d’usage »,
explique-t-il. Celle-ci consiste, en amont, à recenser les futurs utilisateurs du bâtiment et à les
aider à définir leurs besoins. Ensuite, il faut intégrer cette demande à chaque étape, suivre la
mise en œuvre et vérifier la réalisation avant la livraison.
Pour que cette démarche se diffuse, le Cridev a conçu avec le conseil régional Rhône-Alpes
un outil pédagogique vidéo, intitulé “Vivons ensemble la cité”. Régis Herbin forme les
personnes qui animeront des formations à utiliser cet outil. Fin septembre, il a ainsi réuni à
Lyon les “référents accessibilité” rhônalpins de l’APF (Association des paralysés de France),
qui pourront ainsi à leur tour sensibiliser à la HQU, par exemple, des membres de
commissions d’usagers de bâtiments publics.
Pour Régis Herbin, il s’agit de faire comprendre que personne ne peut se poser comme “la”
référence : « Contrairement aux concepts utilisés depuis longtemps par les architectes, il n’y
a pas de standard, d’homme idéal, mais un ensemble de différences. » A titre d’illustration, il
interpelle en souriant les membres de l’APF qui participent à la formation, pour la plupart en
fauteuil roulant : « Vous ne serez par exemple jamais des experts de la fatigabilité lors de
montées d’escaliers ! »
Des clips pour lancer le débat
Dans l’un des clips de “Vivons ensemble la cité”, un policier municipal explique comment
une réflexion sur la communication a été engagée dans sa commune, à partir du constat du
non-respect des places de stationnement réservées. C’est l’occasion pour les membres de
l’A P F d’exprimer leur crainte d’être “récupérés” pour la “valorisation” de l’action d’une
ville. Quant à Régis Herbin, il attire l’attention sur l’écueil du misérabilisme en matière de
communication sur le handicap.
Dans un autre clip, un élu d’une autre ville témoigne : « Il est important que dans chaque
commune, il y ait une personne référente sur l’accessibilité. Pour tenir ce rôle, je me suis
inscrit à une formation. Cela a changé mon regard sur les permis de construire et m’a fait
comprendre que l’on peut faciliter l’accès à la cité sans que cela coûte plus cher. » Voilà
l’occasion de débattre autour de l’idée, encore répandue, que l’accessibilité est un surcoût.
« Dans une maison, on prévoit sans broncher le coût de la plomberie, alors qu’elle constitue
un surcoût par rapport à la fontaine publique ! » ironise Régis Herbin, qui projette ensuite
une série de vues de bâtiments. « Cherchez les erreurs de conception… » On repérera ainsi
des miroirs qui peuvent désorienter, un couloir où aucune distinction de couleur ne permet de
repérer les portes, un bouton d’appel en braille beaucoup trop gros… Objectif : la qualité
perçue, plus que la qualité produite. « Pour l’atteindre, il faut remettre l’homme au cœur des
projets. »
Véronique Vigne-Lepage/Pleins TitresCentre de recherche pour l’intégration des différences dans les espaces de vie, groupement
d’associations d’usagers et bureau d’études associatif (Cridev) : 17 rue Léon-Jouhaux -
38100 Grenoble. Tél. 04 76 63 02 54.
e-mail : [email protected]
4. Accèsmétrie : Un étalon pour l'accessibilité
La société Accèsmétrie aide les établissements recevant du public (ERP) à
répondre à l'obligation d'accessibilité fixée à l’échéance de 2015.
Si faciliter l'accessibilité des lieux publics et privés aux personnes handicapées
est une obligation nationale depuis 1975, c'est vraiment la loi du 11 février 2005
qui a fait prendre conscience aux différents gestionnaires d'ERP de l'urgence de
la situation. La société Accèsmétrie (créée en 2003 à La Roque-d’Anthéron,
dans les Bouches-du-Rhône) est la première entreprise en France à proposer une
démarche systématique originale pour les aider à améliorer l'accessibilité des
sites accueillant du public qu'il s'agisse de bâtiments, de lieux de travail, de
parcs de logements, de commerces, de voirie… A ce jour plus de 3 000
bâtiments et sites ont fait l’objet d’un diagnostic par leurs soins, aux quatre coins
du territoire. Pour le directeur, Jean-Pierre Serrus, « la question de la globalité
de l’accessibilité doit commencer par un changement des mentalités dans les
services eux-mêmes. Les réunions et les formations sur ce thème commencent à
porter leurs fruits, la sensibilisation des dirigeants (élus, gestionnaires…) est
devenue une priorité. Ensuite, chaque projet doit être suivi de A à Z par trois
partenaires : les décideurs, les usagers et les experts (en charge de la
réalisation). La concertation doit être tripartite. Je sais par expérience que les
décisions ne doivent pas venir uniquement des usagers. Ceux-ci peuvent arbitrer
et soumettre des seuils de contrainte. Pour conseiller et acquérir une
compétence, il ne suffit pas davantage de s’asseoir une heure dans un fauteuil
roulant. Il ne faut pas confondre sensibilisation et compétence. Si évoluer avec
un bandeau sur les yeux aide à la compréhension, seul un professionnel pensera
à concevoir des toilettes de plusieurs couleurs ou encore à y intégrer un lavabo.
Enfin, pour les décideurs qui n’ont pas anticipé, le problème n’est plus de savoir
quel lieu rendre accessible mais par où commencer. » Rattraper des erreurs de
conception est le lot quotidien de l’équipe d’Accèsmétrie et le nombre de
chantiers à superviser est impressionnant. Selon elle, les vraies contraintes sont
d’ordre technique : gabarit d’une rue, petit trottoir en pente… Tout est histoire
de topographie et de dimensions. Quant à la préservation du patrimoine, elle
n’est pas forcément un obstacle à l’accessibilité. Les musées l’ont bien compris.
Comme souvent, c’est le manque de volonté qui est en cause.
Le bien-être pour tous
Une loi, si bien faite soit-elle, ce qui est plutôt le cas de celle de 2005, ne peut
répondre aux attentes de la totalité des personnes handicapées. Car tout ne
s’écrit pas. En Grande-Bretagne, il y a moins de textes qu’en France, pays latin.
Les Britanniques pensent davantage “esprit de la loi”. Nous devrons nous aussi
travailler dans cette optique. Ce qui signifie concrètement réfléchir à des
processus d’adaptation, faire du sur-mesure, pour qu’un port de plaisance, des
pistes de ski, par exemple, soient accessibles. Si chacun de nous doit pouvoir se
baigner, la pratique du ski nautique peut-elle raisonnablement être étendue à 100
% des personnes qui le souhaitent sur tous les plans d’eau français ? Dans le
même ordre d’idée comment faire pour que les personnes en fauteuil puissent se
promener dans un parc régional ? Faudra-t-il bétonner les chemins de randonnée
existants au milieu des marais et ainsi déséquilibrer un écosystème millénaire ?
Non, les personnes en fauteuil (que nous pensons sages) refuseront de tels
travaux, préférant se promener en utilisant par exemple la joëlette. Il est
indispensable de réfléchir à l’usage pour la société, c’est-à-dire se demander à
chaque fois : qui vais-je empêcher de faire telle ou telle chose, comment est-ce
que je produis du handicap ? Ce qui va être une découverte pour beaucoup de
nos concitoyens.
Chacun doit donc apporter sa pierre à l’édifice, car les aménagements faits dans
cette optique profitent aussi aux personnes âgées, aux mamans avec poussette
(en ville, c’est un parcours du combattant garanti chaque jour), aux accidentés
ayant par exemple une jambe ou un pied plâtré... Et voir ainsi améliorer la vie
quotidienne n’a pas de prix. « Aujourd’hui, les problèmes d’accessibilité sont
exprimés par tous les usagers, observe Jean-Pierre Serrus. C’est bien plus
simple qu’il y a quatre ans, lorsque nous avons débuté. Le monde a changé, le
sujet n’est plus marginal. Je suis plutôt optimiste. Et nous n’avons pas tant de
retard que cela par rapport à nos voisins européens. Retroussons-nos manches
et mettons nous au travail. »
Hélène Dorey
Accèsmétrie
2 avenue de Verdun - 13640 La Roque-d’Anthéron.
Tél. 04 42 90 43 60.
Site Internet : www.accesmetrie.fr
Savoir-faire et esprit de famille
Accèsmétrie est aujourd'hui le conseil de nombreuses grandes villes et
d’entreprises (Total France, Aéroports de Paris, RATP, Société générale…). Elle
propose des prestations telles que le diagnostic de l'accessibilité et l’évaluation
des solutions, l’hébergement et la gestion de bases de données, le conseil et
l’accompagnement, l’assistance ou encore la formation. Installée au centre du
village de La Roque-d’Anthéron, cette entreprise dynamique ouvre
régulièrement des agences sur tout le territoire et embauche des collaborateurs.
« Mais nous ne faisons pas la course à la productivité, souligne le directeur. L’entreprise reste et restera familiale dans ce joli petit village provençal. Nous
y sommes si bien. »
du 11 février 2005 et depuis maintes fois critiqué.
5. Logement privé : un défi monumental
Les différents professionnels de la construction ont toujours tendance à se renvoyer la
balle au sujet de l’accessibilité de l’habitat privé.
Rendre l’habitat accessible est une nécessité qui s’exprime jusque dans les
campagnes les plus reculées : « Les habitants des villes veulent quitter les
centres pour habiter en zone rurale. Mais ils veulent aussi limiter les
déplacements polluants, éventuellement avoir recours au télétravail… »,
explique Jean-Robert Daussy, délégué accessibilité du Cobaty, la fédération
internationale de la construction, de l’urbanisme et de l’environnement. Pour
toutes ces raisons, cette association regroupant 3 700 adhérents de 170
professions différentes a organisé en février dernier à Lyon les “premières
rencontres de l’accessibilité du câdre bâti”.
Certes, la loi du 11 février 2005 a affirmé que “les aménagements et
équipements intérieurs et extérieurs de tous les bâtiments quels qu’ils soient, y
compris les locaux d’habitation, devront être accessibles à tous, notamment
aux personnes handicapées quel que soit le type de handicap”. Mais ce texte
exclut “les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur
propre usage”, ce qui peut ensuite induire des difficultés lors de la revente du
bien. En outre, les modalités pratiques de cette obligation sont encore floues.
« L’accessibilité ne correspond à aucun lot »
Si certains décrets sont aujourd’hui parus (lire l’encadré), leur application est
encore balbutiante. Les différents intervenants de la construction et de la
rénovation semblent continuer à se renvoyer la balle. C’est du moins ce qui
ressort des rencontres lyonnaises du Cobaty. Dans les projets immobiliers,
« les marchés ne comportent pas de lot spécifique à l’accessibilité », regrette
Jean-Robert Daussy. Du coup, celle-ci est de la responsabilité de tout le
monde… et de personne en particulier. Qui a pour obligation de veiller à cette
dimension dans les choix qui sont faits : l’architecte ? le maître d’ouvrage ? le
maître d’œuvre ?… « Comme l’accessibilité ne correspond à aucun lot,
explique un architecte, jusqu’aux récents décrets, la non-conformité ne
pouvait pas être pénalisée. » Les représentants d’associations de personnes
handicapées se mettent d’ailleurs régulièrement en colère contre tel projet dit
“de rénovation urbaine” dont une partie ne sera jamais accessible, ou encore
contre les appartements duplex visant une clientèle forcément valide.
Chacun voit la solution auprès des autres professions : « Il faut impliquer le
maître d’ouvrage, assure un économiste de la construction, en élargissant les
compétences des coordinateurs santé-sécurité et en les faisant intervenir en
amont puis en fin de chantier. » Un responsable de bureau de contrôle
préférerait “mouiller” tout le monde : « Créer un lot spécial risque de
déresponsabiliser chaque intervenant, observe-t-il. On pourrait prendre
exemple sur la sécurité incendie, dont le souci est désormais intégré à toutes
les étapes. »
Former et sensibiliser
Quoi qu’il en soit, coercition et/ou certification sont bien moins efficaces que
formation et sensibilisation. C’est ce à quoi s’emploient le Syndicat des
architectes et le Cobaty. « Il reste cependant plusieurs étapes à franchir,
affirme Jean-Robert Daussy. Homogénéiser et agréer les formations, en finir
avec la tendance à privilégier le moins-disant sans vérifier le rapport qualité-
prix, intégrer l’accessibilité à la garantie décennale. Mais surtout, il faut
aujourd’hui structurer l’étape du diagnostic, qui permet en amont d’évaluer
les éléments spécifiques à introduire dans le plan de travaux. » Certaines
personnes, notamment handicapées, réalisent bénévolement des diagnostics
d’accessibilité. Mais en cas d’erreur de leur part, jusqu’à présent, aucun
recours n’était possible, note le délégué du Cobaty. Il y a donc là une fonction
à créer… en formant ceux qui l’assurent.
Véronique Vigne-Lepage
Précisions en vue
Des décrets précisent peu à peu (17 mai 2006, 22 et 25 mars 2007) les modalités d’application de l’obligation d’accessibilité de tout bâtiment… par le biais de la vérification lors de la livraison des travaux. Une attestation d’accessibilité doit alors être réalisée, à la demande du titulaire du permis de construire, soit par un contrôleur technique agréé, soit par un architecte autre que celui qui a dessiné le projet (mais qui peut être son associé !). Ces règles sont applicables aux demandes de permis de construire déposées depuis le 1er janvier 2007. Cependant, l’application de certaines obligations est différée au 1er janvier 2008 pour les immeubles collectifs (conception permettant l’installation ultérieure d’un ascenseur, règles d’accès en fauteuil roulant des balcons et terrasses) et même à 2010 pour les salles d’eau équipées.Les règles d’accessibilité doivent désormais être intégrées à la formation initiale des
professionnels. Quant à la formation continue, elle reste à structurer. Un accord passé en ce
sens en mars dernier à Lyon entre le Conseil national de l’ordre des architectes et les
présidents des conseils régionaux de France, a lancé la réflexion sur l’utilisation par ces
professionnels libéraux des dispositions de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation tout au
long de la vie.
Mise en relation sur le Net
Le département de la Drôme est précurseur dans la mise en relation des demandes et des
offres de logement adaptés ou adaptables. « Dans nos discussions avec l’Association des
paralysés de France (APF), nous relevions souvent des cas de logements adaptés qui étaient
reloués à des personnes valides, voire dans lesquels on faisait des travaux annulant les
adaptations, alors que l’offre est insuffisante », explique Véronique Enjolras, responsable du
Comité pour l’amélioration du logement dans la Drôme (Cald). L’expérimentation d’un site
Internet (Adalogis) a ainsi été financée depuis 2003 par des partenaires publics. L’internaute
handicapé cherchant un logement peut ainsi accéder à une base de données répertoriant
actuellement 800 offres, par secteur géographique. Si une proposition l’intéresse, il peut
consulter des détails et le loyer. Pour postuler à une location, il lui suffit de remplir une fiche.
Cependant, le logement ne lui sera pas forcément attribué, les bailleurs recevant des demandes
par d’autres voies.
Aujourd’hui, le Cald de la Drôme intervient en appui pour la création de ce service dans dix
autres départements français. « Ce n’est pas simple à monter, explique Véronique Enjolras,
car il faut mettre tout le monde autour de la table et trouver des financements durables pour
l’animation du réseau, très importante. » Celle-ci consiste en la sensibilisation des
propriétaires. Les “premiers” à s’inscrire dans la démarche drômoise ont été des organismes
HLM mais pas tous au même rythme : celui de Valence, très important, vient seulement de
signer une convention. Quant aux propriétaires privés, il faut les convaincre. La diffusion de
l’information aux demandeurs potentiels ne suffit également pas, puisqu’il faut parfois les
accompagner dans l’expression de leurs besoins précis. Une coopération entre intervenants,
associations, hôpitaux…, peut alors être utile.
6. Un droit opposable… qui tarde à s'imposer
Le droit à un habitat accessible se heurte à la crise généralisée du logement
en France et aux délais de mise en application de la loi.
Dix mois après la parution des décrets d'application de la loi du 11 février 2005,
qu’en est-il sur le terrain de l'habitat ? Pour le savoir, nous avons interrogé M.
Jacq, adjoint au Directeur général de l’habitat, de l’urbanisme et de la
construction au sein du ministère du Logement et de la Ville. Il s’agissait de
savoir si la nouvelle législation était respectée : « Il est encore trop tôt pour le
dire. Quand une personne demande un permis de construire, l’instruction prend
de deux à six mois, et les travaux de 12 à 24 mois. Les premières réalisations
prenant en compte la loi ne verront donc le jour qu’en 2008 et 2009 », explique-
t-il. « De plus, nous ne faisons pas de contrôle a priori pour les habitations, sauf
pour les projets de logements sociaux », ajoute Gisèle Rinié, chef de l’unité
Accessibilité et sécurité des constructions à la Direction départementale de
l’équipement (DDE) du Bas-Rhin. « Par contre, nous faisons des contrôles a
posteriori sur une dizaine de programmes de logements publics ou privés, en
plus des réclamations. Avec la nouvelle loi, nous pouvons les faire jusqu’à trois
ans après la déclaration de fin de travaux. » Autre possibilité de contrôle :
l’attestation de fin de chantier. Selon l’arrêté du 22 mars 2007, elle est à remettre
obligatoirement aux maires ou aux préfets et doit être réalisée par un tiers
extérieur, qui vérifie point par point le respect de la conformité aux règles
d’accessibilité. Si les autorités constatent des irrégularités, elles contactent alors
la DDE pour un contrôle plus approfondi. Si celle-ci fait le même constat, elle
peut saisir le procureur de la République ou le juge, qui pourra sanctionner le
professionnel en infraction (jusqu’à 45 000 euros d’amende). « Encore faut-il
que le juge soit sensibilisé à la question du handicap… Les mentalités, c’est ce
qu’il y a de plus long à faire bouger », reconnaît M. Jacq. En 2009, une enquête
sera de toute façon conduite auprès des préfets pour évaluer la situation.
« Aujourd’hui, ce qu’on constate, c’est que les bureaux d’études et
d’architecture posent beaucoup de questions, s’informent sur les nouvelles
dispositions, essayent de suivre. C’est encourageant », observe-t-il.
Sensibilisation des acteurs
Un peu partout en France, des actions de sensibilisation et de formation à
l’accessibilité sont conduites auprès des professionnels du cadre bâti, notamment
des architectes (maîtres d’œuvre) et des élus (maîtres d’ouvrage). Pour l’ordre
des architectes, les “vendredis de l’info” sont ainsi l’occasion d’aborder ces
questions. Ce n’est pas leur mission première, mais Gisèle Rinié et son équipe
de la DDE sont intervenues plusieurs fois l’année dernière, pour former aussi
bien aux handicaps qu’à la nouvelle réglementation. « Nous organisons
notamment des mises en situation au sein d’une association spécifique, le CEP,
qui dispose d’un large choix d’aides techniques et permet de les essayer. Cette
association fait partie de la Fencicat, Fédération nationale des centres
d’information et de conseil en aides techniques, active sur tout le territoire »,
explique-t-elle. D’autre part, Gisèle Rinié met au point avec le lycée Le
Corbusier et le Greta une formation qualifiante en accessibilité, accessible aux
bacs + 2 dès septembre 2008. De son côté, le ministère du Logement a fait
figurer le volet accessibilité au programme des écoles d'architecture (décret
2007-436). Enfin, il fait paraître début janvier 2008 un guide pour accompagner
la sortie des textes, téléchargeable sur www.logement.gouv.fr.
La problématique de l’accès au logement des personnes handicapées rejoint
celle du logement social en France, car les personnes handicapées ont souvent
de faibles ressources. Il manque en France des centaines de logements sociaux.
Avec la loi “engagement national pour le logement” (13 juillet 2006) et le droit
au logement opposable (Dalo, 5 mars 2007), l’État espère renverser la vapeur.
Selon la loi Dalo, en 2008, six catégories de demandeurs prioritaires, parmi
lesquels ceux ayant à charge une personne handicapée, pourront engager une
procédure judiciaire si leur dossier a été « laissé sans réponse pendant un délai
anormalement long ». En 2012, tous les demandeurs éligibles au logement
social le pourront aussi. Par ailleurs, l’effort de construction est accentué et
passe à 591 000 constructions nouvelles sur la période 2005-2009, dont 120 000
logements sociaux. Ces nouvelles dispositions seront-elles des réponses
efficaces ? Affaire à suivre.
Gaëlle Desportes
7. Hollande : le pays du vélo… et du fauteuil roulant
Souvent comparés à la France, les Pays-Bas ont une longueur d’avance en
matière d’autonomie des personnes handicapées… Dans la rue comme à
domicile.
« Il y a trente ans, aux Pays-Bas, les personnes handicapées mentales ou
inadaptées sociales étaient réunies dans de grands établissements à l’ambiance
pas très éloignée de celle du film “Vol au dessus d’un nid de coucou”… »
Michiel Versteegh, architecte à Rotterdam, peut mesurer les progrès incroyables
réalisés par son pays en matière de handicap. « Cela fait déjà plusieurs années
que la loi sur l’accessibilité est en vigueur. Elle s’applique à toute nouvelle
construction ou réhabilitation, qu’il s’agisse de bâtiments publics ou privés, de
logements ou de bureaux. Et l’objectif du gouvernement est aujourd’hui que ces
citoyens puissent vivre individuellement. » Ainsi, comme au moins quatre ou
cinq de ses confrères à Rotterdam, Michiel Versteegh travaille avec son cabinet
sur des projets d’intégration dans le tissu urbain. Exemple dans le quartier
d’Ijsselmonde, à Rotterdam, où des appartements dans un immeuble en
construction accueilleront dix personnes handicapées physique, et douze
handicapées mentales. « Dans ce même quartier, nous sommes également en
train de réaliser un ensemble de 100 maisons dont 18 destinées à des personnes
trisomiques, poursuit l’architecte. Dans d’autres lieux de la ville, il est prévu de
faire cohabiter des citoyens ordinaires, d’anciens alcooliques et d’anciens
drogués. La drogue est, en effet, en train de devenir un gros problème aux Pays-
Bas. La marijuana, notamment, en vente libre, est proposée dans des versions
concentrées très nuisibles à la santé mentale. Il y a donc un gros travail à faire
pour la réinsertion des victimes de tels produits. »
Ces ensembles de maisons ou d’appartements répondent tous à une même
logique : construits par des bailleurs sociaux, les logements sont ensuite loués à
des associations subventionnées par l’État, auxquelles les pensionnaires paient
un loyer défini en fonction de leurs revenus. Dans chaque ensemble sont prévus
un concierge ou une maîtresse de maison, un médecin et un programme
d’activités quotidien. « Les locataires connaissent ainsi une sorte
d’indépendance sous contrôle », explique Michiel Versteegh.
Si la volonté politique d’intégration existe, elle n’est pas toujours bien
accueillie : « Il est arrivé que des habitants protestent contre la création de
telles maisons près de chez eux» témoigne Michiel Versteegh.Sur les pistes cyclablesNéanmoins, dans les rues de Rotterdam, comme dans celles d’autres grandes
villes du pays, les personnes handicapées, notamment physiques, sont bien
présentes. Grâce aux nombreuses pistes cyclables qui jalonnent les différentes
artères, la plupart des quartiers leur sont en effet accessibles. Les personnes en
fauteuil roulant croisent les cyclistes, doublent les piétons ou bébés en poussette.
Comme les Hollandais aiment à le faire, il est fréquent également de voir un
couple de personnes âgées en fauteuils motorisés discuter ou prendre le soleil au
pied d’un immeuble.
Seule exception, Amsterdam, considérée par l’architecte « comme une ville-
musée et non comme une ville résidentielle ». Même pour les touristes, la
multitude de ponts rend laborieuse et fatigante la visite en fauteuil et la
configuration des maisons – tout en hauteur avec escaliers intérieurs raides et
étroits – quasi impossible l’accès aux chambres d’hôte du centre historique. Il en
va de même pour les hôtels. Hormis les quatre ou cinq étoiles, les établissements
accessibles aux personnes handicapées sont pour la plupart situés à l’extérieur
de la ville, voire dans des villes voisines… Qu’à cela ne tienne : on se consolera
en apprenant que le stationnement est gratuit à Amsterdam pour les
automobilistes détenteurs du macaron européen d’invalidité. Ce qui n’est pas un
luxe quand on sait que les horodateurs fonctionnent jour et nuit dans cette
Venise du Nord !
Chantal Féminier
Titre 5 : Accéder à la cité
1. Introduction
Projets d'observatoire et de label
Dans son rapport, Patrick Gohet, délégué interministériel aux Personnes
handicapées, propose la création d'un observatoire interministériel de
l'accessibilité. Celui-ci serait chargé d'assurer le suivi de la réalisation des
mesures prises mais également de concevoir, avec les organismes de
normalisation et de certification, les chercheurs et les professionnels, les critères
et les méthodes qui permettraient d'asseoir l'accessibilité comme l'un des critères
d'excellence en matière de construction, de transports… Dans cet esprit, un label
HPA (Handicap et perte d'autonomie) pourrait être créé et, par la suite, décliné
en prix nationaux “HPA Accessibilité” encourageant les bonnes pratiques en la
matière.
Ce que dit la loi
Elle pose le principe de la continuité de la chaîne de déplacement qui comprend
le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de
transport et leur intermodalité. La personne handicapée doit pouvoir évoluer de
manière continue et sans rupture. Maillons essentiels de cette chaîne, les
systèmes de transport collectif devront, d'ici le 12 février 2015, être accessibles
aux personnes handicapées et/ou à mobilité réduite. Dans un délai de trois ans à
compter de la publication de la loi, soit le 12 février 2008, les autorités
compétentes ont l'obligation d'établir un schéma directeur d'accessibilité des
services de transports publics dont elles sont responsables. Les exploitants ou
gestionnaires de gares, d'aéroports et de ports sont assujettis à la même
obligation. En cas d'impossibilité technique avérée de mise en accessibilité d'un
système de transport, l'autorité compétente aura trois ans pour assurer la mise à
disposition de moyens de substitution accessibles au même tarif que les
transports collectifs.
La loi étend à toutes les communes l'obligation d'établir un plan de mise en
accessibilité de la voirie et des espaces publics qui fera partie intégrante du plan
de déplacements urbains (PDU).
En ce qui concerne la citoyenneté, la loi modifie le Code électoral en demandant
que les bureaux et les techniques de vote soient accessibles aux personnes
handicapées, quel que soit le type de handicap. Des adaptations sont également
prévues pour permettre l’accès aux soins ou à la justice des personnes sourdes,
aveugles ou aphasiques, avec des dispositifs de communication, des aides
techniques et humaines.
L'urgence est la même pour tous
Un centre national de réception, de centralisation et d'orientation des demandes
des personnes sourdes ou malentendantes est en projet avancé. Il doit leur
permettre d'avoir accès en permanence aux numéros d'appel d'urgence des
services publics (Samu, pompiers, police dans un premier temps ; ANPE,
Assedics, préfectures, mairies dans un second temps). Il s'agit d'une aide à la
communication à distance, mais également sur place grâce à la webcam (pour la
langue des signes) et à la transcription écrite. Ce projet a fait l'objet d'une étude
de l'Union nationale pour l’insertion sociale des déficients auditifs (Unisda) en
2006. Il s'inspire de ce qui se fait déjà depuis de longues années en Grande-
Bretagne, en Suisse ou encore aux États-Unis, et a reçu le soutien du délégué
interministériel et du ministre chargé des Personnes handicapées… Rappelons
que l'article 78 de la loi du 11 février 2005 stipule que “les appels d'urgence
doivent être accessibles”.
2. Grenoble toujours pionnière
Aller toujours plus loin dans l’accessibilité de la cité : cela reste l’objectif des décideurs
de Grenoble. Une ville pionnière pour encore longtemps.
« Plus qu’une tradition, l’accessibilité, à Grenoble, est une démarche historique. » Philippe
Billard sait de quoi il parle : il est responsable des investissements transport et voirie au
SMTC (Syndicat mixte des transports en commun) de cette agglomération. Et il a raison : dès
1979, un service accessibilité était créé à la mairie et, depuis, élus et techniciens n’ont eu de
cesse d’améliorer le confort urbain des personnes à mobilité réduite. Pourtant, il reste encore
des points à améliorer, auxquels les Grenoblois se sont attelés, comme cela a été exposé lors
d’un séminaire organisé en septembre dernier.
Si le tramway a été conçu dès l’origine pour être accessible aux personnes à mobilité réduite,
les lignes de bus sont, elles, adaptées progressivement (68 % actuellement), en partie grâce à
l’évolution technologique. En même temps, alors qu’aucun arrêt n’était aménagé en 1995, 590
quais ont aujourd’hui une bordure biseautée conçue pour les véhicules à plancher bas, des
couleurs contrastées et des rails de guidage pour les personnes malvoyantes (30 000 euros par
quai). Si 110 autres sont compatibles (moyennant quelques travaux), les édiles voient poindre
une autre difficulté avec l’extension récente de la communauté d’agglomération à des
communes semi-rurales : comment aménager les arrêts de bus là où il n’y a pas de trottoirs ?
Les responsables de la Semitag (Société des transports en commun), alertés par des
associations d’usagers, ont mis en place une formation des conducteurs aux spécificités de
l’arrêt de leur véhicule.
Tous les acteurs, qu’ils soient élus, gestionnaires des transports ou commerçants (87 % des
seuils de magasins sont accessibles en fauteuil), savent aussi que le chantier qui s’ouvre est
celui des handicaps sensoriels. Les associations grenobloises de non-voyants sont déjà
associées à des tests avant toute installation de bandes podotactiles ou colorées. Mais il faut
parfois une longue concertation multipartenariale pour gérer des conflits d’usages à des points
complexes comme l’accès à une station-service, obligeant les automobilistes à traverser
espaces piétons et pistes cyclables. Un membre d’une association de sourds signalait
également, lors du séminaire grenoblois, qu’il manquait une signalétique suffisante, par
exemple lors du retard d’un bus. « La difficulté, reconnaît-il, est que l’information écrite n’est
pas toujours comprise par des personnes sourdes qui ont souvent des difficultés de
compréhension du français. » Grâce à ces remarques, diverses solutions sont expérimentées :
code couleurs pour les lignes de bus, télécommande individuelle permettant de savoir quel est
le numéro du tram à l’approche, écrans tactiles plats à bord…
A la pointe de l’accessibilité urbaine, Grenoble devrait également être, à l’avenir, à la pointe
de la planification. La longue expérience commune de tous ses acteurs leur permet
aujourd’hui d’être en avance dans l’élaboration du schéma directeur de l’accessibilité rendu
obligatoire par la loi de 2005 : « Dans cette annexe de notre Plan local d’urbanisme »,
explique Valérie Chenevier, chef du service déplacements accessibilité de la ville, « nous
nous fixons des objectifs permettant l’autonomie de chacun d’ici à 2012, sans attendre
l’année 2015 fixée par la loi. » Cet outil de programmation permet aussi d’intégrer cette
dimension aux autres politiques (voirie, tourisme, etc.) et dans les discussions avec les autres
autorités organisatrices : le Département pour les cars périurbains et la Région pour les gares
et la connexion entre les différents modes de transport. La réflexion sur l’accessibilité est
finalement un atout depuis l’origine : « Le travail sur les grands boulevards dans les années
80 », se souvient Max Montmayeur, chef du service opérationnel tramway, a été l’occasion de
relier les quartiers entre eux et de rendre la ville plus agréable pour tous. »
Véronique Vigne-Lepage
3. Metz : une “Mission Handicap” efficace
Depuis dix ans, une politique municipale d'accessibilité permet à la ville de
Metz d’intégrer sa population handicapée et de sensibiliser l’ensemble de la
communauté urbaine.
Il a fallu la rencontre entre le maire, Jean-Marie Rausch, et l'un de ses
administrés, myopathe en fauteuil, Dominique Trabucco, pour changer l’horizon
des Messins. Le premier inscrit le second sur sa liste aux élections municipales
de 1995, puis le nomme en 2001 à la tête du service “Mission Handicap” de la
ville. L’action de ce service a été récompensée en février 2006 par l’attribution
du trophée national de l’Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés)
dans la catégorie “Accessibilité de la ville”.
« Il a d’abord fallu occuper le terrain, explique Dominique Trabucco.
Ensuite, nous avons dû fixer nos objectifs. J’ai tout de suite établi que mon
service devait se préoccuper de l’accessibilité de tous, pas seulement des
personnes handicapées, et qu’il ne devrait pas gérer d’argent. » Le service
fonctionne en conseil pour tous les autres services qui disposent, eux, de
leur propre budget. Ainsi, il n’y a pas de coût du handicap mais un coût
d’aménagement d’accessibilité pour tous. A partir de là, la Mission
Handicap a dégagé quatre axes sur dix ans. Le premier a consisté à
convaincre tous les services de la ville qu’ils doivent intégrer dans leurs
projets la problématique des personnes en situation de handicap. La
Mission Handicap a ainsi reçu dans ses locaux les 40 chefs de service de la
mairie. Deuxième axe : la sensibilisation par la mise en situation. « Nous
emmenons les responsables sur place, nous les mettons dans un fauteuil
roulant ou nous leur bandons les yeux. C’est sur le terrain qu’ils peuvent
prendre les bonnes décisions. Nous consultons aussi les personnes-ressources
et les associations », expose Dominique Trabucco. « Personnellement, je me
balade au moins une fois par semaine dans les rues pour voir ce qui n’était
pas dans les dossiers. » Troisième axe de la Mission Handicap : s'intégrer
aux commissions et aux institutions au sein desquelles elle fait valoir son
savoir-faire. Le quatrième axe, conséquence des trois premiers, concerne
l’information. « Nous avons un réseau important et nous sommes devenus un
centre de ressources pour les agents municipaux et les administrés », précise
le responsable de la Mission Handicap de la ville de Metz.
Des cheminements aménagés
Concrètement, la ville de Metz a réalisé de nombreux aménagements. Les
71 bureaux de vote ont été adaptés. Le service a également été à l’initiative
d’équipements urbains concernant le cheminement des personnes
handicapées mais aussi de la population âgée par des abaissements de
trottoirs, la pose de pavés ou de bandes podotactiles, l’installation de bornes
sonores sur une centaine de traversées et la mise en place de panneaux en
couleurs très contrastées.
Rien n’a été non plus oublié au plan culturel. L’Office de tourisme est
labellisé “Tourisme & Handicap” pour les quatre déficiences (un très
intéressant guide en braille avec dessins en relief des monuments est
notamment disponible), les musées de la Cour d’or sont partiellement
accessibles avec plans inclinés et ascenseurs. Le théâtre de l’Arsenal dispose
de places aménagées pour les personnes en fauteuil. Le centre Pompidou-
Metz, qui doit ouvrir en 2009, sera complètement accessible. L’action du
service “Mission Handicap” s’exerce encore dans le domaine de la scolarité,
de l’emploi, des sports et des transports. « Nous avons un transport
spécialisé qui fonctionne à la demande, il est géré par la communauté
d’agglomération (TCRM/TPMR). En ce qui concerne la mise en accessibilité
des lignes de bus : tous les nouveaux bus achetés sont maintenant accessibles.
Sur un total de 180 véhicules, nous en renouvelons une dizaine par an, un peu
plus cette année. »
Gérard Marinier
Pour en savoir plus :
Mairie de Metz, Mission Handicap, 1 rue des Tanneurs - BP 21025 - 57036
Metz Cedex 01. Tél. 03 87 55 50 15 - e-mail : [email protected]
- Site Internet : www.mairie-metz.fr
Office de tourisme de Metz, 2 place d’Armes - BP 80367 - 57007 Metz Cedex
01. Tél. 03 87 55 53 76 - e-mail : [email protected] - Site Internet :
http://tourisme.mairie-metz.fr
4. Pas très mobile en ville…
“Moins de pain frais pour qui se déplace en fauteuil roulant !” Tel est le
constat en forme de slogan établi par l'association Mobile en Ville, auteur
d'une étude sur la voirie réalisée l'an dernier.
Terrasses de cafés, poubelles, deux-roues mal stationnés, panneaux
publicitaires… Si l’occupation des trottoirs de nos villes est parfois gênant pour
les déplacements des piétons, c’est un réel parcours d’obstacles quotidien pour
les personnes à mobilité réduite (PMR). Dans une étude publiée récemment*,
l’association Mobile en Ville souligne qu’au lendemain de la mise en
application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’inaccessibilité de la
voirie et l’encombrement des trottoirs confinent encore les personnes
handicapées à leur domicile.
En 2006, l’association Mobile en Ville a fait un sondage auprès de 73 personnes
se déplaçant en fauteuil roulant, sur leurs habitudes de déplacement et les
problèmes rencontrés. 67 % d'entre elles citent les problèmes d’accessibilité
comme l’obstacle principal à leurs déplacements, loin devant les problèmes de
fatigue liés à leur handicap. Parmi les problèmes le plus souvent rencontrés,
elles citent le manque d’abaissement des trottoirs (70 % des personnes
interrogées) et la présence d’obstacles mobiles (60 %), suivie de près par
l'inaccessibilité des établissements recevant du public (ERP) pour 58,9 % d'entre
elles. Concernant les abaissements de trottoirs, l’étude souligne la pertinence du
seuil de 2 centimètres (hauteur maximale réglementaire pour un passage
piéton) : 93 % des personnes réussissent à franchir un obstacle de 2 centimètres
contre 40 % s’il est situé à 6 centimètres.
Des usagers… et des clients
Cette étude montre aussi que ces difficultés urbaines influent directement sur la
vie quotidienne des personnes handicapées. Un exemple : alors que leur
principal motif de déplacement extérieur en fauteuil reste les courses (à 78 %),
seules 42 % des PMR achètent du pain en boulangerie, contre 79 % des
personnes valides. Et encore, 27 % d'entre elles restent à la porte d'une
boulangerie inaccessible…
Elle apporte également de précieux enseignements sur les comportements des
usagers en fauteuil roulant (UFR), comme les qualifie l'association : ils
représentent une clientèle qui consomme pour les commerces, restaurants,
cinémas (71 % d'entre eux) et apprécient de se promener (53,4 %).
L’association rappelle l’obligation de rendre accessible la voirie et les
établissements recevant du public d’ici dix ans. « Au delà de ces aspects
techniques, le civisme reste un facteur d’intégration et d’accessibilité
indispensable pour les PMR. Ramasser les déjections de son chien, ne pas
stationner son scooter sur le trottoir ni sa voiture à l'arrêt de bus, respecter les
places de parking GIG-GIC… autant de gestes anodins qui facilitent
considérablement la vie des personnes handicapées et leur intégration dans la
cité », conclut-elle.
MC
* Étude détaillée téléchargeable sur www.mobile-en-ville.asso.fr/MEV-
Deplacements-PMR.pdf
MEV : 06 82 91 72 16 et www.mobile-en-ville.asso.fr
Comme sur des roulettes…
Créée il y a dix ans, l'association Mobile en Ville est connue pour avoir mis au
point un système innovant d'étude d'accessibilité des villes aux roulettes basé sur
un code couleur similaire à celui des pistes de ski. L'association a ainsi étudié
l'accessibilité de plusieurs villes aux roulettes et milite activement pour rendre la
ville accessible à tous. Le monde des roulettes de Mobile en ville regroupe des
personnes en fauteuil roulant, à rollers, en trottinette ou se déplaçant
accompagnées d’enfants en poussette.
5. L'APF distribue les cartons rouges
L'Association des paralysés de France (APF) a organisé en octobre dernier
une campagne nationale de sensibilisation sur l'accessibilité de la ville.
Des panneaux-silhouettes de personnes en fauteuil, verts pour les lieux
accessibles, jaunes pour les moyennement accessibles et rouges pour les lieux
inaccessibles. Du 8 au 14 octobre derniers, l'APF a distribué bons et mauvais
points dans plusieurs grandes villes de France à l'occasion d'une semaine
nationale de sensibilisation baptisée “Accéder7exister”. Des lieux précis
préalablement testés, ont ainsi été “marqués” dans sept situations de la vie
quotidienne : transports et voirie, cabinets médicaux, commerces de proximité,
établissements scolaires et lieux de travail, structures sportives et de loisirs,
administrations et institutions, logements. L'APF s'est également appuyée sur
une étude réalisée en mai dernier auprès d'un échantillon représentatif de 424
personnes handicapées adhérentes de l'association, qui a fait ressortir que
l'inaccessibilité était ressentie comme la première des discriminations subies par
les personnes en situation de handicap (voir encadré).
La première des discriminations
A Paris, mise au banc d'essai avec près de 350 silhouettes placées dans cinq
quartiers. Le restaurant Hippopotamus place de la Bastille, le cinéma MK2 du
boulevard Beaumarchais, l'université Paris-III le tramway porte de Versailles,
entre autres, se sont vu décerner une silhouette verte, tandis qu'un cabinet
médical de la Bastille, le téléphone public rue de Rivoli ou encore le métro
Hôtel de ville, par exemple, ont écopé d’une silhouette rouge. A Lyon, la
journée d'action a donné lieu à une scène cocasse : les deux Maisons du Rhône,
gérées par le conseil général et censées éviter aux personnes handicapées de se
rendre pour leurs démarches à la Maison départementale des personnes
handicapées (MDPH) si elles s'en trouvent trop éloignées, se voyaient habillées
tout de rouge !
A 2 643 jours de l'échéance 2015, où, selon la loi du 11 février 2005, tout devra
être accessible, l'APF a mobilisé ses délégations dans plus de 85 départements
pour inviter l'ensemble de la société à s'engager dans une démarche déterminée
et responsable, et exprimer de nouveau ses revendications : rénovation des
espaces publics, de la voirie et des équipements publics ; limitation des
dérogations à l'obligation de mise en accessibilité ; mesures d'incitation fiscale ;
accès facilité au logement ; mise en accessibilité des établissements scolaires et
des lieux de travail ; réelle liberté de déplacement…
MC
www.accéder7exister.org
Les personnes handicapées jugent l'accessibilité en France*
50 % des personnes interrogées estiment que la première difficulté réside dans
les problèmes d'accessibilité des transports et des lieux publics.
30 % jugent prioritaire la mise en accessibilité des services et structures de
santé.
42 % estiment que rien n'a changé dans leur quotidien en matière d'accessibilité
depuis la loi du 11 février 2005.
Les personnes interrogées ont ensuite été invitées à noter entre 0 et 10 le niveau
d'accessibilité de différents lieux.
Les commerces ont obtenu la note 6, les administrations 4,8, les cabinets de
médecine générale 5…
La meilleure note est allée aux supermarchés (7,4) et aux hôpitaux (7,1). La plus
mauvaise note aux moyens de transport urbains (3,8) et aux tribunaux (3,9).
* Source : APF, mai 2007.
6. UNSA : Militer pour l'accessibilité
L'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) veut placer l'accessibilité parmi les
revendications des organisations syndicales.
« Comment arriver au tout, partout, pour tous ? » Autour de cette question d’accessibilité, la
commission handicap de l’UNSA, présidée par Jean-Claude Montagne, a organisé au
printemps dernier un colloque intitulé “Citoyens en situation de handicap – Vivre dans la
cité ?”. Dans le cadre d'ateliers “accessibilité”, des militants syndicaux, des élus, des
représentants de partis, d’associations, d’administrations et d’entreprises ont débattu pour
dégager des pistes de travail et des actions.
Dans l’atelier “hébergement”, animé par Jean-Claude Montagne, il a été dit que des logements
accessibles devraient être construits en petites unités au sein d’immeubles, de résidences, de
quartiers. Les représentants d’associations devraient chaque fois être intégrés dans la
conception et le suivi des projets au sein des commissions d’accessibilité, afin d’éviter les
oublis. Mais pour faire vivre la loi, leur formation et la prise en charge de leurs frais de
déplacement doivent être assurées. « Construire pour les plus handicapés, c’est construire
pour tous », ont-ils conclu. Dans l’atelier “transports”, animé par Raymond Côte, secrétaire
national de l’UNSA Fonctionnaires, le groupe a particulièrement insisté sur la notion de
chaîne de l'accessibilité, la considération des handicaps non visibles et l’harmonisation de la
signalétique entre les transporteurs. A ce propos, la mise en place d’une charte nationale de
l’accessibilité dans le transport ferroviaire a été évoquée. Le dernier atelier, “sports, loisirs et
culture”, animé par Marie-Lucie Gosselin, médecin scolaire et membre de l’UNSA Éducation,
est revenu sur l’enjeu de la scolarisation des enfants handicapés, qui influence positivement
les représentations des autres enfants sur les capacités des personnes handicapées. L’ouverture
de centres de loisirs mixtes (enfants valides et handicapés) par la mairie de Paris s’inscrit dans
cette optique.
Peser sur les pouvoirs publics et privés”
Lors d'une table ronde intitulée “De la loi de février 2005 à la réalité : les conditions
d’accessibilité”, les intervenants ont souligné les points de discrimination sur lesquels l’action
syndicale pouvait porter et ont convenu de la nécessité d’une transversalité des actions à
mettre en place : les personnes handicapées ont trop fait les frais des problèmes inhérents à la
centralisation ou à la décentralisation. En ce sens, l’envoi par le gouvernement d’un Guide
pratique de l’accessibilité à tous les maires de France a été considéré comme très positif.
« L’UNSA doit faire de l'accessibilité et de l’autonomie dans l’accès au travail des personnes
handicapées le centre de son action, en partenariat avec les associations », a estimé Martine
Vignau, conseillère nationale UNSA.
« Nous demandons une réforme du Conseil économique et social européen pour y intégrer
organisations syndicales et associations », a déclaré Alain Olive, secrétaire général de
l'UNSA. « Avec le souhait d’approfondir la réflexion sur le handicap, de renforcer la
formation des militants et de développer des partenariats pour peser sur les choix des
pouvoirs publics et privés. »
Gaëlle Desportes
7. Les happenings” citoyens de jaccedeJaccede
Avec le concept de “Journée de l’accessibilité”, l'association jaccede
Jaccede propose de référencer un maximum de lieux accessibles aux
personnes à mobilité réduite.
Une marche à l’entrée d’un commerce, une largeur de porte inférieure à 80
centimètres, des toilettes en sous-sol, sans pas d’ascenseur… Voici quelques
critères qui caractérisent fréquemment les établissements parisiens et qui les
rendent inaccessibles aux personnes en fauteuil. Pour alerter l’opinion publique
sur cette situation mieux se rendre compte de cette situation accablante de notre
capitale, mais aussiet tenter de répertorier un maximum de lieux accessibles,
l’association (jaccede.com”, en collaboration avec l’association Unis-Cité, a
organisé en mars dernier la première Journée de l’accessibilité à Paris. A cette
occasion, 550 jeunes volontaires d’Unis-Cité, venus de toute la France, ont
sillonné les rues de chaque arrondissement parisien, à la recherche de
commerces de proximité, de lieux culturels ou de détente, pouvant accueillir des
personnes à mobilité réduite. Chaque commerce part avec un capital de 10
points. Selon les difficultés qu’une personne en fauteuil peut rencontrer dans ces
établissements, des points leur sont retirés. Après plusieurs heures de marche, le
bilan n’est pas très réjouissant et les jeunes volontaires prennent vite conscience
de l’importance et de la difficulté de leur tâche. Sur tous les lieux qu’ils ont
visités, seulement un sur quatre est plus ou moins accessible.
Accompagner les petits commerces
Au-delà de ce référencement, un véritable travail de sensibilisation auprès des
commerçants s’impose. Si la Mairie de Paris avait promis de communiquer
massivement sur les bienfaits de l’accessibilité en 2007, elle n’en a finalement
rien fait. Par voie de conséquence, la capitale semble un peu en retard en la
matière par rapport à des villes comme Lyon, Lille, Nantes ou Vannes, où des
documents municipaux ont été édités à l’intention des commerçants pour les
guider dans leurs démarches, afin qu’ils sachent comment se rendre accessibles.
Pour Damien Birambeau, président de jaccede.com, « la priorité est de tout
rendre accessible. Les personnes à mobilité réduite veulent sortir. Mais à
l’heure actuelle, elles restent encore cloitrées chez elles, à cause des mauvaises
infrastructures. Alors on ne les voit pas, et les gens ne s’habituent pas. Il
faudrait que tout le monde se regroupe et qu’il y ait une prise de conscience
collective. Les personnes à mobilité réduite ont le droit d’avoir une vie sociale
comme tout le monde ! Et pour les commerçants, iIl y a aussi un intérêt
économique derrière ce problème de l’accessibilité : on attire plus de clients si
l’on est accessible ! »
Mais nous sommes encore bien loin de cette prise de conscience collective, et
bon nombre de propriétaires d’établissements parisiens n’ont même pas entendu
parler de la nouvelle loi de février 2005 qui oblige tous les lieux publics à se
rendre accessibles d’ici 10 ansdans huit ans. L’autre problème soulevé par la
nécessité de l’accessibilité est d’ordre financier. Si les lieux touristiques ou
d’accueil, comme les grandstels que les hôtels hôtels et restaurants bénéficient
peuvent bénéficier d’aides, il n’en va pas de même pour les petits commerces de
proximité, qui ne peuvent pourtant pas tous faire face au coût des travaux. Autre
point négatif : les monuments historiques, classés au patrimoine de
l’UNESCOl’Unesco, ne peuvent pas tous être aménagés avec des ascenseurs,
bien que la culture se doive d’être accessible à tous. Enfin, le seul moyen dont
dispose une personne à mobilité réduite, aujourd’hui, pour se déplacer à Paris,
est la voiture… Hormis la ligne de métro 14, et quelques lignes de bus, les
transports en commun sont en grande majorité inaccessibles aux PMR personnes
à mobilité réduite.il n’existe en effet aucune rame accessible aux personnes en
fauteuil. Triste constat, deux ans après la nouvelle loi.
1 000 lieux…
Si le bilan de cette journée laisse comme un goût amer face au manque
d’information, il en ressort toutefois un élan positif pour l’association
jaccede.com. A l’issue de cette mobilisation, en effet, 2 000 lieux accessibles ont
été référencés, et 1 000 rentrés sur leur site Internet. « Nous sommes très
contents de cette journée, elle est encourageante pour nous », confient Damien
et ainsi que Julie Carbonnel, responsable mobilisation et communication. « Nous
savons que cette démarche correspond à une véritable attente, et aujourd’hui,
nous pouvons offrir 1 000 lieux de plus à nos 16 000 visiteurs mensuels. Notre
objectif maintenant est d’élargir notre champ d’action et de développer
jaccede.com partout en France. ».
D’autres journées de l’accessibilité ont eu lieu à Nantes, Marseille, Lille,
Strasbourg et Bordeaux au cours de l’année 2007, permettant de recenser plus de
1 000 lieux supplémentaires. le 19 octobre, à Cergy, avec 50 volontaires d’Unis-
Cité, et le 8 décembre à Metz, dans le cadre du Téléthon. La prochaine grande
mobilisation de jaccede.com se tiendra vraisemblablement au mois de février
2008, à Lyon. En attendant, ouvrez l’œilchacun peut ouvrir l’œil et pensez à
inscrire les commerceslieux accessibles que vousqu’il croisevisite croiserez
Cette fois, !sur le site de l’association.les associations locales seront impliquées
et ce sont 1000 scouts de France et 50 volontaires d’Unis-Cité qui sillonneront
les rues lyonnaises.
Carine ChaussonSite Internet : www.jaccede.com
Un réseau sur le Net au service de l'accessibilité
L’idée de l’association jaccede.com est née fin 2004, alors qu’un magazine
éponyme cessait de paraître.e la maison d’édition de la version papier ferme ses
portes. Damien Birambeau, ancien maquettiste, décide alors de créer un site
collaboratif pour sensibiliser le public à la question de l’accessibilité et pour que
les personnes à mobilité réduite échangent infosinformations et bonnes adresses
accessibles. Le but est de créer un réseau au service de l’accessibilité, où, pour
rendre le site dynamique, les gens deviendraient membres de l’association. Dès
février 2005, des réunions d’idées ont lieu pour savoir comment envisager créer
un guide efficace des lieux accessibles.
Puis de février 2005 à septembre 2006, Damien est à la recherche des
partenaires. Finalement, Iil obtient le soutien de la région Ile-de-France, et
l’association voit le jour en avril 2006. Elle comporte désormais 15 membres
actifs et 1002 1 062 membres participant à la mise en ligne des lieux accessibles.
En une année, elle est passée de 4 000 visiteurs mensuels à 1600017 000, et la
moitié des lieux référencéser proviennent des membres de l’association, l’autre
moitié des Journées de l’accessibilité. Voilà une belle initiative collective à
laquelle chacun peut contribuer pour améliorer l’accessibilité.
Lien : www.jaccede.com
8. Marseille : un tramway 100 % accessible
Grâce à la concertation, le tramway marseillais offre une plus grande
accessibilité à la cité phocéenne.
En octobre 2002, selon un sondage Sofres, 89 % des marseillais étaient
favorables à la construction d’un tramway. En fonction depuis juillet 2007, sa
cote de popularité a certainement encore grimpé, notamment du côté des
personnes à mobilité réduite. Car selon ses concepteurs, ce tramway est 100 %
accessible. Comme ses équivalents grenoblois et strasbourgeois, le tramway
marseillais est écologique (aucune pollution), rapide, silencieux, confortable et
esthétique. Mais au-delà de l'esthétique, sa réussite réside dans son accessibilité.
A l’extérieur, sur la face avant du tram, le nom de la destination est affiché en
jaune sur fond noir. Lisibilité à 60 mètres. A chacune des 26 stations, l’accès
aux rames a été spécialement étudié. Les revêtements de sol utilisés permettent
de distinguer les espaces de la station : bandes podo-tactiles et teintes
spécifiques sur le bord des quais. Les rames disposent d’un plancher bas
intégral, accessible de plain-pied depuis le quai. L’espace seuil-quai est ainsi
réduit. Chaque rame comporte quatre portes doubles électriques, coulissantes
(largeur d’ouverture 1,305 m) et deux portes simples (0,80 m).
Pour la première fois en France, des boutons spécifiques pour les utilisateurs de
fauteuils roulants, placés à l’intérieur dans des zones spécifiques et à l’extérieur
en position basse (boutons entre 50 cm et 70 cm du sol) avec un pictogramme
particulier, commandent l’ouverture des portes. Celle-ci se fait sur une
temporisation plus longue afin de pouvoir entrer et sortir plus confortablement.
Un dispositif sonore et visuel signale la fermeture des portes. Grâce à plusieurs
caméras, le conducteur surveille toutes les opérations. Les emplacements
réservés prioritairement aux utilisateurs de fauteuils roulants (UFR) sont équipés
d’un appui sciatique. La pente est de 4 %. Pour la sécurité des utilisateurs, un
bouton d’appel d’urgence et une liaison téléphonique directe sont installés à ces
emplacements. Ce tramway est le seul à ce jour à posséder ce dispositif. Chaque
rame est équipée de six panneaux lumineux d’information, qui indiquent la
position du véhicule, le nom de la prochaine station et d’autres informations
utiles concernant le réseau.
(intertitre) Des réunions, encore et encore…
Pour parvenir à de tels résultats, les discussions ont débuté il y a plusieurs
années. Autour de la table, la Communauté urbaine Marseille-Provence-
Métropole (direction de la voirie, direction des transports), la ville de Marseille
(service municipal des handicapés et inadaptés), la RTM (Régie des transports
de Marseille), des commerçants, des associations... Hélène Bessone, directrice
APF 13 (Association des paralysés de France), se souvient de ces réunions
parfois mouvementées. « A l’origine nous ne faisions pas partie du comité de
pilotage. Heureusement cela s’est réglé. Il était impensable que nous ne soyions
pas partie prenante d’un tel projet. Nous avons même un temps menacé de
bloquer l’inauguration si ce tramway ne nous convenait pas. Nous n’en sommes
pas arrivés là. Ces réunions se sont révélées fructueuses. Ainsi, à l’occasion
d’un des tests de la maquette en taille réelle, une personne en fauteuil a basculé.
Le ressaut a ainsi pu être corrigé. Par la suite, un devers trop important à une
station a été rectifié. Les ingénieurs, les techniciens..., dont nous ne mettons pas
les qualifications en doute, étaient persuadés de savoir ce qui convenait aux
personnes à mobilité réduite. Nous n’avions évidemment pas la même
perception du handicap. Cela n’a pas toujours été simple, mais nos
préconisations ont été le plus souvent prises en compte et nous sommes
finalement assez satisfaits. »
Un constat sensiblement identique pour Rétina France. « Ces réunions ont été
très riches », souligne Raymond Filippi, délégué départemental de l’association.
« Les revendications de chacun ont été écoutées et cela a permis d’avancer tous
dans le même sens. Les problèmes étaient très souvent interdépendants. Par
exemple, un plancher bas intégral est un plus, ainsi que pour les mamans et
leurs poussettes et les personnes âgées. Ces échanges ont également été
l’occasion pour beaucoup de participants de découvrir le handicap et, plus
encore, les handicaps. Et c’est déjà un grand pas. Nous aurions évidemment
préféré des portes qui s’ouvrent automatiquement, et qui aient des couleurs plus
franches, mais globalement nous sommes satisfaits. Nous allons continuer à
suivre le dossier, pour éviter que le provisoire ne dure. »
Ainsi, le repérage sur le sol aux endroits prévus pour traverser n’est pas encore
réalisé. Comme les conducteurs, pour le moment, ne connaissent pas tous
l’intégralité des secrets de conduite de l’engin, il n’est pas toujours aisé de se
tenir debout. Et cela même lorsque l’on a 20 ans et toutes ses facultés. Quant
aux deux composteurs installés sur chaque quai, l’un face aux rails et l’autre au
bout du quai dos aux rails, donc dangereux, car il y a un risque de basculement
pour les personnes en fauteuil, ils seront à terme embarqués dans les rames.
Les trottoirs en profitent…
Pour Didier Garnier, président de la commission accessibilité au conseil général,
ce tramway est une véritable chance. « La ville a été mise à bas pendant les
travaux, ce qui nous a fait gagner cinq à huit ans au niveau des aménagements.
D’importants tronçons de trottoirs ont par exemple dû être remontés.
Parallèlement, les trottoirs des arrêts de bus (coût : 3 000 euros par station)
connaissent peu à peu le même sort. » Cette volonté vise l’accessibilité pour les
personnes à mobilité réduite d’une part significative du réseau à l’horizon 2010.
Si l’accessibilité est une priorité, et bénéficie d’une volonté politique forte de la
part de la Communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, il aura tout de
même fallu attendre le 4 juillet 2007, après une inauguration en grande pompe,
pour que le tramway nouvelle génération emprunte de nouveau les rues de la
cité phocéenne. Avec ce tramway, la deuxième ville de France comble enfin (un
peu de) son retard au niveau des transports.
Hélène Dorey
Le tramway, un formidable déclencheur
Il n’y a plus une grande ville qui ne fasse le pari du tramway. Qu’il soit parisien
ou, bientôt, niçois, il est accessible, car les avis des personnes concernées ont été
largement pris en compte. Le tramway est considéré comme un élément du
réseau de transports d’une ville, un maillon à part entière de la chaîne et il est de
ce fait à l’origine d’aménagements. Pourquoi en effet prendre un tramway, si
une fois parvenu à destination il n’est plus possible de se déplacer ? Trottoirs
agrandis et surélevés pour accueillir des bus, places de stationnement créées,
travaux de signalisation dans les stations de métro, mise en place de services de
minibus… Une fois de plus, tout le monde y gagne.
Le tramway en quelques chiffres
- Dimensions : une rame (5 par tramway) mesure 33 m de long et 2,4 m de large
- Places : 42 assises et 158 debout, avec deux emplacements pour les fauteuils
roulants
- Pratique : la ligne T1-T2 fonctionne 7/7j. Elle peut transporter 55 000
voyageurs chaque jour
- Fréquence : une rame toutes les 4 minutes en heures de pointe et toutes les 8
minutes en heures creuses
- Vitesse moyenne : 20 km/h
- Longueur du tracé : 11,6 km
- Coût global : 800 millions d’euros
Titre 6 : Accéder à la culture
1. Introduction
Et pourquoi pas l'opéra ?
A l'initiative de la Réunion des opéras de France (ROF), du Centre national de la
fonction publique territoriale (CNFPT) et du Fonds d'assurance formation des
secteurs de la culture, de la communication et des loisirs, le ministère de la
Culture et de la Communication, en partenariat avec la fondation Orange et
l'association Accès Culture, a organisé le 11 décembre dernier des rencontres
professionnelles “Culture et handicap : comment favoriser l’accessibilité des
publics en situation de handicap à l’opéra ?” Objectifs : informer les élus,
directeurs, administrateurs et gestionnaires des obligations découlant de la loi du
11 février 2005 et faciliter la mise en œuvre de l’obligation d’accueil des
personnes en situation de handicap dans les équipements culturels.
Ce que dit la loi
L'accès à la culture est une obligation depuis les lois du 30 juin 1975 et du 20
décembre 1993. Mais la faible sensibilisation médiatique a rendu leur
application difficile. Du coup, les initiatives pour rendre la culture accessible ont
souvent été le fait de la volonté d'individus impliqués dans la vie associative et
culturelle. La loi du 11 février 2005 a renforcé cette obligation en impliquant la
prise en compte de tous les visiteurs, quel que soit leur handicap, et l’exigence
d’une qualité d'usage pour tous des équipements et prestations culturels : lieux,
produits, œuvres, patrimoine, information, pratique artistique… Elle prévoit un
diagnostic et une étude de faisabilité chiffrée, avec un plan pluriannuel de mise
en conformité. Dans ce contexte légal, l'ensemble des directions de
l'administration centrale du ministère de la Culture et de la Communication s'est
mobilisé afin d'élaborer, en lien avec les partenaires associatifs représentant les
personnes handicapées, une grille commune pour élaborer un questionnaire
d'aide au diagnostic et à l'état des lieux de l'accès aux sites culturels.
Pouvoir d'achat et accès à la culture
Accéder à la culture ne se traduit pas seulement par une possibilité physique. Au
moment où le prix des produits culturels notamment, ne cesse d'augmenter, cela
suppose également que l’on dispose de moyens suffisants.
En réponse à un appel inter-associatif de 50 organisations sur le sujet des
ressources des personnes en situation de handicap, Nicolas Sarkozy a annoncé
une augmentation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 1,1 % en
janvier et de 1 % en septembre 2008. « Une revalorisation supérieure à
l'obligation légale de revalorisation en fonction de l'inflation », a-t-il souligné.
Le président a précisé que « la question des ressources devait être abordée dans
sa globalité, en traitant à la fois de l'AAH, des revenus d'activité, des droits
connexes et des pensions d'invalidité… et ferait l'objet d'un chantier de réflexion
confié à Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la Solidarité ».
2. Musées et monuments : culture dans tous les sens
Du bout des doigts, signée ou contée, en musique, avec des mots ou des gestes dans l’air ou
dans la terre, autour des odeurs, tous les sens en éveil… L’offre culturelle des musées et des
monuments se développe et permet aux visiteurs handicapés de découvrir l’art et d’en profiter
pleinement.
Regardez voir
Apprendre à regarder, c’est ce que bien des conférences et visites guidées,
découvertes ou ludiques proposent aux visiteurs des musées et monuments.
Certaines sont adaptées spécialement pour les personnes sourdes et
malentendantes : des visites en langue des signes française (LSF) (Beaubourg,
musée des Arts et Métiers, parcours “Si le Louvre m’était signé”) et parfois des
visites contées en LSF. En l’absence de conférencier, des visioguides ou guides
vidéo en langue des signes peuvent être empruntés : sur un petit écran, la visite est
commentée en LSF (château de Versailles, musée du quai Branly, Vulcania,
basilique Saint-Denis avec sous-titrage). Pratiques, ils permettent de re-visionner,
sauter des passages... Des conférences en lecture labiale (musées et jardins de la
ville de Paris, musée Granet à Aix-en-Provence), dont se réjouit Katia, devenue
sourde : « C’est beaucoup plus vivant, le conférencier parle plus lentement bien en
face de nous, on n’a plus besoin de lire toutes les explications. On peut poser des
questions et échanger nos impressions ! » La présence de boucles magnétiques permet aux personnes appareillées (position T) de disposer d’un bon confort
d’écoute, que ce soit pour des visites guidées avec micro (musée Rodin), l’écoute
des documents sonores ou l’utilisation de certains audio-guides (exposition Wagner
à la Cité de la musique, musée Fabre à Montpellier). Si les audiovisuels sont sous-titrés en français, pour tous quand ils sont en langues étrangères, les personnes
sourdes et malentendantes peuvent en profiter aussi. Mais ils le sont rarement en
LSF (Saint-Denis, Cité des sciences).
D’autres visites sont à destination des personnes handicapées mentales : (“art
pédagogie” basée sur un rapport sensible à l’œuvre à Beaubourg, visites
chorégraphiées, musicales et contées, ateliers de pratique artistique aux musées
Fabre, d’Art moderne de la ville de Paris, Zadkine, Rodin, d’Orsay) ou handicapées psychiques (Louvre, Muséum national d’histoire naturelle). L’expression adaptée, la
pédagogie, l’accent mis sur l’observation et les échanges, un plus petit nombre de
personnes permettent à chacun de mieux participer. Le support d’éléments sonores
et tactiles, de maquettes, par exemple, enrichit la visite ainsi que les ateliers. Des
pictogrammes facilitent les déplacements et repérages.
Pour les personnes à mobilité réduite, des fauteuils roulants, des sièges pliants
peuvent être empruntés. Les parties accessibles des bâtiments sont souvent
indiquées sur les plans (Louvre, parc de Versailles). Des visites peuvent être
organisées les jours de fermeture pour des groupes, comme le Cercle culturel de
l’APF. Quand des salles ou parties de monuments sont inaccessibles, des audiovisuels offrent une visite virtuelle ou les sites Internet, où l’on trouve en
général des indications détaillées sur l’accessibilité. Exceptionnel : au château du
Haut-Koenigsbourg, une fois par an, les pompiers portent les personnes en fauteuil !
“Écouter voir”
Comment “voir” sans pouvoir regarder ? Courant artistique, vie de l’artiste,
description des œuvres faisant appel à l’imagination, contexte historique, musical…
les visites orales (“Écouter voir” à Beaubourg), commentées (Monuments
nationaux) ou descriptives (Louvre) se développent dans de nombreux musées.
Clara les apprécie : « Avoir vu m’aide sans doute à mieux appréhender les
références aux couleurs et aux formes. Mais je me créée ma vision de l’œuvre par
l’imagination. » Le support de plans en relief, d’images thermogonflées représentant l’œuvre d’art permet d’en saisir les proportions, les lignes de
construction (Louvre, Fontainebleau). Des conférenciers utilisent des écrits de l’époque, des enregistrements sonores, ou font écouter des œuvres musicales
contemporaines (musées royaux de Bruxelles, la “promenade musicale” au Louvre,
une nouveauté). En l’absence de conférencier, les audioguides sont bien utiles,
certains présentent un parcours spécifique pour les personnes déficientes visuelles
avec une description plus poussée d’œuvres, avec musique et sons (Saint-Denis,
Chenonceaux, Versailles). Cet outil permet une visite à son rythme, ce qui est
apprécié par beaucoup, des enfants aux personnes psychotiques. L’exposition
“Bêtes et hommes”, qui marque la réouverture de la Grande Halle de La Villette à
Paris, est jalonnée de 25 points d’écoute sonore ou d’audio-description, utilisables par tous. Des médiateurs, à certaines dates, guident les personnes
aveugles dans l’exposition. Comme chaque fois que des œuvres sonores ou films
sont présentés, la visite en est enrichie.
Du bout des doigts
Toucher pour voir, comprendre, imaginer… l’offre des visites tactiles est variée.
Explorer des œuvres originales, telles des sculptures en bronze ou en marbre, des
tissus ou du mobilier, des plantes, des animaux naturalisés… à main nue ou avec
des gants en plastique très fin (“Toucher pour voir” à Beaubourg, “Tokyofeel” au
palais de Tokyo, musées des Années 30 à Boulogne-Billancourt, des Beaux-Arts à
Lyon, Granet à Aix-en-Provence, de la Malmaison à Rueil*, Muséum national
d’histoire naturelle, musées Victor-Hugo et Carnavalet à Paris…). Découvrir des copies et moulages d’œuvres en résine ou en plâtre (galerie tactile au Louvre). Se promener dans le bâtiment (Beaubourg, Cité des sciences, Louvre). « ‘L’approche
est particulière avec la sculpture, car ces œuvres n’ont pas été créées pour être
touchées mais regardées. Notre discours doit aider les personnes aveugles à
reconstituer l’œuvre », explique une conférencière. « C’est merveilleux, je peux
comprendre et visualiser une œuvre décrite, par exemple ce qu’est un centaure, cela
me donne aussi une idée des proportions… Il faut apprendre à lire par le
toucher**’ », précise Laurence, aveugle de naissance.
Il existe même parfois des possibilités de visites autonomes, comme dans les musées du Nord “au bout des doigts”, à la Cité des sciences et au Centre d’histoire de la Résistance, lors de “Lyon en guerre*”, où un marquage podotactile permettait au visiteur de se déplacer seul, de panneau en panneau, pour découvrir sur une tablette inclinée des images en relief avec cartels en braille ou textes agrandis. Des maquettes tactiles (cathédrale de Bourges, château de Blois, “Bêtes et hommes”, ville d’Édimbourg) donnent une vue d’ensemble dont tous les visiteurs bénéficient. Des objets sont créés spécialement pour des musées et expositions à démonter, remonter, manipuler… pas toujours un jeu d’enfant ! et des échantillons de matériaux sont présentés (Cité des sciences, Vaisseau à Strasbourg, exposition Pirates* au musée de la Marine, Quai Branly avec la rivière). Aux musées royaux de Belgique, les conférencières n’ont pas hésité à recréer une nature morte avec un vrai homard, des citrons, des verres… Parfois on fera prendre aux visiteurs la position de personnages sculptés, pour les leur faire mieux ressentir. Cette expérience est réalisée aussi avec des enfants et des personnes handicapées mentales ou sourdes. Annick, qui accompagne souvent une amie aveugle, regrette de ne pouvoir toujours toucher les œuvres elle aussi : « C’est très enrichissant. Naturellement, la priorité est donnée à ceux qui ne peuvent voir. » « Quelle est la taille de l’église ? Quand a t-elle été construite ? Quelle est son histoire ?… C’est cela qui m’intéresse, plus que de toucher les piliers de Saint-Séverin’’, déclare Sébastien… Autant de “manières de voir” !
Sentir, goûter, tous les sens sont en éveil Plus rares sont les occasions d’utiliser son odorat ! Il faudra choisir les musées
autour du parfum, du vin, de l’alimentation, des épices ou du bois… Planches, sciure,
cire… toutes les étapes de la création d’un meuble sont remplies d’odeurs. Une
expérience tactile et olfactive à laquelle les élèves de l’école Boulle ont invité les
visiteurs du musée Cognac-Jay à Paris*. La visite de jardins est souvent un
enchantement : herbe coupée, roses… et parfois l’on y trouve des cartels en braille.
Pour les personnes déficientes visuelles, l’accent est mis sur la perception auditive,
olfactive et tactile. « ‘C’est merveilleux d’aller de temps en temps de visiter un jardin.
Cela me repose des visites intellectuelles où je dois être très concentré, explique
Dominique. Là, je peux laisser libre cours à mes sensations. Mais ce n’est pas parce
que je ne vois pas que mon odorat ou mon toucher sont plus développés. »
Dans l’art contemporain, des odeurs pourront élargir les perceptions, pour le
“Mirodrome*” lors de la dernière Nuit blanche à Paris : musique, vidéos et senteurs –
bois brûlé, herbes, chocolat, sans oublier les bougies allumées – remplissaient
l’église des Blanc-Manteaux pour un moment de découverte et de détente. Des
expositions, comme “Ferme les yeux pour voir la Préhistoire” présentée au musée
départemental de Préhistoire à Nemours (jusqu’au 31 décembre 2007), se visitent
dans l’obscurité par le toucher, l’ouïe et l’odorat. Ce même, celle présentée il y a
quelques mois sur la lavande* à la Cité des sciences a donné la part belle à l’odorat.
Mais elles sont encore rares.
Quant à la mise en œuvre du sens du goût, les occasions sont exceptionnelles dans
les lieux de culture... à moins de terminer la visite par une dégustation ou de
participer à un atelier. Et pourtant, peintures et sculptures regorgent de mets délicats,
fruits mûrs, boissons exquises ! C’est à l’imagination de travailler, de faire remonter
le souvenir des saveurs évoquées. Mais c’est à d’autres plaisirs, de l’esprit ceux-là,
que l’on aura goûté !
Tous les sens sont en éveil devant les mallettes multi-sensorielles présentant
les vitraux de la Sainte-Chapelle ou les peintures sur bois médiévales du cloître de
Fréjus. Elles sont réservées aux groupes qui peuvent préparer la visite en
manipulant des tableaux tactiles et des échantillons de matières afin de saisir les
formes et les couleurs de certaines œuvres. Musiques et senteurs complètent le
dispositif. Une mallette sur les gisants de la basilique de Saint-Denis s’adressera
également aux personnes ayant un handicap moteur, auditif ou mental. Les
expositions itinérantes et les mallettes pédagogiques d’Artesens, “Il était une
fois la Provence”, “Touches et notes de lumière” offrent une appréhension
interactive, ludique et sensorielle de la culture.
Chacune de ces expériences est une occasion de rencontres avec des lieux, des
œuvres d’art et des visiteurs, une occasion d’échanges autour d’une sculpture, d’un
tableau et de son histoire, autour de perceptions différentes, un véritable voyage
sensoriel.
Marie-Claire Brown
* Certaines des visites évoquées ont été organisées dans le cadre d’une
exposition antérieure.
** Formation Cité des sciences, INSHEA, Louvre et La Villette : “Dessin en
relief et communication graphique”.
Pour en savoir plus :Sites Internet : www.cemaforre.asso.fr ; http://handicap.monuments-nationaux.fr/ -
Pour l’Ile-de-France : www.arianeinfo.org - Musées “au bout des doigts” :
www.fedreg-amismusees.fr/pages/doi.html ; www.artesens.org
Préparer ou poursuivre sa visite
Pour s’informer avant la visite, contacter la personne chargée de l’accueil des
personnes handicapées. Beaucoup de lieux de culture ont édité des brochures recensant toutes les activités – parfois disponibles en braille et en gros caractères.
Elles sont souvent reprises dans les brochures de saison. Ne pas hésiter à regarder
l’offre générale à laquelle on pourra parfois s’inscrire. Les sites Internet sont d’une
grande aide, certains ont des rubriques spécifiques (Beaubourg, Monuments
nationaux) comprenant des extraits sonores, des vidéos en langue des signes, des
explications simplifiées… Se plonger dans les ouvrages de la collection “Un autre
regard” du Louvre (Du verbe à l’écrit ou Les Hiéroglyphes), “Les livres à voir et à
toucher” de la Cité des sciences (Machine Terre, volcans et tremblements de terre ou
Des clés pour bâtir), sans oublier les vidéos LSF/français (Manger, respirer, histoire
de vivre et Voyage autour du Soleil) facilitera la visite. Les Monuments nationaux ont
deux collections : “Sensitinéraires” (Sainte Chapelle, Panthéon et prochainement
Saint-Denis) avec musiques et textes, documents colorés, contrastés et tactiles, et
“Lex’signes” avec le Vocabulaire bilingue LSF/français sur la Préhistoire. Des guides de visites en braille, avec plans en relief, en gros caractères ou en langage simplifié
sont parfois disponibles à l’accueil. Pour être accompagné à des activités culturelles
et de loisirs, comme le prévoit la loi de février 2005, une personne handicapée peut
bénéficier jusqu’à 30 heures par mois d’une aide humaine. Et autre bonne nouvelle,
la gratuité s’applique à un nombre croissant de sites.
Des ateliers et activités pédagogiques de toutes sortes se développent. Les
enfants et adultes handicapés peuvent participer, suivant le handicap, à un certain
nombre d’entre eux avec tout le monde : par exemple à “L’atelier du bon pain” ou
dans le cadre de l’expo “Bêtes et hommes” à “La ronde des animaux” pour les
enfants déficients visuels au parc de La Villette ; aux ateliers d’arts plastiques au
palais de Tokyo ou “Dans tous les sons” pour les enfants déficients visuels ou
handicapés mentaux au Quai Branly. Mais des activités adaptées sont aussi
proposées. On peut par exemple poursuivre la visite tactile par un atelier ’terre” au
musée Granet d’Aix-en-Provence ou au musée des Années 30 à Boulogne-
Billancourt, et s’initier à la gravure au Petit Palais ; participer à un atelier de dessin
en LSF et bientôt en lecture labiale au musée Carnavalet ou Bourdelle, ou au Louvre
pour les personnes handicapées mentales ou psychiques… L’occasion
d’expérimenter par soi-même différentes techniques artistiques.
3. A livres ouverts
Rêver, apprendre, développer l’imaginaire, s’ouvrir au monde… Le livre
offre tout cela et bien plus encore. Édition adaptée, bibliothèques
accessibles, aides techniques ou humaines, diffusion d’Internet et du
numérique permettent que se développe la lecture pour tous.
L’édition adaptée, pour lire de tous ses sens
“Conte sur tes doigts”, “Sensitinéraires”, “Les doigt qui rêvent”, “Les livres
mains”… Autant de noms évocateurs pour des collections et des éditeurs qui
rivalisent d’imagination afin de créer des supports de lecture accessibles à tous.
L’édition adaptée doit répondre à de multiples enjeux : permettre la lecture
malgré des déficiences sensorielles, offrir l’accès au contenu des livres pour des
non-lecteurs, proposer des supports pédagogiques adaptés et faciliter la lecture.
Ceci grâce à des livres audio, en braille ou en gros caractères, à des histoires
simplifiées, des livres en pictogrammes, en langue des signes ou tactiles… La
collection “Imaginaire” des éditions Atouludik propose ainsi des textes alternant
les couleurs à chaque changement de syllabe pour les enfants dyslexiques ou
dysphasiques. Tertium édite plusieurs livres accompagnés d’un DVD en langue
des signes. Et Benjamin Média, à travers sa collection “J’écoute, je découvre,
j’imagine”, combine le son, le braille et l’écrit. « Il est intéressant, pour
apprendre le braille, d’avoir un retour auditif », explique Corinne,
orthophoniste auprès d’enfants handicapés. « Et l’écriture en noir permet de
partager l’histoire avec les frères et sœurs. »
Il manque cependant beaucoup de titres dans l’offre adaptée. « Les lecteurs
aveugles et malvoyants sont navrés de ne pas disposer des dernières sorties
littéraires en même temps que tout le monde. Les livres en gros caractères
sortent trois à six mois plus tard », souligne Josiane Meunier, responsable de
l’espace adapté Diderot de la bibliothèque Mériadeck, à Bordeaux. Les livres
adaptés étant coûteux à produire et leur rentabilité moindre, peu d’éditeurs se
lancent sur ce marché. L’édition adaptée subsiste grâce aux aides publiques, au
mécénat et à des passionnés ou des associations. Seul le livre audio représente
un véritable marché, puisqu’il est destiné au grand public. Les éditions
Frémeaux et associés se sont ainsi spécialisées dans les livres sonores. Pour le
prix d’un CD, on peut écouter, lus par des comédiens ou par les auteurs eux-
mêmes, Kafka, Pagnol ou Modiano…
Des bibliothèques et des librairies pour tous
Emprunter des livres, quoi de plus nécessaire pour entretenir la curiosité et le
goût de la lecture ? Les bibliothèques municipales s’ouvrent heureusement aux
personnes handicapées grâce à la formation des personnels, à la constitution de
fonds de livres adaptés, à l’équipement en matériel spécialisé et à l’adaptation
des locaux et des accès. A Marseille, la bibliothèque de l’Alcazar propose ainsi,
au sein de l’espace “Lire autrement”, une multitude d’adaptations :
accompagnement personnalisé des lecteurs, cabines équipées de matériel
informatique pour transcrire à la demande les livres ou la presse en gros
caractères, en braille ou en audio, livres tactiles, bibliothèque numérique... Et
lorsque les lecteurs ne peuvent se déplacer, des bibliothèques de prêt par
correspondance prennent le relais, comme celle de l’association Valentin-Haüy
ou celle de l’Abbe (Association bibliothèque braille enfantine) qui envoient des
livres aux personnes déficientes visuelles en France et en Europe francophone.
Les librairies proposant des livres adaptés sont plus rares. Certaines, comme
“Lire en tous sens”, à Caen, se sont cependant spécialisées dans cette offre.
Internet permet aussi de commander toute une série d’ouvrages adaptés,
directement auprès des éditeurs ou via des centrales les regroupant. Les livres
audio sont plus largement distribués, des librairies comme “Mots et merveilles”,
ou la “Librairie sonore” sur Internet s’étant même fait une spécialité de la
littérature à écouter.
Aides techniques, aides humaines
Pour répondre à tous les besoins de lecture, différentes solutions techniques et
informatiques permettent des adaptations au cas par cas : loupes et logiciels de
grossissement, sorties braille ou vocales, pupitres et tourne-pages pour aider à la
manipulation des livres... De nombreux acteurs viennent aussi au secours des
lecteurs handicapés : les “donneurs de voix”, les Auxiliaires des aveugles, le
GIAA, la Cascad et d’autres associations ou des mairies proposent des services
de portage de livres à domicile, des lectures à voix haute ou des enregistrements
de textes à la demande. Si ces aides sont principalement destinées aux personnes
mal et non voyantes, des lecteurs à mobilité réduite, des personnes déficientes
intellectuelles et un public âgé en perte d’autonomie y recourent également.
Le numérique au service de la lecture
Librairies et bibliothèques arrivent maintenant au domicile même des lecteurs,
grâce au téléchargement de fichiers numériques depuis un ordinateur et via
Internet. Néanmoins, les livres doivent être numérisés en mode texte pour être
accessibles à tous, le mode image ne permettant pas l’utilisation des synthèses
vocales et sorties braille.
L’offre s’étend, de la Bibliothèque numérique pour le handicap qui propose plus
de 1 000 titres au “serveur Hélène pour l’édition adaptée”, réservoir sécurisé de
textes numérisés pour la lecture, la transcription en braille ou l’édition agrandie.
En passant par Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF, qui permet déjà
l’accès à 90 000 ouvrages et s’engage à en numériser 100 000 de plus chaque
année. A l’été 2007, 60 000 fichiers de Gallica, initialement en mode image,
devaient être convertis en mode texte. Il y a aussi le vaste projet de la
Bibliothèque numérique européenne qui proposera 6 millions de documents
accessibles gratuitement à la fin 2010. La mise à disposition de formats de livres
adaptés se développe, encadrée par la loi du 1er août 2006 relative au droit
d’auteur qui a prévu une exception en faveur des personnes handicapées.
A côté de ces textes proposés gratuitement, de nombreuses librairies en ligne
vendent des livres numériques : audible.fr propose des abonnements en ligne
pour des livres ou périodiques audio ; et sur numilog.com, on trouve plus de 37
000 e-books et livres audio à télécharger sous différents formats, intégralement
ou chapitre par chapitre pour une lecture sur mesure.
Nul doute que l’accessibilité à la lecture progresse, mais des efforts sont encore
nécessaires dans le domaine de l’accessibilité numérique et de l’édition adaptée.
On rêve de livres à voir et à entendre, à lire, à toucher… et à partager. Car si « la
littérature ne permet pas de marcher, comme l’affirme Roland Barthes, elle
permet de respirer ». Vital.
Charlotte Tommy-Martin
Pour en savoir plus :
L’ensemble des ressources adaptées est recensé par l’Institut national des
jeunes aveugles (INJA), dans la BDEA, Banque de données de l’édition
adaptée : www.inja.fr/bdea
Vous pouvez aussi vous référer au numéro d’ÊTRE Handicap Information,
septembre-octobre 2006, consacré à l’édition adaptée. Et à l’Encyclopédie
culture et handicap, publiée aux éditions Cemaforre en 1998 et dont le volume 4
traite de l’écriture et de la lecture.
Des livres sur mesure
Les solutions globales adoptées par les éditeurs spécialisés n’étant pas
suffisantes, il faut souvent adapter les livres à chacune des personnes
handicapées. « Les livres “adaptés” sont rarement adaptés à la vision des
enfants que nous suivons », souligne Florence Foynard, orthoptiste auprès de
jeunes déficients visuels. « Si le champ visuel est réduit, les livres agrandis ne
sont d’aucune aide. Parfois il faut aménager l’espacement des mots, des lignes
ou le contraste, décharger la page de toute information inutile… » Ou simplifier
le vocabulaire et la syntaxe, lorsque la lecture est lente et difficile. Un travail
fastidieux réalisé sur mesure à partir de livres ordinaires.
4. Spectacle vivant et cinéma, Demandez le programme !
Comment participer pleinement à un spectacle quand on ne voit pas ou n’entend pas ? L’audiodescription, le surtitrage et l’adaptation en langue des signes permettent d’avoir accès autrement aux images et au texte.
« Le théâtre ouvre d’autres horizons que la lecture seule, car il y a l’interprétation du metteur en scène et des comédiens, explique Catherine, devenue sourde. Ils transmettent quelque chose au-delà du texte, communiquent avec le spectateur. C’est pourquoi théâtre, danse et arts du cirque me donnent tant de plaisir sans entendre textes et musique. » Poésie, lectures, musique, opéra, humour conviennent bien aux personnes aveugles. Thierry ne s’en prive pas : « J’aime être dans les premiers rangs pour sentir les mouvements des comédiens, être près des musiciens. » La magie du spectacle n’échappe pas non plus aux personnes handicapées mentales. « Nous choisissons avec Cécile des pièces ou films pas trop intellectuels, drôles, précise sa mère, elle adore sortir.» Ania renchérit : « C’est ma passion, surtout j’oublie mes soucis, je suis transportée ailleurs, loin de la maladie mentale. » Pour accéder encore davantage au bonheur du spectacle vivant, des adaptations
existent : l’audiodescription, le surtitrage, l’adaptation en langue des signes française
(LSF) et en langage parlé complété (LPC). Ces services sont gratuits et proposés
pour des spectacles classiques, contemporains, jeune public, pour l’opéra… dans les
théâtres nationaux, avec Accès Culture notamment. Il faut réserver son casque ou
son écran, ils permettent un placement libre. Parfois des tarifs réduits sont appliqués.
On aurait tort de s’en priver !
Décrire les images
« Sur la scène, se trouve une rangée de chaises disposées régulièrement face à des miroirs surmontés de rampes de néon, qui renvoient aux spectateurs des premiers rangs leur propre image. (…) L’un après l’autre, les comédiens – trois hommes et une femme – vont venir s’asseoir devant les miroirs, dos aux spectateurs. » Ainsi commence l’audiodescription des Illusions comiques d’Olivier Py, présentées à l’Odéon. Décor, lumières, costumes, déplacements et expressions des comédiens sont décrits pour les spectateurs aveugles et malvoyants équipés d’un casque sans fil. « La difficulté est de dire en peu de mots et de manière précise les informations indispensables pour aider à la compréhension, nourrir l’imaginaire du spectateur, et de les glisser entre les dialogues. On ne peut saturer le spectateur avec trop de texte, il faut des respirations », commente Marie-Laure Planchon, rédactrice d’audiodescriptions pour Accès Culture. « Il faut décrire les images, laisser des silences, que tous les sons puissent être entendus », complète Marie-Luce Plumauzille, auteur d’audiodescriptions de films et théâtre pour l’AVH, le Théâtre national de la Colline… « Les attentes sont très variables d’une personne à une autre. Je me demande toujours ce qui me manquerait si je ne voyais pas, et en même temps il faut qu’au bout d’un moment on n’entende plus nos voix. » Soit le texte est enregistré, à deux voix, un homme et une femme, et envoyé au fur et à mesure depuis la régie, soit l’audiodescription est faite en direct (Théâtre de la Colline, Prête-moi tes yeux au théâtre). « Parfois j’ai l’impression qu’il y a trop d’infos, admet Denis, mais il arrive qu’aucun élément sonore ne me permette de savoir ce qui se passe, alors j’en comprends
vraiment l’intérêt. Et puis je peux enlever le casque ! » Un programme en braille ou en gros caractères ainsi qu’un plan en relief du décor sont souvent remis aux spectateurs.
Retranscrire le texte et décrire les sons
Tandis que les comédiens parlent, le dialogue apparaît sur un écran situé au-
dessus de la scène. Le surtitrage est un procédé fréquemment utilisé pour les
spectacles (théâtre et opéra) en langue étrangère. Il l’est parfois en français,
comme au théâtre Silvia Monfort à Paris pour les personnes sourdes et
malentendantes. Accès Culture propose un écran de surtitrage individuel sur
lequel le texte défile au rythme du spectacle. « Mon travail consiste à
reprendre le texte avec la captation du spectacle, je ne peux pas vraiment
couper par respect de l’œuvre et parce que beaucoup de personnes
devenues sourdes en ont une bonne connaissance, explique Léa Franc. Nous
préférons en mettre un peu trop, quitte à ce que tout ne soit pas lu. » Les
dialogues sont écrits en blanc sur fond noir, surligné en direct depuis la régie,
le spectateur sait toujours où l’on en est. Au moyen de codes couleurs, Léa
indique les autres éléments sonores : « En rouge et en italiques les bruits
(canon, chant du coq) et les musiques (classique, rap, guitare) ; en jaune les
voix off ; en vert les paroles en langues étrangères. » Catherine lit
généralement la pièce avant « afin d’avoir le temps de regarder acteurs et
décors, et de ne pas avoir à découvrir simultanément le texte et tout ce qui
se passe sur la scène. »
Adapter en LSF
« Nous adaptons le texte, comme si c’était d’une langue à une autre, nous traduisons tout en fonction de la manière de penser en langue des signes française », précise Anne Lambolez, interprète en langue des signes pour Accès Culture. « Dans Sombrero, de Philippe Decouflé, nous étions vraiment mis en scène, intégrés dans le spectacle avec les danseurs, mais ce n’est pas toujours possible. Quand c’est le cas, le résultat est meilleur, certains spectateurs n’ont pas deviné que le spectacle était ainsi accessible au public sourd… et surtout les spectateurs sourds n’ont pas à faire d’allers-retours entre les interprètes et le plateau. » Sinon les deux interprètes se relayent ou jouent différents personnages, restant sur le côté de la scène. Et les éléments sonores ? « Nous ne les mentionnons que s’ils manquent à la compréhension du
public sourd, complète Anne. Par exemple, dans On danSe, lorsqu’un des artistes imite des cris d’animaux, je dis de quel animal il s’agit. » En 2007, L’Eau de la vie, spectacle pour enfants d’Olivier Py, fut aussi adapté en langage parlé complété (LPC) avec succès. Une codeuse, placée sur le côté de la
scène, reprenait les paroles des comédiens, une expérience à renouveler à
l’avenir…
« Je ne peux sortir aussi souvent que je le voudrais, regrette Erwan, en fauteuil électrique, c’est très compliqué et beaucoup de théâtres ne sont pas accessibles… Alors j’aime regarder les spectacles à la télé ou sur DVD. Ce n’est pas la même chose, mais je me sens moins frustré de tout ce que je ne peux aller voir. » La Copat, par exemple, a un beau catalogue de pièces “branchées” et récentes filmées lors des représentations, ambiance en prime : de 1962 à Sur un air de tango, de Synopsis et Squash au spectacle des clowns russes Semianyki. Plein de plaisirs à partager !
Marie-Claire Brown
Pour en savoir plus :Accès Culture (Paris et province) : 01 53 65 30 74. e-mail : [email protected] -
www.accesculture.org
Prête-moi tes yeux au théâtre : www.audiodescription.neuf.frThéâtre de la Colline : 01 44 62 52 12. www.colline.fr
Théâtre national de Strasbourg : 03 88 24 88 00 - www.tns.fr
Fonds théâtral sonore : www.fondstheatralsonore.com
International Visual Theatre : www.ivt.fr
Copat : 01 40 39 55 57 et www.copat.fr
Si on se faisait une toile ?L’association Valentin-Hauÿ a introduit en 1989 “l’audiovision” pour le cinéma, technique née aux États-Unis. L’AVH dispose d’un ciné-club et d’une vidéothèque.
La bande son est complétée par la description des éléments visuels. Ce procédé est
accessible avec casques sans fil dans quelques cinémas équipés, mais peu de films
nouveaux sont audiodécrits. Quelques programmes télé (Arte, France 5), cassettes
VHS et DVD le sont, mais il faut parfois être équipé d’un matériel spécifique (Nicam).
La Pietra del Paragone (chez Naïve) le premier DVD d’opéra à bénéficier d’une piste
d’audiodescription par Accès Culture, grâce au soutien de la fondation Orange. Les
films grand public en VO sous-titrée sont disponibles en vidéo et DVD, mais peu
de films le sont en français pour les cinéphiles sourds. On pense à Ray, Comme une
image et Un long dimanche de fiançailles qui ont été sous-titrés et audiodécrits grâce
au soutien de la Mutuelle Intégrance pour le premier et de la Mairie de Paris pour les
deux autres par Titra Films. Le sous-titrage, est placé en bas de l’écran, sous le
personnage qui parle, et des éléments sonores ajoutés selon le code couleur. Le site Internet de Médias sous-titrés rassemble beaucoup d’informations. Quelques
salles sont équipées de boucles magnétiques. A Beaubourg, des séances de l’“Écran des enfants” sont traduites en langue des signes, en direct. Pour répondre au désir de personnes handicapées mentales ou polyhandicapées, le réseau Ciné-ma différence propose à Paris et dans plusieurs villes de province des
séances où l’on n’a pas peur de s’exprimer, à découvrir en famille.
AVH : 01 44 49 27 27. www.avh.asso.fr
Médias sous-titrés : www.medias-soustitres.com
Beaubourg, séances LSF : [email protected] Ciné-ma différence : 06 24 78 57 25. www.cinemadifference.com
Titre 7 : Accéder à l'information
1. Introduction
Accès à l'audiovisuel : l'obligation de sous-titrage
Le sous-titrage à la télévision est l'un des “grands gagnants” de la nouvelle loi. Sous la pression du lobby sourd qui, pour une fois, a réussi à se faire entendre
des pouvoirs publics, et profitant d'un contexte politique favorable (de grandes
échéances électorales), le sous-titrage s'est développé de façon exponentielle ces
trois dernières années. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et le
gouvernement consultent chaque année le Conseil national consultatif des
personnes handicapées (CNCPH) sur le contenu de l'obligation de sous-titrage et
le recours à la langue des signes française (LSF), inscrites dans les conventions
et les contrats d'objectifs et de moyens des chaînes.
Depuis la campagne présidentielle, l'Union nationale pour l’insertion sociale des
déficients auditifs (www.unisda.org), qui prône la complémentarité entre le
sous-titrage et la LSF à la télévision, a mis en place entre le 26 mars et le 6 mai
derniers, en partenariat avec www.medias-soustitres.com, un observatoire
chargé de relever chaque semaine l'accessibilité des programmes.
Des labels pour une Toile accessibleL'application des recommandations pour l'accessibilité se généralise sur le Net.
Depuis 2003, la Commission européenne, de même que les organismes
spécialisés dans l'accessibilité du Web, élabore des outils d'uniformisation à
l'échelle européenne pour l'établissement de documents de référence (label
Euracert) et la mise en accessibilité dans les États membres. En France, le label
Accessiweb a été mis en place par l'association Braillenet. Au niveau
international, le “World Wide Web”, inventé par le département WAI (Web
Accessibility Initiative) du consortium W3C, énonce les directives et standards
de l'accessibilité du Web, y compris pour les personnes handicapées. « La nature
du Web est son universalité. Il doit être accessible à tous », formule Tim
Berners Lee, directeur de W3C.
Ce que dit la loi
La totalité des programmes des chaînes audiovisuelles dont l'audience annuelle
moyenne dépasse 2,5 % de l'audience totale des services de télévision devra être
sous-titrée dans un délai maximum de cinq ans. Nul doute que la mission
Montagné diligentée par Xavier Bertrand pourrait déboucher sur la présentation
de moyens permettant de développer l’audiodescription à la télévision pour les
personnes aveugles ou malvoyantes. La loi soumet également les services de
communications publiques en ligne (services de l’État, collectivités,
établissements publics…) à l'obligation d'accessibilité, cette fois pour tous les
handicaps. Un délai maximum de trois ans est accordé pour la mise en
conformité des sites web publics existants selon les règles du Référentiel
accessibilité des services Internet de l'administration française, définies par
l'Agence pour le développement de l'administration électronique (Adae).
Concernant les entreprises privées, l'article 9 du texte de loi rend
discriminatoires, donc illégaux, les sites Internet et Intranet inaccessibles, au
même titre que les bâtiments ne disposant pas d'un accès adapté aux personnes
handicapées.
2. A l'écoute du monde
D'après une étude réalisée par Audipresse à la fin de l'année 2006, les
Français sont 97,2 % à lire la presse magazine. Un record ! Mais comment
faire pour se tenir au courant de l'actualité quand on est déficient visuel ?
Journaux papier ou sites Internet sont accessibles grâce à des logiciels de
retranscription audio. Revue de presse.Comment savoir quels journaux sont retranscrits, par qui et où se les procurer ? La Banque de données de l'édition adaptée rassemble les différents journaux et magazines accessibles aux déficients visuels. Ce catalogue collectif liste notamment les revues et magazines disponibles sous différents supports d'adaptation : braille, gros caractères, relief ou enregistrements sonores et les entreprises ou associations à contacter pour se les procurer. Deux organisations se distinguent : Le Groupement des intellectuels aveugles ou amblyopes (GIAA) et Akompas Technologies.Le premier propose des abonnements trimestriels à une vingtaine de magazines, du Canard enchaîné au Monde de la musique, en passant par 30 Millions d'amis ou Notre Temps. Un éventail assez large, pour des retranscriptions sous différents formats : « Nous proposons des retranscriptions sur cassettes, avec des sélections d'articles, mais aussi des retranscriptions sur CD au format Daisy », explique Mlle Rodriguez, coordinatrice du projet d'adaptation sonore du GIAA. « Le format Daisy ressemble au MP3, mais il permet plus de souplesse de navigation : on peut stocker jusqu'à 30 heures d'enregistrement, effectuer un découpage par article ou par paragraphe. La personne qui utilise ce format sait exactement où elle se trouve à l'intérieur de la revue, elle a la possibilité de se rendre à une page donnée, de naviguer d'une rubrique à une autre, etc. » On accède à ces revues audio sur abonnement trimestriel. Autre possibilité, toujours sur abonnement : écouter le contenu des journaux via Internet. C'est ce que propose la société Akompas Technologies qui commercialise depuis 2002 le
logiciel Vocale Presse. Il suffit d'être équipé d'un ordinateur et d'une connexion Internet pour pouvoir l'utiliser. L'abonnement (300 euros par an pour un quotidien, 204 euros pour un hebdomadaire) comprend le système de navigation, la synthèse vocale, le contenu de votre choix et toutes les mises à jour gratuites. La plupart des journaux et magazines sont proposés dans leur intégralité le jour de leur parution en kiosque. La société a reçu le label “Acteur de l’année européenne des personnes handicapées”.
Le Web s'écoute aussi
Ces dernières années, l'information sur Internet a pris de plus en plus de place,
faisant parfois de l'ombre à la presse papier. Pour surfer sur les différents sites
d'information, un logiciel en particulier se distingue : Jaws. Développé par la
société américaine Freedom Scientific, ce logiciel de vocalisation de l'écran
« dispose de plusieurs débits verbaux et de plusieurs voix », explique Sébastien
Hamon, chargé des relations presse à l'association Valentin-Haüy. Très cher, il
remporte un certain succès car il permet d'afficher des scripts personnalisés. Une
version gratuite d'essai de 40 minutes est téléchargeable sur le site, après il faut
compter environ 900 dollars pour l'acquérir. L'association Valentin-Haüy
propose une démonstration par mail : il suffit d'envoyer une pièce jointe au
format Word à l'adresse e-mail : [email protected] pour recevoir
la synthèse vocale de votre document. L'association propose également « des
formations à l'informatique et plus particulièrement à Jaws ». Autant de
solutions pour rester à l'écoute du monde quand on est déficient visuel.
Cécile Blanchard
Pour en savoir plus :
Groupement des intellectuels aveugles ou amblyopes : 01 47 34 30 00 et
www.giaa.org
Akompas Technologies : 04 91 05 50 76 et http://fr.akompas.com
Banque de données de l’édition adaptée (BDEA), Institut national des jeunes
aveugles : www.inja.fr
Association Valentin-Haüy : 01 44 49 27 27 et www.avh.asso.fr/
3. Le Web a révolutionné l'accès à l'information
Avec le boom de l'Internet à la fin des années 90, le Web est devenu l'un des
outils majeurs d'accès à l'information. Aujourd'hui, il s'agit de le rendre
accessible à tous.
Handicap visuel
En France, les travaux de BrailleNet sont devenus une référence en matière
d'accessibilité et ont conduit notamment à un label AccessiWeb
(www.braillenet.org). Plages braille, logiciel lecteur d'écran, synthèse vocale,
entre autres, font partie des outils techniques qui permettent aux sites de viser le
niveau “bronze” du label. Pour atteindre le niveau “argent”, les sites doivent non
seulement utiliser ces outils, mais également suivre des recommandations
facilitant la navigation. Quant au niveau “or”, il traduit une prise en compte
totale de l'accessibilité dès la création et l'architecture du site. D'autres solutions
adaptées pour les personnes déficientes visuelles concernent l'aménagement des
écrans : grossisseurs de caractères par un simple clic de souris, choix des
couleurs de fond d'écran, des caractères… Enfin, certains sites proposent de
“traduire” les liens, les photos et autres visuels par des textes de commentaires à
lire ou à écouter.
Un club informatique de l'AVH (Association Valentin-Haüy) propose des
formations de bureautique et de lecture de documents informatiques, utilisant les
différents outils d'aide à l'accès à l'Internet pour les aveugles (www.avh.asso.fr).
Handicap auditif
On aurait pu penser que les personnes en situation de handicap auditif ne
rencontreraient aucun problème d'accès au Web. C'est méconnaître leurs
particularités en matière de communication, en particulier les difficultés
rencontrées au niveau du français écrit par la grande majorité des sourds de
naissance et signants. Pour leur donner accès à l'information, à la culture et à la
formation et, en quelque sorte, compenser un déficit vécu au quotidien, des sites
web ont développé l'utilisation de la langue des signes française (LSF) sur le
Net. C'est le cas, par exemple, de websourd (http://websourd.org) qui a
développé un site Internet bilingue (français/LSF). Les internautes peuvent
naviguer entre la “bulle” où sont filmés des interlocuteurs en LSF et les articles
rédigés en français. Websourd propose ses services d'interface Internet en LSF à
des partenaires comme les collectivités (mairie de Toulouse…) et les entreprises
(Orange…). Elle participe également au projet de centre-relais pour les appels
d'urgence. Des entreprises ont mis en place la LSF sur leur site clients par leurs
propres moyens, comme la Macif (www.macifsourds.com) et EDF
(www.esourds.com).
Pour les personnes malentendantes, oralisées, les solutions offertes par le Net
sont plus du domaine de la transcription écrite des informations orales
(téléphone, commentaires…), soit par la vélotypie, soit par la sténo. Ces
solutions sont développées et proposées conjointement avec la LSF dans les
projets de centres-relais en entreprise d'une part, et pour les appels d'urgence
d'autre part.
Handicap moteur
Les personnes handicapées moteurs utilisent des aides techniques pour accéder à
l'ordinateur et ses périphériques, comme des souris spécifiques qui peuvent
réagir à un mouvement de l'œil, de la tête, d'un seul doigt… Elles utilisent
rarement le clavier car elles appuient souvent sur deux touches à la fois ou trop
longtemps, multipliant les lettres. Il existe des claviers ergonomiques adaptés à
différentes atrophies des mains. L'Association des paralysés de France (APF) ne
demande pas de sites spécifiques, souvent allégés, mais une mise en page sobre
et pratique, évitant la multiplication des manœuvres. Elle revendique pour
l'accessibilité du Web, les mêmes exigences que pour l'accessibilité de la voirie.
Déficience mentale
Rendre un site accessible aux personnes déficientes mentales demande bien
souvent la création d'un site à part entière, dont le contenu est simplifié. Au
Canada, le “site accès simple” a été conçu dans cet esprit avec trois entrées : le
texte simplifié, l'“ortograf altêrnativ” (une écriture simplifiée) et le son.
L'accessibilité web pour les personnes déficientes mentales nécessite, en effet,
non seulement de retravailler les pages (grossir les caractères…), mais aussi de
simplifier au maximum le contenu. Pour l'écriture simplifiée, les Canadiens se
sont basés sur le guide du “savoir simplifier” réalisé par l'association Inclusion
Europe (voir article page 72). Cette dernière met également en place un système
de messagerie électronique sous forme de pictogrammes pour les non-lecteurs.
Des expériences de formation basées sur le “e-leaning” à l'attention des
personnes déficientes intellectuelles ont vu le jour ces dernières années et permis
à de nombreux débutants de surfer sur le Net.
MC
Plus d'informations : dossier de Maud Dubost-Martin publié dans ÊTRE
Handicap Information n° 82, mars-avril 2006.
Le nouveau marché de l'accessibilité web
Des sociétés informatiques d'ergonomie, en partenariat avec des associations,
ont conçu des solutions et des fonctionnalités pour personnaliser les pages web
des sites existants et les rendre plus lisibles, principalement à l'intention des
personnes aveugles et malvoyantes. L'association HandicapZéro et la société
informatique SQLI ont par exemple lancé la solution “Confort de lecture”, une
interface disponible sur le site www.handicapzero.org. Autre solution pour les
personnes déficientes visuelles : le Label Vue (www.labelvue.com) est un
logiciel qui décompose le code html et le recompose selon les normes
d'accessibilité.
De manière plus globale, de nouvelles sociétés créées avec le boom de l'Internet
se sont spécialisées dans l'accessibilité des sites web. C'est par exemple le cas
d'Ecedi qui a mis au point un outil, Handilog, qui permet aux sites Internet de
devenir accessibles pour les personnes handicapées visuelles et moteurs. Parmi
ses clients : l'(FM, l'Adapt et plusieurs ministères. Autre démarche : celle de la
société Atalan qui s'est spécialisée dans la formation liée à l'accessibilité web
pour les personnes handicapées. Une formation qu'elle propose, d'une part, aux
développeurs, webmestres, intégrateurs html… et, d'autre part, aux décideurs
dans les entreprises : responsables communication, développement durable,
ergonomes, responsables intranet et Internet…
4. Les solutions téléphoniques
Au travers de l'exemple d'Orange, “Offres autonomie, à chacun sa
solution”, voici des possibilités de téléphonie par types de handicaps.
Handicap auditif
Pour ceux qui peuvent entendre : des réglages standards tels que le volume de la
sonnerie, l'amplification de l'écouteur ou le choix de la tonalité peuvent
améliorer l'écoute.
Téléphoner avec un appareil auditif : les combinés de certains téléphones fixes
sont équipés de capsules à induction magnétique permettant aux utilisateurs
d'appareils auditifs de positionner leur appareil auditif en position “T”. Dans le
cas du téléphone mobile, il existe un kit ou un collier à induction. L'oreillette
Bluetooth peut être utilisée par certaines personnes malentendantes équipées
d'aides auditives intra-auriculaires.
Pour ceux qui n’entendent pas : communication par écrit via le fax ou les
téléphones mobiles avec les forfaits SMS, l'e-mail et Motamo… ou dialogue en
image par visiophonie via Motamo Intense, Orange Messenger by et Windows
Live. Sans oublier l'ancêtre du “chat” : le Minitel qui offre une communication
écrite et simultanée entre deux correspondants.
Handicap visuel
Certains téléphones affichent des caractères plus gros et un meilleur contraste.
Une fonctionnalité “touches sonores” existe sur certains téléphones fixes, avec
la possibilité d'enregistrer vocalement un nom associé à un numéro
préenregistré. La fonction VIP permet d'attribuer une sonnerie particulière à un
correspondant. Sur certains téléphones mobiles, la fonction “mémo vocale”
donne la possibilité d'enregistrer vocalement ses rendez-vous et des dates.
L'interphonie peut être utilisée en mode talkie-walkie au domicile. Les
informations et les factures des téléphones fixes et mobiles sont disponibles en
braille et en caractères agrandis sur demande, ainsi que sur le site web de
l'opérateur, progressivement mis en accessibilité. L'option “Dixit” propose un
suivi de consommation vocal gratuit et le logiciel “L'assistant vocal” une
identification vocale de l'appelant et une vocalisation des SMS reçus.
Handicap moteur
Certains téléphones fixes sans fil et certains mobiles offrent un décrochage
automatique ou semi-automatique. Les mémoires à accès semi-direct, le
répertoire à reconnaissance vocale, la fonction SOS (l'appui long sur une touche
déclenche l'appel successif d'un certain nombre de numéros programmés avec
un message d'urgence personnalisé), la mémo vocale, l'interphonie (voir à
handicap visuel), la fonction mains libres… permettent une utilisation avec le
moins de manipulations possible.
Déficience mentale
Les mémoires à accès direct permettent aux personnes atteintes de difficultés
intellectuelles d'enregistrer les numéros les plus souvent appelés et de les
composer directement par appui sur une simple touche. Sur le Photophone, ces
mémoires peuvent être associées à une photo ou une image insérée dans la
touche. La pré-numérotation possible sur la plupart des téléphones fixes et
mobiles donne la possibilité de préparer le numéro en toute tranquillité, de le
corriger et de recommencer avant d'appeler. Pour les personnes vivant en
situation de dépendance, un service gratuit et sur demande de prélèvement
automatique facilite le paiement des factures.Michaël Couybes
Charte d'accessibilité des opérateurs de mobiles
L'Association française des opérateurs de mobiles, qui regroupe Orange,
Bouygues Télécom et SFR, a signé une charte d'engagements pour faciliter
l'accès des personnes handicapées à la téléphonie. Par cette charte, chacun des
opérateurs s'engage sur quatre principaux points : proposer un téléphone mobile
adapté aux personnes handicapées, développer l'offre de services destinés à
favoriser l'autonomie des personnes handicapées ; informer le grand public des
offres s’adressant aux personnes handicapées en utilisant dans leurs
communications les pictogrammes des différents handicaps ; s'inscrire
durablement dans une démarche de progrès en désignant notamment un
responsable de la politique handicap au sein de chacun des trois opérateurs, qui
sera l’interlocuteur privilégié des associations représentatives des personnes
handicapées.
Pour en savoir plus : www.afom.fr
5. Presque citoyen
“Accéder”, en politique, n’est pas un vain mot. Un citoyen handicapé a-t-il
la possibilité de participer à la vie de la cité, d’y jouer un rôle politique ?
Handicap moteur
La loi de 2005 évoque l’impératif d’accessibilité aux scrutins. Au printemps
2006, un projet de décret d’application a été soumis au CNCPH (Conseil
national consultatif des personnes handicapées). Celui-ci a estimé que le texte se
limitait à l’accès aux urnes et aux isoloirs, négligeant l’accès au débat politique.
Le CNCPH a alors rédigé un guide de campagne accessible s’adressant aux
candidats, aux municipalités et aux médias, publié au printemps 2007… Trop
tard pour la présidentielle. Mais les acteurs électoraux ont été sensibilisés. Ainsi
ont été constatés des efforts d’accessibilité aux scrutins.
La mise en conformité des lieux publics devrait favoriser l’accessibilité aux
lieux de décisions politiques. Si les sites Internet du Sénat et de l’Assemblée
nationale sont accessibles, leurs sites parisiens le sont moins. Les séances
publiques de l’Assemblée nationale sont accessibles aux personnes en fauteuil,
au Sénat cela reste « impossible, avec des travées aussi étroites… ». Quant aux
autres personnes handicapées, elles semblent avoir été oubliées. La participation
au scrutin implique pourtant de pouvoir accéder préalablement à l’information et
au débat politique.
Handicap auditif
Pour l’essentiel, la campagne électorale passe par la télévision, et les personnes
sourdes risquent d’en être exclues. La succession de scrutins, en 2007 et 2008, a
permis de mettre la pression sur les principales chaînes de télévision, qui ont
accepté de sous-titrer en direct les émissions, les actualités et les débats
politiques. Des mesures de circonstance désormais durables pour la majorité des
émissions politiques et les actualités.
Mais au niveau de la langue des signes française (LSF), seule la chaîne
parlementaire/Public Sénat l’a adoptée pour le débat du 2 mai 2007. « Le
lendemain, sur les forums de sourds, on ne débattait pas de l’exploit de la
transcription LSF en direct, mais bien du contenu des discours ! C’est ça, la
citoyenneté ! » se réjouit Jérémie Boroy, président de l'Unisda et vice-président
du CNCPH.
Les deux principaux candidats avaient également consenti des efforts de mise en
accessibilité de leurs campagnes. Nicolas Sarkozy était quasi systématiquement
accompagné d’un interprète LSF pour ses meetings. Les vidéos étaient ensuite
disponibles sur le site Internet du parti. Quant à Ségolène Royal, ses discours
étaient sous-titrés, mais rarement interprétés en LSF. Quoi qu’il en soit, il
semble que ces initiatives soient restées de purs effets de campagne.
Déficience mentale
En France, un grand nombre de personnes majeures sous tutelle sont privées de
leurs droits civiques. La loi de 2005 a cependant permis une avancée : les
personnes sous tutelle peuvent être autorisées à voter par décision du juge.
Christian se souvient de la décision négative intervenue pour son fils majeur,
Jérémie, autiste. « Certes, il n’est pas en mesure de prendre des décisions. Mais
en tant que tuteur, j’aurais aimé représenter ses intérêts dans tous les actes de
la vie citoyenne. » Y compris le vote. Mais cela reste impossible.
Louis Guinamard
6. Handicap mental “Est-ce que je me fais bien comprendre* ?”
L’information est indispensable aux personnes handicapées mentales. Simplifiée, en images,
sous forme audio ou multimédia, de nombreux moyens existent pour la rendre plus facile à
comprendre.
Brochures, articles de journaux… Yvon, trisomique, garde tout dans un classeur
et le ressort à bon escient : « J’adore lire, j’apprends plein de choses », confie-t-
il. Dès qu’elle rentre de l’Ésat, Anne se détend « en feuilletant des
revues comme les gratuits ou des BD, je regarde les images ». Il existe une
grande disparité parmi les personnes déficientes intellectuelles : certaines lisent
et écrivent, d’autres pas du tout. Plusieurs associations, comme l’Unapei (Union
nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de
leurs amis) et Inclusion Europe, proposent des guides pour rédiger des
documents clairs sans être simpliste ou infantile.
L’accessibilité à l’information dépend beaucoup de l’aide humaine. Un
éducateur, professeur ou parent devra s’assurer de la compréhension,
traduire, servir d’intermédiaire. Les règles du “savoir simplifier”
s’appliquent à tous les supports : documents écrits (courriers, guides
pratiques, informations commerciales), documents audio, vidéo et sites
Internet (voir ci-dessus).
Pour ceux qui ne savent pas lire, l’utilisation de pictogrammes, de dessins et de
photos est très appréciée. Il existe des banques de données de symboles
(www.widgit.com), mais il faut en connaître le code. Grâce aux pictos, on
peut communiquer avec ceux qui ont des difficultés pour parler
(“Pictomédia Scribe”), écrire en pictos (“Écrire avec des symboles 2000”) et
même envoyer des e-mails (Aldict). Ils sont très utiles pour se repérer dans
les établissements, de même que dans les lieux publics. On peut aussi faire
appel à un dessinateur. Grâce aux photos, on mémorise et reconnaît plus
facilement personnes et lieux.
L’audio, la vidéo et les médias interactifs permettent d’accéder directement à
l’information sans intermédiaire, il faut parler lentement mais pas trop,
alterner avec de la musique… Les cassettes audio sont plus simples
d’utilisation que les CD, tandis que la vidéo a le grand avantage de
combiner information visuelle et parlée. Les médias interactifs associent
texte, images et son et sont souvent ludiques. Certains sites Internet ont des
rubriques dédiées aux personnes handicapées mentales (www.monum.org ;
http://handicap.monuments-nationaux.fr/). L’Unapei organise avec IBM
des stages pour les utilisateurs des nouvelles technologies.
« Il est très important que chacun soit informé, remarque Bianca, artiste
intervenant en Ésat, mais aussi écouté, car les travailleurs ont des choses à nous
dire, directes, dérangeantes parfois, toujours fortes. »
Marie-Claire Brown
* D’après la brochure “Am I making myself clear ? Mencap’s guidelines for
accessible writing”.
Pour en savoir plus :Unapei : 01 44 85 50 50 et www.unapei.org (Guide de la communication aidée)Inclusion Europe : www.inclusion-europe.org (directives européennes “Facile à lire”, ILSMH : “Le savoir simplifier”)Mencap : www.mencap.org.uk
Les règles du “savoir simplifier”
Utiliser un langage simple, des mots du quotidien
Écrire des phrases courtes, une idée par phrase
Privilégier le style direct et les verbes à voix active
Bannir les termes spécialisés, les sigles, le subjonctif…
Utiliser une ponctuation simple
Ne pas écrire les chiffres en toutes lettres
Donner des exemples concrets
Veiller à la clarté de la mise en page
Illustrer avec des photos, des pictos
Consulter des personnes handicapées sur le projet
Imprimer en noir sur fond clair avec des caractères lisibles, suffisamment grands
Donner un contact
Illustrations : symbole du handicap mental “S3A” cf site de l’Unapei : http://www.unapei.org/dessin facile à lire d’Inclusion Europe (télécharger sur le site www.inclusion-
europe.org) le bleu avec tête et main et le jaune
Pictos :
http://www.widgit.com/international/french/ideas/2.htm
Page sites Internet :
http://handicap.monuments-nationaux.fr/fr/Visiteurs_deficients_intellectuels/
Ou h ttp://www.handicap.centrepompidou.fr/handicapcp/site/index.php?
page=contenu&page_id=33
7. Abdel Kader Azouz : un humaniste insatiable
En créant le magazine Vouloir, à l’intention des personnes handicapées, Abdel Kader Azouz relevait un défi en Algérie où la solidarité nationale reste à créer. Sa démarche est fortement inspirée de la ligne de ETRE Handicap Information. Portrait “multiface” du directeur de publication.
« Je suis une personne valide, jusqu’à preuve du contraire. » Abdel Kader Azouz
tient à dissiper d’emblée toute équivoque. Non, le fondateur et actuel directeur de la
publication Vouloir, premier magazine algérien consacré aux personnes
handicapées, n’est pas lui-même handicapé. C’est un profond humanisme et une
énergie hors normes qui le poussent à s’engager en faveur de l’intégration de ses
compatriotes handicapés. « J’ai maintenant la quarantaine et j’ai investi l’énergie de
mes 25 dernières années dans les mouvements associatifs. »
Son français chante l’arabe quand il évoque son parcours personnel. « Pendant mes
années universitaires, j’ai rassemblé les énergies des autres étudiants pour venir en
aide à des familles qui en avaient besoin, en organisant des collectes, des visites
dans les hôpitaux, des sorties pour des enfants handicapés… »
Il monte une association en 1992, l’AHIS (Association pour les personnes
handicapées et l’insertion sociale), soutenue par la wilaya (la préfecture) d’Alger, la
capitale algérienne. « Après le recensement des personnes et de leurs besoins, nous avons
rapidement entamé différentes activités : la distribution de matériel orthopédique, de vêtements et de
denrées alimentaires, l’organisation d’expositions et de tournois sportifs… Après deux années
d’activités, nombre d’adhérents, en particulier des personnes handicapées, se sont manifestés pour
donner un autre objectif à l’association qui a fini par se faire connaître sur tout le territoire. »
L’association prend alors une dimension nationale deux ans après sa création. « Au
nord du pays, sur la côte méditerranéenne, des structures de prise en charge
existent. Mais dans le Sud, notamment dans les villes de Tamanrasset, Ouargla,
Hassi Messaoud, c’est le grand désert. Nous organisons le transport pour faire
monter des gens du Sud de l’Algérie sur Alger, par avion ou par la piste. » Sachant
que la distance entre Tamanrasset, la principale ville du Sud, et Alger est de 2 000
kilomètres, dont l’essentiel est un désert de sable !
Traversée du désertParmi ses nombreuses prouesses, Abdel Kader Azouz est fier d’avoir organisé un voyage touristique pour 45 personnes en fauteuil roulant qu’il a emmenées au sommet de la chaîne du Hoggar, jusqu’à l’Assekrem, un pic rocheux qui domine la vallée de Tamanrasset, le lieu où se retira le père Charles de Foucauld. « Durant la période estivale, des camps de vacances étaient organisés pour permettre à des personnes handicapées de découvrir le plaisir de sortir, de nager, de veiller… »La voix d’Azouz s’emballe pour évoquer l’étape suivante, la création de la revue Vouloir. « Les personnes handicapées, qui ne quittent pratiquement jamais leur domicile, voulaient un moyen de communiquer et d’échanger leurs expériences, et apprendre à mieux vivre avec leur handicap. Tout cela semblait tellement important qu’une revue était le seul moyen de les réunir et surtout de les enrichir à travers des découvertes, des astuces que chacun pourrait transmettre aux autres. » Abdel Kader se lance alors dans la conception de sa revue. « Nous sommes allés chez nos voisins tunisiens, au Portugal et en France, un pays qui nous a encouragé à aller de l’avant. Certains directeurs de revue nous ont même permis de leur emprunter quelques-uns de leurs articles. Anne Voileau, la rédactrice en chef de ÊTRE Handicap Information, rencontrée à Paris il y a plus de dix ans, suivait depuis un moment mon parcours. Elle m’a incité à créer mon propre magazine ; “Il est temps pour toi, m’a-t-elle dit. Elle m’a beaucoup soutenu dans mes démarches pour la création de Vouloir, elle m’a parrainé en me donnant des idées et des articles. »
Vouloir, une revue à tout prixIl faut dire que le parcours était complexe. Pour créer un journal en Algérie, il faut un
agrément et le directeur doit avoir une formation journalistique. Abdel Kader Azouz
ne se laisse pas abattre. Il s’engage dans le parcours administratif. Et, parallèlement,
entame une formation pour devenir journaliste.
Aujourd’hui, Vouloir est un trimestriel. « Je rêve qu’un jour la revue devienne un quotidien pour les personnes handicapées. Les problèmes des personnes handicapées reviennent tous les jours. Évidemment, tout dépendra des moyens, une revue comme la nôtre coûte très cher. Pour tout ce qui concerne le financement, c’est grâce aux pages publicitaires qu’on arrive à subvenir à toutes nos charges et à la réalisation de la parution. »Ce journal, Abdel Kader Azouz le porte à bout de bras, épaulé par quatre collaborateurs.
Et même s’il y a encore quelques défaillances techniques, la parution – en couleur et
sur papier glacé – est déjà une véritable prouesse. Avec, qui plus est, une
particularité : elle est bilingue, en français et en arabe.
Le journal compte actuellement 450 abonnés, mais plus de 5 000 lecteurs. Il s’adresse en priorité aux personnes handicapées, à leurs parents et leur entourage, ainsi qu’aux secteurs hospitaliers et aux centres spécialisés. L’ensemble des rubriques permet d’avoir un aperçu sur les problématiques des handicaps : vie
pratique et informations utiles pour simplifier le quotidien ; accessibilité des
aménagements pour rendre la ville, l’emploi, les loisirs accessibles à tous ; insertion
et emploi ; sport et loisirs ; recherche médicale pour faire le point sur les avancées et
les voies de l’avenir.
« Notre ligne éditoriale consiste à faire connaître ce qui se fait de positif dans le secteur du
handicap, à lutter contre l’exclusion, établir le dialogue entre les personnes valides et
handicapées, les milieux médicaux, les responsables d’institutions... Ainsi, chacun
peut connaître et mieux comprendre les différences, leurs causes, la complexité de
ce qui fait la vie, pour approfondir ensemble l’humanité. »
Louis Guinamard
3 questions à Anne Voileau
Fière de lui
Rédactrice en chef de votre revue ÊTRE Handicap Information, Anne Voileau soutient fermement Vouloir.
Comment avez-vous contribué à la création de Vouloir ?Quand il est venu me voir, Abdel Kader Azouz voulait se renseigner sur la faisabilité d’un journal
comme notre revue ÊTRE. Il s’inquiétait des difficultés financières, de la réalisation. Je l’ai d’abord
rassuré. En termes de contenu, je lui ai suggéré de s’inspirer fortement de la structure et de
l’approche d’ÊTRE.
De plus, le fait que je lui aie donné ma caution par courrier a fortement contribué à rassurer les
autorités algériennes. Cela a permis de faciliter l’obtention des autorisations pour la déclaration de
Vouloir.
Quel peut être le rôle de ce magazine ?
Il a d’abord un rôle d’information pour les acteurs locaux. Mais il a aussi un rôle fédérateur pour les personnes handicapées. C’est la raison pour laquelle il faut être transversal et traiter de l’ensemble des handicaps. Cela était d’autant plus important pour Vouloir qu’il n’y a pas d’autres revues sur le handicap dans le pays.
Qu’est-ce qui vous a convaincue dans Vouloir ?Avant tout, j’ai trouvé Abdel Kader Azouz extrêmement volontaire, accroché à son projet. Pour preuve, il parvient à publier régulièrement Vouloir. Je suis réellement fière de ce qu’il a fait et d’avoir contribué à la naissance de son journal.
Titre 8 : Accéder aux loisirs, sports et tourisme
5 millions d'euros annuels pour les équipements sportifs
Un protocole pour promouvoir l’accessibilité des équipements sportifs auprès
des personnes en situation de handicap a été signé en mars dernier par Jean-
François Lamour, alors ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie
associative, Raymond-Max Aubert, président du conseil d’administration du
Centre national pour le développement du sport (CNDS) et Bertrand Jarrige, son
directeur général, André Auberger, président du Comité paralympique et sportif
français et Gérard Bayol, administrateur-directeur général de Dexia Crédit local.
Afin d’aider les collectivités territoriales et les associations à effectuer les
travaux permettant de rendre accessibles aux personnes handicapées les
équipements sportifs dont elles ont la responsabilité, l’État, au travers du CNDS,
a mis en place une procédure spécifique de subventions, dotée depuis 2006
d’une enveloppe annuelle de 5 millions d’euros (elle était d’un peu plus de 100
000 euros en 2002).
Accéder au jeu avec Handilud
Depuis 1992, “Handilud” poursuit le même objectif : redonner à toute personne
le droit fondamental de jouer. Dans cette optique, des familles ayant un adulte
ou enfant handicapé et des groupes de personnes handicapées en provenance
d’institutions diverses sont accueillis régulièrement dans les ludothèques de
“Quai des Ludes” et “Ludélire” à Lyon, par des personnes formées et
expérimentées. Depuis 1999, avec une expérience de sept années menée à Quai
des Ludes, un stage intitulé “Handilud, jeu et handicap” se déroule deux fois par
an. Parallèlement, des analyses de jeux et de jouets ont permis d’en sélectionner
200, non spécialisés mais convenant à des personnes ayant un handicap. De cette
sélection est né le Guide jeux et jouets Handilud, publié en juin 2007, qui
recense 80 bonnes idées pour des jeux d'exercice, de symboles, de construction
et de règles adaptés aux besoins d'enfants ou d'adultes handicapés.
http://www.quaidesludes-formation.com/html/guidehandilud.html
Depuis 2001, l'association Tourisme et handicaps, mandatée par le ministère chargé du Tourisme, attribue un label garantissant à la personne handicapée un accueil adapté.
Hébergements, offices de tourisme, équipements sportifs, de loisirs ou à vocation culturelle, plages et sites naturels.
Ce que dit la loi
Les équipements sportifs, culturels, de loisirs et de tourisme, en tant
qu'établissements recevant du public (ERP), sont concernés par les prescriptions
architecturales et fonctionnelles de la loi aux fins de rendre les locaux
accessibles à tous, quel que soit le type de handicap, d'ici à 2015.
Un décret d'application du 19 décembre 2005 a institué une aide humaine de 30
heures par mois sous la forme de la prestation de compensation, pour permettre
à une personne handicapée de participer à des activités culturelles et de loisirs.
2. Voyager comme tout le monde
Partir en voyage lorsqu'on a un handicap n'est pas toujours facile. Et
d'autant moins si l'on souhaite profiter des mêmes tarifs que les personnes
valides. L'agence Vitavie Travel est née de cette double ambition.
Vitavie Travel a vu le jour en 2006, sous l'impulsion de Ludovic Rey-Robert,
triple médaillé paralympique de ski, et de Raynald Servain, ancien manager de
Lastminute.com. « En étant sportif de haut niveau, j'ai eu l'occasion de
beaucoup voyager, explique Ludovic Rey-Robert. Je me suis rendu compte qu'il
y avait une réelle demande venant de la clientèle qui avait des besoins
particuliers. »
L'idée lui est donc venue de créer un outil qui permettrait de faire connaître les
établissements prenant en considération l'attente de ces clients et de fournir les
informations nécessaires à ceux qui ont des besoins spécifiques afin qu'ils soient
rassurés avant de partir. En prenant soin de valider les conditions d'accès aux
services pour des personnes à mobilité réduite, l'agence amenait
automatiquement un service de qualité pour les clients traditionnels. Car
Ludovic Rey-Robert a le désir de ne pas cloisonner les genres, mais de s'adresser
à tous, valides ou non, et de leur proposer les mêmes tarifs. « L'idée est de
montrer que l'on est capable de mettre en totale mixité les clients non valides et
les clients valides, pas de créer des ghettos ! » Et si le site de l'agence est
complètement accessible selon la réglementation W3C, et qu'il présente un
certain nombre de séjours accessibles aux personnes à mobilité réduite à l'aide
d'un pictogramme spécifique, il ne s'affiche pas comme un site spécialisé.
Du Kenya à l’ÉgypteVitavie Travel est plutôt une agence ouverte à tous les besoins. On y trouve
cependant des voyages accessibles de A à Z aux personnes à mobilité réduite.
C'est le cas d'un safari au Kenya où chaque hébergement propose au moins une
chambre adaptée pour des personnes en fauteuil roulant. Les transferts, visites et
safaris dans les réserves s'effectuent en minibus et une place avant peut
accueillir une personne en fauteuil. « Nous disposons d'un certain nombre de
séjours qui présentent une chaîne complète d'accessibilité pour les personnes
handicapées moteurs. Depuis peu, Vitavie Travel propose des séjours en Tunisie
et en Égypte véritablement accessibles. En Égypte, les personnes peuvent partir
en croisière sur le Nil, avec transferts en minibus adapté à chaque escale, par
exemple. « En Mauritanie aussi, c'est un séjour qui offre des conditions
sanitaires exceptionnelles, organisé en 4x4, en quad, et avec hébergement dans
une auberge où l'accessibilité a été développée. Il y a même un bivouac prévu en
plein désert avec des planches en aggloméré pour que les fauteuils puissent
circuler, des WC, des douches... » Pour le moment, l'agence se concentre
uniquement sur le handicap moteur. « C'est le handicap qui demande le plus
d'attention pour le transfert entre l'aéroport, l'hôtel et les excursions, et tous les
équipements. Et ce sont les éléments que les fournisseurs nous communiquent le
plus facilement. » Le projet de Vitavie Travel est aussi de sensibiliser les tour-
opérateurs sur le flux que peut représenter une clientèle de personnes
handicapées moteurs. « Une fois qu'ils seront rassurés sur le type de services
qu'on leur demande, on pourra leur amener petit à petit une clientèle différente.
Finalement, ce sont eux qui sont demandeurs d'information pour les accueillir et
non l'inverse ! » Alors, prêts pour un safari au Kenya ou une thalasso en
Tunisie ?
Cécile Blanchard
Vitavie Travel : 0892 69 09 08 (0,34 euros/min).
Site Internet : www.vitavietravel.com
3. La Côte d'Azur veut s'adapter
La première destination touristique de France et l'une des plus visitées au
monde passe à la vitesse supérieure en matière d'accessibilité, avec un
projet de territoire de tourisme adapté sur le littoral.
“Zéro site labellisé il y a encore deux ans.” La Côte d'Azur ou “Riviera”, qui
s'étend de Cannes à Menton et inclut par Nice, dans le département des Alpes-
Maritimes, a longtemps fait partie des mauvais élèves de l'accessibilité en dépit
de ses sites touristiques majeurs. Le Comité régional du tourisme (CRT) Riviera
Côte d'Azur a décidé de rattraper ce retard. « C'est aujourd'hui une priorité »
affirme Gaston Franco, son président, également conseiller général des Alpes-
Maritimes. « Nous avons une image un peu paillette de la Côte d'Azur, déclare-
t-il, et nous voulons montrer un visage solidaire, tout d'abord parce que c'est
devenu incontournable au regard de la loi, ensuite parce que nous en avons le
devoir moral. Enfin, c'est un argument de promotion touristique pour toucher
tous les publics. »
Maître d'œuvre du label Tourisme & Handicap dans le département des Alpes-
Maritimes, le CRT Riviera Côte d'Azur a mis en place les moyens nécessaires
pour développer des initiatives en matière d'accessibilité. « Nous avons créé un
groupe de travail d'une quinzaine d'évaluateurs pour diagnostiquer, conseiller
et labelliser les structures mises aux normes », indique Dominique Charpentier,
directeur général du CRT Riviera Côte d'Azur.
Sensibiliser les professionnels
Le 25 octobre dernier, en partenariat avec le département et la région, le CRT a
organisé à l'Acropolis, le palais des congrès niçois récemment labellisé, un
séminaire technique qui a réuni une centaine d'acteurs concernés provenant de
municipalités, d'offices de tourisme, de syndicats d'hôtellerie-restauration…
Cette manifestation a été accompagnée de la parution d'un guide “Accessibilité
pour tous, Tourisme & Handicap” et la réalisation d'un film de promotion
pilotée par le conseil régional : “Une région pour tous”, destiné aux
professionnels du tourisme. « La région PACA, qui compte aujourd'hui 79 sites
labellisés, a pour objectif d'atteindre les 200 fin 2008 », déclare Patrick
Allemand, vice-président du conseil régional. Le 26 novembre dernier, la
conférence régionale des acteurs du tourisme consacrait d'ailleurs l'un de ses
quatre thèmes majeurs à la problématique du tourisme et du handicap.
Sur l'année 2007, environ 40 structures ont ainsi pu être labellisées dans la
région. La Côte d'Azur en revendique 20, tandis que 20 autres sont en phase de
finalisation et 3 en attente de labellisation depuis plusieurs mois auprès de
l'association Tourisme & Handicap. « Pour l'instant, il n'y a pas de véritable
cohérence entre ces sites labellisés : un restaurant dans une commune, un hôtel
dans une autre, un parc de loisirs ailleurs…, souligne Patrick Allemand. C'est
pourquoi il faudrait établir une chaîne continue reliant ces lieux accessibles. »
« Il s'agit justement d'un projet du CRT Riviera Côte d'Azur : celui d’un
territoire de tourisme adapté qui rejoint le concept “universaliste” évoqué au
Conseil de l'Europe en mars dernier : sur un territoire donné, tout est possible
pour tout le monde », précise Muriel Marland-Militello, députée des Alpes-
Maritimes et membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées
(CNCPH).
Comme des étoiles…
Ce projet global d'accessibilité, déjà mis en place dans l'Isère autour de
Grenoble, permet à une personne en situation de handicap d’effectuer un séjour
touristique en complète autonomie, en disposant d'une continuité dans son
environnement touristique accessible : transports, hébergements, restaurants,
plages, loisirs…
« Nous proposons d'aider les communes et les professionnels du tourisme à
mettre en place ces territoires de tourisme adaptés », déclare Dominique
Charpentier, directeur général du CRT Riviera Côte d'Azur et chargé avec son
équipe de ce projet ambitieux. Le premier de ces territoires, qui pourrait être
révélé au printemps prochain et identifié sur site par un drapeau, s'étendrait le
long du littoral entre Cagnes-sur-Mer, à l'ouest, et Nice, à l'est, en passant par la
commune de Saint-Laurent-du-Var qui a l'avantage d'offrir déjà un parcours
adapté : hôtel, restaurant, promenade du bord de mer et centre commercial y
sont accessibles, ainsi que des activités handi-plage et handi-voile.
« A l'instar de la ville de Mougins, qui fut un temps la ville la plus étoilée de par
ses restaurants, la Riviera Côte d'Azur ambitionne à terme de devenir le
territoire de tourisme adapté le plus labellisé grâce au nombre et au maillage de
ses sites labellisés », conclut Dominique Charpentier. Rendez-vous l'été
prochain…
Michaël Couybes
Comité régional du tourisme Riviera Côte d'Azur, 400 promenade des Anglais -
06203 Nice Cedex 3. Tél. 04 93 37 78 78. Fax : 04 93 86 01 06 – e-mail :
[email protected] – www.guideriviera.fr
Les 20 sites labellisés
Hébergement
- Suite Hôtel (Cannes)
- Jardins du Cap et Grand Cap (Roquebrune-Cap-Martin)
- Domaine de Cocagne (Cagnes)
- Bastide de Jaisous (Peymeinade)
- Villa Mil'nuit (Peymeinade)
- Green Park (Cagnes)
- Le Rabuons (Saint-Étienne-de-Tinée)
- Hôtel Napoléon (Menton)
- Olea Arc Hôtel (Mougins)
- Qualité Suites Excellior (Nice)
- Le Mimosa (Bendejun)
- Le Roquebrune (Roquebrune-Cap-Martin)
- Lou Castelet (Théoule)
Offices de tourisme
- Menton
- Roquebrune-Cap-Martin
Salles de spectacles
- Grimaldi Forum (Monaco)
- Palais Acropolis (Nice)
- Palais des festivals et des congrès (Cannes)
Musées
- Lou Ferouil (Gilette)
Restaurants
- Le Clos des Arts (La Colle-sur-Loup)
23 structures sont en attente de labellisation, dont le parc de loisirs Marineland
et le zoo de Saint-Jean-Cap-Ferrat.
Ulysse : 10 ans d'Odyssée…
Ulysse, la société de transport adapté, créée à Nice par Franck Vialle,
tétraplégique, fête cette année ses dix ans d'existence. Spécialisée dans les
transferts et accompagnements de particuliers et de groupes à mobilité réduite,
elle occupe aujourd'hui la deuxième place sur ce marché derrière le Groupement
pour l’insertion des personnes handicapées physiques (GIHP). Ulysse est
présente dans une vingtaine de régions avec une quarantaine d'agences basées
dans les grandes villes, une flotte de 100 véhicules adaptés, dont plus de la
moitié sur la Côte d'Azur, et une centaine de chauffeurs formés aux premiers
secours, à la conduite préventive, aux types de handicaps et aux manipulations
de fauteuils.
www.ulysse-transport.fr
- L'Acropolis, le palais des congrès niçois labellisé cette année, a accueilli le
25 octobre dernier un séminaire “Accessibilité pour tous Tourisme &
Handica”
- La promenade des Anglais compte deux handi-plages, dont la plage du
Centenaire avec une rampe d'accès réservée, un parcours cimenté sur la plage
de galets, une assistance et la mise à l'eau en tiralo pendant la saison
Les asso aussi font voyager !
Dans un autre genre, des associations proposent également des séjours organisés. Souvent plus spécifiques, ils sont aussi plus encadrés. C'est le cas de Treize Voyages, par exemple, à la fois entreprise d'insertion et association de tourisme qui propose aux usagers des hôpitaux spécialisés des vacances adaptées à leurs besoins. Treize Voyages propose des forfaits tout compris et des séjours sur mesure, avec ou sans accompagnement. L'Association des paralysés de France a elle aussi sa structure de tourisme, APF Évasion. Sur le principe “un accompagnateur pour un voyageur” elle propose des séjours, en France ou à l'étranger. Quant à Actis Voyages, elle « a pour objectif d’organiser des voyages adaptés pour les personnes sourdes et malentendantes en mettant à la disposition des participants des interprètes en LSF ainsi qu’un accueil et une information adaptés » et vient de lancer son site Internet.Treize Voyages : 01 46 86 44 45 et www.treizevoyages.org/
APF Évasion : 01 40 78 69 60 et www.apf.asso.fr/ (rubrique “partir en
vacances avec APF Évasion”).
Actis Voyages : 08 77 44 37 13 et http://actis-voyages.fr/
4. Handiplagiste, ça s'apprend !
Depuis l'an dernier, l'association Handiplage propose une formation
d'handiplagiste. Les explications de son président, Ramon Espi.
Pourquoi avoir mis en place cette formation d'handiplagiste ?
Depuis dix ans que notre association existe, nous avons recensé 143 plages
accessibles en France, dont 24 labellisées par nos soins. Nous nous sommes
rendu compte que c'était nécessaire car les sites comportent quand même des
risques, ce sont des zones naturelles, il y a toujours un peu de danger.
Votre action vise-t-elle les municipalités ou les usagers ?
D'un côté, il fallait que les municipalités se sentent sécurisées, qu'elles n'aient
plus peur d'ouvrir un site handiplage. Avec la mise en place de cette formation,
elles sont rassurées et donc moins réticentes à ouvrir un site. Et d'un autre côté,
il fallait que les usagers soient aussi en confiance. Beaucoup de personnes
handicapées vont à la plage et veulent être autonomes. Elles ont besoin qu'il y ait
un service sur place pour les aider, sinon elles risquent de ne pas pouvoir se
baigner. C'est la principale raison pour laquelle la formation d'handiplagiste a
été mise en place. La personne qui vient à la plage, même en famille, est plus
tranquille s'il y a un accompagnement sur place. On s'est d'ailleurs rendu compte
que les sites handiplages qui sont les plus fréquentés sont ceux où un
accompagnement aux personnes handicapées est proposé.
“Les sites handiplages les plus fréquentés sont ceux qui
proposent un accompagnement par des handiplagistes”
Quel est le contenu de la formation ?
La façon d'appréhender le handicap revêt un aspect pédagogique important et un
aspect pratique avec des mises en situation, des mises à l'eau... Les gens qui
suivent la formation apprennent à connaître les personnes handicapées, à les
aborder, leur parler, mais aussi à utiliser un tiralo. Nous essayons de donner une
formation qui prépare les handiplagistes vis-à-vis des trois types de handicaps :
les personnes déficientes visuelles, handicapées moteur et polyhandicapées. Une
attestation, donnant un niveau professionnel, est remise à l'issue de la formation.
Combien d'élèves accueillez-vous chaque année ?
En 2006, 11 stagiaires ont été formés, dont 4 envoyés par des mairies, et 5 ont
travaillé l'été. En 2007, il y a eu 12 stagiaires formés, dont 4 envoyés par des
mairies. Et en 2008, nous reconduisons une formation pour 12 stagiaires
maximum. On aimerait pouvoir faire plus d'une formation par an et en faire
partout. Pour le moment, la formation a lieu uniquement à Hendaye. On aimerait
aussi obtenir une accréditation du ministère de la Jeunesse et des Sports afin que
la formation soit reconnue. Pour le moment, on est appuyés par la Direction
départementale de la jeunesse et des sports (DDJS).
Comment savoir si les handiplages proposent un accueil par un
handiplagiste ?
Cela fait partie de notre label. Pour obtenir le niveau 2, on exige la présence d'un
handiplagiste sur les plages. Aux niveaux 3 et 4, il y a plus d'un handiplagiste
sur place et un maximum d'équipements : tiralo, hipocampe ou tapiroule… Mais
il y a encore beaucoup de municipalités où ce sont des maîtres nageurs
sauveteurs qui assurent les mises à l'eau. Ils ont le niveau pour cela, mais ils ne
sont pas formés au handicap.Propos recueillis par Cécile BlanchardPour connaître la liste des plages accessibles, des plages labellisées et des
équipements :
Association Handiplage : 05 59 59 24 21 (tél./fax)
Site Internet : www.handiplage.fr
Témoignage de Valérie Larigau, handiplagiste
« Je suis membre de l'association Handiplage et j'ai un frère handicapé, donc le
handicap ne m'est pas étranger, mais sans la formation j'aurais eu plein de failles
! Selon moi, la formation est essentielle, notamment en ce qui concerne tout ce
qui a trait à l'accueil, aux relations avec les gens. Sur le plan technique, on nous
apprend à ne pas abîmer le matériel et à ne pas malmener la personne. Des
kinésithérapeutes nous expliquent comment nous y prendre. Ce n’est que sur le
terrain que l’on peut vraiment apprendre à utiliser le tiralo, à se placer
correctement… »
5. Skier, assis comme debout
A La Plagne (73), l’association Antenne Handicap permet chaque aannée à
des centaines de personnes handicapées de skier, assises comme debout…
Hors saison, son créateur, Marc Gostoli, s’ingénie à créer des machines plus
intelligentes.
Un dimanche d’octobre. La Plagne est encore déserte. Tout en haut de la station,
au pied du centre commercial d’Aime-la-Plagne, des bruits de marteau et de
perceuse s’échappent d’un local étroit, mais long, où les fauteuils sur patins
s’alignent comme des skis dans un magasin de sports d’hiver. Ce n’est pas un
magasin, mais le repaire de Marc Gostoli, moniteur de ski, fondateur d’une
école de ski adapté et inventeur de matériel de glisse pour les personnes
handicapées, « presque toutes les personnes handicapées, qu’elles soient
paraplégiques, tétraplégiques, IMC, aveugles, porteuses de trisomie ou
autistes… » Ce jour-là, la saison d’hiver approche. Marc doit encore peaufiner
son petit dernier : le trottiski. Celui-ci, selon son créateur, « permet au plus
grand nombre de skier debout ». Comment cela a-t-il commencé ? Marc rappelle que son père, « grand amateur de ski, n’a jamais pu grimper sur des planches compte tenu de son handicap ». Mais c’est à l’âge adulte, en 1985, que ce skieur de haut niveau, moniteur, découvre le ski adapté, rencontre des athlètes en fauteuil et commence à bricoler pour eux du matériel : Marc est “aussi” passionné de mécanique. En 1993-1994, il participe à la préparation aux jeux Paralympiques de Lillehammer. En décembre 1995, il crée une école de ski, Antenne Handicap, avec trois fauteuils : une soixantaine de personnes seront accueillies pendant la saison. L’an dernier, l’association a accueilli 1 200 personnes, grâce aux 16 moniteurs que Marc a pris le temps de former : « Il ne suffit pas de savoir skier, observe-t-il. Encore faut-il comprendre les lois physiques qui font qu’un corps glisse et tourne… »
Mais pour donner des cours de ski adapté, il faut aussi du matériel efficace. Cette activité est allée de pair avec le développement d’Antenne Handicap. Marc Gostoli propose à ses élèves d’utiliser des fauteuils tels que celui de l’APF ou des uniskis classiques (des fauteuils sur un ski), mais aussi des matériels qu’il a contribué à créer ou qu’il a lui-même inventés. Grâce à ses deux skis, le dual ski permet à des personnes handicapées des membres inférieurs de gagner en stabilité sur les pentes. Deux skis également pour le Xbefree, créé en 1999-2000 : encore plus léger, il apporte aussi plus de sensations au skieur par une position assez élevée face à la pente. Le Gostoli Marc System (GMS), particulièrement adapté à des personnes dépendantes, est confortable et plutôt maniable pour l’accompagnant.
Puis, il y a trois ou quatre ans, Marc s’est lancé un nouveau défi : faire skier les gens debout, donner cette sensation unique d’être face à la pente. C’est ainsi qu’est d’abord né le vertiski, cousin du verticalisateur. Le progrès est énorme. Marc juge pourtant son matériel « trop lourd et long à installer »… Il imagine alors le trottiski. Lointain parent de la trottinette, le trottiski est équipé d’un guidon qu’empoigne l’utilisateur (et au besoin l’accompagnant, par une poignée latérale) et qui est relié à un cadre simplifié pour la fixation des skis. Selon son autonomie, le skieur peut – ou non – être maintenu par un baudrier spécifique accroché au guidon. Les skis, à la fois solidaires et indépendants, s’adaptent aux inflexions de la pente. Le mécanisme léger est simple d’utilisation, pour le skieur comme pour l’accompagnant. « Grâce au trottiski, Laure, qui est IMC, skie seule sur les pistes vertes, et avec nous sur les pistes bleues ou rouges, se félicite Christine Tourondel, sa mère. Elle n’a jamais peur et surtout, elle skie comme tout le monde. »
Florence Roux/Pleins Titres
Antenne Handicap, galerie commerciale d’Aime-la-Plagne - 73210 Aime-la-
Plagne. Tél. 04 79 09 13 80. Fax. 04 79 09 15 51. e-mail :
[email protected]. Site Internet : www.antennehandicap.fr.st
6. Des loisirs comme les autres
La fédération Loisirs Pluriel propose des centres ouverts aux enfants
valides et handicapés et l’association Jeunesse au plein air (JPA) a établi
une charte de déontologie pour l'accueil des personnes handicapées dans les
structures de loisirs non spécialisées.
Avoir accès aux centres de loisirs traditionnels et aux mêmes activités que les
enfants valides ressemble parfois au parcours du combattant pour les parents
d’enfant handicapé. Pourtant, un rapport de la Caisse nationale d’allocations
familiales publié en 2005 sur “La prise en charge des enfants handicapés dans
les équipements collectifs de la petite enfance” souligne que “s’il doit y avoir un
processus d’égalisation des chances, celui-ci doit s’exercer le plus tôt possible,
dès les premiers âges de la vie. Les soins spécialisés sont alors nécessaires pour
des enfants dont la pathologie est déjà reconnue, mais les actions d’accueil,
d’accompagnement, d’éducation sont aussi fondamentales pour favoriser leur
développement”. Le rapport établit un bilan critique de l’accueil des enfants
handicapés ou malades dans les équipements collectifs pour la petite enfance. Il
souligne également que deux types d’établissements accueillent les enfants
handicapés. Le premier a véritablement eu la volonté de créer une structure avec
un “souci d’innovation, en accueillant tous les enfants, quelles que soient leurs
différences, tout en refusant fermement la dénomination de lieu spécialisé”. Le
second a été confronté à une demande et a décidé d’y répondre.
(intertite) Une charte pour l'accueil
Ce constat est partagé par Anne Carayon, chargée du comité de suivi de la
charte de déontologie pour l'accueil des personnes handicapées dans les
structures de vacances et de loisirs non spécialisées. « La problématique de
l’intégration des enfants handicapés dans les centres de loisirs est parfois posée
en amont par les municipalités, auquel cas celles-ci intègrent notre charte au
cahier des charges. Mais les centres traditionnels font parfois face à une
demande des familles d'enfants handicapés et décident de les accepter. Dans les
deux cas, ils peuvent s’adresser à nous. La charte donne des conseils pour une
bonne organisation, une formation, par exemple. Sur notre site, les centres
peuvent également télécharger des outils pratiques. » La charte précise que “la
personne handicapée, comme tout un chacun, mais en tenant compte de ses
besoins, doit profiter de façon maximale de ses vacances dans un environnement
adapté mais non spécifique à l'accueil de personnes handicapées.”
Un regard que partage Laurent Thomas, à l’origine de la création de la
fédération Loisirs Pluriel. « Dans les années 90, on était une petite équipe de
directeurs de séjours de vacances spécialisés avec l'Association des paralysés
de France, et on avait en charge des séjours où l’on accueillait uniquement des
enfants en situation de handicap, explique t-il. On a vécu des expériences
intéressantes de jumelage à la journée avec des centres de vacances d'enfants
valides, où on a pris conscience de l'intérêt des relations qui peuvent s'établir
entre les enfants handicapés et valides dès lors qu'on a une activité ludique à
leur proposer. Devant la difficulté d'aller plus loin dans cette pratique avec
l'APF, poursuit-il, on a décidé de créer sur Rennes un centre de loisirs dont la
vocation était de permettre à des enfants handicapés et valides de se rencontrer
dès le plus jeune âge au travers d'activités de loisirs. Le premier centre a été
créé en 1992. Assez vite, d'autres familles de la région Bretagne nous ont
sollicité et ont voulu créer une structure identique chez eux. En 2001, on a
transformé Loisirs Pluriel en fédération, et aujourd'hui on compte dix
associations implantées dans quatre régions. » Les centres de loisirs faisant
partie de la fédération disposent de certaines caractéristiques pour accueillir des
enfants handicapés dans de bonnes conditions : les effectifs sont limités à 30
enfants par jour, la responsabilité de chaque centre est confiée à un directeur
permanent qui peut suivre l’évolution des enfants accueillis et maintenir les
relations avec les familles, le taux d’encadrement est important (1 animateur
pour 3 enfants en moyenne), et les équipes prennent soin d’adapter les activités
en fonction des enfants présents et de leurs possibilités. « On offre une formation
en interne sur la connaissance des pathologies, leurs conséquences dans la vie
quotidienne, l'apprentissage des gestes d'accompagnement au quotidien, tout ce
qui concerne la gestion des troubles de la santé. Un accompagnement médical
peut se faire sans difficulté au sein de la structure », précise Laurent Thomas.
Les centres de loisirs ordinaires aussi…
Évidemment, les centres Loisirs Pluriel sont très demandés, « autant par les
parents d’enfants valides qui sont séduits par la qualité de l’accompagnement et
par l’apprentissage de la différence, que par les parents d’enfants handicapés »,
et il y a parfois des listes d’attente pour y obtenir une place. Mais les parents
d’enfants souffrant d’un handicap peuvent aussi se renseigner auprès d’un centre
de loisirs traditionnel. « Ce qui se produit souvent, c’est que les centres de
loisirs traditionnels ne sont pas sollicités par les familles ayant un enfant
handicapé parce qu’elles n’osent pas. Cela progresse par le bouche à oreille »,
observe Anne Carayon. En effet, des expériences positives sont parfois
possibles. Ce fut le cas, par exemple, du centre Service Jeunesse, confronté à la
demande de la mère d’un enfant autiste et qui a tout mis en œuvre pour
l’accueillir. « On a toujours été ouverts à l'accueil d'enfants différents »,
explique Renaud Hochard, directeur de l'association Service Jeunesse dans le
Nord de la France. « On avait parmi nos adhérents une maman qui avait inscrit
son aîné dans notre centre et qui nous a demandé par la suite d'accueillir son
deuxième enfant, autiste. C'est donc une démarche de la famille. On a mis au
point un partenariat avec l'université de Lille qui enseigne la méthode AVA, une
méthode comportementaliste pour aider les enfants autistes à acquérir de
nouvelles connaissances, afin que deux psychologues soient présents pendant
l'accueil de l'enfant ». Cette expérience a été menée avec succès et renouvelée
deux années de suite. « On accepte tous les enfants, en restant en priorité une
structure ordinaire », précise Renaud Hochard. On le constate, parfois, il suffit
de se lancer…
Cécile BlanchardLoisirs Pluriels : 02 99 09 02 36 et www.loisirs-pluriel.com
La Jeunesse au plein air : 01 44 95 81 20 et www.jpa.asso.fr
Étude nationale de “Grandir ensemble”
La fédération Loisirs Pluriel est à l'origine de la plate-forme “Grandir ensemble”
« dont le but est de réunir un certain nombre d'initiatives qui travaillent dans la
même direction, que ce soit dans le secteur de la petite enfance ou dans le
secteur des loisirs », expose Laurent Thomas. Cette plate-forme souhaite
promouvoir et développer l'idée que si l’on veut vraiment contribuer au
changement de regard sur les personnes handicapées, il faut dès le plus jeune
âge favoriser la rencontre entre enfants handicapés et enfants valides. On met
en place un site Internet www.grandir-ensemble.net qui présentera le
recensement de toutes ces initiatives et mettra en ligne des outils, des réflexions,
des publications. On a lancé également une grande étude nationale au mois
d'octobre sous la direction de Charles Gardou, membre de l'Observatoire
national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap... Le but
de l'étude est d’évaluer les besoins des familles sur le plan qualitatif et
quantitatif, et entre autres de recenser les difficultés rencontrées par les
structures ordinaires pour accueillir les enfants handicapés et les pratiques qui
peuvent être aujourd'hui développées. » Les résultats de l'étude sont attendus
pour avril 2008.
7. L’esprit ovale
Adapter un sport grand public aux personnes handicapées ! Si cela
implique de sérieux aménagements, l’enjeu consiste surtout à retrouver
l’esprit du sport. Match gagné pour la nouvelle discipline de rugby-fauteuil.
Temps gris sur la place du Palais-Royal, en plein cœur de Paris, ce 6 septembre.
A la veille du lancement de la coupe du monde de rugby en France, la
Fédération handisport célébrait par un match le lancement officiel de la
discipline de rugby-fauteuil en France. Face à l’équipe d’Irlande, la toute jeune
équipe de France tentait sa chance.
Non, le ballon n’était pas ovale, mais bien rond ! Non, ils ne sont pas 15 sur le
terrain, mais 4 contre 4, et autant de remplaçants en touche. Et puis, ils ne vont
pas faire croire qu’ils ne sont pas en fauteuil ! Ici, l’accessibilité relève surtout
d’une interprétation des règles pour permettre aux joueurs de retrouver l’état
d’esprit particulier d’un sport comme le rugby.
« Quand on regarde les tactiques mises en œuvre, l’engagement, l’énergie
dépensée, la combativité des joueurs, on sent bien qu’ils sont dans le même
registre que n’importe quel autre joueur de rugby », confirme Fabrice Landreau,
ancien joueur international du XV de France et parrain de l’événement.
« Finalement, sur quatre roues, tout y est. Et lorsque nous nous faisons des
plaquages, eux vont au choc. »
(intertitre) Mêlée de fauteuils
Effectivement, le contact, l’une des particularités du rugby, est bien là. Les
fauteuils s’entrechoquent dans un bruit de métal. Quelques culbutes les roues en
l’air viennent ponctuer le match. Les joueurs s’efforcent de s’extraire de la
mêlée de fauteuils pour aller poser le ballon derrière la ligne de l’équipe adverse.
Les roues et les fauteuils, équipés de pare-chocs, ont été aménagés pour résister
à la violence des chocs.
On mesure au cours du match toutes les contraintes et le dépassement permanent
des joueurs. Ils sont le résultat d’heures d’entraînement dans les clubs de
province. La discipline s’est organisée en France depuis 2003. Ainsi sont
apparus quatre clubs en France, dont le plus ancien à Toulouse. Mais toujours
pas d’équipe de France, tandis que le rugby-fauteuil est devenu un sport officiel
depuis les jeux Paralympiques de Sydney, en 2000. « Il y a de nombreuses
années que nous voulions officialiser la discipline en France », reconnaît Gérard
Masson, président de la Fédération française handisport. « Mais il y a une réelle
difficulté à rassembler de grands handicapés sur un même terrain. »
Le rugby en fauteuil a en effet la particularité de s’être rendu accessible à un
public de personnes tétraplégiques, lesquelles ne pouvaient trouver leur place
dans les deux autres handisports collectifs que sont le basket et le foot. La
discipline comble ainsi une absence de jeux collectifs adaptés à certains
handicaps.
Au final, les Irlandais ont visiblement été moins perturbés par la pluie. Ils ont
remporté 37 à 29 le premier match, puis 36 à 32 lors du match retour. Qu’importe le résultat pour Éric Meurisse, capitaine de l’équipe de France :
« Nous venons d’entrer dans la famille du rugby ! » Victoire !
Louis Guinamard
8. De jeunes autistes au club de gym
Cent ans après sa création, le club Lyon Gym vient d’ouvrir des cours pour
de jeunes autistes avec l’association Autistes Rhône-Ain.
« Jean-Petit qui danse. Jean-Petit qui dan-an-se… » Au son de la comptine,
Louison, Agathe, Ianis, Nicolas et Fabien s’exécutent, lèvent les mains, les bras,
penchent la tête. Chaque fois, la même chanson ouvre la séance… Chaque fois,
une musique douce la referme, histoire d’apaiser tout le petit monde après un
quart d’heure intense sur le trampoline. « Ces repères sont habituels en gym »,
commente Thibaut Longo, professeur d’EPS et responsable des deux cours pour
les jeunes autistes mis en place par Lyon Gym en septembre 2006. « Mais, là, ils
sont encore plus importants, tant ces jeunes ont besoin d’un cadre. » Pourtant, si
la pratique du sport est adaptée, Thibaut et Atyade Ouharma, l’autre monitrice,
étudiante en Activités physiques adaptées (APA), se défendent de faire des
exercices de psychomotricité : « C’est de la gym pure. »
Pour Olivier Bizeul, directeur du club à l’initiative du projet, « l’idée est bien
d’accueillir des enfants différents et de les amener vers plus d’autonomie dans
l’activité ». Ainsi les deux groupes de 6-8 ans et de 8-11 ans ont-ils démarré
dans le local complètement fermé habituellement réservé à la baby-gym, puis se
sont rapidement installés dans le grand espace du gymnase. De même, s’il y a
chaque fois un parcours de progression, celui-ci se modifie à chaque séance.
L’autre grande évolution, enfin, est la prise de distance par rapport aux parents.
Si, au démarrage de l’activité, ces derniers suivaient pas à pas leur enfant dans le
groupe, ils assistent aujourd’hui à chaque leçon depuis le bord du tapis. « Le
rapport direct avec les parents est très agréable et très différent de ce qui se
passe dans une institution, remarque Atyade Ouharma. En même temps, il est
très beau de voir les enfants prendre leur autonomie, faire tout leur parcours
seuls, apprendre à attendre leur tour. »Les parents, eux aussi, se réjouissent des progrès de leurs enfants : la traversée de la poutre d’une traite, les roulades enchaînées, les bonds aériens sur le trampoline… « Il y a ce petit goût du risque qui est essentiel et qui est sans doute moins fort en milieu protégé », estime Thibaut. « La gym, c’est vraiment s’approprier son corps, mais aussi se dépenser, s’approprier des règles, une discipline », poursuit Atyade. Pour Valérie Le Nevé, maman de Louison et présidente d’Autistes Rhône-Ain, « cette activité offre un temps de loisir, sans aucun objectif de soins... Enfin. »
Florence Roux
Politique Sport et handicap dans le RhôneHandisport, sport adapté ou de haut niveau : dans le Rhône, le conseil général a
lancé cet été une politique spécifique Sport et handicap, en s’appuyant sur un
débat entre sportifs et experts du sport, responsables d’associations et
d’institutions. Le département compte 22 sports handisport.Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, estime que « le sport permet de participer pleinement à la vie sociale ». Selon Michel Fodimbi, chercheur au Centre de recherche et d’innovation sur le sport (Cris) à l’université Lyon I, « malgré une progression de 14 % entre 2000 et 2005, 1 % seulement des personnes handicapées en France possèdent une licence en club, contre 15 % chez les valides ». Manque d'information, manque de candidats, manque de professeurs d'éducation physique spécialisés…, l’ouverture, dans l’esprit de la loi de 2005, serait aussi à chercher du côté des clubs de sport “valides”. En s’inspirant de ces réflexions et expériences échangées lors de la rencontre Sport et handicap qui s’est tenue en mars dernier à Lyon, le conseil général du Rhône a voté cet été une politique globale sur le sport et le handicap.
FR/PT
Titre 9 : Accéder Autrement
1. “Je réalise mes rêves” : portraits croisés
Photographe ou pilote aveugle, danseur sourd ou sans jambes, poète trisomique, athlète, philosophe, trader, chanteur, mannequin… Bien des personnes handicapées ont réussi là où on ne les attendait pas, repoussant les limites de l’inaccessible… Portraits croisés.
« Tout est possible, même quand on est trisomique, on peut y arriver », déclare
Nathalie Nechtschein, poétesse trisomique, sur RMC. « On peut se battre aussi et
pourquoi pas écrire des poèmes ou s’épanouir dans autre chose. » Dans son dernier
album, D’Elles, Céline Dion interprète un des poèmes de Nathalie : Si j’étais
quelqu’un et dit « C’est le texte qui m’a le plus touchée. Où commence et où se
termine la normalité et de quel droit lui donnons-nous des frontières ? » Il a été mis
en musique par Erick Benzi qui l’avait découverte avec Jean-Jacques Goldman,
dans un documentaire d’Arte. Un recueil de ses poèmes a été publié sous le titre Ma
différence. « Je réalise justement mon rêve, confie Nathalie à France Dimanche. Si
je n’avais pas eu de handicap, je n’aurais peut-être pas pu être poète ! Je le vois
maintenant comme un avantage par rapport aux autres, car c’est ma source
d’inspiration. »
Première personne trisomique à avoir obtenu un diplôme universitaire, Pablo Pineda
explique au quotidien El Pais : «Oui, cela a été très dur. Si individuellement nous ne
nous mettons pas de barrières, nous finissons par enfoncer celles qui existent autour
de nous. » Ayant un diplôme de professeur des écoles en éducation spéciale, il n’a
pas été autorisé à enseigner et prépare une licence en psychopédagogie. Il travaille
à la mairie de Malaga sur un projet d’insertion sociale. Le plus dur est de devoir
toujours prouver qu’il est capable. Il doit jouer dans un film de Julio Medem, Yo
también, qui s’inspire de sa propre histoire. Une autre manière de dire aux
personnes trisomiques, comme il le fait en conférence, qu’il faut s’accepter tel que
l’on est, voir ses possibilités, persévérer…
Personne n’est parfaitHirotada Ototake est né sans bras ni jambes. Son autobiographie Personne n’est
parfait s’est vendue à plus de 4 millions et demi d’exemplaires au Japon. Il suit une
scolarité en milieu ordinaire, joue au foot, s’habille avec soin, voyage et « cultive tous
ses possibles » : « J’ai vécu ma vie non comme une “personne handicapée” mais
comme une personne. » Licencié en sciences politiques et économiques, il devient
journaliste sportif à la télévision. Il s’implique dans un combat contre les préjugés,
s’engage au niveau local sur les questions d’accessibilité et témoigne dans les
écoles, ayant trouvé la réponse aux questions qu’il s’était posées une nuit :
« Pourquoi suis-je né handicapé ? S’il y a des choses qu’un handicapé ne peut pas
faire, il y a des choses que seul un handicapé peut faire. S’occuper du bien-être des
handicapés, par exemple. Qu’est-ce que moi seul, Hirotada Ototake, je pouvais
faire ? »
C’est lesquels les autistes ?« Nous sommes “les animals” du paramédical. Assassins des préjugés, promulguant
les valeurs sociales. Six jeunes et six éducs voyagent au sein de la musique. Notre
combat est social, notre cause apolitique. Rebâtir des idéaux, combattre
l’immobilisme. Fini les préjugés des gens à l’égard de l’autisme », annonce la
couverture du deuxième CD de Percujam C’est lesquels les autistes ? Le groupe
chante certains textes du Papotin – journal atypique, dont l’équipe a interviewé aussi
bien Marc Lavoine, Howard Buten, Lorie, Bertrand Delanoë que Jacques Chirac –,
se produit avec Tryo, Ceux qui marchent debout…, voyage et change l’image des
personnes autistes. Un combat que mènent d’autres musiciens comme
Turbulences, ainsi que le dessinateur Gilles Tréhin qui a conçu la ville imaginaire
d’Urville, les écrivains Daniel Tammet qui vient de publier Je suis né un jour bleu, à
l’intérieur du cerveau extraordinaire d’un savant autiste, et Temple Gradin, auteur de
Ma vie d’autiste.
Devenir spécialiste“Tout est possible” est le titre d’un chapitre du livre de Grégory Perrin, devenu tétraplégique suite à un accident de moto à 17 ans. Il y raconte la visite d’un médecin à la retraite qui changea sa vie : « “Ton corps est mort, oui, mais pas ta tête. (…) Comme tu n’auras pas besoin de t’occuper de ton corps, cela te laissera le temps de t’occuper de ta tête.” (…) Je méditai longtemps ces mots. Un vrai déclic. Sur le coup, j’en fus très perturbé. Mais je compris que puisqu’il me fallait “faire avec”, en prendre mon parti, autant le faire intelligemment. Déployer une stratégie. Méthode aïkido, c’est-à-dire utiliser la force de l’adversaire. La force fulgurante du handicap. Vous êtes bloqué dans un fauteuil, vous ne pouvez donc ni batifoler ni vous disperser. Les objectifs doivent être précis, limpides, et vous avez tout votre temps pour les remplir. Je compris que, si l’on devient spécialiste dans un domaine, le handicap s’efface. » Grégory reprend alors ses études et se bat pour conquérir son autonomie et devenir trader, le seul financier tétraplégique au monde (voir encadré p. 97).
Cultiver ses talents« J’ai les bras et les jambes trop courts (c’est un enfant de la thalidomide, NDLR), mais en revanche, on m’a donné ce talent de pouvoir être sur scène et chanter », confie Thomas Quasthoff à Classica Répertoire. Il se produit avec les plus grands orchestres, a enregistré de nombreux disques. Son répertoire couvre Schubert, Mahler, Bach et du jazz. Sa voix est très expressive avec une large palette de couleurs vocales et il a une merveilleuse présence sur scène. Pourtant il n’a pu aller au conservatoire, ne répondant pas aux critères d’entrée, mais il suit des cours privés en parallèle d’études de droit « J’ai voulu d’abord m’assurer que mon art serait plus important que mes handicaps physiques », précise-t-il. Il a écrit son autobiographie : Die Stimme (La Voix) parce que : « Comme Itzhak Perlman, George Shearing, Ray Charles ou Stevie Wonder, j’ai réussi à mener une carrière internationale. L’apparence, dans le domaine de la musique classique, spécialement pour un chanteur, est primordiale. Mon activité et ce que je suis devenu peuvent encourager des personnes à persévérer et à voir la vie sous un aspect positif. »
Utopie ?
Devenu tétraplégique à 16 ans, puis tétraparésique, Laurent Marzec construit un
projet fou : la traversée des Pyrénées sur un tricycle à traction manuelle (650 km et
13 cols). « Un impossible voyage comme un périple pour la vie (…), un point
lumineux sur l’horizon, un rêve, mon inaccessible étoile. » Car Laurent appartient à
l’Union des tétraplégiques à objectifs purement impossibles et exagérés ou Utopie ! Il lui a fallu combattre l’idée qu’il n’y arriverait pas : « Pendant quinze ans, j’ai
contemplé le reflet dégradé de mon être au miroir de mes fantasmes. La traversée
de cette chaîne de montagnes, c’était l’inaccessible. Je faisais tout, dans mes rêves
les plus fous, pour le rendre inaccessible. » De retour de ce qui deviendra un voyage
à la découverte de soi et des autres, il crée l’association Raid nature handicap, qui
organise des activités en pleine nature pour des personnes handicapées et il se
lance dans un nouveau défi : traverser le désert marocain.
Faire des choses “inaccessibles”
« Il faut distinguer le visuel, ce que voient nos yeux, du visible, ce que voit notre
esprit », explique Evgen Bavcar, dans le Journal du CNRS. Devenu aveugle à l’âge
de 12 ans, il n’en a pas moins poursuivi une carrière de photographe. Il expose les
photos qu’il prend, évaluant les distances au toucher ou au son, après les avoir
construites mentalement. « Les aveugles ont des connaissances à proposer aux
voyants. Laisser le champ libre aux autres perceptions permettrait un enrichissement
de leur regard, une ouverture à de nouvelles interprétations qui, sous le poids
démesuré du “visuel”, ne peuvent se frayer un chemin. » C’est ce qu’offrent aussi
d’autres photographes aveugles : Paco Grande, Flo Fox, Toun Ishii, Rosita
McKenzie.
Piloter un avion ou un appareil volant lorsqu’on ne voit pas, n’entend pas ou n’a pas
l’usage de ses jambes… c’est possible. Jamais seul aux commandes pour Les
Mirauds volants, mais avec les mêmes appareils que les autres pilotes. Dans les
aéroports où le pilotage se fait à vue pour les pilotes sourds et malentendants : ainsi,
Henri Corderoy du Tiers vient d’obtenir sa licence de pilote en France – il avait déjà
la licence américaine. Avec des commandes à main pour les pilotes paraplégiques,
comme Dorine Bourneton… « C’est la première fois (et certainement la seule) que
nous pouvons nous retrouver aux commandes d’une machine qui évolue dans les
trois dimensions de l’espace », observent Les Mirauds volants. Alors quel bonheur
de se sentir libre, de voler !
Devenue sourde à l’âge de 6 ans, Maria Angeles Narvaez continue à danser, suivant
toutes sortes de cours : danse classique, contemporaine, régionales… Sévillane, elle
crée la compagnie 30 decibelos – ce qui lui reste d’audition – et présente des
classiques du répertoire flamenco, guidant ses pas sur les vibrations du cajon du
percussionniste, signant les paroles avec beauté, force et passion. Elle apparaît
dans le film de Carlos Saura, Flamenco.
Hors normes
« L’un des plus beaux et des plus extraordinaires interprètes jamais vus. » C’est ainsi
que Lloyd Newson, directeur de la compagnie DV8 parle de David Toole, danseur,
acteur, chorégraphe, professeur. Seulement il est né sans jambes. Il a été formé au
centre Laban à Londres et a appartenu à la compagnie Candoco. Il danse sur ses
bras ou en fauteuil roulant, sur le dos d’un danseur… avec une grâce, une puissance
époustouflantes, faisant oublier qu’il est un danseur hors normes. Si bien que Sophie
Constanti, du Guardian, écrit : « Aucun spectateur de To please the Desert ne
décrirait Toole comme handicapé physique. » Dans The Cost of Living, Lloyd
Newson lui donne un rôle à sa mesure, qui pourtant n’éclipse pas les autres
danseurs parmi lesquels certains sont grands, gros… et nous interroge sur la notion
de convention et de standard. Quel est le prix d’une vie ? Si vous l’avez manqué au
Théâtre de la Ville en 2003, vous pourrez toujours voir le DVD.
« Ce qui compte, c’est ce qui vous reste »
Amputée sous les deux genoux à l’âge d’un an, car elle était née sans fibules, Aimée Mullins n’a cessé de battre des records : athlète, diplômée en histoire et diplomatie,
actrice, mannequin... et l’une des plus belles femmes au monde d’après les
magazines “people”. Étudiante, Aimée a été frappée de voir combien des personnes
handicapées se limitaient elles-mêmes en raison de leur handicap. « Ce qui compte
n’est pas ce que vous avez perdu, mais ce qui vous reste », dit-elle, car elle est aussi
conférencière. Son sujet ? La motivation, reconnaître son propre potentiel malgré les
obstacles rencontrés ! Parce que « la confiance est la chose la plus sexy qu’une
femme puisse avoir». Après l’avoir vue en couverture d’un magazine, Matthew
Barney lui demande de jouer dans Cremaster 3 en portant des prothèses
transparentes. « Il a adoré l’idée que je développais de voir le potentiel. Plutôt que de
regarder mes jambes comme une sorte de déficience que je devais surmonter, il a
dit : “Pourquoi ne ferions-nous pas ce que nous voulons ? Nous pouvons tout faire.”»
« On ne peut pas le faire » est une phrase bannie par la compagnie anglaise StopGAP qui rassemble quatre danseurs dont deux sont handicapés, en fauteuil et
trisomique. Leurs créations par des chorégraphes invités, comme Nathalie Pernette
au Centre national de la danse, sont originales, parfois dérangeantes, drôles,
émouvantes. Le point de départ du travail est le potentiel physique et intellectuel, et
non les limites, de chacun des danseurs, en travaillant sur les complémentarités car
« notre richesse réside dans notre différence ».
Réaliser ses rêves
« Ce n’est pas parce que je suis handicapé que j’ai une vie moins intéressante que
les autres », aime à dire Ryadh Sallem, victime de la thalidomide. « Je réalise mes
rêves, je voyage, je fais du basket…» Membre de l’équipe de France de basket-
fauteuil, directeur de l’association Cap-saa (Cap-sport art aventure amitié) qui
organise des actions de sensibilisation et de prévention dans les écoles “Cap-
classes”, les entreprises et les prisons, fondateur du Défistival, instigateur de
missions humanitaires… Ryadh déborde de projets. Il lutte à la fois « contre la
victimisation et l’auto-exclusion des personnes handicapées et contre les préjugés
venant de tous bords, en développant des actions qui permettent aux gens de se
rencontrer, de promouvoir la mixité. » Une nouvelle idée ? Les personnes
handicapées sont acteurs de changement : « Ne vous demandez pas ce que vous
pouvez faire pour elles, mais ce qu’elles peuvent faire pour vous. »
Marie-Claire Brown
Bats-toi (extrait)
Bats-toi Ouvre tes ailes Un secret ne se cache pas Chante sur tous les toits Que tu es là...
Bats-toi Mais respecte le silence Apprivoise-le un instant Dans un coin tout frais Où tu retrouveras tes forces.
Nathalie Nechtschein
2. Comment accéder… aux personnes handicapées
Des guides expliquent aux “gens ordinaires” comment se comporter avec les
personnes handicapées.
Comment parler du handicap avec une personne handicapée ? Comment
communiquer avec une personne sourde ? Quelle attitude adopter avec un non-
voyant ?... Plusieurs guides se proposent d'expliquer aux personnes intéressées
les comportements appropriés, dans une approche plus sociologique, voire
ethnologique, que clinique : comme on apprend une langue étrangère ou l’on
s'ouvre à une autre culture. Réalisé en 2005 avec le soutien du ministère chargé
des Personnes handicapées, de l'Agefiph et d'entreprises, Vivre ensemble, le
guide des civilités à l'usage des personnes ordinaires, publié par les services de
l'État, répond à toutes ces questions de façon simple et légère.
Après de courtes définitions des différents types de handicap et des aides
techniques existantes, le guide propose des conseils pour savoir reconnaître un
handicap, dans le cas des handicaps dits “invisibles” (sourds, handicapés
psychiques…), accueillir, échanger et aider dans cinq grandes familles de
handicap : moteur, visuel, auditif, mental et psychique. Des illustrations
viennent appuyer ces conseils dans des saynètes reproduisant des situations de la
vie quotidienne, tandis que des témoignages apportent le point de vue,
évidemment nécessaire, des personnes handicapées.
Dans le même esprit, le Programme régional de formation des travailleurs
handicapés en Ile-de-France a édité en 2005 un guide intitulé L'accueil d'une
personne handicapée. Celui-ci explique les attitudes à privilégier ou la manière
de limiter les risques de maladresses et d'incompréhensions. Passé les
informations d'ordre général sur le langage et les attitudes à adopter, il propose
également des conseils, trucs et astuces par type de handicap.
Vaincre la peur de l'autreDe nombreuses associations représentatives d'un type de handicap ont eu la
même démarche en communiquant sur les comportements à adopter face aux
personnes qu'elles représentent, et notamment les personnes sourdes et
malentendantes qui souffrent particulièrement des maladresses, préjugés et
incompréhensions de la part des “gens ordinaires”.
A la lecture de ces différents ouvrages, d'aucuns pourront constater la simplicité,
voire l'évidence des conseils prodigués. Pourtant, ils ne sont pas appliqués au
quotidien. Le monde du handicap reste un mystère pour le grand public, quand il
ne fait pas peur à de nombreuses personnes. Dans un monde parfait, la logique
voudrait que tout être humain soit en mesure de se comporter naturellement et
de communiquer avec n'importe qui, pour peu qu'il fasse preuve d'un minimum
d'humanité.
« Entrer en contact avec une personne handicapée suppose d'accepter une règle
du jeu toute simple : adopter, fût-ce même un court instant, la logique de l'autre,
son point de vue, afin d'identifier les petits écueils usuels de la vie ensemble,
pour les dépasser », observait Marie-Anne Montchamp, en préface du Guide des
civilités à l'usage des gens ordinaires, alors qu'elle était ministre chargée des
Personnes handicapées.
MC
Le Guide des civilités à l'usage des gens ordinaires est disponible
gratuitement, au format pdf, sur :
www.handicap.gouv.fr/IMG/pdf/guide_vivrensemble.pdf
Le guide L'accueil d'une personne handicapée est à demander auprès de la
coordination du PRFTH, 18 rue Piat - 75020 Paris. Tél. 01 58 53 55 25. Fax :
01 58 53 50 90.
3.
Les bonnes intentions, parfois, ne suffisent pas…
« L’enfer est pavé de bonnes intentions », affirme le dicton. Sans aller jusqu’à impliquer
Lucifer, l’œil averti peut souvent constater quelques ratés de l’accessibilité : soit on a voulu
trop bien faire et l’on est à côté de la plaque, soit des besoins antagonistes rendent l’adaptation
inefficace, soit encore on s’est concentré sur un seul handicap, le plus souvent l’incapacité
motrice, et l’on a oublié les autres. Petit bêtisier en images.
Véronique Vigne-Lepage et Chantal Féminier
Photos bêtisier Voici les légendes :
Image 1: Ces toilettes, situées dans un Ésat, sont accessibles
aux personnes handicapées... musclées ! Il faut en effet faire
une sacrée gymnastique pour manœuvrer entre les deux lourdes
portes. Par ailleurs, les barres d'appui ont été “oubliées”
Image 2 : Prévoir des portes battantes, c'est bien. Mais la
fenêtre est trop haute : les personnes valides arrivant de
l'autre côté ne voient pas cette dame en fauteuil roulant et
risquent de lui envoyer violemment les portes dans les genoux !
Image 3 et 4 : En réalisant cette rampe d'accès dans un coin de
l'escalier, les propriétaires de l’immeuble se sont
“dédouanés”. Mais bon courage à la personne qui tentera de
descendre (ou même de monter) par cette rampe ! Surtout par
temps de pluie... A noter que dans cet immeuble est installé le
Service médical de la Caisse primaire d'assurance maladie d'une
grande ville française
bêtisier 3 : Dans l'ascenseur de ce parking, on a même indiqué
les étages en braille... pour les automobilistes non voyants ?!
Bêtisier 4 : Une incohérence très fréquente : aux passages
piétons, on abaisse le trottoir, on installe une bande
podotactile... Mais pour empêcher les voitures d'empiéter sur
cet espace, on plante un “potelet” au milieu du passage. Les
non-voyants risquent de s'y heurter et les personnes en
fauteuil devront le contourner au prix d’efforts
supplémentaires...