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QUALITÉ 12 QUALITÉ CONSTRUCTION N° 150 MAI / JUIN 2015 Les mouvements différentiels de terrain dus à l’alternance sécheresse-réhydratation des sols sont la cause d’une sinistralité majeure affectant nombre de maisons construites sur certains sols argileux. Les fissurations des maisons ont des origines diverses tenant au sol, au climat, à une hydratation accidentelle, à la végétation et à la construction elle-même. TEXTE : PHILIPPE HEITZ PHOTOS & ILLUSTRATIONS: ALAIN-FRANCK BÉCHADE, CEREMA ORLÉANS, CSTB, RICHARD FABRE (UNIVERSITÉ DE BORDEAUX), GÉOTECHNIQUE RETRAIT- GONFLEMENT DES ARGILES : QUAND LE SOL SE DÉROBE… GÉOTECHNIQUE RETRAIT- GONFLEMENT DES ARGILES : QUAND LE SOL SE DÉROBE… Photo Alain-Franck Béchade L’assèchement profond et intense du sol argileux sous les fondations par les racines d’un arbre à haute tige a conduit à l’affaissement de l’angle.

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Les mouvements différentiels de terrain dus àl’alternance sécheresse-réhydratation des sols sont

la cause d’une sinistralité majeure affectant nombre de maisons construitessur certains sols argileux. Les fissurations des maisons ont des originesdiverses tenant au sol, au climat, à une hydratation accidentelle, à la végétationet à la construction elle-même.

TEXTE : PHILIPPE HEITZ PHOTOS & ILLUSTRATIONS :ALAIN-FRANCK BÉCHADE, CEREMA ORLÉANS, CSTB,RICHARD FABRE (UNIVERSITÉ DE BORDEAUX),

GÉOTECHNIQUE

RETRAIT-GONFLEMENTDES ARGILES :QUAND LE SOLSE DÉROBE…

GÉOTECHNIQUE

RETRAIT-GONFLEMENTDES ARGILES :QUAND LE SOLSE DÉROBE…

Photo Alain-Franck Béchade

L’assèchement profond et intense du sol argileux sous les fondations par les racines d’un arbre à haute tige a conduit à l’affaissement de l’angle.

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exemple, un seul gramme de smectite contient 700à 900m2 de surface spécifique, et une kaolinite seu-lement 10 à 45 m2/g. C’est pourquoi une argile gon-flante a une très grande capacité d’adsorption d’eauet peut perdre 20 à 50 % de son volume en séchant. En plus d’écarter les feuillets des argiles gonflantes(hydratation interfoliaire), l’eau mobilise aussi autour des particules d’argile gonflante des ions responsables de forces électrostatiques répulsivesqui écartent ces particules, faisant augmenter levolume de l’argile.Mais un sol naturel n’est pas qu’une argile pure etprésente une granulométrie variée, avec les cailloux(plus de 2 cm de diamètre), les graviers (entre 2 cmet 2 mm), les sables (entre 2 mm et 60 �m), les limons (ou silts, entre 60 et 2 �m) et les argiles (endessous de 2 �m). L’enchevêtrement des gros grainsqui frottent entre eux forme un squelette. Les pla-quettes d’argile s’agglutinent entre elles et avec lesgrains par la force capillaire due à la présenced’eau et d’air dans les pores entre les grains du sol.Les ménisques formés entre l’air et l’eau liée auxgrains et aux plaquettes créent une force capillaireattractive qui assure la cohésion de l’ensemble.D’autres forces attractives ou répulsives (forces deVan der Waals, d’hydratation des ions, forces élec-trostatiques) contribuent à un équilibre complexe,dépendant de la teneur en eau du sol. La résultantede ces forces agissant sur l’eau est appelée engéotechnique «succion du sol». Elle équivaut àune dépression et s’exprime en kPa. La succion estfaible à nulle pour des sols saturés en eau et trèsforte pour des sols secs.

L’hydratation accidentelle entraînela plastification des argilesSi les pores du sol sont noyés par l’eau, les mé-nisques, et donc les forces capillaires, disparaissententre grains et plaquettes: l’argile est «plastifiée»et fait office de lubrifiant entre les grains, toutcomme l’eau. Par ailleurs, la cohésion intrinsèquedu sol diminue en raison de l’absorption d’eau,pression d’eau dite «pression interstitielle». Defait, la résistance à la compression du sol ne re-pose plus que sur les frottements entre élémentsgrossiers, d’où une perte de portance pour les fon-dations d’un ouvrage. Les scientifiques ont puconstater que tant que le sol est non saturé d’eau,les forces capillaires s’opposent aux déformationsvolumiques du sol lors de l’humidification. C’estpourquoi les experts insistent sur un ensemble demesures de prévention et de maîtrise de la teneuren eau du sol d’assise argileux: drainage en amont,trottoir ou géomembrane étanche autour de la mai-son, collecte étanche des eaux pluviales. Et comptetenu de la lenteur de séchage des argiles

Bien moins médiatisée que les tempêtesou les inondations, parce qu’elle est dif-fuse, lente et ne cause pas de perteshumaines, la subsidence est cependantle second poste d’indemnisation du ré-

gime des catastrophes naturelles, juste derrière lesinondations. Le coût des sinistres dus au retrait-gonflement des argiles est très élevé: 4,9 milliardsd’euros indemnisés entre 1989 et 2009 au titre descatastrophes naturelles selon la Caisse centrale deréassurance (CCR) (1), avec plus de 4000 communesretenues lors de la canicule de 2003. Le coût dessinistres ne cesse de s’alourdir. Estimé en moyenneà 10500 euros par la CCR pour les deux vagues desécheresse de 1989 et 1995, un rapport gouverne-mental le donnait en moyenne à 29500 euros pourles sinistres après la sécheresse de 2003, et l’Agencequalité construction (AQC) indiquait en 2007 lechiffre de 35000 euros. L’amplitude du coût des ré-parations des maisons endommagées est trèsvariable, explique l’expert Alain-Franck Béchade (2),notamment quand, «suite à un diagnostic tronqué,les travaux de reprise ont seulement traité le mouvement différentiel et les fissures, sans neutra-lisation de l’origine des dommages. Le sinistre deseconde génération coûte de 100000 à 150000 eurosen principal, sans compter les frais immatériels derelogement, les frais d’expertise.»Dans un contexte de réchauffement climatiquemondial, l’État a lancé en 2006 et soutenu via l’Agencenationale de la recherche (ANR) et l’Ademe les pro-jets Argic 1 puis 2 (Analyse du retrait-gonflementet de ses incidences sur les constructions), réunis-sant 13 organismes sous la coordination du BRGMet de l’Ifsttar (3). Les recherches scientifiques toujours en cours comme le retour d’expérience desexperts permettent de mieux comprendre les mécanismes en jeu.

Des familles d’argilesplus ou moins gonflantesLes minéraux argileux ont tous en commun unestructure primaire en feuillet nanométrique compo -sé de trois ou quatre plans parallèles d’atomesd’oxygène entre lesquels s’insèrent des atomes desilicium et d’aluminium. Selon les argiles, cesfeuillets s’empilent de quelques-uns jusqu’à plus demille ensemble, constituant des agrégats micro -métriques de formes variées: plaquettes, mem-branes, fibres, nanotubes. Les kaolinites ne gonflentpas: leurs feuillets sont empilés en plaquettes ri-gides dans lesquelles les molécules d’eau nerentrent pas. À l’inverse, l’eau peut pénétrer entreles feuillets des smectites et des montmorillonites,dilatant ainsi leur réseau: ces argiles gonflent parhumidification, et se rétractent par dessiccation.Cette différence de sensibilité à l’eau pourrait êtreà l’image de celle entre du sable et une éponge. Cettestructuration en feuillet, forme géométrique à trèsgrande surface par rapport au volume et à la masse,confère aux argiles des propriétés d’adsorptiond’eau proportionnelles à leur «surface spécifique»,c’est-à-dire la surface cumulée interne des feuilletset externe des particules, exprimée en m2/g. Par

(1) La CCR est une entreprisepublique de réassurance et degestion de fonds publics degarantie (risques enagriculture, risques naturelsmajeurs, risques de l’assurancede la construction…).

(2) Alain-Franck Béchadeest l’auteur de l’ouvrageLa pathologie des fondationssuperficielles (2014), éditépar le CSTB en partenariatavec l’AQC. À commander surwww.qualiteconstruction.com.

(3) Partenaires du projet Argic:• BRGM (Bureau derecherches géologiques etminières) • Armines (Centre degéosciences) • Cermes (Écoledes Ponts ParisTech) • Fondasol • I2M-GCE(université de Bordeaux)• HydrASA-LEA (université dePoitiers) • Ineris • Inra • Insavalor (Laboratoire degénie civil et ingénierieenvironnementale de l’InsaLyon) • Laego (Institut nationalpolytechnique de Lorraine)• LCPC devenu Ifsttar• LMSSMat (École CentraleParis) • Météo-France.

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“Le coût des sinistres dus au retrait-gonflement des argiles est très élevé:4,9milliards d’euros indemnisés entre 1989et 2009 au titre des catastrophes naturelles”

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les sols argileux quatre états aux propriétés physiquesdistinctes. À partir de la «limite de plasticité», l’ad-jonction d’eau entraîne la plastification déjà évoquéeet l’argile «boit» l’eau sans changer d’état jusqu’à la«limite de liquidité» où elle est saturée, n’adsorbeplus l’eau et voit sa résistance à la compressions’effondrer (« état liquide »). Par dessiccation àpartir de cette même «limite de plasticité», l’ar-gile à l’état solide va diminuer de volume (retrait)tout en gagnant de la résistance à la compression,jusqu’à la «limite de retrait» à partir de laquellela perte en eau ne changera plus le volume du sol,mais fera perdre de la résistance à la compressionpar diminution des forces capillaires.En cas de dessèchement du sol argileux, la dessic-cation conduit ponctuellement au retrait de l’argiledont le volume diminue par expulsion de l’eau (5 à10%), ce qui entraîne des pertes d’appuis ponctuellesdes structures: c’est le tassement différentiel. Ladessiccation différentielle (autour et sous laconstruction) associée ou non à l’hétérogénéité dusol (argile d’un côté, sable de l’autre) entraîne destensions dans les structures (flexion, cisaillement),qui se libèrent avec l’apparition des fissures des maçonneries et des ouvrages en béton armé.Le climat, les hydratations accidentelles et la vé-gétation sont principalement à l’origine de cesmouvements lents du sol argileux. Les recherchesmenées depuis le programme Argic par l’Univer-sité de Bordeaux (4) sur la commune de Pessac(Gironde) par une analyse des nombreux sinistressur des maisons individuelles et par l’instrumen-tation depuis 2008 d’une parcelle expérimentaleont montré sur cinq années une corrélation très forteentre les mouvements du sol entre 1 m et 3 m deprofondeur et le cumul des pluies «efficaces» (5)(voir schéma ci-dessus). Le sol sensible au retrait-

en profondeur (5 à 10 cm par an sous un bâtiment),la prévention commence dès le chantier par le drai-nage et l’évacuation des eaux de pluie. Alain-FranckBéchade insiste: «Les sinistres liés à une hydrata-tion accidentelle des argiles sont les plus fréquents.Un regard fuyard à 40 euros peut casser une maisonà 100000 euros. L’infiltration continue dans le sous-sol argileux induit une plastification de l’argile,entraînant un défaut de portance localisé. La struc-ture subit des tensions qui finissent par se libéreravec l’apparition des fissurations des maçonneries.»L’hydratation accidentelle se traduit par une pertede portance accompagnée d’une déformation irré-versible. L’assèchement peut rétablir la portance,mais pas l’altitude initiale de la construction. C’estpourquoi le sinistre peut ne se déclarer qu’aprèsdes années de succession de cycles où alternentdes périodes de sécheresse et des périodes plu-vieuses. Dans ce cas, l’alternance de retraits etgonflements des sols argileux aggrave à chaque cycle le mouvement différentiel sous les maisonsentre zone argileuse et zone graveleuse. Par ailleurs, avant même le changement de consis-tance, l’humidification entraîne une augmentationde volume si l’argile est gonflante. En l’absence devide sanitaire sous la dalle du plancher bas, celle-ci subit alors la poussée du sol et peut être déformée.

La subsidence du sol par retrait des argilesLa baisse de niveau (subsidence) et la perte de vo-lume d’un sol par le retrait des argiles pourrait s’il-lustrer par l’image du dessèchement progressifd’une éponge: le volume diminue, mais la résistanceà la compression augmente, jusqu’à une limite où ladessiccation croissante n’entraîne plus la rétraction. L’agronome suédois Albert Atterberg a décrit pour

1 Illustration Richard Fabre/Université de Bordeaux

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2Photos Alain-Franck Béchade

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du sol autour de deux chênes proches de l’habita-tion: en surface et jusqu’à 1,20 m de profondeurpar évapotranspiration et en liaison avec l’arbre,puis après 2,50 m de profondeur, révélant ainsi lacapacité de l’arbre à développer un double sys-tème racinaire (voir schéma ci-dessus).

L’influence géotechniquedes arbres et arbustesLes végétaux absorbent eau et nutriments solublesdu sol par leurs fines radicelles en contact intimeavec la terre. L’efficacité de leur prélèvement estmultipliée par l’association symbiotique de leurs radicelles avec des champignons pour former desmycorhizes: jusqu’à mille mètres de filaments my-céliens peuvent entourer un mètre de racine. Ainsi,le champignon permet à la plante de prélever eau,phosphore et azote dans des endroits inaccessiblesaux racines. L’eau du sol est donc soumise à troisforces concurrentes: la gravité, la succion du solet la succion des radicelles. Ces dernières sont capables de pomper l’eau libre d’un sol saturé etl’eau capillaire présente dans les pores d’un sol humide. Au contact des particules argileuses, le végétal ou le champignon ne pourra attirer l’eau quesi sa force de succion l’emporte sur les

gonflement a réagi comme une éponge à l’eau dis-ponible en profondeur, résultat de la pluviométriediminuée de l’évaporation directe et de la transpi-ration des végétaux. Des coupes de sol ont montréque des veines silto-sableuses et les fissures de re-trait du sol accéléraient les transferts hydriques aumilieu des couches argileuses imperméables. Surce site, retrait et gonflement sont maximums jusqu’à3 m de profondeur, et le gon flement est jusqu’à troisfois plus rapide que le retrait. Le front d’assèchementdes sols y a atteint en 2009 la profondeur d’au moins3,5 m en sols argileux homogènes, voire 4,50 m si-non plus en cas de présence de passées sableuses. Les chercheurs ont également instrumenté en 2011les alentours d’une maison individuelle présentantplusieurs zones de fissurations à Roaillan (Gironde).Les fissures se sont complètement refer méesdans la zone Est suite à l’abattage des arbres. Ladéformation du sol argileux par as sèchement estréversible: une humidification modé rée lui redonnevolume et portance. Alain-Franck Béchade qua lifiece phénomène de «résilience».Avant l’implantation d’écrans anti-racines dansles autres zones sinistrées de cette maison, leschercheurs mesurent les données de succion (outension) du sol, révélant un assèchement important

(4) Compréhension des mécanismes de retrait-gonflement des sols argileux : approche sur site expérimental et analyse de sinistres surconstructions individuelles (2010) par Marie Chrétien – Thèse n° 4033 – Université de Bordeaux 1 (téléchargeable sur Internet).

(5) La pluie « efficace » (pour la recharge hydrique du sol) est celle qui tombe diminuée de celle qui s’évapore, de celle qui ruisselle et de latranspiration de la végétation.

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Diagramme de corrélationentre les déplacements du solargileux (courbe rouge)et le paramètre des conditionshydriques cumulées (noté CHc –courbe bleue) sur cinq annéesde mesures, entre septembre 2008et février 2014.

Fuite sur le regard :désolidarisation de la terrasse

Auréole d’humidité dansle vide sanitaire sous le regardfuyard en pied de chute des eauxpluviales.

Mesures de succion du solentre un chêne et la fondationd’une maison (Roaillan, Gironde).

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4Illustration Cerema Orléans

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“L’eau du sol est soumise à trois forces concurrentes: la gravité, la succiondu sol et la succion des radicelles”

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forces d’attraction de l’argile : il demeurera tou-jours une mince couche d’eau liée à l’argile. Les diagnostics d’expertise de nombreux sinistresde subsidence, comme les recherches scienti-fiques, montrent l’importance de la végétationligneuse dans le retrait des sols argileux. La pro-fondeur de prélèvement de la strate herbacée nedépasse pas 1,5 m, alors qu’elle peut dépasser6 m pour les arbres à haute tige. Un grand arbreen souffrance hydrique peut aller chercher l’eau à30m de distance. Et particulièrement là où la teneuren eau du sol est la plus forte: sous les maisons.Une étude anglaise donne des recom mandationsempiriques de distance minimale entre l’arbre etla construction par rapport à la hauteur maximalede l’espèce: 1 fois la hauteur pour chêne, peuplier,saule, cerisier, prunier et une demi- hauteur pourtilleul, frêne, platane, orme, hêtre, érable-syco-more, bouleau et cyprès. Alain-Franck Béchadefait part de son retour d’expérience: «Je retiens unefois la taille adulte pour un arbre ou arbuste seul,et une fois et demie pour un groupe d’arbres ou d’ar-bustes comme une haie séparative.»Comme le prélèvement d’eau par la plante est pro-portionnel à la surface développée des feuilles(sur face foliaire), même un petit arbuste au feuillage dense assèche le sol autour de lui. Or spontanémenton le plantera volontiers plus proche de la construc-tion. De plus, les arbres à feuilles persistantes (ré-sineux notamment) ont un prélèvement toute l’année.Des mesures d’abattage ou de mise en place d’écrananti-racines après sinistre ont montré leur efficacité.

À l’issue de plusieurs mois ou saisons, les fissuresdes maisons peuvent se refermer, confirmant lediagnostic de l’expert sur l’origine de la subsi-dence. Alain-Franck Béchade recommande troistypes d’écrans selon les cas: film polyester étancheou géomembrane descendus à 2,5 m; tranchée de30 cm de large remplie de béton coulé à pleinefouille ; voile en palplanches métalliques battuesjusqu’à 4 à 5 m de profondeur. Le rapport Argic (6) résume les mesures de pré-vention du dessèchement intense du sol :• pelouse plutôt qu’arbres ou arbustes;• feuillage caduc plutôt que persistant ;• pins plutôt que les autres résineux;• espèces s’adaptant à la sécheresse, qui diminuent

leur consommation;• limitation du feuillage par taille ou élagage;• couvert arboré discontinu pour une meilleure ré-

hydratation du sol par la pluie.

Toutes les maisons ne fissurent pas…Les enquêtes du CEBTP (1991) (7), du ministère del’Environnement (1993) montrent que les trois quartsdes sinistres portent sur des maisons individuellesde plain-pied, souvent construites en dallage surterre-plein avec des fondations sur semelles filantescontinues ancrées entre 0,40m et 0,80m sur des solsargileux, dépourvues de joints de structure et d’unerigidification par chaînages, et à proximité d’arbresou de haies. Le retour d’expérience des experts montreque les maisons rigidifiées dans les Règles de l’art pardes fondations en béton correctement ferraillées,ancrées à 0,80 m minimum de profondeur, liéespar chaînages verticaux aux chaînages horizon-taux de chaque niveau, résistent normalement aux tassements différentiels du sol.

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(6) Projet Argic – Rapport final BRGM/RP-57011-FR – mai 2009 (téléchargeable sur Internet).(7) Guide Détermination des solutions adaptées à la réparation des désordres des

bâtiments provoquées par la sécheresse. www

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Un peuplier a développéde grosses racines sous laterrasse d’une maison à 12 mde distance.

Fissure horizontaleavec désaffleur en milieude pignon, caractéristiquede la succion du chêne voisin.Développement d’une branchevers la construction.

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Un essai mené au Cerema de Rouen, dans le cadredu projet Argic, a éprouvé la résistance d’une maquette de maison à taille réelle, soumise à untassement différentiel de ses appuis simulé parl’abaissement progressif de vérins hydrauliquessur lesquels elle reposait. Il a fallu aller jusqu’àmettre la moitié de la maison en porte-à-faux avecun abaissement des appuis de 2 cm pour qu’unefissuration d’un seul angle ne se produise (8).Diverses méthodes de renforcement du bâti exis-tant peuvent être mises en œuvre après sinistre:• pose de tirants métalliques, d’armatures scellées,

création de chaînages;• injections de coulis de ciment ou de résine ex-

pansive pour améliorer les caractéristiques dusol d’assise sous les fondations;

• reprise des fondations en sous-œuvre par cou-lage séquencé de béton massif, ou par systèmede puits et longrines;

• mise en place de micro-pieux liaisonnés à la fondation par massifs ou longrines de rigidifica-tion en béton armé.

Pour la construction neuve sont préconisés la réalisation de planchers sur vide sanitaire, la rigidification des constructions et des trottoirs périphériques systématiques. Mais ces renforcements des fondations après unpremier sinistre, qui sont déjà les réparations lesplus coûteuses (9), ne prémuniront pas d’un si -nistre de seconde génération bien plus coûteuxencore si les origines des tassements différentielsdu sol n’ont pas été traitées: hydratation acciden-telle et/ou succion des racines.C’est pourquoi Alain-Franck Béchade plaide «pourune intervention graduelle. L’expert doit convaincre le maître d’ouvrage de prendre le temps de l’obser-vation, sur plusieurs mois, voire même plusieurssaisons pour les sinistres complexes, pour poser lebon diagnostic. Il faut d’abord maîtriser l’environ -nement de la construction, et aller graduellementdans les travaux de reprise: traiter les sources d’hy-dratation du sol, étanchéité des réseaux, drainage,nivellement des terres et les origines du retrait parsuccion de la végétation. Puis mesurer l’efficacitéde ces premières mesures conservatoires sur l’évo-lution des fissures pendant la période de mise enobservation. Si la maison retrouve ainsi son assise(la résilience), les fissures peuvent se réduire for -tement et les réparations être beaucoup moins lourdes,sans sinistre secondaire puisqu’on aura traité l’originedu mouvement… à la racine.» ■

“Ces renforcements des fondations après un premier sinistre, qui sontdéjà les réparations les plus coûteuses, ne prémuniront pas d’unsi nistre de seconde génération bien plus coûteux encore si les originesdes tassements différentiels du sol n’ont pas été traitées”

(8) Voir l’article « Une maison expérimentale 1:1 pour l’argile » publié dans le n° 117 deQualité Construction (novembre-décembre 2009, pages 34 à 38).

(9) Voir l’article « Top 10 de la pathologie : les fondations superficielles » publié dansle n° 147 de Qualité Construction (novembre-décembre 2014, pages 27 à 31).

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et Après la mise en placed’un écran antiracines, les fissuresapparues sur une maison se sontrefermées.

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