Guide Citoyen sur la BEI Une Banque pas comme les autres? · La section 2 s’intéresse à ce que...

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Guide Citoyen sur la BEI Une Banque pas comme les autres?

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Guide Citoyen sur la BEIUne Banque pas

comme les autres?

Publié par : Counter Balance: Réformer la Banque européenne d’investissement, une coalition d’organisations non gouvernementales spécialistes de l’environnement et du développement.

Counter Balance réunit des membres des pays suivant: Europe Centrale et Orientale: CEE Bankwatch NetworkFrance: Les Amis de la TerreAllemagne: urgewald et WEED (World, Economy, Ecology & Development)Italie : Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (CRBM)Pays-Bas: Both ENDSRoyaume-Uni: Bretton Woods Project

Remerciements: Merci à Korinna Horta de Environmental Defense Fund et à tous les membres de Counter Balance pour leurs contributions à ce guide.

Ce guide est également disponible en anglais, en allemand, en espagnol et en italien.

Traduction française :Laurent Hutinet et Anne-Sophie Simpere

Conception graphique et mise en page :Piotr Tabor ([email protected])

Imprimeur :Grafokon, Prague

Imprimé sur papier recyclé.

Ce document a été réalisé avec le soutien financier de la Commission européenne.Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de CEE Bankwatch Network etne reflète en aucun cas la position de l’Union européenne.

Guide citoyen sur la BEI

Liste des Abréviations

Synthèse

Introduction

La BEI dans le cadre des politiques européennes de développement

Pourquoi il faut réformer la BEI

Réformer la BEI

Petit guide pratique pour aborder la BEI

1.

2.

3.

4.

5.

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Liste des Abréviations

ACP Afrique, Caraïbes et Pacifique ALA Amérique Latine et AsieBEI Banque Européenne d’InvestissementCCB Commission du Contrôle BudgétaireCE Commission européenneCJCE Cour de Justice des Communautés EuropéennesCMB Commission Mondiale des Barrages DG Direction Générale de la Commission européenneECO Europe Centrale et OrientaleECOFIN Conseil des Affaires Economiques et FinancièresECON Commission des Affaires Economiques et MonétairesEIE Etude d’Impact EnvironnementalFEI Fonds Européen d’InvestissementIE Investissement extérieurIFI Institution Financière Internationale ME Médiateur EuropéenMFS Mécanisme de Financement Structuré MPE Mandat de Prêt Extérieur ONG Organisation Non GouvernementalePAB Plan d’Activité de la BanquePE Parlement EuropéenPME Petites et Moyennes EntreprisesRETE Réseaux Européens de Transports et d’EnergieUE Union Européenne

les régions, les secteurs et les groupes d’intérêt qui bénéficient du soutien de la BEI, et se demande si cela est réellement l’usage le plus approprié des ressources publiques. La section 4 propose des alternatives en s’appuyant sur des impératifs liés aux droits humains, à la protection de l’environnement et au développement durable, afin de promouvoir une autre approche du développement pour la BEI.

Enfin, la section 5 est un petit guide pratique destiné aux personnes touchées par les projets soutenus par la BEI, et au public intéressé en général. Il indique rapidement comment s’y prendre avec la Banque et apporte des détails pratiques sur la façon de contacter la BEI sur différents sujets, tels que la divulgation des informations, le dépôt d’une plainte ou les soupçons de corruption. Selon la convention d’Aarhus, la BEI est en effet soumise à des obligations en matière d’information du public sur la nature de ses opérations. Nous encourageons toutes les parties intéressées à profiter des possibilités d’action qu’elle offre.

Ce guide est une publication de Counter Balance, une cam-pagne récemment créée, qui regroupe un collectif d’ONG de développement et de défense de l’environnement partageant des préoccupations communes quant aux procédures et aux impacts des activités de la BEI. Notre objectif : réformer la BEI afin qu’elle respecte ses obligations vis-à-vis des politiques de développement de l’UE, des citoyens européens et des per-sonnes affectées par ses projets. Nous sommes à la disposition de tous ceux qui partagent ce but.

Elle est le plus grand bailleur public au monde et l’un des plus importants financeurs du développement au Sud. C’est une institution européenne, mais elle est presque totalement incon-nue des représentants politiques et du grand public. Elle n’a pour ainsi dire aucun compte à rendre aux autres institutions communautaires. Elle fonde son action sur l’idéologie dépassée de la croissance et soutient les grandes firmes privées occidentales d’une façon qui rappelle les pires agissements de la Banque mondiale dans les années 1990. Bienvenu à la Banque européenne d’investissement (BEI).

Il est assez extraordinaire, étant donné l’importance et la nature de ses opérations, que la BEI ait réussi à rester aussi discrète vis-à-vis des milieux politiques, du grand public et des ONG spécialisées dans le développement. Cette situation vient peut être du fait que jusqu’ici, la plus grande partie du travail de la BEI consistait à financer des infrastructures dans les Etats et régions les plus pauvres de l’UE, une spécialité qui n’attire pas l’attention. Mais les choses changent : une part croissante des opérations de la BEI se déroule désormais en dehors de l’UE. Le droit communautaire ne s’y appliquant pas, les problèmes liés à l’absence de standards opérationnels contraignants de la Banque deviennent flagrants. En bref, la BEI est en train de devenir une institution européenne qui verse des sommes con-sidérables au titre du développement et de l’aide internationale, sans disposer de la moindre expertise, ni des capacités ou des principes opérationnels indispensables à ce genre d’action.

Ce guide est destiné à tous ceux qui s’inquiètent de cette situation. Il commence par présenter la BEI : actionnaires, provenance des fonds, modes d’action, opérations et secteurs soutenus. La section 2 s’intéresse à ce que la banque devrait faire - c’est-à-dire aux obligations de la BEI selon la régle-mentation et les objectifs européens, et les traités signés par l’UE en matière de développement. Le guide se termine sur un aperçu des questions que la BEI doit commencer à prendre en compte.

La section 3 analyse la question de la responsabilité (ou ab-sence de responsabilité) de la BEI dans le cadre institutionnel démocratique de l’UE. Cette section examine ensuite quels sont

La BEI au Sud – au bénéfice de qui?

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Créée en 1958 par le Traité de Rome, qui établit la Com-munauté Economique Européenne (à laquelle a succédé l’Union européenne), la BEI est la banque de la Communauté européenne. Avec plus de 53 milliards de prêts approuvés en 2006, la BEI est aussi la plus grosse Institution Financière Internationale publique active au niveau mondial. Son siège est situé au Luxembourg et elle a ouvert un nombre croissant de bureaux régionaux ces dernières années.

En tant qu’institution de l’Union européenne, la BEI affirme que sa mission consiste à contribuer aux objectifs de l’UE en « apportant des financements de long terme pour des

1. Introduction

1.1 Informations générales sur la BEI investissements viables ». Cela suggère qu’au moins deux principes devraient être au centre des politiques de prêt de la BEI. Le premier consiste à respecter les objectifs de l’UE, qui sont de plus en plus axés autour de la promotion du dével-oppement durable à l’intérieur comme à l’extérieur de l’UE. Le second principe est celui d’additionnalité : la BEI devrait utiliser ses ressources pour financer des projets qui, bien que financièrement et socialement viables, comportent des ris-ques à cause desquels la plupart des financeurs à but lucratif classiques ne veulent pas s’engager. En d’autres termes, il s’agit de favoriser les projets qui le méritent et qui n’auraient pas vu le jour autrement. Comme on le verra grâce à ce guide, la BEI ne parvient jamais à respecter ces deux principes.

GermanyFranceItalyUnited KingdomSpainBelgiumNetherlandsSwedenDenmarkAustriaPolandFinlandGreecePortugalCzech RepublicHungaryIrelandRomaniaSlovak RepublicSloveniaBulgariaLithuaniaLuxembourgCyprusLatviaEstoniaMalta

Total

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7 387 065 0007 387 065 0004 900 585 5003 740 283 0003 666 973 5003 411 263 5002 106 816 0002 003 725 5001 291 287 0001 258 785 5001 190 868 500

925 070 000863 514 500428 490 500397 815 000290 917 500249 617 500187 015 500183 382 000152 335 000117 640 000

69 804 000

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16.17016.17016.17016.170

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Répartition du capital de la BEI au 1er Janvier 200710 000 000 0000 20 000 000 000 %

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Source: site Internet de la BEI

Gouvernance et structure : présentation et faiblesses Les décisions de la BEI sont prises par les organes suiv-ants.

Le Conseil des Gouverneurs de la BEI – Le Conseil est composé des Ministres des Etats membres (générale-ment des Ministères des Finances, de l’Economie ou du Trésor). Il adopte les orientations générales de la banque en matière de politique du crédit, décide des augmentations de capital et autorise les activités de la BEI hors de l’UE. Le fait que les Ministres des Etats membres soient les gouverneurs de la BEI est l’une des causes principales du mode de fonctionnement actuel de la Banque. La fonction des Gouverneurs au sein de leurs pays respectifs légitime les opérations de prêt et les procédures de la BEI, la protégeant contre les critiques et ne permettant pas de changement fonda-mental.

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La BEI est financée par ses actionnaires, les 27 Etats mem-bres de l’UE. Ils contribuent ensemble au capital de la BEI, leurs apports respectifs étant fonction de leur importance économique au sein de l’Union. La contribution directe des Etats membres est significative (environ 8 milliards d’euros), mais le gros du soutien public à la BEI est apporté sous forme de capitaux souscrits (environ 160 milliards d’euros) qui garantissent ses investissements.

La BEI étant la propriété des Etats membres de l’UE, qui con-tribuent à son capital et le garantissent, elle est considérée comme un partenaire financier très solide et bénéficie d’une notation AAA de la part des agences de notation (Moody’s/Standard et Poor’s/Fitch). Cela permet à la BEI d’intervenir sur les marchés financiers, comme emprunteur sur les marchés de capitaux et d’obligations, ce qui lui procure l’essentiel de ses liquidités.

Le Conseil d’Administration – Nommé par le Conseil des Gouverneurs, le CA approuve les opérations de prêt et d’emprunt, accorde les garanties et les emprunts, et recommande au Conseil des Gouverneurs les change-ments à apporter à la politique de crédit. Il comprend 28 Directeurs (un nommé par chaque Etat et un nommé par la Commission européenne), et 18 suppléants. Tous sont désignés par le Conseil des Gouverneurs, généralement pour une période de cinq ans. Le CA a le rôle crucial d’approuver les projets, alors que c’est un organe non permanent qui ne se réunit que dix fois par an pour passer en revue plus de 300 projets. Cela signifie que la majorité des projets n’est pas examinée avec l’attention qui serait requise au regard de leurs conséquences pour les communautés affectées et l’environnement. Les Administrateurs ne travaillent pas à temps complet pour la banque, mais sont des représentants officiels, le plus souvent de hauts fonctionnaires ministériels, qui s’intéressent prioritairement aux questions de leurs pays.

Le Comité de Direction – Il comprend huit Vice-prési-dents placés sous l’autorité du Président (actuellement le belge Philippe Maystadt). C’est l’organe exécutif à plein temps de la BEI. Il supervise les affaires couran-tes. Les membres du Comité sont nommés pour une période de six ans, mais peuvent effectuer un second mandat, ce qui leur donne une influence à long terme sur les politiques et la direction. Le rôle du Comité de Direction lui confère un pouvoir immense au sein de la BEI, puisqu’il prépare les décisions des Administrateurs, notamment les décisions d’emprunt et de prêt. Cela signifie qu’il peut peser sur l’examen des impacts envi-ronnementaux et sociaux des projets et sur l’information fournie.

Le Comité de Vérification est l’un des autres organes de la BEI, et il a pour responsabilité de vérifier que les opérations de la BEI ont été conduites correctement et que ses comptes sont régulièrement tenus.

1. La BEI emprunte des fonds sur les marchés de capitaux

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La BEI, une étrange créature La BEI est un animal très étrange. C’est une banque publique qui tend à agir comme une institution de crédit privée. Elle bénéficie du soutien public, d’une person-nalité juridique propre et d’une large autonomie au sein du système communautaire, sans se plier en contrepartie à des mécanismes de mise en cause de sa responsabilité, ou à des normes contraignantes. La BEI garantit des prêts principalement grâce à ses emprunts qui, avec ses fonds propres (capital versé et réserves), constituent ses « res-sources propres ». Pourtant, son statut légal et ses obliga-tions vis-à-vis de l’UE n’ont jamais été réellement clarifiés. Considérée à juste titre comme une institution de l’Europe, la BEI est soumise à la réglementation européenne. Elle doit légalement agir dans les limites fixées par les traités de la Communauté européenne et par ses statuts. Elle est également tenue d’adhérer aux objectifs de l’UE en matière de développement. Pour autant, alors que les actions de la BEI sont censées être encadrées par les politiques et régle-mentations de l’UE, la confusion règne sur la façon dont sa responsabilité peut être engagée en cas de manquements à ces politiques et réglementations.

Il est tout aussi problématique que la BEI soit la seule des grandes Institutions financières internationales (IFI) à fi-nancer des projets de développement au Sud sans disposer du moindre standard environnemental et social opération-nel pour encadrer les projets soutenus. Cette situation est à l’origine de toute une série de problèmes : manque de responsabilité et de transparence dans la prise de déci-sions, mauvaise prise en compte et gestion des dommages infligés aux écosystèmes et aux économies locales, diffi-cultés à garantir que les personnes affectées percevront de réels bénéfices, et prise de décision fondée sur des critères presque exclusivement économétriques. D’un point de vue institutionnel, la BEI est organisée pour accorder des prêts sur la base d’une idéologie simpliste fondée sur des critères de croissance, et elle n’a ni capacité, ni inclination à prendre suffisamment en compte les impacts envi-ronnementaux et sociaux des projets qu’elle finance.

2. A la date de publication, il s’agit de la Croatie, de la Turquie et de l’Ex-République Yougoslave de Macédoine.

Les procédures d’emprunt et de prêt de la BEILa BEI soutient des projets à travers différents mécanismes financiers :

Les prêts individuels – Ils sont accordés pour des projets précis, dans les secteurs publics ou privés, y compris le secteur financier.Les prêts globaux – Ce sont des lignes de crédits accor-dées à des intermédiaires (banques, sociétés de crédit ou institutions financières), qui à leur tour accordent des prêts à des autorités locales ou des PME pour réaliser des programmes d’investissement ou des projets admis-sibles dont le coût est inférieur à 25 millions d’euros. La demande de crédit est faite directement à la banque ou l’institution financière agissant comme intermédiaire au niveau national, régional ou local. Le capital risque – Ce sont des activités développées de pair avec le Fonds Européen d’Investissement, qui avec la BEI constitue le « groupe BEI ».

La BEI dispose également d’un ensemble d’instruments de prêts spécialisés :

Le mécanisme de financement structuré : il s’agit d’un mécanisme de financement de projets présentant un profil de risque élevé, qui permet à la BEI de poursuivre ses opérations de prise de participation et de garantie en faveur de projets relatifs à des infrastructures de grande ampleur.Les Mécanismes de financement avec partage des ris-ques : il s’agit d’un mécanisme créé en collaboration avec la Commission européenne pour donner à la BEI plus de latitude pour financer des projets innovants présentant un degré de risque plus élevé dans le domaine des plate-formes technologiques et de la recherche-développe-ment.Les fonds carbone : il s’agit de fonds créés en collabora-tion avec des institutions telles que la BERD et la Banque mondiale pour développer le marché des crédits carbone dans les pays en transition et pour promouvoir la partici-pation du secteur privé.

Les priorités de la BEI en matière de prêt

La BEI a défini pour l’UE et les pays-candidats2 six objectifs prioritaires explicités dans le Plan d’Activité de la Banque (PAB):

La cohésion économique et sociale

Le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME)

La viabilité environnementale

La mise en œuvre de l’Initiative « Innovation 2010 »

Le développement des Réseaux Européens de Trans-ports et d’Energie (RETE)

Une énergie sûre, compétitive et soutenable

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Les contribuables surveillent le forum annuel de la BEI en 2004

La BEI en dehors de l’Union européenneEn dehors de l’UE, les prêts de la BEI sont fondés sur les politiques de coopération et de développement de l’Union (ce point sera détaillé dans le chapitre suivant). Le total des prêts accordés hors de l’UE atteint 5,9 mil-liards d’euros en 2006.

Les mandats confiés à la BEI par l’UE sont les suivants:

Préadhésion, en vertu du nouveau mandat de prêt extérieur : Pays candidats et pays candidats potentiels entrant dans le cadre de l’élargissement

Politique européenne de voisinage, en vertu du nou-veau mandat de prêt extérieur: les pays méditerranée-ns, la Russie et les pays voisins de l’Est

Développement – en vertu des Accords de Cotonou :Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), République d’Afrique du Sud

Coopération économique, en vertu du nouveau mandat de prêt extérieur : Amérique latine et Asie (ALA)

Les objectifs en matière de prêts hors UE sont essen-tiellement axés sur le développement du secteur privé et des infrastructures, le soutien à la présence de l’UE grâce aux garanties apportées à l’Investissement Direct Etranger et au transfert de savoir-faire, la protection et l’amélioration de l’environnement, et de manière crois-sante la sécurité énergétique

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1.2 Qui sommes-nous ? – La campagne BEI

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Counter Balance : Réfomer la Banque européenne d’investissement est une nouvelle coalition européenne d’ONG travaillant dans les domaines de l’environnement et du développement. Ces organisations ont une large expérience en matière de financement du développe-ment, et sur les questions des Institutions Financières Internationales (IFI) et des impacts des grands projets d’infrastructures. Plusieurs d’entre elles, en particulier le réseau CEE Bankwatch, critiquent depuis de longues années l’implication de la BEI dans des projets contro-versés pour des raisons sociales et environnementales.

Counter Balance remet en cause l’idéologie de marché et vise à faire de la BEI une institution ouverte et progressiste et une priorité politique en Europe, et à renforcer le pouvoir des personnes affectées par ses activités. Nous souhaitons que la BEI soit profondément réformée pour devenir une banque axée sur l’intérêt général, poursuivant les Objectifs du Millénaire pour le Développement et jouant un rôle dans la lutte contre le changement climatique. Nous voulons que la BEI devi-enne une institution vraiment responsable, accordant des prêts à des projets éthiques et porteurs d’une réelle valeur ajoutée au lieu d’apporter des subventions pub-liques à des entreprises privées. En outre, nous voulons informer les différents groupes de la société civile des conséquences des opérations de la BEI hors de l’UE et des impacts environnementaux, sociaux, et en matière de droits humains des activités de la banque.

Counter Balance comprend des membres provenant des régions suivantes :

Europe Centrale et Orientale: CEE Bankwatch NetworkFrance: Les Amis de la TerreAllemagne: Urgewald et WEED (World, Economy, Ecol-ogy & Development)Italie: Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (CRBM)Pays-Bas: BothEndsRoyaume-Uni: Bretton Woods Project

Counter Balance collabore également avec des or-ganisations d’Europe centrale et orientale, d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie.

La BEI est la seule des IFI à se situer dans un système d’institutions démocratiques. La BEI appartient égale-ment aux 27 Etats membres de l’UE. Les mandats sur la base desquels elle agit défendent des questions qui intéressent de nombreux citoyens de l’UE, tels que la réduction de la pauvreté, inscrite parmi les objectifs des accords de Cotonou, la viabilité environnemen-tale et le développement des infrastructures (même si aujourd’hui, ces aspects sont secondaires pour la BEI, qui se préoccupe avant tout du soutien au secteur privé et de la sécurité énergétique). La BEI pourrait être améliorée grâce à la pression d’une grande variété de parties prenantes, de communautés affectées et de personnes exerçant leurs droits démocratiques en tant que citoyens européens. Nous cherchons à galvaniser et à soutenir certaines de ces pressions pour réaliser la nécessaire réforme de la BEI.

Nous voudrions encourager les groupes qui ont déjà travaillé sur, pour ou autour de la BEI, ainsi que ceux qui s’impliquent dans les secteurs pertinents dans le cadre des opérations de la banque hors de l’UE - organisa-tions environnementales, de développement ou de défense des droits humains – à se joindre à nos efforts. Nous sommes à votre disposition pour toute question ou demandes d’aide sur les projets financés par la BEI, spécialement celles venant du Sud, qui auraient besoin de soutien pour affronter l’institution.

Le problème du manque de responsabilité légale s’aggrave avec l’élargissement du portefeuille de la BEI. La banque a été créée au départ avec une mission spécifique : « contribuer, en ayant recours aux marchés des capitaux et en utilisant ses propres ressources, au développement équilibré et régulier du marché commun dans l’intérêt de la Communauté ». Lorsque la BEI a été créée, ce « développement régulier » était envisagé pour les régions les moins développées de l’UE (Etats les plus pauvres, ou régions les plus pauvres dans les Etats plus riches).

Cependant, avec le temps, les activités de la BEI se sont peu à peu étendues, pour inclure des financements toujours plus importants hors de l’UE, en particulier en Afrique (depuis 1963), en Europe de l’Est (depuis 1989), et en Amérique Latine et en Asie (depuis 1993). La BEI dépasse désormais la Banque mondiale en terme de volumes de prêts, et est devenue le plus grand bail-leur public au monde, avec un montant annuel de prêts d’environ 45 milliards d’euros. En 2006, le montant des projets financés en dehors de l’UE, principalement dans les pays en développement, a atteint 5,9 milliards d’euros. Et dans ces régions extérieures à l’UE, la BEI n’est soumise à aucune réglementation européenne.

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2.1. obligations de la BEI au regard des réglementations européennes

2. La BEI dans le cadre des politiques européennes de développement

La situation légale de la BEI est curieuse et ambiguë. Elle a été créée en 1957 par le Traité de Rome, mais n’est pas formellement une institution communautaire telle que celles qui sont citées dans son article 7. Elle n’est pas considérée comme une institution dotée de pouvoirs législatifs ou exécutifs ou chargée de concevoir des politiques. Elle a été créée en tant qu’organisme financier, avec une personnalité juridique et une struc-ture administrative propres, afin de pouvoir fonctionner comme une institution financière.

Cette indépendance signifie que la BEI dispose de larges marges de manœuvre légales. La BEI s’est toujours efforcée d’appliquer la réglementation européenne de façon très restreinte, et le moins souvent possible, à tel point que d’autres institutions de l’UE, notamment la Commission, ont été amenées à la traduire devant la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) à plusieurs reprises. La CJCE a constamment jugé, con-trairement à la position de la BEI, qu’« il est clair (…) que la BEI est censée contribuer à l’atteinte des objectifs de la Communauté européenne et (…) qu’elle outrepasse donc ses marges d’autonomie. » (Commission contre Banque européenne d’investissement, 2003).

Mais si la CJCE s’est montrée prête à pousser la BEI à écouter les autres institutions, elle n’a pas pour autant souhaité donner au public le moindre contrôle sur la banque. Ainsi, quand un groupe de citoyens français a traduit la BEI en justice à propos du financement d’un périphérique autour de Lyon, le tribunal a jugé qu’en la matière, les citoyens devaient s’adresser à leur gouver-nement : « Seules les décisions prises par les différen-tes autorités françaises concernées (…) sont respon-sables de la situation juridique du requérant. » (Etienne Tête et autres contre EIB, 1993). En d’autres termes, la responsabilité juridique de la BEI envers les personnes touchées par ses décisions est très réduite, voire nulle. Celles-ci doivent se tourner vers les Etats membres, qui dans la plupart des cas ne souhaitent pas entrer en conflit avec la BEI, ou en sont incapables.

Etant donné le champ d’intervention très large de la BEI, il est légitime de se demander si le pouvoir et les responsabilités que lui confèrent son statut et le Traité de Rome de 1957 sont toujours appropriés aujourd’hui, et s’il ne serait pas nécessaire de les réviser fondamen-talement. Sur quelques aspects, néanmoins, les choses s’améliorent. L’avancée la plus remarquable vient peut-être de la Convention d’Aarhus.

La Convention d’Aarhus, l’une des rares réglementa-tions de l’UE à laquelle la BEI est soumise, donne au public des droits à l’information, à la participation au processus de décision et à l’accès à la justice dans le domaine environnemental. Il reste à voir à quel point cette Convention, qui n’a été transposée au droit com-munautaire qu’en 2006, modifiera l’approche de la BEI en termes de politiques et de décisions sur les projets. Aujourd’hui, ces deux aspects sont justement caracté-risés par une information du public très restreinte et bornée.

L’aspect intéressant d’Aarhus est son caractère proactif: elle exige de la BEI et des entreprises qui béné-ficient de ses fonds une diffusion active des informations sur les projets, et des efforts positifs pour impliquer les personnes et communautés concernées. Le fait de ne pas respecter ces exigences peut exposer la BEI à des poursuites judiciaires. Etant donnée son attitude tenace à faire « profil bas », cela place la BEI devant un certain dilemme : parler aux gens ou prendre le risque que les choses se terminent au tribunal.

2.2. Les obligations de la BEI au titre de la politique de développement de l’UESi les obligations de la BEI vis-à-vis du droit européen ne sont pas claires, est-il plus facile de déterminer ce que la BEI est censée faire au titre des politiques euro-péennes, notamment en matière de développement?

La BEI insiste beaucoup sur le fait qu’elle est avant tout une banque, et que sa compétence est principalement financière. Pourtant, avec ses prêts au Sud, la BEI joue un rôle de plus en plus important dans la politique de développement de l’UE – un rôle qu’elle reconnaît et dont elle se défend tour à tour.

Quoi qu’il en soit, la BEI accepte le fait que « [sa] mis-sion consiste à poursuivre les objectifs de l’UE » ; et il est clair que les objectifs de l’UE au Sud sont très fortement influencés par les idées de développement durable et de réduction de la pauvreté. Ainsi, la Décla-ration de la Communauté Européenne sur la Politique de Développement affirme que « la politique de dével-oppement de la Communauté est fondée sur le principe d’un développement humain et social durable, équitable et participatif (…) l’objectif principal de la politique de développement de la Communauté est de réduire, et, finalement, d’éradiquer la pauvreté. »

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consortiums d’entreprises occidentales qui les mettent en œuvre.

Ce problème ne peut que s’aggraver. En décembre 2006, la BEI s’est vue attribuer par le Conseil de l’Union euro-péenne un nouveau mandat extérieur de 27,8 milliards d’euros (contre 20,7 milliards pour la période précédente). Cette augmentation va s’appliquer aux deux mandats d’intervention de la BEI hors de l’UE : hausse de 53% pour les prêts consacrés à la zone ALA, tandis que les fonds disponibles dans la zone ACP ont pour ainsi dire doublé, en prenant en compte que plus de 2 milliards d’euros ont été ajoutés aux propres fonds de la BEI.

Et la liste des projets douteux dans le pipeline de la BEI ne fait que s’allonger. On peut citer à titre d’exemple la mine de cuivre de Tenke Fungurume en République Démocratique du Congo, où des émeutes de travailleurs qui protestaient contre leurs conditions de travail ont récemment eu lieu, et dont le contrat de concession a été signé pendant la guerre – raison pour laquelle plusieurs IFIs ont refusé d’appuyer le projet. Autres exemples : en Ethiopie, le barrage Gilgel Gibe III, fortement soupçonné de corruption, ou en Zambie, la mine du cuivre de Mopani, qui en ne respectant pas ses obligations environnementales a récemment provoqué la pollution des réseaux d’eau potable et l’empoisonnement de 800 personnes.

Pourquoi la BEI a-t-elle tendance à soutenir des projets de ce type, qui entraînent des dégâts sociaux et envi-ronnementaux de grande ampleur, et qui visiblement ne respectent pas les obligations de la banque en matière de développement ? Une part du problème vient de la struc-ture de la BEI : les décisions d’investissement sont prises par un Conseil d’administration non permanent, constitué de représentants venant des Ministères des Finances des Etats de l’UE, qui ne se rencontrent que dix fois par an pour passer en revue 30 projets par séance en moyenne. Cette procédure expresse signifie qu’une fois que les projets arrivent dans le pipeline de la BEI, ils sont en pratique qua-siment sûrs d’obtenir son soutien. Il faut aussi noter que

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Ces principes sont aussi très clairement consacrés par les deux principaux accords sur la base desquels la BEI intervient hors de l’Europe. Dans les pays du groupe ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), la BEI agit sur mandat de l’Accord de Cotonou, dont les finalités explicites com-prennent « la réduction de la pauvreté et la promotion du développement durable ». (Comme le site Internet de la BEI le déclare clairement, « la BEI est un partenaire du développement dans la plupart des pays ACP depuis 30 à 40 ans »).

De la même façon, en vertu de son nouveau Mandat de Prêts Extérieurs (MPE), sur la base duquel elle agit en Europe de l’Est, en Amérique Latine et en Asie (ALA), « Les opérations de financement de la BEI devraient être cohér-entes avec les politiques extérieures de l’UE et les soutenir, y compris en ce qui concerne les objectifs régionaux spéci-fiques, en assurant une cohérence globale avec les actions de l’UE». (Le MPE présente également « la protection de l’environnement » et « la sécurité énergétique des Etats membres » comme des objectifs que doit se fixer la BEI).

Donc, s’il est donc clair que la BEI a l’obligation de suivre les objectifs de développement de l’UE, la grande question est : est-ce que la BEI favorise le développement, durable et l’éradication de la pauvreté au Sud grâce à ses inves-tissements ? Pour nous, la réponse est claire: non.

Ces dernières années, la BEI a été impliquée dans plu-sieurs des projets d’infrastructure les plus délirants et les plus destructeurs de la planète. L’oléoduc Tchad-Came-roun, le grand barrage des Hauts plateaux du Lesotho, et le Gazoduc d’Afrique de l’Ouest (voir encadrés 2 et 3 pour en savoir plus) ne sont que quelques-uns des projets très controversés qui ont été rendus possibles grâce aux prêts de la BEI. Ces projets sont à l’origine de déplacements massifs de population, de l’appauvrissement considérable des communautés locales, mais également de graves destructions environnementales. Ils ont apporté des bé-néfices dérisoires aux communautés et aux Etats locaux, puisque la plus grande part des profits est allée aux vastes

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difficile de comprendre pourquoi une entreprise privée géante (traînant un lourd passif en matière environnemen-tale et sociale) mérite les subventions publiques de la BEI, et en quoi la collectivité publique bénéficie de ce type de financements.

Les grandes entreprises n’ont pas à être des adversaires inhérents au développement. Mais l’expérience montre qu’il est difficile de mettre en cause leur responsabilité, qu’elles cherchent à maximiser leurs bénéfices, même si cela doit se faire aux dépens des communautés locales et de l’environnement, et qu’elles aggravent les tendances à l’instabilité politique et à l’autoritarisme. L’ « idéologie de la croissance » ignore également les conséquences socia-les de la croissance dans les sociétés humaines : si elle améliore le sort de quelques groupes, classes et secteurs, elle a des effets limités, et même négatifs, sur les autres. Il en résulte bien souvent une polarisation des bénéfices, des conflits sociaux, et la mise à l’écart des secteurs qui nécessitent des investissements à long terme au profit de projets à rentabilité immédiate et à court terme.

Quels projets la BEI devrait-elle soutenir?Les analyses du processus de développement mettent à présent l’accent sur la nécessité de prendre en compte en amont les impacts distributifs de la croissance économique : groupes gagnants et perdants, conditions permettant d’être certains que les bénéfices et les coûts sont partagés de façon plus équitable entre l’ensemble des groupes sociaux, etc. Ces analyses encouragent aussi une meilleure appropriation des projets : si les commu-nautés affectées sont impliquées dans la conception et le développement des projets, ceux-ci ont plus de chance de profiter aux populations locales, et d’être au final des réus-sites. Finalement, le développement à long terme a besoin d’activités qui créent une valeur ajoutée importante, qui assurent le développement des compétences locales, et qui permettent l’autonomie fiscale des Etats. Exactement l’opposé du modèle « extraction de matières premières par des travailleurs non qualifié et tournée vers l’exportation » soutenu par la BEI.

la plupart des projets sont amenés devant la BEI à travers un Etat membre (ou la Commission européenne), ce qui favorise manigances et échanges de faveurs entre Etats.

Avec seulement 1300 employés (contre plus de 10 000 pour la Banque Mondiale) la BEI manque également de moyens et d’expertise pour analyser systématiquement les projets en fonction de critères de développement. Les projets sont presque uniquement évalués par des économistes et des ingénieurs. La direction du développement durable, très réduite, n’est pas en mesure de suivre l’ensemble des projets, et est généralement marginalisée lors de leur conception et de leur approbation. Les taux de retour sur investissement et autres critères économétriques domi-nent le processus de sélection des projets.

Mais le problème est avant tout idéologique. La BEI est prise dans l’idéologie dépassée de la croissance économique, qui, selon ses propres termes, « ne peut être menée que par le secteur privé ». Il en résulte une tendance marquée de la banque à soutenir des projets de grande ampleur mis en œuvre par de grosses mul-tinationales. Ainsi, plus de 80% des fonds de la Facilité d’Investissement, le principal fonds destiné aux projets ACP, partent vers le secteur privé. Le plus souvent, celui-ci a davantage besoin de l’argent de la BEI comme une as-surance politique que comme liquidités. En RDC, l’un des promoteurs de la mine Tenke est ainsi Freeport McMoran, la plus grande multinationale minière au monde. Il est

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Un canal d’évacuation de la Mine de Cuivre de Mopani, Zambie

3. Pourquoi il faut réformer la BEI3.1. Le déficit démocratique : devant qui la BEI est-elle responsable? Quels intérêts sert-elle?Pour avoir une meilleure vision de la façon dont la BEI travaille en pratique, il faut soulever les questions sui-vantes : envers qui la BEI est-elle responsable, et par quels mécanismes ? S’agit-il de la Commission européenne, du Parlement européen, du Conseil Européen, du médiateur européen, des responsables des gouvernements nationaux, des citoyens ordinaires ? Comment peuvent-ils examiner les prêts de la BEI, et peuvent-ils avoir une influence sur ceux-ci ? Et qu’en est-il des personnes affectées par ses projets ?

Il est difficile d’apporter une réponse précise à toutes ces questions. En effet, la façon dont la BEI est construite révèle des faiblesses considérables en ce qui concerne les mé-canismes par lesquels la BEI peut être tenue responsable.

Coopération avec les institutions de l’UELa BEI gère sa coopération avec les institutions de l’UE prin-cipalement par le biais, i) de son bureau de Bruxelles, placé sous l’autorité du Secrétariat général de la BEI et chargé de la relation avec les institutions de l’UE sur les questions politiques ii) de son département « Soutien à la stratégie », placé au sein de la Direction des projets de la BEI à Luxem-bourg et chargé des relations avec les institutions de l’UE sur des sujets plus techniques.

Le rôle de la Commission européenneL’organisation actuelle des institutions limite le contrôle des activités de la BEI par la Commission européenne (CE). La BEI explique souvent que sa coopération avec la Com-mission est garantie par la présence de l’administrateur nommé par celle-ci au sein du Conseil d’Administration. Mais les mécanismes garantissant que celui-ci exprime les préoccupations de la Commission en son nom, et la façon selon laquelle l’avis de la Commission est sollicité, demeu-rent inconnus du grand public.

La CE peut également examiner le processus de prêt de la BEI au moyen d’une procédure interne (« consultation interservices ») par laquelle la BEI fournit des informations à la CE par le biais des différentes Directions Générales

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(DG), qui peuvent analyser les projets et les commenter. Les avis des différentes DG sont coordonnés par la DG des Affaires Economiques et Financières (ECFIN). Cette pratique est toutefois extrêmement inefficace, puisque les représen-tants de la CE ne soulèvent des problèmes que très rare-ment. Cela est dû aux capacités limitées de la CE en termes de personnel contrôlant les projets de la BEI, à la mauvaise qualité et au manque d’informations fournies sur les projets par la banque, et aux délais très courts dont la Commission dispose pour apporter des commentaires.

Enfin, malgré les déclarations fréquentes de la BEI selon lesquelles son lien avec la CE valide ses investissements, il faut signaler que la CE se contente d’émettre un simple « avis de conformité », qui se borne à indiquer son opinion. Ainsi, la CE joue un rôle mineur dans le cycle d’adoption des projets de la BEI, sans aucun pouvoir de veto : un projet peut être approuvé malgré les inquiétudes éventuellement exprimées par la Commission.

Le rôle des gouvernements nationauxLes gouvernements nationaux ont une influence limitée sur les décisions de la BEI. Le Conseil des Gouverneurs, composé des Ministres de l’économie ou des Finances de chaque Etat membre, définit les grandes orientations de la politique de la BEI. Mais ce Conseil ne se réunit qu’une fois par an, ce qui est clairement insuffisant pour exercer un réel contrôle des activités de la BEI.

Traditionnellement, la BEI est toujours restée assez dis-crète vis-à-vis des administrations nationales des Etats membres. Le fait que la BEI leur apporte de l’argent bon marché, et sa réticence à partager l’information au sujet de ses prêts, même vis-à-vis de ses propres action-naires, ont conduit les Etats membres à ne pas chercher à exercer leur pouvoir de pression sur la banque. Cette situation est en train d’évoluer avec l’élargissement des activités de la BEI, et le fait qu’elle soit maintenant plus connue. De plus en plus, les gouvernements nationaux demandent à la BEI de prouver qu’elle applique le prin-cipe d’additionnalité et que les projets qu’elle soutient méritent de recevoir de l’argent public.

La société civile et les populations impactées Divulgation de l’information

La société civile a joué un rôle important dans les réformes de la BEI, en particulier dans le cas de sa poli-tique de transparence. Suite à ses pressions, en 2006, la BEI a produit une nouvelle Politique de Divulgation de l’Information, après un processus public de consulta-tion. Dans cette Politique, la BEI déclare être « respon-sable devant les citoyens de l’Union » par l’intermédiaire des Etats membres de l’UE. Cela représente un progrès, quand on se souvient qu’en 1998, le Directeur de la Communication de la BEI avait déclaré que la BEI était responsable uniquement devant le marché. A l’opposé de cette conception, cette Politique donne plus de clarté au cadre institutionnel de la BEI et à ses relations avec la Cour de Justice, la Cour des Comptes Européenne, l’Office Européen de lutte AntiFraude et le Médiateur 3. Les rapports annuels de la BEI sont disponibles sur son site Internet: www.eib.org,

en trois langues : anglais, français et allemand.

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Le rôle du Conseil de l’UELa BEI assiste aux réunions du Conseil ECOFIN en y ap-portant son expertise sur les questions économiques. Par ailleurs, le Conseil de l’UE demande souvent à la BEI de mettre en œuvre de nouvelles initiatives communautaires en apportant les instruments financiers appropriés. En principe, le Conseil de l’UE peut faire des suggestions à la BEI, mais cela ne garantit en aucune façon un contrôle effectif de la BEI. Les membres du Conseil ECOFIN sont aussi membres du Conseil des Gouverneurs de la BEI, ce qui devrait en principe assurer une cohérence entre les politiques de l’UE et les objectifs de la BEI.

Le rôle du Parlement européenLa coopération entre le Parlement européen (PE) et la BEI est réduite au minimum. Le Parlement n’examine les activités de la BEI que sur sa propre initiative, et émet un rapport sur le Rapport annuel de la BEI. Le rapport du Parlement européen est généralement voté durant la pre-mière moitié de la deuxième année suivant la publication du Rapport annuel de la BEI (donc au cours du premier semestre 2008 pour le rapport annuel 2006 de la BEI). Sur la base du rapport annuel, la Commission des Affaires Economiques et Monétaires (CAEM), et plus récemment la Commission du Contrôle Budgétaire (CONT), publient des commentaires et des recommandations sur l’impact des prêts de la BEI3, sur ses opérations et ses performances. Les rapports du PE ont souvent été critiques à l’encontre de la BEI, demandant une meilleure intégration entre la CE et les institutions de la BEI, et plus de transparence autour des projets financés. Ils ont également demandé à la BEI d’entretenir un dialogue plus fourni et de meil-leure qualité avec les organisations de la société civile, et de contrôler l’utilisation des prêts globaux. Ces recom-mandations n’ont toutefois aucun caractère contraignant, et il est difficile d’évaluer comment la BEI les prend en compte. Plusieurs d’entre elles ont été réitérées à plu-sieurs reprises dans les rapports annuels du PE, et la BEI ne les met toujours pas en œuvre.

4. Pour plus d’information, voir BEI, « L’accès à l’information environnementale », et le communiqué de presse « La BEI applique le Règlement Aarhus sur l’accès du public à

l’information environnementale », du 27 juin 2007.

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Européen. Cette Politique énonce également les règles de l’accès du public à l’information sur les politiques, les stratégies et les opérations de prêt et d’emprunt de la BEI. Cet accès est toutefois largement limité par certaines exceptions, principalement concernant les informations présentées comme relevant du « secret commercial ». La BEI est également soumise aux règles de la convention d’Aarhus, qui garantit au public les droits à l’accès à l’information, à la participation à la prise de décision, et à la justice dans le domaine envi-ronnemental4.

En pratique, pourtant, il est toujours difficile d’obtenir de la BEI les informations nécessaires sur les projets, et, plus important encore, de les obtenir dans un délai suffisant avant les décisions d’approbation des prêts. L’expérience montre qu’il est difficile de comprendre quels sont les intentions de la BEI, et donc de faire con-naître les problèmes liés aux projets. Dans certains cas, les projets publiés sur le site Internet de la BEI l’ont été seulement après leur approbation. Enfin, la question de la consultation des populations concernées par les projets reste non résolue. Actuellement, la BEI n’ayant aucune procédure ni aucun moyen pour assurer la consultation des communautés impactées, elle délègue cette responsabilité au promoteur du projet, qui, ayant un intérêt inhérent à ce que son projet soit accepté, n’a aucune impartialité.

Les citoyens affectés et le Médiateur Européen (ME)A de nombreuses reprises, la BEI a soutenu des projets dans des régions hors de l’UE où les citoyens affectés ne bénéficient pas de la liberté d’expression et des droits politiques nécessaires pour faire entendre leurs plaintes et revendications. C’est par exemple le cas pour le projet minier Tenke Fungurume, l’une des plus grandes mines de cuivre de République Démocratique du Congo; pour la série des projets Gilgel Gibe en Ethiopie ; pour l’oléoduc et le gazoduc Tchad-Cameroun ; ou encore le barrage Nam Theun II au Laos.

Le rôle du Médiateur Européen s’est renforcé au fil des années, bien qu’aucun changement réel pour les per-sonnes affectées par les projets n’ait pour le moment été constaté. Si le médiateur peut conduire des en-quêtes quand il est saisi par des personnes physiques, ses décisions ne s’imposent pas à la BEI. Son mandat consiste en principe à traiter des cas interne à l’UE, soumis par des citoyens européens, et n’accorde aucun recours légal aux personnes affectées par des projets financés en dehors de l’UE. Récemment, pourtant, le ME a annoncé qu’il pouvait sur sa propre initiative se saisir d’affaires hors de l’EU dans les cas de « mauvaise administration », c’est-à-dire les cas de non-respect par une institution de ses propres réglementations et poli-tiques. Reste à savoir comment cela sera mis en œuvre.

La BEI fournit différents types de prêts : des prêts individuels, finançant des programmes et projets spécifiques (montants supérieurs à 25 millions d’euros) ; des prêts intermédiaires (ou globaux), accordés sous forme de lignes de crédit à des banques et des institutions financières pour soutenir des PME (dont les projets sont inférieurs à un montant de 25 millions d’euros) ; et des mécanismes de financement structurés, pour les prêts et les garanties de premier rang apportés aux projets à hauts risques, essentiellement pour les infrastructures.

Concernant les prêts individuels, la BEI finance des projets dans une large variété de secteurs, qui devraient en principe contribuer aux objectifs économiques et politiques europée-nnes, et respecter les « politiques de développement et de coopération dans les pays partenaires » de l’UE, sur la base desquelles la banque intervient dans les pays en développe-ment. Ces objectifs étant définis de façon très large, leur interprétation tend à être vague et sans limites claires, ce qui donne à la BEI une grande latitude dans le choix des projets qu’elle finance.

3.2. Où vont vos 50 milliards d’euros?

Figure 1. Répartition des prêts de la BEI par secteur sur la période 1995-2006

Focusing on various sectors where the EIB is providing lending, questions arise whether the EIB indeed follows its objectives and set policies, and even more, whether financing in the countries outside of the EU contributes to EU development objectives.

Urban Development 3%

Transport 28%

1%

Agriculture 0%

Education 3%Energy 10%

Environment 5%

Financial Sector 30%

Health 2%

Industry 8%Infrastructure 2%

Postal Service 1%

Telecom 5%

1%

not definedAgricultureDamage reconstructionEducationEnergyEnvironmentFinancial SectorHealthIndustryInfrastructureMixed categoriesPostal ServiceTelecomTransportUrban development

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Où la BEI intervient La très grande majorité des investissements de la BEI - 87% en 2006 -va aux Etats membres de l’UE. En comparaison, les montants prêtés hors de l’UE, dans les pays partenaires sont faibles. Mais ils sont en constante augmentation, représentant un montant de plus de 5,9 milliards d’euros en 2006, ce qui fait de la BEI le plus gros bailleur public intervenant au Sud.

La BEI finance des secteurs variés, mais la plus grande partie de ses prêts va au secteur financier (dont 50% pour des prêts globaux), suivi par les secteurs des transports, de l’énergie, de l’industrie et des télécoms, pour des projets à grande échelle (voir fig. 1). Au cours des 10 dernières années, seule une petite fraction des prêts de la BEI a été consacrée à des projets dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture. Si l’on regarde de plus près les différents secteurs dans lesquels la BEI investit, la question de la contribution de ces financements aux objectifs et politiques de la banque, et au-delà aux objectifs de développement de l’UE au Sud, se pose très rapidement.

5. Pour plus d’information sur les prêts de la BEI dans le secteur minier, voir le rapport Banque européenne d’investissement : six ans de financement du pillage minier en

Afrique, Novembre 2007, les Amis de la Terre – France. Le rapport est disponible sur http://www.amisdelaterre.org/Nouveau-rapoprt-des-Amis-de-la.html

Figure 2: Les investissements de la BEI dans le secteur énergétique de 2002 à 2006

42%2%

35%

2%3%13%

3%

GasCoalHydropowerRenewable energyOilElectricity distributionOther

20

La BEI et les mines:L’un des domaines dans lesquels la BEI est activement engagée est le secteur minier (classé par la BEI dans la catégorie des prêts dans le secteur de l’Industrie), particulièrement dans les pays de la zone ACP. Mais alors que la BEI affirme que le secteur minier contribue au développement, en réalité, ces prêts profitent avant tout aux grandes firmes multinationales qui extraient les ressources africaines pour les exporter en Europe, aux Etats-Unis ou dans les pays émergents (tels que la Chine, qui exporte ensuite massivement des biens manufacturés fabriqués à partir de ces matières pre-mières vers les pays riches). En outre, la contribution du secteur minier à la réduction de la pauvreté est ex-trêmement controversée (voir encadré 1). Par exemple, selon les termes du contrat de concession de la mine de cuivre de Mopani, qui a obtenu un prêt de la BEI, le taux royalties versé au gouvernement zambien est de 0,6% seulement. Alors que les pays du Nord sont les princi-paux bénéficiaires de l’extraction minière, les pays hôtes subissent les lourds coûts environnementaux et sociaux causés par les mines à grande échelle : déplacements de population, déforestation, pollutions de l’air et des eaux, corruption, violation des droits humains, conflits, etc.

Entre 2000 et 2006, les projets miniers ont représenté plus de 80% des prêts de la BEI en Zambie, dont 188 millions d’euros investis dans des projets de mines de cuivre et de cobalt. Pourtant, l’UE finance justement un Programme de diversification du secteur minier en Zambie, pour sortir le pays de la dépendance aux secteurs miniers traditionnels que sont le cuivre et le cobalt5!

La BEI et le secteur de l’énergie:Les prêts au secteur énergétique sont devenus l’une des priorités de la BEI, et visent spécifiquement à accroître les financements en faveur d’une « énergie soutenable, com-pétitive et sûre ». Malgré des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables, la BEI augmente activement le montant des financements accordés à des projets dans le secteur des énergies fossiles (voir figure 2). Cela comprend la construction d’oléoducs et de gazoducs dans des régions marquées par l’instabilité politique, une grande pauvreté, le non-respect des droits humains et de graves problèmes de corruption. Parmi ces projets problématiques soutenus par la BEI figurent l’oléoduc Tchad-Cameroun et le Gazoduc d’Afrique de l’Ouest (qui transporte le gaz provenant de la ré-gion instable du delta du Niger), ainsi que des oléoducs situés au Mozambique et en Egypte.

S’il faut saluer le fait que la BEI prenne de plus en plus con-science de la nécessité de financer des projets dans le secteur des énergies renouvelables, il faut aussi souligner qu’entre 2002 et 2006, elle a prêté près de QUATRE FOIS PLUS au secteur du gaz et du pétrole qu’au secteur des énergies renouvelables. Sur les 23,7 milliards d’euros investis dans le secteur énergétique sur la période partout dans le monde, 11,3 milliards ont été aux énergies fossiles alors qu’entre 3 et 3,6 milliards seulement sont allés aux énergies renouve-lables, selon que l’on y inclut ou non l’hydroélectricité. Il est impossible de quantifier les investissements dans l’efficacité énergétique, sauf pour un ou deux projets spécifiques, puisque ces investissements sont intégrés à d’autres projets.

Figure 3: Nombre de projets financés par la BEI dans le secteur énergétique dans les pays ACP entre 1994 et 2007

Electricity 27

Hydro 14

Oil 6

Geothermal 2

Gas 9

Coal 2

6. Les prêts globaux représentaient plus de 28% du portefeuille de la BEI sur la période 2002-2006 dans les pays de l’UE, et représentent la plus grande part des montants prêtés dans les prétendus « pays partenaires » en 2006 (18%). Source : Rapport Annuel de la BEI,

2006. Volume III. Rapport statistique, table E : prêts accordés dans l’UE en 2006 et depuis 2002, p.36 : table H : Financements versés dans les pays partenaires en 2006, p. 41.

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L’analyse des prêts de la BEI dans le secteur énergétique dans les pays ACP sur la période 1994-2007 montre que si l’on exclut les investissements significatifs dans le secteur de l’électricité, ou ceux dans le pétrole et le gaz, la priorité est accordée à l’hydroélectricité (voir figure 3). Si les projets hydroélectriques peuvent être considérés comme une source d’énergie renouvelable, les financements de la BEI dans les pays ACP concernent principalement les grands barrages, qui ont des impacts environnementaux et sociaux désastreux, et notamment le déplacement forcé de populations. Qui plus est, les barrages à grande échelle produisent en général une énergie coûteuse à laquelle la population locale (ou du moins la partie la plus pauvre d’entre elle) ne peut accéder, et qui bénéficie surtout aux gros projets industriels, notamment les mines.

Il existe plusieurs exemples de financements de la BEI allant à des projets de barrages extrêmement controversés, la banque ne respectant alors clairement pas les recommandations de la Commission Mondiale des Barrages, qui sont à ce jour reconnues comme étant les meilleures pratiques internatio-nales en la matière. Parmi les projets en cause, on peut citer le projet hydroélectrique Nam Theun II au Laos, d’un montant de 1,45 milliards de $, qui a conduit au déplacement forcé de 6200 habitants et qui a impacté 120 000 paysans, le très controversé projet Bujagali en Uganda, d’un montant de 799 millions de $, ou encore les barrages Gilgel Gibe, en Ethiopie, qui font actuellement l’objet d’une enquête pour corruption.

La BEI et le secteur « environnemental » Si la BEI considère qu’un large pourcentage de ses prêts est destiné à la catégorie des projets « environnemen-taux », il convient de regarder plus en détail ce que la BEI définit comme étant l’« environnement ». La viabilité environnementale renvoie à cinq thèmes : « la qualité de vie en milieu urbain», « le traitement des problèmes liés à l’environnement et à la santé», la « lutte contre le changement climatique », la « protection de la nature et de la vie sauvage », et la « préservation des ressources naturelles et gestion des déchets ». La BEI va ainsi systématiquement classer ses investissements en milieu urbain dans la catégorie des prêts environnementaux, ce qui prête à confusion. En effet, de cette façon, les incinérateurs de déchets sont automatiquement classés par la BEI comme des prêts environnementaux, ce qui est très contestable au regard des émissions de dioxines cancérogènes et des produc-tions de déchets très toxiques qu’ils induisent. Un autre exemple frappant est celui des plantations d’eucalyptus et de la construction d’une usine de pâte à papier utilisant du bois d’eucalyptus au Brésil, classés comme des projets environnementaux alors qu’ils ont tous les deux des impacts environnementaux majeurs.

Prêts « globaux » L’un des aspects les plus mystérieux de la BEI vient de ce qu’on appelle les « prêts globaux », qui représentent l’un des principaux secteurs d’investissement de la banque. La BEI fournit des fonds à des intermédiaires financiers (IF), la plupart du temps de grandes banques privées, qui financent à leur tour des promoteurs locaux. L’objectif est de soutenir les Petites et Moyennes Entreprises (PME), qui ont besoin de prêts nombreux, mais de montants réduits, que la BEI ne peut accorder directement à cause de sa taille. Il y a un manque total de transparence sur la façon dont l’argent est ensuite distribué et utilisé6.

3.4. Projets inutiles : Vos impôts servent-ils vraiment à ça ?!L’additionnalité et la viabilité sont des objectifs-clé des finance-ments de la BEI. Les ressources de la banque doivent être utilisées pour financer des projets qui, sans soutien de la BEI, n’auraient pas été développés, et qui créent de la valeur ajoutée des points de vue économique et social, et permettent un dével-oppement à long terme. En pratique, pourtant, la BEI accorde souvent des prêts à des projets visant uniquement à réaliser des profits à court terme. Prétendre que des prêts accordés à des centres commerciaux géants et des hypermarchés créent réellement un développement économique régional, comme le fait valoir la BEI, est très discutable. De la même façon, il n’est pas évident qu’un prêt de 24,1 millions d’euros accordées à TUI Hotels pour construire des hôtels aux Iles Canaries et en Algarve soit cohérent avec les objectifs de la BEI.

Les exemples de projets financés hors de l’UE sont encore plus frappants. Par exemple, le complexe touristique (com-prenant plage privée et golf) de Westin Roco Ki en République Dominicaine ou le complexe Albion et l’hôtel Bel Ombre sur l’Ile Maurice ont obtenu plusieurs prêts de la « banque de développement de l’UE ». Il est très difficile de savoir comment la BEI justifie la valeur ajoutée apportée par de tels projets, et de quelle façon ils peuvent contribuer à l’éradication de la pau-vreté dans ces pays. Les grands complexes hôteliers de luxe ne sont pas un exemple de développement durable.

De la même façon, la BEI a accordé des prêts aux projets Kenya Geraniums et Fabulous Flowers of Botswana, et à l’usine de conditionnement de produits de la mer de Seph-Nouadhibou, en Mauritanie. Ces projets sont des exemples typiques d’activités tournées vers l’exportation, qui exploitent les matières premières de façon intensive et inefficace. Ils n’apportent pas (ou peu) de bénéfices économiques, ni de réelle valeur ajoutée, et ne créent que peu d’emplois, peu qualifiés.

7. Les « Public Eye Awards » sont décernés chaque année par les ONG Déclaration de Berne et Pro Natura aux entreprises multinationales ayant les plus mauvais comporte-

ments d’un point de vue environnemental et social. Glencore a remporté le Public Eye Award pour la Suisse en 2008. L’entreprise est l’actionnaire majoritaire du projet minier de Mopani en Zambie, qui a bénéficié d’un prêt de la BEI de 48 millions d’euros en 2005.

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Si la BEI fournit une liste des intermédiaires ayant reçu des lignes de crédit, en pratique, ni les citoyens, ni les responsables politiques nationaux n’ont les moyens de retrouver comment ces prêts ont été utilisés au final. La BEI ne donne presque aucune information sur la façon dont les fonds sont investis par les IFs, transmettant les demandes de renseignements aux IFs, alors que ceux-ci ne sont soumis à aucune obligation de rendre l’information publique. Etant donnés les moyens limités de la BEI, il est peu probable qu’elle puisse elle-même suivre en détail l’utilisation des sommes versées. Les prêts globaux sont connus comme étant peut-être la plus grave source de corruption dans le secteur de la finance du développement, et cela fait des années que les campaigners anti-corruption mettent en garde contre ces prêts.

3.3 Le bien-être des entreprises: aider les riches à être plus richesLa BEI accorde des prêts aux secteurs public et privé ; toutefois, elle privilégie les investissements dans les grandes entreprises du Nord, agissant plus comme une banque axée sur la de-mande des clients que comme une banque de développement. Ainsi, entre 1993 et 2004, plus de 90% des prêts de la BEI en Amérique Latine ont été accordés à des sociétés basées en Eu-rope, ou à des grosses multinationales. Des entreprises telles que Gaz de France, Repsol, British Gas et Shell ont reçu des millions d’euros pour des contrats passés dans les secteurs du pétrole et du gaz. En Amérique Latine, les entrepreneurs privés locaux ont reçu environ 2% seulement des prêts de la BEI pour des projets individuels. Il existe de nombreux autres exemples de financement de grandes entreprises par la BEI. On peut citer les prêts accordés à Esso pour la construction de l’oléoduc Tchad-Cameroun, à Suez pour la privatisation du secteur de l’eau aux Philip-pines, ou à la compagnie aérienne britannique EasyJet pour le développement de sa flotte. Les grandes entreprises minières bénéficient également des prêts très avantageux de la BEI: Freeport McMoRan, First Quantum, Glencore (l’entreprise suisse dont les profits sont les plus élevés, gagnant d’un Public Eye Award en 20087) sont toutes actionnaires majoritaires de projets soutenus par la BEI. Toutes ont aussi été très critiquées pour leur comportement irresponsable dans les pays du Sud, notamment leur non-respect des droits humains.

BOX 1: Projets destructeurs - de l’aide développement ? - Les investissements de la BEI dans le secteur minier en Afrique contribuent-ils vraiment au développement durable ?

La majorité des financements de la BEI dans le secteur minier en Afrique vont à des filiales de grandes multinatio-nales basées dans des pays riches, en Europe, en Amérique du Nord ou en Australie. Cela veut dire que les prêts accordés ne contribuent pas au développement du secteur privé africain. Avec la hausse des prix des matières pre-mières sur les marchés financiers et les profits démesurés des compagnies minières depuis 2002, il est évident que ces entreprises n’ont pas besoin des prêts aux conditions très avantageuses de la BEI. Si le secteur minier est très profitable pour les multinationales, les bénéfices pour les pays hôtes sont bien moins évidents :

Le secteur minier crée peu d’emplois, précaires et majoritairement réservés aux hommes, et met fin aux activi-tés traditionnelles sur la zone du gisement (activités minières artisanales, agriculture, pêche, élevage, etc.), sans absorber tous les emplois détruits

La plupart des Etats africains, sous l’influence de la banque mondiale et du FMI, ont adopté des taux de taxa-tion et de royalties très bas pour les investissements étrangers, et ne profitent donc pas des revenus issus de l’exploitation de leurs ressources naturelles. Une enquête menée sur 40 compagnies minières agissant dans le monde entier a montré que les profits de ces entreprises ont été multipliés par huit entre 2002 et 2005, alors que sur la même période en Zambie, la part des revenus miniers revenant au gouvernement était diminuée de moitié8.

23

Mine de cuivre à ciel ouvert en Zambie

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8. Source : Christian Aid, A rich Seam : Who Benefits from Rising Commodity Prices ?, 2007.

BOX 2: Projets destructeurs - de l’aide développement ? - Les projets de grands barrages soutenus par la BEI : le Projet Hydraulique des Hauts-plateaux du Lesotho

La BEI est impliquée dans plusieurs projets de grands barrages en Afrique. Ils sont souvent décrits comme étant des projets énergétiques « propres », mais leurs coûts écologiques et sociaux sont généralement très élevés alors que les bénéfices économiques sont imperceptibles.Le Projet Hydraulique des Hauts plateaux du Lesotho (PHHL) est le projet de transfert d’eau interbassins le plus important d’Afrique, et consiste à mettre en place un sys-tème de grands barrages et de tunnels afin de stocker et de transférer l’eau du bassin versant de la rivière Orange, sur les hauts plateaux du Lesotho, jusqu’à la région de Gauteng et de Johannesburg, le cœur industriel de l’Afrique du Sud. Le projet inclut aussi la construction de la centrale hydroélectrique de Muela, supposée produire de l’électricité pour le Lesotho.

La phase 2 du projet, qui consisterait à construire trois barrages supplémentaires sur les hauts plateaux du Lesotho - est en phase de programmation, mais il n’existe actuellement aucun accord signé pour la mettre en œuvre. Le traité instituant le Projet Hydraulique des Hauts plateaux du Lesotho a été signé en 1986, entre un gouvernement d’Apartheid en Afrique du Sud et un gouvernement militaire pour le Lesotho. Le gouvernement militaire du Lesotho venait de prendre le pouvoir, par un coup d’Etat qui aurait été soutenu par le gouvernement sud-africain. La dureté de la répression au cours des dernières années de l’ancien régime politique de l’Afrique du Sud est bien connue. Quant au Lesotho, toute activité politique fut interdite à partir de 1986.

Dans ce contexte politique, le PHHL a été conçu en secret et les décisions ont été prises dans l’opacité et sans aucun débat public. L’histoire, assez instructive, des montages financiers qui ont rendu ce projet de plusieurs milliards possible est incon-nue du grand public. Bien que le régime d’Apartheid fût à l’époque l’objet de sanctions économiques internationales, le gouvernement sud-africain cherchait des moyens de lever des fonds à l’étranger. Comme les Institutions Financières Internationales ne pouvaient apparaître comme des soutiens au régime de l’Apartheid, elles ont maquillé ce projet en projet de réduction de la pauvreté au Lesotho.

La BEI a pris contact avec d’autres institutions financières pour financer le projet, l’objectif affiché étant de soutenir la stratégie du gouvernement du Lesotho d’exporter « les eaux excédentaires ». Le jeu était apparemment gagnant-gagnant : le Leso-tho était censé exporter l’eau et utiliser les royalties perçues pour investir dans des programmes de développement. L’Afrique du Sud serait ravie de recevoir de l’eau au cœur de son centre industriel, autour de Johannesburg, dans la province de Gauteng.

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La Banque mondiale a alors pris la tête de ce projet. La BEI a suivi, apportant un prêt de 20 millions de $ pour le barrage de Katse/Phase 1A (1993) et 99 millions de $ pour le barrage de Mohale Dam/phase 1B (1998).

Les impacts du projet sur le Lesotho

Le projet est souvent décrit comme une merveille mondiale en matière d’ingénierie, et a remporté plusieurs prix sud-africains des métiers de l’ingénierie et du bâtiment de la part d’institutions telle que la Concrete Society of South Africa. Mais en dehors des aspects techniques, les impacts du pro-jet en matière de réduction de la pauvreté, d’environnement et de santé ont tout simplement été désastreux.

Le Lesotho exporte à présent de l’eau vers l’Afrique du Sud, mais le « royaume des petites montagnes » souffre de sécheresses sévères et récurrentes, et une majorité de ses habitants n’a pas accès à l’eau potable.

Le 18 juillet 2007, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires a lancé un appel d’urgence sur le Lesotho.

« Alors que sévit la plus sévère sécheresse depuis trente ans, le Royaume a déclaré l’état d’urgence et en a appelé à l’aide humanitaire pour plus de 400 000 personnes ayant besoin d’une aide alimentaire d’urgence ». Cela représente plus de 20% de la population du pays. Outre les pénuries alimentaires, on constate un manque d’eau critique pour les populations et le bétail. L’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation a confirmé l’existence de la crise. Plus de 27 500 personnes vivant à l’amont, et un nombre estimé à 152 000 villageois du Lesotho vivant le long de la rivière Senqu en aval des barrages de Katse et Mohale seraient, à dif-férents degrés, victimes des impacts négatifs du PHHL. A ce jour, le problème de la destruction des conditions de vie n’a pas été géré de façon adéquate. Les habitants des hauts

plateaux ont perdu leurs sources d’eau potable et leurs terres à cause du projet (le barrage de Mohale a noyé certaines des meilleures terres arables du pays), et les programmes de compensation n’ont pas permis de retrouver les moyens de subsistance perdus. Aucune décision n’a encore été prise concernant les compensations à apporter aux communautés situées à l’aval.

Corruption

La corruption est une autre caractéristique du PHHL. Le gouvernement du Lesotho a été très largement salué, à juste titre, lorsqu’il a pris position contre ce problème. La Haute cour du Lesotho a condamné le Directeur exécutif (aujourd’hui incarcéré) de la Lesotho Highlands Water Authority, chargée du projet, ainsi que plusieurs entreprises internationales bien connues ayant versé des pots-de-vin. En 1999, on avait découvert que plus de 12 firmes multina-tionales et consortiums avaient versé des pots de vin à ce PDG. Après qu’il ait été jugé coupable, trois grandes firmes européennes ont également été inculpées et condamnées. Deux d’entre elles – Acres International et Lahmeyer – ont été exclues de tout prêt par la Banque mondiale. Lahmeyer International a été inscrite sur la liste noire de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement.

La réaction de la BEI face à cette corruption a stupéfait de nombreux observateurs. Elle a conduit un audit interne, conclut à l’absence de mésusage de ses fonds, et n’a donc pris aucune sanction. Pire, la BEI a ensuite poursuivi ses prêts en faveur de la société allemande Lahmeyer.

Par Korinna Horta, Octobre 2007, Environmental Defense Fund

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BOX 3: Projets destructeurs - de l’aide développement ? – L’Oléoduc Tchad-Cameroun

TCHAD« Le projet aura des conséquences économiques positives pour le Camer-oun et il constituera une avancée indéniable pour le Tchad, l’un des pays les moins développés au monde. »

Communiqué de presse de la BEI, le 22 juin 2001.

Ce projet de construction d’un oléoduc de 1070 kilomètres traversant le Cameroun pour relier les champs pétrolifères du bassin de Doba, dans le sud du Tchad, à l’océan Atlantique est aujourd’hui le plus gros investisse-ment terrestre jamais réalisé en Afrique. Le coût du projet est estimé à 4,2 milliards de $, et comprend le forage de 300 puits de pétrole dans les champs de Doba, ainsi que la construction d’un terminal offshore - un ter-minal maritime à Kribi et un oléoduc maritime permettant de desservir un site de stockage flottant.

Ce projet a été vendu pour ses effets en terme de réduction de la pauvreté et pour les millions de dollars de revenus que le Tchad tirerait des exporta-tions de pétrole. Le groupe Banque mondiale (GBM) a donné le feu vert au projet en 2000, suivi par la BEI, afin d’ouvrir la voie à l’implication financière d’ExxonMobil (40% du consortium), de la compagnie pétrolière publique de la Malaisie (35%), et de Chevron US (25%). La BEI a apporté des finance-ments à hauteur de 144 millions d’euros au Tchad, au Cameroun et aux trois membres du consortium pétrolier.

De façon remarquable, l’essentiel des fonds est allé directement au con-sortium. Puisqu’il ne fait pas partie du mandat de l’UE de financer les plus grandes entreprises pétrolières du monde, qu’elles soient européennes ou non (elles étaient toutes non-européennes en l’occurrence), il devait exister une conviction très forte que celles-ci pouvaient de dédoubler en acteurs du développement. Pourtant, il n’existait aucun exemple où des projets pétroliers (ou plus généralement extractifs) aient joué un rôle positif en matière de développement dans des pays à très faible gouvernance. Bien au contraire, ils ont habituellement mené à la pollution des paysages, à la destruction des modes de vie, aux violations des droits humains, et, parfois, à des conflits armés.

Afin de couvrir les risques encourus en investissant dans une région insta-ble qui avait souffert de dix ans de guerre civile, le GBM et la BEI ont inventé un dispositif pour ainsi dire infaillible pour être sûrs que leurs prêts

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soient remboursés : le consortium dépose la part tcha- dienne des revenus du pétrole sur un compte bancaire basé à Londres. Le GBM et la BEI prélèvent leurs rembourse-ments sur ce compte et seules les sommes restantes sont rendues accessibles au gouvernement du Tchad.

En dépit des promesses, depuis le bouclage du projet en 2003 et le début de l’exploitation du pétrole, il a été prouvé que le projet n’a fait qu’aggraver les problèmes du pays. Il a alimenté la violence, appauvri les popula-tions des champs pétrolifères, et a exacerbé les pressions s’exerçant sur les populations autochtones le long de l’oléoduc, tout en créant de nouveaux problèmes envi-ronnementaux. Dans le même temps, avec près de 118 millions de barils de pétrole produits au 30 septembre 2005, Exxonmobil, leader du consortium pétroler et plus grande entreprise pétrolière au monde, a enregistré des profits record.

La BEI a déclaré que son financement était subordonné au respect de conditionnalités sociales et environnementales fixées dans le cadre du projet. Mais les gouvernements – spécialement les dictatures – peuvent faire toutes les promesses du monde, pour les oublier dès que l’argent arrive.Et en effet, les promesses ont été largement trahies : Dans le sud du Tchad, le consortium emmené par Exxon-Mobil a ôté plus de terres aux paysans travaillant pour leur subsistance que ce qui avait été estimé au départ. Sept ans après le démarrage du projet, le plan de développement régional qui avait été promis pour la région n’est visible nulle part. Le désespoir est devenu un mode de vie et les gens sont devenus encore plus pauvres, en particulier dans la zone de production pétrolière. Au cours des années récentes, le Tchad a chuté dans le classement de l’Indice de Développement Humain des Nations Unies, qui prend en compte les indicateurs fondamentaux du bien-être humain tels que la santé ou l’éducation. Et le 25 septembre

2007, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé l’envoi d’une force de maintien de la paix au Tchad et en Répu-blique Centrafricaine de 3000 soldats de l’UE (princi- palement français) et 300 policiers des Nations Unies.

Dans le rapport du GIC daté du 18 juillet 2007, le FMI et la Banque mondiale notent qu’un montant très important de dépenses exceptionnelles a été alloué à la défense nationale.

Au Cameroun, même dans les zones proches de la capi-tale, on rencontre des communautés victimes des pro-blèmes environnementaux dus au projet. Au lieu d’apporter le développement économique et de meilleures conditions de vie dans des régions pauvres et soumises à des conditions de gouvernance catastrophi- ques, le financement de ce projet pétrolier leur a apporté un conflit armé et une plus grande misère.

Korinna Horta, Octobre 2007,Environmental Defense Fund

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des pertes substantielles et irréversibles de la diversité de la vie sur Terre ». En outre, le système économique mondial actuel se caractérise par une croissance très forte et inégale. Plus de 2,5 milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par jour, alors que l’accumulation de la richesse mondiale s’est considérablement accélérée au cours de la dernière décennie. Les inégalités sont aujourd’hui plus importantes qu’il y a dix ans.

A la lumière des tendances négatives mondiales en cours, l’UE a revu sa Stratégie en faveur du Développement Durable (EU Sustainable Development Strategy / SDS) et publié une version révisée en 2006. L’UE affirme que le développement durable « a pour objet de préserver la capacité de la Terre à favoriser la vie dans toute sa diversité et repose sur les principes de la démocratie, de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la solidarité, de l’État de droit et du respect des droits fondamentaux, y compris la liberté et l’égalité des chances pour tous. Il vise à l’amélioration continue de la qualité de la vie et du bien-être sur Terre des générations actuelles et futures.9»

La Stratégie en faveur du Développement Durable de l’UE vise à établir un haut niveau de protection de l’environnement, l’équité et la cohésion sociale, la pros-périté économique et la promotion du développement durable dans le monde. Cette stratégie déclare que toutes les institutions de l’UE devraient garantir que les décisions politiques importantes se basent sur des propositions sou-mises à une évaluation d’impact de qualité, analysant de manière objective les dimensions sociales, environnemen-tale et économique du développement durable, et prenant en considération la dimension externe du développement durable et les coûts de l’immobilisme. Elle donne à la BEI un mandat clair : « octroyer ses prêts en tenant compte de la contribution des projets à la réalisation des objectifs de développement du millénaire et au développement du-rable. » et concourir, via ses investissements, à la réalisa-tion des objectifs du développement durable.

4. Réformer la BEI

4.1 Une approche basée sur le développement durable

9. Conseil Européen, 2006, Nouvelle Stratégie de Développement Durable de l’UE, 10917/06

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Depuis que la Commission Brundtland a défini pour la première fois le développement durable (ou soutenable) dans son rapport « Notre Avenir à Tous » (1987), le concept a fait une remarquable carrière. Il a été repris par un grand nombre d’organisations nationales, internationales, et non gouvernementales, a été précisé, adapté et adopté par des acteurs variés, que ce soit parmi les pouvoirs publics, les institutions, le monde des affaires et la société civile. Malgré son ambiguïté et de larges possibilités d’interprétation, le développement durable a évolué en un ensemble de principes et de valeurs afin de faire face aux besoins – actuels et à venir – en matière de développe-ment humain, économique et social en tenant compte des contraintes des écosystèmes de la planète. Une approche basée sur le développement durable exige que les ques-tions économiques, sociales et environnementales soient traitées conjointement. Elle tente de concilier les aspira-tions au développement avec le besoin de préserver les richesses écologiques de la planète. Le développement durable implique l’adoption d’une conception large du bien-être humain et la prise en compte les conséquences à long terme des activités actuelles.

Alors que le concept de développement durable s’est vu accepter de plus en plus largement à travers le monde, c’est un modèle de développement non durable qui a été mis en œuvre mondialement. Les besoins du présent sont loin d’être tous satisfaits, sans même considérer ceux des générations futures.

Selon le Rapport des Nations Unies sur l’évaluation des écosystèmes pour le Millénaire (2005), qui représente l’évaluation la plus complète à ce jour des conséquences des modifications des écosystèmes sur le bien-être des populations humaines, au cours des 50 dernières années, « l’homme a modifié les écosystèmes plus rapidement et plus largement que dans toutes les périodes comparables de l’histoire humaine, en grande partie afin de satisfaire les demandes en nourriture, eau douce, bois, fibres textiles et carburants, toutes en forte hausse. Cela s’est traduit par

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Mais malgré le fait qu’elle décrive le développement durable comme « une exigence fondamentale » qui s’impose à toutes ses activités, la BEI continue à partici-per au problème du modèle de développement non-du-rable, plutôt que d’en être une solution. La BEI fait des déclarations d’intentions en matière de développement durable dans un grand nombre de publications, notam-ment le document sur « La BEI et sa contribution au développement durable » (2002), sa « Déclaration de la BEI sur la responsabilité sociale des entreprises » (mai 2005) et le Plan d’activité de la Banque (2007-2009). Elle assure que ses orientations concernant les prêts au sein de l’UE sont conformes à ceux de la Stratégie en faveur du Développement Durable de l’UE (EU-SDS). Hors de l’Europe, la BEI déclare apporter des « contributions majeures » au développement durable grâce à la « stricte application de critères rigoureux de sélection des projets » en matière de « développement durable ».

Nous apprenons que « dans la plupart des cas, les pro-jets financés par la BEI, en favorisant la croissance, ont des retombées positives indirectes - mais très substan-tielles - sur la réalisation des ODM, en particulier de l’Objectif 1 (réduction de la pauvreté extrême)»10 . Etant donnée l’absence de critères de performance opérationnels et contraignants, d’études d’impact et de standards sociaux et environnementaux à la BEI, on peut douter qu’il existe des preuves de cet argument. Les preuves empiriques rassemblées sur le terrain ont souvent démontré le contraire, c’est-à-dire que les bénéfices économiques globaux ne l’emportent pas sur les impacts négatifs économiques et non économiques locaux et externes.

10. Banque Européenne d’Investissement, 2006 : La BEI – un parte-naire pour le développement et pour les objectifs de développement du millénaire;

19/06/2006; http://www.eib.org/about/news/the-eib-a-development-partner-and-the-millennium-development-goals.htm

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11. Selon Bank Information Center (BICUSA), La BEI a apporté 1,1 milliard de $ aux indus-tries extractives en 2006. Cela représente 49% des financements mondiaux accordés par

l’ensemble des institutions financières internationales dans le secteur cette année.12. Conseil Européen, 2006, Nouvelle Stratégie de Développement Durable de l’UE,10917/06

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Torchage du gaz dans le delta du Niger © E

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Un « modèle de développement » dépassé L’approche simpliste de la BEI en matière de « dévelop-pement » est très en retard sur les débats actuels portant sur les liens complexes entre croissance, pauvreté et viabilité écologique. Pour la BEI, ses prêts contribuent au développement en soutenant la croissance économique, en particulier via le secteur privé. Cette approche part du principe que la croissance et la création de revenus sont nécessairement bénéfiques et positives en terme de développement, idée qui est largement contredite par les preuves empiriques dans différents pays. Le soutien aux gagnants de la mondialisation. Plutôt que de venir en aide aux pauvres, la BEI se révèle être un « partenaire du développement » de ses clients favoris – les grandes entreprises.

Ce que la BEI doit faire Les pressions sur les écosystèmes vont devenir de plus en plus graves au cours de la première moitié de ce siècle, à moins que l’attitude et l’action de l’homme n’évoluent profon-dément. Selon la nouvelle version de la Stratégie en faveur du Développement Durable de l’UE, le principal défi est de modifier progressivement nos modes de consommation et de production actuels, qui ne sont pas durables, ainsi que la manière cloisonnée d’élaborer les politiques.12 La BEI a très peu à proposer pour relever ce défi. La BEI doit se réformer radicalement afin de promouvoir activement un développe-ment viable des points de vue environnementaux et sociaux.

Elle doit tout d’abord adopter une attitude proactive. Plutôt que de minimiser les dégâts par « une gestion des risques environnementaux et sociaux » (selon une approche du type « éviter les dégâts »), une approche fondée sur le développe-ment durable exige de « bien faire ». Des approches basées sur les droits humains et l’environnement (voir 4.3 et 4.4) sont également parties intégrantes d’une approche fondée sur le développement durable.

En pratique, nous ne trouvons presque aucune preuve de la contribution de la BEI au développement durable. Comme il a été montré tout au long de ce Guide Citoyen, la BEI, en finançant ses projets, contribue à un dévelop- pement non durable, et alimente la destruction de l’environnement, le changement climatique, le pillage des ressources naturelles, l’appauvrissement des popula-tions, les conflits sociaux, etc. Nous ne pouvons ici qu’évoquer quelques-uns des problèmes:

La BEI est la Banque des Industries Extractives : alors que le monde est menacé par le changement climatique dû aux activités humaines, aux pertes de biodiversité, à la misère et à une dégradation générale de l’environnement, la BEI continue à être le premier des bailleurs publics internationaux pour des projets dans les industries extractives (pétrole, gaz et mines) responsables d’impacts environnementaux et sociaux désastreux.11

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La BEI doit développer une stratégie de développement durable claire pour guider sa sélection des projets et ses opérations dans les pays en développement. Celle-ci doit constituer une approche cohérente remplaçant les différents mandats selon lesquels la BEI opère dans les pays en développement. Cette nouvelle approche doit se substituer à la doctrine classique de « la crois-sance illimitée ». Les indicateurs actuels utilisés pour guider les décisions en matière de développement – les statistiques de la comptabilité nationale, telles que le Produit Intérieur Brut (PIB) – ignorent l’épuisement des ressources et les destructions environnementales. De nouvelles mesures de la richesse prenant en compte ces deux facteurs sont requises pour que la croissance devienne durable. De plus, la Banque doit arrêter de soutenir la croissance économique et le développement au sens large uniquement à travers le secteur privé. La BEI doit concevoir de nouveaux instruments pour soute-nir des politiques publiques visant à mettre en œuvre un développement durable et harmonieux à la fois dans et en dehors de l’UE.

Afin de garantir que l’ensemble des projets qui seront financés à l’avenir par la BEI contribuent au dévelop-pement durable, la banque doit radicalement revoir ses opérations de prêt, ses pratiques, ses procédures d’approbation des projets, et réorienter ses investisse-ments. La BEI doit prendre des mesures urgentes pour assurer l’efficacité de ses opérations. Une approche basée sur le développement durable implique l’adoption des meilleurs standards sociaux et environnementaux internationaux, en matière d’environnement, de droits humains et de protection sociale. La réalisation systé-matique et généralisée d’études d’impacts sociaux et environnementaux, intégrant les multiples aspects du développement durable de façon cohérente, doit être une étape obligatoire du processus de décision de la BEI, intervenant en amont de l’approbation d’un projet par le Conseil.

La BEI doit développer des objectifs de développement durable, et des indicateurs et systèmes d’évaluation des projets financés. En tant qu’outils politiques straté-giques, les indicateurs du développement durable (IDD) peuvent faire passer le concept de développement durable de la théorie à la pratique, en combinant les données économiques, sociales et environnementales de façon cohérente. Le défi, pour la BEI, consiste à garantir que ces indicateurs deviennent des aspects fondamentaux de ses politiques, au lieu que les questions environnementales et sociales soient simplement envisagées comme des con-sidérations annexes aux systèmes actuellement utilisés en matière de statistiques, de mesures et d’évaluation a posteriori. Les IDD doivent peser sur les décisions poli-tiques-clé.

En outre, la BEI doit développer des critères d’exclusion clairs pour ses investissements. La BEI ne doit pas soutenir et financer des projets susceptibles d’entretenir ou d’aggraver les tensions sociales ou les conflits armés, le changement climatique, les destructions de l’environnement ou les violations des droits humains. La BEI doit financer des projets d’infrastructure responsables sur le plan environnemental et socialement acceptables. Les ressources publiques, qui sont rares, doivent être diri-gées vers les projets qui remettent en cause les modèles d’utilisation non durable des ressources naturelles, et renverser la tendance actuelle à l’aggravation des inégali-tés au niveau mondial. Dans ce contexte, la banque doit adopter des politiques lui interdisant catégoriquement de prendre part au financement d’opérations dans des zones écologiquement préservées ou en danger, telles qu’elles sont définies par les institutions internationales faisant autorité en la matière – c’est-à-dire l’UICN (Union Inter-nationale pour la Conservation de la Nature) et le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement).

La BEI doit, à travers une réorganisation institutionnelle, se doter des moyens nécessaires pour se transformer en une banque pour le développement durable.

A la lumière de la nouvelle Stratégie en faveur du Dével-oppement Durable adoptée par l’UE, la BEI « a entrepris d’affiner ses techniques d’indentification, d’instruction et de suivi des projets afin de garantir une prise en compte adéquate et cohérente du critère de durabilité lors de l’estimation de la valeur ajoutée d’un projet. » Ce pro-cessus doit être transparent et participatif, et impliquer une grande variété d’acteurs. Une large participation publique à la prise de décision, en particulier de ceux qui sont directement affectés par les projets que la banque a l’intention de financer, est un préalable fondamental pour réaliser les objectifs du développement durable. La BEI doit mettre en place des mécanismes de suivi et de surveillance efficaces et indépendants, contrôler le re-spect de leurs obligations par les promoteurs des projets, et sanctionner leurs manquements. Ces mesures sont particulièrement importantes afin d’empêcher que la BEI continue à n’utiliser le terme de « développement durable » que comme une couverture, un « greenwashing » en an-glais, cachant des activités destructrices d’un point de vue environnemental et social.

4.2 Réformer la BEI : une approche basée sur les droits humains « Il y a vingt ans, seules quelques entreprises avaient des politiques environnementales. Aujourd’hui, l’environnement est indiscutablement une question centrale pour le monde des affaires. Il devrait en être de même pour les droits humains. Le fait d’avoir une politique forte en matière de respect des droits humains et une stratégie de mise en œu-vre solide constitue une assurance en matière de gestion des risques et de réputation. Les droits humains sont une donnée essentielle. »

Mary Robinson, Haute Commissaire Nation Unies pour les Droits de l’Homme, 2000

L’UE et les Droits humainsLorsque la Communauté Européenne a été créée, l’accent a été mis sur les droits économiques plutôt que sur les droits humains. Le Traité de Paris, en 1951, puis le Traité de

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Rome, en 1957 (par lequel la BEI a été créée) couvraient des domaines économiques bien définis. L’économie est sou-vent apparue à la fois comme la justification et les objectifs d’une grande partie de l’activité de l’UE. Pourtant, il existe également des engagements de longue date en matière de droits humains, découlant de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, et qui se sont renforcés avec le temps.

En se basant sur l’article 220 du Traité, la Cour de Justice des Communautés Européennes a considéré que les droits humains fondamentaux étaient des principes essentiels du système juridique européen. Ces principes sont fondés, d’après elle, sur les traditions constitutionnelles des Etats membres et sur les traités internationaux dont ils sont signataires. Le plus important d’entre eux est la Convention Européenne des Droits de l’Homme. En 1977, le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil des Ministres de l’UE ont signé une déclaration commune les engageant à respecter les droits fondamentaux tels que définis par la Cour de Justice.

Les Traités et autres textes successifs ont encore clari-fié les obligations de l’UE en matière de droits humains fondamentaux13 . Très récemment, en décembre 2007, l’UE a adopté la Charte des droits fondamentaux de l’Union eu-ropéenne, qui énonce expose une série de droits civils, poli-tiques, économiques et sociaux des résidents de l’UE. Elle classe ces droits en six chapitres : Dignité, Liberté, Egalité, Solidarité, Citoyenneté et Justice. Le Traité de Lisbonne donne une force juridique contraignante à cette Charte.

13. L’Acte Unique Européen de 1986 se réfère pour la première fois, dans son préambule, à la promotion de la démocratie et des droits fondamentaux. Toutefois, l’UE ne pouvait alors pas devenir membre de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Le Traité d’Amsterdam a amendé l’article 6 du traité de l’UE, rendant explicite le fait que l’UE est fondée sur les principes de liberté, de démocratie, des

droits de l’Homme, des libertés fondamentales et de l’état de droit. Son article 7 met en place un mécanisme politique empêchant les violations des principes mentionnés dans

l’article 6 par les Etats membres. Ce mécanisme est renforcé par l’article 7 du Traité d’Amsterdam, qui attribue un rôle plus large au Parlement européen.

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Dans les procédures internes de la BEI, on peut trouver des engagements généraux en faveur de la protection et de la promotion des droits humains, mais la banque n’a pas de politique spécifique dans ce domaine, et il n’est pas possible de savoir clairement quels sont les stan-dards, textes et conventions internationales sur lesquels se base la BEI au cours de ses opérations.

Concernant l’évaluation des projets de la BEI hors de l’UE, « les droits humains et les responsabilités as-sociées constituent des éléments intégrés aux préoc-cupations concernant à la fois l’atténuation des impacts négatifs et la promotion des effets positifs. La BEI encourage le respect des diverses conventions inter-nationales, tout comme des autres réglementations qui gouvernent la protection et la promotion des droits humains dans les pays dans lesquels elle agit, et ne versera aucun financement dans un pays interdit aux financements de l’UE »14.

Cette déclaration a une portée très limitée. Les termes utilisés sont très généraux au regard de la complexité du sujet, en particulier dans le contexte d’opérations économiques et financières, où il faut identifier un en-semble de responsabilités parmi les nombreux acteurs impliqués dans le financement, la gestion ou la mise en œuvre des projets.

Il faut noter que les prêts de la BEI vont essentiellement à des acteurs du secteur privé et qu’ils sont fondés sur une approche par projet. Il est essentiel que la BEI, dans ce champ d’action limité, évalue avec toute la diligence nécessaire les aspects relatifs aux droits humains dans son examen des entreprises et intermédiaires financiers demandant son soutien.

14. « L’Evaluation Sociale des Projets en dehors de l’Union européenne : l’approche de la Banque Européenne d’Investissement », approuvée par la BEI le 2 octobre 2006.

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Les politiques européennes de développement et les droits humainsLes déclarations et accords de l’UE en matière de dévelop-pement font tous référence à l’importance des droits humains. Le Consensus Européen pour le Développement déclare que « Chacun doit pouvoir bénéficier de l’exercice des droits de l’homme conformément aux accords inter-nationaux ». La Stratégie en faveur du Développement Durable de l’UE considère la promotion et la protection des Droits humains comme l’un des principes fondamen-taux des politiques de l’Union européenne. Celles-ci ont pour objectif de combattre « toutes les formes de discrimi-nations » et de contribuer « à la réduction de la pauvreté ». L’article 9 de l’Accord de Cotonou, le pilier du partenariat de l’UE avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Paci-fique, déclare que « Le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’État de droit, sur lesquels se fonde le partenariat ACP-UE, inspirent les politiques internes et internationales des parties et constituent les éléments essentiels du présent accord ».

Malgré ces engagements politiques forts, il reste difficile de garantir et assurer le respect des droits humains au sein des actions de développement de l’UE, en raison des intérêts économiques et politiques qui influencent la politique étrangère européenne, et à cause de l’absence de politiques opérationnelles spécifiques sur les droits hu-mains qui permettraient de mettre en œuvre une approche du développement basée sur ces droits.

La BEI et les droits humainsIllustrant clairement ce problème, la BEI, dans le cadre de ses mandats externes, n’est toujours pas dotée de standards appropriés pour évaluer les droits humains, et continue de soutenir des projets qui conduisent à diverses violations des droits humains (déplacements forcés de populations, appauvrissement des communautés locales, dégradations importantes de l’environnement social et culturel, ou dégradation de l’état de santé et des conditions de vie…)

Financement de projets et droits humainsDans le contexte du système financier international actuel, déterminer les responsabilités précises en matière de viola-tions des droits humains liées à des opérations soutenues par des instituions financières internationale demeure l’un des plus grands défis en matière de doctrine des droits humains. Les mégaprojets dans le domaine de l’énergie ou des infrastructures, qui entraînent souvent des dégrada-tions considérables de l’environnement et des violations majeures des droits humains, engagent des acteurs variés: institutions financières internationales, agences publiques nationales, banques privées, entreprises privées agissant en tant que contractants et sous contractants, etc. Dans cette longue chaîne, il est souvent très difficile d’identifier les responsabilités pour des violations spécifiques. Alors que les Etats nationaux devraient être responsables et garantir le respect et la promotion des droits humains, il est clair que la BEI doit aussi adopter une approche proactive pour faire respecter les obligations de l’UE en matière de droits humains, telles qu’elles découlent des différents traités et accords européens.

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Une étape importante a été franchie dans ce domaine en 2003, avec l’adoption des Normes des Nations unies sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’Homme. Bien que ces normes aient été développées principalement en direction des firmes multinationales, elles introduisent très utilement le concept de sphère d’influence, qui établit qu’« au sein de leur sphère respective d’activité et d’influence », chaque acteur a l’obligation « de promouvoir les droits de l’Homme, d’en défendre la mise en œuvre, de les respecter, d’en garantir le respect et de les protéger. » Le concept de sphère d’influence est particulièrement important pour les institutions financières privées et publiques, qui ne violent pas directement les droits humains, mais dont l’argent rend les violations possibles sur le terrain.

En utilisant le concept de sphère d’influence, il est ainsi possible d’introduire le concept de complicité. La législation internationale prévoit également les notions de complicité intéressée et de complicité silencieuse. La première suggère qu’une entreprise bénéficie directe-ment des infractions aux droits humains commis par quelqu’un d’autre, alors que la seconde se réfère à une entreprise (ou à un acteur financier) qui ne porte pas à l’attention des autorités compétentes les cas de viola-tions de droits humains dont elle a connaissance, ou qui n’a pas usé de son influence pour les empêcher.

La BEI doit développer une politique claire et opéra-tionnelle en matière de droits humains pour éviter le ris-que de complicité silencieuse dans le cadre des projets qu’elle soutient hors de l’UE. La simple référence au respect de la loi du pays hôte ne suffit pas étant donné le manque de capacité ou de volonté pour appliquer les obligations internationales et/ou nationales en matière de droits humains dans certains pays.

membres de l’UE – en comparaison aux autres banques multilatérales de développement, dont les membres sont des Etats avec les législations très différentes –constitue une occasion unique d’intégrer les principes et les obligations internationales en matière de droits humains aux pratiques quotidiennes de la BEI.

La BEI doit être largement réformée selon une approche fondée sur les droits humains. Dans cette optique, la BEI doit adopter les recommandations suivantes :

Adopter une politique opérationnelle contraignante, in-tégrant et mettant en œuvre ses obligations en termes de droits humains dans des pratiques d’évaluation sociale concrètes. La BEI doit en particulier inclure une évaluation des impacts sur les droits humains de chacune de ses opérations, sur la base des meilleures pratiques en la matière. Cette évaluation doit également examiner le passé entreprises bénéficiant du soutien de la BEI.

Inclure dans les contrats de prêts des dispositions et des normes pour garantir que les contractants et sous-contractants des projets respectent les droits humains, et précisant le droit de la BEI, en tant que financeur, à suspendre le contrat et à appliquer des sanctions au cas où ces dispositions ne seraient pas respectées.

Exclure des accords conclus autour des projets, tels que les accords passés avec les Etats hôtes, les con-trats d’achat d’électricité ou de partage de la produc-tion, toute clause de stabilisation des réglementations en matière de droits humains.

S’interdire catégoriquement le financement de pro-jets dans des régions où les restrictions des libertés d’expression et d’autres droits civils et politiques empêchent les groupes affectés de faire connaître les problèmes causés par le projet, ou de participer à sa planification et à sa mise en œuvre.

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Les meilleures pratiques en matière de droits humainsCes dernières années, il y a eu d’autres tentatives à côté des normes des Nations Unies pour souligner le rôle des acteurs économiques dans la promotion des droits humains. Les plus connus sont le Pacte Mondial des Nations Unies, les lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales, les Standards de Perfor-mance promus par la SFI, l’institution du Groupe de la Banque mondiale chargée des prêts au secteur privé, et les Principes d’Equateur, déjà signés par 51 des plus grands groupes bancaires du monde.

Ces initiatives ont à ce jour démontré leurs nombreu-ses limites : certaines d’entre elles sont volontaires, d’autres sont inefficaces ou mal mises en œuvre. Mais elles ont au moins permis d’augmenter les attentes générales en matière de comportement des entreprises privées et des financeurs au-delà du simple respect des lois et réglementations du pays hôte.

Il faut ajouter à cela que les rapports tels que celui de la Commission Mondiale Barrages et la Revue des Indus-tries Extractives, issus de consultations pluripartites sans précédent menées ces dernières années, ont inclu dans leurs recommandations une référence forte au respect et à la promotion des droits humains. La participation aux processus de décision a été en par-ticulier identifiée comme l’un des éléments-clé permet-tant d’empêcher les violations des droits humains.

Créer un précédent dans la finance publique mondialeLa BEI devrait intégrer ces consultations et leurs con-clusions à ses politiques et, partout où cela est possible, encourager et promouvoir des initiatives semblables, qui rassemblent les contributions de nombreuses par-ties prenantes. Mais ce serait insuffisant pour respecter tous les engagements de l’UE sur les droits humains, tels qu’ils découlent des Traités européens et des politiques de développement européennes. Le fait que les actionnaires de la BEI soient exclusivement les Etats

Inclure le respect des normes fondamentales du droit du travail dans toutes les opérations de la BEI, au moyen d’une évaluation ex ante des implications de tout prêt en termes de droits du travail, menée en consulta-tion avec l’Organisation Internationale du Travail.

Actuellement, seuls les citoyens de l’UE peuvent présenter des recours contre les activités de la BEI, via le Médiateur Européen. La BEI doit se doter d’un mé-canisme de plainte accessible aux personnes touchées par ses opérations hors de l’Europe. Ce mécanisme doit : être totalement indépendant, garantir que les activités soutenues par la BEI respectaient ses poli-tiques en matière sociale, environnementales et de droits humains, fournir des compensations réelles aux groupes affectés, avoir le droit d’appliquer aux entre-prises clientes toute une série de sanctions, y compris l’inscription sur une liste noire pendant une certaine période, afin qu’elles ne puissent plus bénéficier du soutien de la BEI.

La BEI devrait adopter l’ensemble des recommanda-tions de la Revue des Industries Extractives (RIE), com-mandée par la Banque mondiale et publiée en 2004, et rejeter les projets de construction de grands barrages non conformes aux critères de la Commission Mondiale des Barrages (CMB).

Les projets énergétiques et d’infrastructure, qui représentent une part importante du portefeuille de la BEI, peuvent causer des dégâts environnementaux et sociaux énormes. Sur le papier, la BEI affirme caté-goriquement son soutien aux objectifs de l’UE, y compris à la protection et l’amélioration de l’environnement tels qu’énoncés à l’article 2 du Traité de l’Union europé-enne15.

Pourtant, en pratique, la BEI n’a pas de politique environnementale et sociale satisfaisante. La banque distingue les projets situés dans l’UE de ceux situés en dehors. Au sein de l’Union, elle affirme que tous les projets qu’elle finance doivent « respecter les politiques et les normes environnementales de l’UE »16. Dans les régions extérieures, elle a adopté une approche plus souple. Les réglementations et standards de l’UE ne sont considérés que comme des « références » pour l’évaluation des projets, qui varie en fonction de condi-tions locales telles que les moyens financiers, les condi-tions environnementales locales, les bonnes pratiques internationales et les coûts de mise en œuvre.

4.3 Réformer la BEI : une approche basée sur l’environnement

15. « L’Union établit un marché intérieur. Elle oeuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité

des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la

qualité de l’environnement. » 16. Déclaration environnementale de la BEI, 2004.

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17. Pour une version plus élaborée des propositions, voir également Christopher Wright, European Investment Bank: promoting sustainable development, “where ap-propriate”, novembre 2007, et Steven Herz, An Environmental Policy Framework for

the European Investment Bank for Non-EU Lending: The Need for Clear, International Standards-based Approach, novembre 2006. 18. Déclaration environnementale de la BEI, 2004.

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Les procédures internes de la BEI, censées préciser les conditions d’application des mentions très générales de la déclaration environnementale, ont longtemps été inacces-sibles. Mais l’été dernier, la BEI a publié son « Manuel des bonnes pratiques environnementales et sociales ». Celui-ci est destiné au personnel de la Banque et contient toute une série de lignes directrices sur un ensemble de thèmes environnementaux et sociaux. Il peut ainsi être considéré comme un recueil de procédures, bien qu’il manque de clarté et qu’il n’ait pas de caractère contraignant.

La structure particulière de la BEI, qui ne compte dans son Conseil d’administration que des représentants des Etats membres et de la Commission Européenne, lui confère des responsabilités très claires en matière de promotion des objectifs européens de développement durable et de jus-tice sociale, et offre une occasion de définir des approches ambitieuses pour protéger l’environnement.

Cela pourrait être fait en prenant les mesures suivantes17:

La BEI doit déterminer précisément quelles réglementa-tions européennes et internationales elle entend respecter pour ses projets situés hors de l’UE, et de quelle façon elle entend contrôler le respect de ces règles pendant la mise en œuvre de ces projets.

La BEI doit transformer les lignes directrices de son « Manuel » en politiques opérationnelles contraignantes pouvant être mises en œuvre concrètement, de façon à faire savoir à son personnel et aux promoteurs et parties prenantes des projets que la banque est déterminée à respecter les normes et réglementations les plus recon-nues au niveau international, notamment en matière de droits humains. Des standards clairs représenteraient pour le personnel de la BEI un important contrepoids aux

incitations institutionnelles poussant à signer le maximum de prêts. Il est donc important qu’il y ait une présomption explicite d’application de ces standards, et qu’il ne soit pos-sible d’y déroger que dans des circonstances exception-nelles et définies limitativement. Des standards clairs et précis sont particulièrement importants en ce qu’ils offrent une base aux personnes affectées par les projets pour engager la responsabilité de la BEI et des promoteurs des projets quand ils ne respectent pas leurs obligations.

Au sein de l’UE, « la BEI applique une présomption de légalité, et estime que les législations nationales sont conformes au droit européen. Le promoteur est respon-sable du respect des règlementations, tandis que les autorités compétentes sont responsables du contrôle et de l’exécution »18. Avec une telle approche, la BEI échappe à la responsabilité de vérifier le respect de la loi par ses clients. La BEI devrait au moins enquêter sur les problèmes indiqués à ce sujet par les ONG ou les personnes affectées.

Il est important, dans le cadre d’une approche envi-ronnementale, que la BEI obtienne le consentement des communautés locales et des populations autochtones avant le démarrage de tout nouveau projet, et qu’elle mette en place des procédures claires et transparentes de con-sultation publique, impliquant les personnes affectées et la société civile selon les meilleures pratiques internatio-nales, telles que les recommandations de la Commission Mondiale Barrages ou de la réglementation des Nations Unies sur le Consentement Libre, Préalable et Informé.

A ce jour, la BEI approuve les projets avant que l’Etude d’Impact Environnementale (EIE) ne soit terminée. Et qui plus est, dans le cas des projets financés par la BEI, l’entière responsabilité de la conduite de l’étude d’impact est confiée au promoteur du projet, qui a, de façon inhé-rente, intérêt à ce qu’elle soit favorable au projet. Une EIE indépendante devrait être une étape obligatoire du proces-sus de décision de la BEI, avant l’approbation des projets par le Conseil d’administration.

Puisque certains secteurs comportent des problèmes et des exigences spécifiques, la BEI devrait développer des politiques sectorielles spécifiques dans des domaines tels que le climat et l’énergie, les barrages, la biodiversité, la forêt, la pêche, les industries extractives, l’agriculture soutenable et la chimie.

Dans le cadre d’une approche environnementale, la BEI doit refuser de financer des projets utilisant des tech-nologies destructrices, ou mis en œuvre dans des zones particulièrement sensibles. Elle doit donc définir des « no go zones » (« zones où l’on ne va pas ») et des « no go tech-nologies » (« technologies que l’on ne soutient pas »).

Cela doit inclure : Les projets qui impliquent la conversion ou la dé-gradation d’habitats naturels sensibles, soutiennent l’exploitation destructrice des ressources naturel-les ou la production de substances interdites ou dont l’interdiction est prévue à terme.Les projets de mines à grande échelle qui ne respectent pas les recommandations de la Revue des Industries Extractives de la Banque mondiale. Les grands barrages qui ne respectent pas les recom-mandations de la Commission Mondiale des BarragesLes projets dans les secteurs des énergies fossiles et de l’aviation.Les centrales nucléaires et la filière du combustible nucléaire.Les grandes plantations industrielles de bois et les cul-tures d’agrocarburants.

Les contrats entre le gouvernement et les entreprises exploitant les projets dans le secteur des industries extrac-tives doivent être contrôlés, afin de s’assurer qu’ils ne comportent pas de dérogations injustifiées aux obligations environnementales, et que les clauses relatives au partage de production et aux taux de royalties ne sont pas défavo-rables au pays d’accueil.

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La BEI doit engager un personnel spécifique, ayant les connaissances nécessaires, pour traiter les questions environnementales, et mettre en place des formations efficaces, un budget approprié, des responsabilités et des incitations internes qui récompensent l’excellence envi-ronnementale.

En choisissant de financer un projet, la BEI engage sa responsabilité tout au long de sa mise en œuvre. La banque doit donc mettre en place des mécanismes effectifs de suivi et de surveillance des projets, de contrôle du respect des engagements des promoteurs, et de sanction des éventuels manquements

La BEI investit des montants considérables dans les prêts globaux, sur lesquels elle a peu d’informations et de contrôle. Elle doit donc accorder plus d’attention à ce type de prêts. Aujourd’hui, selon son Manuel, le person-nel de la BEI n’évalue les impacts environnementaux des projets que de façon occasionnelle. La BEI doit adopter des directives environnementales contraignantes pour les prêts globaux, exigeant l’évaluation systématique des im-pacts environnementaux potentiels. Ces directives doivent inclure des obligations pour les intermédiaires financiers bénéficiant des prêts globaux, notamment en matière d’évaluation des impacts environnementaux de leurs prêts, et de transparence de l’information sur les prêts globaux et leur usage.

La BEI est également impliquée dans le financement par titres, domaine dans lequel l’administration de la BEI estime que le respect des pratiques des Institutions Financières Internationales est un indicateur. Mais on ne sait pas si ce sont les standards les plus élevés ou les plus bas qui servent de référence. La BEI doit garantir que les pratiques de référence sur lesquelles elle se base sont les plus exigeantes en matière environnementale, et qu’un reporting transparent est également assuré pour ces financements.

5. Petit guide pratique pour aborder la BEI 5.1. Surfer sur le site de la BEI : projets, données et informations utiles

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A l’image de la banque, le site de la BEI est un animal étrange qu’il faut apprendre à domestiquer lentement. La BEI gère son site de façon à ce que les liens ne restent pas valables longtemps : il est donc impossible de vraiment se fier aux liens que vous avez trouvés. La BEI confirme cette situation de fait dans un de ces courriers : « ces références Internet demeurent valables jusqu’à la mise à jour suivante de notre site (mises à jour quotidiennes)»…

Il faut donc suivre la structure du site pour trouver l’information dont vous avez besoin. Voici quelques conseils utiles.

Adresse du site : www.eib.org Depuis le site principal, vous pouvez changer la langue d’affichage, pour travailler en français, en anglais ou en al-lemand.

Les principales entrées du site sont les suivantes :

« La BEI » - Vous pouvez trouver ici des informations gé-nérales sur la mission de la BEI, sa structure (notamment les actionnaires et la gouvernance), sa stratégie, les chiffres-clés et les principaux contacts. Il est intéressant d’aller voir la partie « structure » afin de regarder qui fait partie du Comité de Direc-tion, du Conseil d’Administration et du Conseil des Gouver-neurs. Cette partie explique également quels sont les différents départements de la BEI.

« Produits » - Cette partie décrit le type de produits financiers et de crédits offerts par la BEI.

« Projets » - Cette partie présente le cycle des projets et les secteurs et régions dans lesquels la BEI intervient. C’est ici qu’il faut regarder si le projet qui vous intéresse est dans le pipeline (liste des projets en cours d’examen), en allant voir la rubrique « Investissements envisagés ». Les recherches peuvent être faites par pays, par secteur ou selon le statut du projet : à l’étude, approuvé ou signé.

Il faut noter que ce n’est pas parce que le projet qui vous intéresse n’est pas dans cette rubrique que la BEI n’est pas en

train de l’évaluer. La BEI se réserve le droit de garder certaines informations confidentielles pour des raisons d’intérêt com-mercial. Cela ne devrait en principe concerner que les projets du secteur privé, mais peut en pratique être le cas de projets du secteur public.

Une fois le projet mentionné dans le Rapport annuel (publié cha- que année au moment de l’Assemblée générale annuelle, au mois de juin), il est transféré dans la catégorie des « projets financés ».

Si vous n’êtes pas certain du statut du projet, il est conseillé de rechercher votre projet dans les deux catégories.Si la description des investissements envisagés comprend une page d’information sur le projet, souvent lacunaire, la description des projets déjà financés ne mentionne que le pays, l’intitulé du projet et les montants alloués.

« Marchés des capitaux » - Cette partie couvre les activités de la BEI en tant qu’emprunteur sur les marchés de capitaux. « Infocentre » - Cette partie contient des sections souvent utiles : actualité, événements, communiqués de presse et publications.

5.2. Comment demander des informations – testez la BEI Selon la Politique de Divulgation de la BEI, publiée le 12 avril 2006, vous pouvez demander des informations sur les projets. Procédure ordinaire de publication de l’information sur les projets (en principe)

Une série d’informations préliminaires sur les projets que la BEI envisage de financer doit être mise en ligne sur le site, sous la forme de résumés des projets, deux mois avant la décision du Conseil d’Administration. Cependant, souvent, ce délai n’est pas respecté. Certains projets du secteur privé peuvent ne pas être publiés avant l’approbation du Conseil d’administration, et dans quelques cas, rester secrets jusqu’à la signature du prêt. Selon la BEI, cette réserve ne sera appliquée que très rarement, afin de protéger des intérêts commerciaux. N’hésitez donc pas à nous prévenir si vous remarquez une situation de ce type.

Le cas échéant, le résumé inclut en outre soit la version électronique du résumé non technique de l’Etude d’impact environnemental (EIE) – ou, pour les projets situés en dehors de l’UE, de l’équivalent de ce résumé accompagné de la Déclaration d’impact sur l’environnement – soit des liens vers ces mêmes documents. Une fois encore, cette obligation n’est pas toujours respectée en pratique. Des fiches par projets sont publiées dans les cas des projets suscitant un grand intérêt de la part du public. Mais cette information est le plus souvent mise en ligne alors que les projets ont déjà été approuvés.

Information sur les projets / documents disponibles sur demandePour mieux comprendre le processus d’approbation des projets de la BEI, il faut se rappeler que chaque projet entraîne la rédaction des documents suivants, qui jouent un rôle clé dans le processus de décision. Certains d’entre eux, couverts par des dérogations, restent confidentiels. D’autres sont fournis sur demande, ou doivent être publiés automatiquement en vertu du principe de divulgation (voir tableau ci-contre).

Les règles de la BEI sur la divulgation des informations sur demande (en principe)

Etape 1 : Présentation des demandesLes demandes d’accès à des informations peuvent être for-mulées par écrit ou par oral. Elles doivent être adressées au département « Communica-tion et Information » de la BEI ou à la boîte aux lettres élec-tronique prévue à cet effet ([email protected]). Vous pouvez aussi contacter un membre du personnel de la BEI. Si la demande est adressée à la mauvaise personne, celle-ci doit la trans-mettre au département compétent sans délai.

Etape 2 : RéponsesLes demandes doivent en principe être traitées sans délai par la BEI, qui doit dans tous les cas répondre au plus tard dans les quinze jours ouvrables suivant la réception de la demande. Cependant, si la question posée est complexe et que la BEI ne peut répondre dans ce délai, elle doit vous en informer au plus tard sous un délai de dix jours ouvrables après réception. La réponse à une demande complexe ne peut excéder 30 jours ouvrables.

Nom du document Accessibilité

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Note d’Information Préliminaire

Proposition de mise à l’examen

Demande d’avis de la Commission européenne et de l’État membre concerné

Avis de la Commission européenne

Avis de l’Etat membre concerné

Proposition de négociation de l’opération, comprenant les avis des différents services de la BEI.

Proposition de financement du projet soumise au conseil d’administration par le comité de direction

Demande officielle de financement soumise par le pro-moteur du projet

Contrat de financement

Le document est confidentiel, mais vous pouvez demander des informations à la BEI si le promo-teur du projet lui a demandé un financement.

Le document est confidentiel ; cependant, vous pouvez demander à la BEI à quel stade d’approbation le projet se trouve.

Le document lui-même est confidentiel ; cependant vous pouvez demander à la BEI à quel stade d’approbation le projet se trouve.

Il est considéré comme le document d’une tierce partie. La BEI se concerte avec les tierces parties afin d’évaluer si l’information contenue dans le document est confidentielle. On ne sait pas si ce genre de document est accessible, car aucune demande n’a été encore formulée.

Il est considéré comme un document d’une tierce partie. La BEI se concerte avec les tierces parties afin d’évaluer si l’information contenue dans le document est confidentielle. On ne sait pas si ce genre de document est accessible, car aucune demande n’a été encore formulée.

Le document lui-même est confidentiel ; cependant vous pouvez demander à la BEI des informations sociales et environnementales provenant du rapport d’évaluation de la BEI.

Les propositions du Comité de Direction au Con-seil d’Administration sont rendues publiques sur demande uniquement pour les projets publics et après approbation. Cependant, dans certains cas, le Conseil peut refuser cette publication. Pour les projets du secteur privé, ces documents ne sont pas publiés, mais il peut être utile de les réclamer, afin de montrer à la BEI l’intérêt crois-sant qu’ils suscitent, et de tester les réponses.

Confidentielle

La BEI ne s’oppose pas à ce que les promoteurs des projets ou les autres parties prenantes com-pétentes rendent disponibles des informations portant sur leurs relations et accords avec la BEI. La BEI elle-même ne divulgue pas d’information sur les conditions financières et sur le Contrat de financement

Etape 3 : Confirmation de la demande (si nécessaire)En cas de refus total ou partiel, ou en l’absence de réponse de la BEI dans le délai requis, le demandeur peut lui adresser, dans un délai de 20 jours ouvrables suivant la réception de la réponse de la Banque, une demande confirmative. La banque doit traiter ces demandes confirmatives aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans les 15 jours ouvrables après réception. À titre exceptionnel, par exemple lorsque la demande porte sur un document ou une question très com-plexe, le délai prévu peut, moyennant information préalable du demandeur et motivation circonstanciée, être prolongé de 15 jours ouvrables.

5.3. Comment déposer un recours devant / contre la BEI Recours auprès du Secrétaire Général

Si votre demande d’information n’est pas traitée par le personnel de la BEI selon la réglementation et les procédures prévues, vous pouvez formellement déposer un appel auprès du Secrétaire Général de la BEI. Ces appels doivent être noti-fiés par écrit au cours des vingt jours ouvrables suivant la date du courrier faisant l’objet de la contestation. La Banque doit accuser réception de l’appel immédiatement et le Secrétaire général doit envoyer sa réponse dans les 20 jours ouvrables après réception de la réclamation.

Recours auprès du Médiateur Européen En cas de refus total ou partiel, ou en l’absence de réponse de la BEI dans le délai requis, il est aussi possible de faire appel au Médiateur Européen, qui examine les cas de mauvaise ad-ministration dans l’action des institutions et organes de l’UE. Il agit sur la base de plaintes qui lui sont soumises et adresse des rapports au Parlement européen.

Vous pouvez lui adresser une plainte à toutes les étapes du processus ; cependant, l’expérience montre que le

Médiateur préfère que les citoyens ne le saisissent qu’en dernier recours, après avoir mis en œuvre toutes les procé-dures disponibles auprès de la BEI.

Les recours en appel doivent être adressés au Secrétaire Général,100 boulevard Konrad Adenauer, L-2950 Luxembourg. E-Mail : [email protected]

Site Internet du Médiateur Européen : www.ombuds-man.europa.euLes recours peuvent être déposés par courrier, e-mail ou en remplissant un formulaire électronique adressé depuis le site Internet du Médiateur européen. Le for-mulaire de dépôt de plainte est disponible sur : http://www.ombudsman.europa.eu/form/en/default.htm

Pour les non-citoyens et non-résidents de l’UEEn vertu du Traité CE, le Médiateur Européen est habilité à recevoir les plaintes des citoyens et résidents de l’UE. Le Mé-diateur a toutefois accepté de se saisir de sa propre initiative de plaintes pour cause de mauvaise administration19 de la BEI provenant de l’extérieur de l’Union.

La BEI a elle-même mis en place un organe d’appel addition-nel pour les non citoyens et non résidents de l’UE, pour les cas dans lesquels la plainte est rejetée par le Médiateur Européen « au seul motif de leur origine extérieure à l’UE ». Un recours peut être déposé auprès de l’Inspection Générale de la BEI en utilisant le Mécanisme de recours indépendant ([email protected]), mais la fiabilité de ce mécanisme n’est pas très claire à ce jour.

Inspecteur Général, 100 boulevard Konrad Adenauer, L-2950 Luxembourg. E-Mail : [email protected]

19. La « mauvaise administration » est un concept très large, qui com-prend tout d’abord les comportements illégaux, mais également, par exemple, le fait de ne pas agir en cohérence avec les politiques et procédures établies. Source : Médiateur Européen, Internal note to the European Ombudsman concerning a possible Memoran-

dum of Understanding with the European Investment Bank, 30 novembre 2007.

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Pour signaler les soupçons de fraude ou de corruption dans les projets financés par la BEI, vous devez prendre contact avec l’Inspection Générale (IG). La BEI s’est engagée à traiter toutes les plaintes de façon strictement confidentielle. Vous pouvez contacter l’IG par courrier, email ou téléphone pour l’informer, le plus précisément possible, des éléments dont vous avez connaissance.

5.5. Où se trouvent les bureaux de la BEI Le siège de la BEI est situé au Luxembourg :

100, boulevard Konrad Adenauer, L-2950 LuxembourgTel: (+352) 43 79 1 (standard), Fax: (+352) 43 77 04

La BEI a aussi des bureaux extérieurs à Vienne (Autriche), Brux-elles (Belgique), Paris (France), Berlin (Allemagne), Athènes (Grèce), Rome (Italie), Varsovie (Pologne), Lisbonne (Portugal), Bucarest (Roumanie), Madrid (Espagne), Londres (Royaume-Uni), Fort-de-France (Caraïbes), Giza (Egypte), Nairobi (Kenya), Rabat (Maroc), Sydney (Australie), Dakar (Sénégal), Tshwane (Pretoria, Afrique du Sud), et Tunis (Tunisie).

Vous pouvez trouver les adresses des bureaux ci-dessus dans la partie « Infocentre » du site Internet de la BEI, dans la rubrique « contacts ».

5.4. Comment signaler un cas de fraude ou de corruption ?

Par email : [email protected] fax : +352 43 79 42 97Par courrier (indiquez sur celui-ci la mention « stricte-ment confidentiel ») :Inspection Générale, Enquêtes sur les fraudes :Banque européenne d’investissement100 boulevard Konrad Adenauer, L-2950 Luxembourg

Vous pouvez aussi contacter directement l’OLAF, (Of-fice européen de lutte antifraude) :Par téléphone : +32 2 29 84 940 ou +32 2 29 55 944 fax : +32 2 99 33 42Par Internet : http://europa.eu.int/comm/anti_fraud/contact_us/index_en.html

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“« La BEI n’a pas les moyens d’évaluer les projets en interne – et de ce fait, l’argent des contribuables va à des compagnies privées, pour financer des oléoducs et d’énormes projets

d’infrastructure dans les pays en dével-oppement, où il n’existe aucune garantie

que le droit du travail sera respecté, ou qu’il n’y aura pas de dommages envi-

ronnementaux »

Richard Howitt, député européen, Groupe socialiste au Parlement européen

est une campagne soutenue par :CEE Bankwatch Network (Europe Centrale et Orientale)Both ENDS (Pays-Bas)Bretton Woods Project (Royaume-Uni)Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (Italie)Les Amis de la Terre (France)urgewald (Allemagne)WEED (Allemagne)

Contact:

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CEE Bankwatch NetworkJicinska 8Praha 3, 130 00Czech Republicwww.bankwatch.org

Both ENDSNieuwe Keizersgracht 451018 VC AmsterdamThe Netherlandswww.bothends.org

Bretton Woods Project c/o Action Aid Hamlyn House Macdonald RoadLondon N19 5PGUnited Kingdom www.brettonwoodsproject.org

Campagna per la Riforma della Banca Mondiale (CRBM) Via Tommaso da Celano 1500179 RomaItaliawww.crbm.org

Les Amis de la Terre 2B rue Jules Ferry93100 MontreuilFrancewww.amisdelaterre.org

UrgewaldPrenzlauer Allee 230D-10405 BerlinGermanywww.urgewald.de

Weltwirtschaft, Ökologie & Entwicklung(WEED)Eldenaer Str. 60D-10247 BerlinGermanywww.weed-online.org