Gérard Diez La Presse en Revue MEILLEURS...

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MEILLEURS VOEUX SOMMAIRE 1) Le piège ! 2) Et pourquoi pas, n’est-ce pas une promesse de Hollande 3) Il veut un vrai candidat de gauche 4) Le chef de meute...disparu 5) Il fait voler en éclats son camp 6) Ouf ! moins de niaiserie... 7) Retour sans le futur 1… LA FAMILLE VENDREDI 8 JANVIER 2016 Gérard Diez La Presse en Revue LA PRESSE EN REVUE...

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Page 1: Gérard Diez La Presse en Revue MEILLEURS VOEUXdata.over-blog-kiwi.com/0/99/20/93/20160108/...en... · Robert Badinter au Forum Libé de Rennes, en avril 2014. Photo Adèle Brossard

MEILLEURS VOEUX

SOMMAIRE

1) Le piège ! 2) Et pourquoi pas, n’est-ce pas une promesse de Hollande 3) Il veut un vrai candidat de gauche 4) Le chef de meute...disparu 5) Il fait voler en éclats son camp 6) Ouf ! moins de niaiserie... 7) Retour sans le futur 1…

LA FAMILLE VENDREDI 8 JANVIER 2016

Gérard Diez La Presse en Revue

LA PRESSE EN REVUE...

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I) Robert Badinter : «Les terroristes nous tendent un piège politique»

Par Laure Bretton

Robert Badinter au Forum Libé de Rennes, en avril 2014. Photo Adèle Brossard

Après l'attentat, l'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand en appelle à la justice.

Robert Badinter, ancien ministre socialiste de la Justice, réagit à l’attaque contre «Charlie Hebdo».

«Devant un tel crime, préparé et exécuté de sang-froid, c’est d’abord aux victimes que pense chacun d’entre nous. Policiers assumant le risque quotidien auquel les expose leur devoir, journalistes réunis pour accomplir leur mission d’information, sans laquelle la démocratie serait étouffée. Ces journalistes-là sont morts pour nous, pour nos libertés qu’ils ont toujours défendues. Sachons nous en souvenir. L’émotion nous saisit aussi à la pensée de leurs familles, de leurs proches, que le crime frappe au cœur par ricochet et qui vivront désormais comme des invalides, amputés de l’être humain qui était une part d’eux-mêmes.Au-delà du chagrin et de la pitié s’inscrit le devoir de justice. Nous sommes assurés que les pouvoirs publics mettront tout en œuvre pour identifier et arrêter les auteurs de ces crimes. A la justice de décider de leur sort, en toute indépendance et dans le respect de l’Etat de Droit. Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d’honneur.«Enfin, pensons aussi en cette heure d’épreuve au piège politique que nous tendent les terroristes. Ceux qui crient "allahou akbar" au moment de tuer d’autres hommes, ceux-là trahissent par fanatisme l’idéal religieux dont ils se réclament. Ils espèrent aussi que la colère et l’indignation qui emportent la nation trouvera chez certains son expression dans un rejet et une hostilité à l’égard de tous les musulmans de France. Ainsi se creuserait le fossé qu’ils rêvent d’ouvrir entre les musulmans et les autres citoyens. Allumer la haine entre les Français, susciter par le crime la violence intercommunautaire, voilà leur dessein, au-delà de la pulsion de mort qui entraîne ces fanatiques qui tuent en invoquant Dieu. Refusons ce qui serait leur victoire. Et gardons-nous des amalgames injustes et des passions fratricides.»

liberation.fr

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II) Pour enterrer la déchéance de nationalité, des socialistes préparent le retour du droit de vote des étrangers

III) Laurent (PCF) veut un "candidat de gauche" en 2017 qui ne saurait être François Hollande

LAPRESSEENREVUE.EU

Des socialistes, dont le député Benoit Hamon, préparent un amendement pour instaurer le droit de vote des étrangers dans le projet de loi constitutionnelle. Tout ça dans le but de le saboter.

Quasiment deux mois de feuilleton ininterrompu. Depuis son annonce le 16 novembre, l'extension de la déchéance de nationalité n'en finit pas d'agiter le débat politique.

Si bien qu'il est aujourd'hui impossible de savoir si la mesure sera adoptée et sous quelle forme. Si l'histoire se présente déjà comme un fiasco pour le gouvernement, certains socialistes veulent en rajouter une couche.

Introduction du droit de vote des étrangers pour saboter le projet. Alors que de nombreuses voix à gauche demandaient la déchéance de nationalité pour tous, et non plus que pour les binationaux nés en France, le Premier ministre Manuel Valls s'est prononcé contre la création d'apatrides, mercredi soir sur BFM TV. Pendant ce temps, la fronde contre le projet de loi constitutionnelle du gouvernement se prépare chez les socialistes.

Certains d'entre eux, notamment le député Benoit Hamon, imaginent déposer un amendement pour instaurer le droit de vote des étrangers, promesse de François Hollande que le gouvernement a enterré. Du sabotage pur et simple, car la droite ne voterait évidemment jamais un tel amendement, ce qui enterrerait le projet.

Par Antonin André avec Julien Diaz

Au final, le gouvernement devrait présenter un

projet de réforme constitutionnelle a minima, avec une déchéance de nationalité sans préciser quel type de Français cela concerne. Mais pas avant le mois d'avril, ce qui laisse encore plusieurs mois de feuilleton.

AFP

AFP, jeudi 7 janvierLaurent (PCF) veut un "candidat de gauche" en 2017 qui ne saurait être François Hollande Pierre Laurent entre Claude Bartolone et Anne Hidalgo lors d'un meeting le 9 décembre 2015 à Creteil

Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste (PCF), craint que la gauche ne soit "pas présente" à l'élection présidentielle, et a dit souhaiter un "candidat" avec un "programme" et des "valeurs de gauche" qui ne saurait, à ses yeux, être François Hollande.

En 2016, M. Laurent entend "dépenser tous [ses] efforts pour que nous ayons un candidat de gauche, sur un projet de gauche, sur les valeurs de la gauche" et "ce candidat ne peut pas être un candidat qui propose la déchéance de la nationalité, une loi Macron 2 et la casse du code du travail", a-t-il déclaré sur Sud Radio et Public

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IV) Mélenchon : « C’était un bonheur de travailler avec le Vieux comme chef de meute »

LAPRESSEENREVUE.EU

Sénat.

"Sinon, nous risquons d'aller à l'élection présidentielle sans candidat de gauche. Parce que si on enferme le débat des Français dans une présidentielle où il y a Marine Le Pen, un candidat de droite et François Hollande, pour moi ça veut dire que la gauche n'est pas présente", a estimé le sénateur de Paris.

M. Hollande n'est pas de gauche? "Son programme actuel, le programme qu'il met en œuvre tous les jours n'est pas un programme de gauche", a répondu M. Laurent.

"Il faut un candidat dans lequel se reconnaissent les socialistes, les écologistes, les gens du Front de gauche, les communistes, qui soit un véritable candidat de gauche", a insisté le secrétaire national du PCF.

M. Laurent a rappelé que les communistes voteraient contre le projet inscrivant l'état d'urgence dans la loi fondamentale et élargissant les possibilités de déchéance de nationalité pour les criminels terroristes.

orange.fr

Il le surnomme le Vieux, car chez Jean-Luc Mélenchon l’affection se mêle toujours à la politique dès lors qu’il s’agit d’évoquer François Mitterrand. Ils se sont bien connus, quand l’un était président de la République, et l’autre jeune sénateur de l’Essonne, représentant l’aile gauche du PS. Ainsi, dans le long entretien que le leader du Parti de gauche a accordé à Charles, des colères pour défendre

l’idée du Programme commun précèdent-elles des moments d’émotion, notamment à l’évocation des derniers instants passés auprès de celui qu’il considère comme un maître. S’il n’en reste qu’un pour défendre l’héritage du mitterrandisme, foin d’inventaire, Jean-Luc Mélenchon veut être celui-là.

propos recueillis par David Doucetportraits Sophie Carrère

Vous êtes l’un des rares hommes politiques à vous revendiquer encore ouvertement de Mitterrand. Vingt ans après sa disparition, comment expliquez-vous que vous soyez si seul à défendre son héritage ?Rappelez-vous qu’il a fallu deux guerres pour qu’on reparle de Jaurès sur un ton qui n’était pas celui que l’on utilisait de son vivant. Il était présenté comme un animal furieux et incontrôlable. Il a été frappé à la tribune de l’Assemblée nationale, il a été assassiné, on peut difficilement faire pire. Et aujourd’hui Jaurès est récupéré par la droite et l’extrême droite. Je me rappelle que lors du dixième anniversaire de la mort de François Mitterrand en 2006, les critiques de la droite se confondaient avec celles de l’extrême gauche. À leurs yeux, Mitterrand n’aurait rien fait de bon. Le bilan du mitterrandisme semble se limiter au portrait d’un personnage suspect dominé par sa « part d’ombre » comme on dit à présent. Ce sort posthume n’a rien d’étonnant. La droite a toujours traîné les héros de gauche dans la boue. Les riches ont eu si peur en 1981 ! On a nationalisé toutes les banques ! D’aucuns fuyaient avec des lingots d’or dans le coffre de la voiture ! Quant à l’extrême gauche, il faut bien qu’elle justifie son absence dans cette épopée. Au moment où son énergie aurait été décisive pour créer l’élan populaire dont nous avions besoin pour porter des réformes sociales, elle était aux abonnés absents, occupée à ses grimoires, à soupeser les virgules et les adjectifs au lieu de peser sur la situation historique réelle. Tous ont à effacer leur bilan dans cette période. La légende noire de François Mitterrand est leur auto-amnistie. Dès lors il devient un enjeu de faire un bilan raisonné de l’action de François Mitterrand. Je tiens la tranchée. Il reste beaucoup à apprendre de cette période et bien mieux que les caricatures malveillantes qui circulent.

Pourquoi est-ce important de se revendiquer de Mitterrand encore aujourd’hui ?Si j’arrive quelque part et dis qu’il faut faire un bilan raisonné et positif de l’action de Mitterrand, je sais que c’est vécu comme un défi. Mais il faut

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tenir bon. La difficulté doit être surmontée. Car il y a vraiment un enjeu à faire ce bilan raisonné. Les réponses à bien des questions qui se sont posées depuis en dépendent. Faut-il prendre le pouvoir ? Pouvons-nous encore changer la vie? Quelles stratégies ont été tentées ? Sinon, c’est le règne du « bof ! bof ! », que l’on gagne ou que l’on perde, la politique sera la même. Évidemment quand vous avez sous les yeux un François Hollande, vous pouvez vous dire que l’arrivée au pouvoir de la « gauche » ne change rien et que le résultat peut même être pire qu’avec la droite. Il faut guérir l’autre gauche de cette maladie pour qui l’exercice du pouvoir condamnerait à la compromission et à la déroute intellectuelle et morale. Ce n’est pas vrai. Parvenir au pouvoir peut permettre de changer la donne. Mitterrand l’a prouvé. Comment aller plus loin ? J’essaye d’y répondre. On ne peut y parvenir en balayant d’un revers de main les réformes faites en 1981 sous prétexte qu’il y a eu ensuite le tournant de la rigueur. Quand je fais le bilan de l’action de Mitterrand dans mes discours, je prends toujours une feuille de papier et je lis une par une toutes les décisions qui ont été prises. Au début, il y a toujours une part de sourire en coin et de ricanement chez ceux qui m’écoutent. Les gens se disent : « Oh Jean-Luc nous fait un numéro. Il a toujours été pour Mitterrand. » Ils s’attendent à ce que j’évoque le permis à points ou ce genre de choses insignifiantes. Mais quand je commence à dire : « la nationalisation de toutes les banques, d’un tiers de l’industrie française, l’abolition de la peine de mort ou la décriminalisation de l’homosexualité, la cinquième semaine de congés payés, les 39 heures, la retraite à 60 ans » et ainsi de suite, les regards changent. Les gens ont oublié cette transformation de la vie. Toute une génération a vécu sur ces acquis. L’enjeu c’est de mettre en lumière en tant qu’objet cette lutte qui a duré plusieurs décennies. Un jour, Mitterrand m’a dit au sujet de l’affaire Bousquet : «Je sais pourquoi ils nous parlent de ça : parce qu’ils veulent que les gens n’aient plus jamais confiance dans aucun d’entre nous. » Je pense qu’il avait raison. L’option de l’ennemi, c’est toujours de discréditer nos porte-drapeaux. Ici, il s’agit d’effacer les traces d’un séisme : le seul chemin révolutionnaire que l’on n’a jamais ouvert dans ce pays par une victoire électorale.

En 1984, François Mitterrand a pourtant reconnu des erreurs pour justifier le tournant de la rigueur.Ce qui est incroyable est que le résultat de l’agression du capital à cette époque soit aujourd’hui présenté comme étant le produit de

nos erreurs et que nos compromis soient vus comme des « compromissions ». Enfin, tout de même ! La France a été assaillie, agressée par le capital dès l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand. Nous avons dû subir trois dévaluations, un contrôle des changes et un emprunt forcé ! Erreur ou agression ? Et nous sommes alors en 1981, soit à peine huit ans après le coup d’État contre Salvador Allende. L’imaginaire de tous les gens de gauche était surplombé par cette menace. Quand nous avons buté sur le mur de l’argent en 1983, il fallait mettre au point une nouvelle stratégie.Les tenants de « l’autre politique » n’avaient pas vraiment de programme sérieux. J’en étais. Je suis conscient que ce que l’on proposait alors n’était pas jouable. Il n’y avait aucune dynamique sociale pour porter ce grand bond en avant en dehors du système. François Mitterrand a dû ouvrir tout seul un autre chemin : l’horizon de la construction européenne comme nouvel espace pour le socialisme. À l’époque, on pouvait y croire. Mais de toute façon, personne ne se projetait vraiment vers le futur. L’ampleur de la mutation du capitalisme contemporain n’était pas comprise. Quand Jospin parle de « parenthèse » dans la marche vers le socialisme en 1983…

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Publié dans Charles N°16, Le Roman Mitterrand, janvier 2016

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LAPRESSEENREVUE.EU

V) Déchéance de la nationalité: Hollande fait exploser son camp

Par Lénaïg Bredoux, Mathieu Magnaudeix et stéphane alliès

Si les ministres sont rentrés dans le rang, les députés et la direction du PS constatent l’hostilité majoritaire à la déchéance de nationalité pour les binationaux. Passant outre leur consternation, ils cherchent comment « sauver le soldat Hollande ».

«Face aux menaces qui pèsent sur notre pays, les Français attendent d’abord de nos institutions qu’elles fassent tout pour les protéger». Devant le Conseil constitutionnel ce mardi après-midi, François Hollande a, comme lors de ses vœux aux Français le 31 décembre, soufflé le chaud et le froid. Il a joué au « père protecteur de la Nation », façon de faire comprendre qu’il entend aller jusqu’au bout de sa réforme constitutionnelle.

Mais le président a aussi laissé entendre qu’il était attentif à la tempête politique qu’il a semée au lendemain des attentats du 13-Novembre. Comme quand il salue le Conseil constitutionnel et son rôle, celui de « fixer les limites, de dire quand l’atteinte aux libertés devient injustifiée, de poser un cadre infranchissable au-delà duquel nous oublierions qui nous sommes et pour quoi nous nous battons », mais aussi pour « rappeler le droit et le devoir de résister aux solutions du repli, de la fermeture qui trahiraient l’esprit de la France », notamment « quand la peur se fait pressante, quand la menace est trop présente, quand l’actualité envahit les esprits ». Ces paroles sont également celles de nombreux socialistes: mais eux s'insurgent contre l’attitude de François Hollande et de Manuel Valls.

François Hollande lors de ses vœux au Conseil constitutionnel © Elysée

Au départ, l’exécutif était persuadé que la majorité allait avaler cette couleuvre de la révision constitutionnelle et de l'extension du champ de la déchéance de nationalité, même si elle a la taille d’un anaconda. Parce qu’elle n’oserait pas le contredire au moment de voter, mais aussi parce que l’opinion, si l’on en croit certaines enquêtes, ne semble pas y voir de problème. « Notre calcul, c’est l’opinion, et elle est pour », dit-on dans l’entourage du président, même si l'on est aussi lucide sur le fait que « la bataille médiatique est perdue ». L’exécutif a fait ses comptes et, en intégrant les voix de la droite, il pense avoir la majorité nécessaire des deux-tiers des parlementaires sur le texte en l’état.

Pourtant, dans le groupe socialiste à l’Assemblée comme au sein de la direction du PS, l’inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les binationaux reconnus coupables d’actes de terrorisme ne passe pas. Outre les prises de position multiples de figures socialistes (Jean-Marc Ayrault, Anne Hidalgo, Pierre Joxe ou Martine Aubry), ou les volontés de saisine de la haute autorité du PS par une centaine de militants, le juriste chargé des questions constitutionnelles au sein du groupe PS à l’Assemblée, Vito Marinese, docteur en droit public, a pris la plume il y a quelques jours dans Libération pour dénoncer une mesure « juridiquement aussi inepte que dangereuse ». « Faut-il qu’une digue ait cédé pour qu’un gouvernement "de gauche" propose d’inscrire dans notre loi fondamentale une proposition plébiscitée par l’extrême droite ? », poursuit-il, cinglant.

En premier lieu, les protestations s’élèvent parce qu’il s’agit d’une mesure prônée de longue date par l’extrême droite, et par Nicolas Sarkozy dans son discours de Grenoble en 2010 – les centristes et une partie de la droite l’avaient alors rejetée au Sénat. La gauche, dont François Hollande lui-même, avait dit sa totale indignation. « C’est comme si on faisait mine de ne pas comprendre qu’on a en grande partie gagné grâce au rejet du discours de Grenoble », soupire l’une des porte-parole du parti, Nadège Abomangoli. « En 2017, ils pensent que ce sont les sondés qui vont faire campagne pour leur réélection ? Si on continue comme ça, il n’y aura plus un militant pour mouiller la chemise… »

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Au-delà de cette volte-face idéologique du pouvoir, c’est le principe même de cette mesure qui révolte nombre d’élus et militants socialistes, comme le reste de la gauche, des associations, des juristes et des intellectuels. « Mettre dans la Constitution deux catégories de Français en visant les binationaux, cela divise la cohésion nationale », résume l’historien Patrick Weil, invité mercredi 6 janvier de notre émission «En direct de Mediapart». Le Front national, révulsé par l’idée même que des Français puissent avoir une autre nationalité, s’est d’ailleurs empressé d’applaudir, en demandant déjà plus : au-delà du seul terrorisme, la déchéance de la nationalité pour les crimes commis par des binationaux. La question de son efficacité est aussi posée, puisque la mesure ne concernerait que quelques personnes et ne découragerait de toute évidence aucun terroriste à commettre un attentat.

Dans les instances du parti socialiste, au bureau national (BN) lundi soir comme au secrétariat national (SN) mardi midi, une « très large majorité » des interventions s’est exprimée en faveur d’un recul sur le sujet. « Même les soutiens de François Hollande sont très embarrassés, assure Emmanuel Maurel, l’un des leaders de l’aile gauche du parti. Tout le monde reconnaît que le président a fait une grosse connerie, mais il faudrait tout faire désormais pour sauver le soldat Hollande. On est en pleine déchéance de rationalité, on ne parle même plus du fond, on évite de se cogner au réel, l’échec économique et social, pour consacrer notre temps à un débat lunaire où la gauche n’a que des coups à prendre. »

Pour l’instant, le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis n’en finit plus de gagner du temps. À l’origine opposé à la mesure, il fait savoir à certains qu’il avait « perdu contre Valls » lors de l’arbitrage final, la veille de l’annonce par le gouvernement du contenu de la révision constitutionnelle, le 23 décembre dernier. Cette fois-ci, il a promis un vote au bureau national le 18 janvier prochain. En espérant que d’ici là la situation se décante.

« Ils essaient de tenir encore, mais le mur va continuer à s’élever, veut croire un proche de Martine Aubry. La presse régionale va les lâcher, les sondages vont commencer à baisser, et les derniers militants encore prêts à suivre vont se mettre à raisonner… » « On est à deux doigts de l’implosion, comme quand Guy Mollet a fait imploser la SFIO après lui avoir imposé la guerre

d’Algérie, soupire le député Gwenegan Bui. Qu’on ait des désaccords sur le socialisme de l’offre, ça arrive, c’est l’histoire de la gauche d’avoir des désaccords économiques, parfois on est minoritaire dans notre camp, mais on peut espérer devenir majoritaire ensuite. Là, comment va-t-on pouvoir s’asseoir côte à côte, entre ceux qui sont prêts à créer deux catégories de Français et les autres ? » Un autre hiérarque se désespère : « Quand on entend certains disserter au BN sur les Arabes, qui de toute façon s'en foutent des droits, à part les droits sociaux, on se pose beaucoup de questions. » (d'autres assurent avoir entendu le terme de “terroristes” et non d'“Arabes”, et tiennent à préciser qu'il s'agit d'un échange en aparté et non d'une intervention officielle au micro, ndlr).

Quelle déchéance ?

Les débats ne débuteront à l’Assemblée nationale que le 3 février, pour une réunion du Parlement en congrès à Versailles envisagée par l’exécutif au mois d'avril. Et si la rentrée parlementaire n’est prévue que le 11 janvier, les députés socialistes s’activent déjà pour tenter de trouver une solution au pataquès politique créé par François Hollande. Ce vendredi, les membres socialistes de la commission des lois de l’Assemblée nationale doivent se retrouver à huis clos pour discuter des portes de sortie possibles.

Selon le député PS Bernard Roman, un questeur connaissant bien les troupes PS de l’assemblée, 80 % des députés PS y seraient en effet opposés. La députée Karine Berger se veut la « plus sereine possible » et se dit encore optimiste. « Tout le monde est d’accord pour une mesure symbolique qui s’applique à tous les Français sans distinction entre eux, veut-elle croire, mais on doit à tout prix éviter un débat extrêmement dangereux sur la nationalité en lien avec le terrorisme. » « Faut-il vraiment mettre en place une mesure qui ne servira à rien ?, abondait récemment un ministre, à l’abri du off et avant le choix final de François Hollande. Mon problème n’est pas que les gens qui commettent des actes terroristes soient déchus de leur nationalité française. Mon problème, c’est que le symbole vient accréditer un discours d’une violence sociale extrême. »

Un autre poids lourd du gouvernement rappelait qu'au « moment de la décision, on était dans un contexte particulier ; on venait de donner l’assaut au Bataclan et il fallait donner des gages à l’unité

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nationale ». Mais, poursuivait-il, « cela me bouleverse. Il ne peut pas y avoir deux catégories de citoyens. J’aurais préféré une peine d’indignité nationale ». « On ne peut que comprendre ceux qui y sont opposés… Même si, quand on le vit de l’intérieur, on voit très bien que ce n’est pas fait pour stigmatiser les gens », avance un troisième ministre, qui rappelle que le gouvernement compte plusieurs binationaux, dont Myriam El Khomri, Najat Vallaud-Belkacem ou encore Matthias Fekl.

Mais depuis, tous se sont rangés – ou presque. Ils ne sont toujours pas convaincus mais le président et le premier ministre ont demandé le silence dans les rangs. C’est le sens de l’appel à la « responsabilité », lancé lors des vœux du 31 décembre de François Hollande et qui concerne tout aussi bien les parlementaires que le gouvernement. Sur la réforme constitutionnelle, « il appartient désormais au Parlement de prendre ses responsabilités, ce qui ne veut pas dire cesser notre effort de pédagogie pour expliquer ce que recouvre cette révision constitutionnelle. Chaque membre du gouvernement doit y contribuer », a également prévenu Manuel Valls lundi, lors des vœux au gouvernement.

Cette tactique a au moins deux avantages. L’un purement disciplinaire, pour éviter que la cacophonie ne se propage indéfiniment et n’encourage les indécis à s’opposer au texte présidentiel. « Le message, c’est : “les députés doivent se soumettre ou se démettre”, on va bientôt avoir droit au chantage à la dissolution », dit Emmanuel Maurel. L’autre, plus politique, consiste à rappeler que si les parlementaires socialistes veulent proposer une alternative, ils le peuvent, à la condition de trouver une majorité. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a ainsi laissé ce mardi matin sur RTL entrouverte la possibilité d’une révision de la révision : « Je suis absolument convaincu que nous aurons la majorité, parce que je ne vois pas comment, face à un problème aussi grave, nous ne pourrions pas nous rassembler autour d’une positon de sagesse. »

À l’Élysée comme au gouvernement, on regarde avec intérêt les pistes de sortie possibles, et notamment l’extension de la déchéance à tous les Français condamnés pour terrorisme (et pas seulement les binationaux). Si Hollande ne trouve pas de majorité, c’est le plan B privilégié (lire à ce sujet l’article de Carine Fouteau). La proposition a le soutien du président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Le Roux, proche

de François Hollande, de la présidente de la commission des affaires étrangères Élisabeth Guigou, mais aussi de plusieurs conseillers de Matignon et de l’Élysée. « On en est à graduer dans l’horreur, se désole un député pourtant légitimiste. Créer des sous-hommes apatrides, au moins, ça permet de ne pas créer deux catégories de Français. »

Seul gros problème politique pour le chef de l’État : le respect de sa parole, évoqué à toutes les sauces par son entourage pour expliquer qu’il ne pouvait se dédire. Lors de son discours au Congrès, le 16 novembre, il excluait ainsi de créer des apatrides : « La déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu’un apatride, mais nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, je dis bien “même s’il est né français”, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité. »

Si cette proposition ne convainquait pas davantage les députés de gauche, un plan C est également évoqué : la création d’une peine d’indignité nationale, notamment portée par l’avocat Jean-Pierre Mignard, proche de François Hollande, la maire de Paris Anne Hidalgo, ou encore Bernard Roman. Une mesure qui tire ses racines de l’Ancien Régime, et qui a été activée à la Libération — mais dans un tout autre contexte – et poserait aussi plusieurs problèmes, moraux comme juridiques (lire l’article de Mathieu Magnaudeix).

Mais qu’importe, une fois renommée (circulent déjà parmi les députés les termes de « déchéance de citoyenneté » ou de « déchéance républicaine »), cette solution pourrait en théorie sauver les meubles élyséens, en recueillant une majorité socialiste. « Le problème, c’est que le “gros” est accroché à son mot et ne veut rien entendre », soupire un parlementaire. D’autres idées sont aussi sur la table, comme l’hypothèse que le pouvoir de déchoir de sa nationalité soit confié au président, ou à un juge, et non plus au ministre de l’intérieur.

Dans tous les cas, la seule obsession de François Hollande est de trouver une majorité. « Le président a assumé son texte, il a fait sa part du travail, explique-t-on à l’Élysée. Maintenant c’est au Parlement de faire le sien. La seule chose qui compte, c’est que la réforme constitutionnelle soit adoptée. » Et ce sera très difficile. Pour une

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VI) Marine Le Pen : « Vous me verrez peu cette année »

réforme constitutionnelle, il faut que le texte soit voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale (dominée par le PS) et par le Sénat (dominé par la droite), avant d’être adopté par les 3/5e des parlementaires lors d’une réunion du Congrès à Versailles. Or, il semble exclu que la droite aide François Hollande à sortir de ce guépier.

Autant dire que le débat interne aux socialistes est loin d’être la seule préoccupation de l’exécutif. C’est plutôt la discussion avec la droite qui les inquiète. « Tout le monde a intérêt à nous faire chier : la gauche qui n’est pas d’accord et la droite qui va faire de la surenchère pour que ce ne soit pas voté dans les mêmes termes », résume un conseiller gouvernemental. Un autre, sous couvert d’anonymat : « Il ne s’agit pas de nous convaincre entre nous mais de convaincre la droite. C'est tout le problème. » Peut-être aurait-il fallu y penser avant. Peut-être aurait-il fallu penser tout court.

mediapart.fr

F.V. (images : Mounir Soussi/Stéphane Hamalian et AFP)

http://dai.ly/x3l85ig

La présidente du FN annonce qu’elle limitera ses sorties médiatiques en 2016 pour être «dans la plus grande proximité possible» avec les Français «avant de lancer (sa) campagne présidentielle début 2017». La question d’un changement de nom du FN sera évoquée lors d’un séminaire.

Ses soutiens devront prendre leur mal en patience. D’autres se réjouiront. L’année 2016 sera moins médiatique pour Marine Le Pen. C’est ce qu’a assuré la présidente du Front national, ce jeudi, lors de ses vœux à la presse. « Vous me verrez peu cette année. Nous aurons peu d’occasions de nous rencontrer directement parce que j’irai cette année, avant de lancer ma campagne présidentielle début 2017, et pas avant, au contact direct des Français » a annoncé Marine Le Pen au

siège du parti d’extrême droite, à Nanterre.

« J’ai en effet l’intention de passer 2016 dans la plus grande proximité possible avec notre peuple. J’ai envie de l’écouter encore davantage, j’ai besoin de discuter avec toutes ses composantes, toutes ses forces vives, tout ses métiers et avec les habitants de tous les territoires » explique la candidate défaite aux régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui a tout de suite mis en application ses propos, ne répondant pas à la presse.

Parti de premier tour

Le bilan de 2015 est mitigé pour le FN. Le parti a réalisé des scores énormes aux régionales, notamment en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA, battant son record en nombre de voix nationalement, mais sans réussir au second tour à emporter la moindre région.

Comment sortir de cette situation qui définit le mouvement comme un parti de premier tour, mais pas de second ? Ce sera l’objet d’un séminaire à la fin du mois. L’objectif « est de réfléchir sur ce qui nous sommes, ce que nous avons fait, qui est un travail considérable (…) et voir comment on peut être encore plus performant. On est le parti politique le plus dynamique dans la vie politique française, mais on peut sûrement faire encore mieux » croit Florian Philippot, vice-président du FN chargé de la stratégie et de la communication.

« Le nom du FN est pour certains une barrière psychologique »

La question du changement de nom pourra être abordée lors du séminaire. « Est-ce que le nom sera discuté ? Peut-être. Si Marine Le Pen décide qu’on parle du nom du FN, on peut en parler, ce n’est pas un sujet tabou, on l’a déjà dit. Ce nom est une force mais (il peut être) aussi pour certains une barrière psychologique qui les empêche même de nous écouter et d’entendre nos idées, c’est quand même dommage » a expliqué Florian Philippot. Regardez le :

http://dai.ly/x3l84s2

Florian Philippot : « Le nom du FN est une force mais il peut être aussi pour certains une barrière psychologique »

Page 10: Gérard Diez La Presse en Revue MEILLEURS VOEUXdata.over-blog-kiwi.com/0/99/20/93/20160108/...en... · Robert Badinter au Forum Libé de Rennes, en avril 2014. Photo Adèle Brossard

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Florian Philippot ajoute qu’« avant même le nom, c’est le fond. Qu’est-ce qui fait que les gens peuvent au second tour se mobiliser uniquement contre nous ? (…) Des gens de bonne fois ont certaines idées en tête. Il faut leur expliquer que c’est l’inverse. Nous sommes là pour apporter du plus, pas du moins ».

Le vice-président du FN ne dit pas en revanche si le séminaire sera l’occasion de réfléchir aux affaires qui devraient marquer l’année 2016 pour le FN. Marine Le Pen a en effet été entendue mardi par les juges d'instruction, sans être mise en examen, dans l'enquête sur des soupçons de surfacturation lors des campagnes électorales du parti frontiste en 2012. La dirigeante du FN a été interrogée sous le statut de témoin assisté, intermédiaire entre celui de témoin simple et de mis en examen.L'enquête a révélé un possible système frauduleux destiné à capter de l'argent public, avec plusieurs millions d'euros en jeu.

Une autre enquête avait été ouverte en 2015 par le parquet de Paris sur l'emploi et le paiement litigieux d'assistants d'élus frontistes au Parlement européen. Plus récemment, l'autorité pour la transparence (HATVP) a transmis à la justice les déclarations de patrimoine de Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen, soupçonnant des sous-évaluations. Le parquet national financier (PNF) les a joints à une enquête déjà ouverte pour fraude fiscale à l'encontre de Jean-Marie Le Pen.

publicsenat.fr

VII) Sarkozy, retour sans le futur

Par Alain Auffray

Nicolas Sarkozy, le 25 novembre à Schiltigheim (Bas-Rhin), lors de la campagne des élections régionales. Photo Pascal Bastien pour «Libération»

L’ex-président tablait sur la prise de son parti pour s’imposer à droite. L’année 2015 a sapé sa stratégie. Et son aura parmi les siens.

Nicolas Sarkozy ? «Nos bourgeois n’en veulent plus !»

Plus de doute, Nicolas Sarkozy a perdu son pari. Le pari d’un retour en chef de parti qui ferait de lui, mécaniquement, l’incontestable champion de la droite pour la présidentielle de 2017. A en croire ses supporteurs, c’était écrit. La règle ne souffrait aucune exception : celui qui contrôle l’appareil partisan l’emporte nécessairement sur tous ses concurrents.

Voilà qui est loin de se vérifier. Un an après son élection, le leadership de Sarkozy n’a jamais paru aussi fragile. Il est vrai que le triomphe du FN au premier tour des régionales a sérieusement entamé la crédibilité de celui qui prétendait «devoir» revenir au motif qu’il était le seul à pouvoir faire reculer le parti d’extrême droite. Depuis le 13 Novembre, il est accablé de sondages qui confirment que les trois quarts des Français ne veulent plus le voir à l’Elysée et qu’Alain Juppé ferait un bien meilleur candidat. Dans l’enquête Elabe - les Echos diffusée jeudi, Nicolas Sarkozy décroche de 15 points auprès de l’électorat de droite.

L’hypothèse de l’abandon

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Les temps ont vraiment changé. L’an dernier, la question récurrente était : «Juppé tiendra-t-il la distance ?» Aujourd’hui, ce serait plutôt : «Sarkozy ira-t-il jusqu’au bout ?» Certains vont même jusqu’à spéculer sur son attitude en cas de retrait. Saura-t-il sortir par le haut avec panache, en se félicitant d’avoir été le pacificateur désintéressé de sa famille ? Ou voudra-t-il se venger en poussant Bruno Le Maire pour punir Alain Juppé et François Fillon d’avoir pourri son retour ? Impensable début 2015, l’hypothèse d’une non-candidature est désormais spontanément évoquée par quelques responsables de la droite. Même les dirigeants du PS commencent à envisager sérieusement l’élimination de celui qui reste l’adversaire rêvé de François Hollande. «Si Juppé conserve une telle avance, Sarkozy va devoir renoncer car il ne peut pas prendre le risque de perdre», constate l’un d’eux, avec regrets.

Le chef dégradé

La plupart des élus LR sollicités par Libération racontent la même histoire. Dans leurs circonscriptions, ils sont frappés par le rejet de l’ancien chef de l’Etat jusque dans leur propre électorat. «Nos bourgeois n’en veulent plus !» constate le maire d’une commune cossue de la banlieue ouest de Paris. En marge d’une réunion de médecins libéraux, un de ses collègues confie avoir été frappé par l’antisarkozysme de l’assemblée. Un troisième résume l’état d’esprit général : «Quand deux députés LR se croisent, que se disent-ils ? "Sarko, moi je veux bien, mais comment faire ?" Chez moi, plus personne ne veut voter pour lui.» Les élus ont été impressionnés par les manifestations les plus brutales de cette désaffection entre les deux tours des régionales, quand les candidats de droite demandaient à être dispensés de l’encombrant soutien de Nicolas Sarkozy. Dans les Hauts-de-Seine, fief historique de l’ex-maire de Neuilly, le nom de l’ancien président n’a même pas été prononcé par la quinzaine d’orateurs qui se sont succédé à la tribune du dernier meeting de Valérie Pécresse… A droite, beaucoup n’ont pas compris comment le chef avait pu filer au Parc des princes pour un match de foot sans attendre les résultats des régionales. Ils y voient le symptôme d’une démobilisation. Un Sarkozy conquérant aurait tenu à être le premier à féliciter les vainqueurs et à consoler les perdants.

La Sarkozie saisie par le doute

Certes, les proches de l’ancien chef de l’Etat

affichent toujours une confiance à toute épreuve. Sarkozy est par définition le meilleur et ils ne doutent pas que cela finira, tôt ou tard, par se voir. Mais le temps presse. Dans dix mois, les électeurs de la droite et du centre seront invités à désigner le vainqueur de la primaire. Les principaux protagonistes, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire, sont déjà en campagne dans leurs QG flambant neufs, avec des comités de soutien bien garnis et d’importants moyens financiers récoltés auprès de donateurs. Sarkozy, lui, a prévu de ne se lancer officiellement qu’en septembre. Ne sera-t-il pas déjà trop tard ? C’est ce que craignent certains sarkozystes authentiques comme Roger Karoutchi ou Eric Ciotti, ex-filloniste animé en cette rentrée par le zèle des convertis. Ils militent pour que leur champion se déclare sans tarder. Quitte à se mettre en congé de la direction du parti. Selon l’un de ses anciens ministres, le chef de LR doit «arrêter de se poser en champion de l’unité de la famille. Aujourd’hui, les partis sont totalement discrédités. Tout le monde s’en fiche. Pendant ce temps-là, les autres avancent». Pour ce sarkozyste désemparé, le chef de LR doit comprendre la vraie nature d’une primaire mobilisant plus de 3 millions d’électeurs. «Il a trop longtemps considéré qu’il était imbattable. Pour lui, la primaire n’était qu’une sorte de consultation des 250 000 militants de LR qui feraient voter leur famille et leurs amis.» Tout indique qu’il n’en sera rien.

LR, une marque qui rétrécit

Avec Les Républicains, ce parti «refondé» qui devait transcender les vieux clivages partisans, il espérait avoir dégainé, début 2015, l’arme antiprimaire. Tandis que ses concurrents s’agiteraient à la tête de leur petite chapelle, il allait, lui Sarkozy, prendre la présidence d’un immense rassemblement porté par la «démocratie participative». C’est chez Les Républicains et nulle part ailleurs que «l’alternance» se mettrait en marche. Avec Nathalie Kosciusko-Morizet en numéro 2 et Laurent Wauquiez en numéro 3, il réconciliait la droite Carla (Bruni) et la droite (Patrick) Buisson. Il devait réunir 300 000 adhérents fin 2015 et près de 500 000 fin 2016.

Il ne reste pas grand-chose de cette grande ambition. Loin d’être l’incubateur de l’alternance, LR se rétrécit autour de son chef. Samedi, Sarkozy pendra la parole devant quelques centaines de nouveaux adhérents. Il tentera, une fois de plus, de défendre la crédibilité du parti comme lieu de partage et d’unité de la famille politique. Dans le message vidéo posté le soir de

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A Suivre… La Presse en Revue

Noël, on le découvre, sur fond de crèche et de sapin scintillant, se souhaitant à lui-même «beaucoup d’autorité pour essayer de mettre tout le monde dans la même direction». C’est assez mal parti. Les quatre nouveaux porte-parole de LR (Guillaume Larrivé, Guillaume Peltier, Valérie Debord et Brigitte Kuster) sont des sarkozystes pur sucre. Les plus prometteurs quadragénaires de la droite ont refusé de participer à la nouvelle direction qui sera installée la semaine prochaine. Sollicitée pour remplacer NKM, la première adjointe de Juppé à la mairie de Bordeaux, Virginie Calmels, a refusé. Quant au vice-président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie Gérald Darmanin, ancien porte-parole souvent présenté par Sarkozy comme l’un des plus brillants de sa génération, il quitte la direction de LR. «Je n’ai pas senti d’envie de Sarkozy pendant la campagne. Les gens en ont marre de la politique comme avant. Il faut qu’il change d’entourage et de méthode», a-t-il confié jeudi à la Voix du Nord. Selon un cadre de LR, le parti est si peu attractif qu’il peine à trouver des candidats pour le renouvellement de ses instances internes.

Le parti asphyxié par la primaire

Si le parti n’a pas pris son envol, c’est que la primaire lui a coupé les ailes. Une étrange compétition qui ne disait pas son nom s’était engagée à l’été 2014 : Alain Juppé, candidat à la primaire mais pas à la tête du parti, contre Sarkozy, candidat à la présidence du parti pour tuer le match de la primaire.

En s’appuyant sur son chef de projet, le fidèle Eric Woerth, Sarkozy aura tout tenté pour que les débats de fond se nouent rue de Vaugirard, au siège du parti. Depuis la première convention sur l’islam, au début de l’année dernière, il multiplie les réunions thématiques. Pour asseoir la légitimité des propositions du parti, il les soumet aux militants via Internet. Elles sont évidemment toutes approuvées, à 97 % minimum. Mais même les commentateurs les plus bienveillants ont du mal à s’intéresser à ces conventions. Chacun a compris que le débat tournera autour des candidats à la primaire et de leurs projets. Sarkozy tentera le mois prochain, une fois de plus, de faire exister ses «Républicains» en réunissant un conseil national (le parlement du parti) qui devrait se conclure par «l’adoption d’un projet politique extrêmement fort». On voit mal pourquoi les candidats à la primaire accepteraient de jouer en 2016 le jeu auquel ils ont refusé de participer l’an dernier.

Pourquoi ils Y croient encore

Pour Brice Hortefeux, l’immuable ami de quarante ans, Sarkozy ne doit surtout pas écouter ceux qui lui conseillent de lâcher le parti. Au-dessus de la mêlée, il doit rester celui qui défend l’intérêt collectif, tandis que d’autres «s’occupent de leur nombril». C’est aussi l’avis de l’un des principaux conseillers de l’ancien chef de l’Etat : «Il ne doit surtout pas avancer sa candidature. On dira qu’il panique !» Loin de craindre la primaire, Sarkozy devrait selon lui, en revendiquer la paternité et même prétendre qu’il l’aura rendue possible en désamorçant les tensions au sommet de la droite.

Selon l’un de ses proches, Nicolas Sarkozy ne pourra éviter de faire lui-même le bilan critique de son quinquennat avant de se lancer comme un homme neuf. Pour se rassurer, les sarkozystes se racontent en boucle l’histoire de Jacques Chirac qui démontre que tout est possible : que le facho-Chirac des années 80 a pu se transformer en quasi-gauchiste des années 90. Et que le sinistré des sondages du début de 1994 a fini victorieux d’Edouard Balladur en 1995.

Alain Auffray