Génioplastie fonctionnelle chez les patients en croissance

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Orthod Fr 2016;87:175–188 c EDP Sciences, SFODF, 2016 DOI: 10.1051/orthodfr/2016020 Disponible en ligne sur : www.orthodfr.org Article traduit Clinique et varia Génioplastie fonctionnelle chez les patients en croissance* Sylvain CHAMBERLAND 1 **, William R. PROFFIT 2 , Pier-Eric CHAMBERLAND 3 Traduit par Sophie ROZENCWEIG 1 10345 boulevard de l’Ormière, Québec, Qc G2B 3L2, Canada 2 Department of Orthodontics, School of Dentistry, University of North Carolina, Campus Box #7450, Chapel Hill, NC 27599-7450, États-Unis 3 Department of Psychology, Université du Québec à Trois-Rivières, CP 500, Trois-Rivières, Qc G9A 5H7, Canada MOTS CLÉS : Génioplastie / Ostéotomie du bord inférieur du corpus / Fonction labiale / Proportions (équilibre) de la face RÉSUMÉ Objectifs Évaluer le rôle de l’âge sur la régénération osseuse par remodelage au niveau de la symphyse après génioplastie. Méthode Cinquante- quatre patients ayant bénéficié d’une génioplastie à la fin de leur traitement ortho- dontique ont été divisés en trois groupes selon leur âge au moment de l’intervention : moins de 15 ans (groupe 1), 15 à 19 ans (groupe 2) et 20 ans ou plus (groupe 3). Le groupe contrôle est constitué de 23 patients n’ayant pas désiré de génioplastie, sui- vis radiographiquement deux années après la fin de leur traitement. Les patients ont été évalués à trois moments : juste avant l’intervention (T1), juste après l’intervention (T2) et deux ans après l’intervention (T3). Résultats La quantité d’avancement mentonnier est identique pour les trois groupes, mais la quantité de remodelage os- seux est plus importante pour le groupe 1, un peu moins notable pour le groupe 2 et encore moins pour le groupe 3 que pour le groupe 2. Pour les trois groupes, l’épais- seur de la symphyse a considérablement augmenté dans les deux années qui ont suivi l’intervention, mais la quantité d’os néoformé est bien plus importante dans le groupe 1 que dans le groupe 3. Le remodelage osseux, aussi bien au-dessus que derrière la symphyse déplacée, est également plus important chez les plus jeunes du fait de la croissance verticale des procès alvéolaires. Il n’y a aucune preuve d’un quelconque effet délétère de la génioplastie sur la croissance mandibulaire. Conclusion La génioplastie avec déplacement du segment mentonnier vers le haut et vers l’avant permet d’accroître l’épaisseur de l’os symphysaire, par apposi- tion osseuse au-dessus du point B, ainsi qu’au niveau du point Gnathion. Lorsqu’elle est indiquée, la génioplastie doit être réalisée avant l’âge de 15 ans pour générer les meilleurs résultats en termes de remodelage osseux. KEYWORDS: Genioplasty / Inferior border osteotomy / Lip function / Facial proportions ABSTRACT Functional genioplasty in growing patients. Objective To eval- uate the role of age as a moderator of bone regeneration patterns and symphysis remodeling after genioplasty. Method Fifty-four patients who underwent genio- plasty at the end of their orthodontic treatment were divided into three age groups: younger than 15 years at the time of surgery (group 1), 15 to 19 years (group 2), and 20 years or older (group 3). Twenty-three patients who did not accept genioplasty and had a follow-up radiograph two years after the end of their orthodontic treatment were used as a control group. Patients were evaluated at three time points: immedi- ate preoperative (T1), immediate postoperative (T2) and two years postsurgery (T3). * Traduit de l’article « Functional genioplasty in growing patients » paru dans The Angle Orthodontist (The Angle Orthodontist 2015 ; 85(3):360-373). Avec l’aimable autorisation de la revue et des auteurs, tous nos remerciements. ** Auteur pour correspondance : [email protected] Article publié par EDP Sciences

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Orthod Fr 2016;87:175–188c© EDP Sciences, SFODF, 2016DOI: 10.1051/orthodfr/2016020

Disponible en ligne sur :www.orthodfr.org

Article traduit

Clinique et varia

Génioplastie fonctionnelle chez les patientsen croissance*

Sylvain CHAMBERLAND1**, William R. PROFFIT2, Pier-Eric CHAMBERLAND3

Traduit par Sophie ROZENCWEIG

1 10345 boulevard de l’Ormière, Québec, Qc G2B 3L2, Canada2 Department of Orthodontics, School of Dentistry, University of North Carolina, Campus Box #7450, Chapel Hill,

NC 27599-7450, États-Unis3 Department of Psychology, Université du Québec à Trois-Rivières, CP 500, Trois-Rivières, Qc G9A 5H7, Canada

MOTS CLÉS :Génioplastie /Ostéotomie du bordinférieur du corpus /Fonction labiale /Proportions (équilibre)de la face

RÉSUMÉ – Objectifs − Évaluer le rôle de l’âge sur la régénération osseuse parremodelage au niveau de la symphyse après génioplastie. Méthode − Cinquante-quatre patients ayant bénéficié d’une génioplastie à la fin de leur traitement ortho-dontique ont été divisés en trois groupes selon leur âge au moment de l’intervention :moins de 15 ans (groupe 1), 15 à 19 ans (groupe 2) et 20 ans ou plus (groupe 3). Legroupe contrôle est constitué de 23 patients n’ayant pas désiré de génioplastie, sui-vis radiographiquement deux années après la fin de leur traitement. Les patients ontété évalués à trois moments : juste avant l’intervention (T1), juste après l’intervention(T2) et deux ans après l’intervention (T3). Résultats − La quantité d’avancementmentonnier est identique pour les trois groupes, mais la quantité de remodelage os-seux est plus importante pour le groupe 1, un peu moins notable pour le groupe 2 etencore moins pour le groupe 3 que pour le groupe 2. Pour les trois groupes, l’épais-seur de la symphyse a considérablement augmenté dans les deux années qui ontsuivi l’intervention, mais la quantité d’os néoformé est bien plus importante dans legroupe 1 que dans le groupe 3. Le remodelage osseux, aussi bien au-dessus quederrière la symphyse déplacée, est également plus important chez les plus jeunesdu fait de la croissance verticale des procès alvéolaires. Il n’y a aucune preuved’un quelconque effet délétère de la génioplastie sur la croissance mandibulaire.Conclusion − La génioplastie avec déplacement du segment mentonnier vers lehaut et vers l’avant permet d’accroître l’épaisseur de l’os symphysaire, par apposi-tion osseuse au-dessus du point B, ainsi qu’au niveau du point Gnathion. Lorsqu’elleest indiquée, la génioplastie doit être réalisée avant l’âge de 15 ans pour générer lesmeilleurs résultats en termes de remodelage osseux.

KEYWORDS:Genioplasty /Inferior border osteotomy /Lip function /Facial proportions

ABSTRACT – Functional genioplasty in growing patients. Objective − To eval-uate the role of age as a moderator of bone regeneration patterns and symphysisremodeling after genioplasty. Method − Fifty-four patients who underwent genio-plasty at the end of their orthodontic treatment were divided into three age groups:younger than 15 years at the time of surgery (group 1), 15 to 19 years (group 2), and20 years or older (group 3). Twenty-three patients who did not accept genioplastyand had a follow-up radiograph two years after the end of their orthodontic treatmentwere used as a control group. Patients were evaluated at three time points: immedi-ate preoperative (T1), immediate postoperative (T2) and two years postsurgery (T3).

* Traduit de l’article « Functional genioplasty in growing patients » paru dans The Angle Orthodontist (The Angle Orthodontist 2015 ;85(3):360-373). Avec l’aimable autorisation de la revue et des auteurs, tous nos remerciements.** Auteur pour correspondance : [email protected]

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Results − The mean genial advancement at surgery was similar for the three agegroups, but the extent of remodeling around the repositioned chin was greater ingroup 1, less in group 2, and still less in group 3. Symphysis thickness increasedsignificantly during the two-years postsurgery interval for the three groups, and thisincrease was significantly greater in group 1 than in group 3. Remodeling above andbehind the repositioned chin also was greater in the younger patients. This was re-lated to greater vertical growth of the dentoalveolar process in the younger patients.There was no evidence of a deleterious effect on mandibular growth. Conclusion −The outcomes of forward-upward genioplasty include increased symphysis thickness,bone apposition above B point, and remodeling at the inferior border. When indica-tions for this type of genioplasty are recognized, early surgical correction (beforeage 15) produces a better outcome in terms of bone remodeling.

1. IntroductionTrauner et Obwegeser [20] ont les premiers dé-

crit, en 1957, l’ostéotomie du bord inférieur man-dibulaire pour augmenter la hauteur symphysaire.Cette intervention est depuis très souvent envisagéede façon soit isolée, soit combinée à d’autres ostéo-tomies. Le menton peut être déplacé dans toutes lesdirections. Malgré tout, l’intervention la plus clas-sique consiste en un déplacement vers l’avant et versle haut pour corriger à la fois une déficience man-dibulaire sur le plan horizontal et un excès vertical.Precious et Delaire [14] ont défini sous l’expressionde « génioplastie fonctionnelle » ce déplacement versl’avant et le haut du menton, car il est à la fois bé-néfique pour l’obtention d’une compétence labialeau repos, mais il améliore également la fonction la-biale [14] ; enfin, il réduit la pression labiale contreles incisives mandibulaires [17]. Lorsque le déplace-ment orthodontique provoque une vestibulo-versiondes incisives mandibulaires, l’avancée du mentonaméliore la position de l’incisive et le rapport cépha-lométrique de Holdaway (relation entre la positiondes incisives mandibulaires et celle du menton) ; ilévite ainsi d’avoir à rétracter les incisives. Cette in-tervention est particulièrement indiquée lorsque lacorrection du décalage de classe II a généré des com-pensations dentoalvéolaires du fait d’une croissancemandibulaire insuffisante ou défavorable.

Ces effets bénéfiques, tant sur le plan fonction-nel que sur le plan de la stabilité, sont associésà une amélioration esthétique réellement appréciéemême par les jeunes patients qui peuvent se sen-tir assez tôt handicapés par l’aspect disgracieux deleur visage [8]. La combinaison du traitement or-thodontique et de la génioplastie offre une réponsepour améliorer à la fois l’esthétique, la fonction et lastabilité.

Malgré le nombre important de publications surla génioplastie, peu d’études présentent les effets decette procédure chez les adolescents ; surtout, au-cune ne compare l’évolution morphologique d’ungroupe expérimental à celle d’un groupe contrôlepour qui la génioplastie est indiquée mais refusée parles patients.

L’âge idéal pour cette intervention est un sujetcontroversé. L’amélioration de l’apparence du visageet la réaction positive sur le plan psychosocial se-rait en faveur d’une intervention précoce pour les pa-tients dont la déformation est la plus sévère [8, 11] ;les préoccupations concernant un éventuel effet né-gatif sur la croissance mandibulaire ou sur la stabi-lité thérapeutique seraient en faveur d’une attente dela quasi fin de croissance [12]. Martinez, et al. ontmontré en 1999 qu’il y avait une plus grande régé-nération osseuse de l’épaisseur symphysaire chez lespatients avant l’âge de 15 ans que chez les patients neprésentant plus de croissance [7]. Plus récemment,Frapier, et al. [4, 5] ont suggéré qu’une génioplas-tie réalisée tôt améliorait non seulement la ventila-tion par le rétablissement d’une fonction labiale cor-recte, mais également la direction de croissance man-dibulaire. Cependant, ces assertions étant basées surdes groupes d’étude petits et peu homogènes, il n’estpas possible de conclure sur une généralisation deces effets bénéfiques pour tous les patients opérésjeunes.

Une génioplastie seule requiert une anesthésie gé-nérale mais peut être effectuée en ambulatoire soit àl’hôpital soit en clinique privée. Aux États-Unis, cetteintervention est souvent couplée à d’autres ostéo-tomies car les assurances médicales ne prendraientpas en charge le coût d’une seule procédure. AuCanada, ce n’est pas le cas ; la couverture de cetteintervention, même effectuée seule, est assurée.

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Tableau 1Caractéristiques des patients.

RéférencielÂge à

/1-APg (◦) ADH (mm) FMA (◦)T1 (années)

Groupes N Moyenne D-S Intervalle%

Moyenne D-S Intervalle Moyenne D-S Intervalle Moyenne D-Sfemme

Groupe 128 14,00 0,67 12,62 à 14,95 32 3,01 1,49 0,4 à 5,3 44,88 2,67 37,1 à 50,7 34,06 4,14

(< 15 ans)Groupe 2

16 16,65 1,05 16,16 à 18,61 44 3,67 1,74 −1,2 à 6,5 45,92 3,27 40,1 à 51,1 32,46 3,39(15−19 ans)

Groupe 310 28,65 4,96 22,35 à 36,16 40 2,73 1,90 −0,3 à 5,6 48,00 4,76 36,9 à 53,1 34,74 6,35

(> 19 ans)Groupe 4

23 14,31 1,41 11,46 à 16,44 39 3,18 1,56 1,0 à 5,8 43,90 2,39 39,5 à 49,6 31,97 4,25(contrôles)

n.s = non significatif.

Le but de cette étude est de déterminer l’âge op-timal pour effectuer une génioplastie fonctionnelleen évaluant (1) la configuration du remodelage os-seux au niveau du menton après génioplastie fonc-tionnelle et (2) la stabilité postopératoire chez lespatients en phase pubertaire et chez les patients neprésentant plus de croissance résiduelle.

2. Matériels et méthodes

2.1. Échantillonnage

Tous les participants de cette étude ont été traitésen cabinet par le premier auteur (SC) de cet article.Les patients ayant bénéficié de l’intervention chirur-gicale ont été contrôlés par téléradiographie de profilet études céphalométriques à trois moments précis :juste avant l’intervention (T1), juste après l’interven-tion (T2) et deux ans après l’intervention (T3).

L’échantillon initial est constitué de 59 patientsayant bénéficié de l’intervention entre juin 1992 etdécembre 2012. Cinq patients ont été exclus del’étude parce que certaines de leurs radiographiesétaient absentes de leur dossier. Au final, 54 patientsont participé à cette étude.

Ce groupe a été subdivisé en trois en fonction dela tranche d’âge (Tab. 1) :

– moins de 15 ans (groupe 1, n = 28),– 15 à 19 ans (groupe 2, n = 16),– 19 ans ou plus (groupe 3, n = 10).

C’est l’âge chronologique qui a servi de référencecar plus aisé à utiliser que l’âge squelettique (au ni-veau vertébral) [9]. L’âge de 15 ans est la limite éta-blie par la seule étude précédant la nôtre concernant

l’impact de l’âge sur le remodelage symphysaireaprès génioplastie [7].

Il est difficile de déterminer le nombre exact depatients à qui nous avons proposé une génioplas-tie et qui l’ont refusé, mais nous avons pu recenserun groupe de 23 patients n’ayant pas accepté la gé-nioplastie mais qui ont bénéficié d’un suivi radiogra-phique deux années après la fin de leur traitement.Ce groupe contrôle (groupe 4) a fait l’objet d’étudescéphalométriques à seulement deux moments pré-cis : à la fin du traitement orthodontique et deux an-nées après la fin du traitement. Ce groupe est toutà fait comparable en termes d’âge, de pourcentagede rapport filles/garçons, de position du menton surle plan vertical et antéropostérieur, d’épaisseur sym-physaire, au groupe d’étude le plus jeune (groupe 1).

Cinq patients du groupe contrôle ont finalementaccepté l’intervention deux années après l’achève-ment de leur traitement, une fois les documents desuivi post-thérapeutiques réalisés.

2.2. Protocole chirurgical

Les interventions ont toutes été réalisées par lemême chirurgien maxillo-facial, en suivant précisé-ment le protocole de Precious, et al. [15] sous anes-thésie générale à l’hôpital l’Enfant-Jésus, au Québec.Le menton est déplacé vers l’avant et vers le haut.

Pour 49 des 54 patients, l’ostéosynthèse est réali-sée par au moins trois enroulements trans-osseux defils d’acier double diamètre 28. Les cinq autres pa-tients ont bénéficié d’une ostéosynthèse par vis. Niles fils, ni les vis d’ostéosynthèse n’ont été déposésaprès l’intervention.

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Figure 1

Points céphalométriques et mesures dimensionnelles.L’épaisseur de la symphyse est mesurée entre ses bordsantérieur et postérieur ; 4 mm en dessous des apex desincisives mandibulaires (ACP-PCP). La hauteur du men-ton est mesurée par la distance perpendiculaire au planmandibulaire depuis le bord incisif de l’incisive mandibulaire(ADH). Le remodelage de la zone située au-dessus dumenton repositionné est évalué par les variations du pointB et par l’augmentation de l’épaisseur de la symphyse ; leremodelage de la zone du rebord inférieur est calculé par lechangement de la profondeur de l’encoche à la limite pos-térieure de la coupe d’ostéotomie, en mesurant la distanceperpendiculaire à partir de PGP au plan mandibulaire (MP).

2.3. Analyses céphalométriques

Pour les patients sélectionnés pour cette étudeavant le milieu de l’année 2008, les téléradiographiesde profil ont été réalisées sur un appareil OrthophosCeph (Siemens, Beinsheim, Allemagne) ; pour ceuxsélectionnés après cette date, les téléradiographies deprofil sont effectuées sur un appareil OP100 (Instru-mentarium, Tuusula, Finlande). Tous les tracés sontexécutés par le même opérateur (SC), grâce à QuickCeph Studio (Quick Ceph Systems, San Diego, CA).

L’agrandissement a été calibré aussi bien pour lesanciennes radiographies que pour celles réalisées ennumérique plus récemment. Un système de coor-données x-y est construit au travers du point S (selleturcique). L’axe des abscisses x est tracé selon unangle de 7◦ par rapport à la ligne S-Na (Nasion), etl’axe des ordonnées est tracé perpendiculairement àl’axe x en passant par S (Fig. 1).

L’indication de génioplastie est posée pour tousles patients en fonction de l’évaluation de la pro-éminence et de la position verticale du mentoncutané par rapport aux lèvres et à l’étage moyende la face. Les données céphalométriques de pré-traitement sont notées dans le tableau 1 :

– position du menton dans le sens antéropostérieurpar rapport à la position de l’incisive mandibu-laire,

– hauteur du menton calculée entre le bordincisif (i),

– et la perpendiculaire au plan mandibulaire pas-sant par Gonion (Go) et Menton (Me), ADH.

Pour évaluer la position du menton aprèschirurgie, nous avons relevé quatre mesures (Fig. 1) :

– l’épaisseur de la symphyse,– la hauteur du menton par rapport au bord de l’in-

cisive mandibulaire,– la quantité de remodelage au-dessus du menton,– la quantité de remodelage en arrière du menton.

2.4. Analyses statistiques

La répartition de l’échantillonnage après évalua-tion est jugée suffisamment proche de la normepour utiliser la moyenne, l’amplitude et l’écart-typecomme pour les statistiques descriptives. Les troisgroupes d’âge (groupe 1, 2, 3) qui ont bénéficié dela génioplastie sont comparés entre eux ; le groupede patients les plus jeunes (groupe 1) est comparéà un groupe contrôle du même âge avec les mêmescaractéristiques.

Pour ces deux types de comparaison, les varia-tions entre deux points de référence dans le tempsfont l’objet d’une analyse multivariable de cova-riance (ANCOVA), pour laquelle l’effet du genre estexaminé comme une covariable. Même si le genrene génère pas de différences, nous avons conservécette covariable pour moduler nos conclusions enfonction du sexe masculin ou féminin.

Des T-Tests ont permis d’évaluer la possibilité queles données, pour chaque point de référence dansle temps, soient différentes de zéro. Ces comparai-sons par paire, avec les réajustements de Bonferronien fonction de comparaisons multiples, ont permisd’étudier les différences entre groupes. Contraire-ment aux ajustements de Tukey, ceux de Bonferronin’ont pas besoin d’inclure une correction du fait

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Figure 2

Les changements de la face avant (ligne supérieure) et après génioplastie fonctionnelle pour un patient type (ligne inférieure). Onnote une amélioration des proportions de la face, l’amélioration de la compétence labiale au repos et l’amélioration de l’expositiondes incisives au sourire. Le déplacement du menton remonte également la lèvre inférieure et diminue de ce fait l’exposition desincisives mandibulaires.

Tableau 2Changements au moment de l’intervention (unité : mm).

Groupes NQuantité d’avancement Quantité de réduction Variations

du menton T1-T2 de hauteur du menton T1-T2 de /1-APg T1-T2Moyenne D-S Intervalle Moyenne D-S Intervalle Moyenne D-S Intervalle

Groupe 128 6,45 2,2 2,6 à 10,6 2,93 2,5 −2,1 à 7,4 −1,61 1,08 −2,9 à 2,6

(< 15 ans)Groupe 2

16 5,88 1,77 1,5 à 9,2 3,53 2,77 −0,5 à 8,2 −2,04 0,70 −3,1 à −0,4(15−19 ans)Groupe 3

10 5,25 2,79 1,4 à 10,7 3,83 1,88 0 à 7,3 −1,64 0,85 −2,8 à −0,5(> 19 ans)

des différences de taille des divers groupes. Le ni-veau de signification est établi à P < 0,05. Toutesces analyses statistiques ont été effectuées IBM SPSSStatistics (version 21).

Afin d’évaluer une erreur de méthodologie,quinze céphalogrammes sont numérisés une se-conde fois. Il est alors prouvé par un test devariance ANOVA qu’il n’y a pas de différence si-gnificative entre le premier tracé et le second. Lecoefficient de reproductibilité pour toutes les va-riables est de 0,9997. Le coefficient de reproductibi-lité pour l’épaisseur de la symphyse et le remodelage

du rebord mandibulaire (PGP) est de 0,9231. L’ana-lyse d’erreur de méthodologie est effectuée avec leSAS 9.4 (SAS Institute Inc.).

3. Résultats3.1. Changements obtenus au moment

de l’intervention (T1-T2)Les changements liés à cette intervention de gé-

nioplastie fonctionnelle classique sont répertoriésdans la figure 2 et les données dans le tableau 2.Les déplacements sont quantitativement quasi simi-laires, aussi bien sur le plan antéropostérieur que

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Tableau 3Épaisseur symphysaire à chaque stade (unité : mm).

Groupes nT1 T2 T3 T2-T3 T1-T3

Moyenne D-S Moyenne D-S Moyenne D-S Moyenne D-S Moyenne D-SGr 1 (< 15 ans) 28 8,39 1,62 8,50 1,57 11,73 2,86 3,24 2,68 3,44 2,51Gr 2 (15−19 ans) 16 8,14 1,78 8,29 1,84 10,35 2,58 2,06 1,24 2,15 1,88Gr 3 (> 19 ans) 9 8,13 2,37 8,07 2,48 9,18 2,21 1,11 1,02 1,04 1,16Gr 4 (contrôles) 23 8,84 2,20 8,46 2,25 −0,44 0,67

Figure 3

Pourcentages de patients avec plus de 2 mm et plus de 4 mmde changements d’épaisseur symphysaire après génioplas-tie. Notez les différences entre les groupes d’âge parmi lespatients ayant bénéficié d’une génioplastie, et le contrasteavec les patients du groupe contrôle.

vertical pour les trois tranches d’âge. Ces altéra-tions thérapeutiques sont statistiquement hautementsignificatives (< 0,0001 pour les deux).

3.2. Changements obtenus entre l’interventionet le rendez-vous de suivi (T2-T3)

3.2.1. Au niveau de l’épaisseur de la symphyse

L’épaisseur de la symphyse s’est considérablementaccrue pour les trois groupes chirurgicaux ; elle s’estréduite d’une façon mineure mais significative pourles groupes contrôle (Tab. 3, Fig. 3).

Les comparaisons par paire entre les groupes 1et 3 (réalisées de façon à contrôler les différences denombre de sujets entre ces deux groupes) montreune différence significative d’épaisseur symphysaire(p = 0, 004). Or, comme cela arrive souvent, lors-qu’il existe une grande variabilité dans les résultatsthérapeutiques, c’est par l’analyse des données du

pourcentage de patients pour lesquels les modifi-cations sont les plus notoires que l’on peut mieuxcomprendre ce qu’il se produit [1, 18].

La figure 3 montre que 39 % des patients lesplus jeunes (groupe 1) affichent 2 à 4 mm d’accrois-sement d’épaisseur symphysaire dans les deux an-nées qui suivent la chirurgie et 28 % plus de 4 mm.Ainsi, les deux tiers des patients les plus jeunes pré-sentent plus de 2 mm d’accroissement d’épaisseursymphysaire.

Le nombre de patients dont les modificationssont supérieures à 2 mm est plus faible dans legroupe 2 ; malgré tout, deux des patients de cegroupe, soit 7 %, présentent plus de 4 mm dechangement.

Aucun patient du groupe le plus âgé (groupe 3)n’affiche de changement supérieur à 4 mm, etseulement deux patients (soit 20 %) montrent unchangement supérieur à 2 mm.

Contrairement aux groupes ayant bénéficié d’unegénioplastie, aucun patient du groupe contrôle nedémontre de changement d’épaisseur symphysaireentre les temps T2 et T3 ; par contre, sept d’entreeux (soit 30 %) montrent une diminution d’1 mmou plus.

3.2.2. Au niveau des repères et des rapportsdimensionnels

Les données concernant les variations de positiondes points B, Pg et Me sont retranscrites dans les ta-bleaux 4 et 5, et les variations de Pg et Me sont re-transcrites graphiquement dans les figures 4 et 5. Ilest important de comprendre que ces changementssont liés à la combinaison des effets de la croissancemandibulaire et du remodelage cortical au niveau, età proximité du menton.

Les altérations de croissance dans le sens horizon-tal au niveau du point Pg après génioplastie pour legroupe 1 (T2-T3) sont moins importantes qu’au ni-veau du groupe contrôle, mais la différence n’est passtatistiquement significative.

Chamberland S., Proffit W.R., Chamberland P.-E. Génioplastie fonctionnelle chez les patients en croissance 181

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Tableau 4Changements horizontaux sur l’axe des coordonnées.

Groupe nT2-T3 (post-chirurgie T1-T3 (préchirurgie

à deux ans) à deux ans)

Moyenne DSPertinence

Moyenne DSPertinence

Intragroupe IntragroupeModificationshorizontales

Δ point B

Gr 1 (< 15 ans) 28 3,72 2,89 < 0,001 4,21 3,47 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 2,13 1,92 < 0,001 2,33 1,65 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 1,90 1,42 0,004 1,68 1,74 0,020Gr 4 (contrôles) 23 2,47 2,57 < 0,001 2,47 2,57 < 0,001

Δ BPg à MP

Gr 1 (< 15 ans) 28 1,06 1,33 < 0,001 −1,35 1,39 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 0,85 1,14 0,009 −1,59 2,40 0,018Gr 3 (> 19 ans) 9 0,69 1,00 n.s −0,78 1,70 n.sGr 4 (contrôles) 23 −0,36 0,58 0,007 −0,36 0,58 0,007

Δ Pg

Gr 1 (< 15 ans) 28 1,17 2,89 0,04 7,57 3,90 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 −0,21 1,42 n.s 6,13 1,99 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 0,48 2,06 n.s 5,70 2,75 < 0,001Gr 4 (contrôles) 23 2,67 2,85 0,005 2,67 2,85 0,005

Δ ÉpaisseurGr 1 (< 15 ans) 28 3,24 2,68 < 0,001 3,44 2,51 < 0,001

symphysaireGr 2 (15−19 ans) 16 2,06 1,24 < 0,001 2,15 1,88 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 1,11 1,02 0,011 1,04 1,16 0,027Gr 4 (contrôles) 23 −0,44 0,67 0,004 −0,44 0,67 0,004

Δ Me

Gr 1 (< 15 ans) 28 0,78 2,78 n.s 7,68 3,81 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 0,00 1,71 n.s 6,79 2,27 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 0,68 1,69 n.s 6,42 3,38 < 0,001Gr 4 (contrôles) 23 2,38 2,82 < 0,001 2,38 2,82 < 0,001

Δ Pg par rapportGr 1 (< 15 ans) 28 −0,48 2,54 n.s 5,60 3,31 < 0,001

à N perpendiculaire à FHGr 2 (15−19 ans) 16 −0,86 1,25 0,015 5,32 1,70 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 −0,24 2,25 n.s 4,93 3,14 0,002Gr 4 (contrôles) 23 0,77 2,07 n.s 0,77 2,07 n.s

Rapports sagittaux

Δ ABOP rapportsGr 1 (< 15 ans) 28 −0,69 1,57 0,028 −1,31 1,75 < 0,001

occlusauxGr 2 (15−19 ans) 19 −1,44 2,09 0,015 −1,19 1,47 0,005Gr 3 (> 19 ans) 9 −1,17 1,46 0,043 −1,79 1,67 0,012Gr 4 (contrôles) 23 −0,37 1,64 n.s 0,37 1,64 n.s

Δ/1-AP

Gr 1 (< 15 ans) 28 0,80 0,85 < 0,001 −0,87 1,01 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 −0,03 0,73 n.s −2,18 0,53 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 0,38 0,65 n.s −1,39 0,69 < 0,001Gr 4 (contrôles) 23 0,43 0,91 0,033 0,43 0,91 0,033

n.s = non significatif.

Pour le groupe 1, on note plus de changementsde croissance dans le sens horizontal au niveau dePg alors que pour les groupes 2 et 3, il n’y a pas demodification significative (Fig. 4).

Les variations de croissance dans le sens verticalau niveau de Me après la chirurgie sont similairesà ceux du groupe contrôle ; ces modifications sontsignificatives pour les groupes 1, 2 et pour le groupecontrôle (Fig. 5).

La figure 6 montre, dans la dimension verti-cale, les types de changements obtenus après génio-plastie au niveau dento-alvéolaire. Tous ces change-ments sont statistiquement différents de zéro pourchacun des groupes ; pour le groupe 1, les chan-gements T2-T3 sont significativement différents deceux des groupes 2, 3 et 4. Il est important de com-prendre que ces altérations du sens vertical au pointMe sont contrebalancées par une croissance verticale

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Tableau 5Changements verticaux sur l’axe des coordonnées.

T2-T3 (post-chir. à 2 ans) T1-T3 (préchir. à 2 ans)

Groupes n Moyenne DSPertinence

Moyenne DSPertinence

intragroupe intragroupeChangements verticaux

Δ point B

Gr 1 (< 15 ans) 28 −1,75 2,49 0,001 −1,93 2,73 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 −0,53 3,70 n.s −0,67 3,50 n.sGr 3 (> 19 ans) 9 −0,09 2,90 n.s −0,02 2,47 n.sGr 4 (contrôles) 23 −2,89 3,65 0,001 −2,89 3,65 0,001

Δ Pg

Gr 1 (< 15 ans) 28 −4,10 3,36 < 0,001 −1,75 3,59 0,016Gr 2 (15−19 ans) 16 −2,71 2,32 < 0,001 0,01 2,69 n.sGr 3 (> 19 ans) 9 −1,04 2,52 n.s 1,86 3,12 n.sGr 4 (contrôles) 23 −3,69 4,08 < 0,001 −3,69 4,08 < 0,001

Δ Me

Gr 1 (< 15 ans) 28 −5,01 3,09 < 0,001 −2,14 3,30 0,002Gr 2 (15−19 ans) 16 −2,57 2,43 0,001 0,90 3,69 n.sGr 3 (> 19 ans) 9 −1,26 2,35 n.s 2,60 2,83 0,025Gr 4 (contrôles) 23 −4,46 4,61 < 0,001 −4,46 4,61 < 0,001

Δ FMA

Gr 1 (< 15 ans) 28 0,40 1,61 n.s −5,89 2,50 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 0,86 0,90 0,002 −5,48 2,25 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 0,39 1,28 n.s −6,14 2,07 < 0,001Gr 4 (contrôles) 23 −0,72 1,62 0,044 −0,72 1,62 0,044

Δ ADH (anterior dentalGr 1 (< 15 ans) 28 3,11 1,93 < 0,001 −2,78 1,98 < 0,001

height ou hauteurGr 2 (15−19 ans) 16 1,20 1,13 0,001 −4,86 2,39 < 0,001

dentaire antérieure)Gr 3 (> 19 ans) 9 0,74 0,89 0,036 −5,29 1,92 < 0,001Gr 4 (contrôles) 23 1,84 1,86 < 0,001 1,84 1,86 < 0,001

Δ PGP à MP

Gr 1 (< 15 ans) 28 1,17 1,29 < 0,001 −2,84 1,88 < 0,001Gr 2 (15−19 ans) 16 0,62 0,88 0,013 −3,26 1,75 < 0,001Gr 3 (> 19 ans) 9 0,30 1,00 n.s −3,79 1,27 0,025Gr 4 (contrôles) 23 0,14 0,61 n.s 0,14 0,61 n.s

n.s = non significatif.

Figure 4

Changement horizontal au niveau du point Pg. Les pa-tients les plus jeunes du groupe contrôle ou ayant bénéficiéd’une génioplastie montrent une croissance significative versl’avant au point Pg ; les changements au point Pg pour lesgroupes 2 et 3 ne sont pas significatifs. La croissance n’estpas statistiquement différente pour les patients du groupe 1comparés à ceux du groupe contrôle. Donc, il n’y a aucunepreuve que la croissance mandibulaire soit freinée chez lesjeunes patients traités par génioplastie.

postérieure de la face : pas de différences significa-tives au niveau de l’angle du plan mandibulaire.

Les comparaisons par paire sont retranscritesdans le tableau 6. Ceci démontre à quel point laquantité de remodelage est différente au niveau dugroupe 1 par rapport à celle des groupes 2 et 3.

Trois variables sont fortement corrélées aux chan-gements post-chirurgicaux de l’épaisseur symphy-saire : la quantité d’avancement du menton, la quan-tité de croissance verticale alvéolodentaire, et l’âgeau moment de l’intervention. La valeur R de cestrois variables réunies est de 0,47 (r2 = 0,22) etleur influence significative au niveau P < 0,05(p = 0,03). Quand les variables prédictives sontclassées selon le coefficient standardisé beta, lesrésultats montrent clairement que plus l’interven-tion est réalisée tôt, plus l’on observe de crois-sance dentoalvéolaire avec l’évolution des incisives,plus la symphyse s’épaissit par apposition osseuse.

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Figure 5

L’altération de croissance verticale au point Me après la chi-rurgie (T2-T3) est importante pour les groupes 1 et 2 ; elleest similaire à celle du groupe contrôle, ce qui démontre quela croissance verticale au point Me n’est pas affectée par lagénioplastie.

La quantité d’avancement du segment mentonniern’est pas un facteur déterminant.

3.2.3. Changements par remodelage

Le remodelage symphysaire après génioplastie sefait par apposition au dessus du segment osseuxmentonnier déplacé avec des modifications allantjusqu’au point B, et même au-delà ; au niveau éga-lement du vide créé par l’avancée au niveau du re-bord inférieur mandibulaire (Figs. 7 et 8). La fi-gure 8 illustre le type de remodelage que l’on obtienttypiquement chez les jeunes patients.

Les analyses statistiques montrent un comble-ment significatif du vide au niveau du bord infé-rieur mandibulaire pour les groupes 1 et 2, mais au-cun changement significatif pour le groupe adulte(Fig. 7, Tab. 5), et aucun comblement non plus auniveau du rebord inférieur pour le groupe contrôle.Le classement des variables prédictives confirme queplus la croissance dentoalvéolaire post-chirurgicale

Figure 6

Modifications dans la dimension verticale des procès dentoal-véolaires. Tous les changements sont statistiquement signifi-catifs pour chaque groupe. Notez que la différence moyennede 6 mm générée par la génioplastie entre les jeunes patientset ceux du groupe contrôle est stable deux années aprèsl’intervention.

est forte, plus le remodelage est étendu pour les deuxzones ; cependant, ni la quantité d’avancement, nil’âge lors de la chirurgie ne sont des variables prédic-tives. Ainsi l’âge lors de l’intervention, qui affecte laquantité de croissance dentoalvéolaire au niveau in-cisif, est réellement le facteur déterminant en termesde quantité d’apposition osseuse et de remodelage,quantité plus importante chez les moins de 15 ans,moindre chez les vieux adolescents, et encore plusfaible chez les adultes.

3.2.4. Stabilité des résultats

Il est important de comprendre que les altéra-tions post-chirurgicales sont liées à la combinaisondes effets de la croissance mandibulaire et du remo-delage cortical au niveau et à proximité du menton.Pour les patients les plus jeunes, la meilleure éva-luation se fait par comparaison du groupe 1 avec legroupe contrôle. La moyenne des variations antéro-postérieures au point Pg après génioplastie (T2-T3)du groupe 1 est légèrement moindre que celle dugroupe contrôle (c’est-à-dire que le point Pg pour lespatients ayant bénéficié d’une génioplastie reste plus

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Tableau 6Comparaison par paires entre les différents groupes.

T2-T3 T1-T3Gr 1-Gr 4 Gr 1-Gr 2 Gr 1-Gr 3 Gr 2-Gr 3 Gr 1-Gr 4 Gr 1-Gr 2 Gr 1-Gr 3 Gr 2-Gr 3

Changements horizontauxΔ point B n.s n.s 0,012 n.s n.s n.s n.s n.sΔ BPg à MP < 0,001 n.s n.s n.s 0,002 n.s n.s n.sΔ Pg 0,069 n.s n.s n.s < 0,001 n.s n.s n.sΔ Épaisseur symphysaire < 0,001 n.s 0,004 n.s < 0,001 n.s 0,002 n.sΔ Me 0,049 n.s n.s n.s < 0,001 n.s n.s n.sΔ Pg par rapport à Nperpendiculaire à FH n.s n.s n.s n.s < 0,001 n.s n.s n.sChangements verticauxΔ point B n.s n.s n.s n.s n.s n.s n.s n.sΔ P n.s n.s 0,00 n.s n.s n.s 0,01 n.sΔ Me n.s 0,022 0,003 n.s n.s n.s 0,013 n.sΔ FMA 0,017 n.s n.s n.s < 0,001 n.s n.s n.sΔ ADH (anterior dental height) 0,021 < 0,001 < 0,001 n.s < 0,001 0,013 0,003 n.sΔ PGP à M < 0,001 n.s 0,156 n.s < 0,001 n.s n.s n.sRapports sagittauxΔ ABOP rapports occlusaux 0,028 n.s n.s n.s 0,001 n.s n.s n.sΔ/1-AP n.s 0,004 n.s n.s < 0,001 < 0,001 n.s 0,012

n.s = non significatif.

stable), mais cette différence est mineure et non sta-tistiquement déterminante (Fig. 4). Les changementsau point Me après la chirurgie sont également iden-tiques à ceux du groupe contrôle (Fig. 5). Ainsi, danscette étude, les données montrent que la croissancevers l’avant et vers le bas du menton n’est pas af-fectée de façon significative par la génioplastie, queles changements liés à l’intervention restent stablesmême chez les patients en croissance.

4. Discussion

1. Cette étude montre clairement qu’à la fois l’éten-due du remodelage osseux autour du segmentosseux repositionné par génioplastie et la quan-tité d’os nouvellement apposé sont plus impor-tantes chez les patients en cours de phase puber-taire que chez ceux en fin d’adolescence, voireencore moindre chez les adultes. Ces résultatsconfirment ceux rapportés par Martinez [7], etceux d’autres études [6, 10, 12, 13, 15, 21] quimontrent que :

– l’on observe une meilleure cicatrisation avantl’âge de 15 ans,

– le remodelage après la génioplastie s’effectueau niveau du bord inférieur du segment proxi-mal à la frontière entre le point distal du traitd’ostéotomie et le point distal du segmentavancé.

Les groupes 1 et 2 démontrent une réductionstatistiquement significative de cette encoche (derespectivement 1, 2 ± 1, 3 mm et 0, 6 ± 0, 9 mm)alors que, chez le groupe adulte, cette dernièrene se réduit que de façon modeste, voire nonsignificative (0, 3 ± 1, 0 mm).

2. On peut noter dans cette étude, chez le groupecontrôle, une résorption légère mais significativeau niveau du point B (0, 4 ± 0, 6 mm), ce qui estcohérent, à l’adolescence, avec la direction habi-tuelle de la croissance au niveau du menton.

3. Après génioplastie, comme Park, et al. [10],Shaughnessy, et al. [19] et Precious, et al. [15,16],on peut noter une apposition osseuse au niveaudu point B similaire pour les trois groupes d’âge(0,7 à 1,0 mm). Les épines osseuses au-dessusdu menton repositionné se sont arrondies et lesrebords irréguliers se sont adoucis. Shaughnessy,et al. [19] ont suggéré que cette amélioration descontours était liée à une greffe autogène d’os issu

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Figure 7

Remodelage au bord inférieur de la mandibule. L’encochedu segment proximal entre la limite distale du trait d’ostéo-tomie et la limite distale du segment déplacé est considé-rablement réduite pour les groupes 1 et 2 (1,2± 1,3 mmet 0,6± 0,9 mm respectivement), tandis que le groupe desadultes ne présente qu’une modeste réduction non significa-tive de 0,3± 1,0 mm. Le résultat net au T3 montre une dimi-nution significative de la profondeur de cette encoche lorsquel’on compare le groupe 1 aux adultes (p = 0,018).

de la crête iliaque. Dans notre étude, aucun pa-tient n’a bénéficié de greffe ; malgré tout, on peutnoter, chez tous les patients, une apposition signi-ficative au niveau du point B. L’indication d’unetelle greffe est discutable lorsque l’on sait à quelpoint la chirurgie au niveau du site donneur de lacrête iliaque est invasive.

4. Est-ce que l’on aurait obtenu des résultats diffé-rents si l’on avait séparé les trois groupes d’âgeen fonction de l’âge squelettique et non de l’âgechronologique ?

Il aurait été effectivement aisé de déterminer l’âgechronologique sans radiation supplémentaire enexaminant le degré de maturation des vertèbrescervicales. Un récent rapport sur les méthodesdestinées à déterminer le moment du pic de crois-sance à l’adolescence conclu cependant que le re-cours à l’âge chronologique est plus fiable [9]. Ilest possible que, parmi les adolescents du groupede moins de 15 ans, certaines jeunes filles soient

sur la fin de leur croissance pubertaire et que,dans le groupe 15−19, certains jeunes hommessoient tout juste pubères. Ces disparités auraienteu tendance à minimiser et non à augmenter ladifférence des effets de la génioplastie entre lesdeux groupes.

5. Le remodelage de l’os vestibulaire au dessusdu site d’ostéotomie est un facteur important àprendre en considération, car chez les patientsprésentant une déficience du menton, les inci-sives mandibulaires ont tendance à être vestibu-loversées même en l’absence de traitement. Cettevestibuloversion s’accentue avec le nivellementde l’arcade mandibulaire, surtout lorsqu’il y aencombrement, mais également avec le recoursaux tractions intermaxillaires pour la correctionde la classe II. Ceci peut générer des fenestra-tions osseuses et des déhiscences gingivales. Onnote dans cette étude, après génioplastie, un ac-croissement de l’os en vestibulaire des incisives àun niveau d’autant plus incisal que les patientssont plus jeunes. Ceci peut être attribué à uneéruption des dents qui se produit après la gé-nioplastie, phénomène d’autant plus importantque la dimension verticale de la face s’accentuenotamment dans le groupe des patients jeunes.

6. Nous avons pu également observer une apposi-tion osseuse sur la face linguale du segment re-positionné, face à la zone la plus proéminentedu menton. Cette augmentation d’épaisseur dela symphyse persiste dans les deux années aprèstraitement. La symphyse est une zone fortementsollicitée fonctionnellement.

7. L’accroissement de solidité de la symphyse obtenupar la génioplastie est-il stable à long-terme ?Nous n’avons pas de données sur ce sujet. En re-vanche, rien n’indique qu’une génioplastie réa-lisée avant la fin de la croissance mandibulairen’affaiblisse le menton.

8. Le repositionnement du menton a-t-il un effetnéfaste sur la croissance mandibulaire ?Cette préoccupation valable est l’une des princi-pales raisons invoquée pour retarder l’interven-tion jusqu’à ce que la croissance soit quasi ache-vée. La comparaison du groupe de jeunes patientsayant bénéficié d’une génioplastie avec ceux dugroupe contrôle de patients du même âge pré-sentant une déficience mandibulaire mais n’ayantpas accepté de génioplastie permet d’examiner

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Figure 8

Type classique de remodelage osseux chez les patients jeunes visible par superposition des tracés céphalométriques. Du faitde la croissance, on observe un remodelage osseux au-dessus du segment de menton repositionné et une diminution de laprofondeur de l’encoche au niveau du bord inférieur mandibulaire. Ces changements sont plus importants chez les patients lesplus jeunes.

la croissance mandibulaire d’individus opérés ounon, ayant une morphologie mandibulaire simi-laire. La croissance au niveau du menton est engrande partie liée à la croissance de la mandi-bule. Le menton devient plus proéminent avecla croissance non par apposition dans la zonePogonion, mais par résorption au-dessus de lazone Pogonion qui s’étend vers le haut jusqu’aupoint B [6].

Si l’on compare un individu en croissance présen-tant une indication de génioplastie vers l’avant etvers le haut, avec un individu de groupe contrôle,

on observe chez ce dernier la persistance d’uneincompétence labiale, d’une convexité faciale ; onnote également une résorption osseuse qui se pro-duit au point B, une épaisseur de la symphysequi a tendance à diminuer. L’existence ou nonde changements chez un patient type du groupecontrôle est illustrée en figure 9.

Bien que nos données ne donnent aucune preuvepour étayer un effet négatif lié à une ostéoto-mie de bord inférieur sur la croissance mandi-bulaire, que l’intervention soit réalisée en débutd’adolescence ou plus tard, nous avons planifié

Chamberland S., Proffit W.R., Chamberland P.-E. Génioplastie fonctionnelle chez les patients en croissance 187

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Figure 9

Modifications de la face chez un patient témoin type non traité, âgé de 15 ans 10 mois à la fin du traitement orthodontique et de17 ans 9 mois au rendez-vous de suivi. Notez que la contraction du muscle de la houppe du menton, la tension de la lèvre et larétrogénie ne s’améliorent pas avec le temps.

de suivre les patients plus jeunes jusqu’à la fin dela croissance normale pour être sûr qu’il n’y aitpas d’effets résiduels autres que ceux anticipés.L’angle de plan mandibulaire diminue légèrementpendant la croissance normale de l’adolescent, etcela concorde avec ce que nous avons pu observerdans les deux groupes de patients les plus jeunes,ceux ayant bénéficié d’une génioplastie et ceux dugroupe contrôle.Il peut être techniquement difficile de ne pas al-térer les dents permanentes qui n’ont pas achevéleur éruption au cours d’une ostéotomie de bordinférieur chez l’enfant, c’est pourquoi il noussemble contre-indiqué de réaliser une génioplas-tie trop précocement. L’éruption des canines man-dibulaires se produit généralement autour de12−13 ans, ce qui rend dès lors la génioplastieréalisable pour la plupart des individus.

9. La plupart des précédentes études concernantla stabilité post-chirurgicale après génioplas-tie montrent qu’il s’agit de la plus stable desprocédures de la chirurgie orthognathique etqu’il n’est quasiment jamais observé de récidivenotable [2, 3, 19]. Tulasne [21], en utilisant une

procédure chirurgicale différente de celle décritedans cette étude, a rapporté plus de récidive (mo-difications de 40 % environ) chez les jeunes pa-tients. Martinez, et al. [7] ont également noté untaux plus important de récidive pour leur plusjeune groupe (modifications de 16 % environ),mais ces évolutions n’étaient ni cliniquement nistatistiquement significatives. Nos résultats neconfirment pas de récidive plus grande au ni-veau du point Pg pour les patients les plus jeunes.Comme pour la quasi-totalité de nos patients(91 %), l’ostéosynthèse est réalisée en fil d’acierdouble diamètre, une ostéosynthèse par vis pluscoûteuse ne garantit pas forcément une meilleurestabilité pour ce type de génioplastie [16].

5. Conclusions

– Les avantages d’une génioplastie via une ostéo-tomie du rebord inférieur de la mandibule dé-plaçant le menton vers l’avant et vers le haut(dite génioplastie fonctionnelle) sont multiples :accroissement de l’épaisseur de la symphyse,apposition osseuse au point B et remodelage du

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rebord inférieur mandibulaire. Les résultats sontmeilleurs en termes d’apposition et de remode-lage chez les plus jeunes comparés à ceux obte-nus chez les adultes.

– Lorsque l’indication de génioplastie fonction-nelle est posée, la correction chirurgicale précoce(avant 15 ans) produit de meilleurs résultats entermes de remodelage osseux. Ceci est princi-palement lié à une plus grande croissance verti-cale des procès dento-alvéolaires chez les patientsplus jeunes.

– Il n’y a pas de différence de stabilité post-chirurgicale après génioplastie, que ce soit chezles patients jeunes ou plus âgés.

Remerciements

Nous remercions Dany Morais pour la qualitéde son geste chirurgical, Warren McCollum pouravoir réalisé les graphiques et les tableaux, RamonaHutton-Howe pour la sélection des photographies àpublier, David Emond, de l’Université Laval, pourson expertise en statistiques, et les Fonds Orthodon-tiques de la Fondation Dentaire de Caroline du Nordpour son soutien financier. L’auteur le plus jeune aobtenu une bourse de doctorat de la Fondation Des-jardins, du Fond québécois de recherche sur la so-ciété, la culture et les sciences sociales et du Conseilen Recherches sur l’Humanité.

Conflit d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêtconcernant les données publiées dans cet article.

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