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Avenue du Mas d’Argelliers - ZI Près d’Arènes - MONTPELLIER 0 892 68 18 34 (Appel à 0,34 TTC/min) Fax : 04 67 92 33 73 OUVERT DU LUNDI AU SAMEDI DE 9H À 12H ET 14H À 18H - PARKING CLIENT www.cpdem.fr CPDEM Comptoir Pièces Détachées Electro Ménager VENTE PARTICULIERS ET PROFESSIONNELS PIÈCES DETACHÉES : Petit éléctroménager, gros ménager, pièces cumulus, grande cuisine DÉPANNAGE : Petit éléctroménager (centrales vapeur, aspirateurs, cafetières, préparateurs culinaires...) AFFUTAGE COUTEAUX JE SUIS SORTIE DE LA RUE ET J’EN SUIS FIÈRE Pêche Témoignage À LA RECHERCHE DES ANNÉES ROCK Fans N° 291 décembre 2013 La deuxième vie du Picasso de Sète PIERRE FRANÇOIS TOUTES LES SORTIES DE DÉCEMBRE ET SI LA CRIÉE QUITTAIT SÈTE R 27955 - 291 - 1,00 PHOTO MICHEL DESCOSSY - PHOTO PEINTURE FRÉDÉRIC JAULMES - DROITS DE REPRODUCTION EN ACCORD AVEC LA FAMILLE

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Avenue du Mas d’Argelliers - ZI Près d’Arènes - MONTPELLIER0 892 68 18 34 (Appel à 0,34 €TTC/min) Fax : 04 67 92 33 73OUVERT DU LUNDI AU SAMEDI DE 9H À 12H ET 14H À 18H - PARKING CLIENT www.cpdem.fr

C P D E M Comptoir Pièces Détachées Electro Ménager VENTE PARTICULIERS ET PROFESSIONNELS

PIÈCES DETACHÉES : Petit éléctroménager, gros ménager, pièces cumulus, grande cuisineDÉPANNAGE : Petit éléctroménager (centrales vapeur, aspirateurs, cafetières, préparateurs culinaires...)AFFUTAGE COUTEAUX

! JE SUIS SORTIEDE LA RUE ET J’EN SUIS FIÈRE"

Pêche

Témoignage

À LA RECHERCHEDES ANNÉES ROCK

Fans

N° 291 ! décembre 2013

La deuxième vie du Picasso de Sète

PIERRE FRANÇOISTOUTES LESSORTIES

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Pierre François :la deuxième vie

du Picasso de SèteInventif, humble et généreux, et très aimé des Sétois : le peintrePierre François ne tombera pas dans l’oubli. Sept ans après sondécès en 2007, sa famille et ses amis multiplient les initiativespour faire circuler son œuvre, prolifique et vibrante de vie.Obtiendra-t-elle la reconnaissance qu’elle mérite ?

Joutes, pêche, étang de Thau,ponts et cargos, fête foraine.C’est tout l’univers populaire

de Sète, et la mémoire de sonévolution au siècle dernier,qu’on retrouve sur les toiles dePierre François. Jamais plate-ment reproduites à l’identique,façon “marine”. Toujours avecun brin de dérision. Cyclistes,nageurs, baigneuses, scaphan-driers, baleines, toreros ou musi-ciens: en perpétuel mouvement,ses personnages “mythiques”faits de traits noirs, évoluentdans des perspectives décons-truites, sur des aplats de cou-leurs vives. Médiatique dans leLanguedoc, durant les années1970 à 2000, le peintre sétoisreste particulièrement aimédans sa ville natale. Pour sa géné-rosité, sa modestie, son inven-tivité sans bornes. Décédé subi-tement en 2007, à 71 ans, illaisse derrière lui une œuvreprolifique. Dont une partie est

Hommages picturauxAutodidacte, Pierre Françoisn’en est pas moins trèscultivé par la lecture, lecinéma, les musées. Auxpeintres qui l’inspirent, iln’hésite pas à rendrehommage ouvertementpour approfondir sesrecherches. Ici, Les Ménines,exécutées à partir dutableau-phare de Vélasquez,reprises par Picasso,récurrentes chez PierreFrançois. “Je travaillecomme sur un thème dejazz : Picasso fait la mélodieet nous (les peintrescontemporains), on fait unbœuf dessus.”

Espiègle et intègrePendant 40 ans, Pierre François aconsacré sa vie à la peinture. À gauche,le peintre dans les années 60-70 avecson sourire espiègle, sa fraîcheurintacte. À droite, son autoportrait :Pierrot le fou de Godard (1966), enpeinture à l’huile. Le musée Paul-Valéry, de Sète, sollicite ce tableau,mais la famille ne souhaite pas s’enséparer : Pierre François l’avait venduavant de demander à le racheter.

La Gazette n° 291 - Du 28 novembre 2013 au 1er janvier 2014

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encore en possession de safamille. Mais pour rester vivants,pour ne pas tomber dans l’ou-bli, l’homme et son œuvre méri-tent plus qu’une exposition paran. Du 1er au 8 décembre, seshéritières, sa femme Maryse etses deux filles Agnès et Isabelle,lancent l’association Les Amisde Pierre François, présidée parla Sétoise Martine Bousquet,amie et admiratrice du peintre.Sept ans après sa mort. Le tempspour elles de dépasser un deuilencore douloureux, de pouvoirmanipuler les peintures, de s’au-toriser à décider à sa place.

Œuvres d’art, circulez!Alors elles reprennent en maincet héritage artistique en inves-tissant une partie de leur héri-tage financier. Elles numérisent450 œuvres, créent un beau siteWeb-galerie (1), participent ausalon Art Shopping à Paris, édi-tent deux tableaux en sérigra-

phie, un calendrier et des cartespostales, exposent des dessinset objets inédits.Mais elles envisagent aussi derééditer les livres et les affichesqu’il a illustrées (voir p. 12), derassembler dans un catalogueles œuvres, détenues par les col-lectionneurs du monde entier.Voire de créer une arthothèquepour mettre les œuvres en loca-tion :“si on ne regarde pas untableau, il meurt.” Et, à longterme, créer un lieu d’exposi-tion permanente, tout en sou-tenant des artistes muticartes,tel le Sétois Stéphane Gantelet.Objectif: garder connectés le largecercle des “gens qui l’ont connus”dont la réalisatrice Agnès Varda,des milliers d’“amoureux”, dontle journaliste Edwy Plenel (ex-duMonde et créateur de Médiapart).

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Bleu intenseBrut, sorti du pot, en aplat : le “bleu Pierre François” éclate au contact des autrescouleurs, comme sur cette Fête de la Saint-Pierre (2007). Peuplé de bateaux, descaphandriers, de baigneuses, de marins, de baleines, de thons et autres poissons, cebleu si caractéristique inonde de lumière ses tableaux sétois marqués par l’eau.Mais aussi la tombe du peintre, au cimetière marin, couverte de bleu par sa famille.Un ultime signe de liberté.

Les belles lettresUn mélange de majuscules et de minuscules noires auxboucles de couleur vive : à quand la police de caractère“Pierre François” ? Fasciné par le lettrage, la calligraphie,amoureux des mots, Pierre François n’hésite pas à faireserpenter son écriture d’écolier où bon lui semble…

Réalisé par Raquel Hadida / photos Frédéric Jaulmes - André Hampartzoumian -

Raquel Hadida - Droits de reproductionavec l’accord de la famille. /

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OccitanitudePeint sur toile de jute, brute, Le Bœuf de Mèze (1990) fait partie des animaux-totems, et des traditionslanguedociennes défendues par Pierre François. Ami des écrivains de langue occitane Yves Rouquette, MarieRouanet, son épouse, et Félix Castan, Pierre François participe au mouvement occitan comme à celui duLarzac. Par sa peinture, il s’engage contre le centralisme et pour la pluralité culturelle.

Un “Pierre François” en sérigraphie !En reproduisant des tableaux à 100 exemplaires, l’association des Amis de Pierre François rend disponible Les Émigrés (1996), ci-dessus, ainsi que

Men at Work à 150€ (adhérents). Et espère créer une arthothèque, pour que ses peintures, au lieu de se faire rares et chères, continuent à circuler,donc à vivre. Pour acquérir des œuvres originales, comptez de 160€ pour un morceau de bois à 10 000€ pour les grands tableaux. À droite, IsabelleFrançois, une des deux filles du peintre, “soutenant” un “bois” de son père, le Torero assis.

! PEINTURE

Événement:Les petits secrets de Pierre François,du 1er au 8 décembre.Exposition-vente d’œuvres de Pierre Fran-çois à l’Espace Félix, 2 quai du Gal-Durand,à Sète (à côté de la boutique de design).Ébauches, dessins, affiches, objets en bois…exposés pour la première fois.Le dim. 1er et le sam. 7 déc., de 16h à 20h:Scène ouverte : apportez vos instruments,vos voix, vos textes…Ambiance avec le trio “Aqueles”.Vous avez connu Pierre François? Vous serezinvité à raconter souvenirs et anecdotes sur“la chaise qui parle”. En intimité filmée pourrecueillir votre témoignage.Adhésion à l’association Les Amis de PierreFrançois: 20€ (y compris calendrier et enve-loppes).Infos : 0688308698,www.pierre-francois.com

Mais aussi, à Pinet :Mano a mano, du 13 décembre au 31 jan-vier, au caveau Ludovic Gaujal à Pinet, expo-sition de peintures de Pierre François avecles photos de son ami Ernest Puerta, en hom-mage à leur ami Ludovic Gaujal, disparudébut 2013. Vernissage le 13 déc. à 18h.Accès : 1 rue Ludovic-Gaujal.voir www.gaujal.fr

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10 dossierEt surtout élargir la réputation de Pierre Fran-çois au-delà du Languedoc. Avec le secret espoirde le voir reconnu dans l’histoire de la peinturecontemporaine française.Pour l’illustrateur René Biosca, “il faudrait serendre compte que Pierre François était un génie”(2). Serait-il le père de la Figuration libre, commele soutiennent de nombreux collectionneurs?Hors de question pour Pierre François d’êtreassocié à de plus jeunes peintres tels Hervé diRosa ou Robert Combas, doués en communi-cation, mais éloignés de ses valeurs : “Je suis lepère d’Isabelle et d’Agnès, c’est tout.”

Hors systèmeSelon David Garcia, galériste montpelliérain del’AD Galerie, amateur de Pierre François!etdéfenseur de la Figuration libre : “La filiationest plus géographique qu’artistique. Éloigné desconcepts de l’art académique, Pierre François estplus proche de l’art brut. C’est un très très bonartiste local, le premier de l’époque contempo-raine. À la puissance de sa composition, à l’éven-tail de sa palette, au choix de ses couleurs, à safinesse, son intelligence, il y a une flamme quis’en dégage. Mais, comme disait Daniel-HenryKanweilher, le galériste de Picasso: “Il n’y a plusde grand peintre sans grand marchand.” Le fairesavoir est aussi important que le savoir-faire.Aujourd’hui, avec la vitesse de communication,un artiste ne peut pas “exploser” après sa mort s’iln’est pas connu de son vivant.”Pour le critique d’art Christian Skimao, “il y aurgence à situer Pierre François à sa vraie placedans l’histoire de l’art. Il se situe hors des modesvite consommées qui firent de la Figuration librele feu de paille et de banknotes (de billets de banque,NDLR) qu’elle fut. Il poursuit calmement son che-min, dans cette volonté “impérialiste” d’occupertous les espaces disponibles (voir p. 12)”, écrit-ilen 1998.

Pierre François ne s’encombre pas d’étiquettes.“Dans les années 1970, il se distingue nettementdu conformisme ambiant à Sète”, témoigne JoséBel, le directeur de Fiesta Sète. Mais, au-delà duLanguedoc, entrer dans le marché de l’artimplique d’entrer le système des galéristes, de lamédiatisation. Or après avoir testé la vie pari-sienne, trop grise, il choisit de vivre au pays, à sonrythme. Malgré sa gentillesse, il n’est pas dupe!del’opportunisme des “trafiquants de peinture”. Il vajusqu’à refuser d’exposer. Met dehors un jour-naliste aux questions trop abruptes. Quitte à sedesservir, en termes de carrière, il n’entre pas enosmose avec ce monde-là.Car Pierre François n’est pas le genre d’artisteà se “faire mousser”, d’un air hautain: pour lui,“la convivialité, c’est la création” (2). Tout enapprofondissant sa culture et ses recherchespicturales, il se refuse à intellectualiser la pein-ture. Point d’interprétations fumeuses auprèsde critiques d’art : il préfère raconter un tableauà des enfants conquis. À ses expos, il ne rateaucune visite de classed’école, se laisse tutoyeravec naturel. “Ta peinture me rend heureux”, luiconfie même un lycéen.

Boulimique de peintureOutre “le plaisir physique de peindre”, PierreFrançois n’avait pas d’objectif avoué. Tout au plusadmet-il : “Je pense que j’ai peint quelques bonstableaux. J’en découvre 10 ou 20 ans après, quandje vais chez quelqu’un. Avec une telle distanceque je me demande si c’est moi qui l’ai peint.”Dans une journée, une fois sa correspondancedécorée dès le petit matin, Pierre François créedeux à dix œuvres. D’un trait. En parlant, enlisant, en mangeant, sans ranger. Sans esquisse,sans gomme, sans palette. D’une couleur sur lepinceau, il s’attaque à plusieurs supports à la fois.Essuie ses pinceaux en créant à nouveau (4).Jamais à cours d’inspiration.

Oui, il décide de vivre de sa peinture. Mais celle-ci reste un moyen de créer des relations de qua-lité avec les gens. De rendre service. Ne l’em-pêche pas de rester curieux, attentionné vis-à-visdes autres et de leurs créations.

La hantise de se vendreÀ tous ceux qu’il accueille bras ouverts dans sonantre, il propose de “voir comment les œuvresvivent chez eux”, de les échanger. “La peinturen’est pas chère, donc l’art ne doit pas être cher.Si c’est une marchandise, alors faut qu’on puissela colporter, qu’elle reste accessible !”D’autant plus que Pierre François n’est pas boncommercial. “Il a été prisonnier de son éduca-tion, analyse son frère Robert. Il a fait comme sonpère, artisan. À fabriquer, sans s’occuper du reste.Enfants, nous devions encaisser les factures denotre père auprès de types fortunés : c’était humi-liant.” D’où, peut-être, cette aversion à donnerun prix. Cette aversion à vendre des machinesà coudre Singer, en porte à porte, pendant deuxans. “Il conseillait toujours de ne pas prendre laplus chère, qui ne servirait à rien!”, sourit sonépouse Maryse. En peinture, Pierre François“avait peur de se vendre, de perdre son intégrité”,suggère le peintre sétois Cosentino. Simple etouvert, il se révèle néanmoins “inquiet, profon-dément angoissé”, confie sa fille Isabelle. Pourse rassurer, que faire? Peindre, peindre, peindre.Et peindre encore.

(1) www.pierre-francois.com(2) Propos rapportés par Robert François, le frèredu peintre.(3) Dans ce dossier, les paroles de Pierre sontissues d’une vidéo de 50 minutes réalisée en 1998par le Lodévois Bernard Derrieu, ou rapportéespar ses proches.(4) D’où le poteau en béton peint devant chez lui,au 72 rue Jean-Vilar.

Pierre François vu par Vincent Cunillère.Pas d’atelier : Pierre François peint le plus souvent au sol, dans le jardin. Encore une preuve d’humilité ? C’est le photographe sétois Vincent Cunillère qui a réalisé cette photo noir et blanc, etdemandé à l’artiste de peindre directement dessus. Celle-ci est conservé au Musée Paul-Valéry depuis 1997 et visible jusqu’au 26 janvier au sein de l’exposition Duos d’atelier.

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11Réalisé par Raquel Hadida /

photos Frédéric Jaulmes - André Hampartzoumian -

Raquel Hadida - Vincent Cunillière /

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! PEINTURE

!BIOGRAPHIE DEPIERRE FRANÇOIS• Né en 1935 à Sète, au 17 rueLazare-Carnot, d’un pèregaragiste et d’une mère d’origineitalienne. Aîné de cinq frères.• 2e guerre mondiale: de 5 à7 ans, vit dans un centred’accueil, à Bédarieux.• Enfance dehors, dans sonquartier entouré d’eau. Joue aufoot, apprend à lire sur les cargos,à nager dans les trous de quais.• Adolescence sportive (gym,natation, etc.). Ateliers dessindans son collège Victor-Hugo.• 1955: Monte à Paris à 20 ans,rejoint son ami sétois RenéBiosca, travaille commeillustrateur de pubs etmagazines.• 1961: Revient à Sète, se marieavec Maryse Routier, un amoursolide et durable.• 1962-1972: Gère un masostréicole à Bouzigues, puispetits boulots, dont commercialchez Singer. Premières expos,côtoie le monde occitan.• À partir de 1972: à 37 ans,décide de devenir “peintre àplein temps”. Crée des décors dethéâtre.Peint Sète et la culture duLanguedoc.Se lance dans des fresques, ladécoration de bus, illustreaffiches, livres et disques…Soutenu par des amateursfidèles, il vit néanmoins sansgrands moyens.• Années 1990: Sa peur del’avion surmontée, il voyage:New York (en famille, pour ses60 ans), la Corse, Rome, Venise, leMaroc. S’intéresse aux marchésaux puces, aux ports. Son styles’affirme, les ventes deviennentplus confortables.• 1998 : Expo rétrospective aumusée Paul-Valéry.• 2007 : Deux mois après unepremière alerte, il décède d’unecrise cardiaque à 71 ans.

Aucune palette ! Le peintrePierre François crée sesmélanges directement surla toile, dehors, devant samaisonnette de la rueJean-Vilar à Sète. Quitte àdevoir tout rentrer encatastrophe, quand il pleutau milieu de la nuit…

L’affiche de Fiesta Sète.Après l’affiche et les tickets de l’Espace-Brassens etde la Saint-Louis, Pierre François réalise l’affiche dufestival de musiques du monde en 2007. Une desinnombrables affiches qu’il réalise dans sa vie.Souvent gracieusement, par exemple pour le ciné-club de la MJC de la Corniche, où José Bel (l’actueldirecteur de Fiesta Sète) était animateur. Ou enéchange de cartons de vin, pour les calendriersannuels du vigneron Gaujal, à Pinet. Pour le mêmetarif, il laisse ses 15 esquisses. À l’inverse de PierreSoulages, qui lui, raconte-t-on, remporterait lemoindre croquis griffonné…

La Criée aux poissons (2007)C’est l’avant-dernier tableau peint par PierreFrançois, avant son infarctus fatal, le 14 février2007. Le peintre se plaisait à mimer sa future mortd’arrêt cardiaque – son rêve –, mais ses proches,eux, en demeurent fort secoués. Pour son épouseMaryse, c’était “le jour de la fête des amoureux”.Il venait de passer à la télé pour médiatiser lecentenaire du club des nageurs des Dauphins, etde retrouver le scaphandrier sur bois qu’il voulaitoffrir à son ami Ernest Puerta. Trois jours après samort, une galériste parisienne propose del’exposer pour faire grimper les prix. “Je l’aivirée !”, raconte Maryse.

La peinture, une histoire de famille“Je suis né en peinture parce que notre

père avait une vraie boîte de peinture àl’huile.” Si Pierre François ne grandit

pas dans une famille d’artistes (bien que samère joue du piano), il a toujours dessiné,et ses quatre petits frères ont tous une acti-vité artistique. C’est à son plus proche frèrequ’il demande de lui réaliser des sculpturesen bois, à décorer: Robert devient son four-nisseur officiel de matériaux (voir p. sui-vante). “Pierre, c’était mon phare, j’aurais faitn’importe quoi pour lui”, s’émeut-il.C’est son épouse, Maryse, qui l’encourageà arrêter les boulots “alimentaires” pourvivre de sa peinture. Formée à la compta-bilité, elle devient, de fait, son agent. QuandPierre François préfère donner un tableauplutôt que donner un prix, c’est elle qui fixeles tarifs, tient à jour la liste des ventes, etc.Dans les expos, elle organise l’accrochage

des toiles : “je faisais le premier mur, ça l’en-courageait.”Pierre François peint sur la table du salon:c’est en famille qu’on imagine les titres de sestableaux. Dès leurs 11 ans, ses filles Isabelleet Agnès participent aux fresques et aux décorsde théâtre. “Pour aider mon père à mieux com-prendre les scénarios, on lisait les pièces avec masœur, et je la mettais en scène”, raconte Isa-belle… devenue, depuis, comédienne, chan-teuse et metteuse en scène. C’est, en 1998,lors de son expo au musée Paul-Valéry que sonpetit-fils Thomas fait ses premiers pas; il l’yemmènera tous les dimanches. Et pas ques-tion de vendre un tableau si sa femme, ses fillesou son petit-fils veut le garder. Alors même queleurs goûts rejoignent ceux du public, commele racontent Maryse et Agnès: “Les tableauxqu’on aimait beaucoup se vendaient bien mieuxque ceux qu’il préférait!”

Et si on jouaità jouter ?

Pierre François,son épouse,

Maryse, et sesdeux filles,Isabelle et

Agnès, posentdans le décor

de fête forainequ’il a

imaginé.

Décorer, illustrer? Toujours partant

Outre ses expositions personnelles,Pierre François s’enthousiasme pourles aventures collectives. Comme les

fresques dans l’école sétoise Louise-Michelou dans la salle de rock Victoire 2 de St-Jean-de-Védas: “Le travail de commande permetde faire des recherches, des connexions, etde les interpréter en images-repères pour unpublic. C’est très intéressant !”Dès les années 1950, à Paris, au studioCyprès, il réalise des “dessins animés” publi-citaires, sur des fauteuils, des machines àlaver ou la sécurité dans le nucléaire. Puis“décore” les sommaires de Match, Elle,Marie-Claire… : c’est le début du “gra-phisme”. De retour à Sète, il illustre les livresoccitans d’Yves Rouquette, ou du Sétois

Jacques Rouré. Et se fait une spécialité deles rehausser à la main “de couleurs et des-sins à fantaisie”, en série limitée. Il dessineaussi des pochettes de disques pour Patrick,Marie Rouanet (occitan), ou Robinson (pourenfants).Alors qu’il travaille déjà avec la réalisatriceAgnès Varda, André Benedetto, le créateurdu festival Off d’Avignon, le propulse commedécorateur de théâtre, pour des troupesrégionales engagées: théâtre de La Carriera,les Bouffons du Midi, théâtre des Carmes.Bosser avec d’autres “artisans”? Pierre Fran-çois se montre toujours partant.

En savoir plus: Pierre François, peintre déco-rateur, de Bernard Derrieu, 1989 (épuisé).

Pierre Françoisa illustré plusd’une dizained’ouvragesliés à laculture duLanguedoc. Safamille lesexpose àl’Espace-Félixdu 1er au 8 déc(voir p. préc.),et envisage derééditer cespetits bijoux.

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Pierre François, l’artisan magicienRebuts, emballages, morceaux de bois : d’un coup de pinceau coloré, le peintresétois Pierre François métamorphose des “petits riens” en œuvres d’art. Objetsinanimés, vous avez donc une âme…

“Je crois que ce qu’on fait demieux, c’est avec ce qu’ona sous la main.” Sous la

main? Le peintre sétois PierreFrançois se prend au jeu. Ausens figuré, celui d’aspirer leséléments du quotidien dans untourbillon coloré. Et, au senspropre, de griffonner, triturer,tartouiller… tout ce qui lui tombesous le pinceau. Par la magie del’acrylique — une révolution —,qui sèche sur tous support. Ilchoisit d’enjoliver des boîtes decamembert avec humilité. Mais,dans le même temps, fait ample-ment confiance à son talentspontané. De sa poésie, il toucheles objets les plus les plus insi-gnifiants, les plus abandonnés.D’un plateau à fromages ébré-ché, il fait une arène. De chaus-sons de laine, des robes dedemoiselles. Des corps gironsà partir de moules à gâteaux oud’emballages de melons. Un dos-sier de chaise courbé devientpoisson et sirène. Bouchons,galet, plan, vieille partition ourouleau de Sopalin… Transcen-dés, hop, en deux temps troismouvements. Suffit de s’émer-veiller, suffit d’improviser. Dansune vie de peinture — PierreFrançois est décédé à 71 ans, en2007 —, impossible de réperto-

Déco de sculptureCamions, voitures, hippopotame, coqs, nageurs ou jouteurs-pantins : à la demandede son frère Pierre François, Robert réalise des sculptures en bois “à décorer”. “LePrintemps voulait acheter 700 pièces ! Mais je faisais ça pour m’amuser, assureRobert François. Je m’efforçais d’être à la hauteur, de l’étonner. Et lui, dès lelendemain, m’étonnait à son tour, comme un jeu.”

Le manège du frigoPierre François peint Les chevaux debois en 1991 sur des plaques de zincbiseautées… En fait, ce sont des portesde frigos de bar, où les bistrotiersstockaient la glace, destinées auferrailleur. Son frère Robert lesrécupère sur le trottoir, et le peintreleur redonne de l’allure en scènes demanèges.

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rier tous les objets détournés.Mais les personnes qui les ontaccueillis, elles, les conserventcomme des joyaux.Son frère Robert a oublié deuxprises électriques chez lui? Il leslui rend transfigurées en bons-hommes, en un petit tableau.Une soirée entre amis? Vite, uncroquis sur l’étiquette de vin.

Il embellit le quotidien…Pierre François est en train dedécorer le comptoir de l’OpenMusic, l’ancien magasin de JoséBel (le directeur du festival FiestaSète). Tant qu’à avoir du rougesur le pinceau, il colore la poutrecentrale. Hop, une fresque quidemeure, 35 ans plus tard, dansl’Espace Félix (1). Et qu’aperçoit-on sur le bureau d’Agnès Varda,dans son film Les plagesd’Agnès? C’est son téléphone,lui aussi décoré par Pierre Fran-çois.Aïe: la pièce montée des mariésressemble à une couronne mor-tuaire. Qu’à cela ne tienne : ilcrée un tableau sur la nougatine(quitte à la rendre imman-geable), insère et colle des petitspersonnages. Et transformegénéreusement l’immondegâteau en superbe cadeau. Telun magicien de conte enfantin.

Espiègle, il n’hésite pas à détour-ner les corvées. C’est au nom deBlériot qu’il laisse ses draps dansune laverie parisienne, en y des-sinant y biplan. Ou avec des“mots rigolos” et des couleursvives qu’il égaye un courrieradministratif pesant.

…et réinvente les matièrespassées.Pas question de sacraliser. Pourlui, les matériaux du passé, siprécieux soient-ils, se destinentà être réinvestis. Il désassemble,réinterprète les objets trouvés.Prend pour toile des ancienssacs d’engrais, de poste, des tran-sats des années 1930. Ne sour-cille pas à réaliser une fresquepar-dessus un décor déjà peintdu Théâtre Molière. Pour lui, latoile, c’est cher. Et “l’archéolo-gie, une invention: nous ne som -mes qu’un des passages de la vie.C’est pour ça que j’aime les puces:ça me donne une idée des fluc-tuations vivaces, de l’air dutemps.” Mais Pierre François etsa créativité n’ont-ils vraimentfait que passer? Pas sûr…(1) C’est là, sur le quai du Gal-Durand qu’a lieu le lancementde l’association Les Amis de PierreFrançois du 1er au 8 décembre(voir p. 9).

Muséobus.Transfiguré par les pinceaux

de Pierre François, ce vieuxbus anglais deviendra

bibliothèquedépartementale ambulante

à la base de Bessilles(Montagnac).

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Le roi de la récup’“J’aime travailler sur ce qui a déjà vécu, ce qui a une mémoire. Ça m’interpelle. Jeprends la transformation en marche.” Pierre François n’hésite pas à écumerdécharges, plages et marchés aux puces autour de Sète (en arrière-plan ici :l’ancienne raffinerie de Frontignan) à la recherche d’objets abandonnés, sans idéepréconçue. Et se plaît à réinventer persiennes, cagettes, bois flotté, bouts de rame,bobines de chantier, bassines, portes, bouts de carton, ardoises, billots ou chaise debébé…

Le courrier de l’amitiéRecevoir un courrier de Pierre François, c’est unepetite fête, voire un brin de Sète… Agnès Varda,Pierre Bouldoire, famille et amis : ils sontnombreux à conserver précieusement (parfoissous verre) leur correspondance avec PierreFrançois. Pas branché téléphone, et encoremoins ordinateur : le peintre correspond parlettres, cartes de vœux et cartons d’invitation,truffant ses enveloppes de dessins, collages,coupures, coupons, emballages…

Réalisé par Raquel Hadida / photos Frédéric Jaulmes - André Hampartzoumian -

Raquel Hadida /

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Les femmes au gouvernailSensuels et pudiques à la fois : les nus de Pierre François s’adaptent à la forme et aux aspérités de ce vieuxgouvernail “surprise” (recto verso). Nœuds, nervures du bois, rouille : il ne cherche pas à les gommer pourimposer sa patte, mais au contraire colorie et griffonne devant, derrière, avec, autour d’elles. En subtilobservateur, et modeste “décorateur”.

Le haut du pavoisFéru de joutes, Pierre François décorait sonpavois gratuitement à tout jouteur qui le luidemandait. Celui-ci date de 1984, mais déjà,lors de la Saint-Louis 1976, une expo de cespavois attire 800 visiteurs dans l’après-midià la galerie Peschot de Sète. En un jour, ilpeint aussi les six étapes des joutes pour enfaire des sets de table (encore disponibles).

L’univers dans une baignoireFoisonnant, coloré, inventif, généreux :l’univers de Pierre François se retrouve danscette Foire en baignoire (1991 et 2000), et semet en mouvement grâce à ses multiplestraits blancs. Le peintre sétois se laisseétonner et influencer par un quotidienpacifique et collectif – poissons, bateaux,fêtes, vélo, vaches… –, mais aussi par l’artdes musées, de la rue, la musique ou lecinéma. Et les magnifie dans une figurationdébridée. “Je me sens comme un poste derécepteur, et ensuite comme untransmetteur. C’est ça, la naïveté, ne pasavoir de couvercle, de presse […] Juste leplaisir physique de peindre.”

! PEINTURE

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