Gelinas Goulet Approche Narrative

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1 DE LA LECTURE POUR LA PRATIQUE ! Compte rendu de l’ouvrage Comprendre et pratiquer l’approche narrative : concepts fondamentaux et cas expliqués Compte rendu de l’ouvrage Blanc-Sahnoun, P. et Dameron, B. (2009). Comprendre et pratiquer l’approche narrative : Concepts fondamentaux et cas expliqués. Paris, France : InterEditions. Recension d’ouvrage réalisée par : Marie-Ève Goulet, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM Geneviève Gélinas, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM Sous la direction de : Louis Cournoyer, Ph.D., c.o. Professeur (counseling de carrière Université du Québec à Montréal

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    DE LA LECTURE POUR LA PRATIQUE !

    Compte rendu de louvrage

    Comprendre et pratiquer lapproche narrative : concepts fondamentaux et cas expliqus

    Compte rendu de louvrage

    Blanc-Sahnoun, P. et Dameron, B. (2009). Comprendre et pratiquer lapproche narrative : Concepts fondamentaux et cas expliqus. Paris, France : InterEditions.

    ISBN 978-2-7296-1025-

    Recension douvrage ralise par :

    Marie-ve Goulet, tudiante la matrise en carrirologie, UQM

    Genevive Glinas, tudiante la matrise en carrirologie, UQM

    Sous la direction de : Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.

    Professeur (counseling de carrire Universit du Qubec Montral

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    1. Une approche positive, influente et flexible

    Quel professionnel du domaine de lorientation na jamais t confront des clients submergs et paralyss par leur insatisfaction professionnelle? Trs peu, voire aucun. Les histoires et les expriences rapportes par ces clients, empreintes de ngativit, peuvent dominer et faire ombrage aux aspects positifs de leur vcu professionnel et de leur concept de soi. Ce processus les freine videmment dans leur capacit sorienter ou modifier leur travail actuel afin damliorer leur qualit de vie. Cette situation contraste avec le champ dexercice des conseillers dorientation qui stipule notamment que lintervention de ces derniers vise dvelopper la capacit de lindividu faire des choix professionnels et raliser des projets de carrire (Ordre des conseillers et conseillres dorientation du Qubec, 2010). Comment pouvons-nous donc dconstruire cette vision pour promouvoir le changement chez nos clients? Voil lapport majeur de lapproche narrative. Selon les auteurs Pierre Blanc-Sahnoun et Batrice Dameron (2009), les pratiques narratives permettent de reconstruire des rcits de vie o les histoires de problmes cdent devant linfinie capacit des personnes et des groupes et les aident tenir le coup dans les circonstances difficiles, dpasser la souffrance et les traumas. (p.2) Cette approche vise donc amener les individus, que ce soit en contexte de counseling individuel ou de groupe, atteindre un mieux-tre en les recentrant notamment sur leurs valeurs, leurs intrts et leurs espoirs. De dgager ces lments connotation plus positive a pour but daider les clients dterminer la direction dans laquelle ils veulent orienter leur prsent, leur futur et quitter ce cercle vicieux dinsatisfaction. Mme sil est possible didentifier des ressemblances entre les pratiques narratives et dautres approches utilises en counseling, notamment lapproche oriente vers les solutions (AOVS), les ides narratives viennent teinter leur faon linteraction conseiller-client. Influentes par nature, elles mettent laccent sur lutilisation de questions ouvertes, pour entre autres amener les clients voir leur situation sous un autre angle. Elles sont galement flexibles, tant au plan de lapplication des concepts que dans la possibilit de les combiner dautres approches. La prsente recension aborde louvrage intitul Comprendre et pratiquer lapproche narrative : Concepts fondamentaux et cas expliqus, premier ouvrage franais traitant de cette approche labore il y a plusieurs annes par Michael White et David Epston. Sa vise : faire connatre ce modle dintervention apparu en France au dbut des annes 2000, tout en permettant au professionnel de trouver [] un rcit qui lui parle, des mots et des images qui rsonnent, et qui lui permettent de comprendre [] quel travail se fait dans les conversations narratives. (p.2-3).

    2. Michael White et David Epston Selon Blanc-Sahnoun et Dameron (2009), les premires traces de lapproche narrative remontent aux annes 1980. Elle sest dabord fait connatre en Australie, la suite des travaux de ses deux fondateurs : Michael White et David Epston. Cela dit, il semble que ce soit surtout White qui ait poursuivi le dveloppement des pratiques narratives, au sein du Dulwich Center of Narrative Practice dAdelade, en Australie. M. White et D. Epston

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    ont dvelopp une approche pouvant tre utile tout intervenant en relation daide. Dnonant le jugement normalisateur de la socit, ils se sont intresss la faon dont les individus faisaient du sens avec leur vcu et ont cr diffrentes mthodes narratives visant externaliser, dconstruire et reconstruire certaines histoires de vie ngatives. Ayant fortement contribu lvolution de lapproche narrative, M. White est dcd en 2008. Mme sil sest coul plus de 25 ans depuis la cration de cette approche, il semble bien quelle ne se soit pas rpandue trs rapidement travers les autres continents. Dailleurs, elle est utilise en France depuis moins de 10 ans et se fait encore timide au Qubec. ce jour, la majorit des publications sintressant cette approche sont en anglais. M. White et D. Epston sont co-auteurs de quelques livres, notamment Narrative Means to Therapeutic Ends (1990). Pour sa part, M. White a de nombreuses publications son actif, dont le livre Maps of Narrative Therapy (2007) ainsi que Narrative Practice and Exotic Lives : Resurrecting diversity in everyday life (2004).

    3. Recension de cet ouvrage collectif Ce livre de 311 pages, rdig sous la coordination de Pierre Blanc-Sahnoun et Batrice Dameron, comprend une introduction et deux parties. Lintroduction et la premire partie ont pour but de prsenter le contexte historique duquel ont merg lapproche narrative et les concepts cls de celle-ci. La deuxime partie regroupe les chapitres 2 19, qui sont le fruit dune collaboration entre les deux auteurs et des praticiens utilisant lapproche narrative1. On y rapporte des histoires de cas relles qui permettent aux lecteurs de se reprsenter concrtement comment les ides narratives peuvent sappliquer des problmatiques varies. En guise de conclusion, les auteurs dressent un bilan de leur exprience les ayant mens produire ce livre. Lintroduction prsente les grandes lignes de lapproche narrative et fait ressortir, ds le dpart, sa pertinence pour le domaine de la carrirologie. Cette approche, centre sur le client, soutient que chaque individu se raconte des histoires propos de lui-mme qui structurent et influencent son parcours de vie. Comme le soulignent les auteurs, le milieu du travail par lintermdiaire duquel lindividu cherche spanouir personnellement et collectivement donne naissance diverses histoires tantt positives, tantt ngatives. Or, les histoires ngatives peuvent freiner le dveloppement des individus si ces derniers ne sont pas en mesure de se dgager des affects ngatifs y tant associs. Le but de lapproche narrative est damener les clients miser sur les histoires quils peroivent comme tant positives et dconstruire celles qui sont ngatives afin de les transformer en histoires prfres2. Pour ce faire, le professionnel amne le client redcouvrir ses

    1Mentionnonsque lespraticiensnarratifsportentdiffrents titres (coach, thrapeute, formateur,

    consultant,etc.).Deplus,nousferonsrfrenceauxpraticienscommetantlesauteursdecesdiffrentschapitres.Afindviterlaconfusion,seulelapageseraciteenrfrencelorsquunextraitserarapport.

    2Leshistoiresprfres,aussiappeleshistoiresalternatives,sontdeslignesnarrativesquiamnentlesindividusreconstruireleurhistoiredunefaonquicorrespondemieuxleursvaleursetleursrvesetdadopterainsidesrelationsinterpersonnellesplusconformesleursdsirs.(p.8)

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    valeurs, ses intentions, ses rves, etc. Ces nouveaux rcits permettent lindividu de redfinir son identit, de reconsidrer ses modes dinteraction avec autrui et de quitter cet tat de blocage dans lequel il tait plong. La premire partie du livre, intitule clairages, comprendre, est compose du chapitre 1 : Les pratiques narratives et la psychologie populaire. Dans ce chapitre, des extraits dun texte crit par Michael White, traduits en franais, exposent les principaux fondements thoriques et historiques de lapproche narrative. Il est dabord question de la psychologie populaire3, lintrieur de laquelle prennent racine les pratiques narratives. Elle se caractrise principalement par deux concepts : linitiative personnelle et les tats intentionnels. Ceux-ci rfrent des notions telles que les valeurs, les croyances, les dsirs, les espoirs et les intentions des individus, auxquels une place prpondrante est accorde pour comprendre ses propres actions et ractions ainsi que celles dautrui (p.48). La psychologie populaire nous permet donc de donner du sens notre vie et aux vnements qui nous arrivent. Par un bref retour historique, White explique que la psychologie populaire a peu peu t mise lcart avec larrive des psychologies professionnelles (p.28). Dabord, la psychologie dtats internes sest installe la fin du 19e sicle, accordant une place centrale au psychisme et aux mcanismes inconscients. Cette dernire est ensuite carte par le courant du behaviorisme radical, qui sera suivi de la rvolution cognitive. Dabord intresss par la construction de sens, les cognitivistes ont dlaiss cette ide pour se tourner vers le traitement de linformation. Puis, dans les annes 1970, on assiste la monte phnomnale des psychologies populaires des tats internes. (p.34) Le soi devient alors un concept central. Simultanment, la psychologie populaire se voit renatre puisque le tournant interprtatif issu de lanthropologie redonne la notion de sens une place dterminante pour comprendre laction humaine (p.36). White souligne que pour mieux comprendre ce qui leur arrive, les individus inscrivent [leurs expriences] dans des squences dvnements qui se droulent dans le temps et sorganisent autour de thmes spcifiques. (p.38) Il est possible de faire un lien avec les interventions en orientation, qui vont souvent dbuter par une exploration des diffrents parcours de vie du client. Le conseiller demande implicitement au client de rvler les diffrentes histoires quil a construites au fil du temps et qui vont gnralement tre rvlatrices de ses valeurs, de ses espoirs, de ses croyances, etc. Ces lments sont tablis et modifis tout au long de sa vie par le biais de ses expriences de vie, de ses contacts avec les autres et de la culture de son milieu. Lorsquun individu est confront un problme, lapproche narrative le peroit comme une occasion pour le client de reprendre contact avec ses tats intentionnels et douvrir la voie des possibilits qui navaient pas t envisages au dpart. Pour y arriver, lune des pratiques consiste utiliser les conversations externalisantes4, qui crent des options pour redfinir ou revoir les relations des personnes avec les problmes et ainsi sortir leurs vies de ces conclusions identitaires trs ngatives. (p.50) Cela permet de ne plus confondre lidentit avec le

    3Traductionde folkpsychology.Ce termene faitpas rfrence lapsychologiedu senscommun,

    maispluttunetraditionparticulire,profondmenthistorique,concernantlapprhensiondelavieetdelidentit.(p.26)Lapsychologiepopulaireestunefaondesexpliquerlefonctionnementdelhumain.

    4Aussiappelesexternalisationduproblme,ellesamnentconsidrerde lextrieur linfluencedunproblmedanslaviedelapersonne(p.97),puisrevoirquelleplaceelleveutluiaccorder.

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    problme et de crer des histoires alternatives, directement connectes leur identit dsire et relle et dtaches de lhistoire dominante5. White soutient que lidentit de la personne est le rsultat dune construction sociale et pour que lindividu puisse lancrer, cette identit doit tre valide par les autres. Cest pourquoi lors dinterventions dorientation narrative, une autre personne, connue ou non du client, peut tre invite comme tmoin extrieur et contribuer la nouvelle narration lors des crmonies dfinitionnelles6, concept largement abord lintrieur des chapitres. Une autre pratique consiste rechercher des exceptions, ces moments o la personne ntait pas envahie par le problme et qui mettent en lumire les ressources et qualits quelle possde. Le chapitre 2 marque le dbut de la deuxime partie du bouquin, nomme Tmoignages ; Pratiquer, et sintitule Lhistoire dun premier entretien. Son auteure, Brigitte Warnez, relate ses premiers entretiens avec Claude, un avocat ayant vcu un conflit professionnel avec un couple damis qui il a offert son aide. Cette msaventure a visiblement encore des impacts sur son identit et son quotidien. Cette histoire de cas illustre en quoi le fait didentifier le problme et de le nommer comme sil sagissait dun objet extrieur soi permet dadopter une toute autre perspective par rapport celui-ci. Les mots utiliss par le client sont de grands rvlateurs de ses valeurs et de ses besoins profonds. Voil une ide intressante amene par le chapitre 2. Les choix de mots effectus par nos clients ne sont pas le fruit du hasard et il est important dy porter attention lors de nos interventions puisquils rvlent ce qui importe pour eux. De plus, ce chapitre soulve limportance dtablir des liens entre la situation actuelle vcue par le client et dautres expriences similaires afin de faciliter lidentification de ses tats intentionnels et de ses ressources. En apprhendant la situation actuelle au regard de ses expriences passes, il est probable quil prenne du recul et soit capable de se questionner sur ses actions et ractions. Dans le chapitre 3, intitul Moments magiques de la vie ordinaire, Catherine Besnard-Pron voque la puissance que peuvent avoir les conversations narratives pour amener le client voir sa ralit sous un angle plus positif et ainsi diminuer lampleur des difficults perues. Lexternalisation du problme, la dconstruction du problme laide de questions ouvertes et la conversation de re-membrement7 ont t les principales mthodes employes auprs de trois clients aux prises respectivement avec des crises dangoisse, des difficults prendre position lors de conflits et une dmotivation professionnelle. Langoisse est un sentiment pouvant tre retrouv chez des tudiants qui doivent effectuer un choix de carrire ou des clients prouvant des difficults ngocier simultanment avec leurs rles de travailleur, de conjoint et de parent. En externalisant le problme, le

    5 Ce sont les histoires que nous avons cres au fil de nos expriences, autour desquelles sest

    construitenotreidentitetquiparfoispeuventnousenfermerdanslchecetlasouffrance.Letravailnarratifviselesdconstruiredefaonlaisserplaceaudveloppementdeshistoiresprfres.(p.7)

    6 Ce sont des conversations qui impliquent des personnes en tant que tmoins extrieurs de lanarrationetrenarrationdeleursviesrespectives.Cestdanslecontextedecesnarrationsetrenarrationsquelesindividussevoientencohrenceavecleursrevendicationsidentitairesprfres.(p.53)

    7Cesconversations sontaussiappelesconversationsde regroupementoude remembering.Ellespermettentdinvoquerdesfiguresrellesouimaginaires[]ayantconstituunesourcedinspirationenraisondesvaleursetdesintentionsquilesanimaient,etquiontpursonneraveccellesduclient.(p.184)

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    client peut parvenir clarifier ses tats intentionnels, se repositionner face ceux-ci et ainsi valuer la situation de faon plus lucide. En agissant de la sorte, on dconstruit galement le concept identitaire que la personne a dvelopp en lien avec cette situation. Dans le cas de figure illustrant les difficults dune cliente prendre position lors de conflits, les questions ouvertes utilises par la conseillre lamnent se dtacher de limage initiale de lchet quelle entretenait propos delle-mme. Ce mme type dintervention pourrait tre utilis auprs dun client angoiss de ne pas tre en mesure de se positionner face aux options de carrire possibles. La troisime cliente est insatisfaite et dmotive par sa situation professionnelle, problme frquemment rencontr chez des clients en contexte dorientation. En allant chercher ce que ces personnes admirent ou envient chez dautres (ex. : tre aussi passionne par son travail que lest son conjoint), il est possible de dgager plusieurs indices au sujet des valeurs et besoins auxquels les clients dsirent se raccrocher professionnellement. Lauteure du chapitre 4, Laurence dAndlau, raconte les cas dHadrien, Vincent et Benot en situation de transition professionnelle. Mme si les enjeux et le contexte dans lequel sinscrit la transition diffrent pour chacun de ces individus, tous font face au changement et lincertitude. Lapproche narrative a aid ces clients surmonter leur image identitaire ngative provenant de leurs expriences professionnelles passes, de leurs attentes face au travail et de leurs relations interpersonnelles afin quils soient en mesure de se lancer dans leur nouveau projet professionnel. Par le biais de la conversation pour redevenir auteur8, de la conversation de re-membrement, de la conversation externalisante et de la crmonie dfinitionnelle, la conseillre a amen les clients sortir dune impasse dcisionnelle et vouloir agir. Ces trois cas font ressortir en quoi les interventions en dveloppement de carrire peuvent tre constitues dallers-retours entre le pass, le prsent et le futur. En explorant les histoires ngatives passes, il est possible de faire merger les espoirs, les aspects cls que la personne dsire retrouver dans sa situation professionnelle future, ainsi que ses comptences et ses qualits actuelles qui favoriseront la ralisation de son projet. Elles peuvent galement permettre de dconstruire certains blocages chez des clients aux prises avec un sentiment dambivalence, concept central de ce chapitre. Il suffit de penser certaines personnes qui dsirent quitter un emploi insatisfaisant, mais qui narrivent pas faire le saut sous prtexte que les conditions de travail et le salaire ne seront pas aussi avantageux ailleurs. ric qui trace la route! est le titre du chapitre 5, qui dresse le portrait dun homme souffrant dhmiplgie et ayant une faible estime de lui, ce qui cre un obstacle sa recherche demploi. travers ce chapitre, lauteure Michle Gauthier illustre comment la mthode du tmoin extrieur est puissante pour amener le client modifier son concept de soi. Par le biais de cette technique, une troisime personne est invite participer lintervention et exprimer ses impressions, partager les mots cls quelle a capts dans le discours du client lorsque celui-ci a racont lune de ses histoires de vie. Se faire dcrire

    8 La conversation pour redevenir auteur de sa vie invite la personne raconter et dployer les histoires qui lui font du bien, o elle a jou un rle dont elle est satisfaite. Ces histoires peuvent devenir prfres et remplacer progressivement lhistoire dominante que la personne ou chacun dentre nous a tendance raconter le plus souvent et qui nous freine. (p.98)

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    par lautre peut nous amener mettre des mots sur ce qui nous caractrise, nous confirmer que nous sommes dans la bonne voie et remettre en question notre faon de sauto-valuer. Une intervention de ce genre pourrait savrer fort utile avec des clients aux prises avec le syndrome dimposteur, souvent li une faible estime de soi. Le titre du chapitre 6, Changement de cap, illustre bien le fait que les pratiques narratives peuvent tre une voie envisager quand les autres interventions utilises par lintervenant nont pas permis de faire avancer suffisamment le processus de counseling. travers lhistoire de Jean, qui ressent certaines insatisfactions face son travail, sa vie conjugale et qui craint la mort et la maladie, ce chapitre fait implicitement ressortir les similarits partages entre lapproche narrative et lAOVS. En ce sens, lauteure, Fanny Moureaux-Nry, part du principe quil faut faire confiance au potentiel positif de ceux qui demandent de laide (p.137) et se lance la recherche des forces et des tats intentionnels de Jean. Par lentremise de questions, elle tente donc de reprer des moments dexception, dexternaliser le problme et de diminuer lemprise des affects ngatifs sur le client. Lauteure rapporte que, dans le cas de Jean, le fait de se concentrer sur le diagnostic de la pathologie entretenait les problmes (p.137), un principe galement adopt par lAOVS. Le chapitre 7, intitul Lapproche narrative : une autre manire de penser et de faire se raconter une entreprise, ouvre la voie lapplication de lapproche narrative en entreprise. Plus prcisment, Bruno Auer y dcrit la faon dont un film retraant lhistoire dune socit a t labor partir de questions inspires des crmonies dfinitionnelles. Par le biais de ces questions, des clients, des fournisseurs, des employs et des actionnaires ont racont leur propre histoire au sein de lentreprise laquelle ils sont affilis. Cette utilisation de lapproche narrative a permis de faire ressortir, travers les discours individuels, une certaine unicit en ce qui a trait aux valeurs, aux comptences et aux visions encourages par lentreprise. Un tel rsultat naurait pu tre atteint sans cet effort de collaboration et reprsente une mine dor dinformations pour les gestionnaires : lheure o la recherche de la cohsion et la motivation des salaris passe par leur mobilisation, un tel gisement semble porteur de renouveau. (p.156) Ce cas dmontre la pertinence dintroduire les pratiques narratives en milieu organisationnel. Dans le chapitre 8, intitul Glouton ou le monstre de la boulimie, Michle Lechifflart raconte lhistoire de Marie, une femme souffrant de boulimie. Lauteure souligne que dans le cas de compulsions, les clients et lentourage peuvent avoir tendance percevoir la personne comme tant le problme. Par lapproche narrative, le problme peut tre dcrit et nomm, permettant alors lindividu de lui octroyer une identit indpendante de la sienne. Dans le cas de Marie, celle-ci nomme ses compulsions Glouton. Ce mme genre dintervention pourrait tre utilise dans le cas dun bourreau de travail qui pourrait nommer sa problmatique Drogue du travail. Ds lors pourrait soprer un certain dtachement entre le client, le problme et les motions ngatives qui y sont rattaches afin davoir davantage de contrle sur sa situation. Lauteure indique que les compulsions peuvent tre influences par les messages vhiculs par lenvironnement social. Si lon reprend lexemple ci-dessus, il est vident que limportance quaccorde la socit daujourdhui au rendement et la performance peut rendre vulnrables les individus qui

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    veulent correspondre la norme. Il est important de mentionner que la thrapie narrative avec Marie na pas t en mesure denrayer compltement le problme; bien que les crises de boulimie aient disparues, elle se faisait encore vomir occasionnellement. Le chapitre 9, Goodbye Mike, bonjour la crativit, aborde en quoi lapproche narrative peut savrer intressante pour aider les clients alcooliques redfinir leur identit ainsi que leur relation avec lalcool pour demeurer abstinents. Pour ce faire, ces clients sont amens reprendre contact avec leurs valeurs, qui avaient t cartes par lalcool et ses effets ngatifs. Lauteure de ce chapitre, Elizabeth Feld, prsente lhistoire de Carla, une ancienne alcoolique qui tente de vivre avec ses crises de panique et son perfectionnisme quelle touffait auparavant par lalcool. En nommant son problme Mike, elle a russi lui donner une identit propre et redfinir sa relation avec lui, pour arriver faire place certains aspects ignors de son identit : sa crativit. Selon lauteure, les programmes dentraide savrent essentiels pour aider le rtablissement des personnes alcooliques; dans ces groupes, les individus se sentent accepts, contrairement aux moments o ils se sentent marginaliss en refusant de boire, puisque ce comportement est encourag par la socit. Il est possible dtablir un parallle avec les chmeurs, qui doivent eux aussi rengocier leur rapport au travail, car en perdant leur emploi ils ont perdu leur identit de travailleurs. Au moment de se remettre la recherche dun emploi, ils devront viser se dtacher des effets ngatifs associs la perte demploi pour arriver se mobiliser. Tout comme les runions dAlcooliques Anonymes, les groupes de recherche demploi savrent une solution intressante pour btir cette nouvelle identit de chercheur demploi en interagissant avec dautres personnes vivant une situation similaire. Lauteur du chapitre 10, Lionel Ancelet, prsente Lutilisation des pratiques narratives sous forme dexercices crits lors dun bilan de comptences. Il expose une faon de bonifier les exercices habituellement proposs aux clients dans le cadre de bilans de comptences dans le but de faire ressortir leurs tats intentionnels (rves, valeurs, buts, etc.). Pour ce faire, le conseiller invite les clients attribuer un nom leurs ralisations. Lobjectif est daider les clients identifier les fils conducteurs qui guident leur vie et dapprofondir leur connaissance de soi en identifiant des qualits quils ne sattribuaient pas auparavant. Le fait de se concentrer sur leurs tats intentionnels permet aux clients de remplacer graduellement les histoires ngatives qui teintaient leur identit en adoptant une vision plus positive, partir de laquelle slaboreront leurs actions futures. Un autre exercice cible les conversations de regroupement, qui permettent aux clients de relier leur projet professionnel leur identit et aux personnes significatives pour eux, puis didentifier les actions ncessaires sa ralisation. Ce chapitre peut amener les conseillers dorientation se questionner sur la faon de prsenter les rsultats de tests ou de questionnaires aux clients. Que ces derniers se reconnaissent ou non dans les rsultats, il est pertinent de sattarder leurs explications et aux vnements quils associent aux intrts, aptitudes et traits de personnalit identifis par ces outils. Pour le conseiller et le client, de procder ainsi permet daider lexploration et la comprhension du vcu du client. Cela peut aussi reprsenter une faon dunifier un parcours qui semblait incohrent au dpart.

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    travers le chapitre 11, Xavier Blaevoet expose dans un langage concret son Utilisation de lapproche narrative, combine la mdiation par la photographie, plus spcifiquement dans le cadre de ses interventions auprs des chercheurs demploi. Lauteur y dtaille comment les photographies peuvent amener lindividu : 1) exprimer comment il se voit dans le moment prsent (identit); 2) identifier et externaliser le problme; 3) dfinir ce quil souhaiterait devenir (but); 4) dterminer les moyens quil possde ou qui sont ncessaires pour atteindre ses objectifs (ressources). Au travers de ces tapes, le client choisit une photographie parmi celles proposes et la commente. La photographie permet de faire merger diffrents vnements et motions chez le client, laide sexprimer sur son vcu en se dtachant du problme ainsi qu identifier un but. Il est par la suite invit relater des histoires passes o il a mis en uvre certaines de ses ressources pour quil reprenne contact avec celles-ci et puissent les mobiliser pour atteindre ses objectifs, ce qui semble dsormais possible. Cest ainsi que se construit lhistoire alternative du client, qui sera enrichie par la crmonie dfinitionnelle. On constate quune grande place est accorde la recherche dexceptions et aux ressources de lindividu, ce qui nest pas sans rappeler encore une fois des concepts importants de lAOVS. Cette mthode est facilement transposable dans les interventions du conseiller dorientation, les photographies tant utiles pour travailler sur toutes sortes de problmatiques, auprs de clientles varies. Dans le chapitre 12, Bernard Hvin illustre La place de la narrative dans le coaching de groupe. Dans le cadre des interventions de coachings individuels en groupe9, les participants sont invits exposer tour de rle un problme vcu au travail. Habituellement, lexposant recueille les conseils des autres, qui tentent de lui indiquer ce quil devrait faire. Cependant, lauteur a ralis quil tait prfrable damener lexposant discuter de la situation en faisant rfrence ses aspects relationnels et motionnels plutt que de le laisser parler propos du problme. Par lutilisation de la crmonie dfinitionnelle, il devenait possible de modifier la communication au sein du groupe et de se dtacher de la norme. travers ce chapitre, lauteur illustre par des schmas le droulement des crmonies dfinitionnelles adaptes ce type de coaching. Les participants schangent les rles de narrateur, tmoin extrieur et observateur, et sont tous appels sexprimer en privilgiant lexpression des motions. Il va sans dire que lune des rgles de base transmise aux participants consiste couter sans intervenir et sans juger. Cette nouvelle faon de communiquer peut ensuite tre transfre dans la vie de tous les jours, notamment dans le cadre de leurs relations professionnelles. Le chapitre 13, qui sintitule Accompagnement dune classe de BTS, Anne-Catherine Bousquel prsente une intervention narrative plutt particulire. Une directrice dcole fait appel ses services dans le but damliorer la dynamique et la collaboration au sein dune classe de 25 tudiants. Puisque la demande daccompagnement provient dune tierce personne et non des participants eux-mmes, la conseillre se retrouve dans une position dlicate. Alors, afin davoir le pouls de la situation actuelle tout en favorisant une implication commune, trois personnes occupant une position significative dans le groupe

    9Cetypedecoachingregroupesixhuitpersonnesquioccupentdesfonctionssimilaires[]etqui,

    mmesiellesappartiennentlammeentreprise,nontpasloccasiondetravaillerensemble.(p.195)

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    sont invites complter un questionnaire bas sur des principes narratifs. Par la suite, la conseillre communique aux tudiants lessentiel des rponses obtenues et ceux-ci, alors en position de tmoins extrieurs, sont appels crire leurs impressions et commentaires selon les tapes de la crmonie dfinitionnelle10. Une activit en petits groupes les amne ensuite identifier des suggestions pour amliorer la dynamique de la classe, quils appliqurent avec succs. Ce cas dmontre que le fait damener chaque membre prendre conscience dune problmatique commune et simpliquer dans la recherche de solutions peut constituer la cl de la russite dune intervention dans un tel contexte. Dans le chapitre 14, intitul Une approche narrative du conflit en thrapie de couple et en mdiation familiale, Jolle Rudin prsente lhistoire de Fabrice et Justine, qui sont en processus de mdiation familiale afin de sentendre sur la garde partage de leurs enfants. travers les changes qui nous sont rapports, on constate que les propos tournent autour des reproches et des vnements ngatifs vcus par lun et par lautre, tout cela tant peru comme la cause de leur chec amoureux. linstar du chapitre prcdent, lauteure utilise le questionnement narratif et les crmonies dfinitionnelles afin de parvenir la dissolution du problme11. Ces pratiques vont crer un contexte o un vcu motionnel diffrent pourra tre expriment en se dcentrant du rle habituel de chacun dans la relation conflictuelle. (p.214) Tour tour en position de tmoin extrieur, il devient plus facile pour chacun de saisir les tats intentionnels de lautre, alors peru moins ngativement. La relation prend un sens diffrent et lavenir peut tre envisag de faon positive. travers la lecture des chapitres de cet ouvrage, on ralise que les pratiques narratives peuvent tre appliques dans des contextes bien diffrents tout en visant un mme but : la dissolution dun conflit. On pourrait dailleurs transposer une intervention de ce genre dans une situation conflictuelle o un parent serait en dsaccord avec le choix professionnel de son adolescent. Laurence dAndlau, auteure du chapitre 15, dmontre comment lapproche narrative permet de mener une intervention daccompagnement respectueuse auprs dun client portant avec lui les souvenirs dun lourd pass. Elle nous fait dcouvrir le rcit touchant de Charlotte, une femme ge ayant pass quatre ans dans des camps de concentration japonais lorsquelle tait toute jeune. Au dpart, Charlotte demande de laide pour mieux grer son temps, puis exprime le dsir de raconter le rcit de ses annes passes aux camps, quelle na jamais rvles en entier jusquici. Il est possible de faire un parallle avec les clients vus en contexte dorientation, qui se prsentent parfois avec une demande prcise alors quau fil de lexploration, il apparat que le besoin rel est tout autre. Charlotte, qui ne demandait qu tre coute, a racont son histoire du dbut la fin et a vu la charge motive diminuer. Lauteure la simplement accompagne travers son rcit, en manifestant une coute sincre et en posant des questions favorisant lmergence et la comprhension de ses tats intentionnels. Ainsi, la cliente en vient tranquillement la construction dune histoire prfre, puis parvient envisager plus doptions et

    10Cestapesoupalierssontdcritesendtailauchapitre18,quiseconsacreexclusivement

    lillustrationdecettepratiqueoriginaleproprelapprochenarrative(p.207).11Lespraticiensnarratifsutilisentletermedissoudrepluttquersoudrelorsquilestquestiondun

    problmeoudunconflit.Sanstrersolu,leproblmedissoutnestplusaussienvahissant(p.210).

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    sengager dans des projets qui soient en accord avec qui elle est. Enfin, lauteure indique que le fait de raconter et re-raconter est un processus de rappropriation de sens et didentit. (p.240) Ce cas nous rappelle que lalliance thrapeutique joue un rle capital et que la russite de lintervention est largement tributaire de la qualit de la relation client-conseiller. Lauteure du chapitre 16, Marie-Christine Clerc, nous partage lHistoire dune confusion entre les mots du droit et les choses de la vie mettant en scne un jeune homme franco-algrien, Fawzi-Franois. Par une procdure lgale, il a fait lajout dun deuxime prnom, Franois, dans le but de trouver du boulot. Cette dcision a cr une grande confusion chez cet homme, qui se retrouve dans lambivalence par rapport la dfinition de son identit. Dabord, lauteure amne le client externaliser le problme, quil nomme brouillard. Grce aux questionnements narratifs, celui-ci reprend contact avec ses propres buts, valeurs, espoirs et dsirs. Il parvient ainsi mieux comprendre les raisons de son choix de mme que les sources de cette confusion identitaire. travers des conversations pour redevenir auteur, plusieurs allers-retours sont faits entre le pass et le prsent de Fawzi-F. afin datteindre une certaine cohrence identitaire. En lamenant retracer les moments dexception, quil lie aux qualits dont il a fait preuve ainsi qu ses tats intentionnels, il parvient btir une histoire alternative de plus en plus riche. Au terme des rencontres, il tait plus facile pour lui de se projeter dans lavenir et de sy engager avec confiance. Ainsi, lapproche narrative nous fournit des pratiques intressantes pour travailler sur des problmatiques identitaires. Cela nest pas sans intrt, puisque la confusion sur le plan de lidentit est certainement un thme rcurrent chez les clients qui manifestent un besoin dorientation. Le chapitre 17 sintitule Des histoires alternatives pour un projet de vie Laccompagnement de Virginie. Lauteure, Anne-Catherine Bousquel, nous prsente lhistoire dune jeune femme confronte au dilemme suivant : choisir entre projet familial et projet professionnel. Elle ne sait pas trop o aller, ni par o commencer. Aprs avoir dtermin lobjectif de laccompagnement et les indicateurs de russite, lauteure demande Virginie de donner un nom sa situation actuelle afin dexternaliser le problme, puis de voir quelles seraient les options lui permettant de sen dfaire. La projection de la cliente dans une situation future est frquemment utilise et chaque fois que loccasion se prsente, la conseillre lui demande de trouver un nom ou une image pour qualifier ce dont elle parle (problme, qualit, etc.). Cette technique, utile pour tout type dintervention, est assez simple et permet nommer labstrait pour le rendre concret, favorisant ainsi un dtachement de la part du client. De plus, il constitue un point de repre, car la cliente se rfre ensuite ces images lorsquelle parle de lvolution de son problme ou de sa situation. Puis, au fil des conversations pour redevenir auteur de mme que par la crmonie dfinitionnelle, lhistoire alternative prend une place de plus en plus grande. La cliente parvient alors envisager sa vie sous un angle diffrent, car le travail narratif mne la dissolution progressive des impasses et lmergence de possibilits nouvelles. (p.256) Quatre auteures ont particip la rdaction du chapitre 18, qui porte sur Les crmonies dfinitionnelles : des transports singuliers. Les auteures fournissent une explication

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    dtaille de ce concept cl de lapproche narrative en prsentant dabord le processus traditionnel des crmonies dfinitionnelles, qui ont gnralement lieu la fin de laccompagnement : un tmoin extrieur est invit couter lchange entre le client et le conseiller, sans intervenir, puis sexprimer en suivant les quatre paliers des crmonies dfinitionnelles12 : 1) les mots qui ont retenu son attention; 2) les images quil relie la personne et son histoire; 3) les rsonances que cette narration a suscites en lui (en se rfrant sa propre histoire de vie et aux expriences quil a vcues); et 4) exprimer en quoi lcoute de cette conversation a chang quelque chose pour lui, pour son avenir. Puis, le client procde de la mme faon pour la renarration. Les auteures ont ensuite choisi dillustrer cette pratique particulire de lapproche narrative partir du cas de Virginie, prsent au chapitre prcdent. La lecture de son propre rcit (chapitre 17) sera le point de dpart de la crmonie dfinitionnelle. En somme, il apparat clair que la cette pratique peut tre utilise dans de multiples contextes et adapte en fonction du besoin daccompagnement. Le prochain et dernier chapitre en est une autre illustration. Dans le chapitre 19, Pierre Blanc-Sahnoun relate lhistoire dUn accompagnement narratif dune communaut professionnelle confronte un suicide. Il est question dune entreprise bien tablie rachete deux ans plus tt par une nouvelle Direction13, dont les pratiques de gestion sont vivement dnonces lorsque survient le suicide dun employ. La raction de ses collgues est intense, la colre est palpable et la responsabilit de lentreprise est mise en cause. Par une participation volontaire une rencontre individuelle, puis un rassemblement communautaire narratif14, lauteur a amen les individus concerns redonner un sens un geste isol : le suicide dun collgue. travers lexplication des difficults auxquelles il a t confront lors de cet accompagnement (prjugs, manque de collaboration de la Direction, etc.), lauteur expose concrtement comment il est parvenu, laide de lapproche narrative, resserrer les liens de solidarit unissant les employs de cette filiale et recrer un sentiment dappartenance au sein du groupe. Ainsi, ce cas met en lumire les contraintes et limites que peut rencontrer le praticien en milieu organisationnel. Il expose une faon singulire dintervenir auprs de ses membres, soit en sattardant au sens quils attribuent lvnement et en favorisant le soutien mutuel au sein de la communaut professionnelle touche. Un tel accompagnement, guid par les principes narratifs, pourrait sappliquer diverses situations impliquant la gestion dune crise et prsente une utilit certaine dans dautres contextes dintervention, tels que la consolidation dquipe.

    4. Pertinence pratique : Des outils plutt quune approche?

    12Dansuntableaursum,lesauteursontprissoindedcrireendtailcesquatrepaliers(p.278).13Lemployenquestiontravaillaitdanscetteentreprisedepuis25ans.Ilavaitrendezvousavec la

    Directionlasemainesuivantsonsuicideetcraignaitdesevoirremercilorsdecetentretien(p.286)14Cerassemblementpermetunecommunautdemobilisersespropresressourcespourragir

    untrauma,ngociersesdiffrentessignificationsetproduireunehistoiredegurisoncollective.(p.291)

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    Cet ouvrage collectif se veut dabord et avant tout un outil pour initier le professionnel en relation daide lapproche narrative. Orients sur la pratique plutt que sur la thorie, les auteurs et praticiens ont pris soin de publier un livre ax sur lexplication et lillustration concrtes des pratiques narratives par le dvoilement de cas rels. Ce faisant, ils nous rvlent autant leurs bons coups que les difficults quils ont pu rencontrer. De plus, travers les diffrents chapitres, les concepts narratifs sont prsents dans des contextes dintervention distincts, ce qui facilite la comprhension tout en vitant la redondance. En mme temps, cela met en vidence lnorme flexibilit que peut avoir cette approche en termes dapplication, le travail narratif pouvant amener des rsultats tonnants dans des contextes daccompagnement varis. Bien que la carrirologie ne soit pas lunique domaine cibl, il nen demeure pas moins que les histoires de cas rapportes font rfrence de nombreuses problmatiques pouvant tre rencontres dans le cadre de notre pratique, que ce soit en contexte dorientation ou dans le milieu organisationnel. Il suffit de penser aux cas traitant de clients en processus de transition professionnelle, au bilan de comptences ou aux interventions ralises en entreprise. la lecture de cet ouvrage, il nous apparat clair que les auteurs et praticiens narratifs ont dvelopp leur propre conception de laction humaine et de lintervention, do le fait quils abordent les ides narratives en les prsentant comme une approche. Toutefois, au terme de la lecture, nous nous questionnons toujours savoir sil sagit rellement dune approche, ou plutt de techniques et dexercices, puisque les pratiques narratives ne permettent pas davoir une vision ncessairement complte de la situation du client. En ce sens, les pratiques narratives partagent avec lAOVS le fait quelles sintressent majoritairement au prsent et au futur, mais trs peu au pass, tout en accordant beaucoup dimportance laction. Cela fait en sorte que ltape de la comprhension du vcu du client, tant sur les plans scolaire et professionnel que personnel, peut tre effectue de manire insuffisante. Ainsi, certaines problmatiques bien ancres chez des clients ne peuvent tre rsolues quen surface. Il suffit de prendre lexemple de Marie (chapitre 8) qui, bien que les crises de boulimie soient disparues, se fait toujours vomir occasionnellement au terme des interventions. Ainsi, les pratiques narratives seraient-elles suffisantes pour aider, par exemple, les bourreaux de travail aborder diffremment leur travail, et ce long terme? Permettez-nous den douter. Toutefois, il reste que les pratiques narratives reprsentent des outils intressants employer avec les clients et possdent lavantage de pouvoir se combiner facilement dautres approches dintervention en counseling de carrire. Puis, il est vrai que selon le besoin ou la problmatique du client, il peut parfois tre suffisant de se concentrer sur le moment prsent et la recherche de solutions concrtes, sans sattarder aux sources du problme. En ce sens, lapproche narrative peut tre particulirement utile lorsque les conseillers rencontrent certains nuds lors de lintervention auprs de clients prisonniers de leur ngativisme et de leur insatisfaction. Les ides narratives permettent galement dlargir la vision strotype que peuvent avoir les futurs professionnels de lorientation en ce qui a trait aux interventions effectues en counseling de carrire. Bien que les rencontres puissent se faire uniquement en prsence du conseiller et du client, il est intressant de souvrir la possibilit dinviter des personnes titre de tmoins extrieurs. Il pourrait sagir des parents dun jeune prt mettre en action son projet de carrire et qui, auparavant, se sentait oblig de choisir la profession dicte par ses parents plutt que par ses propres tats intentionnels. Par la crmonie dfinitionnelle, le jeune aura loccasion de partager avec ses parents le chemin parcouru et de consolider

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    sa nouvelle identit (intentions, valeurs, espoirs, besoins profonds, etc.). En mme temps, ses parents pourront comprendre ce qui est important pour lui et remettre en question la perception quils avaient de son choix. La conversation de regroupement est une autre pratique narrative qui accorde une attention particulire au rseau social du client, notamment aux personnes qui jouent ou qui ont dj jou un rle significatif dans sa vie. Parfois, cela peut mme lamener renouer avec des individus ayant dj fait partie de sa vie et dont linfluence a t positive. Les praticiens narratifs vont galement inverser cette relation, en ce sens o ils demanderont au client de retracer, travers des expriences passes, de quelle faon il a pu contribuer positivement la vie de certaines personnes. Cela constitue un moyen intressant utiliser en tant que conseiller dorientation, car il fait ressortir les ressources du client de mme que ses tats intentionnels. De plus, ces conversations permettent de sortir du cadre habituel de lintervention en encourageant lexploration des conditions du milieu au-del du rseau social actuel du client. Lapproche narrative souligne galement la place de la crativit dans nos interventions. Par exemple, lun des chapitres relve lutilit des photographies lintrieur dune dmarche daccompagnement. La photographie, en faisant appel la symbolique, constitue un mdium intressant auprs des clients qui sexpriment moins facilement sur leurs motions et leur vcu. Bien quelles puissent tre utilises pour travailler diffrentes problmatiques, elles sappliquent particulirement bien aux chmeurs qui ont perdu leur identit de travailleurs et qui doivent se redfinir comme des chercheurs demploi. La photographie constitue un moyen intressant de sortir de cette dfinition identitaire ngative en amenant le client se projeter positivement travers les images, tout en facilitant la connexion avec les ressources et valeurs quil possde. Enfin, les ides narratives font bien ressortir le fait que la faon dont les individus se peroivent et peroivent les autres est teinte par leur culture ainsi que les valeurs vhicules par la socit. Dans le contexte o les professionnels en carrirologie sont appels rencontrer des clients de divers milieux culturels, ce principe rappelle limportance de sinformer sur la culture de nos clients : leurs croyances, leurs valeurs, leurs coutumes, etc. En ayant ces notions en tte, il est plus facile de faire ressortir les tats intentionnels que les clients ont intrioriss, malgr eux, par leurs contacts avec lenvironnement, et ceux sur lesquels ils dsirent rellement btir leur parcours de vie. De faire raliser certains clients que leurs actions passes visaient davantage rpondre aux besoins et aux pressions de lentourage peut ouvrir la voie une relle exploration de leur identit et les aider mieux se connatre. Ainsi, lindividu sloigne parfois de ses tats intentionnels, sans vraiment sen rendre compte. En prenant conscience des choses importantes ses yeux, il en vient la reconstruction de son identit autour dune histoire alternative, plus positive. Cest dailleurs lobjectif vis par les conversations pour redevenir auteur, qui amnent le client retracer des histoires passes pour faire ressortir les liens entre ces vnements et ses intentions, valeurs, espoirs et rves. Ce processus facilitera ncessairement les phases de comprhension et daction de la dmarche dorientation, puisque ces prises de conscience pourront soutenir la construction de projets qui soient en accord avec lidentit du client.

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    5. Bibliographie

    Blanc-Sahnoun, P. et Dameron, B. (2009). Comprendre et pratiquer lapproche narrative : Concepts fondamentaux et cas expliqus. Paris, France : InterEditions.

    Ordre des conseillers et conseillres dorientation du Qubec (2010). Guide dvaluation

    en orientation. Montral : OCCOQ. White, M. & Epston, D. (1990). Narrative Means to Therapeutic Ends. New York : W.W.

    Norton. White, M. (2007). Maps of Narrative Practice. New York : W.W. Norton. White, M. (2004). Narrative Practice and Exotic Lives: Resurrecting diversity in

    everyday life. Adelaide, South Australia : Dulwich Centre Publications.