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La Gazette n° 270 - Du 1 er au 28 mars 2012 10 enquête Sète, ça bétonne, ça détonne, ou ça cartonne. Au choix. Des immeubles à barreaux ont poussé rue du Maréchal-Juin, un quartier se prépare aux Salins à l’entrée ouest, face au récent quar- tier de villas de Villeroy. Le quartier de l’île Sud (Honoré-Euzet) fait place à des immeubles de standing, et la Mairie entend investir les friches industrielles de l’entrée est par des immeubles et une marina. Sur la Corniche, la construction de l’immeuble Gaffinel fait débat (voir encadré), tout comme le projet de nouveaux immeubles à l’Île-de-Thau. À Sète, d’ici 2020, plus de 3 000 logements devraient sortir de terre… ou plutôt du béton armé. Face à tant de constructions, les habitants se mon- trent dubitatifs. “J’en veux au maire de rendre la ville moche!”, clame Judith, 26 ans. “Il n’y a pas assez de parcs pour les enfants”, s’attriste Rosetta. “C’est quoi ces cubes blancs à l’entrée? C’est igno- ble!” s’étonne Laurence, de passage à Sète. À l’inverse, Olivier Ganivenq, directeur du groupe immobilier Proméo, perçoit une dyna- mique positive : “Sète s’embellit, Villeroy est une réussite ! Depuis cinq ans, la ville multiplie les constructions, et devient attractive pour les habi- tants comme pour les touristes.” Sur les vitrines des agences immobilières, les pancartes “Idéal investisseur” et “Idéal retraité” fleurissent. “Malgré tous les programmes, le marché n’est pas saturé”, remarque Olivier Ganivenq. Mais est-il adapté ? Selon Anne, propriétaire, “Avec le Scellier*, défiscalisé pour l’investisseur, il y a du logement à louer en pagaille, mais peu de gens solvables à Sète. Leur louer, c’est trop de risques.” Alors l’inoccupé neuf se rajoute à la masse des 20 % de logements insalubres vacants de l’Île Sud, soit 8,2 % sur l’ensemble de la ville en 2008, selon l’Insee. Car se loger à Sète avec de petits revenus, “c’est la galère !, témoigne Aziz, ouvrier en bâtiment de 34 ans. Même à quatre avec 1 500 par mois, pas de place en HLM”. “Ma mère loue depuis quatre ans dans cet immeuble neuf, rue Honoré- Euzet, mais le plafond se fissure et le loyer a trop augmenté : avec sa petite retraite, elle va devoir venir habiter avec moi”, raconte Denis. Course au logement À Sète, tous les opposants politiques locaux fus- tigent la “politique du tout-logement”, de Tous pour Sète (PC, Verts et divers gauche), au Front national, en passant par le PS et Force citoyenne (Centre). Interrogés séparément, ils avancent les mêmes arguments : “Le but n’est pas de construire à tout va. La Ville brade ses terrains et se lance dans une course au logement uniquement pour des raisons financières : plus de taxes fon- cières, meilleure dotation de l’État… Mais c’est la fuite en avant : Sète ne peut pas absorber indé- finiment plus d’habitants sans détériorer la qualité de vie ou ressembler à Hongkong ! (Voir p. 12). France Jamet, candidate aux législatives à Sète pour le FN, va plus loin : “Tous les maires font pareil : avoir plus d’habitants et faire des méga- projets, c’est pour satisfaire leur ego.” Construire sans s’étaler En revanche, pour François Commeinhes, le maire de Sète (UMP), envisager une population de 51 500 habitants à l’horizon 2020 - contre 43 500 aujourd’hui, “ce n’est pas un objectif ! C’est une réalité ! Nous devons l’anticiper, non la subir”. Jusqu’à présent, nouveaux habitants et familles se sont surtout installées autour des villages comme Mèze, Loupian, Poussan, Vic- la-Gardiole, Gigean, en pavillon avec jardin. Urbanisant ainsi 16 % du territoire, contre 11 % dans les autres territoires littoraux français, où la pression de construction triple déjà par rap- port à la moyenne nationale. Selon les géo- graphes du Syndicat mixte du bassin de Thau À Sète, les immeubles poussent comme des champignons, et pour les habitants, les difficultés de logement persistent. Alors que la Ville peaufine sa stratégie d’urbanisme, les opposants dénoncent le “tout-logement” pour attirer une population argentée. Débat. À Sète : faut-il continuer à bétonner ? Sète Mer Méditerranée Etang de Thau La Corniche Mont Saint-Clair Île-de-Thau Le Barrou La Pointe-Courte Les Eaux Blanches Port régional Triangle de Villeroy Les Salins 500 logements Immeuble Gaffinel 13 logements Centre ville ancien 500 logements réhabilités Île Sud Entrée Est 1000 à 1300 logements Outre plusieurs programmes immobiliers privés, la Ville de Sète prévoit de nouveaux quartiers à l’ouest puis à l’est, et rénove le centre-ville ancien. Tous les nouveaux immeubles de plus de cinq logements doivent désormais se doter de 20 % de logements sociaux, contre 17,7 % en moyenne sur l’ensemble de la ville. + 28,3 % + 33,9 % + 3,3 % + 14,8 % + 37,1 % + 35,5 % + 9,5 % + 19,1 % + 8,6 % + 12,3 % + 26 % + 17 % V ac ac ac yr yr yr e + 28 + 28 v ille V + 28,3 % tbazin M M Montbazin al % M % % M % v v e Mir + 3,3 % ,3 % ,3 % oupian Loupian + + P + + 28,3 % ieux ssa % l ussan ussan sa % l alar B B B B oussan % % P % 8 % 8 % Balar 8 % 8 % + 14,8 % ruc- Gig Gigean Gig + 33,9 % + + ruc- diole + 17 % + 17 % Gar ic-la- V + 17 % e e e oupian + 3 + 3 L + 3 oupian Bo ian an B ,1 % 1 37 37 37 Bouzigu aruc-les-Ba 2, + V s-B 12, V - 12, ieux e e V le- e- e- + 12,3 3 + 3 + % % % % % y ad 9 d s yr ad d d s yr ad d yr ,1 r a ,1 yr a e gna e % e % La P La P La P tig gn gn on 1% r F ains ux 3 3 3 % ,1 % 9 9 + 19 ad y a y a yr yr gna tigna na na o r F eux de de an de de an de an- n- % n- % % % de inet P e èz M ,5 % + 35 ète Sète % te % te + 8,6 % % % + 9,5 % Marseillan ei ei Ces 15 dernières années, les petites communes ont absorbé l’essentiel de l’augmentation de la population. Pour “préserver l’essentiel de notre écrin environnemental : l’ étang de Thau et les terres agricoles au nord”, et diminuer le trafic en voiture domicile-travail, le Schéma de cohérence territoriale (Scot) prévoit un développement urbanistique centré sur le triangle Sète-Frontignan-Balaruc. Soit 4 000 logements de plus à Sète d’ici 2030. Augmentation de population entre 1999 et 2007. 010-011-Enquête_270SETE_010_011 28/02/12 16:39 Page10

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La Gazette n° 270 - Du 1er au 28 mars 2012

10 enquête

Sète, ça bétonne, ça détonne, ou ça cartonne.Au choix. Des immeubles à barreaux ont poussérue du Maréchal-Juin, un quartier se prépareaux Salins à l’entrée ouest, face au récent quar-tier de villas de Villeroy. Le quartier de l’île Sud(Honoré-Euzet) fait place à des immeubles destanding, et la Mairie entend investir les frichesindustrielles de l’entrée est par des immeubleset une marina. Sur la Corniche, la constructionde l’immeuble Gaffinel fait débat (voir encadré),tout comme le projet de nouveaux immeublesà l’Île-de-Thau. À Sète, d’ici 2020, plus de 3000logements devraient sortir de terre… ou plutôtdu béton armé.Face à tant de constructions, les habitants se mon-trent dubitatifs. “J’en veux au maire de rendre laville moche!”, clame Judith, 26 ans. “Il n’y a pasassez de parcs pour les enfants”,s’attriste Rosetta.“C’est quoi ces cubes blancs à l’entrée? C’est igno-ble!” s’étonne Laurence, de passage à Sète.À l’inverse, Olivier Ganivenq, directeur dugroupe immobilier Proméo, perçoit une dyna-mique positive: “Sète s’embellit, Villeroy est uneréussite ! Depuis cinq ans, la ville multiplie lesconstructions, et devient attractive pour les habi-tants comme pour les touristes.” Sur les vitrinesdes agences immobilières, les pancartes “Idéal

investisseur” et “Idéal retraité” fleurissent.“Malgré tous les programmes, le marché n’estpas saturé”, remarque Olivier Ganivenq. Maisest-il adapté? Selon Anne, propriétaire, “Avecle Scellier*, défiscalisé pour l’investisseur, il y adu logement à louer en pagaille, mais peu de genssolvables à Sète. Leur louer, c’est trop de risques.”Alors l’inoccupé neuf se rajoute à la masse des20 % de logements insalubres vacants de l’ÎleSud, soit 8,2 % sur l’ensemble de la ville en2008, selon l’Insee.Car se loger à Sète avec de petits revenus, “c’estla galère!, témoigne Aziz, ouvrier en bâtimentde 34 ans. Même à quatre avec 1500!par mois,pas de place en HLM”. “Ma mère loue depuisquatre ans dans cet immeuble neuf, rue Honoré-Euzet, mais le plafond se fissure et le loyer a tropaugmenté: avec sa petite retraite, elle va devoirvenir habiter avec moi”, raconte Denis.

Course au logementÀ Sète, tous les opposants politiques locaux fus-tigent la “politique du tout-logement”, de Touspour Sète (PC, Verts et divers gauche), au Frontnational, en passant par le PS et Force citoyenne(Centre). Interrogés séparément, ils avancentles mêmes arguments : “Le but n’est pas de

construire à tout va. La Ville brade ses terrains etse lance dans une course au logement uniquementpour des raisons financières: plus de taxes fon-cières, meilleure dotation de l’État… Mais c’estla fuite en avant: Sète ne peut pas absorber indé-finiment plus d’habitants sans détériorer la qualitéde vie ou ressembler à Hongkong! (Voir p. 12)”.France Jamet, candidate aux législatives à Sètepour le FN, va plus loin: “Tous les maires fontpareil : avoir plus d’habitants et faire des méga-projets, c’est pour satisfaire leur ego.”

Construire sans s’étalerEn revanche, pour François Commeinhes, lemaire de Sète (UMP), envisager une populationde 51500 habitants à l’horizon 2020 - contre43500 aujourd’hui, “ce n’est pas un objectif !C’est une réalité! Nous devons l’anticiper, nonla subir”. Jusqu’à présent, nouveaux habitantset familles se sont surtout installées autour desvillages comme Mèze, Loupian, Poussan, Vic-la-Gardiole, Gigean, en pavillon avec jardin.Urbanisant ainsi 16 % du territoire, contre 11 %dans les autres territoires littoraux français, oùla pression de construction triple déjà par rap-port à la moyenne nationale. Selon les géo-graphes du Syndicat mixte du bassin de Thau

À Sète, les immeubles poussent comme des champignons, et pour leshabitants, les difficultés de logement persistent. Alors que la Ville peaufinesa stratégie d’urbanisme, les opposants dénoncent le “tout-logement” pourattirer une population argentée. Débat.

ÀSète: faut-il continuer

à bétonner?

SèteMer Méditerranée

Etangde Thau

La Corniche

Mont Saint-Clair

Île-de-Thau

Le Barrou

La Pointe-Courte

Les Eaux Blanches

Port régional

Triangle de Villeroy

Les Salins500 logements

Immeuble Gaffinel13 logements

Centre ville ancien500 logements réhabilités

Île Sud

Entrée Est1000 à 1300 logements

Outre plusieursprogrammesimmobiliers privés, laVille de Sète prévoit denouveaux quartiers àl’ouest puis à l’est, etrénove le centre-villeancien. Tous lesnouveaux immeublesde plus de cinqlogements doiventdésormais se doter de20 % de logementssociaux, contre 17,7 % enmoyenne sur l’ensemblede la ville.

+ 28,3 %+ 33,9 %

+ 3,3 %

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Ces 15 dernières années, les petites communes ont absorbél’essentiel de l’augmentation de la population. Pour“préserver l’essentiel de notre écrin environnemental:l’étang de Thau et les terres agricoles au nord”, et diminuerle trafic en voiture domicile-travail, le Schéma de cohérenceterritoriale (Scot) prévoit un développement urbanistiquecentré sur le triangle Sète-Frontignan-Balaruc.Soit 4000 logements de plus à Sète d’ici 2030.

Augmentation de populationentre 1999 et 2007.

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La Gazette n° 270 - Du 1er au 28 mars 2012

réalisé par Raquel Hadida /photos Raquel Hadida, Microclimax /

Infographie Philippe Crespy - A. Yanelle

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8DOCUMENTSD’URBANISMEScot:Schéma de cohérenceterritorial. Géré par le Syndicatmixte du bassin de Thau (SMBT)qui regroupe Thau Agglo et laCommunauté de communes dunord bassin de Thau, il permetde réfléchir l’urbanisme àl’échelle d’un bassin de vie.Après des années deconcertation, le documentdevrait être approuvé cet été.Dès fin 2012, tous les documentsd’urbanismesdes 14 communesdevront être conformes auxorientations du Scot En 2013,le SMBT prévoit des Assises duterritoire pour évaluer chaqueprojet.

Padd:Plan d’aménagement etde développement durable. Ceprojet définit les grandesorientations pour la ville et luidonne sa cohérence. À Sète, lePadd a été voté en décembre, etune réunion publique lui a étéconsacrée le 17 février.

Ppri:Plan de prévention durisque inondation. Obligatoiredepuis 1995, mais approuvé en2011 à Sète, il définit laconstructibilité dans lessecteurs susceptibles d’êtreinondés. Retoqué une premièrefois, il a bénéficié d’unedérogation de l’État poursurélever le terrain de 2 mètresde hauteur aux entrées ouest etest. La montée des eauxprévisionnelle, liée auréchauffement climatique, n’estpas prise en compte.

Plu:Plan local d’urbanisme. Ilremplace l’ancien Pland’occupation des sols (Pos) pourintégrer les orientations définiespar les documents ci-dessus. LePlu définit la destinationprincipale de chaque zone de lacommune, donc les secteurs àconstruire. Et, quartier parquartier, rue par rue, un nombred’étages et une densitémaximum. À Sète, le Plu devraitêtre approuvé début 2013.

Zac:Zone d’aménagementconcertée. À l’inverse l’unlotissement, la Zac est un terrainacquis par la collectivité pour ydécider d’un aménagementurbain avec des usages définisprécisément: résidencestourisme, bureaux, commerces,lieux publics…. Elle l’équipe enpartenariat avec d’autresaménageurs.

(SMBT), présidé par François Commeinhes, “cetétalement urbain coûte cher en réseaux pour lesmunicipalités, il sature les stations d’épurationavec des risques de pollution de l’étang de Thau,et grignote les espaces agricoles, indispensablesà notre alimentation future. Au rythme actuel,dans vingt ans, on aura 65000 habitants de pluset tout sera bétonné! “Pour inverser la tendance, le futur schéma (leScot, voir ci-contre) prévoit que le triangle Sète-Frontignan-Balaruc absorbe 50 % des habitantssupplémentaires, au lieu de 20 à 25 % les dixdernières années.Ainsi, via une société d’économie mixte, la SAElit, Sète dynamise la promotion immobilière,en partenariat avec Nexity, FDI promotion,Bouygues… Pour Philippe Ribouet, présidentde la Fédération des promoteurs immobiliersdu Languedoc-Roussillon, “Sète est une ville at-tractive: on y construit autant qu’à Nîmes alorsque la ville est quatre fois plus petite”.Car, appuie l’Agence départementale d’infor-mation sur le logement, le marché du logementà Sète fait partie des secteurs les plus tendusde l’Hérault, avec un loyer moyen de 10,80!/m2

contre 8,30!/m2 à Béziers et 13,30!/m2 àMontpellier. “Il y a pénurie: construire des loge-ments pour répondre à la demande paraît perti-nent. Même si ça ne résout pas les problèmes desménages à faibles revenus et des jeunes.”

Vivre et travailler à SèteAinsi, densifier la “ville-centre” du bassin deThau “pousse les gens à revenir habiter en ville,pour leur éviter 15 à 20 km d’aller-retour quoti-dien au travail. C’est ça, le vrai développementdurable!”, se ravit François Commeinhes. Surle principe, tout le monde est d’accord (voirEntretien p. 22). Mais, justement, “encore faut-il que les gens aient un emploi à Sète! s’écrientses opposants politiques. Rien n’est pensé pourl’économie: on va tout droit vers une ville de re-traités — on n’a rien contre les retraités, mais ilfaut mélanger —, une ville-dortoir où les Sétoisdoivent aller travailler à Montpellier. On va versune ville morte!” Leurs arguments: l’éloignement des activitésportuaires et le “manque de concertation avecles PME locales”, regrette Philippe Sans, de Forcecitoyenne. Pour tout miser sur les immeublesde standing, et, à l’entrée est, sur le tourismede luxe — croisière, grande plaisance et ma-rina —,” alors que la capacité hôtelière ne suitpas”, note André Lubrano au PS. Pour AntoineLoubière, rédacteur en chef d’Urbanismes, “riend’étonnant: Sète suit la même voie que les grandesvilles ports, Barcelone, Marseille, Casablanca,Le Havre. Mais, plus petite, elle gagnerait peut-être à conserver son caractère”.Le maire, lui, assure vouloir développer des ac-tivités artisanales, ainsi que des locations pourles étudiants et les saisonniers. Qui ont bien dumal à se loger dans les 500 T1 de Sète (selonl’Insee)…destinés surtout aux estivants. Pourle promoteur Philippe Ribouet, l’explication estsimple: “Il y a trop peu de terrains, donc ils sonttrop chers et ce sont les locataires qui trinquent.Il faudrait laisser l’essentiel des terrains construc-tibles.” Après le Padd (voir ci-contre), on attendavec impatience le Plan local d’urbanisme deSète, qui devrait repréciser les contraintes auxpromoteurs. D’ici un an.

*Les aides à l’investissement dans les logementsou “loi Scellier” se sont ralenties et doivent s’arrêterfin 2012, entraînant, selon les promoteurs, unralentissement du marché du logement.

Entrée ouest: les SalinsLe projet:500 logements, avec commerces de rez-de-chaussée, pour un éco-quartier en Zac (voircolonne de gauche), dès 2013.

Les critiques:C“Il risque de ne pas y avoir d’école.” Un équi-pement public est prévu: son usage dépen-dra des besoins.CUn manque d’articulation avec les quar-tiers des Quilles et de Villeroy.CLa communication sur les logements basseconsommation, déjà obligatoires par lesnormes RT 2012. Une écologie de privilé-giés.CL’urbanisation d’une zone écologique sen-sible. Néanmoins, les anciens marais n’ontpas été classés en zone humide par la mu-nicipalité Liberti.

La Corniche:l’immeuble GaffinelLe projet (privé):Au bout de l’enfilade actuelle d’immeublessur la Corniche, Christian Gaffinel entendconstruire un immeuble de 13 logements,sur son terrain, constructible. Un projetcontré par l’association de sauvegarde descriques de Sète. Les travaux ont néanmoinscommencé en décembre 2011, avant de s’in-terrompre en janvier, “pour des soucis declôture de chantier”, selon la Ville. Et Thauagglo demande la restitution d’une bandede 4 m de large empiétant sur son terraingéré en Natura 2000, qu’elle loue en bailemphytéotique à Christian Gaffinel.

Les critiques:CFragile, la falaise risque de s’écrouler. Lescontribuables sétois paieraient donc la conso-lidation de la falaise… pour un privé.“Scandaleux” et “aberrant” pour les oppo-sants. Pour le maire, ces peurs ne sont pasfondées.CL’immeuble va boucher le paysage sur laCorniche, malgré son atout touristique. Pourles opposants (Force citoyenne, Tous pourSète), la Ville aurait dû préempter pour ter-miner la promenade en beauté avec un es-pace public, des pins… Mais le terrain n’étaitpas à vendre.

L’entrée estLe projet:1000 à 1300 logements d’ici 2020 sur la“reconversion des friches industrielles”, en-tre la voie ferrée, le bassin de Cayenne et lequai des Moulins, transformé en marina.Cette densification d’habitat autour de la fu-ture gare multimodale va de pair avec undéplacement des activités industrielles liéesau port vers des espaces plus accessibles aux

transporteurs. D’une part vers la digueZiffmar (côté Frontignan), et d’autre part surla zone logistique arrière (“hinterland”)à Poussan.

Les critiques:C”Qui voudra habiter à côté des usines pol-luantes, de l’incinérateur?”CLe manque d’ambition pour l’activité éco-nomique. À l’est, les opposants imaginentun pôle d’activités innovantes liées à l’eau(Tous pour Sète, Force citoyenne), voire uneUniversité de la mer (PS), pour attirer unepopulation jeune et active.CLe “tout-camion” de l’”hinterland” prévuprès de l’A9, alors que sur le port, les contai-ners peuvent partir par train et par bateaudès l’élargissement du canal. Les opposantssont divisés : le PS approuve l’hinterland,Force citoyenne le verrait réduit à un tiers,Tous pour Sète imagine la zone logistiquesur la zone de la Foirfouille-Emmaüs (limiteFrontignan-Sète).

Le centre-ville ancienLe projet:Trois programmes pour réhabiliter 500 lo-gements, souvent insalubres, d’ici 2020:CUn périmètre de restauration immobilière(Pri) de démolitions-reconstructions, en coursdans le quartier Honoré-Euzet.CUn Programme national de requalificationdes quartiers anciens dégradés (Pnrqad),dans les quartiers de l’Île Sud (Euzet), Révo -lution et Quartier-Haut, intégrant la produc-tion de 20 % de logements sociaux.CUne troisième Opération programmée del’amélioration de l’habitat (Opah), avec dessubventions à la rénovation pour les proprié-taires.

Les critiques:CTous estiment la rénovation nécessaire.Mais les opposants pointent le manque deconcertation, avec des réunions simplementinformatives.CLa volonté de faire changer la population.Selon eux, “les appartements “de standing”seront inaccessibles aux locataires actuels quidevront partir du quartier. Ainsi, la mixité so-ciale des Maghrébins, des anciens habitantssétois et des nouveaux risquerait d’être détruitepour favoriser des familles aisées. Et le plafon-nement des loyers n’empêchera pas cette “gen-trification”, qu’on observe dans tous les cen-tres-villes anciens rénovés”.CLa destruction du patrimoine, comme l’an-cienne brasserie alsacienne ou les chais. RueMaurice-Clavel, les Bâtiments de France dé-cident de conserver la façade d’un chai.CLe manque d’”aération”: ni espace vert niperspectives vers les quais (voir p. suivante).Au Quartier Haut, un immeuble rasé seranéanmoins “cureté” pour créer une placette.

Les quartiersqui fâchent

“Prison”, ou“innovation” ?Sur l’avenue duMaréchal-Juin,l’immeubleBulle marineprovoque desréactions.

Rue Honoré-Euzet, lesimmeublesvétustes sontremplacés pardes résidencesde standing.

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“On dirait une prison!” s’émeut Jeanine,73 ans, au pied des immeubles Bullemarine “à barreaux”, avenue du

Maréchal-Juin à Sète, “construire, d’accord, maispas comme ça!” Romain, 34 ans, trouve, lui, lesimmeubles en “œuf” “originaux et novateurs”. Etles habitants installent guirlandes et serviettesmouillées sur les barreaux, à la méditerranéenne.Bref, l’esthétique de l’architecture, ça dépenddes goûts et des couleurs. Mais, à construirecomme aujourd’hui, une partie de la populationet des opposants politiques craignent la trans-formation de la ville portuaire en ville “banale”,“lambda”, “aseptisée” et “sans âme”…alors queSète plaît justement aux touristes et attire deshabitants pour son authenticité. “Les filets quiempêchent de passer sur les quais, vous trouvezça authentique?”, questionne Philippe Ribouet,président de la Fédération des promoteurs im-mobiliers du Languedoc-Roussillon.

Du neuf convivialD’après Olivier Ganivenq, directeur de Proméoimmobilier, “la mixité d’usages, le mode de viedes gens est un réel sujet de préoccupation dansles réunions urbanistiques à Sète”. Alors quepour Benjamin Jacquemet-Boutes et CarolynWittendal, architectes-artistes sétois de Micro -climax, “Sète prend le chemin de la ville générique— et non généreuse —: efficace, rentable, sécurisée,voire photogénique, comme le centre Euralille àLille, mais standardisée et produite indifférem-ment de la culture locale, comme on pourrait faireen Picardie ou en Savoie! Adaptée aux cadressup’, cette ville a tendance à sécuriser et à priva-tiser l’espace public. Les résidences sont ferméessur elles-mêmes: dans la rue du Maréchal-Juin,on a le choix entre mur… et mur!” “Oui, les appartements sont standardisés du faitde toutes les normes de construction qui pèsent

sur l’immobilier, explique Philippe Ribouet. Maisles habitants se les approprient et chacun devientdifférent. Pareil pour les quartiers, il faut prendreen compte le facteur temps, l’évolution sur 20,40 ans! Antigone, à Montpellier, paraissait froid,mais aujourd’hui, c’est un quartier animé.”Pour Microclimax, “le neuf peut recréer des si-tuations conviviales”, à condition d’inventer“des espaces partagés facilement appropriables.Comme à la Pointe-Courte où on sort les tablesdans la rue, ou au Quartier-Haut où les gaminsjouent dans les venelles: c’est local, et efficace so-cialement. Il suffit de modeler des zones de tran-sition entre espace public et espace privé. Parexemple, un retrait d’un mètre devant les portesd’entrée, ou une placette intime, avec une sculptureoù on peut grimper (photo)”.

Des espaces verts stratégiques“Au lieu d’un grand espace, mieux vaut multiplierles petits espaces verts de proximité, réellementutilisés par la population”, acquiesce Anne Sistel,professeure d’architecture. Mais FrançoisCommeinhes n’est pas de cet avis: “Je préfèreéviter les petits squares, vite dévolus aux chiens,qu’il faut arroser: on n’est pas en Bretagne! Etj’opte plutôt pour valoriser la Corniche, le bordd’étang en poursuivant le chemin au Barrou, etplanter des arbres méditerranéens.”Selon Anne Sistel, “Les arbres autour des rési-dences servent à créer une belle vue, pour pouvoirvendre les appartements, donc le terrain, pluscher: ils sont payés par le public, mais serventau privé, explique l’architecte. Ainsi, dans desimmeubles entourés de vert, on loge moins d’ha-bitants que dans des maisons mitoyennes, commeà l’entrée de Balaruc. Un projet urbain durable,ce n’est pas “mettre du vert” dans une Zac pourfaire joli !”

Une ville dense sans être étouffante, pratique etconviviale, moderne et authentique à la fois : Sèteparviendra-t-elle à construire en respectant sonidentité ? Les urbanistes donnent des pistes.

Une ville à vivre

Urbanisme d’ensembleC

“Les promoteurs ont carte blanche”,et l’urbanisme sétois “manque

d’harmonisation : la Ville crée des plansd’urbanisme en fonction des projets épars, aulieu de réfléchir dans une vision d’ensemble”,critiquent tous les opposants politiques sétois(FN, Force citoyenne, PS, Tous pour Sète).De l’avis d’Anne Sistel (professeured’architecture), “Sète est assez attractive pourimposer un cahier des charges exigeant auxpromoteurs, à l’inverse de Lodève”. MaisMartine Arquillère, directrice du serviceurbanisme de la ville, affirme “harceler tous lesjours les promoteurs au téléphone” pourimposer ses desiderata, notamment sur leslogements sociaux, et travailler en direct avecdes urbanistes et des architectes, sans y êtreobligée.Malgré les “bonnes intentions du Padd (voirp. précédente)”, les opposants s’inquiètent dela capacité de la ville :“En multipliant lenombre d’habitants, les infrastructurespubliques -déchets, eaux usées, loisirs… -risquent l’engorgement. Tout comme lacirculation : on ne peut déjà plus se garer nicirculer, ça va être invivable !” Le site Web desfuturs Salins, à l’entrée ouest, vante d’ailleursun quartier “à 5 minutes du centre-ville envoiture”. De nuit sans doute.La Ville, elle, assure anticiper : “Avec ThauAgglo, nous prévoyons l’augmentation decapacité de la station d’épuration à 195 000équivalent-habitants pour 2020, et nousdiminuons déjà le volume de déchets traitésgrâce au tri sélectif, malgré l’augmentation dela population.” Côté circulation, elle a doubléle nombre de stationnements pour deux-roues, et prévoit parkings d’entrée de ville,navettes maritimes et “circulation douce” pourdissuader les visiteurs de pénétrer en voiture.

Une ville de qualitéC

À quoi tient la qualité de vie dans une ville ? Pour Anne Sistel,enseignant-chercheur spécialisée sur le projet urbain durable

à l’école d’architecture de Montpellier, et Antoine Loubière, rédacteuren chef du magazine Urbanismes, chaque quartier doit être :- diversifié dans ses fonctions. Au-delà des logements, il doit comprendredes commerces, des équipements scolaires, sportifs, culturels, des placeset des espaces verts, ainsi que des entreprises. Ce qui évite de prendre lavoiture pour les activités courantes.- bien relié vers le centre-ville et les autres quartiers - à pied, en voiture,et en transports collectifs.- économe en énergie, équipé pour la récupération des déchets.- diversifié dans ses formes architecturales contemporaines, pour éviterl’impression de bâtiments écrasants, trop uniformes, comme les “barres”,ou les studios “cabines” de tourisme des années 60.- inscrit dans le paysage et dans les usages locaux, au lieu d’unearchitecture standardisée. En travaillant avec une multiplicité depromoteurs et d’architectes, et en réservant des espaces de convivialité(voir ci-dessus).

Pour les artistes-architectes deMicroclimax, créer dela convivialité, c’estloin d’être ruineuxpour la Ville : “Pour30 000 à 100 000 !,dans un petit espace,la ville peut créer unlieu artistique hyper-généreux !” Commecette sculpture en boissur une place publique(ici à Saint-Gervais-sur-Mare), où grimper et serencontrer. “Pour Sète,on imagine aussi unjardin mobile sur uneancienne barge.”

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