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lesgensdumois La Gazette n° 285 - Du 30 mai au 3 juillet 2013 6 ur la montée de la Bourse, j’ai rajouté le public qui regarde le défilé de joutes”, explique Michel Izoird. Sur la table de sa cuisine au-dessus du port de la Pointe-Courte, l’ancien pêcheur installe une blonde pépette de quatre centimètres, der- rière une haie d’honneur de lances en piques à brochettes et de rames en bâtonnets de glace, “selon le protocole”. Un pinceau dans la main, dans ses pavois colorés ou ses miniatures, “Morizot” s’affirme en “style naïf”. Méticuleux, et même patient, pour sculpter un à un les personnages en pinces à linge, pour ses scènes de joutes qui animent les vitrines es- tivales de commerçants sétois (1). Mais quand le Pointu de 64 ans ouvre la bouche et retrousse ses narines, mieux vaut sortir le pavois. Non qu’il en impose par sa carrure, ni qu’il titille la lance avec force. Par ses colères homériques, ce vieux briscard du monde des joutes s’est surtout fait spécialiste du chichois à la sétoise. Jouteur verbal de haute volée, Morizot s’estime “capable de tenir tête à n’importe qui”. En mettant en scène son différend depuis dix ans avec son meilleur ennemi, feu Bouchon (2) du Quartier-Haut, le Thalassa de 2003 a marqué les esprits. Le sien d’esprit, se tourne désormais tous les après-midi vers son ami Pierre François, décédé en 2007. Du généreux peintre sétois, il expose avec fierté sets de tables, assiettes et pavois dé- corés. Sa collection fait écho à l’exposition que Frontignan dédie à l’artiste multiforme cet été (3). Mais c’est en permanence que Pierre François inspire Morizot: “Quand je peins, quand je sculpte, je pense à Pierre. J’aimerais qu’il soit là pour me dire “c’est bien” ou pas. J’adopte mon propre style, mais s’il n’avait pas été là, je n’aurais jamais peint.” DRH des joutes Descendant d’un batelier venu à Sète pour bâtir le port, vissé à la Pointe-Courte où il est né, Morizot a moins baigné dans le milieu artistique que dans la pêche, la politique et les joutes. Et déployé une sensibilité tonitruante, loin de faire l’una- nimité: “L’injustice me fait mettre hors de moi, je vais au clash, quitte à y laisser des plumes.” Prud’homme de Sète (étang) pendant six ans, il recadre les petits-métiers qui ne respectent pas leur poste de pêche. Conseiller municipal RPR dans les années 80, il n’hésite pas à s’opposer au maire Yves Marchand, bien qu’appartenant à sa majorité (voir Courrier): “On s’est disputés : il n’arrivait pas à me faire voter ce qu’il voulait.” “Embauché” à 13 ans comme ramasseur de pa- vois, il prend en charge, manu militari, l’embar- quement des jouteurs, puis l’organisation des équipages des barques bleue et rouge. Et s’im- pose, pendant près de 30 ans, comme le véritable directeur des ressources humaines (DRH) des tournois. Rameurs, barreurs, ramasseurs de pa- vois, poseurs de noms: “Pour la Saint-Louis, la Ville me donnait 40 000 francs en liquide pour payer le personnel des joutes : j’en avais pris la responsabilité.” Nostalgique et coloré Efficace, Morizot réduit la durée des tournois d’une heure, gère la “montée en grade” des jeunes. Et l’hiver, bichonne le matériel municipal dans les hangars. Depuis 2006, stop. De quinze à vingt-quatre tour- nois, il ne s’occupe plus que de celui du Pavois d’Or, sa société. “Les joutes n’ont plus rien de loyal, elles m’écœurent. J’aime les couleurs, la musique, mais pas les valeurs de l’entourage social.” Alors Morizot devient sauvage. Loin d’attendre avec impatience la saison des joutes, il les crée selon son plaisir. Sous la bonne étoile de Pierre François, à défaut de prendre des pincettes, il prend des pinceaux. Et devient naïf, par petites touches de couleurs. (1) Optique Krys Réthoré Grand’rue Mario-Roustan, photo Clément, costumes Valette, rue Gambetta. Exposition dans le hall de la Mairie durant la Saint- Louis fin août. (2) Henri Anselme (3) L’été en Méditerranée, exposition de ses peintures sur tous supports (volets, lettres, pavois, …) autour du taureau, des fêtes votives et du vin, par l’espace culturel européen 7Sois 7Luas, au centre François-Villon à Frontignan, du 14 juin au 21 juillet. Voir p. 39. MORIZOT Grande gueule et petits pinceaux “S

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La Gazette n° 285 - Du 30 mai au 3 juillet 2013

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ur la montée de la Bourse, j’ai rajouté le publicqui regarde le défilé de joutes”, explique MichelIzoird. Sur la table de sa cuisine au-dessus duport de la Pointe-Courte, l’ancien pêcheur installeune blonde pépette de quatre centimètres, der-rière une haie d’honneur de lances en piques àbrochettes et de rames en bâtonnets de glace,“selon le protocole”.Un pinceau dans la main, dans ses pavois colorésou ses miniatures, “Morizot” s’affirme en “stylenaïf”. Méticuleux, et même patient, pour sculpterun à un les personnages en pinces à linge, pourses scènes de joutes qui animent les vitrines es-tivales de commerçants sétois (1). Mais quandle Pointu de 64 ans ouvre la bouche et retrousseses narines, mieux vaut sortir le pavois. Nonqu’il en impose par sa carrure, ni qu’il titille lalance avec force. Par ses colères homériques, cevieux briscard du monde des joutes s’est surtoutfait spécialiste du chichois à la sétoise. Jouteurverbal de haute volée, Morizot s’estime “capablede tenir tête à n’importe qui”. En mettant en scèneson différend depuis dix ans avec son meilleurennemi, feu Bouchon (2) du Quartier-Haut, leThalassa de 2003 a marqué les esprits.Le sien d’esprit, se tourne désormais tous lesaprès-midi vers son ami Pierre François, décédéen 2007. Du généreux peintre sétois, il exposeavec fierté sets de tables, assiettes et pavois dé-corés. Sa collection fait écho à l’exposition que

Frontignan dédie à l’artiste multiforme cet été(3). Mais c’est en permanence que Pierre Françoisinspire Morizot: “Quand je peins, quand je sculpte,je pense à Pierre. J’aimerais qu’il soit là pour medire “c’est bien” ou pas. J’adopte mon propre style,mais s’il n’avait pas été là, je n’aurais jamais peint.”

DRH des joutesDescendant d’un batelier venu à Sète pour bâtirle port, vissé à la Pointe-Courte où il est né, Morizota moins baigné dans le milieu artistique quedans la pêche, la politique et les joutes. Et déployéune sensibilité tonitruante, loin de faire l’una-nimité: “L’injustice me fait mettre hors de moi, jevais au clash, quitte à y laisser des plumes.”Prud’homme de Sète (étang) pendant six ans, ilrecadre les petits-métiers qui ne respectent pasleur poste de pêche. Conseiller municipal RPRdans les années 80, il n’hésite pas à s’opposerau maire Yves Marchand, bien qu’appartenantà sa majorité (voir Courrier): “On s’est disputés:il n’arrivait pas à me faire voter ce qu’il voulait.”“Embauché” à 13 ans comme ramasseur de pa-vois, il prend en charge, manu militari, l’embar-quement des jouteurs, puis l’organisation deséquipages des barques bleue et rouge. Et s’im-pose, pendant près de 30 ans, comme le véritabledirecteur des ressources humaines (DRH) destournois. Rameurs, barreurs, ramasseurs de pa-vois, poseurs de noms: “Pour la Saint-Louis, la

Ville me donnait 40000francs en liquide pourpayer le personnel des joutes: j’en avais pris laresponsabilité.”

Nostalgique et coloréEfficace, Morizot réduit la durée des tournoisd’une heure, gère la “montée en grade”des jeunes.Et l’hiver, bichonne le matériel municipal dansles hangars.Depuis 2006, stop. De quinze à vingt-quatre tour-nois, il ne s’occupe plus que de celui du Pavoisd’Or, sa société. “Les joutes n’ont plus rien de loyal,elles m’écœurent. J’aime les couleurs, la musique,mais pas les valeurs de l’entourage social.”Alors Morizot devient sauvage. Loin d’attendreavec impatience la saison des joutes, il les créeselon son plaisir. Sous la bonne étoile de PierreFrançois, à défaut de prendre des pincettes, ilprend des pinceaux. Et devient naïf, par petitestouches de couleurs.

(1) Optique Krys Réthoré Grand’rue Mario-Roustan,photo Clément, costumes Valette, rue Gambetta.Exposition dans le hall de la Mairie durant la Saint-Louis fin août.(2) Henri Anselme(3) L’été en Méditerranée, exposition de ses peinturessur tous supports (volets, lettres, pavois, …) autour dutaureau, des fêtes votives et du vin, par l’espace cultureleuropéen 7Sois 7Luas, au centre François-Villon àFrontignan, du 14 juin au 21 juillet. Voir p. 39.

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Un défilé de “pots de yaourts”. Les 15 et 16 juin, de la place du Kiosque-aux-Quilles, puis autour de l’étang de Thau (voir p. 33), Réginald Gonnetet Tiziana Littera font partager aux Sétois leur passion pour les Fiat 500…et aux collectionneurs leur passion pour Sète. Avec la ferme intentionde donner un coup de pouce aux commerçants. À travers ces Italiennespopulaires, les cinquantenaires devraient retrouver l’époque bénie deleur jeunesse. Tout droit venue de 1967, ce n’est pas la pimpanteChoupette rouge de Réginald et Tiziana qui s’en plaindra.Sète Auto Passion: http://regi34200.skyrock.com

ils et elles font l’actualité autour de l’étang de thau / pages réalisées par Raquel Hadida et Cécile Guyez /

photos Guillaume Bonnefont - Raquel Hadida - Charlotte Gonzalès - Daniel Daligand /

La Gazette n° 285 - Du 30 mai au 3 juillet 2013

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Et si la fête des voisins s’étendait à nos proches de Méditerranée? Le 31mai, Joe Dasnière, militante sétoise pour les droits des sans-papiers, fête lesvoisins immigrés. Dans une initiative unique en France, elle invite à rejoindrele pique-nique solidaire et artistique (voir p.28) devant le centre de rétentionadministrative de Sète, “encore plus rempli depuis l’élection de Hollande, avecle même rythme d’expulsions, dénonce-t-elle. Chacune coûte 26000€…”. Depuistrois ans, avec une dizaine de proches de RESF (réseau éducation sans frontières),Joe rend visite aux “retenus” sétois. Et n’hésite pas à lancer des alertes citoyennes“face à l’intolérable”. [email protected]

MADY TEISSEDREÀ la barre pour les marins

JOE DASNIÈREVoisine des sans-papiers

TIZIANA LITTERA ETRÉGINALD GONNETMini-caisse, maxi-passion

ISABELLE THIERCELINCouture solidaireDans la famille “fruités”, je demande le frère et la

sœur! Fraises, abricots, melons, asperges, concombre…:Véronique Garcia assortit des “paniers fraîcheur SNCF”(15€) en direct de ses 20 ha de Villeveyrac. À quelquesencablures, son frère Michel, engagé dans les circuitscourts, est le premier de l’Hérault à concocter des jusde fruits artisanaux et naturels (sans conservateur nicolorant), à partir de fruits locaux et sous la marqueVerger de Thau. Fille et grand-mère distribuent, elles,paniers et bouteilles tous les mardis en gare de Sète, de16h30 à 19h. Et se font vite dévaliser par les riverainsravis. www.verger-de-thau.com. Mas Gaël, 0626378964.

VÉRONIQUE ETMICHEL GARCIAFraîcheur en gare

HERVÉ DI ROSACSurprise fugace: dans L’Écume des jours, le film-événement deson ami Michel Gondry, Hervé Di Rosa apparaît comme un relieur.À Sète, le peintre-star retourne au lycée Paul-valéry par la grandeporte: entre la cour Jean-Vilar et la cour Georges-Brassens, se trouvedésormais la cour Hervé-Di Rosa. Et à Aubagne, ses “Renés” sédui-sent les enfants qui imaginent avec lui le look du futur tramway.

PIERRE VASSILIU, BENJAMIN TONIUTTICLe chanteur Pierre Vassiliu, 75 ans, installé à Sète, sera le héros dudocumentaire qu’a entamé la Mézoise Laurence Kirsch sur lui etqu’on imagine empreint de sensibilité. CBenjamin Tonuitti, l’ex-passeur de l’Arago de Sète, obtient le bras-sard de capitaine de l’équipe de France de volley et évoluera à Ra-venne (Italie) la saison prochaine.

CANDICE RENOIRCPersonnage de fiction, la flic sétoise et mère Candice Renoir de-vrait revenir en 2014 sur France 2 pour une saison 2 de 10 épisodes.Tournés avec quatre metteurs en scène, et avec “plus de Sète”. Dif-fusées en avril-mai, les huit enquêtes de la série policière ont déjàséduit 4 millions (16 %) de téléspectateurs par soirée. Et fait bosserplus de mille figurants, 50 rôles et 50 techniciens de l’Hérault.

ET AUSSI...

Les ex-matelots-thoniers comptent sur elle. Avocate à Mèze,Mady Teissedre défend une quarantaine de dossiers sétois autribunal de Montpellier. Périodes d’embarquement, décomptedes parts de pêche, fins de contrats, travail gratuit d’avant-saison: les litiges sortent de l’omertà, après une réduction desquotas de thon évinçant l’essentiel des marins (voir p. 8).Confiante dans les jugements en appel*, Mady Teissedreréaffirme le droit du travail classique: “Le droit maritime n’estpas une somme d’usages confus et fluctuants.”Première victoiredes procès: depuis 2011, les patrons délivrent des bulletinsde salaire… *Premiers délibérés attendus fin juin

“La seule que j’exploite, c’est moi!” La costumière sétoiseIsabelle Thiercelin lance une ligne de vêtements, Coq et Poule,qui ne passera pas par le low-cost. Dessinés par des artistessétois (dont Aldo Biascamano et André Cervera), ses foulardssont imprimés par une usine de soie lyonnaise, afin de“préserver des savoir-faire qui disparaissent avec la délocalisation”.Motifs de sirènes et squelettes “mexicains”: pour faire brodersacs, robes et chemises, Isabelle travaille au Laos, avec desateliers gérés par une ONG, pour les mères en difficulté. Dèsfin juin, elle présentera ses séries limitées en “ventes privées”à Sète. [email protected] - www.coqetpoule.com

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