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lesgensdumois La Gazette n° 282 - Du 28 février au 3 avril 2013 6 ange tes méduses. C’est le titre choc de l’éco- logue marin Philippe Cury dans son nouvel ou- vrage grand public, qui place l’humanité face à des choix cruciaux pour sa pérennité. Expert in- ternational aux multiples prix scientifiques, le directeur du centre sétois “Ifremer” (1) alerte, philosophe et propose de “réenchanter le monde” en nous réconciliant radicalement avec la nature. Le tout appuyé par des anecdotes et des faits scientifiques. En premier lieu, la surexploitation de 92 % des espèces de poissons. Qu’il observe à Sète, mais aussi en Namibie ou en Chine, dans la mer jaune de Bahai. “Une fois que les gros pois- sons comme les mérous se raréfient, c’est au tour des poissons ” fourrage” (2), et des oiseaux marins, affamés, comme les manchots ou les fous du Cap. Qui prend la place? Les méduses, qui envahissent les mers. Les Chinois sont ravis, ils les sèchent et les mangent. Mais pas sûr qu’on les apprécie autant en Europe!” D’autant plus qu’une fois installées, difficile de les déloger: elles dévorent les larves de poissons… qui sont alors trop peu nombreux pour dévorer les leurs. Alors, si Philippe Cury se penche sur les poissons, “ce sont les pêcheurs que je défends !”, insiste le chercheur de 57 ans, fort de ses observations autour du monde, via des symposiums et postes au Sénégal, en Californie ou en Afrique du Sud. Les politiques lâchent la pêche, comme si c’était dépassé. Nous, les scientifiques, sommes certes mauvais en communication, mais nous sommes leurs meilleurs alliés.” Pas des chalutiers, trop peu sélectifs et trop gourmands en gasoil. Mais d’une pêche vraiment artisanale et lente — petits moteurs, petits filets —, celle que devrait déve- lopper, selon lui, les subventions. “En Méditerranée, la reconstitution du thon rouge, c’est la seule bonne nouvelle.” Changer de scénario Son premier livre en 2008, Une mer sans pois- sons, fut jugé pessimiste. Philippe Cury s’assume utopiste. Et pointe une contradiction originelle : “la stratégie de la nature, c’est de faire des cycles : pour se reproduire, les animaux retournent au bercail. Alors Homo Sapiens n’a qu’une obses- sion : son expansion.” Épuiser une ressource, puis aller voir ailleurs. Le “progrès”, en langage courant. Qui se heurte, depuis les années 1980, à la limite des capacités de la Terre, sans compter le changement climatique, prompt à brouiller les cartes. En attendant de nous replonger dans un cycle plus pérenne, c’est Philippe Cury lui-même qui s’épuise. Sept jours sur sept de travail, les jetlags à répétition, les “loisirs” pour écrire. Mais tou- jours, la reconnaissance pour son organisme de recherche, l’IRD (1), qui a su lui “donner l’ouver- ture des pays du Sud” et lui “laisser une immense liberté d’expression”. Passion d’enfance Et, derrière sa moustache étonnée, la passion intacte du petit garçon. Celui de Montargis, dans le Loiret, qui pêchait la carpe, collectionnait les aquariums exotiques dans la cave de la maison, observait avec acuité le cannibalisme des pois- sons rouges du bassin. Et qui, aujourd’hui, dans la mer le long de la Corniche, aimerait bien revoir plus de vie. Mange tes méduses: réconcilier les cycles de la vie et la flèche du temps, de Philippe Cury et Daniel Pauly, éd. Odile Jacob, en librairies fin mars. (1) Connu sous le terme “Ifremer” (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), le centre sétois regroupe aussi des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de l’Université de Montpellier 2. Directeur de recherche de classe exceptionnelle à l’IRD, Philippe Cury dirige cette unité de recherche sur les écosystèmes marins exploités, soit 120 personnes, dont une vingtaine ba- sées à l’étranger (Pérou, Afrique du Sud, Seychelles, etc.). (2) Harengs, sardines, anchois, etc. 37 % des captures mondiales sont utilisés en farine et en huile en aqua- culture ou en élevage. PHLIPPE CURY Le papa des poissons… et des pêcheurs M

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La Gazette n° 282 - Du 28 février au 3 avril 2013

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ange tes méduses. C’est le titre choc de l’éco-logue marin Philippe Cury dans son nouvel ou-vrage grand public, qui place l’humanité face àdes choix cruciaux pour sa pérennité. Expert in-ternational aux multiples prix scientifiques, ledirecteur du centre sétois “Ifremer” (1) alerte,philosophe et propose de“réenchanter le monde”en nous réconciliant radicalement avec la nature.Le tout appuyé par des anecdotes et des faitsscientifiques. En premier lieu, la surexploitationde 92 % des espèces de poissons. Qu’il observeà Sète, mais aussi en Namibie ou en Chine, dansla mer jaune de Bahai. “Une fois que les gros pois-sons comme les mérous se raréfient, c’est au tourdes poissons ” fourrage” (2), et des oiseaux marins,affamés, comme les manchots ou les fous du Cap.Qui prend la place? Les méduses, qui envahissentles mers. Les Chinois sont ravis, ils les sèchent etles mangent. Mais pas sûr qu’on les apprécie autanten Europe!” D’autant plus qu’une fois installées,difficile de les déloger: elles dévorent les larvesde poissons… qui sont alors trop peu nombreuxpour dévorer les leurs.Alors, si Philippe Cury se penche sur les poissons,“ce sont les pêcheurs que je défends!”, insiste lechercheur de 57 ans, fort de ses observationsautour du monde, via des symposiums et postesau Sénégal, en Californie ou en Afrique du Sud.“Les politiques lâchent la pêche, comme si c’était

dépassé. Nous, les scientifiques, sommes certesmauvais en communication, mais nous sommesleurs meilleurs alliés.” Pas des chalutiers, troppeu sélectifs et trop gourmands en gasoil. Maisd’une pêche vraiment artisanale et lente — petitsmoteurs, petits filets —, celle que devrait déve-lopper, selon lui, les subventions. “EnMéditerranée, la reconstitution du thon rouge, c’estla seule bonne nouvelle.”

Changer de scénarioSon premier livre en 2008, Une mer sans pois-sons, fut jugé pessimiste. Philippe Cury s’assumeutopiste. Et pointe une contradiction originelle:“la stratégie de la nature, c’est de faire des cycles:pour se reproduire, les animaux retournent aubercail. Alors Homo Sapiens n’a qu’une obses-sion: son expansion.” Épuiser une ressource,puis aller voir ailleurs. Le “progrès”, en langagecourant. Qui se heurte, depuis les années 1980,à la limite des capacités de la Terre, sans compterle changement climatique, prompt à brouillerles cartes.En attendant de nous replonger dans un cycleplus pérenne, c’est Philippe Cury lui-même quis’épuise. Sept jours sur sept de travail, les jetlagsà répétition, les “loisirs” pour écrire. Mais tou-jours, la reconnaissance pour son organisme derecherche, l’IRD (1), qui a su lui “donner l’ouver-

ture des pays du Sud” et lui “laisser une immenseliberté d’expression”.

Passion d’enfanceEt, derrière sa moustache étonnée, la passionintacte du petit garçon. Celui de Montargis, dansle Loiret, qui pêchait la carpe, collectionnait lesaquariums exotiques dans la cave de la maison,observait avec acuité le cannibalisme des pois-sons rouges du bassin. Et qui, aujourd’hui, dansla mer le long de la Corniche, aimerait bien revoirplus de vie.

Mange tes méduses: réconcilier les cycles de la vieet la flèche du temps, de Philippe Cury et DanielPauly, éd. Odile Jacob, en librairies fin mars.

(1) Connu sous le terme “Ifremer” (Institut françaisde recherche pour l’exploitation de la mer), le centresétois regroupe aussi des chercheurs de l’Institut derecherche pour le développement (IRD) et del’Université de Montpellier 2. Directeur de recherchede classe exceptionnelle à l’IRD, Philippe Cury dirigecette unité de recherche sur les écosystèmes marinsexploités, soit 120 personnes, dont une vingtaine ba-sées à l’étranger (Pérou, Afrique du Sud,Seychelles, etc.).(2) Harengs, sardines, anchois,etc. 37% des capturesmondiales sont utilisés en farine et en huile en aqua-culture ou en élevage.

PHLIPPE CURYLe papa des poissons… et des pêcheurs

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Pétillante et inter-active. À peine arrivée de Montélimar dans sonbureau de directrice de l’Office de tourisme (OT) de Sète, EmmanuelleRivas foisonne d’idées. Parfumer les envois de documentation auxembruns, développer une véritable boutique-dégustation de produits duterroir, etc. Avec l’agrandissement de l’OT, cette Arlésienne de 46 ansva même pouvoir installer des bornes avec des applications mobiles…et des conseillers. Pour cette “geek-hyperconnectée”, avant-gardiste duWeb touristique au niveau national, “pas de numérique sans humain”.Son axe de développement? La basse et moyenne saison, avec optiontourisme d’affaires.

ils et elles font l’actualité autour de l’étang de thau /

pages réalisées par Raquel Hadida et Cécile Guyez /

photos Guillaume Bonnefont - Raquel Hadida /

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Peut-on retrouver son prestige passé? C’est l’interrogation du MontpelliérainJean-Louis Terrade à travers son roman sétois Une saison au club. Tout commeses personnages, ex-activiste et fils d’activiste italien “rangés”, le club de footle FC Sète tente de “revenir au premier plan”, en vain. Fin, discret et méthodique,le consultant en ressources humaines de 66 ans a observé l’équipe tout aulong de la saison sportive 2009-2010, a exploré les quartiers. Sur papier, ilrévèle les lumières singulières hors saison comme les coulisses du monde dufoot — dirigeants fictifs, résultats réels. Et échappe au pittoresque. On joue lejeu. Une saison au club, éd. Fayard, 19€

STÉPHANE TARROUXPremier poste

JEAN-LOUIS TERRADELe ballon et la plume

EMMANUELLE RIVASÉgérie du tourisme

JEAN-LUC ETJEAN-CHRISTOPHE PÉRÉASur la nouvelle aire des gens du voyage de Frontignan,

Nora Aboula crée un trait d’union avec le monde exté-rieur. École, administrations, services sociaux, projetsculturels : déléguée par Thau Agglo, la gérante del’entreprise SG2A se démène pour intégrer les 22 famillesprésentes — soit une centaine de voyageurs, installéspour quatre mois maximum. À l’intérieur, elle parvientà “éviter le ghetto en créant un véritable lieu de vie”. À l’ex-térieur, elle tient à “lever les représentations négativespar rapport aux habitants”, qu’ils soient manouches,gitans, Sinti, Yanish ou forains. Et noue un dialogueempreint d’humanité.

NORA ABOULALien chaleureux

ILS SE DISTINGUENTCLe notaire Gaël Vermogen préside la jeune chambre économiquede Sète et du bassin de Thau. Michel Zambrano, président des sau-veteurs en mer, obtient des plaisanciers sétois un soutien de 13560€.Les pâtissiers Michèle et Serge Aprile (rue Euzet à Sète) remportentun Mercure d’Or pour la transmission de leur entremets fétiche,le Frescati, au 38e challenge du commerce et des services à Paris.

ILS MÈNENT DES BATAILLESCLes “petits-métiers” obtiennent un rendez-vous au ministère del’Écologie: ils demandent plus de permis de pêche au thon rouge etmoins de périodes de fermeture pour celle des anguilles. FabriceMoras, un papa sétois, passe deux heures en haut de l’aqueduc desArceaux de Montpellier pour revoir sa fille de 9 ans; reçu au tribunal,il dépose une nouvelle requête auprès du juge aux affaires familiales.

TOUTES NOS CONDOLÉANCESCÀ Sète, le pêcheur Pascal d’Acunto disparaît à l’âge de 83 ans: lepère de Pierre d’Acunto, premier prud’homme de Sète, fut l’un desartisans du développement des chalutiers. Patrice Baugnies, SDF duTriolet, décède à 49 ans d’une crise cardiaque, au bout du rouleau. ÀMèze, le décès d’Alphonse Betti, dit Fonfon, fondateur du Rugby clubet de la Nouvelle lance, endeuille le monde des joutes et de l’ovalie.

ET AUSSI...

À 42 ans, Stéphane Tarroux est le nouveau conservateuren charge des collections permanentes du musée Paul-Valéry à Sète. Sa mission: la restauration des œuvres, laconservation préventive et le réaménagement des réserves,mais aussi la parution d’un catalogue (avril) et la restructurationdu site Internet (cet automne). “Pour mon premier poste, j’attendsune expérience concrète et la découverte des autres corps demétier.”Professeur à Versailles depuis 1988, Stéphane Tarrouxpasse le concours de conservateur en 2010. Formé à l’Institutnational du patrimoine (INP), il seconde, depuis l’automnedernier la directrice du musée, Maïté Valles-Bled.

Diffuseurs d’huîtresUn clic et, en 24h, huîtres et oursins de Thau arriventaux quatre coins de la France! Via Internet, le conchy-liculteur mézois Jean-Luc Péréa est le premier à ravirde fraîcheur les papilles parisiennes ou bourguignonnes.Avec couteau, citron, lingette, bouteille de Picpoul etpetit mot. Un défi pour Jean-Luc, peu adepte de l’infor-matique, mais convaincu par son fils, Jean-Christophe,de participer au projet Web d’amis clients du mas. Audémarrage, six colis par semaine, et, à l’arrivée, l’espoirde mieux valoriser sa production. www.meshuitres.com